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Session ordinaire de 1999-2000 - 85ème jour de séance, 201ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 16 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE 2

ÉVOLUTION DES INSTITUTIONS 2

QUINQUENNAT 3

GRÈVE DES CONVOYEURS DE FONDS 5

PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES
EXCEPTIONNELS EN SEINE-MARITIME 6

RÉTRIBUTION DES ÉLÈVES DES LYCÉES PROFESSIONNELS EN STAGE 7

CONSTRUCTION EUROPÉENNE 7

PERSONNELS HOSPITALIERS 8

CRÉDIT LYONNAIS 9

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UN CHEF D'ÉTAT ÉTRANGER 9


QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 10

SÉCURITÉ 10

SÉCURITÉ DES PAIEMENTS
PAR CARTES BANCAIRES 10


DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2001 11

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE

M. Alain Clary - Depuis 1974, la France souffre d'une absence totale de politique de l'enseignement artistique. Début mai, les personnels des écoles nationales d'art ont lancé une grève dont l'ampleur a surpris. Ils revendiquent la reconnaissance de l'enseignement artistique comme enseignement supérieur, un véritable statut d'écoles nationales d'art, l'harmonisation du statut et des rémunérations des enseignants, tenant compte de leurs activités de recherche et de création. Ils demandent que l'on résorbe les emplois précaires de vacataires et que l'on crée des emplois administratifs et de documentation.

Par quelles mesures allez-vous répondre à ces très justes exigences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle - Mme Tasca se trouve à Bruxelles ; mais ayant participé à la négociation, je peux vous donner quelques éléments de réponse. Effectivement la grève d'une ampleur inaccoutumée début mai traduit un malaise profond dans les écoles nationales d'art. J'ai reçu leurs représentants et après négociation sur ce sujet négligé depuis longtemps, la grève s'est terminée par la signature d'un protocole d'accord le 12 mai.

Il affirme trois principes essentiels : les écoles nationales d'art participent pleinement à l'enseignement supérieur, leurs enseignants sont des artistes et théoriciens, à traiter comme tels. Ces écoles participent aussi à la création par leur activité propre et par le rôle qu'elles jouent en art contemporain. Enfin, cette reconnaissance s'exprimera dans le cadre d'une politique prioritaire en faveur de l'enseignement artistique, à laquelle nous allons donner une nouvelle impulsion.

Nous avons établi un plan de développement des écoles nationales d'art. Une réforme du Centre national des arts plastiques -le CNAP- leur donnera un statut d'établissement public administratif. Nous réglerons avec le ministère de l'éducation nationale les problèmes d'équivalence et de passerelle entre ces établissements et leurs homologues européens. Nous prendrons également des mesures relatives à l'ensemble des personnels.

Le protocole concerne enfin la vie étudiante et le fonctionnement des écoles.

Un comité de suivi comprenant des représentants du ministère et des écoles se réunit dès cette semaine et un calendrier d'application est arrêté pour chacun des points que j'ai soulevés (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur certains bancs du groupe socialiste).

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ÉVOLUTION DES INSTITUTIONS

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, le problème des institutions est de nouveau posé publiquement à propos de la durée du mandat présidentiel.

Ces institutions sont en crise. Cela tient essentiellement à un défaut originel, le déséquilibre entre l'exécutif et le Parlement dont le rôle est réduit à l'excès. Son droit d'initiative est infime ; l'article 40 lui retire toute prérogative financière ; il est tout à l'honneur de votre Gouvernement de n'avoir jamais utilisé l'article 49-3, mais celui-ci figure bien, hélas, dans la Constitution. L'Assemblée modifie à peine plus d'un millième du budget de la nation. En outre, 80 % des normes sont désormais fixées par les instances européennes.

On ne peut réviser efficacement nos institutions en se bornant à réduire la durée du mandat présidentiel. 66 % des Français se déclarent pour un renforcement du rôle du Parlement. C'était aussi la proposition première en 1993 de la commission Vedel laquelle ne s'était pas déclaré favorable au quinquennat et à un couplage de l'élection présidentielle et des élections législatives qui accentuerait la présidentialisation au détriment du Parlement.

Qu'entendez-vous proposer pour que le Parlement puisse exercer pleinement son rôle de législateur, et de contrôleur du Gouvernement, être une tribune pour les grands débats nationaux, exercer son droit d'initiative et son pouvoir de décision ? Notre pays n'a-t-il pas besoin d'un grand débat sur une Constitution moderne, démocratique et favorisant la participation citoyenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - On ne peut, vous en conviendrez, traiter globalement des institutions dans le cadre d'une question au Gouvernement. Cela relève d'un large débat public et de la libre réflexion des formations politiques. Les grandes échéances démocratiques permettent de traiter ces questions fondamentales devant le peuple.

Je ne reviendrai donc que sur votre préoccupation centrale, les pouvoirs du Parlement, et le respect de ces pouvoirs.

Respecter le Parlement, c'est d'abord respecter la parole donnée. Nous lui avons présenté depuis trois ans et nous continuerons à lui présenter des textes reprenant les grandes orientations que nous avions proposées aux Français en 1997.

Respecter le Parlement, c'est respecter sa majorité. Le Gouvernement a toujours entretenu avec la majorité de cette Assemblée des rapports confiants. Je n'ai jamais utilisé l'article 49-3 comme instrument de discipline.

Respecter le Parlement, c'est donner à ses membres le temps de se consacrer pleinement à leur mandat. C'est dans cet esprit que nous avons proposé la loi sur le cumul des mandats qui a été votée par une majorité de cette Assemblée, même si elle a été amputée dans l'autre.

Respecter le Parlement, c'est tenir compte de l'évolution de la société. Aussi avons-nous proposé une révision de la Constitution afin de donner plus de place aux femmes dans la vie publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Respecter le Parlement, c'est enfin faire en sorte qu'il soit le lieu où l'on débatte des grandes questions d'actualité. A propos de l'Europe, de la crise du Kosovo, des intempéries, de la marée noire, chaque fois que vous l'avez souhaité, nous avons offert le débat qui était nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mais je crois, comme vous, qu'il y a encore un caractère incomplet et insatisfaisant dans la façon dont le Parlement peut exercer son contrôle sur le pouvoir exécutif. Dans le domaine budgétaire et fiscal, le ministre de l'économie et des finances, Laurent Fabius, ancien président de cette assemblée, examinera avec attention les propositions faites par la commission des finances et son président, Didier Migaud... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) Pardon, les propositions de son rapporteur général, Didier Migaud, élaborées avant qu'Henri Emmanuelli reprenne sa place à la présidence de la commission des finances ce dont, il le sait, je me suis réjoui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; nouvelles exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous sommes prêts dans d'autres domaines comme la politique étrangère ou la défense nationale, à examiner, dans le plein respect des prérogatives du Président de la République, comment ce contrôle du Parlement peut être amélioré.

Vous le voyez, nous pouvons agir dès maintenant et reprendre ce débat quand le moment sera venu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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QUINQUENNAT

M. Valéry Giscard d'Estaing - Monsieur le Premier ministre, ma question s'adresse à vous et porte sur la réforme du quinquennat (« Ah ! » sur de nombreux bancs). Vous avez pris connaissance de la proposition de loi constitutionnelle déposée par un certain nombre de collègues et par moi-même, qui vise à ramener de sept à cinq ans la durée du mandat présidentiel et à fixer la limite de deux mandats successifs.

Pourquoi maintenant ? Parce qu'il était difficile de le faire plus tôt (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), car on soulevait cette irritante question de savoir si le Président de la République devait se l'appliquer à lui-même (Mêmes mouvements).

M. le Président - Pourriez-vous écouter l'orateur avec l'attention que cela mérite ?

M. Valéry Giscard d'Estaing - D'autant que cette question était irritante moins pour nos collègues que pour le Président de la République... (Sourires)

Il n'était pas non plus souhaitable de le faire trop tard car il est évident que la règle du jeu doit être fixée avant l'ouverture de la pré-campagne présidentielle.

Pourquoi avoir choisi la voie parlementaire ? D'abord parce que c'était la seule ouverte, car l'autre voie prévue à l'article 89 de la Constitution repose sur une initiative du Président de la République, sur proposition du Premier ministre. Or le Président de la République avait exprimé publiquement son hostilité au quinquennat sous toutes ses formes (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) et, en période de cohabitation, il était difficile au Premier ministre de présenter une proposition contraire à la position prise par le Président de la République (Mêmes mouvements).

Voyez, Monsieur le Président, ce n'est pas moi qui rallonge ma question, ce sont les applaudissements (Mêmes mouvements).

M. le Président - Nous en tiendrons compte... (Sourires)

M. Valéry Giscard d'Estaing - Cette voie parlementaire est légitime aussi car il est vraisemblable que les deux chefs de l'exécutif seront candidats et car le Parlement dispose par conséquent de davantage de recul.

Enfin, on nous parle souvent -encore à l'instant même- de revaloriser le rôle du Parlement. Ici, il s'agit simplement de lui permettre de l'exercer car faire usage de cette disposition, qui figure dans notre Constitution, nous permettra d'apporter un démenti à ce que Robert Schuman appelait, déjà, la « puissance d'indécision du Parlement ».

Dans cette voie parlementaire, l'article 89 ne confère aucun rôle particulier au Gouvernement, mais la pratique parlementaire nous montre que l'adoption d'un texte peut être compliquée ou facilitée par son attitude. Nous vous demandons donc, Monsieur le Premier ministre, si vous êtes disposé à permettre à l'initiative parlementaire de révision de la Constitution de suivre son cours normal, c'est-à-dire d'être débattue dans cette enceinte et d'y faire l'objet d'un vote, avant que le peuple, qui détient la souveraineté nationale, soit appelé à dire le dernier mot (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - La réforme du quinquennat dort depuis 27 ans dans l'antichambre d'un Congrès que le Président Pompidou n'avait pas réuni.

Un député RPR - Giscard non plus...

M. le Premier ministre - Quand on les interroge sur le raccourcissement du mandat présidentiel, les Français répondent massivement qu'ils sont pour. Cela rejoint ma conviction, qui est aussi celle de ma formation politique et, semble-t-il, celle de la majorité. Depuis quelques semaines, des personnalités importantes, notamment de l'opposition, ont affirmé que cette réforme était souhaitable et qu'elle était devenue possible. Vous-même avez dans un article récent, précis et argumenté, comme d'habitude, proposé explicitement d'engager cette réforme sur la base d'une initiative de membres du Parlement en vertu de l'article 89 de la Constitution.

Vous m'interrogez sur mes intentions et je vais vous les dire. Sur le fond, ma position est claire : je suis favorable au quinquennat depuis longtemps (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Je l'ai proposé lors de la campagne présidentielle de 1995 parce qu'à mes yeux la vie démocratique a besoin pour respirer de mandats d'une longueur raisonnable...

M. Charles Ehrmann - Et le Sénat ?

M. le Premier ministre - Je rappelle aussi que, dès ma déclaration de politique générale en 1997, j'avais marqué que l'harmonisation des mandats électifs sur une base de cinq ans me semblait essentiel à la modernisation de la vie publique dans laquelle j'entendais engager le Gouvernement.

Toutefois, comme vous l'avez souligné, depuis que je suis devenu Premier ministre, je ne me suis pas exprimé d'une manière explicite sur le mandat présidentiel, parce que je ne voulais pas qu'une déclaration de ma part pût être interprétée, dans le contexte particulier de la cohabitation, alors que le Président de la République en exercice s'était déclaré expressément et de manière réitérée contre le quinquennat.

Aujourd'hui, on me dit que la situation a changé et qu'un large accord peut être réalisé. Dès lors, je vous confirme que, naturellement, je suis favorable à la mise en _uvre de cette réforme qui ne saurait, évidemment, concerner le mandat actuel.

Sur la méthode, l'article 89 de la Constitution ouvre concurremment deux voies. Tout d'abord, celle d'une initiative de membres du Parlement, débouchant sur un référendum. C'est la voie que vous proposez et elle est parfaitement légitime. Si elle devait être empruntée, le Gouvernement, qui a une grande influence dans l'ordre du jour des assemblées, ferait ce qui dépend de lui pour faciliter cette démarche, afin qu'elle aboutisse rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe DL).

L'autre voie est celle d'une initiative du Président de la République, sur proposition du Premier ministre, débouchant soit sur une réunion du Congrès, soit sur une consultation du peuple par référendum. Si le Président de la République entendait prendre cette initiative, avec le même objectif d'un aboutissement effectif et rapide, alors, ainsi que je le lui ai indiqué, je serais naturellement prêt à lui faire la proposition nécessaire.

Quelle que soit la voie choisie, c'est pour moi l'objectif qui prime. Parce que l'on reparle aujourd'hui, de toutes parts, de la réforme du quinquennat, faisons-la enfin ! Et si l'on est résolu à la faire, pour que les règles du débat démocratique soient claires et sûres, faisons-la vite ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV, et sur quelques bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe DL).

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GRÈVE DES CONVOYEURS DE FONDS

M. Jean-Pierre Dufau - Les convoyeurs de fonds observent depuis plus d'une semaine un mouvement de grève pour réclamer de meilleures conditions de sécurité et de rémunération. Indéniablement, ils exercent un métier à risques, les agressions mortelles dont ils ont été victimes ces dernières années en témoignent. Améliorer leur sécurité est donc un impératif. Bien qu'ils relèvent du droit privé, leur profession revêt un caractère d'intérêt général, la pénurie actuelle de billets de banque le démontre.

Métier à risque et métier d'intérêt général : on le voit, leurs revendications sont fondées. Alors que les donneurs d'ordres -banques et entreprises de la grande distribution- font des bénéfices gigantesques, est-il admissible que les convoyeurs de fonds exposent leur vie pour 6 000 F par mois ?

Je sais que le Gouvernement suit avec attention les négociations en cours. Des progrès ont déjà été faits pour ce qui est de la sécurité, mais beaucoup reste à faire s'agissant du statut, de la carrière et du minimum conventionnel. Le groupe socialiste, qui souhaite vivement que les négociations aboutissent, aimerait connaître la position du Gouvernement à ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Vos préoccupations sont partagées par le Gouvernement, sa majorité et, je n'en doute pas, elles le sont sur d'autres bancs. Chacun a à l'esprit les tragédies qui se sont déroulées. Elles démontrent une nouvelle fois que le convoiement de fonds est un métier à haut risque qui sert, en effet, l'intérêt général.

S'agissant de la sécurité, M. Chevènement a, la semaine dernière déjà, annoncé diverses mesures ; un décret a été publié le 28 avril, et un projet de loi sera présenté au conseil des ministres. Mais, vous l'avez souligné, il y a davantage : la reconnaissance de ce métier à sa juste valeur, qui doit se traduire dans la convention collective, les salaires et les primes. Ces questions relèvent de négociations paritaires et il revient donc aux entreprises directement concernées de trouver, avec les salariés, les solutions qui s'imposent. Soyez assurés que le Gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour que ce conflit cesse et pour que les salariés reçoivent les marques de respect qui leur sont dues (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES EXCEPTIONNELS EN SEINE-MARITIME

M. Didier Marie - Ma question, à laquelle s'associent Mme Bredin et MM. Dhaille, Fuchs et Le Vern, s'adresse à Madame la ministre de l'aménagement du territoire. Le département de la Seine-Maritime a été frappé par de violents orages qui ont fait plusieurs victimes et causé des dégâts considérables. Je remercie les sauveteurs et le préfet pour l'efficacité dont il a fait preuve dans la mise en _uvre des moyens dégagés par le Gouvernement et je salue le mouvement de solidarité populaire qui s'est déclaré.

Il s'agit certes de phénomènes climatiques exceptionnels et difficilement prévisibles mais ils sont, en Seine-Maritime comme dans d'autres départements, aggravés par la main de l'homme. L'urbanisation des plateaux et la multiplication des surfaces de parking bitumées ont en effet pour conséquence, on le sait, de restreindre l'écoulement des eaux. Certaines pratiques agricoles consistant à imperméabiliser les sols aggravent encore les choses.

Comment le Gouvernement entend-il utiliser les dispositions de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable, de la loi d'orientation agricole et du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains pour améliorer cette situation ? Compte-t-il, en particulier, utiliser à cette fin les contrats territoriaux d'exploitation, dont bien peu ont été signés en Seine-Maritime ?

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Les précipitations orageuses enregistrées à Dieppe le 7 mai et à Barentin le 10 mai ne sont constatées que tous les cinquante ans en moyenne. Je tiens à redire l'émotion du Gouvernement et sa solidarité à l'égard des populations éprouvées et à confirmer que l'état de catastrophe naturelle sera reconnu dans les meilleurs délais.

Au-delà de ces phénomènes ponctuels, on assiste, vous l'avez rappelé, à l'accélération du ruissellement, à l'accumulation des limons et à la dégradation de la qualité des eaux. Plusieurs dispositifs existent qui permettent d'enrayer cette évolution : les POS, bien sûr, mais aussi les plans de prévention des risques. Les moyens destinés à en accélérer l'élaboration ont été doublés en deux ans ; encore la procédure doit-elle ne pas être inconsidérément ralentie par la longueur des négociations locales.

Vous avez d'autre part évoqué l'évolution des pratiques agricoles. Elle est particulièrement marquée en Haute-Normandie, où la proportion de terres arables utilisées comme prairies permanentes est passée de 47 % dans les années 1970 à 20 % en 1997, cependant que se multiplient les cultures qui favorisent le ruissellement. Des mesures ont pourtant été mises au point par l'INRA qui permettaient de cultiver autrement, mais elles n'ont pas été appliquées faute de financement. Un plan d'action sera défini dans les semaines à venir, en concertation avec le conseil du génie rural, dans le cadre du plan de prévention des risques naturels. Les CTE y trouveront toute leur place (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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RÉTRIBUTION DES ÉLÈVES DES LYCÉES PROFESSIONNELS EN STAGE

M. Joseph Rossignol - En alignant le temps de travail des professeurs de l'enseignement technique sur celui de leurs collègues de l'enseignement général, le ministère de l'éducation nationale a été à l'origine d'un important progrès social qui traduit la haute idée que le Gouvernement se fait de cet enseignement. Dans le même esprit, vous vous êtes déclaré favorable, Monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, à la rétribution des élèves en stage dans les entreprises. Quel dispositif envisagez-vous qui le permettrait, sans que les entreprises en souffrent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - Les entreprises peuvent déjà, quand elles le souhaitent, verser aux élèves stagiaires une gratification égale à 30 % du SMIC. Faut-il généraliser cette pratique ? Ce serait le moyen le plus efficace pour éviter « l'évaporation » des élèves au cours de leurs études, et cet engagement du Gouvernement répond à une demande pressante des syndicats de lycéens et des conseils de la jeunesse.

Encore doit-il bien s'agir d'une rétribution et non d'une rémunération, car les stagiaires doivent conserver leur statut d'élèves. Il faut, aussi, faire en sorte que le mécanisme mis au point soit neutre pour les entreprises, au risque, sinon de voir se tarir l'offre de stages. Un protocole sera donc négocié.

L'humanisme laïc qui m'anime tout comme l'intérêt bien compris du pays exigent qu'un tel dispositif soit élaboré, qui confortera le service public de l'enseignement professionnel. Nul, et surtout pas le Gouvernement, ne peut se satisfaire que les effectifs baissent alors qu'une pénurie de main-d'_uvre apparaît (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CONSTRUCTION EUROPÉENNE

Mme Marie-Hélène Aubert - Le ministre allemand des affaires étrangères a fait une proposition, approuvée par le Chancelier Schröder, visant à définir une Europe fédérale dotée, à terme, d'une Constitution. Voilà qui rompt heureusement avec la politique frileuse des petits pas suivie jusqu'à présent -y compris par la France- en matière de projet européen.

La déclaration de M. Fischer est d'une importance particulière parce qu'elle émane d'un ministre allemand et que l'on sait les relations du couple franco-allemand plutôt tièdes. Alors qu'une vague libérale menace les droits sociaux et l'évolution culturelle de l'Europe, l'édification européenne, vitale, ne peut se concevoir que si elle est réellement démocratique- si elle vise, donc, à un développement durable et partagé.

Comment le Gouvernement entend-il raviver l'indispensable coopération franco-allemande pour sortir la conférence intergouvernementale d'un enlisement trop prévisible, voire voulu pour certains, et lors de la présidence française franchir un pas décisif vers une Europe politique, et à terme, fédérale ?

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Les dirigeants européens, notamment français et allemands, sont de plus en plus soucieux d'apporter une réponse satisfaisante à la question du grand élargissement de l'Europe. Joschka Fischer rend d'ailleurs hommage dans son discours au travail effectué entre la France et l'Allemagne, lequel a, dit-il, contribué à sa propre réflexion.

M. Fischer, s'exprimant d'ailleurs à titre personnel, s'est résolument placé au-delà des perspectives de la CIG et a versé au débat quelques réflexions sur ce que pourrait devenir l'Europe au terme d'un processus en trois étapes. L'échéance se rapprochant, il est important que ce débat s'amplifie dans l'ensemble des pays européens, y compris le nôtre. Comment faire fonctionner l'Europe à 30 ? La question appelle une réponse urgente. Diverses propositions ont été formulées allant d'une approche purement pragmatique à une option fédérale.

Lors de sa présidence de l'Union, la France reprendra les travaux de la CIG là où ils en sont. Une CIG a déjà échoué par le passé, on le sait. La tâche est donc difficile et je tiens à rendre hommage ici au courage et à l'énergie dont a fait preuve la présidence portugaise. Exerçant la présidence, nous ne devons pas faire de propositions de nature à diviser les Européens, mais au contraire tenter de parvenir à un consensus le plus ambitieux possible. Il nous faudra donc tenir compte des positions de chacun et bien sûr commencer par la première étape, non par la dernière. Voilà comment nous comptons conduire le débat et aboutir, nous l'espérons, à un résultat positif.

Pour l'heure, tous les progrès passent par la mise en place de coopérations renforcées. C'est la première étape dont parle M. Fischer ; ce sera l'une des priorités de notre présidence. Si nous y parvenons, ce qui n'est pas encore acquis, nous pourrons ensuite, de coopérations concrètes et pragmatiques, aller, si les Etats concernés en décident de manière démocratique, vers des projets les plus ambitieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PERSONNELS HOSPITALIERS

M. Pascal Clément - Depuis quelques mois, les différentes catégories de personnels hospitaliers se sont successivement mis en grève : les urgentistes, les internes, maintenant les infirmières-anesthésistes et les externes. Vous avez réglé les problèmes en distribuant une manne budgétaire provenant de la croissance économique, vous contentant d'apposer quelques rustines là où les problèmes de la sécurité sociale appelleraient une réforme structurelle.

L'exemple des infirmières-anesthésistes est éclairant : les revendications salariales de ces personnels qui ont suivi une formation durant cinq ans, sont légitimes. Mais au motif que leur représentation syndicale demeure strictement professionnelle, vous méprisez leur situation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, vous le savez, la Cour de justice européenne vient de décider qu'un citoyen de l'Union pourrait consulter librement dans n'importe quel pays aux frais de son pays d'origine. Et nul doute que cette jurisprudence s'étendra prochainement aux hôpitaux. Comment comptez-vous, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, régler les problèmes structurels des personnels hospitaliers, d'autant que la mise en place de votre CMU mal pensée a provoqué des retards qui sont loin d'être résorbés ? Il est grand temps de réformer sérieusement la sécurité sociale dans la perspective du droit européen naissant (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Peut-être n'avez-vous pas eu l'occasion de lire l'accord signé le 14 mars dernier avec la très grande majorité des organisations syndicales hospitalières. Vous y auriez constaté que celles-ci approuvent la politique structurelle que nous menons à l'hôpital depuis bientôt trois ans et dont je rappelle ici le triple objectif : mieux répondre aux besoins des usagers à partir d'une analyse régionale de ces besoins, réduire les inégalités entre régions mais aussi à l'intérieur d'une même région, améliorer la qualité et la sécurité des soins. La responsabilité des organisations syndicales a été telle que nous avons traité dans cet accord d'abord de conditions de travail, d'emploi, de qualité des soins et non de statut. Nous avions convenu avec elles que les problèmes qui se posent encore pour certaines catégories de personnel, dont les infirmières-anesthésistes, seraient traités à partir de juin selon un calendrier fixé alors.

S'agissant des infirmières-anesthésistes, un décret relatif aux actes relevant de leur compétence sortira dans les prochains jours au terme de travaux que nous menons depuis un an. Pour ce qui est des statuts, les organisations syndicales, que j'ai revues la semaine dernière, m'ont fait savoir qu'elles souhaitaient l'ouverture de discussions à partir du 1er septembre pour les filières ouvrière, technique et administrative, puis à partir du 1er décembre pour la filière paramédicale à laquelle appartiennent les infirmières-anesthésistes.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Pour ce qui est de la décision de la Cour de justice européenne, il est certain qu'elle incitera de nombreux citoyens de l'Union à venir se faire soigner dans notre pays, dont ils connaissent la qualité du système de soins.

S'agissant des comptes de la sécurité sociale, j'aurai l'occasion de présenter lundi prochain à la Commission des comptes des résultats en très nette amélioration par rapport au déficit de quatre milliards prévu en 1999. Ces efforts sont le fruit des réformes structurelles que nous avons conduites depuis trois ans et des efforts des personnels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

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CRÉDIT LYONNAIS

M. Jean-Luc Warsmann - M. Jean-Claude Trichet est aujourd'hui vivement soupçonné d'avoir, en sa qualité de directeur du Trésor, participé en 1992 au maquillage des comptes de Crédit lyonnais afin de masquer les pertes considérables de la banque. Il vient d'ailleurs d'être mis en examen pour diffusion de fausses informations et publication de comptes sociaux inexacts.

Son supérieur hiérarchique direct était bien entendu le ministre des finances de l'époque, c'est-à-dire M. Sapin. Je vous pose donc, Monsieur Sapin, deux questions simples. Etiez-vous informé de cette manipulation ? Aviez-vous donné des instructions afin de camoufler l'énormité des pertes de la banque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - C'est la troisième fois que l'opposition interroge le Gouvernement sur cette question.

S'agissant de l'attitude de l'Etat en une affaire dont ont eu à connaître plusieurs gouvernements successifs et concernant l'une des plus grandes banques françaises, il nous a paru à la fois conforme à la tradition républicaine et légitime que vous réponde le ministre chargé aujourd'hui de ce secteur. Voilà notre conception de la continuité de l'Etat.

Mais comme je ne souhaite pas, Monsieur le député, que l'insistance de l'opposition tourne à l'obsession, je vous dirai ma conception de la responsabilité politique. En tant qu'individu comme aujourd'hui en tant que ministre, je suis toujours blessé d'entendre des hauts fonctionnaires attaqués nommément comme vous venez de le faire, alors qu'ils n'ont fait qu'agir conformément aux orientations des gouvernements successifs dans le cadre de leurs missions, à savoir la défense des intérêts de l'Etat et la recherche de l'intérêt général. J'ai commencé ma déclaration à la commission d'enquête par ces mêmes propos.

Cela étant, quelle a été mon attitude à l'époque ? J'ai souhaité que toute la lumière soit faite là où prévalait l'opacité. C'est à cet effet que j'ai moi-même nommé M. Beaufret et M. Trichet au conseil d'administration de la banque. J'ai moi-même placé en septembre 1992 le Crédit lyonnais sous contrôle afin que l'Etat et les contribuables ne courent aucun nouveau risque et j'ai moi-même demandé que ce contrôle soit renforcé en février 1993.

S'agissant des comptes, je sais pour la période où j'étais ministre, j'ai la conviction pour celle où je n'avais plus la charge de ce dossier, qu'aucun acte contraire à la probité ni à l'honneur n'a été commis et qu'aucun responsable politique ni administratif n'a eu quelque volonté de dissimulation que ce soit.

Les comptes de 1993 ont été arrêtés par l'assemblée générale début 1994 ; les comptes prévisionnels du premier semestre 1993 l'ont été par le conseil d'administration en septembre 1993 et les comptes 1992 par l'assemblée générale du 11 mai 1993. Vous savez donc maintenant à qui poser vos questions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UN CHEF D'ÉTAT ÉTRANGER

M. le Président - J'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans les tribunes de M. Aleksander Kwasniewski, Président de la République de Pologne.

Nous aurons le plaisir de le recevoir à l'hôtel de Lassay, à 16 heures 15 (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement).

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

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SÉCURITÉ

M. Robert Lamy - Je regrette que M. Sapin ait répondu à côté de la question (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre de l'intérieur, il s'est produit la semaine dernière un de ces incidents dont la répétition contredit vos discours lénifiants sur la baisse de la criminalité. Une jeune femme, fonctionnaire de la police de l'air et des frontières, a été agressée, enlevée et rouée de coups à cause de son uniforme !

L'impunité est telle que des malfaiteurs n'ont pas hésité à s'en prendre à un ancien ministre de l'intérieur : M. Marcellin, en effet, a été agressé à son domicile.

Vous répondez à nos questions par des numéros d'autosatisfaction, affirmant : « La police a fait son devoir, la justice poursuivra les coupables ». N'avez-vous rien d'autre à dire à cette jeune femme, à laquelle nous exprimons toute notre sympathie ? N'avez-vous rien d'autre à répondre aux forces de l'ordre et à nos concitoyens, las de ne vous voir réagir que lorsque le mal est fait ?

Il y a quelques semaines, vous avez déclaré que le Gouvernement devait « se montrer capable de rompre le cycle de la violence ». Chaque jour, les Français peuvent vérifier votre inefficacité.

Oserez-vous continuer à affirmer que tout est fait pour garantir leur sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le Gouvernement tient à faire part de sa sollicitude à nos policiers qui, au prix d'énormes sacrifices, assurent la tranquillité de leurs concitoyens.

Je ne suis nullement gêné de dire ici que, chaque année, 9 000 policiers sont blessés, dont 4 000 en service. Je rends hommage à leur courage, comme je l'ai déjà fait le 8 mai dernier en remettant une distinction à plusieurs d'entre eux.

Vous avez évoqué un fait regrettable : un de mes prédécesseurs a été lâchement agressé à son domicile. Je veux exprimer toute ma sympathie à M. Raymond Marcellin.

La délinquance est combattue avec énergie (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quand j'ai déclaré qu'il fallait rompre le cycle de la violence, c'est à la police de proximité que je faisais allusion. Déjà 368 contrats locaux de sécurité ont été signés. Mais ce succès n'enlève rien à la nécessité de combattre toutes les formes de délinquance. Je salue donc ces policiers qui, ces derniers jours, ont procédé à une trentaine d'interpellations qui ont permis d'élucider trois affaires de braquage (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

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SÉCURITÉ DES PAIEMENTS PAR CARTES BANCAIRES

M. Gérard Hamel - Avec le développement des nouvelles technologies et particulièrement d'Internet, nous sommes confrontés à une nouvelle forme de délinquance : l'utilisation frauduleuse des cartes bancaires. On enregistre actuellement 2 500 plaintes par semaine. A ce rythme, il y en aura plus de 130 000 cette année.

Sur les récépissés de paiement figurent le numéro de la carte et, parfois, le nom et le prénom de son propriétaire. Ainsi, des individus peu scrupuleux peuvent se servir de ce numéro pour passer des commandes.

Que comptez-vous faire, avec l'Association française des banques, pour trouver une solution et éviter que celui dont la carte a été utilisée frauduleusement se voie imposer par sa banque, lorsqu'il change de carte, une nouvelle facturation ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - A la demande du ministre de l'économie et des finances, nous avons réuni les représentants du GIE cartes bancaires, de l'Association française des banques, des consommateurs et des industriels et nous avons formé deux groupes de travail.

Sous l'autorité de Christian Pierret, la direction en charge des nouvelles technologies a procédé à une enquête confidentielle sur la façon dont les nouvelles possibilités de cryptage autorisées par le Gouvernement pourraient servir à sécuriser les paiements par carte bancaire.

La plupart des fraudes s'expliquent par un vol de numéro, comme vous l'avez indiqué. Nous avons donc demandé au GIE cartes bancaires, à l'Association française des banques, à la Banque de France et aux associations de consommateurs de mettre au point un nouveau protocole.

Les associations de consommateurs ont insisté, à juste titre, sur les litiges opposant les propriétaires des cartes détournées à leur banque. Vous savez que les banques négocient avec les assureurs.

Le GIE cartes bancaires est une personne de droit privé. C'est comme garant de la protection des consommateurs que le Gouvernement procède à la médiation dans la discussion en cours. Si ses résultats étaient insuffisants, il nous faudrait alerter nos partenaires européens et emprunter la voie réglementaire. Mais j'ai la conviction que nous trouverons des solutions pour protéger autant que possible les consommateurs et tout particulièrement ceux qui utilisent Internet.

Je vous remercie d'avoir posé cette question délicate (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous en avons fini avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10 est reprise à 17 heures 5 sous la présidence de M. Cochet

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

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DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2001

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement et le débat d'orientation budgétaire pour 2001.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je suis heureux que ce débat réunisse un public nombreux et choisi...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - Plus choisi que nombreux !

M. le Ministre - Nous abordons ainsi cette semaine budgétaire de printemps. Après le présent débat d'orientation, Mme Parly, secrétaire d'Etat à mes côtés, vous présentera dès demain le collectif budgétaire puis vous aurez à voter sur la loi de règlement du budget de 1998.

Traditionnellement, ce débat d'orientation ne se conclut pas par un vote, ce qui ne veut pas dire qu'il soit sans intérêt. Cette procédure, imaginée voici cinq ans, a été améliorée en 1997, date à partir de laquelle on a pu commencer à parler d'une véritable stratégie de finances publiques. Il s'agit, pour le Gouvernement, d'exposer ses grandes orientations pour préparer le débat budgétaire proprement dit, de vous écouter et de dialoguer avec vous. Je remercie d'emblée les membres de la commission qui travaillent avec beaucoup d'ardeur sur tous les sujets que nous allons aborder et je remercie les députés présents cet après-midi, malgré les sollicitations extérieures.

Tout au long de ce débat, j'aurai trois mots clefs à l'esprit : croissance, constance et transparence.

M. Christian Cabal - Et souffrance aussi !

M. le Ministre - Vous voulez parler de la vôtre.

Tout d'abord la croissance : nous avons la meilleure séquence économique que nous ayons connue depuis vingt-cinq ans. Le PIB ? Il a augmenté de 1,9 % en 1997, de 3,1 % en 1998, de 2,9 % en 1999, de 3,6 % en 2000 et nous prévoyons 3 % en 2001. A cet égard, la période 1998-2000 rompt avec la précédente. Ces résultats sont d'autant plus remarquables qu'ils s'accompagnent d'une inflation faible et les observateurs impartiaux confirment l'absence de risque inflationniste important prévisible.

L'évolution du pouvoir d'achat global n'est pas moins satisfaisante. Après un recul de 0,2 % en 1996, il a progressé de 1,6 % en 1997, de 2,5 % en 1998, de 2,6 % en 1999, de 2,7 % en 2000 et il devrait augmenter de 3 % en 2001.

Quant aux investissements des entreprises, qui déterminent nos futures capacités d'emplois, après avoir diminué de 0,8 % en 1996 et légèrement progressé de 0,4 % en 1997, ils ont connu une hausse de 7,9 % en 1998, de 7,6 % en 1999, de 7,2 % en 2000 et augmenteront encore de 5,7 % en 2001 selon les prévisions.

Pour ce qui est de l'excédent commercial, il était inférieur ou égal à 50 milliards par an avant 1997 ; depuis, il excède en général les 100 milliards.

L'emploi, enfin. La progression des emplois est de 18 000 en 1996 ; de 208 000 en 1997, de 280 000 en 1998, de 374 000 en 1999 et de 400 000 en 2000. Pour 2001, les prévisions des spécialistes divergent. Certains avancent le chiffre de 250 000 créations d'emplois, ce ralentissement s'expliquant par l'effet extrêmement fort qu'a eu la réduction du temps de travail dans un premier temps. D'autres, en revanche, estiment que les créations d'emplois seront aussi nombreuses qu'en 2000. Autrement dit, nous nous apprêtons à descendre en deçà du seuil psychologique des 2 millions de chômeurs, contre nettement plus de 3 millions au début de la législature.

Lorsque nous comparons cette situation à celle des pays voisins, nous constatons que, sur la période 1998-2001, c'est la France qui a connu la plus forte croissance avec 12,7 %, contre 8,4 % pour l'Italie, 8,9 % pour l'Allemagne et 9,3 % pour la Grande-Bretagne.

Tous ces chiffres permettent de dire que nous avons la meilleure séquence économique depuis vingt-cinq ans. Du reste, les Français ne s'y trompent pas car ils ont aussi le meilleur moral depuis un quart de siècle. Et quand on sait l'importance de la psychologie dans l'économie, on ne peut que s'en féliciter. En particulier pour les personnes en difficulté, encore trop nombreuses.

Disant cela, je ne porte en aucun cas je ne sais quel jugement autosatisfait qui n'a pas lieu d'être, mais il n'y a pas lieu non plus de pratiquer l'autoflagellation qui consiste en général à se flageller sur la poitrine d'autrui (Sourires).

Ainsi, en matière d'emploi, nous avons beaucoup progressé, mais deux grands problèmes subsistent. D'une part, une pénurie de main-d'_uvre très qualifiée commence à se faire sentir. D'autre part, les non qualifiés posent un sérieux problème et nous n'avons pas été vraiment excellents jusqu'ici pour donner une qualification à ceux qui n'en avaient pas. Alors qu'autour d'eux on parle tant d'amélioration, ils ressentent leur situation comme insupportable. Il faut aborder de front ces problèmes.

De même, la croissance ne servirait à rien si elle n'était utilisée en faveur de la solidarité envers des secteurs ou des professions déshérités. Par souci de cohésion sociale, il faut répondre à ces centaines de milliers de personnes qui, sur fond de croissance, disent : et nous ? Sur notre sol, chacun doit avoir des chances de réussir.

Avant d'aborder un certain nombre de problèmes de la modernisation et des finances publiques, je m'adresse donc à l'opposition. En cas d'échec, vous auriez trouvé que nous avions une large responsabilité. Par esprit de justice, reconnaissez que dans le succès nous en avons une toute petite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Vannson - Vous vous gargarisez.

M. Michel Bouvard - Cela reste raisonnable.

M. le Ministre - Merci.

L'explication tient en partie au contexte international, en partie à la nouvelle croissance. Nous vivons l'inverse de ce que nous avons connu avec le choc pétrolier. Alors, l'augmentation du prix de l'énergie entraînait une poussée inflationniste et pesait sur la croissance. Aujourd'hui, la révolution technologique diminue le prix de l'information, qui se diffuse largement, et favorise la croissance. Celle-ci, sauf événement imprévisible ou comportement stupide au niveau international sera durable.

Nos résultats sont pour partie liés à ce contexte international, pour partie aux choix du Gouvernement. Nul ne niera cette relation entre choix politiques et résultats économiques. Ainsi, la reprise amorcée en 1994 fut arrêtée dès l'été 1995 par une politique restrictive d'augmentation des impôts. Selon des spécialistes indépendants, cela s'est traduit en 1997 par une production inférieure de 240 milliards à ce qu'elle aurait pu être.

Certes la croissance ne se décrète pas. Mais cette équipe gouvernementale a fait les choix qu'il fallait, au départ et par la suite, avec l'augmentation de la consommation intérieure, les emplois jeunes, la hausse de certaines allocations, le basculement d'une partie de la cotisation maladie des salariés sur la CSG, la diminution des déficits publics qui permit celle des taux d'intérêt, le choix tout à fait déterminant de la qualification pour l'euro, et des prélèvements qui ont porté sur la trésorerie des entreprises et non sur les ménages.

Dans tous ces choix, nous n'avons fait aucune erreur importante, et la croissance devrait se prolonger.

Je souhaite maintenant souligner la constance de nos choix.

Elle se traduit d'abord dans la maîtrise des dépenses. Un chiffre résume ce choix du Gouvernement, confirmé par la lettre de cadrage du Premier ministre, que j'ai demandé de diffuser auprès des membres de la commission des finances.

Plusieurs députés - On ne l'a pas.

M. le Ministre - Ce sera fait. Ce chiffre, c'est une progression de budget de 0,3 % en volume soit, 1,2 % en valeur, à comparer avec le 0 % de l'an dernier. 0,3 %, c'est beaucoup diront certains qui nous accuseront de laxisme. 0,3 %, ce n'est pas grand chose, diront d'autres, pour faire face à nos engagements.

Je rappelle que le taux de 0 % était possible car la baisse des taux d'intérêt allégeait la charge de la dette.

M. Marc Laffineur - Où est-il ce 0 % ?

M. le Ministre - Pour 2001, nous anticipons un alourdissement de 7 milliards de la charge de la dette. L'augmentation de 0,3 % en volume n'a donc rien de laxiste.

La stratégie budgétaire du gouvernement de Lionel Jospin n'a pas changé depuis 1997.

Nous situons la dépense publique dans un cadre pluriannuel, indépendamment de la conjoncture, ce qui a un effet stabilisateur sur l'activité.

Si la conjoncture est plus favorable que prévu, on peut affecter le surcoût de recettes à la baisse des impôts ou à celle du déficit et éviter la surchauffe. S'il y a ralentissement de l'économie, on l'atténuera en maintenant les dépenses publiques et en diminuant moins le déficit au profit de l'activité.

Un autre problème important est l'exécution de la dépense publique. Les gouvernements successifs ont utilisé des fonds de régulation, et l'un d'eux créa un fonds d'action conjoncturelle. On ne pourrait en effet, attendre la fin de l'année pour corriger une évolution de la conjoncture ou le dérapage d'un ministère. L'un de mes prédécesseurs bien inspiré a donc mis en place des contrats de gestion avec les ministères dépensiers. Dès lors qu'ils sont « intéressés » à une bonne gestion, il n'y a pas trop de mécomptes dans l'exécution.

Cette norme de 0,3 % en volume qui sera tenue, est parfaitement conforme à nos engagements européens. Et prétendre que nous n'irions pas plus loin par crainte de dérapages serait démagogique car cet objectif ne sera pas facile à tenir, puisque 42 % du budget sont consacrés aux dépenses de fonction publique et qu'il nous faut aussi intégrer les crédits de la défense, les crédits de dépenses sociales et honorer les engagements des contrats de plan.

Dans les années 1990, en raison de la crise, l'Etat est devenu en quelque sorte l'assureur en dernier ressort de toute une série de régimes sociaux comme l'UNEDIC. Or, alors que nous sommes entrés dans une période de croissance, ces mécanismes n'ont pas été modifiés, de sorte que certains régimes sociaux se trouvent dans une meilleure situation que le budget de l'Etat. N'oublions pas que ce sont ainsi 500 milliards qui sont transférés aux collectivités locales et aux régimes sociaux, avant même que nous commencions à discuter, et que cette somme augmente plus vite que le reste des dépenses de l'Etat. A l'occasion de ce débat, je serais heureux de connaître la position des groupes politiques sur ce problème de fond pour la maîtrise des dépenses.

La constance est manifeste aussi dans la réduction des déficits. Les chiffres relatifs aux administrations publiques pour la période 1997-2001, mais aussi les objectifs jusqu'en 2003 que nous avons fait connaître à l'Union européenne font justice des accusations de moindre rigueur portées contre nous : 1997 : moins 3,5 %, 1998 : moins 2,7 %, 1999 : moins 1,8 %, 2000 : moins 1,5 %, 2001 : moins 1,2 %, 2002 : moins 0,7 %, 2003 : 0 %. On le voit, pour 2000, le chiffre est exactement conforme à ce que la Commission européenne appelle le solde protecteur qui permet, quelle que soit la conjoncture, de ne pas dépasser les 3 % qui déclencheraient la procédure de sanctions pour déficit public excessif prévue par le pacte de stabilité de 1997. Nous sommes donc bien sur la trajectoire prévue de réduction des déficits.

Au cours de la même période, l'administration de la sécurité sociale doit devenir excédentaire, passant de - 0,5 % en 1997 et de - 0,1 % en 1998 à + 0,2 % en 1999, + 0,4 % en 2000, + 0,5 % en 2001 et + 1,4 % en 2003. Pour les collectivités locales, l'évolution est à peu près analogue et pour le déficit budgétaire, on passera de 267 milliards en 1997 à 247 milliards en 1998, 206 milliards en 1999, 200 milliards en 2000, 195 milliards en 2001 et à 1,8 % du PIB en 2003. Si l'on peut toujours envisager une légère modulation, la pente est incontestable et il faut avoir présent à l'esprit le fait que le service de la dette représente 230 milliards par an, soit les deux tiers de l'impôt sur le revenu.

Constance, toujours, dans le choix des priorités. La priorité des priorités demeure l'emploi, tout le budget tourne autour de cet objectif, même s'il pourrait y avoir des variations dans le budget du ministère de l'emploi, dont la situation s'améliore logiquement à mesure que le chômage recule. Les priorités tracées par la lettre de cadrage -éducation, justice, sécurité, environnement- sont conformes aux choix faits par le Gouvernement les années précédentes.

Constance, enfin, dans la baisse des prélèvements obligatoires et des impôts. Pour les prélèvements obligatoires, le taux par rapport au PIB est passé de 44,9 % en 1997 et 1998 à 45,7 % en 1999, puis à 44,7 % en 2000 et il sera de 44,2 % en 2001. Si nous savons tous ce que la notion de prélèvements obligatoires recouvre, je ne suis pas sûr qu'elle soit limpide pour nos concitoyens, d'autant que ce ratio peut évoluer de façon surprenante. Ainsi en 1999, après une année de croissance très élevée, la croissance est demeurée forte, mais un peu moindre, il y a eu aussi une forte désinflation et le taux de prélèvement obligatoire a grimpé.

Préoccupons-nous donc plutôt des impôts et des cotisations. Or en 2000, la baisse de l'impôt a été d'un montant sans précédent puisqu'aux 40 milliards prévus s'ajouteront 40 milliards de plus dans le collectif, qui toucheront la taxe d'habitation, l'impôt sur le revenu et la TVA. Sur ce dernier point, si l'on ajoute à la baisse d'un point intervenue dès avril la baisse ciblée sur les travaux, on atteint en année pleine un total de 60 milliards qui compense donc pleinement la hausse de 2 % décidée par MM. Juppé et Madelin, qui représentait 57 milliards. Plusieurs pistes ont été tracées pour poursuivre le mouvement de baisse, j'aimerais connaître vos opinions à ce propos. Le Premier ministre a fait savoir que c'est surtout sur la baisse des impôts directs que nous devions porter nos regards. Le Gouvernement veut poursuivre en ce sens, tout en maîtrisant les dépenses et en réduisant les déficits.

On a parlé, pour les baisses à venir, de « concours Lépine fiscal »...

M. Michel Bouvard - Ah, l'épine fiscale...

M. le Ministre - S'il est légitime que les parlementaires fassent des propositions, il me semble que l'on s'intéresse aux réformes à venir avant de savourer celles qui sont engagées, dont les Français verront la traduction sur leurs feuilles d'impôt.

Autre sujet de débat : les trappes à inactivité. Il est vrai que la fiscalité -nationale et locale- pénalise souvent les personnes en difficulté qui retrouvent un emploi. Nous ferions donc _uvre utile en supprimant ces trappes.

Quand on parle de réduction d'impôts, certains opposent couches modestes et classes moyennes. Pour ma part, je considère qu'il faut alléger les prélèvements des premières comme des secondes. Il serait injuste que la baisse de prélèvements ne profite pas aux personnes en difficultés. Mais il serait bien peu sage de ne pas faire, aussi, l'effort nécessaire en faveur de ceux qui, oui, ont des revenus plus élevés, mais qui participent, eux aussi, à l'essor de la nation. Au lieu, donc, de chercher à opposer les catégories sociales les unes aux autres, il faut faire le lien entre elles, en partant du principe qu'une bonne réforme est celle qui allie efficacité et justice (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Plusieurs de mes convictions transparaissent dans le projet qui vous est soumis. La première est qu'il n'existe pas de services publics satisfaisants sans moyens convenables mais que leur efficacité ne peut se mesurer seulement à la masse des crédits qui leur est affectée. Des contrôles et une évaluation permanente sont donc nécessaires. Quant à maîtriser les dépenses, tous les gouvernements s'y essaient. Nos objectifs sont précis : donner des moyens satisfaisants à un service public dont le rôle est essentiel dans la préservation de la cohésion sociale. Tel est l'esprit dans lequel est élaboré le projet de budget pour 2001.

On observe d'autre part un mouvement général de réduction des déficits en Europe et nous, qui plaidons en faveur d'une meilleure coordination des politiques économiques, nous sommes amenés à une concertation avec nos partenaires. Des inflexions et des différences sont aisément compréhensibles, étant donné les disparités qui subsistent entre les Etats membres de l'Union, et il n'est pas question de passer sous quelques fourches caudines que ce soit. Cependant, le fait est que tendance à la réduction des déficits il y a. Aussi, si des surplus existent, réjouissons-nous !

Vous aurez noté que je me garde bien d'utiliser le mot, tant employé, de « cagnotte », car je le juge particulièrement malvenu. Dirait-on de celui qui aurait dans sa poche l'équivalent de 1 % de sa dette qu'il dispose d'une « cagnotte » ? Réjouissons-nous donc, oui, de l'éventuel surplus qui se dégagerait au cours des mois à venir, et que le Gouvernement affecterait alors à la réduction du déficit -sachant que le déficit d'un jour crée les impôts du lendemain.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Ministre - Je ne ferai qu'effleurer la question des licences pour les téléphones mobiles de la troisième génération, car le cadre de cette discussion ne s'y prête pas, et que le Gouvernement n'a pas encore arrêté le choix de la méthode. Je souhaite cependant indiquer dès aujourd'hui que les recettes obtenues par ce biais ne seront, en aucun cas, affectées aux dépenses de fonctionnement de l'Etat, mais qu'elles doteront le fonds de réserve pour les retraites. Il apparaît en effet de bonne pratique que les ressources trouvées dans les technologies d'avenir soient affectées à la préparation solidaire de l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Le Gouvernement entend bien, enfin, continuer de maîtriser les dépenses publiques, même s'il ne fait pas de cet objectif l'alpha et l'oméga de sa politique économique.

Le troisième mot d'ordre que s'est fixé le Gouvernement est, je l'ai dit, la transparence. La question n'a rien de nouveau, et nous disposons à cet égard d'un exemple récent, certes, mais d'un autre aussi, un peu plus ancien. Je me suis en effet laissé dire que si la précédente Assemblée avait été dissoute, c'est parce que telle direction de tel ministère avait avancé des précisions telles que l'on s'en était fort ému en haut lieu ; il apparaissait, crois-je savoir, impossible de qualifier la France pour la monnaie unique. Mieux valait, donc, dissoudre...

On le voit, les exemples ne manquent pas d'une transparence qui n'a pas toujours été absolue. Je ne doute pas que le débat se poursuivra sur les appréciations portées, récemment, par la Cour des comptes qui s'expliquent, plus que tout, par des différences d'approche.

Mais qu'il s'agisse de la vérité des comptes telle qu'elle fut dite en 1997 ou plus récemment, nul ne contestera qu'une transparence plus marquée s'impose. Il y va à la fois de l'exigence de démocratie et de l'efficacité de la dépense publique, car tout est lié. Il nous faut donc procéder à une véritable glasnost budgétaire. Des mesures en ce sens vous seront proposées, dès le débat sur le projet de loi de finances pour 2001. Quelles seront-elles ?

Désormais, seront communiquées à votre commission des finances les lettres de cadrage du Premier ministre, et une charte de budgétisation sera définie une fois pour toutes, ce qui rendra les comparaisons possibles d'un exercice à l'autre. Pour mieux garantir la sincérité des prévisions de recettes, la commission économique de la nation sera saisie avant même votre commission, laquelle sera d'autre part tenue informée du programme pluriannuel de finances publiques transmis à Bruxelles -cette discussion n'a jamais eu lieu jusqu'à présent.

Nous fournirons d'autre part, pour chaque ministère, un résumé des objectifs, des coûts et des résultats quantifiés attendus. Une description complète des dépenses publiques vous sera faite, incluant les relations entre l'Etat et la sécurité sociale et un panorama des emplois publics.

Le Gouvernement adressera de surcroît à tous les contribuables un tableau synthétisant les orientations budgétaires. Il fournira aussi à votre Assemblée un compte rendu de l'état réel des finances publiques, qui comprendra une rubrique relative aux engagements futurs de l'Etat et, donc, à la comptabilité hors bilan.

Convaincu de la nécessité d'une gestion efficace, le Gouvernement procédera, en liaison avec la MEC, aux contrôles nécessaires, et il facilitera la procédure de contrôle parlementaire en déposant dès le mois de juin le projet de loi de règlement, afin que la discussion puisse avoir lieu en automne. De plus, nous rendrons public un compte rendu annuel de gestion pour chaque ministère et nous communiquerons enfin au président et au rapporteur de la commission des finances, tous les 15 jours, la situation du budget de l'Etat.

Enfin, une fois connues les conclusions de la commission Migaud, le Gouvernement préparera la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Mais, pour indispensable qu'elle soit, la transparence ne doit pas empêcher les délibérations internes. J'y insiste : le mélange des genres ne se conçoit pas. Je le répète, la transparence renforce la démocratie, et elle est gage d'efficacité. J'y sais votre Assemblée très attachée. J'y suis tout autant qu'elle, et il me paraît normal que mon changement de fonction n'entraîne pas la modification de mes convictions (Applaudissements sur plusieurs bancs).

Je ne saurais conclure sans évoquer deux points. En premier lieu, l'Europe et sa monnaie. Le Premier ministre a exposé devant vous les objectifs de la présidence française de l'Union. Chacun doit garder à l'esprit que les résultats que nous espérons pouvoir atteindre ne se conçoivent que dans le cadre de l'appartenance de la France à la zone euro. L'euro nous a servi de « bouclier monétaire » au cours de la crise qu'a secoué l'économie mondiale, et cela s'explique aisément : les trois quarts de nos échanges commerciaux se font avec nos voisins. L'euro a aussi permis d'améliorer la coordination des politiques économiques et, par ricochet, d'accroître l'efficacité de la nôtre. Les fondamentaux de l'économie européenne, française en particulier, étant bons, je ne doute pas qu'une fois traversées quelques turbulences, l'euro sera une monnaie solide et stable, autorisant des taux d'intérêt bas, lesquels sont indispensables au développement économique. Il nous faut préparer avec soin le passage concret à l'euro au 1er janvier 2002. Cette étape sera déterminante sur le plan politique, sur le plan psychologique comme sur le plan économique. Nous ne pouvons pas la rater.

Ma seconde remarque a trait aux finances publiques. Il n'est pas de politique des finances publiques bonne en soi. Il n'est que des politiques qui répondent ou non au besoin de cohésion, de solidarité, de réforme du pays. Nous avons entrepris de nombreuses réformes, beaucoup restent à entreprendre. Si je parle volontiers de croissance réformatrice, c'est que nos réformes sont, pour une large part, à l'origine de la croissance actuelle qui n'a elle-même de sens que si elle permet de conduire les réformes que nos concitoyens attendent.

Constater que les administrations ne sont pas encore toujours en mesure de rendre compte, comme il le faudrait, de leurs performances, n'est pas les offenser. L'Etat s'est d'abord organisé pour veiller à l'application uniforme des lois. L'exigence d'une efficacité de l'administration n'est apparue que récemment au premier plan des attentes de nos concitoyens. De même, la représentation nationale ne demande que depuis peu des comptes. Ces attentes doivent être satisfaites. Mesure des résultats socio-économiques, amélioration de la gestion des services, démarches de qualité y contribueront. La réforme du ministère des finances, que nous allons engager avec Mme Parly, ira délibérément en ce sens. L'efficacité de l'Etat est l'une des conditions de sa légitimité à long terme. C'est l'objectif des réformes indispensables. Seuls ceux qui, par idéologie, récuseraient l'Etat peuvent vouloir son inefficacité et son immobilisme. Au contraire, ceux qui, comme nombre d'entre nous, plaident pour le service public, doivent souhaiter son efficacité, sa transparence et partant, un contrôle accru du Parlement.

Dans mon esprit, Etat et réforme de l'Etat ne s'opposent pas. Je crois au service public mais c'est précisément parce que je pense que l'Etat a un rôle essentiel d'impulsion, d'accompagnement, de maîtrise à jouer que je suis convaincu de la nécessité de la réforme dans le sens d'une plus grande justice et d'une plus grande transparence. Le projet de budget que vous aurez à examiner à l'automne le permettra (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Le débat d'orientation budgétaire, désormais bien ancré dans notre calendrier, permet aux parlementaires de présenter leurs suggestions au Gouvernement à un stade assez précoce de la préparation du budget de l'année suivante, même si celle-ci demeure l'apanage de l'exécutif. Un regret toutefois : ce débat serait plus fructueux s'il intervenait avant l'envoi des lettres de cadrage. Ce défaut pourra sans doute être corrigé à l'avenir.

Vous avez fait, Monsieur le ministre, des propositions en matière de transparence que je trouve tout à fait satisfaisantes. Il faut en effet rendre les comptes publics plus transparents et le contrôle parlementaire à la fois plus efficace et plus facile.

Cette semaine sera marquée par la concomitance de trois actes importants de la conduite des finances publiques : l'examen jeudi du projet de loi de règlement de l'exercice 1998 qui offre une vision rétrospective ; l'examen, demain, du collectif de printemps qui permet une actualisation en temps réel ; le débat d'aujourd'hui, qui nous projette dans un futur quasi immédiat.

La politique budgétaire menée depuis 1997 présente deux caractéristiques : constance et premiers résultats positifs. Alors que son objectif est l'emploi, toujours l'emploi, et encore l'emploi, il est plus que jamais nécessaire de s'en tenir à ses trois axes principaux, sans dogmatisme mais avec pragmatisme, en les adaptant en fonction des évolutions conjoncturelles et des résultats obtenus.

Premier axe : financer les actions publiques prioritaires, tout en maîtrisant les dépenses.

Il ne s'agit pas là de céder à une quelconque mode du moins d'Etat et moins d'intervention publique. Il faut tenir compte de nos traditions nationales et des exigences du corps social, lesquelles ne sont pas indépendantes.

L'opposition ne s'y trompe d'ailleurs pas car, après avoir psalmodié l'antienne convenue sur la réduction de la dépense publique, voire du nombre de fonctionnaires, elle est bien incapable de décliner ces pétitions de principe. Nous attendons d'ailleurs ses propositions : faut-il diminuer le nombre des infirmières ? Des policiers ? Des professeurs ? Quels services publics faut-il fermer dans nos villes, nos banlieues, nos campagnes ? Vérité à Paris n'est d'ailleurs pas toujours vérité dans les circonscriptions ! D'ailleurs dans un document issu du premier atelier de l'alternance, l'opposition ne demande pas moins de 12 milliards pour « améliorer la justice au quotidien ».

En réalité, il faut rechercher en permanence, non pas à réduire quantitativement ou qualitativement les services offerts à nos concitoyens, mais à réaliser les gains d'efficacité permettant d'améliorer ce service, par la réforme de l'Etat, le recours aux nouvelles technologies, une meilleure organisation de travail, les redéploiements lorsqu'ils sont utiles.

La fonction publique représente, pensions incluses, plus de 42 % des dépenses du budget général. Des efforts sont donc nécessaires sans qu'il faille néanmoins s'arc-bouter sur des dogmes comme celui de la stabilité de l'emploi public. La politique de l'emploi public est un choix de politique économique, qui doit reposer sur une analyse sereine et objective des besoins dans les différentes administrations et l'évaluation des redéploiements possibles.

La norme globale d'évolution de la dépense, telle que proposée par le Gouvernement, s'inscrit dans le cadre fixé depuis 1997 ainsi que dans le programme pluriannuel des finances publiques pour 2001-2003, notifié aux autorités communautaires il y a quelques mois.

Le rapport entre les dépenses totales des administrations publiques et le PIB, agrégat qui neutralise les effets de périmètre, était en 1999 en France de 52,4 %, soit supérieure à la moyenne de l'Union européenne, 46 %, et à celle des Etats de la zone euro, 46, 8 %.

Après le pic constaté pendant la gestion de l'actuelle opposition qui se pose aujourd'hui en donneuse de leçon, la décroissance est aujourd'hui certaine. 53,9 % en 1996, 52,6 % en 1997, 52,4 % en 1998 et 1999, 51,5 % pour 2000 et 50,5 % pour 2001.

L'objectif de 0,3 % de progression en volume de la dépense pour 2001, retenu dans les lettres de cadrage, garantit que la part de la dépense publique diminuera dans le PIB sans interdire de dépenser chaque fois que des besoins précis auront été identifiés, et dès lors que la gestion des deniers publics demeure saine et que des efforts sensibles de redéploiement sont effectués.

Les efforts de gestion engagés depuis un an, à la suite notamment du rapport sur l'efficacité de la dépense publique, vont dans le bon sens : gestion contractuelle des économies, préparation de rapports d'activité contenant des indicateurs de performances, l'examen, au premier franc des crédits, en particulier d'intervention, autant de progrès qui devront être consolidés et amplifiés.

La définition de priorités peu nombreuses et durables est aussi un gage de sérieux et d'efficacité. Outre l'emploi, priorité des priorités, où les succès obtenus permettent de diminuer les crédits nécessaires, le budget pour 2001 retient quatre priorités : éducation nationale, justice, sécurité, environnement.

Le plan d'ensemble pour l'amélioration du service public éducatif, récemment présenté par M. Jack Lang, exigera de mobiliser des moyens pour ce qui constitue manifestement, en dépit des classifications budgétaires, un investissement productif.

Les orientations retenues en matière de dépenses sont bonnes. Elles impliquent un effort de gestion, car la norme fixée pour 2001 -0,3 % en volume, soit 1,2 % en valeur compte tenu d'une inflation prévisionnelle de 0,9 %-, en apparence moins contraignante que celle fixée pour 2000, offre en réalité moins de marge de man_uvre, compte tenu de l'augmentation de la charge de la dette.

Ne faudrait-il d'ailleurs pas raisonner hors charge de la dette ?

Autre observation de méthode : l'Etat est comptable, aux yeux des autorités communautaires, de l'évolution de la dépense publique, dont il n'ordonne directement qu'une petite moitié, le reste l'étant par la sécurité sociale ou les collectivités locales, dont l'autonomie de décision est certaine.

Toute initiative sera donc bienvenue, qui permettra de mieux articuler les différents sous-ensembles que constituent les administrations publiques, en particulier l'Etat et la sécurité sociale, dont les dépenses représentaient, en 1998, 24,1 % du PIB.

Enfin, il faudra être attentif à une recommandation du Conseil de l'Union européenne qui nous invite à adopter une perspective pluriannuelle. Il faudra corriger rapidement tout écart par rapport aux objectifs fixés, en cours d'année ou, au plus tard, l'année suivante.

Aux côtés de la croissance, la maîtrise de la dépense et la recherche de l'allocation optimale de la ressource est une condition de la poursuite des deux autres objectifs de notre politique budgétaire.

Second impératif : poursuivre et amplifier la réduction des déficits publics. Il n'est pas question de céder à un quelconque dogmatisme ou de se résigner à des injonctions communautaires ressenties comme une contrainte sans justification.

Si le déficit peut être accepté en période de difficultés économiques, il doit être réduit en période d'expansion retrouvée : l'arme budgétaire ne vaut que si elle est rechargée lorsque des munitions sont disponibles.

En outre, vivre en déficit, à crédit, c'est faire un choix égoïste et injuste qui revient à défavoriser les générations futures et à mobiliser les ressources de tous au profit des détenteurs de la rente.

Naguère, nos prédécesseurs aux affaires doutaient que nous puissions passer sous la barre des 3 % et nous qualifier pour l'euro. Avec des déficits de 2,7 %, en 1998, 1,8 % en 1999 et 1,5 % en 2000, nous avons pris de l'avance par rapport au cheminement prévu dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

L'objectif pour 2001 est de l'ordre de 1,1 % à 1,3 %, le solde négatif de l'Etat devant être en partie compensé par les excédents des autres acteurs, particulièrement la sécurité sociale et les collectivités locales.

Comme le note le rapport présenté par le Gouvernement, ce décalage entre les différents acteurs résulte du rôle de garant de la solidarité nationale qu'a joué l'Etat en période de crise vis-à-vis des autres acteurs publics.

Qu'un rééquilibrage soit nécessaire et possible, chacun en conviendra. Mais faut-il placer sur le même plan les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales ?

S'il est indispensable -je l'ai dit à propos de la maîtrise de la dépense- d'identifier clairement les financements propres à chaque secteur, il faut savoir que les collectivités locales, dans une période où la réduction du déficit de l'Etat a largement reposé sur la réduction de ses investissements, a pris le relais en matière d'investissements publics.

Un mouvement a été engagé, il faut le poursuivre, sachant que, comme le note la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire de 1999, la diminution du déficit en 1999 a reposé, pour l'essentiel, sur l'augmentation des recettes fiscales et, plus généralement, des prélèvements obligatoires. Nous sommes donc à cet égard en avance sur nos prévisions, mais cela ne nous permet pas de respecter notre engagement de réduire les impôts.

C'est pour cette raison que le collectif budgétaire qui nous sera présenté demain tend à affecter à des baisses d'impôts les quatre cinquièmes des recettes supplémentaires apportées par la croissance.

La baisse des impôts constitue en effet une priorité de notre politique budgétaire. Les bons résultats obtenus en matière économique et le redressement de nos finances publiques doivent nous y encourager.

Alourdis de près de deux points par la précédente majorité, de 42,9 % en 1993 à 44,8 % en 1996, le taux des prélèvements obligatoires s'est stabilisé à 44,9 % en 1997 et 1998, avant qu'une nouvelle poussée, en 1999, le porte à 45,7 %. Je ne reviendrai pas sur l'analyse qui a été faite des effets mathématiques et mécaniques à l'origine de ce mouvement : la notion abstraite de prélèvements obligatoires recouvre une réalité tangible pour les ménages et les entreprises, à savoir les impôts et les charges. Il faut reconnaître qu'ils sont globalement trop élevés.

Dans notre environnement international, certaines discordances risquent de se solder par des arbitrages défavorables à notre pays. Certes, comparaison -surtout internationale- n'est pas raison, et les différences de prélèvements obligatoires s'expliquent souvent par des différences dans les structures ou la qualité des services publics. Le bas niveau des prélèvements aux Etats-Unis laisse le citoyen bien démuni face aux risques sociaux et, pour être qualifiées de volontaires, les cotisations d'assurances privées n'en constituent pas moins une obligation.

Toutefois s'il faut rechercher une harmonisation fiscale européenne, il est illusoire de croire qu'elle se fera systématiquement par un alignement vers le haut.

Renforçons la justice fiscale et l'efficacité économique en supprimant les trappes à la pauvreté. Des mesures ont déjà été proposées en matière d'impôts locaux. La baisse d'un point du taux des deuxième et troisième tranches d'impôts sur le revenu va aussi dans ce sens.

Symétriquement, interrogeons-nous sur certains phénomènes qui peuvent se produire à l'autre extrémité de l'échelle des revenus. Je veux parler des délocalisations ou supposées telles. Psychose ou réalité Je remercie le Gouvernement d'avoir entrepris, à ma demande, une première étude sur le sujet, que je publie en annexe à mon rapport.

Ce premier travail mérite d'être approfondi. Toutefois, les indices concordent sur le départ à l'étranger de certains contribuables fortement imposés et faisant preuve d'un grand dynamisme économique. Si ce mouvement se confirmait il porterait indéniablement préjudice au pays. Il ne s'agit pas de se lancer dans une course au « moins disant fiscal », mais d'apprécier la situation, et d'adapter le cas échéant nos règles afin qu'elles ne nuisent pas, au final, au maintien de l'emploi dans notre pays.

Selon la note qui m'a été transmise, le cumul des impositions assises sur le revenu serait à l'origine de ces départs.

Afin de prévenir ces risques de délocalisation, sans remettre en cause le système fiscal et social français, dont il ne faut pas oublier qu'il a pour contrepartie un haut niveau de prestations, nous pourrions nous fixer pour orientations de coordonner les différents impôts et de mieux prendre en compte les conséquences du cumul des impositions lorsque le législateur procède à un aménagement de l'une ou de plusieurs d'entre elles.

D'une façon plus générale, quelles pourraient être, en 2001, nos orientations en matière de baisses d'impôts ?

S'agissant des prélèvements indirects, avec 60 milliards de baisses ciblée ou générale de TVA depuis 1997, l'actuelle majorité aura rendu aux Français ce que le gouvernement Juppé leur avait confisqué en 1995 (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

Le dossier ne doit cependant pas être considéré comme clos et certains impôts demeurent problématiques : je pense à la redevance audiovisuelle sur laquelle se penche la mission d'évaluation et de contrôle.

Il reste que le chantier retenu pour 2001 est, à juste titre, celui de l'imposition sur le revenu au sens large, CSG comprise. La réflexion devra porter sur tous les aspects : barème, indexation des différentes variables, quotient familial, situation des célibataires, liens avec l'ISF, dans un double souci d'efficacité économique et de justice fiscale. L'emploi devrait être au centre de nos préoccupations.

Madame et Monsieur les ministres, la stratégie budgétaire menée depuis trois ans commence à porter ses fruits : la croissance est là ; le chômage recule fortement, tout en restant trop élevé.

Il faut garder le cap et continuer à poursuivre nos objectifs : dépense maîtrisée, déficit réduit, impôts allégés. C'est cet équilibre qui fait, j'en suis convaincu, que la France est aujourd'hui en tête et qu'elle le restera si nous poursuivons cette politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Auberger - Monsieur le ministre, je me réjouis que vous ayez accepté, comme vos prédécesseurs, ce débat d'orientation qui vise à préparer dès le printemps la loi de finances pour 2001.

Je me réjouis aussi que nous puissions débattre de la programmation triennale avant sa transmission à Bruxelles, comme vous venez de l'annoncer. Il n'y a pas encore eu de débat public sur cet important document, sur lequel reposent nos orientations budgétaires. Il faudra veiller, à l'avenir, à coordonner le débat sur la programmation triennale et le débat d'orientation budgétaire. Il nous faut définir des priorités et l'ordre de ces priorités.

La première d'entre elles consiste à réduire le déficit budgétaire, qui a atteint des niveaux historiques.

En bonne orthodoxie, il ne devrait servir à financer que les dépenses civiles d'investissement, les seules qu'on peut légitimement faire peser sur les générations futures. Or ces dépenses ne représentent que 70 milliards, pour un déficit fixé à 215 milliards dans le collectif.

Il nous faut faire des efforts. Même si la situation s'améliore, on ne peut se contenter d'avoir atteint l'équilibre primaire. En outre, ce résultat est dû à la diminution des intérêts de la dette qui s'explique elle-même par la baisse des taux d'intérêt à court terme. Or, vous l'avez dit, cette baisse est maintenant derrière nous.

Les objectifs fixés pour 2000 et 2001 sont peu ambitieux. Pour 2000 en effet, le déficit s'établit dans le collectif à 215 milliards, soit une variation de 50 millions seulement avec vos prévisions. On appréciera l'importance de l'écart ! Ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu, d'autant que le déficit pour 2000 sera supérieur au chiffre atteint à la fin de 1999 : 205 milliards.

Quant au déficit prévu pour 2001 -195 milliards- il demeure trop élevé.

La réduction globale des déficits publics est due à l'amélioration des finances de « diverses administrations centrales », des collectivités locales et de la sécurité sociale. Mais, pour cette dernière, l'équilibre est fragile : les dépenses continuent de croître et il faudra alimenter le fonds de réserve pour les retraites.

Nous devrons donc faire preuve de volonté pour respecter nos engagements européens. En effet, il est écrit dans le pacte de stabilité que tous les Etats membres se donnent pour objectif une situation budgétaire proche de l'équilibre, voire excédentaire, comme vient de le rappeler la Banque centrale européenne dans son rapport annuel.

Or, fin 1999, le besoin de financement des administrations publiques représentait, en France, 1,8 % du PIB, au lieu de 1,2 % dans les onze pays de l'euro, quatre d'entre eux étant en excédent. Notre pays n'est que huitième sur onze.

Quant à la réduction des déficits publics, elle s'est élevée à 0,9 % du PIB en 1999, soit à peine mieux que la moyenne des pays de l'euro -0,8 %-, c'est dire que nous avons encore des efforts à accomplir. Du reste, dans son rapport annuel, la Banque centrale européenne dit qu'« une attitude plus combative en faveur des ajustements budgétaires s'impose ». Selon les prévisions triennales actualisées, en 2001, seules l'Allemagne et l'Autriche, avec un déficit public égal à 1,5 % du PIB, feront moins bien que la France. Autrement dit, nous ne serons plus huitième mais neuvième des pays de l'euro ! Et la faiblesse de l'euro s'explique en partie par les efforts insuffisants consentis par la France en matière de finances publiques. A cet égard, la Banque centrale européenne fait des recommandations très précises : « A l'horizon de la planification budgétaire, toute recette supplémentaire de l'Etat résultant d'une croissance supérieure aux prévisions devrait notamment être affectée à un rééquilibrage des finances publiques, plutôt qu'à un allégement de la pression fiscale ».

La deuxième priorité est la maîtrise réelle des dépenses publiques. Le rapport provisoire de la Cour des comptes pour 1999 fait ainsi apparaître une augmentation des dépenses publiques de 2,8 % en volume au lieu de 1,1 % annoncé par le Gouvernement. Peut-on, dans ces conditions, parler de maîtrise ? Pour 2001, l'objectif affiché est de 0,3 % en volume. Mais n'oubliez pas que vous avez bénéficié, jusqu'à présent, d'une baisse des taux d'intérêt et des économies réalisées sur les crédits militaires ou sur les dépenses civiles d'équipement. Pour 2001, nous nous interrogeons sur deux sources de dépenses publiques que le rapport d'orientation budgétaire n'analyse pas d'une manière assez approfondie. Tout d'abord, y aura-t-il une reprise des recrutements nets dans la fonction publique ? L'évolution des dépenses en ce domaine dépend évidemment des recrutements qui ne seraient pas compensés par des suppressions d'emplois dans d'autres services ou ministères. Il faudrait donc inscrire dans la loi de finances, non pas les évolutions relatives, mais le nombre des recrutements nets envisagés pour une année entière.

Ensuite, nos inquiétudes portent sur le fonds qui doit servir à l'allégement des cotisations sociales consentis en application de la loi sur les 35 heures. Or, pour 2000, ce fonds est déséquilibré et il est désinvolte, en réponse à une question du rapporteur général, d'imputer la responsabilité de ce déséquilibre à une décision du Conseil constitutionnel. Quoi qu'il en soit, il appartient à Bercy de procéder au rééquilibrage nécessaire. D'autre part, initialement doté de 75 milliards, ce fonds doit passer à 115 milliards dans un délai de cinq ans. Cette somme proviendra-t-elle de recettes fiscales affectées, de crédits budgétaires ? La question mérite d'être examinée.

J'en viens à l'évolution des recettes fiscales. Une diminution d'impôts d'environ 40 milliards est prévue pour 2001 afin de respecter les engagements pris sur l'évolution des prélèvements obligatoires. Mais sur ces 40 milliards, 20 milliards de baisse ont été engagés prématurément, dont 12 milliards au titre de la TVA, 5 à 6 milliards pour la poursuite de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, enfin 2 à 3 milliards du fait de la suppression du droit de bail pour les locataires. Dans ces conditions, la réforme fiscale à venir sera réduite à une portion très congrue, notamment en ce qui concerne l'impôt direct, alors même que l'impôt sur le revenu a augmenté de 35 milliards en 1998-1999.

Certes, vous avez raison de dire, Monsieur le ministre, qu'il faut alléger en priorité les impôts des classes moyennes pénalisées par l'abaissement du plafond du quotient familial. N'oublions pas non plus le problème de la trappe de pauvreté. Selon les calculs de l'excellente revue Economie et statistiques, c'est plutôt le érémiste que le mannequin vedette qui devrait s'exiler à Londres ! En effet, 1 000 F nets de revenus supplémentaires induisent une charge de 4 630 F pour l'employeur du chômeur ou de l'allocataire du RMI qui accède à l'emploi !

S'agissant de la taxe d'habitation, il faut absolument réduire la part correspondant aux frais d'assiette et de recouvrement, qui atteignent actuellement 4,4 %. C'est le signe d'une insuffisante productivité des services financiers.

En résumé, dans l'ensemble, nous ne sommes pas totalement défavorables aux orientations budgétaires qui nous sont proposées, mais il subsiste de nombreuses zones d'ombre et votre politique n'est pas suffisamment volontariste ; qu'il s'agisse de la réduction du déficit de l'Etat ou de la maîtrise des dépenses publiques.

Quant à la réforme fiscale, elle manque d'une architecture d'ensemble. Les décisions en ce domaine sont prises au fil de l'eau ou dans le collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Méhaignerie - Raymond Barre, dont le sérieux, la rigueur et l'objectivité ne sont pas contestés, résumait ainsi son sentiment à la fin de votre intervention, Monsieur le ministre : « Le discours est bon, mais les travaux pratiques le sont beaucoup moins ».

Tout le problème tient à cette divergence entre le rapport du Gouvernement ou votre discours que nous pourrions cosigner, et ce qui a été fait, en 1999, ce que vous nous proposerez demain dans le collectif, ou plus tard, dans la loi de finances pour 2001.

Qu'il s'agisse de la réduction du déficit, de la maîtrise des dépenses publiques ou de la réforme de l'Etat, vos propos sont contredits par le bilan de 1999, qui fait apparaître une augmentation des dépenses publiques de 2,8 % en volume, cependant que les prélèvements obligatoires ont franchi un seuil historique.

Dans ces conditions, vos prévisions d'augmentation de la dépense publique de 0,3 % en 2001 nous laissent sceptiques, surtout compte tenu de l'application à venir des 35 heures dans la fonction publique et de la réforme des retraites sans cesse différée.

Comment expliquer cette divergence entre le discours et l'expérience passée ? S'agit-il d'un virage politique ou d'un fossé entre vos souhaits et la pesanteur d'alliances électorales ?

Nous traversons, dites-vous, la meilleure période économique depuis 25 ans. Nous ne le contestons pas. Cela tient en partie à l'environnement international, en partie à un pilotage de qualité de la politique conjoncturelle, mais aussi à la réduction du déficit par les gouvernements précédents. Vous condamnez la politique conjoncturelle menée de 1993 à 1995. Mais face à un déficit budgétaire de 6,3 %, seule une discipline extrêmement stricte pouvait nous qualifier pour l'euro. Nous souhaiterions que M. Migaud le dise plus dans son rapport, par souci d'objectivité.

Voyons ce qui reste à faire, et d'abord pour l'emploi. La pénurie de main-d'_uvre est grave. Or vous ne faites pas de propositions à cet égard, et c'est là que nous contestons le plus vos choix, dans le collectif.

Selon vous, la priorité est d'utiliser pleinement le potentiel d'actifs en encourageant le retour à l'emploi de ceux qui en ont été progressivement écartés. Nous pouvions penser que le collectif remédierait à ce défaut. En effet selon certaines précisions, le chômage structurel est de 8,5 % à 9 % et selon l'INSEE, 50 % des entreprises manquent de main-d'_uvre et auront beaucoup de mal à en trouver.

D'ici la fin de la législature, on peut créer un million d'emplois, écrivez-vous. C'est impossible si on ne remédie pas aux causes de la pénurie de main-d'oeuvre. Selon plusieurs rapports -nous en avons fait en Ille-et-Vilaine sur le retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux- ces personnes manquent de confiance en elles-mêmes, et ne peuvent trouver que des emplois précaires. Mais pour 80 % des cas, la principale cause est que la différence entre revenu des prestations sociales et revenu du travail n'est pas suffisante quand même le second n'est pas inférieur.

Au collectif, vous prévoyez une baisse de TVA... Nous contestons que ce soit une priorité. D'après le groupe communiste, pour les deux tiers elle n'est pas répercutée sur le consommateur.

M. Christian Cuvilliez - D'après l'INSEE.

M. Pierre Méhaignerie - De même la baisse de taxe d'habitation est déresponsabilisante. Certaines régions augmentent fortement leur imposition. Il ne faut pas les récompenser. Cette baisse est aussi injuste, puisque le dégrèvement atteint 455 F par habitant dans les Alpes-Maritimes, mais n'est que de 90 F en Haute-Saône, en Haute-Loire, dans les Hautes-Alpes. Et est-il justifié de favoriser ceux qui ont deux ou trois habitations ?

Vous faites une erreur de stratégie en utilisant ainsi 42 milliards. Ce que nous proposons, c'est de revaloriser les bas salaires en accordant pour les salaires de un à 1,3 SMIC un crédit de cotisations sociales de 6,1 % qui se traduirait par une augmentation de 420 F à 520 F pour sept millions de salariés. Introduire cette différence entre revenu du travail et revenu de prestations sociales favoriserait le retour à l'activité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Un SMIC à 5 400 F n'est pas incitatif pour de nombreux jeunes. Il faut donc aller dans ce sens. Certains proposent une hausse du SMIC. Mais nous sommes dans une économie ouverte. En revanche, le salaire brut -cotisations sociales comprises- est en France supérieur à la moyenne européenne, tandis que le salaire net -hors cotisations- est largement inférieur à cette moyenne. D'autre part, de 1990 à 1998, l'écart entre salaires du public et salaires du privé s'est accru de 5,9 points. C'est là qu'il faut opérer une réforme stratégique.

Nous vous invitons donc à favoriser le retour au travail par souci de justice et de convergence européenne, pour mieux accorder votre discours et vos actes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Alain Bocquet - Si la croissance est indéniablement de retour depuis 1997 -la politique de relance de la majorité de gauche plurielle y a indéniablement contribué- on ne saurait enjoliver la situation.

Soutenir la consommation, investir dans la formation, la recherche, la santé, demeure fondamental pour aller vers le plein emploi.

Nous apprécions que le collectif budgétaire, sensible au mouvement social, confirme l'engagement de dépenses nouvelles pour l'école et les hôpitaux au grand dam de la droite et du MEDEF qui ne voient de salut que dans la réduction des déficits, par contraction de la dépense et dans la poursuite des privatisations. Le collectif pourrait sans doute aller plus loin et cette orientation mérite d'être largement amplifiée dans la loi de finances pour 2001.

C'est d'autant plus d'actualité qu'un risque de retournement de la conjoncture dès 2001 est évoqué par l'OCDE. Dans un contexte de ralentissement de la croissance et de poursuite de la remontée des taux, l'application du programme triennal pour 2001-2003 impliquerait un freinage important de la dépense, contradictoire avec une politique de gauche et de progrès économique et social.

A l'occasion de sa présidence de l'Union européenne, la France pourrait prendre l'initiative d'une large concertation pour rediscuter les choix de politique monétaire et du crédit, pour aller plus loin que le pacte de stabilité et la politique ultra-libérale menée actuellement par la Banque centrale européenne qui ne convainc plus personne, pas même les marchés financiers.

Nous proposons, pour dynamiser la croissance en Europe alors que l'activité commence à décrocher aux Etats-Unis, une relance sélective du crédit prenant appui sur la politique monétaire et une politique budgétaire beaucoup plus expansive de créations d'emplois et de développement des ressources humaines.

A l'évidence, une croissance riche en emplois correctement rémunérés et produisant des recettes fiscales et sociales peut le mieux contribuer à équilibrer les comptes sociaux et à réduire de manière durable le déficit.

Mais comment répondre mieux aux besoins sociaux et favoriser la croissance, si la progression réelle de la dépense demeure, comme cette année, huit fois moins importante que le taux de croissance escompté ?

Nous avons apprécié la remise en cause du dogme du gel de l'emploi public, notamment par le Premier ministre. Mais le cadre étroit fixé pour l'augmentation de la dépense constitue un frein. Comment, dans ce cadre, assurer un débouché aux « emplois-jeunes », former ces jeunes, aider les associations et les collectivités locales a assurer leur insertion professionnelle et la pérennisation de ces emplois. C'est là une urgence. Pourquoi aussi ne pas imaginer un prêt à taux zéro aux jeunes couples mariés ou pacsés qui s'installent ?

Dans le rapport de présentation des orientations pour 2001, vous insistez sur la nécessité de mettre en cause, à moyen terme, le niveau des transferts financiers de l'Etat vers les administrations fiscales et les collectivités locales. Or si ces transferts augmentent c'est pour compenser les allégements d'impôts décidés par l'Etat, et l'augmentation des dépenses de fonctionnement correspondant à des services rendus à la population.

Nous considérons au contraire qu'il faut faire bénéficier plus largement les collectivités locales des fruits de la croissance. Elles doivent ainsi pouvoir assumer les compétences que leur a donné la décentralisation et soutenir l'activité économique et l'emploi. La réforme de la fiscalité locale doit donc renforcer leur autonomie financière.

La nécessité de baisser le prélèvement sur les facteurs économiques fortement mobiles, afin d'éviter leur délocalisation, ne saurait justifier que l'on accepte le dumping social et fiscal qui prévaut en Europe même.

Les initiatives de la France en faveur d'une harmonisation fiscale européenne, qui s'inscrivent dans un refus des logiques libérales, doivent se conjuguer avec une réforme fiscale de progrès dans notre pays.

Le débat fiscal est aujourd'hui largement tronqué : on parle des impôts, pas des dépenses qu'ils financent. Ainsi, puisque vous déplorez, Monsieur le ministre, le déficit de main-d'_uvre qualifiée, il faudrait accroître les moyens de l'Education nationale pour lui permettre de répondre aux nouveaux besoins.

On parle souvent des taux trop élevés, mais rarement des réductions de taille dont continuent à bénéficier les plus hauts revenus. Alors que 90 % des revenus du capital ne sont pas assujettis à l'impôt progressif sur le revenu, il convient de revenir sur le diagnostic et sur les enjeux. On ne paie pas plus d'impôt aujourd'hui qu'il y a quarante ans. Les impôts de l'Etat et des collectivités locales représentent aujourd'hui 22,5 % du produit intérieur brut, soit autant qu'au début des années 1960. C'est donc bien leur inégale répartition qui est en cause. La question posée n'est pas « moins d'impôts » mais « mieux d'impôts ». Il n'est pas vrai qu'il y a trop de prélèvements obligatoires en France. Ainsi l'OCDE a évalué la pression fiscale nette pour un ménage avec deux enfant à seulement 15 % en France, contre 16,7 % au Royaume-Uni, 18,7 % aux Etats-Unis et 20,9 % en Allemagne.

La baisse des impôts pour tous est un mot d'ordre démagogique qui ne pourrait qu'avantager les plus aisés et encourager les comportements financiers irresponsables de certaines entreprises. L'impôt sur le revenu, progressif, est d'abord un outil de redistribution social et de solidarité.

La réforme fiscale devrait alléger la pression sur les revenus du travail, encourager les investissements les plus créateurs d'emplois, l'effort de recherche et de formation, dissuader les placements, les revenus financiers tout en pénalisant la spéculation.

Les baisses de la taxe d'habitation mériteraient d'être poursuivies, pour les familles modestes, par la réforme du mode de calcul de l'impôt. Mais elles doivent être compensées par la prise en compte, même à un taux réduit, des actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle. Par ailleurs, la réduction du foncier bâti est une revendication légitime pour les contribuables les plus modestes, trop souvent contraints d'abandonner la maison qu'ils ont acquis au cours de leur vie.

On ne saurait réduire dans notre fiscalité le poids déjà très faible du seul impôt progressif. Il faut aménager le barème dans le sens proposé dans le collectif et créer de nouvelles tranches. Rien ne justifierait que l'on baisse le taux marginal ou que l'on remette en cause les 20 % des salariés en échange d'une baisse injuste de toutes les tranches.

Dans l'esprit d'une taxe Tobin à la française, une cotisation sociale additionnelle pourrait être prélevée sur les revenus financiers des entreprises et des banques, à hauteur de la cotisation salariale. Ces recettes permettraient de consolider le système de retraite par répartition, d'accroître les dotations de l'UNEDIC pour l'allocation formation-reclassement, d'augmenter les minima sociaux.

Combinée à une revalorisation de 6 % du SMIC, en juillet prochain, cette augmentation mobiliserait les moyens nouveaux dégagés par la croissance au service de la réduction des inégalités et du soutien de la consommation populaire.

Les plus gros patrimoines ont profité largement de l'explosion des revenus financiers et boursiers. Améliorer le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune serait donc juste, alors que la précarité continue à progresser dans notre pays et touche près de deux millions de personnes, dont une majorité de jeunes.

Les impôts indirects sont ceux que tout le monde paie quels que soient son revenu, sa faculté contributive. La taxe sur la valeur ajoutée en est l'illustration : cet impôt pénalise les ménages à faible revenu, car plus le revenu est important, moins il pèse sur le pouvoir d'achat. Dans un souci de justice sociale, il faut réduire le taux de TVA et s'assurer que cette baisse est répercutée dans les prix pour le consommateur. La baisse récente de 1 % va dans le bon sens. Il faut poursuivre l'effort. Le seuil minimum euro-compatible étant de 15 %, il reste de la marge...

La poursuite des baisses ciblées de TVA doit être également prolongée par un allégement de la fiscalité sur les carburants, qui représente quelques 85 % du prix payé par le consommateur.

Mais il convient également de dépenser mieux. La recherche d'une plus grande efficacité des aides publiques à l'emploi est emblématique de la voie dans laquelle nous devons nous engager, de même que le contrôle des fonds publics alloués aux entreprises, comme Robert Hue en a fait adopter le principe en janvier dernier.

Une baisse des charges financières des entreprises, en particulier pour les PME-PMI, pourrait prendre la forme d'un crédit au taux d'autant plus bas que ces entreprises investiraient pour promouvoir l'emploi, la recherche et la formation. Cela aurait un effet levier considérable, sans les effets pervers de la baisse des cotisations sociales. Cela vaut en particulier pour les très petites entreprises, dont on connaît les difficultés d'accès au crédit bancaire. Ainsi, on imagine l'impact qu'aurait sur le chômage la création d'un seul emploi dans chacune des 800 000 entreprises de l'artisanat et du petit commerce. Pour cela, il conviendrait de desserrer l'étau étouffant du système bancaire. C'est pourquoi nous insistons pour que le pôle financier public soit structuré dans cet objectif et non pour servir les marchés financiers.

Il nous faut encore renforcer le rôle du Parlement dans le suivi de l'exécution des lois de finances et accroître la transparence. Vous venez, Monsieur le ministre, d'annoncer douze mesures en ce sens. C'est une bonne chose. Il faut sans doute aller plus loin pour démocratiser la politique budgétaire. Cela vaut en particulier pour la gestion de la dette publique particulièrement opaque et qui devrait faire l'objet, chaque année, d'un débat public : c'est la demande que je vous adresse.

Comment ne pas évoquer également la politique de l'Etat actionnaire, trop marquée par une stricte logique patrimoniale ? Une approche nouvelle devrait tourner le dos aux privatisations et redonner sens à l'intervention publique en matière économique et industrielle.

L'Etat doit être plus offensif sur le terrain d'expérimentation sociale des nouveaux critères de gestion. Cela permettrait dans le cadre d'une nouvelle mixité, donnant la priorité à l'efficacité sociale, de dépasser la stricte rentabilité financière pour concrétiser de grands objectifs de politique industrielle et de développement de l'emploi qualifié.

Les choix mis en _uvre depuis juin 1997 ont porté leurs fruits, au-delà des retombées de l'amélioration de la conjoncture économique en Europe. Cela vaut notamment sur le terrain capital de la lutte contre le chômage, mais nous devons redoubler d'efforts.

Pour s'inscrire dans la perspective du plein emploi, de la réduction des inégalités et d'une croissance plus efficace dans la solidarité, nous devons nous donner les moyens de mobiliser davantage tous les leviers de l'action publique : budget, fiscalité, politique monétaire, crédit.

Cela est d'autant plus d'actualité face à la montée d'incertitudes qui risquent de compromettre la croissance et le travail déjà accompli.

Nos concitoyens placent une confiance sans précédent dans l'avenir. On ne saurait sous-estimer leurs attentes sociales. Ils souhaitent que le changement se traduise plus concrètement dans leur vie quotidienne. Cette aspiration doit être prise au sérieux par le Gouvernement et par sa majorité.

Les députés communistes souhaitent donc que cette discussion soit le point de départ d'un vrai débat, qui intègre les attentes du mouvement social, à partir d'une vraie concertation autour des propositions de toutes les composantes de cette majorité. Il en va de notre réussite commune ; il en va de l'intérêt de la France, de l'intérêt de la grande majorité de nos concitoyens, qui n'ont que leur travail pour vivre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. François d'Aubert - Ce débat n'est pas très bien engagé car il vient trop tard et est dominé par un certain non-dit du Gouvernement.

Le taux de croissance de 2000 est honorable, grâce à une bonne conjoncture créatrice d'emplois. Mais la France fait moins bien que nombre de ses partenaires. Dans le même temps, l'exclusion s'aggrave et beaucoup de ceux qui avait été laissés au bord de la route sont désormais fort proches du fossé.

La croissance est probablement sous-estimée pour 2001 car elle est soutenue par l'innovation technologique mondiale et par l'existence de l'euro. Vous profitez aussi de deux avantages curieux : d'une part la dévaluation de fait de 25 % de l'euro, d'autre part le niveau historiquement bas des taux d'intérêt, qui montre que le combat mené en faveur de l'euro par la précédente législature a porté ses fruits.

On pourrait, à vrai dire, vous soupçonner de sous-estimer une nouvelle fois les performances de l'économie française, pour éviter une fois encore un débat qui vous gêne sur la répartition des fruits de la croissance. Les prévisions de croissance faites par certains organismes sont en effets plus élevées que les vôtres, pour 2000 comme pour 2001, bien que cette croissance soit bridée et fragilisée par plusieurs handicaps. Ainsi de ces prélèvements obligatoires records qui, après n'avoir été que stabilisés, ont explosé en 1999, s'élevant de 0,8 %, soit 196 milliards. Ils représentent à présent 45,7 % du PIB, et la sphère publique française ne cesse de se dilater alors qu'elle se dégonfle partout en Europe. Cultiver cette exception française là, c'est choisir de peser sur la croissance et l'emploi en cas de retournement de conjoncture.

Que dire, encore, de ce prélèvement fiscal qui s'apparente à un racket institutionnalisé, puisque la structure de l'impôt est ainsi faite que son rendement augmente deux fois plus vite que le PIB ? Le ministère des finances s'en réjouit certainement, les contribuables, notamment les classes moyennes, moins sûrement. En 1999, le produit fiscal net a ainsi augmenté de 113 milliards, alors que vos prédécesseurs avaient annoncé une baisse de 16 milliards, et la France a compté 1,3 million de contribuables supplémentaires. Certes, les mesures que vous annoncez auront pour effet que 650 000 de ceux-là ne seront pas passible de l'impôt sur le revenu en 2001, mais 650 000 le demeureront qui ne l'étaient pas les années précédentes, et les 80 milliards de la baisse annoncée ne restitueront pas les 113 milliards extirpés en 1999 !

Ces baisses, d'ailleurs, ont pour caractéristiques de ne pas se voir, ou de réserver de mauvaises surprises. Ainsi de la taxe d'habitation, censée baisser cette année, mais qui augmentera pour 250 000 cohabitants -pas de chance !

Quant aux plus-values fiscales, elles seraient, dites-vous, un effet mécanique de la croissance. Hélas, non ! Elles résultent aussi de choix politiques qui vont contre la famille, contre l'épargne et contre les classes moyennes, et l'on constate qu'en 1999 50 % de la croissance a été capté par les impôts levés par l'Etat. Voilà qui est désespérant, décourageant, et qui explique pour une bonne part les expatriations fiscales dont le ministère ne nous dit pas le nombre.

La croissance et l'emploi sont encore bridés par le poids des dépenses publiques. La corrélation est pourtant démontrée entre taux de chômage et ampleur des dépenses publiques. Or la France a le taux de dépenses publiques par rapport au PIB le plus élevé d'Europe ! Avec 53,4 %, nous sommes loin devant nos grands voisins !

Enfin, le niveau de notre déficit nous place en queue de la zone euro, et des handicaps structurels menacent notre croissance : les insuffisances de notre compétitivité ne sont plus à démontrer -et ce ne sont pas les 35 heures qui vont la doper-, et le poids de l'idéologie est tel qu'il bloque la réforme du financement des retraites, empêche d'assouplir de système des stock-options et, faute de nouvelles privatisations, prive France Télécom des 500 milliards qui lui sont nécessaires pour racheter l'opérateur anglais Orange.

Le flou de vos propos, Monsieur le ministre, donne à penser que votre doctrine est vague, ce qui n'est le cas ni en Allemagne ni en Grande-Bretagne, ni aux Etats-Unis, pays où l'on ne cherche pas à ménager la chèvre socialiste et le chou libéral. Quel est donc votre cadrage fiscal précis ou, plus exactement, quel niveau de recette permettra la croissance, quel niveau de dépense vous imposera votre majorité, et quel niveau de déficit vous permettra Bruxelles ? Je me félicite des mesures visant à plus de transparence que vous nous annoncez... mais j'en déduis que le budget 2000 aura été le dernier budget opaque de notre histoire !

Des baisses d'impôt sont nécessaires, mais votre discrétion et votre manque d'allant ne traduisent pas la volonté politique qui devrait s'exercer. La France souffre pourtant d'une surfiscalisation flagrante, et une nouvelle fiscalité devrait favoriser la reprise du travail et l'innovation. Il faudrait donc réduire et restructurer entièrement l'impôt sur le revenu, instaurer une allocation différentielle -sorte d'impôt négatif- qui favoriserait le retour au travail et supprimer la redevance « télévision » qui ne se justifie plus.

Mais les baisses d'impôts ne sont crédibles que si elles sont assorties d'une réduction des dépenses publiques, amplement justifiée étant donné l'écart entre prévision et exécution, qui fait de notre pays l'un des mauvais élèves de la classe européenne, plutôt mal notée par Bruxelles à cet égard : non seulement la France ne parvient pas à baisser ses dépenses publiques, mais encore elle ne maîtrise pas leur augmentation !

C'est ainsi que les dépenses publiques se sont accrues de 2,8 % en 1999 -au lieu du 1 % prévu- que les dépenses de personnel représentent aujourd'hui 42,2 % du budget de l'Etat et que le gel annoncé ne pourra avoir lieu tant les causes de dépenses sont nombreuses : CMU, 35 heures, nouvel accord salarial dans la fonction publique et effectifs croissants... Quant aux prétendus redéploiements internes, ils n'ont ni réalité, ni consistance. Quelle présomption, donc, dans vos prévisions, selon lesquelles la part de la dépense publique dans le PIB aura baissé de 2,1 points en 2001, soit plus que n'auront fait 8 de nos 10 partenaires de la zone euro !

Des économies sont pourtant possibles, et l'on peut réduire le train de vie de l'Etat en supprimant certaines directions centrales.

S'il faut en effet réduire les déficits et l'endettement, comme vous le proposez, pour nous, la baisse des impôts est prioritaire. Vous aviez indiqué, Monsieur le ministre, dans le quotidien Les Echos vouloir poursuivre la baisse des déficits au même rythme que depuis 1997. Voilà qui n'est pas très exigeant puisque depuis lors, le déficit a diminué de 1,7 point de PIB alors qu'il avait diminué de 2,5 points entre 1993 et 1997 !

Une baisse du déficit compatible avec une forte réduction des impôts exige non seulement une baisse en volume de la dépense publique, mais aussi un désendettement de l'Etat. Celui-ci est d'autant plus nécessaire que la cote d'alerte a été atteinte l'an dernier sur le plan européen et que le service de la dette représente encore quelque 230 milliards de francs. Deux ressources exceptionnelles permettraient de l'alléger. D'une part, les cessions de participations de l'Etat, lesquelles représentaient 1 100 milliards de francs en mars 2000, soit un cinquième de la dette publique. On pourrait ainsi réduire le service de la dette d'environ 50 milliards, ce qui est considérable.

Autre ressource potentielle : la mise aux enchères des licences UMTS de la troisième génération de téléphones mobiles. Nous désapprouvons votre idée d'affecter son produit à l'abondement du fonds de réserve pour les retraites. Nous désapprouvons de même la procédure mixte que vous envisagez. L'adjudication encadrée, une exception française de plus, n'a aucun sens : elle cumulerait au contraire les inconvénients des deux solutions possibles. Il faut établir un cahier des charges précis. La mise aux enchères ne se justifie pas par des considérations budgétaires, même si son produit est appréciable, mais bien parce qu'est mis sur le marché un produit rare. Il faudrait en affecter le montant au remboursement de la dette de la CADES et en profiter pour supprimer la CRDS.

Doutant de la pertinence de vos évaluations concernant la croissance, comme de votre réelle volonté de baisser les impôts, maîtriser les dépenses publiques et réduire le déficit, le groupe Démocratie libérale n'approuve pas ces orientations budgétaires.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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