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Session ordinaire de 1999-2000 - 96ème jour de séance, 223ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 13 JUIN 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

TRANSPORTS FORESTIERS 2

PROTECTION MATERNELLE 2

CENTRE D'EXPÉRIMENTATION MILITAIRE
DE VAUJOURS 3

FRUITS ET LÉGUMES 3

MOYENS ALLOUÉS AU SECTEUR HOSPITALIER PRIVÉ 4

COLLÈGE UNIQUE ET CLASSES TECHNOLOGIQUES 5

PRIX DES PRODUITS PÉTROLIERS 5

POLITIQUE BUDGÉTAIRE 6

REPORT D'INCORPORATION POUR INSERTION PROFESSIONNELLE 6

STATUT DU CORPS DE L'INSPECTION DU TRAVAIL 7

PEINE DE MORT AUX ÉTATS-UNIS 8

TAUX DE RÉMUNÉRATION DU LIVRET A 9

RÉCEPTION DU PRÉSIDENT BOUTEFLIKA 10

CHASSE (nouvelle lecture) 10

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 15

FAIT PERSONNEL 35

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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TRANSPORTS FORESTIERS

M. François Dosé - Le Parlement est en train d'examiner le projet de loi d'orientation forestière. Sa mise en _uvre sera rythmée par des saisons plutôt que par des sessions, et par des décennies plutôt que par des septennats ou des quinquennats.

Pendant ce temps, dans de nombreuses régions sinistrées par la tempête de décembre dernier, des questions d'actualité appellent encore des réponses urgentes. Bûcheronnage et débardage furent pendant le premier trimestre les activités prioritaires. L'aide publique, la présence de professionnels étrangers, ont contribué à relever les défis (bruits). Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un problème ubuesque : tandis que les aires de stockage sont totalement occupées, les ventes au profit d'acheteurs lointains s'organisent. Or, faute de moyens de transports ferroviaires et routiers, certaines essences comme le hêtre se déprécient sur des quais improvisés (bruits).

M. le Président - Je fais remarquer qu'un collègue est en train de poser une question...

M. François Dosé - Si des wagons et des camions ne sont pas immédiatement disponibles, nous subirons une deuxième tempête, économique cette fois.

En effet certains exploitants forestiers déposeront leur bilan, pour avoir engagé des financements gagés sur des recettes qui se dérobent. Pouvez-vous exiger immédiatement que des solidarités nationales et internationales soient mobilisées pour mettre fin à ce gâchis ? Pouvez-vous anticiper la mobilisation des moyens ferroviaires et routiers nécessaires, dans la perspective de l'automne 2000 et du printemps 2001 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Excusez, je vous prie, l'absence de M. Gayssot, retenu par l'inauguration du TGV de Poitiers.

Le Gouvernement a appliqué le plan national pour la forêt annoncé par le Premier ministre le 12 janvier. Ce plan comporte 2 milliards de crédits pour l'année 2000, dont 700 millions consacrés aux transports (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) à la fois ferroviaires, routiers et maritimes. La SNCF a mobilisé 1 700 wagons, qui seront au moins 150 de plus dans les tout prochains jours.

Mercredi dernier, lors de la première lecture du projet de loi d'orientation forestière, j'ai annoncé que le Premier ministre avait décidé d'abonder les aides aux transports autant que de besoin.

Le Gouvernement fait tout pour que le plan forestier soit prolongé et précisé afin de lever les blocages dont vous faites état (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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PROTECTION MATERNELLE

Mme Danielle Bousquet - La convention 103 de l'OIT est en voie de révision à la baisse pour le congé de maternité, qui devrait être fixé à une durée très inférieure à celle en vigueur dans notre pays.

Quelle sera la position de la France sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance - Cette convention est l'une des plus anciennes. La France a abordé la discussion avec la volonté d'élargir les protections de la maternité au travail et d'obtenir qu'un plus grand nombre de pays ratifient cette convention, puisqu'ils n'étaient que 37 à l'avoir fait.

Les premiers textes proposés étaient préoccupants. Mais grâce à l'action de la France, défendue sur place par Mme Aubry le 7 juin, et à celle d'autres pays, la nouvelle convention a consacré nombre d'avancées : l'allongement du congé de maternité de 12 à 14 semaines, l'interdiction des discriminations à l'embauche liées à la maternité, l'extension de l'interdiction de licencier pendant le congé, le renversement de la charge de la preuve, le renforcement de la protection de la santé des femmes au travail.

La nouvelle convention est donc un progrès. Nous agissons pour que le plus grand nombre de pays possible la ratifient. Naturellement, les normes juridiques de la France, qui sont en avance sur celles de l'OIT, ne pourront en aucune manière régresser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CENTRE D'EXPÉRIMENTATION MILITAIRE DE VAUJOURS

M. Alain Calmat - Les terrains et bâtiments du Commissariat à l'énergie atomique situés à Vaujours, en Seine-Saint-Denis, doivent être vendus aux enchères. A l'occasion de la clôture de l'enquête publique, une réelle inquiétude a saisi les populations.

En effet, le préfet a imposé des servitudes tendant à interdire la construction d'écoles, de logements ou de centres aérés au nom du principe de précaution.

En effet, le fort de Vaujours aurait servi de lieu de stockage et de tir de munitions, dont certaines seraient encore enfouies. De plus, le site pourrait être nucléairement dangereux, des essais militaires avec utilisation d'uranium ayant eu lieu à cet endroit pour préparer le premier tir français à Reggane en 1960.

Pouvez-vous nous donner des précisions que j'espère rassurantes ?

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants - Le centre d'expérimentation de Vaujours a été exploité par le CEA de 1955 à 1997. Les expérimentations ont porté sur des explosifs classiques, avec de l'uranium naturel ou appauvri. A aucun moment elles n'ont fait appel à la fission nucléaire.

Le CEA a abandonné le site. Avant de le vendre, il a été décontaminé, de 1996 à 1998. Le marquage radiologique est tout à fait normal.

Pendant la guerre, l'occupant a occupé le site comme dépôt de munitions. Des explosions se sont produites, et des engins ont pu être dispersés. Nous avons procédé à une dépollution en profondeur. Un certificat d'expert a été délivré.

Si un projet de construction de locaux d'habitation devait être réalisé, je suis d'accord pour faire procéder à des analyses complémentaires pour vérifier que les normes du ministère de la santé sont respectées (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lellouche - Le site est-il contaminé, oui ou non ?

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FRUITS ET LÉGUMES

M. Christian Bourquin - Les producteurs de fruits et légumes, face à la campagne de l'été prochain, sont inquiets, en particulier dans les Pyrénées-Orientales. Le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, voté ici le 2 mai, pose les bases d'un partenariat plus équilibré entre producteurs et distributeurs. Le monde agricole apprécie ces dispositions.

Malheureusement, les sénateurs n'examineront pas ce projet avant l'automne, ce qui est bien dommage. Ils ont, disent-ils, trop de travail. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Or, nous enregistrons déjà une première alerte, puisque le prix des pêches est en baisse, et nous redoutons une évolution similaire pour les abricots et les tomates. Je tiens d'ailleurs à dire ma solidarité avec les départements touchés par de violentes intempéries au cours du dernier week-end (Mêmes exclamations sur les mêmes bancs). Les producteurs, pénalisés de manière répétée par les aléas climatiques et par la mévente de l'été dernier, ne doivent pas souffrir, en plus, de la lenteur sénatoriale, (Mêmes exclamations) alors que l'Assemblée a fait ce qu'elle devait. Dans ces conditions, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que la campagne qui commence soit meilleure que ne le fut l'été dernier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - L'ordre du jour du Sénat étant fixé par le Gouvernement, on ne peut accabler la Haute Assemblée qui ne pourra, en effet, examiner le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques avant la fin de la présente session. Cela dit, les sénateurs ont consacré deux fois plus de temps que prévu à l'examen du projet de loi « solidarité et renouvellement urbain »... Quoi qu'il en soit, le Gouvernement entend que le texte auquel vous avez fait allusion soit le premier projet qu'examinera la Haute Assemblée à la rentrée.

J'ajoute que la campagne est à peine entamée, et que les quantités récoltées à ce jour sont si faibles que l'on ne peut tirer aucun enseignement des prix relevés. Aucune indication particulièrement alarmante ne nous est d'ailleurs parvenue. Nous avons toutefois déjà prévu, Mme Lebranchu et moi-même, de prendre toutes les mesures éventuellement nécessaires, entre les deux lectures, pour éviter tout conflit entre producteurs et distributeurs (« Lesquelles ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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MOYENS ALLOUÉS AU SECTEUR HOSPITALIER PRIVÉ

M. Bernard Accoyer - Les agents hospitaliers se sont chargés de vous rappeler, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, que le secteur hospitalier traverse une crise grave, et vous ont convaincue du bien-fondé de leurs revendications, puisque vous leur avez octroyé une « rallonge » non prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale. Mais il s'agissait là de l'hôpital public. Or les cliniques privées se débattent, elles aussi, dans de grandes difficultés. On y pratique pourtant 50 % des actes chirurgicaux effectués en France, et plus de 50 % des accouchements, et elles emploient 130 000 salariés et 50 000 professionnels libéraux. Comment expliquer que la tarification qui lui est appliquée soit restée à l'écart d'une adaptation que rendent pourtant indispensable l'évolution technique et la rigueur des dispositions relatives à la sécurité sanitaire ? Comment ignorer, d'autre part, que l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail augmentera leur masse salariale dans des proportions telles que la survie du secteur en est menacée ?

Ce contexte, très inquiétant, permet de comprendre les inquiétudes des personnels, mais d'autres préoccupations existent, qui tiennent au maintien de la qualité des soins et à la liberté de choix du lieu de soin par les malades, principe fondamental.

Quand et comment le Gouvernement compte-t-il apporter à l'hospitalisation privée les moyens de continuer sa mission dans des conditions à la fois décentes et sécurisantes ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - J'ai déjà eu l'occasion de dire que l'hôpital, public et privé, est au c_ur de notre système de soins. L'hôpital privé, même s'il ne remplit pas l'ensemble des missions de l'hôpital public -notamment en matière de recherche ou d'accueil universel- joue un rôle essentiel. Je vous rappelle, s'il en est besoin, que depuis le vote de la loi de financement de la sécurité sociale, il n'y a plus de distorsions dans le traitement des hôpitaux, quel que soit le secteur auquel ils appartiennent puisque, désormais, l'Etat discutera avec eux d'une tarification à la pathologie prenant en considération les efforts de tous.

Les négociations ont déjà commencé avec les fédérations regroupant les cliniques privées, et un accord a été signé à propos des tarifs. Il a en outre été convenu de poursuivre les discussions portant sur les urgences, la réanimation et les soins de suite. Nous travaillons d'autre part, ensemble, à l'amélioration de la formation et des conditions de travail des personnels, et nous allons aussi réviser certaines des normes qui leur sont appliquées. Elles datent de 1956 et freinent incontestablement la mobilité et nuisent à la souplesse de la gestion.

Je n'ignore pas que des difficultés demeurent, mais soyez rassuré : je souhaite que les cliniques privées poursuivent leurs tâches et que les Français continuent de choisir le lieu où ils veulent se faire soigner (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe communiste).

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COLLÈGE UNIQUE ET CLASSES TECHNOLOGIQUES

Mme Nicole Catala - Depuis 25 ans, tous les jeunes scolarisés en France sont accueillis dans un collège unique, même si la pré-orientation vers les classes technologiques est possible. Or le ministre délégué à l'enseignement professionnel vient de mettre en cause l'efficacité de ce système, et dit qu'il fallait faire cesser l'hypocrisie régnante, déclarant par ailleurs son hostilité à la fermeture programmée de nombreuses classes technologiques, et invitant à prendre davantage en compte les exigences du marché du travail. Certes, les collèges connaissent une grave crise, abondamment mise en lumière au cours des semaines écoulées par des manifestations répétées, mais M. Mélenchon semble vouloir aller sensiblement plus loin que ne le préconise le rapport Dubet, dont les conclusions ne remettent pas en cause le collège unique.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Allez-vous renoncer au collège unique et décider d'orientations différenciées par filière, ce qui ne serait, si l'on en croit le ministre délégué, qu'officialiser ce qui se fait en secret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - Si votre inquiétude a trait à la pérennité du collège pour tous, je la lève : personne ne la remet en cause. Il est exact que je me suis opposé à la fermeture de certaines classes technologiques et, à partir de cette prise de position, on a extrapolé. Le problème est plus large que celui du collège unique : il est de savoir si notre pays peut supporter que se manifeste une pénurie de travailleurs et que, dans le même temps, les établissements d'enseignement professionnel et technologique se vident de leurs élèves. N'est-ce pas un dérèglement que ces 15 000 inscriptions manquantes l'année dernière, et ce nouveau déclin de 20 000 inscriptions annoncé ?

La réponse tient pour partie, il faut l'admettre, à la réussite du Gouvernement en matière d'emploi (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il nous faut donc parvenir à concilier intelligemment les exigences du marché du travail et celles de la formation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PRIX DES PRODUITS PÉTROLIERS

M. Lucien Degauchy - Lorsque votre gouvernement est arrivé aux affaires, le gazole, que les Français utilisent couramment pour aller travailler, chercher les enfants à l'école ou faire leurs courses, était acheté 4,40 F le litre. Il est aujourd'hui vendu 5,60 F, et quelquefois 6 F.

Contrairement à ce que dit le ministre de l'économie, qui fustige les pétroliers pour mieux masquer la politique menée par le Gouvernement, l'augmentation du prix du pétrole brut n'entre que pour une très faible part dans cet accroissement continu, mais vos taxes pour beaucoup. Ainsi de la TIPP, que vous avez allègrement rehaussée, profitant, à de certains moments, de la baisse du prix du pétrole pour mieux camoufler l'augmentation. Et c'est ainsi que de 2,36 F par litre en 1997, elle est passée à 2,57 F maintenant en tenant compte de la TVA, ponction qui grossit évidemment avec les prix, la manne a augmenté de 30 % ! Du jamais vu...

Pour vous, la hausse du brut a deux conséquences heureuses : faire porter le chapeau aux autres ; faire grossir un peu plus votre cagnotte fiscale. Allez-vous enfin faire baisser le prix du carburant ? En étant moins gourmand sur les taxes, vous le pouvez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Le prix de l'essence subit la hausse du prix du pétrole (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). La fiscalité sur les carburants n'est pas assise sur les prix, mais sur les quantités.

Il est indéniable que les prix à la pompe augmentent. C'est la raison pour laquelle Laurent Fabius a demandé que des investigations et des contrôles soient effectués par la direction générale de la concurrence et de la consommation et par les douanes. Quant à la fiscalité sur les carburants, les décisions prises par le Gouvernement depuis deux ans ont contribué non pas à l'augmenter, mais à en limiter les effets (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Après vingt ans de hausse ininterrompue, le Gouvernement a stabilisé la fiscalité sur le supercarburant, tandis qu'il procédait au rattrapage du prix du gazole sur plusieurs années. C'est une politique nouvelle pour les automobilistes (Mêmes mouvements). J'ai déjà eu l'occasion de dire que chaque fois qu'un automobiliste passe à la pompe, il doit un franc de fiscalité au titre de décisions prises entre 1993 et 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, le collectif budgétaire prévoit la pérennisation de la baisse d'un point de TVA, qui, toutes choses égales par ailleurs, fait diminuer le prix payé par le consommateur (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Il faut dire la vérité : le Gouvernement est responsable de la fiscalité, qui est stable, voire en diminution, et les pétroliers sont responsables de l'augmentation des cours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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POLITIQUE BUDGÉTAIRE

Mme Anne-Marie Idrac - D'ici au 1er juillet, date à laquelle la France commencera à présider l'Union européenne, la majorité aura voté le collectif budgétaire, qui se caractérise par l'absence de maîtrise des dépenses, par le recyclage partiel des recettes fiscales supplémentaires dues à la croissance et par la persistance d'un déficit important. Le décalage est donc grave par rapport à nos partenaires, qui ont lancé des réformes de fond. En Allemagne, M. Schröder a engagé une baisse de l'impôt sur le revenu, qui concernera tous les contribuables ; il a engagé une baisse massive et une simplification drastique de l'impôt sur les sociétés ; son plan d'économies est sérieux.

Pour assurer la crédibilité de la France à la présidence de l'Union européenne et pour contribuer à la stabilité de l'euro, n'est-il pas temps de réorienter notre politique budgétaire et fiscale dans le sens choisi par M. Schröder ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le collectif budgétaire n'a pas le contenu que vous lui prêtez : il se caractérise essentiellement par des baisses massives d'impôts. D'ailleurs, lors des réunions mensuelles des ministres de l'économie et des finances, où nous parlons très librement, je n'ai entendu aucun de mes homologues formuler vos critiques. Au contraire, mon collègue allemand me dit toujours envier nos résultats en matière de croissance (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Persuadé que nous reprendrons plus longuement cette discussion lors de la discussion de la prochaine loi de finances, je me contenterai de constater une fois de plus que pour vous, les bons socialistes sont ceux qui se trouvent à l'étranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste) .

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REPORT D'INCORPORATION POUR INSERTION PROFESSIONNELLE

M. Dominique Dord - En 1997, le législateur a inventé une nouvelle forme de report d'incorporation, bénéficiant aux jeunes appelés ayant un contrat de travail. Le résultat a été excellent, puisque plusieurs dizaines de milliers de Français ont ainsi réussi leur insertion professionnelle. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas la mesure la plus efficace pour l'emploi que nous ayons vue depuis longtemps...

Les premiers bénéficiaires voient aujourd'hui leur report arriver à échéance et ils ne savent pas s'ils devront ou non accomplir leur service national. Ils sont en droit d'être informés, en dehors de toute contingence électoraliste.

La première réponse possible est l'application stricte de la loi : le report n'est pas une dispense et tous les jeunes Français concernés doivent partir sous les drapeaux ; cela ne me paraît pas compatible avec l'objectif d'insertion professionnelle et créerait des injustices. La deuxième façon de répondre est, à l'opposé, d'avancer de deux ans la suppression de la conscription obligatoire ; ce serait contraire à la loi de programmation militaire et causerait à nos armées de grandes difficultés d'organisation. Enfin, il est possible d'aménager le dispositif existant, en permettant que le report de deux ans soit prorogeable au moins une fois, sous réserve que les problèmes d'insertion professionnelle continuent à se poser : cette troisième solution a notre préférence. A-t-elle aussi la vôtre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants - Nous avons à concilier une exigence, le bon fonctionnement de nos armées et le respect des règles de la professionnalisation, et une préoccupation, l'insertion professionnelle des jeunes qui bénéficient d'un report d'incorporation parce qu'ils ont un contrat à durée indéterminée. C'est ce qu'a affirmé le Premier ministre dans sa déclaration à La Villette le 12 mai dernier.

Le ministre de la défense, retenu aujourd'hui à Luxembourg, a donné des directives aux préfets, tendant à harmoniser la gestion de ces situations et à interpréter le plus largement possible les textes légaux applicables. La direction du service national a été invitée à prendre contact avec tous les jeunes qui bénéficient de ce report, afin de savoir, au début de la deuxième année, s'il sera reconduit.

Notre objectif étant de ne pas déstabiliser notre défense, nous faisons en sorte d'assurer au sein de nos armées un équilibre entre professionnels et soldats du contingent, qui répond à notre préoccupation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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STATUT DU CORPS DE L'INSPECTION DU TRAVAIL

M. François Liberti - Le projet de réforme concernant le statut du corps de l'inspection du travail écarte, à moyen terme, huit inspecteurs du travail sur dix des niveaux d'indice supérieurs à 966. Cela aura des effets négatifs sur les fins de carrière et les retraites et risque d'aboutir à un double corps, une infime partie restant dans la catégorie A. En outre, ce dispositif porterait préjudice à l'indépendance puisque les directeurs départementaux du travail seraient nommés à la seule discrétion du ministre. La crainte est réelle de voir, à terme, le corps d'inspection du travail sortir de la haute fonction publique. Il sera difficile, dans ces conditions, de résister aux pressions...

Le 23 mai, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, vous nous avez indiqué que le Conseil d'Etat considérait que le projet de statut n'enfreignait pas la convention de l'OIT garantissant l'indépendance. Mais son avis concernait les directeurs régionaux et non les directeurs départementaux, dont les missions sont beaucoup plus larges.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour parer aux risques que je viens d'évoquer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Quelques chiffres illustrent le rôle rigoureux, responsable et efficace que joue l'inspection du travail, dont j'ai rappelé la mission de contrôle de l'application du code du travail et des lois dès mon arrivée au ministère en 1997.

En 1999, le nombre des interventions en entreprises des 1 200 inspecteurs du travail a augmenté de 25 % par rapport à 1996, celui des visites de chantiers de 50 %, celui des procès-verbaux dressés de 55 %, cependant que le nombre des décisions d'arrêt de chantiers progressait de 40 %. C'est dire que l'inspection du travail agit en toute indépendance pour contrôler le respect des lois et des conventions collectives.

Le Gouvernement a donc souhaité élargir les missions et renforcer les moyens de ce corps de fonctionnaires. C'est ainsi que 620 emplois ont été créés dans les services déconcentrés entre 1998 et 2000, 45 emplois d'inspecteur du travail et 250 emplois de contrôleur du travail.

Il faut maintenant revaloriser le statut de l'inspection du travail. La réforme en cours, en ramenant de six à trois le nombre de grades, permettra un déroulement de carrière plus favorable, en particulier une augmentation indiciaire de cent points dès son entrée en vigueur. 40 % des membres de ce corps pourront accéder à la hors échelle A, ce qui n'est actuellement le cas que d'une vingtaine de directeurs départementaux.

Quant au statut d'emploi, il tend à reconnaître la responsabilité et la qualité des directeurs départementaux du travail en autorisant leur nomination à des postes dans l'administration centrale.

En effet, l'avis donné par le Conseil d'Etat dans son arrêt de 1996 concernait les directeurs régionaux et non les directeurs départementaux. Mais j'ai pris toutes les dispositions nécessaires pour garantir la transparence et l'indépendance des nominations, dans le respect de la convention du BIT. La nomination des directeurs pour cinq ans est un gage d'indépendance. Elle interviendra à partir des propositions arrêtées au comité des directeurs de l'administration centrale. Un comité d'experts sera saisi pour avis des questions relatives à la transparence et à l'indépendance. Comptez sur moi pour y veiller (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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PEINE DE MORT AUX ÉTATS-UNIS

M. Gilbert Biessy - L'indignation n'est pas assez forte, Monsieur le ministre des affaires étrangères, pour traduire l'horreur qu'inspire aux démocrates l'étude réalisée par les chercheurs de la faculté de droit de l'Université Columbia sur la peine capitale aux Etats-Unis (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Sur les condamnations à mort prononcées entre 1973 et 1995, sept ont dû être révisées par les juges à la suite de « manquements graves à la loi ». Le taux de jugements révisés pour cause d'erreur judiciaire est de 18 % en Virginie, de 53 % au Texas et de 73 % en Floride ! Combien d'erreurs judiciaires sur les 68 exécutions de 1998 ?

Odell Barnes, noir américain de 31 ans, est mort le 1er mars 2000 à Huntsville au Texas en niant le meurtre pour lequel il avait été condamné à mort en 1991 !

M. François Goulard - Vous n'êtes pas qualifié !

M. le Président - Ici, tout le monde est qualifié par le suffrage universel, Monsieur Goulard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Gilbert Biessy - Combien des 3 669 personnes qui croupissent dans les couloirs de la mort ont-elles été victimes de procès pour le moins expéditifs ?

Je pense particulièrement à Mumia Abu Jamal, journaliste noir, dont le crime est d'avoir osé défendre les opprimés et dont l'innocence est internationalement reconnue.

Comment qualifier un pays qui prétend incarner le modèle mondial de la démocratie et bafoue les droits humains les plus élémentaires ?

Nous voulons faire entendre la voix de la raison et du c_ur pour que cette barbarie disparaisse de la planète.

Il est urgent d'abolir la peine de mort partout dans le monde.

Je vous demande, Monsieur le ministre, d'interpeller le président américain, Bill Clinton, pour que le droit à la justice soit reconnu aux Etats-Unis comme en France et de prendre les initiatives internationales nécessaires pour mettre un terme à l'élimination programmée d'hommes et de femmes par des pays qui utilisent encore la machine à tuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Condamné à mort en 1982 pour le meurtre d'un policier, Abu Jamal ne cesse de clamer son innocence. Selon ses avocats, il serait victime de 29 violations de ses droits constitutionnels par la justice de Pennsylvanie ! Mais pour la première fois, après 18 années de détention, il va bénéficier d'un examen de son cas par un juge fédéral non élu qui décidera, dans quelques jours, le réexamen ou la confirmation de la procédure.

Le cas d'Abu Jamal, qui suscite une vive émotion, a provoqué des manifestations dont celle organisée à Paris il y a quelques mois a donné lieu à une importante mobilisation. Le gouvernement français ne cesse de relayer cette émotion auprès des autorités concernées. M. Védrine, après s'en être entretenu avec vous ici-même le 20 octobre dernier, a écrit au gouverneur de Pennsylvanie pour lui demander d'user de son droit de grâce. Le directeur des Amériques a reçu l'avocat d'Abu Jamal le 10 avril dernier.

La France est attachée à la suppression définitive de la peine de mort, en faveur de laquelle elle milite dans les enceintes internationales avec ses partenaires européens, mais aussi à l'occasion de son dialogue avec les autres Etats, y compris les Etats-Unis où j'observe qu'aujourd'hui, pour la première fois, un vrai débat a lieu sur la peine de mort.

L'Union européenne s'est félicitée de la décision prise il y a quelques semaines par le gouverneur de l'Illinois de créer un moratoire de toutes les exécutions. Il y a là un espoir pour tous les adversaires de la peine de mort, soutenu par des journaux aussi illustres que le Chicago Tribune ou le New York Times.

Le gouvernement français poursuivra le combat qu'il a engagé : c'est un beau combat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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TAUX DE RÉMUNÉRATION DU LIVRET A

M. Bernard Charles - Après une période de baisse du taux d'inflation et des taux d'intérêt, qui avait conduit à abaisser la rémunération du livret A des Caisses d'épargne, ces taux remontent aux Etats-Unis et en Europe. La Banque centrale européenne vient d'augmenter de 0,5 % son taux directeur qui s'élève ainsi à 4,5 %. On peut donc estimer que le taux de rémunération versé aux petits épargnant titulaires d'un livret A est en retard de deux points.

Le Gouvernement a-t-il l'intention de relever prochainement ce taux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Cette importante question concerne de nombreuses familles puisqu'on dénombre plus de 45 millions de livrets A.

Ce livret est actuellement rémunéré à 2,25 %. L'inflation reste contenue à 1,2 % environ par an mais les taux d'intérêt à court terme ont augmenté.

En juin 1998, pour éviter l'arbitraire, le Gouvernement a institué une nouvelle procédure. Un comité indépendant, le comité consultatif des taux réglementés, donne un avis. Il appartient ensuite au Gouvernement de fixer le taux à l'intérieur d'une fourchette : au moins 1 % de plus que le taux d'inflation et 0,5 % de moins que les taux à trois mois. Nous disposons donc actuellement d'une marge de progression, mais il faut veiller à ne pas pénaliser le logement social financé par les ressources du livret A. On peut aussi jouer sur la rémunération des circuits de collecte. Bref, il faut garantir le pouvoir d'achat des Français mais sans pénaliser le logement social.

Dès que le comité consultatif se sera réuni -fin juin ou début juillet- et en fonction de l'avis qu'il aura donné, nous verrons la marge disponible pour revaloriser la rémunération du livret A : j'y suis personnellement favorable. J'espère pouvoir annoncer la bonne nouvelle à la représentation nationale durant les prochains jours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

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RÉCEPTION DU PRÉSIDENT BOUTEFLIKA

M. le Président - Il m'a été rapporté que certains d'entre vous s'interrogeaient sur le maintien à la date initialement prévue de la réception dans l'hémicycle de M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République algérienne démocratique et populaire.

Je vous confirme que cette réception aura bien lieu demain, mercredi 14 juin, vers 17 heures et que nous devrions reprendre la séance aux alentours de  18 heures 30.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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      CHASSE (nouvelle lecture)

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe que la CMP n'ayant pu parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la chasse, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45 alinéa 4 de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de ce projet.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je ne reviendrai pas sur l'exposé détaillé de ce texte que vous avez déjà examiné et me contenterai d'insister sur les principaux points que votre assemblée a à régler.

Le projet du Gouvernement visait à répondre à l'ensemble des questions auxquelles le monde de la chasse est confronté. Il s'agit d'un compromis équilibré entre les préoccupations des chasseurs et celles du reste de la société. Je vous invite à ne pas perdre de vue que l'objectif est d'atteindre un compromis acceptable par tous. Consacrer par la loi la victoire d'un camp serait illusoire et temporaire.

Le texte que vous adopterez doit être compatible avec le droit communautaire. S'il faut transposer la directive de 1979 en droit interne, c'est que les ministres et le Parlement européen ont pris des dispositions de bon sens pour assurer une gestion durable des espèces qui sont un patrimoine commun des Européens.

Ce texte doit aussi se fixer pour ambition de répondre à l'ensemble des problèmes du monde de la chasse, si possible de façon durable.

C'est dans ce sens que le Gouvernement a travaillé et préparé le projet que vous avez examiné en première lecture et que vous avez amendé sur un certain nombre de points, parfois avec l'accord du Gouvernement, parfois contre son avis. J'ai considéré que nous étions alors parvenus à un compromis acceptable, qui pouvait constituer la base d'un règlement durable des conflits liés à la pratique de la chasse dans notre pays.

Ce texte a été profondément modifié par les sénateurs et le projet est aujourd'hui très déséquilibré et inapte à répondre à ses objectifs. Il est inacceptable socialement, parce qu'il fait droit de façon trop exagérée aux exigences, non de la majorité des chasseurs, mais d'une minorité qui considère que la satisfaction de sa passion l'emporte sur toute autre considération. Il est inacceptable au regard de la réglementation communautaire puisque les sénateurs ont réintroduit dans la loi des dates de chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs qui ne sont pas compatibles avec la directive de 1979.

C'est sans doute pour cela, et parce que le projet de l'Assemblée nationale a été aussi profondément modifié, au mépris de la prise en compte de toutes les préoccupations des non-chasseurs, que la commission mixte paritaire a échoué.

Je souhaite que vous choisissiez aujourd'hui de revenir à l'équilibre du texte que vous avez adopté en première lecture, que vous réaffirmiez les principes sur lesquels nous nous sommes alors appuyés pour parvenir à un accord.

Le premier de ces principes, c'est que la loi relative à la chasse doit créer des conditions d'un accès partagé et harmonieux aux espaces naturels et ruraux entre les chasseurs et les autres usagers de la nature. A ceux qui s'y opposent au nom du respect du droit de propriété, je rappelle qu'on ne peut à la fois l'invoquer pour refuser toute limitation à l'exercice du droit de chasse, et défendre la loi Verdeille et les ACCA, qui limitent aussi le droit de propriété et le droit de chasse qui lui est attaché. Pour autant, je ne méconnais pas le droit de propriété, garanti par nos textes fondamentaux. Je demande simplement que l'évolution de notre société, les attentes des citoyens, les conditions du partage de l'espace soient prises en compte aussi dans le domaine de la chasse. D'ailleurs le Conseil constitutionnel aura, s'il est saisi, l'occasion de se prononcer sur la légitimité de ces dispositions.

Cette préoccupation doit se traduire dans la loi par un certain nombre de dispositions. C'est d'abord la transformation de l'Office national de la chasse en Office national de la chasse et de la faune sauvage : il s'agit de consacrer l'évolution souhaitée par la majorité des chasseurs et de reconnaître le rôle de la chasse raisonnée dans la gestion des espaces naturels et de la faune sauvage. Il faut naturellement en accepter les conséquences, dont l'ouverture du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage à d'autres usagers de la nature, qui participent eux aussi à cette gestion.

Autre disposition, qui manifeste cette volonté de dialogue entre les chasseurs et le reste de la société, l'instauration du jour sans chasse. A mes yeux, elle n'est pas justifiée principalement par des préoccupations de sécurité mais destinée à montrer que le monde de la chasse veut dire au reste de la société qu'il est prêt à prendre les mesures nécessaires pour que la pratique de la chasse respecte les préoccupations des autres usagers de la nature. L'Assemblée a trouvé en première lecture une formule tout à fait juste, et je souhaite que l'on y revienne sans vider cette mesure de son sens.

Cette volonté de partager l'usage des espaces doit se traduire aussi dans la redéfinition du rôle des fédérations de chasseurs. Sur ce point également, le projet adopté en première lecture par votre assemblée me paraissait satisfaisant, alors que celui du Sénat me semble dangereux car il tend à transformer les fédérations de chasseurs en syndicats de défense des intérêts des chasseurs, ce qu'elles ne peuvent être en aucun cas. Elles ont pour objet principal la gestion du patrimoine cynégétique, elles ne doivent pas s'en écarter !

Le deuxième grand objectif auquel nous devons parvenir, c'est la modernisation de notre droit de la chasse, afin de le rendre compatible avec la réglementation européenne.

Ce qui est d'abord en cause, c'est la définition des périodes d'ouverture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs. Nous avons suffisamment débattu de cette question et nous avons considéré que les périodes de chasse n'ont pas à figurer dans la loi elle-même, qui doit s'en tenir à la définition des principes. L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat la semaine dernière devrait convaincre ceux qui en doutaient encore que toute tentative de faire figurer dans la loi des disposition contraires à la directive est vouée à l'échec. Les principes définis par la directive de 1979 ont été heureusement repris dans le texte que vous avez adopté. Dès lors que vous aviez confié au pouvoir réglementaire le soin de définir les périodes de chasse, dans le respect des principes posés par le législateur, il était normal que vous souhaitiez en savoir un peu plus, c'est pourquoi je vous ai communiqué le projet de décret qui reprend le principe général mis en avant tant par le rapport Patriat que par les scientifiques : la chasse aux oiseaux migrateurs et aux gibiers d'eau sera ouverte en règle générale du 1er septembre au 31 janvier. Les exceptions à ce principe doivent être appuyées sur des analyses scientifiques incontestables. Nous disposons de ce point de vue d'un ensemble très complet d'études réalisées par le professeur Lefeuvre.

J'ai aussi demandé au Museum d'histoire naturelle, à l'INRA, à l'Office national de la chasse et au CNRS, de désigner des chercheurs particulièrement compétents pour compléter ces travaux par une approche par groupe d'espèces. J'en tiens le résultat à votre disposition. Il nous permet de déterminer, sur le domaine public maritime, des dates d'ouverture et de fermeture qui peuvent aller au-delà du 1er septembre et du 31 janvier pour certaines espèces. Dans ce cas, la chasse pourra être pratiquée du 10 août au 10 février. Il ne s'agit pas de dérogations à la directive, mais de dates fixées dans le respect des principes qu'elle pose.

En revanche, des dérogations sont prévues pour la chasse au pigeon ramier et à la grive, afin de porter la date de clôture au 20 février, dans le cadre de l'article 9 de la Directive de 1979. Ces dérogations devront être justifiées auprès de la commission, notamment en définissant les conditions dans lesquelles cette chasse plus tardive sera pratiquée. Par ailleurs, des dates d'ouverture plus tardive de la chasse aux canards, aux rallidés et aux foulques seront fixées dans les grandes régions de nidification. Enfin, ce décret prévoit la possibilité d'un moratoire sur la chasse des espèces en mauvais état de conservation.

S'agissant de la chasse de nuit, je n'ai pu donner mon accord à la solution adoptée par l'Assemblée en première lecture. J'ai proposé une solution expérimentale et progressive pour sortir de la situation d'interdiction de la pratique de la chasse de nuit dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, alors que vous avez souhaité légaliser purement et simplement cette pratique dans 20 départements, tout en conservant les conditions d'encadrement souhaitées par le Gouvernement. Je dois vous dire que cela fragilise le texte et peut être source de contentieux avec l'Union européenne. Ajouter des départements à la liste sur laquelle vous vous étiez accordés doit donc être évité. Cette liste avait été établie sur la base du rapport de François Patriat pour qui cette pratique ne pouvait être considérée comme traditionnelle que dans ces départements.

La même remarque vaut pour la chasse à la passée, dont vous avez porté la durée de une heure à deux heures, avant et après le coucher du soleil. Monsieur Denoix de Saint Marc, Président de l'Office national de la chasse et juriste éminent y a vu aussi une source de contentieux avec l'Union européenne.

La sagesse doit l'emporter pour les adaptations qu'il convient d'apporter à la loi Verdeille après décision de la Cour européenne des droits de l'homme. Le droit de non-chasse, ou droit d'objection cynégétique, doit être reconnu sans restriction. Toute disposition qui viendrait en rendre l'exercice difficile, voire impossible, risquerait de nous ramener à la situation précédente. Là encore, nous avions trouvé un compromis entre la préservation des libertés fondamentales et celle des ACCA, compte tenu de leur rôle dans la gestion cynégétique. Il faut s'en tenir là.

Enfin, et ce n'est pas le moindre des objectifs que nous poursuivons, il faut clarifier les rôles en matière d'organisation du monde de la chasse. A l'Office national de la chasse et de la faune sauvage de réaliser des études, de constituer l'expertise, de mettre à disposition l'appui technique qui permettra de préserver la faune sauvage, de mettre en place les formations nécessaires et de délivrer le permis de chasser. A lui seul d'exercer la police de la chasse. Aux fédérations de travailler sur le terrain à la mise en valeur du patrimoine cynégétique, d'élaborer et de proposer à l'autorité administrative des schémas de gestion cynégétique, de financer et d'organiser l'indemnisation des dégâts de gibiers. Le rôle des fédérations est donc très important. Mais en aucun cas ces fédérations ne doivent être considérées ou instituées comme des syndicats de chasseurs. Or, trop souvent, elles confondent les genres. Aussi, récemment, une fédération a envoyé à ses adhérents en même temps que des documents d'information, des bulletins d'adhésion à la CPNT.

M. Yves Cochet - Scandaleux !

Mme la Ministre - La Cour des comptes a relevé, pour sa part, des pratiques financières inacceptables, étrangères à la vocation des fédérations. Il faut mettre fin à cette confusion !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Très bien !

Mme la Ministre - Si les fédérations de chasseurs étaient un syndicat elles ne pourraient bien entendu en aucun cas bénéficier d'une adhésion obligatoire des chasseurs. Les fédérations de chasseurs bénéficient de cette clause d'adhésion obligatoire parce qu'elles sont investies de missions de service public, dont la préservation du patrimoine cynégétique ou l'indemnisation des dégâts de gibiers. La contrepartie de cette prérogative importante doit être à la fois un strict respect de leur mission et un contrôle public fort sur leurs activités et leur financement. De ce point de vue, je souhaite que l'Assemblée rétablisse les dispositions relatives aux contrôles des fédérations qui ont été supprimées par le Sénat.

Enfin, cette clarification des rôles impose celle des circuits financiers. Le partage dans ce domaine devrait être finalement très simple : les fédérations de chasseurs seront financées par les cotisations de leurs adhérents obligatoires, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage sera financé par des redevances cynégétiques.

Telles sont les grandes orientations que je défendrai devant vous. Les principes que défend le Gouvernement n'ont pas varié. Vous les avez, pour l'essentiel, acceptés. Je suis persuadée que nous maintiendrons cette orientation à l'occasion de cette nouvelle lecture (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production - Dans quelques jours, la France prendra la présidence de l'Union européenne. Faute de s'être mise en conformité avec le droit européen sur la chasse, elle ne saurait intervenir efficacement dans d'autres domaines, plus importants encore que moins sensibles.

Dans deux mois s'ouvre la chasse. Les chasseurs attendent de pouvoir chasser dans la sérénité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), sans être montrés du doigt ; de pouvoir chasser pendant une durée raisonnable, sans que soit remise en cause leur légitimité.

La semaine dernière, le Conseil d'Etat a confirmé son avis : les dates indiquées dans les lois de 1994 et de 1998 ne sont pas compatibles avec l'interprétation par la Cour de justice de la directive communautaire de 1994. La Cour a par là-même déclaré illégale la loi française (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) qui introduisait des dates maximales (Mêmes mouvements). Ne pourrions-nous pas discuter autrement que dans le bruit et l'invective ?

Les commissaires et les responsables de la Commission européenne ont fait savoir à beaucoup d'entre nous que le compromis élaboré ici en première lecture était compatible aujourd'hui avec l'interprétation de la directive, et qu'il était de nature à mettre fin à l'astreinte pesant sur la France, et donc sur l'avenir de la chasse.

M. René André - Les sanctions ne sont pas appliquées.

M. le Rapporteur - Mais si ! Rien que pour l'ortolan, la France a été condamnée à 700 000 F d'astreinte ! Cessez de dire des contrevérités !

L'équilibre atteint en première lecture n'avait pas recueilli, j'en conviens, l'assentiment général. Personne n'était totalement satisfait, mais tout le monde convenait que les avancées réalisées pouvaient conduire à une paix durable sur un sujet qui ne l'a guère connue.

Dans ce contexte, les chasseurs avaient compris que pour l'essentiel leurs structures étaient confortées, les rôles respectifs de l'ONC et des fédérations définies, cependant que les dates de chasse étaient d'une amplitude raisonnable. D'un côté l'essentiel de leurs acquis était sauvegardé, de l'autre les opposants à la chasse et tous les usagers de la nature devaient admettre que la chasse n'était pas illégitime, tout en constatant que des gestes étaient accomplis en direction de ceux que la chasse laisse indifférents.

Or le Sénat, en voulant faire plaisir à tous les chasseurs, a suscité dans l'opinion stupéfaction et incrédulité (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Croyez-vous que sur une quinzaine de points la raison l'ait emporté ? En supprimant le jour de non-chasse, le Sénat a-t-il adressé un geste à la société ? En généralisant la chasse de nuit dans 31 départements où elle n'existe parfois qu'à peine, le Sénat a-t-il été sérieux ? L'a-t-il été en introduisant des dates échelonnées en dépit de la condamnation répétée du Conseil d'Etat ? Plus grave, en arrêtant le gel des structures, le Sénat provoquerait la stérilisation du milieu par la multiplication des chasses diurnes et nocturnes, et des prélèvements excessifs contraires à l'intérêt général et à celui des chasseurs.

M. Eric Doligé - Vous n'y connaissez rien !

M. le Rapporteur - Au cours de cette année, j'ai appris beaucoup plus que vous n'avez pu le faire pendant les années où vous n'avez peut-être même pas chassé ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le Sénat est allé jusqu'à rétablir une police fédérale, et même jusqu'à rétablir la chasse aux espèces protégées. Des amendements démagogiques ont ainsi été adoptés sans que les membres de la Haute Assemblée s'y opposent.

En CMP, j'ai indiqué aux sénateurs : « Je vois dans votre texte plus de vingt gestes en faveur des chasseurs les plus extrêmes ; quels geste avez-vous fait en faveur de ceux que la chasse n'intéresse pas ? » L'un d'entre vous m'a répondu : « Nous faisons une loi pour les chasseurs ». Tout est dit. Mais je pense, moi, qu'il existe ici une majorité décidée à faire une loi pour la France et non pas pour les chasseurs (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

C'est pourquoi nous avons souhaité revenir à un compromis garantissant l'intérêt général.

Le pire serait de croire qu'en introduisant des amendements qui déséquilibreraient le texte, on parviendrait à sauver la chasse. Vous le savez, en fixant des dates dans la loi, en supprimant les jours de non-chasse, en rallumant la guerre entre les fédérations et l'ONC, vous susciteriez des contentieux. Imaginez que la loi ne soit pas votée pour des raisons politiciennes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les chasseurs que vous prétendez défendre seraient fort marris. En effet, sans loi, la chasse de nuit, la chasse à la passée n'existent plus, l'ouverture est limitée du 1er septembre au 31 janvier. Est-ce ainsi que vous serviriez le monde de la chasse ?

C'est pourquoi la commission a rétabli la séparation entre l'ONC et les fédérations, et a souhaité que des dates euro-compatibles soient fixées par décret. Vous parlez de dates, de chasse de nuit. Vous ne parlez jamais de gestion réelle, de renouvellement des espèces (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Christine Boutin - C'est de la provocation !

M. le Rapporteur - La commission a donc rétabli la directive européenne traduite en droit français.

Vous êtes mal venus de reprocher à la ministre de n'avoir pas négocié des dérogations. En effet nous n'avions pas transcrit la réglementation communautaire dans notre droit ! Comment changer les roues de la voiture que vous n'avez pas encore achetée ?

Vous avez voulu généraliser sur l'ensemble du territoire certaines pratiques dans des conditions telles qu'elles seraient rejetées par la société.

Revenons donc au compromis adopté en première lecture, qui ne satisfaisait personne mais permettait de contenter tout le monde ; aux chasseurs d'obtenir une date d'ouverture raisonnable début août, et des dérogations pour la chasse aux migrateurs terrestres comme la grive, la bécasse et aussi la palombe.

Je fais appel au sens de la responsabilité de mes collègues : l'intérêt de la France, l'intérêt des chasseurs, commandent de voter le texte adopté par la commission (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91-4 du Règlement.

M. Charles de Courson - Alors qu'en première lecture l'opposition nationale n'avait pas déposé de motion de procédure, espérant que la raison l'emporterait, le groupe UDF a décidé de déposer une exception d'irrecevabilité. Après l'échec voulu par le rapporteur et par le Gouvernement de la CMP, et la volonté du rapporteur de revenir pour l'essentiel au texte adopté en première lecture, il est de notre devoir d'attirer l'attention sur les graves risques pris par rapport aux principes fondamentaux de notre Constitution.

En effet des atteintes claires, répétées et graves sont portées au droit de propriété, au droit et à la liberté d'association, et au principe d'égalité.

Monsieur le rapporteur, sur le premier point, vous entendez promouvoir une chasse qui « s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non-appropriatifs de la nature dans le respect du droit de propriété ». L'opacité de la formule est impressionnante dans sa tentative pour rendre compatibles deux éléments qui ne le sont pas.

De manière plus fondamentale, vous commettez une erreur grave en distinguant usages appropriatifs -qui ne seraient pas compatibles avec le droit de propriété- et usages non-appropriatifs qui, eux, le seraient.

Les exemples que vous nous avez donnés en commission démontrent la persistance de cette erreur. Vous avez ainsi cité la promenade en forêt, qui relève pourtant de l'usus, ou le droit de photographier, qui relève, lui, du droit de l'image. Je le répète : au regard de notre Constitution, il n'existe pas de distinction entre ce qui serait les usages « appropriatifs » de la nature et les usages « non-appropriatifs » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je vous ai d'ailleurs demandé, en vain, de me fournir la liste des usages « non-appropriatifs » : vous n'avez pas trouvé le temps de la dresser. Auriez-vous oublié, par ailleurs, que la totalité du territoire de la République est approprié ? C'est heureux, car le droit de propriété contribue à la valorisation de notre patrimoine, et le remettre en cause est donc dangereux.

Contrairement à ce que vous affirmez, ce droit ne porte pas atteinte à la préservation de la faune sauvage, l'élu des campagnes que je suis peut vous le dire d'expérience. Qui, sinon les membres des fédérations de chasseurs, s'occupent de nourrir ces oiseaux lorsqu'il neige ? Certainement pas ceux qui prétendent le faire ! (Fortes manifestations d'assentiment sur les mêmes bancs) Qui casse la glace pour leur permettre de boire, et qui installait des bottes de paille pour éviter qu'elle ne se reforme trop vite ?

C'est un des éléments qui ont échappé au Gouvernement, et plus particulièrement à Madame Voynet, ce qui ne m'étonne guère : oui, l'exercice du droit de propriété a protégé la faune sauvage ! Nos collègues communistes sont d'ailleurs revenus, sur cette question, à une position pleine de sagesse car ils savent bien que ce ne sont pas les fédérations et les sociétés de chasse que nous cherchons à protéger, mais la faune sauvage.

Mais les atteintes au droit de propriété ne se limitent pas à celle-là, et j'en viens à la position déraisonnable du Gouvernement, qui entendait limiter, comme on le sait, le droit de non-chasse. Notre rapporteur a estimé fondées les critiques de l'opposition, mais il est alors tombé dans l'excès inverse, en posant que quiconque souhaite exercer son droit de non-chasse doit l'exercer en tous lieux, au mépris, une fois de plus, du droit de propriété.

En cette matière encore, l'opposition a fait preuve de sagesse et, une fois n'est pas coutume, nos collègues Verts se sont ralliés à nous pour demander que l'exercice de ce droit soit limité aux départements et aux cantons limitrophes. J'ajoute que vous auriez les difficultés les plus extrêmes à faire respecter la disposition que vous préconisez. Il faudrait un fichier et, même en ce cas, la mesure serait inapplicable dans les cas de copropriété indivise. Interrogé à ce sujet en commission, vous avez formulé une réponse très grave, indiquant que vous comptiez sur les dénonciations ! (« C'est honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

De toute évidence, les dispositions que vous proposez sont infondées et, de surcroît, disproportionnées à leur objet, et elles pénalisent injustement ceux qui souhaitent exercer leur droit en un lieu et en ce lieu seulement.

Qu'est-ce, encore, que l'institution d'un jour de non-chasse, sinon une autre atteinte manifeste au droit de propriété, puisque l'on prive le propriétaire d'un septième de la valeur de son bien, et le locataire d'un septième de la valeur de son bail ? Il s'agit d'une expropriation pure et simple, sans indemnisation préalable équitable, ce qui contrevient manifestement à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. J'ai d'ailleurs reçu des courriers de sociétés de chasse à ce sujet, exposant que si les choses tournaient ainsi, elles demanderaient une réduction du loyer des bois... domaniaux dont elles sont locataires.

Mme la Ministre - On changera de jour !

M. Charles de Courson - En quoi cela changera-t-il quelque chose, aussi longtemps qu'une indemnisation n'est pas prévue ? Vous semblez ne rien connaître au droit civil, et vous méconnaissez de ce fait les innombrables recours auxquels vous devrez faire face, et les sommes que vous serez tenue de verser, et que vous serez incapable de payer. Attendez-vous à la saisine de la Cour européenne de justice -laquelle, à vrai dire, sera probablement inutile, puisque notre Constitution, déjà, sera violée.

Quant à l'atteinte au principe de proportionnalité entre la mesure de police et les moyens mis en _uvre pour l'exercer, elle est manifeste, et c'est une nouvelle fois la Constitution que vous violez en souhaitant, ainsi, assurer les promenades en forêt !

Comment, enfin, prétendre imposer l'entretien des plans d'eau voisins aux propriétaires de postes fixes, sans même préciser qu'ils doivent en être propriétaires, ce qui n'est pas toujours le cas, comme le savent parfaitement tous ceux qui sont vraiment au fait de ces problèmes ? Quel droit auraient-ils de le faire, dans le cas contraire ?

Mais, non content de porter des atteintes répétées au droit de propriété, vous n'hésitez pas à vous en prendre au droit d'association. Ce sont des libertés fondamentales que vous bafouez ainsi : le droit d'adhésion et le choix du fonctionnement des associations. Mais, plus largement, les questions essentielles du statut juridique et des ressources des fédérations et des sociétés de chasse doivent être clarifiées avant le vote final.

Dois-je rappeler que le Conseil constitutionnel a établi, le 20 février 1987, que les sociétés de chasse étaient des associations ?

Je pense qu'il serait vain d'attendre que le Conseil constitutionnel change de position sur la liberté d'association. Or la conception que défend le rapporteur sur le fonctionnement des fédérations -sans parler des amendements de nos collègues Verts, qui sont totalement liberticides- est bien éloignée des normes... Par exemple, l'amendement à l'article 2 bis accorde au président de chaque société de chasse un droit exclusif de recevoir des délégations de vote. Heureusement ce matin, le rapporteur, qui a paru quelque peu troublé en commission lorsque j'ai fait observer qu'une telle disposition était attentatoire à la liberté d'association, a accepté, dans son principe, un amendement que nous avons déposé sur ce sujet.

De même, l'approbation du budget de la fédération par le préfet revient à donner à l'Etat un droit de regard très excessif. Le Gouvernement nous propose en fait une intervention tous azimuts, sous forme de contrôles a priori et a posteriori. L'opposition est hostile au contrôle a priori sur le budget et les comptes des fédérations, sans être défavorable à un contrôle a posteriori.

L'article 8 quater, tel que proposé par le rapporteur, prévoit la constitution d'un fichier national des permis et autorisations de chasse : là encore, il y a atteinte à la liberté d'association.

Mais ces inconstitutionnalités ne sont rien comparées au flou juridique qui entoure le statut des fédérations, que le Conseil constitutionnel qualifie d'associations chargées d'une mission de service public et que le Conseil d'Etat considère même comme des organismes de gestion d'un service public.

D'après la Cour des comptes, la nature juridique des redevances cynégétiques les apparente clairement à une imposition, appartenant à la catégorie des « impositions de toutes natures ».

N'est-il pas contradictoire qu'une association -la fédération départementale- fixe le montant d'une taxe ?

L'amendement à l'article 8A approfondit le désarroi du législateur, en confiant au ministre le soin de fixer par arrêté le montant des redevances cynégétiques, dans la limite d'un plafond. En effet, la fixation par la loi de plafonds s'entend uniquement pour une imposition, ce qui tendrait à prouver que les redevances cynégétiques en sont bien une ; mais alors, pourquoi leur fixation relèverait-elle d'un arrêté, alors que selon l'article 34 de la Constitution, l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions sont du domaine de la loi ?

Loin de s'arrêter là, le texte du rapporteur prévoit la participation des fédérations départementales des chasseurs à l'indemnisation des dégâts de grand gibier. A nouveau, on ne peut manquer d'être surpris qu'on propose d'affecter le produit d'une taxe à une association alors que seul un amendement gouvernemental peut affecter une recette fiscale.

Le flou s'étend aux ressources dont disposent les fédérations. Il convient donc de définir clairement le statut des fédérations départementales de chasseurs et de s'en tenir au principe suivant : aux fédérations départementales et régionales les fonds privés en provenance de cotisations obligatoires fixées par les assemblées générales ; à l'ONC, établissement à caractère administratif, les impositions de toute nature.

Enfin, ce texte bafoue ouvertement le principe d'égalité.

D'une part, le texte du rapporteur crée une inégalité géographique en matière de chasse de nuit, en établissant une liste de 21 départements où cette chasse serait autorisée en raison de son caractère traditionnel. Pour quel motif exclut-on sept autres départements, voire vingt, si l'on se réfère aux circulaires de l'ONC, dans lesquels la chasse de nuit au gibier d'eau est une pratique traditionnelle reconnue ? L'argument relatif aux installations fixes n'a rien de juridique.

D'autre part, l'amendement du rapporteur à l'article 2 rompt l'égalité devant l'impôt, puisque les chasseurs financent non seulement les espèces chassables, mais aussi les espèces non chassables.

S'agissant enfin des dates d'ouverture et de fermeture, on ne peut exonérer Madame la ministre de ses responsabilités. En effet, dans son arrêt du 9 juin 2000, le Conseil d'Etat ne s'en prend plus au législateur, mais au Gouvernement, condamné pour avoir refusé de se conformer à la jurisprudence européenne.

En conclusion, parce que le texte voté en première lecture, et auquel notre rapporteur et le groupe socialiste veulent pour l'essentiel revenir, est contraire à la Constitution sur de nombreux points, alors que le texte du Sénat, lui, était conforme, nous appelons l'Assemblée à voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Rapporteur - Votre argumentation m'a fait un peu sourire (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Vous tentez de nous faire voter une exception d'irrecevabilité sur le texte du Sénat... Et vous prétendez, de façon un peu méprisante, nous donner des leçons de droit ou de fiscalité, alors que je ne fais que demander à l'Assemblée, toutes tendances politiques confondues, un peu de fermeté et de courage.

En première lecture, beaucoup d'entre vous avaient trouvé quelque mérite au rapport que j'avais remis au Premier ministre. Maintenant que nous l'avons traduit en texte de loi, tout devient objet de critique !

Vous avez dit que l'échec en CMP était le fait du rapporteur.

M. Charles de Courson - Et du Gouvernement.

M. le Rapporteur - Je vous rappelle donc la chronologie.

Le Sénat vote un texte maximaliste et caricatural (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Les sénateurs eux-mêmes ont reconnu être allés au-delà de ce qu'ils voulaient et en avoir un peu honte (Mêmes mouvements). En CMP, ils ont déclaré être prêts à trouver un accord sur tout. Mais dès le premier point -la fixation des dates-, nous avons compris qu'il n'y aurait pas d'entente possible (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Monsieur de Courson, le fait de photographier un chevreuil revient-il à s'approprier la propriété d'autrui ? Vous avez dit en première lecture qu'il fallait encore faire la révolution, mais votre défense des droits de propriété était celle d'un hobereau d'avant la Révolution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. le Président - Monsieur de Courson, je vous donnerai la parole pour un fait personnel en fin de séance.

M. le Rapporteur - Je constate, avec beaucoup de mes collègues, qu'il y a encore bien des Bastilles à prendre dans ce pays...

En ce qui concerne le jour de non-chasse, je suis favorable à l'objection cynégétique de conscience sur tout le territoire. On ne peut pas être objecteur de conscience dans la Marne et vouloir chasser dans le Territoire de Belfort ! En fait, vous voudriez qu'on interdise la chasse sur vos terres, mais qu'on l'autorise sur celles des autres (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Monsieur de Courson, vous aurez droit à la parole en fin de séance comme le Règlement le prévoit. Pourriez-vous éviter, Monsieur le Rapporteur, des mises en cause personnelles qui font dériver le débat ?

M. le Rapporteur - Accuser à la tribune le rapporteur de faire appel à la dénonciation, n'est-ce pas une mise en cause personnelle ?

Votre département devrait prendre exemple sur celui de la Côte d'Or, Monsieur de Courson, où il y a longtemps qu'on ne chasse plus le mercredi dans la forêt domaniale. En outre, je rappelle qu'on peut toujours changer le jour de non-chasse.

Enfin, vous n'avez pas écouté en commission ni lu le rapport qui dit expressément : « En tout état de cause, le dispositif permet à n'importe quel chasseur de recevoir une délégation de vote d'un autre adhérent sur tout le territoire »

Bref, votre démonstration n'a rien prouvé, sinon la nécessité de voter très vite une bonne loi sur la chasse : je ne compte pas trop sur vous pour cela, mais beaucoup sur la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Christian Bataille - N'est-il pas surprenant que M. de Courson nous propose de juger le texte du Sénat irrecevable ?

M. Charles de Courson - Vous n'avez pas écouté !

M. Christian Bataille - ...Mais nous savons bien que ce n'est qu'un artifice de procédure.

Le groupe socialiste considère, quant à lui, que le texte est irrecevable en l'état, mais il vous propose d'en discuter pour en faire la démonstration point par point. Il faut revenir au compromis et à l'équilibre que nous avions trouvés en première lecture.

M. de Courson veut interrompre une procédure qui va nous permettre d'adopter dès aujourd'hui une loi conforme à l'attente des Français, mais qui ne le satisfera pas. Ce n'est pourtant pas en votant l'exception d'irrecevabilité que nous remédierons aux inconvénients qu'il a décrits !

Quel est l'enjeu ? Ou bien nous réduisons à néant dix-huit mois d'efforts pour tenter de résoudre un problème qui nuit à la considération dont jouit notre pays ; ou bien, nous faisons aboutir nos efforts. Moi-même et nombre de mes collègues du groupe socialiste sommes désireux d'adopter une loi équilibrée dans l'intérêt général, dans l'intérêt des chasseurs qui, à défaut, l'imposeraient à la rigueur des tribunaux, et dans notre intérêt à tous : il faut éviter que les contribuables aient à payer des astreintes communautaires et que la France soit montrée du doigt en Europe.

Je n'irai pas jusqu'à dire que ce projet révèle l'étiage où se situe aujourd'hui l'intérêt général mais, plus modestement, que si nous sommes attachés à défendre l'intérêt général, nous devons mener ce texte jusqu'à son terme et repousser l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Marc Laffineur - Comme nombre de mes collègues, j'aurais souhaité que ce débat important débute dans la sérénité. Pour avoir la paix dans nos campagnes, pour que les chasseurs puissent chasser tranquillement, j'espérais que Mme la ministre allait montrer sa bonne volonté. Or, elle veut tout simplement rétablir le texte antérieur, sans manifester la moindre volonté d'apaiser les chasseurs et le monde rural, qui est tout entier concerné par ce problème (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Ensuite le rapporteur tient des propos provocateurs et blessants à l'égard de M. de Courson. Bref, dès l'ouverture de ce débat, vous montrez votre partialité.

Pour sa part, M. de Courson a démontré l'irrecevabilité du texte que vous voulez établir. C'est pourquoi le groupe DL votera l'exception d'irrecevabilité en espérant que l'Assemblée saura retrouver une certaine sérénité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Lemoine - Je remercie M. de Courson de nous avoir expliqué tous les motifs d'irrecevabilité du texte que vous voulez nous faire voter. Après les critiques que le Conseil d'Etat a adressées au Gouvernement et à Mme la ministre, je veux éviter à cette dernière l'humiliation et le camouflet que serait pour elle l'adoption d'une loi anticonstitutionnelle (Sourires). C'est pourquoi le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.

M. François Liberti - Le groupe communiste et apparentés ne votera pas cette exception d'irrecevabilité, car il est important de débattre au fond des questions qui restent en suspens : date d'ouverture et de fermeture de la chasse, chasse de nuit, jour de non-chasse... C'est en tout cas ce que les chasseurs attendent des parlementaires.

Cela dit, je regrette que, par ses propos, le rapporteur ait suscité un climat, non d'apaisement mais d'affrontement, (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) qui n'est guère propice à un débat de fond sur les questions essentielles. Il ne suffit pas d'affirmer qu'on veut une chasse apaisée : encore faut-il le démontrer par sa pratique, surtout lorsqu'on est rapporteur du projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et du groupe communiste)

M. Maurice Leroy - Il faut savoir raison garder, Monsieur le rapporteur. Dois-je vous rappeler qu'un des parents de M. de Courson a une plaque dans cet hémicycle pour avoir su dire non en des temps héroïques ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Si un parlementaire de l'opposition vous avait dit le dixième de ce que le rapporteur a dit à M. de Courson, vous auriez quitté l'hémicycle en rangs serrés. Le groupe UDF vous demande solennellement de retirer vos propos inqualifiables et lamentables, Monsieur le rapporteur.

Cela dit, ne feignons pas, les uns et les autres, de découvrir que les motions de procédure sont destinées à permettre à l'opposition de s'exprimer. Souffrez donc qu'elle le fasse sur ce projet comme sur les autres.

Quant au droit communautaire, vous n'hésitez pas à faire cavalier seul en Europe, quand il s'agit des trente-cinq heures. Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de la même façon, d'adopter, pour la chasse, un dispositif unique en Europe ?

Notre collègue Charles-Amédée de Courson a parfaitement justifié, en appuyant sa démonstration sur plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, le vote de cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

A la majorité de 171 voix contre 81 sur 252 votants et 252 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

M. François Liberti - Cette deuxième lecture est importante pour tous ceux qui veulent une bonne loi garantissant la chasse populaire, le respect du droit de chacun, préservant des espèces animales et l'ouverture des espaces à tous. Les parlementaires communistes abordent ce débat avec sérénité et détermination. Notre abstention en première lecture a permis de poursuivre le débat et d'enrichir le texte. Si la CMP a échoué, notamment sur un point fondamental, elle a permis de préciser les positions de chacun. Que ceux qui sont prêts à un blocage pouvant aller jusqu'au rejet de la loi mesurent leur responsabilité face au monde de la chasse et face à l'opinion, qui devrait constater l'impossibilité de sortir le dossier d'un bourbier politicien.

Monsieur le rapporteur, admettre que l'équilibre a été atteint avec le texte de première lecture serait nier le travail parlementaire (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Pour autant on ne peut classer de façon simpliste les nouveaux amendements favorables à la chasse et ceux qui ne le sont pas, pour à la fin compter les points.

S'il s'agit bien de voter une loi qui ne soit faite ni pour les seuls chasseurs, ni pour les « anti-chasse », mais pour le pays, une loi qui reconnaisse la chasse, soucieuse d'équilibre et de protection des espèces, cogestionnaire des espaces naturels, s'il s'agit bien de cela, alors traitons avec bon sens ces amendements.

Ceux du groupe communiste sur la période de chasse aux oiseaux migrateurs sont compatibles avec la directive européenne, privilégiant la notion de prélèvement, les plans de gestion, la préservation des espèces avec un échelonnement des dates de fermeture par espèces jusqu'au 28 février. Nous avons pour faire avancer les choses accepté le principe que ces dates soient fixées par décret. Mais le contenu du décret qui a été porté à notre connaissance ce matin est inacceptable en l'état. Pourtant, Madame la ministre, vous vous étiez engagée en première lecture à prendre en compte les dates figurant dans l'amendement Sicre.

Plusieurs députés socialistes - C'est vrai.

M. François Liberti - Et à l'issue de la CMP le groupe socialiste nous a affirmé qu'en deuxième lecture cette question serait correctement traitée.

Instituer un jour de non-chasse du lever du soleil au coucher du soleil c'est garantir un accès libre et en sécurité à tout le territoire national tout en préservant la chasse à la palombière et la chasse de nuit.

Nous demandons qu'on prenne en considération la pratique traditionnelle de la chasse de nuit dans les départements qui ne sont pas concernés par la disposition votée en première lecture afin de s'adapter à la situation existante.

Assurer un meilleur équilibre au sein du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, composé aux 3/5e par des représentants de l'Etat et du monde cynégétique, correspondrait mieux au rôle et aux missions de l'Office.

Rien dans ces amendements ne traduit une vision jusqu'au-boutiste rompant avec l'équilibre du texte voté en première lecture.

Pour notre groupe, c'est la seule base de compromis pour assurer une majorité et voter la meilleure loi possible dans le contexte actuel. Nous tracerions ainsi un cadre général clarifiant les missions de chacun, donnant une base claire à la chasse aux oiseaux migrateurs et à la chasse de nuit, tout en créant de nouveaux droits pour les non-chasseurs.

Aujourd'hui il est impératif pour le Gouvernement et la majorité plurielle de sortir de ce débat par le haut.

Le groupe communiste a largement démontré la volonté d'y parvenir ; à chacun d'en faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Antoine Carré - Les dispositions de compromis voire de compromission de M. le rapporteur ont été largement adoptées par la majorité plurielle, au demeurant, en partie responsable de l'échec de la CMP. Le groupe DL reste profondément insatisfait d'un texte attentiste, alors que la chasse espérait une grande loi.

Quelle déception pour les chasseurs comme pour les plus acharnés de leurs adversaires, d'ailleurs ! Quel contraste entre un rapport préparatoire si prometteur et ce texte.

Non, Madame la ministre, Bruxelles n'impose, n'autorise et n'excuse pas tout ! La subsidiarité en effet n'est pas un vain mot, en matière de chasse ! D'autres pays de la Communauté l'ont prouvé.

Sur plusieurs points majeurs votre texte n'apporte aucune réponse satisfaisante.

Les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs ne sont nullement fixées par la loi, mais laissées à la discrétion des préfets sans cadre géographique ni calendrier stricts. On ne va pas vers plus d'harmonie, mais vers plus de contentieux.

La chasse de nuit n'est légalisée que dans 21 départements, alors qu'elle est pratiquée dans 31 et qu'elle est l'une de nos traditions cynégétiques les plus anciennes. Sur ce sujet, rangez-vous à l'esprit de l'amendement mort-né de M. Sicre.

S'agissant du jour de non-chasse, comment ne pas être affligé devant tant d'arbitraire et d'imprévoyance ? Pourtant le droit de propriété est suprême. Vous imposez un jour sans chasse uniforme, sans prévoir un dispositif d'indemnisation des preneurs qui ont contracté des baux de chasse couvrant ce jour. D'ailleurs, il se pratique déjà dans plus de 60 départements. C'est que l'entente entre le préfet et les fédérations sur ce sujet est suffisamment efficace pour que la loi n'ait pas à s'y substituer.

Les défenseurs de ce texte conjuguent une volonté éperdue de compromis et une intransigeance envers tout ce qui pourrait l'améliorer. Remettons-nous en plutôt à la sagesse des sénateurs qui à une large majorité, toutes tendances confondues, adoptent un texte équilibré, constructif et sensé. S'agissant des structures, ne laissons pas les démons familiers de l'étatisme dénaturer la cohérence de l'ensemble. L'Office national de la chasse « et de la faune sauvage », version majorité plurielle, n'est pas qu'un club gentillet et écologiquement correct, il se veut le bras armé d'une recentralisation qui ne se cache même plus. L'ONC doit être paritaire. Il ne doit bénéficier que de fonds publics. Il doit se soumettre au contrôle ministériel. Les fédérations, au contraire, doivent voir leurs compétences et leurs responsabilités accrues. Elles doivent avoir un statut associatif complet. Elles doivent avoir l'Etat pour partenaire, et non comme tuteur. Elles doivent bénéficier de pouvoirs budgétaires renforcés. Donnons-leur les moyens d'accomplir leurs missions locales, et faisons de l'ONC un organisme prêt à les y aider.

Quant à la chasse de nuit, sa légalisation dans tous les départements qui la pratiquent est une nécessité absolue. Gouverner par décret, Madame la ministre, n'est pas de bonne politique.

Apparemment certains ignorent l'intérêt général autant que la richesse de nos traditions ; sans doute sont-ce les mêmes qui s'empressent, derrière la Cour des comptes, de sonner l'hallali autour des fédérations de chasseurs, trop contents d'oublier les dérives budgétaires d'une fonction publique pléthorique et incontrôlable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL). Inscrivons plutôt dans la loi les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage. Et contentons-nous de modifier intelligemment la loi du 3 juillet 1998, au lieu de prétexter quelque diktat européen pour faire passer une conception rétrograde et faussement « cool » de la chasse.

A aucun moment, le Gouvernement n'a daigné justifier la position de la France par rapport à la directive européenne. Or les dispositions de la loi de 1998 sont compatibles avec elle. Les chasseurs sont des gestionnaires de l'environnement, n'en déplaise aux écologistes de salon. Grâce à eux, les populations de cervidés ont considérablement augmenté, des territoires destinés à la friche et les zones humides sont entretenus. Aidés par les collectivités locales, ils ont planté des haies qui freinent l'érosion et facilitent la nidification de la perdrix grise. Ils sont, au sens vrai du terme, des écologistes.

Au lieu de garder les yeux rivés sur Bruxelles, conservons notre bon sens, envisageons une transposition raisonnable d'une directive déjà ancienne, au moment où la France s'apprête à prendre la présidence d'un ensemble qui compte plus encore d'opposants à cette directive qu'il n'y a de chasseurs dans ce pays. Pourquoi ne pourrait-on modifier une directive votée en 1979, quand l'Europe n'avait aucune compétence en matière d'environnement ?

Il nous est donc impossible de voter ce texte qui mécontente et les chasseurs et les écologistes, qui sera source de contentieux sans fin et sur lequel la majorité plurielle a montré son refus du dialogue (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jacques Desallangre - Nous devons trouver une solution à la crise provoquée par les jurisprudences de la Cour de justice européenne et du Conseil d'Etat. Nous devons adopter une loi équilibrée, qui conforte notre tradition de chasse populaire et préserve activement les espèces. Ne cédons donc pas aux extrémistes des deux bords, à ceux qui font de la chasse et de l'anti-chasse des fonds de commerce. Il conviendra, ensuite, que les décrets d'application soient publiés au plus vite, afin que la prochaine ouverture se fasse dans des conditions apaisées.

Il est temps que nous débattions mais aussi que nous améliorions encore le texte afin de parvenir à un équilibre durable, qui préserve la chasse, en tant que pratique culturelle, et, grâce à elle, notre patrimoine cynégétique.

Même si elles semblent légitimes pour peu que nous précisions leur champ d'application, ce sont bien des contraintes qui vont être imposées aux chasseurs par la réduction de la période de chasse, par l'institution d'un jour sans chasse, par le gel du nombre de huttes, par la réforme de la loi Verdeille. Toutes ne sont pas dictées par la recherche de l'euro-compatibilité. Ainsi, l'interdiction de chasser durant une journée est bien une restriction de liberté, dont l'objet n'est pas de préserver les espèces mais de partager l'espace entre chasseurs et non-chasseurs. Ne soyons donc pas trop rigoureux : en multipliant des interdictions non conformes aux m_urs et à notre culture, nous nuirions à l'efficacité de la norme. La chasse de nuit, interdite par une loi de 1844, ne fut-elle pas pourtant régulièrement pratiquée dans certains de nos départements ? Aux termes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la loi ne doit proscrire que les actions nuisibles à la société et la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Voilà qui devrait nous inciter à la précaution. Or la journée de non-chasse restreint une liberté sans que l'action interdite soit réellement nuisible à la société ou à autrui. Aussi, puisqu'il paraît très peu probable que des promeneurs, des non-chasseurs, se trouvent en pleine nuit à proximité des marais ou des prairies inondées, j'ai déposé un sous-amendement afin que cette journée s'étende de 7 heures à 19 heures.

Dans ce même esprit d'équilibre et de proportion, le gel du nombre de huttes peut être envisagé, mais il serait raisonnable de prévoir la possibilité de les déplacer, lorsque les conditions naturelles, écologiques, aquatiques et cynégétiques évoluent. Enfin, s'il est opportun de reprendre à notre compte les préoccupations de la directive, il convient de définir plus précisément les termes employés, afin d'éviter des interprétations juridictionnelles discordantes ou abusives. N'oublions pas que c'est la Cour de justice qui, par son interprétation maximaliste, en imposant une « protection complète » a dénaturé le principe de toute directive alors que rien, scientifiquement, ne permet d'affirmer que la France ne respectait pas ses objectifs, sauf peut-être pour 2 ou 3 espèces. La semaine dernière encore, le Conseil d'Etat a appliqué avec zèle cette jurisprudence abusive, vous contraignant, Madame la ministre, à prendre des mesures contraires à l'intérêt général défini par nos assemblées. Or qui nous gardera des gardiens, sinon le peuple et ses représentants, seuls légitimes pour faire le droit ? Le Gouvernement doit donc s'engager à renégocier la directive si elle s'avérait contraire à notre loi.

Guidé, comme Solon par le souci d'équilibre, le législateur doit adopter des lois répondant aux m_urs, à la culture de nos concitoyens. Tel est l'esprit de nos amendements. Nous ne devons céder à aucun extrémisme, avoir le courage de ne satisfaire pleinement personne pour que demain vive la chasse citoyenne dans un environnement préservé et partagé (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe UDF).

M. Jean-Claude Lemoine - Nous aurions pu consacrer notre soirée à l'examen de quelque texte important repoussé à la prochaine session, si la raison et la sagesse l'avaient emporté face à l'obstination du rapporteur, face aux consignes reçues et aux menaces qui ont fait capituler nombre de nos collègues de la majorité plurielle, qui ont ainsi renié leurs convictions intimes.

Cela aurait été possible aussi si l'excellent amendement raisonnable du président Henri Sicre, accepté par tous les membres du groupe d'études sur la chasse, n'avait été retiré en première lecture, après d'interminables palabres, et s'il avait été adopté par une large majorité, celle-là même qui a voté la loi de 1998...

M. le Rapporteur - Qui a été condamnée.

M. Jean-Claude Lemoine - Cela aurait été possible encore si nos collègues communistes avaient adopté « la position légitime et raisonnable pour la défense de la chasse populaire », de Maxime Gremetz, qui déclarait encore : « il faut supprimer le jour obligatoire de non-chasse, la chasse de nuit doit être légalisée dans les 41 départements concernés. Enfin les dates d'ouverture et de fermeture doivent être inscrites dans la loi et permettre la chasse de juillet au 28 février, selon les espèces avec des dates échelonnées ».

Cela aurait été possible enfin si au moins quelques amendements de bon sens avaient été acceptés, ce qui nous aurait permis de voter un texte acceptable par tous, permettant une chasse apaisée conformément au souhait de notre rapporteur, que son obstination, son intolérance, son obéissance aussi, empêchent de réaliser.

Contrairement à ce qu'il prétend, le texte adopté en première lecture ne satisfait pas 70 % des Français. Qu'on en juge : les chasseurs ont dit haut et fort qu'ils ne voulaient pas de cette loi, tous les sénateurs l'ont refusée, les députés RPR, UDF, DL, non inscrits ont voté contre, leurs collègues communistes, radicaux et nombre de socialistes ont exprimé haut et fort leur hostilité à ce texte même si, par pure discipline, ils ne l'ont pas traduite dans leur vote, jusqu'aux Verts qui, pour d'autres raisons il est vrai, le rejettent aussi...

Lors de la CMP, tous les sénateurs et une forte majorité de députés étaient fermement décidés à parvenir à un texte raisonnable, acceptable par tous, compatible avec la directive européenne, mais, en annonçant d'entrée de jeu « qu'il n'y avait aucune possibilité d'accords » le rapporteur a refusé le débat.

C'est son obstination, son intolérance qui nous conduisent à ce nouvel examen, que nous sommes nombreux néanmoins à aborder avec la volonté d'aboutir à une rédaction permettant d'éteindre l'incendie que vous avez allumé et qui nous menace. Nous sommes prêts pour cela à examiner tous les points litigieux mais, de grâce, laissez votre intolérance au vestiaire et ne vous obstinez pas à revenir au premier texte rejeté par tous. Les points de désaccord peuvent être résorbés si chacun décide en son âme et conscience et non sous la contrainte.

Acceptez de considérer les chasseurs comme des gens responsables aptes à gérer leurs fonds et à organiser la pratique de leur sport. Ils financent la quasi-totalité de l'office national de la chasse, ils doivent donc être majoritaires au sein de son conseil d'administration. Pourquoi les bailleurs de fonds accepteraient-ils de les voir utilisés à des fins opposées à leur destination initiale ?

Acceptez de considérer les chasseurs comme des gens raisonnables, qui ont prouvé leur aptitude à sauvegarder le patrimoine cynégétique.

M. Patrice Martin-Lalande - Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine - On le voit avec les plans de chasse aux grands animaux, que les chasseurs ont instaurés spontanément et avec l'augmentation des indemnisations pour dégâts de gibiers.

Contrairement à l'image de destructeurs que leurs opposants veulent leur donner, les chasseurs n'ont pas tué suffisamment d'animaux, ils n'ont pas maintenu un équilibre idéal, mais permis une prolifération de certaines espèces. C'est uniquement grâce à eux que les oiseaux migrateurs trouvent sur notre territoire des zones humides pour leur repos et des réserves pour leur tranquillité. Les chasseurs méritent donc qu'on leur fasse confiance. Or c'est bien la défiance qui pointe tout au long de votre texte.

Acceptez la discussion en sortant de votre prison idéologique ! Reconnaissez que l'échelonnement des dates d'ouverture et de fermeture dans le temps et dans l'espace est logique et raisonnable, et que les dates que nous proposons sont souvent plus restrictives que celles qu'appliquent nos voisins, membres de l'Union européenne. Acceptez que la chasse de nuit soit légalisée dans tous les départements où la tradition existe depuis longtemps. Ne brisez pas les derniers espoirs de beaucoup de Français. Parvenons à un consensus. Que la bonne foi de tous et le bon sens l'emportent sur l'idéologie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Christian Bataille - Nous voici donc amenés à préciser à nouveau nos positions.

Bien entendu la majorité de l'Assemblée rejettera, j'en suis sûr, le texte du Sénat, et refondra le projet sur la base de l'accord réalisé en première lecture. N'en déplaise à M. Lemoine, il est urgent d'aboutir, et il serait grave que l'été commence sans que nous disposions d'une loi.

Le texte auquel nous sommes parvenus respecte les préoccupations et les droits de chacun, chasseurs et non-chasseurs. L'équilibre ainsi réalisé procède de la conviction que la législation sur la chasse doit évoluer, et que, depuis le XIXe siècle, les temps ont changé. Au groupe socialiste, nous avons cherché à dessiner des espaces de compromis, et nous devons en dégager encore. Ainsi j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt notre collègue Liberti faire des propositions. De fait le groupe communiste a toute sa place à tenir dans l'élaboration de la loi. Nous attendons avec intérêt les réponses que le rapporteur et le Gouvernement apporteront à François Liberti, dont certaines suggestions paraissent assez raisonnables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Une portion importante de la population apprécie le texte voté en première lecture.

M. Jean Auclair - Venez donc voir chez moi !

M. Christian Bataille - J'ai pu le constater dans ma circonscription.

M. Jean Auclair - Demandez à Vincent Peillon !

M. Christian Bataille - Il existe parmi les chasseurs des gens raisonnables et tolérants, qui n'éprouvent pas le besoin de faire tant de tapage en faveur du conservatisme et de la réaction, pour manifester leur attachement à un monde rural de convention, conçu comme immuable et condamné à demeurer figé dans des principes éternels. Le groupe socialiste, qui est progressiste, ne peut qu'être partisan d'une évolution.

L'opposition a tort d'écouter seulement les protestations les plus bruyantes. Elle se trompe en n'entendant pas toute une partie de l'opinion.

Une nouvelle saison de chasse va s'ouvrir, un an après que le Premier ministre a confié à François Patriat la tâche de moderniser le droit de la chasse. Faut-il compromettre tous les efforts réalisés et parier sur un été d'affrontement ? A chacun de décider.

Je salue pour ma part la façon dont le rapporteur, dont nous sommes fiers, a su faire preuve d'esprit d'ouverture et de dialogue.

En Europe comme en France, nous serons jugés sur notre capacité à résoudre un problème qui n'a que trop duré et pour lequel nous cédons à nos pires démons.

Je vous invite donc à faire bloc derrière notre rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Le Nay - Au nom du groupe UDF, j'exprime le regret et la déception que la réunion de la CMP du 29 mai ait abouti à un échec. En effet, il était possible de trouver un accord acceptable.

Il nous faut donc aujourd'hui procéder à une nouvelle lecture d'un texte qui, s'il demeure conforme aux amendements adoptés par la commission, sera loin de son objectif premier : adopter une loi pour une chasse apaisée.

Lors de la première lecture, le texte avait été adopté par une très courte majorité, une opposition forte s'étant manifestée à l'encontre de plusieurs articles, y compris sur certains bancs de la majorité.

C'est sur des points essentiels comme l'inscription ou non dans la loi des périodes de chasse aux oiseaux migrateurs, la fixation d'un jour de non-chasse, la liste des départements dans lesquels la chasse de nuit devait être autorisée, la composition du conseil d'administration de l'Office national de la chasse, que le Sénat dans sa grande sagesse a amendé le projet, dans un large consensus.

Le rôle du législateur est de tout faire pour rétablir des débats sereins et constructifs entre défenseurs et opposants à la chasse. La CMP aurait pu y parvenir, comme Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, en a fait la démonstration, rappelant en particulier que la quasi-totalité des amendements examinés par le Sénat avait été adoptée sans opposition.

A contrario, François Patriat, estimant que le vote du Sénat était maximaliste, n'a pas souhaité plaider en faveur d'une solution de compromis.

Nous regrettons une position si tranchée et une telle intolérance, qui laisse présager que cette nouvelle lecture risque de se dérouler dans une atmosphère de blocage où seuls les amendements du rapporteur et sans doute quelques amendements des Verts seront pris en compte.

Pourtant, le texte du Sénat comporte sur bien des points des rapprochements avec des amendements que nous avions défendus en première lecture et que vous aviez rejetés.

Je pense notamment à l'organisation des assemblées générales des fédérations de chasse, ou à l'élargissement de la tutelle au ministère de l'agriculture, le point essentiel demeurant l'inscription dans la loi des dates de chasse aux oiseaux migrateurs.

Il eût été utile pour cela que le contentieux en cours au niveau européen soit négocié avec la Commission européenne en utilisant les rapports et les propositions avancés sur le plan scientifique. Or les démarches entreprises par le Gouvernement français ont été très insuffisantes, et les condamnations dont nous faisons l'objet sont les conséquences de ce laxisme. Aucun de nous ne souhaite adopter un texte contraire à la directive européenne, qui au demeurant ne fixe pas les dates de chasse.

Si notre pays est condamné, c'est avant tout parce qu'il ne s'est pas défendu, car personne ne peut nier que les dates de migration ou de nidification varient d'un département à l'autre. En conséquence, une modulation des dates de chasse est absolument souhaitable.

Si donc la loi française définissait des dates en tenant compte de la jurisprudence européenne, nous éviterions tout contentieux national.

En dehors de ce point essentiel, très peu de choses empêchait d'aboutir à un accord, qui montre bien que les positions quasiment unanimes des sénateurs ne sont pas maximalistes.

La gestion du milieu naturel doit être la préoccupation de tous, chasseurs et non-chasseurs, une préoccupation permanente et non pas, Monsieur le rapporteur, résumée dans votre formule : « six mois de gestion, six mois de chasse ». Car une gestion cynégétique bien comprise s'effectue durant tous les mois de l'année.

C'est à quoi s'emploient les fédérations de chasse, dont les responsables souhaitent que la loi leur donne les moyens de faire respecter les règles que s'imposent les chasseurs, et qui vont souvent au-delà des prescriptions légales, puisque certaines fédérations interdisent déjà la chasse un, voire plusieurs jours par semaine.

Des réserves naturelles permettent de suivre l'évolution des espèces ; elles trouvent bien souvent leur origine dans les initiatives des instances cynégétiques départementales, qui ont effectué un travail remarquable depuis de nombreuses années. Je citerai le travail réalisé sur le suivi des migrations de la bécasse en forêt de Pontcalleck. Les exemples de ce type ne manquent pas. Ils témoignent que la gestion cynégétique n'est pas un vain mot, mais bien une réalité quotidienne si l'on en juge par ce que nous en font découvrir les responsables de la chasse. Ils sont les premiers à regretter les exactions d'une minorité non respectueuse des règles.

C'est pourquoi nous demandons avec insistance que la loi donne aux fédérations et aux associations de chasse les moyens de se doter d'agents assermentés chargés de veiller à la bonne application des règlements.

Je souhaite en conclusion que le texte définitif qui sera adopté par notre Assemblée n'apporte pas davantage de déceptions que d'espoir, et que nous puissions voter un texte équilibré, pour une chasse apaisée.

Nous formulons, pour l'instant, les plus grandes réserves, mais il ne nous est pas interdit de croire que la clairvoyance et la lucidité du plus grand nombre permettront d'améliorer sensiblement le texte du Gouvernement.

C'est ce que nous vous proposerons au travers de nos amendements et sous-amendements, cosignés par les trois groupes de l'opposition, et c'est en fonction des progrès réalisés que le groupe UDF se prononcera lors du vote (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Bien que la CMP ait échoué, il devrait être possible de sortir de ce débat « par le haut ». Encore faut-il, pour cela, accepter les compromis nécessaires, ceux qui permettront l'exercice d'une chasse responsable et apaisée et, donc, la préservation d'un droit ancestral et républicain.

Lors du vote, en première lecture, nous nous sommes abstenus, et mon collègue Liberti avait alors expliqué pourquoi : nous considérions que ce texte devrait être sérieusement amélioré sur trois points : le jour de non-chasse devait s'entendre du lever au coucher du soleil ; l'autorisation de chasse de nuit devait être étendue à huit autres départements, dans lesquels elle est traditionnellement pratiquée ; enfin, un calendrier national des dates de chasse devait être fixé, qui permette, espèce par espèce, une gestion durable de la ressource.

Sur ce dernier point, dire que ma surprise est grande est un euphémisme. J'ai sous les yeux le projet de décret que vous entendez voir publier, Madame la ministre, et le seul qualificatif qui lui convienne est « inacceptable » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Par souci de compromis, nous avions accepté que les dates de chasse soient fixées par décret, alors que nous les souhaitions inscrits dans la loi. Mais, de tous les décrets possibles, celui-ci est le pire, et personne ne peut s'en satisfaire. Nous voulons croire que votre souci est, comme le nôtre, d'apaiser la controverse. C'est pourquoi nous en appelons solennellement au Gouvernement et à la majorité plurielle pour qu'ils acceptent un compromis. C'est tout à fait possible : il suffit de reprendre l'amendement Sicre !

M. Yves Cochet - Pas du tout !

M. Maxime Gremetz - Tiens, vous êtes arrivé !

Mme la Ministre - Votre désir est-il que la France soit condamnée à Bruxelles ?

M. Maxime Gremetz - Je le répète, un compromis raisonnable peut être trouvé, puisque les bases en existent. De sa réalisation dépendra le vote communiste (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe du RPR).

M. Didier Quentin - Ce qu'il faut bien qualifier d'entêtement idéologique fait que le compromis équilibré que tout le monde semblait appeler de ses v_ux, et qui est possible, s'éloigne.

L'inscription des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse dans la loi calmerait les esprits et assurerait, pour l'avenir, une chasse apaisée. Vous souhaitez au contraire, Madame la ministre, fixer ces dates par la voie réglementaire, et vous prétendez ainsi vous conformer aux directives européennes.

M. le Rapporteur - C'est le Conseil d'Etat qui le demande !

M. Didier Quentin - Mais nous savons bien que certaines organisations écologistes attaqueront les décrets ! Vous ouvrez donc la voie à de nombreux recours qui ne manqueront pas de raviver les passions... Nous pouvons parier qu'il y aura autant de recours que de départements !

Vous prétendez, par ailleurs, recentrer les missions de l'Office national de la chasse. Mais, en le rebaptisant Office national de la chasse et de la faune sauvage, vous élargissez ses missions, en le transformant en un véritable observatoire de la faune.

De plus, vous modifiez la composition du conseil d'administration du nouvel office, en réduisant le rôle des chasseurs à celui de simples observateurs, tout en envisageant d'augmenter le prix du permis de chasser, afin de financer les nouvelles missions. Il est pour le moins choquant de faire financer des actions anti-chasse par l'argent des chasseurs !

Ensuite, loin de libérer les fédérations de chasseurs de la tutelle de l'Etat, vous décidez qu'il revient au ministère chargé de la chasse de déterminer le prix maximum des cotisations des chasseurs. Je souligne au passage, que nous sommes nombreux à souhaiter que ce ministère soit à l'avenir celui de l'agriculture...

Par ailleurs, vous mettez en danger l'équilibre financier des fédérations, en ne prévoyant pas un fonds de réversion d'une partie de la redevance du timbre « grand gibier », et en obligeant ainsi les fédérations à assumer seules l'indemnisation des dégâts, notamment dans les cultures. En Charente-Maritime, cela aurait pour effet de faire passer le prix du bracelet du sanglier de 150 F à plus de 450 F ! (« C'est honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

On voudrait réduire l'influence des fédérations et supprimer la chasse populaire que l'on ne s'y prendrait pas autrement !

Le compromis supposerait également de préserver la chasse de nuit. En la matière, la directive européenne à laquelle vous faites si souvent référence n'interdit nullement la chasse de nuit. Elle en réglemente seulement les conditions et les moyens. Pourquoi, d'ailleurs, ne pourrions-nous pas en renégocier les termes ?

Mais ce qui frappe dans votre approche, Madame la ministre, c'est que les chasseurs sont toujours considérés comme non-respectueux de la nature. Cette vision est pour le moins caricaturale, comme le sont les nombreuses man_uvres conduites ces derniers temps pour discréditer le monde de la chasse...

Je tiens au contraire à souligner l'esprit responsable de la plupart des chasseurs et d'abord de leurs fédérations départementales, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien et la conservation des habitats. Ainsi, dans mon département, les chasseurs de gibiers d'eau ont démontré leur capacité à gérer durablement les zones humides. Sans eux, certains marais seraient aujourd'hui complètement asphyxiés ! C'est bien la preuve que les chasseurs prennent en compte la nature dans son ensemble.

D'autre part, en ne donnant pas un vrai statut aux agents fédéraux, vous allez à l'encontre de la création ou du maintien de ces emplois, vous fragilisez le contrôle des plans de gestion de chasse, et vous condamnez leur rôle, essentiel, dans la lutte contre le braconnage. Il convient pourtant de souligner que les missions des agents fédéraux ne concurrencent pas celles de l'ONC. En retirant aux associations communales de chasse agréées la prévention et la répression du braconnage, vous n'allez pas non plus dans le sens de ce que vous dites rechercher, à savoir un plus grand respect de la nature.

De plus, vous fragilisez ce « lieu de dialogue » que constituent les ACCA en rétablissant des droits abusifs au profit des acquéreurs de micro-parcelles et en réduisant le délai d'opposition. Ces mesures seront immanquablement sources de nombreux conflits relatifs, notamment, à l'entretien des parcelles.

De plus, avec le « mercredi sans chasse », le risque est grand de voir se multiplier les chasses en enclos qui nuisent à l'organisation rationnelle de la chasse.

Autant de mesures qui ne vont pas dans le sens recherché à l'origine par votre projet de loi, de mettre un terme aux nombreux conflits dont la chasse est l'objet !

M. le Rapporteur - Vous vous trompez de discours !

M. Didier Quentin - En revenant au texte initial, votre majorité prend le risque d'enflammer les campagnes, car c'est l'avenir du monde rural qui apparaît menacé ! Vous ne pouvez pas ignorer cette réalité ni la détermination des chasseurs. Ce texte est lourd de menaces pour l'activité cynégétique, alors qu'il n'y a aucune contradiction entre l'amour de la nature et la défense de la chasse.

Madame la ministre, par entêtement idéologique, vous vous éloignez d'une chasse apaisée, responsable et moderne. Nous sommes très nombreux, des deux côtés de l'hémicycle, j'en suis sûr, à déplorer ce formidable gâchis ! Vous pouvez encore l'éviter en adoptant les amendements constructifs et équilibrés que mes collègues de l'opposition et moi-même allons présenter (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Noël Mamère - Depuis que nous discutons de cette loi sur la chasse, je n'entends sur tous les bancs, dans cette assemblée comme au Sénat, que les mots « pacification », « esprit ouvert », « apaisement », « compromis » et « fin des contentieux ». Or, que s'est-il passé ?

La chasse était en crise à la suite de nombreuses décisions de justice et parce que la ministre de l'environnement avait simplement envisagé d'appliquer la loi. En fait, la crise concernait une minorité de chasseurs ; certains chasseurs de gibier d'eau et quelques dirigeants de la chasse.

Pour essayer d'y mettre fin, le Gouvernement a confié à l'un des nôtres une mission. Je tiens ici à saluer le courage et l'intelligence de notre collègue Patriat et le remarquable travail qu'il a effectué. Il a compris les problèmes et proposé des solutions raisonnables.

Madame la ministre, nous avons apprécié votre capacité de résistance devant les attaques souvent indignes du Sénat. Vous avez su tenir ferme sur vos positions et essayé d'explorer toutes les voies du compromis que nous avions trouvé en première lecture.

Sur la base du rapport Patriat, le Gouvernement avait présenté un projet de loi ; bien sûr, il ne satisfaisait personne, ce qui est le propre des compromis, mais la majorité des protecteurs de la nature et des chasseurs modérés était prête à l'accepter, et l'on pouvait vraiment parler de tentative de pacification. Lors de la première lecture par notre assemblée, l'extrémisme de certains a failli tout faire échouer mais notre rapporteur a tenu bon et le pire a été évité. Néanmoins l'équilibre a été déplacé vers l'extrême chasse, et ce n'est pas de gaieté de c_ur que nous avons voté le texte. Nous voulions donner une chance à l'initiative du Gouvernement et de notre ministre de l'environnement ; cette chance, c'est cette deuxième lecture : nous devons travailler contre les extrémismes des deux bords, alors que le Sénat a massacré notre texte et réhabilité les pires anachronismes, comme le fait de déclarer la buse nuisible.

Les chasseurs que je rencontre dans ma région ont honte de ce qui se passe ici. Certes ils voudraient chasser le plus longtemps possible, mais ils sont prêts à chasser moins pour chasser mieux. Ils ont surtout envie de s'exprimer dans leur fédération et de choisir démocratiquement leurs porte-parole.

Alors, cessons de caricaturer les chasseurs (« Ah oui ! « sur les bancs du groupe UDF). La chasse doit être défendue ; la meilleure façon de la défendre, c'est de rester raisonnable, d'établir un système démocratique et financièrement transparent, de respecter nos engagements internationaux et de permettre aux chasseurs d'être des protecteurs de la nature. Comme l'a dit notre rapporteur en commission, « une loi sur la chasse ne doit pas être une loi pour les chasseurs, mais une loi pour tous ».

Les vrais chasseurs en ont assez des fraudes au permis de chasser et des détournements d'argent. Le récent rapport de la Cour des comptes met en lumière un système étrange, qu'un ancien responsable de CPNT a jugé ce matin dans Le Parisien proche d'un système mafieux. Dès lors que les cotisations des chasseurs aux fédérations sont obligatoires, l'Etat doit en contrôler l'utilisation.

Les députés Verts abordent ce débat avec réalisme. Ils considèrent que le bon compromis était le projet déposé par le Gouvernement, mais ils sont prêts à accepter le texte voté en première lecture, sous réserve de deux modifications non négociables concernant l'amendement sur l'ours et le contrôle de l'utilisation des cotisations obligatoires aux fédérations de chasse.

Nous voulons une loi qui prenne en compte les non-chasseurs. Je demande à mes collègues de ne pas détruire le compromis si difficilement acquis en première lecture ; si nous y revenons, avec les deux modifications que je viens d'indiquer, nous voterons ce texte ; dans le cas contraire, nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Morin - Madame la ministre, j'aimerais vous convaincre que les chasseurs sont les plus grands protecteurs de l'environnement, les plus grands écologistes.

Mme la Ministre - Ça commence bien !

M. Hervé Morin - Nous sommes des amoureux de la nature, contrairement à l'image que vous tentez de véhiculer du chasseur ivrogne et assoiffé de sang. Les chasseurs protègent des biotopes, défendent des habitats, ou patrimoine cynégétique, les zones humides et les forêts, financent des études, contribuent à maintenir des espèces : aujourd'hui, il ne volerait plus un seul perdreau sur le territoire national si les chasseurs n'étaient pas là. Contrairement à ce que vous pensez, Madame la ministre, un chasseur préfère voir voler, courir, caqueter que tuer : son plus grand plaisir est, comme dans l'amour, plutôt avant qu'après...

Malheureusement, vous avez créé un climat de défiance tel que plus personne ne vous croit lorsque vous affirmez souhaiter que les positions s'harmonisent. Si l'on considère que les chasseurs sont des protecteurs de l'environnement, on n'a pas besoin d'instituer un jour de non-chasse, ou de limiter la période de chasse car un chasseur sait que s'il chasse trop, l'année suivante il ne chassera plus.

Je souhaiterais que le Gouvernement soit particulièrement vigilant sur le rôle de l'Europe. L'Europe doit s'occuper des grandes choses, mais certainement pas des traditions locales. Elle n'a aucune raison de fixer les dates d'ouverture de chasse de gibiers sédentaires.

Ce n'est pas en mettant en cause des traditions qu'on fera accepter la mondialisation par les Français... La chasse fait partie de ces cultures communes que nous transmettons à nos enfants. Madame la Ministre, nous ne sommes pas les défendeurs d'un lobby, mais nous considérons que la démocratie doit laisser aux chasseurs la place qui leur revient (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Cochet remplace M. Ollier au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

M. Pierre Ducout - L'impossibilité de trouver un accord en CMP a résulté de la position extrême de la droite, exigeant que les dates d'ouverture et de fermeture soient fixées par la loi parce qu'elle ne faisait pas confiance au Gouvernement pour en décider par décret.

Pour ma part, j'ai voté le texte adopté en première lecture. Madame la ministre s'était engagée à présenter pour la deuxième lecture un projet de décret déterminant les dérogations ouvertes par notre rédaction de l'article 10.

Ces deux derniers mois, le souhait de notre rapporteur d'aller vers une pratique apaisée de la chasse n'a pas été réalisé. Il faut dire que les médias cherchent plutôt à attiser les braises... Par ailleurs, certains groupements ont intérêt à laisser ouverts des contentieux sur la chasse. Enfin, certains chasseurs ont fait preuve d'une immaturité qui les a conduits à des actes inadmissibles.

Néanmoins, un journal de l'après-midi a rapporté aujourd'hui les résultats d'une étude qui montre que la chasse n'est pas un réel thème de conflit de société, qu'elle n'est pas associée aux menaces sur l'environnement et que personne n'imagine qu'elle puisse être interdite.

En Gironde où la chasse, respectueuse de la nature, est une pratique populaire et un fait culturel majeur, j'ai eu l'occasion de parler avec un grand nombre de chasseurs et de non-chasseurs. Je considère que votre proposition de décret va dans le bon sens, même s'il est en retrait par rapport à ce que certains espéraient. La date du 28 février aurait pu être avancée, en particulier pour la grive dans le Sud-Est. Pour le jour de non-chasse, le principe de subsidiarité aurait pu être appliqué aux régions. Un non-chasseur m'expliquait que pour lui l'essentiel était de pouvoir se promener, tranquillement, mais qu'il appréciait les aménagements des tonnes pour la chasse de nuit au gibier d'eau.

En commission, nous avons sérieusement préparé cette deuxième lecture. Nous avons repris, pour l'essentiel, le texte adopté en première lecture, en particulier l'amendement très important sur la sécurité.

Avec le groupe communiste, la commission a examiné une composition équilibrée de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Elle a réfléchi à une lecture intelligente du jour de non-chasse, en l'appliquant aussi aux espaces clos : ce problème risque d'être lourd de conséquences dans les régions où la propriété privée prédomine.

En conclusion, j'espère que nous parviendrons à un texte satisfaisant à la fois pour les chasseurs et pour les non-chasseurs, eurocompatible et voté par toute la majorité plurielle sinon par l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - L'objectif qui doit nous réunir est celui d'une chasse apaisée.

Certaines dispositions, soutenues sur tous les bancs, ont déjà permis des progrès : reconnaissance de la mission, donc de la légitimité de la chasse, permis assisté, réforme des ACCA, chasse aux heures crépusculaires.

Mais, sur d'autres points, le texte issu des travaux de la commission n'est malheureusement pas acceptable.

Par exemple, en ce qui concerne le jour de non-chasse, il est dangereux d'affirmer ou de laisser entendre que la nature appartient à tout le monde et qu'il suffirait de résoudre les problèmes de calendrier pour que les uns et les autres se la partagent alternativement.

La nature appartient le plus souvent à des propriétaires privés à qui le code civil reconnaît des droits assortis de devoirs. Quiconque pénètre sur une propriété sans autorisation est en infraction avec la loi. On ne peut à la fois invoquer le droit de propriété, comme la loi le fait à juste titre pour laisser la liberté de ne pas être inclus dans une ACCA, et laisser entendre, à propos d'un autre article, que l'accès aux propriétés serait possible les jours de non-chasse.

Ce n'est pas la chasse mais le code civil et le devoir de respecter la propriété, qu'elle soit privée ou publique, qui fait obstacle à l'entrée dans les propriétés privées.

Bien évidemment, les chasseurs ont des devoirs, dont celui de sécurité. Du reste, c'est l'impression d'insécurité qui est à la source de nombreuses crispations, même si les accidents sont moins nombreux que dans d'autres sports dangereux que personne ne songe à supprimer. Cela dit, il faut exiger le respect des règles de sécurité et, à cet égard, il y a des progrès à faire dans l'examen du permis de chasser.

Mais il faut organiser autrement la cohabitation avec d'autres usagers de la nature, par exemple les randonneurs, qui doivent voir leur place au sein de l'ONC et du CSCFS. Il faut ouvrir le dialogue pour trouver ensemble le bon usage du patrimoine public naturel.

Natura 2000 est un autre chapitre sensible. Il faut réaffirmer sa compatibilité avec la chasse et la possibilité d'inclure dans les conventions de gestion Natura 2000 des aides pour certaines pratiques de chasse ou de gestion de l'habitat par les chasseurs.

Pour ce qui est des dates, le texte de la commission est inacceptable.

En cette matière, une loi ou un décret sont fragiles, si le Gouvernement continue de ne pas défendre les positions de la France à Bruxelles. Plus généralement, à terme, la gestion par les prélèvements devrait l'emporter sur la gestion par le calendrier.

Enfin, en première lecture, j'avais proposé la création d'un observatoire européen des oiseaux migrateurs du paléarctique occidental. Le Gouvernement entend-il mettre à profit la présidence française de l'Union européenne pour faire aboutir cette idée ? A-t-il aussi l'intention de réaffecter le timbre gibier d'eau à son objet initial, à savoir l'étude des oiseaux et des migrations ?

J'observe aussi que la nouvelle composition tripartite du conseil d'administration de l'ONC est déséquilibrée.

N'est-il pas anormal que les chasseurs, qui financent l'essentiel du budget de cet office soient minoritaires dans son conseil d'administration ?

Enfin, j'ai constaté en Sologne que les dégâts de gibier empêchent les cultures d'atteindre le niveau qualitatif et quantitatif imposé par les règles de la PAC pour bénéficier des primes. Il ne faut pas que l'agriculteur soit doublement pénalisé : d'une part au titre de la PAC, d'autre part en ne percevant qu'une indemnisation limitée. Il convient d'assurer une couverture complète du préjudice subi par l'agriculteur.

En conclusion, l'objectif d'un texte équilibré pour une chasse apaisée n'est malheureusement pas atteint. Je ne pourrai donc voter ce projet qui ne prépare pas la chasse de la France de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - La plupart des Français ont été consternés par le sort que le Sénat a réservé au texte que nous avions voté en première lecture. Adoptant une attitude irresponsable, illustrant l'immobilisme maintes fois dénoncé de la Haute Assemblée. Celle-ci ignore la volonté d'une majorité de Français, mais aussi nos engagements internationaux et l'évolution défavorable de certaines espèces.

En revenant ainsi sur les dispositions équilibrées que nous avions retenues, le Sénat a ravivé une guerre ridicule et indigne qui fait honte à la France et aux Français (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il serait grand temps de voter un texte de modernisation, pour employer un terme à la mode, car depuis la loi de 1790 qui liait le droit de chasse au droit de propriété, la chasse et l'état de conservation des espèces ont évolué.

A ceux qui prétendent qu'il n'y a personne la nuit dans les marais, je réponds « si ». A ceux qui disent que seuls les chasseurs nourrissent le gibier, je réponds « non ». Les amoureux de la nature ne sont pas exclusivement du côté des chasseurs.

En première lecture de ce projet, le Parlement a usé de son droit inaliénable de discussion. Revenir aujourd'hui sur un texte adopté majoritairement m'apparaîtrait comme un manque d'honneur de la part de parlementaires responsables (Protestations sur divers bancs). Serions-nous à ce point versatiles, au risque de conforter le profond mépris que certains citoyens portent aux hommes politiques ?

Avant de conclure, je salue l'attitude du rapporteur et de Mme la ministre qui ont montré leur capacité d'ouverture et de dialogue.

Pour finir, je réponds à M. de Courson : « Timeo Danaos et dona ferentes ». Je lui laisse le soin de traduire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Dufau - Après l'échec de la commission mixte paritaire, la commission a proposé de revenir, pour l'essentiel, au texte adopté par notre assemblée en première lecture.

Il faut dépassionner ce débat et rechercher une solution équilibrée permettant qu'aucun camp ne soit floué. Dépassons la querelle de l'urbain et du rural. La France a changé et 80 % de nos concitoyens vivent sur 20 % du territoire. Cette réalité induit des pratiques sociales de la nature, de la faune et de la flore différentes. Le droit à la différence existe. Mais personne n'a le monopole de la nature et de son usage. Le principe de la majorité sociologique ne doit pas aboutir à contraindre une minorité. Urbains et ruraux sont donc condamnés à s'entendre et même à se respecter.

Seule une attitude ouverte et raisonnable permettra de remplir ce que François Patriat appelait une « mission impossible ». Il est temps de prouver qu'« impossible n'est pas français » !

La transposition de la directive oiseaux de 1979 est impérative et la loi que nous allons adopter doit être euro-compatible pour éviter les contentieux.

Dans la foulée du rapport Patriat, le Gouvernement a eu le courage de nous soumettre un projet de loi que l'Assemblée a amendé et amélioré, sans démagogie. Vous avez fait preuve en première lecture, Madame la Ministre, d'esprit d'ouverture en acceptant des avancées sensibles sur le texte initial.

Le texte fixe les droits et devoirs des chasseurs mais aussi de ceux qui ne chassent pas. La journée de non-chasse est confirmée. La chasse de nuit et à la passée est légalisée dans vingt départements et le rapporteur propose de préciser les territoires où la chasse de nuit pourra être autorisée. Les structures cynégétiques sont modernisées, les missions d'intérêt général conférées aux fédérations régies par le principe démocratique « un homme - une voix »... On pourrait allonger cette liste.

Reste la délicate question des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier migrateur, qui a toujours été la pierre d'achoppement.

Vous vous êtes engagée au nom du Gouvernement, Madame la Ministre, à publier les décrets en Conseil d'Etat fixant les dates du 1er septembre au 31 janvier avec possibilité d'extension à compter du 10 août et jusqu'au 10 février pour certaines espèces. C'est un premier geste auquel l'Assemblée a été sensible. Mais si cette extension concerne le seul domaine public maritime, c'est grave. Les chasseurs de gibier d'eau des estuaires pourraient en bénéficier mais des plans d'eau, comme les étangs landais, en seraient exclus. C'est inadmissible. Cette extension doit s'appliquer à des espèces et non au statut administratif des territoires (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Sinon les études scientifiques seraient le prétexte à un mauvais coup discriminatoire.

M. le Rapporteur - Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau - Ce serait inacceptable. Mais j'ai sans doute mal compris. Je suis persuadé que l'on peut obtenir des garanties sur ce point majeur. Par ailleurs, plusieurs pays ont obtenu des dérogations et il est possible d'en obtenir de Bruxelles pour certaines espèces comme le pigeon, la bécasse, la grive ou l'oie.

Si le Gouvernement en a la volonté, il peut, j'en suis convaincu, rassembler la majorité plurielle et au-delà en acceptant d'étendre les périodes de manière sélective et responsable.

M. Patrick Malavieille - Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau - L'essentiel est de préserver les espèces. Pour cela les plans de gestion restent l'outil principal.

Il n'est pas simple de conduire une « mission impossible ». Mais j'en appelle à la responsabilité de chacun.

Pierre Mendès-France avait coutume de dire « Gouverner c'est choisir ». Je ne doute pas du choix du Gouvernement en faveur d'une chasse apaisée, responsable et durable. Son choix guidera le nôtre. Nous sommes sur le point d'aboutir. La directive européenne de 1979 relative à la chasse trouvera sa transcription définitive dans les lois de la République, si nous le voulons tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Henri Sicre - En janvier, le colloque sur la chasse que nous avions organisé, n'était pas satisfait des premiers textes annoncés par le Gouvernement. Mais nous n'étions pas opposés à ce qu'il subsiste un large domaine réglementaire. Le projet de loi a été amendé, mais le projet de décret ne donne pas satisfaction. En deuxième lecture, tout reste à discuter.

L'entêtement à réserver la chasse de nuit à une vingtaine de départements n'était plus tenable. Sur l'organisation de la chasse, il reste beaucoup à faire. Je regrette les invectives qui ont marqué le début de la discussion car s'il est vrai que des fédérations de chasseurs ont commis des actes maladroits, voire coupables, toutes ne sont pas malhonnêtes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Nous souffrons assez nous-mêmes de l'amalgame en cas d'acte indélicat pour ne pas le pratiquer. Cherchons avant tout la sagesse.

Les périodes de chasse sont le point le plus délicat. En 1994 et 1998, le Parlement a obligé les gouvernements à faire voter une loi. Le projet de décret n'étant pas satisfaisant, j'avais déposé un amendement pour échelonner les dates d'ouverture suivant des critères géographiques et de fermeture suivant les espèces. J'avais précisé qu'il fallait procéder à des vérifications. Nous disposions d'un mois et demi avant la première lecture au Sénat et de deux mois avant la deuxième lecture à l'Assemblée pour nous faire des convictions. Je ne pense pas que la réflexion ait eu lieu.

Mme la Ministre - Si.

M. Henri Sicre - Malgré cela, j'avais retiré mon amendement après l'engagement du Gouvernement d'en tenir compte.

Mais nous voici revenus à la case départ. On parle de compromis. Mais qui l'accepterait ? Le raisonnable, c'est de chercher ce que la directive européenne nous interdit et nous permet. Les avis motivés de la Commission européenne sur les lois de 1994 et 1998 sont de bonnes indications. On peut en conclure par exemple qu'elle accepte que la bécasse soit chassée jusqu'au 28 février.

J'ai déposé un amendement en seconde lecture car les projets de décret ne nous donnent pas satisfaction.

Plusieurs députés socialistes - Eh oui !

M. Henri Sicre - Qu'on ne dise pas qu'il va trop loin. En 1998, nous envisagions de prolonger la chasse pour 33 espèces, cette fois il n'y en a que 12.

M. François Liberti - C'est vrai.

M. Henri Sicre - Il faut que le Gouvernement s'engage aujourd'hui à ouvrir des discussions avec Bruxelles pour éviter que les tribunaux administratifs n'engagent des contentieux.

Plusieurs députés RPR - Il ne peut pas !

M. Henri Sicre - Le 14 février 1998, dans Sud Ouest, le Premier ministre parlait bien d'une telle discussion pour que la spécificité de la France soit prise en compte. Pourquoi pourrait-on chasser une espèce jusqu'au 28 février en Espagne et en Belgique et jusqu'au 31 janvier seulement en France ? La présidence française de l'Union doit être exemplaire. Elle le peut car les fédérations de chasseurs ont pris des engagements remarquables pour gérer le lièvre ou la perdrix. La France doit donc proposer aussi la gestion des gibiers migrateurs et nous voulons que les plans de gestion soient transcrits dans la loi et s'appliquent ensuite dans tous les pays traversés par les oiseaux migrateurs. Aujourd'hui, pour quatre ou cinq fois le SMIC que gagne un chasseur de la Somme, on peut aller chasser ces mêmes oiseaux dans les zones humides d'Afrique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Que la France développe pendant sa présidence une vision globale de la gestion des oiseaux migrateurs. En attendant, qu'elle ne soit pas la plus malthusienne sur les périodes de chasse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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FAIT PERSONNEL

M. Charles de Courson - L'article 58-6, proscrit « toute attaque personnelle, toute interpellation de député à député, toute manifestation ou interruption troublant l'ordre ». Or vous m'avez, Monsieur le rapporteur, personnellement attaqué à deux reprises.

Vous m'avez tout d'abord traité de hobereau. Je vous souhaite d'en connaître beaucoup comme moi...

M. le Rapporteur - Ce n'est pas une insulte !

M. Charles de Courson - J'avais moi-même dit avec beaucoup d'humour à Mme la ministre en première lecture qu'un hobereau de l'Ancien régime n'aurait pas osé supprimer de la sorte le droit de chasse aux fermiers...

Vous avez porté une autre attaque personnelle, en prétendant que ma volonté d'étendre le droit de non-chasse aux territoires limitrophes était liée à la défense d'intérêts personnels. Or, si j'ai hérité quelques bois de mon père, je vous indique qu'ils sont loués pour une somme symbolique à la société de chasse de mon village et à celle du village voisin.

Nos collègues communistes, parfaitement réguliers, ont regretté ces attaques personnelles que je vous demande de retirer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Rapporteur - Pendant quinze minutes, vous m'avez mis en cause personnellement, affirmant même que j'avais lancé un appel à la délation.

M. Charles de Courson - Vous l'avez dit en commission !

M. le Rapporteur - J'ai dit que l'on pouvait procéder par recoupement ou sur la base de dénonciations, ce qui ne signifie nullement que j'ai appelé à la délation.

Je vous ai effectivement qualifié de hobereau, mais il n'y a là rien d'infamant que je doive retirer, d'autant que votre conception de la propriété est bien celle d'un hobereau.

Quant à cette affaire de bois personnels, je ne sais où vous êtes allé la chercher (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Soit vous m'avez mal entendu, soit vous m'avez mal compris.

Prochaine séance, ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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