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Session ordinaire de 1999-2000 - 77ème jour de séance, 181ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MERCREDI 26 AVRIL 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AVENIR DE LA MUTUALITÉ 2

GRÈVE DES INTERNES EN MÉDECINE 2

ACTIVITÉS DU PÔLE FINANCIER PUBLIC 3

COMPOSITION DU GOUVERNEMENT 4

GÉNOCIDE ARMÉNIEN 5

ÉVÉNEMENTS SURVENUS DANS LES QUARTIERS SUD
DE LILLE 6

GRÈVE DES INTERNES 7

EFFONDREMENT DE TERRAIN EN GUYANE 8

RAPPROCHEMENT ENTRE RENAULT VÉHICULES INDUSTRIELS ET VOLVO 9

CAMPAGNE ÉLECTORALE DE LA MILDT 9

COÛT DES SERVICES BANCAIRES 10

CONVOCATION D'UNE CMP 11

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES (suite) 11

AVANT L'ARTICLE PREMIER 21

ARTICLE PREMIER 25

APRÈS L'ART. 2 27

ART. 3 27

APRÈS L'ART. 3 27

ART. 4 28

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 32

DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE 32

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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AVENIR DE LA MUTUALITÉ

M. Jacques Desallangre - Comme on le sait, la mutualité est, après la sécurité sociale, le deuxième intervenant au service de la santé des Français. Le mouvement mutualiste, _uvre solidaire, n'a pas d'actionnaires à rémunérer. Or la Commission européenne presse la France de transposer en droit interne deux directives qui tendent à assimiler les mutuelles à des compagnies d'assurance -singulière contribution à l'édification européenne. Si ces directives étaient appliquées, elles condamneraient, à terme, les mutuelles. Et pourtant ! Qui n'a en mémoire le comportement scandaleux des assurances AXA à l'égard des familles d'enfants handicapés ? Si le Gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires, il y aura d'autres affaires AXA ! Qu'entend faire le Gouvernement pour assurer la stabilité juridique des mutuelles et leur permettre ainsi de poursuivre leur _uvre de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous soulignez à juste titre le rôle irremplaçable du mouvement mutualiste, qui rassemble des milliers de militants décidés à défendre les valeurs de solidarité, de responsabilité, de démocratie et de liberté. Plus d'un Français sur deux adhère à une mutuelle, et le mouvement mutualiste gère 1 300 établissements qui emploient quelque 50 000 salariés.

C'est dire que la transposition des directives auxquelles vous avez fait allusion a suscité dans nos rangs de vives inquiétudes. Nous considérons en effet que la santé n'est pas une marchandise, et nous tenons à ce que ce principe demeure. Le Premier ministre a donc confié à M. Michel Rocard la mission de rédiger un rapport dont les propositions permettraient à la France de respecter ses engagements internationaux tout en garantissant la pérennité des principes qui fondent la mutualité.

Ce rapport a été remis en mai 1999 au Gouvernement, qui s'attache à présent à élaborer un projet de loi. Ce texte, qui sera déposé rapidement sur le bureau de votre Assemblée, disposera notamment que les mutuelles pourront continuer de gérer les établissements dont elles ont la charge et dans lesquels elles font _uvre sociale, exemplaire et souvent innovante.

Le Gouvernement avait trouvé en 1997 le dossier en suspens et le mouvement mutualiste était alors en grand péril. Le texte en préparation garantira l'avenir de la mutualité, définira un statut de l'élu mutualiste et indiquera les règles de transparence qui devront guider le fonctionnement des mutuelles. Je suis persuadée que les inquiétudes qui subsistent sont dues à des incompréhensions que mes rencontres successives avec M. Hascoët et avec M. Le Scornet permettront de dissiper, puisque la transposition des directives nous donnera l'occasion de garantir la pérennité de la mutualité et des valeurs qui la fondent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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GRÈVE DES INTERNES EN MÉDECINE

M. Jean-Claude Sandrier - La grève des internes en médecine entre dans sa deuxième semaine. Que demandent-ils ? L'augmentation de leur rémunération, la reconnaissance de leur statut et l'amélioration de leurs conditions de travail, dont dépend la qualité des soins dispensés aux malades.

Vous avez souligné à juste titre, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, l'effort accompli par le Gouvernement pour améliorer la qualité des soins. Il est vrai que des mesures constructives ont été décidées, mais elles n'ont pas suffi pour compenser les retards accumulés au fil des ans du fait des restrictions budgétaires. Pour ne citer qu'un exemple, une enquête vient de mettre en lumière que 65 % des services d'urgence n'étaient pas aux normes. Il serait d'une particulière injustice d'utiliser cet argument pour justifier la fermeture de certains d'entre eux !

Chacun le sait : on ne peut assurer des soins de qualité à moyens constants, et la croissance retrouvée fait que des moyens existent qui permettent de satisfaire les revendications des internes. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour compenser le retard pris depuis de nombreuses années en matière de santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité - Les internes et les résidants sont des médecins en formation, étudiants de 3ème cycle qui remplissent un rôle difficile, souvent la nuit, que nous connaissons tous, et qu'ils entendent voir reconnu.

J'ai reçu leurs représentants hier, et je les recevrai à nouveau cet après-midi pour définir les moyens de régler les difficultés réelles auxquelles ils doivent faire face. Mais, je vous le rappelle, le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés depuis 1997 et, déjà, le statut des internes a été revu. C'est ainsi qu'ils peuvent désormais consacrer à la formation universitaire deux des onze demi-journées hebdomadaires qu'ils doivent à l'hôpital, et que la rémunération de leurs grades a été revalorisée de plus de 20 %. Nous nous attachons actuellement à instaurer un « repos de sécurité » qui évitera que les internes de garde de nuit n'aient à travailler le matin suivant, et des négociations se poursuivent sur la rémunération des gardes de week-end. Par ailleurs, il n'est pas acceptable que 8 gardes par mois soient exigées d'eux dans certains hôpitaux, alors que le maximum est fixé à 5. Les tableaux de service devront donc être revus, de même que les rémunérations dans leur ensemble, mais vous comprendrez que je n'en dise pas davantage puisque les négociations sont en cours.

Le rôle des internes sera donc reconnu. Quant aux médecins résidants, qui s'inquiétaient de la réforme des études médicales, ils ont été rassurés, et la concertation se poursuivra. Comme à son habitude, le Gouvernement favorise le dialogue pour résoudre les problèmes, lorsqu'ils existent, ce qui est le cas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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ACTIVITÉS DU PÔLE FINANCIER PUBLIC

M. Daniel Feurtet - Il y a un peu plus d'un an, l'Assemblée s'était réunie pour examiner un texte relatif à l'épargne et à la sécurité financière dont les orientations correspondaient aux engagements que M. Strauss-Kahn avait pris dans un courrier adressé à M. Hue. L'exposé des motifs de la loi consacrait la création d'un pôle financier public structuré autour de la Caisse des dépôts, rassemblant la CNP, la Poste, la BDPME et les caisses d'épargne et visant à financer la formation et la lutte contre l'exclusion, au service de l'emploi et de la croissance. La loi prévoyait aussi l'installation d'un Haut conseil du secteur financier public.

Convaincu de l'utilité de la constitution de ce pôle financier public, le groupe communiste s'inquiète aujourd'hui des objectifs qui lui sont assignés, alors qu'une spéculation effrénée fait peser sur l'économie et donc sur l'emploi des risques renouvelés (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le Gouvernement respectera tous les engagements qu'il a pris, notamment à l'égard de votre groupe. Vous l'avez rappelé, un pôle financier public a été constitué. En le modernisant, en rendant son fonctionnement plus juste et plus efficace, le Gouvernement place ce pôle financier public au service de la croissance et de l'emploi.

Figurent, en effet, dans ses missions, l'aide au renouvellement urbain, le soutien aux fonctions d'intérêt général, l'appui aux PME, la lutte contre l'exclusion bancaire.

Au total, l'action de ce pôle doit être au service de la solidarité, du développement durable et de l'innovation.

Le Haut conseil du secteur financier public et semi-public sera installé dans les meilleurs délais, sous la présidence de M. Dominique Baert.

Quant au débat relatif à CDC-Finances sur lequel la discussion a eu lieu et des amendements ont été déposés, le Gouvernement pense que le plus tôt sera le mieux, et que le cadre de la loi sur les nouvelles régulations économiques serait parfaitement adapté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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COMPOSITION DU GOUVERNEMENT

M. Philippe Houillon - Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de Strasbourg, vous vous engagiez à moderniser notre démocratie. Le 27 mars, vous avez remanié votre Gouvernement, espérant ainsi régler certaines difficultés du moment et trouver un second souffle qui, pour l'instant, reste encore bien asthmatique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous pouvions penser que ce remaniement permettrait d'apporter une touche de modernité, afin que la diversité qui caractérise la démocratie soit effective, et que le pouvoir ne soit pas exercé par la seule aristocratie de la haute fonction publique ou par des personnalités ayant fait carrière dans les partis. Or, à un moment où paradoxalement le seul débat qui passionne votre majorité est celui des stock-options, un hebdomadaire nous rappelle que l'équipe gouvernementale en place ne compte aucun représentant du secteur privé.

C'est l'ENA qui pour l'essentiel fonde le nouvel ordre protocolaire des ministres. J'ai vainement cherché un agriculteur, un commerçant, un artisan, un créateur d'entreprise, un ouvrier du secteur privé, un salarié d'entreprise ou un membre d'une profession libérale (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Sont-ils tous incompétents, inutiles, indignes de participer à la conduite des affaires de la France ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Sont-ils là simplement pour recevoir d'en haut la fiscalité et la réglementation établies par ceux qui n'ont pas à les appliquer ?

Le Gouvernement apparaît ainsi largement déconnecté de la vie du pays. Ses difficultés à en appréhender les choix ne viennent-elles pas de là ? Après avoir tenté de régler les problèmes internes à votre majorité, avez-vous l'intention de procéder à un prochain remaniement pour mieux prendre en compte le pays réel et l'ensemble des acteurs de notre vie économique et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je ne suis pas sûr que ce soit dans l'opposition entre pays réel et pays légal, dont l'inspiration est plus maurrassienne que républicaine (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qu'il faille trouver des arguments.

Je ne suis pas sûr non plus de devoir m'interroger devant vous sur l'origine professionnelle des membres du Gouvernement, même si je pourrais aisément, me tournant vers eux, désigner des femmes et des hommes qui n'appartiennent pas à la Fonction publique (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Seraient-ils selon vous, Monsieur Juppé, Monsieur Debré et quelques autres, indignes d'appartenir à la Fonction publique ?

Je ne pense pas non plus que les membres du Gouvernement, pas plus que ceux de l'Assemblée tiennent à être définis par un déterminisme professionnel ou sociologique. Nous sommes davantage le fruit d'engagements militants et politiques, au service de la nation, et c'est cela qui me guide dans le choix de mes ministres (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Vous serez rassurés en tout cas en constatant que la quasi-totalité des membres du Gouvernement sont issus de vos rangs et de ceux de la deuxième assemblée, et ont donc reçu l'onction du suffrage universel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Ce qui importe, c'est que chaque membre du Gouvernement soit compétent dans le champ de sa responsabilité ; c'est que ce gouvernement forme une équipe travaillant collectivement dans un esprit de solidarité ; c'est que ce gouvernement offre un équilibre digne de la société moderne entre les femmes et les hommes ; c'est que ce gouvernement soit capable de régler les problèmes. Quand j'observe la croissance, l'évolution du chômage, les grandes réformes sociales, la modernisation de notre appareil productif, je n'ai pas l'impression que nous ayons besoin d'un second souffle ; et dans le débat public je trouve peu d'oxygène qui vienne de l'opposition, à en juger par la raréfaction de vos propositions (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je me suis demandé si votre interrogation subite sur la composition du Gouvernement ne venait pas de ce que vous aviez du mal à en critiquer l'action de façon convaincante.

Le Gouvernement comme l'opposition ne seront pas jugés sur la composition de telle ou telle instance, mais sur leur capacité d'action et de proposition. Le peuple n'a pas voulu que vous soyez en situation d'agir. Au moins, faites des propositions ! Cela nous aidera à faire vivre la démocratie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. François Rochebloine - Monsieur le Premier ministre, le 29 mai 1998 l'Assemblée unanime a adopté une proposition de loi reconnaissant publiquement le génocide arménien. Or deux ans plus tard, ce texte n'a toujours pas été inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Nous déplorons les refus successifs de la Conférence des présidents du Sénat, puis des sénateurs eux-mêmes de l'examiner.

Le Gouvernement, après s'être contenté d'observer une neutralité bienveillante, s'est placé dans la logique du refus. Vous ne pouvez pas vous retrancher derrière le fait qu'il s'agit d'une initiative parlementaire. Sur d'autres textes comme le PACS, vous n'avez pas hésité à appliquer la procédure d'urgence. Vous seul êtes maître de l'ordre du jour prioritaire du Parlement. Vous vous êtes engagé personnellement, au cours de la campagne présidentielle de 1995, à reconnaître le génocide arménien. Les prises de position de MM. Védrine et Moscovici ne sont plus celles d'hier. Ces revirements sont inacceptables. La France sera-t-elle la dernière nation à reconnaître le premier génocide du XXème siècle ?

Certes, en période de cohabitation, les responsabilités du blocage actuel sont largement partagées entre Matignon et l'Elysée, et la France subit par ailleurs des pressions inadmissibles. Au lendemain du 85ème anniversaire du génocide arménien, la France doit reconnaître une évidence historique, et affirmer qu'elle est encore maître de sa politique.

Oui ou non, avez-vous l'intention de faire inscrire cette proposition à l'ordre du jour prioritaire du Sénat, et quand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Je ne crois pas qu'existent dans cette Assemblée, ni entre elle et le Sénat, des différences de sensibilité ni dans la compassion à l'égard des massacres abominables de 1915, que la grande majorité des historiens considère comme un génocide, entre les Turcs et les Arméniens, à l'époque sujets de l'empire ottoman. Personne ne peut se prévaloir d'une émotion ni d'une sympathie plus grandes, et les Arméniens installés chez nous depuis plusieurs générations le savent bien.

La question n'est donc pas là.

Sur l'opportunité d'un texte émanant du Parlement ou d'une autorité française, le Gouvernement s'est exprimé à plusieurs reprises. C'est au Sénat, au sein de la Conférence des présidents où vous comptez des amis, que la décision a été prise, indépendamment, je pense, de toute pression.

La politique que nous menons dans la région est une politique de paix, et l'ensemble des pays concernés -Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Turquie- souhaitent que nous maintenions cet engagement en faveur de la paix, notamment au Haut-Karabakh, dans le cadre du groupe de Minsk, dont nous assumons la vice-présidence (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

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ÉVÉNEMENTS SURVENUS DANS LES QUARTIERS SUD DE LILLE

M. Patrick Delnatte - Le Premier ministre a balayé trop hâtivement l'action des parlementaires de l'opposition, dont les propositions de loi sont rejetées par la majorité, quand celle-ci ne refuse pas tout simplement d'en discuter... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Dans la nuit du 15 au 16 avril, un drame s'est produit dans un quartier sud de Lille : un jeune homme est mort lors d'une intervention de la police à la suite d'actes délictueux. La vie de sa famille en est brisée, celle de la famille du policier en cause est également affectée. Il reviendra à la justice d'apprécier les faits et de juger, mais la population du quartier a d'ores et déjà exprimé sa vive émotion, ainsi que son aspiration à la considération et à la dignité. Des violences se sont néanmoins produites, y compris dans d'autres communes de l'agglomération, comme Tourcoing ou Marcq-en-Bar_ul.

Ces événements mettent en cause la politique de sécurité du Gouvernement. Les moyens techniques dont dispose la police ne doivent pas faire oublier que son efficacité repose avant tout sur sa présence physique et sur les relations qu'elle entretient avec la population. Or on peut douter que le recrutement massif de jeunes adjoints de sécurité constitue une réponse adaptée, et que l'effort de formation, initiale et surtout continue, soit suffisant, étant donné la difficulté et la diversité des situations auxquelles les policiers sont confrontés. Quant à la politique de la ville, elle reste impuissante à enrayer la banalisation des phénomènes de violence, à pallier les carences de l'éducation au sens du bien et du mal, comme à enrayer les dérives communautaristes dans les milieux issus de l'immigration. Qu'entend faire le Gouvernement pour réagir à cette évolution préoccupante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Une question n'est pas meilleure parce qu'elle est plus longue : vous auriez pu dire la même chose en trois fois moins de temps, et vous n'avez fait que priver votre groupe de sa troisième question (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Une expérience de police de proximité a été engagée en octobre dans les quartiers sud de Lille, qui comptent 23 000 habitants. Le fait tragique qui s'y est produit le 16 avril dernier vers minuit et demie ne doit pas remettre en cause l'effort entrepris. Une faute a été commise par un policier qui a été suspendu moins de douze heures plus tard ; la justice a été saisie et devra se prononcer, notamment sur le point de savoir s'il y a eu un élément intentionnel ou s'il s'est agi d'un geste de panique. Je rappelle que le fonctionnaire en cause ne faisait pas partie de la police de proximité, mais d'une unité d'intervention appelée sur les lieux à la suite d'une tentative de vol de véhicule. Les faits regrettables qui ont suivi, et qui confinaient à l'émeute, ont donné lieu à plus de 130 interpellations, et 23 personnes ont été déférées à la justice, laquelle se prononcera en toute impartialité.

J'insiste sur le fait que l'expérience de police de proximité continue à Lille-Sud, comme l'ont d'ailleurs demandé les policiers eux-mêmes, ainsi que la population concernée. Je rends hommage, à ce propos, au rôle d'apaisement joué par les responsables de la communauté musulmane, dont le recteur de la mosquée, que j'ai rencontré. Nous avons le devoir commun de rompre cet enchaînement de violences et de répression, et c'est bien le sens de la politique du Gouvernement : police de proximité, recrutement à l'image de la population, apprentissage et respect de la déontologie, insertion de l'Islam dans le cadre républicain qui régit les rapports entre les pouvoirs publics et les cultes, renforcement de la politique de la ville -qui bénéficiera de 450 millions supplémentaires grâce au collectif budgétaire adopté ce matin en conseil des ministres. Ma détermination à poursuivre de front ces différentes actions ne fléchira pas, et je compte sur chacun pour maintenir le cap de cette politique, seule à même de garantir la sécurité et l'ordre républicain (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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GRÈVE DES INTERNES

M. Jean Bardet - Chacune des questions que j'ai déjà posées à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des hôpitaux s'est attiré la même réponse méprisante : « Tout va bien, l'hôpital est dans les clous ! » Elle n'en a pas moins dû céder à la pression des syndicats et débloquer 10 milliards sur trois ans. Mais, faute de réformes de structure, à la grève des urgentistes succède maintenant celle des internes, et le fait que l'un de nos collègues communistes ait interpellé le Gouvernement montre que la question dépasse le clivage droite-gauche. La réponse qui lui a été faite ne nous a pas satisfaits, pas plus qu'elle ne satisfera les internes, auxquels menacent même de se joindre les chefs de clinique.

Les internes sont, une fois de plus, les oubliés de l'hôpital. On oublie, en effet, le rôle déterminant qu'ils jouent dans de nombreux établissements qui, sans eux, ne pourraient continuer à offrir à tous des soins de qualité. On oublie qu'ils sont, statutairement, des praticiens hospitaliers, et que leur niveau de formation comme leur charge de travail font d'eux l'un des maillons essentiels de la chaîne des missions de l'hôpital public. Leur combat est aussi un combat pour la sécurité, comme l'atteste leur exigence d'un repos régulier. Leur mouvement, que le Gouvernement refuse d'écouter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), reflète le malaise global de l'hôpital public. Sera-t-il au moins répondu à cette question de fond : les internes sont-ils des médecins ou, comme on l'a récemment laissé entendre, des stagiaires en entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour une réponse courte.

Mme la Ministre de l'emploi et de la solidarité - Elle le sera d'autant plus que M. Bardet a annoncé qu'elle ne le satisferait pas ! Quant aux internes, ils ne pourront qu'être touchés par la sollicitude tardive que vous leur témoignez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Entre 1993 et 1997, les moyens de l'hôpital public n'ont augmenté que de 0,18 % par an, contre plus de 2 % depuis que nous sommes là ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Il est faux que nous n'écoutions pas les personnels : nous avons signé au début de l'année avec la quasi-totalité de leurs syndicats représentatifs, deux protocoles d'accord -qui ne concernaient pas, il est vrai, les internes. S'agissant de ces derniers, vous n'aviez rien fait en quatre ans, à part les faire descendre dans la rue ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) Nous, nous avons rénové leur statut, relevé de 20 % le tarif des gardes et libéré deux demi-journées pour la poursuite de leurs études. Cessons de jouer sur les mots : oui, les internes sont des médecins, mais des médecins en formation, car celle-ci n'est pas achevée. Il faut en tirer les conséquences, et c'est ce que nous faisons en discutant des repos, du statut et de toute une série de sujets dont je regrette que vous ne vous soyez pas préoccupés lorsque vous étiez au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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EFFONDREMENT DE TERRAIN EN GUYANE

Mme Christiane Taubira-Delannon - Au lendemain de l'effondrement, la semaine dernière, d'un flanc de colline, la population de Guyane a fait preuve d'une dignité, d'une discipline et d'une solidarité exemplaires, et apprécié les messages de soutien adressés par le Premier ministre et le Président de la République, ainsi que le travail admirable des sapeurs-pompiers locaux et des sauveteurs spécialisés venus de métropole.

Les décisions à prendre désormais concernent plusieurs ministères, qu'il s'agisse de la justice, de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous serions rassurés d'entendre que les actions nécessaires seront bien coordonnées et que les conclusions des enquêtes menées seront rendues publiques. Ce drame a arraché des êtres chers à une dizaine de familles mais le nombre de victimes est encore susceptible d'augmenter si des personnes seules, dont la disparition n'a pas été signalée, ont été touchées.

Des observations empiriques menées sur le terrain avaient déjà donné l'alerte et cette zone était considérée comme dangereuse. Les signes précurseurs de la catastrophe avaient d'ailleurs amené la présence sur place de plusieurs agents de l'Equipement, dont certains ont été ensevelis. Une enquête judiciaire est désormais ouverte pour déterminer avec précision les causes du drame. Nous en attendons les conclusions avec toute la mesure qu'exige le respect de la présomption d'innocence mais avec toute la détermination que commandent les égards dus aux familles endeuillées. Par respect du principe de précaution, il est impératif que toutes les mesures préventives nécessaires soient prises et je demande s'il n'y a pas lieu de mettre en place un observatoire -à l'instar du secrétariat permanent à la prévention des pollutions industrielles- pour recenser et surveiller les sites à risques, en interdire l'accès le cas échéant, et assurer toute l'information nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Cette catastrophe a provoqué la mort de dix personnes. Nous avons pris immédiatement les dispositions nécessaires et dix personnes ont pu être sauvées.

Avec le ministre de l'intérieur, nous avons dépêché dans la nuit qui a suivi l'événement l'équipe de sécurité de Brignoles et cette unité spécialisée est arrivée sur place dix-huit heures seulement après le drame.

Le Président de la République comme le Premier ministre ont exprimé leur émotion et leur compassion à l'égard des familles des victimes. Il reste maintenant à prendre des mesures préventives : deux spécialistes du Laboratoire des Ponts et Chaussées ont ainsi été dépêchés sur place dimanche pour prendre la mesure des menaces qui persistent dans ce secteur et pour renforcer le plan de prévention des risques. Les enquêtes administratives ont été lancées en liaison avec les ministères de l'intérieur et de l'équipement et une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de la République de Cayenne.

Sur le plan de la solidarité, une réunion a eu lieu hier à Remire-Montjoly en vue de constituer les dossiers pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les mesures d'indemnisation pourront donc intervenir. Mais notre priorité sera de renforcer dans les semaines qui viennent l'effort de prévention (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

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RAPPROCHEMENT ENTRE RENAULT VÉHICULES INDUSTRIELS ET VOLVO

M. Louis Mexandeau - Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et mes collègues Laurence Dumont, Philippe Duron et Yvette Roudy s'y associent. Après Moulinex, Renault Véhicules Industriel : les projets de réorganisation industrielle n'en finissent pas de préoccuper des milliers d'employés de ces deux groupes, dont l'activité s'exerce dans le Calvados. Certes, les perspectives des deux groupes ne sont pas identiques. Mais la même première préoccupation nous anime, la défense de l'emploi. C'est pourquoi, je voudrais savoir si dans chacun des cas, le Gouvernement est prêt à agir pour que ces rapprochements industriels, dont les représentants du personnel n'ont pas été suffisamment informés, ne se fassent pas au détriment de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Vous avez eu raison, Monsieur le député, de distinguer ces deux groupes car les enjeux ne sont pas identiques. Le Gouvernement n'est pas forcément favorable à ces mouvements de regroupement qui ne se justifient que si de véritables complémentarités entre les sociétés concernées se dégagent et si les conséquences sur l'emploi ne sont pas défavorables. Il importe aussi, comme vous l'avez souligné, que les institutions représentatives du personnel soient préalablement consultées et que les pôles de décision des nouveaux groupes restent en France.

En l'espèce, le rapprochement de RVI-Mack et de Volvo tend à constituer le deuxième constructeur mondial de camions, tout en préservant l'identité des marques et le statut des personnels. Le Gouvernement est donc favorable à la constitution en Europe d'un pôle camion fort, sans conséquences néfastes pour l'emploi. Dans le cas de Moulinex, des engagements ont été pris qui devront être tenus et auxquels les salariés doivent être associés. Il y va de la nouvelle régulation économique que le Gouvernement entend favoriser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CAMPAGNE ÉLECTORALE DE LA MILDT

M. Michel Etievant - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - je remercie le Premier ministre d'avoir retenu cet intitulé qui donne toute sa place à la politique en faveur des personnes handicapées.

Pour la première fois, une campagne de publicité est lancée par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie à destination du grand public. Elle sensibilise à l'ensemble des pratiques addictives. Elle introduit un discours inédit en rappelant qu'une société sans drogue n'existe pas. Le consommateur n'y est plus désigné comme un délinquant ou une victime mais comme un acteur responsable. L'objectif est de lever les tabous et de favoriser le dialogue au sein des familles.

Pouvez-vous, Madame la ministre, nous préciser quels sont les enjeux de cette campagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - En effet, en juin 1999, le Gouvernement a adopté un plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances qui s'inscrit dans la démarche globale de lutte contre les exclusions. La politique de la MILDT s'appuie sur les différents travaux qui ont été remis au Gouvernement depuis 1994.

Nous avons lancé ce matin une campagne nationale d'information qui accompagnera ce plan avec efficacité. Destinée au grand public comme aux professionnels, elle est un élément de réussite de notre action en matière de formation, avec la mise en place d'un certificat d'études spéciales en addictologie, de lutte contre les dépendances, avec 80 millions de mesures nouvelles dès cette année pour renforcer les structures de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, de recherche et d'information sur les modes de consommation. Cette campagne de bon sens a vocation à interpeller nos concitoyens tout en leur délivrant une information fiable. Elle vise à rappeler la loi et à placer chacun devant ses responsabilités en favorisant le dialogue au sein des familles et en améliorant l'information des jeunes sur les risques qu'ils courent en s'adonnant à certaines pratiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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COÛT DES SERVICES BANCAIRES

M. Dominique Baert - Madame la secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à la consommation, les banques françaises fonctionnent sur le principe du « ni-ni » : ni facturation des chèques, ni rémunération des dépôts de leurs clients. Les discussions qu'elles ont conduites depuis plusieurs mois avec les consommateurs pour faire évoluer cette situation sont dans l'impasse et certains en appellent désormais au Gouvernement. Le groupe socialiste tient à exprimer son extrême préoccupation car une évolution mal maîtrisée de ce dossier serait porteuse d'exclusion pour les plus modestes de nos concitoyens et elle créerait une charge nouvelle pour ceux qui devraient payer leurs chèques sans avoir droit à une rémunération substantielle de leurs dépôts. En matière bancaire, la gauche a toujours défendu une préoccupation d'équité et de solidarité et elle l'a démontré en proposant les lois sur le surendettement et sur le droit au compte, dans le cadre de la loi d'orientation contre les exclusions.

Quel dispositif le Gouvernement entend-il adopter pour éviter que ne progresse l'exclusion bancaire ? Par ailleurs, accepteriez-vous de réduire le délai d'interdiction bancaire aujourd'hui fixé à dix ans qui s'apparente à une véritable interdiction de vivre normalement. Un délai inférieur à cinq ans nous paraîtrait à cet égard bien plus raisonnable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Vous avez raison, Monsieur le député, de poser cette question en ces termes car les médias insistent trop sur la question de la rémunération des chèques et négligent l'aspect plus général de la question qui est celui de la rémunération du service bancaire. Or, à la demande de M. le Premier ministre, en 1998, vous-même, Véronique Neiertz, Jean Le Garrec et d'autres avec vous, avez défendu le droit au compte pour les exclus dans le cadre de la loi d'orientation contre les exclusions. Une étape politique essentielle a ainsi été franchie. Si le droit au compte existe, qu'en est-il du service bancaire ? Il est aujourd'hui payant et si certains ont droit au carnet de chèque rendu gratuit en France en 1935, ils n'ont accès ni à la carte bancaire, ni aux autres moyens de paiement et ils doivent payer les services bancaires de base ; ils doivent acquitter le prix d'une connexion téléphonique pour connaître l'état de leur compte ; ils doivent payer encore pour obtenir plus d'un relevé par mois ou pour faire virer le montant de leurs factures d'eau et d'électricité. En bref, il n'existe pas aujourd'hui de service bancaire de base. C'est donc ce débat qu'il faut ouvrir, et non celui du chèque payant.

Nous avons demandé à M. Jolivet, président du comité des usagers des banques, de tenter une médiation entre ces dernières, entreprises privées qui défendent leurs intérêts, et les organisations de consommateurs, qui défendent l'ensemble des usagers. Cette négociation a échoué, sur un mot pour ainsi dire : on n'a pu trancher entre un service de base gratuit, réservé aux plus démunis, c'est-à-dire à ceux dont les revenus équivalent à un RMI ou sont inférieurs au SMIC, ou bien un service universel de base. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement entend, au vu du rapport Jolivet, et en tenant compte des arguments des uns et des autres, rechercher la meilleure solution, avant tout pour les plus défavorisés.

Il y a aussi trop de points dont on a oublié de parler : d'abord des dates de valeur -mais je pense qu'un pas a été franchi maintenant et que nous obtiendrons qu'elle coïncide avec la date de dépôt ; ensuite, des pénalités pour chèque sans provision, qui doivent impérativement être revues pour les gens de bonne foi...

Mme Véronique Neiertz - Très bien !

Mme la Secrétaire d'Etat - Enfin, il faut se soucier des deux millions d'interdits bancaires : nous devons ici aussi, impérativement, éviter de confondre les personnes de bonne foi, en grande difficulté mais susceptibles de revenir à meilleure fortune, et celles qui ont un comportement frauduleux. Nous nous tournons donc vers la Chancellerie en lui faisant confiance pour élargir la gamme des réponses, notamment en faveur des jeunes dont beaucoup se retrouvent surendettés du fait de la prolifération des cartes de paiement de magasins ou d'entreprises de vente par correspondance (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de Mme Catala.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

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CONVOCATION D'UNE CMP

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'informe qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.

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NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.

M. François d'Aubert - Vous présentez ce texte, Monsieur le ministre, à la fois comme révolutionnaire, parce qu'il remettrait en cause la prétendue suprématie du marché, et comme fondateur, car il serait l'acte de naissance d'un nouveau capitalisme. Tout cela est légèrement surestimé, et le projet est bien loin des intentions affichées. Déjà minimaliste sur le gouvernement d'entreprise, il a été en outre amputé par la décision de ne pas aborder maintenant l'actionnariat salarié et l'épargne salariale, comme l'avait pourtant promis le Premier ministre. On comprend bien son embarras sur cette question, quand on connaît les positions extrêmes de certains de ses partenaires de la majorité plurielle. L'examen du texte en commission était éloquent à cet égard : il a montré le décalage entre le Gouvernement, qui se contentait de défendre un texte fourre-tout sans grande logique, et la majorité plurielle, qui y voyait l'occasion de réaffirmer le primat de l'idéologie socialiste sur les réalités économiques. Ainsi le rapporteur, animé par quelque colbertisme d'arrière-garde, n'a pas caché son souhait de revenir aux grandes heures de la Direction du Trésor, du temps où elle administrait l'économie...

En fait, ce projet est un véritable fourre-tout, une mosaïque de dispositions visant à renforcer le contrôle de l'Etat sur le marché. Il est loin de garantir un meilleur fonctionnement du capitalisme français, qui en aurait pourtant besoin. Avec ce texte, vous revenez sur l'héritage des années 1980 qui avaient permis une ouverture des marchés et une diffusion de l'innovation favorables à la croissance. Sous prétexte de protéger la transparence des marchés, vous confondez le contrôle de la régularité des opérations, boursières par exemple, et le contrôle de leur opportunité. Vous confondez aussi régulation et réglementation. La régulation suppose la fixation de règles du jeu minimales pour assurer le fonctionnement correct du marché. Ces règles ne sont pas un monopole d'Etat ; elles peuvent également consister en règles déontologiques établies par des professionnels. Au contraire, vous multipliez entraves et contraintes, avec une inflation des sanctions administratives et des procédures d'agrément. La France dispose pourtant déjà de l'un des environnements réglementaires les plus restrictifs. Elle se classe dix-huitième sur vingt-et-un pays, dans l'ordre du moins restrictif au plus restrictif, d'après une étude OCDE. En matière d'obstacles à l'activité de l'entreprise et de réglementation administrative, la France est sans doute la plus réglementée parmi les pays de l'OCDE...

Par ce projet, vous accentuez la surveillance de l'Etat sur les marchés et, tout en prétendant mener une politique antitrust, vous ne rechignez pas à laisser en place des monopoles publics, comme le montre l'application a minima de la directive électricité, et à favoriser les géants nationaux en alourdissant les procédures de contrôle.

Le texte pose ainsi la supériorité de la régulation par l'Etat quand bien même les acteurs du marché sont les seuls à même d'opérer des arbitrages cohérents et efficaces. Il fait donc passer des considérations politiques avant la régulation normale de la concurrence.

Ainsi, sous le prétexte de transparence, je soupçonne le Gouvernement de vouloir reprendre la main dans le grand Monopoly du capitalisme français. Le déroulement d'une opération de concentration dans le secteur bancaire, par exemple, relèvera désormais du parcours du combattant ! Il faudra beaucoup de patience et d'abnégation à un banquier pour organiser la croissance externe de son entreprise... mais il est vrai que les banques qui demeurent françaises sont bien peu nombreuses.

Le manque de pragmatisme de votre texte est flagrant, mais ce n'est pas tout. Ainsi l'obligation, pour l'initiateur d'une offre publique, de se rendre devant le comité d'entreprise de la société cible pour exposer son projet se révélera certainement inutile car, dans la plupart des cas, les sociétés initiatrices ne cessent de demander à être reçues et ce sont précisément les comités d'entreprises qui ne souhaitent pas s'entretenir avec des personnes considérées comme indésirables.

Votre texte traite d'un autre sujet, en sept articles seulement. Je veux parler, bien sûr, de la lutte contre le blanchiment, domaine dans lequel vous n'allez pas assez loin. On comprend mal, d'ailleurs, votre acharnement à vouloir moraliser les activités économiques légales et votre manque d'engagement à lutter contre ce fléau.

Ainsi, le projet allège à raison la charge de la preuve qui pèse sur les autorités de contrôle dans le cas d'une infraction à l'obligation de déclaration à TRACFIN, mais il ne va pas au bout de sa logique. Le système de prévention du blanchiment est, chose louable, étendu à de nouvelles professions, mais manquent à l'appel celles des avocats et des experts comptables. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur des individus parfaitement honorables, mais de tenir compte de la réalité, qui est que des contrats illicites sont montés avec l'aide de cabinets internationaux importants qui ont des succursales en France mais aussi dans des paradis fiscaux.

Toute réflexion sur le sujet suppose donc une volonté politique clairement affirmée des Etats et une coopération internationale. Il est donc indispensable d'identifier l'ennemi c'est-à-dire de définir, enfin, la criminalité organisée, qui doit être distinguée de la criminalité économique.

Je ne cherche évidemment pas à minimiser ou à excuser la criminalité économique, dont les conséquences sont désastreuses pour les économies occidentales, mais les confusions doivent cesser. L'ennemi mortel de nos démocraties, c'est le crime organisé transfrontalier dans lequel l'illégalité triomphe depuis la constitution du capital jusqu'au blanchiment de l'argent sale alors que, dans la criminalité économique, il y a perversion d'un trajet légal. La priorité doit être accordée à la lutte contre le crime organisé, ce qui permettra, en corollaire, de comprendre les circuits illicites de la criminalité économique.

A ce jour, on est loin d'une telle définition, exception faite des textes en vigueur en Italie et aux Etats-Unis. Je rappellerai cependant que le Conseil européen a adopté, le 25 avril 1997, un programme d'action relatif à la criminalité organisée. Poser les règles du jeu, sanctionner les manquements aux règles, tel est le fonctionnement de la démocratie, le cadre de l'Etat de droit. C'est, je crois, le but de votre projet, mais est-il atteint ?

Si chacun s'accorde à reconnaître la dangerosité du phénomène mafieux, les débats sur sa définition s'enlisent ; j'ai pu le constater, en tant que ministre du budget, en écoutant de stériles palabres entre les tenants d'une définition limitative de la criminalité organisée et ceux qui penchent vers une appréhension globale du phénomène à partir de la notion d'appartenance à une organisation criminelle.

Les organisations criminelles utilisent les paradis fiscaux, dont certains font partie de l'Union européenne, et se servent du secret bancaire pour pénétrer l'économie du monde développé. Il faut donc tenir compte de la spécificité du phénomène mafieux pour éviter des amalgames, sources de confusion, avec la délinquance de droit commun. N'est-il pas temps, enfin, de mettre à disposition des magistrats et des policiers les outils juridiques adaptés à leur mission et, pour cela, d'adopter une définition légale commune au moins à tous les Etats de l'Union européenne ?

Face à des organisations criminelles transnationales, il ne saurait y avoir de réponse seulement nationale. Or, à ce jour, les systèmes répressifs sont pour la plupart inadaptés à la lutte contre ce type de criminalité. Ainsi, aujourd'hui, au sein même de l'Union européenne, les Etats membres tentent si péniblement d'organiser une coopération administrative, policière et judiciaire digne de ce nom qu'il y a peu, quelques magistrats en ont été réduits à lancer « l'appel de Genève », véritable cri de détresse face à l'inertie du monde politique. Il est urgent de dépasser le stade des déclarations d'intentions et de faire en sorte que le troisième pilier du traité de Maastricht trouve une signification concrète. Les entreprises européennes ont besoin de défenses efficaces face à l'argent noir susceptible de fausser les règles de la concurrence.

Il convient donc d'introduire dans le droit pénal français la notion de renversement de la charge de la preuve, sans quoi les paradis fiscaux continueront d'être les sanctuaires inviolés où sociétés fiduciaires et avocats marrons abritent les fonds du crime organisé, comme cela se passe au Liechtenstein par exemple, comme dans d'autres micro-Etats européens.

Seule, la définition précise et claire du concept d'appartenance à une organisation criminelle permettra de les atteindre véritablement et, donc, de lutter efficacement et sans hypocrisie contre le blanchiment d'argent sale, si le principe du renversement de la charge de la preuve est acquis.

Pour l'heure, l'analyse de ce texte révèle de graves lacunes dans les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment et un excès de réglementation de l'économie légale. Votre Gouvernement ne rompt pas avec le passéisme socialiste et il confond, volontairement ou non, règles prudentielles et interventions d'opportunité de l'Etat sur les marchés. C'est pourquoi le groupe Démocratie Libérale ne pourra le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. Arnaud Montebourg - Nous ressentons vivement, dans nos circonscriptions, le scepticisme mi-désespéré, mi-amusé de nos mandants quant à l'utilité, et à la force de la volonté politique ! Partout, on réclame des règles, des normes, des décisions, des arbitrages réels et donc sanctionnés ; nulle part nos concitoyens n'en trouvent à la mesure de leurs problèmes. S'exprime alors, sans grande limite, la force brutale des marchés, aujourd'hui présentée comme naturelle, et qui a envahi l'espace public après une succession de choix politiques passés.

Ce texte doit nous aider à reconquérir la confiance perdue dans une République qui a trop souvent été, pour des millions de nos concitoyens, « aux abonnés absents ».

La libéralisation progressive des transactions financières ne s'est pas accompagnée de l'affirmation concomitante de règles, que les démocraties européennes n'ont pas su imposer à temps.

Nous découvrons aujourd'hui, avec une curieuse faiblesse, que le capitalisme financier a laissé prospérer en son sein l'argent provenant de crimes et de délits graves, faute de sécurisation des systèmes de paiement.

En l'absence de réaction juridique des Etats, les multiples fonds fiduciaires qui organisent l'anonymat des ayants droit partout dans le monde sont devenus les outils très prisés de l'introduction dans les économies saines de l'argent illégal que l'on cherche à recycler.

Nous mesurons aujourd'hui la capacité de nuisance de ces paradis financiers, qui utilisent la défiscalisation pour attirer les capitaux, le secret bancaire et le refus de la coopération judiciaire pour les protéger. En effet les paradis fiscaux sont progressivement devenus des paradis judiciaires, et l'on compare, impuissant, la vitesse fulgurante à laquelle les capitaux circulent de centre off shore en centre off shore, aux années nécessaires à la reconstitution judiciaire des preuves des délits commis.

C'est ainsi que la dérégulation financière décidée par de nombreux pays a placé l'ordre public en état d'infériorité chronique : l'économie a été globalisée sans que les règles de base de sécurité et d'ordre public aient été imposées.

Ce sont les juges européens, pour la plupart issus de pays investis par les mafias, le terrorisme et la corruption, qui ont hâté cette prise de conscience, avec l'« Appel dit de Genève », lancé en 1996. S'est engagé alors un mouvement mondial, tendant au démantèlement des centres « off shore ». Ainsi, l'OMC a, récemment et pour la première fois, condamné l'utilisation répétée, par les entreprises américaines, des paradis off shore. Le Groupe d'action financière vient de dresser la liste des territoires dits « non coopératifs » qui refusent d'appliquer ses 40 recommandations, et il devrait publier, dans quelques mois, la liste des pays délinquants. Cette perspective de sanctions provoque des tremblements dans ces territoires « confettis » qui ont bâti leur développement sur une stratégie nationale de protection du secret des avoirs.

Grâce au sommet de Tampere, l'Union européenne a fait entrer dans l'acquis communautaire les exigences du GAFI, si bien que certains candidats à l'adhésion proposent d'abandonner leur PNB offshore contre les fonds structurels européens. Les temps changent.

Signalons les initiatives particulières des Etats. Les Italiens et les Espagnols ont engagé des démarches à l'égard de Gibraltar et du Liechtenstein, les Allemands à l'égard de Monaco, les Néerlandais et les Belges à l'égard de Luxembourg. La France a lancé un travail parlementaire pour mettre en évidence des vérités qui fâchent, mais qui font progresser la cause de ce nouvel ordre public international.

Reste que la rhétorique de la dénonciation se fatigue si elle n'est pas suivie de décisions et de sanctions.

Les actes, les voici, inscrits dans votre projet !

Ce dernier permet de rattraper le retard pris par la France pour lutter contre la délinquance économique et financière, à laquelle est élargie, par exemple, l'infraction d'association de malfaiteurs.

En matière de modernisation des mécanismes répressifs, les pays européens sont engagés dans une sorte de course à l'armement judiciaire, et déjà quatre d'entre eux disposent d'une législation réprimant la négligence en matière de blanchiment : le Danemark, l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Nous n'en sommes pas encore là.

Votre texte a pour principal mérite le caractère résolument avant-gardiste du dispositif de sanctions relatif aux centres offshore. Rendons hommage à notre Garde des Sceaux pour avoir pris la tête du combat européen contre l'argent sale. Les déclarations de soupçon systématiques à l'égard des opérations financières concernant des centres offshore, les interdictions possibles par décret de tout mouvement financier dans leur direction, constituent des menaces qui seront prises au sérieux.

Dans un exercice de volonté politique de ce genre, il ne suffit pas d'être les premiers, il faut aussi, j'en suis d'accord avec l'opposition, ne pas être seul. Je signale donc aux détracteurs, à droite, de ce projet, que le Congrès des Etats-Unis examine actuellement une loi relative à la prise de mesures spéciales à l'encontre de territoires offshore. Le 8 mars, les mesures actuellement en discussion ont reçu le soutien de l'administration Clinton, qui propose d'adopter des dispositions coercitives analogues à celles que nous voulons voter. Je réponds ainsi aux orateurs de l'opposition qui, hier, ont repris l'argumentation de l'Association des banques françaises pleurnichant sur je ne sais quelle tentation de l'exemplarité dans l'isolement. En vérité, d'isolement il n'y a point.

La majorité parlementaire, satisfaite des mesures historiques que propose le Gouvernement, l'assure de sa reconnaissance pour ce grand et bel ouvrage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - Ce projet tend à réparer l'erreur de communication du Premier ministre qui expliquait le 23 septembre dernier qu'il ne fallait pas tout attendre de l'Etat et du Gouvernement, et que ce n'était pas par la loi que l'on allait réguler l'économie.

Devant le tollé provoqué par ces propos, notamment au sein de la branche communiste de la majorité, le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un grand texte de régulation économique, contredisant ainsi les paroles de bon sens du Premier ministre.

Elu du Vaucluse, je souhaite consacrer mon intervention au secteur des fruits et légumes qui traverse depuis plusieurs années une crise importante.

En effet, nos producteurs ont été confrontés à des conditions météorologiques défavorables, une concurrence souvent déloyale et des relations conflictuelles avec la grande distribution.

L'annonce de votre projet a suscité un espoir chez les producteurs. Si l'Etat ne doit pas tout réglementer, le législateur doit intervenir pour faire que des relations commerciales soient fondées sur des pratiques d'équilibre et de saine concurrence. Tel n'était plus le cas dans le secteur des fruits et légumes en raison de l'omnipotence des grands groupes de la distribution et des centrales d'achats.

Qu'il s'agisse des prix de promotion toujours plus tirés vers le bas, de l'exigence de ristournes sans réelles contreparties ou du chantage permanent au déférencement, la grande distribution use et abuse d'une position économique dominante.

Les efforts de qualité et de traçabilité consentis par nos agriculteurs ne se retrouvent pas sur les étals de nos marchés et ne sont pas financièrement récompensés.

Or, votre projet initial était bien en deçà des légitimes revendications du monde agricole. Ainsi vous proposez qu'un accord interprofessionnel puisse interdire les annonces de prix sur catalogue, alors qu'il aurait été bien plus efficace de renverser le dispositif par une interdiction de principe de la publicité. C'est ce que propose avec raison la commission de la production. Ne figurait pas non plus dans votre texte la possibilité de fixer en cas de crise un prix minimum payé aux producteurs. Là encore, à l'initiative de l'opposition, un article additionnel après l'article 27 a permis d'avancer.

En outre, les contrats passés entre les producteurs et la grande distribution devraient comporter des clauses protectrices dans différents domaines.

Enfin, l'instauration d'un coefficient multiplicateur tendant à réguler les prix des fruits et légumes, en cas de crise, permettrait de moraliser les marges très importantes réalisées par la grande distribution.

Au total, voilà encore une occasion manquée. La grande distribution, une fois de plus saura bien s'en tirer, tandis que les PME et les producteurs seront seuls pénalisés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Brigitte Douay - Le volet du texte relatif aux relations entre distributeurs et fournisseurs suscite de réels espoirs chez nombre de producteurs, qui ont le sentiment d'être mis en coupe réglée par le système de prix prédateurs dénoncé par la mission parlementaire d'information sur la distribution.

De ce fait, les producteurs d'endive, cette perle du Nord, sont 5 % à 10 % à disparaître chaque année, quand le kilo acheté deux francs ne se trouve jamais à moins de 10 francs en rayon.

MM. Thierry Mariani et Jean-Paul Charié - Très bien !

Mme Brigitte Douay - L'agriculture n'est pas la seule touchée. Elue du Cambrésis où le textile représente 35 % de l'emploi industriel, je pense aux confectionneurs, aux brodeurs, qui restent silencieux par crainte de représailles économiques. Ainsi ce brodeur humilié par un acheteur lui assénant : « Je vous mettrai à genoux ». Ainsi cette fabricante de rideaux découvrant dans un catalogue un produit identique à celui qu'un VPCiste lui achetait jusqu'alors. Ou encore ce cadre commercial me racontant d'indécentes séances où les représentants de sociétés en concurrence sont comme mis à nu par des acheteurs « tueurs de coûts ». Il faut bien mettre des visages derrière les problèmes traités par M. Le Déaut dans son rapport, même si c'est dans la discrétion qu'est vécue cette violence quotidienne, dont fait état par exemple un patron de la confection après son dépôt de bilan, évoquant les milliards de profits que l'on peut réaliser en allant chercher toujours plus loin des produits fabriqués par toujours plus miséreux.

C'est toujours à l'échelon supérieur, en effet, qu'est prise la décision, sans que celui qui l'exécute se culpabilise le moins du monde. Et la fédération nationale des producteurs de légumes ne dit pas autre chose : la crise est d'abord celle des m_urs commerciales, le chantage au référencement continue. J'ai ici la liste des conditions imposées à un fabricant par le contrat-type d'une grande chaîne de distribution : remises et tarifs exceptionnels, ristournes quantitatives, participation aux dépenses de publicité comme de formation, commissions pour garantir la présence des produits dans la gamme et dans les linéaires, paiements pour le matériel de démonstration, bref, tout est prétexte pour payer encore et toujours. Les exigences ne cessent de s'élever à mesure que la concentration progresse.

Le rôle des pouvoirs publics est de dénoncer les abus, de mettre de l'ordre dans la loi de la jungle. Les chartes et les codes de bonne conduite ont trouvé leurs limites, il faut aujourd'hui plus de régulation, plus de transparence, ce que le Premier ministre a appelé, lors des Assises de la distribution, « un véritable civisme commercial ». Pour que les consommateurs continuent de bénéficier de prix intéressants et que les grands distributeurs continuent de se développer sur les marchés étrangers, encore faut-il que les fournisseurs français puissent continuer de produire, de vivre décemment, de créer des emplois.

Le texte qui nous est proposé marque une avancée vers plus de clarté, d'équilibre et d'équité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Ferrand - Il a été rappelé que nous devions une grande partie de ce projet aux événements survenus l'été dernier dans le secteur des fruits et légumes, secteur qui constitue, comme l'a souligné Thierry Mariani, la principale richesse de certains départements et le premier employeur de main-d'_uvre agricole. Parmi les principales causes des graves crises dont il est victime, figure le déséquilibre manifeste des relations entre producteurs et distributeurs. Les fruits et légumes sont, pour la grande distribution, une source de marges importantes, le consommateur ne bénéficiant pas des bas prix auxquels le producteur est contraint de vendre sa périssable production.

Le double affichage des prix, ordonné l'été dernier par le Gouvernement, n'a été qu'un trompe-l'_il, une mesure inapplicable et incontrôlable, sans effet sur les prix effectivement payés. Quant au présent projet, il n'apporte aucune solution à ce problème cyclique. Les mêmes causes produiront les mêmes effets, les producteurs continueront de s'endetter et leurs entreprises de disparaître. La seule décision efficace consisterait à instaurer, en période de surproduction, un coefficient multiplicateur, majoré en cas de vente assistée afin d'inciter la grande distribution à développer celle-ci -ce qui réduirait les pertes dues à la manipulation des produits par les clients. Que l'on ne nous dise surtout pas que cela reviendrait à rétablir le contrôle des prix : il s'agit seulement de moraliser les marges, ainsi que le prévoit, d'ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance de 1986.

Je souhaite donc que soit adopté notre amendement, qui assainirait les relations entre producteurs et distributeurs en rééquilibrant le partage de la valeur ajoutée. Quant au client, il paierait un prix moins élevé qu'aujourd'hui. Est-il anormal que celui qui produit veuille vivre du juste revenu de son travail ? Est-il anormal de chercher à concilier les intérêts de toutes les parties ? Le sort qui sera réservé à notre proposition sera révélateur de la réelle volonté du Gouvernement et de la majorité de moraliser les pratiques commerciales (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'avez jamais rien fait quand vous en aviez le pouvoir !

M. Jean-Michel Ferrand - Nous verrons bien ce que vous allez faire, vous !

M. Alain Rodet - Si nous voulons éviter que l'impératif de compétitivité ne signifie résignation au laisser-faire absolu, il nous faut remplacer les rapports de force par des rapports de droit, car la brutalité commerciale engendrée par le déséquilibre des relations entre producteurs et centrales d'achat pose, au-delà de son aspect économique, un problème de société. Un large consensus s'est dégagé, lors des Assises du commerce et de la distribution, en faveur d'une démarche visant à concilier l'intérêt du consommateur et celui du producteur.

Le texte qui nous est présenté répond à un réel souci d'équité. La création d'une commission des pratiques commerciales est un acte important, à condition qu'il ne s'agisse pas d'un simple observatoire Il faut également saluer l'encadrement des annonces de prix promotionnels, la fixation de prix minimum d'achat dans le secteur des fruits et légumes, la systématisation des contrats de fourniture, ainsi que la remise en chantier du lancinant problème du « crédit fournisseur ».

En l'espèce, la « main invisible » est le plus souvent celle du monopsone, ou plutôt de l'oligopsone, puisque cinq centrales d'achat dictent leur loi à 300 000 producteurs agricoles et à 60 millions de consommateurs. Je loue donc la lucidité et le réalisme de M. Charié, qui a su reconnaître, au prix d'un relatif isolement, que le dispositif proposé, s'il n'épuise pas le sujet, n'en constitue pas moins un net progrès. Je crois, pour ma part, qu'il faudra élaborer sans trop tarder un véritable code de la distribution, qui soit conçu non comme un retour à l'économie administrée, mais comme un ensemble de mesures de bon sens.

Le consommateur a souvent l'enthousiasme myope, car il ignore, par exemple, que telle grande marque de chaussures de sport paie quatre ou cinq fois plus l'illustre sportif américain qui contribue à leur promotion que l'ensemble des 35 000 ouvriers indonésiens qui assurent leur fabrication...

Si ce texte ne prétend pas mettre fin à l'ensemble des situations de distorsion de concurrence, il permet de nombreuses avancées et constitue à ce titre une chance qu'il convient de ne pas laisser passer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Vincent Peillon - Il y a un an, le directeur général du FMI estimait que 3 à 5 % du PIB mondial provenait du crime organisé, soit plus que le budget de la France. Et il ne faut pas oublier que derrière cette appellation se cachent des crimes et des trafics en tous genres : trafics d'organes et d'enfants, drogue, prostitution... Être pour ou contre la mondialisation n'a pas de sens mais accepter la mondialisation, ce n'est pas renoncer à considérer l'économie comme un moyen plutôt qu'une fin ou à souhaiter que l'élévation de la richesse mondiale soit mise au service de certaines valeurs. Nous n'avons pas la naïveté de croire que la préoccupation nouvelle qui s'exprime dans les enceintes internationales, souvent à l'initiative de la France, est motivée seulement par une préoccupation éthique. Nombre d'experts considèrent en effet que la crise du système monétaire international de la fin des années 1990 est liée à l'absence de régulation. Quoi qu'il en soit, force est de reconnaître que la France, par la voix de Mme la Garde des Sceaux au sommet de Tampere ou de M. Strauss-Kahn au sein du G7, a fait progresser la lutte contre le blanchiment des capitaux et qu'elle s'est montrée fidèle à son histoire en diffusant un message universel. Il faut souligner l'importance de la volonté, surtout lorsqu'il s'agit de défendre des positions qui semblent avoir peu de chances d'être traduites dans la réalité. L'on mesure ainsi mieux le chemin parcouru au moment où la communauté internationale s'apprête à prendre des décisions que l'on considérait naguère comme peu réalistes. S'agissant de problèmes transnationaux, chacun attend que l'autre fasse le premier pas.

En matière de lutte contre le blanchiment, le texte doit être encore amélioré, en vue de renforcer l'efficacité de TRACFIN ou de revoir la directive de 1991 sur les avocats. L'article 20 introduit cependant une évolution capitale et ouvre une voie nouvelle à la lutte contre la criminalité organisée en rendant obligatoire la déclaration de toutes les transactions avec les centres offshore et en donnant à l'Etat la capacité d'intervenir sur ces transactions.

Le débat parlementaire a permis d'enrichir le texte en étendant les obligations de soupçon à toutes les opérations qui mettent en jeu des sociétés dont les ayants droit économiques ne peuvent être identifiés. Je suis convaincu que notre combat va très au-delà de la question du blanchiment en ce qu'il pose la question du type de société dans lequel nous souhaitons vivre. A cet égard, l'article 20 indique une orientation sans équivoque : nous ne voulons pas d'une société où le profit l'emporte sur la justice et l'arbitraire sur le droit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le projet de loi du Gouvernement s'intitule « projet de loi sur les nouvelles régulations économiques ». Certains d'entre vous ont parlé de titre trompeur, Monsieur Gantier, nous en assumons pourtant tous les termes !

La régulation tout d'abord : elle a pour fonction d'assurer le fonctionnement correct d'un système complexe. La régulation, c'est ce que le libéralisme économique a inventé pour corriger ses imperfections. Ce n'est donc pas un hasard si le terme renvoie à une longue tradition de la Gauche, celle des démocrates américains ou des travaillistes anglais.

Il s'agit d'une nouvelle voie qui procède d'une conviction forte : en l'inscrivant au c_ur de son action, le Gouvernement récuse l'idée selon laquelle l'économie n'a aucun destin commun avec les hommes et leurs institutions. Penser cela reviendrait à décourager l'innovation et à compromettre le partage des richesses. Le Gouvernement veut faire l'inverse et se situe aux antipodes de ce que M. Goulard qualifie de socialisme honteux. Ni honteux, ni arrogants, nous sommes avant tout déterminés à défendre nos valeurs.

Même si elle ne veut surtout pas que l'Etat « administre » l'économie, et qu'elle l'a prouvé en ne cessant de l'affranchir des carcans du passé, la majorité ne croit pas davantage que le marché puisse se passer de la morale et du droit. L'impératif marchand n'est pas un impératif catégorique. Stimulante, la compétition ne doit pas se traduire par la seule application de la loi du plus fort. L'exemple des fruits et légumes, cher à votre rapporteur et à M. Mariani, en atteste et la brillante intervention de Mme Douay en a donné plusieurs exemples fort pertinents.

Beaucoup d'entre vous ont évoqué le contenu du texte. Dans les critiques de l'opposition, je relève une certaine contradiction à dénoncer tour à tour, à l'instar de M. Auberger, un texte fourre-tout et, comme l'a fait M. Carrez, un texte vide. Il faut choisir entre ces deux critiques !

Ce texte fait entrer notre économie dans l'ère de la transparence. Mais peut-être la lutte contre le blanchiment vous semble-t-elle une atteinte intolérable à la liberté d'entreprendre ? Je n'ose l'imaginer et les interventions de qualité de MM. Peillon, Montebourg et d'Aubert montrent que nous partageons à cet égard le même diagnostic. Je considère que la transparence, notamment vis-à-vis des salariés et des actionnaires minoritaires, est une des conditions de la performance. On parle souvent, dans les pays anglo-saxons que certains chérissent, de corporate governance : vous ne pouvez pas condamner de ce côté-ci de la Manche et de l'Atlantique ce que vous adorez au-delà !

Ce texte d'équilibre renouvelle le jeu aujourd'hui trop inégal entre sociétés géantes et PME, producteurs et distributeurs, actionnaires et salariés, minoritaires et majoritaires, entreprises et consommateurs. Je remercie MM. Le Déaut et Charié d'avoir relevé quelle évolution il marquait au regard des pratiques antérieures dans les relations entre producteurs et consommateurs. Comme M. Rodet, je souhaite l'adoption rapide d'un code du commerce plus lisible et équilibré, qui est d'ailleurs en préparation.

Ce texte propose une mondialisation humanisée qui s'appuie sur la régulation tout en veillant à ce que l'économie ne perde pas en efficacité ce qu'elle gagne en normes. Accepter la mondialisation ne signifie pas renoncer à changer l'ordre des choses. Laurent Fabius l'a très bien indiqué hier : il y a le fait de la mondialisation, que chacun reconnaît, et il y a ses effets.

Le Gouvernement, la majorité et le Parlement ne peuvent rien changer aux faits, et par exemple à celui-ci : il suffit maintenant de deux nanosecondes pour transférer des milliards de Paris à Shanghai alors qu'il y fallait plusieurs jours il y a quelques années encore ! En revanche, il incombe aux mêmes de lutter contre les dangers d'une économie globale qui passerait par pertes et profits le partage des richesses, la diversité culturelle ou la recherche d'un progrès maîtrisé. Et, comme l'ont souligné MM. Fuchs et Rigal, il leur incombe aussi de lutter contre le crime organisé.

Contrairement à ce qu'ont soutenu certains orateurs de l'opposition, nous n'avons pas oublié l'Europe. Ce texte tient compte de l'agenda européen : il vise à renforcer le rôle des autorités de régulation des marchés, dans la logique de notre action en faveur de l'homogénéisation des règles applicables sur les différentes places d'Europe ; il tend à lutter plus efficacement contre les centres offshore, dans l'esprit de la directive en cours de discussion et des travaux menés au sein du GAFI ; enfin, il favorise une convergence des pratiques, s'agissant des délais de paiement. Sur ce dernier point, comme M. Le Déaut l'a remarqué, c'est la France qui a ouvert le débat au sein des Quinze et qui a exigé l'élaboration d'une directive.

Conforme à nos convictions quant à la place et au rôle de l'Etat, ce projet est volontariste. L'orientation est claire : au contraire de M. Gaillard qui voudrait que nous cessions de légiférer, nous entendons renforcer par la loi l'Etat régulateur, arbitre et garant qui restaure les équilibres en sorte que chacun des acteurs de notre économie voie reconnue à sa juste valeur sa contribution à la croissance, voire en tire profit dans le cadre de relations partenariales et transparentes. Mais l'Etat régulateur est aussi seul à pouvoir faire prendre en compte le temps long, celui des projets et des réalisations d'intérêt général.

Ce projet, enfin, est un texte de démocratie. Je propose une véritable démocratie dans l'entreprise, comme M. Cuvilliez l'a souligné après le ministre, mais il donne aussi à la représentation nationale l'occasion de se prononcer sur des questions qui, autrement, auraient été tranchées par des autorités administratives indépendantes -je songe en particulier à la question du dégroupage, sur laquelle je vais revenir.

Auparavant, un mot sur les fameuses stocks options autrement dit les options de souscription d'actions. Le débat a été ouvert à l'initiative de la commission des finances et le Gouvernement et la majorité se sont fixé en la matière trois objectifs : d'abord la transparence -d'où les amendements interdisant la distribution sur une filiale non cotée, organisant une information nominative sur les principaux attributaires et prévoyant une saisine plus fréquente de l'assemblée générale des actionnaires ; ensuite la justice, grâce à un régime fiscal plus équilibré ; enfin l'efficacité par l'extension et la pérennisation des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, créés voici deux ans.

J'en viens, comme je l'ai annoncé, à un sujet capital pour l'avenir de la société de l'information, le dégroupage de la boucle locale. Le Gouvernement a entendu les objections qui lui étaient faites. Certes, la question aurait pu être traitée dans une loi plus en rapport avec les télécommunications...

M. François Goulard - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. le Secrétaire d'Etat - ... Et, sur un sujet aussi compliqué, une concertation plus approfondie se serait certainement imposée. Mais le calendrier est fixé, non par le Gouvernement, mais par les autorités chargées de la concurrence et de la régulation des télécommunications.

Mon objectif était, comme l'a relevé M. Baert, de permettre au Gouvernement et au Parlement de reprendre la main et d'arrêter un cadre propre à placer France Télécom dans une situation équitable, au regard des investissements faits sur la boucle locale et sur la technologie ADSL. Il était aussi de placer l'innovation et l'investissement, donc l'emploi, au centre de nos préoccupations, comme m'y a invité M. Billard.

Innovation, car la France est en avance dans cette technologie grâce à son industrie -SAGEM, MATRA, ALCATEL...- et grâce aux équipes de France Télécom. Investissement, car le dégroupage, s'il est bien conçu, permettra l'arrivée d'une concurrence maîtrisée tout en forçant celle-ci à investir dans cette technologie.

Le Gouvernement était également prêt à évoquer certains sous-amendements destinés à rééquilibrer la procédure d'homologation des tarifs de France Télécom et à favoriser l'accès de tous, notamment des plus démunis, à Internet.

Le fait apparaîtra peut-être paradoxal mais, en retirant son amendement comme l'ont demandé plusieurs groupes de la majorité, le Gouvernement a le sentiment d'ouvrir encore plus grande une porte que beaucoup ne souhaitaient qu'entrebâiller, s'ils ne voulaient la refermer !

M. François Goulard - Le raisonnement m'échappe !

M. le Secrétaire d'Etat - L'initiative appartient désormais à la Commission européenne, qui en a délibéré aujourd'hui, et aux autorités administratives indépendantes -autorité de régulation des télécommunications et Conseil de la concurrence-, pour définir à la place du Parlement et selon leur logique propre -qui peut ne pas être la nôtre- un dégroupage tel que le souhaitaient les concurrents de France Télécom. Je regrette donc que nous n'ayons pu, ou voulu, définir le cadre dans lequel doit évoluer un service aussi essentiel que France Télécom. Mais il ne s'agit à mes yeux que d'un renvoi du dossier à une autre discussion, que j'espère comme vous proche, et non d'un renoncement. Avec le développement du haut débit par Internet, c'est la capacité de la France à prendre dès 2000 le virage de la société de l'information qui est en jeu. Le Gouvernement en est conscient et il assumera ses responsabilités dans les meilleurs délais.

Au total, ce texte est d'une grande cohérence.

Il traite de trois domaines essentiels pour notre économie : le secteur financier, la régulation de la concurrence et la régulation du pouvoir au sein des entreprises. Mais, embrassant large, il étreint bien ! Certes il n'épuise pas ces sujets mais, ainsi que l'a noté M. Baert, il s'agit d'une première étape ; bientôt suivront le projet sur l'épargne salariale, annoncé pour octobre par M. Fabius, et, avant la fin de l'année, le projet sur la société de l'information. Mais c'est bien un texte programme qui inscrit, pour la première fois avec cette solennité, la notion de régulation dans notre droit positif. La régulation a tout à perdre à être réduite à un mécanisme ou à l'application du droit à la concurrence. Elle a tout à gagner -et notre économie avec elle- à définir des normes à respecter, dans des secteurs essentiels, sous la surveillance d'une autorité dédiée. Cette loi est technique, mais son inspiration est large et généreuse. La régulation rapproche l'individuel et le collectif, le public et le privé, l'étatique et le sociétal. Elle sera, demain, un trait d'union entre l'ancienne et la nouvelle économies, réconciliées au service d'une croissance durable et équilibrée, du progrès solidaire et de l'emploi. Nul doute que cette loi inspirera bientôt d'autres textes chez nos partenaires européens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme la Présidente - J'appelle maintenant dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Jacques Desallangre - L'amendement 625 a pour objet d'instituer une taxe spécifique, d'un taux de 0,05 %, sur les opérations au comptant ou à terme portant sur les devises : il s'agit de la célèbre taxe Tobin. L'amendement prévoit des exonérations destinées à ne viser que les man_uvres de spéculation sur les monnaies, et à limiter la nuisance de certains mouvements financiers, sans gêner l'économie réelle. Je n'en dirai guère plus : chacun connaît la taxe Tobin, qui a su recueillir de nombreux avis favorables et gagne en audience chaque jour, en France et ailleurs, puisque même certains membres du Sénat américain s'y intéressent. Cet amendement nous permettra également, comme nous y ont invités certaines voix autorisées, de poser la question de la faisabilité d'une telle mesure.

M. Eric Besson, rapporteur de la commission des finances - Cet amendement suscite la sympathie de beaucoup d'entre nous. La commission l'a cependant repoussé, pour les raisons suivantes. A l'occasion de la dernière loi de finances, nous avons demandé au Gouvernement un rapport sur cette question, qui nous sera remis avant la fin juin. Par ailleurs nos collègues Fuchs et Feurtet préparent un rapport sur le sujet. Je suggère donc à M. Desallangre de retirer cet amendement, dont nous comprenons la philosophie et sommes nombreux à souhaiter l'adoption dans l'avenir, mais qui en l'état ne paraît pas opportun.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage la préoccupation de maîtriser les comportements spéculatifs sur les marchés de capitaux. Il ne ménage d'ailleurs pas ses efforts dans ce domaine. Il a notamment agi dans le cadre du G7, du FMI et du GAFI pour que cet objectif soit pris en compte par la communauté internationale. Quelques exemples de notre action dans ce domaine. C'est l'imposition de contraintes de transparence aux entités non régulées comme les hedge funds ; le Forum de stabilité financière du G7 doit d'ailleurs faire des propositions à ce sujet. C'est la mise en place de normes internationales de régulation prudentielle et de lutte contre le blanchiment : le Forum de stabilité financière et le GAFI travaillent à l'édiction de ces normes. C'est le soutien aux pays émergents dans le choix d'un régime de change. C'est la création de normes de régulation prudentielle des mouvements de capitaux. C'est enfin la réorientation du FMI -pour laquelle Laurent Fabius a plaidé avec véhémence- vers la prévention des crises spéculatives, et une autre vision du rôle de la Banque mondiale. Tout cela traduit une vision cohérente, qui va tout à fait dans le sens de votre amendement. Et comme le Gouvernement, conformément à l'article 89 de la loi de finances initiale pour 2000, va remettre au Parlement, dans les semaines qui viennent, un rapport sur le sujet, il serait sage, pourvu de ces assurances, que vous acceptiez de retirer cet amendement.

M. Jacques Desallangre - Pour permettre le débat, je ne le retire pas ; nous verrons tout à l'heure.

M. François Goulard - Ce premier amendement a le mérite, et j'en remercie ses auteurs, d'ouvrir le débat sur un vaste sujet, et une vraie question, qui nous permettra aux uns et aux autres d'expliciter nos conceptions de la régulation économique. La taxe Tobin reçoit des soutiens dans presque tous les partis, à gauche, mais aussi un peu à droite. Ce sujet comporte deux aspects : l'un mythologique, l'autre technique.

Commençons par la mythologie : c'est celle des marchés financiers, et de la menace qu'ils feraient peser sur l'équilibre du monde. En réalité les marchés financiers ne menacent personne : leur bon fonctionnement tend au contraire à réduire les crises spéculatives (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe RCV). Leur développement réduira les risques de déséquilibre. Vouloir réduire les échanges sur les marchés financiers, c'est donc accroître les risques de crise. D'autre part, les instruments échangés sur les marchés financiers concernent tout le monde. Quand on va à la poste acheter une SICAV à 10 000 F, il est probable que sa construction aura fait appel aux instruments échangés sur ces fameux marchés, et cela pour améliorer le placement et en réduire les risques par rapport à ceux d'une acquisition directe d'actions.

Enfin, on dit souvent que les gains réalisés sur les marchés financiers le sont au détriment de ceux qui n'y sont pas. C'est faux : il y a des gagnants et des perdants, mais les uns et les autres sont des acteurs de ces marchés, et il s'agit donc d'un jeu à somme nulle. Voilà pour la mythologie : elle traduit la peur de ce qu'on ne comprend pas, peur qui se fait d'autant plus lyrique qu'on ignore la réalité -quand elle n'est pas artificiellement entretenue dans le but de faire avancer une certaine idéologie.

Sur le plan technique d'autre part, la taxe Tobin est une imbécillité.

M. Yves Cochet - M. Tobin est tout de même prix Nobel...

M. François Goulard - Elle est généralement proposée à un niveau très faible, 0,05 % dans le présent amendement. Mais même à ce niveau, elle est de nature à empêcher beaucoup de mouvements financiers, qui jouent sur de très faibles écarts de cours ou de taux. En revanche, en cas de crise financière, les écarts de taux deviennent tels, et avec eux les perspectives de gain, que le 0,05 % sera inopérant. Il n'y a donc pas de bon niveau pour cette taxe : elle est soit inutile, soit nuisible.

M. Michel Inchauspé - Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais j'y suis incité par un propos de M. Pierret, qui ouvre une voie. Je ne dirai pas que la taxe Tobin est une imbécillité ; en tout cas M. Tobin n'est pas un imbécile.

M. François Goulard - Je n'ai pas dit cela.

M. Jean-Pierre Brard - Vous nous accorderez en tout cas que ce n'est pas un gauchiste !

M. Michel Inchauspé - Mais lorsque la commission des finances s'est interrogée, en mai, sur la nécessité d'un rapport parlementaire sur cette taxe, M. Strauss-Kahn avait qualifié celle-ci d'utopique. Qu'est-ce qu'une utopie ? Un projet qui paraît irréalisable, surtout si l'on considère que cette taxe a été détournée de son objectif initial. James Tobin en a parlé pour la première fois en 1972. Le système monétaire international était en pleine déliquescence, la convertibilité or du dollar ayant été suspendue et le passage s'effectuant au système de changes flottants. M. Tobin envisagea alors une taxe de 10 % sur toutes les opérations de change privées, afin de restaurer pour les pays membres du FMI une marge de man_uvre suffisante en politique monétaire. Il ne pensait pas à l'appliquer à l'ensemble des transactions financières, et ce démocrate libéral s'étonne un peu de l'écho que trouve sa thèse dans la gauche française... même si quelques membres éminents de la droite s'y sont ralliés.

Aujourd'hui, une taxe sur la spéculation financière n'est concevable qu'avec une harmonisation fiscale à l'échelle internationale. Comment convaincre les paradis fiscaux de s'y rallier, perdant ainsi leur raison d'être ? Nous ne parvenons même pas à établir une fiscalité européenne commune. Par ailleurs, un prélèvement du même ordre de grandeur que la taxe Tobin existe déjà, mais n'empêche pas pour autant les mouvements de spéculation. En effet, sur les marchés de contrats à terme, la plupart des contrats sont soumis à une réglementation très stricte, mise en place par des organisations agréées, comme le MATIF. Des intermédiaires ont pour mission de contrôler ces opérations. Il en résulte un coût d'intermédiation de 0,1 % à 0,5 % du montant des transactions. Cette taxe, proche de celle de Tobin, n'a pas empêché la bulle financière spéculative de se former et les crises boursières de se produire. De plus, la taxe Tobin est trop faible pour arrêter des spéculateurs comme Soros ou les hedge funds, qui sont des fonds d'investissements spéculatifs. Elle ne va s'attaquer qu'aux petits spéculateurs ou arbitragistes, qui se paient en jouant sur les minuscules écarts de cours, par des manipulations très délicates et à l'occasion desquelles ils gagnent aussi souvent qu'ils perdent. En revanche, la taxe ne pourra décourager des stratégies spéculatives établies sur plusieurs jours ou plusieurs mois, déployées par des fonds qui, en un seul aller-retour sur le marché, provoquent une variation non négligeable de cours. N'oublions pas qu'en 1992, M. Soros a complètement déstabilisé le système monétaire européen et provoqué la sortie de la livre sterling de celui-ci ! L'institution d'une « taxe Tobin » serait contre-productive, car elle freinerait les mouvements de capitaux. Or, les spéculateurs ne sont pas aussi néfastes pour le marché que d'aucuns se plaisent à le dire, car leurs opérations assurent la liquidité des transactions et parce qu'ils donnent aux entreprises les instruments qui leur permettent de se prémunir contre les risques de change.

J'ajoute que d'autres moyens que cette taxe existent, qui permettent de stabiliser le système. Que l'on veuille bien, à cet égard, considérer la politique menée par M. Greenspan à la tête de la réserve fédérale américaine : il parvient à maintenir une croissance très soutenue en jouant sur les variations de taux d'intérêt directeurs.

C'est dire que la taxe Tobin, dont l'inspiration est noble, demeure une utopie. L'important est d'éviter les mouvements erratiques de capitaux qui peuvent, c'est vrai, déstabiliser un pays puis une région toute entière. Or, il existe un moyen d'empêcher de tels mouvements, que le Chili a utilisé avec succès en imposant à tout investisseur étranger de maintenir les capitaux sur place pendant un certain temps. La solution ne doit pas être mauvaise, puisque le Chili, dont personne ne prétendra que ce n'est pas un pays libéral, connaît le plus fort développement économique et financier d'Amérique latine. Pourquoi ne pas le suivre ?

Mme la Présidente - J'invite les orateurs à la concision.

M. Georges Sarre - Comme l'a rappelé le ministre, des milliards sont transférés en quelques secondes, sans que personne ne puisse s'y opposer, ni ne le souhaite. « Oui », donc, à la liberté des capitaux, mais à la condition que cette liberté soit maîtrisée. Ce n'est pas le cas, si bien que 80 % des échanges financiers mondiaux sont fait dans une optique spéculative, sans obstacle aucun.

Comment refuser d'admettre que la mondialisation des marchés financiers représente une menace constante de déstabilisation ? Seul l'optimisme d'acier de M. Goulard lui permet d'ignorer l'histoire des deux années écoulées, et d'occulter les crises qui ont secoué l'Asie et l'Amérique latine, avec leurs conséquences catastrophiques.

La création d'une « taxe Tobin » serait, certes difficile, mais il faut précisément profiter de la présidence française de l'Union européenne pour faire progresser cette idée. Il est peu contestable que l'élargissement de l'Union multipliera les difficultés, et il est donc temps de retenir, au nombre des critères à remplir au moment de l'adhésion, l'aménagement du territoire ou encore les effectifs des entreprises. On ne le sait que trop, hélas : la seule variable dont les entreprises en difficulté peuvent jouer, ce sont les licenciements ! Ne pas s'engager dans une telle voie, c'est accepter que la spéculation régule l'économie.

Le sens de notre démarche est celui que je viens d'exposer. Peut-on la tenir pour révolutionnaire ? Certes pas ! M. Tobin est un homme tout à fait respectable, titulaire d'un Prix Nobel, et qui n'appartient pas à ma famille de pensée. Mais si l'une des propositions qu'il formule est intéressante, pourquoi ne pas la retenir ?

Rien ne serait pire que de nous dire : « Ce n'est pas le moment ». L'invitation nous a été faite de retirer l'amendement, mais elle ne sera pas suivie car, en le maintenant, nous poursuivons notre _uvre pédagogique et politique, qui vise à faire comprendre à des gens de plus en plus nombreux que les mouvements non contrôlables de capitaux sont des fléaux qui mettent en péril l'économie de régions entières.

M. Wiltzer remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

M. Jean-Jacques Jegou - En refusant de convenir que depuis 1972, année au cours de laquelle M. Tobin a proposé d'instituer la taxe que l'on sait, l'ingénierie financière a beaucoup évolué, vous entrez dans la mondialisation à reculons. La fluidité des capitaux est un fait, et il ne saurait être question d'amalgames entre spéculation et blanchiment d'argent sale. Le groupe ATTAC de l'Assemblée, quel que soit le nombre de ses membres, ne peut se constituer en redresseur de torts isolé ! Le réalisme commande d'admettre que la France ne peut, seule, instituer une taxe sur les mouvements de capitaux, qui ne connaissent aucune frontière. Je rappelle enfin que M. Tobin visait, en proposant la création de cette taxe, à aider les pays en développement. Il convient donc soit de définir une politique commune, soit de s'en tenir là, sans prétendre mener à terme une utopie.

M. Jean-Pierre Brard - L'utopie est ce qui permet de préparer l'avenir, et si ceux du 17 juin 1789 n'avaient pas été des utopistes, nous serions encore sous l'Ancien régime ! L'utopie est utile en ce qu'elle permet d'innover, et c'est ce dont il s'agit à présent.

Pour l'instant, nous avons entendu toutes sortes de choses, et des plus contradictoires. C'est que si M. Inchauspé sait, lui, de quoi il parle, le bon M. Goulard se livre, pour sa part, à une propagande suffisamment enveloppée pour que ceux qui l'ont élu ne sachent pas exactement ce dont il traite. La bouillie technocratique que vous nous servez avec vos mines patelines vous permet ainsi de passer sous silence le sort des Michelin contraints de faire la queue à l'ANPE cependant que les actionnaires de l'entreprise s'épuisaient à compter des liasses de billets toujours plus hautes. Mais, de tout cela, vous ne sauriez parler car, manifestement, vous n'êtes pas venu dans cet hémicycle pour cela ! Il vous est beaucoup plus facile d'affirmer, sans en donner l'ombre d'une preuve, que la création d'une taxe restreindrait les échanges et provoquerait la menace d'une crise !

M. Inchauspé avance, lui, à pas comptés, sans craindre d'évoquer les dysfonctionnements dus aux mouvements erratiques de capitaux, ceux-là même que M. Tobin disait vouloir réguler. M. Inchauspé sait bien que l'adoption de l'amendement ferait progresser la réflexion collective. Il est clair que, sur certains points, il n'est pas loin de penser comme nous. Bien sûr, l'harmonisation fiscale est nécessaire. Or, qui, sinon les Luxembourgeois et les Britanniques, ont fait échouer le sommet d'Helsinki, en refusant l'institution d'une retenue à la source ? Et c'est peu dire que l'on n'a guère entendu l'opposition soutenir le Gouvernement dans ses efforts visant à supprimer les paradis fiscaux qui subsistent au sein de l'Union européenne ! Il faut pourtant en finir, y compris avec ceux qui sont implantés sur le territoire national, à Saint-Barthélémy et ailleurs. Au sein de l'OCDE, le Gouvernement français a contribué à améliorer la situation, avec ces fameuses listes évoquées par MM. Peillon et Montebourg.

Après avoir entendu MM. Inchauspé et Goulard, M. Jegou a tenté de recoller les morceaux.

Quant à vous, Monsieur le ministre, vous avez dressé la liste des problèmes à traiter. Mais le Gouvernement, au cours de la discussion budgétaire, était allé plus loin en s'engageant à utiliser la présidence française de l'Union européenne pour faire reprendre nos préoccupations par nos partenaires, considérant que l'Union constituait déjà un espace pertinent pour réguler les mouvements erratiques de capitaux. A cette démarche, des personnes compétentes pourraient contribuer -n'est-ce pas Monsieur Inchauspé ?

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - L'amendement 625 a le mérite de permettre à chacun de préciser sa position, et nous constatons que la majorité et l'opposition se séparent sur cette question.

Cependant nous avons adopté, à l'issue d'un accord au sein de la majorité plurielle, un amendement à la loi de finances initiale, afin que le Gouvernement dépose avant la fin de juin un rapport précisant comment il comptait faire du sujet qui nous occupe une priorité de la présidence française de l'Union européenne. Nous avons également demandé à nos collègues Fuchs et Feurtet un rapport, en cours d'élaboration.

Puisque nous sommes d'accord sur la démarche, il serait paradoxal de contraindre l'Assemblée à repousser l'amendement 625. C'est pourquoi je suggère à nos collègues de répondre à l'invitation du rapporteur et à retirer leur amendement dans l'attente de la discussion qui aura lieu avant la fin de ce semestre.

M. Georges Sarre - Nous maintenons notre amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je regrette que M. Sarre ne se range pas aux arguments de bon sens que nous venons d'entendre. Je demande donc à l'Assemblée de repousser l'amendement à titre conservatoire.

L'amendement 625, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ARTICLE PREMIER

M. Christian Estrosi - Comme à son habitude, le Gouvernement nous présente un texte fourre-tout, dont l'unique objet consiste à accentuer l'interventionnisme de l'Etat dans l'économie.

Alors que nos voisins, prétendus socialistes, mènent une politique volontariste de libéralisation de leur économie, ce texte marque la force de vos archaïsmes et représente la mise en _uvre de votre idéologie.

Sous prétexte de transparence, vous aggravez les contraintes pesant sur nos entreprises. Vous semblez découvrir les mécanismes économiques comme les offres publiques d'achats ou d'échanges, comme les stocks-options.

Il ne s'agit plus désormais pour vous que de contrôler, de réglementer, d'amenuiser le libre jeu des acteurs économiques.

S'agissant du blanchiment des capitaux, l'internationalisation des échanges, qui profite largement de notre économie, s'accompagne de mouvements de capitaux provenant de toutes sortes d'activités criminelles à l'échelle internationale.

Si depuis 1980 les réglementations se sont renforcées, le résultat laisse à désirer. Certes, le nombre de déclarations de soupçon a progressé en dix ans de plus de 900 %. Néanmoins seulement 425 dossiers ont été transmis à la justice et 300 enquêtes ont eu lieu. Le nombre de condamnations est encore bien plus faible.

Or votre projet ne règle en rien ces défaillances. C'est que, d'abord, vous avez comme à votre habitude rejeté la majeure partie de nos amendements qui tendaient à renforcer le dispositif.

Ensuite le texte ne prend pas en considération les nouveaux procédés de blanchiment, comme l'utilisation des nouvelles technologies de paiement, alors que le GAFI, dont vous vous réclamez, y fait expressément référence.

Votre projet ne tient pas compte, non plus, des différents types de mafias qui se sont développés depuis la fin de la guerre froide. Or les mafias italiennes ne ressemblent pas aux mafias asiatiques, les mafias russes ne ressemblent pas au cartel colombien. C'est pourquoi j'avais proposé de créer une commission d'enquête relative à la pénétration des mafias des pays de l'Est en France. La majorité l'a refusé. Le GAFI est pourtant favorable à une connaissance sectorisée de ces phénomènes, nécessaire pour les combattre efficacement.

Enfin, le TRACFIN ne peut faire face à l'affluence des déclarations de soupçons : il ne compte qu'une trentaine d'agents pour un budget de 3 millions. Un renforcement des forces de sécurité ne serait pas un mal quand, à Nice, la brigade des m_urs ne compte que cinq agents.

Voilà donc une nouvelle occasion manquée, alors qu'il faudrait agir vite et fort. Il y va de la crédibilité de notre pays et de la sécurité de nos concitoyens.

M. le Président - Voilà une intervention un peu éloignée de l'article premier.

M. Philippe Auberger - Nous sommes d'accord sur les dispositions de l'article premier, même si elles ne sont peut-être pas du domaine de la loi. Notre amendement 322 tend à préciser la portée de l'obligation de publication ainsi créée.

M. François Goulard - Notre amendement 495 est identique. Une disposition de même nature existe dans d'autres pays. Mais le seuil de 0,5 % du capital me paraît très faible.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux deux amendements. Nous tenons à ce que les pactes d'actionnaires soient placés dans une transparence totale.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

Les amendements 322 et 495, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Auberger - Il paraît difficile d'exiger la transmission et la publication de tous les pactes d'actionnaires, dont certains peuvent être très anciens.

C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement 323, que soient seuls concernés les pactes conclu depuis le 1er janvier 1995. Si les pactes antérieurs sont considérés comme caducs, ils n'ont pas à être transmis, mais ils devront l'être s'ils sont toujours effectifs.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 370 est identique. La « saga » BNP-Paribas-Société générale de l'été dernier montre qu'il ne faut pas remonter trop loin dans le temps.

M. François Goulard - L'amendement 494 est également identique.

M. le Rapporteur - La « saga » en question montre au contraire l'intérêt du dispositif : il peut y avoir, en effet, des conventions secrètes, dont l'existence est subitement découverte longtemps après, à la « faveur » d'une OPA. Je ne comprends pas pourquoi les auteurs de ces amendements tiennent tant à eux...

M. le Secrétaire d'Etat - Lors de l'opération dont a parlé M. Jegou, certaines personnes ont tenté de se prévaloir d'un pacte vieux de quinze ans ! Il faut assurer la plus grande transparence.

M. Jean-Jacques Jegou - Que l'on ne se méprenne pas : ce que nous voulons, c'est limiter la durée de validité des pactes, qui devraient être considérés comme caducs au bout d'un certain temps.

M. Philippe Auberger - Si nous souhaitons que les pactes trop anciens ne soient pas transmis au conseil des marchés financiers, c'est parce qu'ils ont généralement perdu toute portée. Dans le cas dont nous parlons, le pacte avait été conclu par l'UAP, et Axa, qui a repris ultérieurement cette société, en ignorait tout.

Les amendements 323, 370 et 494, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les articles premier et 2, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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APRÈS L'ART. 2

M. Jean-Paul Charié - On pourrait penser que la meilleure façon d'empêcher que la publicité financière soit mensongère est de ne l'autoriser qu'une fois l'aval de la COB donné, mais ce serait donner aux professionnels de la finance un avantage exorbitant sur les petits actionnaires. C'est pourquoi l'ordonnance de 1967 n'a pas retenu cette solution. Le risque existe cependant que le cours d'une action s'effondre peu après le lancement d'une campagne de publicité prenant appui de bonne foi sur lui. Il convient donc que la COB publie ses recommandations, d'une part, et prenne un règlement précisant les critères sur lesquels elle se fonde pour déterminer les éventuelles inexactitudes contenues dans les informations financières des sociétés, d'autre part. Tel est l'objet de mon amendement 96 et de l'amendement 97 à l'article 3.

M. le Rapporteur - J'aurais aimé, pour avoir apprécié votre discours d'hier, donner un avis favorable, mais l'amendement 96 me paraît satisfait par la loi du 2 juillet 1996, dont M. Jegou était d'ailleurs le rapporteur.

M. le Secrétaire d'Etat - Je salue également la disposition d'esprit de M. Charié, mais je vois mal ce que l'amendement ajoute au droit positif.

M. Jean-Paul Charié - Il s'agit des informations financières des entreprises, et non de leurs appels publics à l'épargne. Cela dit, je veux bien retirer mes amendements si l'on m'assure que la COB s'appuie sur ses recommandations préalables.

M. le Secrétaire d'Etat - J'en ai obtenu confirmation de la part de la COB elle-même.

Les amendements 96 et 97 sont retirés.

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ART. 3

M. Pierre Hériaud - L'amendement 371 procède du même esprit que les précédents. Il s'agit de fixer les règles du jeu à temps pour que les opérateurs soient éclairés.

M. le Rapporteur - L'intention est bonne, mais l'expérience montre qu'il est difficile de codifier a priori l'imagination des publicitaires.

M. le Secrétaire d'Etat - Deux règlements régissent déjà les informations diffusées par les sociétés cotées : l'un concerne celles qu'elles donnent lors de leur admission sur un marché réglementé, l'autre leur fait obligation d'informer le public en permanence.

M. Jean-Paul Charié - Nous sommes tous d'accord pour souhaiter qu'il y ait aussi peu de publicité mensongère que possible, mais les recommandations préalables de la COB ne pourront parer à toute éventualité. Ce dont nous voulons être certains, c'est qu'elles couvriront le maximum de cas, afin que soient protégés les opérateurs honnêtes.

M. le Rapporteur - Je confirme à M. Charié que nous partageons sa préoccupation et que la rédaction de l'article la satisfait en donnant à la COB toute la marge de man_uvre nécessaire.

M. Pierre Hériaud - Dans ces conditions, je le retire.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 3

M. François Goulard - L'amendement 496 tend à préciser, à la demande des professionnels de la place de Paris, la notion de « cercle restreint d'investisseurs », qui reste aujourd'hui trop floue.

Plus généralement, -et à propos de l'article précédent- je considère qu'il faut prendre garde de ne pas verser dans un excès de réglementation, qui ôte aux instances de régulation une grande part de leur intérêt en les privant de souplesse dans l'application de la législation. Il convient en outre de ne pas alourdir le plan de charges de la COB, dont les moyens sont déjà saturés.

M. le Rapporteur - Dans l'exposé des motifs de son amendement, M. Goulard fait état d'une demande de la place de Paris. Je constate que malgré les nombreuses auditions auxquelles elle a procédé, la commission n'a pas été saisie de cette revendication. Il est en outre inopportun, même si telle n'est pas l'intention des auteurs de l'amendement, d'ouvrir la voie à des opérations douteuses en élargissant à l'excès la notion de « cercle restreint d'investisseur ». Avis défavorable, donc.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est en 1998 qu'ont été modifiées les règles de l'appel public à l'épargne pour concilier la souplesse nécessaire et le bon déroulement des opérations. Les règles qui organisent les placements privés nous semblent aujourd'hui suffisantes et j'invite donc M. Goulard à retirer son amendement, au regard des avancées réalisées par la réforme de 1998.

M. François Goulard - Je le retire.

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ART. 4

M. Yves Cochet - L'amendement 133 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Cet amendement vise à garantir le contrat de travail des salariés dont la société fait l'objet d'une offre publique. Or, la rédaction actuelle de l'article L. 122-12 du code du travail est suffisamment large pour prendre en compte tous les cas dans lesquels la situation juridique de l'employeur évolue, y compris celles invoquées par l'amendement. En outre, l'offre publique n'entraîne aucune modification de la situation juridique de la société qui en fait l'objet. L'amendement est donc inopportun en ce qu'il risquerait d'affaiblir le principe général de protection du contrat de travail posé à l'article L. 122-12.

L'amendement 133, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 134 est de précision. Il tend à substituer la notion de dépôt d'une offre publique à celle d'annonce d'une telle offre, afin de garantir une meilleure sécurité juridique.

L'amendement 134, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - L'amendement 611 corrigé est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable. Nous souhaitons expressément qu'un dirigeant de l'entreprise se rende devant les salariés.

L'amendement 611 corrigé, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 135 tend à porter le délai de convocation du comité d'entreprise de dix à quinze jours. Il a été adopté en commission en accord avec MM. Jegou, Gantier et Goulard.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

L'amendement 135, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Cuvilliez - L'objet de mon amendement 467 est que toute proposition d'OPA ou d'OPE fasse l'objet d'une consultation -et non d'une simple information- du comité d'entreprise, afin que celui-ci puisse évaluer l'ensemble des conséquences économiques et sociales d'une telle opération. Le comité d'entreprise rencontrerait les auteurs de l'offre et disposerait d'un délai d'expertise de trois semaines. Notre proposition s'inspire des réflexions du groupe ATTAC, qui a également suscité un amendement à venir, visant à associer les organisations syndicales représentatives à l'examen de ce type d'offres.

M. le Rapporteur - La commission a jugé l'amendement intéressant sur le fond, mais inopérant. En effet, l'émetteur de l'offre ne dispose pas forcément de beaucoup d'informations sur l'entreprise, hormis celles que fournit le bilan financier, et il n'a pas toujours de projets précis en matière d'emploi. D'autre part, l'avis du comité d'entreprise n'aurait guère d'effets sur la procédure d'offre publique et l'on voit donc mal ce qu'y gagneraient les salariés.

Quant au dialogue que souhaite M. Cuvilliez, il est favorisé par l'article 4 lui-même cependant que je proposerai tout à l'heure un amendement qui devrait au moins donner partiellement satisfaction à notre collègue pour ce qui est de la préservation de l'emploi.

Je demande donc à M. Cuvilliez de retirer sa proposition. A défaut, j'appellerai à la repousser.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Jean-Jacques Jegou - En effet, M. Cuvilliez semble ne pas avoir lu l'article 4 ! Surtout, son intention paraît claire : il s'agit de retarder ces opérations, y compris lorsqu'elles sont amicales !

M. Christian Cuvilliez - Je maintiens l'amendement. Il est clair qu'il peut y avoir des OPA ou des OPE tout à fait inamicales à l'égard du personnel, car ne visant qu'à accroître les parts de marché sans considération de l'emploi. Il paraît donc juste que le comité d'entreprise, statutairement appelé à se prononcer sur toute mesure visant à développer l'entreprise ou à en modifier la stratégie, soit consulté en cas d'offre publique et que son avis soit pris en compte ! En ce sens, M. Jegou a parfaitement compris mon intention.

L'amendement 467, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - L'amendement 395 est défendu.

M. le Rapporteur - Rejet. Nous utilisons tous, à propos des OPA, les qualificatifs « hostiles » ou « amicales » mais ceux-ci sont bien difficiles à définir. Au surplus, on parle de moins en moins d'OPA « hostiles », mais d'OPA « amicales non sollicitées » : même s'il y a abus de langage, cela n'est pas pour simplifier les choses... D'autre part, est-ce rendre service au comité d'entreprise que de lui demander de caractériser une offre ? Il a mieux à faire !

M. le Secrétaire d'Etat - Après avoir pris connaissance de la note d'information et entendu l'auteur de l'offre, le comité d'entreprise peut se prononcer sur la qualité de celle-ci et faire part de ses observations ou objections. Il est difficile d'aller au-delà. Quant à qualifier en termes affectifs une offre publique d'achat, qui est avant tout une opération économique et financière, cela s'impose-t-il ?

M. Jean-Pierre Brard - En effet, nous ne sommes pas dans le domaine de la philanthropie !

M. le Secrétaire d'Etat - Parler d'OPA hostile ou amicale relève du commentaire journalistique, au demeurant utile, mais peu opérant. Rejet.

M. Yves Cochet - Tout le monde ne refuse pas toute pertinence à cette distinction. Dans la Revue d'économie financière, son analyste l'a retenue et, après avoir défini les deux termes, il a mis en évidence une importante différence entre le capitalisme rhénan et le capitalisme anglo-américain. En Grande-Bretagne, entre 1970 et 1994, un quart des OPA intervenues peuvent être considérées comme hostiles et, aux Etats-Unis, entre 1980 et 1994, 10 % du capital des cinq cents plus grosses entreprises ont été acquis à la suite de ce même genre d'opérations. En revanche, en Allemagne, depuis 1945, on ne comptabilise que quatre OPA hostiles et la situation est identique au Japon. La distinction reprise par les auteurs de l'amendement ne semble donc pas injustifiée !

M. François Goulard - Il est vrai que le dirigeant d'une grande banque autrefois publique a récemment consacré une réflexion à cette question, et est même allé jusqu'à proposer des modalités particulières en cas d'OPA hostile. Cela étant, la question est de savoir à l'égard de qui l'offre est amicale ou non. Souvent, ces opérations ne visent pas les salariés, mais le « management » de l'entreprise, ce qui n'est pas la même chose, Monsieur Cuvilliez ! Il y a même des cas où elles sont de l'intérêt des salariés bien qu'on les tienne pour hostiles. Faute d'être assez précis, les auteurs de l'amendement commettent un contresens en confondant l'intérêt de la direction ou des actionnaires de l'entreprise avec celui de ses employés.

M. Jean-Pierre Brard - Le débat sur le sexe des anges vient de progresser !

M. Philippe Auberger - J'ai dit hier combien la distinction me semblait subjective. En tout cas, faute de définitions claires, elle est totalement inopérante. Quant à M. Cochet, qui a tiré argument de statistiques, il a omis de préciser que, jusqu'ici du moins, aucune OPA hostile n'avait de chances d'aboutir en Allemagne ou au Japon. Il n'a donc rien démontré. Tout dépend de l'organisation du capitalisme dans chaque Etat, des contre-feux qu'on peut allumer...

M. Christian Cuvilliez - Intéressant !

M. Philippe Auberger - De toute façon, ce n'est pas à nous de régler le problème.

M. le Rapporteur - J'ajouterai que même une OPA amicale peut ne pas être bonne ni pour l'entreprise visée ni pour l'économie du pays. Imaginons que, chez nous, où les grandes banques souffrent de faiblesses structurelles, une entreprise étrangère convainque l'équipe dirigeante d'un de nos établissements financiers d'accepter une OPA amicale : faudrait-il nous en féliciter ?

M. Christian Cuvilliez - Le Crédit commercial de France !

M. le Rapporteur - Tout manichéisme mis à part, il apparaît donc bien difficile de retenir ces notions.

L'amendement 395, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - A l'initiative de M. Auberger, la commission des finances a adopté à l'unanimité l'amendement 136 rectifié, qui autorise le comité d'entreprise à se faire assister d'un expert. Cette disposition expresse est en effet de nature à lever toute ambiguïté juridique.

M. Philippe Auberger - Je précise que cet amendement se substitue, non seulement au 136 de la commission, mais aussi au 325 que j'avais initialement déposé.

Il est de tradition que le comité d'entreprise puisse se faire aider d'un expert quand la direction de l'entreprise lui soumet telle ou telle question. Cependant, comme une OPA sort de l'ordinaire de cette procédure, il convenait de lui reconnaître cette faculté en termes exprès. C'est d'autant plus souhaitable que c'est un vrai besoin. Quand on pense aux promesse faites par la BNP lorsqu'elle attaquait Paribas et la Société Générale, affirmant notamment qu'elle maintiendrait l'emploi, il est clair qu'une telle situation exige une expertise approfondie, pour expliciter les choix stratégiques de l'entreprise attaquante en cas de réussite de l'OPA ou de l'OPE, juger de la réalité de ses promesses et en suivre l'exécution. Cela justifie la présence d'un expert qualifié pour aider le comité d'entreprise.

L'amendement 325 est retiré.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement doit exprimer un regret : c'est de n'être pas lui-même à l'origine de l'amendement 136 rectifié.

L'amendement 136 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - L'amendement 501 tend à supprimer la sanction prévue dans le cas, d'ailleurs improbable, de non respect par l'acheteur de l'obligation de comparaître devant le comité d'entreprise. Ses auteurs, MM. Gantier et Laffineur, pensent avec raison que la privation du droit de vote n'est pas une sanction appropriée, car elle relève du droit des sociétés, alors qu'ici nous sommes plutôt dans le droit du travail.

Cet article 4 n'a d'ailleurs pas une portée considérable : on connaît peu d'acheteurs d'entreprises qui se refusent à rencontrer leurs futurs partenaires sociaux. On connaît en revanche des partenaires sociaux qui refusent, en ces circonstances parfois dramatiques, de rencontrer l'entreprise acheteuse. Cet article a donc peu de portée, mais la sanction est disproportionnée.

M. le Rapporteur - Autant l'amendement précédent était « amical », autant celui-ci est « hostile » (Sourires). En supprimant la sanction, on prive l'article de tout son intérêt. Ce serait dénier aux salariés le droit d'être informés d'une offre publique. Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - A une disposition de ce type, il fallait une sanction. La privation des droits de vote est préférable à une sanction pénale ; une amende serait insuffisante et inadaptée. La privation des droits de vote reste la seule solution pragmatique, et qui tient compte du fait que l'opération peut se réaliser.

M. Jean-Pierre Brard - L'opposition de M. Goulard à cet alinéa suffit à le justifier. Quand mes adversaires me félicitent, disait le vieux révolutionnaire August Bebel, je me demande quelle bêtise j'ai pu commettre.

M. Jacques Desallangre - Duclos le disait aussi.

M. Jean-Pierre Brard - J'occupe son siège, et je m'en honore... M. Goulard est de ceux pour qui un salarié n'est plus un citoyen. Il tient les salariés pour des objets et non des sujets. L'intérêt du texte proposé est de leur reconnaître un vrai droit : on ne voit plus en eux des appendices de la machine économique, mais des personnes qui ont leur mot à dire. L'opposition de MM. Goulard, Laffineur et Gantier prouve la pertinence de la disposition.

L'amendement 501, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - Tout à l'heure M. le ministre a bien voulu reconnaître que j'avais apporté une contribution à son texte : avec l'amendement 326 je souhaite en apporter une deuxième. Je comprends son souci de sanctionner le fait, bien rare, qu'un dirigeant négligerait de se rendre devant le comité d'entreprise. Mais la sanction qu'il propose me semble inconstitutionnelle. Le droit de vote est en effet attaché à la propriété des actions, et il n'est pas approprié de s'en prendre à ce droit parce qu'on ne s'est pas rendu à une réunion ; il y a de fortes chances que le Conseil constitutionnel refuse une telle disposition.

Je propose donc une autre sanction : elle consiste à rendre public le fait que l'attaquant ne s'est pas rendu à la réunion ou, s'y étant rendu, qu'il a refusé de répondre avec précision à certaines questions. L'OPA en sera de fait rendue plus difficile, et plus aléatoire le succès de l'entreprise si l'opération devait avoir lieu.

M. le Rapporteur - Cet amendement s'inscrit dans la même philosophie que le précédent. Nous avons expliqué notre hostilité à une atténuation de la sanction. Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 326, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - La rédaction de l'article détermine de façon trop restrictive la représentation de l'entreprise attaquante lors de la rencontre avec le comité d'entreprise. Je propose par l'amendement 324 de laisser cette entreprise décider qui la représentera. Ce peut être particulièrement souhaitable s'il s'agit d'une entreprise étrangère, dont les mandataires sociaux et les salariés peuvent ne pas maîtriser notre langue.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 373 est identique. Je ne suis pas sûr que les auteurs du projet souhaitent réellement que le comité d'entreprise connaisse intuitu personae le patron de l'entreprise acheteuse -même si le rapporteur nous a dit que telle était la volonté du législateur. Il peut se faire, si la négociation se prolonge, que ce patron ait besoin de se faire représenter : il faut lui en laisser la possibilité.

M. François Goulard - L'amendement 500 est identique.

M. le Rapporteur - La commission est défavorable. Déjà le projet n'exige pas la présence du président-directeur général : il peut s'agir d'un mandataire social ou d'un salarié. On nous objecte le cas d'une entreprise étrangère. Précisément, nous souhaitons qu'au moins une fois dans sa vie celui qui prétend acheter une entreprise en rencontre les salariés. Accepter ces amendements serait permettre la représentation de l'entreprise par un avocat d'affaires, un banquier ou un membre d'un cabinet d'audit : c'est ce que nous ne voulons pas.

M. le Secrétaire d'Etat - A l'excellente argumentation du rapporteur j'ajouterai ceci : dans une entreprise et entre les entreprises, les relations humaines sont un élément essentiel. Ce qu'on appelle l'affectio societatis doit pouvoir se nouer dans une véritable relation. Il faut maintenir un caractère vivant et concret à la relation entre les deux entreprises. Je ne peux donc aller dans le sens de ces amendements.

M. Jean-Pierre Brard - Beaucoup d'entre nous sont maires. Comme tels, nous nous sommes souvent trouvés aux côtés des salariés pour défendre l'emploi, et confrontés à des prédateurs dont le premier soin est de fuir le débat...

M. Auberger se moque un peu de nous en évoquant le cas où le prédateur ne parlerait pas français : je suis sûr qu'en pareil cas le comité d'entreprise puiserait dans sa cassette pour un fournir un interprète ! Il faut obliger ceux qui ont l'ambition de reprendre une entreprise à une vraie confrontation avec les représentants des salariés, afin que s'esquisse peu à peu une véritable démocratie sociale et que les salariés puissent avoir leur mot à dire sur leur propre destin.

M. François Goulard - Nous débattons d'un point mineur, j'en conviens...

M. Jean-Pierre Brard - Toujours patelin !

M. François Goulard - ...mais cette discussion révèle votre vision préconçue du déroulement d'une OPA, qui peut être déclenchée par la filiale d'un groupe dont jamais le président n'interviendra dans la gestion de l'entreprise ainsi acquise ! Cette polarisation est sans rapport avec la réalité et votre souci de précision, aussi louable soit-il, sera sans effet.

M. Jean-Jacques Jegou - Je comprends l'aspect affectif de la question...

M. Bernard Outin - Il s'agit aussi de politesse.

M. Jean-Jacques Jegou - De davantage encore, mais je crains que le texte ainsi amendé ne soit excessivement rigide.

Les amendements 324, 373 et 500, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis des titres Ier, II et IV du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

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DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée au sein du Conseil national des services publics départementaux et communaux. Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des lois. La candidature devra être remise à la Présidence avant le mardi 2 mai, à 17 heures.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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