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Session ordinaire de 1999-2000 - 100ème jour de séance, 233ème séance

SÉANCE DU MERCREDI 21 JUIN 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DÉLINQUANCE 2

SERVICE NATIONAL 3

RÉFORME DES AIDES AU LOGEMENT 3

SAISON TOURISTIQUE SUR
LE LITTORAL ATLANTIQUE 4

MAÎTRISE DES POLLUTIONS AGRICOLES 4

AUGMENTATION DU SMIC, DES RETRAITES
ET DES MINIMA SOCIAUX 5

SAISON TOURISTIQUE DE L'ARC ATLANTIQUE 6

REVENUS AGRICOLES 7

TRIBUNAUX DE COMMERCE 8

DÉLINQUANCE 8

AIDE À LA FAMILLE 9

PRIX DES CARBURANTS 10

PARITÉ -loi organique-
(lecture définitive) 11

EXPLICATIONS DE VOTE 16

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 17

DÉCLARATION D'URGENCE 17

ÉLECTION DES SÉNATEURS
(lecture définitive) 17

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 19

ORDRE DU JOUR DU JEUDI 22 JUIN 2000 25

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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DÉLINQUANCE

M. Pierre Hellier - Une enquête parue récemment dans la presse sur les commissariats de police semble conforter l'annonce d'une stabilisation de la délinquance. Pourtant, sur le terrain, le sentiment d'insécurité ne fait qu'augmenter. La délinquance s'est accrue ces derniers mois. En 1993, 485 quartiers souffraient de violence urbaine ; ils étaient 818 en 1998 et plus de 950 en 1999.

La délinquance des mineurs a doublé en dix ans. On ne peut, comme vous le faites, dédramatiser les actes de ces « sauvageons » « coupables d'incivilité ». Les policiers se plaignent d'une diminution des effectifs qu'accentuera le départ en retraite de 25 000 agents dans les 5 ans à venir. La loi d'orientation sur la police et la sécurité de 1995 devait permettre, en 2000, de remettre des policiers sur le terrain grâce à la création de 5 000 postes administratifs. Elle n'est pas mise en _uvre. La police de proximité est constituée par redéploiement des effectifs, recrutement d'adjoints de sécurité et d'emplois-jeunes à la formation insuffisante.

Malgré le courage et la motivation de la police, l'Etat n'assure plus la sécurité des personnes et des biens. Quels moyens supplémentaires comptez-vous mettre en _uvre pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Votre question pèche par excès de généralité. C'est une sorte de catalogue (Exclamations sur les bancs du groupe DL) de plaintes et de revendications qui ne s'appuient pas sur des données solides.

Le taux d'élucidation, utilisé dans l'enquête que vous citez, est le rapport entre la masse des faits constatés et le nombre de faits élucidés. Les faits constatés ont augmenté de 112 % de 1972 à 1998, mais stagnent en fait depuis le début des années 1990. S'agissant de faits élucidés, sachez que chaque fois que la législateur rend plus complexe la vérification d'identité, la garde à vue, la convocation, la notification par procès-verbal, la tâche de la police judiciaire est plus lourde. Il faut même s'étonner que le taux d'élucidation soit passé de 22,2 % en 1995 à 23,4 %. Au demeurant, le taux peut être d'autant meilleur que le nombre de faits constatés est plus limité.

Tout cela mérite donc qu'on y regarde avec précaution. Sachez en tout cas que nous sommes dans la norme européenne.

Si la violence urbaine augmente, elle reste de faible intensité (Protestations sur les bancs du groupe DL). Le problème de la délinquance des mineurs est réel, mais pour la première fois depuis plusieurs années elle connaît un léger tassement en 1999.

S'agissant de la police de proximité, grâce aux 3000 postes supplémentaires que m'a accordés le Premier ministre, à l'automne la situation s'améliorera légèrement. Cette police de proximité est la vraie réponse à la délinquance au quotidien. M. Pasqua l'avait envisagée mais pas mise en place. Il faut également accroître les moyens de la police technique et scientifique. Par exemple, on ne relève les empreintes que pour un quart des cambriolages.

J'ai aussi demandé un plan triennal de modernisation pour créer des emplois administratifs.

La préoccupation des Français est légitime. Nous sommes les premiers à y répondre depuis longtemps (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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SERVICE NATIONAL

M. Jean-Marc Ayrault - Les jeunes nés avant le 1er janvier 1979 (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) restent soumis à l'obligation du service national, qui sera définitivement supprimé le 31 décembre 2002. Certes, il existe des possibilités de report pour les titulaires d'un contrat de travail, mais sous conditions. Les jeunes qui veulent entrer dans la vie active et leurs familles comprennent mal la situation qui prévaut ainsi pendant la période transitoire.

L'insertion des jeunes est l'élément essentiel de la lutte contre le chômage. Comment l'assurer pour ceux qui sont appelés au service national alors qu'ils sont titulaires d'un CDD ou d'un CDI ?

D'autres effectuent leur service national. Par souci d'équité, comment faire que ce soit une période utile à leur formation et à leur insertion, comment leur assurer une juste indemnisation ? Je vous demande, par une réponse claire, d'apporter un message de confiance à la jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Lellouche - Bravo.

M. Alain Richard, ministre de la défense - M. le Premier ministre l'a déclaré à la rencontre des jeunes à La Villette, les titulaires d'un emploi stable doivent pouvoir bénéficier d'un report et avoir l'assurance que, s'ils répondent aux critères requis, ce report sera prolongé.

L'obtention du premier emploi est une étape délicate que le Gouvernement souhaite faciliter. J'ai donc adressé le 30 mai une circulaire aux préfets et aux bureaux du service national pour mettre en _uvre ces dispositions qui complètent la loi : tous les jeunes titulaires d'un CDD ou d'un CDI bénéficient d'un report d'incorporation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). J'ai demandé aux préfets et aux bureaux du service national d'accélérer les procédures pour que ce nouveau report soit notifié aux jeunes sans délai.

Un député RPR - Et après ?

M. le Ministre de la défense - Certains jeunes effectuent leur service et leur présence est encore nécessaire alors que s'effectue la réorganisation de notre défense. Ils font preuve d'un esprit civique que je salue. Je fais étudier des mesures en leur faveur que je présenterai lors de la discussion budgétaire pour les mettre en _uvre dès la fin de cette année. Elles porteront sur les conditions matérielles d'exécution du service, le lieu d'affectation et les conditions de retour à la vie civile, avec une valorisation de l'expérience acquise.

Nous voulons apporter un soutien à tous les jeunes qui préparent leur avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur certains bancs du groupe communiste).

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RÉFORME DES AIDES AU LOGEMENT

M. Yves Dauge - Ce matin, Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, vous avez présenté au Conseil national de l'habitat la réforme des aides au logement. Je souhaite des précisions quant à l'impact de cette réforme sur les familles : combien seront concernées, et quel en sera pour elles les conséquences financières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Vous revenez là sur un point qu'a évoqué Mme Royal en présentant une synthèse des décisions prises lors de la dernière Conférence de la famille. Voici quelques précisions. Combien de familles seront concernées ? Elles seront 4,8 millions, sur les 6,3 millions qui bénéficient des aides au logement. Quel sera l'effet de la réforme ? Aucune famille ne sera perdante. En effet, nous avons fait le choix d'une réforme par le haut, c'est-à-dire d'un alignement de la diversité des barèmes existants sur le plus favorable. De sorte que les prestations augmenteront annuellement de 2 400 à plus de 4 000 F pour 1,2 million de familles, de 600 à 2 400 F pour 1,6 million, et de zéro à 600 F pour toutes les autres.

Le logement est devenu depuis de nombreuses années le premier poste de dépense des ménages : les augmentations prévues représenteront une baisse de plusieurs points de taux d'effort pour le budget des familles, en particulier les plus modestes. Cette orientation avait été annoncée par le Premier ministre à la Conférence de la famille de 1999 : les engagements sont donc confirmés. Ils seront mis en _uvre dans les deux ans qui viennent, en réponse aux revendications exprimées par plusieurs rapports parus depuis une vingtaine d'années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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SAISON TOURISTIQUE SUR LE LITTORAL ATLANTIQUE

M. Jean-Pierre Dufau - Ma question, à laquelle j'associe mon collègue René Leroux, s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat chargée du tourisme et concerne la saison touristique sur la façade atlantique. Depuis la pollution de l'Erika, un immense effort a été fait par l'Etat, les élus et particulièrement les maires, les personnels de l'Etat et des collectivités, et les bénévoles, pour nettoyer le littoral. Le contrôle sanitaire des plages a été rendu public : presque toutes sont ouvertes, et l'on peut espérer d'ici juillet une situation quasiment normale. La restauration de l'image touristique de l'arc atlantique doit être soutenue par les pouvoirs publics comme par les professionnels. Du point de vue sanitaire comme au regard des conditions d'accueil, la situation a évolué favorablement : il faut le dire en France et à l'étranger. Pouvez-vous confirmer à la représentation nationale la propreté des plages atlantiques, et la qualité de l'accueil qui sera assuré par les collectivités et les professionnels du tourisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - L'extraordinaire mobilisation de l'Etat, des collectivités locales et des bénévoles permet, en effet, au vu des résultats, d'envisager l'avenir sous un jour plus radieux. Il y a sur le littoral 630 plages, dont un quart n'a pas été touché. Voici les résultats, auxquels le ministère de la santé a souhaité assurer la plus grande transparence.

Dans le Finistère, 93 plages étaient concernées sur les 234 du département ; 75 ont été visitées, et toutes sont propres. Cent hommes poursuivent leur action su le terrain.

Dans le Morbihan, sur 153 sites contrôlés, 149 sont propres et 4 encore en cours de nettoyage. Plus de quatre cents hommes sont sur le terrain, et j'ai bon espoir que tout soit propre d'ici la fin juin.

Dans la Loire-Atlantique, sur 72 plages concernées, 40 ont été visitées par les services de santé : 26 sont propres, et 10 le seront dans les jours qui viennent. En Vendée, enfin, 95 % des sites sont propres, soit 114 kilomètres de littoral sur 120.

Ainsi la grande majorité des plages du littoral atlantique est ouverte au public à quelques jours de la saison, que nous pouvons aborder avec une plus grande sérénité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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MAÎTRISE DES POLLUTIONS AGRICOLES

M. François Patriat - Ma question, qui s'adresse à M. Glavany, concerne la révision du plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA. Sa révision, qui est en cours, fait suite à un rapport de l'inspection des finances, qui indiquait que ce plan était très onéreux et pas toujours efficace. La question de la pertinence, de la pérennité, de l'efficacité et de l'équité du prochain plan est donc posée et elle concerne non seulement l'agriculture, mais aussi la pollution de l'eau, ainsi que les problèmes d'investissement et la fiscalité. L'approche géographique de ce dossier est la plus pertinente, mais elle implique des modifications importantes. En particulier, comment auront accès à l'aide ceux qui ont aujourd'hui la taille requise et qui se retrouveront hors zones ? Comment sera assurée l'équité entre petits et gros exploitants, ainsi qu'entre ceux qui accéderont demain au dispositif et ceux qui y sont entrés hier en assumant des coûts parfois sous-estimés par les pouvoirs publics ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DL)

Je sais que ce dossier n'est pas arbitré. Ne peut-on y surseoir et attendre de le traiter dans le cadre de la loi sur l'eau ? Ou bien faut-il le trancher dès aujourd'hui, mais dans quel sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe DL et du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le PMPOA a été mis en place il y a cinq ans par le gouvernement de M. Balladur, à l'initiative de MM. Puech et Barnier. Il a fait l'objet l'an dernier d'un rapport de l'Inspection générale des finances, qui a été largement répandu dans la presse. Ce rapport adresse certains reproches au plan. Celui-ci aurait tout d'abord dérapé budgétairement : c'est évidemment vrai. Sans doute a-t-il été victime de son succès auprès des agriculteurs ; mais, à l'heure de la rigueur budgétaire, nous devons maîtriser ce processus. Second reproche : le plan serait inéquitable, car seuls les très gros élevages sont éligibles. C'est vrai, et c'était d'ailleurs la volonté de M. Balladur et de M. Puech. Je ne leur en ferai pas reproche : il était intelligent de commencer par les gros élevages, qui polluent le plus.

M. François Goulard - En effet.

M. le Ministre - Mais aujourd'hui le plan doit devenir plus équitable et être ouvert aux petits élevages. Nous discutons au niveau interministériel les décisions qui seront prises dans les prochains jours ; je souhaite vivement que les petits élevages -qui seront éligibles, le point est acquis- bénéficient d'un taux d'aide qui ne soit pas en retrait par rapport aux gros (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe DL).

Enfin le rapport reproche au plan de n'être pas efficace. Mais je ne crois pas que les inspecteurs généraux des Finances soient les mieux à même de juger de la qualité des sols et des nappes phréatiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe DL et du groupe du RPR). Les pollutions d'origine agricole sont un mal qu'il faut combattre et le Gouvernement, s'il entend réviser ce plan, le poursuivra dans les années qui viennent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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AUGMENTATION DU SMIC, DES RETRAITES ET DES MINIMA SOCIAUX

M. Alain Bocquet - Le chômage diminue, les comptes de la sécurité sociale s'équilibrent, la croissance est là. Chacun s'en félicite, et les députés communistes les premiers. Cependant, alors que les résultats des entreprises ne cessent d'augmenter, que la Bourse exulte, que la spéculation financière va bon train (Murmures sur les bancs du groupe DL), que les grandes fortunes s'enflent, il y a des oubliés de la croissance. Ainsi les salariés payés au SMIC, qui sont un peu plus de deux millions : chaque mois ils gagnent quelque 5 500 F net. Convenez que c'est un revenu plus que limite pour faire vivre une famille... Quant à ceux qui perçoivent le minimum vieillesse, ils sont près d'un million et touchent 3 575 F par mois : c'est insuffisant pour vivre dignement à notre époque. Et n'oublions pas les chômeurs en fin de droits, bénéficiaires du RMI, de l'ASS ou de l'AAH. A la veille du rendez-vous traditionnel d'augmentation du SMIC au 1er juillet, le Gouvernement va-t-il donner un coup de pouce significatif, en décidant une augmentation de 6 % comme le propose mon ami Robert Hue ? (Exclamations sur les bancs du groupe DL ; applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste) Cela représenterait 300 F par mois, ce qui serait loin d'être du luxe. Mais ce serait un geste fort et attendu. Allez-vous d'autre part augmenter sensiblement les pensions de retraite et les minima sociaux ? Ce serait une juste redistribution des fruits de la croissance. Chacun a droit à sa part : cela ne peut pas être toujours pour les mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous avez raison de dire que, quand la croissance est là, nous devons être attentif à la situation de ceux qui restent sur le bord de la route -bénéficiaires de minima sociaux, chômeurs de longue durée- mais aussi veiller à une allocation des ressources aussi juste que possible. Le premier objectif du Gouvernement, s'agissant des chômeurs de longue durée et des bénéficiaires de minima sociaux, c'est de les ramener vers l'emploi. Ainsi, depuis douze mois, le chômage de longue durée a diminué de 20 %. En outre, pour la première fois depuis la crise pétrolière, mis à part la période 1986-88 où le taux de croissance était très important, le nombre des bénéficiaires de l'ASS a diminué de 6 % depuis un an ; et, depuis trois mois, le nombre des titulaires du RMI commence enfin à régresser. Il reste évidemment beaucoup à faire et c'est pourquoi l'application de la loi contre les exclusions et le nouveau départ mis en place par l'ANPE comptent parmi nos priorités. Vous le dites avec raison : quand la croissance est là, nous devons veiller à une répartition équitable des richesses. Pour ce qui est des minima sociaux, je vous rappelle qu'en 1998 nous avons revalorisé de 8 % l'allocation spécifique de solidarité, qui n'avait pas évolué depuis 1994. De 1998 à 2000, le Gouvernement a fait porter l'effort sur les minima sociaux, qui ont augmenté en moyenne de 3 % par an.

Nous avons maintenu le pouvoir d'achat des retraites, ce qui n'avait pas été le cas durant les quatre années précédentes. Aujourd'hui, les retraités demandent à profiter davantage de la croissance. Nous aurons à examiner cette question en préparant le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Sur le SMIC, le Gouvernement transmettra sa proposition dès lundi matin à la Commission nationale de la négociation collective. La décision d'augmentation qui sera prise le 1er juillet tiendra compte de la politique salariale actuelle et cette augmentation du SMIC, soyez-en sûr, profitera de façon substantielle aux salaires les plus bas. Je souhaite que ce mouvement s'accompagne d'une augmentation des minima conventionnels par la négociation collective, car nous constatons malheureusement une atonie dans la négociation de branches, ce qui est d'autant plus regrettable que beaucoup de secteurs d'activité se plaignent d'une pénurie de main-d'_uvre, oubliant que la médiocrité des salaires peut souvent rebuter les jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SAISON TOURISTIQUE DE L'ARC ATLANTIQUE

M. Félix Leyzour - Je reviens après M. Dufau sur la prochaine saison touristique dans le grand Ouest (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le 15 mars, j'ai assisté au lancement de la campagne que vous avez engagée pour restaurer l'image de l'arc Atlantique après la catastrophe de l'Erika et les intempéries de l'hiver. L'action se poursuit pour éviter que des accidents semblables se reproduisent et pour que Total-Fina assume toutes ses responsabilités.

Parallèlement, les entreprises touristiques, les professionnels, les collectivités locales, des milliers de bénévoles se sont mobilisés pour que la saison touristique se déroule dans les meilleures conditions.

A quelques jours de la saison estivale, pouvez-vous nous indiquer le résultat de la campagne conduite par le Gouvernement ? Comment peut-on donner de nouvelles raisons à la clientèle de venir sur notre littoral et dans nos pays de l'intérieur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - Nous pouvons aujourd'hui mesurer le chemin parcouru et nous dire, comme l'a fait dans la presse un responsable du tourisme du littoral : « On revient de loin ! »

Je rends hommage à tous ceux qui, depuis janvier, se sont dévoués sans relâche : militaires, pompiers, agents de l'Équipement et des services de l'Etat, élus et maires (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste), équipes municipales se sont dépensés sans compter. Je salue aussi les efforts accomplis par les professionnels, qui jamais ne se sont découragés.

Tout ce qu'il était possible de faire a été fait. La campagne de communication lancée par le Gouvernement avec les partenaires locaux, l'avancée opiniâtre du nettoyage, aboutissent à ce que la situation se redresse jour après jour. La plupart des plages sont propres. Elles ont d'ailleurs été envahie ce week-end par les estivants. Voilà qui fait chaud au c_ur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le déficit de fréquentation, estimé au départ à 60 %, ne dépasse pas 25 % aujourd'hui. Les images positives désormais transmises du littoral devraient permettre de faire encore mieux. Beaucoup de Français n'ont pas encore choisi leur lieu de vacances. Nous pouvons leur dire : « Venez sur le littoral atlantique ! Vous vous y trouverez bien et vous serez accueillis à bras ouverts » (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

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REVENUS AGRICOLES

M. Yves Fromion - Les services du ministère de l'agriculture viennent de publier leurs statistiques concernant le revenu agricole de 1999 ; les résultats exécrables, font apparaître une chute de 4 %. Les organisations professionnelles fixent cette baisse à 7 %.

C'est le premier recul significatif depuis 1994. Tous les secteurs sont touchés sauf la viticulture, seule activité dont, heureusement, vous ne vous êtes pas occupé (Rires sur les bancs du groupe du RPR). Durant les cinq années précédentes, le revenu agricole avait progressé en moyenne de 5 % par an.

Cette situation est imputable à la hausse des charges salariales, que vous vous étiez engagé à diminuer lors du débat sur la loi d'orientation. Elle est due également à la chute des cours. Notre agriculture est donc en crise.

Les contrats territoriaux d'exploitation, ces « machins à illusions » suscitent une déception générale. La modulation dont le caractère électoraliste n'a échappé à personne, pénalise les productions performantes sans apporter de solutions aux autres. La hausse des produits pétroliers, l'entrée en vigueur de la taxe écologique, vont accroître les charges des exploitations. Le non respect de vos promesses concernant l'indemnisation des arboriculteurs touchés par le boycott britannique consécutif à l'affaire de la vache folle, plonge les exploitations dans la plus grande difficulté.

Le constat est grave, et ceux qui connaissent concrètement la situation savent que je ne noircis pas le tableau.

Le Gouvernement doit prendre enfin conscience de ce qui se passe, et se mobiliser dans l'urgence. Comment comptez-vous redresser cette situation qui conduit nos agriculteurs au désarroi ou au désespoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Si le ministre de l'agriculture fixait le taux d'évolution du revenu agricole, veuillez croire que je le ferais dans un sens positif. Et je regretterais alors que vous ne m'ayiez pas féliciter l'an dernier de son augmentation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je déplore la baisse de 1999. Elle a des raisons objectives, parmi lesquelles ne figure certainement pas la loi d'orientation pour l'agriculture (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). En effet elle a été adoptée en juillet dernier, et les décrets d'application ont paru en octobre ! Votre sectarisme n'y changera rien !

L'an dernier, trois crises se sont conjuguées pour créer une situation grave. La première est celle des fruits et légumes.

M. Jean-Michel Ferrand - Elle n'est pas réglée.

M. le Ministre - Nous y travaillons au niveau européen. La deuxième crise est la crise porcine, la troisième celle de l'aviculture. Notre agriculture les a prises toutes trois de plein fouet.

M. Jean-Michel Ferrand - Que faites-vous pour y remédier ?

M. le Ministre - Je rappelle, en dépit des meuglements de M. Ferrand, (Rires) que le Gouvernement s'est engagé, au cours de la discussion de la loi d'orientation, à étudier le problème des charges fiscales et sociales pesant sur les agriculteurs. Il a demandé à vos collègues Mme Marre et M. Cahuzac de rédiger un rapport, qu'il est en train d'étudier. Ses conclusions trouveront leur traduction dans le projet de loi de finances pour 2001, comme le Gouvernement s'y était engagé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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TRIBUNAUX DE COMMERCE

M. Philippe Martin - J'interroge le Premier ministre sur le projet de réorganisation territoriale des tribunaux de commerce. Ces juridictions sont indispensables au bon fonctionnement de la justice, et concourent au service public. Cependant vous avez décidé l'an dernier d'en supprimer une trentaine et une deuxième vague est engagée. L'absence d'information et de transparence est inquiétante, car ces suppressions par voie de décret sont décidées sans réelle concertation avec les élus, bien que vous vous soyez fait le chantre du dialogue. Ces suppressions font obstacle à la justice de proximité, qui permet à un commerçant ou à un artisan de présenter lui-même sa défense devant le tribunal. Il risque désormais de devoir se déplacer ou se faire représenter. L'aménagement du territoire et la décentralisation, n'y trouveront pas davantage leur compte, pas plus que la cohérence judiciaire.

Ainsi le tribunal de commerce d'Epernay, pourtant classé 140e sur 195 pour le volume d'affaires traitées, est menacé de disparition.

Monsieur le Premier ministre, quels sont vos projets de suppression de tribunaux de commerce pour 2001, et qu'en sera-t-il en particulier de celui d'Epernay ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - C'est bien parce qu'il estime que les tribunaux de commerce sont indispensables que le Gouvernement a décidé de les maintenir. Et la réforme que je présenterai prochainement en Conseil des ministres préservera les principales caractéristiques de la justice consulaire. Les magistrats consulaires qui, dans leur grande majorité, accomplissent avec compétence et dévouement un travail bénévole très important, continueront de présider les tribunaux de commerce. La réforme tend à introduire des magistrats professionnels dans ces juridictions pour opérer une synergie entre leur compétence juridique et celle, économique, des magistrats consulaires.

Quant à la carte de ces tribunaux, sa mise à jour s'impose puisqu'elle n'a pas été révisée depuis deux cent cinquante ans. Mais, contrairement à ce que vous avez dit, cela s'est fait dans la plus grande concertation (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Grâce aux moyens mis à la disposition de mon ministère par le ministre du budget, nous avons pu recueillir l'avis sur le terrain, de toutes les parties concernées depuis un an et demi. Abordant maintenant la dernière phase de cette réforme, nous avons demandé qu'à cette procédure s'ajoute une concertation organisée par le préfet des départements concernés, tous avez donc été ou vous serez entendu, Monsieur le député, concernant le tribunal d'Epernay. Avant de prendre des décisions définitives, le Gouvernement tiendra le plus grand compte de cette concertation menée par les préfets (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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DÉLINQUANCE

M. Christian Estrosi - Soit le Gouvernement ne répond pas précisément aux questions, soit il ment ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Ainsi, contrairement à ce que Mme Buffet a dit hier, le journal Droits des jeunes, financé sur fonds publics, a bien un partenariat avec l'Humanité !

J'en viens à ma question qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Malgré tous les efforts entrepris par son ministère pour cacher aux Français la montée des chiffres de la délinquance, les performances de la police nationale ou les données relatives à la criminalité, ces chiffres commencent à être connus.

Les effectifs des policiers s'effondrent et le taux d'élucidation des affaires ne cesse d'augmenter... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) pardon, de baisser, n'excédant pas 10 à 20 % selon les départements. Des Minguettes au Val fourré, ce sont 172 cités interdites qui ont été recensées en 1999 !

Alors que la montée de l'insécurité inquiète tant d'hommes et de femmes, nous apprenons, Monsieur le ministre, que vous auriez adressé à certains directeurs de services départementaux de police urbaine une note disant que « les faits qui peuvent motiver la poursuite de véhicules doivent être d'une grande gravité -fuite ou évasion d'un individu armé, auteur de crime de sang. » Dans les autres cas, toute poursuite est exclue ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Autrement dit, vous considérez que les délits mineurs ne doivent pas être poursuivis. Or, la sécurité est un droit pour tous et la police a le devoir d'arrêter tous ceux qui y portent atteinte.

Oui ou non, Monsieur le ministre, êtes-vous l'auteur de cette note (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Il faut garder son calme (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Bien évidemment, j'ai toujours donné aux policiers la consigne stricte de se mobiliser et de ne laisser aucun répit à la délinquance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Les taux d'élucidation sont globalement en hausse mais je répète qu'ils ne permettent pas de mesurer l'efficacité des services de police. Selon l'enquête publiée par Le Figaro-Magazine, les commissariats considérés comme les plus efficaces sont situés en zone rurale ou semi-urbaine. Ceux réputés les moins efficaces sont dans des circonscriptions trois fois plus peuplées, où naturellement, la délinquance est plus forte.

D'après les informations dont je dispose, la mobilisation des services de police ne s'est pas relâchée. Le nombre de personnes mises en cause a augmenté au cours des derniers mois. La délinquance de voie publique continue de baisser.

Plusieurs députés RPR - La question !

M. le Ministre - J'y réponds et je confirme que je n'ai jamais signé quelque directive que ce soit tendant au relâchement de l'activité des services de police.

S'agissant des effectifs, ce n'est pas avec les 3 000 élèves en formation dans les écoles que vous nous aviez laissé en héritage que nous aurions pu faire face à la situation. Ils sont aujourd'hui 7 000 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Quant aux cités interdites dont vous parlez, l'enquête du Figaro-Magazine inclut dans sa liste le quartier des résidences de Belfort : je m'y promène les mains dans les poches ! (Rires sur bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Jugeant à cette aune, je mesure à quel point vous participez à cette campagne d'excitation démagogique qui tend à faire croire aux Français que les policiers, les gendarmes, les magistrats associés à la répression de la délinquance ne les protégeraient plus. Rien de tout cela n'est vrai. L'action entreprise par le Gouvernement pour lutter contre l'insécurité au quotidien commence à porter ses fruits. Laissez donc le temps à cette politique de prendre forme et de faire la preuve de son efficacité. N'oubliez pas que nous devons aussi affronter d'autres problèmes, tels que le grand banditisme ou la délinquance de haute technologie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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AIDE À LA FAMILLE

Mme Huguette Bello - Lors de la Conférence de la famille du 15 juin, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures importantes qui s'appliqueront à tous les territoires urbains ou ruraux. Les populations des DOM souhaitent être assurées qu'elles en bénéficieront aussi afin que les disparités existantes en matière de politique familiale ne s'aggravent pas. Compte tenu des besoins, le plan de soutien pour l'accueil des jeunes enfants est particulièrement bien reçu.

A La Réunion, le nombre de places dans les structures d'accueil des jeunes enfants est inférieur à celui des naissances, qui s'élève à 10 000 par an. Dans ces conditions, les jeunes mères ont du mal à concilier vie familiale et vie professionnelle. Il est donc indispensable que les collectivités locales d'outre-mer bénéficient du fonds d'investissement.

Quant à l'Aide à la reprise d'activité des femmes -ARAF- qui consiste en une prime attribuée aux demandeurs d'emploi non indemnisés pour organiser la garde de leur jeune enfant, entrera-t-il bien en vigueur dès le 15 juillet dans les DOM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance - Le vaste plan d'action annoncé par le Premier ministre et auquel des moyens importants seront consacrés, tend à résoudre les problèmes concrets des familles.

Il s'agit notamment d'assurer la parité parentale et l'égalité professionnelle des hommes et des femmes. Grâce à trois mesures principales : l'augmentation massive du nombre de places dans les crèches et autres structures d'accueil collectives ; le relèvement de l'allocation pour le recours à une assistante maternelle ; la création d'un congé partagé entre le père et la mère pour la garde d'un enfant très malade. Une autre série de mesures tend à aider les femmes défavorisées à retrouver un emploi.

Toutes ces mesures de principe sont bien entendu applicables dans les DOM, qui bénéficient de dispositifs financiers particuliers. Nous verrons donc sans tarder avec M. Queyranne sous quelle forme et selon quel calendrier nous pourrons appliquer ces différentes mesures dans les DOM (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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PRIX DES CARBURANTS

M. François Rochebloine - L'augmentation des prix de l'essence à la pompe pose de redoutables problèmes financiers aux salariés qui n'ont d'autre choix que de prendre leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. En outre, il contredit l'effort à entreprendre pour rééquilibrer les revenus du travail et les prestations.

Pouvez-vous nous indiquer, Madame le secrétaire d'Etat au budget, l'augmentation des recettes de TVA sur l'essence et de la TIPP ? D'autre part, compte tenu des efforts que vous demandez à juste titre aux compagnies pétrolières, l'Etat ne devrait-il pas lui aussi consentir un effort en réduisant les taxes sur l'essence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Comme je l'ai déjà rappelé un certain nombre de fois, l'augmentation du prix des carburants n'est pas liée à la fiscalité (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

En effet, la TIPP est assise, non sur les prix, mais sur les quantités. De surcroît, elle n'a pas augmenté depuis deux ans et demi sur le super sans plomb, ce qu'aucun gouvernement n'avait réussi à faire depuis vingt ans ! Quant à la TVA, nous l'avons baissée.

Et cette baisse procure, toutes choses égales par ailleurs, une baisse de 6 centimes sur le prix de l'essence sans plomb (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les gouvernements de droite ont augmenté à la fois la TVA et la TIPP, nous, nous avons baissé la TVA sans augmenter la TIPP (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Cela dit, le Gouvernement est sensible à l'évolution des prix auxquels sont confrontés nos concitoyens. Des enquêtes ont donc été lancées, dès le 9 juin, par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes pour examiner comment les entreprises, les compagnies pétrolières et les grandes surfaces déterminent le prix des carburants à la pompe. Les Douanes ont elles aussi effectué des enquêtes depuis le 9 juin, portant sur des centaines de camions, et cette semaine, les contrôles se poursuivent dans les entrepôts de stockage ainsi que dans les raffineries. Le ministre de l'économie et des finances sera ainsi en mesure de fournir un bilan complet à la fin de ce mois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

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    PARITÉ -loi organique- (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi organique en lecture définitive.

M. Houillon remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Je serai très bref sur ce projet de loi organique qui vise à appliquer à certaines collectivités d'outre-mer les dispositions de la loi ordinaire adoptée définitivement le 27 avril dernier, validée par le Conseil constitutionnel le 30 mai 2000 et devenue la loi du 6 juin 2000. Le principe constitutionnel d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives doit en effet s'y appliquer pleinement. Si cette application relève de la loi ordinaire pour les départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ainsi que pour les conseils municipaux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l'intervention d'une loi organique est en revanche rendue nécessaire par l'article 74 de la Constitution pour l'assemblée de Polynésie française et l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, et par l'article 77 de la Constitution pour les assemblées de province et le congrès de Nouvelle-Calédonie.

Contrairement au projet de loi ordinaire, ce projet de loi organique n'a pas fait l'objet d'une « déclaration d'urgence ». Deux lectures ont donc été nécessaires dans chacune des assemblées avant que la commission mixte paritaire puisse se réunir. Comme il était prévisible, elle a échoué. Après la nouvelle lecture à laquelle a procédé le Sénat hier, vous êtes donc appelés à statuer définitivement. Sur le fond, il s'agit d'appliquer à ces assemblées d'outre-mer les mêmes règles que celles fixées par la loi ordinaire pour le reste du territoire de la République. Tel est le sens des amendements de la commission des lois. Le Gouvernement ne peut qu'être favorable à ce souci d'égalité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Bernard Roman, président et rapporteur de la commission des lois - Notre assemblée a adopté le 3 mai dernier le projet de loi simple sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Et le 30 mai dernier, le Conseil constitutionnel a approuvé le principe de la parité. Une avancée essentielle a ainsi été faite.

Selon ce qui est devenu la loi du 6 juin 2000, les formations politiques doivent désormais présenter des listes paritaires alternées pour les élections au scrutin proportionnel, et des listes paritaires par groupes de six candidats pour les scrutins de liste à deux tours.

Cette loi ordinaire s'applique aux départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, ainsi qu'aux conseils municipaux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

En revanche, il faut une loi organique pour les assemblées territoriales des TOM -article 74 de la Constitution- ainsi que pour les assemblées de province et le congrès de la Nouvelle-Calédonie -article 77 de la Constitution. D'où ce projet, sur lequel le Gouvernement n'avait pas déclaré l'urgence, contrairement à ce qui a été fait pour le projet de loi simple. Cela explique le décalage chronologique dans la procédure d'adoption de ces deux textes, pourtant intimement liés.

Deux articles de ce projet de loi organique ont été adoptés en termes identiques : l'article 4 au cours de la première lecture, puis l'article premier en deuxième lecture.

Cet article premier, qui fixe les conditions d'application de la règle paritaire en Polynésie française, est le résultat d'un amendement présenté par notre collègue Emile Vernaudon et imposant une composition paritaire mais non alternée des listes pour les élections à l'assemblée territoriale de Polynésie française. Contre toute attente, l'Assemblée l'a voté et le Sénat s'est bien sûr empressé de le voter en termes identiques.

J'ai souhaité revenir sur cette disposition en nouvelle lecture, le 25 mai dernier. Certains y ont vu un « détournement de procédure ».

Il suffit cependant de lire attentivement notre Règlement, en particulier l'article 108 alinéa 4, pour constater qu'il est possible de revenir sur un article voté par l'une et l'autre assemblée dans un texte identique quand il s'agit d'un élément de coordination indispensable à la cohérence et à l'unité de l'ensemble du texte. Or, si nous laissions les choses en l'état, la Polynésie française connaîtrait un régime électoral et une application du principe de parité tout à fait dérogatoires, ce qui pourrait susciter les critiques du Conseil constitutionnel, comme l'a lui-même reconnu le président de la commission des lois du Sénat, Jacques Larché. J'ajoute que l'exercice de cette liberté d'amendement après une CMP est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mais au-delà de ce débat de procédure, je reste persuadé sur le fond qu'il est indispensable d'aligner le régime de la Polynésie sur celui de l'ensemble du territoire.

En effet, au nom de quelle spécificité les Polynésiennes n'auraient pas le droit d'accéder à l'égalité ? La République exige de donner à chacune et à chacun, sur l'ensemble du territoire, les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même dignité. C'est dans cet esprit que je vous appelle à revenir au texte voté par notre Assemblée le 25 mai dernier. Nous aurons ainsi « bouclé la boucle » et pouvons être fiers de l'_uvre accomplie, qui aura permis de renforcer la République, de promouvoir l'égalité et ainsi de donner aux femmes ce que nous leur avons trop souvent refusé : le pouvoir partagé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Muguette Jacquaint - Depuis le début, les députés communistes ont sans réserve soutenu les dispositions permettant de donner vie au principe constitutionnel de parité. Ils les défendront aujourd'hui encore car ces mesures constituent un enrichissement sans précédent de la vie politique française.

De tous les bancs est montée cette aspiration à plus de démocratie, plus de représentativité pour les femmes, plus de civilisation, plus d'égalité, moins d'injustice... Mais certains se contentent de répéter ces principes, sans se donner les moyens de les faire respecter. C'est en tout cas l'état d'esprit dans lequel s'est installée la majorité sénatoriale, et la droite en général, en confirmant son opposition à l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux dans les assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna.

En votant pour ce projet de loi organique, nous entendons dénoncer ce combat d'arrière garde d'une droite qui croit encore tirer avantage d'une représentation démocratique « mutilée » au sein de nos institutions.

M. Dominique Bussereau - Absurde !

Mme Muguette Jacquaint - La détermination des femmes est un atout formidable pour que toute la société aille de l'avant. Les choses bougent aujourd'hui, avec elles et grâce à elles. Elles l'ont encore prouvé ce samedi 17 juin dans les rues de Paris, en associant notre pays aux Marches de l'an 2000 organisées par les femmes du monde entier contre la pauvreté, les violences, les inégalités. Je sais, pour y avoir participé, qu'elles ont été très attentives aux engagements pris par Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes en réponse à la question de Mme Jambu mercredi dernier.

Qu'il s'agisse de l'aboutissement de la proposition de loi sur l'égalité professionnelle, de la prolongation du délai légal pour l'IVG et des mesures d'accompagnement pour les mineures, ou encore de la volonté affirmée de combattre la prostitution comme une violence commise à l'encontre des femmes, tout confirme que les luttes des femmes ne sont pas vaines et que ce combat pour la dignité de toutes et de tous est celui de la citoyenneté et de la démocratie. Nous sommes de ce côté là et nous voterons donc ce texte pour la troisième fois (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Robert Pandraud - Il m'est bien difficile, Madame Jacquaint, de parler après vous car nous sommes des élus du même département et votre talent oratoire comme votre sens de la synthèse nous impressionnent tous. Vous êtes cependant allé un peu loin : il y a en effet un monde entre le projet qui nous occupe aujourd'hui et les motivations de la manifestation des femmes de la semaine dernière. Il ne s'agit pas de mettre en cause le principe de la parité, auquel nous sommes unanimement favorables. Et nous nous sommes tous réjouis que l'unanimité se fasse aussi sur ce principe dans les assemblées territoriales car un tel résultat n'était pas acquis d'avance. Pour autant, le projet tend aussi à uniformiser notre législation sur tout le territoire national et nous y voyons pour notre part une forme de néo-colonialisme (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Vouloir imposer une règle uniforme à tous les territoires, n'est-ce pas du néo-colonialisme ? (Mêmes mouvements) Nous sommes donc partagés entre notre attachement au principe de la parité et le respect que nous devons aux décisions des assemblées territoriales. Notre sentiment d'expectative est encore renforcé par le dépôt de l'amendement de M. Vernaudon.

Dans ces conditions, le groupe RPR s'abstiendra. Du reste, je rappelle qu'une élection partielle se déroule actuellement dans une région de Nouvelle-Calédonie et que les trois partis qui s'affrontent se sont efforcés sans y parvenir d'accueillir des femmes sur leurs listes. Tout en souscrivant au principe de la parité, nous considérons qu'il est donc préférable de laisser aux autorités locales le soin de l'appliquer en fonction des contingences de terrain (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Emile Vernaudon - Iaorana. Le temps ou l'on affirmait que les femmes représentaient le sexe faible est révolu. Avec la parité, elles rentrent désormais en force dans nos assemblées pour exercer à égalité avec les hommes la lourde responsabilité de représenter la souveraineté populaire. Cette évolution s'inscrit dans la logique de l'histoire et je ne suis pas opposé au principe de la parité. Mais il y a la parité alternée stricte et la parité globale souple et je n'ai jamais caché ma préférence pour la seconde.

Du reste, l'assemblée de la Polynésie s'est prononcée à l'unanimité pour la parité globale et nos assemblées ont adopté en termes identiques l'amendement que j'ai déposé afin que chaque liste aux élections territoriales comporte un nombre égal de candidats de chaque sexe à une unité près.

De même, le Sénat a adopté en termes identiques mon amendement qui vise à tenir compte de la spécificité de la Polynésie au sein de la République. Notre assemblée l'a supprimé lors de la nouvelle lecture du 25 mai dernier en invoquant les dispositions de l'article 108 alinéa 5 de notre Règlement. Je ne puis que le représenter au vote de notre assemblée car je n'accepte pas que l'on puisse revenir sur un texte voté en termes identiques par les deux Chambres. Au cours de cette même séance, notre rapporteur a justifié sa position en invoquant un risque d'inconstitutionnalité du fait du traitement particulier qui serait ainsi fait à la Polynésie au sein de la République.

Dois-je rappeler à mon éminent collègue que la Polynésie constitue déjà une exception à la règle de droit commune et qu'il est question de lui consacrer un titre spécifique dans la Constitution, la Polynésie devenant « pays d'outre-mer » au lieu de TOM ?

En matière électorale, la Polynésie connaît déjà un régime dérogatoire et nous sommes très attachés à cette spécificité.

Nous ne rejetons pas la parité mais ce n'est pas en imposant une parité alternée stricte que nous ferons évoluer la démocratie représentative en Polynésie. Ce ne sont pas les Polynésiennes qui sont allées vers la parité : c'est la parité qui est venue à elles. Les femmes ont toujours joué un rôle important dans la société polynésienne et elles ont su, là comme ailleurs, s'imposer en politique.

La parité globale fait l'objet d'un consensus en Polynésie et je vous remercie par avance de le respecter en adoptant à nouveau mon amendement que le Sénat a déjà voté. Maururu (Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste)

M. Marc Reymann - Les conditions dans lesquelles le projet de loi organique relatif à la parité dans les TOM nous est aujourd'hui soumis témoignent de l'intransigeance avec laquelle la majorité actuelle aborde le débat parlementaire. C'est en effet l'échec de la commission mixte paritaire qui a conduit le Gouvernement à donner le dernier mot à notre Assemblée. De plus, le dispositif que nous examinons revient sur une disposition adoptée conforme par les deux assemblées qui concerne la Polynésie française.

La solennité du vote qui va intervenir ne nous semble pas déplacée, compte tenu de l'importance de l'enjeu, mais le contenu même du projet traduit une méconnaissance profonde de l'outre-mer, dont témoignent d'ailleurs les autres textes législatifs adoptés au cours de discussion, qu'il s'agisse de la loi sur la parité, du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer ou du projet de loi organique relatif à l'élection de l'assemblée territoriale de Polynésie.

L'intransigeance de la majorité s'est manifestée particulièrement dans le rejet d'une disposition pourtant adoptée conforme par les deux assemblées et qui pour la Polynésie française faisait prévaloir l'intelligence et la souplesse.

En effet le 30 mars dernier l'Assemblée adoptait, grâce à l'appui de toute l'opposition, un amendement de M. Vernaudon instituant en Polynésie la parité sans alternance stricte. Le Sénat a suivi. Mais le 25 mai, le rapporteur a utilisé un artifice de procédure...

M. le Rapporteur - Un élément.

M. Marc Reymann -...pour, sous prétexte de coordination mais en fait par un véritable détournement de procédure, imposer la parité avec stricte alternance pour la Polynésie comme pour Wallis-et-Futuna et pour la Nouvelle Calédonie. La cohérence était respectée, mais au détriment de l'intelligence et de la souplesse.

Etendre la parité à l'outre-mer n'est nullement contestable. Les modalités choisies le sont. Une loi intelligente est d'abord réaliste. La parité avec une marge de plus ou moins 10 %, que nous avons défendue lors des précédentes lectures, aurait permis d'éviter bien des effets pervers, tels la multiplication des candidatures dissidentes, les arrangements pré-électoraux douteux ou l'élimination brutale d'élus qui n'ont pourtant nullement démérité.

Par ailleurs, au nom de la parité politique, on ne saurait esquiver les enjeux de l'égalité professionnelle et familiale entre les hommes et les femmes domiennes ou beaucoup, sinon tout, reste à faire.

Le groupe UDF votera néanmoins ce projet de loi organique, comme il l'avait fait pour le projet de loi ordinaire, car la place faite aux femmes dans la vie politique française est inacceptable.

La parité est donc nécessaire au service d'une plus grande égalité des chances, dans le respect de la liberté du suffrage. Ce que l'on peut souhaiter de mieux à cette législation, c'est qu'elle devienne désuète le plus rapidement possible.

Mme Cécile Helle - Le 30 mai dernier, le Conseil constitutionnel validait la loi sur l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Ainsi sera corrigée cette anomalie qu'est la sous-représentation des femmes dans la vie politique. Mais seule la stricte alternance lui donnera son efficacité.

Il est normal que l'outre-mer soit concerné. L'adaptation de nos principes juridiques doit être faite sur l'ensemble du territoire.

Le refuser aux femmes polynésiennes remettrait en cause le principe de continuité territoriale au nom des particularismes locaux. Les femmes d'outre-mer aspirent légitimement à l'égalité de traitement.

Au nom de l'intérêt général, nous devons activer l'_uvre paritaire en adoptant un texte conforme à la loi ordinaire.

Les femmes d'outre-mer et de métropole ont longtemps fait cause commune dans le combat légitime pour le droit de vote. Elles doivent partager aujourd'hui les nouveaux droits.

La loi favorisant l'égal accès des femmes aux fonctions électives forme un tout. Nous ne saurions nous satisfaire d'une parité à la carte.

Nous voulons réaffirmer la communauté de destin qui nous lie aux femmes d'outre-mer. Le groupe socialiste votera donc ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. Dominique Bussereau - D'abord, je regrette l'absence du ministre chargé de l'outre-mer dans le débat.

M. le Rapporteur - Il ne présente pas le projet, et deux ministres sont présents.

M. Dominique Bussereau - Le groupe DL avait voté la modification de la Constitution et le projet de loi ordinaire, car les femmes sont sous-représentées dans la vie publique. Nous sommes donc d'accord avec l'objectif de ce projet mais nous sommes très réservés sur ses modalités. Le projet de loi initial était plus souple, donc plus opportun. Il est paradoxal que ce gouvernement, qui introduit dans les territoires d'outre-mer des statuts à la carte, veuille ici imposer la même règle partout, comme autrefois « de Dunkerque à Tamanrasset ».

La position sage, retenue par le Sénat, a été la parité simple sans plus de précision. Les dispositions systématiques que vous préférez seront d'application difficile. Comme le rappelait ce matin M. Buillard en commission, il n'y a guère à craindre que les femmes soient reléguées en fin de liste. Les électeurs ne seraient pas dupes. L'Assemblée avait adopté un amendement de M. Vernaudon instituant la parité, sans plus, en Polynésie française. Je le soutiens d'autant plus volontiers que je m'opposerai à lui demain sur l'élection de l'assemblée territoriale de Polynésie. Le Sénat avait voté conforme l'article premier. Par un artifice juridique, le rapporteur en nouvelle lecture a fait modifier cet article adopté conforme. C'est un peu la jurisprudence Roman, comme le prouve une lettre qu'il a cru devoir adresser au président du Conseil constitutionnel. Quand quelque chose ne lui convient pas, il trouve une astuce en dernière minute pour rétablir ce qu'il souhaitait.

M. le Rapporteur - Cela prouve ma détermination.

M. Dominique Bussereau - Nul n'en doute, mais cela ne justifie pas votre attitude. C'est une atteinte caractérisée à la sincérité de la procédure parlementaire. Je conserve un espoir. Si l'Assemblée vote l'amendement Vernaudon, le groupe DL votera ce texte. Si ce n'est pas le cas, nous nous abstiendrons de participer au vote.

La discussion générale est close.

M. le Président - La CMP n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Conformément aux articles 45 alinéa 4 de la Constitution et 114, alinéa 3, du Règlement, deux amendements reprennent des amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture.

M. Emile Vernaudon - J'ai présenté dans mon exposé liminaire les raisons qui militent pour mon amendement 1. Il a fait l'objet d'un consensus total à l'Assemblée de Polynésie, et il faut en prendre acte. Encore une fois, nous ne sommes pas contre la parité, au contraire ; mais nous sommes pour la parité globale.

M. le Rapporteur - Je confirme que, ce matin, la commission a rejeté cet amendement. Le droit des femmes à assumer mandats et fonctions politiques, que nous avons inscrit dans la Constitution, concerne toutes les citoyennes françaises, qu'elles habitent Dunkerque ou la Polynésie.

M. le Ministre - L'amendement de M. Vernaudon tend à rétablir le texte initial du Gouvernement. Toutefois la loi ordinaire, désormais promulguée, prévoit l'alternance stricte pour les élections au scrutin de liste à un seul tour. Il peut donc apparaître logique de ne pas prévoir d'exception dont la justification ne serait pas suffisante pour déroger au principe d'égalité. Cependant cet article a été voté conforme à l'Assemblée et au Sénat. Comme membre du Gouvernement, je ne peux me prononcer sur la portée de l'article 108, alinéa 4, de votre Règlement. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. Dominique Bussereau - J'espère que l'Assemblée se prononcera effectivement avec sagesse, et je lui rappelle l'excellent argument de M. Pandraud. Il est assez rare, dans la vie publique de la Polynésie française, d'avoir un avis unanime de la majorité pro-républicaine et de la minorité indépendantiste. Nous avons ici un avis récent et unanime des élus de Polynésie. Si les socialistes prennent la liberté d'aller contre cet avis, ils en porteront la responsabilité politique, et les électeurs polynésiens sauront s'en souvenir le jour venu.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Victor Brial - Par l'amendement 2, je souhaite sensibiliser l'Assemblée aux problèmes d'application de la parité alternée pour l'élection de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna. Je rappelle que nos assemblées territoriales sont l'équivalent des conseils généraux en métropole. L'application uniforme de la parité alternée conduirait à méconnaître certaines spécificités locales, reconnues par notre Constitution aux articles 74 et 77. Dans le cas particulier de Wallis-et-Futuna, c'est par la souplesse et non par l'application brutale de la parité que sera atteint le but recherché : une plus grande participation des femmes à la vie politique (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Rapporteur - L'amendement n'a pas été examiné par la commission, mais il est de même nature que celui que nous venons de repousser sur la Polynésie.

M. le Ministre - Au nom du principe d'égalité, que j'ai rappelé dans mon propos liminaire, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet amendement.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Dominique Bussereau - Je souhaite faire une brève explication de vote (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Je sais, mes chers collègues, que vous avez été requis militairement pour être présents à cette heure (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), mais permettez au débat d'aller à son terme, par correction envers nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna. Dès lors que les amendements que nous soutenions, et qui faisaient l'objet de la neutralité du Gouvernement, ne sont pas retenus, nous nous abstiendrons ou ne prendrons pas part au vote.

M. le Rapporteur - Je m'étonne de cette position. M. Bussereau s'était retrouvé dans la même situation lors de la précédente lecture. Le même vote qu'aujourd'hui sur les amendements avait eu lieu. Or, toute l'Assemblée, y compris M. Bussereau et à la seule exception de M. Pandraud, avait voté le texte. Il est difficile de comprendre qu'on défende un jour le blanc, un autre le noir, même si on y est peut-être habitué dans d'autres cadres politiques.

J'indique d'autre part à M. Pandraud que le terme de néo-colonialisme, qu'il a employé, me semble un peu choquant, et même logiquement contradictoire. Le néo-colonialisme, c'est la différenciation du droit, alors qu'il s'agit ici d'égalité. Se battre pour l'égalité des droits et la dignité de la femme est un beau combat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Robert Pandraud - M. le président Roman le reconnaîtra, je suis cohérent avec la position que j'avais prise lors des lectures précédentes : je me suis toujours abstenu. Quant au terme de néo-colonialisme, il est clair que nous ne lui donnons pas le même sens. Pour moi, il désigne le retour à une assimilation bête et primaire. C'est imposer « nos ancêtres les Gaulois » à tous nos territoires d'outre-mer... Il a fallu attendre la loi-cadre de Gaston Defferre et la politique du général de Gaulle pour y mettre un terme : je regrette que vous ayez oublié cette période de notre histoire.

M. le Président - Je vais mettre aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du Règlement, l'ensemble du projet de loi organique tel qu'il résulte du dernier texte voté par l'Assemblée nationale.

Le scrutin, ouvert à 17 heures, est clos à 18 heures.

M. le Président - Voici le résultat du scrutin :

A la majorité de 339 voix contre 2 sur 380 votants et 341 suffrages exprimés, le projet de loi organique est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La séance est suspendue.

Elle est reprise à 18 heures 15.

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FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Par lettre du 16 juin 2000, le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Jacques Fleury, député de la Somme, prend fin le 21 juin 2000.

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DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - Le Premier ministre m'informe que le Gouvernement déclare l'urgence sur le texte issu des conclusions de la commission concernant les trois propositions de loi suivantes : proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française ; proposition de loi organique relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française ; proposition de loi organique tendant à modifier la loi du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française.

Acte est donné de cette communication.

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ÉLECTION DES SÉNATEURS (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet relatif à l'élection des sénateurs.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet en lecture définitive.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Vous voudrez bien excuser le départ de M. le ministre de l'intérieur. La durée du vote précédent ne lui a pas permis de rester. Je vous transmets donc bien volontiers son intervention, comme il m'en a priée.

C'est en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution que vous êtes invités à statuer définitivement sur ce projet de loi.

Son examen a commencé en juin 1999, au Sénat, comme il est normal s'agissant de dispositions concernant le mode d'élection de cette assemblée. Malgré deux lectures dans chaque assemblée, la réunion d'une commission mixte paritaire et ces ultimes navettes, aucun accord n'a pu être trouvé entre l'Assemblée et le Sénat et le ministre de l'intérieur le regrette.

En effet, l'objectif de cette réforme est d'améliorer la représentativité du Sénat en rendant son mode d'élection plus juste et plus conforme au principe de l'égalité du suffrage posé par l'article 3 de notre Constitution.

Loin de remettre en cause le bicamérisme, il s'agit de le conforter en lui donnant un fondement démocratique incontestable.

En outre, cette réforme est modeste puisqu'elle ne concerne à l'évidence ni les pouvoirs du Sénat, ni la durée du mandat des sénateurs, ni même le mécanisme, fort complexe, du suffrage indirect assorti d'une représentation des Français à l'étranger dont les modalités devront elles aussi, être démocratisées. C'est ainsi que les conseillers municipaux ou leurs délégués continueront à constituer 99 % des « grands électeurs » des sénateurs et que le département restera la circonscription exclusive, alors que d'autres solutions sont envisageables au nom même du principe constitutionnel selon lequel le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Bien entendu cette spécificité n'est nullement remise en cause. Le système proposé par le Gouvernement, et que vous avez pour l'essentiel approuvé, continuera à favoriser la représentation des petites communes conformément au souhait du Sénat.

Toute réforme plus ambitieuse aurait nécessité le vote d'une loi constitutionnelle ou, à tout le moins, d'une loi organique « relative au Sénat » au sens de l'article 46 de la Constitution, sur laquelle le Sénat dispose d'un droit de veto qu'il ne manque pas d'exercer. Toute réforme du Sénat autre que celles pouvant être réalisées par la loi ordinaire était donc vouée à l'échec.

Le Sénat est pourtant une institution fondamentale de notre démocratie, nécessaire à l'équilibre de nos institutions. Le Gouvernement a souvent pu mesurer sa contribution à l'_uvre législative. Il regrette donc d'autant plus que le Sénat ne s'inscrive pas de lui-même, avec plus de détermination, dans le mouvement actuel de modernisation de notre vie politique.

Votre commission des lois vous invite aujourd'hui à revenir à l'esprit initial du projet mis à mal par le Sénat. Elle propose notamment de fixer à trois sénateurs par département le seuil à partir duquel s'applique le scrutin proportionnel ; de substituer à un système complexe de calcul de l'effectif des délégués municipaux un dispositif simple, clair, équitable, conciliant le nécessaire respect du principe constitutionnel de l'égalité du suffrage et la spécificité -non moins constitutionnelle- du Sénat : un délégué pour 300 habitants ou fraction de ce nombre. Le ministre de l'intérieur continue de penser que ce seuil est trop bas. Il a développé, lors des précédentes lectures, les raisons pratiques qui justifient le seuil de 500 habitants. Mais il est trop tard pour vous convaincre sur ce point. Sous cette réserve, le Gouvernement approuve le texte proposé par votre commission.

Cette réforme n'est qu'une étape dans l'amélioration de la représentativité de la seconde chambre. Et elle s'appliquera -comme la loi limitant le cumul des mandats et celle sur l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives- dès les prochaines élections. L'effet cumulé de ces différentes lois renouvellera profondément notre vie politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des lois - Mon intervention sera très brève, Madame la ministre ayant rappelé les principaux termes du débat.

Après l'échec de la CMP, l'Assemblée nationale et le Sénat ont confirmé leurs points de divergence en nouvelle lecture. Le premier porte sur l'élargissement du corps électoral. Notre Assemblée estime qu'avec la désignation d'un grand électeur pour 300 habitants, le corps électoral sera beaucoup plus représentatif, ce qui donnera davantage de légitimité à la Haute assemblée.

M. Pascal Clément - C'est totalement faux.

M. le Rapporteur - Un second point de divergence portait sur le mode de scrutin : nous proposons d'introduire la représentation proportionnelle dans les départements élisant au moins trois sénateurs.

En conclusion, la commission vous propose de revenir au texte adopté en nouvelle lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, de notre Règlement.

M. Pascal Clément - Sans doute ne serez-vous épuisé, Monsieur le rapporteur, ni par la rédaction de votre rapport -dix-neuf lignes !- ni par l'exposé que vous venez d'en faire

Cela dit, on peut s'étonner de l'absence du ministre de l'intérieur, que j'interpréterais volontiers comme le signe d'une certaine gêne, car le Gouvernement est manifestement en désaccord avec un amendement partisan de la commission, qui n'a rien à voir avec le souci de rendre le Sénat plus démocratique. A défaut du ministre de l'intérieur, nous aurions pu espérer la présence du ministre chargé des relations avec le Parlement, mais il a sans doute autre chose à faire que de s'occuper du Parlement. Heureusement, Madame la ministre, nous avons la chance de vous avoir.

Sur le fond, on entend beaucoup de socialistes dire qu'il conviendrait de rapprocher le mode d'élection des sénateurs de celui des députés. Les débats institutionnels sont, du reste, de plus en plus fréquents au sein du parti socialiste qui envisagerait, semble-t-il, de proposer la représentation proportionnelle quasi-intégrale pour l'élection des conseillers généraux. L'amendement qui, sur le présent projet, tend à ramener de 500 à 300 habitants le seuil de désignation des grands électeurs, relève de la même inspiration. Il s'agit prétendument de rendre le Sénat plus démocratique grâce à un mode d'élection plus proche du nombre d'habitants. C'est une ineptie juridique et une insulte gratuite pour les sénateurs dont vous sous-entendez qu'ils ne seraient pas élus démocratiquement. En outre, c'est inconstitutionnel car le Sénat n'est pas chargé de représenter les Français -ils le sont par les députés- mais les collectivités territoriales, comme en dispose l'article 24 de la Constitution.

C'est la Constitution de l'An III qui a introduit pour la première fois une deuxième assemblée, mais il a fallu attendre 1875 et la création du Sénat pour que le bicaméralisme s'installe durablement dans nos institutions républicaines, jusqu'au deux tentatives de 1946 et de 1969 pour supprimer la Haute assemblée.

La chambre basse, élue au suffrage universel direct, représente les populations -en moyenne 110 000 habitants par circonscription avec une marge de plus ou moins 20 %. Dans une décision sur la loi de 1986 rétablissant le scrutin majoritaire, le Conseil constitutionnel avait fait remarquer que, s'agissant de l'élection des députés, on ne devait pas trop s'éloigner du nombre d'habitants car les députés ne sont pas là pour représenter des territoires mais des habitants.

Le Sénat a, lui, vocation à représenter les collectivités territoriales, rôle qu'il a su conjuguer avec celui de chambre de réflexion. Ramener tous les mandats à cinq ans serait nier cette tradition. En effet, à une chambre de réflexion, il faut laisser le temps de la réflexion, ce qui implique que les mandats de député et de sénateur n'aient pas la même durée.

Les constituants et leurs successeurs tenaient à ce que le Sénat ne soit pas soumis aux fluctuations de l'opinion publique. A l'époque médiatique qui est la nôtre, cela importe encore plus qu'hier. Quand on voit par exemple comment les médias se sont emballés sur cette affaire du quinquennat et de quelle manière on tronque la discussion...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - C'est le Président de la République qui a proposé cette réforme !

M. Pascal Clément - Chacun sait que l'initiative ne vient pas de lui (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Quoi qu'il en soit, la majorité est en train de s'attaquer, pour des raisons strictement électorales, à la nature même du Sénat. Les sénateurs socialistes sont cependant plus modérés, comme en témoigne la proposition de M. Badinter.

M. le Président de la commission - Il propose six ans.

M. Pascal Clément - Six ans, ce n'est pas cinq ans ! L'important en fait est que les sénateurs n'aient pas la même durée de mandat que les députés. Sinon, ils seront soumis aux mêmes pressions des médias et de l'opinion que ces derniers. Et ils manqueront de recul.

Le bicaméralisme suppose, je le répète, des modes d'élection différents, des durées de mandats différentes.

J'ajoute que ce texte injuste n'a pas été le moins du monde négocié avec le Sénat, ce qui est un comble s'agissant de son mode d'élection. Et ne me dites pas, Madame la secrétaire d'Etat, que les sénateurs n'ont rien voulu entendre car ce n'est pas vrai. Ils ont fait des propositions de compromis mais le Gouvernement a préféré tout imposer et la majorité de l'Assemblée a voulu aller au-delà même de ce que souhaitait le Gouvernement. On le voit avec cet amendement qui ramène le seuil à 300 habitants, amendement auquel le Gouvernement n'est pas favorable car il le sait inconstitutionnel et qui témoigne d'un esprit partisan, d'un manque de hauteur de vue et je dirais aussi d'un manque d'amitié pour nos institutions.

Au départ, la règle voulue par les constituants était que seuls les conseillers municipaux aient le droit d'élire les sénateurs. Puis, nos prédécesseurs ont considéré qu'il fallait un peu plus prendre en compte le critère démographique et ont donc introduit des tranches, mais sans jamais perdre de vue que le Sénat représente d'abord les collectivités territoriales. Actuellement, la loi prévoit un délégué par tranche de 1 000. Comme il est vrai que nos campagnes sont aujourd'hui moins peuplées qu'elles ne l'étaient aux débuts de la Vème République, les sénateurs ont proposé une tranche plus faible de 700 habitants. Le Gouvernement a dit que cela ne suffisait pas et qu'il fallait descendre jusqu'à 500, ce qui pouvait encore se défendre. Mais avec l'amendement qui ramène le seuil à 300, il est évident que vous faites prévaloir la fonction de représenter les habitants, alors que le Sénat représente d'abord les collectivités territoriales. Je vois là une cause d'inconstitutionnalité.

M. René Dosière - Vous avez déjà vu des territoires voter ?

M. Pascal Clément - En tout cas, ce n'est pas tout à fait la même chose d'être le député d'une circonscription qui compte 320 communes ou d'une qui n'en compte que 2 ou 3, voire qui ne représente qu'un quartier.

La deuxième cause d'inconstitutionnalité tient à la manière dont vous étendez la proportionnelle.

Déjà l'on pourrait considérer que le fait de passer du scrutin majoritaire à la proportionnelle selon que le département est représenté par moins de cinq sénateurs ou plus de cinq constitue une rupture du principe d'égalité devant le suffrage. Mais personne ne l'ayant saisi, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur ce point.

Or voici que vous prétendez étendre la proportionnelle aux départements élisant au moins trois sénateurs. Il aurait été plus juste et plus logique, dès lors que vous êtes pour la proportionnelle, de dire : il y aura tant de sénateurs pour les départements de plus de 700 000 habitants, tant pour ceux de 500 000 habitants. Mais comme, faute de négociation, le Sénat a bloqué l'évolution du nombre de sénateurs, vous êtes coincés et vous ne pouvez pas fonder la proportionnelle sur tel ou tel nombre d'habitants. Vous vous contentez de dire que les départements élisant trois sénateurs passent à la proportionnelle. Je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait approuver cela.

Au total, il est bien dommage que la majorité fasse preuve d'un tel esprit partisan, s'agissant des grandes institutions de la République. Je ne crois pas que celle-ci ait beaucoup à gagner d'un Sénat qui serait un clone de l'Assemblée ou qui perdrait de ses prérogatives. Rappelez-vous combien de fois le Sénat a amélioré la loi, rappelez-vous aussi que Mme Guigou s'est finalement rangée à son avis en ce qui concerne la présomption d'innocence.

La vérité est que, comme vous n'arrivez pas à prendre la majorité au Sénat, vous changez les règles du jeu ! On ne peut pas être bon républicain et voter ce texte.

M. Jean-Luc Warsmann - Très bien !

M. René Dosière - M. Clément tient avec constance les mêmes propos conservateurs et archaïques que lors des précédentes lectures. C'est avec la même constance que le groupe socialiste prouvera son réformisme et sa modernité en votant contre cette exception d'irrecevabilité, et, dans quelques instants, pour un texte qui conforte le bicamérisme et le Sénat lui-même, comme l'a excellemment montré le rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste votera contre l'exception d'irrecevabilité.

L'exception d'irrecevabilité, mis aux voix, n'est pas adoptée.

M. Pascal Clément - Aujourd'hui, je trouve que l'on se paie de mots : « moderne », « archaïque » ... Mais la question n'est pas d'être moderne ! La majorité n'est dans cette affaire pas très à son aise car tout le monde relève ses arrière-pensées électorales. Elle aurait du reste pu faire progresser le Sénat, avec l'accord des sénateurs qui étaient disposés à se réformer, sans aller, bien entendu, jusqu'à dénaturer la Haute assemblée en privilégiant les habitants sur les collectivités territoriales.

Je n'ai pas voulu m'exprimer tout à l'heure sur la parité dans les territoires d'outre-mer mais la situation n'est guère différente. Les assemblées territoriales de Wallis-et-Futuna et de Polynésie française se prononcent à l'unanimité mais vous préférez imposer votre position partisane à des territoires situés à plusieurs milliers de kilomètres.

M. Jean-Luc Warsmann - Plus qu'une erreur, c'est une faute !

M. Pascal Clément - Et vous ne trouverez pas assez de femmes pour se présenter aux élections. Le maire d'une commune de huit mille habitants de mon département me confiait hier que sur quarante-huit femmes auxquelles il avait proposé de participer à sa liste, deux seulement lui avaient donné une réponse favorable. Et cette situation vaut pour tous les camps.

Si vous vous montriez moins systématique, si au lieu d'aimer seulement vos idées, vous aimiez plus la France (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), vous éviteriez au pays ce type de stupidité ; j'espérais que le Conseil constitutionnel la censurerait : sans doute s'est-il contenté de la trouver stupide. Vous êtes en train de semer le vent, vous récolterez la tempête !

Si l'inconstitutionnalité ne frappe pas votre réforme, les prochaines élections sénatoriales ouvriront, à droite comme à gauche, une véritable guerre civile. Il est important, lorsqu'on entend réformer, de se donner le temps de l'expérimentation. Nous souhaitons tous que plus de femmes participent à la vie politique mais l'imposer du jour au lendemain de manière autoritaire procède d'un esprit de système aveugle.

Lors de la réforme constitutionnelle, le Gouvernement avait proposé de retenir un quota de 30 %. J'ai voté cette proposition pour réveiller le monde politique français de sa torpeur et laisser les femmes le pénétrer. Mais de 30 %, on est passé brutalement à 50 %, pour céder à la pression du parti socialiste et non des élus.

En instaurant toujours davantage de proportionnelle, on favorise le désintérêt des Français pour la vie politique. Veillons à ce que l'instillation de proportionnelle dont parlait en son temps François Mitterrand ne se transforme pas en tout proportionnel. En introduisant plus de proportionnelle dans l'élection des sénateurs, l'on risque de rendre les communes rurales orphelines de représentants car les villes feront en sorte d'avoir plus de sénateurs. La proportionnelle n'est favorable qu'aux partis politiques. Elle ne concourt pas à l'aménagement du territoire, sauf à considérer que la France se portera mieux avec ses campagnes vidées au profit de mégalopoles et ses notables rayés de la carte électorale. Bon, sans doute, pour le parti socialiste, votre projet est mauvais pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Président de la commission - Je ne conteste pas, Monsieur Clément, la constance avec laquelle vous défendez vos positions. Je ne puis cependant vous suivre lorsque, vous référant à l'article 24 de notre Constitution, vous affirmez que le Sénat n'est pas représentatif des citoyens mais des collectivités locales, au motif qu'il n'est pas désigné par le peuple au même titre que notre assemblée. L'article 3 de la Constitution nous enseigne en effet qu'il contribue à l'exercice de la souveraineté nationale -laquelle appartient au peuple. Du reste, il n'est pas illégitime que l'Assemblée nationale, même en désaccord avec le Sénat, envisage d'adapter les modes de scrutin pour prendre en compte les mouvements de fond de la société française.

En présence de Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, je souhaite vous dire, Monsieur Clément, que je réfute catégoriquement votre argument selon lequel, s'agissant de la parité, nous voudrions imposer nos idées à des territoires qui auraient plutôt vocation à recevoir des orientations générales et à les adapter selon leur spécificité. Il n'est pas recevable car il tend en fait à considérer qu'il y a suffisamment de femmes dans ces territoires pour se porter candidates à des fonctions électives mais qu'elles ne sont pas dignes de se trouver sur les listes en position éligible.

Qu'il s'agisse de la parité dans les territoires d'outre-mer ou de l'élection des sénateurs, les deux textes vont dans le même sens et il convient de les adopter sans plus tarder (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. René Dosière - Moderniser les institutions pour les adapter aux exigences du XXIe siècle, c'est faire en sorte, Monsieur Clément, que le Sénat assure une meilleure représentation des communes urbaines et des différentes forces politiques et qu'il fasse plus de place aux femmes dès le renouvellement de 2001.

S'agissant de la parité, je rappelle qu'un sénateur néo-calédonien a essayé de faire passer un amendement de même nature que celui qu'ont déposé nos collègues polynésiens mais que la simple annonce de cette démarche a suscité de telles protestations de la part des femmes calédoniennes de toutes origines qu'il a été conduit à le retirer. Et je gage que si l'on avait réellement demandé leur avis aux femmes polynésiennes, l'attitude des élus aurait été bien différente.

Notre compréhension des enjeux de la modernité nous a aussi conduits à modifier le mode de scrutin régional, à favoriser l'intercommunalité et à créer pour la Nouvelle Calédonie un statut original qui nous est envié par nombre de territoires.

C'est aussi le cas avec la loi sur le non-cumul des mandats qui contient certes de nombreuses incohérences en raison de la volonté conservatrice du Sénat.

M. Jean-Luc Warsmann - Faux !

M. René Dosière - Je citerai enfin la réduction de la durée du mandat présidentiel.

Toutes ces dispositions permettront aux Français de mieux participer à la vie politique.

M. Marc Reymann - L'ensemble des forces politiques du pays s'accorde sur la nécessité d'améliorer la représentativité du Sénat. Mais la logique mathématique du projet gouvernemental ne suffit pas à masquer son inspiration partisane. Le Gouvernement cherche, en réalité, à imposer une évolution politique qu'il ne parvient pas à obtenir par les urnes, au risque de fragiliser nos institutions et notre démocratie.

Comme lors des débats précédents, on manipule des statistiques, passant à côté d'une vraie réforme qui prenne également en compte les mutations territoriales et institutionnelles.

Le Gouvernement n'a pas évité ce double écueil : faire preuve d'esprit de revanche et s'en tenir à un calcul simpliste et trompeur.

Tout se passe comme si la principale « anomalie » reprochée au Sénat par la majorité actuelle réside dans l'insuffisance des sénateurs socialistes.

La surreprésentation des grandes métropoles méconnaît la réalité urbaine et les mutations en cours.

Par ailleurs, on va allumer la « guerre proportionnelle » au sein de conseils municipaux élus aujourd'hui de façon largement consensuelle.

Enfin, les sénateurs seront de moins en moins « élus des élus », car une majorité de grands électeurs ne détiendront plus de mandat électif. Or, la démocratie locale repose sur les 500 000 élus locaux à qui les sénateurs doivent rendre compte.

Cette réforme mal ficelée passe à côté des enjeux essentiels de la nécessaire réforme du Sénat. Le débat sur la représentation des territoires a ainsi été totalement escamoté, de même que la réflexion sur la mission du Sénat en tant que représentant des collectivités territoriales.

D'autres enjeux, plus larges, auraient mérité d'être abordés. Renforcer la légitimité du Sénat impose notamment de donner à ses membres les moyens d'assumer leurs fonctions, donner un nouvel élan à la décentralisation et lutter contre l'affaiblissement du Parlement face à la prééminence de l'exécutif.

Le groupe UDF votera contre ce projet, qui manifeste la victoire de l'esprit de revanche sur l'esprit de réforme.

M. Jean-Luc Warsmann - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - Les Français, dans leur majorité, déplorent que la Haute assemblée reste représentative d'un autre temps. Pour eux, le Sénat doit refléter davantage la réalité de leurs choix politiques, de la sociologie, de la culture, d'une France plus urbaine, plus féminine, plus jeune.

Il est évident que par sa composition et ses prises de position immuables, le Sénat présente une anomalie de représentation.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est scandaleux !

Mme Muguette Jacquaint - Pourtant la droite sénatoriale, prétextant la mission constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales, refuse toute évolution démocratique et préfère une situation où le suffrage universel ne s'exprime pas directement.

C'est inacceptable. Le groupe communiste votera donc les dispositions qui nous sont proposées par la commission, pour mieux adapter le Sénat à la réalité de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Le groupe RPR votera contre ce texte. D'abord, l'extension du scrutin proportionnel pose la question de la validité constitutionnelle du texte.

Le Sénat ne veut rien changer, dit-on. Si, il voulait que cette proportionnelle s'applique aux départements comptant quatre sénateurs et non plus cinq. 50 % des Français auraient ainsi été représentés à la proportionnelle, 50 % à la majorité. C'était un bon équilibre. En faisant représenter 77 % des Français à la proportionnelle, vous donnez plus de poids aux appareils politiques, vous affaiblissez le lien entre élu et électeur lesquels, pour le Sénat, jugent les hommes à leur qualité plus qu'à une investiture.

En second lieu, vous modifiez le mode de désignation des délégués. Or si 80 % des Français vivent en ville, 77 % habitent des villes de moins de 50 000 habitants... Vous faites erreur en favorisant les très grandes villes. Croire que le Sénat représente les villages, les céréaliers, c'est ne pas connaître la réalité. Il représente les collectivités territoriales et à ce titre, forcément, n'a pas le même mode de désignation que l'Assemblée. La majorité sénatoriale était d'accord pour donner plus de délégués aux communes de plus de 9 000 habitants. Elles regroupent 52 % de la population, les autres 48 %. Là encore c'était l'équilibre. Vous préférez, imposer de façon systématique un délégué pour 300 habitants.

J'ai participé à la CMP. La majorité de l'Assemblée y a dit qu'elle n'était prête à aucun accord. C'était à prendre ou à laisser. La CMP ne servait donc à rien.

M. le Rapporteur - C'est notre droit.

M. Jean-Luc Warsmann - Et au nom de quel intérêt supérieur, refuser de discuter avec les principaux intéressés ? L'augmentation du nombre de sénateurs de gauche. Ce n'est pas moral de modifier ainsi la loi pour faire élire un plus grand nombre de ses amis. Lorsque cela s'est fait, les électeurs ne l'ont pas accepté. J'espère qu'il en ira de même cette fois.

Il y avait d'autres grands enjeux à traiter pour l'avenir du Parlement. Renforcer son pouvoir de contrôle par exemple. Quel est le pouvoir réel d'un Parlement auquel on a essayé, par exemple, de cacher la réalité de la « cagnotte » fiscale ? Au lieu de quoi nous avons une réformette destinée à renforcer les groupes de gauche au Sénat : l'objectif est triste et petit. Pour ces raisons, le groupe RPR votera évidemment contre ce texte.

M. Pascal Clément - Très bien !

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - La CMP a effectivement constaté les importantes divergences entre les deux assemblées. Mais le premier membre de la CMP à s'exprimer -M. Warsmann me permettra de le lui rappeler- fut le rapporteur du Sénat. Lui-même a d'entrée constaté l'état des divergences, et estimé qu'elles rendaient la discussion impossible.

MM. Jean-Luc Warsmann et Pascal Clément - C'est que les sénateurs avaient déjà fait leurs avancées !

M. le Président - La commission mixte paritaire n'ayant pas permis l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle. Je mets donc aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du Règlement, l'ensemble du projet tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée en nouvelle lecture.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance jeudi 22 juin à 9 heures.

La séance est levée à 19 heures 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 22 JUIN 2000

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 2034), tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine.

      Mme Catherine Picard, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 2472).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion, en lecture définitive, du projet de loi (n° 2453) modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

      M. Pierre Leroy, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 2475).

2. Discussion de la proposition de résolution (n° 2333) de M. Bernard Accoyer tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de sécurité sanitaire liées aux différentes « pratiques non réglementées de modifications corporelles » (piercing, tatouage, scarification, implants divers de corps étrangers).

      M. Jean Rouger, rapporteur au nom des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 2451).

3. Discussion, en lecture définitive, du projet de loi (n° 2487), relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

4. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives.

      M. François Colcombet, rapporteur. (Rapport n° 2460).

(Procédure d'examen simplifiée - Art. 106 du Règlement)

5. Discussion, après déclaration d'urgence, des propositions de loi organiques :

- (n° 1448) de M. Emile Vernaudon destinée à améliorer l'équité des élections à l'Assemblée de la Polynésie française ;

- (n° 2329) de M. Emile Vernaudon relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française ;

- (n° 2410) de M. Michel Buillard tendant à modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française.

      M. Jean-Yves Caullet, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.(Rapport n° 2473).

(Discussion générale commune)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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