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Session ordinaire de 1999-2000 - 73ème jour de séance, 172ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MARDI 4 AVRIL 2000

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          DÉCISION SUR UNE REQUÊTE EN CONTESTATION
          D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

          RESPONSABILITÉ DE L'ADMINISTRATION FISCALE 2

          FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 13

          DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT A UN ORGANISME
          EXTRAPARLEMENTAIRE 13

          ANNEXE ORDRE DU JOUR 14

La séance est ouverte à neuf heures.

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DÉCISION SUR UNE REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - En application de l'article L.O. 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une décision de rejet relative à une contestation d'opérations électorales.

Conformément à l'article 3 du Règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

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RESPONSABILITÉ DE L'ADMINISTRATION FISCALE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. François Goulard et de plusieurs de ses collègues relative à la mise en place d'une véritable responsabilité pour faute de l'administration fiscale et d'un droit général d'indemnisation pour les contribuables.

M. François Goulard, rapporteur de la commission des finances - La proposition de loi qu'il m'appartient de vous présenter ce matin au nom de votre commission des finances a été signée par l'ensemble des députés de l'opposition. Suivant l'avis de M. le rapporteur général, votre commission a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et donc à ne pas formuler de conclusions. Je tenais à vous le dire d'emblée, comme je tiens à remercier les services de la commission des finances pour leur analyse très pertinente de la législation fiscale et de la jurisprudence.

Ce texte comporte un certain nombre de dispositions d'une portée relativement modeste mais qui relèvent toutes de la même philosophie : assurer un meilleur équilibre entre le droit du contribuable et celui de l'administration fiscale. A ce titre, il tend à affirmer le principe de la responsabilité pour faute de l'administration fiscale, à améliorer le dispositif d'indemnisation des contribuables qui subissent un préjudice et à corriger certaines dispositions abusives.

Il vous est ainsi proposé de modifier l'article L. 207 du Livre des procédures fiscales, qui pose un bien curieux principe d'irresponsabilité de l'Etat lorsqu'est admise une réclamation contentieuse et qui écarte donc tout droit à indemnisation du contribuable, dont le principe est pourtant reconnu. Il convient ensuite de revenir sur la nature de la faute qui entraîne la responsabilité de l'Etat. Aux termes d'une jurisprudence subtile, et qui semble aujourd'hui quelque peu figée, le juge administratif exige l'existence d'une faute lourde de l'administration fiscale pour que le contribuable pénalisé puisse prétendre à indemnisation. Chacun sait par ailleurs que le contribuable victime d'une erreur de l'administration a déjà du mal à « trouver son juge », tant les conflits de juridiction entre le juge judiciaire et le juge administratif sont nombreux. Mais s'il y parvient, après que l'administration lui aura opposé appel et cassation s'il est satisfait en première instance, le contribuable n'est pas quitte pour autant et doit engager une nouvelle action en responsabilité. Il se trouve donc nécessairement engagé dans plusieurs années de procédure, aussi complexes que coûteuses. Or, au stade ultime de celles-ci, le juge administratif a retenu l'exigence d'une faute lourde. Si celle-ci n'est pas établie, le droit à indemnisation d'un préjudice parfois subi dix ans plus tôt s'éteint de droit. Selon la jurisprudence, la faute simple est écartée parce que la tâche de l'administration fiscale est particulièrement complexe, du fait de la multiplicité des textes applicables et de leur rapide évolution. Mais l'Etat peut-il s'exonérer de sa responsabilité au motif que la loi qu'il a lui-même créée est trop complexe pour être appliquée sans risque d'erreurs ? Il est temps d'établir la justice dans notre pays, car si la justification d'une responsabilité atténuée de l'Etat est plus que sujette à caution, les préjudices subis par certains contribuables sont considérables.

Des centaines d'entreprises sont ainsi condamnées chaque année au dépôt de bilan, du fait de redressements infondés, qui entraînent l'inscription de privilèges du Trésor sur les actifs de l'entreprise, la défiance de ses créanciers et l'enchaînement fatal qui mène à la faillite. Une mise en jeu plus facile de la responsabilité de l'Etat est certainement de nature à rendre son administration plus attentive.

Cette proposition vise aussi à corriger l'inéquité notoire du taux de l'intérêt de retard, qui n'a pas vocation à constituer une sanction ou une pénalité puisqu'il n'exprime que le prix du temps. Or, malgré la baisse continue des taux d'intérêt depuis cinq ans, le taux de l'intérêt de retard en matière fiscale reste obstinément fixé à 0,75 % par mois, soit 9 % par an. En dépit des efforts de parlementaires de toutes tendances, l'administration campe sur ses positions, comme si le souci de faire entrer de l'argent dans les caisses devait définitivement l'emporter sur celui de l'équité. Il est donc proposé d'aligner le taux de l'intérêt de retard sur le taux légal.

La proposition tend également à réviser à la baisse plusieurs taux de pénalité, dits d'assiette, et en particulier la majoration automatique de 10 % lorsque le contribuable dépose sa déclaration avec ne serait-ce qu'un jour de retard. De la part d'une administration coutumière de retards extravagants, ce couperet est particulièrement sévère : aussi est-il proposé de limiter la majoration à 5 % pendant les quinze premiers jours de retard. Les pénalités d'assiette de 40 % et de 80 % seraient quant à elles ramenées respectivement à 30 % et 60 %. En revanche, et cela illustre bien notre intention de n'encourager la fraude d'aucune manière, il n'est pas proposé de modifier la majoration de 80 % en cas d'activité occulte.

A l'instar de nombreuses initiatives parlementaires qui n'ont malheureusement pas abouti, la proposition vise enfin à améliorer la transparence du contrôle fiscal. S'il est à l'évidence nécessaire, le contrôle fiscal constitue une arme redoutable et le doute plane parfois sur l'usage qui en est fait. De discrétionnaire, il peut facilement devenir arbitraire, lorsqu'il n'est pas simplement détourné de son véritable objet. Le manque de transparence conduit aussi à soupçonner l'administration fiscale de gonfler les chiffres de la fraude et ceux des résultats de ses contrôles. L'écart entre le montant des redressements notifiés et celui des recouvrements effectifs est à cet égard un sujet constant de perplexité. Améliorer l'information sur le contrôle fiscal, grâce à une mesure objective du taux de non-conformité des déclarations fiscales sous le contrôle d'une commission indépendante, fait l'objet du dernier article de notre texte.

En définitive, les dispositions de cette proposition de loi sont tout simplement inspirées par le bon sens et le souci de l'équité. Car, a contrario, qui peut prétendre que l'irresponsabilité de l'Etat telle que la loi l'organise est acceptable ? Et qui peut affirmer qu'un préjudice grave ne doit pas être indemnisé au prétexte que la faute commise par l'administration était « banale » et non pas lourde ?

Est-il juste que le taux d'intérêt de retard appliqué au contribuable soit trois fois supérieur à celui que l'Etat s'applique à lui-même lorsqu'il doit de l'argent au contribuable ? L'information du Parlement sur les conditions d'exercice du contrôle fiscal est-elle suffisante ?

Non, l'administration n'a pas tous les droits ; le droit des contribuables et des citoyens est aussi respectable que celui de l'Etat ; le législateur doit sans cesse veiller à ce que l'Etat n'abuse pas de ses pouvoirs. Or notre loi fiscale comporte de nombreux abus de prérogatives de puissance publique. Ce serait une grave erreur et une profonde injustice que de ne pas s'y attaquer dès aujourd'hui. Cependant, comme vous le savez, votre commission des finances a décidé de ne pas formuler de conclusions et de ne pas examiner les articles de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

M. Marc Laffineur - Cette proposition de loi vise à lutter contre le harcèlement administratif, l'abus de pouvoir et les contrôles à répétition dont les contribuables sont parfois victimes. Il s'agit simplement de reconnaître que l'administration fiscale peut faire des erreurs et que ses fautes éventuelles doivent être réparées à la hauteur du préjudice, moral ou financier, qu'elles ont causé. Il y va de l'égalité et de l'équité.

La jurisprudence reconnaît dans la plupart des domaines de l'action publique une responsabilité administrative normale, dont l'intensité est fonction de la gravité de la faute commise, ainsi que le principe d'une indemnisation des victimes de fautes administratives. Cela ne vaut malheureusement pas pour l'administration fiscale qui demeure très largement irresponsable. Il ne semble y avoir de faute que des contribuables et l'éventualité de la fraude autorise toutes les enquêtes et toutes les méthodes de l'administration, souvent au mépris des droits des citoyens. Rien ne saurait pourtant justifier que ne s'appliquent pas à l'administration fiscale les règles qui valent pour les autres administrations. Sa responsabilité pour faute simple doit pouvoir être reconnue, d'autant que ses erreurs sont assez nombreuses, puisque 40 % des contentieux fiscaux se terminent à l'avantage des contribuables, redressés à tort ou abusivement. Organiser une responsabilité de l'administration fiscale et prévoir le versement d'indemnités en cas de faute rassurerait les contribuables sur le fonctionnement du fisc et inciterait certainement celui-ci à davantage de prudence. Cette possible responsabilité corrigerait l'image qu'en ont nos concitoyens.

Reconnaître que des abus peuvent être commis, en finir avec une totale impunité, indemniser les victimes des fautes, voilà qui satisferait les contribuables et renforcerait une certaine conception de la justice fiscale.

Mais pour l'instant, l'article 207 du Livre des procédures fiscales empêche toute possibilité d'indemnisation suite à des poursuites abusives ou à des redressements injustifiés. L'article 3 de la proposition de loi permettrait d'engager la responsabilité de l'administration fiscale sur faute simple, ne faisant d'ailleurs ainsi qu'harmoniser le contentieux administratif en soumettant le contentieux fiscal aux mêmes règles que les autres.

Le texte permettrait également de reconnaître un préjudice moral ou matériel résultant de la faute de l'administration fiscale. Le juge pourrait ordonner le versement de dommages-intérêts aux victimes. Lorsqu'un contrôle fiscal, déjà éprouvant sur le plan psychologique, s'accompagne d'un harcèlement administratif, ou se solde par un redressement injustifié, les conséquences peuvent en être terribles.

Certes, dans de nombreux cas, les opérations se déroulent normalement, mais n'y aurait-il qu'un seul abus, il serait du devoir de la représentation nationale d'organiser la juste indemnisation des préjudices subis. Le droit fiscal reconnaît les notions de bonne foi et de mauvaise foi mais seulement pour les contribuables !

Les articles 4 et 5 reviennent enfin sur les taux d'intérêt pratiqués par l'administration fiscale. Aligner l'intérêt moratoire sur le régime de l'intérêt légal est raisonnable : le taux de 9 % pratiqué aujourd'hui est en effet en complet décalage avec le contexte économique et bancaire actuel. La révision du taux de majoration automatique est également bienvenue. La proposition de commencer par une majoration de 5 % et d'appliquer des taux plus progressifs est bonne. De petits retards ne sont pas à proprement parler des fautes.

Ce texte, qui vise à améliorer l'image de l'administration fiscale, harmoniser le contentieux administratif, reconnaître la possible responsabilité du fisc pour faute et à permettre la réparation des préjudices subis, n'encourage pas la fraude ni ne permet d'éviter le redressement des fraudeurs. Il garantit simplement l'équité fiscale. Les procédures de redressements, aussi légitimes soient ces derniers, doivent respecter certaines formes et certaines règles.

M. Jean-Luc Warsmann - Absolument !

M. Marc Laffineur - Cette proposition de loi envisage également la création d'une commission d'enquête statistique sur les contrôles fiscaux, afin de déterminer les causes les plus fréquentes de non-conformité. Il y va de la transparence et du devoir d'information.

En fait, avec ce texte, nous abordons la question de la modernisation de l'Etat et de ses rapports avec les citoyens. Nos concitoyens attendent un tel texte. Au nom de l'égalité et du respect des droits des citoyens, je vous demande de l'adopter. Il rendra également notre administration fiscale plus souple, plus proche des contribuables et plus juste. A l'heure où se pose avec acuité la question de la réforme de l'Etat, voilà une occasion de commencer à satisfaire cette exigence forte (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Thierry Carcenac - Dans notre système fiscal déclaratif, l'administration fiscale a pour mission de s'assurer de la régularité des déclarations d'impôt, présumées exactes et sincères. Le contrôle fiscal en est la contrepartie. Il permet de réprimer les comportements peu scrupuleux de certains contribuables, de rectifier les erreurs de déclarations, de dissuader ceux qui seraient tentés de se soustraire à leurs obligations fiscales. Alors que le Gouvernement s'apprête à baisser les impôts, comme l'a annoncé le Premier ministre, le consentement à l'impôt est plus que jamais l'un des piliers de la démocratie.

La présente proposition de loi, proposée par les trois groupes de l'opposition, est purement démagogique. « Harcèlement du contribuable, mauvaise foi des agents du fisc, poursuites abusives, malveillance fiscale, irresponsabilité de fait... », tous ces termes traduisent une volonté de dénigrer les fonctionnaires du fisc, ce qui est d'ailleurs dans l'air du temps -à preuve deux ouvrages récents intitulés Contribuables, vous êtes cernés et La traque fiscale. On voudrait nous faire douter que nous sommes dans un Etat de droit.

M. Jean-Luc Warsmann - Scandaleux !

M. Thierry Carcenac - Or, sur 31,2 millions de déclarations d'impôts, 4 600 seulement font l'objet d'un contrôle externe annuel et sur 3,3 millions d'entreprises, 42 000 par an voient leur comptabilité vérifiée et seulement 800 plaintes par an sont déposées après autorisation de la commission des infractions fiscales.

Il n'est pas surprenant que les groupes de l'opposition se mobilisent pour sanctionner les délits sociaux en réclamant plus de « devoirs » de la part de nos concitoyens tout en réclamant plus de « droits » lorsqu'il s'agit de délits économiques (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Bien qu'aucun texte ne l'emploie, l'expression « fraude fiscale » est consacrée par la jurisprudence. Outre l'avis de vérification, le contribuable contrôlé reçoit la charte du contribuable, laquelle n'est pas un gadget, mais bien un document qui donne des indications concrètes sur le déroulement du contrôle et est opposable à l'administration. La grande majorité des procédures sont contradictoires ; le contribuable dispose de voies de recours multiples ; enfin, le contrôle fiscal est bien sûr soumis au contrôle du juge. La procédure en deux temps prévue par l'article 207 du Livre des procédures fiscales ne pose aucun problème aux juges.

Si la responsabilité de l'administration fiscale déroge au droit commun, celle-ci peut néanmoins presque toujours être engagée sur le fondement de la faute simple.

Ainsi la responsabilité de l'Etat continue à être engagée sur ce fondement pour des opérations qui ne se rattachent pas aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt.

Pour celles-ci, les erreurs commises par l'administration fiscale, ne sont, en principe, susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat, que si elles constituent une faute lourde. Il en va cependant différemment lorsque l'appréciation de la situation du contribuable ne comporte pas de difficultés particulières.

La jurisprudence en matière de contentieux fiscal évolue d'ailleurs de la même façon que pour les autres. La jurisprudence a reconnu tout d'abord la responsabilité de l'Etat pour faute « d'une gravité exceptionnelle », pour faute « manifeste et d'une particulière gravité », puis pour « faute lourde », enfin, dans certains cas, pour « faute simple ».

Faut-il maintenant que la responsabilité des services fiscaux puisse légalement être engagée dans tous les cas sur faute simple et restreindre ainsi les facultés d'appréciation du juge administratif ?

Le Conseil d'Etat a tenu à maintenir le principe de l'exigence de la faute lourde en raison de la complexité de l'activité des services fiscaux, des intérêts inverses du contribuable et de l'administration, du risque de commettre une illégalité dans la détermination de l'assiette ou le recouvrement de l'impôt, du caractère régalien de l'activité des services fiscaux.

M. Jean-Luc Warsmann - Est-ce le Conseil d'Etat qui vote la loi ?

M. Thierry Carcenac - La proposition de loi vise aussi à aligner le taux de l'intérêt de retard sur celui de l'intérêt légal. Je rappelle que l'intérêt de retard est le prix du temps et non une sanction. Fixé à 0,75 % par mois, il n'est pas si éloigné que cela des taux pratiqués par les établissements bancaires. De toute façon, l'Etat ne saurait être le banquier des contribuables. Si toutefois nous devions modifier ce taux, les lois de finances nous le permettent aisément (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Quant à la diminution des pénalités d'assiette qui nous est proposée, elle ne tient pas compte de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1999, disposant que la motivation des pénalités doit intervenir 30 jours au moins avant la notification de l'avis de mise en recouvrement ou de l'avis d'imposition. A quoi bon assouplir un régime qui vient de l'être ?

Diminuer le barème des majorations applicables lorsqu'un contribuable n'a pas réagi à des mises en demeure de l'administration n'est pas sérieux, car après des mises en demeure, il est difficile de considérer que le contribuable est toujours de bonne foi.

Enfin, je crois que la création d'une nouvelle commission ne se justifie pas dès lors que l'article 108 de la loi de finances pour 1999 prévoit que les résultats du contrôle fiscal externe seront détaillés de même que le recouvrement des dettes rappelées et les conséquences de la justice gracieuse sur le non-recouvrement de ces droits. Mieux vaut donc veiller à la bonne application de cet article.

Vous comprendrez donc que le groupe socialiste ne suive pas l'opposition dans sa suspicion illégitime à l'égard de fonctionnaires (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) qui ont le sens de l'intérêt général et qui sont là pour faire respecter la loi votée par le Parlement. Particulièrement délicates, les missions fiscales justifient une autonomie de la matière fiscale. Plutôt que d'affaiblir le dispositif de dissuasion, nous préférons, quant à nous, aider le Gouvernement à renforcer la lutte contre les nouveaux risques de fraude organisée.

M. Marc Laffineur - Ça n'a rien à voir !

M. Thierry Carcenac - Le rapport de M. Brard contient à cet égard, de même que sur l'amélioration des relations entre l'administration fiscale et les contribuables, des propositions intéressantes. Nous en avons déjà adopté plusieurs, preuve que nous ne sommes pas figés. Mais comme le dit M. Brard, « il ne convient pas de mettre en cause l'équilibre qui a été trouvé et qui fait l'objet d'un consensus ». C'est pourquoi le groupe socialiste demande le rejet de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Avec cette proposition de loi, nous voici au c_ur du débat sur la nécessaire modernisation de l'Etat. Nos concitoyens réclament la suppression des privilèges injustifiés. Or l'administration fiscale française bénéficie de prérogatives qui empêchent le contribuable lésé d'obtenir une juste réparation des erreurs qu'elle commet. L'article L. 207 du Livre des procédures fiscales prévoit en effet que, lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques. Et les services fiscaux continuent à bénéficier d'une jurisprudence désuète selon laquelle les erreurs commises lors d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt n'engagent la responsabilité de l'Etat que si elles constituent une faute lourde sauf lorsque l'appréciation de la situation du contribuable ne comporte pas de difficultés particulières. Cette jurisprudence, survivance de la période d'irresponsabilité de la puissance publique qui a pris fin dans les autres domaines au XIXe siècle, est critiquée à juste titre par la doctrine. Autre prérogative de l'administration fiscale : elle peut appliquer des pénalités lourdes et même disproportionnées par rapport aux éventuelles erreurs.

La proposition de loi a pour objet de remédier à ces déséquilibres en instituant un régime de responsabilité pour faute simple de l'administration fiscale, en alignant le taux de l'intérêt de retard sur le taux de l'intérêt légal et en diminuant les pénalités d'assiette prévues par l'article 1728 du code général des impôts.

Je ne souscris pas au tableau idyllique du droit fiscal qu'a brossé l'orateur précédent. En réalité, un contribuable lésé se heurte à bien des difficultés lorsqu'il veut porter son différend devant le juge.

Si, en effet, le juge administratif est normalement compétent pour connaître de toutes les actions en dommages-intérêts dirigées contre l'Etat, le juge judiciaire l'est pour connaître de la régularité en la forme des actes de poursuites. Cela pose problème car, si la Cour de cassation considère depuis 1872 que le principe de responsabilité posé aux articles 1382 et suivants du code civil est général, la juridiction administration, de son côté, n'a pas mené à son terme, s'agissant de l'administration fiscale, la tendance structurelle à l'augmentation de la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique.

Pour les opérations qui ne se rattachent pas aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt, la responsabilité de l'Etat continue, comme auparavant, à être engagée sur le fondement de la faute simple. Mais pour les procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt, les erreurs commises par l'administration fiscale ne sont, en principe, susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles constituent une faute lourde. Cela vaut pour les particuliers comme pour les communes.

Certains membres du Conseil d'Etat perçoivent ce régime de la faute lourde « comme un héritage édulcoré d'un ancien principe d'irresponsabilité de la puissance publique » dont la disparition « est inscrite à moyen ou long terme dans l'évolution du droit public français ». C'est bien pourquoi nous proposons que la responsabilité des services fiscaux puisse être engagée dans tous les cas sur faute simple, ce qui unifierait le régime de responsabilité de l'Etat et harmoniserait le contentieux fiscal avec les autres branches du contentieux administratif.

La proposition de loi vise aussi à aligner le taux de l'intérêt de retard -actuellement de 0,75 % par mois, soit 9 % par an, sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé- sur le taux de l'intérêt légal qui, pour 2000, a été fixé à 2,74 %. Il n'y a pas de raison, en effet, d'appliquer aux contribuables un taux si différent de celui que l'administration s'applique à elle-même.

Enfin, la proposition de loi vise à améliorer l'information du Parlement sur les résultats du contrôle fiscal, car nous manquons actuellement d'éléments statistiques détaillés. Si nous les avions, nous verrions que bien des manquements aux règles déclaratives et comptables résultent non d'une intention de fraude mais du désarroi des contribuables face à une réglementation excessivement foisonnante, changeante et complexe. Nous, législateurs, avons souvent le sentiment que les services de Bercy compliquent à l'envi des dispositions fiscales que nous avions votées claires, de sorte que des contribuables ayant voulu en bénéficier se retrouvent un peu plus tard avec un contrôle ou un contentieux fiscal sur le dos.

Il y a quelque temps, M. Sarkozy avait proposé un texte tendant à ce que le principe de non-rétroactivité s'applique aussi à la loi fiscale. La présente proposition de loi obéit au même esprit : améliorer la confiance de nos concitoyens envers l'Etat. C'est pourquoi le groupe RPR la votera (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Vila - Ce texte avance plusieurs propositions pour renforcer la responsabilité pour faute de l'administration fiscale, et institue un droit général à indemnisation pour les contribuables.

Renforcer l'information et les garanties données aux contribuables de bonne foi, favoriser la médiation en cas de litige, promouvoir une approche citoyenne et républicaine de l'impôt serait légitime.

Mais telle n'est manifestement pas la conception qui fonde cette proposition de loi.

Les propos souvent outranciers de ses rédacteurs suffiraient pour s'en convaincre. Stigmatiser les abus de pouvoir de l'administration et dénoncer le harcèlement fiscal relève plus d'un effet de tribune que du souci de renforcer l'Etat de droit.

On ne peut dissocier le renforcement des droits du contribuable de la nécessité d'assurer une véritable égalité devant l'impôt, ce qui implique d'_uvrer pour plus de justice fiscale, mais aussi d'agir contre la fraude et l'évasion fiscale.

Nous demeurons attachés au principe républicain qui veut que chacun participe aux dépenses communes en fonction de ses capacités contributives. Ce principe a beaucoup souffert de la dérive libérale des dernières décennies. Pour les milieux libéraux l'impôt est quasiment entaché du péché originel.

Or l'histoire démontre que l'action publique et son financement par l'impôt ont toujours été nécessaires, y compris dans les phases les plus libérales du capitalisme, pour développer les infrastructures ou assurer un certain nombre de services collectifs.

Réaffirmer la légitimité de l'impôt implique d'améliorer l'efficacité sociale de la dépense publique. A l'initiative de notre groupe, l'Assemblée a d'ailleurs adopté, il y a quelques semaines, une proposition visant à un meilleur contrôle des centaines de milliards de fonds publics versés aux entreprises, notamment au nom de l'emploi.

La fiscalité devrait jouer un rôle beaucoup plus favorable au développement économique réel.

Que dire, enfin, de l'enjeu d'une réforme des services fiscaux visant réellement à améliorer la qualité du service rendu à l'usager, qui ne doit plus être considéré comme un administré, mais comme un citoyen, ayant des devoirs mais aussi des droits ?

Des progrès en la matière sont indispensables et pas seulement pour éviter que notre pays soit mis en cause par les juridictions européennes défendant les droits de l'homme. Nous partageons donc le souci de la commission de revoir les taux d'intérêt de retard pour les contribuables de bonne foi. Nous sommes convaincus que le Gouvernement trouvera la voie de cette réforme nécessaire.

Le sentiment que l'objectif de la réforme engagée il y a quelques mois n'était pas une meilleure qualité du service public mais la recherche d'économie en postes de travail pour permettre les redéploiements rendus nécessaires par le dogme du gel de l'emploi public, est une des raisons du blocage que nous connaissons, mais qui ne saurait être irrémédiable.

Le débat doit être relancé avec tous les acteurs concernés, en particulier avec les élus locaux ; il devra porter sur les missions confiées aux services fiscaux, leur organisation, leurs moyens, et cela implique d'associer réellement les personnels et leurs syndicats car aucune réforme efficace ne pourra se faire sans, et encore moins contre, les fonctionnaires chargés de la mettre en _uvre.

La proposition de loi défendue par les formations de l'opposition, au contraire de cette démarche équilibrée, nous paraît très unilatérale.

Si nous sommes attachés à ce que tous les textes d'initiative parlementaire puissent faire l'objet d'une discussion et d'un vote, nous sommes en présence aujourd'hui d'un texte bien particulier.

Sous couvert de lutter contre les abus de l'administration, c'est le principe de la légitimité des sanctions, voire de l'impôt lui-même, que les formations de droite entendent mettre en cause.

Cette conception peut être défendue, encore faudrait-il qu'elle le soit franchement, sous peine d'entretenir la confusion. C'est d'ailleurs ce qui a motivé le refus de notre commission des finances d'examiner les articles, et qui fonde le vote de notre groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Hériaud - La proposition de loi de nos collègues part d'un constat simple. De nombreux Français et beaucoup de petites entreprises sont chaque année victimes de redressements abusifs, suite à des contrôles fiscaux -il n'est pas rare de voir des redressements portant sur des sommes des dizaines de fois supérieures à celles finalement exigibles.

Un certain nombre d'entreprises disparaissent à la suite de redressements fiscaux successifs.

Quelques exemples vaudront mieux que de longs discours.

En avril 1997, un jeune mécanicien achète pour 200 000 F un garage situé dans un village de 3 000 habitants. Il était fermé depuis six mois, l'ancien propriétaire s'étant réinstallé dans une commune plus importante située à cinq kilomètres. Après un an d'exploitation, le chiffre d'affaires de ce garagiste n'atteint que la moitié de celui de son prédécesseur, que certains clients ont suivi.

Un inspecteur du fisc invoque une notification du 9 juin 1996 qui autorise l'administration des impôts à rectifier le prix d'un bien lorsqu'il paraît inférieur à sa valeur vénale réelle. Se fondant sur cinq transactions dans cinq villes différentes, il en conclut que le fonds acheté par le jeune mécanicien vaut 530 000 F et lui réclame un rappel de droits de 23 100 F, assorti d'un intérêt de retard de 1 905 F. Or la réinstallation de l'ancien garagiste à seulement 5 km de là a eu pour conséquence un transfert de clientèle et cette affaire n'est pas un fonds de commerce puisque le garage était fermé pendant six mois. Pourtant, la demande du fisc court toujours.

Autre cas, celui d'un électricien qui crée sa propre entreprise. Pour limiter ses investissements, il transforme sa voiture, une vieille Fiat Uno, en véhicule professionnel. Il lui est notifié un redressement de taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés, d'un montant de 16 170 F, auquel s'ajoutent des intérêts de retard de 0,75 % par mois, une majoration de 10 % et une amende de 80 %. Cet électricien a contesté le redressement, mais il n'a toujours pas de réponse.

Autre exemple, une entreprise de cycles employant 130 salariés a été conduite à la liquidation après un redressement excessif.

Un restaurateur, redressé en 1987 de plus d'un million, et condamné au pénal, se voit finalement innocenté, mais ne reçoit qu'une indemnité symbolique.

Une des explications tient à la législation qui exonère l'administration fiscale de toute responsabilité et exclut tous dommages et intérêts en faveur du contribuable, à l'exception d'intérêts moratoires.

Son pouvoir est d'autant plus fort qu'elle peut recouvrer sa créance sans attendre le résultat d'actions contentieuses.

L'administration fiscale peut ainsi décider des impositions supplémentaires sans que le contribuable puisse formuler ses observations, c'est la taxation d'office. Elle peut également remettre en cause les avantages fiscaux accordés au contribuable. Elle est dispensée de recourir à l'intervention des tribunaux pour procéder au recouvrement forcé des dettes fiscales. Elle dispose du commandement à payer, des voies d'exécution du droit commun, de l'avis à tiers détenteur et de la possibilité d'engager des poursuites pénales.

Il apparaît donc indispensable d'introduire une responsabilité de l'administration en cas d'erreur d'imposition, d'examiner la façon dont sont exercés les contrôles fiscaux et, enfin, de réviser le taux de l'intérêt de retard.

Certes, dans un arrêt du 16 juin dernier, le Conseil d'Etat a jugé que les intérêts de retard versés à l'entreprise pouvaient se cumuler avec des dommages-intérêts et des indemnités aux personnes physiques. Mais cette jurisprudence n'a pas été confirmée et demeure fragile.

Une enquête statistique annuelle sur les résultats des contrôles fiscaux et les raisons qui les ont motivés permettrait d'évaluer plus précisément le taux réel de non-conformité des déclarations, la part des erreurs et celle de la fraude intentionnelle.

Enfin, la commission des finances l'a relevé, il est nécessaire de réformer les modalités du taux de l'intérêt de retard pour les contribuables de bonne foi. Elles peuvent en effet aboutir à exiger le versement de sommes disproportionnées quand la procédure a duré plusieurs années.

En commission des finances, le président Emmanuelli a d'ailleurs proposé de revenir sur cette question de l'intérêt de retard lors du prochain collectif budgétaire.

Le groupe UDF est très attaché au recouvrement de l'impôt. Mais bien des citoyens, des entrepreneurs, dont le tribunal administratif a confirmé la bonne foi, sont mis en difficulté par ces intérêts de retard. En écho à leurs réclamations, cette proposition rétablit l'équité et la présomption de bonne foi à laquelle chaque citoyen a droit (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Gilbert Gantier - Nos concitoyens viennent d'envoyer leurs déclarations d'impôts et l'administration fiscale vient de sacrifier une réforme et un ministre sur l'autel du conservatisme (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Cette proposition arrive à point nommé car cette administration fiscale, tentaculaire et cloisonnée, pesante et complexe est de plus en plus contestée tant par les contribuables qu'au sein même de l'Etat.

Emissions de télévisons, ouvrages, tels Contribuables, vous êtes cernés ou La traque fiscale nourrissent la polémique.

Pourquoi cette question se pose-t-elle avec tant d'acuité ?

D'abord, avec un niveau de prélèvements obligatoires historique, de 45,6 % du PIB en 1999, les contribuables supportent de moins en moins l'inquisition fiscale et la malveillance des contrôleurs du fisc. Le meilleur exemple -pour ne pas en mentionner un, tout récent (Sourires)- est la fuite de nos jeunes cadres en Grande-Bretagne.

Or le Gouvernement et sa majorité reprennent presque toujours à leur compte la rhétorique de la direction de la législation fiscale, disqualifient d'emblée toute contestation fiscale, en parlant d'impôt citoyen et confondent allègrement évasion fiscale et fraude fiscale. Le consentement démocratique à l'impôt n'eut-il pas justement pour origine la révolte fiscale ?

Au moment où le régime de responsabilité administrative se rapproche du droit commun, laisser survivre un contentieux fiscal dérogatoire n'est plus justifié.

L'administration agit sous le contrôle du juge administratif qui sanctionne les fautes, font valoir ses responsables. Ce contrôle est bien théorique. La lenteur de la justice administrative...

M. Jean-Luc Warsmann - Cinq ans en appel !

M. Gilbert Gantier - ...la complexité du droit à réparation, la persistance du régime de la faute lourde, le fait que les intérêts de retard continuent de courir pendant ces recours dissuadent souvent le contribuable d'aller devant les tribunaux.

Le juge administratif sanctionne certes les abus les plus criants. Dans le cas du sieur Tripot qui était à la tête de sociétés prospères, et s'est trouvé ruiné par des contrôles fiscaux à répétition, incapable de poursuivre son activité, bloquée par des avis à tiers détenteurs multiples, obligé de vendre ses sociétés pour un franc symbolique, devenu fou par la suite, le Conseil d'Etat a reconnu les fautes lourdes de l'administration fiscale par un arrêt du 16 juin dernier... soit 16 ans après les actes fautifs.

M. Jean-François Mattei - Voilà !

M. Gilbert Gantier - La jurisprudence « Commune d'Arcueil » du 29 décembre 1997, appliquée actuellement, préserve l'imperium administratif, sous prétexte que la fin -la collecte de l'impôt- justifierait les moyens.

La faute lourde donc demeure la règle ; le juge étant tout à fait libre d'évaluer la nature de la faute, l'administration fiscale bénéficie d'un régime de responsabilité que même les hôpitaux, agissant pourtant dans des conditions particulièrement difficiles, ne connaissent plus.

Que proposent José Rossi et François Goulard ?

S'agissant de la faute, d'aligner le contentieux fiscal sur le reste du contentieux administratif, et d'admettre que la faute simple suffit pour engager la responsabilité de l'Etat en matière fiscale.

S'agissant de la procédure, d'admettre le droit à réparation dans la phase pré-contentieuse et de lever l'interdiction faite au juge fiscal d'accorder des dommages et intérêts.

S'agissant des pénalités, d'aligner l'intérêt de retard pratiqué par l'administration sur celui de l'intérêt légal : 9 % l'an, c'est usuraire alors que les intérêts moratoires auxquels a droit le contribuable ne se montent qu'à 2,74 %.

Le nouveau président de la commission des finances a repris cette idée d'alignement, que je défendais depuis des années.

La proposition protège le contribuable injustement redressé ou sanctionné, en facilitant le droit à dédommagement, ainsi que le contribuable de bonne foi vis-à-vis des pénalités fiscales. Elle ne touche en rien aux pénalités appliquées en cas de mauvaise foi ou d'opposition à contrôle fiscal. Même Jean-Pierre Brard, pourfendeur de la fraude fiscale, reconnaissait que « le harcèlement était dans la culture des impôts ». Paul Champseur, corédacteur de la mission 2003 sur la réforme des services fiscaux, a reconnu lui aussi que dans certains cas, la répression fiscale est aveugle.

Cette proposition vise donc à mettre un terme à l'impunité de fait de l'administration fiscale, à la malveillance fiscale ordinaire. Modérée et pertinente, elle renforce l'Etat de droit dans lequel, avant d'être des « assujettis », les contribuables n'en sont pas moins des citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Cette proposition a pour objet non d'instaurer -elle existe- mais d'étendre la responsabilité de l'administration fiscale et de diminuer le montant de certaines pénalités. Selon ses auteurs, en pratiquant contrôles et redressements, celle-ci agirait sans discernement, dans l'irresponsabilité. Je ne peux partager cette vision.

M. Jean-Luc Warsmann - Vous caricaturez !

M. le Secrétaire d'Etat - L'administration ferait preuve aussi d'un harcèlement dont on a donné des exemples. Or le contrôle fiscal est nécessaire pour assurer la juste répartition de l'impôt entre contribuables, l'égalité de concurrence entre les entreprises et éviter la perte de recettes publiques. Il est un des piliers essentiels de la démocratie.

Mais il doit s'exercer dans le strict respect de la loi et sous le contrôle du juge. M. Warsmann a présenté de manière abusive les privilèges de l'administration fiscale. Elle a toujours la charge de la preuve alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, cette preuve est à charge du contribuable. Il y a là un contrepoids au pouvoir de l'administration qui vise bien à faire respecter les droits des citoyens.

M. Hériaud a cité de nombreux exemples sur lesquels je ne puis me prononcer faute d'avoir eu accès aux dossiers. Mais il passe sous silence les nombreux droits et garanties du contribuable, qui peut contester un rappel, s'adresser au directeur départemental, à la commission départementale de conciliation et peut demander des sursis de paiement. La loi de finances rectificatives pour 1999 a généralisé la motivation des pénalités, ce qui accroît encore les garanties.

Enfin, le contrôle fiscal doit être concentré sur son objet, c'est-à-dire la lutte contre la fraude. Aussi avons-nous demandé aux services fiscaux de s'attaquer à la fraude véritable et de donner la priorité aux dossiers qui constituent un enjeu budgétaire réel. Cette conception n'exclut pas un contrôle plus large, à finalité dissuasive, mais il faut adapter les moyens aux enjeux en s'employant pour l'essentiel à lutter contre les comportements frauduleux.

Depuis deux ans, grâce notamment aux initiatives de votre commission des finances et de M. Jean-Pierre Brard, les moyens de lutter contre la fraude à la TVA intracommunautaire et contre l'économie souterraine ont été renforcés. C'est à ces fraudes que doit continuer de s'attaquer la direction générale des impôts, à laquelle je rends hommage pour la grande qualité de son travail.

S'agissant de la responsabilité de l'administration fiscale, il n'est pas exact que les comportements fautifs n'ouvrent pas droit à indemnité : les contribuables peuvent bénéficier d'une indemnisation pour faute, en agissant non pas sur le fondement de l'article 207 mais selon le droit commun de la responsabilité. Quand le juge considère que l'action de l'administration présente une difficulté particulière, seule la faute lourde est indemnisée ; mais si tel n'est pas le cas, même la faute simple est indemnisée. Ces condamnations se produisent plusieurs fois chaque année ; j'en tiens quelques exemples à votre disposition. La jurisprudence a connu dans la période récente un infléchissement favorable au contribuable, par la sanction des fautes simples. L'article L. 207 du Livre des procédures fiscales ne limite pas le pouvoir d'appréciation du juge, qui demeure souverain et qui peut accorder des dommages-intérêts ou des indemnités quelconques.

L'administration fiscale ne bénéficie donc pas d'un traitement particulier dans la mise en cause de sa responsabilité, et la jurisprudence est équilibrée. En conséquence, il n'y a pas lieu de modifier la loi sur ce point.

En revanche, il y a lieu d'améliorer la qualité du service rendu par l'administration fiscale au contribuable. C'est, bien entendu, comme l'a souligné M. Vila, par la voie de la concertation et de la négociation que le Gouvernement entend engager cette démarche (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Cette proposition de loi a par ailleurs pour but de réviser les modalités d'établissement du taux de l'intérêt de retard. C'est un sujet important, qui a déjà donné lieu à des discussions approfondies au sein de votre assemblée.

Il ne faut pas confondre les intérêts moratoires et les intérêts de retard, comme M. Gantier a semblé le faire. Si, au terme d'une procédure contentieuse, le contribuable gagne, l'Etat paie des intérêts moratoires au taux de 2,4 % ; si le contribuable perd, c'est lui qui paie ces mêmes intérêts moratoires.

Les intérêts de retard ont un objet très différent : il s'agit d'éviter que certains contribuables ne fassent des arbitrages entre le paiement des impôts et leur non-paiement. S'ils savent qu'ils supporteront des intérêts de retard très faibles, ils feront autre chose de leur argent jusqu'à ce qu'on le leur réclame. Il est donc normal que les intérêts de retard soient supérieurs aux intérêts moratoires.

Les intérêts de retard apportent plusieurs milliards de francs ; j'ai la conviction que cette somme est mieux utilisée à financer nos priorités qu'elle ne le serait à baisser ces intérêts. Par ailleurs, le taux de l'intérêt de retard, qui est de 9 % l'an, demeure comparable aux taux pratiqués par les établissements bancaires, qui varient pour ce premier trimestre 2000 entre 6,05 % et 12,04 %.

Certains ont évoqué la complexité de la loi fiscale -dont je rappelle qu'elle n'est pas toujours, même si c'est souvent le cas, le fait du Gouvernement. Il est indispensable de retenir une méthode de calcul simple ; ce ne serait pas le cas avec l'adoption d'un taux d'intérêt variable et indexé sur celui de l'intérêt légal. De même, réduire le taux des majorations applicables en cas de dépôt tardif des déclarations risque d'inciter les contribuables à ne plus respecter les délais légaux.

Enfin, cette proposition de loi tend à créer une commission qui serait chargée de réaliser une enquête statistique annuelle sur les résultats des contrôles fiscaux. Cela ne me paraît pas utile. En effet, des améliorations ont été apportées aux documents existants, notamment par un enrichissement des données relatives au contrôle fiscal qui sont mentionnées dans les voies et moyens, conformément à l'article 108 de la loi de finances pour 1999. Thierry Carcenac a rappelé qu'à partir de la loi de finances pour 2000, le Gouvernement devrait détailler les résultats du contrôle fiscal par région et, à partir de la loi de finances pour 2001, les détailler également par département de plus d'un million d'habitants, en distinguant à chaque fois les droits simples et les pénalités.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement, rejoignant la commission des finances, est défavorable à l'adoption de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Je n'ai pas reçu de demande d'explication de vote.

L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles.

M. le Président - L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 4 mai 2000 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

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DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT A UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée nationale au sein du conseil d'administration de l'Établissement public de financement et de restructuration.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des finances. La candidature devra être remise à la présidence avant le mercredi 3 mai 2000, à 18 heures.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 10 heures 25.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 4 mai 2000 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures :

      _ explications de vote et vote, par scrutin public, sur le projet relatif à la chasse ;

      _ deuxième lecture du projet relatif à l'élection des sénateurs ;

      _ proposition, adoptée par le Sénat, interdisant les candidatures multiples aux élections cantonales ;

      _ deuxième lecture du projet portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;

      _ deuxième lecture de la proposition sur la protection des trésors nationaux et modifiant la loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane,

chacun de ces deux derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

MERCREDI 5 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ projet autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière (ensemble sept appendices) ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) ;

      _ projet adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise ;

      _ projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice,

chacun de ces huit derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

À 21 heures :

      _ proposition, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.

JEUDI 6 AVRIL, à 9 heures, à 15 heures et, éventuellement, à 21 heures :

      _ suite de la proposition, adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels ;

      _ deuxième lecture du projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives,

ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

      _ texte de la commission mixte paritaire sur le projet modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption ;

      _ projet, adopté par le Sénat, portant organisation de la consultation de la population de Mayotte ;

      _ deuxième lecture de la proposition tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

MARDI 25 AVRIL, à 9 heures :

      _ proposition de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale ;

(séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

À 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

MERCREDI 26 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures

et JEUDI 27 AVRIL, à 15 heures et à 21 heures :

      _ projet relatif aux nouvelles régulations économiques.

MARDI 2 MAI, à 9 heures :

      _ proposition de loi constitutionnelle de M. André Aschieri tendant à compléter l'article 3 et à supprimer l'article 88-3 de la Constitution et relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidants étrangers pour les élections aux conseils des collectivités territoriales.

      (ordre du jour complémentaire)

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ projet portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à l'adaptation de la législation au passage à l'euro,

      _ projet portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'agriculture.

MERCREDI 3 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ lecture définitive du projet tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives,

      _ troisième lecture du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membres des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna,

      ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.

      _ texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet relatif à l'élection des sénateurs ;

      _ nouvelle lecture du projet modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

JEUDI 4 MAI, à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite de la nouvelle lecture du projet modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.


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