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Session ordinaire de 1999-2000 - 79ème jour de séance, 187ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 2 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

ACCUEIL DE NOUVEAUX DÉPUTÉS 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SITUATION DU JOURNALISTE TUNISIEN
TAOUFIK BEN BRIK 2

RÉFORME DE L'ADMINISTRATION FISCALE 2

DIFFICULTÉS DE CERTAINS ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS 3

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 4

INSÉCURITÉ 4

NOUVELLE ÉCONOMIE 5

MARCHÉS TRADITIONNELS 6

RETOUR À L'EMPLOI ET POLITIQUE FISCALE 6

LIBAN 7

NÉGOCIATIONS SUR L'ASSURANCE CHÔMAGE 8

SITUATION DU JOURNALISTE TAOUFIK BEN BRIK 9

OTAGES DÉTENUS AUX PHILIPPINES 9

NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES (suite) 9

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 15

DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE 16

SANTÉ DES ANIMAUX 16

APRÈS L'ART. 2 26

ART. 4 27

ART. 5 27

ART. 6 27

APRÈS L'ART. 6 27

ART. 8 28

ART. 9 28

APRÈS L'ART. 9 28

La séance est ouverte à quinze heures.

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ACCUEIL DE NOUVEAUX DÉPUTÉS

M. le Président - J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos cinq nouveaux collègues, MM. Guy Malandain, Didier Marie, André Lebrun, Michel Fromet et Joseph Rossignol (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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SITUATION DU JOURNALISTE TUNISIEN TAOUFIK BEN BRIK

M. François Loncle - Je souhaite interroger M. le ministre des Affaires étrangères sur le sort du journaliste tunisien Taoufik Ben Brik, et, partant, sur la question des droits de l'homme en Tunisie, et des libertés d'opinion, d'expression et d'information. La France est le premier partenaire économique de la Tunisie ; nous aimons ce pays. Mais cela ne doit en rien nous conduire à rester silencieux, ou, pire, complaisants devant ce qui s'y passe. Je souhaite savoir ce qu'a entrepris la France pour que M. Ben Brik puisse cesser sa grève de la faim et exercer son métier en toute liberté. Je pose cette question à la veille de la journée mondiale pour la liberté de la presse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - M. Taoufik Ben Brik, journaliste tunisien, correspondant de plusieurs journaux étrangers, dont La Croix, est en grève de la faim depuis le 3 avril, ayant été inculpé après la rédaction de deux articles parus dans la presse étrangère. Il demandait le renouvellement de son passeport et la liberté de circulation ; le premier point a été obtenu le 29 avril. Il demande maintenant la libération d'un de ses frères, incarcéré après une échauffourée avec les forces de l'ordre, et le remboursement des frais médicaux engagés par les personnes impliquées dans cette même altercation devant son domicile. Plusieurs membres de sa famille se sont joints à sa grève de la faim.

Nous suivons cette affaire depuis le début, en raison de notre attachement à la liberté de la presse et de notre inquiétude pour la santé de M. Ben Brik. Le porte-parole de mon ministère s'est exprimé en ce sens à plusieurs reprises. J'ai envoyé auprès de M. Ben Brit un diplomate de notre ambassade. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès des autorités tunisiennes, pour qu'elles trouvent à cette affaire une issue humaine et rapide. J'espère que la raison finira par s'imposer.

Plus largement, le Gouvernement n'a jamais caché le souhait de la France qu'une évolution politique accompagne les succès économiques et sociaux que connaît la Tunisie depuis dix ans. Cette ouverture, c'est aux Tunisiens eux-mêmes d'en fixer le rythme, le contenu et les modalités. Mais il est aujourd'hui indispensable et possible que ce pays, dont le progrès économique est spectaculaire, et qui a montré la qualité de sa société, où les femmes jouent un rôle qu'elles n'ont quasiment nulle part ailleurs dans le monde arabe, franchisse de nouvelles étapes vers la libéralisation et la démocratisation. C'est ce que nous disons au président Ben Ali, sans esprit d'ingérence, mais avec l'amitié que fondent la proximité de nos sociétés et la densité de nos relations : accomplissez les gestes, décidez les ouvertures qui auront un impact déterminant sur l'avenir de la Tunisie. C'est d'autant plus nécessaire que ce serait concrétiser les engagements pris par la Tunisie dans le cadre de son accord d'association avec l'Union européenne, que nous avons soutenu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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RÉFORME DE L'ADMINISTRATION FISCALE

M. Jean-Louis Idiart - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances. Notre société se transforme, et les services publics, auxquels nos concitoyens sont très attachés, doivent suivre cette évolution pour mieux satisfaire les besoins.

La réforme de l'Etat est souhaitée par tous. Les administrations financières n'échappent pas à cette attente. Elles doivent être plus proches des citoyens, tant par la simplification des procédures que par leur nécessaire présence sur tout le territoire. Cette réforme, dont la première approche avait inquiété les élus et les personnels, devait être reprise et retravaillée. Vous avez rouvert le dialogue : quels sont les objectifs de votre démarche, et quelle méthode avez-vous retenue pour que la réforme parvienne à bonne fin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - J'ai en effet, dès ma prise de fonctions, reçu avec Florence Parly les organisations syndicales, et j'ai eu l'occasion le 28 avril de dessiner certaines orientations pour la réforme, qui aura lieu, du ministère de l'économie.

Cette réforme s'inspire de cinq idées. La première est celle de la simplification, non seulement des textes, mais des relations entre l'administration et les usagers. C'est ainsi que dès l'an prochain les salariés recevront pour l'impôt sur le revenu une déclaration super-simplifiée, qu'ils n'auront plus qu'à signer. De même nous mettrons en place un interlocuteur fiscal unique, et un interlocuteur économique unique. La deuxième idée est la transparence, selon les lignes qu'ont déjà dégagées les travaux de votre commission des finances. La troisième est l'adaptation et la formation aux nouvelles technologies, car c'est une des clés de l'administration future. La quatrième est le dialogue : rien n'est possible sans un dialogue confiant avec les agents, les usagers et les élus. Cinquième idée enfin : l'expérimentation. Plutôt qu'une réforme sortie tout armée du cerveau de tel ou tel, il faut évaluer et expérimenter ce que nous mettons en place -par exemple, dans les mois qui viennent, des maisons des services publics économiques et financiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A partir de là, sur la base du dialogue confiant qui s'est établi, et connaissant la grande compétence des agents du ministère, je ne doute pas que cette réforme sera un succès emblématique de la réforme nécessaire des services publics et de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DIFFICULTÉS DE CERTAINS ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS

M. Alain Gouriou - Je souhaite appeler votre attention, Madame la secrétaire d'Etat à la santé, sur la situation préoccupante de certaines structures hospitalières de villes petites et moyennes. Elles connaissent en effet de grandes difficultés pour recruter des praticiens hospitaliers dans des spécialités aussi essentielles que la chirurgie, l'anesthésie-réanimation ou l'obstétrique. Ce n'est pas une question de moyens budgétaires : les postes sont créés, financés et publiés. Des efforts importants ont été faits pour réaménager et équiper des plateaux techniques de qualité. En attendant d'hypothétiques candidatures, ces hôpitaux doivent recourir à des contrats avec des vacataires, dans des conditions très coûteuses. Si les contrats de praticiens vacataires ne sont pas reconduits, ces services pourraient être conduits à fermer, pour des raisons de sécurité, alors même que leur niveau d'activité est important.

Les personnels hospitaliers et la population sont légitimement attachés à ces services de proximité. Mme la ministre de l'emploi a souvent affirmé la volonté du Gouvernement de maintenir dans le tissu hospitalier ces établissements de proximité. Quelles mesures envisagez-vous pour assurer la pérennité de ces services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - En effet le recrutement de praticiens hospitaliers dans les établissements de petite taille est une vraie difficulté. Le Gouvernement a signé en mars des protocoles d'accord, avec les différentes organisations de praticiens hospitaliers, en vue d'améliorer le fonctionnement, et de renforcer pour ces praticiens l'attractivité des carrières hospitalières. Ainsi avons-nous prévu une valorisation particulière pour l'exercice exclusif dans le service public, ainsi qu'une revalorisation générale de la carrière, et des mesures d'incitation à pourvoir des postes structurellement vacants.

Il est vrai que certains établissements rencontrent des difficultés particulières. Outre les mesures générales, certains mécanismes incitatifs particuliers sont donc opérationnels ou en cours de définition. Ainsi une prime multi-établissements permet au praticien d'exercer sur plusieurs sites et de voir valorisé cet exercice. Est également prévue une prime spécifique pour exercice difficile, liée aux vacances prolongées de postes dans certains établissements. C'est toute une dynamique d'ensemble qui devrait rendre leur attractivité à certains exercices professionnels plus pénibles que d'autres. Par ailleurs, certains élus, particulièrement investis dans les conseils d'administration des hôpitaux, ont su voir dans la coopération inter-hospitalière un facteur de regain d'intérêt pour des pratiques hospitalières difficiles. La réorganisation hospitalière doit garantir aux spécialistes un travail en équipe même s'ils ne sont pas sur le même site. Les SROS fournissent le scénario, mais rien ne remplace la mobilisation des acteurs sur le terrain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

M. Jean-Claude Leroy - Je souhaite, Monsieur le ministre de l'agriculture, que vous nous précisiez votre action en matière de sécurité alimentaire et notamment votre méthode dans ce domaine. Grâce aux mesures de précaution prises en France depuis 1996, nous pensions pouvoir juguler l'encéphalite bovine à l'horizon 2001. Il semble que ce ne sera pas le cas et nous devrons sans doute cohabiter encore longtemps avec ce risque. En conséquence, vous avez maintenu l'interdiction des importations à risque et décidé un dépistage systématique dans le cheptel. Le réseau vétérinaire et l'Agence française de sécurité alimentaire des aliments sont en alerte. Pouvez-vous faire le point sur la méthode du Gouvernement dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - L'objectif du Gouvernement est d'appliquer le principe de précaution pour assurer la sécurité des consommateurs. Pour cela, nous pratiquons le dialogue permanent avec les scientifiques. Après le refus de levée de l'embargo sur le b_uf britannique, avec Mme Gillot et Mme Lebranchu nous avons demandé à l'Agence de nous donner son avis sur le dispositif en place. A sa demande, nous avons interdit le jonchage dans les abattoirs et nous étudions une interdiction de l'utilisation des boyaux dans la charcuterie. L'AFSA nous a demandé de mettre en place un programme de tests. Ils ne sont pas systématiques -des tests trop rapides pratiqués sur les 5,7 millions de bovins abattus chaque année ne donnerait pas d'informations fiables. Mais notre programme de 48 000 tests dans les mois qui viennent représentera plus que dans les quatorze autres pays de l'Union européenne réunis. L'hypothèse de juguler l'épidémie pour fin 2001 reste la plus probable, mais nous n'avons pas de certitude. C'est cela que nous disons à l'opinion, dans une démarche de pédagogie citoyenne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

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INSÉCURITÉ

M. Eric Doligé - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La semaine dernière, dans un très grand numéro d'autosatisfaction vous nous avez dit : nous, nous sommes capables de régler les problèmes. C'est faux, je vais le montrer en ce qui concerne la sécurité, et ma question rassemble les trois groupes de l'opposition.

Semaine après semaine, on nous répond avec suffisance : « Tout va bien, dormez tranquilles bonnes gens ! ». C'est faux. Aujourd'hui le monde rural aussi est atteint. Sont arrivés les tags, chers à l'un de vos ministres, puis la drogue dans pratiquement tous les établissements scolaires. 59 % des garçons de moins de 18 ans et 43 % des filles disent avoir fumé des joints (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). C'est inadmissible. Cela vous amuse, mais cela amuse moins le père de famille que je suis (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Dans les petites communes, police et gendarmerie arrêtent les dealers mais le lendemain, par laxisme du Gouvernement, les dealers et les sauvageons sont relâchés. Quand un père de famille nous dit que son fils s'est fait agresser dans la rue et revient de l'hôpital, on ne peut que lui répondre : le Gouvernement ne fait rien et ne me donne pas les moyens d'agir (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). C'est inadmissible.

Hier près de Blois, comme la semaine dernière dans le département de M. Fromion, s'est déroulé une rave-partie. 15 000 personnes se sont réunies en toute illégalité. Il y a eu des violences, mais aucune action n'a été entreprise.

Quand un citoyen pourra-t-il se dire : cet après-midi, je laisse sortir ma femme (Huées sur les bancs du groupe socialiste) ou ma fille avec un sac à main ? Je peux laisser mon enfant aller au collège en mobylette sans se faire agresser ? La majorité semble trouver cela très bien. D'expérience je peux vous dire que c'est inadmissible (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Votre question pêche par excès de généralité ou de précision. Nul ne peut dire que ce gouvernement fait preuve de complaisance à l'égard de la délinquance (« Si ! » sur les bancs du groupe du RPR). Il a affirmé que lorsque la prévention a échoué, la répression, aussi systématique que possible, s'impose. Chaque délit mérite une réponse. De même ce gouvernement a affirmé que le contexte social ne justifie jamais une quelconque infraction.

A ces affirmations de principe se sont traduits concrètement avec les contrats locaux de sécurité et le développement de la police de proximité.

Quant aux rave-parties, franchement ce phénomène de société n'est pas né le 4 juin 1997. Le ministère de l'intérieur s'en préoccupait bien avant car effectivement elles sont l'occasion de dérapage et en tout cas de nuisances.

Je me suis saisi de ce dossier dès mon arrivée. Le 29 décembre 1998 une circulaire ministérielle également signée par mes collègues de la Culture et de la Défense demandait que tout soit fait pour encadrer et canaliser autant que possible ces manifestations. Si, comme nous le souhaitons, une autorisation est demandée, une commission de sécurité peut intervenir et diverses dispositions s'appliquer. Si la manifestation est clandestine -comme dans le cas que vous citez- police et gendarmerie doivent la disperser. Mais lorsque des milliers de jeunes sont réunis, c'est difficile. En tout cas, des infractions sont commises à la législation sur les stupéfiants, au code des débits de boisson, à la réglementation des manifestations. Dans ce cas il y a des poursuites pénales, et une obligation de réparation. Aux élus de faire en sorte que des plaintes soient déposées pour que des poursuites soient intentées et que les sanctions tombent (Applaudissements nombreux sur les bancs du groupe socialiste).

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NOUVELLE ÉCONOMIE

M. Olivier de Chazeaux - Le dégroupage de la boucle locale pour ouvrir à la concurrence les réseaux locaux de France Télécom est essentiel pour permettre l'accès à Internet haut débit à un moindre coût. Or votre discours sur la société de l'information s'avère vide et incohérent. Le projet de loi sur la société de l'information est renvoyé sine die. Le 26 avril, le Gouvernement, sensible à des intérêts politiciens plutôt qu'à l'intérêt général a piteusement capitulé sous la pression des élus communistes et a retiré un amendement relatif aux boucles locales dans le projet sur les nouvelles régulations économiques. Vous avez une fois de plus manqué à votre engagement et la France sera en retard au rendez-vous de la nouvelle économie. Les internautes retiendront que vous faites surtout des effets d'annonce et que les modernes sont bien plus sur nos bancs que sur les vôtres (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Compte tenu de l'inaction du Gouvernement et de l'urgence, acceptez-vous de faire vôtre la proposition de loi que j'ai déposée sur ce sujet ? (Mêmes mouvements)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - S'il est vrai qu'il y a quelques années la France était en retard sur les nouvelles technologies, ce n'est plus le cas, même s'il reste des progrès à faire. Nous pouvons y travailler ensemble.

En ce qui concerne la boucle locale, vous avez participé au débat sur les nouvelles régulations économiques (Plusieurs députés socialistes : « Non »). Je crois que si (Sourires). Vous avez donc entendu M. Pierret dire qu'un service aussi essentiel que les télécommunications devront évoluer avec les techniques les plus avancées. C'est vrai pour la question que vous abordez, le Gouvernement en est conscient. Le droit de la concurrence impose des évolutions. Certaines ont eu lieu. Nous souhaitons les aborder de façon maîtrisée.

Nous voulons, d'ici 2001, faire évoluer la réglementation des télécommunications en favorisant l'innovation, l'investissement de l'ensemble des opérateurs et l'accès de tous à la société de l'information, en préservant les intérêts des salariés. Sur le point précis que vous soulevez il ne s'agit pas d'un retrait du Gouvernement. Il a renvoyé ce dossier à une autre discussion, mais il saura prendre ses responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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MARCHÉS TRADITIONNELS

M. Jean-Claude Lemoine - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat au commerce et à l'artisanat. De nombreux marchés traditionnels sont menacés par une directive européenne de 1993 applicable en France le 16 mai prochain. De nouvelles normes d'hygiène sur les produits alimentaires vont être imposées en tout lieu. Leur mise _uvre sur les marchés impose des investissements lourds et la mise aux normes des places pèsera lourdement sur le budget des communes rurales pour lesquelles le marché reste un événement social important.

Le Gouvernement envisage-t-il de venir en aide aux producteurs ou aux communes qui maintiennent ces activités ou considère-t-il que cette forme de commerce conviviale et traditionnelle, appréciée des habitants et des touristes, doit disparaître ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - La directive en question a été adoptée en 1993 et nous avons attendu aussi longtemps pour l'appliquer parce que nous avions entrepris, grâce aux fonds du FISAC, une action en faveur des marchés des centres-villes et des bourgs ruraux, afin de permettre aux communes de réaliser ce qui leur était demandé pour que les produits alimentaires soient vendus dans de bonnes conditions : bornes électriques, fourniture d'eau potable, sanitaires. Il semble difficile de défendre l'idée que l'on pouvait faire autrement... Les aides engagées à cette fin sont importantes : de 500 000 à 1,5 million de francs, une ville comme Chartres ayant perçu 1 million.

Si nous essayons de mettre les marchés aux normes, nous voulons aussi aider les commerçants non sédentaires, souvent oubliés y compris de la loi sur les régulations économiques, qui ont eux aussi pâti des crises agricoles des dernières années et que je salue car ils accomplissent rapidement, avec nous, ce qui leur est demandé par la directive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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RETOUR À L'EMPLOI ET POLITIQUE FISCALE

M. Pierre Méhaignerie - Des milliers d'entreprises ne peuvent aujourd'hui trouver les salariés dont elles ont besoin, y compris dans des régions à très fort taux de chômage. On parle même d'un taux de chômage structurel incompressible de 8 à 9 %. Les freins au retour à l'emploi sont nombreux mais un des plus puissants est la faible incitation financière à passer du RMI au SMIC.

Votre prédécesseur, M. Sautter, qui veut à son tour vous conseiller, Monsieur le ministre de l'économie, a déclaré à La Croix qu'un érémiste qui passe au SMIC touche 4 F de plus par jour, ajoutant qu'il fallait être un saint pour ne pas travailler au noir...

Certes, il y a la réforme des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, mais la différence sera minime. Vous qui, lorsque vous étiez au perchoir, aviez souhaité des réformes ambitieuses, allez en avoir l'occasion dans les jours à venir avec le collectif budgétaire.

Or vous avez prévu, contre l'avis de la majorité des élus locaux, de réduire de 11 milliards la taxe d'habitation, récompensant ainsi les élus des régions qui l'avaient augmentée de 7 à 8 %. Ne serait-il pas plus moral, plus efficace pour la croissance, plus juste pour les salariés, de réduire les charges sociales et d'augmenter de 4 000 à 6 000 F par an le salaire des 3 à 4 millions d'hommes et de femmes qui vivent avec un salaire proche du SMIC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nous examinerons tous ces points lors de la discussion du collectif, mais je veux dès à présent en rappeler l'économie en ce qui concerne les allégements de charges. Nous avons estimé qu'il fallait à ce stade les concentrer sur trois catégories. La première est la TVA que nous étions nombreux à estimer trop lourde, surtout avec son augmentation de deux points en août 1995. Elle sera réduite d'un point, ce qui représente 30 milliards en année pleine et qui sera favorable au pouvoir d'achat, en particulier des plus modestes.

L'impôt sur le revenu, ensuite, en particulier ses premières tranches, a cet effet pénalisant que vous avez souligné. Réduire les deux premières tranches jouera sur l'ensemble du barème mais profitera plus à ceux qui ont des ressources modestes, notamment en évitant de pénaliser ceux qui retrouvent un emploi. Onze milliards d'allégements seront ainsi réalisés.

La baisse de la taxe d'habitation, enfin, représentera un montant équivalent.

Au total, ce sont 40 milliards d'allégements qui s'ajouteront aux 40 milliards prévus en loi de finances initiale. Je reconnais volontiers que des progrès restent à faire, notamment pour ce que l'on appelle les « trappes à inactivité » mais, avant de parler des baisses d'impôts à venir, parlons donc des 80 milliards d'impôts en moins pour les Français, dès ce collectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, vous avez parlé des conseils de mon prédécesseur, je prends toujours cela avec beaucoup d'intérêt mais La Rochefoucauld, que vous lisez sans doute, ne disait-il pas « On ne donne rien si libéralement que ses conseils » ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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LIBAN

M. Laurent Dominati - M. Fabius parle de baisses d'impôt mais il oublie de dire que nous détenons le record des prélèvements obligatoires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et que l'argent que vous donnez si libéralement est donc celui que vous avez pris aux Français (Mêmes mouvements).

J'en viens à ma question. La France entretient depuis longtemps avec le Liban des liens fondés sur la communauté des valeurs culturelles mais aussi des valeurs de liberté et d'indépendance nationale chères à notre République, tout comme la protection des minorités et la garantie des droits des différentes communautés.

Depuis la guerre civile qui l'a ensanglanté, le pays vit sous une double occupation : syrienne dans l'essentiel du pays, israélienne dans le sud. Or Israël vient d'annoncer sa décision unilatérale de se conformer à la décision 425 du Conseil de sécurité et de se retirer du sud-Liban au plus tard le 7 juillet. Cela a entraîné une grande activité diplomatique dans la région et provoqué dans le pays des manifestations durement réprimées et largement passées sous silence, par lesquelles les Libanais réclament simplement la tenue d'élection libres et un Liban libre, souverain et indépendant.

Alors que les Français éprouvent une vive amitié pour tous les Libanais, quelle que soit leur communauté, quelle que soit la façon dont ils vivent l'occupation syrienne, la France a reçu avec beaucoup d'honneurs le Président syrien Hafez el Hassad, il y a un an, et le ministre des affaires étrangères s'est entretenu avec son homologue syrien il y a une semaine.

M. Christian Bourquin - La question !

M. Laurent Dominati - Le Gouvernement français a-t-il à ces occasions demandé au gouvernement syrien d'évacuer le Liban ? Quels signes la France entend-elle adresser à ceux qui se battent pour un Liban libre, conformément au v_u des peuples libanais et français ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du DL)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La décision du Gouvernement israélien de M. Barak de se retirer du sud-Liban donne l'espoir de pouvoir appliquer complètement la décision 425 du Conseil de sécurité, qui date de 1978 et donc de restaurer la souveraineté et l'intégrité du Liban, auxquelles nous sommes tous attachés.

Cette question a été au c_ur des entretiens de ces derniers jours, en particulier de celui qu'a eu le Président de la République avec le ministre syrien des affaires étrangères.

Le Conseil de sécurité doit rechercher une mise en _uvre complète de cette résolution et Kofi Annan consulte en ce moment les différents protagonistes pour savoir comment ils se comporteraient dans la perspective de ce retrait. Il conviendra aussi d'envisager une utilisation -ou une modification- de la FINUL. Dans ce cadre, nous prendrons nos responsabilités avec une seule idée en tête : la paix entre Israël, le Liban et la Syrie, l'intégrité et la souveraineté de chacun de ces pays dans la coopération régionale pacifique que nous espérons tous voir un jour. Voilà ce à quoi nous travaillons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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NÉGOCIATIONS SUR L'ASSURANCE CHÔMAGE

M. Claude Billard - A l'occasion des négociations qui s'engagent sur l'assurance chômage, le MEDEF entend poursuivre sa remise en cause des acquis sociaux, fruits de longues luttes des salariés. Derrière le thème de la refondation sociale, c'est le démantèlement de notre protection sociale et de notre droit du travail qui est visé. L'indemnisation du chômage, les contrats de travail, la formation professionnelle, le système de retraite par répartition sont menacés. Le MEDEF rêve d'un retour à l'époque de Germinal (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et du salarié taillable et corvéable à merci.

C'est, bien évidemment, une tout autre refondation que les communistes souhaitent engager à l'occasion du tour de France des inégalités qu'ils vont organiser. Les fruits de la croissance et les gains de productivité doivent avant tout servir l'emploi et la justice sociale. Comment le Gouvernement compte-t-il riposter aux attaques en règle du MEDEF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Le MEDEF et les organisations professionnelles ont en effet pris l'initiative de proposer aux organisations syndicales d'ouvrir des négociations. C'est important car depuis cinq ans, aucun accord n'a été conclu à ce niveau.

Le MEDEF a fait connaître ses thèses, puis les organisations syndicales ont fait savoir ce qu'elles attendaient d'une telle rencontre ; mais nous n'en sommes qu'au début du processus, et il est difficile pour le Gouvernement d'en tirer déjà des conclusions. La ministre de l'emploi et de la solidarité sera très attentive à l'indemnisation chômage des travailleurs en situation précaire et des jeunes, car il y a là un vrai problème ; elle veillera par ailleurs à ce que les négociations débouchent sur de nouvelles garanties pour tous : il est important que, dans l'esprit des accords sur la réduction du temps de travail, on aboutisse à des accords « gagnant-gagnant », c'est-à-dire dans lesquels tant l'entreprise que les salariés seront gagnants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION DU JOURNALISTE TAOUFIK BEN BRIK

M. Bernard Birsinger - Le journaliste tunisien et militant des droits de l'homme Taoufik Ben Brik poursuit sa grève de la faim, entamée il y a près d'un mois. Sa vie est en danger. Son combat est juste : il proteste contre les poursuites judiciaires dont il fait l'objet pour avoir dénoncé dans plusieurs articles la situation des droits de l'homme en Tunisie. Il revendique ainsi la liberté de pensée et d'expression pour lui et le peuple tunisien.

Compte tenu de ses liens historiques avec la Tunisie, notre pays ne peut se résigner en silence sur cette affaire, d'autant que le discours officiel de la France peut être interprété comme un soutien au régime en place. Comment en effet interpréter autrement les louanges du chef de l'Etat sur le modèle tunisien ?

Faut-il rappeler qu'on ne juge pas la réussite d'un pays sur ses seuls résultats économiques ? N'est-il pas de la responsabilité du Gouvernement d'affirmer haut et fort le soutien de la France à ce combat pour les valeurs démocratiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - J'ai dit notre inquiétude au sujet de M. Ben Brik et les démarches que nous avons entreprises. Je veux espérer que la raison et l'humanité l'emporteront.

Le moment est venu pour la Tunisie de compléter la réussite économique, dont vous avez raison de dire qu'elle ne peut pas être le seul critère d'appréciation, mais qui contribue à la solidité d'un pays. Ses dirigeants ont aujourd'hui la possibilité d'aller de l'avant sur le plan de la démocratie ; c'est ce que nous attendons d'eux (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

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OTAGES DÉTENUS AUX PHILIPPINES

M. Gérard Charasse - Deux Français sont détenus au sud des Philippines, parmi vingt-et-un otages, par des rebelles musulmans. Ce matin, alors que l'armée philippine a entrepris une opération contre ces rebelles, l'un de leurs porte-parole a déclaré que deux prisonniers seraient décapités si l'armée ne se retirait pas. Monsieur le ministre des affaires étrangères, de quelles informations précises disposez-vous sur cette affaire monstrueuse ? Une médiation est-elle encore possible ? Quel rôle la France peut-elle jouer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Les deux Français sont détenus aux côtés de dix Malaisiens, trois Allemands, deux Sud-africains, une Libanaise et deux Finlandais. Ils ont été enlevés en Malaisie le 23 avril et transférés dans une île philippine, appartenant à une région qui est en dissidence depuis très longtemps. Comme le Premier ministre a eu l'occasion de le dire, nous nous sommes mobilisés sur cette affaire, comme nous le faisons toujours dans ce genre de circonstances. Nous sommes en relation étroite avec les autorités philippines ; j'ai immédiatement écrit à mon homologue philippin et je viens d'envoyer sur place un directeur du ministère des affaires étrangères pour compléter l'équipe de l'ambassade. Le consul s'est rendu sur place. Nous avons réussi à faire passer des médicaments, un médecin a pu intervenir. Il reste que cette détention cruelle se poursuit et que nous ferons preuve de ténacité auprès des autorités philippines jusqu'à la libération des otages. Il appartient à ces autorités de décider si une médiation pourrait faciliter une issue heureuse de cette affaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

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NOUVELLES RÉGULATIONS ÉCONOMIQUES (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Ce projet comprend cinq ensembles de dispositions.

Tout d'abord, il marque un progrès réel en matière de régulation du secteur financier, notamment en ce qui concerne le déroulement des offres publiques. Cela a été reconnu sur tous les bancs, en dépit de telle ou telle critique ; et je suis convaincu que cela renforcera à terme la place de Paris dans la compétition financière internationale, car la transparence est l'une des conditions de la performance.

En deuxième lieu, j'ai été heureux de constater la volonté unanime de votre Assemblée de renforcer l'arsenal juridique pour combattre le recyclage de l'argent sale et le rôle des centres off shore. Les obligations de déclaration de soupçon à TRACFIN sont un progrès incontestable. Nous espérons que ces mesures contribueront à infléchir les comportements. Il n'y aura donc pas d'impunité pour ceux qui méprisent les lois et vivent du délit ou du crime organisé (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous profiterons de la présidence française de l'Union européenne pour obtenir de nouvelles avancées en ce sens.

Un autre objectif de ce projet est de garantir les conditions de la concurrence et un rééquilibrage des relations entre les distributeurs et leurs fournisseurs ; réclamée par les PME et les exploitants agricoles, cette équité est indispensable au bon fonctionnement économique et à la bonne qualité des produits. Je salue l'engagement personnel des rapporteurs, MM. Besson et Le Déaut dans ce débat, ainsi que la détermination de M. Charié à souligner le problème des prix agricoles dans le secteur des fruits et légumes. Je leur confirme que les mécanismes prévus seront appliqués, en particulier la possibilité d'étendre un accord sur les prix par arrêté ministériel en cas de crise grave.

Quatrième point, le texte comporte des avancées importantes en droit des sociétés, favorisant une plus grande démocratie dans les entreprises en donnant au comité d'entreprise toute sa place. Dans les entreprises publiques, la création d'un pôle CDC-finances, adoptée à l'unanimité, constitue un progrès important. Enfin, nous avons avancé sur un sujet très commenté, celui des stock-options : le système proposé introduira plus de transparence et de justice.

Ce texte, s'il ne règle pas tous les problèmes, constitue, tel qu'il a été amendé, une avancée réelle. Il affirme le primat de régulations concrètes sur la main invisible du marché. Et puisque Adam Smith et José Bové ne peuvent guère se rencontrer, c'est à l'Etat d'assurer la régulation. Elle est réclamée par beaucoup d'acteurs économiques et sociaux, convaincus qu'il ne peut y avoir de croissance solidaire et durable sans des règles précises.

Au moment du vote, je voudrais souligner que même si certains trouvent ce texte insuffisant, les bonnes dispositions qu'il contient ne pourront s'appliquer s'il n'est pas adopté. Je vous invite donc à prendre vos responsabilités et à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Cuvilliez - Ce texte n'est pas, à nos yeux, une bonne loi.

Certaines mesures visent certes à remédier aux dysfonctionnements des marchés : lutte contre le blanchiment de l'argent sale, lutte contre les pratiques commerciales les plus déloyales, notamment avec une meilleure protection des producteurs de fruits et légumes contre la grande distribution, possibilité de séparer les fonctions de président et de directeur général, et renforcement de la représentation des usagers dans les instances des entreprises publiques.

Mais la priorité reste quand même de maintenir la place boursière de Paris en bonne position et de séduire les investisseurs : d'où un scandaleux principe fiscal -avec différé d'application- pour le scandaleux et spoliatoire système des stock-options.

D'où, aussi, le refus de rétablir le droit de timbre et l'impôt de bourse pour les non-résidents, supprimé par M. Balladur en 1993. En conservant le taux de 0,15 %, cet impôt rapporterait 18 milliards de francs par an. En le portant à 1 %, le rendement de la Bourse passerait de 52 % à 51 %, mais sur 12 000 milliards d'opérations, 120 milliards de francs seraient collectés. Comment peut-on à la fois se plaindre d'avoir 40 % de placements en provenance de l'étranger et refuser de rétablir l'équité fiscale entre souscripteurs ? Pourquoi se priver d'une recette qu'on pourrait affecter à la Caisse de garantie des retraites par répartition fondée à l'initiative de Lionel Jospin ?

Nous déplorons également le refus d'aller jusqu'au bout de la logique pour impliquer toutes les professions qui ont à connaître d'activités illégales et pour étendre le champ des sanctions les plus fortes aux centres financiers offshore, aux zones franches, aux paradis fiscaux qui font flotter les pavillons de complaisance sur les navires poubelles.

Nous regrettons enfin le refus d'étendre à tous les produits agricoles les mesures envisagées pour les fruits et légumes et surtout le refus d'octroyer aux représentants des salariés des droits nouveaux pour intervenir directement, quand l'emploi est en jeu, dans les délibérations des conseils d'administration.

Certes, notre amendement qui prévoit l'octroi d'une action aux comités d'entreprise pour leur permettre de siéger avec les actionnaires minoritaires a été accepté. Mais la balance n'est pas égale entre travail et capital dans ces arbitrages.

Et puis cette habitude de glisser des cavaliers législatifs dans les textes n'est pas convenable. Je pense à la boucle locale que France Télécom a construite et dont il faudrait qu'elle se dépossède au profit de ses concurrents, sans que la question plus générale des techniques de l'information ait fait l'objet d'un débat. Vous avez pris acte de notre opposition résolue à cette façon de légiférer et nous vous en savons gré.

Je pense aussi à la Caisse des dépôts et consignations, puisqu'à la faveur d'un amendement du Gouvernement sur le statut des personnels mis à disposition des banques, vous faites avaliser sans débat le changement de statut d'un établissement financier qui constitue un pôle public financier et bancaire majeur.

Comment croire, après tout cela, que l'Etat actionnaire pourra gérer ses propres portefeuilles de participation autrement que les actionnaires privés ?

Notre position doit s'interpréter comme une désapprobation de la logique libérale, que ne corrige pas suffisamment le texte. Cependant, nous reconnaissons les progrès accomplis, surtout dans la lutte contre la fraude, et nous ne voulons pas hypothéquer le débat qui doit avoir lieu sur l'épargne salariale et l'actionnariat salarié. En somme, nous pourrons procéder à une évaluation globale du dispositif à l'automne, à l'aune du collectif budgétaire, de l'évolution des taux d'intérêt, notamment ceux du livret A et du livret bleu et nous donnerons alors à notre abstention d'aujourd'hui des prolongements naturels (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Jegou - Au départ, nous étions loin de penser que l'on pouvait aggraver l'inutilité de ce texte, vidé du contenu prévu initialement, par des discussions désordonnées.

Mais le débat a été riche en rebondissements. Des trois parties du projet, aucune n'a été examinée en une fois, ni suivie par le même ministre. En quinze ans dans notre assemblée, je n'avais jamais vu cela.

Quant au fond lui-même, les seuls points qui ont paru intéresser ont été les amendements gouvernementaux. Je pense à l'amendement sur les stock-options, problème important si l'on se réfère aux heures que nous y avions passé l'automne dernier et qui, là, a été réglé en quelques minutes, sans que le ministre de l'économie ait levé plus d'une paupière. C'était pourtant, si l'on en croyait la presse, un symbole de la gauche qui se jouait. Mais la pluralité de la majorité a des vertus insaisissables... Cet amendement n'aboutit d'ailleurs à rien sur le fond, car il veut contenter toute la majorité.

Seule bonne nouvelle, la création de CDC Finance. Elle était nécessaire et urgente pour renforcer le rôle de la Caisse des dépôts et consignations sur la place financière de Paris. Nous n'avons cependant pas échappé aux rodomontades du parti communiste et de son apparenté, qui a cru bon de réaffirmer le caractère d'intérêt général de cet organisme.

Concernant le blanchiment, nous avons échappé au pire, compte tenu du fondamentalisme de certains de nos collègues de la majorité en ce domaine. Le lobby des juristes et des comptables a toutefois frappé, laissant croire que seules les banques peuvent être coupables de blanchiment.

S'agissant des institutions financières, nous avons failli progresser en adoptant le mécanisme du « global netting ». Vous avez malheureusement, une fois de plus, reculé jusqu'à la prochaine lecture. M. Strauss-Kahn nous avait dit la même chose l'an dernier ! La profession attend pourtant désespérément d'être soumise aux mêmes règles que ses concurrents européens.

Je m'abstiendrai de tout commentaire sur les longues discussions au sujet du prix de la barquette de gariguettes. Le troisième volet de votre texte n'est que poudre aux yeux et la réponse apportée est ponctuelle, bien que le problème des relations entre les fournisseurs et la grande distribution soit réel. Rien n'est dit, notamment, du commerce électronique, dont l'explosion est néanmoins probable dans les prochaines années.

A signaler également, votre capitulation, avant même d'avoir livré bataille, sur la boucle locale. A ce propos et d'une façon plus générale, je m'interroge. Vous vous plaisez à répéter que les Français vous ont élus. Mais l'ont-ils fait sur un projet de refus de l'économie de marché ? N'êtes-vous pas en train de les tromper parce que vous n'osez pas avouer à votre majorité votre penchant pour cette économie-là ? Votre problème, en réalité, est que vos électeurs ne sont d'accord en rien avec vos choix économiques.

Sur le reste, il n'y a, malheureusement, rien à dire, à tel point que nous aurions pu éviter de passer ces trois jours et trois nuits à examiner ce texte, lequel ne fait nullement progresser la notion de régulation. En fait, vous entrez à reculons dans une mondialisation qui s'impose à nous.

Je me permets de vous le dire, Monsieur le ministre, vous qui étiez, il y a peu encore, Président de l'Assemblée nationale, tout cela ne valorise ni les travaux de notre assemblée ni la représentation nationale.

Parce que ce texte était quasiment vide, parce que le désordre a régné en maître sur son examen mais aussi parce que nous ne pouvons en aucun cas être d'accord avec vos propositions, à l'exception de la création de CDC Finance, le groupe UDF votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jacques Desallangre - Les députés du MDC sont déçus, surtout après les espoirs suscités par le discours tenu par le Premier ministre à Strasbourg laissant escompter un grand projet de loi relatif aux régulations économiques répondant d'une part, aux comportements scandaleux révélés par les affaires Michelin, Wolber, Alsthom et autres, d'autre part à la multiplication des OPA et des OPE l'été dernier, en France et outre-Atlantique.

Le texte qui nous est proposé manque cruellement de volontarisme politique. Il cantonne l'Etat dans un rôle d'observateur du marché, sans lui donner les outils nécessaires pour corriger les effets néfastes du capitalisme triomphant. Or, le politique n'a pas à se mettre en phase avec la « modernité » qu'appellerait la mondialisation, dont on oublie toujours, à dessein, qu'elle est essentiellement libérale. La résignation s'inscrit dans les conscienses, parée des atours de cette « modernité ». Beaucoup semblent accepter de réduire la société à son économie, et l'économie réelle à son abstraction financière.

Nous devrions au contraire organiser des contre-pouvoirs citoyens pour lutter contre cette idéologie préjudiciable aux peuples et aux régions. Comme le rappelait fort justement notre collègue Georges Sarre, la France doit assumer pleinement la République, y compris dans le domaine économique. L'économie n'est pas neutre en effet : elle renvoie à des choix politiques, effectués par des gouvernements élus. La loi doit être l'expression de l'intérêt général, et l'Etat le garant.

Or, ce texte se contente d'ériger l'Etat en réparateur des dégâts sociaux occasionnés par la spéculation financière. Ne craignons pas d'aller à contre-courant de la pensée unique et de mener par exemple une politique industrielle ambitieuse. N'ayons pas peur d'encadrer la liberté du marché des titres et des capitaux. L'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen impose au législateur de fixer le cadre dans lequel peut s'exprimer la liberté. Nos concitoyens ne peuvent exercer leur liberté que dans la mesure où celle-ci ne nuit pas à autrui. Le code civil leur fait par ailleurs obligation de réparer les préjudices qu'ils ont pu causer. Il est grand temps de soumettre les entreprises aux mêmes obligations. Pourquoi seraient-elles les seules dont la liberté n'est pas encadrée et les seules à n'être pas soumises au principe de responsabilité ? Elles pourraient alors tout faire pour augmenter leurs bénéfices au profit de leurs actionnaires sans se soucier nullement des préjudices qu'elles causent et des restrictions de liberté qu'elles imposent à certains citoyens en les privant du droit au travail, pourtant reconnu par la Constitution. La responsabilité va de pair avec la liberté. Le citoyen est libre parce qu'il est responsable. Il doit en aller de même pour les entreprises.

J'avais proposé dans cet esprit qu'aux droits des actionnaires répondent des devoirs, notamment celui d'assumer financièrement tous les coûts qu'ils font peser sur la société. L'Assemblée a renvoyé mon amendement à plus tard, comme de nombreux autres, déposés par les députés du MDC. Ce fut le cas de celui tendant à instituer une taxe sur les mouvements spéculatifs capitaux.

Afin de résister à la dictature de l'actionnariat, il faut réaffirmer la place du politique et le pouvoir de l'Etat. Celui-ci ne peut certes pas tout mais il peut beaucoup pour une croissance solidaire partagée s'il se dote des armes adéquates.

Pour les députés MDC, réguler, c'est redonner aux pouvoirs publics le pouvoir de contrôler notamment les concentrations et les offres publiques. Est-il normal que la libre circulation des capitaux favorise la spéculation financière sans la moindre contrepartie ?

Pour toutes ces raisons, les députés MDC voteront contre ce texte. Le groupe RCV étant pluriel, la majorité des députés radicaux le votera et les députés Verts s'abstiendront.

M. François Goulard - Force est de constater, Monsieur le ministre, que vous avez été plutôt desservi par le calendrier parlementaire. En effet, le premier texte que vous avez eu à défendre depuis votre nomination est un texte plutôt moyen, pour ne pas dire médiocre, dépourvu de cohérence et manquant d'ambition.

Derrière un intitulé très solennel et une grande ambition -face à la mondialisation, « on allait voir ce qu'on allait voir ! »- se cache en réalité un banal projet portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. En réalité, ce gouvernement n'a pas d'idées très claires au sujet de la régulation économique. Vous hésitez entre fatalisme -il suffit de se rappeler la réaction, sincère, de M. Jospin face à l'affaire Michelin, constatant que l'Etat n'y pouvait rien- et « réglementarisme ». Vous avez du mal en tout cas à réprimer votre manie interventionniste : ainsi vous êtes-vous acharnés à imposer des règles d'organisation interne aux sociétés commerciales.

Plus grave, vous êtes passés à côté de trois réformes essentielles.

Au lieu de vous contenter d'un dépoussiérage, il aurait fallu créer une autorité financière et boursière unique compétente pour les banques, les assurances, les entreprises d'investissement et l'ensemble des marchés. La Banque de France joue aujourd'hui un rôle qui ne devrait plus être le sien. Mais vous n'avez pas osé réformer vraiment sur ce point.

Il aurait également fallu créer une autorité de contrôle des concentrations indépendante. C'était retirer au ministre chargé de l'économie des compétences d'ordre technique et juridique, non pas d'ordre politique. Mais là encore, la réforme reste à entreprendre.

Enfin, sous la pression du groupe communiste vous avez reculé au sujet du dégroupage et de la boucle locale. La libre concurrence dans le secteur des télécommunications est pourtant indispensable à l'essor de la nouvelle économie. La croissance mondiale repose aujourd'hui très largement sur les nouvelles technologies et l'Internet, lesquels n'ont pu vraiment se développer dans tous les pays qu'après le démantèlement des monopoles en matière de télécommunications -qui seul permet une baisse des prix.

De votre texte au total bien modeste et confus, on ne retiendra aucun élément marquant. Preuve en est l'amendement relatif à la fiscalité des stock-options, rajouté in extremis pour clore un débat interne au parti socialiste et qui a seul polarisé l'attention des médias. Il a montré, si besoin était, que pour les socialistes, réguler, c'est d'abord augmenter les impôts (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Dominique Baert - Pourquoi de nouvelles régulations économiques ? Parce que celles qui existent ne nous satisfont pas. Pourquoi ? Parce qu'elles ne suffisent pas à assurer ce que la majorité tient pour essentiel : l'équité, la défense des plus faibles, dans un monde économique où l'éloge de la « main invisible », chère aux plus libéraux de nos collègues, ne sert qu'à assurer des rapports de force favorables aux plus puissants.

La régulation, c'est le refus du libre jeu absolu du marché et l'affirmation du rôle de l'Etat, garant de l'intérêt général et de la cohésion sociale. A lui de permettre le dynamisme économique et d'éviter le désordre en protégeant les acteurs de la vie économique, notamment les salariés, les producteurs et les consommateurs.

Ce texte traduit le refus de l'immobilisme. L'engagement pris par le Premier ministre, le 27 septembre à Strasbourg, est tenu. Nous voulons donner un nouveau cadre aux relations économiques et sociales. « Qui n'avance pas recule », dit-on. Eh bien, avec ce texte, nous avançons, sur la régulation financière et le contrôle de l'argent sale, les relations entre producteurs et distributeurs, les relations dans l'entreprise ou le suivi du secteur public... Et nous franchissons une première étape qui sera suivie d'autres, sur l'épargne salariale, la modernisation sociale, les marchés publics, la nature et les pouvoirs des autorités de régulation à la française. L'_uvre de construction d'un nouvel ordre économique et social se poursuivra.

D'ores et déjà nous allons voter un texte en accord avec notre société. Au cours de ce débat, j'ai eu le sentiment qu'on le comprenait sur bien des bancs, y compris de l'opposition, dont certains membres ne semblaient pas comprendre pourquoi leurs responsables -mot sans doute mal choisi dans ce cas- leur demandaient de voter contre... Car enfin, qui ne voit le besoin qu'a notre société d'une telle loi ? Qui a entendu, dans les entreprises, que peuvent briser des OPA, les salariés protester contre les nouveaux droits d'information que nous leur donnons ? Qui conteste le renforcement des dispositifs anti-blanchiment ? Qui ne souhaite donner aux autorités financières et boursières les moyens d'éviter le bradage de nos entreprises et de leurs emplois ? Qui a entendu les petits producteurs rejeter les moyens que leur offre le projet de mieux se défendre face aux distributeurs ? Qui a entendu les victimes d'une interdiction d'émettre des chèques se plaindre qu'un amendement parlementaire en ait ramené la durée de dix ans à cinq ans ?

Oui, ce texte concret concerne la vie quotidienne de nos concitoyens, c'est un texte de réforme et aussi fondateur, qui combat les déséquilibres et sert l'équité. Voilà pourquoi, en félicitant à nouveau M. Besson ainsi que les rapporteurs pour avis, le groupe socialiste votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'annonce le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.

M. Philippe Auberger - Nouvelles régulations économiques ? Où est donc la nouveauté, quand il s'agit de revoir le droit boursier, le droit commercial, la répression du blanchiment, les relations entre producteurs et distributeurs ou le droit des sociétés ? Tous ces sujets ont été largement abordés dans le passé ; il s'agit seulement d'introduire des compléments, des ajustements, voire des complications.

Régulation ? Il s'agit, non de permettre un meilleur fonctionnement des marchés, mais d'accroître sur eux la pression réglementaire et de renforcer les contrôles... Qui croira que ces marchés fonctionneront de façon plus satisfaisante si l'on étend encore l'intervention de l'Etat ?

Comme ce projet est loin de l'ambition affichée à Strasbourg par le Premier ministre ! Il ne fait que superposer des thèmes divers, sans même en assurer la cohérence. N'avons-nous pas vu plusieurs ministres se succéder dans le désordre pour défendre tel ou tel bout de texte... Pour assurer un meilleur fonctionnement des marchés, il faudrait de la clarté et de la transparence, vous nous faites travailler dans la confusion et l'obscurité. On a pu parler de patchwork ou de pot-pourri.

Il existe certes un vrai besoin d'assurer sur les marchés plus de transparence, une concurrence plus saine, et de limiter les abus de position dominante. Mais de nombreuses instances de régulation existent déjà : le Conseil de la concurrence, la COB, le Conseil des marchés financiers, le CECEI, la Commission bancaire, la Commission de contrôle des assurances, le CSA, l'Autorité de régulation des télécommunications, le Conseil de l'électricité... N'est-il pas temps d'assurer un meilleur fonctionnement de ces organismes, en coordonnant mieux leurs champs d'action ? Ne faut-il pas aussi assurer une meilleure articulation avec les pouvoirs propres de la Commission européenne ? Bref, le projet est passé à côté d'un vrai besoin, qu'on rendu manifeste les OPA et OPE de l'année dernière.

Autre sujet important passé sous silence : par quelles mesures éviter la délocalisation des sièges sociaux de nos entreprises et de leurs cadres dirigeants, et l'accaparement par les fonds de pension anglo-saxons d'une large part du capital de nos entreprises ? Va-t-on assister au déménagement progressif de nos centres de décision et de nos emplois ? Mettre en _uvre des dispositifs d'épargne salariale serait une réponse, au moins partielle. Les modalités possibles d'une telle démarche sont déjà largement explorées, mais les projets concrets sont sans cesse différés. A en croire le Gouvernement, ce serait pour des raisons de concertation et de calendrier. La vérité est que sur ce sujet la majorité est, non seulement plurielle, mais franchement divisée, de sorte qu'il est urgent de gagner du temps. Or l'avenir de nos entreprises est en jeu. Au lieu d'un débat sur l'épargne salariale, nous en avons eu un sur les stock-options, qui a conduit, à la suite d'une forte pression médiatique, à une victoire à la Pyrrhus des tenants du durcissement fiscal : celui qu'ils ont obtenu n'est qu'apparent. Fallait-il mobiliser tant d'énergie sur un sujet qui ne concerne que quelques milliers de personnes ?

En vérité ce projet n'apporte guère de nouveau. Il introduit quelques raffinements dans notre législation, souvent au détriment de la clarté et de l'efficacité. Il impose la main trop visible de l'Etat là où des règles du jeu plus simples et plus claires seraient suffisantes. Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

A la majorité de 257 voix contre 251, sur 553 votants et 508 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 40 est reprise à 16 heures 55, sous la présidence de M. Houillon.

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - M. le ministre des relations avec le Parlement m'informe que la discussion en nouvelle lecture du projet de loi modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, qui était inscrite à l'ordre du jour du mercredi 3 mai, commencera le 4 mai au matin.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

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DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée nationale au sein de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des lois. La candidature devra être remise à la Présidence avant le mercredi 10 mai, à 18 heures.

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        SANTÉ DES ANIMAUX

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural.

M. le Président - Je suspendrai la séance à 18 heures pour la cérémonie de remise des médailles et diplômes aux Justes parmi les nations. Elle sera reprise à 19 heures et se poursuivra si nécessaire au-delà de 19 heures 30 pour permettre l'adoption de ce projet sans que nous ayons à siéger en séance du soir.

M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production - La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 traçait la voie à suivre pour les dix ou vingt ans à venir. Notre agriculture devait privilégier l'emploi, l'aménagement du territoire, l'entretien et la préservation des espaces. Elle devait aussi répondre aux attentes sur la qualité des produits.

Moins ambitieux mais particulièrement en phase avec les préoccupations de l'opinion de plus en plus soucieuse de sa sécurité alimentaire, le présent texte a pour objectif principal de mettre notre législation en harmonie avec plusieurs règles communautaires. Il doit ainsi permettre de renforcer le dispositif de contrôle existant en matière d'alimentation et de protection animales, d'identification des animaux, de suivi de leurs mouvements comme de surveillance de leurs maladies.

En France, depuis 1960, la problématique sanitaire animale a considérablement évolué. Au départ la lutte collective contre les maladies contagieuses a été entreprise grâce aux techniques traditionnelles telles que la vaccination, le dépistage systématique, la séquestration et l'abattage subventionné des animaux contaminés. Les éleveurs et leurs organisations, en partenariat avec les services de l'Etat et les services vétérinaires ont conduit une action vigoureuse, permanente et efficace. Ils ont réussi à améliorer l'état sanitaire des cheptels bovins français : le dernier cas de fièvre aphteuse date de 1980, la prévalence annuelle nationale de la tuberculose a été ramenée de 17 % en 1970 à 0,53 % en 1990, et 0,07 % en 1998. Menée selon les mêmes principes depuis 1982, la lutte contre la leucose bovine enzootique a permis la déclaration du territoire français indemne de cette affection en 1999.

Depuis quelques années, avec l'affaire de la vache folle et celle de la dioxine, l'opinion publique s'inquiète. Elle réclame des garanties qui dépassent les maladies réputées contagieuses.

Il s'agit donc d'un nouveau défi ; pour les agriculteurs, élever des animaux d'une manière saine et respectueuse des rythmes naturels ; pour les vétérinaires qui désormais, plus qu'un rôle de soin traditionnel, devront jouer un rôle de suivi du bien-être des cheptels et de surveillance ; pour l'Etat qui devra restaurer la confiance des consommateurs français et étrangers.

Aujourd'hui, non plus dans le but de renforcer la productivité de l'élevage ou d'éviter de lourdes pertes financières mais dans un souci de qualité et de sécurité, il faut donc mettre en _uvre la maîtrise générale des risques alimentaires et de santé publique liés à l'élevage. Il ne s'agit plus d'imposer des mesures de protections ponctuelles contre telles ou telles maladies mais de s'assurer de la sécurité sanitaire de chaque élevage grâce à un système organisé et transparent.

Ce projet comporte des mesures importantes, qui touchent tout particulièrement l'amont de la filière. Il élargit les pouvoirs de police administratives en matière de contrôle des denrées et des élevages, il précise les produits sur lesquels peuvent porter les contrôles des services vétérinaires ; il prévoit un système de laboratoires pour le diagnostic des maladies animales, qui transmettront à l'autorité administrative les informations collectées ; il prévoit la mise en _uvre d'un réseau de surveillance afin de poursuivre les contrôles exercés sur les élevages où les risques de maladies demeurent élevés ou d'assurer une simple surveillance ; l'identification et le contrôle des mouvements des animaux seront renforcés ; la technique du registre sanitaire sera étendue à tous les animaux d'élevage.

Les qualités sanitaires sont indispensables au regard de la santé de nos concitoyens. Ces mêmes qualités sont des atouts indéniables pour l'exportation de nos animaux et de nos denrées d'origine animale. A ce propos, je vous informe, Monsieur le ministre, que la race Montbéliard, à laquelle je suis attaché, vient d'obtenir l'agrément à l'exportation en Pologne (« Très bien ! » sur divers bancs).

Les dispositions proposées sont pleinement comprises par les filières concernées, des producteurs-éleveurs aux transformateurs. Tous ont compris les enjeux. Il faut tout mettre en _uvre pour parvenir à un état sanitaire sans faille et transparent afin de restaurer la confiance des consommateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Daniel Chevallier - Ce projet est nécessaire pour permettre l'adaptation de notre législation au droit communautaire.

Nous nous réjouissons que dans des domaines aussi sensibles que la transparence et la sécurité alimentaire, notre assemblée soit ainsi amenée à se prononcer, comme le recommandait la commission d'enquête sur la filière alimentaire en France dont je fus le rapporteur.

Les nouvelles mesures emportent notre adhésion, qu'elles portent sur l'adaptation des contrôle sanitaires des élevages et de leurs produits, sur les analyses et sur la transparence des résultats, sur une meilleure gestion de l'épidémio-surveillance, sur un renforcement du suivi des animaux par des marquages individuels pour une meilleure traçabilité, sur le respect de la réglementation relative au transport et à la commercialisation des animaux, ou sur l'extension du registre sanitaire à tous les animaux d'élevage.

Ceux qui jugent les contrôles trop tatillons oublient que l'assurance ne paraît chère qu'avant l'accident et que les contraintes sont rassurantes en temps de crise.

Si elle est perfectible, notre filière alimentaire n'en est pas moins de bonne qualité, les agents de l'Etat et les professionnels traquant efficacement les fraudes. Sans doute une meilleure coordination interministérielle rendrait-elle la communication plus efficace. C'est pourquoi la commission d'enquête a préconisé la création d'une direction générale de la sécurité alimentaire.

Mais, alors que la qualité progresse, l'inquiétude grandit chez les consommateurs en raison des incertitudes sur l'ESB et sur les OGM. Cela nuit à la sérénité que devraient apporter le renforcement des contrôles et des recherches d'agents pathogènes, ainsi que la montée en puissance de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments et de l'Institut de veille sanitaire.

Force est de constater que nous ignorons encore le sort réservé par l'Europe à l'embargo sur le b_uf britannique après l'irréprochable position adoptée par le gouvernement français : aux experts, l'évaluation des risques, aux politiques leur gestion. Ne faudrait-il pas préciser les missions des experts ?

Dans le cadre de négociations mondiales sur la sécurité alimentaire, il serait indispensable de faire référence à nos pratiques, à nos habitudes alimentaires, à notre histoire, afin que chaque pays puisse garantir une plus grande sécurité à ses citoyens.

Cela m'amène aux OGM. En votant la fin du moratoire sur les cultures transgéniques et en exonérant les producteurs de toute responsabilité, les députés européens se sont assis avec insouciance sur le principe de précaution... Pour moi, ce principe combine un choix de prudence sur l'éventualité du risque et une évaluation préalable par une recherche scientifique rigoureuse et contradictoire. Le doute doit bénéficier aux consommateurs, pas aux industriels. Or, la preuve de l'innocuité des OGM est loin d'avoir été établie. Et si nos concitoyens acceptent les biotechnologies, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient ingurgiter des produits transgéniques dont les modifications profitent plus aux grandes firmes qu'à leur tube digestif... Il ne s'agit pas ici de faire obstacle au progrès, mais de bien mesurer les conséquences de la dissémination des OGM dans l'environnement et, surtout, de ne pas jouer à l'apprenti-sorcier. Un débat s'impose donc, qui pourrait avoir lieu, dans chaque département, lors d'assises de la sécurité alimentaire, qui nous seraient fort utiles au moment de nous prononcer sur les propositions du Livre blanc européen relatif à la filière alimentaire comme dans les négociations dans le cadre du codex alimentarius. Peut-être montreraient-elles la nécessité d'un code français de l'alimentation.

En attendant, il faut refuser toute décision intempestive et, faute de connaissances rigoureuses, les principes de prudence et de précaution doivent l'emporter. D'autant que d'autres voies existent, sur lesquelles vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre : l'agriculture raisonnée, la promotion de la qualité dans les contrats territoriaux d'exploitation, l'aide à la transformation sur place, la mise aux normes.

Pour en revenir au texte même, je lui apporte, bien sûr, mon soutien.

M. Félix Leyzour - Très bien !

M. André Angot - Ce projet vise à mettre en concordance avec les nouvelles directives européennes notre arsenal législatif, sur lequel s'appuient les contrôles officiels sur l'alimentation, la protection animale, l'identification des animaux, le suivi de leurs mouvements et la surveillance des maladies.

Ce texte renforce les mesure de contrôle des produits alimentaires destinés aux animaux d'élevage. Il donne plus de pouvoirs aux laboratoires et les oblige à informer l'administration si un grave problème de santé publique est observé. La France est un des pays où l'état sanitaire du cheptel est le meilleur. Les épizooties ancestrales de fièvre aphteuse, de brucellose, de tuberculose, de leucose ont pratiquement été éradiquées. Certes, d'autres maladies apparaissent ou sont actuellement diagnostiquées comme l'ESB même s'il est fort possible que cette maladie existe depuis longtemps sans avoir été diagnostiquée.

La France a beaucoup amélioré l'état sanitaire de son cheptel, grâce au partenariat entre les éleveurs, fédérés dans chaque département en groupements de défense sanitaire du bétail, les groupements techniques vétérinaires et les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire. Grâce à ce mandat accordé à des vétérinaires libéraux, l'Etat dispose, dans chaque élevage, d'agents assermentés qui travaillent pour son compte. Il est indispensable de maintenir cette coopération.

Ce projet de loi va constituer une nouvelle étape. Dans certains départements, des réseaux de surveillance vont prendre la place des prophylaxies systématiques ; dans d'autres, les prophylaxies par sérologie ou vaccination seront maintenues. Les groupements de défense sanitaire, les groupements techniques vétérinaires, les laboratoires et les vétérinaires sanitaires seront plus que jamais impliqués dans le dispositif, qui devrait permettre de mieux garantir la qualité sanitaire des produits. Je souhaite que cette nouvelle organisation donne entière satisfaction aux consommateurs, aux éleveurs et à tous les acteurs de la filière (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Félix Leyzour - La discussion de ce projet intervient après l'adoption de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, qui a déjà considérablement modifié le chapitre du code rural consacré au contrôle sanitaire des animaux et des viandes. Elle intervient aussi quelques semaines après la sortie du rapport de la commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire française, établi par notre collègue Daniel Chevallier.

Pour avoir eu l'honneur de présider cette commission, dont plusieurs membres sont présents aujourd'hui, je puis dire que le rapport et les comptes rendus qui lui son annexés montrent que la sécurité sanitaire des aliments n'a sans doute jamais été aussi bonne en France qu'aujourd'hui.

Néanmoins, entre les maillons de la longue chaîne qui va de l'amont à l'aval de la production, existent des risques de dysfonctionnement qui peuvent avoir de graves conséquences tant pour les consommateurs que pour les producteurs qui supportent les contrecoups des crises. Il faut donc rester très vigilant.

Parmi les thèmes d'étude de la commission figuraient les problèmes liés à l'existence de normes différentes en Europe et dans le monde. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut tendre à une harmonisation ; reste à savoir à quel niveau celle-ci va se faire : il faut combattre tout ce qui tirerait notre système de protection vers le bas et au contraire tirer le système européen vers le haut et agir au niveau mondial pour une plus grande sécurité sanitaire.

La Commission européenne vient de publier un « livre blanc » et envisage la création d'une « autorité », à l'instar de notre AFSSA. Il restera à bien établir l'articulation entre l'un et l'autre et à définir les responsabilités.

Au regard de la nécessité de garantir un haut degré de sécurité alimentaire, je me réjouis que la commission de la production ait adopté un amendement à l'article 4 précisant que les réseaux de surveillance resteraient sous l'autorité directe de l'Etat et qu'ils devraient mettre en _uvre une politique de prévention et de maîtrise globale des risques sanitaires.

Ce projet contient diverses mesures relatives à l'amont de la filière.

L'article premier étoffe les moyens d'action des pouvoirs publics pour assurer la sécurité des aliments dans des situations de plus en plus diverses. L'article 2 élargit les missions des agents de contrôle, qui pourront effectuer des contrôles sur les aliments pour animaux et les médicaments vétérinaires. L'article 3 traite de la désignation de laboratoires de santé animale, laboratoires agréés et laboratoires de référence. L'article 4 institue des réseaux de surveillance des grandes maladies animales, restant sous l'autorité directe de l'Etat ; les vétérinaires sous mandat sanitaire seront en quelque sorte la « tête chercheuse » du réseau d'alerte. L'article 5 porte sur les modalités d'identification de certains animaux et l'article 6 prévoit l'agrément des matériels et procédés d'identification. L'article 7, qui traite de l'extension des contrôles sur les animaux, supprime toute ambiguïté quant aux droits des fonctionnaires en permettant aux agents des douanes d'intervenir dans les lieux où se trouvent rassemblés des animaux. L'article 8 prévoit un dispositif d'agrément pour les négociants et l'article 9, qui concerne le registre sanitaire d'élevage, complète le dispositif concernant les animaux destinés à l'alimentation humaine par des éléments concernant l'ensemble des animaux d'élevage.

Le groupe communiste votera ce texte de transposition du droit communautaire, qui ne nous dispensera pas de veiller à ce que soit toujours appliquée la règle la plus protectrice (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Germain Gengenwin - Je commencerai par une remarque liminaire : s'il convient aujourd'hui de transposer des directives communautaires relatives au contrôle de l'alimentation animale et de renforcer la surveillance sanitaire, il ne faudrait pas laisser penser que les pouvoirs publics découvrent le problème de la sécurité alimentaire. Notre législation est, en la matière, l'une des plus avancées. De même, nos services vétérinaires assurent depuis longtemps un contrôle strict des abattoirs et surfaces de vente. Peut-être faudrait-il assurer une coordination des différents services administratifs de contrôle ; l'article 4 en propose une timide ébauche, par la mise en place de réseaux de surveillance des maladies animales.

Avant d'aborder ce projet, permettez-moi de rappeler la directive communautaire de 1993 relative à la vente en plein air. Ne signons pas la mort de nos marchés locaux de productions alimentaires par l'application de cette directive !

Car, si j'adhère pleinement au principe de précaution, je ne peux accepter qu'une application trop stricte desserve les intérêts économiques des plus petits, d'autant que cela ne suffit pas à construire une véritable politique de gestion des risques sanitaires.

Les directives communautaires que nous examinons aujourd'hui sont, quant à elles, de nature à apporter certaines améliorations.

Dans un contexte marqué par la sensibilité croissante des consommateurs aux risques alimentaires, et alors que la commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire vient de terminer son travail, ce projet de loi transpose dans notre droit interne des directives européennes renforçant les contrôles officiels dans le domaine de l'alimentation animale et la surveillance sanitaire des conditions d'élevage.

Ces quelques articles risquent cependant de paraître bien insuffisants au regard des nombreuses crises qui se sont succédé ces douze derniers mois.

L'Agence française de sécurité sanitaire, créée en 1998, vient par la voix du professeur Flandrois, président de la commission « Listeria » de cette agence, de dénoncer des incohérences dans la maîtrise du risque de listériose.

La principale incohérence réside dans le fait qu'on s'inquiète de la transformation des aliments et de leur distribution, mais pas suffisamment de ce qui se passe en amont, dans les élevages. Or, la listériose, qui frappe aussi les animaux, n'est pas une maladie soumise à déclaration obligatoire en France. Elle est donc difficilement traçable.

Ce projet de loi n'apporte pas de réponse satisfaisante à ce problème récurrent puisqu'il ne prévoit pas de moyens nouveaux d'analyse des produits soupçonnés d'être contaminés, ni de mesures concrètes de prévention des risques pour la santé humaine.

En revanche, je voudrais saluer les progrès fulgurants réalisés, dès les années 80, à l'instar des Etats-Unis, par les industries agroalimentaires françaises avec le concept « d'usines propres » pour lutter contre la listeria.

Pour cette maladie comme pour d'autres, la réduction du risque dépend du monde agricole et des éleveurs en particulier, qui, fédérés en groupements de défense sanitaire, accomplissent un travail considérable.

L'article 4 du projet met en place des réseaux de surveillance zoosanitaire placés sous l'autorité de l'Etat et donne de nouvelles missions aux organismes représentatifs des éleveurs en instituant une simple surveillance des élevages dans les départements où le taux de prévalence des maladies animales est devenu très faible. La quasi-éradication de maladies animales telles que la brucellose ou la tuberculose bovine permet cette avancée.

L'institution de réseaux de surveillance sanitaire animale, non seulement contribuera au maintien de la qualité sanitaire des productions animales françaises, mais permettra de réaliser une économie annuelle estimée pour l'élevage bovin à près de 100 millions de francs en cinq ans.

Pour l'Etat, ce sont environ 33 millions de F consacrés jusqu'ici à la lutte contre la brucellose et la tuberculose qui pourront être redéployés et nous aimerions, Monsieur le ministre, que vous nous indiquiez l'utilisation qui en sera faite.

Autre niveau de responsabilité, celui de la gestion du risque alimentaire, qui relève de l'autorité administrative. Devant les crises qui ont secoué la France en l'espace de quelques mois, la puissance publique a renforcé ses instruments de contrôle et d'évaluation.

Ainsi, en juin dernier, le Parlement a créé une instance d'expertise et d'évaluation des risques, l'AFSSA, qui dès la fin de l'année, avec compétence et indépendance, a incité les pouvoirs publics à refuser de lever l'embargo sur les importations bovines en provenance du Royaume-Uni.

La création d'un tel organisme public correspondait aux propositions de la mission parlementaire d'information sur l'ESB constituée en juillet 1996, dont le travail a posé les premier jalons d'une véritable politique de gestion nationale des risques alimentaires.

De même, la loi d'orientation agricole de juillet 1999, avec son volet relatif à la sécurité sanitaire des aliments, a fixé de nouveaux objectifs en terme de sécurité des produits issus de l'élevage et a permis la mutation qualitative de notre agriculture. Je voudrai ici saluer le rôle de vos prédécesseurs, dont les travaux ont largement inspiré cette loi d'orientation agricole.

Le vote récent de ces deux lois ne doit pas nous amener à relâcher l'effort, les dispositions que nous examinons aujourd'hui ne pouvant constituer qu'une étape vers une véritable politique de gestion nationale des risques alimentaires.

Ainsi, alors même que la sécurité sanitaire de la majorité des produits est de mieux en mieux garantie, on observe une suspicion croissante des consommateurs.

Chacun de nous a dorénavant conscience qu'un unique lot de produits contaminés peut être responsable d'une épidémie nationale en moins de vingt-quatre heures.

D'autre part, la concentration des acteurs à chaque stade de la chaîne alimentaire et la recherche de prix toujours plus bas favorise une recherche effrénée de la productivité, dont on ne mesure qu'aujourd'hui les incidences terribles sur le sécurité alimentaire.

Par ailleurs, plusieurs études scientifiques ont mis en évidence des phénomènes d'antibiorésistance liés au recours aux antibiotiques comme facteur de croissance des animaux et ont proposé des mesures restrictives quant à leur utilisation.

Malheureusement, ces recommandations ne figurent pas dans les directives communautaires. Envisagez-vous d'y donner suite ?

Deux remarques, pour finir.

Je regrette l'absence de mesures réellement adaptées aux nouveaux défis de la qualité sanitaire des produits d'origine animale.

D'autre part, je m'étonne que nous transposions aujourd'hui certaines dispositions qui, à en croire le récent livre blanc de la Commission Prodi, devraient être prochainement amendées par Bruxelles. Devons-nous donc en déduire, Monsieur le ministre, que le texte, qui nous mobilise, est déjà dépassé ?

Malgré ces réserves, nous voterons ce texte, car il constitue un progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Claude Gatignol - Ce débat est plus important qu'on ne le pense. En effet, s'il s'agit techniquement du transfert d'une directive européenne en droit français, le sujet est bien particulier, car il concerne la santé des animaux et la qualité sanitaire des produits d'origine animale.

Une succession de crises alimentaires a agité ces derniers temps l'opinion publique, mettant en cause à la fois les exploitations agricoles, l'industrie alimentaire, le commerce intracommunautaire et les services de contrôle.

Après la viande aux hormones, il y a eu la crise de la « vache folle » qui a appris à beaucoup que des ruminants étaient nourris avec des farines animales préparées à partir de cadavres d'animaux malades. Il n'y a pas de réponse claire, en l'état actuel des connaissances médicales, sur les causes de cette mystérieuse maladie et ses modes de transmission entre animaux, voire à l'homme. Vos récentes déclarations à ce sujet, Monsieur le ministre, sont loin d'être rassurantes. Peut-être pourrez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui ?

Autre fléau, la peste porcine est réapparue dans certains Etats de l'Union européenne. Elle avait obligé, il y a quelques années, à l'abattage du cheptel néerlandais. Les éleveurs et les contrôles sanitaires doivent rester très vigilants à ce sujet.

L'été dernier, il y a eu le poulet à la dioxine, en Belgique. Or il s'est avéré que les contrôles sur la qualité des produits alimentaires donnés aux volailles avaient été gravement négligés.

Depuis le début de l'année, les médias font état de cas de listériose dus, certes, le plus souvent, à des interruptions dans la chaîne du froid. Mais il faut rester très vigilants, car nous ne pourrons conserver notre tradition des fromages au lait cru, attaquée par de nombreux autres Etats, que si nous parvenons à prouver qu'ils ne comportent aucun risque alimentaire.

Enfin, depuis peu, les consommateurs ont découvert avec effarement que les boues d'épuration étaient utilisées non seulement comme engrais en épandage sur des terrains agricoles, ce qui est concevable, mais aussi pour l'alimentation des animaux destinés à la consommation humaine, ce qui est plus surprenant.

Face aux préoccupations légitimes des consommateurs, l'Union européenne a décidé de renforcer la surveillance des conditions d'élevage et d'alimentation des animaux. Tel est l'objet de ce projet de loi qui vise à harmoniser et à renforcer les dispositions de police sanitaire.

Il tend à étoffer les moyens d'action des vétérinaires inspecteurs et à proposer des actions proportionnées au risque encouru. Les mesures envisagées vont du recensement et du marquage des animaux de l'exploitation à leur séquestration, voire à leur abattage et à leur destruction ainsi que celle de leurs produits. Elles comportent également des programmes d'assainissement et la mise sous surveillance de l'exploitation.

Le contrôle des médicaments, des aliments pour animaux et des produits administrés aux animaux est également renforcé, toutes mesures allant dans le bon sens !

Les analyses réalisées lors des contrôles seront effectuées par des laboratoires agréés, encadrés par des laboratoires de référence, tous étant tenus de communiquer les résultats à l'autorité administrative. La collecte de ces informations épidémiologiques confortera la position sanitaire de la France dans les échanges de produits et d'animaux. Je tiens ici à souligner le rôle important des laboratoires d'analyses départementaux dont certains sont classés parmi les premiers pour les accréditations nationales et internationales. C'est le cas de celui de la Manche (« Très bien ! » sur divers bancs).

Les implantations sous-cutanées de matériels d'identification des animaux, notamment les micropuces électroniques, ne pourront désormais être effectuées que par des vétérinaires, c'est une avancée certaine.

L'identification et la traçabilité des animaux seront renforcées par l'institution d'un agrément des matériels et des procédés ainsi que de leurs fabricants. Cet agrément permet en outre de garantir le nouveau support d'identification, en cours d'expérimentation, lequel sera fort utile pour le suivi sanitaire des animaux, la gestion des primes animales et le suivi génétique. Dans quel délai, Monsieur le ministre, ce moyen d'identification sera-t-il applicable sur l'ensemble du territoire ?

Ce texte met aussi le droit français en conformité avec la réglementation européenne qui prévoit que les négociants, les centres de rassemblement et les marchés seraient enregistrés ou agréés pour la détention, la mise en circulation et la commercialisation des animaux. Cette disposition permet de maîtriser les risques sanitaires possibles en cas d'anomalies de fonctionnement de ces structures et de mélange d'animaux de statut sanitaire différent.

J'en viens à l'institution d'un réseau de surveillance, prévue à l'article 4. La prophylaxie traditionnelle de la tuberculose, la brucellose et la leucose bovines s'est appuyée sur un maillage de vétérinaires, en contact direct et régulier avec les troupeaux. En établissant une liaison permanente entre les groupements de défense sanitaire et les groupements techniques vétérinaires, la méthode a abouti à un succès exemplaire. Mais la quasi-éradictation de ces maladies amènera à court terme à supprimer ces contrôles systématiques dans certains départements.

Or le réseau de surveillance tel que prévu dans votre projet ne paraît pas correspondre à ce qui est prévu par les textes européens, ni même par le texte du projet de loi revu par le Conseil d'Etat.

L'article 14 de la directive dispose que le réseau de surveillance se compose des propriétaires de troupeaux identifiés, de vétérinaires agréés, des services vétérinaires de l'Etat, de laboratoires reconnus et d'une base de données informatisée.

L'objectif est bien la qualification officielle des exploitations, la collecte de données épidémiologiques et la surveillance des maladies. Pouvez-vous nous confirmer cet objectif ainsi que les moyens à mettre en _uvre et les missions de chaque intervenant ? Cet objectif est indispensable pour ne pas pénaliser nos éleveurs alors que dans le commerce international la qualité sanitaire a remplacé les plus fortes barrières douanières.

Il importe donc de réussir parfaitement l'authentification de ce réseau de surveillance. Nous avons la chance en France d'en avoir l'architecture avant même la transposition de la directive.

L'excellence de nos scientifiques, de nos enseignants et de nos chercheurs, la perspicacité et le diagnostic des vétérinaires ont évité dans notre pays la catastrophe promise à la filière viande. Vous-même, Monsieur le ministre, ainsi que vos prédécesseurs, avez reconnu le rôle irremplaçable du lien entre le terrain, l'expertise et la recherche.

Reste à utiliser au mieux ce réseau et à donner à vos services les moyens de créer des bases de données. C'est l'autre condition indispensable pour surveiller les épizooties et assure la traçabilité.

Le sérieux de cette démarche « qualité » permettra aux consommateurs d'avoir pleine confiance dans les éleveurs et la qualité de leurs productions. Si la police sanitaire vise à surveiller des maladies bien précises comme la tuberculose, la brucellose, ou la leucose, il faut aussi se préoccuper des autres zoonoses et anthropozoonoses, ainsi que de la présence de composés chimiques dans la chaîne alimentaire, parfois plus inquiétante que celle d'une simple bactérie. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous confirmer qu'il en sera bien ainsi ?

Les travaux de la commission d'enquête sur la sécurité alimentaire sont intéressants à ce sujet. L'énorme rapport de 1 100 pages en témoigne, même si l'on n'en partage pas toutes les conclusions. Le premier rapport de l'AFSSA, rendu public le 27 avril, intitulé « Actualisation du risque sanitaire », est lui aussi éloquent.

En tant que législateurs, nous devons favoriser la maîtrise du risque, d'une part en agissant sur les facteurs d'épidémie, d'autre part en permettant la détection précoce et l'identification précise des désordres sanitaires.

Le principe de précaution, fort utile, ne répond toutefois qu'à l'urgence. Il est de loin préférable de renforcer la prévention, tout en évitant l'écueil de la sur-réglementation qui paralyserait nos productions.

Le texte proposé, sous réserve de précisions apportées par amendements, y contribue. Il recevra alors l'accord du groupe Démocratie libérale.

Mme Monique Denise - Ce projet de loi nous permettra, en transposant des textes communautaires, de compléter notre arsenal législatif relatif à l'alimentation animale et au contrôle des élevages.

Les conclusions de la commission d'enquête sur la transparence et la sécurité alimentaires en France, commission dont j'ai assumé la vice-présidence, montrent que la France est très en avance dans le domaine de la santé animale.

Les dispositions qui nous sont proposées permettront de renforcer la surveillance et de mieux garantir encore la qualité sanitaire des produits d'élevage.

Je n'évoquerai que l'article premier, et surtout ses conséquences immédiates pour les éleveurs.

Il dispose en effet que, si des denrées issues d'un élevage peuvent présenter un danger pour la sécurité publique, elles seront soumises à un contrôle sanitaire, à un traitement ou détruites. La sécurité des consommateurs est ainsi garantie. Mais qu'en est-il des conséquences financières pour les producteurs soumis aux mesures de police administrative ordonnées en application de l'article 253-2 du code rural ? Il n'est pas prévu a priori qu'ils soient indemnisés, sauf peut-être pour la salmonellose. En tout cas, rien n'est prévu pour les contaminations physico-chimiques par exemple par des dioxines.

Les conséquences de la crise de la dioxine de juin 1999 sont pourtant dramatiques pour les éleveurs de poulets et les producteurs d'_ufs. Dans l'Aisne, la Somme et surtout le Nord et le Pas-de-Calais, 106 éleveurs ont été touchés alors que seuls cinq élevages, soit 3,16 %, ont été réellement contaminés par la dioxine. La mise sous séquestre, la fermeture de la frontière belge interdisant l'entrée des aliments et la sortie des animaux, le blocage des abattoirs belges leur ont causé un préjudice financier considérable. Certains producteurs d'_ufs sont au bord du dépôt de bilan, et parfois il est déjà trop tard.

Quelques mesures d'aide directe ont été prises grâce au Fonds d'aide aux agriculteurs en difficulté. Mais elles sont dérisoires en comparaison des pertes subies, et surtout des aides reçues par les éleveurs belges de leur gouvernement.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Chacun comprend que la généralisation du principe d'indemnisation serait impossible à assumer financièrement. Mais une enveloppe exceptionnelle d'intervention destinée à réparer le préjudice causé par l'application par les pouvoirs publics français d'une décision de la Commission européenne serait nécessaire.

Il faudrait prévenir ce genre de risques en créant un fonds de garantie ou un fonds de solidarité, alimenté par l'ensemble des acteurs. Je sais, Monsieur le ministre, que vous faites actuellement étudier cette proposition. Je souhaite vivement qu'elle puisse aboutir et que dans l'immédiat, les éleveurs puissent obtenir réparation du préjudice qu'ils ont subi.

M. Marcel Dehoux - Mon intervention portera sur les troupeaux abandonnés.

Après avoir évoqué ce problème avec votre administration, avec d'autres élus qui y sont également confrontés dans leur circonscription, je souhaite ouvrir le débat afin de trouver une solution.

En effet, nous sommes confrontés, depuis plus d'un an, à quelques cas douloureux et insupportables d'abandon de troupeaux. Cette maltraitance résulte plus souvent d'un manque de soins que de mauvais traitements délibérés.

C'est ainsi qu'en janvier 1999, dans le Nord, on a découvert une vingtaine de carcasses de bovins et de porcs disséminés dans une exploitation, et plus de 80 bêtes souffrant de froid et de faim ont dû être abattues compte tenu de leur état de santé. En avril 1999, la SPA découvre sept vaches mortes faute de soins et de nourriture. En avril 2000, un charnier de 50 bêtes est découvert, certaines étant mortes depuis plusieurs semaines. Malheureusement, cette liste n'est pas exhaustive.

Les éleveurs concernés peuvent être des marginaux, des personnes confrontées à des difficultés financières n'ayant pas les capacités techniques ou intellectuelles suffisantes.

Les principaux signes de la maltraitance sont, du plus bénin au plus grave, la divagation, l'absence d'identification des animaux ou l'exécution des prophylaxies collectives, le mauvais entretien des bâtiments, le maintien des animaux en état de misère physiologique, ou encore la présence de cadavres.

Pour mettre fin à de tels errements, on pourrait penser qu'il existe une réponse judiciaire. Or les élus, comme la population, ont constaté avec surprise l'absence de solution.

L'état d'abandon d'un troupeau rachitique ou affamé ne semble pas entrer dans le cadre légal. Ainsi un des prévenus a été remis en liberté dès le jugement, puis la Cour d'appel de Douai l'a autorisé à reprendre son activité. Lors d'une réunion à la sous-préfecture d'Avesnes-Helpe dans le Nord, les services de l'Etat et les services vétérinaires n'ont pu que constater le vide juridique.

Il existe certes des articles du code rural ou du code pénal visant les animaux en divagation, présentant un danger ou faisant l'objet de mauvais traitements. Mais d'importantes difficultés s'opposent à leur application. Par exemple, il faut réquisitionner un agriculteur voisin pour faire exécuter le séquestre, ne pas permettre à l'agriculteur défaillant de poursuivre son activité avec une partie du troupeau.

Les services vétérinaires ont envisagé plusieurs solutions, notamment la création d'une fourrière pour gros animaux en attendant leur placement définitif. Mais leur mise en fourrière pose problème : dans certains cas, l'article 211 du code rural est applicable, mais souvent le pouvoir judiciaire ne sait quel texte appliquer pour retirer rapidement la garde des animaux aux propriétaires défectueux.

Nous avons tenté, dans le département du Nord, d'établir des modalités de conduite à tenir, mais il est apparu qu'elles devaient être précisées par voie réglementaire et législative.

Je souhaiterais donc, Monsieur le ministre, que vous acceptiez d'ouvrir ce dossier avec vos services et que, soit au Sénat, soit en deuxième lecture dans cette assemblée, nous puissions préciser les modalités d'éradication de ce problème (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 18 heures est reprise à 19 heures.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je me réjouis que nous puissions ainsi dialoguer sur un sujet auquel nos concitoyens portent de plus en plus d'attention, la sécurité alimentaire. Le rapport de la commission d'enquête parlementaire dont M. Leyzour fut président et M. Chevallier rapporteur, sans clore le débat, révèle un bilan dont nous n'avons pas à rougir et soulève des questions pertinentes. Le débat d'aujourd'hui en est en quelque sorte un prolongement naturel et ce travail va s'inscrire dans la durée.

Ce projet ne prend pas place dans un désert législatif. Nous avons discuté de sécurité alimentaire dans le cadre de la loi d'orientation agricole, et tout un corpus existe déjà. Il n'a pas vocation à régler tous les problèmes qui subsistent.

En premier lieu, il nous faut bien séparer l'évaluation, qui relève des scientifiques, des techniciens, des experts et la gestion du risque qu'exerce le Gouvernement sous le contrôle du Parlement. Pour autant, le dialogue entre scientifiques et politiques doit être permanent. D'ailleurs, l'évaluation ne cesse d'évoluer. Si parfois des connaissances établies permettent d'éradiquer une maladie, ce n'est pas le cas pour l'ESB. Même dans le cas d'une maladie bien connue comme la listeriose, l'AFSSA fait des recommandations nouvelles dont nous devons tenir compte. Pour l'ESB en tout cas, l'actualisation du risque est permanente. Après avoir, suivant l'avis de l'AFSSA, maintenu l'embargo sur le b_uf britannique, j'ai, avec Mme Lebranchu et Mme Gillot, demandé à l'agence, à partir de ce qu'elle savait de l'évolution de l'épidémie en Grande-Bretagne, d'évaluer les changements pertinents dans notre dispositif. Par exemple, sur sa recommandation nous avons immédiatement supprimé le « jonchage » dans les abattoirs. De même nous étudions l'interdiction d'utiliser les boyaux en charcuterie. Il faut en effet prendre des garanties pour qu'on n'importe pas ces boyaux de pays plus atteints que nous par l'ESB. Enfin, nous lançons dans les semaines à venir un programme de tests qui respectent scrupuleusement le protocole de l'AFSSA. Comme je l'ai dit, le dialogue avec l'agence est permanent.

Ce projet est une simple transposition en droit interne de dispositions communautaires. Mais grâce à cela, nous allons pouvoir renforcer notre dispositif et le rendre plus rigoureux.

M. Gengenwin souligne le problème qui se pose aux marchés locaux. Gardons-nous ici d'une contradiction. On ne peut à la fois charger le Gouvernement d'assurer la sécurité alimentaire puis lui reprocher les règles, forcément contraignantes, qu'il prend à cet effet, par exemple pour éviter les ruptures dans la chaîne du froid. On peut bien sûr discuter des moyens qui sont mis à la disposition des élus pour appliquer la réglementation. Mais la responsabilité première du Gouvernement est bien d'assurer la sécurité.

Comme l'a dit Mme Denise, les préjudices subis par les éleveurs à cause de la dioxine sont importants. J'ai mis des crédits prévus pour les agriculteurs en difficulté et des crédits du fonds d'allégement des charges à la disposition des départements les plus touchés, en demandant qu'on traite d'abord les dossiers des exploitants les plus fragilisés. S'il le faut, je suis prêt à ce qu'on procède à une étude cas par cas. Enfin, un haut fonctionnaire et des parlementaires étudient la possibilité d'une assurance-revenu. Nous reviendrons dans les mois à venir sur un dispositif permettant de surmonter de tels accidents.

Monsieur Dehoux, nous avons les moyens juridiques de faire face à l'abandon des troupeaux, qui concerne surtout des cas particuliers d'agriculteurs en grande détresse, mais nous n'avons pas toujours les moyens financiers.

Un mot enfin, à M. Gatignol, pour revenir sur l'ESB et sur mes déclarations « peu rassurantes » à propos d'une éventuelle troisième voie. Tout d'abord, malgré ce que le miroir grossissant des médias a pu laisser croire, je n'ai pas livré le moindre scoop, me contentant de reprendre publiquement ce que les scientifiques disent depuis deux ou trois ans et ce qu'a dit le Gouvernement lui-même dans un communiqué au moment où il a décidé de ne pas lever l'embargo. Ensuite, j'ai dit simplement que, si par volonté de frauder, par inadvertance ou par légèreté, des bovins ont été nourris avec des farines destinées aux porcins et à la volaille entre 1990 et 1996, à partir de cette date plus aucun produit susceptible de propager l'ESB n'a figuré dans les farines et que, l'incubation étant de cinq ans, l'hypothèse la plus probable était une décrue et une disparition de la maladie à partir de 2001. J'ai dit aussi qu'en dehors de la deuxième voie de contamination de la vache au veau -notons à ce propos que, contrairement à ce qu'a dit un président de groupe de l'opposition, ce ne seront pas 10 % de veaux qui sont contaminés mais 10 % des vaches malades qui transmettent la maladie au veau-, les scientifiques n'excluaient pas l'existence d'une troisième voie qu'ils ne connaissent pas, dont ils n'ont aucune preuve qu'elle existe, mais dont ils ne peuvent prouver qu'elle n'existe pas.

Sur un sujet aussi dramatique, nous avons une exigence de transparence et de pédagogie citoyennes. Tel était le sens de mon intervention, que j'assume totalement. Nous allons vivre encore au moins deux ans avec cette maladie dont nous espérons tous qu'elle décroîtra et cessera.

Je veux enfin tous vous remercier pour votre participation à ce débat qui s'inscrit dans le dialogue permanent entre le Gouvernement et l'Assemblée sur ces sujets difficiles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Catala remplace M. Houillon au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Mme la Présidente - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9 du Règlement, les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

L'article premier et l'article 2, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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APRÈS L'ART. 2

M. Claude Gatignol - Je propose par l'amendement 16 de préciser que ne peuvent être administrés de médicaments vétérinaires ou des additifs qui ne bénéficieraient pas d'une autorisation au titre du code de la santé ou de la réglementation relative à l'alimentation animale. Des dérogations seraient toutefois possibles pour les animaux de rente, dont la chair n'est pas destinée à l'alimentation humaine.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas été saisie de cet amendement. A titre personnel, je propose de l'adopter car il correspond à une pratique courante.

M. le Ministre - Je suis favorable à cet amendement qui va dans le bon sens.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 3 précise que les réseaux de surveillance des risques sanitaires restent sous l'autorité du ministre de l'agriculture.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 permet, dans le cadre des réseaux, de confier des missions à des vétérinaires investis d'un mandat sanitaire.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

M. François Guillaume - Par l'amendement 2, je propose de supprimer cet article qui donne aux vétérinaires l'exclusivité l'identification des animaux par implantation d'une puce sous la peau.

Alors que la responsabilité de l'identification, qui incomba un temps aux vétérinaires, fut ensuite confiée aux groupements de défense sanitaire, aux comités techniques vétérinaires aussi bien qu'aux éleveurs, on a ensuite institué l'obligation de la pratiquer sous 48 heures après la naissance, sans créer de réseau de techniciens compétents. En 1998, un décret a donc précisé que l'éleveur y procéderait lui-même, par la pose d'une boucle d'oreille, et qu'il ferait une déclaration sous huitaine. Le dispositif fonctionne ainsi dans des conditions financièrement acceptables et techniquement éprouvées.

Si, par le biais de la puce sous la peau, on revient à un système d'agents assermentés coûteux pour les éleveurs, le problème des 48 heures va en outre à nouveau se poser et l'on pourrait être contraint d'ouvrir un délai supplémentaire, propice à la fraude.

Si je suis d'accord pour que cette technique soit employée pour les animaux de rente, je m'oppose tout à fait à son usage pour les 21 millions de bovins français.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement car l'identification par puce ne concerne que les chevaux et les carnivores familiers.

M. François Guillaume - Pour l'instant...

M. le Ministre - J'encourage M. Guillaume à retirer son amendement car ses craintes ne sont pas justifiées : ce dispositif, j'en prends l'engagement, ne sera pas étendu aux bovins, qui sont parfaitement identifiés par les bouchers ; il ne concerne que les espèces de rente.

L'amendement 2 est retiré.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

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ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est rédactionnel.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 6

M. Claude Gatignol - Mon amendement 17 tend à tirer les conséquences de la création d'un troisième cycle d'études vétérinaires, en permettant aux élèves qui sont à ce niveau d'études d'exercer comme assistants et en supprimant donc le statut de remplaçant.

Par ailleurs, je propose que l'assistanat soit accessible à tout élève d'une école nationale vétérinaire quelle que soit sa nationalité.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

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ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est rédactionnel.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 9

M. le Rapporteur - Les amendements 7, 8 et 9 sont rédactionnels.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 8 et 9.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 9

M. Claude Gatignol - L'article 9 indique les intervenants qui auront accès aux registres d'élevage, en particulier les vétérinaires. Afin que certaines règles d'intervention soient respectées, je propose de préciser par mon amendement 18 que le code de déontologie -publié après avis du Conseil d'Etat- établit les principes à suivre pour de bonnes pratiques vétérinaires et fixe notamment les règles concernant la prescription de médicaments à usage vétérinaire.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais j'y suis favorable à titre personnel.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les articles 343 à 347 du code rural créent des fédérations départementales de défense contre les organismes nuisibles. Celles-ci sont regroupées au sein de fédérations régionales, lesquelles doivent être reconnues par l'autorité de tutelle : tel est l'objet de l'amendement 19.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - L'amendement 15 du Gouvernement complète le précédent, en précisant que les fédérations régionales agréées peuvent recevoir des subventions.

L'amendement 15, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 tend à confier aux agents chargés de la protection des végétaux le soin de contrôler les semences à l'importation lorsqu'elles ont fait l'objet d'un traitement antiparasitaire avec un produit phytopharmaceutique ou lorsqu'elles sont composées d'organismes génétiquement modifiés.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Je défends en même temps les amendements 12, 13 et 14.

Dans le cadre du contrôle du prélèvement supplémentaire institué par un règlement communautaire du 28 décembre 1992, des contrôles des transports de lait doivent être réalisés par les Etats membres, mais jusqu'à présent ces contrôles n'ont pu être mis en _uvre en France. A titre temporaire, les services de la répression des fraudes ont été chargés en 1999 de procéder aux vérifications prévues, mais il est nécessaire de faire intervenir d'autres corps de contrôle. L'amendement 12 tend à confier ce rôle aux corps de contrôle de l'office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers et de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole. Les manquements constatés feront l'objet d'une contravention de cinquième classe qui sera prévue par décret en Conseil d'Etat.

L'amendement 13 a pour objet de sanctionner les acheteurs de lait qui ne déclarent pas la totalité de leur collecte. L'amendement 14 prévoit que, dans ce cas, l'amende sera égale au produit de la quantité de lait omise dans la déclaration de collecte par le prix indicatif du lait.

M. le Rapporteur - La commission a adopté ces amendements à l'unanimité.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 13 et 14.

Mme la Présidente - Je ne suis saisie d'aucune demande d'explication de vote.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Prochaine séance demain mercredi 3 mai à 15 heures.

La séance est levée à 19 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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