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Session ordinaire de 2000-2001 - 13ème jour de séance, 28ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 25 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

          FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001
          (suite) 2

          DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) 2

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001.

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DISCUSSION GÉNÉRALE (suite)

M. François Goulard - Hier, les rapporteurs et la ministre nous ont reproché de critiquer une absente : Mme Aubry. Mais elle nous y a contraints en choisissant de partir à la veille d'un débat aussi important. Elle laisse à son successeur un budget bricolé, cafouilleux, incohérent et irresponsable.

D'abord, ce projet de loi est placé sous le signe de la confusion délibérée, du flou entretenu, de la dissimulation. Des recettes passent du PLFSS à la loi de finances, comme la taxe générale sur les activités polluantes. Des dépenses relevant du budget de l'Etat sont inscrites au projet de loi de financement, comme les subventions pour l'allégement de cotisations sociales dans le cadre des 35 heures. Des crédits faisant l'objet de débudgétisation sont aussitôt rebudgétisés en loi de financement -ainsi la charge des majorations pour enfants dans les régimes de retraite va incomber à la branche famille. Tout est donc fait pour empêcher une vision d'ensemble, des comparaisons faciles. Or l'opacité est l'arme de ceux qui ont quelque chose à cacher. Le projet de loi de financement a servi à dissimuler l'évolution réelle du budget de l'Etat. M. de Courson a bien montré comment des transferts habiles font apparaître une progression des dépenses publiques de 1,5 % au lieu des 3,2 % réels.

En ce qui concerne la répartition des ressources entre les différents fonds et régimes de la sécurité sociale, le terme d'usine à gaz a été largement employé, mais il serait encore préférable de parler de chimie fine tant le degré de complexité atteint est grand. M. Recours en a offert à Mme Guigou un tableau remarquable, bien qu'incomplet.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Au nom de l'ensemble des rapporteurs !

M. François Goulard - Le principe de l'autonomie des branches est cette année sérieusement remis en cause. En ce qui concerne les ressources, l'innovation majeure est l'allégement de la CSG sur les bas salaires. Le débat sur ce point rejoint celui sur la fiscalité du revenu des personnes physiques. En effet la CSG, introduite par le Gouvernement Rocard comme un élargissement de l'assiette des cotisations sociales, a été tellement augmentée à partir de 1998 que son produit dépasse désormais celui de l'impôt sur le revenu. Le PLFSS en fait de moins en moins une cotisation, de plus en plus un impôt. Mais le Gouvernement, qui voulait faire preuve d'équité, montre de celle-ci une curieuse conception : il fait bénéficier les contribuables d'allégements en fonction des seuls salaires et non de leurs capacités contributives ou de leurs charges familiales. Si vous faites de la CSG la première marche de l'impôt sur le revenu, il faudra aller jusqu'au bout de la logique fiscale et considérer non pas le seul salaire mais aussi le quotient familial.

Avec cette mesure, vous vous engagez, sans en être tout à fait conscients, sur le chemin d'autres remises en cause. Mais aucun véritable souci de réforme ne vous guide. L'annonce en septembre de vos différents cadeaux fiscaux a plutôt laissé paraître un souci électoral reposant sur la distribution d'aménités fiscales.

Le même esprit anime l'ensemble du texte. Il s'agit de ne pas s'attaquer aux sujets qui fâchent. Vous vous limitez donc aux décisions de court terme, négligeant l'avenir.

Cela est vrai pour les retraites, l'assurance maladie, la famille : aucune réforme d'avenir pour ces pans essentiels de notre protection sociale ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Le dossier des retraites est proprement caricatural : trois ans et demi d'atermoiements, de rapports, de concertation annoncée, mais non engagée, de non-décisions. En 1997 on commence par nier l'ampleur du problème. Puis on multiplie les prises de position contradictoires et on caricature les nôtres en laissant entendre que nous voulons mettre fin aux régimes de répartition, alors que nous plaidons pour leur renforcement.

Face à ce reproche d'immobilisme, vous avez maintenant une réponse : le fonds de réserve ! D'abord non doté, ce fonds est alimenté aujourd'hui par des excédents temporaires et une manne providentielle, la téléphonie mobile de 3e génération. Madame la ministre, on suppose que vous anticipez sur l'attribution de licences de téléphonie mobile de 4e, 5e, 6e génération pour alimenter ce fonds. Car si, au prix d'élucubrations, le Premier ministre a annoncé que ce fonds atteindrait 1 000 milliards en 2020, pour l'instant il ne compte que quelques dizaines de milliards, alors que les besoins se chiffreront en centaines de milliards !

Le fonds de réserve n'est qu'un trompe-l'_il destiné à masquer l'absence de réforme réelle dans un domaine vital.

Comment ce fonds sera-t-il géré ? Les dispositions prévues par Mme Aubry n'ont pas résisté à l'examen du Conseil d'Etat -bravo pour la compétence des services ! Il s'agissait d'une gestion platement administrative, sans diversification internationale des placements. Or le déficit démographique va ralentir la croissance en France et il faudra profiter de la vigueur d'autres économies pour assurer aux placements une bonne performance.

Le plus grave, c'est que le Gouvernement tient aux Français un discours rassurant, alors que la situation est alarmante. L'Etat ne prend pas les précautions qui nous éviteraient de nous inquiéter pour nos retraites.

Un langage de vérité obligerait à dire aux Français qu'il y a urgence pour eux à se constituer un revenu complémentaire. Que ne suivez-vous l'exemple du gouvernement socialiste allemand de M. Schröder ! Le ministre allemand du travail a présenté, fin septembre, un plan de réforme des retraites comportant des régimes par capitalisation pour compenser, dit-il, la baisse inéluctable des retraites du régime par répartition. Ces fonds de pension allemands sont des produits individuels, ne faisant pas appel à des contributions des entreprises. La réforme coûtera à l'Etat allemand 20 milliards de DM par an, la totalité de ce qui est prévu pour le fonds de réserve.

Cette comparaison me permet d'affirmer que, sur ce dossier des retraites, votre gouvernement n'est tout simplement pas sérieux.

Autre grand sujet non réglé, l'assurance maladie. Le quasi-équilibre des comptes ne doit pas faire illusion : il est le fruit de la croissance et de l'élargissement de l'assiette des prélèvements opéré en 1998 avec le transfert massif des cotisations sociales vers la CSG. Le surplus de recettes permet une apparente générosité sur l'évolution de l'ONDAM : 3,5 %. Malgré cela les professions de santé sont mécontentes, voire révoltées, les hôpitaux connaissent des files d'attente, les disparités régionales demeurent.

Mme Guigou a dit hier que la croissance était imputable aux talents du Gouvernement : c'est supposer que tous les gouvernements ont du talent au même moment, ou en sont dépourvus simultanément, puisque toutes les économies européennes connaissent la même croissance. La période de construction de l'euro, avant 1997, a été difficile : nous touchons aujourd'hui les dividendes de cette période d'effort (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Mais ils ne seront pas éternels et vous ne pourrez pas toujours gérer l'assurance maladie avec la même facilité apparente. Si un gouvernement s'avisait un jour de mettre vraiment en _uvre, à une grande échelle, les mécanismes d'encadrement des dépenses que vous faites jouer partiellement aujourd'hui, on peut être certain que la grogne et les révoltes localisées feraient place à un embrasement général, à un refus massif. Autrement dit, l'arme que laisse Mme Aubry est inutilisable.

La sanction collective est en effet injustifiable et inefficace. Elle a revêtu diverses formes : le mécanisme de reversement en cas de dépassement des dépenses, annulé par le Conseil constitutionnel, a été remplacé par celui des lettres flottantes, qui présente les mêmes tares. Mais le caractère collectif de la sanction la rend inacceptable : si certains, dans une profession, se comportent moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ? Et le dérapage de la dépense peut être dû à d'autres facteurs, comme le vieillissement de la population ou les progrès thérapeutiques.

Le cas des masseurs-kinésithérapeutes est flagrant : ils n'ont aucune initiative en matière de dépenses puisque leurs actes dépendent des prescriptions des médecins et de l'accord préalable de l'assurance maladie : comment pourraient-ils accepter une baisse de leurs tarifs, d'autant que leur pouvoir d'achat n'a cessé de diminuer ces dernières années ? On comprend la vigueur de leurs protestations.

La sanction collective peut même avoir des effets pervers, comme le rationnement des soins.

D'autres outils relèvent de la même volonté de contrainte aveugle, sans examen des situations réelles : les infirmiers libéraux sont ainsi la cible de la CNAM avec ce fameux plan de soins infirmiers qui, sous couvert de rationalisation, va transférer aux services de soins à domicile financés par les départements une activité exercée aujourd'hui par les infirmiers libéraux de manière compétente, économique pour la collectivité et très appréciée par les personnes âgées.

De même, l'hospitalisation privée est menacée par les mesures figurant dans ce projet alors qu'elle rend des services inestimables : ce secteur ne pourra pas supporter à la fois les 35 heures, la pénurie d'infirmières et les augmentations salariales avec les 3,5 % d'augmentation que vous lui accordez.

Pour l'industrie pharmaceutique, la méthode est également contestable. Que l'assurance maladie soit sélective dans ses remboursements, on ne peut que s'en féliciter. Mais la progression de 3 % est déjà consommée par la CMU et les progrès thérapeutiques et imposer un prélèvement de 70 % du chiffres d'affaires en cas de dépassement est absurde : vous allez pénaliser la recherche, l'innovation et finalement la qualité de notre médecine.

La contrainte bureaucratique exercée au niveau national est un système condamné par les faits, incompatible avec notre époque et les attentes de la population.

Nous ne ferons pas l'économie d'une vraie réforme de l'assurance maladie, à l'instar de ce qu'ont fait les Allemands, les Hollandais, la Suisse et à l'opposé du contre-modèle de la Grande-Bretagne.

Cette réforme impliquera de déléguer les responsabilités de gestion, dans un dialogue direct entre l'assurance maladie, les mutuelles, les assurances d'une part, et les offreurs de soins de l'autre. En attendant, nous connaîtrons au mieux le mécontentement, au pire la révolte des professions de santé et peut-être celle des Français.

J'ose à peine évoquer la politique familiale, absente depuis trois ans.

M. Philippe Auberger - C'en est à pleurer !

M. François Goulard - La majorité ironise sur notre grande « loi famille » ; il est vrai qu'elle était incomplètement financée, mais elle avait le mérite de tracer la voie. Cette voie est totalement abandonnée.

Je crains qu'en dix-huit mois de période pré-électorale, vous n'ayez pas le temps, à supposer que vous en ayez la volonté, d'infléchir le cours des choses. C'est dire que le grand chantier de la sauvegarde de notre protection sociale restera demain à ouvrir (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Gérard Terrier - Le projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2001 est bon. Pourtant, à en croire nos collègues de l'opposition, qui n'ont pas de mots assez durs pour le condamner, il serait truffé de défauts majeurs. Par souci d'objectivité, je n'évoquerai que des faits qui ne peuvent être contestés.

Pendant la période 1993-1997, 265 milliards de déficit ont été enregistrés, soit 53 milliards par an.

M. Philippe Auberger - Dans quel état avions-nous trouvé les comptes en 1993 ?

M. Gérard Terrier - Autre fait non contestable, la commission des comptes de la sécurité sociale, réunie le 21 septembre dernier, confirme que pour la première fois depuis quinze ans, le régime général a atteint et même légèrement dépassé l'équilibre en 1999, avec un excédent de 700 millions ; pour l'exercice en cours, on prévoit un excédent de 3,3 milliards, en tenant compte des charges nouvelles, notamment la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et l'abondement du fonds de réserve des retraites qui, contrairement aux affirmations de l'opposition, est alimenté. Sans ces mesures, l'excédent serait de 16,2 milliards en 2000 et atteindrait 17,7 milliards en 2001. Ce retour à l'équilibre durable est une priorité de la majorité. Les Français, dans leur sagesse, sauront apprécier que nous y parvenions, car les déficits permanents menaçaient notre système de protection, basé sur la solidarité, et favorisaient les tentations de privatisation.

J'entends que ces bons résultats sont liés à la croissance. Certes, mais celle-ci n'est pas sans lien avec les mesures de soutien à la consommation intérieure et la politique menée par ce Gouvernement en faveur de l'emploi. Cet assainissement rapide est aussi le résultat de la réforme du financement de la sécurité sociale et d'une politique structurelle qui permet de mieux soigner en dépensant moins. Le rapport de l'OMS démontre que notre système de santé est des plus performants, mais sans ces mesures, le régime général serait encore en déficit de 30 milliards. Je souligne que ce rétablissement a été obtenu sans augmentation des prélèvements.

M. Philippe Auberger - Ah bon !

M. Gérard Terrier - L'ONDAM est fort critiqué par l'opposition d'aujourd'hui, qui pourtant l'avait mis en place. Cet outil serait-il bon quand il lui appartient de l'utiliser et mauvais quand nous nous en servons ?

L'usage que vous vouliez en faire était uniquement comptable et coercitif. Nous, tout en sachant qu'il faudra corriger ses défauts, nous en faisons certes un outil comptable mais aussi un moyen d'améliorer la politique de santé. J'en veux pour preuve que nous prenons comme base non pas la somme votée, mais les dépenses constatées, auxquelles nous appliquerons dans ce projet une augmentation de 3,5 %. Par rapport au PIB, les moyens consacrés à la politique de santé progressent.

Quant au fonds de réserve des retraites, nos collègues de l'opposition qui jouaient les Cassandre, doivent reconnaître d'abord qu'il est aujourd'hui créé, ensuite qu'il est alimenté, avec 50 milliards en 2001.

Ce qui importe, c'est que ces besoins soient pourvue à l'échéance et cela sera le cas. Il est prévu de disposer en 2020 de 1 000 milliards, dont 300 proviendraient des intérêts financiers.

M. Philippe Auberger - On n'en prend pas le chemin !

M. Gérard Terrier - Il est démagogique de demander que ce fonds soit, dès aujourd'hui doté des moyens dont nous aurons besoin dans dix ou quinze ans. L'important est de se doter de mécanismes de financement qui nous permettront de faire face aux besoins de demain. Nous avons une politique prévisionnelle car, contrairement à la droite, nous finançons nos politiques (Exclamations et rires sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Je vous renvoie, Messieurs, aux propos de M. Goulard sur la « loi famille » !

Certes, le discours sur les excédents de recette dus à la croissance est intéressant. Nous entendons qu'il faudrait affecter les surplus de recettes à la diminution du déficit, mais aussi à la baisse du prix des produits pétroliers, à la diminution des charges patronales, et encore au fonds de réserve pour les retraites... Il nous faut bien choisir ! Nos choix vont vers ceux dont le besoin est le plus grand : les familles, les retraités, les classes moyennes et les plus défavorisés.

Il nous faudra au cours de nos débats enrichir encore ce projet par des amendements. Nous insistons en particulier sur l'exonération de CRDS pour les chômeurs et préretraités qui ne sont pas imposables ou dont les allocations sont inférieures au SMIC brut et l'extension de la réduction de CSG et de CRDS jusqu'à 1,4 fois le SMIC ; l'extension de l'exonération des cotisations sociales pour l'emploi d'aide à domicile ; le remboursement à la branche famille des frais de gestion des prestations qu'elle gère pour le compte de l'Etat.

D'autres amendements acceptés par la commission des affaires culturelles sont importants, notamment ceux qui concernent les veuves et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Enfin, Madame la ministre, il conviendrait d'étudier les effets de seuil car il serait injuste que des familles qui ont la chance d'avoir des gains supplémentaires constatent finalement une perte nette dans le total de leurs ressources. Vous pouvez être assurée de notre soutien actif pour faire de ce bon projet un texte excellent, que le groupe socialiste votera avec fierté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Morange - Le PLFSS pour 2001 est largement critiquable dans la forme et insuffisant sur le fond.

Une vision strictement comptable est inadaptée dans le domaine de la santé publique.

Des objectifs précis basés sur des recommandations du Haut comité de la santé publique et de la conférence nationale de la santé font cruellement défaut. Une évaluation des besoins à partir des données médicales fiables doit déterminer nos priorités. A titre d'exemple, notons l'insuffisance de la politique de dépistage et de prévention du cancer, mais également de la prise en charge de certaines thérapeutiques onéreuses.

L'ONDAM déterminé en 1999 pour 2000 a fait la démonstration de son absurdité. Il a été jugé totalement irréaliste par M. Joxe, Premier président de la Cour des comptes, mais aussi par Mme Martine Aubry, qui elle-même a déterminé l'ONDAM 2001 sur la base des dépenses effectivement réalisées pour l'année 2000. C'est pourtant sur la base de ces chiffres erronés que M. Spaeth, président de la CNAM, a pris des sanctions aveugles et collectives à l'encontre des spécialistes, des chirurgiens dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers et biologistes. Je vous demande donc, Madame la ministre, d'user de votre autorité de tutelle pour annuler ces mesures iniques, qui violent les accords conventionnels.

Pour mémoire, le plan de soins infirmiers, censé être l'alpha et l'oméga du maintien à domicile, n'aboutira qu'à fragiliser financièrement la majorité des infirmières libérales, sans répondre aux besoins des familles des personnes dépendantes, puisque les auxiliaires de vie sont en nombre insuffisant.

Que dire des kinésithérapeutes, dont la cotation est ramenée au tarif de 1997, alors qu'ils agissent sur prescription ?... De plus, après des années, vous n'avez toujours pas voulu entendre la revendication légitime des professions de santé paramédicales de créer des instances ordinales, conformément à la loi votée dans cet hémicycle. Par ailleurs, l'inéquité de traitement entre l'hospitalisation publique et privée aboutit à une hémorragie des personnels les plus compétents au profit du secteur public, ce qui fragilise l'équilibre financier des cliniques alors qu'elles assument elles aussi des missions de service public. Ne serait-il pas temps de coter les actes par pathologie ?

Les professionnels de santé n'étant pas, malgré certaines assertions, des ordonnateurs de dépenses, les objectifs de l'ONDAM devraient être prévisionnels et négociés entre les praticiens et les caisses. Ils devraient être déterminés sur la base des besoins sanitaires exprimés par région, après définition par le Parlement du panier de soins remboursables. L'optimisation de l'offre et la coordination des soins ne peuvent se faire qu'en respectant l'indépendance et le statut libéral des professions de santé, auxquels les Français sont attachés.

Au lieu d'une telle démarche fondée sur la qualité de soins et la responsabilité individuelle du praticien, le Gouvernement impose une irresponsabilité collective. Pourtant la responsabilité individuelle s'exerce à l'occasion de chaque acte médical. Veut-on y faire obstacle par une « chasse aux sorcières » et un rationnement des soins, fondés sur une vision strictement comptable ? Puisque le Gouvernement se donne des objectifs prévisionnels de recettes, comment peut-il exiger des objectifs précis de dépenses de la part des professionnels de santé, dans un domaine aussi inquantifiable que la souffrance humaine ?

Pour ce qui concerne le branche famille, nous nous félicitons de la création de l'allocation de congé pour parent malade, sans oublier toutefois qu'elle a été initiée par nos collègues Renaud Muselier et Lucien Neuwirth. Mais il faut dénoncer clairement le transfert sans concertation à la CNAF du financement des majorations de pensions accordées aux parents ayant élevé au moins trois enfants. Dans le domaine de la retraite enfin, l'évolution démographique n'est pas prise en compte ; le fonds de réserve ne reçoit pas les sommes nécessaires, malgré des rentrées fiscales exceptionnelles. Ainsi, vous n'assurez pas l'équilibre pour l'avenir, alors que vous le pouviez. Même manque de courage dans votre refus d'entamer les réformes de fond qui s'imposent à cette branche, notamment l'harmonisation des régimes de retraite et la mise en place de fonds de pension en complément de la répartition.

Au total, ce projet ne propose aucune réforme de fond. Malgré le poids des prélèvements que vous imposez aux Français et l'exceptionnelle croissance internationale, vous ne parvenez pas à assurer la pérennité des régimes sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Foucher - Je limiterai mon propos aux sections de la loi qui traitent de la branche maladie et des dépenses d'assurance maladie. Néanmoins, d'une façon générale, j'ai été surpris, comme beaucoup de mes collègues, par l'état d'impréparation de ce projet : à preuve le nombre impressionnant d'amendements déposés par les rapporteurs en vue de réparer des oublis, de corriger des incohérences, de préciser des dispositions incompréhensibles, ou encore de supprimer des cavaliers. Avouez-le, Madame la ministre : c'est faire peu de cas de la représentation nationale que de lui soumettre un projet aussi peu clair. Et c'est faire preuve de mépris envers les rapporteurs que de les obliger à récrire de grands passages de cette loi. M. Recours, M. Evin ont dû -et je salue leur travail- en refaire des pans entiers.

L'objectif national des dépenses d'assurance maladie est fixé pour 2001 en progression de 3,5 % par rapport aux dépenses totales attendues pour 2000. Mais ce rebasage dissimule une hausse beaucoup plus importante qui montre que vous ne maîtrisez pas les dépenses, car l'ONDAM de l'an dernier n'a pas progressé de 2 %, comme il avait été voté, mais de 4,9 %.

Je ne comprends pas bien, d'autre part, pourquoi vous retenez ce taux de 3,5 %, bien que vous le disiez cohérent avec l'évolution du PIB. Jamais, sauf en 1997, l'ONDAM n'a été respecté. Il ne le sera pas plus cette année car, en dehors des menaces de sanctions financières collectives pour les acteurs de santé, vous ne proposez aucune véritable mesure pour réguler intelligemment les dépenses.

Il est urgent de mettre en place un nouveau mode de calcul de la progression de l'ONDAM ; il faut le fixer selon des règles claires, différentes de celles actuellement utilisées -s'il y en a... Pour l'UDF, cet objectif doit être prévisionnel et professionnel, non opposable collectivement et déterminé après analyse de la situation sanitaire et après négociations avec les professionnels. Nous dénonçons et nous refusons les sanctions collectives ainsi que les relations conventionnelles qui conduisent à appliquer des systèmes de lettres-clés flottantes à des professions qui, pour la plupart, ne font qu'exécuter des ordonnances médicales. Un médecin ne peut limiter ses prescriptions si l'état du patient les nécessite, et les professions paramédicales ne font que les exécuter. Il n'est pas raisonnable, par exemple, de limiter l'évolution des dépenses sur les actes des kinésithérapeutes en 2000 à 0,6 % pour 1999. Et il est injuste de les sanctionner par la baisse de 40 centimes d'une lettre-clé, puisque ce n'est pas de leur faute s'ils ont dépassé l'objectif. Il en va de même pour les infirmiers, les orthoptistes, les orthophonistes, les généralistes...

D'autre part il est clair que le taux de 3,5 % représente l'évolution totale de l'enveloppe, mais que chaque profession connaît une augmentation différente. Ainsi l'an dernier, pour la plupart des professions, la hausse a été inférieure à celle de 2 % prévue par l'ONDAM !

Examinons d'autres points relatifs à la branche maladie. L'article 31 révèle malheureusement l'esprit de ce projet de loi : il n'a pas de rapport avec le financement des dépenses d'assurance maladie, mais crée une nouvelle procédure disciplinaire. Il n'a pas sa place ici, à moins qu'il ne soit nécessaire de mettre rapidement en place ces nouvelles dispositions parce que l'examen de la loi dite de modernisation du système de santé serait repoussé sine die. Est-ce la vraie raison ? Je souhaite une réponse. Sur le fond, nous aussi sommes pour la suppression des comités médicaux régionaux, véritables tribunaux d'exception. Mais pourquoi supprimer aussi les comités médicaux paritaires locaux mis en place par les conventions nationales ? Une concertation avec les professionnels a-t-elle précédé ces propositions ?

A plusieurs reprises, dans cette loi, nous constatons un traitement très inégal entre le secteur public et le secteur privé. Ainsi le fonds créé pour la modernisation sociale des établissements de santé ne concerne que le secteur public. De même ce dernier seul a bénéficié d'une enveloppe spécifique pour les activités d'urgence. Pourquoi pas les établissements privés ? L'article 34 les intègre dans l'ONDAM, ce qui n'est pas réaliste et constitue un véritable piège. Par ailleurs, l'abondement du fonds pour la modernisation des cliniques privées est dérisoire : 150 millions pour 2001, cela ne permet même pas une opération par région.

Je m'interroge sur l'article 38, relatif à la publicité pour un médicament remboursable en devenir de non-remboursement : le but de ces dispositions n'est-il pas, sans jeu de mots, de « faire passer la pilule » ? De telles mesures ne sont pas sérieuses : elles remettent en cause la situation actuelle qui est saine ; de plus les laboratoires ne pourront pas investir dans une communication grand public compte tenu du faible coût de ces médicaments, qui sera bloqué par une convention : on enlève d'une main ce que l'on donne de l'autre. Néanmoins cet article pose le vrai problème de la médication officinale, sur laquelle une clarification sera nécessaire.

La création d'un fonds de promotion de l'information médicale pose une autre question : faut-il vraiment voir dans l'information sur les médicaments que fournissent les laboratoires pharmaceutiques l'une des causes du niveau élevé des dépenses de médicaments ? La prescription est commandée par l'état du malade. Que le médicament soit commercialisé par tel ou tel laboratoire n'influe en rien sur le montant de cette dépense inéluctable, car deux produits d'action pharmaceutique voisine ont en général un prix de vente équivalent. Que l'information soit donnée par un fonds de promotion de l'information médicale ne change rien, non plus, si ce n'est qu'une fois encore la liberté de prescription risque d'être menacée : elle sera rapidement très encadrée par ce que l'article 39 appelle « la stratégie thérapeutique ».

J'approuve pleinement les dispositions relatives aux médicaments orphelins et je souhaite qu'on réfléchisse aux moyens d'inciter au développement des formes pédiatriques, qui posent beaucoup de problèmes dans les services hospitaliers pédiatriques, mais aussi pour les jeunes parents. Par contre, nous n'approuvons pas du tout le maintien de la taxe sur les ventes directes, ni la proposition de fixer à 70 % le montant de la contribution que les laboratoires pharmaceutiques devront payer si « l'ONDAM médicament » est dépassé. D'autre part le déclenchement dès le premier franc est économiquement incompréhensible ; d'autre part le taux de 70 % est confiscatoire. Chacun sait que le seuil de dépassement de 3 % est irréaliste : c'est le terme utilisé par la Cour des comptes pour l'exercice 1999. Il ne sera donc pas tenu, et vous le savez si bien que vous inscrivez dans les recettes prévisibles pour 2001 une part importante de cette contribution ! Nous proposerons par amendement de ramener le taux maximum à 65 % comme actuellement, avec une taxe progressive en fonction du pourcentage de dépassement par rapport à la clause de sauvegarde.

Vous affirmez, Madame la ministre, votre volonté de lutter contre le cancer. Cela comporte l'usage de médicaments. Le prix de ces derniers a augmenté en 2000 de 3 % par rapport à 1999, contribuant au dépassement de l'ONDAM médicament. Mais ils contribuent à réduire d'autres dépenses : hospitalisation, soins infirmiers, arrêts de travail... Où est alors la cohérence dont on nous parle tant ?

Pour terminer, je soulignerai la nécessité, dans le domaine si sensible des dépenses de santé, de ne pas avoir une vue purement financière. Tout le monde souhaite une maîtrise, mais elle ne doit plus se faire, comme aujourd'hui, sans concertation avec les professionnels, avec des objectifs définis selon des méthodes peu claires et assortis de menaces de sanction collective. En France nous avons tout pour donner d'excellents soins à notre population. Ne gâchons pas cette énorme chance et utilisons mieux ce qui est à notre disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. André Aschieri - La réforme de la sécurité sociale engagée depuis trois ans va dans le bon sens. Mais la loi votée l'an dernier n'était qu'une étape. Il importe de réaffirmer ici certains principes qui, me semble-t-il, ont été oubliés. Il est essentiel de replacer le malade au c_ur de la protection sociale. Pour cela il faut réorganiser un système de santé qui réponde à la demande de soins des malades et aux besoins de santé de la population ; un système qui soit sûr au plan médical, économe des deniers publics et accessible à tous.

Dans la préparation de cette nouvelle loi de financement, il me semble que le dialogue avec les professionnels de santé a été un peu trop oublié.

C'est pourquoi, Madame la ministre, je me félicite de votre nouvelle nomination qui, j'en suis sûr, permettra de réorienter ce budget vers les besoins des malades, comme il doit l'être. La loi de financement de la sécurité sociale ne peut être fondée uniquement sur des considérations budgétaires.

Le projet de soins infirmiers est, me semble-t-il, incompatible avec ce que sont les soins dispensés aux personnes âgées et handicapées. Comment imaginer remplacer les infirmières par un personnel moins qualifié, et faire prendre en charge par les patients des frais qui leur étaient auparavant remboursés, les laissant désormais espérer une aide hypothétique au titre de la prestation autonomie ? Nous refusons ce système, qui risque d'instaurer une médecine à deux vitesses...

M. François Goulard - Très juste !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Monsieur Aschieri, pourquoi une telle caricature ?

M. André Aschieri - Nous refusons aussi les dispositions visant les médecins. Je le répète : l'équilibre des comptes de la sécurité sociale requiert notre vigilance, mais une approche uniquement comptable n'est pas satisfaisante. L'objectif imposé aux professionnels de la santé doit être défini après l'analyse des résultats et la détermination des besoins dans chaque région. Après, aussi, qu'une concertation a eu lieu. Les baisses d'honoraires décidées l'année dernière pour la CNAM conduisent inévitablement au rationnement des soins et à la perte du libre choix de son médecin par le patient.

M. le Président de la commission - Allons, Monsieur Aschieri !

M. André Aschieri - A terme, de telles mesures nuisent à l'assurance maladie elle-même, j'en suis convaincu.

Il faut, encore, recommencer à créer des places en section de cure médicale dans les établissements d'hébergement de personnes âgées, et revenir sur les arrêtés restaurant la gynécologie médicale, qui ne satisfont personne.

M. le Président de la commission - Mais enfin !

M. François Goulard - La majorité plurielle est en train d'imploser !

M. André Aschieri - Le diplôme supprimé en 1986 doit être rétabli, des internes spécialisés doivent être formés d'urgence et, surtout, le libre accès des femmes au gynécologue de leur choix doit être préservé...

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Il n'est pas menacé !

M. André Aschieri - ...de manière à assurer la prévention des cancers de l'appareil reproductif et un suivi correct des maternités.

Je déplore que l'excédent prévu du régime général de la sécurité sociale, évalué à 253 millions serve à financer la loi sur la réduction du temps de travail, et je m'inquiète des ponctions opérées sur la branche famille. De même, la TGAP devrait être utilisée pour réparer les dégradations subies par l'environnement...

M. François Goulard - C'est l'évidence.

M. André Aschieri - Elle pourrait être consacrée au financement de l'agence de sécurité sanitaire de l'environnement, que les Verts se réjouissent de voir, pour la première fois, figurer dans le projet de budget.

Nous sommes loin d'avoir encore instauré une véritable démocratie sanitaire, et l'excédent prévu devrait, plus qu'à tout autre chose, servir à la renforcer, en replaçant l'usager au c_ur du dispositif de soins et en organisant une prise en charge personnalisée. Trop de malades vivent encore dans des conditions précaires, et nombreuses sont les personnes aux revenus modestes exclues du bénéfice de la CMU par le plafond de ressources. Un amendement des Verts visait à inclure parmi les bénéficiaires nombre de ceux-là ; il a été rejeté par le Gouvernement. Il nous semblait pourtant juste que les personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté - 3 800 francs par mois- puissent bénéficier de la gratuité des soins.

Je tiens encore à souligner les difficultés rencontrées par les victimes de maladies professionnelles et d'accidents du travail. Plus d'un siècle après la loi de 1898, le système d'indemnisation demeure injuste. C'est bien à la réparation intégrale du dommage que nous devons tendre, et c'est pourquoi les Verts ont déposé une proposition de loi en ce sens, à propos des victimes de l'amiante. Ils souhaitent la voir inscrite rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée. Si les Verts se félicitent de la prise en compte opérée...

M. le Président de la commission - Quand même !

M. André Aschieri - ...tardive mais réelle, il semble dangereux de traiter différemment les victimes de l'amiante selon leur mode de contamination. Pourquoi un accidenté du travail atteint d'un cancer autre que ceux causés par l'amiante se verrait-il appliquer des règles différentes ? Nous connaissons maintenant les risques que présentent l'exposition aux benzènes, ou aux éthers de glycol ; le Gouvernement entend-il créer un fonds pour chaque pathologie ? Je travaille à ces questions depuis trois ans...

M. le Président de la commission - Je les connais aussi bien que vous.

M. André Aschieri - Vous savez donc comme moi qu'une réforme du dispositif de prévention des risques professionnels s'impose, car il est trop largement influencé par l'intérêt des professionnels, d'autant que les médecins du travail n'ont pas toute l'indépendance qu'ils souhaiteraient. Il faut appliquer à la santé au travail le principe « pollueur-payeur » et faire en sorte que les entreprises supportent enfin la totalité des coûts inhérents aux accidents du travail. Plusieurs rapports officiels montrent que ce n'est pas le cas.

Nous plaçons en vous beaucoup d'espoirs, Madame la ministre, pour redonner la parole à un ministère « sans voix », pour instaurer un dialogue avec tous les acteurs de la santé et de la protection sociale et, ainsi, restaurer la confiance.

Les députés Verts sont disposés à contribuer à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001. Je ne doute pas que vous saurez les écouter. Croyez qu'ils sauront vous témoigner leur confiance (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Perrut - Le projet que vous nous présentez ne facilite en rien la compréhension du premier budget de la nation. Nous sommes devant un tableau d'une invraisemblable complexité, et cette loi, qui apparaît avant tout comme un instrument de gestion, est une « loi hybride », liée à des transferts du budget de l'Etat pour financer des dépenses sans rapport avec la santé, telles que les 35 heures. On peut s'interroger : qui paye quoi, et pour qui ?

Dans ce maquis -j'allais parler de manipulation- budgétaire, on trouve les recettes les plus diverses, de la taxe sur les véhicules de société et de la TGAP aux droits sur les tabacs ou les alcools. Voilà qui tranquillisera ceux qui boivent ou qui fument, puisque, ce faisant, ils financent la sécurité sociale !

Il n'y a dans ce budget aucune innovation importante, et les quelques mesures prévues, permises par la croissance, ne peuvent faire oublier l'absence de réforme structurelle de l'assurance maladie que nous attendons, et qui devrait passer par une décentralisation très marquée.

Par la grâce de Mme Aubry, nous nous sommes engagés dans une maîtrise quantitative des dépenses d'assurance maladie qui ne prend en compte ni les besoins réels de santé, ni les efforts des praticiens.

Ce système ne fonctionne pas, et nous proposerons une meilleure utilisation des fonds disponibles pour prendre en compte les besoins de la population et promouvoir une politique de santé de proximité responsabilisant tous les acteurs.

Incontestablement, la politique de santé et de solidarité ne constitue pas l'une des priorités du Gouvernement, et les avis défavorables rendus par les conseils d'administration des caisses maladie, vieillesse et famille, témoignent de son incapacité à engager le dialogue et à répondre aux attentes. C'est grave !

Certains se réjouiront toutefois de votre réforme électoraliste visant à relever les revenus les plus bas ; fallait-il, pour autant, toucher à la CSG, prélèvement universel et juste, alors que d'autres mesures étaient envisageables ? Il n'est pas bon que la sécurité sociale soit tributaire des compensations que le budget de l'Etat voudra bien lui accorder pour tenir compte des dégrèvements de CSG, et il n'est pas juste que cet abattement ne tienne pas compte des ressources globales du ménage. Ce qui était une cotisation devient ainsi un impôt, mais vous n'avez pas voulu prendre en compte les enfants à charge. Quelle injustice !

Au lieu de vous en tenir au virtuel, écoutez les professionnels de la santé !

Les entendez-vous, ceux que vous aimez sanctionner, les médecins spécialistes, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthopédistes, les biologistes... que nous recevons sans discontinuer à nos permanences ?

Ils ne comprennent pas, et nous non plus, l'utilité de l'ONDAM, puisque son "rebasage" conduit en quelque sorte à effacer d'un coup d'éponge le dépassement des dépenses constatées. Dans ces conditions, quelle est l'utilité de le voter ? L'ONDAM et une fiction !

Les professionnels de santé disent leur opposition à votre politique et au maintien d'un système de régulation comptable des dépenses qui vont à l'encontre de l'obligation qui est la leur de tout mettre en _uvre pour la santé de patients venus les consulter librement. Les relations entre les professionnels et les caisses ne doivent pas se limiter à des objectifs, mais doivent concerner l'offre et la qualité de soins. L'urgence est de renouer un vrai dialogue en définissant un code de bonne conduite. Sachons faire confiance aux bons praticiens : ils sont très nombreux.

Entendez-vous les associations d'aide et de soins à domicile, qui ne peuvent plus faire face à des missions pourtant indispensables auprès des personnes âgées, handicapées, malades ? Les entendez-vous ces infirmières, mal rémunérées et mécontentes d'un plan de soins infirmiers dont on ne mesure pas toutes les conséquences ? Leur dévouement est apprécié des personnes âgées et handicapées. Ce sont les infirmières qui assurent le lien entre l'hôpital et la médecine de ville.

Les associations d'aide et de soins à domicile, quant à elles, manifesteront samedi : elles ne peuvent plus assumer leurs missions.

Les directeurs d'hôpitaux ont du mal à obtenir des scanners, des IRM. Les dépenses de fonctionnement des hôpitaux sont insuffisantes. Les infirmiers et les aides-soignants, trop peu nombreux, ont un travail de plus en plus important à accomplir. Ils n'en peuvent plus.

Dans les cliniques, la revalorisation de l'enveloppe est trop modeste pour permettre la restructuration du secteur. Les gynécologues obstétriciens vous ont alertés : la qualité des soins se dégrade. Les spécialistes du cancer s'inquiètent de la progression du coût des médicaments.

Il reste beaucoup à faire pour les personnes handicapées.

Les parents d'enfants autistes déplorent l'absence de prise en charge.

M. Philippe Auberger - C'est vrai. Et cela malgré toutes les promesses de Mme Aubry.

M. Bernard Perrut - Que de difficultés pour obtenir le financement d'un centre d'action médico-sociale précoce. Dans ma ville, le préfet a autorisé l'ouverture d'un tel centre depuis plusieurs années, mais nous attendons toujours.

Quand examinerons-nous un projet portant réforme de la loi du 30 juin 1975 sur les établissements sociaux et médico-sociaux ?

Les veuves et les veufs sont les grands oubliés de ce projet. Il faudrait relever le taux de réversion au conjoint survivant, d'autant que beaucoup de pensionnés sont pénalisés par le plafond du cumul avec un avantage retraite personnel. Quant à l'allocation veuvage, elle est soumise à des conditions trop restrictives. Il faut faciliter la réinsertion des veuves mères de famille.

J'espère que vous donnerez un nouvel élan à la politique familiale, fort malmenée ces dernières années. Le récent rapport de l'IGAS et de l'inspection générale des services judiciaires montre que l'amoncellement des structures et des dispositifs ne se traduit pas par un véritable accompagnement des personnes.

Il y a en France 1,7 million d'enfants en difficulté, dont 960 000 dans des familles vivant exclusivement des minima sociaux. C'est aux causes du mal qu'il faut s'attaquer. Il convient d'encourager les actions visant à soutenir l'exercice de l'autorité parentale et de réhabiliter la parentalité. La création de réseaux d'écoute me paraît indispensable. Jamais les structures familiales n'ont été aussi fragiles. En témoigne ce vide parental observé par les observateurs de la vie des quartiers. Ce projet ne remédie en rien à cette situation.

Reprenant l'idée d'un membre de l'opposition, vous créez un congé et une allocation de présence parentale, dans le cas d'un enfant gravement malade. C'est une bonne mesure, mais il faudrait l'étendre à l'assistance des personnes âgées ou handicapées.

Les familles attendent encore l'élévation à vingt-deux ans de l'âge limite de versement des allocations familiales, mesure prévue dans la loi du 4 juillet 1994 que vous avez abrogée en décembre 1999.

Vous voulez inciter les parents à reprendre leur activité avant l'expiration du congé parental d'éducation. S'agit-il seulement de réduire le coût du dispositif, ou bien auriez-vous une vision travailliste de la famille, considérant la mère qui s'occupe de ses enfants comme inactive ? Cette innovation, de toute façon, ne profitera guère aux personnes faiblement qualifiées qui connaissent des difficultés d'insertion professionnelle.

En même temps que vous découragez les parents de s'occuper de leurs enfants en bas âge et les incitez à retravailler, vous limitez les aides pour la garde d'enfants à domicile. C'est ainsi que vous mettez sous conditions de ressources l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée. Faut-il, comme vous le faites, donner la priorité aux crèches ? Les parents préfèrent les autres modes de garde, d'une plus grande proximité.

M. le Président de la commission - N'importe quoi !

M. Bernard Perrut - Enfin, vous mettez à la charge de la CNAF la majoration de 10 % accordée par le régime général aux retraités qui ont élevé trois enfants ou plus. Depuis sa création, cette majoration a toujours été considérée comme une prestation de solidarité, non comme une prestation familiale. C'est pourquoi elle était financée par le Fonds de solidarité vieillesse. Ce transfert ne vise qu'à alléger les charges du FSV afin de lui faire financer, via le FOREC, le coût des 35 heures.

Cette charge supplémentaire va paralyser l'action des CNAF pour les années à venir. Il faut craindre que le partage des ressources de la branche famille devienne un motif d'affrontement entre les générations.

Ce projet ne peut être voté en l'état (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Hélène Mignon - Nous entendons beaucoup de contrevérités. Je souhaite que notre débat reste serein et que les propositions faites soient constructives et non passéistes.

La société évolue, les aspirations des familles aussi, mais la famille joue toujours un rôle fondamental comme facteur de cohésion mais aussi d'emploi et de consommation.

Si l'on doutait de l'intérêt que porte aux familles le Gouvernement, il suffirait de se souvenir que c'est depuis l'arrivée de Lionel Jospin que la conférence de la famille se tient régulièrement. La nomination de Mme Ségolène Royal à la tête d'un ministère à la famille et à l'enfance montre bien la volonté d'allier les actes aux discours.

En effet, ce ministère nous permet d'appréhender de manière de plus en plus pointue la réalité de la famille.

Notre politique doit s'adapter aux familles dans leur diversité. Respectueuse des libertés de chacun, elle doit accompagner les évolutions tout en restant fidèle à certaines valeurs.

Les problèmes sont complexes. Il ne suffit pas d'en faire le diagnostic, il faut proposer des remèdes.

L'esprit républicain de solidarité et d'égalité doit prévaloir. Ce qu'on attend d'une politique de la famille, ce sont d'abord des aides financières améliorant la prise en charge des enfants au sein de la famille : c'est l'universalité des allocations. Mais c'est aussi tout ce qui peut être mis en _uvre pour aider de façon indirecte les familles : leur permettre d'accéder à une réelle citoyenneté, aider les parents à assumer leurs responsabilités.

Nous devons reconnaître que, dans la réalité, certains parents enfermés dans leurs propres difficultés ne peuvent jouer ce rôle. Les aider plutôt que de les suppléer, tel est l'objet des réseaux d'aide et d'accompagnement des parents, de la réflexion sur l'autorité parentale et de la réforme du droit de la famille.

Madame la ministre, nous ne pouvons que nous réjouir de voir prise en compte dans ce budget la création de structures d'accueil pour la petite enfance.

Nous ne pouvons en effet revendiquer l'égalité professionnelle sans permettre aux jeunes femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale.

Le fonds d'investissement, doté de 1,5 milliard, mais aussi le fonds de fonctionnement vont rassurer les maires, qui savent combien les crèches et haltes-garderies coûtent à la collectivité. Je souhaite que ces structures se développent dans le monde rural, car l'inégalité géographique est encore grande. Il faut encore faire preuve de souplesse, qu'il s'agisse du nombre d'enfants admis ou des horaires.

Je ne suis pas sûre qu'une femme travaillant dans la grande distribution, la plupart du temps à temps partiel, puisse encore y trouver satisfaction totale, tant ses horaires sont peu compatibles avec la vie d'un enfant, mais peut-être trouvera-t-elle une réponse dans l'emploi d'une assistante maternelle agréée, puisque nous enregistrons dans vos propositions une majoration de l'aide pour les familles modestes et moyennes.

Par contre, je suis sûre qu'une maman à qui l'on propose un stage ou un emploi, pourra trouver rapidement une réponse à la garde de son enfant, dans l'assouplissement des normes.

Cela facilitera avec d'autres mesures prises par ailleurs, le retour dans l'emploi des mères de famille.

Quant à la création de classes passerelles, sans pallier l'insuffisance de places en école maternelle, elle correspond à une interrogation. Quelle est la structure la mieux adaptée à l'enfant entre 2 et 3 ans ? Le besoin de socialisation ne se manifeste pas dans toutes les familles pour chaque enfant de la même façon, mais le choix des parents se fait souvent par rapport à un facteur économique : gratuité de l'école contre le coût des modes de garde.

La relation qui s'instaurera entre les responsables de crèches et l'éducation nationale ne pourra être que bénéfique à l'enfant. Elle permettra peut-être d'apporter une réponse à certains problèmes de violence que les puéricultrices détectent dès les premiers mois de la vie et qui se confirment en maternelle. A-t-on pris la mesure de ce problème ? Je salue aussi la décision de s'occuper enfin des dysphasies et dyslexies.

Quant à la création d'un congé parental pour enfant malade, je ne peux que dire « enfin », comme bon nombre de parents. En votant cet article, je penserai à ces enfants d'une classe de ma circonscription qui avaient proposé au Parlement des enfants qu'une maman qui s'absente pour s'occuper de son enfant gravement malade ne puisse pas perdre son emploi. Le cas qui venait de se produire pour un de leurs camarades les avait beaucoup choqués.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme Hélène Mignon - Je ne crie pas au hold-up pour la prise en charge de la majoration de pensions pour enfants par la branche famille et je ne trouve pas scandaleux, puisque les fonds sont là, que l'allocation de rentrée scolaire relève des caisses. En revanche, j'entends bien ceux qui s'interrogent sur la prise en charge par la CNAF de frais de gestion du RMI. La question de la modulation de l'allocation de rentrée scolaire finira bien par se poser. Il faut notamment prendre en considération les frais importants qu'occasionnent les filières technologiques.

Même si la réflexion doit se poursuivre, la politique familiale du Gouvernement nous convient et les députés socialistes la soutiendront. Aider les familles, c'est mener une politique sociale juste et lutter contre le chômage pour permettre aux enfants de s'épanouir dans un climat familial serein, sans peur du lendemain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - Les années se suivent et, malheureusement, se ressemblent. Nous avons déjà dénoncé l'opacité de ce texte. Les transferts entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, les changements d'affectation des recettes et des dépenses ôtent sa signification à la réforme de janvier 1996. Cette année en outre, les annexes au texte ont été déposées très tardivement. Elles n'étaient même pas disponibles pour l'audition de Mmes Aubry et Gillot par la commission. Cela montre le degré d'impréparation du texte.

Je voudrais aborder trois problèmes. Le premier est la modification de la CSG. Le basculement en 1998 des cotisations maladie sur la CSG a été trop brutal. Nous vous avions pourtant prévenus.

M. Maxime Gremetz - Vous avez voté pour !

M. Philippe Auberger - Le résultat est qu'il n'y a plus assez d'écart entre des revenus d'activité modestes, comme le SMIC, et les revenus de remplacement, d'où ce qu'il est convenu d'appeler les trappes à inactivité, dont l'existence est reconnue par la loi contre les exclusions. L'allégement de cotisations jusqu'à 1,4 fois le SMIC atténue cet effet mais le remplace par une trappe à bas salaires : une augmentation de salaire de 100 F aux alentours du SMIC coûte en effet 334 F à l'employeur. Il aurait été préférable de trouver un autre moyen d'alléger les charges des salariés, comme un abattement à la base sur les cotisations payées par les revenus les plus modestes. Par ailleurs, pourquoi la compensation de l'allégement aux caisses qui bénéficient de la CSG est décidée par la loi de finances alors que l'allégement lui-même est prévu par la loi de financement ? Cette compensation, la taxe sur les conventions d'assurance, qui n'a d'ailleurs aucun rapport, sera-t-elle suffisante, sachant qu'une partie de cette taxe est déjà affectée aux 35 heures ? Enfin, l'allégement de la CRDS, dont le produit est versé à la CADES, ne sera, lui, pas compensé. Nous considérons votre confiance en la CADES, qui supportera 500 millions de manque à gagner, comme un hommage envers ses créateurs, qui l'ont dotée de ressources permanentes.

Deuxième problème : le financement des 35 heures, qui coûtera 85 milliards en 2001 contre 67 cette année. La charge est désormais supérieure aux dépenses d'investissements civils de l'Etat. Vous avez donc dû affecter au fonds de réforme des cotisations pas moins de six ressources fiscales : taxe sur les tabacs, droits sur les alcools, contribution sur les bénéfices, taxes sur les conventions d'assurances et sur les véhicules de société et TGAP. C'est dire que l'équilibre du fonds est problématique, d'autant que deux de ces ressources, la contribution sociale sur les bénéfices et la TGAP, sont prévues en nette augmentation et qu'on ne sait pas comment elles rempliront cet objectif. On a encore moins de perspective sur l'évolution du fonds, qui représentera à terme 115 ou 120 milliards. D'ailleurs, un an après sa création, les textes qui régissent son organisation et son fonctionnement ne sont toujours pas pris...

Troisième point : le fonds de réserve des retraites, créé après de nombreux atermoiements et dont les textes constitutifs ne sont, eux non plus, toujours pas sortis. Le rapporteur général a d'ailleurs pressé le Gouvernement sur ce sujet. L'affectation du produit des parts sociales de la réforme des Caisses d'épargne et des licences UMTS montre que les recettes du fonds sont faites de bric et de broc. Le seul document de référence est la conférence de presse du Premier ministre du 21 mars ! Par ailleurs, les placements autorisés semblent n'être que des obligations du Trésor, dont le rendement est ridicule.

M. Maxime Gremetz - Vous préféreriez faire des placements chez AXA ?

M. Philippe Auberger - L'objectif des 330 milliards de produit financier pour 2020 paraît ainsi impossible à atteindre. On peut aussi s'interroger sur l'intérêt de multiplier les fonds autonomes pour gérer un portefeuille de dettes publiques. Cela ne permettra pas de faire l'économie d'une réforme des retraites.

Enfin, je m'étonne de ne trouver dans votre texte aucun compte d'ensemble relatif à la CMU, qui redistribue pourtant une dizaine de milliards de francs. On sait simplement que le crédit de 7 milliards dans la loi de finances pour 2000 passe à 6,4, ce qui s'explique mal alors que la CMU est en train d'entrer en application.

Le PLFSS présente donc beaucoup de zones d'ombre que le débat ne devrait pas faire disparaître tant la complexité du texte est grande. Cela ne peut que le rendre sujet à caution et nous ne le voterons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Mme Fraysse vous a déjà donné notre point de vue global : ce texte, s'il contient des progrès intéressants, est trop peu ambitieux et ne répond pas aux attentes du pays, notamment à celles des professionnels de santé et des malades. Un seul exemple : il n'est pas normal qu'à Amiens, des machines ultramodernes ne soient pas utilisées par manque de personnel.

En ce qui concerne les retraites d'abord, je mets au défi quiconque de prouver que le pouvoir d'achat des pensions et retraites a augmenté. Toutes les études montrent qu'il a sérieusement baissé. Les retraités doivent supporter la CSG et la CRDS et il faut faire un effort pour les 12 millions d'entre eux qui ont travaillé et cotisé et qui ont droit à être respectés. Cela relancerait d'ailleurs la consommation et l'économie.

Je suis membre du conseil d'orientation des retraites et je connais les problèmes. Réaffirmons-le clairement : oui au système par répartition, oui à l'universalité des retraites ! Ce n'est pas parce que la vie s'allonge et qu'il y a un déséquilibre démographique entre actifs et inactifs qu'il faut remettre en question l'âge de départ à la retraite. M. Balladur l'a fait, ce n'est pas à la gauche de revenir à cette solution qui n'en est pas une.

Autre point, est-il juste d'indexer les retraites sur les salaires, alors qu'ils n'augmentent pas ? La part des salaires dans la valeur ajoutée est passée de 39,8 % en 1997 à 39,6 % en 2000. Le pouvoir d'achat stagne. Telle est la réalité ! Ce n'est pas moi qui invente, les chiffres sont là. L'indexation sur l'inflation serait bien plus juste.

Et est-il imaginable de voter aujourd'hui une loi de financement de la sécurité sociale sans un geste fort pour les familles par la revalorisation des allocations familiales ? Je m'en sens incapable.

On dit que tout cela coûterait cher. Mais augmenter les allocations familiales de 2,2 %, cela représenterait 1,5 milliard, passer à 3 % pour les retraites à peu près la même somme.

On a parlé de la CMU. Mais va-t-on enfin rembourser les soins dentaires pour les enfants et les lunettes, comme on le promet depuis trois ans ? Cela ne coûterait que 800 millions. Et si on ne va pas de l'avant, les gens ne peuvent pas faire la différence entre la gauche, et la droite, c'est-à-dire la réaction, le conservatisme (Murmures sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Ecoutons ce que disent les Français : pour 61 % d'entre eux, les retraites sont la première préoccupation.

C'est la première fois depuis de très nombreuses années que, pour les salaires comme pour les retraites, le pouvoir d'achat stagne.

Les entreprises, elles, font des profits historiques. Les 20 premiers groupes ont gagné dans les six premiers mois de 2000 autant que l'an dernier !

M. Germain Gengenwin - Ça c'est votre vieille rengaine !

M. Maxime Gremetz - Votre vieille rengaine à vous, c'est faire des cadeaux aux riches et faire payer les pauvres !

M. le Président - Vous avez déjà doublé votre temps de parole. Veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz - Les recettes sur le tabac, l'alcool, la pollution ne sont pas la bonne solution. Fumer et polluer pour financer la protection sociale, non, ce ne peut être l'avenir. Quel est l'avenir ? Les actifs français des entreprises sont passés de 272 milliards en 1970 à 25 000 milliards en 1998 ! Comment voulez-vous avoir des ressources suffisantes si on s'en tient à l'assiette de la valeur ajoutée sur les machines, alors que les profits sont de plus en plus purement financiers ? Les patrons ne paient plus rien pour la sécurité sociale : on leur fait cadeau de 410 milliards d'exonérations de charges (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)...

Plusieurs députés RPR - Qui a voté ces lois ? Nous avons voté contre !

M. Maxime Gremetz - Vous êtes drôles ! Dès qu'on parle de cela, vous vous fâchez tout rouge !

Mais c'est moi, le rouge ! Vous, vous êtes pour les patrons ! Arrêtez !

M. le Président - Concluez, Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz - Monsieur Bur, voilà comment on fait payer les revenus du capital : le prélèvement de 2 % a rapporté 5,41 milliards en 2000, il rapportera 5,75 milliards en 2001. Alors que les profits ont doublé pour certains, on ne va faire payer que 200 millions de francs de plus à ces patrons -pauvres patrons !

Si on veut revaloriser les allocations familiales et les retraites, il faut augmenter la cotisation sociale sur les bénéfices que nous avons mise en place. Elle a rapporté 4,5 milliards seulement l'an dernier, et cette année ce seront 6 milliards, alors que les bénéfices explosent. Je propose qu'on la porte de 3,3 % à 5 %. Cela nous fera 9 milliards et alors nous pourrons répondre aux attentes et faire les gestes forts que j'ai cités : revalorisation des allocations familiales et des retraites, remboursement de la lunetterie et de soins dentaires. Excusez-moi, Monsieur le président, d'avoir abusé de votre patience, mais comme vos amis m'ont interrogé, je voulais répondre complètement (Rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Ma patience est immense, mais il faut respecter les horaires. La prochaine fois, demandez un temps de parole plus important à votre groupe, car aujourd'hui vous l'avez triplé.

M. Jacques Barrot - Madame la ministre -dont je salue cordialement l'arrivée à la tête de ce ministère passionnant, mais parfois difficile- je voudrais insister uniquement sur les problèmes des ressources de la sécurité sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale a été conçue pour lui assurer des recettes clairement identifiables et aussi stables que possible.

Or, les conseils d'administration des caisses ont, vous le savez, émis de sérieuses réserves sur ce projet à cause, précisément, du choix des recettes.

Il y a un réel danger à faire financer notre système de solidarité par des ressources plus aléatoires, tributaires d'apports budgétaires résultant eux-mêmes d'arbitrages rendus par le ministère des finances.

Dans les dernières années, la sécurité sociale a été sollicitée pour financer des politiques qui ne font pas partie de son champ. Ainsi la réduction du temps de travail a été financée par une baisse des cotisations, de 95 milliards, et on compense ses pertes par le FORECS, fonds alimenté par un cocktail de taxes hétéroclites et incertaines.

On aurait pu faire l'économie de cette confusion des politiques et prévoir une compensation budgétaire selon des règles simples (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF).

La Sécurité sociale a été sollicitée aussi pour une politique très louable, la revalorisation des revenus des salariés les plus modestes. Je ne conteste pas cet objectif mais, Madame la ministre, et je le dis d'autant plus volontiers que l'arbitrage s'est fait avant votre arrivée, on aurait pu imaginer un dispositif de crédit d'impôt -qui, bien sûr, suppose que tous les ménages fassent une déclaration de revenus. Par ailleurs, il faut revoir les règles d'attribution de certains avantages, aujourd'hui réservés aux titulaires de revenus d'assistance alors qu'ils devraient être accordés en fonction du niveau de revenu.

Le choix fait par le ministère des finances va entraîner des disparités de traitement. Dans un ménage où les deux conjoints sont payés au SMIC, on ne paiera plus de CSG, mais dans celui où un seul travaille en gagnant deux fois le SMIC, on la paiera complètement... Où est la justice et la lisibilité ?

J'appelle également l'attention sur les effets de seuil. Il faut prendre garde, Monsieur Recours, que le salarié soit peu encouragé à progresser, si pour 100 F de revenus supplémentaires, il doit redonner 40 F en CSG. Après la « trappe à inactivité, on pourrait parler de « trappe à bas salaires » et de frein à la progression de la carrière salariale.

Par ailleurs, qu'a fait le ministère des finances pour compenser les 30 milliards de pertes de recettes pour la sécurité sociale ? Peu soucieux des ressources du système de solidarité, comme j'ai pu le constater lorsque j'étais ministre des affaires sociales, il est allé chercher les taxes sur les conventions d'assurances. C'est une ressource beaucoup moins dynamique que ne l'était la CSG, assise sur l'ensemble des revenus ; si la compensation est à peu près assurée pour cette année, elle ne l'est pas pour l'année prochaine. Tout dépendra de subtiles négociations dans lesquelles le ministère des affaires sociales, hélas, est souvent en situation d'infériorité.

Je regrette qu'on abandonne le principe d'universalité de la CSG, qui est un moyen d'affirmer le caractère universel de la sécurité sociale.

Je n'ai guère le temps d'aborder les transferts de branche à branche, notamment au détriment de la branche famille, ni de m'étendre sur la création de fonds spéciaux, que je regrette : on aurait pu mener une politique de crèches avec le fonds d'action sociale des CAF.

Madame la ministre, je souhaite vivement que, maintenant que vous êtes en charge de ce ministère, vous puissiez mettre fin à la dérive de la loi de financement de la sécurité sociale. C'est dans la mesure où les politiques s'engageront dans un pilotage transparent et beaucoup plus fin qu'on pourra, comme vous l'avez fait hier, demander à tous les acteurs de faire preuve de responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Paul Bacquet - Il y a trois ans, alors que la sécurité sociale était en déficit depuis 1985, il était ambitieux et même un peu risqué d'afficher l'objectif d'un retour à l'équilibre. Or nous y sommes parvenus et on prévoit même pour 2000 un excédent de 3,3 milliards. C'est là le résultat d'une gestion rigoureuse et de mesures courageuses que nous devons à Mme Aubry et qui n'ont pas empêché des avancées notables en matière de santé publique : meilleure indemnisation des victimes d'accidents de travail et de maladies professionnelles, mise en place de la couverture maladie universelle, réflexion sur un projet de modernisation du système de santé.

Pour 2001, l'ONDAM est en progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues pour l'an 2000, ce qui permettra d'autres avancées : fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante ; mesures en faveur du développement des médicaments orphelins, prorogation du délai pour les actions expérimentales de filières et de réseaux.

En revanche, concernant les procédures litigieuses entre professionnels de la santé et caisses d'assurance maladie, je souhaite comme tous les groupes de l'Assemblée nationale, la suppression de l'article 31. En effet, les pratiques anormales sont le fait d'une petite minorité de professionnels, qui doivent faire l'objet d'interventions ciblées et elles ne doivent pas donner lieu à des sanctions collectives (« Très bien ! » sur divers bancs).

Il y a un an, j'avais dit mes réserves sur un article par lequel le secret médical risquait d'être bafoué. Le Conseil constitutionnel, confirmant cette inquiétude, a défini les conditions d'une stricte confidentialité de la transmission des informations médicales. Aujourd'hui, je ne peux accepter que les CMR, véritables tribunaux d'exception, soient maintenus en l'état, même à titre transitoire ; je souhaite qu'ils deviennent au moins paritaires.

Au-delà du budget de l'assurance maladie, nous devons avoir à l'esprit que les inégalités persistent en matière de santé. L'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de 6,5 années à celle de certains cadres ; un man_uvre a un risque trois fois plus élevé qu'un ingénieur de mourir entre 35 et 65 ans ; le taux de mortalité périnatale est très différent selon les catégories sociales. Il existe aussi de fortes inégalités régionales, y compris dans la démographie médicale.

Maintenant que l'équilibre est atteint, il est indispensable que les acteurs du système de santé définissent des priorités. Notre rapporteur Claude Evin considère que le système conventionnel est mort et qu'il faut redéfinir les relations entre le financeur -l'Etat ou les caisses- et les professionnels de santé ; il propose que le Gouvernement mette en place un groupe de travail et déclare que si celui-ci ne veut pas le faire, la commission des affaires sociales le fera.

Nous devons redéfinir le rôle des caisses d'assurance maladie par rapport à l'Etat -dont M. de Kervasdoué, dans un article du Monde se demandait à quoi elles servaient encore, 40 % de leurs recettes venant désormais de l'impôt ou de la CSG ; et nous devons parvenir à renouer le dialogue avec les professionnels de santé. Il serait simpliste d'expliquer la crise de confiance qu'ils manifestent par la seule baisse de leurs revenus. L'évolution démographique est aussi inquiétante : à l'horizon 2008, la baisse du nombre de généralistes en France sera de près de 2 % par rapport à 1998, allant jusqu'à 18 % dans certaines régions. De même, les conditions d'exercice sont devenues de plus en plus difficiles, dans un système où le malade considère souvent le praticien comme un distributeur ou un prestataire de services. Tout cela explique le découragement des médecins, l'effondrement des effectifs dans les spécialités les plus pénibles, le non-renouvellement des médecins ruraux, le refus d'assurer des gardes. Les professionnels n'acceptent pas d'être considérés comme des déviants potentiels, responsables de tous les maux.

M. Jean-Michel Dubernard - Tout à fait !

M. Jean-Paul Bacquet - S'il est indispensable de redéfinir les relations entre les différents acteurs de santé, rien ne se fera sans la participation des professionnels eux-mêmes (« Très bien ! » sur divers bancs).

Madame la ministre, vous avez déclaré sur une radio : « J'écoute beaucoup et je pratique énormément la concertation. Quand je suis arrivée à la Justice, j'ai commencé par écouter tous les acteurs, et je vais maintenant faire de même ». Soyez assurée que nous vous accompagnerons dans cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Tout en partageant l'ensemble des critiques adressées à ce projet par les orateurs de l'opposition, j'insisterai sur l'esprit qui a dicté les articles de la section maladie. Mon propos ne sera d'ailleurs pas sans résonances avec celui que vient de tenir M. Bacquet.

Je vous ai entendu vous louer du retour à l'équilibre des comptes et de l'excellence de votre projet de loi. Et je me demande de quelle schizophrénie peuvent être atteints les professionnels de la santé... Car enfin ils n'ont jamais autant manifesté leur mécontentement (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Des mouvements ont émaillé toute cette année : les personnels des hôpitaux, les praticiens, et plus récemment les kinésithérapeutes et les infirmiers. Et c'est une journée « santé morte » qui les réunira tous, demain 26 octobre, dans une réprobation générale. Il faut avoir le courage de le reconnaître : notre système de santé est malade.

Il est malade de l'injustice, de l'iniquité et de l'autoritarisme étatique.

Injustice, lorsque les praticiens qui font leur métier se voient reprocher de le faire et imposer une réduction de leurs honoraires au motif que trop de patients font appel à eux ! Est-ce de leur faute si nos concitoyens ont besoin de soins ? Iniquité, lorsqu'on répond aux demandes, justifiées par ailleurs des hôpitaux publics, auxquelles Martine Aubry a dû céder en promettant 3 milliards par an pendant trois ans, mais que l'on traite par le mépris celles des hôpitaux privés. Ceux-ci assurent pourtant plus du tiers des hospitalisations dans notre pays, et ils ont tout autant besoin de restructuration et d'investissements. Iniquité encore, lorsqu'on remet à plus tard la mise en place des 35 heures dans les hôpitaux publics et qu'on l'impose aux hôpitaux privés aggravant encore leurs difficultés financières. Autoritarisme étatique enfin, qui désespère même les plus courageux. Comment continuer à vivre une profession faite de dialogue et de confiance quand progressivement toute liberté disparaît, tout acte est contingenté, toute thérapeutique est passée au crible de son coût ? Quand les professionnels de santé deviennent peu à peu de simples outils au service d'une réglementation toujours plus lourde ? Quand leurs priorités de soins subissent des limitations que justifie la seule nécessité de ne pas dépasser une enveloppe, fixée d'ailleurs arbitrairement et en dehors de la profession médicale ?

Cette enveloppe que constitue l'ONDAM est en effet calculée d'une façon arbitraire et quelque peu fantaisiste. M. le rapporteur Alfred Recours l'a dit hier, mais pour s'en féliciter, appelant « pilotage » le « rebasage » et « maîtrise souple » le calcul des dépenses fixées sur les dépenses constatées.

En somme il se félicite des dépassements de l'ONDAM et de la façon désinvolte dont on les inclut dans le calcul de l'ONDAM suivant.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Ce n'est pas un budget : c'est un objectif.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Nous sommes d'accord pour que le calcul permette une augmentation de cette enveloppe. Mais alors pourquoi laisser subsister les sanctions et tracasseries injustes qu'ont subies les professionnels de santé ?

Je terminerai par des questions simples. Quelle politique de santé voulons-nous pour les Français ? Combien coûtera-t-elle ? Combien avons-nous pour y faire face ? Ce sont des questions simples, que chacun peut comprendre. Ce sont surtout des questions auxquelles on ne pourra répondre qu'en associant les professionnels de santé . Car c'est en grande partie sur eux que reposera la réussite de la politique qu'ils auront contribué à mettre en place (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Paul Bacquet - Très bien !

M. Pascal Terrasse - Ce projet répond au double impératif d'améliorer la protection sociale tout en respectant l'équilibre des comptes. Souvenons-nous que ceux-ci sont passés d'un déficit chronique, qui a atteint 56 milliards en 1996, à un excédent de 3,4 milliards en 2000. Ce résultat est la preuve d'une gestion saine, équilibrée et juste. Laisser glisser les dépenses conduirait en effet à des prélèvements accrus sur les revenus. Et les laisser glisser au niveau de 1996 conduirait à terme à la privatisation de notre système de soins et nous engagerait dans la voie de la retraite par capitalisation.

Notre objectif ne s'arrête pas aux données économiques, mais doit tenir compte des réalités sociales nouvelles. Je note par exemple que le budget de l'assurance maladie représente 4,7 % du PIB en 2000, contre 3,1 % en moyenne entre 1990 et 1996. Je ne rappellerai pas les grandes avancées sociales de ces dernières années, nombre de mes collègues l'ayant fait avec raison. Il faut continuer dans la voie étroite qui permet d'accorder juste prestation et juste prélèvement. Car on ne peut pas avoir un double langage : demander toujours plus de dépenses dans ce débat, et moins de prélèvements fiscaux et sociaux dans les assemblées générales du MEDEF !

Ce projet apporte des avancées significatives, et tout d'abord la suppression progressive de la CSG et de la CRDS sur les salaires. Certains diront : sur les bas salaires, mais je rappelle que dans notre pays le salaire moyen mensuel se situe autour de 8 000 francs. La mesure proposée touchera donc de nombreux salariés, et leur apportera une amélioration sensible de leur pouvoir d'achat : au terme du dispositif, un salarié payé au SMIC verra ses revenus augmenter de près de 6 000 par an.

Notons aussi les avancées significatives en faveur des familles, avec la mise en _uvre des décisions de la Conférence de la famille du 15 juin : ce sont plus de 10 milliards de mesures nouvelles, avec notamment un effort sans précédent en faveur de la petite enfance et de l'aide au logement. Dans la branche vieillesse, nous sommes satisfaits que le Gouvernement recherche une meilleure répartition des fruits de la croissance. Les pensions de retraite connaîtront ainsi leur plus forte revalorisation depuis bien des années, avec un gain de pouvoir d'achat sans précédent. Notons qu'à s'en tenir aux lois sur les retraites du Gouvernement Balladur, l'augmentation serait inférieure de près de 50 % à celle que propose ce texte. Cette mesure traduit la volonté réelle du Gouvernement de répondre aux attentes légitimes des retraités, ce que permet la meilleure santé de notre économie.

En outre la suppression de la CRDS sur les revenus des petites retraites touchera près de 5 millions de personnes. Ce gain de pouvoir d'achat s'ajoute à la suppression de la redevance audiovisuelle pour les retraités de plus de 70 ans : sur ces deux points nous revenons sur des mesures anti-retraités des précédents gouvernements.

Depuis quelques mois, le Conseil national des retraites a pour mission d'étudier les améliorations nécessaires que nous devrons proposer aux Français. La réforme est nécessaire, sans remettre en question la répartition. Il faudra aussi tenir compte de la situation difficile des conjoints survivants, ou des retraités de certains régimes spéciaux. En attendant les propositions du Conseil national, nous avons déjà instauré le fonds de réserve -que je préfère appeler Fonds de garantie- des retraites. Déjà doté de 22 milliards, il devrait atteindre 50 milliards avant la fin 2001. J'ai d'ailleurs noté que deux dotations devraient l'abonder régulièrement : l'une issue du prélèvement sur les revenus du patrimoine, correspondant à la taxe de 2 % votée en 1997, et l'autre relevant des 8,2 % prélevés sur les produits d'épargne salariale, selon le texte adopté en première lecture il y a quelques jours. Il faudra aller plus loin, pour abonder régulièrement le Fonds de garantie des retraites.

Le secteur social et médico-social enregistre de nombreuses avancées, notamment en faveur des handicaps et des maladies rares. Mais bien des zones d'ombre subsistent. La mise en place des 35 heures dans ce secteur ne se passe pas très bien : la commission d'agrément est trop restrictive dans ses avis, trop technocratique et éloignée des réalités. D'autre part le secteur médico-social est impatient de voir aboutir la réforme de la loi de 1975, objet d'un projet de loi qui méritera quelques améliorations. Enfin la mise en _uvre de l'aide à l'autonomie des personnes âgées, qui se substitue à la mauvaise loi sur la PSD, ainsi que la réforme de la tarification, tardent à se concrétiser sur le terrain : il y a là une urgence absolue.

Par ailleurs, comment ne pas s'alarmer du cruel déficit d'infirmières intervenant au domicile des personnes âgées ? Un décret suffirait à régler partiellement ce problème : aujourd'hui, en effet, il faut exercer trois ans en institution avant d'avoir accès au secteur libéral. Le résultat est que de nombreux secteurs, notamment ruraux, n'ont plus du tout d'infirmières libérales, et qu'il faut hospitaliser les gens, ce qui coûte beaucoup plus cher !

Enfin il faudrait améliorer le fonctionnement de nos débats sur le financement de la sécurité sociale. Pourquoi ne pas organiser, comme pour les lois de finances, un « débat d'orientation budgétaire » en juin ? Cela permettrait, comme vous en avez exprimé le souhait, Madame la ministre, d'associer les parlementaires à la préparation de vos projets de loi.

Ces quelques interrogations ne doivent pas masquer les avancées très positives de ce projet, notamment dans la partie vieillesse, qui répond enfin aux attentes des retraités. C'est pourquoi, sans états d'âme, le groupe socialiste votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Dubernard - J'aborderai la question de l'hospitalisation publique et privée, dont les personnels considèrent qu'elle a été négligée pour l'une, maltraitée pour l'autre par votre prédécesseur. Pour vivre dans ce milieu, je connais bien le poids des traditions et celui des corporatismes, qui freinent les tentatives de modernisation. Les préoccupations électorales des élus locaux sont un autre facteur d'inertie. Et pourtant, l'hôpital, public ou privé, reste et restera la clé de voûte de notre système de santé. Madame la ministre, une lourde responsabilité vous incombe donc car, sur tous les bancs de cette Assemblée, on sait que l'évolution de nos structures hospitalières est inéluctable.

Avant 1958, l'hôpital était réservé aux pauvres et la recherche médicale y était presque inexistante. C'est le mérite de l'ordonnance de 1958, la « réforme Debré », d'avoir donné, sur des bases solides, un formidable élan. Mais, au fil du temps, des effets pervers sont apparus, si bien que l'hôpital s'est coupé de la médecine de ville, empêchant le développement des réseaux de soins, et que les systèmes public et privé d'hospitalisation évoluaient indépendamment, dans un esprit de concurrence souvent préjudiciable alors que leur fonctionnement dépend de la même source de financement, les cotisations sociales des Français.

La loi de 1991 a marqué une évolution, en créant l'ANDEM et les CROSS, en proposant de timides regroupements de services hospitaliers et en instituant un nécessaire service de soins infirmiers. L'extrême lenteur avec laquelle ces réformes étaient conduites a amené Alain Juppé à publier l'ordonnance hospitalière d'avril 1996, qui instituait la régionalisation en créant les agences régionales d'hospitalisation et en autorisant les regroupements de services hospitaliers en centres de responsabilités, dotés d'une délégation de gestion et coordonnés par un médecin désigné par ses pairs. Ces axes étaient acceptés par tous ; il aurait suffi d'appliquer la loi.

Où en est-on aujourd'hui ?

Le bilan est en demi-teinte. En 1997, l'arsenal réglementaire de la nouvelle réforme hospitalière était en place mais, pendant dix mois, le Gouvernement s'est contenté d'expédier les affaires courantes, sans apporter le moindre souffle politique. La réforme s'est appliquée d'elle-même, comme si le Gouvernement avait décidé de ne rien faire.

Devant cette apathie, le mécontentement s'est installé au sein des personnels hospitaliers. Parallèlement, les restructurations de l'offre d'hospitalisation, publique ou privée, se poursuivaient, cornaquées par des ARH, dans un esprit souvent trop préfectoral, les fermetures de sites se faisant, dans la plupart des cas, avec un manque de communication affligeant. Les personnels hospitaliers et notamment les cadres soignants se sont trouvés englués dans une « réunionnite » chronique, démotivante, avec l'impression confuse que finalement l'accréditation serait accordée à tous.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Si les chefs de service étaient tous présents à l'hôpital...

M. Jean-Michel Dubernard - Pas d'attaques ad hominem !

C'est ainsi que des mouvements sociaux sont survenus dans de nombreux établissements.

A dater des Assises nationales de l'hospitalisation de mars 1998, le Gouvernement a essayé de calmer le désarroi des personnels hospitaliers avec de bonnes paroles. La formule « démocratie sanitaire » est apparue, l'abnégation des personnels soignants a été saluée par des hommages répétés, la révision des SROS a été anticipée. Rien de tout cela n'a été réellement efficace, les grèves de l'hiver dernier en témoignent.

Le printemps 2000 a vu le paysage s'éclaircir quelque peu, la croissance économique permettant de desserrer les cordons de la bourse. Mais les dossiers ont été traités corporation par corporation, sans autre finalité que de répondre, au coup par coup, aux multiples revendications catégorielles.

L'étau budgétaire des objectifs de dépenses hospitalières, à quelques péréquations régionales près, s'est desserré. Parallèlement, l'Etat reprenait en main les ARH.

M. Bernard Charles - Coordonnait les ARH !

M. Jean-Michel Dubernard - Non : les reprenait en mains, je le maintiens.

Vous ne nierez pas que le rôle de la direction des hôpitaux a été renforcée, au mépris de la nécessaire déconcentration voulue par l'ordonnance de 1996. En fait, ce Gouvernement n'a pas suffisamment pris la mesure de l'ampleur de la réforme engagée par son prédécesseur.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles - La réforme date de 1991 !

M. Jean-Michel Dubernard - J'avais, à l'époque, voté en sa faveur, mais l'horloge est restée bloquée jusqu'à la réforme Juppé, qui n'a jamais réellement pris corps. Ainsi, les centres de responsabilités, pierre angulaire du dispositif, n'ont jamais vu le jour, sauf à Nantes peut-être.

Madame la ministre, vous allez devoir faire face aux difficultés du passage des 35 heures à l'hôpital public, et l'augmentation prévisible de la masse salariale risque d'annuler les économies induites par la fermeture des 9 500 lits de « court séjour » réalisée depuis 1997. L'hospitalisation privée, qui a joué le jeu, est elle-même à bout de souffle. Qui paye, et qui paiera encore, sinon, toujours, le malade ?

Madame la ministre, beaucoup reste à faire en matière hospitalière, et le pays risque de payer très cher le temps perdu par votre Gouvernement.

Vous avez une lourde responsabilité. Saisissez la chance que représente l'arrivée de deux personnalités nouvelles à la tête des ministères de l'emploi et de la santé. Sinon, notre système d'hospitalisation s'effondrera, l'état déplorable du patrimoine s'aggravera, la qualité des soins se dégradera encore. Prenez des mesures urgentes, sinon la menace se fera plus précise de voir s'imposer un système copié sur le système américain qui pourrait alors apparaître comme idéal, même si c'est loin d'être le cas aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Philippe Nauche - Je limiterai mon propos à l'assurance maladie et à la politique de santé. On peut se féliciter du niveau de l'ONDAM, en hausse de 3,5 % après rebasage, augmentation compatible avec l'évolution de la richesse nationale. Grâce à l'équilibre retrouvé, la question de la pérennité de notre système de protection sociale ne se pose pas, ce qui permettra d'améliorer la qualité des soins et de renforcer l'égalité d'accès au dispositif. Encore faut-il, pour cela, définir les besoins, opération très complexe.

Nous n'en avons actuellement qu'une idée très vague, fondée sur la demande de soins et la consommation constatée. Mais il faut tenir compte aussi, comme le relève la mission prospective « Santé et territoires » de la DATAR, des conséquences du vieillissement de la population ; de l'exigence croissante de qualité, de transparence et de démocratie sanitaire ; de la nécessaire égalité d'accès au progrès technique médical.

La maîtrise de l'évolution du dispositif ne peut se faire sans le recueil de ces informations. L'enjeu, capital, suppose une régionalisation plus poussée, et donc la traduction dans les faits de la loi de 1999, qui prévoyait à juste titre des bassins de santé. Ainsi sera-t-on en mesure d'apprécier les besoins de soins -mieux, en tout cas, qu'en s'inspirant d'analyses statistiques globales, qui découlent souvent de comparaisons faites avec certains pays étrangers... lesquels procèdent de la même manière !

Comme l'a souligné notre rapporteur, Alfred Recours, l'ONDAM rebasé, en progression de 3,5 %, reflète avec réalisme l'augmentation constatée des dépenses.

On le sait, la CNAM a été amenée à prendre diverses mesures de régulation cet été. Dans le même temps, plusieurs mesures structurelles portaient leurs fruits : ainsi de la révision de la nomenclature des actes des masseurs-kinésithérapeutes ou du plan de soins infirmiers, qui constitue un progrès indéniable, mais qui devra être précisé. L'examen du texte relatif à la dépendance et à l'autonomie nous permettra de clarifier les rôles respectifs de tous ceux qui s'occupent des personnes âgées dépendantes.

Mais, en dépit de ces mesures constructives, un certain mécontentement s'exprime chez les professionnels de la santé.

Le système est en crise et nous assistons à la montée des corporatismes. Certains annoncent la mort du système conventionnel, en vigueur depuis trente ans, dont nous connaissons la fragilité juridique. Il faut redéfinir les relations entre les différents partenaires et, comme l'a dit Claude Evin, les rôles respectifs de la loi, du règlement et de la convention. Cela se fera avec les professionnels de santé, ou ne se fera pas. Le dialogue est indispensable notamment pour développer des alternatives au paiement à l'acte.

Ce projet contient de nombreuses avancées, qui s'inscrivent dans la lignée de celles qui ont été réalisées depuis trois ans : la mise en place des schémas régionaux d'organisation des soins de deuxième génération, la prise en compte des préoccupations du monde hospitalier dans les accords négociés en mars par Mme Aubry, la création de la CMU et des agences de sécurité sanitaire, la mise en _uvre d'une politique de sécurité des soins, le développement de la prévention pour les pratiques addictives et le suicide, la lutte contre la douleur, le développement des soins palliatifs, un politique du médicament orientée en faveur des génériques -même si ses résultats sont encore modestes- et enfin l'évaluation du service médical rendu, qui vise à proposer les meilleurs médicaments à nos concitoyens.

Ce projet vise quant à lui à réduire encore les inégalités entre les régions et à l'intérieur de celles-ci, à réorganiser les services d'urgence et de périnatalité et à mettre en _uvre les accords de mars 2000. Il crée un fonds de modernisation des établissements de santé doté de 800 millions. L'aide à l'investissement va être augmentée et une agence technique d'information va se créer.

Les cliniques privées bénéficieront d'un fonds de modernisation doté de 150 millions. En outre, vous acceptez de reconnaître et de rémunérer les soins d'urgence qu'elles dispensent.

Vous favorisez la fabrication des médicaments orphelins ; vous alimentez le fonds d'aide à la qualité des soins ainsi que le fonds pour la promotion de l'information médicale.

Les filières et les réseaux doivent être consolidés à l'échelon régional : la commission a adopté un amendement en ce sens.

La création d'un fonds pour les victimes de l'amiante représente une avancée historique, qui consacre le droit à réparation.

Se posent encore des problèmes de frontière entre ce qui relève de l'assurance maladie et les accidents du travail. La branche maladie n'est pas tout à fait à l'équilibre. La branche accidents du travail et maladies professionnelles est excédentaire. Nous serions sans doute dans la situation inverse si certaines pathologies liées au travail n'étaient pas à la charge de l'assurance maladie.

Mme Guigou a annoncé sa volonté d'approfondir le dialogue avec les professionnels de santé et de renforcer les droits des patients. Nous avons donc toutes les raisons d'être optimistes et c'est pourquoi les députés socialistes voteront ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - J'ai l'impression, d'année en année, de me répéter, y compris sur nos conditions de travail. Les rapports n'étaient disponibles que 24 heures avant le début de cette discussion. Ce n'est pas en procédant ainsi que nous pourrons légiférer sérieusement.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Cette situation résulte de la loi organique de 1996. Aidez-nous à la modifier !

M. Thierry Mariani - S'agissant des retraites, même si rien ne change, je ne voudrais pas vous faire entendre le même refrain que l'année dernière. L'heure du sursaut doit sonner.

La récente prise de fonctions de Mme Guigou peut nous donner un peu d'espoir, ce qui n'est pas le cas du texte que nous examinons.

Dans le rapport annexé, nous apprenons que le Gouvernement a bien compris les deux défis que nos régimes de retraites devront relever prochainement et que les rapports mettent en évidence depuis vingt ans : l'allongement constant de la durée de la vie et l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre. Ce diagnostic, vous l'avez enfin assimilé, à force de colloques, rapports et autres symposiums.

Je ne reviendrai donc pas sur l'évolution démographique de notre pays qui se traduira par une diminution du rapport entre actifs et inactifs. Je préfère en effet insister sur les remèdes.

Dans le rapport annexé, on lit que « la perspective désormais crédible d'un retour rapide au plein emploi, même si elle atténue l'ampleur des déficits, ne résout pas tous les problèmes. Des adaptations sont donc nécessaires pour assurer l'avenir de nos régimes par répartition... » Vous admettez donc que la politique menée depuis 1997 n'est pas suffisante. J'apprécie votre humilité, mais je ne trouve dans le projet aucune de ces « adaptations nécessaires. C'est une réforme en profondeur que les Français attendent ! Vous vous contentez de faire dépendre notre sécurité sociale de la croissance.

Votre texte se limite à des changements d'affectation et des transferts entre les différentes branches de la sécurité sociale. Ainsi vous financez la branche vieillesse en détournant les excédents de la branche famille et vous détournez une partie des ressources de la branche vieillesse, la totalité des droits sur les alcools jusqu'à présent versés au FSV, -pour financer les 35 heures. Ces bricolages visent à cacher votre immobilisme, qui est pourtant flagrant. En témoigne la prolongation du dispositif de limitation du cumul emploi-retraite auquel, cette année encore, vous ne touchez pas. Ce mécanisme qui date de 1982 devrait pourtant être revu.

Certains retraités aimeraient continuer leur activité professionnelle. Mais j'oublie que vous êtes pour la réduction imposée du temps de travail, à tous les niveaux...

On ne peut que sourire du taux de revalorisation des retraites, fixé à 2,2 % au 1er janvier 2001. Il s'agit d'une mesure ponctuelle, alors qu'il faudrait revaloriser les retraites sur le long terme. Le Gouvernement d'Edouard Balladur vous montrait pourtant la marche à suivre, mais vous n'avez pas souhaité réactualiser le mécanisme de revalorisation qu'il avait mis en place.

Vous créez par ailleurs un répertoire national des retraites et des pensions : ce fichier nominatif des retraités et de leurs ayants droit, présenté comme un outil permettant d'améliorer la connaissance statistique des effectifs de retraités, me paraît bien inutile. Nous disposons de suffisamment d'organismes et d'observatoires. En revanche, vous restez sourds aux revendications de ces retraités que vous fichez.

Quant au fonds de réserve pour les retraites, rappelons qu'il a été créé in extremis l'an dernier, par décret, deux jours avant le début de la discussion du projet de loi de financement. En faire le fondement de votre politique de retraites, n'est pas sérieux. Ce fonds de réserve constitue toujours l'une des sections du FSV, alors que tous les partenaires sociaux consultés ont souhaité qu'il devienne un établissement public autonome, doté de la personnalité juridique. Qu'attend le Gouvernement ?

Le Premier ministre l'a affirmé à plusieurs reprises, l'utilisation des sommes disponibles sur ce fonds de réserve n'est pas prévue avant 2020. Or, le rapport Charpin prévoit une dégradation de l'équilibre démographique dès 2005.

Il convient de s'interroger également sur l'alimentation du fonds de réserve. Vous lui affectez 50 % du prélèvement de 2 % sur le capital, ce qui en fait sa seule ressource pérenne. C'est nettement insuffisant, Mme Aubry ayant estimé qu'un fonds de réserve doté de 1 000 milliards en 2020 pourrait couvrir « la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraites entre 2020 et 2040 ». Aujourd'hui, ce fonds n'est doté que de 23 milliards. Le rapport Charpin estime à 310 milliards en 2020 le déficit annuel des régimes de retraites, dans l'hypothèse optimiste d'un taux de chômage de longue durée stabilisé à 6 %.

Ne me dites pas, Madame le ministre, que vous comptez sur la seule manne de la vente des licences des téléphones mobiles de troisième génération pour résoudre les problèmes de financement des retraites à partir de 2020 ! Il y a pourtant bien d'autres pistes à explorer.

La répartition est l'expression de la solidarité entre les générations et les Français y sont très attachés. Mais il faut admettre qu'elle ne suffira plus dans quelques années à offrir une retraite décente à toute la génération issue du baby boom. Que doit-on dire à ces futurs salariés ? Qu'ils doivent désormais préparer leur avenir par eux-mêmes, par un effort d'épargne que vous vous empresserez de taxer ? Madame la ministre, ayez le courage d'admettre que l'instauration de fonds de pension à la française présenterait un meilleur rendement sur le long terme. Le projet sur l'épargne salariale nous a laissé une lueur d'espoir, puisqu'il autorisait initialement une sortie en rente pour les plans d'épargne à long terme. Malheureusement, la commission des affaires sociales s'est empressée d'écarter cette mesure.

Faudra-t-il attendre d'être au bord du gouffre pour que l'idéologie socialiste et communiste s'ouvre aux remèdes qui ont fait leurs preuves au-delà de nos frontières ? La Suède elle-même se met aux fonds de pension !

Attention, il ne s'agit nullement de renoncer au système par répartition, mais de mettre en place un système mixte.

Les Français y sont majoritairement favorables et vous n'y perdriez donc pas de voix ou de points dans les sondages. Alors, un peu de courage !

Il y a quelques semaines, cette assemblée a adopté une proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations dont Mme Aubry s'est dite très fière. Nous sommes donc en droit d'attendre de son successeur une continuité.

Or, en matière de retraites, il existe bien des disparités ! Je ne vous apprends rien en vous disant que les salariés du public ne doivent cotiser que 37 ans et demi pour l'obtention d'une retraite à taux plein contre 40 ans dans le secteur privé. Le salaire de référence pour le calcul de leur pension est celui des six derniers mois d'activité, et non la moyenne de leurs meilleures années.

Au nom du principe d'équité, et dans l'intérêt général, allez-vous enfin songer à réformer les régimes spéciaux ? Les artisans, les industriels, les commerçants, les professions libérales et les exploitants agricoles en ont assez de ces inégalités.

Il ne faut pas voir dans mes propos la volonté de montrer du doigt les fonctionnaires. C'est au Gouvernement que s'adressent mes critiques. La réforme est indispensable car les régimes spéciaux non plus ne sont pas à l'abri des prochaines évolutions démographiques.

Le groupe RPR milite depuis des années pour une harmonisation progressive de la durée des cotisations entre le secteur public et le secteur privé.

Enfin, la question de l'âge du départ à la retraite devrait être traitée avec plus de souplesse dans le secteur privé. L'allongement de l'espérance de vie ne nous laisse plus le choix. Il faut donner à chacun la liberté de choisir l'âge de son départ à la retraite en levant les pénalités qui frappent les départs anticipés, en valorisant les départs tardifs et en tenant compte des diversités des situations.

Les artisans ou les exploitants agricoles par exemple ne connaissent pas les mêmes conditions de travail qu'un employé de bureau. Il faut tenir compte de ces réalités.

Mais le pragmatisme n'est pas au rendez-vous aujourd'hui, pas plus que le courage. Il vous reste Madame la ministre, des talents de démagogie et le culot d'affirmer que tout va bien (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La situation que Mme Aubry vous a laissée n'est certes pas un cadeau, mais c'est à vous qu'il revient de désamorcer les bombes à retardement. Comme à l'accoutumée, la gauche espère que la droite revenue au pouvoir se chargera de prendre les mesures impopulaires qui s'imposent.

Prenez vos responsabilités ! Débarrassez-vous de vos préjugés ! Les rapports commandés depuis vingt ans contiennent les solutions. Sortez-les des placards et mettez-vous au travail.

Votre projet de loi de financement pour 2001 n'est que la copie du précédent, qui lui-même ressemblait étrangement au précédent ... Cet immobilisme, alors que vous connaissez les dangers, ne peut être pardonné.

Le groupe RPR ne peut que voter contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. François Brottes - L'expérience personnelle de la joie, de la souffrance ou de la douleur laisse toujours des traces indélébiles.

Lorsque la loi s'attache à la vrai vie, elle redonne la force de combattre... Je veux ici ne parler que de l'article 15, qui concerne la branche famille.

Il y a des expériences qui ne se racontent pas, par pudeur ou par obstination de rester digne, de conserver l'énergie de l'espoir.

Je veux d'abord rendre hommage à l'action de ces associations de femmes et d'hommes qui un jour ont su, sans jamais l'admettre, qu'ils devraient mener un combat inégal, le combat pour la vie d'un enfant : un jour celle de leur enfant, un autre jour celle de l'enfant d'une famille qui leur ressemble, d'une famille en détresse, d'une famille en révolte.

La création d'un congé de présence parentale pour enfant gravement malade assorti d'une allocation, constitue une avancée incontestable

(Voix sur les bancs du groupe du RPR) - Proposée par le RPR il y a quelques mois !

M. François Brottes - C'est la reconnaissance d'un droit exercé jusqu'alors dans la presque clandestinité : celui d'être absent de son travail pour pouvoir être auprès de son enfant. C'est une véritable première étape dans l'aide financière pour faire face à l'urgence.

Ce dispositif, sur lequel j'avais travaillé dans le cadre d'une proposition de loi avec Christian Paul, vous avez décidé, Madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, de lui donner très vite une réalité.

Il était attendu non seulement sur tous les bancs de notre Assemblée, mais aussi par des milliers de familles obligées de composer avec des employeurs pas toujours conciliants et des collègues sollicités plus souvent qu'à leur tour pour effectuer des remplacements. Il était également très attendu par les associations qui se battent à mains nues face à des murs d'incompréhension, des associations qui ont toujours revendiqué la dignité plutôt que la charité.

La reconnaissance du congé, qui garantit le retour à l'emploi et le maintien des acquis sociaux, leur apportent incontestablement une réponse. Bien sûr, il faudra faire un bilan dans quelques temps et il faudra rester constamment à l'écoute, car chaque cas est particulier.

A ce titre, je remercie mes collègues de la commission des affaires sociales et notamment Mme Clergeau, de défendre un amendement pour considérer la spécificité de la situation des familles monoparentales...

Votre juste préoccupation de mettre en place rapidement ce dispositif ne vous a pas permis de prendre en compte toutes les suggestions.

Vous nous proposez une mesure simple, qui devra certainement être ajustée à l'usage pour prendre en compte par exemple, l'articulation avec l'allocation d'éducation spéciale, les inégalités de revenus, l'éloignement de l'hôpital, le remboursement des médicaments considérés de confort -souvent à tort- la continuation de la scolarité de l'enfant, l'adaptation du logement lorsque l'enfant revient à la maison, le vrai problème des frères et s_urs qui peuvent finir par se sentir abandonnés et la santé des parents épuisés.

La liste des problèmes à résoudre est encore longue, et tous ne sont pas du ressort de la loi, mais il est clair que la mesure que nous allons voter est un premier pas vers un dénouement.

Derrière ces mots, il y a bien sûr, pour moi, comme pour beaucoup trop d'autres, le prénom d'un enfant, une tranche de vie et d'amour. Mais j'ai vraiment le sentiment que cet article va enlever un peu de cynisme à la pitié.

Oui, les enfants gravement malades ont besoin de la présence de leurs parents. Ce n'est pas une faveur, c'est une nécessité.

Oui, ce dispositif doit être ouvert rapidement aux parents salariés, non salariés et chômeurs.

Oui, comme les associations le demandent, le contrôle médical doit valider les cas qui en relèvent.

Tout en me félicitant de cette mesure nouvelle, je ne peux que souhaiter, avec vous tous, que ce congé et cette allocation n'aient besoin d'être utilisés que le plus rarement possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Delnatte - « Politique familiale ambitieuse », « rénovation », « avancées historiques », voici quelques citations de membres de la majorité concernant les mesures relatives à la branche famille.

Dans le même temps, on entend les réactions, allant du « sentiment mitigé » au « casus belli », en passant par « hold-up », « agression », « inadmissible » ou « cache-misère », des représentants des familles.

Face aux décisions contradictoires, aux effets d'annonce -ainsi les 4,4 milliards de francs annoncés lors des conférences de la famille et qui n'ont été réalisés que pour 1,8 milliard- on ne peut parler d'une véritable politique familiale.

Un constat s'impose : l'excédent de la branche famille. Le Gouvernement s'en réjouit en passant sous silence le fait qu'il est dû à des restrictions imposées.

Depuis 1997, vous avez réservé quelques mauvaises surprises aux familles : mise sous condition de ressources des allocations familiales, abaissement du quotient familial, diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile, réduction de la déduction fiscale pour l'emploi d'une personne à domicile, déplafonnement des cotisations d'allocations familiales des non-salariés, diminution du montant déductible de la pension alimentaire versée aux enfants majeurs et baisse du montant de l'abattement accordé par enfant marié rattaché.

Cette énumération apporte un peu d'objectivité à celle faite par Mme Guigou dans son discours introductif.

Les acteurs de la politique familiale déplorent que les excédents de la branche famille soient détournés au profit des autres branches. Nous les soutenons. Ainsi que l'a dit le Président de la République, le 6 avril dernier à Nantes : « Il est indispensable de garantir la progression des recettes de la branche famille et d'appliquer scrupuleusement ce principe fondamental de la sécurité sociale qui veut que les excédents de la caisse nationale d'allocations familiales ne puissent être dérivés pour le financement d'autres branches ».

Mme Odette Grzegrzulka - Les conseilleurs ne sont pas les payeurs !

M. Patrick Delnatte - A cela s'ajoute l'absence totale de concertation avec les principaux partenaires de la politique familiale, à tel point que le conseil d'administration de la CNAF a dû émettre un avis défavorable sur le PLFSS, sans aucune voix pour. Madame la rapporteure l'a d'ailleurs avoué en commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Pas comme vous le dites !

M. Patrick Delnatte - Dans ces conditions, la grand-messe de la Conférence de la famille devient un simple exercice de style.

Le Gouvernement met en exergue quelques mesures de moindre ampleur.

Il convient en effet de se réjouir du renforcement de l'aide à la garde d'enfant par une assistante maternelle, de la création d'un fonds « temporaire » d'investissement pour les crèches -mais rien n'indique que l'aide qui doit permettre aux collectivités locales de faire face aux dépenses de fonctionnement correspondantes sera, elle, pérenne-, ainsi que du cumul de l'allocation parentale d'éducation avec des revenus d'activité. Cette mesure ne doit toutefois pas culpabiliser ceux qui souhaitent aller jusqu'au bout du congé parental et pour lesquels un dispositif reste à trouver.

Toujours à propos de l'APE, on aurait pu espérer que le Gouvernement répare une injustice dont il est responsable : il a supprimé, par circulaire, le droit à l'APE pour les salariés travaillant à 80 % du temps dans les entreprises de plus de 20 personnes n'ayant pas encore signé un accord de réduction du temps de travail. Or les fonctionnaires en bénéficient toujours, alors même que la fonction publique n'est pas passée au 35 heures. Cette différence n'est pas acceptable.

Face à un objectif aussi primordial que la conciliation entre vie familiale et professionnelle, seul un dispositif d'ampleur peut relever le défi. Le Président de la République a tracé la voie en proposant, en juin dernier, la création d'un « chèque famille », avec l'aide des caisses d'allocations familiales, pour permettre aux entreprises de soutenir la garde des enfants et leurs activités éducatives, culturelles ou sportives. Le Président de la République a par ailleurs regretté que la négociation collective ne prenne pas assez en compte les impératifs familiaux dans l'organisation du travail.

Saluons aussi la création de l'allocation de présence parentale, copiée sur la proposition de M. Muselier, présentée à l'Assemblée, à l'occasion de la niche RPR, le 14 décembre 1999, et votée par le Sénat le 15 juin dernier.

Il aurait été préférable que la majorité de cette Assemblée accepte de transcender les clivages au lieu de repousser par 6 voix cette proposition, à laquelle elle se rallie aujourd'hui. Les familles concernées y auraient gagné une année.

Plusieurs autres mesures significatives s'avèrent décevantes, voire inacceptables.

La réduction de la CSG entraîne une grande intolérance, du fait de la non-prise en compte de la situation familiale des contribuables.

Est également décevante la revalorisation de 1,8 % seulement des prestations familiales. Le pouvoir d'achat des familles continue à s'éroder.

De même, est inadmissible la prise en charge progressive par la CNAF de la majoration de pension de 10 % servie aux parents de trois enfants ou plus. Ce transfert, décidé sans concertation avec la CNAF, permet d'assurer, par un système de « tuyauteries complexes », le financement des 35 heures.

A ce tour de passe-passe s'ajoute la suppression, pour la CNAF, des ressources provenant du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine.

Enfin, le Gouvernement a décidé la prise en charge intégrale par la CNAF, dès 2001, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire alors que le Premier ministre avait annoncé un transfert progressif sur plusieurs années. Cette décision prive la CNAF d'une marge de man_uvre indispensable pour mener une politique familiale dynamique.

En outre, ce transfert de 7 milliards devait être en partie compensé par la reprise par l'Etat des charges indûment supportées par la banche famille. Or le transfert du FASTIF -un milliard de francs-, annoncé l'année dernière, n'est pas encore effectué et les autres charges indues demeurent : gestion du RMI et de l'allocation pour adulte handicapé -4 milliards de francs-, gestion de l'assurance vieillesse pour les parents au foyer.

De plus, le Gouvernement n'a toujours pas modulé l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge des enfants.

En conclusion, cette année encore, le Gouvernement limite sa politique familiale à une action sociale pour les familles les plus démunies, esquivant la nécessité d'une politique moderne en la matière.

Pourtant la famille concerne tout être humain. Réussir la vie familiale est essentiel pour lutter contre l'exclusion et la violence et pour assurer l'avenir du pays.

La préoccupation nataliste est relayée au rayon des idées ringardes et peu importe le fait que l'âge au premier enfant recule chaque année. Lorsqu'un pays n'assure pas le renouvellement des générations, les responsables politiques devraient se demander si les jeunes hommes et femmes ont bien autant d'enfants qu'ils le souhaiteraient.

Nous pensons que la réponse est négative et qu'il faut une politique beaucoup plus ambitieuse et volontariste. Telle n'est pas la voie suivie par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je souhaite intervenir aujourd'hui sur les soins de ville.

L'évolution des techniques de soin, la réduction des durées de séjour à l'hôpital, le souhait des personnes malades ou handicapées de vivre à leur domicile entraînent une évolution profonde des pratiques et font des soins à domicile un élément essentiel de notre système de santé et de nos politiques médico-sociales.

C'est le secteur où les dépenses augmentent le plus, d'où une pression très forte pour les maîtriser, alors que la demande augmente réellement. Il n'est donc pas surprenant de voir s'exprimer les inquiétudes des professionnels, des malades et de leurs familles. Or la réponse qui y est apportée est mal coordonnée, trop peu construite. Ecoutez les familles qui voient passer chaque jour plusieurs intervenants, sans coordination, ni prise en charge globale. Elles demandent une meilleure qualité de soin, et une meilleure prise en charge, que ce soit dans la maladie, dans le handicap ou dans la dépendance.

Il y a trois types d'intervenants : les médecins, les professions paramédicales -kinésithérapeutes, infirmières- et les aides à domicile.

Chacun de ces acteurs doit avoir toute sa place.

Les médecins ont vu leurs visites chez les personnes âgées de plus de 75 ans revalorisées pour mieux organiser la coordination du maintien à domicile : cette politique devrait faire l'objet d'une évaluation.

Quant aux deux autres groupes d'intervenants, ils sont inquiets.

Au-delà de la bagarre syndicale, la réaction des infirmières libérales est symptomatique des difficultés de ce secteur. Elles demandent une juste revalorisation de leur métier et ne voient pas le progrès, pourtant réel, que leur apporte le décret relatif à la nomenclature des soins infirmiers.

Les infirmières libérales auront toujours la responsabilité de la toilette des malades, mais pourront davantage exercer leurs compétences propres. C'est une évolution fondamentale que nous devons appuyer.

Il est vrai que ce métier s'exerce dans la solitude et les infirmières se retrouvent coincées entre les prescriptions, la demande des malades et leurs quotas d'actes. Je vois tous les jours, à ma permanence, des familles en demande de soins à domicile.

Quant aux associations d'aide à domicile, face à l'échec de la PSD, elles aussi manifestent leurs inquiétudes : elles veulent mieux former les aides à domicile et améliorer la qualité de leur travail. Elles veulent aussi améliorer les conditions de travail de leurs salariés. C'est dans ce but que nous avons déposé des propositions d'extension des exonérations de charges sociales et je ne doute pas, Madame la ministre, que vous les accueillerez avec compréhension.

Face à toutes ces interrogations, des mesures sont possibles, certaines sont d'ailleurs en voie de réalisation.

Le doublement des places pour les services de soins à domicile est très positif.

La loi réformant la PSD pour mettre en place une allocation autonomie est attendue avec impatience par les personnes âgées et leurs familles. Mais soyons vigilants, elle ne sera efficace qui si parallèlement, nous savons construire une vraie organisation du soin et du maintien à domicile. Il existe une proposition de vos services en ce sens : je souhaite que nous la reprenions et qu'elle devienne un des éléments de cette loi. Les centres d'information et de coordination gérontologiques doivent aussi être un élément de réponse aux attentes de familles. Je me félicite que le Gouvernement veuille les étendre sur tout le territoire.

Actuellement, des réseaux de soins se constituent sur le terrain, qui mettent la personne au c_ur du dispositif -je pense en particulier aux réseaux gérontologiques de la MSA. Prenez le temps d'aller les regarder.

Un travail de fond doit être fait pour mieux lier les soins et l'accompagnement. Nous payons actuellement la séparation entre le champ de la santé et le champ de l'action sociale. La CNAM doit entendre cette demande de rapprochement. Nous devons, dans les années à venir, faire tout un travail d'imagination pour soigner le corps et accompagner la souffrance, physique et morale, en faisant en sorte que toutes les professions concernées travaillent ensemble. Ce projet de loi ouvre des pistes, donne des signes forts.

Je voudrais, en conclusion, insister sur la nécessaire évolution du métier d'aide à domicile. J'ai fait de nombreuses propositions en ce sens dans mon rapport (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Odette Grzegrzulka - Mon intervention portera sur la CMU, dont j'ai l'honneur de présider le conseil de surveillance du fonds de financement et d'assurer le suivi au sein de la commission des affaires sociales.

Je voudrais d'abord adresser mes félicitations à tous les partenaires -CPAM, mutuelles, associations, praticiens- qui, sur le terrain, ont rendu possible le rapide succès de ce dispositif, dont bénéficient déjà plus de 4,7 millions de nos concitoyens et chaque mois plus de 100 000 nouveaux. Il y a un an, seulement 3 millions de personnes bénéficiaient de l'aide médicale gratuite. Quel progrès !

Je voulais faire ce bref rappel car on ne parle pas assez de ce qui marche bien.

M. le Président de la commission - Très juste !

Mme Odette Grzegrzulka - Néanmoins, quelques ajustements seraient opportuns. Ils permettraient, à peu de frais, de perfectionner le dispositif et de réduire le nombre des exclus.

Qui sont ces exclus de la CMU ?

D'abord, ceux à qui des médecins refusent des soins. C'est le cas de trop de praticiens habitués aux dépassements tarifaires. Cette situation est déontologiquement et juridiquement inacceptable ; le conseil de l'Ordre des médecins l'a affirmé clairement et il faut qu'il en soit de même chez les dentistes.

Il y a ensuite ceux qui ont fait l'objet le 1er janvier d'un basculement automatique de l'AMG à la CMU et dont les CPAM vérifient les ressources, afin de prendre en compte strictement le seuil fixé par la loi pour la CMU. Parce que leurs ressources sont supérieures à 3 500 F, plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de personnes vont être exclues. Je salue l'initiative de la CPAM de Charente-Maritime qui offre aux personnes rejetées de la CMU et dont les ressources vont jusqu'à 500 F au-dessus du seuil, une aide à la mutualisation. Il serait regrettable que ce système ne soit pas généralisé.

Je déplore que les conseils généraux ne se préoccupent plus de la situation de ces personnes, alors qu'ils ont conservé, normalement pour y faire face, 5 % de la dotation qu'ils consacraient l'an dernier à l'AMG. J'espère que cet argent ne sert pas à financer les réverbères !

Après de longs débats, nous avions fixé le plafond de ressources à 3 500 F. En réalité, aucun citoyen ayant ce modeste niveau de ressources ne bénéficie de la CMU car on ajoute arbitrairement aux revenus 300 F correspondant à l'APL. Cela concerne également les propriétaires, même si leur logement est insalubre. Seules sont exclues de cette comptabilité les personnes hébergées à titre gratuit.

Parce que le plafond est de 3 500 F et non de 3 575 F comme pour l'allocation adultes handicapés, le minimum invalidité ou le minimum vieillesse, un million de personnes sont exclues de la CMU, dont 600 000 handicapés. Dans le Vaucluse, département cher au ministre de l'emploi et de la solidarité, qui comptait 62 000 bénéficiaires de la CMU en juillet, 6000 personnes, parce qu'elles perçoivent 75 F de « trop » par mois en sont exclues.

Plusieurs propositions m'ont été soumises pour remédier à cette situation. On a prévu 9 milliards de francs qui bénéficieraient à 6 millions de personnes. Puisqu'on en est actuellement à moins de 5 millions de bénéficiaires, il semble aisé d'intégrer les bénéficiaires des minima sociaux dont j'ai parlé, sans pour autant dépasser les 9 milliards .

Donner accès aux soins à tous les accidentés de la vie, à tous ceux qu'une situation de précarité a exclus de notre système de santé, n'est-ce pas un impérieux et exaltant défi ? Je suis sûre, Madame la ministre, que vous saurez le relever (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

M. le Président - Les dépassements ont été tels que Mme Françoise Imbert sera le dernier orateur de cette séance.

Mme Françoise Imbert - Depuis 1997, le Gouvernement développe une nouvelle politique familiale dont on ne peut que se féliciter. Pour 2001, je retiens notamment l'attribution d'une allocation de présence parentale en cas de maladie grave ou de handicap de l'enfant, l'aide financière aux mères en difficulté pour retrouver une activité et le dispositif d'intéressement financier à la reprise d'activité anticipée pour toutes celles qui perçoivent l'allocation parentale d'éducation.

La Conférence de la famille du 15 juin dernier, a permis d'annoncer des dispositions nouvelles en faveur de la petite enfance. Outre le renforcement de l'aide versée aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle, est prévue la mise en place d'un fonds d'aide aux crèches.

Cette mesure répond au souhait des parents puisqu'elle permettra d'améliorer l'accueil des enfants.

Il est prévu que les établissements soient tenus d'accueillir les enfants handicapés ou atteints de maladies chroniques. Cette précision me paraît fondamentale car l'intégration des enfants handicapés en milieu ordinaire rencontre encore de nombreux obstacles. Lorsqu'un bébé est handicapé, 30 % des femmes quittent leur travail pour s'en occuper, 30 % ont une aide à domicile et 40 % ont recours à des établissements spécialisés.

Pourtant, comme l'a excellemment montré une éducatrice de ma circonscription, intégrer un enfant porteur d'un handicap, c'est stimuler son langage, sa motricité, son développer psychoaffectif et lui donner des repères.

En outre, cette intégration peut normaliser la vie quotidienne de la cellule familiale.

Nous devons donc faire en sorte que les obstacles souvent évoqués -manque de personnel, rigidité administrative, peur du handicap, crainte du regard des autres, environnement et matériel inadaptés- soient surmontés, afin que tous les parents qui le désirent puissent faire bénéficier leur enfant d'un accueil en milieu ordinaire.

Nous savons, Madame la ministre déléguée à la famille, que ce dossier vous tient à c_ur, et nous vous faisons confiance pour que soient prises en compte les préoccupations de ces familles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des affaires culturelles se réunira, pour examiner les amendements relatifs au présent projet, à 14 heures 15 au lieu de 14 heures 30 comme prévu.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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