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Session ordinaire de 1999-2000 - 85ème jour de séance, 202ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 16 MAI 2000

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

          REMPLACEMENT D'UN MEMBRE
          D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 2

          DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2001
          (suite) 2

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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REMPLACEMENT D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme la Présidente - M. Philippe Houillon m'a informée de sa démission de membre suppléant de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Il y a lieu, pour la commission des lois, de pourvoir à son remplacement. La candidature devra parvenir à la Présidence avant le mercredi 17 mai, à 18 heures.

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DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2001 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire pour 2001.

M. Augustin Bonrepaux - Ce débat d'orientation budgétaire est l'occasion de dresser le bilan de la politique suivie depuis trois ans. Force est de constater qu'elle a fort bien réussi : pour la troisième année consécutive, nous allons avoir un taux de croissance élevé, bien supérieur à la moyenne européenne. Étant également très supérieur à la prévision prudente d'octobre dernier, il va permettre un collectif de 50 milliards, avec 40 milliards de réductions d'impôts -ce qui portent celles-ci à 80 milliards pour l'année 2000.

La réduction des déficits est plus rapide que nous ne l'avions prévu : depuis 1997, les déficits ont été divisés par deux.

La diminution du chômage se poursuit ; nous aurons bientôt un taux de chômage à un seul chiffre, ce qui prouve l'efficacité des mesures prises, notamment des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail. A ce rythme, il est permis d'espérer que nous serons en-dessous de deux millions de chômeurs avant 2002.

La croissance retrouvée génère des recettes nouvelles, mais dès cette année les taux d'imposition de la plupart des impôts sont ramenés à leur niveau de 1997.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, la réduction a commencé en 1999 ; pour 2000, le taux est ramené au niveau auquel l'avait porté M. Alain Juppé. Si les recettes sont importantes, c'est que l'activité de nos entreprises génère beaucoup de bénéfices.

Pour l'impôt sur le revenu, les taux ont été seulement actualisés. Il est même proposé dans le collectif de réduire ceux des deux premières tranches. Si le produit de l'impôt augmente, c'est essentiellement parce que nous avons ramené 600 000 chômeurs à l'emploi et parce que le pouvoir d'achat a beaucoup progressé.

Nous n'avons pas ces dernières années, contrairement à nos prédécesseurs, indexé la TIPP des carburants non polluants ; nous avons même baissé la taxe sur le GPL.

En ce qui concerne la TVA, nous aurons à la fin de cette année supprimé l'augmentation de 60 milliards qu'avait réalisée le gouvernement Juppé.

Bref, c'est bien parce que nous avons impulsé une croissance forte et durable que les recettes sont aujourd'hui supérieures aux prévisions. Il est normal que les entreprises et les ménages qui profitent de cette croissance contribuent à la solidarité nationale.

Dans un tel contexte, faut-il s'interroger sur les orientations à fixer pour le budget 2001 ? Nous avons fait mieux que le premier programme pluriannuel établi en 1998 ; nous l'avons renouvelé au début de l'année et il a montré toute son efficacité : il me paraîtrait donc sage de le poursuivre.

Il prévoit tout d'abord une modération des dépenses, au rythme de 0,3 % en volume pendant trois ans.

Celle-ci ne peut se faire d'une manière aveugle, au risque de pénaliser nos services publics : elle ne peut être obtenue que par une gestion plus rigoureuse des crédits, une évaluation plus précise, un contrôle plus régulier des dépenses et une amélioration de la performance des services. Priorité doit être donnée à l'emploi, à l'éducation nationale, à la santé, à la sécurité et à la justice, pour donner leur pleine mesure aux principes de solidarité et d'égalité. Par exemple, pour assurer un égal accès à l'éducation, il faut donner à l'Éducation nationale des moyens suffisants pour que les classes soient moins chargées et que les remplacements soient assurés. De même, il convient d'affirmer notre solidarité envers les exclus et ceux qui ont été trop longtemps oubliés, comme les anciens combattants et les retraités agricoles. En ce qui concerne les collectivités locales, il faudra consolider au cours de l'année prochaine les engagements pris dans le budget 2000 pour mieux organiser notre territoire, renforcer la coopération intercommunale ainsi que la péréquation ; cela représentera certainement une dépense de plus d'un milliard.

En matière de réduction des déficits, nous avons jusqu'à présent fait mieux que nos prévisions. Une réduction d'une vingtaine de milliards en 2001 paraît donc très raisonnable.

S'agissant des impôts, après le vote du collectif, nous aurons pratiquement effacé toutes les augmentations du gouvernement précédent, mais nous aurons aussi réduit la taxe professionnelle, la taxe d'habitation et les droits d'enregistrement.

La baisse des prélèvements obligatoires ne peut pas s'effectuer en portant préjudice aux services publics. Cependant, si nos recettes nous l'autorisent, la réduction des prélèvements peut favoriser la consommation et l'emploi -à condition que nous fassions les bons choix : il faut que la mesure bénéficie à tous et privilégie l'emploi et, si possible, la redistribution.

Ce n'est pas parce que les impôts indirects semblent indolores qu'ils ne sont pas injustes. A 19,6 %, notre taux de TVA est encore au-dessus de la moyenne européenne. Il paraîtrait donc raisonnable de le ramener à ce qu'il était avant le gouvernement Juppé : à 18,6 %.

Bien sûr, vous pourriez faire d'autres choix pour la réduction de ces impôts : ainsi celui de supprimer la redevance télévision, comme l'a suggéré le rapporteur général.

En revanche, une baisse des impôts directs, plus sensible pour les contribuables, ne serait pas forcément dans l'intérêt de l'économie et de la justice fiscale. On peut même se demander s'il serait très raisonnable de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu que nos prédécesseurs ont eu tant de mal à lancer et qui va de surcroît contre la progressivité. Malheureusement, le rendement de cet impôt est l'un des plus faibles de l'Union européenne et des correctifs s'imposent donc, s'agissant du quotient familial par exemple.

M. Gilles Carrez - Ah !

M. Augustin Bonrepaux - En tout état de cause, si l'on veut que la baisse soit équitable, il faut qu'elle concerne tous les Français et donc il conviendrait de prévoir des compensations pour ceux qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu.

Surtout, l'emploi doit rester notre priorité ; il est essentiel que les réductions d'impôts et de charges se soldent par une amélioration du revenu net de tous les salariés. En effet, si le retour à l'emploi est souvent malaisé, c'est qu'il ne se traduit souvent que par le gain de quelques francs supplémentaires par heure travaillée, alors même qu'il entraîne des charges nouvelles.

Certes, le Gouvernement apporte une première réponse avec la réduction de la taxe d'habitation et des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, prévue dans le collectif. Mais cela ne saurait suffire : on ne pourra guère alléger davantage les impôts locaux sans porter atteinte à l'autonomie des collectivités et, d'autre part, la réduction de l'impôt sur le revenu ne bénéficiera qu'à la moitié des Français.

Il me semble par conséquent qu'on doit rechercher une solution équilibrée plutôt du côté de la CSG, qui pénalise moins les redevables de l'impôt sur le revenu que ceux qui sont assujettis à cet impôt. Un abattement à la base de cette contribution, qui profiterait particulièrement aux plus modestes, serait donc une mesure de justice sociale. Associé à une déduction totale pour les assujettis à l'impôt sur le revenu, il permettrait de relever le salaire net du plus grand nombre -et il serait alors possible aussi de réduire les deux tranches marginales, dans un souci d'équité.

Voilà donc un certain nombre de propositions entre lesquelles nous pourrons choisir selon la croissance constatée en 2001. Nous y reviendrons lorsque nous discuterons la prochaine loi de finances mais, en attendant, je vous demande de poursuivre dans une voie qui a si bien réussi à notre pays depuis trois ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Cochet - Je vais tenter d'introduire dans ce débat deux idées nouvelles : l'une d'ordre social, l'autre d'ordre industriel.

Ces deux dernières années, nous avons connu la plus longue « séquence » de croissance enregistrée depuis 25 ans. D'autre part, pendant ces mêmes vingt-cinq ans, le PIB a crû de 60 % alors que le nombre d'heures travaillées diminuait de 12 % et que la population active ne croissait que de 15 % : la richesse et la productivité ont donc considérablement crû et l'évolution devrait se poursuivre à terme prévisible. Cependant, dans le même temps, l'écart entre le décile le plus riche de la population et le décile le plus pauvre n'a cessé de se creuser. Cette injustice sociale pouvant reposer sur une injustice budgétaire, je proposerai donc de relever le RMI et l'ASS de 2 550 à 3 000 F par mois. Il en coûterait 30 milliards mais c'est à peu près à quoi reviendrait la baisse d'un point de TVA. Il y a donc un choix politique à faire mais je suis convaincu que la mesure que je suggère permettrait aux plus défavorisés de bénéficier de 450 F de plus et donc s'inscrirait dans la ligne des efforts constants faits par le Gouvernement pour relancer la consommation intérieure. Elle apporterait aussi, dans une certaine mesure, une réponse aux problèmes d'insécurité et de violence urbaine en garantissant aux jeunes une certaine autonomie. Enfin, la proposition a aussi sa justification économique : chaque citoyen contribue à la formation du produit national, y compris les chômeurs et les exclus dont on nous assure que leur licenciement est indispensable à l'amélioration de la productivité ! A ce titre, il est donc aussi un ayant droit et j'observe d'ailleurs que la part des prestations sociales dans le PIB est passée de 12 à 30 % entre 1949 et 1998. D'où l'idée d'un revenu « de citoyenneté », fondée sur une dissociation entre le revenu et la participation directe à la production. Autrement dit, le problème de la répartition de la richesse se déplacerait du terrain de la justice « commutative » à celui de la justice distributive.

Ma seconde idée va aussi dans le sens de la constance, Monsieur le ministre. Vous avez beaucoup _uvré vous-même pour les nouvelles technologies de l'information : vous vous souviendrez sans doute comme moi qu'au tout début du Web, il n'était guère de gens pour croire à l'avenir de la « Net-économie ». Universitaire à l'époque, j'ai essayé d'alerter les pouvoirs publics et France Télécom sur les ressources ainsi disponibles (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) et vous-même et M. le Premier ministre avez tenu ensuite -à Hourtin en 1998- un discours suffisamment volontariste pour décider à prendre le problème à bras-le-corps. Eh bien, je crois qu'il existe aujourd'hui un autre domaine recelant de fortes potentialités de croissance que personne ou presque n'a encore perçues : je veux parler des SER, des sources d'énergie renouvelable qui font depuis la semaine dernière l'objet d'un projet de directive que le Conseil Énergie discutera sans doute le 30 mai. La plupart de nos partenaires européens ont commencé à investir fortement dans ce secteur et alors que nous prévoyons 500 MW d'énergie éolienne pour 2005, au lieu de 20 aujourd'hui, l'Allemagne dispose déjà de 4 000 MW installés et du premier constructeur mondial d'éoliennes. Le rythme de croissance de son parc est de 40 % par an depuis cinq ans !

M. Christian Cabal - Du vent !

M. Yves Cochet - D'autre part, notre plan « soleil » ne prévoit pour 2006 que l'installation de 60 000 mètres carrés de capteurs, l'ADEME ayant été dotée de 500 millions à cet effet : l'Allemagne en a déjà 1 million de mètres carrés et devrait en avoir le triple en 2003 !

L'enjeu à l'exportation étant considérable, je proposerai que le taux de TVA réduit soit appliqué aux procédés, dispositifs et matériels favorisant l'utilisation des énergies renouvelables. La présidence française de l'Union devrait mettre le Premier ministre en position de négocier avec la Commission cette mesure, dont on peut attendre le décollage industriel et commercial de tout ce secteur. Et le tout serait d'un coût limité pour l'Etat, si l'on retenait l'idée d'une programmation pluriannuelle.

J'approuve la plupart de vos orientations budgétaires et je souhaite quelques inflexions en faveur de la justice sociale et des énergies renouvelables (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Gilles Carrez - Le débat d'orientation budgétaire serait intéressant s'il était suivi d'effets, mais vous le transformez chaque année en un exercice formel.

Quelle est la vérité budgétaire ? Celle d'aujourd'hui ou celle que vous défendrez demain, lorsque nous examinerons le projet de loi de finances rectificative pour 2000 ?

Dans votre rapport d'orientation budgétaire, Monsieur le ministre, vous exposez six bonnes raisons de réduire les déficits publics. Lucide, convaincant, vous plaidez la cause des générations futures et nous rappelez à la solidarité européenne.

Demain pourtant, vous allez nous expliquer que, sur 51 milliards de recettes supplémentaires, on ne peut consacrer que 49 millions à la réduction du déficit. Celui-ci, pour l'année 2000, s'établira à 215 milliards, soit 10 milliards de plus qu'en 1999, mais vous nous affirmerez que c'est normal dans l'Europe de l'euro et qu'il n'y a aucun problème dans la gestion de nos finances publiques.

Où est la vérité ? Certes pas dans le rapport d'orientation budgétaire.

Votre gestion du déficit est strictement politique. Votre souci n'est d'ailleurs pas l'opposition, mais la cohésion de la majorité plurielle. Par tous les moyens, votre prédécesseur a cherché à dissimuler les écarts entre vos prévisions et la réalité. La Cour des comptes a montré qu'en reportant 30 milliards de recettes, vous avez fait en sorte de ne pas ramener le déficit à son juste niveau, qui aurait été de 170 à 180 milliards.

Il y a quelques mois, en somme, vous avez fait le contraire de ce que vous préconisez aujourd'hui et de ce que font tous les pays européens. Demain, avec le collectif, vous allez recommencer...

Pour trouver les milliards qui vous manquent, comptez-vous sur une nouvelle cagnotte, ou avez-vous décidé de maîtriser les dépenses publiques ?

Comme chaque année depuis 1998, vous nous annoncez que le poids des prélèvements obligatoires va diminuer. Dans le rapport de 1998, il était annoncé que leur taux allait baisser de 0,2 point. Il a augmenté de 0,8 point. L'écart fut donc d'un point entier, c'est-à-dire 80 milliards, et nous battions tous les records historiques avec un taux de 45,7 %.

Pour faire bonne mesure, vous nous promettez une baisse d'un point en 2000 et d'un demi point en 2001. Quel crédit accorder à de telles prévisions ? Demain, nous examinerons un collectif dans lequel il est envisagé de réduire de 11 milliards l'impôt sur le revenu, qui a augmenté de 30 milliards en 1999. Vos recettes ont encore été gonflées par l'abaissement du plafond du quotient familial : une erreur manifeste, a dit M. Bonrepaux, mais vous ne voulez pas en convenir.

Les entreprises aussi ont payé. Certes, vous avez supprimé la surtaxe créée en 1997, mais elle a été remplacée par la contribution de solidarité sur les bénéfices.

Les impôts ont donc continué d'augmenter en 2000. A croire que le Gouvernement attend d'un effort des collectivités locales la baisse des prélèvements obligatoires !

M. le ministre des finances nous présente le rapport d'orientation, Mme la secrétaire d'Etat au budget défendra le collectif. A vous la vertu, à elle, sinon le vice, du moins la difficulté (Sourires).

Je veux profiter de ce que le créateur de la mission d'évaluation et de contrôle soit parmi nous pour faire quelques suggestions. Il faut rendre la procédure budgétaire plus transparente. On ne peut plus gouverner dans l'opacité, comme votre prédécesseur à qui la cagnotte a été fatale. En particulier, il faut adopter une présentation stable des comptes, de manière à faciliter les comparaisons d'une année sur l'autre. Ainsi, à propos de l'exécution du budget pour 1999, la Cour des comptes a déploré « le caractère artificiel des changements de présentation ».

Le contrôle de l'exercice 2000 m'inquiète tout particulièrement : compte tenu de l'importance des transferts entre l'Etat et la sécurité sociale, la tentation sera grande d'en profiter pour procéder à des changements de périmètre afin de dissimuler la hausse des dépenses. Mais l'opposition sera vigilante.

Il faut aussi considérer que les dotations aux collectivités locales sont des dépenses permanentes de l'Etat.

Certes, la réintégration au budget général de certains fonds de concours et comptes spéciaux a été un progrès, mais il nous reste du chemin à parcourir.

Je ne doute pas que vous vous efforcerez d'améliorer l'information du Parlement.

J'espère que les bonnes intentions qui figurent dans le rapport, après vous avoir donné mauvaise conscience pour le collectif, inspireront votre projet de budget pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Rigal - Le débat d'orientation budgétaire pour 2001 ouvre une semaine budgétaire importante, puisqu'il précède la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000, qui prévoit plus de 40 milliards de baisses d'impôts supplémentaires et permet de financer les dépenses nouvelles de solidarité nationale, et celle du projet de loi portant règlement définitif du budget 1998 -le premier entièrement exécuté par la majorité plurielle.

Traditionnellement, la préparation du budget de l'Etat relève du Gouvernement, alors que le Parlement examine et vote la loi de finances. Pour la troisième fois, le débat d'orientation budgétaire nous permet d'avoir une discussion en amont, ce qui est positif.

Il faut toutefois noter que le Gouvernement a déjà transmis à la Commission européenne son programme pluriannuel des finances publiques pour les années 2001-2003.

La politique conduite depuis juin 1997 par le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité plurielle, a permis de retrouver une croissance créatrice d'emplois. Un million d'emplois ont été créés depuis 1997, ce qui a permis de réduire de plus de 600 000 le nombre de chômeurs.

Les députés radicaux de gauche ont noté avec satisfaction la volonté du Gouvernement de passer sous la barre des deux millions de chômeurs avant le deuxième semestre 2002.

S'agissant de la fiscalité, il est nécessaire de baisser progressivement les prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse des impôts ou des cotisations sociales, et de les rendre plus justes. Une question se pose : quels impôts baisser en 2001 ? Les radicaux de gauche, historiquement attachés à l'impôt sur le revenu, s'interrogent sur l'opportunité de diminuer en priorité cet impôt qui ne concerne qu'environ un foyer fiscal sur deux et dont le rendement est plus faible que chez nos partenaires européens.

Il serait préférable de poursuivre les efforts entrepris pour baisser les impôts directs -TVA, TIPP- qui frappent tous les contribuables, en particulier les plus modestes.

D'autre part, l'impôt de solidarité sur la fortune ne doit en aucun cas être revu à la baisse et nous sommes favorables à l'institution d'une taxe sur les mouvements de capitaux spéculatifs, comme de nombreux députés de la majorité plurielle l'ont déjà proposé et le proposeront à nouveau par voie d'amendement au fil des débats budgétaires.

Quant à l'évolution des dépenses publiques, elle pose la question cruciale de la présence forte des services publics, notamment dans les zones fragiles à faible densité démographique. Vouloir geler ou même diminuer les effectifs de la fonction publique procéderait d'une idéologie libérale dangereuse pour la cohésion de la nation. Conforter les services publics est impératif pour tous ceux qui, comme nous, sont attachés au principe d'égalité d'accès des citoyens aux services publics.

Il faut veiller à ce que l'évolution globale des dépenses de l'Etat ne provoque pas une réduction des services publics.

Enfin, le souci de la transparence budgétaire est le principe fondamental qui doit guider le Gouvernement dans ses rapports avec le Parlement. A cet égard, des progrès s'imposent en matière de prévision des recettes fiscales et d'information du Parlement. L'affaire abusivement dite de la « cagnotte fiscale » 1999 en est l'illustration -mais peut-on réellement parler de cagnotte alors que subsiste un déficit de 206 milliards ? Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes personnellement attaché à améliorer la situation dans ce domaine en liaison avec notre commission des finances.

Les députés radicaux de gauche partagent globalement vos orientations budgétaires pour 2001 et n'ignorent pas les contraintes qui pèsent sur l'élaboration d'une loi de finances.

Je terminerai en citant le président François Mitterrand. Dans son dernier message de v_ux adressé aux Français le 31 décembre 1994, il déclarait : « Le moment est donc venu de s'interroger sur les moyens que nous fournira la reprise économique, si souvent annoncée, pour que le retour à l'expansion s'accompagne d'un véritable ajustement des conditions sociales, trop évidemment inégales. Car la croissance n'est pas une fin en soi. Elle doit être l'instrument d'une répartition plus équitable des richesses créées par tous et pour tous. Dès maintenant, et dans les années prochaines, les gouvernements, quelle que soit leur tendance, auront à répondre d'abord à cette question » (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean Launay - Une fois de plus, c'était prémonitoire.

M. Jacques Barrot - Ce débat devrait marquer un temps fort du dialogue entre le Parlement et le Gouvernement. Ce doit être le moment privilégié pour poser de vraies questions.

Dans son rapport, le Gouvernement énonce des principes qui recueillent un large accord : rendre les comptes publics plus lisibles, maîtriser les dépenses publiques, favoriser le retour à l'emploi, réduire le déficit... Qui n'y souscrirait ? Ces priorités font écho à ce que vous disiez, Monsieur le ministre, le 8 octobre 1999, au Forum international de la fonction publique : « Quant à la France, la réforme de l'Etat y est indispensable. Elle sera de plus en plus déterminante pour notre compétitivité, donc nos emplois. Le pays a besoin de cette réforme structurelle, qui ne dépend ni du cours du dollar, ni de celui du yen, mais seulement de nous. Nous avons une bonne conjoncture. Profitons-en pour mener les réformes de structure nécessaires, dont celle de l'Etat. »

Comparés à ces intentions, les différents exercices budgétaires ne nous donnent guère d'assurances. Il font apparaître un manque de détermination dans la maîtrise des dépenses publiques, une stagnation du déficit et surtout un médiocre effort d'investissement.

Pour ce qui est de la dépense publique, il ne s'agit pas de la pourfendre pour elle-même. Mais, et je vous cite, Monsieur le ministre : « sans maîtrise de la dépense publique, on ne peut pas espérer un reflux durable des prélèvements. » J'ajouterai : on ne peut pas trouver les moyens d'encourager les investissements privés et de fortifier les investissements publics, indispensables pour préparer l'avenir. L'investissement public, lorsqu'il structure l'aménagement durable de notre territoire, améliore la compétitivité de notre pays.

Or, les dépenses publiques de notre pays représentent 53,9 % de notre produit intérieur brut, contre une moyenne de 48,4 % dans la zone euro, et de 38,8 % pour les pays de l'OCDE.

En outre, la rigidité de nos dépenses publiques s'accroît : la part des dépenses en capital n'est plus que de 9,8 % des dépenses totales, hors remboursements et dégrèvements en 1999, au lieu de 11 % en 1995.

Certes l'objectif de dépenses, pour la période 2000-2003, fixé pour l'Etat à plus 0,33 % en volume par an, pour les administrations sociales à plus 1,4 % et pour l'assurance maladie à plus 1,5 %, est volontariste. Mais comment le Gouvernement compte-t-il l'atteindre ?

La référence à de vagues économies tendancielles de l'ordre de 30 milliards par an est d'autant moins suffisante qu'en 1999, la norme de 1 % n'a pas été respectée ; selon la Cour des comptes, les dépenses de l'Etat ont progressé de 2,8 %. Pour l'année 2000, les 10 milliards de dépenses exceptionnelles qui ont été décidées sans redéploiement devraient provoquer un dérapage de 0,6 % par rapport à l'objectif budgétaire.

Quant aux dépenses maladie, en 1999, leur croissance a été trois fois plus élevée que prévu. De février 1999 à février 2000, elles ont même progressé à un rythme de 4,7 % qui risque pratiquement d'absorber l'essentiel de l'ONDAM pour 2000.

Il ne faudrait pas non plus que la modération des dépenses de l'Etat repose, en 2000 et 2001, sur des débudgétisations de dépenses sociales. Vous avez évoqué le rôle d'assureur que l'Etat jouait hier pour les régimes sociaux. Les régimes sociaux doivent-ils désormais devenir les assureurs de l'Etat ? Dans l'affirmative, il faut admettre que l'Etat a besoin d'être assuré et ce n'est guère rassurant ! (Sourires)

Le Gouvernement envisage-t-il de transférer à l'UNEDIC le financement des cotisations retraite des chômeurs, actuellement supporté par le fonds de solidarité vieillesse ? Si oui, n'entend-il pas profiter de cette opportunité pour transférer au fonds de solidarité vieillesse des dépenses qui sont à sa charge ? Auquel cas, ce sont les seuls régimes gérés par les partenaires sociaux -ARRCO, AGIR, UNEDIC- qui masqueraient la relative inertie de l'Etat dans sa gestion du budget et du régime général.

Dans ces conditions, j'en appelle à plus de transparence pour les recettes certes, mais surtout pour les dépenses, en particulier sur les 42 % de masse salariale qui entrent dans le budget de l'Etat. Dans son rapport, le Gouvernement présente un tableau de dépenses au titre de la fonction publique qui fait apparaître un dérapage modéré des effectifs : plus 1 %, pour moitié imputable à la réorganisation des armées. Mais est-ce raisonnable de ne pas y inclure les emplois-jeunes.

J'en viens à l'application des trente-cinq heures à la fonction publique d'Etat. Est-ce qu'une vraie négociation n'impliquerait-elle pas de mettre en parallèle missions, moyens et rémunérations, secteur par secteur ? Or tout se passe comme s'il n'y avait pas de fil directeur dans la démarche gouvernementale. Certains ministre annoncent la fin du gel des emplois sans que l'on sache si les nouveaux emplois seront gagés par redéploiement. Où en est la gestion prévisionnelle de l'emploi public ?

Le Gouvernement annonce des négociations salariales de fin d'année, sans préciser ses intentions.

Tout ceci laisse à penser qu'en évoquant successivement ces différents problèmes au lieu de les lier dans une négociation globale, il y aura à la fois création d'emplois supplémentaires et revalorisation des rémunérations.

Dans ces conditions, comment respecter l'objectif de progression de 1,5 % des dépenses en volume prévu dans le programme pluriannuel ? Les suppléments probables de dépenses sont connus : 7 milliards liés à l'augmentation du pouvoir d'achat du point fonction publique, 8 milliards au titre du GVT, environ 4 milliards au titre de l'accroissement de la dette et de la hausse des taux d'intérêts. Ces différents coûts, pour être compensés, imposeraient une diminution de 4 % par an des autres dépenses ! Quel plan de maîtrise appliquerez-vous pour respecter l'objectif de progression de 1,5 % en volume des dépenses de la sécurité sociale et de l'assurance-maladie ?

Je suis de ceux qui ont salué la création de la Mission d'évaluation et de contrôle et je suis heureux, Monsieur le ministre, que vous ayez rappelé tout à l'heure la nécessité de réformer l'ordonnance de 1959. Mais le Gouvernement ne pourrait-il tirer un meilleur parti de cet effort systématique d'évaluation qui devrait être la tâche primordiale du Parlement ?

Peut-on ne faire confiance qu'à quelques données macro-économiques, dont la Cour des comptes a signalé d'ailleurs « qu'elles pouvaient être modifiées artificiellement par des changements de présentation ». Le Parlement peut-il se contenter de reconduire des services votés ? Peut-il rester dans l'ignorance du nombre exact d'emplois financés par l'Etat ? Une profonde rénovation de la discussion budgétaire s'impose.

Nous allons observer l'application des 12 commandements de la Glasnost budgétaire. Mais toute Glasnost appelle sa Perestroïka.

M. le Ministre - Cela ne finit pas toujours bien.

M. Jacques Barrot - Ce débat d'orientation budgétaire prendrait tout son sens s'il était le moyen pour le Parlement de donner un véritable mandat au Gouvernement de négocier dans le domaine des dépenses publiques de l'Etat. Le ministère de l'économie y trouverait une légitimité et une autorité accrue pour ses négociations difficiles avec ses agents et tous ses partenaires.

Je l'ai dit, une dépense publique non contrôlée peut nuire au pays. Elle retarde le remboursement de la dette -qu'il faut toujours comparer à celle de nos voisins. Or le service de la dette, c'est deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu.

Le déficit dit structurel serait légitime, en d'autres temps, s'il servait à soutenir la consommation. Mais il sert à financer des réductions d'impôt, non à la modernisation.

J'en viens à mon reproche principal, la faiblesse de l'investissement. Notre capital productif progresse de 2,5 % par an contre 6 % aux Etats-Unis. De 1992 à 1999, les investissements en équipement des entreprises ont augmenté de 87 % en volume aux Etats-Unis et de 13 % seulement en France : le redressement rapide du taux d'utilisation des capacités de production dans l'industrie manufacturière fait ressortir l'insuffisance des capacités d'offres en France.

Je plaide pour l'investissement public, afin que notre pays garde sa supériorité en ce qui concerne les infrastructures routières, ferroviaires, téléphoniques.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. Jacques Barrot - Pourquoi en 1998 et 1999 le budget des routes a-t-il baissé alors que les recettes affluent ? L'élu du Massif central que je suis en est parfois découragé.

S'agissant de l'investissement privé, les baisses d'impôt devraient plutôt améliorer le potentiel de croissance de l'économie. Il faut aider les entreprises et, malgré certaines améliorations, nous avons un retard à combler.

A côté de l'investissement, il faut aussi accroître le taux d'activité, en incitant au retour à l'emploi. Le cumul temporaire du RMI et d'un revenu d'activité va dans le bon sens. Pierre Méhaignerie a développé notre proposition pour inciter les moins qualifiés à retourner au travail.

Le ministre de l'économie a évoqué trois cercles vertueux de la gestion publique. Une croissance durable ne peut dépendre seulement d'un ajustement habile au gré des exercices budgétaires annuels. Elle résulte d'une volonté déterminée de se mobiliser pour l'avenir des jeunes. Nous attendons les démarches qui rendront crédibles les intentions que j'ai saluées initialement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Daniel Feurtet - Le contrat de croissance et de solidarité adopté avec la loi de finances pour 1999, l'enveloppe normée tenant compte d'une partie de la croissance ont aidé les collectivités locales, dont le rôle économique et social est reconnu.

Les lois de finances pour 1999 et 2000, marquées par un gros effort de péréquation, leur ont garanti un minimum de recettes. La dette a été réaménagée, l'emprunt facilité. Les collectivités jouissent aussi d'une conjoncture favorable qu'elles ont soutenue par leur dynamisme. En quoi peuvent-elles consolider le caractère durable de la croissance ? A mes yeux elles en sont l'un des principaux acteurs, pour aller vers la société de plein emploi.

Mais comment joueraient-elles leur rôle si elles restent bridées dans leurs initiatives ?

L'autonomie des collectivités territoriales n'est pas seulement un enjeu démocratique, mais aussi économique. De ce point de vue, beaucoup reste à faire pour donner un nouvel élan à la décentralisation et, notamment, leur donner des moyens correspondant à l'élargissement de leurs compétences, car les multiples coopérations dans lesquelles elles sont engagées représentent autant de soutiens à la consommation et à l'investissement.

Le Gouvernement doit également s'attacher à la modernisation de la fiscalité locale.

En ce domaine, nous sommes face à une double irrationalité. Économique d'une part, car les bases ne sont pas objectives. Politique d'autre part, car le lien entre citoyen et contribuable se distend.

Il est indispensable de maintenir une fiscalité locale. Elle garantit l'existence des collectivités qui ont contribué à briser un autoritarisme féodal et à créer un pouvoir démocratique et social. Ces collectivités réalisent les trois-quarts des équipements collectifs et favorisent de nombreux emplois. D`ailleurs l'investissement local influence plus la croissance nationale que l'inverse.

La fiscalité locale est jugée complexe, archaïque et injuste. Elle doit s'appuyer sur des bases objectives et faciles à appréhender, opérer un prélèvement proportionnel aux facultés contributives dans un cadre coïncidant avec une aire de vie et de services.

Dans l'attente de la réforme annoncée, à laquelle les députés communistes souhaitent être associés, j'avancerai quelques propositions.

J'ai approuvé la suppression progressive de la part salariale dans les bases de la taxe professionnelle. L'heure est venue de pérenniser la taxe professionnelle, en y intégrant les actifs financiers, ce qui inciterait les entreprises à donner priorité aux investissements productifs. Jean-Pierre Chevènement s'est lui-même prononcé pour que la taxe professionnelle « reste un impôt local afin que les collectivités locales participent au développement de l'emploi local ».

A ce sujet, je rappelle qu'il faut obliger France Télécom à verser la taxe professionnelle qui revient de droit aux collectivités locales.

Il faut également réviser le mode de calcul de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier bâti afin de mieux prendre en compte l'ensemble des revenus et de faire jouer exonérations et seuils en fonction des situations.

L'impôt est aux fondements de l'exercice de la citoyenneté et de la cohésion sociale : payer l'impôt, même si la part est extrêmement modique, c'est refuser l'exclusion, c'est agir en faveur de la solidarité et de l'intégration à la vie locale.

J'insiste également pour qu'on favorise, par le crédit sélectif, les investissements créateurs d'emplois et la formation.

Les collectivités locales devraient pouvoir contracter des prêts bonifiés pour opérer des investissements de longue durée. Je ne songe pas uniquement aux constructions de locaux que réclame la mise en _uvre du plan de réussite scolaire en Seine-Saint-Denis mais plus largement, aux programmes d'investissements ambitieux en faveur de l'école et de la formation et à l'application des Contrats éducatifs locaux.

Les députés communistes préconisent également de prendre en compte dans le calcul de l'enveloppe normée, non pas 33 % mais 50 % du PIB.

Le Gouvernement a souhaité faire des collectivités locales un élément d'harmonie du territoire. Comme l'Europe doit respecter les spécificités nationales, l'Etat doit respecter leur libre administration et pour être utiles, elles doivent disposer de ressources suffisantes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Marc Laffineur - Comme beaucoup, je partage nombre d'idées que vous avez avancées. Malheureusement, nous avons souvent entendu vos prédécesseurs parler du maintien de la dépense publique, sans résultat.

Nous ne demandons donc qu'à vous croire, mais nous verrons à la fin de l'année et, surtout, en 2001.

Vous l'avez dit, vous avez actuellement beaucoup de chance : vous connaissez une croissance exceptionnelle, la baisse du chômage est très importante, le moral des Français n'a jamais été aussi bon, l'inflation est faible. Tout cela est dû pour l'essentiel à la croissance mondiale, à la nouvelle économie, à l'euro. Au propos, reconnaissez que, si la France a pu entrer dans l'euro, on le doit aussi aux sacrifices fait par les gouvernements qui ont précédé celui de Lionel Jospin.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Les sacrifices, ils les ont surtout demandés aux Français ...

M. Marc Laffineur - Aujourd'hui, la faiblesse de l'euro est un peu votre EPO (Murmures sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), qui vient doper nos exportations. Je m'en réjouis car je ne suis pas plus partisan d'un euro fort que je ne fus jadis, partisan d'un franc fort qui nous a sans doute coûté des centaines de milliers d'emplois.

De toutes ces chances, vous ne profitez pas pour mener les réformes de structures qui s'imposent. Pire, la croissance masque des mesures prises par le Gouvernement qui risqueraient de peser lourdement sur nos économies en cas de retournement de conjoncture. Ainsi, vous prétendez vouloir maîtriser les dépenses, mais 10 milliards de plus leur sont quand même consacrées dans le collectif que vous nous présenterez demain. Comment parviendrez-vous à cette maîtrise alors qu'il va vous falloir en outre, financer les 35 heures dans la fonction publique, les accords Zuccarelli, la réforme de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, la suite des emplois jeunes ? A l'évidence, vous aurez bien du mal à réduire le déficit alors qu'il s'agit pourtant d'une ardente obligation.

Vous avez éludé le sujet de la réforme des retraites, vous contentant d'annoncer que la vente des licences de téléphonie portable vous permettra de consacrer 150 à 200 milliards à ce dossier. Ainsi pensez-vous tenir jusqu'aux élections sans mener à bien cette réforme essentielle, alors que vous aviez la chance de pouvoir le faire.

En fait, aucune réforme n'est possible si l'on n'a pas le courage de réduire fortement les dépenses publiques en s'attaquant d'abord aux dépenses de fonctionnement. Autres priorités, réduire le déficit ainsi que des prélèvements obligatoires devenus intolérables et qui poussent certains Français à s'expatrier. Il conviendrait aussi de favoriser les emplois peu qualifiés, par exemple par un impôt négatif.

Enfin, je vous rejoins, Monsieur le ministre, sur vos propositions en faveur de la transparence. Elles sont dignes du créateur de la Mission d'évaluation et de contrôle et pourraient contribuer à donner un peu plus de pouvoirs aux parlementaires. Elles semblent être encore celles du Président de l'Assemblée (Sourires) ; j'espère qu'elles seront aussi celles du Ministre de l'Économie ; la démocratie y gagnerait (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Eric Besson - Je veux tout d'abord rendre un hommage sincère à l'action que vos prédécesseurs et vous-même, Monsieur le ministre, avez conduit et conduisez depuis juin 1997. Le Gouvernement a su rompre la spirale infernale de la stagnation et du chômage, recréer le cercle vertueux confiance-consommation-croissance, redonner espoir à nos millions de concitoyens touchés par le chômage. Ce sont ces succès que les Français retiendront d'abord de cette législature.

Il reste beaucoup à faire, mais les premiers résultats sont là et nous voilà confrontés à l'exercice délicieux mais dangereux de la répartition des fruits de la croissance. L'exercice est toujours délicat parce qu'il faut arbitrer entre l'aspiration des uns à jouir des fruits de leur travail ou de leur patrimoine et celles des autres, qui attendent davantage de la solidarité nationale. Il est particulièrement délicat pour la gauche parce qu'en répartissant ces fruits, la gauche touche à son identité, à ses racines. Elle est donc confrontée en permanence à l'exigence de justice sociale et fiscale, à la nécessité de corriger les inégalités que suscite inéluctablement le capitalisme. C'est pourquoi j'ai pu dire lors du débat sur les nouvelles régulations économiques que le budget était, chaque année, le texte le plus important de régulation du capitalisme, celui par lequel s'expriment les valeurs dont la majorité de gauche est porteuse.

Permettez-moi donc, puisque le Gouvernement n'a pas encore arrêté définitivement ses choix, de vous faire part de quelques suggestions.

Tout d'abord, il nous faut dire clairement quelles stratégies économique, sociale et fiscale, nous poursuivrons dans les années à venir. On connaît celle qui nous est présentée comme inéluctable, tant à la droite de cet hémicycle que par certains de nos partenaires. Elle tient en quelques slogans : dérégulation, libéralisation, flexibilité, baisse des impôts, moins d'Etat. Ceux qui la défendent ne jurent que par l'entreprise, mais tout l'art du management ne consiste-t-il pas à choisir la stratégie la plus profitable ? De même, un pays a le choix entre plusieurs stratégies.

Celle qui paraît la plus proche de notre histoire et des aspirations de notre peuple est la stratégie de cohésion sociale qui veut que les choix de résidence des particuliers -y compris les plus aisés-, les choix d'implantation des entreprises -y compris les plus innovantes- ne soient pas uniquement dictés par le moins-disant fiscal ou social. Plaider pour cette stratégie, c'est affirmer que la compétitivité d'une nation pourra être renforcée par des services publics performants, par un enseignement de qualité, par une protection sociale efficace, par une sécurité assurée, par un environnement sauvegardé et, surtout, par la chance donnée à chacun de trouver sa place dans notre système économique et social.

Voilà pourquoi, avant d'évoquer la future baisse des impôts, nous devons renforcer notre cohésion sociale.

M. Augustin Bonrepaux - Très bien !

M. Eric Besson - La baisse des impôts n'est pas un tabou pour la gauche, la majorité l'a montré depuis 1997, elle le prouvera encore demain lors de la discussion du collectif. Mais la baisse des impôts ne peut devenir la priorité de la gauche surtout si elle vise d'abord l'impôt sur le revenu. La gauche commettrait une lourde erreur si elle faisait, comme certains libéraux, de l'impôt sur le revenu son cheval de bataille. En effet, un foyer sur deux ne payant pas l'impôt sur le revenu, sa diminution ne toucherait pas les plus démunis. Nous connaissons aussi la faiblesse de la part relative des impôts directs et de l'impôt progressif dans notre pays. Nous savons que l'écart entre les 10 % les plus riches de nos concitoyens et les 10 % les plus pauvres continue de se creuser. Et nous sommes tous attachés au principe républicain selon lequel les contributions des citoyens aux charges publiques sont proportionnelles à leurs ressources.

Pour renforcer notre cohésion sociale, il faut renforcer nos services publics.

Il ne s'agit pas de vouloir une croissance non maîtrisée de nos dépenses publiques. Comme en 1997, je plaide pour le « mieux d'Etat », qui peut passer aussi par la nécessaire réforme de l'Etat, à laquelle croient les socialistes, dans la transparence et dans la concertation. Mais « mieux d'Etat » doit également signifier plus de moyens lorsque la qualité du service public n'est pas à la hauteur des besoins et des attentes de nos concitoyens. Augustin Bonrepaux l'a illustré, je n'y reviens pas.

Notre cohésion sociale, nous devons ensuite la renforcer en poursuivant avec toujours plus de détermination la lutte contre le chômage et contre l'exclusion. J'ai été heureux d'entendre Laurent Fabius le dire avec conviction.

Là encore, nous avons beaucoup fait depuis trois ans, nous pouvons en être fiers. Mais la tâche reste immense. On ne peut compter sur la seule croissance pour réintégrer sur le marché du travail les blessés de ces 25 années de chômage de longue durée, ces centaines de milliers de personnes qui ne sont plus en état, psychologiquement ou physiquement, d'occuper un emploi normal et qui auront besoin d'un sas pour être à nouveaux performantes.

Le risque politique et social est grand : dès lors qu'on répète partout que la croissance est repartie, que les plus hauts salaires grimpent, que de très grandes fortunes se créent, il faut s'attendre à des réactions de ceux qui ont le sentiment d'être laissés pour compte. Le risque économique existe aussi : plusieurs secteurs commencent à connaître des goulets d'étranglement. Il nous faut donc mettre en _uvre un grand plan d'insertion par l'économique.

Conforter la croissance, renforcer nos services publics, mettre en _uvre le droit au travail, et donc développer pour notre pays une stratégie de cohésion sociale, telles devraient être les priorités de la majorité pour le budget 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Michel Bouvard - Je ne reviendrai pas sur ce qu'ont dit mes collègues Philippe Auberger et Gilles Carrez, si ce n'est pour réaffirmer l'impérieuse nécessité de réduire les déficits. C'est une priorité, de même que la baisse des prélèvements obligatoires, annoncée chaque année depuis votre arrivée et jamais réalisée. Je voudrais en évoquer une autre, dont Jacques Barrot a parlé : l'investissement public -en m'excusant auprès de ceux qui suivent ce débat habituellement car mon discours ne sera pas renouvelé par rapport aux années précédentes.

Dans votre intervention, Monsieur le ministre, vous avez insisté sur la politique budgétaire restrictive et les hausses d'impôts qui ont été décidées à partir de 1995, sans d'ailleurs être remises en cause en 1997, en vue de qualification de la France pour l'euro, qualification dont vous vous réjouissez aujourd'hui. Pour ma part, j'ai été critique envers la démarche de la monnaie unique, et je mesure bien son impact sur nos budgets d'investissement.

Maintenant que la qualification est acquise -même si nous ne sommes pas pour autant dispensés d'assainir durablement nos finances publiques- et que la croissance est de retour, il me semble nécessaire d'accélérer l'effort d'équipement public. Celui-ci conditionne, tout comme la réduction des déficits et la compétitivité fiscale, l'inscription de la France dans une logique de développement durable et la prise en compte de la territorialité. Territorialité : voilà un mot qui ne trouvait plus place depuis longtemps dans les discours des ministres de l'économie et des finances, et que le militant de l'aménagement du territoire que je suis se réjouit d'avoir entendu.

Les enveloppes des contrats de plan, même si elles sont en légère progression, sont loin de répondre aux besoins. Elles ont d'ailleurs été arrêtées, pour l'essentiel, à un moment où l'on restait prudent quant aux perspectives de croissance. Demain, à l'occasion du collectif budgétaire, nous examinerons le coût de la tempête et de la marée noire, nous parlerons de celui des inondations ; mais pourquoi ne pas engager des actions de prévention, et en particulier financer des travaux de protection contre les crues, tant attendus par nombre de collectivités ? Pourquoi ne pas réaliser de nouvelles infrastructures de transports -transports urbains, transport ferroviaire, désenclavement autoroutier- ? Les besoins sont considérables, mais je crains que les lettres de cadrage actuelle ne permettent pas d'y répondre.

Quant à l'exigence de territorialité, elle implique, pour ne citer qu'un seul exemple, de diffuser les nouvelles technologies dans les territoires ruraux de montagne -sauf à ajouter à la fracture sociale la fracture territoriale. Dans toute une partie de notre pays, ce ne sont pas les logiques économiques seules qui permettront de répondre aux besoins d'infrastructures, faute de rentabilité directe.

Il est donc indispensable de renforcer nos budgets d'investissement. Cela suppose de maîtriser les dépenses de fonctionnement ; or on sait que la fonction publique, en l'absence de redéploiement des emplois, est fortement consommatrice des moyens de l'Etat... Depuis 1997, les dépenses d'investissement civil n'ont augmenté que de 2,4 %, les dépenses affectées à la fonction publique de près de 9 %. S'ajoute à cela le coût des allégements de cotisations liés aux 35 heures, qui dépassera 65 milliards en 2001. Le Gouvernement entend-il engager un rééquilibrage progressif de notre budget en faveur de l'investissement -qui, je le rappelle, est aussi créateur d'emplois ?

Par ailleurs, quelles initiatives comptez-vous prendre pour que l'Europe, qui avait défini un programme de quatorze grands travaux d'infrastructures, assure une partie de leur financement ?

Je voudrais évoquer encore une autre priorité : le contrôle du Parlement sur les dépenses de l'Etat et l'amélioration de l'efficacité de l'argent public. Les gaspillages sont particulièrement insupportables pour ceux qui ont le plus de mal à acquitter l'impôt. L'Office d'évaluation des politiques publiques, mis en place par votre prédécesseur à la présidence de l'Assemblée nationale, n'a pas eu le temps de produire ses effets. Vous avez, pour votre part, contribué à la mise en place de la MEC. Mais, malgré le travail efficace de celle-ci, dès la première année, sous la présidence conjointe de Didier Migaud et Philippe Auberger, ses recommandations n'ont pas été prises en compte dans le budget 2000 ; parfois même, on a fait l'exact contraire.

J'ai été très attentif à vos propositions pour renforcer la transparence, accroître le contrôle de gestion, en liaison avec la MEC, et renforcer le pouvoir budgétaire des parlementaires. Je souhaite que cette réforme aboutisse et permette à notre pays de mieux utiliser les fonds publics et de s'engager sur la voie d'une croissance durable, qui permettra à tous les Français qui n'ont pas encore de travail d'en trouver un demain (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Georges Sarre - L'économie française a retrouvé le bon chemin, celui de la croissance, qui s'est installée au-dessus de 3 %. La réduction du chômage est enfin une réalité, même s'il reste beaucoup à faire. Ce n'est pas la réduction du déficit budgétaire qu'il faut ériger en impératif catégorique ; la priorité va à la croissance, l'exemple américain est là pour le prouver : après sept ans d'une relative passivité à l'égard du déficit budgétaire, et dans le contexte d'une forte croissance, les Etats-Unis ont connu un excédent. C'est donc la croissance qui est la vraie cause des augmentations de recettes.

Le problème-clé pour 2001 est l'utilisation des surplus de recettes fiscales, à un moment où le besoin d'Etat se fait très nettement sentir. S'agissant de la fiscalité, l'orientation actuelle est bonne ; depuis 1997, le Gouvernement a commencé à rééquilibrer la taxation des revenus. Cela ne signifie pas qu'une réforme de fond n'est pas nécessaire.

L'impôt doit gagner en cohérence et en redistributivité. L'impôt sur le revenu est en théorie plus égalitaire car il est assis sur les capacités contributives des ménages. En pratique, il souffre d'une assiette très étroite, et si l'on y ajoute l'évasion fiscale pratiquée par certains titulaires de hauts revenus, ce sont les couches moyennes qui supportent la plus lourde charge. C'est pourquoi nous sommes favorables à une extension de l'assiette et à une grille unique, quelle que soit l'origine des revenus, travail ou épargne. Le prélèvement à la source pourrait également être mis à l'étude, dans la mesure où il faciliterait la perception de l'impôt.

D'autres pistes de réformes devraient être explorées : je pense par exemple à la suppression du décalage entre l'année de perception des revenus et celle du paiement de l'impôt.

Nous nous sommes plusieurs fois prononcés pour une baisse du taux normal de TVA, car les prélèvements indirects frappent davantage les revenus modestes en termes relatifs. Le collectif va dans la bonne direction, mais l'annulation des hausses décidées par la précédente majorité devrait être un objectif, sans préjudice pour des allégements ciblés, dans des secteurs où il y a consommation de masse, telle la restauration ou la vente de disques.

La politique familiale ne doit pas être délaissée. C'est pourquoi nous proposons que l'Etat y réinvestisse l'argent économisé par le plafonnement de l'AGED et par l'abaissement du plafond du quotient familial et institue plutôt un abattement fixe par enfant. Le Gouvernement de la République a le devoir de soutenir la natalité et de favoriser les familles ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Au chapitre des dépenses, il faut partir des besoins et y consacrer l'effort financier suffisant. Loin de traduire un divorce entre les Français et leurs services publics, les conflits de l'Education nationale et de l'hôpital public montrent à quel point les attentes sont importantes. De même en ce qui concerne la sécurité et la justice. Les classes surchargées, la violence à l'école, les différences de niveau constatées entre les établissements contraignent à se fixer pour objectif de n'avoir que vingt-cinq élèves par classe, et donc de créer des postes. La propension des libéraux bien-pensants à faire du recrutement de fonctionnaires le mal absolu doit être combattue.

Les récents mouvements des urgences parisiennes, des agents hospitaliers, des internes et des infirmiers anesthésistes illustrent les inquiétudes suscitées par le manque de personnel, par l'insuffisante qualité des soins, et, dans certains cas, par le manque de lits. Mais, dans un pays qui compte aujourd'hui moins de juges qu'à la fin du dix-neuvième siècle, et autant de policiers qu'en 1945, il est urgent de consentir des efforts substantiels pour la justice et pour la police aussi. La sécurité grâce à la police de proximité et l'accélération des procédures judiciaires par le décongestionnement des cours constituent un devoir primordial pour l'Etat !

Être moderne, ou, mieux, être de son temps, ce n'est pas par principe vouer la dépense publique aux gémonies. C'est garantir l'égalité effective devant les services publics et la restaurer la où les rouages sont grippés. Il faut donc s'en donner les moyens en écoutant les Français. La vocation du Gouvernement actuel, est de gouverner pour le plus grand nombre : tel est le défi qu'il doit relever avec la prochaine loi de finances, avec le concours que nous lui avons apporté aujourd'hui et que nous continuerons de lui apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Étrange époque : rarement les perspectives de croissance auront été aussi radieuses pour notre pays, et rarement les perspectives budgétaires aussi ternes ! Avec un taux de croissance annoncé de 3,6 %, ne pourrait-on faire mieux que de maintenir un déficit aux alentours de 200 milliards, de laisser filer les dépenses et de maintenir une pression fiscale confiscatoire ?

Il y a peu encore, personne n'aurait oser parier sur un taux de 3 % ou plus -3,2 % en 1998, 2,7 en 1999, et peut-être 4 % en 2000. Tout l'enjeu de ce débat d'orientation est donc de savoir si notre pays est capable, comme les Etats-Unis, de tracer un « sentier de croissance » qui puisse lui éviter des fluctuations cycliques analogues à celles qui ont secoué notre économie dans la précédente décennie.

Mais chez nous, cette croissance est-elle autre chose qu'un rattrapage technologique par rapport aux Etats-Unis ? En effet, ceux qui découvrent aujourd'hui les attraits de la nouvelle économie, les vertus des start-ups et la « Républic Alley » de notre XIe arrondissement oublient que le « folie Internet » s'est déclarée outre-Atlantique dès 1993. Nous avons sept ans de retard !

Reste aussi à savoir si la croissance française, tirée par les nouvelles technologies, se traduira comme aux Etats-Unis, par neuf années de croissance ininterrompue. Le Gouvernement n'a retenu pour 2001 qu'un taux de 3 %, contre 3,6 % pour 2000 : obéit-il au principe de précaution ? S'agit-il de dissimuler une nouvelle cagnotte ou envisage-t-il une détérioration de la situation ? Mais, à ce compte, il aurait fallu être encore plus prudent, compte tenu de la fragilité de nos finances publiques.

Quel bilan économique nous proposez-vous, en cette cinquième année de méthode Jospin ? Il tient en quatre chiffres : 420 milliards de prélèvements supplémentaires depuis 1997, 200 milliards de déficit budgétaire annuel, un taux de chômage encore à deux chiffres, et 105 milliards de dépenses nouvelles pour financer cet invraisemblable avatar que sont les 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Cette politique économique, le Gouvernement la voulait conforme à un « triangle d'or » : réduction des déficits, réduction des impôts, financement des priorités sociales.

Qu'en a-t-il été ? Certes, vous avez réduit le déficit budgétaire de 0,3 point de PIB par an, ce qui fait au total 1,7 point depuis 1997, mais est-ce si glorieux quand la majorité précédente l'avait réduit de 2,5 points, dans un contexte autrement moins favorable ?

En 2000, avec 206 milliards et, en 2001, avec 195 milliards, vous avez fait le pari incroyable de maintenir ce déficit à un niveau élevé, alors que plusieurs de nos partenaires européens enregistrent au contraire un excédent. Réduction homéopathique donc, et encore, vous n'avez agi que sur le déficit conjoncturel, en tirant parti des surcroîts de recettes et de taux d'intérêt en baisse. Mais quid du déficit structurel ?

Le Gouvernement n'aura pas pratiqué une bonne et saine gestion des finances publiques. Il aurait fallu d'emblée s'attaquer à la réduction des dépenses et ce d'autant plus nécessairement que vous voulez vous lancer dans une politique de baisse des prélèvements. Laisser augmenter les dépenses et accorder des baisses d'impôts en fonction des cagnottes dégagées sur deux ou trois exercices, c'est aller à la catastrophe en cas de revirement de conjoncture !

Certes, il n'est pas facile de réduire ou même simplement de contenir les dépenses. Les normes de progression que le Gouvernement avait annoncées étaient de 1 % en volume en 1999 et de 0 % cette année. En réalité, la croissance fut de 2,8 % en 1999 et sera encore de 2 % cette année. Vous ne maîtrisez donc pas l'évolution.

Votre rapport souligne que le Gouvernement a laissé filer ces dépenses lors du « trou d'air » de 1999 en vue de stabiliser la conjoncture. Mais ce raisonnement keynésien un peu naïf oublie que les dépenses qui ont augmenté sont des dépenses « passives », sur le poste fonction publique. L'impact des accords Zuccarelli et les mesures de revalorisations des pensions et des traitements ont fait progresser de 2,5 % la part des dépenses de personnel dans le budget de l'Etat, soit de 57 milliards depuis 1997 ! Et voici que le Gouvernement propose de créer encore des postes : 2 800 à l'Education nationale et 636 dans trois autres ministères jugés prioritaires. N'est-ce pas négliger l'impact des 35 heures ?

Vous nous annoncez aussi d'autres baisses d'impôts pour 2001, mais vous omettez les 420 milliards de prélèvements supplémentaires intervenus depuis 1997 et le pic de 45,7 % du PIB atteint par les prélèvements obligatoires en 1999.

Vous nous promettez certes une baisse plus substantielle de l'impôt sur le revenu pour 2001. Pourtant votre rapport, s'il est prolixe sur le bilan économique de la législature, est beaucoup plus discret sur le volet fiscal : on baisserait le barème, mais non le taux marginal de 54 % ; il serait question de rendre la CSG progressive... Va-t-on encore duper les Français par des artifices, alors que 300 000 se sont expatriés pour des raisons fiscales et que de nombreuses « start-up » se créent outre Manche au lieu de se créer en France ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La stratégie de la cagnotte devait nous montrer que les recettes rentrent bien tout en évitant d'ouvrir un débat sur leur affectation. Elle nous aura au contraire permis de constater que le Gouvernement dissimule les comptes et qu'il a augmenté les impôts au lieu de les baisser.

Reste à savoir si la légère baisse du taux de croissance cache un ralentissement économique ou une cagnotte pour 2001. En tout cas, le Gouvernement dispose de nombreuses cagnottes : avec la valorisation des actifs de France Télécom et la vente aux enchères des licences des portables de troisième génération, il disposera de 300 à 500 milliards supplémentaires. On comprend la discrétion du Gouvernement.

Une croissance qui ne doit rien à votre politique, une réduction superficielle du déficit, un dérapage constant des dépenses, une baisse impressionniste des impôts, la dissimulation permanente des comptes et de la vérité : le passif du Gouvernement est lourd et ses orientations budgétaires pour 2001 traduisent un immobilisme politique complet.

La gestion après coup des plus-values fiscales témoigne d'une absence de stratégie. On gaspille les fruits de la croissance.

Monsieur le ministre, gouverner c'est prévoir, et pas seulement communiquer. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale ne pourra approuver les orientations budgétaires du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Patrick Malavieille - Il nous faut fixer des priorités. L'emploi en est une et c'est pourquoi je souhaite appeler votre attention sur l'avenir des emplois-jeunes.

Créé en 1997, le programme « Nouveaux services, nouveaux emplois » avait deux objectifs : améliorer la qualité de la vie et apporter une réponse au chômage des jeunes.

Le premier objectif a été atteint. Ces nouveaux services ont renforcé la cohésion sociale et les enquêtes font état d'un fort taux de satisfaction. En revanche, le chômage des jeunes n'a pas disparu et les mouvements sociaux parmi les titulaires des emplois-jeunes ont montré l'ampleur du malaise.

On nous avait annoncé 350 000 emplois. Nous n'en comptons aujourd'hui que 250 000. Ce dispositif s'essoufflerait-il ?

Les jeunes rencontrent des difficultés de formation. Les uns, qui ont reçu une formation initiale minimale, souhaitent acquérir de nouvelles compétences. Les autres, à l'issue d'un parcours scolaire vécu comme un échec, n'ont reçu qu'une très faible formation initiale.

Les premiers ont du mal à se faire inscrire dans les programmes de formation. Quant aux seconds, ils n'osent pas solliciter une formation de peur de vivre un nouvel échec. En outre, certaines régions attribuent très peu de crédits à ces jeunes.

Leurs bénéficiaires, tout comme les porteurs de projet, sont inquiets pour le devenir des jeunes. Nous devons améliorer le dispositif et le groupe communiste fait des propositions en ce sens.

L'effort budgétaire consenti en faveur de ce programme a permis de créer des activités nouvelles que nul ne songe plus à abandonner. Les emplois-jeunes sont devenus indispensables au bon fonctionnement des associations, mais peu d'entre elles auront les moyens de verser des salaires à l'expiration du dispositif. Les collectivités locales se retrouveront dans la même situation si aucun moyen financier n'est dégagé à leur intention.

L'effort de formation doit être poursuivi. Il faut inviter les préfets à intervenir auprès des exécutifs régionaux pour que ceux-ci prennent toutes leurs responsabilités.

Les emplois-jeunes sont une chance pour la société. Il faut prévoir des mesures relais afin de faire reculer le chômage des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Georges Tron - A mon tour, Monsieur le ministre, je veux vous remercier pour le ton que vous avez adopté.

Comme l'a dit M. Méhaignerie, il ne s'agit pas pour nous de vous faire un procès d'intention, mais de vérifier vos réponses.

Vous avez évoqué la croissance, la constance et enfin la transparence, qu'il est indispensable de garantir. Vous vous y étiez attaché en tant que Président de l'Assemblée nationale.

Je ne doute pas que vous souhaitiez appliquer votre programme en douze points, mais je suis choqué de la façon dont vous avez balayé le rapport préalable de la Cour des comptes, dans lequel on apprend que les dépenses ont largement progressé, les charges nettes du budget de l'Etat ayant augmenté de 2,8 % au lieu de 1 % comme prévu.

Vous indiquiez cet après-midi que l'évolution de 0,33 % par an de la dépense de l'Etat affichée dans le plan triennal fait l'objet d'un débat. « C'est trop » disent les uns. « C'est trop peu » disent les autres.

Mais surtout, est-ce crédible ? Est-ce insuffisant pour atteindre vos objectifs ?

Prenons l'exemple de la fonction publique. Si la progression des dépenses du titre III s'est ralentie, la Cour des comptes a montré que ce ralentissement n'est dû qu'à un changement de périmètre lié à la prise en compte des subventions de fonctionnement. Le rapport préliminaire de la Cour des comptes montre bien que ce sont surtout les dépenses de la fonction publique qui grèvent le budget de l'Etat. Mais nous n'avons pas entendu un mot sur ce sujet aujourd'hui.

Le projet de décret sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique a été remis aux syndicats le 9 mai. Mais on ne nous dit rien de ses incidences financières.

Rien non plus sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, dont M. Sapin a fait sa priorité.

Et que faites-vous des emplois jeunes ?

Le rapport Tenzer-Ciautat a montré que d'ici 2012, 45 à 50 % de nos fonctionnaires vont quitter la fonction publique. Vous avez une occasion unique de réorganiser l'emploi public et d'aborder le problème des retraites.

Nous approuvons les orientations définies par la mission d'évaluation et de contrôle. Nous respectons les fonctionnaires, mais cela ne nous empêche pas de nous interroger sur la réforme de l'Etat, au moment où vous semblez envisager de nouvelles embauches dans la fonction publique.

Il y a quelques jours en effet, M. Sapin s'engageait à ne pas procéder à des recrutements supplémentaires. Mais le soir même un communiqué de Matignon nous expliquait que ce n'était pas là un dogme.

Le Gouvernement a-t-il une politique définie dans ce domaine ? Si oui, peut-on savoir laquelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Thierry Carcenac - Ce débat a lieu dans un contexte économique inédit : une forte croissance de l'économie mondiale, des taux d'intérêts relativement faibles, une inflation maîtrisée, une confiance retrouvée par des consommateurs qui ont bénéficié des effets d'une politique propre à doper notre croissance intérieure, une lutte pour l'emploi qui porte ses fruits, une situation budgétaire qui s'améliore avec des déficits publics inférieurs à 3 % du PIB, des marges retrouvées qui attisent tous les espoirs après de longues années de vaches maigres.

Il convient tout d'abord de mieux prévoir nos ressources fiscales et de rendre nos comptes plus lisibles. Je vous remercie, Monsieur le ministre, des engagements que vous avez pris à cet égard. Certes, la situation s'est améliorée sur certains points, tels que la présentation du « compte général de l'administration des finances » avec un début d'approche patrimoniale ; je pense aussi aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques effectués par la commission des finances. Mais il faut aller plus loin et mettre à profit la présidence française pour clarifier le débat afin de comparer ce qui est comparable.

En effet, outre l'harmonisation des politiques fiscales, nous devrions définir plus précisément les termes « prélèvements obligatoires ». S'agissant de l'impôt sur le revenu, le taux marginal et le barème même doivent être précisés pour établir des comparaisons pertinentes entres les Etats. Il en sera de même des dépenses publiques. Par exemple, la définition des dépenses d'éducation est révélatrice : ici, elle recouvre aussi les établissements scolaires privés sous contrat qui sont financés par l'Etat ; là, le financement privé est en totalité à la charge des familles.

Enfin, s'agissant du déficit, certains disent que sept des quinze pays de l'Union européenne dégagent désormais un excédent budgétaire. Et, si nous n'y prenons garde, la situation particulière de la France apparaîtra bientôt comme inacceptable aux yeux de nos concitoyens, à défaut d'explications et de comparaisons objectives.

Bien entendu, il est souhaitable de poursuivre la réduction du déficit budgétaire, comme le Gouvernement s'y est engagé dans le programme pluriannuel de finances publiques pour 2001-2003. Ce déficit public a été divisé par deux en pourcentage du PIB, et le solde primaire positif enregistré depuis 1997 doit être rendu durablement croissant.

Poursuivre l'effort ainsi entrepris implique une gestion dynamique de notre dette poursuivie grâce à la mise en place de MTS-France, la plate-forme de négociation électronique sur la dette française sur laquelle le Parlement doit être mieux informé. Par ailleurs, la charge de la dette doit continuer à régresser pour nous redonner des marges budgétaires, la sensibilité de cette charge à la remontée des taux d'intérêts étant encore trop forte.

Il faudra aussi tenir compte de la réduction du besoin de financement de l'Etat. Les disponibilités ainsi dégagées sur le marché de l'argent, pourraient bénéficier aux entreprises mais aussi servir à financer de grands travaux indispensables à l'équipement de notre territoire.

J'insiste enfin sur la nécessité de consentir un effort de remise de dette en faveur des pays les plus pauvres.

En conclusion, je ne suis pas fermement attaché à une baisse des impôts pour une baisse des impôts. Je crois davantage à une diminution de la dette publique en période de croissance, afin d'assurer de meilleurs lendemains, car nous aurons à financer des dépenses socialement utiles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Maxime Gremetz - On ne saurait réduire le débat fiscal à un arbitrage entre la baisse généralisée des impôts et la réduction des déficits publics voulue par la Commission européenne avec, pour seule perspective, la réduction des dépenses publiques afin d'abaisser les prélèvements obligatoires qui seraient « devenus insupportables ».

Alors que la droite et le MEDEF ne cessent de réclamer de nouvelles baisses d'impôts et de cotisations patronales, nous réaffirmons le caractère républicain de l'impôt, à condition qu'il soit juste, équitable, progressif. A cette fin, il faut réduire le poids des impôts qui frappent de la même façon le chômeur ou le smicard et le milliardaire.

D'autre part, on ne peut à la fois affirmer la nécessité de développer des services publics de qualité ou prôner la redistribution des fruits de la croissance et réclamer une réduction à tout prix des prélèvements fiscaux et sociaux.

La croissance implique de soutenir la consommation populaire. Il faut donc augmenter les minima sociaux et les salaires, en particulier le SMIC, de 6 %. C'est d'autant plus justifié que la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a cessé de décroître, passant de 71,7 % en 1980 à 60,3 % en 1995, à 59,1 % en 1997 et à 58,8 % en 1998.

Les salaires ont augmenté de 2 % en 1997, puis de 1,8 % en 1998 et de 1,9 % en 1999, la progression des revenus financiers sous-imposés a atteint 7,4 % en 1998 et 8,32 % en 1999, cependant que la Bourse a fait un bon de quelque 52 %.

D'autre part, pouvons-nous rester inertes devant la progression sans précédent de la valeur des gros patrimoines, alors que le nombre des érémistes ne cesse d'augmenter ? Cette situation justifie de faire jouer la solidarité, donc d'améliorer le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune, en intégrant les biens professionnels dans son assiette.

Elle impose aussi un rééquilibrage entre fiscalité directe et fiscalité sur la consommation : grâce à la poursuite des baisses ciblées de TVA et à un retour au taux normal de 18,6 %, ou même au taux plancher de 15 % évoqué par la directive européenne. Il faut aussi réduire le poids excessif de la fiscalité sur l'essence.

Ces baisses d'impôt répondent à un souci de justice sociale et d'efficacité pour l'emploi.

Améliorer la situation des salariés moyens implique non pas d'abaisser la plus haute tranche du barème, mais de refondre ce barème en créant de nouvelles tranches et d'aménager des dispositions telles que l'avoir fiscal, qui rendent non imposables des titulaires de revenus supérieurs à 150 000 F. Dans le même esprit, la progressivité s'impose dans le calcul de la CSG.

Pour alléger le poids de la fiscalité locale sur les ménages modestes, il convient aussi de revoir le mode de calcul de la taxe d'habitation qui ne tient pas suffisamment compte des revenus et introduire le principe du dégrèvement pour le foncier bâti.

La priorité doit être donnée à l'imposition des revenus financiers des entreprises. Faire contribuer les revenus de placements des entreprises et des banques au même taux que les salaires procurerait des ressources nouvelles au budget de l'Etat et de la sécurité sociale.

L'an dernier, notre Assemblée a décidé, sur notre proposition, de limiter l'avoir fiscal des sociétés afin d'inciter les entreprises à privilégier la production de richesse et l'emploi plutôt que les placements financiers.

Il faut poursuivre dans cette voie, notamment en taxant différemment les résultats d'exploitation et les résultats financiers. De même, l'intégration au moins partielle des actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle, à un taux de 0,3 %, rapporterait environ 60 milliards aux collectivités locales.

Enfin, la pénurie de main-d'_uvre qualifiée dans certains secteurs d'activité justifie un effort particulier en faveur de la formation initiale et continue, ainsi qu'une réforme de la formation professionnelle propre à stimuler l'effort mutualisé des entreprises.

Et pour mettre la création monétaire et le crédit au service de l'emploi, il faut pénaliser les mouvements spéculatifs de capitaux, par exemple en instituant la taxe Tobin.

Atteindre l'objectif de plein emploi que la majorité s'est fixée, réduire les inégalités, conforter l'activité menacée par une remontée des taux d'intérêt qui met du reste d'ores et déjà en cause les hypothèses optimistes de croissance du rapport implique de mobiliser beaucoup plus efficacement le budget et tous les leviers de l'action publique.

C'est dire l'urgence d'une réforme fiscale structurelle propre à améliorer le rendement, mais surtout l'efficacité économique et sociale des prélèvements.

Nous souhaitons que la préparation de la loi de finances pour 2001 intègre cette exigence et que toutes les formations de la majorité soient associées à ce grand chantier (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Yann Galut - L'installation durable de la croissance dans notre pays a provoqué un changement d'état d'esprit que révèlent avec éclat les mouvements sociaux.

En effet, après vingt ans d'offensives libérales, durant lesquels les couches populaires et les salariés n'avaient d'autre souci que de limiter l'ampleur des reculs de leurs droits et de la qualité des services publics, nous sommes entrés dans une nouvelle donne où les principales victimes des politiques libérales sont à même d'exiger que soient appliquées des politiques rompant avec la logique libérale.

Ils le réclament sur leur lieu de travail, comme le montrent les multiples conflits relatifs à l'application des 35 heures ou le mouvement actuel des convoyeurs de fonds.

Mais les mouvements sociaux récent exprimaient tous une exigence commune : le renforcement de la qualité des services publics. Exigence qui n'est pas celle de fonctionnaires corporatistes, mais celle de toute une société attachée au modèle républicain et à ses acquis sociaux, parce que tout le monde a compris que la croissance ne résout pas tous les problèmes et que les fruits de la croissance ne vont pas forcément à ceux qui avaient le plus souffert de la période de crise. Les services publics sont essentiels dans le processus de redistribution des richesses et pour y garantir l'accès égal de tous à la citoyenneté et à la promotion sociale.

Dans ces conditions, la priorité budgétaire doit être donnée au renforcement et à la modernisation des services publics et non à la baisse des impôts ou à la réduction des déficits. Il n'est pas exact de dire qu'on peut réduire le poids de la dépense publique tout en améliorant la qualité des services publics. Les mobilisations sociales des dernières semaines ont montré l'appréciation que la population porte sur ces réformes à moyens constants.

Il est cependant légitime de se demander si la baisse des impôts et des déficits constitue une bonne politique.

Selon moi, la baisse des impôts ne peut-être l'horizon des socialistes dont le but est la réduction effective des inégalités.

Certes, il est important de réformer les impôts, mais à deux conditions : ne pas sacrifier le financement des dépenses publiques ; manifester le souci républicain d'une plus grande justice sociale, c'est-à-dire en renforçant la progressivité de l'impôt. Notre priorité devrait être d'alléger la TVA sur la restauration ou les produits culturels, et non l'impôt sur le revenu, dont je regrette que de plus en plus de ménages soient exonérés.

D'autre part, faut-il baisser les déficits ? Là encore, je dis non. Cela ralentirait la croissance de la dépense publique, au détriment des plans de modernisation et de renforcement des services publics.

Ces positions ne relèvent pas d'un dogmatisme dépensier. Mais après vingt ans d'offensive libérale, le déficit à combattre ce n'est pas celui des dépenses publiques, c'est le déficit social qui se traduit par moins de transports en commun, moins de moyens pour l'école, des structures de travail social fragilisées. Ces déséquilibres sont concentrés sur notre territoire. Casser les ghettos, revitaliser les campagnes qui en soufrent nécessite de moderniser et renforcer le service public.

Je le dis sans hésiter, une telle politique ne pourra se faire à moyens constants. Avant d'évoquer la baisse des impôts et des déficits, apurer le déficit social tel doit être l'objectif d'une politique de gauche (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. André Vauchez - Je souligne d'abord l'intérêt que portent les députés à ce débat d'orientation budgétaire.

Le contexte est favorable grâce à la reprise économique et les mesures prises par le Gouvernement depuis 1997 ont porté leurs fruits. Tous les indicateurs sont au vert pour 2001. Sauf krach boursier, la croissance à 3 % avec une inflation à 0,9 % garantit la création d'emplois et de pouvoir d'achat.

Le projet de loi de finances pour 2001 a plusieurs objectifs : assurer le bon fonctionnement des services publics et exécuter les contrats de plan Etat-région ; assurer la charge d'une dette très élevée -230 milliards représentent les deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu ; soutenir l'économie par la consommation ; réduire les inégalités ; réduire l'impôt après les 40 milliards de réduction de la loi de finances initiale pour 2000 et les 40,6 milliards du collectif ; diminuer la taxe professionnelle d'un tiers en cinq ans.

A ce propos, l'effort est très important pour alléger le poids de l'impôt local, et non seulement de la TVA ou de l'impôt sur les revenus.

Par exemple sur les 70 milliards de taxe d'habitation que perçoivent les collectivités, l'Etat en versera en 2001 11 milliards, soit 15 %, en plus des 15 milliards, soit 20 %, de compensations existantes.

Se plaindre de la perte d'autonomie des collectivités, comme le fait la droite, n'est qu'une diversion face au soulagement du contribuable. De plus, par la suite, ces compensations évolueront au rythme de la DGF.

Enfin le budget 2001 intègre une baisse du déficit qui s'était formidablement creusé de 1993 à 1996. Alors qu'il reste supérieur à 200 milliards, il n'est pas question de parler de cagnotte pour désigner les plus-values fiscales dues à la bonne santé de l'économie.

Assurer le présent, continuer à rendre au plus grand nombre de nos concitoyens au chômage, emploi et dignité, rechercher l'équité sociale, inscrire la politique économique et sociale de la France dans la grande aventure européenne, préparer l'avenir en maîtrisant la dépense publique et en réduisant les déficits, c'est ce que j'ai relevé dans vos propositions. Le groupe socialiste y adhère pleinement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Bapt - Je me limiterai à quelques considérations sur l'emploi. La France est championne de la croissance européenne. Avec un taux de plus de 3 % on peut espérer ramener le taux de chômage à 8 % fin 2001 en créant une million d'emplois en deux ans.

J'adhère pleinement à votre politique économique et budgétaire. Cependant je m'interroge sur un problème ponctuel. Le secteur de la restauration est soumis à cinq régimes de TVA de 0 % à 20,6 %. Le Conseil d'Etat a indiqué récemment qu'il faut y mettre de l'ordre, notamment en ce qui concerne la restauration collective et la restauration rapide. J'ai bien compris que la baisse de ce point de TVA et les baisses ciblées des deux années précédentes ont des incidences budgétaires. Mais ne pourrait-on fixer un taux intermédiaire pour régler les problèmes d'une profession qui a pris des engagements fermes sur les prix et sur l'emploi ?

M. Michel Bouvard - Alors votez nos amendements.

M. Gérard Bapt - D'autre part, je me préoccupe de la place de l'emploi dans le budget 2001. Il faut tenir compte des succès dans la lutte contre le chômage mais aussi de la montée en charge des emplois-jeunes, des CEC, du programme TRACE. De même il est nécessaire d'adapter la politique de l'emploi à la nouvelle réalité territoriale afin de l'individualiser bassin par bassin grâce aux crédits de promotion des administrations décentralisées. En tant que rapporteur du budget du travail, je tenais à rappeler ces préoccupations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Alain Bocquet - Bien parlé.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je remercie ceux qui sont intervenus et, sans ironie, tous ceux qui ne l'ont pas fait mais auraient pu le faire. J'ai entendu des interventions de qualité dans un bon climat.

Monsieur le rapporteur général l'approbation que vous nous donnez dans un propos charpenté comme à l'accoutumée, est un grand encouragement. L'éclairage que vous avez apporté au débat sera source d'enrichissement. Vous avez ainsi dressé la liste d'un certain nombre de priorités qui constituent en fait la ligne du projet budgétaire et fiscal de cette majorité. Vous avez souligné que nous voulions l'efficacité du service public et la réforme de l'Etat, non pour les voir disparaître mais pour les sauvegarder, car ils sont synonymes de solidarité et de modernité, ajoutant que « les évaluer, c'est les faire progresser ». On ne saurait mieux dire !

Vous nous avez dit ensuite qu'il fallait maîtriser les dépenses, non pour rogner mais pour financer des priorités car il faut des professeurs, des infirmières, des policiers. Vous avez souligné à ce propos la contradiction qu'il y a à clamer à Paris que l'on ne réduit pas assez les dépenses et à réclamer toujours plus dans sa circonscription...

Vous avez aussi montré que, si les déficits sont compréhensibles en période de crise, il convient de les réduire dans une phase de croissance aussi forte et aussi durable que celle que nous connaissons. Vous avez rappelé que nous avions hérité d'un déficit de 3,5 % et que la tendance est aujourd'hui au respect de l'objectif de 0,3 % pour 2003. Tel est le sens de notre travail : utiliser la croissance pour la renforcer.

Vous avez dit qu'il fallait baisser les impôts, non parce qu'il s'agirait d'un horizon indispensable du socialisme, mais simplement parce que c'est nécessaire, excusez la modestie... Notons, à ce propos, la tendance récurrente du débat politique de faire surgir le loup-garou, qui permet à l'autre de se poser en chevalier à la noble figure... La baisse des impôts devra profiter à tous, effacer les hausses décidées par MM. Juppé et Madelin, permettre de poursuivre la réduction des inégalités.

Vous avez insisté aussi sur la nécessité de poursuivre la construction de l'Europe, d'accélérer la décrue du chômage, de faire disparaître les trappes à inactivité.

Enfin, vous avez réaffirmé votre souci de transparence, que bien d'autres orateurs partagent et vous avez bien voulu relever que les mesures proposées sont la traduction de celles que nous avions envisagées ensemble il y a quelques mois. Cela devrait contribuer à ce que la gestion du pays soit sans cesse améliorée. Vous pensez qu'il faut distinguer le rôle de l'Etat vis-à-vis des organismes sociaux et ce qui concerne les collectivités locales qui sont, comme M. Bouvard l'a relevé des investisseurs de premier ordre. Bercy peut encore s'améliorer, l'administration s'y est attelée. Nous continuerons dans cette voie.

M. Auberger a estimé que nous manquions d'ambition dans la réduction des déficits publics. Bien sûr, on peut toujours faire mieux, mais nous sommes partis de plus de 300 milliards en 1996 et nous sommes près de 200 milliards cette année, la différence n'est pas mince. Il est vrai que d'autres pays font mieux que nous, mais aujourd'hui huitième ou neuvième, nous ne sommes pas si mal placés. Il fut un temps où nous étions dernier... Que M. Auberger ne s'inquiète pas, je ne me désintéresse absolument pas du Fonds de réforme des cotisations sociales. Enfin, M. Auberger a fait, comme à l'accoutumée, une série de propositions. Je les ai notées, nous les étudierons.

Vous avez beaucoup insisté, à juste titre, Monsieur Bocquet, sur le travail et sur l'emploi, souhaitant qu'ils soient moins taxés. J'ai rappelé que cette majorité a, grâce à votre soutien, sollicité la contribution des entreprises, choisi de préserver les revenus des ménages, décidé de basculer les cotisations maladie vers la CSG. L'an dernier, la part du travail dans la valeur ajoutée a augmenté plus que celle du capital.

Vous avez rappelé les thèmes chers à votre groupe, qui sont très intéressants. Je suis tout à fait favorable à ce que nous prenions le temps d'un débat sur la dette. Vos propositions montrent que l'on peut toujours faire mieux.

J'adresse mes remerciements particuliers à M. Méhaignerie, qui a su s'écarter du discours un peu répétitif de l'opposition, que l'on peut résumer par « vous avez la croissance, vous n'y êtes pour rien » et, parfois « vous n'en avez rien fait », pour reconnaître que la croissance et l'emploi étaient revenus, aussi, grâce à une certaine finesse du pilotage conjoncturel. Je m'en réjouis d'autant plus que je n'étais pas, alors, au Gouvernement... On s'honore lorsque l'on reconnaît les faits.

Je me réjouis aussi que ses propos aient illustré un consensus assez large sur la nécessité de lutter contre les trappes à inactivité. Le prochain budget nous permettra de progresser sur ce point. Des mesures ont déjà été prises dans la loi contre les exclusions, vous en examinerez d'autres demain, relatives au dégrèvement et à la forte baisse de la taxe d'habitation. On peut aller plus loin, merci pour vos propositions en ce sens.

M. d'Aubert a salué la constance du Gouvernement. La sienne est grande également puisque, depuis trois ans, il pronostique que la croissance est surévaluée et qu'il se trompe... Cette fois, il a tenté le pari inverse en parlant de sous-évaluation, j'espère qu'il aura raison... (Sourires)

Son évaluation de 113 milliards de recettes fiscales supplémentaires était encore modeste par rapport à celle de M. Gantier...

M. Gilbert Gantier - Sur quatre ans !

M. le Ministre - J'ai tout de même cru comprendre que vous parliez en nouveaux francs... (Sourires)

Ces arguments ne sont dignes d'aucun de ces deux spécialistes, qui savent fort bien qu'il faut distinguer ce que les entreprises et les particuliers auraient eu à payer en plus si l'on avait changé les mécanismes fiscaux de ce qu'ils ont dû acquitter parce que la croissance a permis l'augmentation de leurs revenus. Cet effet richesse qui accompagne la croissance, on ne peut le reprocher au Gouvernement... Il n'y a pas un effet impôt, mais un effet croissance ; le Gouvernement s'est engagé dans une diminution des taux d'imposition et demain, dans le cadre du collectif, Mme Parly vous proposera une baisse de 40 milliards, qui s'ajoutera à celle, de même montant, que vous aviez votée dans la loi de finances initiale.

M. Bonrepaux a souligné, et je l'en remercie, que les bonnes recettes étaient liées à la croissance, elle-même liée à nos choix. Il a insisté sur le fait que les dépenses publiques traduisent par essence l'idée de solidarité. Il a souligné l'importance des investissements des collectivités locales, dont il est un ardent défenseur. Il a renouvelé ses propositions en matière de réforme de l'impôt, l'idée maîtresse étant le retour à l'emploi. Le Gouvernement les examinera attentivement.

M. Cochet est intervenu avec force sur deux thèmes. Sur le premier, le RMI pour les jeunes, il sait que la formation à laquelle il appartient et le Gouvernement n'ont pas la même approche. Nous considérons que la priorité absolue est de proposer des emplois aux jeunes et qu'il ne convient pas pour un jeune de commencer sa vie par le RMI ; je ne suis d'ailleurs pas sûr que beaucoup de députés soutiennent cette idée, même si tout le monde reconnaît le problème. Par ailleurs, je fais observer à M. Cochet qu'en 1999, la hausse des revenus du travail a été supérieure à celle des revenus du capital, et que les créations d'emplois -plus d'un million depuis juin 1997- demeurent le premier instrument de lutte contre les inégalités.

Le deuxième thème évoqué par M. Cochet est celui des SER -sources d'énergies renouvelables. Je suis moins sceptique que beaucoup ; c'est une piste qui me paraît très intéressante, au moins à long terme. Bien sûr, on ne saurait se priver des énergies actuelles, mais il faut réfléchir aux énergies alternatives. Je vais donc faire mettre à l'étude ses propositions d'allégement sélectif de la TVA.

M. Carrez a été un peu caustique, mais qu'il se rassure : il n'y a aucune différence d'approche entre Mme Parly et moi-même. Il a cru déceler chez moi un dédoublement de la personnalité, au vu du DOB et du collectif, mais pourquoi se contente-t-il d'imaginer un dédoublement ? Après tout, il y a aussi la loi de règlement, les futures lois de finances, la loi de financement de la sécurité sociale... (Sourires) Il ne serait pas très difficile de faire justice de ses affirmations sur les déficits ou les prélèvements obligatoires. Le rapport de la Cour des comptes, qu'il a évoqué, explique bien qu'il y a eu en 1999 non seulement report de recettes et anticipation de dépenses -ce qui, souligne la Cour, n'est en rien irrégulier- mais aussi une différence de « périmétrage », comme l'avait également fort bien montré M. Migaud.

Quant à la critique générale portant sur le fait même de prévoir des dépenses dans le collectif, elle n'est pas sérieuse. Faut-il rappeler à ceux qui la formulent la situation dramatique que le pays a connue en décembre ?

M. Rigal a insisté sur les problèmes de l'emploi et des baisses d'impôts ; il a formulé des suggestions. Il a pertinemment terminé son propos par une citation de François Mitterrand sur la croissance et la répartition.

M. Barrot, avec beaucoup de conviction et de mesure, comme toujours, a rappelé son souci que les dépenses de fonctionnement et les dépenses de la sécurité sociale n'augmentent pas trop. Il a insisté sur la médiocrité de l'effort d'investissement. Comme il a eu l'honnêteté de le souligner, c'est une vieille affaire : de 1992 à 1997, l'investissement public est passé de 2,5 % à 1,9 % du PIB. Cette situation est préoccupante, j'en conviens, tout en constatant qu'il n'est pas très facile de la combattre.

Sur l'UNEDIC et la cotisation retraite des chômeurs, il conviendra en effet de réfléchir aux solutions possibles.

Enfin, quand M. Barrot insiste sur l'effort d'évaluation du Parlement, nous sommes tout prêts à le soutenir.

M. Feurtet a insisté sur la modernisation de la fiscalité locale ; nous étudierons ses propositions.

M. Laffineur ne veut pas nous faire de procès d'intention, je l'en remercie... Il est partisan d'un euro faible : je suis moins d'accord, comme je ne suis pas convaincu par sa référence à l'EPO !

En ce qui concerne les retraites, l'affectation du produit des licences au fonds de réserve ne rend pas moins nécessaire une réforme, au demeurant très difficile.

M. Besson a insisté avec raison sur l'importance de l'insertion. Au sujet de l'impôt sur le revenu, la description qu'il a faite fait penser au loup-garou...

M. Bouvard a insisté sur le besoin d'investissement de l'Etat et sur la territorialité. Il a posé une question sur l'Europe et les grands travaux. Il semble en effet qu'on insiste moins sur ceux-ci. Les chefs d'Etat et de Gouvernement réunis à Lisbonne ont surtout parlé de l'Europe de l'innovation. Je vous rejoins pour dire qu'au niveau européen comme au niveau national, nous devons faire un effort dans ce domaine, car il s'agit de la préparation de l'avenir.

M. Sarre a insisté sur l'idée que le bon chemin était celui de la croissance, sur le problème des couches moyennes, sur la politique familiale, sur les besoins des services publics. Je le remercie de son soutien.

M. Gantier, dans une intervention « remarquée » comme disent les journalistes, a provoqué quelques sourires, y compris chez ses amis en résumant « cinq années » de gouvernement Jospin par quatre chiffres, à commencer par 420  milliards de hausses d'impôts ! A ce niveau de précision, le reste ne pouvait qu'être à l'avenant !

Majorité et opposition ont décrit la croissance comme une chance, mais la seconde semble considérer qu'elle comporte aussi une part de hasard. Certes, mais nous pensons, nous, qu'il faut saisir cette chance, et l'aider, la mériter. C'est ce à quoi nous nous employons depuis un peu plus de trois ans !

M. Carcenac a raison d'appeler à une harmonisation des prélèvements obligatoires en Europe. Les statisticiens d'Eurostat y travaillent mais ils ont encore beaucoup à faire pour que nous puissions procéder à des comparaisons pertinentes. Quant à la dette des pays en développement, nous avons déjà pris des initiatives, que beaucoup d'autres pays ont suivies.

M. Gremetz en définissant ce qu'étaient pour lui des impôts justes et équitables, a protesté contre la sous-imposition des revenus financiers et, avec quelques collègues de son groupe, il a esquissé des pistes pour la fiscalité locale, en particulier pour l'impôt foncier. Mme Parly et moi-même étudieront toutes ces suggestions de très près.

Vous avez raison, Monsieur Galut : la croissance ne peut régler tous les problèmes. Cependant lorsque vous évoquez le « triangle d'or », pourquoi mettre presque uniquement l'accent sur l'accroissement des dépenses destinées aux services publics, en faisant abstraction de la réduction des déficits et de celle des impôts ? Il serait sans doute excellent que vous deveniez ministre des finances : vous verriez alors les trois côtés du triangle ! (Sourires)

M. Vauchez a excellemment brossé la situation et résumé notre politique, ce qui -Monsieur Galut, je suis taquin...- l'a conduit à ne pas négliger la dette !

Rapporteur du budget du travail, M. Bapt ne pouvait pas ne pas insister sur le budget de l'emploi, appelant à travailler sur la question des emplois-jeunes, des contrats emploi-solidarité et du programme TRACE avec une détermination que ne pouvait affecter l'existence de marges de man_uvre nouvelles. Quant au problème de la restauration, il est des plus complexes tant ce secteur est divers. De plus nous devons tenir compte de la récente décision du Conseil d'Etat relativement à la restauration collective, comme de ce que va arrêter l'Union européenne.

J'ai bien entendu les recommandations faites par M. Malavieille quant aux emplois-jeunes. Ceux-ci devraient avoir une durée de cinq ans et, après avoir servi de dépannage, ils devraient autant que possible conduire à une formation et à des emplois véritables. Nous y _uvrons dans nos collectivités.

M. Tron a, si j'ai bien compris, approuvé les mesures de transparence mais il a jugé que les 0,3 % n'étaient pas crédibles, à cause de la précarité, des 35 heures et des départs en retraite. Mais lorsque le Premier ministre a réestimé ce pourcentage dans sa lettre de cadrage, il l'a fait en toute connaissance de cause, sachant que les choses ne seraient pas faciles. Bien entendu, toutes les dépenses sont concernées.

S'agissant par exemple des 35 heures, on ne peut raisonner avec une simple règle de trois : il faut considérer les progrès de la productivité, la réduction de la précarité. C'est par la négociation que nous pourrons prendre tous ces éléments en compte et aboutir à une conciliation entre les intérêts des personnels, ceux des usagers et l'équilibre des finances publiques. S'il était si facile de gouverner, cela se saurait...

Pour conclure, je m'effacerai devant deux hommes, dont l'un seulement était socialiste ! Le premier, le cardinal de Retz, a écrit : « On est plus souvent dupe par la défiance que par la confiance ». L'autre, Willy Brandt, confiait à la fin de sa vie « J'ai fait mon possible ». Merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Le débat est clos.

Prochaine séance cet après-midi, mercredi 17 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 25.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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