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Session ordinaire de 1999-2000 - 86ème jour de séance, 203ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MERCREDI 17 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE À
UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CRISE DE LA POMME 2

SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LES BANLIEUES 2

CONSEILS DE LA JEUNESSE 3

INCIDENTS SURVENUS LORS DE LA SIGNATURE DU CONTRAT DE PLAN ETAT-RÉGION À MARSEILLE 4

CONSTRUCTION EUROPÉENNE 5

FINANCEMENT DES RETRAITES 6

CRIMES SEXUELS 7

CONVOYEURS DE FONDS 7

PROSTITUTION 9

CÔTE D'IVOIRE 9

SÉCURITÉ DES TRANSPORTS ROUTIERS 10

LUTTE CONTRE LA PÉDOPHILIE
ET LA MALTRAITANCE 10

COLLECTIF 2000 11

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 18

QUESTION PRÉALABLE 27

La séance est ouverte à quinze heures.

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Sekou Mouke Yansane, Vice-Président de l'Assemblée nationale de la République de Guinée (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CRISE DE LA POMME

M. Jean-Paul Nunzi - Monsieur le ministre de l'agriculture, force est de constater que les vives inquiétudes qu'expriment depuis plusieurs semaines les producteurs de pommes sont justifiées : l'importance de la production nationale, la présence de stocks massifs et les mesures de rétorsion tardives du Royaume-Uni créent de graves difficultés d'écoulement de la production nationale, dont les cours s'effondrent. Outre le préjudice économique d'une telle situation, c'est l'existence même de nombreuses exploitations fragiles qui est compromise. Pour certains départements, il faut parler d'un véritable sinistre économique. Ainsi, dans le Tarn-et-Garonne, plus de mille exploitations sont touchées et six mille salariés sont menacés. L'évolution du marché justifie l'appréhension de la filière.

Monsieur le ministre, face à cette situation d'urgence qui met en cause la pérennité de nombreuses exploitations -et en particulier de celles qui sont inéligibles aux aides-, quelles décisions entendez-vous prendre pour soutenir les arboriculteurs et venir en aide à une activité créatrice d'emplois ? Au-delà des réponses conjoncturelles, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les orientations de votre politique pour mettre fin aux crises à répétition qui affectent la filière depuis plusieurs années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je partage votre analyse de la situation et j'ai reçu hier matin les professionnels de la filière pour définir avec eux les principales orientations d'un plan de lutte contre cette crise. L'enveloppe dévolue au secteur va ainsi tripler, par rapport au montant qui avait été annoncé il y a quelques semaines. Mais au-delà des moyens d'accompagnement financiers et sociaux, notre ambition est de faire évoluer le verger français dans ses structures, afin qu'il puisse faire face de manière durable aux crises qui l'affectent régulièrement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LES BANLIEUES

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Monsieur le ministre délégué à la ville, l'économie de notre pays va mieux et, grâce à l'action volontariste du gouvernement de Lionel Jospin, le chômage ne cesse de reculer... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ...700 000 chômeurs ont ainsi retrouvé le chemin de l'emploi. Il reste cependant des poches de résistance... (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) ...où la situation évolue moins vite. Ainsi, les 44 zones franches instituées par le gouvernement de M. Juppé n'ont créé que peu d'emplois... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ...et n'ont bénéficié qu'à quelques entreprises (« Provocation ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que ces banlieues en difficulté ne restent pas en marge de la reprise économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Vous avez raison de le rappeler : la situation s'est améliorée... (« Pas grâce à vous ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ...et je ne comprends pas certaines réactions bruyantes alors que ce constat devrait nous rassembler (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Il faut en effet que la reprise profite à l'ensemble de nos concitoyens et qu'après les années de souffrance, viennent celles de la confiance dans l'avenir (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Chaque demandeur d'emploi sera ainsi reçu individuellement pour que soient étudiées les mesures d'accompagnement social et d'aide au retour vers l'emploi dont il doit bénéficier (Mêmes mouvements).

Dès septembre, les entreprises dont l'activité s'exerce dans des quartiers difficiles bénéficieront d'aides spécifiques, afin de pouvoir faire face aux dépenses particulières qu'elles sont conduites à engager en matière d'assurance et de sécurité. Il convient en effet que les charges spécifiques auxquelles elles sont exposées soient prises en compte. Dans les zones franches urbaines, des ristournes sociales et fiscales seront consenties aux entreprises qui font le pari des territoires et qui emploient les habitants des quartiers les moins favorisés. Le Gouvernement et la représentation nationale les soutiennent dans leur action. Il est temps de montrer à nos concitoyens qui ont payé un lourd tribut à la crise...

M. Pierre Lellouche - Depuis 1981 !

M. le Ministre délégué - ...qu'ils peuvent compter sur le Gouvernement pour les aider à ne pas baisser les bras (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CONSEILS DE LA JEUNESSE

M. Patrick Malavieille - Madame la ministre de la jeunesse et des sports, (« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe DL) à la suite des rencontres nationales de la jeunesse de Marly-le-Roi, vous avez institué des conseils locaux et départementaux de la jeunesse pour maintenir un dialogue permanent entre les jeunes et le Gouvernement. Le 12 mai dernier, deux cents jeunes de la métropole comme de l'outre-mer se sont réunis à la Villette, sous la présidence du Premier ministre et en présence de nombreux ministres, pour rendre compte de l'activité de ces instances. Pouvez-vous, Madame la ministre, nous en présenter un premier bilan et nous indiquer les initiatives qu'entend prendre le Gouvernement en faveur des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - En novembre 1997, les jeunes nous ont fait savoir qu'ils en avaient assez d'être simplement consultés ponctuellement sur les politiques dont ils étaient les premiers bénéficiaires. Avec les conseils locaux et départementaux de la jeunesse, nous avons donc décidé de créer un espace permanent de dialogue et de proposition. Aux termes de deux ans de travail, dans des conditions souvent difficiles, les jeunes nous ont fait part de leur sentiment de n'être pas suffisamment entendus et de se heurter trop souvent à des portes fermées. C'est pourquoi ils ont été reçus ici même pour discuter avec les différents groupes de projets en cours d'élaboration. De même, les portes des ministères se sont ouvertes et les jeunes sont aujourd'hui représentés au sein d'instances renouvelées, qui comportent des représentants d'associations, de syndicats et des partis politiques représentés au sein du Parlement.

Vous l'avez rappelé, le Premier ministre a confirmé le 12 mai dernier le rôle de proposition et de dialogue des conseils de la jeunesse et il a annoncé que nombre de leurs propositions seraient reprises, en matière d'emploi, de logement ou d'accessibilité aux nouvelles technologies. L'expérience du coupon-sport a ainsi été étendue pour un montant de 20 millions et six cents points d'information-jeunesse sont prévus pour faciliter l'accès des jeunes aux nouvelles technologies de l'information.

L'enseignement principal que nous devons en retirer, c'est que les jeunes ont envie de se mêler des affaires de la cité. Il faut donc les écouter, leur ouvrir des espaces d'expression et leur faire confiance. C'est ce qu'a fait ce gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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INCIDENTS SURVENUS LORS DE LA SIGNATURE
DU CONTRAT DE PLAN ETAT-RÉGION À MARSEILLE

M. Bernard Deflesselles - Ma question, à laquelle s'associe notre collègue Patrick Ollier, député des Hautes-Alpes, s'adresse à M. le Premier ministre.

Nous vivons décidément dans une drôle de République : alors que chaque jour des manifestants de toutes origines défilent en toute liberté, les élus, eux, sont matraqués dès qu'ils expriment un quelconque mécontentement.

Lundi, à Marseille, M. Alain Bayrou, maire de Briançon, président du conseil général des Hautes-Alpes et conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'est fait molester par les forces de police alors qu'il tentait simplement d'alerter l'opinion publique et vous-même, qui étiez à Marseille ce jour-là pour signer le contrat de plan Etat-région, sur l'incohérence d'une décision ministérielle. On ne peut que condamner fermement cet emploi de la force et l'on ne peut que regretter le silence que vous avez gardé en cette circonstance, silence d'autant plus assourdissant que vous vous réjouissiez quelques minutes plus tard à l'hôtel de région de « la bonne coopération » avec les élus de la région.

Ce regrettable incident n'est pas le fruit du hasard ni d'une quelconque provocation, comme tentent de le faire croire certains responsables de votre administration. C'est le résultat de l'exaspération de tout un département devant l'immobilisme de votre gouvernement, lequel, dès juin 1997, a brutalement stoppé le chantier de l'autoroute des Alpes du Sud, pourtant vitale pour le désenclavement et la survie économique des Hautes-Alpes. Les centaines d'hommes et de femmes venus ce lundi crier leur désespoir n'étaient pas des voyous. Ces représentants du monde socioprofessionnel mais aussi ces élus, ceints de leur écharpe tricolore, souhaitaient tout simplement vous rencontrer et être écoutés.

Le conseil régional, pour la quatrième fois depuis dix ans, s'est prononcé le 18 février dernier à une écrasante majorité en faveur du passage de cette autoroute à l'Est de Gap.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Bernard Deflesselles - Même lorsqu'elles dérangent, certaines questions doivent être posées ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) M. Gayssot préconise deux tracés, alors que nous peinions déjà à en financer un seul. La décision qu'il s'apprête à prendre pénalisera donc notre région.

Monsieur le Premier ministre, estimez-vous normal qu'un élu venu exprimer les inquiétudes de tout un département reparte avec une côte fêlée et une incapacité temporaire de travail de dix jours ? Réagirez-vous publiquement à ces faits ? Acceptez-vous de recevoir personnellement à Matignon une délégation d'élus et de responsables économiques avant que la décision finale ne soit prise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. le Président - Aucune question ne me dérange sauf si elle dépasse deux minutes trente...

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le 15 mai dernier, le Premier ministre s'est rendu dans les Bouches-du-Rhône pour y signer le contrat de plan Etat-région. Certes, Monsieur Deflesselles, le groupe Démocratie libérale que vous présidez au sein du conseil régional s'est abstenu sur ce contrat, les raisons de cette abstention m'étant d'ailleurs rapportées de manière très diverse... D'autres élus de l'opposition ont, vous le savez, adopté une autre position. Ce contrat, en augmentation de 68 % par rapport au précédent, représente vingt milliards -seule la Corse a bénéficié d'une hausse supérieure.

Le Premier ministre est arrivé lundi vers 16 heures, comme il était prévu, mais dès 12 heures 45, plusieurs centaines de manifestants tentaient de pénétrer dans l'hôtel de région par une entrée secondaire. Cinq policiers se sont fermement opposés à des manifestants qui avaient franchi les barrières mises en place par le service d'ordre et souhaitaient occuper les locaux avant l'arrivée du Premier ministre. Une bousculade a suivi, au cours de laquelle M. Bayrou qui se trouvait à la tête des manifestants -n'en étant pas, m'a-t-on rapporté, à son coup d'essai- a été légèrement blessé à l'épaule, ce qui est assurément regrettable.

M. le Président - Monsieur le ministre, vous serait-il possible d'accélérer ?

M. le Ministre - Au cours de cette bousculade, un policier a également été blessé et se trouve lui aussi dans l'incapacité de travailler pour dix jours.

Monsieur le député, les élus doivent donner l'exemple du civisme et du respect de la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

S'agissant du tracé de l'A51, M. Gayssot travaille à une solution de compromis qui vous sera présentée le moment venu, très rapidement, je l'espère. Quoi qu'il en soit, c'est le dialogue qui doit prévaloir, et en aucun cas la violence organisée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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CONSTRUCTION EUROPÉENNE

M. François Léotard - Lors du débat que nous avons eu le 9 mai dernier à l'occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, le Premier ministre a développé un point de vue dont nous pouvons sur plusieurs bancs de cette assemblée partager l'esprit.

Si les concepts de « noyau dur », « d'avant-garde », de « coopérations renforcées » mis en avant par les uns et par les autres recouvrent des réalités différentes, tous témoignent de la même volonté de voir naître du futur élargissement une Europe plus structurée, plus intégrée, plus résolue à devenir une puissance politique. Monsieur le ministre des affaires étrangères, est-ce bien la position du gouvernement français ?

Le Premier ministre avait déclaré en substance que la réflexion devait, sur ce sujet capital, être menée avec assez de réalisme pour avoir chance d'être partagée et d'aboutir. Tel semble également être l'avis de notre principal partenaire européen, l'Allemagne. M. Joschka Fischer a en effet formulé récemment des propositions approuvées par le Chancelier Schröder, dont la lucidité et le courage n'auront échappé à personne.

Le fléchissement de l'euro, lequel tient pour l'essentiel à des raisons politiques, la nécessité de conforter en permanence le couple franco-allemand, la volonté, très largement partagée ici, de rester fidèle à l'esprit des pères fondateurs de l'Europe, tout nous pousse à une nouvelle initiative franco-allemande que Français et Allemands appellent d'ailleurs de leurs v_ux. Du général de Gaulle à Jacques Chirac, tous les présidents de la Ve République, sans exception, se sont efforcés de faire prévaloir ce point de vue.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, après les propos que vous avez tenus hier devant la commission de notre assemblée, je vous poserai deux questions. Quelles chances la France et l'Allemagne ont-elles de conserver après l'élargissement la pondération des voix qui est aujourd'hui la leur et, partant, de conserver un poids politique suffisant pour aller de l'avant dans la construction européenne ?

Il y a des pays qui le souhaiteraient, comme la Belgique, le Luxembourg, l'Italie et les Pays-Bas. Si vous pensez que nous n'obtiendrons pas satisfaction, quelles réponses politiques le Gouvernement entend-il apporter à la proposition de M. Fischer, laquelle ayant reçu l'aval du Chancelier, n'a plus de « caractère personnel » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Le débat sur l'avenir de l'Europe à long terme s'amplifie, et il faut s'en féliciter. Dès lors que le grand élargissement aura lieu, c'est maintenant une certitude, il est normal de se demander comment fonctionnera demain cette Europe à 25 ou 30. Diverses propositions, les unes plutôt pragmatiques, d'autres de type fédéraliste, d'autres enfin s'appuyant sur la notion de « noyaux durs » ont été formulées. L'important est qu'un débat démocratique approfondi ait lieu sur cette question capitale qui engage l'avenir de l'Europe.

M. Fischer s'est, pour sa part, placé dans une perspective à long terme en présentant une proposition qui comporte d'ailleurs plusieurs étapes, et c'est bien dans cet esprit que le Chancelier l'a approuvé.

La France va bientôt prendre la présidence de l'Union. Nous ferons tout ce qui dépend de nous pour que la CIG parvienne à un consensus sur un projet ambitieux. Cela étant, il n'est pas question de conclure les négociations à n'importe quel prix : il faut que la solution trouvée soit bonne, pour aujourd'hui mais aussi pour demain.

La pondération des voix pose déjà dans une Europe à quinze un problème qui ne pourra que se compliquer avec l'élargissement. La « re-pondération » sera donc un élément-clé des négociations de la CIG. De la réponse apportée dépendront les accords possibles sur l'extension du vote à la majorité qualifiée, la taille de la Commission ou bien encore les coopérations renforcées. Je ne puis à cet instant, alors que nous n'avons pas encore pris la présidence, vous répondre isolément sur ce point mais soyez assuré, Monsieur le député, que c'est bien l'une de nos préoccupations.

S'agissant des coopérations renforcées, première étape envisagée dans les propositions de M. Fischer, elles devront impérativement être assouplies puisqu'elles sont aujourd'hui impraticables sauf hors Traité, ce qui n'est pas la meilleure solution. Nous concentrerons tous nos efforts pour y parvenir : notre premier travail est de convaincre nos partenaires de cette nécessité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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FINANCEMENT DES RETRAITES

M. Jean-Pierre Foucher - Monsieur le ministre des finances, le groupe UDF a été surpris que vous proposiez hier d'abonder le fonds de réserve pour les retraites du produit de la vente des licences de téléphonie mobile.

Nous avons besoin d'une véritable réforme de notre système de retraite. A côté de la répartition, à laquelle nous sommes très attachés et qui doit rester le fondement de notre système (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), doit exister un dispositif d'épargne-retraite comme il en existe chez la plupart de nos voisins européens.

Les mesures annoncées hier sont dérisoires par rapport à l'enjeu, et ne sont qu'un moyen pour vous de différer une nouvelle fois la réforme indispensable ; à moins que cette mesurette constitue à elle seule tout votre programme ! Quand prendrez-vous ce dossier à bras-le-corps, pour lui apporter de vraies réponses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Manifestement vous n'avez pas saisi tous les éléments du problème. Voici de nouvelles explications.

En apportant hier des précisions sur l'utilisation du produit de la vente de ces licences, j'ai pensé que je faisais ce qu'appelle normalement un débat d'orientation budgétaire.

Pour l'essentiel, le produit de ces ventes sera affecté non pas aux dépenses de fonctionnement de l'Etat, mais à une dotation complémentaire au fonds de réserve des retraites.

A la fin de mars dernier, le Premier ministre a présenté un plan selon lequel, d'ici 2020, serait progressivement abondé jusqu'à hauteur de 1 000 milliards ce fonds de réserve par toute une série de financements. Cela signifie que les sommes dont j'ai parlé hier viennent en complément et non pas en substitution de ces financements.

En vérité, il s'agit de savoir si, oui ou non, on croit à la répartition. Beaucoup ici disent y croire. Je leur fais volontiers confiance, surtout du côté gauche (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Quelle est la meilleure façon d'être certain que la répartition restera le pilier de notre système de retraite, sinon d'affecter des sommes suffisantes pour que la répartition ne soit pas seulement un étendard qu'on brandit, mais une réalité garantissant les retraites des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste)

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CRIMES SEXUELS

M. Christian Cabal - Madame la Garde des Sceaux, les faits divers relatifs aux crimes et délits sexuels se multiplient et s'aggravent. L'actualité montre que leurs auteurs sont capables de commettre des actes d'une barbarie extrême, mais aussi d'utiliser les technologies de communication les plus modernes.

L'été qui approche est la période où s'intensifie la fréquence des crimes les plus horribles.

Ces délinquants, nous le savons, sont des multirécidivistes. La justice rend à leur égard des décisions punitives, mais doit aussi mettre en _uvre des mesures préventives efficaces. De fait nous avons voté il y a deux ans une loi, qu'il convient d'appliquer. Deux dispositions sont particulièrement importantes : l'injonction thérapeutique, qui devrait prévenir la récidive, et le fichier des empreintes génétiques, capable d'identifier rapidement les coupables et d'innocenter des personnes qui parfois ont avoué à tort.

Or ces dispositifs ne sont pas encore opérationnels. Je vous demande, je vous supplie donc, de veiller à ce que les décrets entrent en application dans les plus brefs délais, pour que soit close enfin la longue liste des victimes et des familles (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur divers bancs).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Il n'est pas de crimes plus insupportables que les agressions sexuelles commises contre des enfants surtout de la part de personnes qui ont des liens affectifs avec ces enfants. 80 % des viols et agressions sexuelles sur des mineurs sont perpétrés à l'intérieur de la famille.

Ces crimes, de plus en plus souvent dénoncés par les victimes, sont de plus en plus sévèrement condamnés par les tribunaux. Le Parlement a voté la loi du 17 juin 1998, qui permet de mieux prendre en charge les mineurs victimes, de les faire mieux accompagner par un avocat et par un administrateur ad hoc, et d'infliger des peines plus lourdes. De plus, le délai de la prescription a été repoussé au-delà de l'âge de 18 ans, pour que des enfants victimes puissent, devenus adultes, s'exprimer. Le fichier d'empreintes génétiques, enfin, sera un instrument de recherche très efficace. Il n'était pas simple de mettre ce fichier en place, car il fallait veiller à protéger les libertés individuelles. Les décrets ont paru aujourd'hui, et le dispositif est à présent opérationnel. En dehors de la loi, j'ai veillé, avec Mmes Aubry et Gillot, à créer cinq sites expérimentaux en hôpital, où les enfants seront entendus par des pédopsychiatres et où les policiers et les magistrats se déplaceront pour effectuer les procédures judiciaires.

Depuis dix ans, le nombre de condamnations prononcées par les tribunaux a triplé. Nous faisons tout pour que ces crimes insupportables soient réprimés, et pour éviter la récidive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV, et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

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CONVOYEURS DE FONDS

M. Christian Estrosi - Après quinze jours d'agonie, un convoyeur de fonds est décédé hier.

Mme Nicole Bricq - Charognard !

M. Christian Estrosi - Mes pensées vont vers sa famille et l'ensemble de ses collègues.

Ce drame témoigne du climat d'insécurité qui n'a cessé de s'alourdir ces dernières années (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Les violences se généralisent, les zones de non-droit se développent ! Tous les jours, ceux qui sont chargés de protéger nos concitoyens sont menacés : gendarmes, policiers, pompiers, convoyeurs de fonds (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Ce ne sont pas les trois mesurettes proposées ce matin en conseil des ministres qui compenseront l'absence d'un grand projet de lutte contre l'insécurité.

Comme un mal ne vient jamais seul, le conflit engagé par les convoyeurs de fonds, premières victimes de cette insécurité, risque d'entraîner des conséquences économiques très fâcheuses. La pénurie de billets pénalise les citoyens et les commerçants. On ne peut pas faire du co-monnayage comme on fait du co-voiturage !

Que comptez-vous faire pour que les Français puissent disposer des moyens de paiement nécessaires à leurs transactions courantes ? La sécurité étant la première des libertés, quand admettrez-vous enfin la nécessité de mettre en _uvre une vraie politique apportant des garanties suffisantes à la fois à tous les citoyens et à ceux qui sont chargés de leur protection ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Au nom du Gouvernement et, j'en suis sûr, de toute la représentation nationale, je salue le sacrifice de ce convoyeur et j'adresse à sa famille toute notre sympathie (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs). Le métier de convoyeur de fonds est difficile et dangereux. Les risques qu'il comporte doivent être rémunérés à leur juste mesure.

Le problème n'est pas nouveau.

En 1997, ont eu lieu treize attaques de fourgon blindé, dix en 1998, sept l'an dernier et quatre depuis le début de l'année. Dès janvier 1999 nous avons engagé une concertation avec les transporteurs de fonds et les organisations syndicales. Le décret du 28 avril 2000 tend à renforcer les blindages, à fournir des gilets pare-balles, à améliorer l'armement. Le travail de nuit doit être interdit.

J'ai donné des instructions aux préfets, afin que les commissions départementales de la sécurité des transports de fonds se réunissent d'ici la fin du mois. Enfin, un projet de loi adopté ce matin par le conseil des ministres donne aux maires un pouvoir réglementaire et, surtout, fait obligation aux banques et aux grandes surfaces d'aménager des sas de protection.

Sur le plan social, des avancées considérables ont été obtenues grâce à la médiation du ministre des transports, et les employeurs sont désormais disposés à accorder 1 000 F par mois, sur les 1 500 F demandés par les syndicats. Il va de soi que les donneurs d'ordres devront assumer le coût d'une rémunération normale, et que les pressions nécessaires doivent s'exercer afin qu'un accord soit trouvé rapidement.

S'agissant de la sécurité en général, cheval de bataille que vous enfourchez si volontiers (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), la délinquance globale est désormais contenue dans notre pays (Mêmes mouvements), et les enquêtes dites de « victimisation » montrent que les Français se sentent moins menacés qu'il y a une dizaine d'années (Mêmes mouvements). Les mesures prises par le Gouvernement dans tous les domaines visent à ce que les attentes de nos concitoyens trouvent une réponse, et je vous invite à ne pas faire de démagogie sur un sujet tel que celui-ci (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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PROSTITUTION

Mme Martine Lignières-Cassou - Hier s'est tenu à l'UNESCO un colloque international sur la prostitution, à l'issue duquel les associations organisatrices ont présenté vingt propositions destinées à éradiquer ce fléau. On constate en effet une importante recrudescence du trafic d'êtres humains, notamment en provenance des pays de l'Est et du Sud, et la prostitution fait l'objet d'une acceptation tacite, voire d'une bienveillance complice : elle est ainsi assimilée, dans certains pays, à un métier comme un autre. Quelle est la position du gouvernement français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - L'important colloque d'hier nous rappelle à la triste réalité : loin de reculer, la prostitution continue de se développer, frappant en particulier de nombreuses jeunes filles de l'Est de l'Europe. Le gouvernement français entend combattre, au niveau national et international, la traite des êtres humains et toutes les formes de prostitution, qui sont une atteinte inadmissible aux droits fondamentaux, à l'intégrité et à la dignité des personnes.

Signataire de la convention de 1960 des Nations unies, la France mène une politique associant prévention, réinsertion et répression, mais celle-ci serait plus efficace si les mêmes conceptions prévalaient dans tous les pays de l'Union européenne. Or certains pays, tels les Pays-Bas, ont une approche « réglementariste », qui distingue entre une prostitution qui serait exercée librement et une autre qui serait forcée, et seule répréhensible. Nous restons fidèles, pour notre part, à notre position abolitionniste, que Nicole Péry défendra à l'assemblée extraordinaire de l'ONU, du 5 au 9 juin prochain. Sur le plan interne, nous soutenons l'effort de formation et de sensibilisation accompli par les associations, et je rappelle que le code pénal adopté en 1994 a renforcé la répression du proxénétisme. Nulle bienveillance, donc, dans l'attitude de la France, bien au contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

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CÔTE D'IVOIRE

M. Henri Emmanuelli - Vendredi dernier, le général Gueï a fait connaître le calendrier de l'élection présidentielle ivoirienne : le scrutin, qui aura lieu les 17 septembre et 8 octobre, sera précédé, le 23 juillet, d'un référendum constitutionnel, qui semble porter notamment sur les conditions d'éligibilité exigées des candidats à la magistrature suprême : seraient exclues, ai-je cru comprendre, les personnes ayant occupé des fonctions officielles antérieures sous un passeport différent. Etant donné l'attachement de la France à ce pays ami et francophone, qui occupe une place privilégiée en Afrique de l'Ouest, et où vivent vingt mille de nos compatriotes, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette disposition comportant des risques de déstabilisation (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Depuis le renversement, à la veille de Noël, du président Bédié, la France n'a eu de cesse de demander aux autorités de fait comment elles entendaient refonder la démocratie en Côte d'Ivoire - et le faire aussi vite que possible, dans l'intérêt des Ivoiriens eux-mêmes et afin que leur pays retrouve la confiance de ses partenaires ainsi que des institutions financières internationales, dont la contribution au redressement économique sera décisive.

Le général Gueï a chargé une commission nationale consultative de rédiger un projet de Constitution. La question délicate de la nationalité des candidats, qui avait pollué la vie politique ivoirienne tout au long de l'année dernière et contribué à la crise dont le dénouement est intervenu en décembre, a été tranchée par le général Gueï lui-même, après consultation des principaux dirigeants politiques. Des deux conditions posées, l'une va dans le sens de l'ouverture : il ne sera plus nécessaire d'avoir deux parents ivoiriens, mais au moins un. L'autre, en revanche, est restrictive : elle exclut les candidats qui se seraient prévalus d'une autre nationalité pour postuler à un emploi public, et les partisans de M. Ouattara y voient naturellement une disposition dirigée contre ce dernier. Reste que, pour la première fois, l'arbitrage sera rendu par le peuple ivoirien lui-même, et nous nous emploierons, avec nos partenaires de l'Union européenne, à ce qu'il prenne la claire mesure de l'enjeu et à ce que les scrutins suivants se déroulent dans une parfaite transparence, afin que les futures autorités en tirent la légitimité dont elles ont besoin. La France suit naturellement de très près une évolution qui demeure fragile et préoccupante, notamment quant au maintien de l'ordre public dans la capitale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

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SÉCURITÉ DES TRANSPORTS ROUTIERS

M. André Vallini - Jeudi dernier, en plein centre de Voiron, un camion a causé un accident qui a fait deux morts et treize blessés, dont deux blessés graves. Le traumatisme des habitants est profond et leur émoi légitime, mais au-delà de cette circonstance particulière se pose la question générale de la sécurité routière, ainsi que celui des nuisances et des dangers du transport routier de marchandises. Le Gouvernement a décidé, voici trois ans, de réorienter ses priorités en faveur du transport ferroviaire, mais cet effort, pourtant sans précédent, n'est pas encore à la hauteur du problème. Sera-t-il accentué dans les prochaines semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Comme vous, j'ai été très marqué par ce terrible accident, et je partage la douleur des victimes et de leurs familles. Des travaux de dérivation avaient été entrepris, mais non achevés ; le Gouvernement a inscrit au XIIe plan les 112 millions nécessaires, afin qu'ils le soient dans les meilleurs délais, et j'ai demandé à mes services que les travaux commencent dès cet été, comme le permet l'accord conclu entre le maire de Voiron et le préfet de l'Isère.

Vous avez raison de souligner que la politique menée par le Gouvernement depuis trois ans tend à rééquilibrer le trafic entre le rail et la route, notamment dans les zones les plus sensibles, telles que les Alpes, et à combattre l'insécurité routière.

Les investissements ferroviaires inscrits dans les contrats de plan ont, à l'échelle du pays, décuplé par rapport aux précédents contrats de plan ; et en trois ans, les crédits du FITTVN destinés au transport ferroviaire ont doublé. Par ailleurs, j'ai rencontré lundi mon homologue italien afin de faire avancer le projet de liaison Lyon-Turin.

Comme vous le voyez, un rééquilibrage en faveur du ferroviaire, mode de transport plus sûr et plus respectueux de l'environnement s'opère. Nous sommes décidés à poursuivre en ce sens afin de doubler en dix ans le trafic de marchandises par rail (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

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LUTTE CONTRE LA PÉDOPHILIE ET LA MALTRAITANCE

Mme Yvette Benayoun-Nakache - En matière de lutte contre la pédophilie et la maltraitance des enfants, beaucoup dénoncent la lenteur de la justice : il faut en effet attendre un à cinq ans avant qu'une condamnation soit prononcée.

C'est bien parce que les enfants maltraités commencent à rompre le silence et à porter plainte contre leurs bourreaux que les juges sont débordés et que des plaintes sont classées. La justice a été mise au banc des accusés par diverses associations qui l'estiment inadaptée dans ce combat contre la maltraitance. J'aimerais que vous me disiez, Madame la Garde des Sceaux, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour remédier à cette situation. Ne pensez-vous pas qu'il est temps d'accorder plus de considération à la parole des enfants, en particulier lors de leurs dépositions ? Des affaires récentes ont jeté le doute sur l'efficacité de la réponse judiciaire. Pouvez-vous donc rassurer les familles sur votre action en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Tout à l'heure, en réponse à M. Cabal, j'ai indiqué les progrès que la loi de juin 1998 avait permis dans la répression des violences sexuelles. Puisque vous m'interrogez maintenant sur l'action des tribunaux, je vous précise qu'en 1997, il y a eu 1097 condamnations pour violence sexuelle et en 1998, 1584. Depuis dix ans, nous voyons ainsi augmenter le nombre des condamnations et aux assises, 50 % des affaires traitées sont des crimes sexuels. Les tribunaux ne restent donc pas inactifs, je vois au contraire tous les jours des juges qui _uvrent avec constance et détermination pour réprimer ce genre de crimes.

Mais on peut encore faire des progrès. C'est pourquoi j'ai décidé de mettre en place un groupe de travail sur le traitement des procédures particulièrement délicates, par exemple celles dans lesquelles sont dénoncées des agressions sexuelles alors que les parents se séparent. Car dans ces cas-là, il est extrêmement difficile pour le juge d'instruction de démêler le vrai du faux, étant entendu qu'il peut arriver que l'enfant soit manipulé par l'un des deux parents. En tout état de cause, il convient de traiter ces affaires individuelles -très traumatisantes pour les enfants- avec beaucoup de précautions.

Le traitement récent par certains médias d'une affaire individuelle ne s'embarrassait pas de telles précautions et d'autres médias ont d'ailleurs démontré, preuves à l'appui, qu'il ne correspondait pas à la réalité. Il faut donc veiller à ne pas se laisser seulement guider par l'émotion.

Je mets par ailleurs en place un groupe de travail interministériel pour explorer les difficultés juridiques et procédurales ainsi que les techniques d'enquête spécialisées à prévoir dans les affaires se rapportant à des réseaux pédophiles internationaux. Nous devons en effet adapter nos moyens de lutte. J'ajoute que Mme Danielle Pingot, juge d'instruction, chargée à Paris du suivi de quelques unes de ces affaires a décidé récemment de délivrer 19 commissions rogatoires aux 19 services régionaux de police judiciaire et à la gendarmerie nationale afin qu'un fichier de 572 photos d'enfants soit diffusé et afin que les parents ayant des raisons de penser que leur enfant pourrait y figurer se fassent connaître (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement .

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Houillon.

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

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          COLLECTIF 2000

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Au terme d'un travail de qualité, votre rapporteur général a bien voulu qualifier ce collectif d'historique, et il a raison. Historique, ce projet l'est d'abord par son ampleur : grâce à la politique menée sous l'égide de Lionel Jospin, nous aurons comblé en une législature le retard de croissance accumulé au cours des années précédentes ; un million d'emplois ont été créés depuis trois ans et notre objectif est d'en créer autant d'ici à la fin de 2002, afin de repasser sous la barre des deux millions de chômeurs.

A croissance exceptionnelle, recettes exceptionnelles -en l'occurrence, 51 milliards. De ce point de vue aussi, le collectif est historique dans la mesure où il met la croissance au service de la lutte contre les inégalités et la transparence au service du débat démocratique.

La croissance n'est pas une fin en soi, mais un levier au service d'un projet économique et social. La priorité donnée à la lutte des inégalités nous conduit à vous proposer un renforcement des services publics, ainsi que des baisses d'impôts d'un montant sans précédent, en vue de favoriser le retour à l'emploi, de conforter le pouvoir d'achat et d'accroître nos potentialités de croissance. La croissance ravivée depuis trois ans nous a apporté des emplois, de nouveaux emplois renforceront la croissance. Et, lorsque des économistes résignés ou des libéraux défaitistes évoquent le « mur » du chômage structurel, la majorité ne saurait, elle se résoudre à cette contrainte, préférant mener le combat.

Ce collectif illustre aussi la méthode du Gouvernement : en faisant le choix de la loi de finances rectificative, nous avons fait celui de la transparence et du débat -comme l'ont d'ailleurs déjà montré concrètement les propositions annoncées par M. Fabius hier.

Ce collectif tend d'abord à réduire massivement les impôts : de 40 milliards. Avec la baisse de même montant décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2000, la réduction atteindra donc 80 milliards sur une seule année : c'est sans précédent !

M. Philippe Auberger - Mais c'est l'équivalent des hausses de 1999...

M. Michel Bouvard - Et il faudra voir à l'usage !

Mme la Secrétaire d'Etat - Fait exceptionnel également : cette baisse sera instantanée. Si vous approuvez la mesure, l'impôt sur les revenus de 1999, déclarés en mars, diminuera dès cette année (Murmures sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Brard - Il en sera comme de la hausse de la TVA en 1995 !

Mme la Secrétaire d'Etat - De même en ce qui concerne la taxe d'habitation. Quant à la baisse de la TVA, elle est effective depuis le 1er avril.

C'est enfin une réduction productive et solidaire. On ne baisse pas les impôts sans avoir un objectif à l'esprit et, à ceux qui ne voient là que promesses électoralistes, je répondrai que notre projet repose sur trois principes forts : d'abord, renforcer le service public.

Celui-ci contribue à la compétitivité globale de notre pays et à sa cohésion sociale. Toute stratégie de baisse des impôts qui s'appuierait sur un démantèlement des services publics serait donc vouée à l'échec. Pour notre part, nous disons oui à une dépense publique maîtrisée et à des services publics modernisés, et non à une dépense vilipendée et à des services publics sacrifiés !

Deuxième principe : la solidarité. Le retour de la croissance et la baisse du chômage rendent encore plus insupportable la situation de ceux qui sont restés sur le bord de la route. C'est pourquoi ces réductions d'impôts visent à la fois à conforter le pouvoir d'achat et à favoriser le retour à l'emploi.

Troisième principe : l'innovation. Les nouvelles technologies, les nouveaux entrepreneurs contribuent de façon décisive au dynamisme actuel de la France. La fiscalité doit en tenir compte : il faut dire non à l'argent qui dort, mais oui à l'argent qui sert l'emploi.

Tel est l'esprit dans lequel a été menée la réforme engagée en 1997. La suppression de l'assiette salariale de la taxe professionnelle porte en germe la création de dizaines de milliers d'emplois. Cette année, plus d'un million d'établissements seront totalement affranchis de cette taxe. En outre, l'effort temporaire demandé en 1997 aux entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, a pris fin comme annoncé : 13 milliards se trouvent ainsi disponibles pour l'investissement et pour l'emploi.

La baisse de quinze points, dès septembre dernier, de la TVA sur les travaux dans les logements, a aidé le secteur du bâtiment à créer à nouveau des emplois et a contribué à décourager le travail au noir (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Touchant potentiellement un million de personnes, elle a aussi favorisé l'amélioration du cadre de vie et la réparation des dégâts provoqués par les tempêtes.

Enfin, la suppression du droit de bail allège les charges des ménages et contribue à réduire les inégalités.

M. Marc Laffineur - Ce n'est pas le sujet !

Mme la Secrétaire d'Etat - Les mêmes principes ont guidé l'élaboration de ce collectif.

Plusieurs députés DL, UDF et RPR - Ah, enfin !

Mme la Secrétaire d'Etat - Il vise en effet à faire bénéficier tous les Français de la croissance et à aider ceux qui voient leurs impôts augmenter trop vite lorsqu'ils retrouvent un emploi.

Les deux premiers taux de l'impôt sur le revenu baisseront d'un point dès 2000. Pour plus de 650 000 foyers, cela se traduira par une exonération complète. Pour tous, ce sera un allégement, dans le respect des principes de progressivité et de redistributivité. La mesure coûtera 11 milliards, soit à peu près autant que le supplément de recettes -12 milliards- enregistré par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

La taxe d'habitation, d'autre part, sera profondément réformée. Cette mesure est évidemment complémentaire de la précédente car, si tout le monde ne paie pas l'impôt sur le revenu, tous acquittent la taxe d'habitation.

Or, vous en connaissez les défauts : une assiette vieillissante, une complexité croissante et une réelle injustice en ce qu'elle pèse davantage sur les plus modestes que sur les autres. La mesure répond du reste à la demande de votre Assemblée. En proposant de supprimer la part régionale de la taxe, le projet de loi concerne tous les contribuables, pour une fraction qui est la plus éloignée du citoyen et dont le produit est le plus faible. Quant aux régions, après un dégrèvement en 2000, elles bénéficieront d'une compensation indexée sur la DGF à partir de 2001. Je n'ignore pas les opinions qui se sont exprimées à ce sujet mais j'estime que ces évolutions préservent la responsabilité et l'autonomie des régions.

M. Pierre Méhaignerie - Incroyable ! Allez sur le terrain ! Il faut sortir de Paris !

Mme la Secrétaire d'Etat - Il est ensuite proposé de réformer les mécanismes de dégrèvement sans remettre en cause les dispositions actuelles de complète exonération qui existent déjà. Malgré les efforts du Gouvernement -et je pense notamment à la prolongation du dégrèvement total pour les érémistes durant l'année qui suit leur retour à l'emploi ou à l'abaissement de 1 500 à 1 200 F du minimum de taxe laissé à la charge des plus modestes-, le système actuel comporte encore trop d'injustices : des inégalités, puisqu'à ressources égales, on n'est pas traité de la même manière selon l'origine du revenu ; des effets de seuil, qui par leur brutalité, n'encouragent pas la reprise d'activité et une pression plus élevée pour les revenus les plus faibles.

C'est pourquoi le Gouvernement vous propose un système unifié et plus juste, sans montant minimum fixe à la charge des contribuables. Cela permettra à 1 300 000 contribuables de bénéficier d'un dégrèvement total et cette mesure représente, elle aussi, onze milliards.

Si vous adoptez ce projet de loi, la baisse de la TVA entrera définitivement dans les faits. Le Gouvernement rend ainsi du pouvoir d'achat aux Français et donne sur les prix un signal de baisse, à l'heure où des tensions apparaissent dans certains secteurs. L'effet positif de la mesure apparaît d'ailleurs dans la stabilité des prix constatée en avril.

Il entend aussi achever de restituer aux Français la hausse décidée par le gouvernement précédent en août 1995. Avec les baisses ciblées mises en _uvre depuis 1998 -qui ont représenté 30 milliards-, ce sera chose faite puisque la mesure proposée porte nos baisses de TVA à plus de 60 milliards. Certains ont cru bon de critiquer cette mesure sous prétexte qu'elle ne serait pas assez visible. Cependant, l'INSEE prévoit que les trois quarts de la baisse seront répercutés.

Des baisses d'impôts massives, instantanées, dictées par un souci de solidarité. Nous sommes loin de ces baisses dont la droite parle souvent et qui, si d'aventure elle les met en _uvre, sont consacrées à la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes ou à l'allégement des tranches supérieures. Les Français ne s'y tromperont pas.

Ce collectif a aussi vocation à renforcer le service public, qu'il tend à rendre plus solidaire. Tel est le sens de la dizaine de milliards de dépenses supplémentaires que nous vous proposons.

Une solidarité exceptionnelle, d'abord, pour faire face à des circonstances exceptionnelles. Il nous appartenait d'aider ceux qui ont souffert des deux ouragans, du cyclone Lenny aux Antilles ou de la marée noire de l'Erika. Les élus que vous êtes ont déjà apporté une contribution décisive lors de ces journées difficiles et je tenais à vous en remercier.

Au nom de la solidarité nationale, le Premier ministre a pris des engagements devant vous le 2 février dernier. Ils ont été tenus et ils seront confortés grâce à ce collectif qui prévoit d'y consacrer plus de 6 milliards.

Un effort considérable est ainsi consenti en faveur de nos forêts et près d'un milliard sont ouverts au profit des actions forestières nationales et de l'Office national des forêts. Le taux de TVA sur les travaux forestiers est également ramené de 20,6 % à 5,5 % et l'achat de parcelles forestières destinées à être reboisées est temporairement exonéré de droits.

Autre axe fort de ce collectif, l'aide aux collectivités locales sinistrées en métropole et aux Antilles. Près d'un milliard est prévu pour aider à faire face aux dommages non indemnisés par les assurances et 500 millions seront consacrés à l'accélération des remboursements de TVA pour les travaux réalisés par les collectivités à la suite de la tempête.

Plus de 700 millions sont ouverts pour la restauration du réseau routier et des infrastructures portuaires endommagées.

L'Etat s'est également engagé à aider les secteurs économiques les plus touchés : près de 600 millions sont ouverts pour les agriculteurs, les pêcheurs et les conchyliculteurs, les entreprises contraintes au chômage partiel et l'ensemble du secteur du tourisme. Il importe que la saison soit réussie sur nos côtes à hauteur des efforts déployés par tous pour remettre en état nos plages.

Un effort particulier de plus de 500 millions a également été consenti en faveur des monuments historiques. Le budget de l'environnement et de l'aménagement du territoire est abondé de près de 300 millions, pour accompagner la restauration des sites et des écosystèmes affectés par la marée noire et par les tempêtes.

Enfin, l'Etat a immédiatement apporté son soutien à l'effort de solidarité des communes et des organismes sociaux, par une dotation exceptionnelle aux commissions d'aide sociale d'urgence. 350 millions sont ouverts à ce titre.

Cette solidarité exceptionnelle ne doit pas faire oublier la solidarité du quotidien, pour l'école, pour la santé et pour la ville.

Le collectif propose donc d'ouvrir 2,6 milliards d'engagements au profit des hôpitaux, à la suite du protocole d'accord négocié par Mmes Aubry et Gillot. Cet argent servira principalement à payer le remplacement des agents absents, en particulier dans les services d'urgence.

Un milliard est également ouvert au profit de l'éducation nationale. Le métier d'enseignant est plus complexe qu'autrefois et les attentes de notre société à l'égard de l'école sont immenses. Nous avons donc voulu marquer notre soutien au corps enseignant et montrer aux familles que leurs préoccupations étaient les nôtres. La réforme de l'enseignement professionnel va permettre de moderniser les équipements et de renforcer le suivi des élèves en stage. Dans le second degré, 1 000 maîtres d'internat seront recrutés dès la rentrée prochaine, pour mieux lutter contre la violence. Le suivi médico-social des élèves sera aussi renforcé. Enfin, des moyens pédagogiques supplémentaires seront mis à la disposition des enseignants. Du reste, comme l'indique la lettre de cadrage, l'éducation nationale demeure une priorité dans le projet de loi de finances pour 2001.

Par ailleurs, 450 millions sont consacrés à la politique de la ville, pour éviter que la croissance ne s'arrête à la porte des quartiers en difficulté. La croissance retrouvée doit être celle de tous les Français. Grâce à ce collectif, le programme des adultes-relais pourra débuter : ils vont contribuer à rénover les liens sociaux et à résoudre les petits conflits de la vie quotidienne. 150 équipes emploi-insertion seront également constituées.

Pour ce qui concerne les autres actions de l'Etat, 250 millions de francs abondent la dotation de compensation de la taxe professionnelle et viennent ainsi consacrer les progrès de l'intercommunalité, voulue par le Gouvernement.

La formation professionnelle des transporteurs routiers et le fonctionnement du comité national routier sont améliorés.

Le plan d'urgence pour les prisons est accéléré. Plus de 200 millions sont débloqués pour le programme de dépistage de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Enfin, 50 millions seront consacrés à la création artistique et 40 millions financeront un appel à projets en direction des initiatives d'économie solidaire.

Comme vous le voyez, ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de long terme en faveur d'une croissance au service de la lutte contre les inégalités. Ce collectif est donc un élément clé de notre stratégie pluriannuelle de finances publiques. Il montre que nous pouvons financer nos priorités tout en maîtrisant la dépense et baisser les impôts sans sacrifier les services publics.

Ne croyez pas pour autant que le Gouvernement sacrifie le déficit à ces projets. La baisse du déficit n'est pas un a priori idéologique. Elle traduit la volonté de réduire un impôt injuste : la charge de la dette, qui favorise le capital et pèse sur les générations futures.

La réduction des déficits se poursuit donc avec détermination, et alors qu'ils n'ont été réduits que de 20 milliards entre 1993 et 1996, la diminution a atteint 90 milliards entre 1997 et 1999.

Au cours de 1999, nous avons accéléré le rythme, si bien que nous pouvons en 2000 nous consacrer aux baisses d'impôts et aux services publics et que nous pourrons en 2001 reprendre notre rythme de baisse, d'une vingtaine de milliards par an.

Ce collectif est celui des engagements tenus du Gouvernement vis-à-vis des Français. C'est pourquoi je vous invite à l'adopter au terme du débat que je m'apprête à avoir avec vous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Je suis très heureux, Madame la secrétaire d'Etat, de vous succéder à cette tribune où vous vous exprimez pour la première fois. Je salue la qualité des relations que vous avez immédiatement su établir avec la représentation nationale, en particulier avec la commission des finances.

L'examen au printemps, d'un projet de loi de finances rectificative est exceptionnel, en dehors des alternances, gouvernementale ou présidentielle. Réjouissons-nous donc de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui. La présentation de ce texte par le Gouvernement doit être un motif de satisfaction pour le Parlement tout entier puisque l'exécutif répond ainsi à une demande parlementaire.

Dès février, les indications disponibles concernant les rentrées fiscales de 1999 permettaient de savoir qu'elles seraient bonnes. Après avoir cherché l'information à la source, notamment auprès de l'Agence comptable centrale du Trésor, j'ai pu dès le 14 mars fournir à notre assemblée les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget de 1999. Il a été possible d'en inférer l'ordre de grandeur de la réévaluation raisonnable et nécessaire à apporter aux recettes de l'Etat telles que figurant au budget pour 2000.

Il fallait tenir compte du surplus de recettes fiscales nettes d'environ 25 milliards, au titre de l'« effet de base » ; de l'effet sur les recettes de la révision des prévisions de croissance pour 2000, à hauteur de près de 11 milliards ; de quelque 15 milliards de recettes non fiscales prévues au titre de 1999 et dont l'imputation ou l'encaissement avait été différé.

Au total, votre commission des finances a invité le Gouvernement à réviser les recettes budgétaires pour 2000 de 50 milliards. C'est, à quelques centaines de millions près, le montant de la révision aujourd'hui proposée par le Gouvernement. Si d'aucuns contestent ce chiffre, je le considère à ce stade, crédible et responsable.

Ces recettes supplémentaires serviront, à hauteur de 40 milliards, à poursuivre la baisse des impôts portant le total des allégements fiscaux prévus en 2000 au montant sans précédent de 80 milliards. Cette priorité s'inscrit dans la ligne de la politique budgétaire définie à l'automne 1997, laquelle s'articule autour de trois axes : financer les actions publiques prioritaires tout en maîtrisant la dépense publique ; poursuivre et amplifier la réduction des déficits publics ; réduire le poids des prélèvements obligatoires.

En 1997-1998, nous avons mis l'accent plutôt sur la dépense publique afin de ranimer, puis de soutenir l'économie. Cette politique a porté ses fruits : notre pays est désormais l'un des moteurs de la croissance européenne. D'ici l'année prochaine, on peut même espérer que la France aura résorbé l'écart constaté dans les années 1990 entre sa croissance effective et sa croissance potentielle.

Une fois la croissance retrouvée et installée, nous avons mis l'accent sur la réduction du déficit et en 1999, nous avons pris de l'avance sur les engagements résultant du pacte de stabilité et de croissance. Le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques a été réduit à 1,8 % du PIB, soit une baisse de près d'un point par rapport à 1998. Dans le même temps, le déficit budgétaire est passé de 3 % à 2,5 % du PIB.

Ces bons résultats ont néanmoins eu des effets non souhaités en dépit des réductions d'impôts décidées en 1997 et 1998. La croissance a généré d'importants surplus de recettes fiscales qui n'ont pas permis de tenir les engagements pris en matière de réduction des prélèvements obligatoires : ceux-ci ont atteint, en 1999, 45,7 % du PIB. C'est pourquoi, dès ce printemps, le Gouvernement nous propose de mettre l'accent sur les réductions d'impôt.

D'abord et conformément à un souhait exprimé à l'automne dernier par la commission des finances et la majorité de cette assemblée, le Gouvernement propose d'alléger, dès l'automne 2000, la taxe d'habitation. Nous lui avons demandé un rapport, qu'il a présenté avant-hier, mais, sans attendre, deux mesures d'importance sont proposées pour réduire le poids de cet impôt injuste, qui pèse lourdement sur les ménages.

Sa part régionale, qui représente un montant brut de 5,8 milliards, sera supprimée. Cette mesure n'est pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

D'ailleurs, l'Etat assure d'ores et déjà près de 60 % du financement des régions. La compensation de la perte de ressources sera calculée d'après le produit des rôles généraux de 2000 et évoluera comme la dotation globale de fonctionnement, ce qui garantit une certaine stabilité. Les mécanismes de dégrèvement seront simplifiés et améliorés. Six dispositifs se sont empilés au fil des ans. Ils seraient refondus pour aboutir à un dispositif plus favorable aux contribuables modestes. L'allégement net qui en résultera avoisine 4,9 milliards.

Toutes choses égales par ailleurs, tous les contribuables devraient bénéficier des mesures proposées, y compris, dans l'immédiat, les personnes dites «cohabitantes » qui bénéficiaient d'un dégrèvement de leur cotisation excédant 3,4 % de leurs revenus. Pour les quelque 250 000 contribuables concernés, dont la situation doit, pour des raisons juridiques mises en avant par le Conseil d'Etat, être alignée sur celle de l'ensemble des cohabitants, un dispositif de lissage sur cinq ans de la normalisation nécessaire est prévu.

Le Gouvernement a par ailleurs abaissé le taux normal de TVA de 20,6 % à 19,6 %, mesure simple et forte, qui coûtera 18,5 milliards en 2000. Les premières constatations effectuées par l'INSEE montrent qu'elle commence à avoir un effet positif sur les prix, donc sur le pouvoir d'achat des ménages.

Avec les baisses ciblées et cette mesure générale, les allégements de TVA depuis juin 1997 représentent 60 milliards. Nous avons ainsi, conformément à nos engagements, rendu aux Français les 60 milliards que M. Juppé, son gouvernement et sa majorité de l'époque leur avaient confisqués en août 1995 en majorant de deux points le taux normal (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'impôt sur le revenu sera également réduit. La baisse d'un point du taux applicable aux deuxième et troisième tranches allégera de 11 milliards l'impôt dû sur les revenus de 1999. L'allégement représentera environ 700 F par foyer fiscal et plus de 650 000 foyers fiscaux supplémentaires deviendront non imposables. Les contribuables modestes ou disposant de revenus intermédiaires bénéficieront de réductions proportionnellement plus importantes. Ce collectif, tout en visant à une plus grande justice fiscale, prévoit des baisses d'impôt sans précédent. Le seul exemple que j'ai pu retrouver, dans un passé récent, est la suppression, en 1986, de l'impôt sur les grandes fortunes, qui avait représenté un allégement d'environ quatre milliards. La cible n'était pas la même : à chacun ses priorités !

En matière de dépenses, le collectif permet de répondre aux besoins sans remettre en question la maîtrise de la dépense.

Un mot sur le passé. Tout d'abord, le rapport préliminaire de la Cour des comptes pour 1999, a pu conforter ceux qui croient, ou feignent de croire, que le Gouvernement n'a pas pu tenir ses engagements de maîtrise de la dépense cette année-là. Mais il faut s'entendre sur les notions. La Cour indique, et je l'avais écrit moi-même dès le 14 mars dernier, que les charges brutes du budget général ont augmenté de 3,2 %.

M. Charles de Courson - Eh oui !

M. le Rapporteur général - Pour autant, je réaffirme que le taux d'évolution de ces charges, recettes d'ordre exclues et une fois tenu compte des changements de structures et des dépenses exceptionnelles, s'est établi à 1,6 % soit 1 % en volume, ce qui correspond à l'objectif fixé en loi de finances initiale.

M. Charles de Courson - Non.

M. Philippe Auberger - Ce n'est pas sérieux.

M. le Rapporteur général - La majorité actuelle n'est pas responsable des tempêtes de décembre 1999 ni de la marée noire et l'on ne saurait imputer à une quelconque mauvaise gestion les dépenses nécessaires réalisées au titre de la solidarité nationale !

Quant au remboursement de l'emprunt de dix milliards contracté par l'UNEDIC, le Parlement n'avait en rien été informé de l'engagement pris à l'époque par M. Lamassoure. Si nous réclamons aujourd'hui plus de transparence, c'est d'ailleurs afin que ne se reproduisent plus de tels agissements inadmissibles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Les ouvertures de crédits nets atteignent 12,4 milliards, dont 9,7 de crédits civils et 2,7 de crédits militaires, gagés par une annulation d'un montant à peu près égal sur les dépenses en capital, qui n'obère pas la capacité du ministère de la défense d'engager les programmes industriels prévus.

S'agissant des dépenses civiles, 5,5 milliards seraient ouverts pour financer les mesures de solidarité nationale en faveur des victimes des sinistres de l'automne-hiver 1999.

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail des mesures prévues au titre des aides générales aux particuliers et aux entreprises.

Les collectivités locales bénéficieront du remboursement immédiat de la TVA sur les travaux destinés à réparer les dégâts causés par les intempéries, soit une majoration de 500 millions pour le fonds de compensation pour la TVA.

Les engagements récents pris par le Gouvernement le conduisent à affecter des crédits au service public hospitalier avec, en particulier, 2 milliards pour faciliter les remplacements, améliorer les conditions de travail, prévenir la violence et renforcer les urgences.

L'amélioration du service public éducatif donne lieu à des ouvertures d'un milliard, confortant ainsi la priorité accordée depuis 1997 à la formation des jeunes. L'effort sera poursuivi en 2001 et 2002.

Enfin, les décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 commencent à se concrétiser.

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail de mesures concernant le dépistage de l'ESB, les services pénitentiaires, les transports routiers, ou encore les collectivités locales.

Compte tenu des évolutions prévues en matière de recettes, de baisses d'impôts et d'ajustements des dépenses, le déficit resterait quasi inchangé, à 215,3 milliards. Il s'établit donc à 9 milliards au-dessus du déficit constaté au cours de l'exécution 1999. Ces prévisions ne sont pas aussi satisfaisantes qu'on pourrait le souhaiter, mais cela tient à la nécessité de mettre aujourd'hui l'accent sur la baisse des impôts.

Vous avez déclaré devant la commission que, si la croissance se maintient au niveau prévu, les plus-values de recettes fiscales seront affectées à la réduction du déficit. A défaut, il conviendrait, par une maîtrise accrue de la dépense publique, de regagner les marges nécessaires pour peser sur le déficit.

Notre commission, qui a jugé positif ce projet de loi de finances rectificative, ne propose de le modifier qu'à la marge, avec en particulier une mesure d'équité, adoptée à l'initiative du groupe communiste, qui consiste à exonérer d'impôt sur le revenu et de contributions sociales l'indemnité de cessation d'activité versée aux travailleurs exposés à l'amiante.

De même, nous suggérons de conforter les pouvoirs d'investigation des rapporteurs des commissions des finances des deux assemblées, afin d'éviter que le secret professionnel puisse leur être opposé lorsqu'ils recherchent des éléments en vue d'informer la représentation nationale.

Enfin, nous proposons une mesure de compensation de la baisse des droits de mutation à titre onéreux sur les forêts en faveur des communes, ainsi que la pérennisation d'une mesure de TVA favorable aux cafés-concerts. Ce matin, en application de l'article 88, nous avons adopté d'autres dispositions, notamment à l'initiative de M. Cochet.

Sous ces réserves légères, la commission des finances a adopté l'ensemble du projet, et demande à l'Assemblée nationale de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe DL une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François d'Aubert - Nous voilà donc à nouveau réunis pour délibérer sur cette espèce de saga budgétaire caricaturale pour 1999-2000, ce budget-feuilleton sans précédent qui, cinq mois après avoir été voté, se trouve chamboulé. Voilà ce qui est historique ! Personne n'a jamais vu cela ! Après les péripéties de la cagnotte et la mise à l'écart du Parlement, je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir l'amabilité de penser un peu, le temps d'un après-midi, à l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Jegou - C'est sympathique !

M. François d'Aubert - Exactement !

Nous avions à l'époque prévenu vos deux prédécesseurs du caractère peu crédible de leurs estimations de recettes fiscales pour 2000.

Il a fallu attendre le dénouement de l'affaire de la cagnotte pour que le Gouvernement daigne revoir sa copie. Etant donné les nombreuses manipulations, sinon « trafics », qu'a subis le budget de 1999 et leur répercussion sur la loi de finances pour 2000, il nous paraît invraisemblable que le budget 1999 serve encore de base pour le budget 2000. La loi de finances initiale n'a plus guère de signification. Ce collectif-repentir, d'abord présenté avec emphase par M. Jospin, puis par vous avec enthousiasme, et défendu du bout des lèvres par le ministre des finances, n'est pas à la mesure de l'opacité des budgets 1999 et 2000, qui sont des sommets du genre.

Il aurait fallu reconstruire une loi de finances complète. Alors, vive la transparence ! Mais pour 2001 seulement. Ce qui veut dire que nous sommes saisis du dernier budget non transparent. Hélas, pour ce budget-là, le Gouvernement a poursuivi dans la dissimulation.

Sur le budget de 1999, nous détenons une pièce à conviction : le rapport préparatoire de la Cour des comptes sur son exécution. Il rappelle que la sincérité des comptes publics est une exigence de la démocratie et surtout un principe qui a valeur constitutionnelle. Le ministre des finances, dans son interview désormais fameuse du 7 mars 2000 dans Les Echos, déclarait : « A l'avenir la sincérité des comptes, principe à valeur constitutionnelle, devra éclairer la discussion budgétaire au lieu de relever d'un vague contrôle après coup ». Comment ne pas adhérer à ce constat, qui se déduit de l'article 16 de l'ordonnance organique du 25 janvier 1959, elle-même partie intégrante du bloc de constitutionnalité ? Cette exigence devrait s'imposer à tous les gouvernements. Cela n'a pas toujours été le cas. Mais depuis ces dernières années ce principe a été encore davantage battu en brèche. L'Etat ne devrait pas, par des artifices comptables, pouvoir décaler dans le temps l'encaissement d'une recette ou le paiement d'une dépense. Mais en rationalisant à l'excès l'exercice du parlementarisme, l'ordonnance de 1959 consacre la toute-puissance du Gouvernement par rapport au contrôle parlementaire. Ainsi vous n'avez pas cessé, tout au long de 1999, de réévaluer par petits bouts le montant de recettes fiscales effectivement encaissées : 13 milliards, puis 24, enfin 30,7 milliards de cagnotte. Et voilà que la Cour des comptes annonce 57 milliards pour l'exercice 1999. Mettez-vous à notre place, à celle même du rapporteur général ! Nous en étions à 30 milliards en décembre, et nous avons tout d'un coup la révélation que le montant est presque deux fois supérieur, ce que certains ici, comme M. de Courson, avaient annoncé. De qui se moque-t-on ? Comment est-ce possible ? Personne n'est opposé au principe de précaution, mais ici nous sommes plus près de la « forfaiture » que de l'erreur de bonne foi.

L'exercice de 1999 n'est pas frappé d'opacité occasionnelle, mais d'opacité intentionnelle : tout faire pour minimiser les recettes, afin d'éviter un débat difficile pour votre majorité sur la répartition des fruits de la croissance, et éviter les débordements dépensiers de cette majorité qui n'est pas encore convertie à l'idée de maîtrise des dépenses publiques, pas plus sans doute que ne l'est la totalité du Gouvernement ; ensuite tout faire pour camoufler la hausse des dépenses, sévèrement jugée par Bruxelles. Cet écart de 27 milliards provient de reports de recettes ou de retards d'encaissement. Feu M. Sautter, si je puis dire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et vous-même vous êtes donné beaucoup de mal pour ralentir les rentrées des recettes non-fiscales.

Évaluées initialement à 167 milliards, elles se sont finalement élevées à 149 milliards seulement -chose étrange, pour des recettes largement tributaires de la croissance et alors que les recettes fiscales ont enregistré, elles, une progression plus forte qu'attendu. L'explication en est que vous avez joué sur le flou des relations financières entre l'Etat et certains organismes publics, flou auquel vous ne proposez d'ailleurs pas de mettre fin. Entre les recettes encaissées après la fin de l'exercice 1999, comme les 5,5 milliards de la CADES ou les 9 milliards de la TVA, et les recettes reportées sur 2000 et figurant d'ailleurs au présent collectif, tels les 2,5 milliards au titre de la garantie des caisses d'épargne, les 4,5 milliards au titre de celle de la Caisse nationale d'épargne, les 3 milliards reversés par la COFACE, c'est de plus de 27 milliards supplémentaires, au total, que vous auriez pu réduire le déficit en 1999 !

M. Charles de Courson - C'est exact !

M. François d'Aubert - Vous n'avez pas hésité non plus à mobiliser une procédure qui n'est pas illégale, mais qui constitue, il faut bien le dire, une anomalie de notre droit budgétaire, car elle permet à la fois de camoufler des recettes et de masquer la hausse des dépenses : les prélèvements sur recettes, qui ont augmenté de plus de 5 % en 1999 et vont faire de même cette année. Tous les gouvernements, c'est vrai, y ont recouru, mais ce qui était naguère une facilité est devenu, depuis trois ans, un procédé systématique de dissimulation du dérapage des dépenses -et, partant, de la médiocrité de votre gestion budgétaire.

Votre attitude est constante : vous sous-évaluez délibérément, dans la loi de finances initiale, le taux de croissance du PIB, et consentez seulement, en toute fin d'exercice, à découvrir une petite « cagnotte », assez faible et assez tardive pour stopper tout débat sur sa répartition. C'était le scénario de 1999, et il semble bien que l'histoire bégaie cette année. Sur 51 milliards de recettes supplémentaires inscrites au collectif, 24 sont dues à l'« effet base », 11 à la réévaluation du taux de croissance -à 3,6 % seulement, au lieu des 4 % annoncés par les instituts de conjoncture- et 16 à l'incorporation de recettes fiscales qui auraient dû être comptabilisées en 1999.

Cet excès de prudence nous fait d'autant plus douter de votre sincérité qu'aucune des réformes préconisées par M. Fabius dans sa fameuse interview de mars dernier -peu avant qu'il ne devienne ministre des finances- ne figure dans le nouveau catéchisme de la transparence dont il nous a gratifiés hier. « Je souhaite, disait-il, que la Cour des comptes donne son avis sur la sincérité des lois de finances avant leur dépôt. » Qu'est devenue cette mesure de bon sens, que le rapporteur général approuve certainement -à moins qu'il ne nous explique pourquoi il est contre ? Où est passée la « remise à plat de l'ordonnance organique » ? Où est passée la consolidation des comptes de l'Etat, de ses établissements publics et des entreprises publiques ?

M. Philippe Auberger - A la trappe !

M. François d'Aubert - En vérité, ce qui nous a été annoncé hier est très en deçà de ce qu'exige le fonctionnement normal de la démocratie, et de ce que M. Fabius proposait lui-même en janvier 1999, au nom du groupe de travail -qu'il présidait- sur l'efficacité de la dépense publique. Et pourtant, il serait grand temps que l'Etat adopte des règles comptables plus strictes, plus conformes au principe des droits constatés, afin que ne soient plus possibles ces arbitrages d'opportunité qui sont si en vogue actuellement.

Et où en est, par ailleurs, ce fameux projet de comptabilité patrimoniale de l'Etat, dont le squelettique compte de résultats ne saurait tenir lieu, car le « hors-bilan », comprenant notamment le coût potentiel de l'épargne-logement, qui pourrait bien être élevé, et celui des retraites de la fonction publique, qui ne le sera pas moins, en est exclu.

« Un Etat plus efficace, plus simple, plus économe », préconisait M. Fabius le 11 octobre dernier. En 1999, les dépenses publiques ont cru près de trois fois plus que le 1 % affiché -du fait, selon la Cour des comptes, de la hausse des traitements, charges sociales et pensions, ainsi que des dépenses d'intervention. Et cette année, l'objectif de 0 % est d'ores et déjà remis en cause, puisqu'il est prévu 10 milliards de dépenses nouvelles. Certaines, liées à la tempête, sont évidemment justifiées, mais on ne voit guère les redéploiements dont le Gouvernement se targue depuis trois ans.

Les dépenses de personnel de l'Etat ont déjà progressé de 57 milliards depuis 1997, dont 21 au titre des accords Zuccarelli et de 13 milliards au titre des pensions -et il faudra bientôt ajouter l'impact des 35 heures. Il est donc fort probable que les dépenses nouvelles seront très supérieures à 10 milliards, d'autant que la baisse de 11 milliards de la taxe d'habitation ne sera pas sans effet sur la facture fiscale du contribuable national -qui est aussi le contribuable local, et c'est donc le tromper que prétendre qu'il s'agit vraiment d'une baisse d'impôt. Je souligne au passage que la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation est d'une constitutionnalité douteuse, car elle porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales, dont les recettes fiscales sont déjà prises en charge par l'Etat pour près du quart !

Au total, c'est de 2 % au moins que les dépenses publiques progresseront en 2000, prélèvements sur recettes exclus. Ce n'est compatible ni avec l'objectif d'assainissement budgétaire, ni avec le programme pluriannuel adressé à Bruxelles. C'est difficilement tenable, en outre, en cas de retournement conjoncturel, et la remontée des taux d'intérêt que l'on observe depuis la fin de l'année dernière interdit à notre pays de compter cette année sur le poste du service de la dette pour faire des économies. Seule la réduction du déficit primaire peut contenir l'effet mécanique de la hausse des charges d'intérêts ; dans le cas contraire, vous vous exposeriez aux mêmes mécomptes que le gouvernement Rocard en son temps.

En dépensant ainsi en période de croissance, vous vous privez de marges de man_uvre pour l'avenir. En cas de retournement de conjoncture, plus dure sera la chute. D'autant que nos compatriotes n'accepteraient pas une nouvelle hausse de la pression fiscale.

Vous tablez sur une croissance tirée par le rattrapage dans le domaine des nouvelles technologies. Mais la France n'est pas l'Amérique et la médiocrité de la conjoncture européenne devrait vous inciter à la prudence.

Sur quel déficit allons-nous nous prononcer aujourd'hui ? Sur les 215 milliards inscrits au collectif ? Ou sur les 200 milliards annoncés hier par le ministre des finances ? Que signifie ce déficit flottant ? Selon le collectif, il est réduit de 49 milliards, après l'avoir été de 41 en 1999. En 2000, il sera donc supérieur à celui de 1999 alors même que la croissance en 2000 sera supérieure à celle de 1999. Voilà qui est un peu ubuesque. Il y aura donc probablement, dans quelques semaines, une énième rectification tendant à ce que le déficit 2000 soit inférieur à celui de 1999 ; il n'en reste pas moins que le rythme de décroissance du déficit s'est ralenti depuis 1997. C'est le signe tangible du laxisme camouflé qui caractérise votre gestion. C'est aussi un mauvais signal que nous adressons à nos partenaires alors même que la France se situe déjà de ce point de vue là à la traîne des pays qualifiés pour l'euro.

Quand le PIB est inférieur à son niveau tendanciel sur un cycle donné, on assiste à une décrue des recettes fiscales et à un accroissement de certaines dépenses publiques. Inversement, quand il est supérieur à son niveau tendanciel, les dépenses baissent et les recettes fiscales croissent mécaniquement. Cette année, le PIB est supérieur à son niveau tendanciel, ce qui explique le surplus fiscal constaté cette année. Mais si l'on sort du cadre annuel pour se placer dans une perspective plus cyclique, le solde conjoncturel est nul en moyenne, les périodes d'excédent conjoncturel étant compensées par celles de déficit conjoncturel. L'annualité biaise donc ici le raisonnement puisque c'est seulement sur la durée du cycle que l'on peut se rendre compte si le déficit a été effectivement réduit. Or, à niveau de PIB constant, le déficit ne se réduit pas mais augmente.

Vous faites à côté de cela des choix risqués, en particulier au cas où la croissance fléchirait. Vos baisses d'impôts sont en effet insuffisantes et sans commune mesure avec les 420 milliards supplémentaires évoqués hier par M. Gantier -et il s'agissait bien de nouveaux francs-, 420 milliards ponctionnés en cotisations et en impôts par les administrations publiques depuis 1997. Leur financement par les plus-values fiscales d'un seul exercice est le comble de la mauvaise gestion.

Pour réduire durablement le déficit budgétaire, il faut diminuer le besoin de financement des administrations publiques. Mais le Gouvernement ne s'attaque qu'au déficit conjoncturel.

Le collectif ne permet pas de dégager un solde budgétaire primaire capable de lancer la France dans une véritable voie de désendettement. L'excédent primaire qui stabiliserait la part de la dette dans le PIB n'a pas encore été atteint. Résultat, la dette publique continue d'augmenter. En 2000, l'excédent budgétaire primaire, après collectif, ne sera que de 21 milliards alors que l'excédent primaire stabilisant devrait atteindre 59 milliards. Vous semblez oublier de ce point de vue les recommandations faites par la Commission européenne le 11 avril 2000.

Incapable de réduire significativement le déficit, le Gouvernement est à la recherche continuelle de nouvelles « cagnottes ». Après la cagnotte fiscale, voici donc la cagnotte France Télécom ! Vous envisagez déjà de faire payer le prix des licences UMTS en plusieurs fois afin d'éviter le débat qu'occasionnerait une rentrée plus massive. Avec une telle méthode, M. Fabius renoue avec Guy Mollet et avec le système de la vignette. A l'époque, la modernité c'était l'automobile que l'on mettait au service des personnes âgées via le fonds vieillesse . On a vu ce qu'il en est advenu. Aujourd'hui, c'est la troisième génération des mobiles qui est chargée de financer le fonds de réserve des retraites. Mais qu'en sera-t-il en réalité ?

En 1999, les recettes fiscales nettes ont augmenté de 113 milliards. Ce chiffre est incontestable, Monsieur le rapporteur général, puisque c'est celui avancé par la Cour des comptes. Je m'étonne donc que vous cherchiez à jeter le doute. Mais je comprends qu'il vous gêne car nous atteignons là un record historique, même par rapport à l'année « bouc émissaire » 1996. Vous nous parlez, Madame la ministre, d'« effet richesse ». Mais cet effet a joué aussi en 1996. En réalité, cette augmentation invraisemblable de la pression fiscale qui s'est produite en 1999 s'explique par des mécanismes fiscaux qui correspondent à vos choix politiques, lesquels jouent contre la famille, contre l'épargne et contre les classes moyennes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Mais oui, pensez seulement aux effets de la baisse du plafond du quotient familial !

Quant à l'impôt sur les sociétés, son rendement élevé ne s'explique pas seulement par la bonne conjoncture de 1998 mais aussi par des taux qui restent très élevés alors que vous aviez promis de les baisser.

Encore n'inclus-je pas dans ces 113 milliards l'augmentation nette de CSG, c'est-à-dire la CSG supplémentaire sur les produits de l'épargne, celle qui fait que nous avons maintenant en France deux impôts sur le revenu, un impôt proportionnel qui rapporte un peu plus de 300 milliards -la CSG- et un impôt progressif -l'IR- qui rapporte autant. Quand je pense que certains veulent aussi transformer la taxe d'habitation en impôt sur le revenu, je dis pitié ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Pas de pitié pour les riches !

M. François d'Aubert - M. le rapporteur général nous a dit tout à l'heure que l'on n'avait jamais fait baisser l'impôt sur le revenu. Si ! En 1997 M. Juppé avait commencé à le faire et ce mouvement aurait continué en 1998 et en 1999 si vous n'aviez pas mis un terme à sa réforme.

Quoi qu'il en soit, le produit de l'impôt sur le revenu a augmenté de 30 milliards en 1999. Résultat : 1 300 000 foyers se sont retrouvés imposables. Et ce ne sont pas des gens riches, croyez-moi. Ne parlez pas « d'effet richesse » à quelqu'un qui est passé des ASSEDIC ou du RMI au SMIC, ce serait indécent ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste)

La baisse du plafond du quotient familial a eu aussi un effet sur la taxe d'habitation. Même dans les villes où son taux a été abaissé afin de compenser la revalorisation de l'assiette -ce fut le cas à Laval-, elle a augmenté pour de nombreux foyers.

Certes, le collectif fait sortir de l'impôt sur le revenu quelque 650 000 foyers. Mais ce n'est rien par rapport aux 1 300 000 nouveaux entrants ! Votre majorité voulait se réconcilier avec les classes moyennes mais ce sont elles les principales victimes de votre politique fiscale. En effet, les 12 % de contribuables dont l'impôt dépasse 30 000 F par an s'acquittent de plus de 57 % de la facture globale.

Votre baisse historique est très largement en trompe-l'_il ! Lorsqu'il était président de cette Assemblée et qu'il jouissait encore d'une certaine liberté de parole, M. Fabius avait fait observer qu'il était difficile de convaincre les Français que les impôts baissaient lorsque les prélèvements obligatoires augmentaient. Il invitait donc à agir rapidement et concrètement et, d'abord, à continuer de marteler l'exigence d'une baisse car, ajoutait-il, le poids des prélèvements obligatoires représente une entrave au dynamisme de la créativité. Or, par ce collectif, voici que vous ajoutez aux 113 milliards de rentrées fiscales supplémentaires de 1999, 51 milliards au titre de 2000, soit 164 milliards -et encore, je ne prends pas en compte les hausses de cotisations sociales.

De l'autre côté, quels sont les Français qui se sont aperçus de la baisse d'un point de TVA ? Et une réduction de 645 F, en moyenne et par foyer fiscal, de l'impôt sur le revenu, peut-elle accroître le pouvoir d'achat ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - Pensez-vous que la hausse de 1995 soit passée inaperçue ?

M. François d'Aubert - Il s'agissait alors de qualifier la France pour l'euro, de provoquer la baisse des taux d'intérêt dont vous profitez et, ce qui n'est pas accessoire, de combler une partie du déficit que vous aviez accumulé !

Et où est votre volonté d'éliminer les « trappes à pauvreté » ? Vous vous bornez à alléger les deux premières tranches de l'impôt, ce qui ne garantira en rien que les plus dynamiques restent en France !

M. Jean-Pierre Brard - Vous voulez dire les plus riches ?

M. François d'Aubert - Figurez-vous qu'une économie a besoin de locomotives et qu'il vaut donc mieux garder celle-ci chez soi !

D'autre part, comme on l'a dit, le compte n'est pas bon : alors que l'impôt sur le revenu a crû de 30 milliards en 1999, le collectif ne comporte que 11 milliards d'allégements. Les familles et les retraités continueront donc d'être pénalisés. Quant au barème, il a été insuffisamment réévalué, ce qui a aussi contribué à gonfler les recettes.

La France a plus que jamais besoin d'une grande réforme fiscale qui favorise l'activité et le retour à l'activité, et conforte les facteurs de production : à nouvelle économie, nouvelle fiscalité ! Or, comme le reconnaît le prochain rapport du Plan, l'évolution de nos finances publiques depuis trente ans témoigne d'une incapacité collective à effectuer des arbitrages qui ne se traduisent pas par un recours accru à l'impôt ou à l'endettement. Vous-mêmes admettiez il y a peu que ces charges contribuent à la fuite des centres de décision, de la matière grise et des patrimoines. Mais vous vous montrez incapables d'appréhender les évolutions majeures de notre société, alimentant ainsi le ras-le-bol des Français, en particulier les plus entreprenants.

Hier, nous avons esquissé quelques pistes pour une réforme : baisse de l'impôt sur le revenu, suppression de la redevance télévisuelle, promotion de l'innovation et de la création d'entreprises. On semble en effet découvrir en France ce qu'on sait depuis longtemps aux Etats-Unis, à savoir que c'est l'innovation qui tire la croissance et favorise l'emploi, en particulier dans les PME. Il faut donc des incitations en faveur du capital-risque, des « business-angels » ; il faut mieux mobiliser l'épargne de proximité. Démocratie libérale propose donc l'extension de la qualification de biens professionnels aux apports en capital de sociétés innovantes non cotées, la déductibilité totale des participations prises dans le capital de ces mêmes sociétés directement par des personnes physiques, la création d'un crédit d'impôt sur les sociétés pour diriger l'épargne des entreprises vers des projets innovants, ainsi qu'une fiscalité moins complexe et plus incitative sur les stock-options, par une harmonisation des taux applicables aux plus-values d'acquisition et de cession.

Ce collectif de repentir n'apporte pas la transparence promise. Les multiples « irrégularités » comptables constatées pour 1999 et qui se répètent pour 2000 mériteraient une sanction du Conseil constitutionnel et appellent, d'abord, une refonte de l'ordonnance organique de 1959. Le Conseil constitutionnel se penche en effet trop peu sur la sincérité des estimations de la loi de finances. Faute d'un article explicite à ce sujet, dans l'ordonnance, il serait souhaitable que le Gouvernement cesse de bénéficier de cette sorte de vide juridique. C'est pourquoi je vous demande, au nom du groupe Démocratie libérale, de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme la Secrétaire d'Etat - Peut-être ne vous ai-je pas écouté assez attentivement, mais j'avoue avoir quelque mal à retrouver l'histoire récente de nos finances publiques dans votre saga ! Et je n'y ai guère trouvé de motifs à voter cette exception d'irrecevabilité, non plus...

Vos critiques assorties de beaucoup de guillemets et parfois contradictoires, vous conduisent à nous inviter à reconstruire le budget pour 2000. Si c'est pour accroître les impôts et le déficit ou pour réduire les dépenses, ne comptez pas sur nous : telle n'est pas notre politique ! Ce collectif n'est d'ailleurs pas un accident de l'histoire ni le fruit d'une lubie du Gouvernement : il résulte d'une volonté délibérée de « recaler » les évaluations de recettes et de vous présenter l'affectation des rentrées supplémentaires.

Le collectif manquerait de sincérité, avez-vous longuement expliqué, ajoutant que nous ferions tout pour éviter le débat. Ce qui s'est passé hier et aujourd'hui suffit à faire justice de ces allégations. Et plutôt que de citer les propos tenus par Laurent Fabius lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, pourquoi ne pas vous souvenir que, ministre des fiances, il vient de confirmer son engagement en faveur de la transparence ? Il a ainsi annoncé que, dès le prochain projet de loi de finances, les politiques publiques feraient l'objet d'une présentation par actions et par programmes, assortie d'indicateurs de résultats et que la présentation des recettes sera soumis à l'avis de la commission économique de la nation, de sorte que sa sincérité sera difficilement attaquable.

Dois-je vous rappeler l'engagement que j'ai moi-même pris avec M. Sautter, il y a quelques mois, de venir commenter chaque mois devant la commission des finances notre situation budgétaire ? Hier, M. Fabius a confirmé cette volonté en fixant la périodicité à tous les quinze jours.

Enfin, nous allons mettre en _uvre une comptabilité d'exercice, c'est-à-dire en droits constatés, et cela dès la présentation des comptes de 1999 qui comportera de surcroît -cas unique en Europe- une annexe hors bilan.

Je crois dire que l'on peut difficilement nous attaquer pour ce qui est de la volonté de transparence.

A propos de la croissance, vous nous avez reproché tout et son contraire. Pendant plusieurs années, vous nous taxiez d'optimisme excessif ; aujourd'hui, vous prétendez que nous aurions sous-évalué la croissance ! Je ne referai pas ici l'histoire de ces trois dernières années. Souvenez-vous seulement que, lorsque le projet de budget pour 2000 vous a été présenté, nous n'étions pas encore sortis d'une manière certaine du « trou d'air ». Il est maintenant facile de critiquer mais, comme nous avons entre temps réévalué nos prévisions de croissance ainsi que les recettes, l'accusation n'est-elle pas largement caduque ?

Mais c'est peut-être cette réévaluation qui vous gêne, dans la mesure où elle nous permet d'annoncer une baisse de 40 milliards des impôts (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Et si, dans le même temps, les prélèvements obligatoires continuent de croître, c'est hélas, une constante de ces dernières années. Le pic a été atteint en 1996 où le taux des prélèvements obligatoires a bondi de plus d'un point.

L'objectif est bien évidemment de réduire les prélèvements obligatoires, mais, à tout prendre, entre des prélèvements obligatoires qui augmentent hors de toute croissance et des prélèvements qui augmentent du seul fait de la croissance alors que les taux des impôts restent stables, je préfère de loin la deuxième situation et c'est celle que nous avons connue au cours des trois dernières années. Je n'aurai pas non plus la cruauté de rappeler que les phénomènes que vous avez décrits s'agissant des collectivités locales sont précisément ceux qui se sont produits au niveau de l'Etat : vous avez regretté que les prélèvements obligatoires de la ville de Laval aient augmenté alors même que les taux de votre fiscalité avaient diminué. C'est précisément ce qui s'est produit à l'échelle de l'Etat, puisque les bases ont fortement progressé.

S'agissant des dépenses, vous invoquez le contenu du rapport de la Cour des comptes mais j'ai déjà eu l'occasion de rappeler que ce rapport ne dit rien de plus que ce qui figurait déjà dans le rapport de votre commission des finances, qui a été publié quelques semaines plus tôt.

Plusieurs députés RPR - C'est faux !

Mme la Secrétaire d'Etat - En ce qui concerne la comptabilisation des dépenses, il est indéniable qu'il existe plusieurs méthodes.

M. François d'Aubert - C'est cela la sincérité !

Mme la Secrétaire d'Etat - La Cour des comptes calcule d'une certaine façon, l'INSEE d'une autre et pour ce qui concerne la présentation des lois de finances et des résultats de l'exécution, c'est encore une autre présentation qui est retenue. Ce qui importe, c'est qu'il n'en soit pas changé en cours de route. Nous avons été de ce point de vue d'une constance totale et je suis surprise que l'on nous reproche aujourd'hui nos efforts de transparence qui nous ont conduits à réintégrer dans le budget de l'Etat 60 milliards de dépenses qui n'auraient jamais dû en sortir. Oui, nous avons procédé à des re-budgétisations et nous l'avons fait dans un souci de transparence tout en tenant en 1999 la norme de dépense au niveau que nous avions annoncé dans le projet de loi de finances, c'est-à-dire 1 % en volume.

M. Philippe Auberger - N'importe quoi !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je souhaite que la Cour des comptes ne change pas plus de méthode de calcul en cours de route que le Gouvernement ne le fait. Lorsqu'en 2000, l'on s'apercevra...

M. Charles de Courson - Et l'indépendance des magistrats ? Il est indigne de s'attaquer à la Cour des comptes. Il faut en saisir M. Joxe dès demain !

Mme le Secrétaire d'Etat - ...que nous avons procédé à une réduction des dépenses de l'Etat, notamment parce que certaines d'entre elles ont été transférées, que l'on ne nous fasse pas le procès en sens inverse.

Vous nous avez ensuite indiqué que ce projet de collectif faisait apparaître un déficit que vous avez qualifié de « flottant ». Le terme n'est pas aussi péjoratif qu'il y paraît. En effet, un déficit flottant correspond tout à fait à la stratégie des finances publiques qui a été présentée hier. Celle-ci est en effet d'abord fondée sur une norme d'évolution de la dépense qui ne doit pas varier en fonction de la conjoncture. Lorsque la conjoncture se révèle meilleure que prévu, les surplus peuvent être affectés à un renforcement de la réduction du déficit ou à des baisses d'impôt.

Vous nous reprochez en définitive d'avoir fortement réduit le déficit en 1999, puisqu'effectivement, nous avons fait cette année deux années en une. Vous avez beau jeu dans ces conditions de nous reprocher le niveau du déficit prévu pour 2000, supérieur à ce qui a été réalisé en 1999. Là encore, je ne peux que répéter que si nous disposons de recettes supplémentaires, au-delà du surplus dont il vous est proposé d'affecter les 4/5èmesà des réductions d'impôt, ils iront en totalité à la réduction du déficit. Mais vous conviendrez qu'il est un peu difficile d'évaluer dès à présent le surplus du surplus ! Nous y verrons plus clair en cours d'année et j'espère qu'il se confirmera alors que le déficit de l'exercice 2000 sera en définitive inférieur à celui constaté en 1999.

Lorsque nous avons présenté à Bruxelles notre programmation pluriannuelle des finances publiques, nous avons clairement indiqué que notre objectif à l'horizon 2003 était de tendre au quasi équilibre des finances publiques, ce qui, vous en conviendrez, correspond à un redressement exceptionnel par rapport à 1997.

Vous avez estimé que les prélèvements sur recettes étaient condamnables. Mais ils ne sont pas interdits par l'ordonnance organique : ce qui n'est pas interdit est permis... Vous avez prétendu que l'on y recourait de plus en plus. Mais depuis la loi de finances pour 1999, le Gouvernement a cessé de procéder par cette voie et je vous rappelle que pour ce qui concerne les compensations versées aux collectivités locales, nous avons procédé par la voie de la DGF et mis un terme à ces pratiques.

M. Michel Bouvard - Pas du tout ! On voit que vous n'êtes pas un élu !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous avez enfin prétendu qu'il s'agissait d'un collectif repenti. Non, c'est un collectif assumé, car nous nous réjouissons pour les Français que les impôts baissent cette année de 80 milliards et que le Gouvernement ait pu faire un geste de solidarité exceptionnel à l'égard des victimes de la tempête. Nous sommes fiers de ce collectif et je gage que les Français ne s'y tromperont pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur général - N'ayant vu dans ce projet aucune atteinte à notre droit constitutionnel, j'invite notre Assemblée à rejeter cette motion.

M. Charles de Courson - Parmi les nombreux motifs qui pousseront le groupe UDF à voter en faveur de la motion, je voudrais d'abord relever que les documents budgétaires qui nous sont présentés ne présentent plus aucune sincérité comptable. On nous dit en effet que le déficit est maintenu à 215 milliards, à comparer aux 206 milliards officiellement constatés sur l'exécution pour 1999. Mais, mes chers collègues, reportez-vous au rapport de la Cour des comptes qui nous indique que le Gouvernement a volontairement basculé 27 milliards de recettes de l'exercice 1999 sur l'exercice 2000. Le solde de l'exécution 1999 n'était donc pas de moins 206 milliards mais de moins 179 milliards. Et le déficit 2000 n'est pas de 215 milliards mais de plus de 240 milliards. Comment le Gouvernement peut-il dans ces conditions prétendre réduire le déficit pour 2000 dans les proportions qu'il annonce ? C'est pour cela que l'entourage de M. Sautter et de Mme Parly ont monté l'incroyable mystification de la « cagnotte » qui a consisté à dissimuler non pas seulement les 30 milliards de plus-values fiscales que l'opposition annonçait depuis longtemps mais en définitive plus de 56 milliards de recettes. Comment voulez-vous que nous votions un document budgétaire qui a été ainsi maquillé ?

Mais ce n'est pas tout, car lorsque l'on dit au Gouvernement qu'il est insensé, alors que nous sommes en retard par rapport à nos partenaires, de ne rien faire pour réduire le déficit, il nous est répondu que dans l'éventualité où des plus-values supplémentaires seraient à nouveau constatées, il serait possible de l'envisager ! Depuis deux ans, je n'ai jamais cru ce gouvernement et les faits m'ont donné raison (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Tous les mois, je consulte l'état des recettes. S'agissant de la TVA, les recettes sont en hausse pour le mois de mars 2000 de 5,3 % par rapport à la même période de 1999, ce qui représente 33 milliards de plus-values. Or, si vous vous reportez au rapport Migaud, vous constaterez que le Gouvernement n'en avoue que 9 et dans le document qu'il nous présente, il prétend même que les recettes de TVA pour 2000 seront inférieures de 9 milliards à celles de 1999 ! J'ai cru m'évanouir en lisant la page 60 du rapport (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Il y est écrit que les plus-values de TVA avant la baisse d'un point du taux normal s'élèvent à 9 milliards alors qu'il suffit de faire un simple calcul sur son ordinateur pour constater qu'elles atteignent 30 milliards ! 20 milliards sont donc dissimulés.

Concernant l'impôt sur le revenu, même gag ! Les plus-values, nous dit-on, s'élèvent à 11 milliards, lesquels, nous dit-on encore, seront entièrement restitués aux Français. Comme je suis curieux, j'ai cherché à connaître le taux de croissance de cet impôt : à la fin mars, il était supérieur de 7,3 % à celui constaté en 1999 à la même date, ce qui représente en année pleine une progression de 18 milliards. Six à sept milliards sont donc, là aussi, dissimulés.

Mes chers collègues, vous ne pouvez pas voter un document aussi insincère...

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie. Votre temps de parole est déjà épuisé depuis un certain temps. Indulgent, comme je le suis avec tous les orateurs, je vous laisse terminer mais soyez bref.

M. Charles de Courson - Le second motif d'inconstitutionnalité de ce collectif est qu'il met à mort le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Si nous votons ce texte, que restera-t-il de l'indépendance des régions sur le plan fiscal ? Plus de taxe d'habitation, plus de droits de mutation, des ressources de taxe professionnelle amputées de 60 % ! Il ne restera plus à ces collectivités que le produit de la carte grise...

M. le Président - Concluez, Monsieur de Courson.

M. Charles de Courson - Cette falsification des documents budgétaires pour la troisième année consécutive et la très grave atteinte portée au principe de la libre administration des collectivités amènent le groupe UDF à voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Marc Laffineur - Vous n'avez pas de chance, Madame la secrétaire d'Etat, de devoir défendre ce collectif budgétaire. En écoutant hier le ministre des finances, je me demandais bien comment il s'y prendrait aujourd'hui pour défendre ce texte qui est exactement à l'inverse de ce qu'il nous disait. Et, de fait, il vous a laissé, Madame, le soin de le défendre, faisant ainsi entendre que ce collectif était le vôtre, non le sien.

Alors que le ministre invoquait hier la transparence, ce collectif n'apporte que plus d'opacité puisque des recettes supplémentaires sont une nouvelle fois camouflées. On annonce une réduction du déficit pour la fin de l'année mais ce collectif n'en dit mot : encore des cachotteries ! Enfin, alors que le ministre soulignait hier la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, ce collectif prévoit 10 milliards de dépenses supplémentaires, certes justifiées (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais qui auraient pu être financés en prélevant sur d'autres postes, de façon que la dépense totale n'augmente pas.

Voilà pourquoi, Madame la secrétaire d'Etat, vous allez passer une soirée difficile mais aussi pourquoi le groupe Démocratie libérale votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Philippe Auberger - Le groupe RPR la votera lui aussi sans aucun état d'âme.

Madame la secrétaire d'Etat, la sincérité budgétaire ne s'affirme pas, elle se démontre. Et sur deux points au moins, vous pouvez être prise en défaut. Ce collectif affiche un déficit de 215 milliards, en amélioration de 50 millions par rapport à la loi de finances initiale, alors que le ministre nous a indiqué hier même que le déficit s'établirait en 2000 à 200 milliards. Où est la transparence ? Si le ministre la souhaitait vraiment, il aurait dû déposer une lettre rectificative. Ne l'ayant pas fait, il porte gravement atteinte à la sincérité budgétaire.

Autre symptôme d'insincérité, d'ailleurs relevé par le rapporteur général lui-même, qui n'en a toutefois pas tiré toutes les conclusions : l'absence de subvention pour équilibrer le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Le FOREC, de par son statut d'établissement public à caractère administratif, doit impérativement être équilibré et si ses recettes n'y suffisent pas, une subvention de l'Etat est nécessaire. Or, son déficit s'élève aujourd'hui à 7 milliards et rien n'est prévu.

Ce collectif n'étant pas sincère, le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du RPR une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Gilles Carrez - 113 milliards d'impôts supplémentaires en 1999 mais 80 milliards seulement restitués aux Français en 2000 sous forme de baisses ! Une dépense publique qui ne devait progresser que de 1 % en volume et qui aura en réalité augmenté de 3 % l'an dernier ! 51 milliards de recettes supplémentaires prévues en 2000 qui n'entraînent qu'une baisse de 49 millions du déficit budgétaire, lequel atteindra 215 milliards en 2000, dépassant de près de 10 milliards celui de 1999. C'est une première dans l'histoire budgétaire de notre pays.

M. Christian Cuvilliez - Ce n'est pas un drame !

M. Gilles Carrez - Si !

La fiscalité directe s'envole, la dépense publique n'est pas maîtrisée, la réduction du déficit n'est pas une priorité pour le Gouvernement : tel est le constat.

Voilà trois ans que les ministres des finances successifs nous prédisent la stabilisation puis la baisse des prélèvements obligatoires. Ces prévisions optimistes ne leur ont pas porté chance et j'espère que les déclarations du ministre hier ne lui vaudront pas des déconvenues l'an prochain car je ne mets pas en doute son ardeur et sa sincérité dans le combat pour la baisse des impôts.

Fin 1998, Dominique Strauss-Kahn s'était engagé à stabiliser les prélèvements obligatoires. Fin 1999, Christian Sautter assurait qu'ils allaient baisser. Or, ils ont augmenté de 0,9 point de PIB et ont ainsi atteint le record absolu de 45,7 %. Si nous avions dû augmenter les impôts en 1996, c'était seulement pour combler les déficits accumulés en 1993.

Evolution plus préoccupante encore : 70 % de la création de la richesse en 1999 ont été absorbés par l'accroissement des prélèvements obligatoires.

M. le Président de la commission des finances- Et redistribués !

M. Gilles Carrez - Cette salve fiscale ne sera pas corrigée par les baisses d'impôts prévues dans ce collectif, à l'évidence insuffisantes et relevant davantage d'un saupoudrage conjoncturel que d'une véritable stratégie fiscale.

C'est avant tout la fiscalité directe de l'Etat qui explose alors même que sa hausse contribue à accélérer les délocalisations. Et le collectif n'apporte aucun signal favorable en ce domaine.

Concernant l'impôt sur le revenu, je prends le pari que les contribuables auront à nouveau une très mauvaise surprise à l'automne prochain quand ils auront à payer leur dernier tiers. Que représentent 11 milliards d'allégements, limités à deux des premières tranches, alors que cet impôt a progressé de 30 milliards en 1999 ? Vous persistez en outre à refuser de corriger l'erreur manifeste qu'a constituée l'abaissement du plafond du quotient familial.

Quand reconnaîtrez-vous l'erreur que vous avez commise en annulant la réforme engagée par le gouvernement d'Alain Juppé, qui tendait à supprimer un quart de l'impôt sur le revenu, notamment en favorisant le retour à l'emploi des salariés les moins rémunérés ?

L'impôt sur le revenu est trop lourd, et sa progressivité est excessive, pour les plus bas comme pour les plus hauts revenus. Soyez-y attentifs : dans une économie moderne la distinction, quant à la création de valeur ajoutée, est de plus en plus ténue entre la fiscalité de l'entreprise et celle des particuliers créatifs ou investisseurs. Un impôt sur le revenu confiscatoire devient décourageant. Le ministre des finances a reçu un début de rapport sur les délocalisations : depuis trois ans, 25 000 foyers fiscaux se délocalisent chaque année en raison de l'excès d'impôt.

M. le Rapporteur général - Absolument pas !

M. Gilles Carrez - Ces foyers sont plus jeunes que la moyenne, ils sont aisés et créatifs. Le phénomène est donc inquiétant.

M. le Rapporteur général - Le chiffre que vous citez n'a aucun sens !

M. Gilles Carrez - François d'Aubert a cité l'exemple d'une promotion sortant de HEC, dont 20 % part à l'étranger. C'est une réalité !

M. le Président de la commission - C'est le syndrome de Coblence propre à la droite !

M. Gilles Carrez - A l'autre bout, l'entrée dans l'impôt sur le revenu peut fonctionner comme une trappe à inactivité. La baisse d'un point des taux des deux premières tranches, ainsi que la mesure relative à la taxe d'habitation, sont bienvenues. Mais ce dispositif est beaucoup moins ambitieux que la réforme Juppé, qui intégrait la décote dans le barème.

M. le Président de la commission - Il faut donc reprendre Juppé ?

M. Gilles Carrez - Lui, je ne sais pas, sa réforme, certainement !

L'impôt sur les sociétés, dont l'importance économique est majeure, ne fait l'objet dans ce collectif d'aucune mesure. L'histoire récente de cet impôt est paradoxale. C'est entre 1990 et 1993 que la baisse du taux a été conduite de la façon la plus déterminée, jusqu'à atteindre 33,3 %. Vinrent la taxe de 1995, puis la surtaxe de 1997, qui avait été votée avec la perspective du retour à un taux normal dès 2000. Mais les 35 heures sont passées par là, avec la nécessité de financer le fonds de réforme des cotisations sociales, et, contrairement à toutes les promesses, a été créée, dès 2000, la contribution de solidarité sur les bénéfices, si bien que le taux dépassera 40 % l'an prochain. Or en Allemagne le passage à 25 % a été décidé pour 2001, et en Grande-Bretagne le taux est inférieur à 30 %.

Face à une concurrence de plus en plus vive et à un mouvement croissant de délocalisation, vous devez vous souvenir de ce que vous avez fait entre 1990 et 1993.

La baisse générale d'un point du taux de TVA fait question. Nous avons voté la baisse relative aux travaux dans le logement, qui a produit d'heureux résultats. En revanche une baisse générale à la fois si faible et si coûteuse, puisqu'elle atteindra 30 milliards en année pleine, qui s'inscrit dans un contexte de forte croissance, pourrait bien demeurer à peu près sans effet.

S'agissant du retour à l'emploi, tout montre que la baisse générale des charges pesant sur le travail est le moyen de beaucoup le plus efficace pour favoriser la création ou la sauvegarde d'emplois, comme l'a prouvé le plan textile. Quand le Gouvernement est arrivé aux affaires, Mme Aubry a eu pour premiers propos que ces baisses de charges n'étaient que des cadeaux aux entreprises et qu'il fallait donc les supprimer. De fait le champ d'application du dispositif a été aussitôt réduit de 1,33 % à 1,3 %.

Mme Aubry s'est ravisée ensuite, mais par le détour des 35 heures qui ont entraîné un surcoût de 11 %. Après ce détour, il faut encore amplifier la baisse des charges sur le travail. La relative aisance budgétaire permettait de renforcer le mécanisme de la ristourne dégressive.

Il est également nécessaire de favoriser le retour à l'emploi en limitant un chômage structurel que certains chiffrent à plus de 8 %.

M. le Président de la commission - « Certains » disent une énormité !

M. Gilles Carrez - Cette affirmation m'a surpris moi aussi. Mais le problème est réel et du reste vous justifiez la baisse de l'impôt sur le revenu et le dégrèvement de la taxe d'habitation par des arguments portant sur le retour à l'emploi.

Ces mesures mêmes ne seront pas suffisantes. Lorsque, dans une famille où les deux conjoints étaient érémistes, l'un d'eux passe au SMIC, le gain mensuel s'élève à 600 F, soit 4 F de plus par heure. M. Méhaignerie a donc totalement raison : il faut absolument augmenter le pouvoir d'achat...

M. Christian Cuvilliez - Donc augmenter les salaires !

M. Gilles Carrez - Non ! Il s'agit de créer une sorte de crédit de cotisations salariales, qui s'élèverait au total à 30 ou 40 milliards.

Vous proposez de diminuer de 11 milliards la taxe d'habitation. La mesure envisagée de refonte de dégrèvements va dans la bonne direction, même si le dispositif de l'article 6 n'est pas simple. Mais le correctif que vous introduisez pour ne pas défavoriser les couples mariés ou pacsés par rapport aux cohabitants ne me paraît pas suffisant. Cependant, pour une fois, il s'agit, pour les collectivités locales, d'un dégrèvement et non pas d'une compensation. Nous ne pouvons plus accepter, dans le domaine de la fiscalité locale, la substitution de subvention d'Etat à un pouvoir fiscal autonome. Mais je regrette qu'ici le dégrèvement soit limité en raison de la hausse du taux de la taxe d'habitation à partir de 2001. En effet c'est souvent dans les communes pauvres en taxe professionnelle que résident les habitants les plus modestes. Ces communes là sont le plus contraintes d'augmenter la taxe d'habitation, ce qui est injuste pour leurs habitants.

Quant à la suppression de la part régionale, elle est tout à fait contestable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Une fois de plus, une recette fiscale propre est remplacée par une dotation d'Etat ; comme disait Charles de Courson, on pourrait l'admettre si c'était une mesure isolée, mais elle fait partie d'une entreprise systématique de dépouillement des régions de tout pouvoir fiscal.

M. Charles de Courson - C'est thatchérien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles Carrez - Je me réjouis donc que M. Mauroy, au nom de la commission de décentralisation qu'il préside, ait dit haut et fort que cela suffisait.

L'article 9 nous fournit un exemple supplémentaire de cette évolution perverse, contraire à l'article 72 de la Constitution. Par une extrême générosité de dernière minute, 250 millions seront versés aux communes qui ont vu fondre leur DCTP, écornée par les gouvernements successifs, droite et gauche confondues, sous la pression de l'administration des finances, qui n'a eu de cesse, depuis la création de cette dotation en 1987, de la faire disparaître purement et simplement. Le bon sens et l'expérience commandent donc à tout élu local de refuser de troquer sa responsabilité fiscale contre la dépendance des subventions d'Etat.

Or, l'article 6 prévoit non seulement le gel des taux, mais également celui des bases, l'indexation ne prend en compte que la moitié de la croissance du PIB, et pour couronner le tout, un mécanisme de liaison des taux est réintroduit entre les deux seules taxes qui restent aux régions, comme si leurs élus étaient des irresponsables !

Si vous aviez vraiment l'ambition de rendre la fiscalité locale plus juste et plus moderne, c'est plutôt à la révision des valeurs locatives que vous devriez vous attacher : celle de la plupart des logements sociaux est très souvent surévaluée, parfois même de près d'un tiers. Vous ne l'avez pas fait jusqu'ici parce qu'il vous manquait les dix milliards nécessaires pour éliminer ou étaler les hausses les plus fortes ; vous les avez aujourd'hui, mais vous avez choisi de supprimer la part régionale.

J'en viens aux dépenses nouvelles, évaluées à 11 milliards. Certes, les causes en sont justes et nobles : la tempête, la marée noire, les hôpitaux publics, l'éducation nationale, les prisons. Ce que nous déplorons, c'est qu'elles ne soient pas financées par des redéploiements (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous pourrions le comprendre si nous étions dans une période de restrictions, mais le rapport de la Cour des comptes démontre très clairement que les dépenses ont progressé l'an dernier, non pas de 1 %, comme annoncé, mais de près de 3 %, si ce n'est de 4 % - et je trouve un peu légère votre réponse, Madame la Ministre, quand vous dites que ces chiffres sont sujets à caution et laissez entendre que la Cour est susceptible de changer de méthode de calcul... La façon dont le Gouvernement construit ses hypothèses a posteriori, à partir du résultat qu'il veut afficher, ne fait pas honneur à son souci de transparence, dont je sais pourtant qu'il est réel (Exclamations dubitatives sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) - je dis cela pour vous inciter, Madame la Ministre, à lire enfin le rapport de la Cour... (Sourires)

Cette non-maîtrise des dépenses publiques est préoccupante à maints égards. Tout d'abord, leur flexibilité ne fait que diminuer. On pourrait penser que certaines dépenses d'intervention, notamment dans le domaine de l'emploi , se réduisent en période de forte croissance ; il n'en est rien. La baisse du coût des retraites et de la ristourne dégressive est plus que compensée par les 35 heures, par les emplois-jeunes et par le RMI, dont les crédits ont progressé de 22 % l'an dernier malgré le recul du chômage. Quant aux dépenses de personnel, elles poursuivent leur progression inexorable, et j'ai fort regretté, hier, que M. Fabius, tout en répondant soigneusement à la plupart des questions, ait ignoré celles de M. Tron sur le coût des accords Zuccarelli, qui ont surestimé l'inflation, sur celui des 35 heures, sur celui des emplois-jeunes et, surtout, sur l'augmentation presque clandestine des effectifs - dont M. Sapin a d'ailleurs dit qu'il était impossible de connaître l'état exact.

Les mêmes causes risquent fort, cette année et les suivantes, de produire les mêmes effets, dans une conjoncture détériorée, qui plus est, par la hausse des taux d'intérêt, qui se répercute d'ores et déjà sur le service de la dette. Or, c'est dans ce contexte dégradé que le Premier ministre nous a progressivement annoncé l'abandon pur et simple de la réforme de l'Etat : il y a d'abord eu, si j'ose dire, la retraite sur les retraites, et en particulier sur les régimes spéciaux -le rapport d'orientation ne souffle mot de l'évolution prévisible de la part des pensions de la fonction publique dans le budget de l'Etat.

Il y a eu ensuite l'échec de la réforme de Bercy, emblématique de l'impossibilité de la réforme de l'Etat. Ce qui est le plus choquant, dans cette affaire, c'est que l'Etat ne cesse d'administrer aux autres des leçons qu'il est lui-même incapable de suivre, qu'il s'agisse des 35 heures, qu'il impose aux entreprises mais renâcle à s'appliquer à lui-même, ou des déficits, qu'il s'autorise en profitant du fait qu'il les interdit aux collectivités locales !

Nous ne contestons pas la légitimité de la dépense publique, mais elle a atteint un niveau excessif : 54 % du PIB. Il faut le réduire et, pour cela, redéployer. Ainsi, la réforme de Bercy nous laissait espérer des redéploiements au bénéfice de l'éducation nationale, en particulier dans les ZEP, ou de la police de proximité. C'est bien pourquoi l'échec de celle-ci nous fait si mal au c_ur. Et si Bercy ne bouge pas, comment espérer que les autres administrations fassent des efforts ? Le ministère de l'équipement en a consenti, certes, mais que deviendront les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens si la direction générale des impôts y renonce ?

Aujourd'hui, la doctrine du Gouvernement est donc simple : pour faire face aux 35 heures, on embauche de nouveaux fonctionnaires ; on remplace nombre pour nombre les départs en retraite -alors même que les dix prochaines années, ce sont quasiment la moitié des fonctionnaires qui vont partir à la retraite ; enfin, on abandonne toute idée de redéploiement. Ce collectif en est l'illustration frappante et il en dit long sur votre conception des finances publiques, en totale contradiction d'ailleurs avec ce qui est affirmé dans le rapport d'orientation budgétaire.

Et ce n'est pas sur les budgets d'investissement que l'on pourra faire des économies puisque, comme l'a dit excellemment Michel Bouvard, ils sont déjà descendus au-dessous de 10 % du budget général. En 1999, les dépenses d'équipement militaire n'ont été que de 69 milliards, alors que 86 milliards étaient inscrits en loi de finances initiale. Faute de stratégie budgétaire, le Gouvernement mène une politique de la dépense au fil de l'eau, en parant au plus pressé électoral.

Ce qui se passe actuellement ressemble de plus en plus à ce que nous avons connu entre 1989 et 1991, période durant laquelle l'essentiel des marges de man_uvre de la croissance a été consacré aux dépenses.

M. Charles de Courson - C'est du Rocard bis !

M. Gilles Carrez - Non, c'est du Jospin puisque c'est lui qui avait alors accordé à l'éducation nationale 20 milliards supplémentaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nécessaires probablement mais accordés sans aucune contrepartie en termes de qualité et d'obligation de service ! Réformer l'Etat, ce n'est pas cela.

Fort de 51 milliards de recettes supplémentaires, le Gouvernement nous propose cependant dans ce collectif -c'est une première budgétaire- un déficit supérieur à celui constaté en 1999. J'appelle votre attention sur le point suivant : on peut sans doute comparer 215 milliards à 206 milliards. Seulement, en réalité le point de comparaison n'est pas 206 milliards, mais bien 180 milliards, comme l'a expliqué excellemment M. de Courson. Or, 215 moins 180, cela fait 35 milliards. Il est extrêmement grave de nous proposer en milieu d'année, alors qu'il y a 51 milliards de recettes supplémentaires, un déficit supérieur de 35 milliards au déficit réel de 1999.

Alors peut-être êtes-vous, Madame la secrétaire d'Etat, en train de vous constituer une cagnotte qui viendra réduire ce déficit ? Dans ce cas, mieux vaudrait le dire tout de suite : souvenez-vous en effet de l'expérience pénible du début de l'année 2000 ! Quoi qu'il en soit, M. Laurent Fabius a eu tort d'annoncer hier un déficit de 200 milliards et de ne pas en tirer les conséquences pour aujourd'hui. J'espère que vous allez vous raviser et nous proposer, durant la discussion des articles, un amendement tendant à ramener le déficit à ce niveau.

L'autre hypothèse est que vous envisagiez des annulations de dépenses. Mais en faire par dizaines de milliards n'a rien d'évident, surtout quand les dépenses n'évoluent qu'au rythme de l'inflation.

Ou bien encore vous vous en remettrez aux mêmes artifices de présentation que ceux dénoncés par la Cour des comptes en fin d'exercice 1999. Mais cela vous exposerait à quelques déboires...

Cela m'amène précisément à la question de la transparence budgétaire. La dissimulation de recettes qu'a pratiquée le Gouvernement fin 1999 s'est retournée contre lui. Il aurait dû davantage écouter les parlementaires en octobre 1999, que ce soit Charles de Courson, Philippe Auberger ou moi-même...

M. Jean-Pierre Brard - La fine fleur !

M. Gilles Carrez - Merci.

M. Christian Cuvilliez - On parle de fine fleur à propos de farine, non ?

M. Gilles Carrez - La fine fleur en question s'est simplement livrée à un calcul de cours moyen deuxième année : à partir des encaissements mensuels des cinq dernières années, nous avons dégagé un taux moyen d'exécution des recettes qui nous a permis de prédire un surcroît de recettes fiscales se situant dans une fourchette de 30 à 40 milliards (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Dans ce collectif 2000 apparaissent en plus des 9 milliards de recettes fiscales qui ont été gelés sur des comptes d'attente pour être basculés sur l'exercice 2000 alors qu'ils relevaient de l'exercice 1999, 15 milliards de recettes non fiscales, en provenance notamment de la COFACE ou de la CADES, qui elles aussi ont été basculées sur 2000. Nous trouvons cela problématique.

Il y a également un problème sur les dépenses, comme l'écrit fort justement la Cour des comptes : « le caractère artificiel des changements de présentation permet de confirmer une prévision ou un engagement antérieur, en recourant à des méthodes qui varient chaque année selon les besoins de la démonstration ». Tout à l'heure, Madame la secrétaire d'Etat, vous avez répondu à M. d'Aubert qu'il n'y avait là rien d'interdit. Mais ce n'est pas parce que quelque chose n'est pas interdit qu'il faut le faire ! Il n'est pas bon de modifier sans cesse les périmètres, par débudgétisations ou rebudgétisations, basculements d'exercice, contraction de recettes et de dépenses...

Autre problème : l'articulation entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. En 2000, en effet, nous constatons des transferts sans précédents entre les deux. Cela nous amène à vous demander de nous fournir, au fur et à mesure de l'exécution budgétaire, des tableaux de passage clairs, qui nous permettent, par exemple de voir -comme le souhaite M. Auberger- où sont les 7 milliards qui manquent pour équilibrer le fonds de réforme des cotisations sociales patronales.

Je reviens aussi sur la question posée par François d'Aubert à propos des prélèvements sur recettes. Vous avez répondu qu'il fallait bien les considérer comme des dépenses. Je vais donc formuler la question de façon plus précise. Les prélèvements sur recettes seront-ils ou non intégrés dans la norme d'évolution globale de la dépense de l'Etat ? Si, comme je le pense, ils ne le sont pas, alors même qu'il s'agit de dépenses importantes et récurrentes -puisque ces dotations viennent remplacer une part de la fiscalité locale, par exemple la part salaire de la taxe professionnelle ou, à partir de 2001, la taxe d'habitation-, où est la sincérité du budget ?

La moindre des exigences serait que les rapporteurs spéciaux, notamment, puissent suivre correctement l'évolution du budget. Il y a deux mois, notre rapporteur général a été obligé d'enquêter lui-même à Bercy, ce qui a suscité une certaine agitation médiatique ; il y a débusqué une « cagnotte » d'une vingtaine de milliards mais, ce qui importe davantage ici, c'est qu'il n'a pu voir que 9 milliards dormaient sur des comptes d'attente ...

M. Jean-Jacques Jegou - Il faudra qu'il revienne.

M. Gilles Carrez - Non : nous serions privés de sa présence ! Ce qu'il faut, c'est une comptabilité en droits constatés, telle que la pratiquent déjà les collectivités locales, une comptabilité patrimoniale mettant en évidence les engagements de l'Etat hors budget.

Compte tenu de l'enjeu, soyez assurés que l'opposition sera très vigilante quant à l'exécution du budget pour 2000, pour l'Etat comme pour la sécurité sociale. Vous seriez bien inspirés d'écouter nos suggestions et prévisions : elles ne visent qu'à vous aider.

Nous ne pouvons discuter d'un collectif dans lequel 51 milliards de recettes supplémentaires n'accouchent, telle la montagne d'une souris, que d'une réduction de 49 millions du déficit -par ailleurs fixé à 215 milliards lorsqu'il n'était que de 180 milliards l'an passé. Nous ne pouvons accepter qu'un pays, partie prenante à l'euro, fasse, au moment où celui-ci est affaibli, cavalier seul en optant pour le laxisme budgétaire. Je vous demande donc, au nom du groupe RPR, de voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Rapporteur général - L'objet d'une question préalable est de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Ce qu'a dit M. Carrez nous incite au contraire à débattre et je souhaite donc que la discussion générale puisse s'engager au plus vite -après le rejet de cette motion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Secrétaire d'Etat - Je ne suis pas sûre non plus d'avoir compris à quoi tendait cette question préalable mais, comme le rapporteur général, je crois le moment venu d'engager le débat au fond, si l'Assemblée en est d'accord.

M. Pierre Méhaignerie - Nous partageons la passion de M. Carrez et sa conviction que nous devons débattre sérieusement. Or, Madame la secrétaire d'Etat, la réflexion stratégique qui fonderait vos choix apparaît peu compréhensible. Je ne reviendrai ni sur la forme ni sur la faible réduction du déficit -qui n'a cependant rien d'européen-, mais j'insisterai sur deux points surprenants.

Comme hier, vous vous êtes livrée à une longue diversion en faveur du secteur public. Cependant, est-il inconvenant de poser ici le problème de la gestion de l'Etat et de son efficacité ? Dans tous les autres pays, cette question fait l'objet d'un examen sérieux... Nous sommes par exemple en droit de savoir s'il est vrai que l'augmentation des prélèvements sur les salaires a été de 5,1 % au cours du premier trimestre et si l'on donnera suite au rapport de la commission chargée d'analyser la dépense publique. Et pourquoi ne pourrions-nous dire qu'il est des secteurs où la durée du travail est inférieure à 30 heures par semaine ? Pourquoi ne pourrions-nous savoir s'il est vrai, comme on l'écrit partout, que le coût des billets fabriqués par la Banque de France est deux ou trois fois supérieur à ce qu'il est dans les autres pays européens ?

M. Christian Cuvilliez - Mais ceux-ci sont vrais !

M. Pierre Méhaignerie - Si nous gérions le secteur public avec l'efficacité que déploie le secteur concurrentiel, ce sont peut-être plusieurs dizaines de milliards qui pourraient être affectés aux petits salaires de ce secteur privé, inférieurs à ceux de la moyenne des pays européens alors même que les salaires globaux payés par les employeurs sont, eux, supérieurs à cette moyenne. Qui paie en effet le prix de la mauvaise gestion de la dépense publique, sinon les salariés du secteur concurrentiel ? Lors des dernières élections italiennes, la plupart des commentateurs ont attribué l'échec de M. d'Alema à cette même cause. Pour ma part, je milite pour que les producteurs qui ne gagnent que 6 500 à 7 000 F par mois ne votent pas pour ce que vous représentez, car vous ne faites pas les réformes de structures que tous les autres pays s'imposent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL)

M. Jean-Louis Idiart - Parlez-nous donc de la politique de votre conseil général d'Ille-et-Vilaine !

M. Pierre Méhaignerie - J'ai baissé les impôts et ils sont inférieurs à ceux de la plupart des départements dirigés par vos amis : vous pouvez le vérifier ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) D'autre part, le rapport que nous avons discuté hier est excellent, mais il est en totale contradiction avec ce collectif. Essayez-vous de faire disparaître les trappes à pauvreté ? De répondre à l'inquiétude des salariés qui craignent que les 35 heures ne réduisent leur pouvoir d'achat ? De favoriser une convergence entre les salaires à l'échelle européenne ? Non ! Il est certes facile à M. Hue de réclamer un relèvement de 6 % du SMIC mais, je le répète, dans ce pays, les employeurs paient un salaire global plutôt supérieur à la moyenne européenne, tandis que le salaire net versé à leurs employés est nettement inférieur, en raison de l'addition de taxes et cotisations.

Votre choix de baisser les impôts obéit peut-être à des considérations électorales, mais ne découle certainement pas d'une réflexion pour l'avenir de la France. Nous soutenons donc la motion présentée par M. Carrez (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Yves Deniaud - L'insécurité des comptes qui ont présidé à l'élaboration de ce collectif suffirait à justifier l'adoption de cette question préalable mais nous déplorons aussi la décision d'augmenter les dépenses de 11 milliards, sans gager cette augmentation sur des réductions équivalentes... Quant à votre atténuation de 40 milliards des impôts, même s'ajoutant aux 40 milliards de la loi de finances initiale, elle est sans commune mesure avec les 113 milliards de recettes supplémentaires de 1999 et le montant équivalent de celles qui seront engrangées cette année.

Devrions-nous vous remercier de ne nous ponctionner que de 70 milliards de plus, comme ce supplicié du Moyen Âge qui, condamné à avoir les deux mains tranchées, remerciait son seigneur de ne lui en faire couper qu'une ?

Cette atténuation n'empêche pas, au demeurant, une envolée de la fiscalité d'Etat, au détriment des familles en particulier. Les 1,3 millions de contribuables supplémentaires à l'impôt sur le revenu vous sont certainement fort reconnaissants de payer peut-être un peu moins en 2000, mais leur nombre ne diminuera pas -si même il n'augmente.

Enfin, cette loi de finances rectificative ne contribue en rien à la maîtrise des dépenses publiques et notre Etat restera lourdement débiteur. Certes, notre dette n'augmente pas en pourcentage du PIB, mais nous sommes le seul pays d'Europe où elle ne diminue pas en valeur absolue ! Tout cela aussi milite pour l'adoption de la question, préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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