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Session ordinaire de 1999-2000 - 60ème jour de séance, 141ème séance

SÉANCE DU JEUDI 2 MARS 2000

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LES CITOYENS (nouvelle lecture) 2

ART. 8 10

ART. 10 10

ART. 14 11

ART. 24 11

ART. 25 12

ART. 26 ter A 12

ART. 26 quater 13

ART. 27 AA 14

ART. 27 15

EXPLICATIONS DE VOTE 15

La séance est ouverte à quinze heures.

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RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LES CITOYENS (nouvelle lecture)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'informe que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Le projet que je vous propose d'adopter ayant déjà été débattu deux fois dans cette enceinte, vous en connaissez et le contenu et les objectifs. Vos travaux ont largement contribué à l'améliorer et à régler la plupart des difficultés pendantes. Nous faisons ainsi, ensemble, un pas de plus dans une réforme de longue haleine car, comme nos citoyens, nous voulons des administrations plus accessibles, plus rapides dans leurs réponses et d'un fonctionnement moins opaque, bref, plus respectueuses des droits des citoyens. Certes, une fois le texte voté, nous n'allons pas nous dire entièrement satisfaits, ni penser que la réforme de l'Etat est chose faite. Mais ce projet est une étape importante.

De nombreuses dispositions sont désormais adoptées par les deux chambres dans une rédaction conforme. Toutefois, en dépit des efforts de tous et notamment de votre rapporteuse, Mme Ledoux, la commission mixte paritaire n'a pas abouti à un accord, ce que je regrette. Du moins les désaccords sont-ils désormais peu nombreux et clairement circonscrits.

Vous vous prononcerez aujourd'hui sur la rédaction du texte que vous avez adopté le 23 novembre 1999. Quelques modifications y seront toutefois introduites par amendements. Ceux que votre commission des lois a adoptés n'apportent que quelques précisions résultant des entretiens avec les personnalités qualifiées qui se sont poursuivis tout au long des débats.

Sans entrer dans le détail du texte, je me limiterai à évoquer, en introduction, les points principaux que nous allons revoir ensemble et, en premier lieu, la rédaction de l'article 10. Vous aviez, en première lecture, adopté un amendement créant une obligation de transparence des comptes pour les administrations auxquelles elle ne s'imposait pas encore comme pour les associations recevant des subventions de personnes publiques. Lors de la deuxième lecture, vous avez adopté un amendement du Gouvernement qui détaillait les obligations imposées aux unes et aux autres. Vous avez adopté des amendements qui précisent encore le texte et qui apaisent les inquiétudes de certaines associations. J'y suis favorable, car je souhaite que ce texte simplifie l'accès à l'information de l'ensemble des usagers sans pour autant faire peser des charges supplémentaires sur cette catégorie particulière d'usagers que sont les associations.

Le titre IV bis portant des dispositions relatives à la fonction publique a été adopté dans une rédaction identique par les deux assemblées pour la plupart de ses articles. Les seuls sujets de désaccord entre les deux assemblées sont les articles qui tirent les conséquences de l'arrêt « Berkani » du tribunal des conflits qui a mis fin à la distinction entre agents de droit public et agents de droit privé fondée sur la nature des tâches accomplies. Par cet arrêt, le tribunal des conflits a reconnu comme agent contractuel de droit public les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif, quel que soit leur emploi.

Par les articles 26 quater et 26 quinquies, le Gouvernement propose à l'Assemblée de tirer les conséquences de cet arrêt pour les personnels qui avaient été recrutés par des contrats de droit privé sous le régime de la jurisprudence antérieure. J'ai en effet le souci de clarifier la situation juridique de ces agents et de préserver leurs droits. C'est pourquoi ces articles leur offrent des contrats à durée indéterminée de droit public, mais aussi un droit d'option pendant un an, car certains peuvent avoir avantage à conserver leur statut de droit privé, notamment pour pouvoir cumuler plusieurs emplois lorsqu'ils ne travaillent pour une administration qu'à temps très incomplet. J'ajoute que le Gouvernement a engagé une réflexion d'ensemble sur le régime des cumuls d'activité des agents publics pour apporter une solution aux problèmes incontestables des agents exerçant à temps incomplet.

Les articles mentionnés appliquent la jurisprudence « Berkani » aux agents de l'Etat et à ceux des collectivités territoriales. Ce sont ceux qui ont provoqué l'échec de la commission mixte paritaire. Le Sénat, soutenu par la droite de votre Assemblée, a en effet adopté un texte moins favorable aux agents. Il dispose en effet que les salariés qui bénéficient actuellement de contrats à durée indéterminée, deviendraient, s'ils choisissaient le régime de droit public, des contractuels à durée déterminée. Le Gouvernement ne peut se satisfaire d'un tel retour en arrière. Ce serait plonger dans la précarité des salariés qui, en ce moment ont, pour la plupart, une situation stable. Ce désaccord n'a pu être surmonté, et je vous demanderai bien entendu d'adopter le texte dans la version que vous avez retenue en deuxième lecture et de conserver aux agents le bénéfice d'une situation plus favorable que celle qu'a prévue pour eux le Sénat.

Je connais votre volonté de répondre toujours mieux aux besoins de la population et aux exigences de notre temps en matière de services publics ; elle est aussi la mienne. La modernisation des services publics est partie intégrante de la politique menée par le Gouvernement, qu'il s'agisse d'intégration, de lutte contre les exclusions ou de politique de la ville, car les services publics sont des éléments essentiels du pacte républicain.

Les agents publics ont à c_ur de prendre toute leur place dans cette tâche. Nous contribuons, en adoptant ce texte, à tracer précisément leurs engagements vis-à-vis des citoyens. Ceux-ci attendent beaucoup de leurs services publics et leur font confiance. La réponse prompte et efficace des agents publics lors des récentes tempêtes et de la marée noire n'a fait que renforcer cette confiance. C'est dans cet esprit que je vous demanderai d'adopter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Claudine Ledoux, rapporteuse de la commission des lois - L'Assemblée nationale est aujourd'hui amenée à examiner ce projet, en nouvelle lecture.

La commission mixte paritaire réunie le 19 janvier dernier n'est, en effet, pas parvenue à un texte commun sur les points restant en discussion, malgré notre volonté de négocier. Les lectures précédentes avaient pourtant permis d'aboutir à un accord sur de nombreuses dispositions. Ce projet comporte une série de mesures visant à faciliter la vie quotidienne de nos concitoyens et à rendre les autorités administratives moins lentes, moins opaques et plus proches des usagers, par exemple l'obligation pour l'administration d'accuser réception d'une demande ou la réduction des délais au terme desquels on considère qu'il y a décision implicite. Le Sénat s'est prononcé dans les mêmes termes que notre Assemblée sur ces points, ainsi que sur le champ d'application de la loi, la mise en cohérence des lois relatives à la CNIL et aux archives, les dispositions concernant le médiateur de la République.

Mais sur d'autres articles, le Sénat a préféré retenir une conception souvent très conservatrice, voire archaïque, des relations entre l'administration et le citoyen, en contradiction avec la philosophie du projet. Il a notamment refusé d'inscrire dans la loi le principe général d'un accès simple aux règles de droit, au motif que cette disposition était dépourvue de valeur normative. La commission estime, au contraire qu'elle a sa place dans ce projet car elle réaffirme que la mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public.

En outre, les sénateurs ont introduit un article 5 bis qui impose aux associations formant un recours contre une décision d'urbanisme de consigner une somme d'argent auprès du greffe du tribunal administratif. Outre que cette disposition visant à lutter contre les recours abusifs est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la justice, elle ne peut figurer dans un texte dont l'objet est d'accroître les droits des citoyens.

Le Sénat a également choisi d'insérer les mesures concernant les Maisons de service public dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, alors qu'elles relèvent d'une logique d'amélioration des relations entre les administrations et les usagers. Le Sénat a, par la même occasion, éliminé les précisions concernant le statut des personnels de ces maisons, qui visaient à empêcher le développement de l'emploi précaire.

Enfin, il a supprimé les amendements du Gouvernement tendant à transcrire dans la loi la jurisprudence dite « Berkani », qui permet aux agents de catégorie C de bénéficier de contrats de droit public à durée indéterminée. Il y avait pourtant urgence à légiférer dans ce domaine, compte tenu des conséquences positives de cet arrêt en termes de statut, de rémunération et de droits sociaux.

C'est sur ce dernier point que la commission mixte paritaire a échoué. Les sénateurs proposaient de conclure avec les 15 000 agents concernés des contrats à durée déterminée de trois ans renouvelables, ce qui aurait aggravé la précarité de leur situation. Les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale sont donc apparues inconciliables.

En conséquence, l'Assemblée se trouve à nouveau saisie du texte qu'elle a voté en deuxième lecture, sous réserve de quelques amendements techniques et rédactionnels proposés par notre commission des lois.

Je vous invite donc à confirmer les choix opérés en deuxième lecture et qui sont conformes à la philosophie de ce projet. Celui-ci s'inscrit en effet dans la volonté de restaurer le pacte républicain, réaffirmée depuis juin 1997 par le Premier ministre. Il s'agit de rapprocher les citoyens des administrations, à une heure où la résorption des inégalités et la lutte contre les exclusions nécessitent que les Français reprennent confiance dans la capacité d'action et de transformation de leurs services publics. Ceux-ci sont reconnus dans le monde entier pour le rôle qu'ils jouent dans le maintien de la cohésion sociale. L'approfondissement de l'Etat de droit et de la démocratie ne pourra s'opérer sans le concours des agents de la fonction publique. Ce texte ne saurait fournir un prétexte pour décrier des fonctionnaires méritants, mais doit au contraire être l'occasion de rapprocher les citoyens de leurs administrations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Tout d'abord, un point d'histoire : ce texte reprend globalement l'économie du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, qui avait été présenté par le gouvernement d'Alain Juppé et dont l'examen législatif était presque achevé lorsqu'intervint la dissolution de l'Assemblée nationale, en avril 1997.

Personne ne peut nier qu'il est animé de bonnes intentions. Il est en effet fondamental de rapprocher l'administration des citoyens qu'elle est supposée servir. Depuis des années, les protagonistes de tous bords dénoncent le caractère impénétrable des voies de l'administration.

Certes, il ne s'agit pas ici de faire son procès. Mais, qui peut prétendre n'avoir jamais été confronté à des « tracas administratifs », qui transforment parfois une simple formalité en cauchemar ?

L'administration ne constitue pas le lieu d'évolution naturel du citoyen et lorsque nous effectuons une démarche administrative, nous sommes nombreux à nous sentir en terrain miné.

L'administration, en principe, est là pour nous aiguiller et nous conseiller. Or elle renvoie souvent une image inverse, celle d'un méandre de procédures complexes qui mettent le citoyen à la merci du bon vouloir de quelques fonctionnaires.

Un certain nombre de dispositions de ce projet, apparemment anodines, auront à cet égard un impact important -je pense à l'obligation pour l'administration d'accuser désormais réception des demandes qu'elle reçoit, ou à la multiplication des cas où le silence de l'administration sera considéré comme une décision implicite d'acceptation.

Toutes ces mesures vont dans le sens d'une administration au service du public, telle qu'annoncée par les gouvernements successifs, qu'ils soient de droite ou de gauche.

Pour autant, je ne peux décerner un satisfecit complet. En effet, ce texte se caractérise par un contenu disparate et on a du mal à y distinguer une architecture d'ensemble.

Toutes les mesures visant à plus de transparence administrative et financière, et à l'amélioration des procédures vont dans le bon sens. Mais je ne suis pas convaincu que ce saupoudrage réponde au besoin de clarification et de simplification.

A l'évidence, aujourd'hui, l'administration et l'homme de la rue ne parlent pas le même langage. L'administration apparaît comme un monde à part, avec sa logique propre, qui échappe à la plupart d'entre nous. Or ce texte ne contribuera pas à changer fondamentalement cette perception.

Et cela est vrai sur le fond comme sur la forme. On serait en droit d'attendre d'un texte qui entend simplifier les relations entre l'administration et les citoyens qu'il soit lui-même simple. Or celui-ci est considérablement alourdi par des dispositions inutiles, qui figurent déjà dans d'autres textes. C'est le cas, notamment des dispositions relatives aux maisons de services publics.

L'article 24 prévoit, par exemple, qu'une convention fixera les conditions dans lesquelles les personnes morales mettront les locaux à la disposition de la maison de services publics et les modalités de désignation du responsable de ces maisons. Je ne critique pas, dans son principe, la création de maisons de services publics, encore que le titre retenu me paraisse assez étrange. Mais la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement du territoire prévoit déjà la possibilité, pour les acteurs locaux et l'Etat, d'assurer, en mettant des moyens en commun, l'accessibilité et la qualité des services publics. Je ne vois donc pas ce que le texte apporte de nouveau dans ce domaine.

Deux autres points méritent que l'on s'y arrête. D'abord c'est à bon droit que le Sénat a introduit un article 5 bis tendant au dépôt d'une sorte de caution par les associations lorsqu'elles forment un recours contre une décision d'urbanisme. Il ne s'agit nullement de les brimer, mais de permettre aux pouvoirs publics d'agir rapidement, sans être paralysés par des recours excessifs.

Enfin, les dispositions des articles 26 quater et 26 quinquies font problème. Elles tendent à transposer dans la loi la jurisprudence Berkani du tribunal des conflits de 1996, selon laquelle « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ».

Mme le rapporteur a souligné que cette disposition ne devait concerner que les personnels de catégorie C, précisant que les personnes déjà en poste pourraient choisir entre un régime de droit privé ou de droit public. En revanche, celles recrutées après l'entrée en vigueur de la loi devraient bénéficier d'un contrat de droit public à durée déterminée. N'est-ce pas oublier un des principes du statut de la fonction public, à savoir l'interdiction du cumul d'emplois entre activités publiques et activités privées ? De plus, cette disposition risque d'engendrer un recours accru à la sous-traitance pour les activités partielles ou saisonnières.

Au total, si nombre des dispositions du texte répondent à des besoins évidents, elles ne sont guère originales.

D'autres laissent à penser que la réforme de l'Etat ne fait pas véritablement partie des priorités du Gouvernement. A preuve la suppression du commissariat à la réforme de l'Etat, remplacé par une délégation interministérielle qui, ne dépendant que du ministère de la fonction publique, aura bien du mal à s'imposer face à Bercy.

Pour le groupe Démocratie libérale, qui aspire à une grande réforme de l'Etat, ce texte quelque peu fourre-tout manque d'ambition. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Patrice Carvalho - Participant au mouvement plus vaste de la réforme de l'Etat, ce texte a permis à chacun d'entre nous de développer ses conceptions en matière de modernisation des services publics. A nos yeux l'essentiel, pour nos services publics, est de contribuer efficacement à la lutte contre les exclusions et à l'aménagement durable du territoire. Encore faudrait-il que l'administration dispose de moyens suffisants pour assumer au mieux ses missions de service public.

Les personnels de nos administrations ne sont nullement en cause. Ils sont même les premiers à reconnaître et à regretter le manque de moyens humains et logistiques.

Aussi une transcription de la jurisprudence « Berkani » nous semble-t-elle de nature à mieux répondre aux exigences de nos concitoyens quant à la qualité du service public : il n'est que justice que l'ensemble des personnels employés par une personne publique gestionnaire d'un service public administratif soient des agents publics.

La création des maisons des services publics doit, elle aussi, satisfaire à une exigence de qualité.

Nous devons rompre avec la logique du gouvernement précédent, exprimée par le projet de loi Perben tendant à rationaliser le service public. La notion même de service public n'est-elle pas antinomique de tout rationnement ?

Nous souhaitons donc que le cadre législatif appliqué aux maisons des services publics ne leur confère pas un air de « service public minimum », qui ne serait qu'un palliatif, voire un pis aller...

Les maisons de services publics ne doivent aucunement être l'occasion de poursuivre le désengagement entrepris en banlieue et dans les zones rurales, bien au contraire. Il est louable de vouloir réunir en un seul lieu différents services. Toutefois, afin d'éviter que la formule du « guichet unique » ne se transforme en une simple parure du pauvre, il convient d'apporter certaines garanties à commencer par des moyens matériels suffisants et des personnels compétents qui soient le plus possible des agents titulaires.

Comme en première lecture où certains de nos amendements ont été adoptés, nous nous emploierons à renforcer ce texte, qui permet d'améliorer substantiellement les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. Emile Blessig - Le projet comporte des avancées auxquelles chacun ici souscrit : meilleur accès aux règles de droit, renforcement de la transparence administrative grâce à la Commission d'accès aux documents administratifs, de la transparence financière et de la procédure administrative.

Ce faisant, on risque néanmoins de développer la judiciarisation de la vie publique et de la société en général. Sans aller jusqu'à exiger le dépôt d'une caution, comme le propose le Sénat, nous devons veiller à respecter l'équilibre entre les droits des citoyens, largement entendus, et ceux des collectivités locales et de l'administration, et donc éviter que certains particuliers ne se livrent à des détournements de procédure.

Il est de bon ton aujourd'hui de rendre hommage aux associations, qui en effet le méritent généralement. Mais il existe aussi des associations ad hoc, à la légitimité discutable, qui s'emploient et parviennent même à ralentir, voire à bloquer, des projets au moyen de procédures abusives.

La légitimité a partie liée avec la démocratie et l'élu, en tant que tel, exprime l'intérêt général.

Nous nous réjouissons de l'émergence des maisons de services publics, dont il convenait de préciser le fonctionnement. La préfiguration d'une maison de ce genre était déjà apparue dans ma circonscription, où dans une friche industrielle ont été regroupés des services déconcentrés de la sous-préfecture, de la MSA, de la sécurité sociale, des caisses d'allocations familiales, de l'ANPE.

La demande croissante de services à l'administration conduira inéluctablement à de nouvelles méthodes de travail et à une certaine mutualisation. Votre projet fournit une première réponse à la désertification rampante de notre territoire.

Trop souvent, la pensée unique administrative consiste à élaguer les extrémités et à renforcer le centre. Hier, nous avons examiné le projet relatif à la signature électronique. Ces nouvelles technologies peuvent permettre de mieux répartir le travail administratif, mais c'est un leurre et surtout un risque de penser qu'un terminal d'ordinateur remplacera un fonctionnaire.

Parce que des incertitudes demeurent, parce que nous constatons un certain déséquilibre en défaveur de l'administration déconcentrée et des collectivités, parce qu'on aurait pu aller plus loin en ce qui concerne les maisons de services publics, parce que nous devons anticiper les évolutions au lieu de les subir, le groupe UDF s'abstiendra.

M. François Colcombet - La longueur peut-être excessive de nos débats sur ce projet a tout de même eu quelques effets positifs. Ainsi l'échec de la CMP nous a permis d'apporter à ce texte, au tout dernier moment, à la faveur de l'article 88, des ajouts bienvenus. Cette loi, nous en sommes tous conscients, n'est pas une loi révolutionnaire : il ne s'agit que d'une réforme, d'ajustements permettant à notre Etat démocratique de mieux fonctionner. Nous ne mettons donc pas la maison à bas, mais nous ne nous contentons pas non plus d'ouvrir quelques fenêtres pour l'amour de la symétrie et du confort : nous les ouvrons pour aérer les institutions et pour rendre la maison plus vivable pour chacun. On ne peut donc dire que notre travail n'était pas essentiel : les relations entre l'administration et les citoyens conditionnent le fonctionnement même de la démocratie. Si elles sont harmonieuses, chacun n'en est que plus attaché à son pays, plus fier de lui appartenir, plus heureux et épanoui « chez lui ». D'où la valeur de ces détails sur lesquels nous nous sommes penchés longuement.

Comme vous l'avez dit, Monsieur le ministre, l'Etat n'est pas un objet étranger aux citoyens : il leur appartient, il est à leur service. Mais les citoyens sont aussi subordonnés à l'Etat et, par instants, doivent même abdiquer leurs prérogatives personnelles et leurs intérêts privés au profit de la collectivité. Quant aux administrations, qui sont le bras de l'Etat, elles sont au service de ces citoyens : il ne convient donc pas qu'elles se protègent derrière des vitres pare-balles ou des hygiaphones, des règlements tatillons ou des interdits. Autant que respectée et respectable, l'administration doit être accessible.

Les fonctionnaires ne sont pas propriétaires de leur fonction. De même que le secret de l'instruction n'est pas fait pour le confort du juge mais pour le bien du justiciable, leur statut est avant tout conçu pour garantir aux citoyens d'avoir en face d'eux des gens qui échappent aux pressions et qui soient formés et qualifiés. Tel est l'esprit, me semble-t-il, dans lequel nous devons interpréter l'arrêt « Berkani » du Tribunal des conflits.

Elus, nous sommes confrontés à un choix entre deux logiques. La première, qui est plutôt celle du Sénat en raison du cumul des mandats et de l'influence de la décentralisation, mais à laquelle aucun élu ne peut être insensible, pousse à se placer du côté de l'administration, contre ces usagers insupportables qui se présentent toujours lorsque les bureaux ferment et font mauvais usage des informations qu'on leur donne, ou contre les associations qui cherchent à démolir de « bons projets ». La seconde, qui est plutôt celle des députés habitués à recevoir dans leurs permanences des gens démunis devant l'administration, est cependant tout aussi légitime. En fait, ce que nous devons rechercher dans cette loi, c'est un équilibre entre ces deux logiques -même si cet équilibre est forcément provisoire. Or je crois que nous avons bien _uvré en ce sens.

Quant aux associations, c'est vrai que certaines peuvent être détestables, recouvrant par exemple l'activité des sectes, des intérêts qui ont de quoi hérisser -ou tout simplement le combat de nos adversaires politiques ! Mais elles peuvent aussi être facteurs de progrès social, agents d'une expérimentation dont tout le monde bénéficiera. C'est donc à la fois la meilleure et la pire des choses. Après l'Ancien régime où elles étaient obligatoires, la Révolution les a interdites par la loi Le Chapelier mais elles sont devenues un élément constitutif de notre démocratie depuis les lois qui les ont autorisées et qui ont permis la constitution de syndicats ouvriers. Nous ne saurions revenir sur cette histoire ni toucher à ces lois autrement qu'à titre exceptionnel -je constate d'ailleurs qu'on n'y a porté atteinte que dans les périodes de guerre ou de troubles, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et que même la loi Marcellin, qui soumettait la constitution des associations à une autorisation préfectorale, a peu après été sanctionnée par le Conseil constitutionnel ! Même si elles sont parfois gênantes, laissons-les donc libres d'agir, quitte à ce qu'elles soient sanctionnées ensuite !

Ce projet s'inscrit dans un ensemble plus large : nous avons développé la codification et cherché à faciliter l'accès au droit ; nous débattons d'une loi sur le référé administratif afin de sortir des situations de blocage créées par les recours abusifs de certaines associations ; par ailleurs, les magistrats peuvent infliger des pénalités importantes à ceux qui abuseraient du droit. Elu local, cumulant comme tout le monde trois mandats (Sourires), il m'arrive d'être agacé par l'opposition de certaines associations. Mais ne cédons pas pour autant à la tentation de réagir par d'autres excès et votons ce texte indispensable au fonctionnement de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Georges Tron - Comme en première lecture, nous approuverons l'esprit de ce projet et je pourrais ici faire miens la plupart des propos de M. Colcombet. Il est en effet essentiel de chercher à améliorer les relations entre l'administration et les citoyens, en premier lieu pour réagir contre l'image désastreuse qu'ont ceux-ci de celle-là -à laquelle ils assimilent d'ailleurs la sécurité sociale, avec ses queues aux guichets, et l'URSSAF, avec sa surdité aux difficultés des artisans.

Il convient aussi -ce n'est pas une pierre dans votre jardin, Monsieur le ministre !- de répondre aux inquiétudes légitimes des fonctionnaires, à propos de leurs retraites notamment : si nous leur donnons le sentiment que nous entendons ne pas laisser leurs problèmes en suspens, ils seront d'autant plus à l'écoute des administrés. Dans leur immense majorité, ils remplissent plus que correctement leur mission : ne les mettons pas en accusation ! Comme l'a dit M. Colcombet, les élus savent que le contact avec l'administré n'est pas toujours facile...

J'en viens aux dispositions qui restent soumises à notre examen. Une première série de dispositions, que nous approuvons, visent à rendre plus lisible le fonctionnement de l'administration. Il s'agit notamment de l'article 4, qui prévoit la levée de l'anonymat dans les relations entre les usagers et les services publics, de l'article 8 qui élargit le champ des compétences de la commission d'accès aux documents administratifs, de l'article 10 qui tend à autoriser la consultation par les citoyens des comptes des autorités administratives et des organismes subventionnés. Je pourrais citer encore l'article 14 relatif aux modalités de transmission des demandes à l'administration ou les articles 21 et 22 qui traitent respectivement du retrait des décisions implicites d'acceptation et des droits préalables des administrés en matière de décisions individuelles. Nous soutenons également l'article 22 bis qui vise à introduire des voies de recours pour les assurés sociaux sommés de reverser des prestations sociales perçues indûment à la suite d'une erreur de l'administration.

Mme la Rapporteuse - Très bien !

M. Georges Tron - Une deuxième série de mesures appellent quelques réserves de notre part en ce qu'elles sont porteuses de risques de dérives. Il s'agit en particulier de l'article 5 bis, qui, dans la rédaction quelque peu radicale qu'avait retenue le Sénat, tend à introduire une logique censitaire pour décourager les associations de former des recours abusifs. On ne peut obérer les capacités d'action des petites associations, souvent animées par des motivations sincères, en introduisant des mesures de cette nature.

Mme la Rapporteuse - Tout à fait !

M. Georges Tron - Les articles 13 bis et 13 ter, qui tendent à conférer au contribuable « le droit d'exercer les actions qu'il croit appartenir au département ou à la région » -par analogie à ce qui prévaut pour les communes- ne nous satisfont pas davantage. Il faut éviter de donner le sentiment que le législateur entend capter une partie des prérogatives des élus.

S'agissant des maisons des services publics prévues à l'article 24, le groupe RPR n'en conteste pas le principe, ; il craint simplement que la charge en incombe à moyen terme aux collectivités locales, du fait d'une sorte de renoncement de l'Etat à exercer ses prérogatives régaliennes.

J'en viens pour conclure à une troisième série de dispositions que nous ne pouvons approuver. Lors de la discussion du projet de loi relatif au cumul des mandats, M. le ministre de l'intérieur a repoussé un bon amendement -relatif au financement des campagnes électorales- au motif qu'il s'agissait d'un cavalier. Or, je constate aujourd'hui, Monsieur le ministre, que votre texte en comporte au moins deux.

Je pense en premier lieu à l'ensemble des dispositions qui font suite à l'arrêt Berkani. Mme la rapporteuse a elle-même reconnu que des questions pertinentes avaient été posées à ce sujet en commission mixte paritaire. Nous attendons donc avec impatience les réponses du Gouvernement. Je vise ensuite l'amendement Gouzes-Montebourg qui revient, avec force détails inutiles, sur l'intercommunalité et qui est sans rapport avec le présent projet. Il ne suffit pas qu'un parlementaire se saisisse d'une question pour que cela justifie le dépôt d'un amendement dans le premier projet qui vient en discussion ! Puisque nous prétendons simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, commençons par introduire plus de rigueur dans nos textes et gardons-nous des lois fourre-tout. Nous attendons donc un signe du Gouvernement en ce sens.

M. Emile Blessig - Très bien !

La discussion générale est close.

M. le Ministre - A l'issue de cette discussion générale dont j'ai apprécié la tonalité générale, je ne veux pas laisser sans réponse certaines interrogations.

M. Gantier a évoqué un point que je n'ai jamais cherché à dissimuler : oui, ce projet s'inscrit dans la continuité de celui de M. Perben. Il le complète et l'enrichit, je ne comprends donc pas qu'il puisse considérer qu'il manque d'ambition.

S'agissant de l'article 5, sur lequel sont revenus plusieurs orateurs et des cautionnements que le Sénat voulait introduire pour prévenir les recours abusifs que pouvaient être tentées d'introduire certaines associations de défense de l'environnement, je crois que nous sommes tous d'accord. Comme l'a justement rappelé M. Colcombet, il n'y a pas lieu de « sataniser » les associations dont le rôle est essentiel. Pour autant, chacun sait que certaines associations forment parfois des recours dont la pureté d'intentions peut être contestée... Mais je déplore que le Sénat fasse sur ce point une sorte de fixation qui risque de nous valoir une quatrième lecture.

Du reste, il est pour le moins paradoxal d'introduire dans un texte visant à faciliter l'accès aux droits, un droit censitaire d'agir en justice pour les associations, et qui ne vise, en définitive, que les associations pauvres et vertueuses. M. Blessig est intervenu dans le même sens et je l'en remercie. Cela dit, lors de la lecture précédente, je me suis engagé à demander à la Garde des Sceaux d'examiner le problème des procédures abusives dans son ensemble et non par le petit bout de la lorgnette.

Il n'y a pas lieu de craindre que les maisons des services publics n'offrent que des services au rabais. C'est tout le contraire : ce seront des services publics de pointe, réunis dans un même endroit même s'ils relèvent de personnes morales différentes -Etat, communes ou autres. Il n'est pas possible, Monsieur Carvalho, que tous les agents intervenant dans les maisons des services publics soient titulaires ; mais le responsable de la structure d'ensemble devra l'être.

Jamais un ordinateur ne pourra remplacer un visage humain, c'est vrai, Monsieur Blessig ; mais il pourra éviter de renvoyer l'usager d'un guichet à l'autre. Si tel agent d'une maison des services publics peut, en pianotant sur le clavier de son ordinateur, se procurer tel certificat dont la dame qui est en face de lui avec un bébé dans les bras a besoin, il y aura progrès.

Je remercie François Colcombet de ses propos sur les fonctionnaires. Ceux-ci ont des droits et des devoirs : ils ont le devoir de chercher sans cesse à améliorer le service public ; et ils ont des droits, je suis heureux que M. Tron -du côté de l'hémicycle où l'on entend parfois qu'on en fait un peu trop pour les fonctionnaires- l'ait rappelé. Les fonctionnaires ont droit à la protection, tout simplement parce que s'il leur faut obéir au prince, ils doivent en même temps être impartiaux. Le prix de cette impartialité à l'égard des usagers, c'est la protection.

M. Tron s'est étonné qu'existe un droit d'ester en justice à la place des collectivités. Ce droit existe déjà pour les communes ; nous proposons de l'étendre aux départements et aux régions, mais il ne pourra s'exercer que de manière très encadrée, et sous condition d'autorisation du juge administratif. On voit bien aujourd'hui, s'agissant des communes, qu'il n'est utilisé que dans des cas extrêmement rares.

Enfin, Monsieur Tron, je conviens que le cavalier n'est pas un procédé idéal, mais le Parlement est sage d'en accepter parfois l'usage pour fluidifier le travail législatif et régler des problèmes urgents (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, je vais maintenant appeler, dans le texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale, les articles du projet pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas pu parvenir à un texte identique.

Les articles 2 et 4, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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ART. 8

M. Claude Evin - Mon amendement 8 tend à ne pas considérer comme documents administratifs les documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé. Ceux-ci correspondent à la phase d'auto-évaluation des établissements -publics et privés- que requiert la procédure d'accréditation par l'Agence nationale. Il convient, pour ne pas en biaiser les résultats, qu'ils ne soient pas rendus publics.

En revanche, il est hors de question de rendre inaccessibles les documents qui figureront dans le rapport d'accréditation, à savoir le rapport des évaluateurs indépendants, les réponses adressées à ceux-ci par les établissements de santé et le rapport du collège d'accréditation.

Mme la Rapporteuse - Avis favorable.

M. le Ministre - J'entends bien qu'il s'agit de ne pas nuire à la sincérité des évaluations. Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur les conséquences de cet amendement mais je reconnais à M. Evin compétence en la matière. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

L'article 8, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 8 bis.

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ART. 10

M. François Colcombet - Les deux premiers alinéas de l'article 10 concernent la transparence des comptes des autorités administratives. Le troisième alinéa et les suivants sont destinés à faire la transparence sur les deniers publics que les administrations consacrent à subventionner des organismes privés ; mon amendement 5 tend à l'exprimer plus clairement en insérant dans le troisième alinéa, après le mot « organisme », les mots « de droit privé ».

Mon amendement 6 a lui aussi pour objet d'éviter une ambiguïté, s'agissant cette fois de l'utilisation des subventions, en substituant aux mots « compte d'emploi » les mots « compte rendu financier ».

Mme la Rapporteuse - Ces amendements sont bienvenus. La commission y est favorable.

M. le Ministre - Sur l'amendement 5, je partage le point de vue de M. Colcombet : il convient de bien distinguer, au sein de l'article 10, deux sujets distincts -la transparence des comptes des administrations et la transparence des subventions publiques, celles qui sont visées étant bien entendu celles qui sont reçues par des organismes privés.

En revanche, je ne suis pas entièrement convaincu de l'utilité de l'amendement 6, mais je sais que le monde associatif considère que l'expression « compte d'emploi » est inappropriée et je donne donc un avis favorable.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 6.

L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté de même que les articles 13 bis et 13 ter.

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ART. 14

M. François Colcombet - L'amendement 7 tend à exclure du dispositif prévu les procédures régies par le code des marchés publics et celles pour lesquelles la présence personnelle du demandeur est exigée. Les dispositions en vigueur sont à la fois compliquées et utiles, et il convient de ne pas les alourdir encore.

Mme la Rapporteuse - Avis favorable.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement, et je tiens à expliquer cette volte-face. Dans un premier temps, j'avais estimé qu'il appartenait à l'administration de s'adapter aux dispositions de l'article 14, et non l'inverse, mais j'ai finalement été convaincu des difficultés prévisibles pour les marchés publics. C'est pourquoi je me rallie à la proposition de M. Colcombet, acceptée par la commission.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

Les articles 21, 22 et 22 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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ART. 24

M. Patrice Carvalho - Le Gouvernement entend, avec cet article, donner un cadre juridique aux maisons des services publics, ce qui incite à revenir sur les raisons qui ont conduit à la création, en ordre dispersé, de telles structures. On le sait : les établissements, qui proposent des services publics polyvalents, sont pour la très grande majorité situés dans les zones urbaines dites sensibles ou dans les zones rurales en voie de désertification, autant dire dans les banlieues de nos grandes villes et dans nos campagnes, où l'on constate un très regrettable désengagement de l'Etat.

Nous souhaitons donc avoir la garantie que l'institution du « guichet unique » ne cache pas un projet de désengagement accru, qui conduirait au maintien d'un service public réduit au strict minimum. Le Gouvernement doit, en tous lieux, favoriser la permanence de services publics efficaces et proches des citoyens. Nous serons donc particulièrement attentifs aux engagements du Gouvernement, qui devra recourir à des agents titulaires partout où ils sont nécessaires pour garantir la qualité du service public.

M. François Colcombet - Très bien !

M. Georges Tron - Vous n'avez pas relevé, Monsieur le ministre, ce qui, dans mon intervention, avait trait à la dérive prévisible des coûts de fonctionnement des maisons des services publics. Je vois mal, en effet, en dépit des conventions, que les collectivités territoriales ne soient pas, à terme, appelées à participer au fonctionnement de ces institutions si elles le souhaitent -comme le voudront leurs administrés- assurer leur pérennité.

Déjà, le ministère de l'intérieur demande aux communes de participer, à hauteur de 10 % du montant de l'investissement, à la construction des commissariats. C'est ainsi que Draveil, la commune de 30 000 habitants dont je suis le maire, à dû débourser deux millions -sans même parler des coûts de fonctionnement induits, dont vous n'ignorez rien, Monsieur le ministre, vous qui avez été maire. Comment, dans ces conditions, ne pas être dubitatif ?

M. le Ministre - Vous le savez, Monsieur Carvalho, les maisons des services publics rassembleront des services de multiples natures et de différents statuts. On ne peut donc imposer à l'une ou à l'autre des administrations concernées un statut particulier pour son personnel. Sensible, néanmoins, à l'importance décisive que certains attachent à ce que les services publics soient réalisés par des agents du service public, le Gouvernement a tenu à inscrire dans la loi que les responsables des maisons des services publics seront des fonctionnaires. Je ne peut aller au-delà .

A M. Tron, je rappelle que l'exemple qu'il a choisi est très éloigné du cas que nous traitons aujourd'hui, où plusieurs personnes morales, liées par une convention, choisissent de mettre en commun diverses infrastructures. Comment les communes pourraient-elles être pénalisées par un tel investissement ? Le risque de dérive est écarté, les représentants des collectivités concernées étant appelés à viser les conventions. Il m'apparaît même que les investissements jusqu'à présent nécessaires devraient plutôt diminuer, puisque le Fonds de réforme de l'Etat peut intervenir et que la convention définit la ventilation des frais communs.

M. Georges Tron - Mon exemple visait à montrer que l'Etat s'appuie de plus en plus sur les collectivités territoriales pour mener à leur terme les missions qui lui incombent.

Quand les maisons des services publics auront été installées, une accoutumance naîtra et je redoute qu'à terme un chantage ne soit exercé pour contraindre les communes à participer à leurs frais de fonctionnement.

M. le Ministre - Vous craignez, en somme, que les maisons des services publics ne soient une trop bonne chose ! Curieux paradoxe ! Je le répète : tout dépendra de la manière dont les conventions, qui prévoient la répartition des frais de fonctionnement, auront été rédigées.

L'article 24, mis aux voix, est adopté.

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ART. 25

Mme la Rapporteuse - L'amendement 1 est de précision.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 25, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 26.

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ART. 26 ter A

M. Georges Tron - En ce qui concerne les « cavaliers » législatifs, l'argument de la fluidité avancé par M. le ministre me fait un peu sourire. Lors de la discussion du texte sur le cumul des mandats, M. Chevènement a exprimé une conception radicalement différente puisqu'il a refusé un amendement sur lequel nous étions tous d'accord...

Je comprends bien l'urgence de transcrire dans la loi la jurisprudence Berkani et j'ai regretté que la CMP ait échoué sur ce point parce que des questions sont restées en suspens.

En ce qui concerne l'amendement de M. Montebourg, qui visait à supprimer l'article 77 de la loi du 12 juillet 1999 imposant aux collaborateurs d'une autorité territoriale de ne rendre compte qu'à celle-ci, il a soulevé diverses objections de la part notamment de MM. Gouzes, Colcombet et Derosier : je m'étonne donc de le retrouver dans ce texte, où il n'a rien à faire. Il s'agit visiblement de faire plaisir à M. Montebourg, contre l'avis unanime de ses collègues.

Par souci de cohérence, le Gouvernement ne devrait donc pas imposer ou refuser les « cavaliers » selon que cela l'arrange ou non et, si cavalier il y a, il faut qu'il soit justifié : j'aimerais que le Gouvernement ou la commission m'expliquent, d'une part le bien-fondé de l'application de la jurisprudence Berkani aux 15 000 collaborateurs employés à l'étranger, d'autre part la nécessité de voter une disposition simplement pour faire plaisir à M. Montebourg !

M. François Colcombet - Nous n'avons pas voté l'amendement uniquement pour faire plaisir à M. Montebourg. En réalité, il y a deux logiques qui s'opposent, celle des responsables d'administration, qui ne souhaitent pas que leurs collaborateurs parlent trop, et celle des usagers et des justiciables, qui estiment qu'ils ont le droit d'accéder à l'information. La modification à la loi de 1999 n'a pas fait l'objet d'un véritable débat démocratique, elle a été votée en CMP entre initiés, sans qu'il y ait eu discussion en séance pleinière : il est donc normal qu'on en reparle ici. D'une certaine façon, cette décision de la CMP a été davantage un « cavalier » que le vote de l'amendement de M. Montebourg, qui avait donné lieu à une véritable discussion en commission et en séance.

En quoi consiste-t-il ? A préciser que les collaborateurs des administrations, s'ils ne doivent pas rendre compte à d'autres que leurs supérieurs hiérarchiques, sont, en revanche, tenus de répondre à la justice ou aux corps de contrôle tels que l'inspection des finances si ceux-ci les interrogent. Le secret est donc absolu, sauf dans ces deux hypothèses. Il n'y a là rien de choquant. C'est pourquoi nous sommes d'avis d'adopter ce texte tel qu'il a été voté en deuxième lecture.

M. le Ministre - En ce qui concerne l'article 26 ter A, issu d'un amendement de M. Montebourg, je m'en étais remis précédemment à la sagesse de l'Assemblée et je m'en tiendrai à cette position.

Je reviendrai sur l'application de la jurisprudence Berkani quand nous aborderons les articles 26 quater et quinquies.

L'article 26 ter A, mis aux voix, est adopté.

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ART. 26 quater

M. Patrice Carvalho - Nous ne pouvons que souscrire à la transposition de la jurisprudence Berkani, mais à la condition qu'on en respecte pleinement l'esprit et la lettre : elle entend faire de toute personne employée par un gestionnaire de service public administratif un agent de droit public, quel que soit l'emploi qu'elle occupe.

La loi ne doit donc pas faire de cet arrêt une interprétation trop restrictive.

Par ailleurs, le recours par les services de l'Etat à l'étranger à des personnels recrutés sur place sur contrats de droit local est inacceptable. Cette précarisation ne peut s'expliquer que par le manque de moyens de l'administration.

Plutôt que d'avaliser une telle pratique, nous continuerons à revendiquer des moyens supplémentaires, faute de quoi ces agents ne pourront répondre aux exigences d'un service public de qualité et seront confrontés d'une part, à la précarisation de leur situation, d'autre part au sentiment croissant de carence des services publics chez les usagers.

Il est temps de rompre avec un certain désengagement de l'Etat.

M. le Ministre - Je voudrais rappeler la démarche suivie par le Gouvernement pour lever les dernières incertitudes. Que dit la décision « Berkani » du tribunal des conflits ? Que tout agent travaillant pour l'Etat, une collectivité locale et des établissements publics administratifs est un agent de droit public. Elle met ainsi un terme à la jurisprudence antérieure qui, selon la nature des fonctions exercées, amenait à qualifier certains de ces agents d'agents de droit privé. Les choses sont donc parfaitement claires pour les recrutements à venir.

Il convient cependant de régler la situation des agents recrutés sous le régime antérieur en leur offrant des garanties au moins équivalents à celles dont ils bénéficient sous un régime de droit privé. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite leur proposer des CDI de droit public, assortis d'un délai d'option d'un an entre droit public et droit privé, ce qui permettra à ceux qui le souhaitent de continuer à cumuler plusieurs activités publiques et privées.

Un recensement très précis des personnels concernés a été réalisé et a permis d'identifier le niveau et la nature de leurs fonctions. Par définition, il ne peut s'agir que de fonctions d'exécution « détachables » du service public : concierge, femmes de ménage, agents de restauration. Compte tenu des multiples concertations auxquelles ce texte a donné lieu, je crois pouvoir affirmer que cette liste est exhaustive.

Pourquoi écarter les recrutés locaux de ce dispositif ? Je me suis longuement exprimé sur ce point en seconde lecture. Nous sommes parvenus, grâce aux amendements adoptés, Monsieur le député, à votre propre initiative, à une solution équilibrée. Le rapport du Parlement sur la situation de ces agents devra proposer des solutions concrètes pour l'améliorer.

Vos demandes vont bien au-delà de la simple transposition de la jurisprudence Berkani. Elles aboutiraient en effet à offrir un CDI à l'ensemble des agents non titulaires en situation précaire dans la fonction publique de l'Etat et dans la fonction publique territoriale. Je ne crois pas que la question de la précarité puisse être réglée dans ce cadre. Le Gouvernement s'apprête à engager une concertation sur la résorption de l'emploi précaire, en liaison avec les organisations syndicales, dans les semaines à venir. Il serait peu opportun de légiférer dès à présent en la matière.

Je vous demande donc d'adopter ces deux articles tels qu'ils sont proposés par la commission.

Les articles 26 quater et 26 quinquies, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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ART. 27 AA

M. François Colcombet - A l'université de Montpellier, une erreur administrative a entaché le déroulement d'un examen d'études médicales. L'amendement 2 tend à valider l'admission des étudiants concernés. Qu'il s'agisse d'une erreur personnelle, pouvant éventuellement donner lieu à sanction, ou d'une erreur d'une autre nature, le Sénat a demandé que soit recherchée l'origine de cet incident. Sous cette réserve, je suggère de voter cette disposition, adoptée par la commission.

M. le Ministre - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Georges Tron - Cette façon de procéder n'est pas sans précédent. Je pense en particulier à un concours de l'Ecole centrale.

Reste que cette disposition n'a rien à voir avec le projet en discussion. De plus, n'est-il pas paradoxal d'introduire dans un texte destiné à clarifier les relations entre les citoyens et l'administration une mesure de ce genre, au risque de créer la confusion ?

Le patchwork auquel nous devrons nous livrer aujourd'hui, un autre ministre pourrait nous demander plus tard de le défaire...

Le Sénat, et aussi M. Pandraud en commission des lois, ont demandé qu'il soit procédé à une recherche en responsabilité, débouchant éventuellement sur une sanction, afin qu'une situation de ce genre ne se reproduise pas : nous ne sommes pas là pour corriger l'administration !

M. le Ministre - Il est difficile de reprocher au Gouvernement, en la circonstance, d'enjamber le Parlement. La disposition proposée est d'origine parlementaire et le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée, qui s'est prononcée favorablement.

Je signalerai au ministre de l'éducation nationale que le Parlement souhaite une recherche en responsabilité, assortie d'une éventuelle sanction.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté et l'article 27 AA est ainsi rédigé.

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ART. 27

Mme la Rapporteuse - Pour l'amendement 3, la commission propose de récrire l'article 27 pour tenir compte de la spécificité des TOM et de la Nouvelle-Calédonie.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté et l'article 27 est ainsi rédigé.

L'article 27 bis, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

Mme la Présidente - Nous arrivons aux explications de vote.

M. Georges Tron - Je m'exprime au nom des groupes RPR et UDF.

Bien des éléments de ce projet sont positifs. Mais améliorer les relations entre l'administration et les citoyens n'est qu'une partie d'un chantier bien plus considérable, qui est la réforme de l'Etat. Une telle réforme, fondée sur le respect de tous les acteurs de la vie publique, doit convaincre chacun d'eux que, s'il possède des droits, il a aussi des obligations. Le projet, sur ce point, met fin à quelques travers. Gardons à l'esprit que l'administration sera d'autant plus respectée qu'elle respectera davantage les règles qui la régissent. L'administré a souvent le sentiment qu'il est soumis à des obligations que l'Etat ne s'applique pas à lui-même.

Nous devrions aussi réfléchir davantage à la place de l'élu, que je trouve un peu absent de ce texte. La démocratie fonctionne aussi avec les élus dont les prérogatives doivent être bien reconnues. Elles sont, ici, un peu gommées.

Les groupes RPR et UDF s'abstiendront.

M. François Colcombet - L'élu national n'a peut-être pas une place suffisante. C'est en partie l'effet de la Constitution. Beaucoup des règles dont nous parlons sont renvoyées à des décisions qui relèvent du Gouvernement. Nous souhaitons que cette Constitution évolue, et que davantage de compétences reviennent au Parlement. Dans le contexte de la décentralisation, les élus que nous sommes ont affaire à deux réalités : celle des simples usagers parfois en butte à l'administration, celle, qui est la nôtre, de personnes proches de l'administration, et qui l'utilisent. Je n'accuse pas le Sénat d'être rétrograde ; il exprime simplement davantage une réalité que l'autre.

Nous sommes parvenus je crois, à un bon équilibre, et je tiens à saluer la patience et la bonne volonté du ministre.

Je souhaite enfin que les dispositions du texte s'appliquent aussi aux collectivités locales des TOM.

Le groupe socialiste votera des deux mains ce projet grâce auquel, en fin de compte, nos concitoyens seront plus heureux dans leur pays.

M. Patrice Carvalho - Ce projet est de nature à faire progresser la démocratie en France. Le citoyen pourra s'exprimer plus facilement et engager des procédures sans se heurter, comme le voudrait le Sénat, à la barrière de l'argent.

Reste le problème des moyens, en particulier pour les maisons des services publics. Je regrette aussi, Monsieur le ministre, que vous n'ayez pas répondu à ma question sur leur fonctionnement. Il est entendu qu'elles seront dirigées par des fonctionnaires et on peut fort bien admettre que des associations y interviennent, par exemple pour dispenser des informations. Mais qu'en sera-t-il pour les services des impôts ou pour les collectivités ? Seront-ce bien des fonctionnaires qui interviendront ?

Cela étant, nous n'avons entre nous aucun désaccord sur le fond et le groupe communiste votera ce projet.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Soyez rassuré, Monsieur Carvalho : je confirme que chaque entité interviendra dans ces maisons en mettant à disposition son propre personnel.

Lorsque le Sénat aura dans sa sagesse voté ce texte conforme ou, au pire, après une quatrième lecture à l'Assemblée, ce projet aura achevé son parcours -son long parcours puisque, pour certaines parties, il remonte à une circulaire prise sous Michel Rocard, il y a douze ans ! N'empêche, ce texte viendra en son temps et je veux vous remercier tous pour la qualité de nos débats, sans oublier Mme le rapporteur qui a fourni un travail considérable.

Cette loi « DCRA » ne crée pas d'obligations aux usagers, mais uniquement à ceux qui « donnent » du service public : à l'Etat, qui pouvait certes se contraindre lui-même par voie de circulaire mais qui sera désormais obligé par la loi, ce qui est encore mieux ; à certains organismes administratifs et, bien sûr, aux collectivités qui, dans le silence des textes, seront mises au même rang que l'Etat, comme acteurs essentiels du service public.

La réforme de l'Etat, qui franchit ainsi un pas, suscite parfois des sourires dubitatifs. On en parle parfois comme de l'Arlésienne ! Mais comment se ferait-elle sur un simple claquement de doigts quand elle touche à tant de domaines ? Un seul texte, si important soit-il, ne saurait y suffire. Croyez cependant que le Gouvernement est bien déterminé à faire bouger les choses : vous toucherez déjà le changement du doigt, dans vos collectivités, lorsque le présent projet et la loi sur l'organisation des services déconcentrés, du 20 octobre dernier, s'appliqueront. Vous verrez alors les efforts d'efficacité auxquels l'Etat, votre interlocuteur, se contraindra !

Je pourrais également mentionner tout ce que nous avons fait pour la modernisation de l'administration, en particulier pour permettre aux fonctionnaires d'utiliser les nouvelles technologies de l'information : loin de nous l'idée de faire de l'Etat un « Big Brother », il ne s'agit encore que de progresser en efficacité. De même lorsque nous relançons l'évaluation, qui permet de combattre les réflexes d'autosatisfaction...

C'est donc avec beaucoup de détermination, je le répète, que nous travaillons à cette réforme de l'Etat. Dans quelques semaines au plus tard, nous aurons franchi l'étape de cette loi DCRA : ce nous sera un encouragement à poursuivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Prochaine séance, mardi 7 mars, à 9 heures.

La séance est levée à 17 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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