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Session ordinaire de 1999-2000 - 73ème jour de séance, 174ème séance

3ÈME SÉANCE DU MARDI 4 AVRIL 2000

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

Sommaire

VENTES AUX ENCHÈRES -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée) 2

ART. 2 BIS 10

ART. 11 11

APRÈS L'ART. 11 12

ART. 12 13

ART. 14 13

ART. 18 14

ART. 29 14

ART. 23 14

ART. 35 15

ART. 36 16

ART. 37 16

ART. 41 17

ART. 43 17

ART. 43 QUINQUIES 17

ART. 44 A 18

ART. 48 BIS A 18

TRÉSORS NATIONAUX -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée) 18

ART. 2 26

ART. 5 26

PUBLICATION DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 27

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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VENTES AUX ENCHÈRES -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Mme la Présidente - Je vous rappelle que ce projet fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Je tiens à vous dire, Madame la ministre, tout le plaisir que j'ai à vous voir siéger au banc du Gouvernement, en qualité de ministre de la culture, alors qu'il y a quelques jours encore, vous présidiez notre commission des lois.

Un heureux hasard nous réunit ce soir alors que je préside pour la première fois les travaux de cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - C'est aussi avec émotion que je me retrouve à cette place dans cet hémicycle. Je vous remercie, Madame la Présidente, de vos paroles si accueillantes.

Votre assemblée est à nouveau saisie du projet de loi réformant les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques que Mme Trautmann, puis Mme Guigou, ont défendu avec force et conviction.

Madame la Garde des Sceaux, qui soutient en ce moment même devant le Sénat le projet relatif à la présomption d'innocence, regrette de ne pas être parmi vous. Je suis heureuse d'être aujourd'hui au banc des ministres pour la suite du débat.

La ministre de la culture et de la communication que je suis l'aborde avec la volonté de poursuivre cette réforme ambitieuse et essentielle dans la continuité de l'action gouvernementale.

J'ai pu, en qualité de présidente de la commission des lois, mesurer la volonté de la représentation nationale de réformer en profondeur la réglementation fort ancienne des ventes aux enchères et le statut des commissaires-priseurs, pour adapter notre droit aux exigences communautaires ainsi qu'aux contraintes économiques et culturelles d'un marché de plus en plus international.

J'ai apprécié la qualité de vos travaux et des débats sur un sujet très technique.

De nombreuses dispositions ont été votées conformes par les deux chambres, souvent avec le soutien du Gouvernement. Je m'en réjouis.

Je pense notamment : à la définition du périmètre de la nouvelle réglementation ; à la recherche d'une compétitivité accrue des professionnels français, qui doivent pouvoir exercer dans des structures commerciales adaptées ; ou encore aux exigences déontologiques et aux garanties auxquelles doivent être soumis les opérateurs, qui traitent le plus souvent avec de simples consommateurs et interviennent fréquemment sur le marché de l'art.

Je ne développerai que les principaux points qui n'ont pas fait l'objet d'un vote conforme.

Le premier, plus technique que politique, concerne la réglementation applicable aux ventes aux enchères sur Internet.

Les transactions sur réseau numérique sont-elles des ventes aux enchères ? Dans l'affirmative, le projet de loi doit-il leur être appliqué intégralement ou pour partie, ou bien faut-il adopter une réglementation propre à Internet ? Ces questions méritaient réflexion.

Le Sénat a souhaité inclure purement et simplement les ventes « en ligne » dans le champ d'application du projet.

Le Gouvernement a donc confié, en janvier dernier, une mission d'expertise à un avocat général à la Cour de cassation et à un inspecteur général de l'administration des affaires culturelles. Leur rapport démontre que, sur la plupart des sites, les opérateurs du réseau numérique ne procèdent pas à de véritables ventes aux enchères. En effet, le vendeur et l'acheteur, sélectionnés après une mise en concurrence et mis en relation par un prestataire de services, demeurent libres de contracter ou non. A l'inverse, lorsqu'il s'agit de véritables ventes aux enchères, la société de vente agit comme mandataire du vendeur et le transfert de propriété est automatique à la clôture des opérations.

Le présent projet -et je partage l'avis de votre commission sur ce point- n'a pas pour objet, a priori, de réglementer les transactions qui ne répondent pas aux critères traditionnels de définition de la vente aux enchères. C'est là le sens du premier alinéa de l'amendement de votre commission, que le Gouvernement soutiendra.

M. Christian Paul - Très bien !

Mme la Ministre - Mais ce rapport conclut aussi à la nécessité de renforcer ce dispositif lorsque les opérations portent sur des objets d'art, afin de préserver notre patrimoine national et de protéger l'acquéreur plus vulnérable sur le marché de l'art. Il s'agit d'éviter, pour les biens culturels, tous les procédés destinés à contourner la nécessaire protection des acquéreurs et les objectifs de conservation du patrimoine.

C'est pourquoi l'amendement, dans son troisième alinéa, étend les garanties découlant de la loi, non seulement aux enchères stricto sensu, mais plus largement à toutes les formes de ventes de biens culturels s'y apparentant. Le dispositif qui vous est proposé est équilibré.

La seconde question que je souhaite aborder est l'indemnisation des commissaires-priseurs.

Le Gouvernement et votre assemblée considèrent que l'atteinte à la valeur pécuniaire du droit de présentation ne constitue pas une expropriation au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Gouvernement a donc pris résolument le parti d'indemniser les commissaires-priseurs du préjudice qu'ils subiront du fait de l'ouverture à la concurrence des ventes volontaires, en vertu du principe d'égalité devant les charges publiques. L'Etat financera intégralement cette indemnisation et le Gouvernement a pris l'engagement solennel d'assurer la neutralité fiscale des transformations juridiques imposées par la réforme.

En conclusion, je salue l'important travail accompli par votre commission, en rendant un hommage particulier à Mme Nicole Feidt, rapporteuse du projet. Grâce à sa volonté, à son travail et à ses qualités d'analyse, nous abordons aujourd'hui ce débat dans les meilleures conditions, débat auquel plusieurs d'entre vous, sur tous les bancs, ont pris part avec intérêt et parfois, avec passion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Nicole Feidt, rapporteuse de la commission des lois - Puis-je me permettre d'adresser un clin d'_il complice aux deux personnes qui siégeaient récemment à mes côtés à la commission des lois et dont l'une se retrouve aujourd'hui sur les bancs du Gouvernement, l'autre à la présidence de notre assemblée.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Très bien !

Mme la Rapporteuse - Après la deuxième lecture de ce projet par le Sénat, il reste 19 articles en navette, 13 ayant été adoptés conformes.

Le Sénat a réaffirmé sa position initiale, opposée à celle de l'Assemblée et du Gouvernement, sur la vente par Internet, les ventes réalisées de gré à gré, le prix d'adjudication minimal, la composition du conseil de vente aux enchères publiques, le nombre de spécialités pour lesquels un expert peut être agréé, les modalités d'indemnisation des commissaires-priseurs et les dispositions fiscales destinées à accompagner la réforme.

A l'article 2 bis, le Sénat dit que la présente loi s'applique aux ventes électroniques. Sur ce point, nous devons trouver un équilibre propre à satisfaire plusieurs objectifs. Il est essentiel d'apporter aux personnes qui achètent des biens en ligne des garanties substantielles, sans nuire au développement du commerce électronique qui crée de nouveaux emplois. Au demeurant, très peu d'opérations réalisées par voie électronique constituent effectivement des ventes aux enchères au sens de la loi. Plusieurs sites ne sont en effet que des intermédiaire entre le vendeur et des personnes qui présentent les offres les plus élevées. Ils ne procèdent pas à l'adjudication du bien et n'agissent pas comme mandataires. Il s'agit de courtage aux enchères.

En matière de véritables ventes aux enchères par Internet, la loi doit s'appliquer puisque la société agit comme mandataire du propriétaire. Elle procède à l'adjudication du bien au mieux-disant, en réalisant un transfert immédiat avec les garanties prévues par la loi qui figurent dans l'article 2 bis adopté par la commission.

A l'article 8, la définition du régime de la vente de gré à gré par l'intermédiaire de la société de vente volontaire de meubles aux enchères d'un bien déclaré non adjugé n'a pas été adopté par le Sénat.

Notre assemblée avait accepté l'allongement du délai préconisé par le Sénat, mais n'avait pas suivi la Haute assemblée sur les conditions de vente, estimant à juste raison que celles-ci doivent rester exceptionnelles. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé les amendements de M. Houillon qui allaient dans le sens du Sénat. En revanche, elle a adopté un amendement de votre rapporteur garantissant un prix d'adjudication minimal, afin de prévenir les ententes illicites.

Elle a également accepté un amendement autorisant à garantir un prix d'adjudication minimal, pour les seules sociétés de ventes qui ont conclu un contrat avec un organisme d'assurances, au terme duquel celui-ci s'engage, en cas de défaillance de la société, à rembourser la différence entre le montant garanti et le prix d'adjudication, si le montant du prix garanti n'est pas atteint lors de la vente aux enchères.

En ce qui concerne l'indemnisation des commissaires-priseurs, le Sénat a réaffirmé son attachement à une indemnisation fondée juridiquement sur la « perte du droit de présentation de leur successeur en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères » d'une part, et, d'autre part, sur la « suppression du monopole qui leur était confié dans ce domaine » et non sur le « préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation ».

Cependant, le droit de présentation ne constitue pas un droit de propriété -les commissaires-priseurs n'en disposent pas librement-, et si même tel était le cas, le commissaire-priseur ne subirait pas une expropriation du fait de la loi puisque ce doit est maintenu pour les ventes judiciaires. Il ne connaît donc qu'une perte de valeur pécuniaire que la présente loi se propose d'indemniser.

L'introduction par le Sénat d'un article 44 A modifierait l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. Il s'agit de l'exonération du droit de reproduction, qui à l'heure actuelle ne concerne que les catalogues des ventes aux enchères effectuées en France par un officier public ou ministériel. Cet article additionnel viserait à élargir le champ de l'exception à toutes les ventes d'_uvres d'art, graphiques ou plastiques, ce qui exposerait la France à un contentieux communautaire, les exceptions en matière de droits de reproduction devant rester très limitées. En outre, l'application des règles de droit commun ne semble pas constituer un facteur déterminant dans le choix de la localisation d'une vente à l'étranger. La commission a donc accepté l'amendement du Gouvernement qui limite l'exonération du droit de reproduction aux seules ventes judiciaires.

Les commissaires-priseurs et leurs organes professionnels attendent cette réforme depuis des années. Je vous propose donc d'en délibérer sans plus attendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Plagnol - Je suis heureux, Madame la Présidente, de vous saluer et je suis sûr que vous remplirez au mieux votre fonction, car j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier la pertinence de vos interventions au cours des travaux de la commission des lois.

Permettez-moi de même, Madame la ministre, de vous féliciter. Tout ministre nouvellement nommé connaît un état de grâce. Le vôtre est encore rehaussé par l'aura culturelle qui vous précède, sur laquelle je me fonde pour vous lancer un appel en faveur du marché de l'art français. Je ne doute pas de votre capacité à obtenir l'appui d'un ministre de l'économie et des finances qui ne peut rester insensible aux questions culturelles, afin que tout soit mis en _uvre pour redonner tout son éclat à la place de Paris.

S'agissant de l'indemnisation des commissaires-priseurs, je m'inscris en faux contre les propos de Mme la Rapporteur car le taux proposé de 50 % constitue une véritable escroquerie morale.

Dans le cadre de la transposition d'une directive, le Sénat vient d'adopter une proposition sur les courtiers maritimes qui tend à indemniser leur préjudice à hauteur de 65 %. L'argument de votre prédécesseur consistant à dire que le problème ne se pose pas dans les mêmes termes n'est pas recevable. Aucune différence de nature juridique ne justifie une telle discrimination qui fait d'ailleurs courir un risque sérieux d'inconstitutionnalité et l'opposition, au nom du principe d'égalité devant les charges publiques et de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'expropriation, formera un recours si vous n'alignez pas -et il s'agit là d'un geste a minima- le taux sur celui qui va être appliqué aux courtiers maritimes.

Le deuxième geste très attendu se situe dans le champ fiscal, pour lever les handicaps qui « plombent » la place de Paris et qui représentent en termes de masses de finances publiques des sommes dérisoires. Je pense bien entendu au taux de la TVA à l'importation et au droit de suite pour lequel de nombreuses pistes de réforme ont déjà été étudiées. Il est temps de passer aux actes.

Enfin, j'en viens au point essentiel qui concerne l'opportunité de légiférer sur les ventes par Internet. Je suis heureux de constater que les avertissements de l'opposition et de quelques éminents collègues comme M. Christian Paul ont été entendus car il était inconcevable que nous votions une fois encore une loi pour rien, au moment même où ont lieu les premières ventes aux enchères sur Internet sans commissaire-priseur. Je crois pour ma part qu'il est absolument indispensable de légiférer car les ventes aux enchères sur Internet redonneront une chance supplémentaire au site français. Nous pouvons en effet nous prévaloir de professionnels reconnus, d'experts incontestés et de richesses patrimoniales exceptionnelles. Or les ventes en ligne échapperont aux vices traditionnels du jacobinisme et de la fiscalité. Si nous savons nous doter d'un minimum de règles pour rassurer les vendeurs et les acheteurs, je suis convaincu que la place française y gagnera. J'observe d'ailleurs que Drouot s'est d'ores et déjà doté d'un excellent site, qui remporte un vif succès. N'ayons pas peur de la modernité : notre pays, riche de son patrimoine et de ses capacités de création, a tout à gagner à adopter une loi intelligente, qui nous fasse passer du XIXe siècle au XXIe siècle pour ce qui concerne la vente des objets d'art.

M. Philippe Houillon - Très bien !

M. Jean Vila - Le projet que nous examinons aujourd'hui vise à mettre fin au monopole des commissaires-priseurs sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Si cette réforme permet d'ouvrir le marché à la concurrence, il n'est pas établi qu'elle permette à notre pays de revenir au premier plan sur le marché de l'art mondial. L'enjeu est d'autant plus important que nous allons passer de l'idée bien française selon laquelle l'Etat est le gardien du patrimoine national à une libéralisation totale du marché.

Notre système de ventes volontaires sera ainsi calqué sur celui de la Grande Bretagne : absence de monopole et de tarif imposé, libre concurrence, recours aux transactions de gré à gré, avances sur fonds propres ou encore prix garantis. On comprend dans ces conditions pourquoi le Gouvernement cherche à réglementer plus strictement les ventes dans le souci d'assurer la protection des acheteurs et des vendeurs. Mais l'encadrement juridique proposé suffit-il ?

Ayant écouté avec attention nombre de représentants de la profession, je pense que l'enthousiasme que l'on croit déceler chez les commissaires-priseurs français pour cette réforme n'est sans doute pas aussi vif qu'on le croit.

Cette réforme est plus attendue des maisons anglo-saxonnes de ventes aux enchères que de nos commissaires-priseurs qui, dans leur grande majorité, redoutent les agissements des sociétés les plus importantes qui, au gré des disparités fiscales et économiques, déplacent les _uvres d'art dans le monde. Deux d'entre elles n'ont-elles pas déjà investi massivement pour améliorer leurs techniques commerciales et élargir encore leur surface financière ?

Les mesures prises sont-elles assez protectrices, vis-à-vis notamment des géants anglo-saxons ? Permettront-elles de hisser la France au niveau qui devrait être le sien ou risquent-elles d'en faire un marché d'exportation de notre patrimoine ?

Je relève avec satisfaction, Madame la ministre, que vous ne souhaitez pas libéraliser totalement ce secteur d'activité mais seulement redynamiser le marché tout en posant des exigences déontologiques et en instituant des garanties au bénéfice des acheteurs.

Je partage l'inquiétude du groupe communiste, républicain et citoyen ainsi que celle du groupe socialiste du Sénat qui, en s'abstenant sur ce texte amendé par la droite sénatoriale, ont marqué leur opposition à une plus grande libéralisation du marché de l'art.

Nous souhaitons, pour notre part, que l'Assemblée revienne sur certaines dispositions afin d'encadrer davantage cette libre concurrence. Certains points méritent un examen très attentif.

C'est le cas de l'indemnisation prévue pour les commissaires-priseurs en contrepartie de la perte de leur monopole.

Il semble que l'on souhaite leur donner les moyens de réaliser les investissements rendus nécessaires par cette réforme mais les propositions initiales ne paraissent pas répondre à leur attente. Un texte limite le montant de l'indemnisation à 50 % de la valeur théorique de l'office calculée selon les critères proposés par la commission mise en place par le ministre de la justice en 1997. Cette indemnisation forfaitaire, quel qu'en soit le montant, ne répond pas aux obligations de réparation intégrale du préjudice causé par cette privation de patrimoine.

M. Pierre Lellouche - Très bien !

M. Jean Vila - Les commissaires-priseurs craignent d'être rapidement contraints de céder leurs offices. Ceux de province sont inquiets, à juste titre, des conséquences de cette réforme sur leur situation (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Représentant les trois quarts des commissaires-priseurs français, établis dans 262 villes dont une grande majorité de moins de 50 000 habitants, outre leur mission de service public, ils assurent grâce à ce maillage un service de proximité au bénéfice des acheteurs.

Le projet propose une indemnisation dont l'enveloppe globale initiale est inférieure au montant de l'endettement professionnel des commissaires-priseurs et dont le mode de calcul ne respecte pas le principe d'égalité devant les charges publiques, créant une inégalité avec les nouvelles sociétés de vente et une discrimination entre Paris et la province. Privés de moyens financiers face à des multinationales aux réserves financières importantes, même les plus dynamiques auront du mal à conquérir des parts de marché substantielles.

Sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à distance par voie électronique, un large débat a eu lieu au Sénat. La réflexion a certainement évolué depuis. Madame la ministre, quelles dispositions précises comptez-vous prendre pour rompre avec le flou juridique sur cette question ?

Si le texte adopté par le Sénat ne reçoit pas notre assentiment, nous souhaitons que les modifications qui y seront apportées nous permettent d'adopter le projet (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Pierre Lellouche - Je tiens tout d'abord, Madame la Présidente, à vous féliciter de votre brillante promotion à une fonction dans laquelle vous excellerez. Et Madame la ministre, quelle joie de vous voir ce soir au banc du Gouvernement. Si Paris a récemment perdu un candidat de la gauche plurielle à l'investiture municipale, qui s'intéressait fortement à la culture, du moins le prétendait-il, le Gouvernement a gagné une ministre de la culture qui, j'en suis sûr, réalisera de grandes choses et soutiendra le marché de l'art parisien. Je compte notamment sur votre soutien pour aider Drouot.

Vous avez jugé ce texte ambitieux. Il ne l'est pas, hélas. Rendu nécessaire par l'évolution du droit européen, il reste malheureusement muet sur les questions fiscales qui influent pourtant directement sur le marché de l'art : fiscalité générale, fiscalité spécifique aux _uvres d'art, TVA à l'importation, droit de suite. Sur ce dernier point, je regrette vivement que la France ne se soit pas opposée à un accord absolument scandaleux maintenant le droit de suite à 3 % et accordant à la Grande-Bretagne, hostile à ce droit, un délai de grâce de quinze ans. J'avais proposé à la délégation pour l'Union européenne, qui l'avait acceptée, une proposition de résolution invitant le gouvernement français à modifier cette fiscalité à l'approche de la présidence française de l'Union. L'accord précité rend caduque ma proposition mais force est de constater que cette taxe pénalise le marché de l'art parisien. Ce marché conditionne pourtant quelque 60 000 emplois directs et la vie culturelle de la capitale, comme de nombreuses autres villes.

Votre texte se contente vraiment d'un service minimum. Je ne reviendrai que sur quelques points à l'occasion de cette deuxième lecture.

Je me félicite que le Gouvernement ait enfin accepté de légiférer sur les ventes aux enchère sur Internet, comme nous l'avions proposé ici en première lecture et comme l'y ont invité les sénateurs et certains membres de la majorité. Sur ce point, le texte est fort bon et nous le voterons.

La garantie de remboursement des avances prévue à l'article 12 menace l'équilibre économique des petites structures, notamment face à des sociétés comme Christie's et Sotheby's.

Pourquoi un prestataire de services européen exerçant en France serait-il mieux traité au regard du droit pénal qu'un prestataire français, comme le prévoit pourtant l'article 14 ?

L'indemnisation ne vise pas, comme le dit l'article 35, à réparer un préjudice subi « du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation », mais bien du fait de la perte de ce droit. Dès lors qu'il s'agit bien d'une expropriation de fait, elle doit être indemnisée dans les conditions prévues par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme. L'indemnisation que vous proposez à hauteur de 50 % n'a aucune base légale. Vous vous exposez d'ailleurs à la censure du Conseil constitutionnel que le groupe RPR et les autres groupes de l'opposition saisiront.

La taxation du droit de reproduction pénalisera injustement la place de Paris.

Enfin, la composition du conseil des ventes volontaires a été inutilement « étatisée » alors que le Sénat, comme moi-même en première lecture, vous avait proposé de trouver un juste équilibre entre les personnalités nommées par le Gouvernement et celles issues du marché de l'art.

Au total, ce texte, dont la préparation avait commencé avec Jacques Toubon, est mieux que rien. Malheureusement, il ne traite pas des questions de fond, notamment économiques et fiscales. En tant que député de Paris, je suis inquiet pour la pérennité du Drouot et de nombreux offices. L'enveloppe de l'indemnisation, qui s'élevait au départ à 2,5 milliards, a été ramenée à moins de 500 millions pour environ 400 études. Madame la ministre, il ne s'agit pas de protéger les riches, mais de redonner à Paris toute sa place sur le marché de l'art. Ce texte n'y contribue pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jérôme Lambert - A mon tour, je vous félicite, Madame la Présidente. Je sais de même, Madame la ministre, que vous connaissez parfaitement les dossiers culturels et que nous pouvons compter sur votre écoute.

La deuxième lecture de ce texte devrait permettre d'avancer de manière significative sur divers points largement débattus en première lecture.

Les sénateurs ont approuvé beaucoup des dispositions que nous avions votées.

Plusieurs articles pourront être approuvés conformes. D'autres devront être réécrits. Quoi qu'il en soit, j'espère que nous pourrons parvenir rapidement à un accord définitif permettant que la loi entre en vigueur sans retard.

Les orientations générales de ce texte sont attendues depuis longtemps. Reste à définir quelques dispositions particulières dans l'intérêt de tous ceux qui souhaitent le développement du marché de l'art français. Cette réforme, nécessaire sur le plan européen, doit aussi servir les quelque 60 000 professionnels, ô combien compétents, de notre marché de l'art.

Les sociétés de ventes volontaires aux enchères publiques, de droit français, seront les moteurs de la reconquête de notre marché. Avant même l'adoption de la loi, les commissaires-priseurs ont montré leurs capacités à faire évoluer leur profession.

D'autres opérateurs, internationaux, sont déjà présents sur notre marché, preuve que celui-ci inspire confiance.

Je refuse l'attitude misérabiliste consistant à considérer que les autres sont définitivement meilleurs que nous et que nos règles constituent un frein considérable. Je vois plutôt nos atouts, qui tiennent en premier lieu à la qualité de nos professionnels de l'art et je ne veux pas copier le système américain ou japonais, car ces systèmes s'appuient sur des règles sociales et culturelles qui nous sont étrangères et qui, je l'espère, le resteront.

Quelques dispositions doivent être réexaminées, parmi lesquelles l'article 2 bis, qui concerne les enchères par mode électronique. Je suis certain que, dans quelques minutes, nous allons trouver un accord global sur cette question.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice des commissaires-priseurs, le texte que nous avons adopté et celui du Sénat divergent. Mais il ne faut pas se tromper de débat : nous n'allons pas « nationaliser » les commissaires-priseurs et nous ne sommes donc pas fondés à leur allouer une indemnisation en rapport avec une forme de dépossession de propriété. Ils garderont en effet l'entière propriété des fonds de commerce qu'ils constitueront pour satisfaire aux dispositions de la loi. Ils perdront, certes, la possibilité de vendre leur droit de présentation -c'est précisément ce que nous allons indemniser- mais ils garderont, bien entendu, la possibilité de vendre leurs entreprises commerciales, et d'en tirer alors une rémunération, tout comme lorsqu'ils appliquaient le droit de présentation. Les commissaires-priseurs sont donc loin de tout perdre dans cette réforme. Ils ont même à y gagner dans la mesure où cette indemnisation leur permet de percevoir à l'avance les fruits de leur travail à venir.

J'en appelle donc à un juste examen des mesures proposées, quitte à trouver des modalités permettant de prendre en compte tous les cas de figure mais sans aller jusqu'à considérer qu'il s'agit de les indemniser pour la perte totale de leur outil de travail.

Je fais observer à M. Plagnol que nous appliquons aux commissaires-priseurs le même principe qu'aux courtiers maritimes. Je ne vois donc pas pourquoi il critique dans un cas et pas dans l'autre. Quant au taux retenu, il est certes de 50 % pour les commissaires-priseurs contre 65% pour les courtiers maritimes, mais compte tenu de la possibilité de modulation -15 %- accordée aux premiers, on arrive au même point.

En conclusion, je souhaite que ce projet soit vite adopté afin que la France soit en mesure de trouver une meilleure place dans le marché mondial de la culture et de l'art. Le texte qui nous est présenté va dans la bonne direction et le débat que nous allons avoir devrait encore l'améliorer. Soyez certaine, Madame la ministre, de la volonté des députés socialistes d'accompagner toute évolution en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Houillon - Je me réjouis à mon tour de voir l'ancienne présidente de la commission des lois au banc du Gouvernement et je suis sûr que vous saurez y insuffler le même vent de modernisme et le même dynamisme que celui qui soufflait parfois en commission des lois.

Le présent texte est relativement consensuel, tout le monde s'accordant à dire qu'il était grand temps de réformer le marché de l'art français et particulièrement celui des ventes aux enchères publiques. La plus grande libéralisation des ventes que ce texte organise devrait apporter la bouffée d'oxygène dont les commissaires-priseurs français ont besoin pour faire face à la concurrence étrangère.

Pourtant, on a le sentiment comme d'une évolution à contrec_ur, tant ce projet est encore marqué par les réticences. En effet, malgré les demandes des professionnels et nos incitations répétées, malgré le constat quotidien de l'importance de la concurrence étrangère sur un marché où la France, compte tenu de son patrimoine artistique, devrait prétendre aux premières places, le Gouvernement maintient une réglementation trop stricte, au sujet des experts notamment ou de la composition du conseil des ventes.

Certes, il faut trouver un équilibre entre la libéralisation du marché et la nécessité de protéger le consommateur. Mais à force de conservatisme, vous risquez de vider la réforme de sa substance et de lui faire manquer son objectif premier qui est de redynamiser le marché de l'art français.

A l'inverse, je ne peux que me féliciter de la décision de la commission d'inclure les ventes sur Internet dans le champ du projet.

J'ai cependant quelques craintes quant aux moyens dont disposeront les commissaires-priseurs pour s'adapter rapidement à la nouvelle donne. La révolution que constitue la suppression de leur monopole rend indispensable qu'on leur fournisse les moyens de faire face, immédiatement, à la concurrence étrangère. Sinon, le marché français risque d'être submergé par les sociétés de vente étrangères.

Ceci implique d'abord une indemnisation digne de ce nom. Or la formule proposée n'est pas satisfaisante. Le préjudice subi par les commissaires-priseurs doit être totalement réparé. Les indemniser sur la base arbitraire de 50 % de la valeur de leur office n'est pas sérieux, surtout s'agissant d'offices ministériels. Nous ne manquerons d'ailleurs pas de soumettre ce point au Conseil constitutionnel.

Enfin, il n'échappe à personne que le marché de l'art est pénalisé en France par la fiscalité et la parafiscalité, notamment la TVA à l'importation et le droit de suite. Si l'on veut vraiment dynamiser notre marché de l'art, il faut traiter ces problèmes. Malheureusement, vous vous arrêtez au milieu du gué. C'est pourquoi le groupe DL s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme la Ministre - Malgré certaines critiques, je constate que nous nous rejoignons sur les objectifs : dynamiser le marché de l'art français, mettre nos professionnels dans une meilleure position face à la concurrence, leur ouvrir des perspectives économiques solides, et dans le même temps offrir à l'acheteur comme au vendeur des garanties conformes à la déontologie qui a toujours présidé à l'organisation des ventes aux enchères publiques.

Je conçois, Monsieur Plagnol, que la fiscalité applicable à ce domaine vous préoccupe. C'est un sujet que je considère moi-même comme important mais pas comme la priorité du jour. Ce dossier ne doit pas nous empêcher de faire avancer les réformes nécessaires par ailleurs. Comme l'a dit M. Lambert, ce texte était en gestation depuis longtemps et il est maintenant de notre devoir, quelles que soient les divergences entre les deux chambres ou ici-même, de le faire aboutir au plus vite. Il devient en effet urgent pour les professionnels de connaître le cadre juridique dans lequel s'inscrira leur développement.

M. Vila a dit son souci d'une modernisation du marché qui aille de pair avec la protection de notre patrimoine. De ce point de vue, le texte marque un net progrès et je serai pour ma part très attentive à ce que la nouvelle vigueur du marché de l'art ne favorise pas une évasion des _uvres d'art dont la France est riche.

M. Vila nous a fait part aussi de ses préoccupations concernant les petites études de province. Mais celles-ci ont une activité judiciaire importante qui devrait leur permettre, puisqu'elles conservent leur monopole dans ce domaine, de trouver leur équilibre économique sans pâtir de la nouvelle organisation. L'indemnisation prévue par le Gouvernement leur donnera en outre les moyens d'investir pour mieux garantir le développement de leur activité.

M. Lellouche a évoqué lui aussi les problèmes fiscaux. Je redis que je partage ce souci mais que les régler n'était pas une condition préalable à la réforme d'aujourd'hui. A propos de la composition du conseil des ventes, vous avez parlé d'étatisation : sans doute la passion qu'on vous connaît bien vous conduit-elle à dépasser votre pensée.

M. Pierre Lellouche - Vous fonctionnarisez !

Mme la Ministre - Non. Le conseil des ventes a un rôle de puissance publique, un rôle de contrôle et de régulation. Ce n'est pas un organe représentatif des professionnels. La composition proposée est équilibrée au regard de sa mission.

Plusieurs d'entre vous ont salué l'introduction de dispositions au sujet d'Internet. Le Gouvernement avait besoin de temps pour réfléchir à ce sujet très nouveau ; vos interventions en première lecture l'ont beaucoup aidé à le faire. Le dispositif proposé tend à ne pas freiner le développement d'un système de ventes qui constitue une chance supplémentaire pour le marché de l'art, tout en l'entourant des garanties indispensables. Le changement de support ne doit pas nous faire renoncer aux règles traditionnelles des ventes aux enchères publiques, en matière d'expertise ou d'assurance, car c'est un label de qualité et une sécurité pour tous les acteurs. Je remercie tous les parlementaires qui ont insisté sur l'importance de cette question, en particulier M. Lambert. Je le remercie également d'avoir apporté son soutien à la thèse de votre rapporteuse et du Gouvernement, selon laquelle il ne s'agit pas d'une expropriation, mais de l'indemnisation d'un préjudice réel, dont le Gouvernement assumera la charge intégrale. Certes, Monsieur Lellouche, 500 millions ne sont pas 2,5 milliards, mais au moins ils sont là... Pour l'avenir des commissaires-priseurs, un tiens vaut mieux que deux, tu l'auras ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique et qui font l'objet d'amendements.

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ART. 2 BIS

M. Christian Paul - La rédaction de cet article constitue un enjeu essentiel. La position adoptée par le Sénat risquait de compromettre le développement des activités de ventes aux enchères sur Internet. Le Gouvernement et l'Assemblée ont pris le temps de la réflexion. L'amendement 1, que j'ai cosigné avec Mme la rapporteuse et M. Jérôme Lambert, distingue les enchères pour lesquelles l'opérateur agit en tant que mandataire, qui seront soumises aux dispositions de ce texte, et les opérations de courtage qui resteront soumises au droit commun des contrats. Ces dispositions permettront d'encourager le commerce électronique tout en préservant le consommateur. Par ailleurs, en soumettant aux dispositions sur les enchères publiques les ventes de biens culturels, qu'il s'agisse de vente aux enchères ou de courtage aux enchères, nous avons souhaité faire prévaloir un intérêt supérieur, celui de la protection de notre patrimoine.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à cet amendement, particulièrement adapté aux réalités du commerce électronique.

Il est indispensable d'étendre la nouvelle réglementation aux opérations qui, sur le réseau numérique, constituent effectivement des ventes aux enchères.

La jurisprudence a déjà permis de distinguer enchères publiques et enchères privées et a précisé que le public devait être tenu informé en temps réel de l'évolution des enchères ; il convenait donc seulement de préciser que le commissaire-priseur ne peut réaliser la vente, c'est-à-dire assurer le transfert de propriété de l'objet au profit de l'adjudicataire, que s'il est mandaté par le vendeur à cette fin. Tel est le sens des dispositions qui confient à la société de vente le soin non seulement d'organiser la vente, mais aussi de la réaliser.

L'amendement permet aussi de distinguer les ventes aux enchères ainsi définies de toutes les opérations de simple mise en relation du vendeur et d'un acheteur, quand ce dernier est sélectionné par une mise en concurrence s'apparentant, dans la forme, à des enchères. Ces opérations qui sont les plus fréquentes sur Internet, et que l'amendement désigne par le courtage, n'ont pas vocation à entrer dans le champ d'application de la loi. En effet, elles ne créent pas pour les parties de risque particulier. En outre, sur le plan économique, il est important de ne pas entraver le développement de cette forme de commerce électronique.

En revanche, l'amendement sécurise l'ensemble des transactions portant sur des biens culturels, cette fois sans distinguer entre vente et courtage aux enchères. La nécessaire protection du patrimoine national et la vulnérabilité des parties justifient cette disposition.

Cet amendement rejoint dans son esprit celui que le Gouvernement avait déposé en deuxième lecture devant le Sénat, mais il est enrichi de la notion de courtage aux enchères qui en clarifie la portée.

M. Henri Plagnol - Je me réjouis de la qualité du travail réalisé par notre collègue Christian Paul. Cet amendement important montre la voie au législateur sur le problème général d'Internet, au sujet duquel il faut concilier l'introduction de règles propres à garantir la sécurité des parties et la souplesse indispensable à l'essor des activités. Il ne faut pas laisser le juge décider à la place du législateur. Je suis convaincu que nous avons tous les atouts pour que, avec le virage du numérique, le site français retrouve sa compétitivité et son prestige.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté et l'article 2 bis est ainsi rédigé.

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ART. 11

Mme la Rapporteuse - L'amendement 28 prévoit le remboursement de la différence entre le montant garanti et le prix d'adjudication si le montant garanti n'est pas atteint lors des enchères. C'est une solution intermédiaire entre celle du Sénat et celle retenue par l'Assemblée en première lecture.

M. Henri Plagnol - Le Sénat a simplifié des dispositions relatives aux garanties de prix. Toutefois, l'adjudication automatique à la société de ventes des biens n'ayant pas atteint le montant du prix garanti peut éventuellement ne pas correspondre à la volonté du vendeur. L'amendement 16 précise donc qu'elle se fait « sauf stipulation expresse contraire du vendeur lors de la détermination du prix garanti ».

Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé cet amendement qui n'est pas compatible avec le sien.

Mme la Ministre - Je suis favorable à l'amendement 28 qui rétablit l'intervention d'un organisme d'assurances ou d'un établissement de crédit dans la garantie du prix minimal d'adjudication. Cela sécurise la transaction pour le vendeur et pour la société de vente. Le mécanisme de garantie est simplifié. L'organisme d'assurances ne devient pas propriétaire du bien si le prix garanti n'est pas atteint. Même dans ce cas, le bien revient à l'adjudicataire, ce qui est normal.

Je suis défavorable à l'amendement 16.

L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - L'amendement 16 tombe.

L'article 11, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 11

M. Pierre Lellouche - Je ne me fais guère d'illusion sur le sort de notre amendement 17. Il exonère les ventes de meubles et objets d'art aux enchères publiques de la TVA à l'importation qui touche jusqu'à présent toute _uvre extracommunautaire acquise par un européen et qui s'élève à 5,5 %.

Cette exonération est indispensable à la redynamisation du marché de l'art européen pour lequel la TVA représente un handicap majeur. En effet, cette taxe n'existe pas à New York, et le Royaume-Uni applique un taux transitoire de 2,5 %.

Le produit de cette taxe n'est que de 4 millions, mais elle contribue à la délocalisation des grandes ventes vers les Etats-Unis.

Je vous demande, Madame la ministre, de soulever de nouveau le problème auprès du Premier ministre pour en faire une priorité de la présidence française de l'Union européenne.

M. Jérôme Lambert - Je suis contre cet amendement. Rien ne prouve que le fait d'aligner notre fiscalité sur celle des Etats-Unis, et du Japon, rendrait nos entreprises forcément plus compétitives. En outre, la France n'est pas seule en cause. Il s'agit d'une fiscalité européenne qui fait l'objet d'une harmonisation.

Mme la Rapporteuse - La commission a rejeté cet amendement. On ne peut déroger à la directive communautaire du 14 février 1994 qui précise le régime de TVA sur les _uvres d'art et interdit toute exonération à l'importation.

M. Pierre Lellouche - Faites-la changer.

Mme la Ministre - Défavorable. Cet amendement aurait pour effet, d'une part, d'exonérer de TVA les livraisons intracommunautaires de biens d'occasion, _uvres d'art, objets d'antiquité ou de collections effectuées par des négociants ou des galeries, d'autre part, de supprimer le taux réduit de TVA pour les importations et acquisitions intracommunautaires d'_uvres d'art et les livraisons d'_uvres d'art effectuées par leur auteur. De ce fait ces dernières catégories seraient ipso facto taxées à 19,6 %.

Ce n'est pas, je pense, le souhait des auteurs de l'amendement. Ils demandent une exonération de TVA pour les importations de meubles et objets d'art vendus aux enchères publiques. Or la septième directive communautaire du 14 février 1994, entrée en application en 1995, interdit toute exonération de ce genre. Toute infraction serait lourdement sanctionnée et irait à l'encontre de l'harmonisation fiscale. S'engager dans cette voie à trois mois de la présidence française de l'Union n'est pas envisageable.

Le faible rendement de la taxe ne justifie pas sa suppression. Quant à l'impact sur le marché, le taux réduit de 5,5 % appliqué aux importations d'_uvres d'art est un des plus faibles de la Communauté. La dérogation permettant au Royaume-Uni d'appliquer un taux de 2,5 % s'est terminée le 30 juin 1999 et le taux de 5 % a été rétabli. D'autre part, il existe des exonérations de TVA pour les biens destinés aux établissements agréés par le ministère de la culture. Enfin, le rapport Douyère a conclu que la TVA n'est pas un facteur de nature à perturber le marché.

Pour revenir sur le droit de suite, il n'existait pas dans beaucoup de pays avant cette législation communautaire. Nous avons opté pour une harmonisation dans un délai de cinq à dix ans.

M. Pierre Lellouche - M. Blair n'en voulait pas du tout. Vous lui avez donné quinze ans.

Mme la Ministre - Les pays plus avancés aideront les autres à appliquer une réglementation commune. Mais ces dispositions seront d'application immédiate pour le commerce d'art contemporain et les artistes vivants.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 12

Mme la Rapporteuse - L'amendement 3 rétablit le texte adopté par l'Assemblée en première lecture, qui impose que le remboursement de l'avance sur le prix d'adjudication consenti au vendeur soit garanti par un organisme d'assurances ou un établissement de crédit. Cette pratique existe en région parisienne, mais beaucoup moins en province.

Mme la Ministre - Favorable. Cela prémunit les sociétés de vente contre la tentation d'opérations financières aventureuses lorsque la concurrence est vive.

M. Pierre Lellouche - Le Sénat avait sagement supprimé ces contraintes supplémentaires. Cela pénalisera les petites structures qui ont pris la suite de nos commissaires-priseurs au profit des grands groupes étrangers.

Mme la Ministre - Ce sera une charge mais surtout une garantie pour les commissaires-priseurs. Nous devons faire tout ce qui est possible pour leur éviter de s'engager dans des voies aventureuses et peu conformes à la déontologie de la profession.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 12 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 14

Mme la Rapporteuse - L'amendement 4 tend à rétablir le texte que nous avions adopté en première lecture, afin de ne pas appliquer de sanctions pénales aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne intervenant en France dans le cadre de la libre prestation de services. Le Sénat avait estimé « qu'il appartiendra au juge d'adapter, le cas échéant, la sanction prononcée afin de respecter le principe de proportionnalité » de la sanction à la gravité de l'infraction. Il apparaît préférable que le législateur ne se défausse pas sur le juge du soin de respecter les engagements communautaires de la France.

Mme la Ministre - Avis favorable. Le prestataire de service est déjà soumis à la législation de son Etat d'établissement. En outre, les sanctions disciplinaires auxquelles il s'expose, telles que l'interdiction d'exercer sur le territoire français, sont suffisamment dissuasives pour garantir le respect de la loi. Des sanctions pénales seraient considérées comme disproportionnées au sens de la jurisprudence communautaire et pourraient constituer une entrave à une des libertés fondamentales instituées par le traité.

M. Pierre Lellouche - Vous commettez une erreur de droit. Pourquoi le principe de non-discrimination et la règle de l'assimilation au ressortissant national ne s'appliqueraient-ils pas en l'espèce ? Selon l'article 50 du traité de l'Union, dans le cadre de la prestation de service, le prestataire exerce son activité dans les mêmes conditions que celles que le pays impose à ses ressortissants. Pourquoi cette règle ne vaudrait-elle pas pour les sanctions ?

Prenons l'exemple de la profession de médecin ou d'avocat. Un Etat peut parfaitement infliger des sanctions pénales et traiter exactement de la même façon un ressortissant national et un ressortissant étranger exerçant sur son sol.

En l'espèce, vous appliquez aux ressortissants étrangers un traitement discriminatoire d'autant plus incompréhensible que notre législation nationale est parfaitement compatible avec le droit communautaire.

Mme la Ministre - La différence de régime repose, non sur un critère de nationalité, mais sur le lieu d'établissement. On distingue ceux qui sont établis en France, quelle que soit leur nationalité, de ceux qui, établis dans un autre Etat membre de l'Union, viennent réaliser en France une vente occasionnelle. Cette différence de régime est imposée par les principes communautaires applicables à la prestation de services.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 18

Mme la Rapporteuse - Par son amendement 5, la commission vous propose de revenir au texte adopté par notre assemblée en première lecture pour la composition du conseil des ventes.

Celui-ci comprendrait donc six personnes qualifiées et cinq représentants de professionnels, afin de lui assurer une certaine indépendance à l'égard de la profession.

Mme la Ministre - Avis favorable. Ce conseil des ventes doit constituer une instance de régulation jouissant d'une grande indépendance à l'égard des sociétés de vente dans l'exercice de ses prérogatives. L'écueil de l'élection des représentants des professionnels -selon des modalités du reste difficiles à imaginer- est ainsi évité. Il y a là une responsabilité que l'Etat doit exercer et non déléguer à un organisme représentatif des professionnels.

M. Pierre Lellouche - Les choses ne sont pas aussi simples. Le monopole des commissaires-priseurs fait place à des sociétés de ventes. Il ne s'agit pas de créer un nouveau ministère mais d'instituer un comité des sages chargé de veiller à la moralité des opérations. Ce n'est ni un tribunal, ni une cour juridictionnelle.

Il paraît donc indispensable que la représentation des différentes parties y soit équilibrée, comme le proposait le Sénat, avec cinq membres nommés par le Garde des Sceaux, un commissaire du gouvernement et six représentants élus des professionnels. Dans votre système, en revanche, le rapport des forces est de cinq contre sept, ce qui revient à étatiser une structure qui n'a pas cette vocation.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

L'article 18 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 29

Mme la Rapporteuse - L'amendement 6 tend à rétablir le texte de première lecture en limitant à deux le nombre de spécialités dans lesquelles un expert peut être agréé.

Mme la Ministre - Avis favorable : c'est une garantie du professionnalisme des experts, qui ne doivent pas devenir de simples généralistes. La profession elle-même approuve cette limitation. N'oublions pas que la responsabilité des experts peut être lourdement engagée. Leur spécialisation accrue est de nature à éviter les contentieux.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article 29 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 23

M. Jérôme Lambert - Par son amendement 27, M. Bloche propose de supprimer la référence aux bonnes m_urs, qui semble un peu désuète.

Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé cet amendement car cette notion de bonnes moeurs, même si elle peut paraître désuète, figure dans de nombreux textes tels que le code civil. Il ne semble pas opportun de la remettre en cause, s'agissant d'experts agréés.

M. Pierre Lellouche - Comme vous, je crois encore aux bonnes m_urs, Madame la rapporteuse (Sourires).

Mme la Ministre - Je vais me contenter de la sagesse.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 33, mis aux voix, est adopté.

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ART. 35

Mme la Rapporteuse - L'amendement 7 tend à rétablir le texte de première lecture. Il paraît préférable de fonder l'indemnisation des commissaires-priseurs sur une rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que leur droit de présentation est désormais réduit aux seules ventes aux enchères judiciaires. Au demeurant, ce droit de présentation n'est pas assimilable à un droit de propriété.

M. Henri Plagnol - Je ne comprends pas l'acharnement du Gouvernement à contester ce qui relève du bon sens. Personne ne conteste que les commissaires-priseurs, achetant leur charge, en sont propriétaires. L'abrogation de leur monopole équivaut donc à une expropriation justifiant une indemnité juste et préalable, conformément à la Déclaration des droits de l'homme.

On nous oppose qu'il ne s'agit pas d'une perte mais d'une dépréciation puisque les commissaires-priseurs conservent leur monopole pour les ventes judiciaires. Mais comme nous vous l'avons dit à maintes reprises, il n'est question dans ce débat que de l'indemnisation de la perte liée à toutes les autres activités. Les ventes judiciaires ne figurent pas dans l'assiette de l'indemnisation. Vous ajoutez que les commissaires-priseurs n'auraient pas eu la libre disposition du patrimoine lié à la propriété de leur charge. Or ils sont imposables à ce titre et passibles de l'impôt sur la fortune, ce qui montre bien que l'administration fiscale considérait la charge comme un élément constitutif du patrimoine, sans compter que la possibilité pour la puissance publique de ne pas laisser jouer le droit de présentation n'était en pratique jamais utilisée. Les commissaires-priseurs étaient donc bien propriétaires de leur charge. Le seul rachat des charges de commissaire-priseur par Sotheby's et Christie's s'élève à 400 millions, soit l'équivalent de la somme que vous allez allouer à l'ensemble des commissaires-priseurs. Est-ce respectueux de la parole de l'Etat ? Est-ce conforme au respect du principe absolu du droit de propriété qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme ? Certainement pas.

Mme la Ministre - Avis favorable à l'amendement 7 qui fonde l'indemnisation sur le principe de l'égalité devant les charges publiques. Je ne crains pas de persévérer dans ce que certains appellent de l'acharnement, d'autant que le doyen Vedel nous conforte dans notre interprétation. S'il procède à la libéralisation du secteur des ventes volontaires, le projet maintient le régime actuel des ventes judiciaires qui continueront à être faites par des commissaires-priseurs au sein de leurs offices ministériels.

Le droit de présentation sera donc maintenu. On ne peut donc parler de perte de ce droit et assurer l'indemnisation des commissaires sur le fondement de l'expropriation. En revanche, ce droit perdra de sa valeur, et c'est cette dépréciation qu'il y a lieu d'indemniser.

J'ai bien sûr écarté avec attention les réflexions qui ont été tirées du parallèle avec la réforme qui concerne les courtiers maritimes. Mais les deux professions ne se trouvent absolument pas dans la même situation économique et juridique au regard du principe de l'indemnisation de leur préjudice. Les commissaires-priseurs conservent en effet le monopole des ventes judiciaires alors que les courtiers maritimes ne conservent aucune activité privilégiée. D'autre part, les commissaires-priseurs ont vocation à poursuivre leur activité de ventes volontaires au sein de sociétés de ventes, tandis que pour les courtiers maritimes, l'ouverture du marché unique à compter du 1er janvier 1993 s'est accompagnée d'une suppression des procédures douanières pour les bâtiments battant pavillon d'un Etat membre, les privant ainsi d'une part importante de leur activité. C'est pourquoi le dispositif d'indemnisation qui s'attache à cette profession n'est pas transposable aux commissaires-priseurs, qui doivent être indemnisés selon un régime spécifique, adapté à leur situation particulière.

Je rappelle en outre qu'aux 50 % peuvent s'ajouter 15 %, sur la base d'un examen au cas par cas en vue d'adapter l'indemnisation proposée à la situation réelle de chacun d'entre eux.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté et l'article 35 est ainsi rédigé.

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ART. 36

Mme la Rapporteuse - L'amendement 8 tend à revenir au texte adopté par notre assemblée en première lecture. La commission a souhaité retenir la période de référence initiale pour calculer la valeur de l'office sur laquelle se fonderait l'indemnisation.

Cet amendement propose donc une période de référence plus longue que celle qu'a retenue le Sénat, afin de mieux refléter la valeur réelle de l'office. Je propose donc de la faire démarrer en 1992.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Henri Plagnol - Voilà un nouveau signe de l'acharnement de la majorité, puisqu'il est proposé d'élargir la période de référence aux mauvaises années pour mieux déprécier une indemnisation qui se réduit déjà à une peau de chagrin. Il est d'usage de retenir une période de référence de cinq ans et rien ne justifie qu'elle soit en l'espèce allongée.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

L'article 36, mis aux voix, est adopté.

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ART. 37

Mme la Rapporteuse - L'amendement 9 tend à revenir au texte adopté par notre assemblée en première lecture. Les modalités de l'indemnité retenues par le Sénat sont en effet complexes. Elles donnent une prime à l'inertie économique et risquent d'entraîner des délais d'indemnisation relativement longs alors que les professionnels souhaitent pouvoir bénéficier rapidement de leur indemnité pour la réinvestir dans les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Pierre Lellouche - Nous sommes déterminés à saisir le Conseil constitutionnel pour cette question. Se prononçant dans une décision du 29 décembre dernier relative aux emprunts russes, sur les problèmes de spoliation donnant lieu à une indemnisation forfaitaire, le Conseil constitutionnel a considéré que compte tenu du fait que l'oukase était imposé par un gouvernement étranger et que cet argent était alloué en application d'un traité international ayant une valeur supérieure à la loi française, l'indemnisation, pour insuffisante qu'elle soit, au regard des principes généraux de notre droit était acceptable. Dans le cas qui nous occupe, l'oukase, c'est M. Jospin et Bercy qui le prononcent en fixant de manière unilatérale à 50 % de la valeur le taux d'indemnisation de ces entreprises. C'est une spoliation, suivie d'une indemnisation forfaitaire sans base légale.

Deuxièmement, et en ce qui concerne la comparaison avec les courtiers maritimes, non seulement nous sommes exactement dans le même cas de figure puisque des monopoles sont supprimés du fait de l'intervention de directives mais de plus la situation des courtiers maritimes est moins défavorable que celle des commissaires-priseurs, puisque la moitié de leur activité persiste alors que l'ensemble de l'activité des commissaires disparaît, à l'exception de l'activité résiduelle de ventes judiciaires.

Or M. Gayssot a obtenu un taux d'indemnisation de 65 % pour ces quatre-vingts courtiers maritimes alors que vous vous en tenez, Madame la ministre, à 50 % et que vous annoncez de manière bien tardive un bonus de 15 %, qui relève davantage de la discussion de marchands de tapis que d'une argumentation juridique solide. Soit vous considérez qu'il y a expropriation et l'indemnisation doit être préalable et complète aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme annexée à notre Constitution, soit vous assumez le fait qu'il s'agit d'un oukase du Gouvernement mais on est alors dans le domaine de l'arbitraire et non pas du droit. Tout votre raisonnement juridique, de la qualification du préjudice aux modalités de l'indemnisation, est irrecevable. Il appartiendra au juge constitutionnel de trancher.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté et l'article 37 est ainsi rédigé.

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ART. 41

Mme la Rapporteuse - L'amendement 10 tend à modifier l'article 41, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat afin d'assurer sa coordination avec les dispositions de l'article 57 du projet.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 41, amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 43

Mme la Rapporteuse - L'amendement 11 vise à revenir au texte adopté par notre Assemblée en première lecture. Il paraît en effet souhaitable que la commission nationale chargée d'examiner les demandes d'indemnisation soit confiée à un membre du Conseil d'Etat puisque l'indemnisation est fondée sur la rupture de l'égalité devant les charges publiques.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 12 tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Dans la mesure où l'indemnisation est fondée sur une rupture de l'égalité devant les charges publiques, il est logique que le contentieux susceptible d'en découler relève de la compétence de la juridiction administrative, et en l'espèce du Conseil d'Etat, de façon que les éventuels recours puissent être rapidement traités.

Mme la Ministre - Avis favorable.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

L'article 43 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 43 QUINQUIES

Mme la Rapporteuse - L'amendement 13 tend à supprimer cet article, déjà introduit par le Sénat en première lecture, et qui tend à préciser le régime fiscal de l'indemnité que percevront les commissaires-priseurs. Les aménagements proposés sont contraires aux principes généraux de l'impôt.

Mme la Ministre - Avis favorable.

Le Gouvernement s'est engagé, et je confirme aujourd'hui cet engagement, à imposer l'indemnité perçue par les commissaires-priseurs au taux des plus-values professionnelles. Le régime sera précisé dans le cadre d'une instruction administrative dès la publication de la loi.

Le Gouvernement ne peut qu'être favorable à la suppression des dispositions introduites par le Sénat tendant à exclure de l'impôt la part de l'indemnité consacrée au remboursement d'éventuels emprunts et à faire bénéficier d'un report d'imposition les commissaires-priseurs qui réinvestiraient la totalité de leur indemnité dans une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Ces aménagements seraient en effet contraires aux principes généraux de l'impôt sur le revenu.

L'indemnisation a pour objet de réparer le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit à présentation. Il ne serait donc pas équitable de traiter différemment sur le plan fiscal les commissaires-priseurs selon qu'ils ont ou non des emprunts à rembourser. Le report d'imposition en cas de réinvestissement dans une société de ventes volontaires n'est pas non plus justifié dès lors que l'indemnité est versée en une seule fois, comme le prévoit l'article 41 du projet et que les commissaires-priseurs disposeront de suite des sommes nécessaires pour régler l'impôt sur les plus-values. Les sommes disponibles après paiement de cet impôt représenteront une part non négligeable du montant de l'indemnité, dans la mesure où les plus-values à long terme ne sont imposées qu'à 26 %. Il s'agirait donc d'un emploi du revenu ne justifiant nullement l'application d'un régime particulier.

M. Henri Plagnol - Madame la ministre, je salue votre capacité d'adaptation. Vous nous lisez laborieusement des textes excellemment préparés par des collaborateurs à l'évidence très compétents.

Comment refuser à ce point de tenir compte des situations concrètes ? Peut-on lorsqu'on a la chance et l'honneur de défendre les arts et la culture, s'abriter derrière la lettre fiscale pour refuser que la part du montant de l'indemnité consacrée par les commissaires-priseurs au remboursement de leurs emprunts ne soit pas imposée, comme le proposait fort sagement le Sénat ? Est-ce ce que l'on est en droit d'attendre du ministère de la culture, protecteur des arts ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté et l'article 43 quinquies est supprimé.

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ART. 44 A

Mme la Ministre - Le Gouvernement est défavorable à cet article introduit par le Sénat et qui tend à modifier l'article L. 122-5 d) du code de la propriété intellectuelle. En effet, l'exception au droit de reproduction prévue par l'article 17 de la loi du 27 mars 1997 pour les officiers publics ou ministériels ne se justifie plus dans la mesure où les commissaires-priseurs vont perdre leur statut d'officier ministériel. Cette exception a d'ailleurs été critiquée par la Commission européenne. L'exception sera seulement maintenue pour les ventes judiciaires en raison du caractère spécifique de ces ventes. Tel est le sens de l'amendement 18.

Mme la Rapporteuse - Avis favorable.

M. Pierre Lellouche - Après que notre collègue Henri Plagnol a échoué à vous convaincre de ne pas taxer les remboursements d'emprunts, voilà que les commissaires-priseurs vont désormais devoir s'acquitter d'un droit de reproduction dans les catalogues. Or ce droit n'existe ni en Grande-Bretagne, ni en Allemagne, ni aux Pays-Bas, ni en Autriche, ni en Suède, ni en Norvège, ni en Suisse, ni aux Etats-Unis. Comment, dans ces conditions, placer le marché de l'art français à égalité avec ses concurrents ? Cette mesure, profondément regrettable, n'a aucune justification juridique ni économique.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté et l'article 44 A est ainsi rédigé.

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ART. 48 BIS A

Mme la Rapporteuse - Le Sénat ayant souhaité que les membres du conseil des ventes volontaires représentant les professionnels soient élus, cet article vise à contourner les difficultés suscitées par la constitution initiale du conseil.

Par coordination avec la position retenue sur la composition de ce conseil, l'amendement 15 tend à supprimer cet article.

Mme la Ministre - Avis favorable. Faute de collège électoral, la proposition du Sénat n'aurait pu entrer en vigueur immédiatement. D'où l'article 48 bis A qu'il a adopté, lequel prévoit, à titre transitoire, la nomination de tous les membres du conseil des ventes volontaires pour sa première composition. Dès lors que votre assemblée n'a pas retenu le principe de l'élection, il faut supprimer cet article.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté et l'article 48 bis A est supprimé.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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TRÉSORS NATIONAUX
-deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

Mme la Présidente - Ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - La relance du marché de l'art et la protection de notre patrimoine constituent deux priorités essentielles de la politique culturelle du Gouvernement. Tels sont bien les objectifs poursuivis par le projet de loi que nous venons d'examiner et par la proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux du sénateur Serge Lagauche.

Je le félicite pour son initiative qui a permis au Parlement de mesurer la nécessité d'améliorer le dispositif existant.

Votre rapporteur Jean Rouger a souligné, lors des débats précédents, l'utilité de la loi de 1992 rappelant que plus de 30 chefs-d'_uvre ont pu rejoindre les collections publiques. Il convient néanmoins d'améliorer le texte, notamment pour ce qui est de la durée de validité du certificat d'exportation, de l'établissement d'un prix de vente en référence au marché international et de la concertation avec les professionnels.

La très grande majorité des articles du texte ont été votés conformes. La cohérence du texte et l'équilibre des droits entre le propriétaire d'un trésor national et l'Etat en sortent renforcés.

Il reste quelques points de désaccord qui ont fait l'objet d'amendements de votre commission des affaires culturelles. Celle-ci souhaite rétablir, d'une part, le caractère obligatoire du renouvellement du refus de certificat, d'autre part, permettre une nouvelle estimation du trésor national, après un refus de vente opposé à l'Etat par le propriétaire.

Je suis favorable à ces deux dispositions qui tendent à l'équilibre des responsabilités et des droits des propriétaires et de l'Etat.

Enfin, j'ai lu attentivement les débats suscités par la proposition du Sénat de supprimer la possibilité d'indemnisation du préjudice éventuel résultant d'un refus d'exportation d'un trésor national, après une proposition d'achat par l'Etat au prix du marché international, refusée par le propriétaire. Le Sénat a fait valoir que s'en remettre à l'appréciation des juridictions administratives risquait, en créant des sources de contentieux, de priver la réforme de son efficacité.

L'analyse de la jurisprudence du Conseil d'Etat montre que le renouvellement d'un refus de certificat de circulation d'un trésor national ne causerait aucun préjudice indemnisable pour le propriétaire du bien, dans l'hypothèse où il se serait opposé à une proposition d'acquisition par l'Etat au prix du marché international. En effet, dans ce cas, le propriétaire ne pourrait justifier d'aucun préjudice financier résultant d'une dépréciation du bien.

Ces diverses raisons ont conduit votre commission à se rallier à la proposition du Sénat de supprimer l'indemnisation des refus d'exportation des trésors nationaux.

Après avoir étudié les arguments pour ou contre cette proposition et en avoir évalué les conséquences sur l'efficacité de la réforme, je me range à l'avis de la commission.

En conclusion, je voudrais souligner l'excellent travail accompli par celle-ci et par son rapporteur, M. Jean Rouger. Je me félicite de l'heureuse initiative qu'a prise le Parlement de réformer la loi du 31 décembre 1992 sur la circulation des biens culturels. Cette réforme, attendue depuis plusieurs années, nous dotera d'une législation plus protectrice du patrimoine national tout en améliorant les procédures de nature à faciliter la circulation des _uvres d'art (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Rouger, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Cette proposition de loi, qui nous revient du Sénat, a comme objectif de protéger notre patrimoine national tout en donnant aux citoyens une liberté accrue d'échanger des biens culturels de grande valeur. A cette fin, elle réorganise l'octroi du certificat d'exportation nécessaire pour lesdits biens. Lorsqu'il est accordé, sa durée sera désormais de vingt ans -au lieu de cinq- pour les biens de moins de cent ans, et permanente pour ceux plus âgés. Lorsqu'il est refusé, le bien ne peut quitter le territoire douanier pendant une période de trente mois -au lieu de trois ans, actuellement. Au terme de ce délai, l'Etat peut faire une offre d'achat, qui peut être complétée par une procédure d'expertise contradictoire. Si le propriétaire refuse cette offre, le refus de certificat doit être renouvelé.

Les dispositions d'ordre fiscal qui avaient alimenté nos débats n'ont pas été réintroduites car les sénateurs ont adopté le 9 mars dernier une proposition de loi de M. Yann Gaillard portant diverses mesures fiscales en faveur du développement du marché de l'art. Les propositions qui y sont faites sont intéressantes, mais je persiste à penser que c'est dans le cadre d'une réforme de la loi de 1913 que des mesures fiscales doivent être envisagées (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL). Et je reste convaincu que l'on doit ajuster la loi sur le classement aux réalités actuelles. Mais tel n'est pas le débat d'aujourd'hui.

Sur le présent texte, la navette entre les deux assemblées a été constructive et a permis d'arriver à des dispositions plus efficaces et plus protectrices des intérêts, tant de l'Etat que des collectionneurs privés.

A l'article 2, le Sénat propose ainsi que tous les avis de la commission soient publiés, ce qui va dans le bon sens, me semble-t-il.

Mais à l'article 5 demeurent des désaccords de fond. Le Sénat estime que le renouvellement du refus de délivrance du certificat doit avoir un caractère facultatif, et non automatique, lorsque l'Etat a présenté une offre d'achat au prix d'expertise et que le propriétaire l'a refusée.

Sur ce point, la commission propose de revenir au texte initial car le refus de délivrance du certificat d'exportation doit en l'occurrence être considéré comme une simple conséquence du refus du propriétaire de vendre son bien, qualifié de trésor national, à l'Etat.

Le Sénat souhaite par ailleurs donner au propriétaire la possibilité de demander, à tout moment, une nouvelle expertise lorsque le refus de certificat a été renouvelé. Cela déséquilibrerait la procédure en faveur du propriétaire, qui pourrait demander une expertise au moment le plus favorable, compte tenu de l'évolution des prix sur le marché de l'art. L'Etat serait alors contraint de faire une offre d'achat sans avoir eu le temps de réunir les fonds nécessaires.

En revanche, le souhait du Sénat que soit inscrit dans la loi le principe de non-indemnisation du refus de délivrance de certificat me paraît devoir être suivi, sans attendre que la juridiction administrative soit éventuellement amenée à trancher sur ce point de droit. Pour l'équilibre de la procédure dans son ensemble, il me paraît même souhaitable d'appliquer ce principe de non-indemnisation dès le premier refus de délivrance du certificat. La commission vous proposera donc de modifier l'article 2 en ce sens.

Moyennant ces quelques précisions techniques, nous pouvons considérer que la France sera dotée d'une procédure moderne de protection de son patrimoine culturel, dans le respect des règles du marché international de l'art (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Herbillon - Mais sans moyens !

M. Bernard Outin - En première lecture, nous avions exprimé notre soutien à un système visant à concilier fluidité de la circulation des _uvres et protection de nos trésors nationaux et insisté pour que l'Etat joue en la matière un rôle plus dynamique, ce qui implique notamment des moyens financiers nouveaux. Un des éléments du projet qui lui permettra de mieux jouer ce rôle sera notamment la clarification des relations entre l'Etat, les propriétaires et les acteurs du marché de l'art français. Avec la loi de 1992 qui facilitait les exportations de biens culturels, l'Etat n'avait guère que la possibilité de retarder la sortie des _uvres majeures, faute de les acquérir. Mais la solution de l'acquisition avait elle-même ses limites puisque l'Etat se trouvait à la merci d'un refus du propriétaire de se dessaisir de son bien.

Dans le texte qui nous revient du Sénat, un certain nombre d'articles ont été adoptés conformes. Mais il demeure encore des désaccords, en particulier sur les articles 2 et 5.

A l'article 2, le Sénat se prononce pour la publication de tous les avis de la commission tandis que notre assemblée la limitait aux seules décisions de refus. Puisque notre objectif est d'améliorer les relations entre les propriétaires et l'Etat, en assurant une meilleure connaissance des critères retenus pour la qualification de trésor national, il me semble que la proposition du Sénat va dans le bon sens.

A l'article 5, le Sénat souhaite qu'en cas de refus par le propriétaire de l'offre d'achat faite par l'Etat, les renouvellements du refus de délivrance du certificat n'ait pas un caractère automatique mais facultatif. Accorder cette « souplesse » serait prendre le risque de voir s'évaporer nos trésors nationaux. De plus, la décision de délivrer ou non le certificat ne saurait être laissée à la discrétion de l'administration, car celle-ci est en réalité tenue par les conséquences de la reconnaissance du bien culturel comme « trésor national ». Nous souhaitons donc revenir à la rédaction de l'Assemblée. L'autre avantage que nous y voyons, c'est que désormais l'Etat ne pourra plus être exclu du jeu du marché et que le propriétaire ne pourra plus opposer, comme c'est le cas aujourd'hui, un refus systématique de vente à la puissance publique. La souplesse voulue par le Sénat avait en réalité accentué le caractère spéculatif du marché.

Par contre, nous le rejoignons dans sa volonté d'inscrire dans la loi le principe de non-indemnisation du refus de délivrance du certificat. Il est en effet difficile d'admettre que le propriétaire d'un trésor national qui aurait refusé l'offre d'achat -au prix du marché international- présentée par l'Etat puisse justifier d'un quelconque préjudice ouvrant droit à indemnisation, son refus constituant en réalité un refus de vente.

De même, n'est-il pas souhaitable de permettre au propriétaire de relancer seul une procédure d'expertise au moment qui lui semblerait le plus favorable. Compte tenu des fluctuations du marché de l'art, l'Etat risquerait bien souvent de laisser échapper un trésor national, faute de moyens suffisants, et il lui serait bien difficile dans ces conditions de mener une politique du patrimoine.

En conclusion, nous souhaitons que les dispositions de ce texte aboutissent à une meilleure prise de conscience collective de la nécessité de protéger le patrimoine national, qu'il relève de la sphère privée ou publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Herbillon - Je me réjouis que cette proposition de loi nous revienne si vite en deuxième lecture. La célérité manifeste de cette navette illustre la volonté commune au Gouvernement et au Parlement d'améliorer le dispositif actuel de contrôle des exportations d'_uvres d'art. Les objectifs sont clairs : il convient d'endiguer l'exode d'_uvres majeures de notre patrimoine vers l'étranger et en même temps de simplifier les procédures administratives, qui pénalisent le marché de l'art français.

Mais cette nouvelle lecture intervenant après le remaniement gouvernemental, nous aurons naturellement, Madame la ministre, de nombreuses questions à vous poser sur vos projets et sur ceux du secrétariat d'Etat au patrimoine, d'autant plus que divers chantiers sont ouverts : je pense, bien sûr, à la réforme des ventes aux enchères publiques que nous venons d'examiner, mais aussi à la modification annoncée de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, ainsi qu'aux deux propositions de loi de notre collègue sénateur Yann Gaillard, adoptées récemment par le Sénat et tendant à réformer la fiscalité dans un sens favorable au marché de l'art et à la protection du patrimoine national. Par ailleurs, les demandes pressantes, émanant à la fois de l'opposition dans cet hémicycle et de la majorité sénatoriale, que soit engagée une réforme ambitieuse de notre système de protection des trésors nationaux ont conduit le Gouvernement à prendre des engagements, sur lesquels nous attendons, Madame la ministre, que vous vous prononciez.

J'avais souligné en première lecture qu'on ne pouvait se contenter, pour garantir le maintien sur notre sol des trésors nationaux, de tabler, comme le faisaient le Gouvernement et le rapporteur, sur la seule amélioration du processus d'acquisition des biens par la puissance publique. En effet, cette mesure, si elle va dans le bon sens, ne répond cependant pas au problème de fond que constitue l'incapacité financière de l'Etat à assurer seul la préservation de notre patrimoine et de nos trésors nationaux ; d'où les propositions concrètes que nous avions faites : accroître les crédits d'acquisition de l'Etat en créant, sur le modèle britannique, un prélèvement sur les recettes de la Loterie nationale ou de la Française des jeux ; prendre des dispositions fiscales pour inciter les particuliers et les entreprises à participer plus encore à la défense de notre patrimoine national.

Le Gouvernement, en première lecture, a rejeté tous les amendements de l'opposition et préféré défendre une position minimaliste. Je le regrette, tout en pensant que nos débats n'ont pas été vains ; j'en veux pour preuve les engagements pris par votre prédécesseur, Madame la ministre, en termes de financement et d'aménagements fiscaux. Reconnaissant l'insuffisance des moyens d'acquisition de trésors nationaux en passe de quitter le territoire, Mme Trautmann s'était engagée à défendre avec fermeté auprès de Bercy l'obtention cette année de crédits supplémentaires. Nul doute que vous aurez le même souci ; nous espérons que vous serez entendue par le nouveau ministre de l'économie et des finances.

Votre prédécesseur avait par ailleurs indiqué, en réponse à notre demande d'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour les objets mobiliers classés avec l'accord de leur propriétaire, que le Gouvernement entendait présenter ce semestre une réforme du régime de classement résultant de la loi du 31 décembre 1913, et proposer à cette occasion des aménagements fiscaux favorisant la protection de notre patrimoine. Nous attendons de vous que vous nous confirmiez ces intentions.

Enfin, je voudrais vous interroger sur la question centrale de l'exonération des _uvres d'art de l'ISF. En effet nos discussions seraient vaines si vous entendiez supprimer cette exonération, tant l'effet serait désastreux pour le développement du marché de l'art et l'enrichissement du patrimoine français. C'était d'ailleurs l'opinion de Mme Trautmann, mais la religion de la gauche sur cette question est « plurielle », pour reprendre une exquise litote de notre collègue Alfred Recours. Quelle est votre position et quelle est celle de votre secrétaire d'Etat au patrimoine ? Les professionnels du marché de l'art et les 40 000 salariés qui travaillent dans ce secteur seront très attentifs à vos propos.

Comme vous le croyez, le groupe Démocratie libérale, et au-delà de lui l'ensemble de l'opposition, attendent de vous des réponses précises. Le Premier ministre a indiqué que son nouveau gouvernement plaçait son action sous le signe de la réforme : vous avez ce soir une extraordinaire opportunité de nous démontrer que ce n'est pas une incantation. Proposez-nous des pistes de réformes ambitieuses, et non une politique de petits pas, faute de quoi ce premier rendez-vous avec vous aura été manqué (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Pascal Terrasse - Tout d'abord, Madame la ministre, je voudrais vous adresser au nom du groupe socialiste toutes mes félicitations pour vos nouvelles fonctions. Je serais très heureux de pouvoir engager avec vous un dialogue sur l'important dossier d'un trésor national, la grotte Chauvet, et de vous accueillir à cette occasion dans le département de l'Ardèche.

Je tiens à rendre hommage au travail fructueux qui a été accompli par le Parlement sur cette proposition de loi. Il convient toutefois d'approfondir certains points.

Le texte a subi une profonde évolution depuis sa première présentation devant l'Assemblée le 1er mars dernier. Il comportait alors un ensemble de dispositions d'ordre fiscal, dont certaines avaient été introduites à l'initiative de la commission des finances du Sénat, contre l'avis du Gouvernement. Notre assemblée les avait supprimées, considérant qu'elles risquaient de déséquilibrer l'ensemble du dispositif. Je m'en réjouis considérant qu'elles doivent être examinées dans le cadre d'une refonte globale de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

Le texte est centré sur la procédure d'acquisition par l'Etat des _uvres d'intérêt national détenues par des personnes privées et qui sont susceptibles de quitter notre territoire. Le meilleur compromis possible doit être trouvé entre les intérêts des propriétaires et le souci de conserver sur le territoire national un patrimoine culturel et historique.

La loi de 1992 pèche essentiellement par le délai de trois ans, au-delà duquel le refus de certificat de sortie expire, ce qui permet d'exporter librement toute _uvre d'intérêt national qui n'a pas fait l'objet d'une transaction librement consentie entre l'Etat et le propriétaire. Il est nécessaire de renforcer la législation sur ce point. Le refus de l'autorisation constitue le premier acte de préservation des _uvres d'intérêt national ; pour en conserver l'efficacité, je vous demande de vous ranger à l'avis de la commission et d'inscrire dans la loi la reconduite automatique du refus de l'autorisation de sortie, dès lors que le propriétaire rejette l'offre d'achat de l'Etat.

La procédure d'acquisition est le contrepoids de la suspension par l'Etat de l'exportation d'un bien. Le refus de délivrer un certificat de sortie déclenche un processus qui doit conduire à l'acquisition de l'_uvre par l'Etat, ou à défaut à sa remise sur le marché. Il ne constitue pas un préjudice suffisant pour justifier une indemnisation.

En contrepartie, des garanties seront apportées aux propriétaires : celle d'être entendu dans le cadre d'une procédure contradictoire ; celle que le prix d'achat proposé sera le plus proche des prix du marché au moment où est prise la décision de vendre ; celle du recours à un expert indépendant en cas de désaccord sur l'expertise.

L'équilibre global auquel nous parvenons me paraît satisfaisant.

Quelques mots sur les moyens financiers qu'il nous faudra mobiliser pour compléter ce dispositif. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'un débat sur l'accroissement des sources de financement du fonds national d'acquisition, dont le budget doit être porté à un niveau satisfaisant. Certains de nos collègues proposent de faire appel, à l'instar de la Grande-Bretagne, à la Loterie nationale ; nous devrons y réfléchir à l'occasion de la réforme de la loi de 1913.

Enfin, ce texte doit s'inscrire dans un ensemble cohérent. La réforme de la loi de 1913 relative aux monuments historiques permettra d'inciter le secteur privé à participer à l'effort de préservation du patrimoine. Mais accorder des avantages fiscaux sans contrepartie ne servirait pas l'intérêt collectif.

Conserver notre richesse patrimoniale, c'est aussi préserver l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Kert - Je ne ferai pas, Madame la ministre, la liste des dossiers concernant mon département, mais vous y êtes la bienvenue.

Ce débat, direct, porte sur un sujet majeur, la protection de notre patrimoine culturel aujourd'hui fortement menacé.

Au début des années 1950 la France était au premier rang pour le marché mondial de l'art. Le marché français a subi une baisse de 25 % ces dix dernières années, alors que le montant des ventes augmentait de plus de 50 % en Grande-Bretagne. C'est Christie's à Londres qui, en juin prochain, sera chargé de la vente du manuscrit de Marcel Proust. A Drouot, une majorité des lots vedettes de 1999 ont passé les frontières, comme ce portrait d'homme par Ingres, adjugé 4,4 millions de francs à un collectionneur américain. En tout, il sort chaque année de France 2 milliards de francs d'objets d'art, dont les trois quarts partent vers les Etats-Unis.

Dans un contexte de mondialisation croissante, notre objectif doit être d'élaborer une politique de protection du patrimoine national alors que les moyens de l'Etat, notamment financiers, sont notoirement insuffisants, avec un budget annuel consacré à l'achat d'objets d'art d'une centaine de millions, soit le montant que peut atteindre la vente d'un seul tableau.

Dans ce contexte, la loi du 31 décembre 1992 était inapplicable et lourde d'effets pervers.

Cette loi conditionnait l'exportation des biens culturels précieux à l'obtention d'un certificat attestant qu'ils ne présentaient pas un intérêt suffisant pour justifier leur conservation sur le territoire national. Or, sur le marché unique européen, les biens circulent librement, même si les biens culturels relèvent d'une législation spécifique.

Surtout, suite à l'affaire du « Jardin à Auvers » de Van Gogh, l'Etat est maintenant dans l'obligation d'indemniser les propriétaires au prix estimé du marché. Il n'a donc plus les moyens de s'opposer à la sortie des _uvres du territoire national.

La législation a également pu dissuader des collectionneurs d'acheter et de domicilier leurs biens en France, attisant les conflits entre propriétaires et collectionneurs alors qu'une relation de confiance est indispensable.

Cette proposition de loi comporte des mesures susceptibles de remédier en partie à ces faiblesses. Néanmoins elles seront insuffisantes pour redynamiser le marché de l'art dans notre pays. C'est pourquoi je regrette profondément que les mesures adoptées à l'initiative de la commission des finances du Sénat n'aient pas été retenues.

Ainsi pour tout achat effectué en dehors d'un pays de l'Union européenne, la TVA à l'importation s'élève à 5,5 % pour les _uvres d'art, et à près de quatre fois plus pour les meubles de plus de 100 ans, les bijoux et les manuscrits. Or cette taxe à l'importation est nulle aux Etats-Unis et de seulement 2,5 % en Grande-Bretagne.

Ainsi un collectionneur français qui voudrait acheter une toile impressionniste vendue à New York par un autre Français devrait payer 5 % de plus qu'un collectionneur américain. Cette réglementation a abouti à des délocalisations, comme celle du marché des bijoux, qui s'est déplacé de Paris à Genève.

Quant au droit de suite, qu'il ne s'agit évidemment pas de supprimer, il est nécessaire de l'adapter. Le Sénat proposait une exonération partielle des droits de mutation qui allait dans le bon sens.

Nous comprenons mal l'obstination du Gouvernement à refuser les offres des propriétaires privés. Pas d'avantage que dans le passé, l'Etat n'a les moyens de tout faire.

Je crains que le dispositif reste sans effet réel. On ne pourra pas faire l'économie d'une réforme de la fiscalité sur les _uvres d'art.

Pour conclure, je regrette une fois encore la faiblesse des moyens consacrés par l'Etat à l'acquisition des _uvres d'art. Pourquoi ne pas mettre à contribution les recettes de la loterie nationale, comme en Angleterre ? Une grande loi sur le mécénat paraît également indispensable.

Ce texte est une première étape. Faute de moyens, il reste insuffisant. Le groupe UDF s'abstiendra donc (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Pierre Lellouche - Je partage tout à fait ce qui vient d'être dit. Ce texte propose un mécanisme juridique bien meilleur qu'auparavant et innove utilement : permanence du certificat de sortie pour les objets de plus de cent ans, allongement à vingt ans de la durée du certificat pour les objets de moins de cent ans, attribution automatique de ce certificat, passage de 36 à 30 mois pour la validité du refus de sortie, fixation du prix de vente après expertise contradictoire entre l'Etat et le vendeur.

Nous sommes donc globalement d'accord avec l'économie du texte. Mais devant l'hémorragie de notre patrimoine, ce qui manque pour le protéger, c'est l'argent.

On pourrait augmenter la dotation, notamment en faisant appel à la Loterie nationale. Nous l'avons proposé, le Gouvernement ne l'a pas accepté.

L'autre moyen est de permettre aux résidents français d'acheter ces trésors nationaux. Cela impliquait que l'Etat joue un rôle d'intermédiaire et encourage le mécénat par la défiscalisation. Mais le Gouvernement a refusé les deux mesures proposées par la commission des finances du Sénat.

Comme pour le texte précédent, l'économie générale est bonne, le volet financier et fiscal absent. Aussi le groupe RPR s'abstiendra-t-il. Nous regrettons vivement que le Gouvernement ne se soit pas donné une politique culturelle à la hauteur du patrimoine qui nous reste et propre à affronter la mondialisation du marché de l'art. Peut-être une autre majorité relèvera-t-elle un jour le défi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Ministre - Sur ce sujet important, il subsiste peu de points de désaccord entre les deux assemblées et je félicite le rapporteur pour le travail accompli et pour cette excellente concertation

M. Outin a souligné l'intérêt de la nouvelle procédure qui permet à l'Etat d'acquérir ces _uvres majeures en acquittant le juste prix après expertise. C'est une excellente chose.

Monsieur Herbillon, je respecterai les engagements pris par mon prédécesseur. Dans les prochains mois, le conseil des ministres devrait adopter un projet de réforme de la loi de 1913 relative aux Monuments historiques. Il comportera bien un volet fiscal. S'agissant de l'exonération de l'ISF sur les _uvres d'art, je partage tout à fait la position de Mme Trautmann. Avant de prendre de nouvelles mesures fiscales, appliquons celles qui existent. L'exonération est la condition de la politique du Gouvernement en ce domaine.

Monsieur Terrasse, je vous remercie de votre soutien sans réticence. En ce qui concerne la grotte Chauvet, je poursuis le travail de pacification engagé. Un protocole d'accord a été signé le 15 février. Je le mettrai en _uvre sans délai.

Monsieur Kert, sur 80 trésors nationaux, l'Etat a pu en acquérir 32. Le présent dispositif semble approprié pour lui permettre de continuer à accroître les collections publiques. L'harmonisation fiscale européenne répond elle aussi à la nécessité d'assurer une continuité entre les Etats membres de la Communauté.

D'autre part, contrairement au chiffre que vous avez avancé, ce sont 400 millions qui sont consacrés aux acquisitions. Cet ordre de grandeur est déjà respectable, même s'il faudrait aller plus loin.

M. Lellouche a exprimé les mêmes préoccupations que M. Herbillon et M. Kert quant aux moyens que l'Etat consacre à la protection du patrimoine. La politique menée par ce Gouvernement a permis des progrès notables en ce domaine. Je me battrai personnellement pour que nous continuions sur cette voie et j'espère vous trouver à mes côtés lors de la discussion budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique et qui font l'objet d'amendements.

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ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est de cohérence : il importe que le principe de non-indemnisation du propriétaire en cas de refus de délivrance du certificat d'exportation s'applique dès l'ouverture de la procédure, puis à chacune de ses étapes.

Mme la Ministre - Avis favorable : le Gouvernement souscrit à l'argumentation du rapporteur mais souhaiterait apporter quelques précisions.

Le Conseil d'Etat admet la possibilité d'indemniser les dommages résultant de la création d'une servitude administrative « si le législateur n'a pas entendu exclure toute indemnisation et dans la mesure où ce préjudice présente un caractère direct, certain, grave et spécial », que l'assujetti a la charge de prouver.

En l'absence de précision dans la loi du 31 décembre 1992, le préjudice résultant pour le propriétaire d'un trésor national des restrictions à la circulation de son bien serait donc apprécié conformément à cette jurisprudence.

Dans ces conditions, les juridictions administratives n'auraient pas considéré comme direct et certain le préjudice financier résultant d'une perte d'accès au marché international de l'art, dans la mesure où cette sujétion trouve sa cause dans le refus même du propriétaire du trésor national de le vendre à l'Etat à sa juste valeur, déterminée par référence au marché.

A partir de cette analyse, le Gouvernement avait jugé préférable de laisser inscrit dans la loi le principe de l'indemnisation et de s'en remettre à l'appréciation souveraine des juridictions pour apprécier l'existence et le montant du préjudice financier éventuel.

Toutefois, est-il utile de laisser subsister le principe d'une indemnisation dépourvue d'objet ? Mieux vaut poser le principe de la non-indemnisation des conséquences du refus d'exportation des trésors nationaux.

L'amendement de votre commission relève de la même analyse et contribuera à l'efficacité du nouveau dispositif. J'y suis donc favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 2 tend à rétablir le texte que nous avions adopté en première lecture. Le refus de délivrance du certificat d'exportation par l'administration doit être automatique en cas de refus de vente du propriétaire.

Mme la Ministre - J'y suis très favorable. C'est le c_ur même de la nouvelle législation. Une telle décision ne peut être laissée à l'appréciation de l'administration. Cet amendement rétablit la cohérence juridique de la procédure d'estimation et d'acquisition des trésors nationaux.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3, de retour au texte adopté en première lecture, permet de reprendre la procédure au début en cas de renouvellement du refus de délivrance du certificat, sans laisser le soin au propriétaire de la relancer. La loi propose une procédure de négociation simple et claire, que les fluctuations du marché de l'art ne doivent pas régenter.

Mme la Ministre - Avis favorable : en vertu du principe de l'équilibre des parties, la discussion doit pouvoir reprendre à l'initiative de chacune d'elles.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 amendé, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

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PUBLICATION DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Mme la Présidente - Le 29 mars 2000, l'Assemblée nationale a été informée du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France.

Je n'ai été saisie, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du Règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.

En conséquence, celui-ci sera imprimé et distribué sous le n° 2297.

Prochaine séance, cet après-midi, mercredi 5 avril, à 15 heures.

La séance est levée à minuit 25.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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