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Session ordinaire de 2000-2001 - 19ème jour de séance, 40ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 3 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          ANCIENS COMBATTANTS 2

          QUESTIONS 21

          ÉTAT B 28

          TITRE IV 28

          APRÈS L'ART. 53 28

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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ANCIENS COMBATTANTS

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial de la commission des finances - C'est pour moi un honneur de vous présenter cette année encore le budget des anciens combattants. La commission des finances l'a voté, bien que j'eusse souhaité que son montant reste en francs courants identique à celui de l'année dernière, afin de satisfaire les attentes du monde combattant. Cela aurait permis de progresser plus rapidement sur le dossier des grands invalides, sur celui des veuves ou sur la mise en place progressive de la retraite du combattant à soixante ans.

Nous l'avons donc voté, bien que nous n'ayons pas toujours obtenu de votre part, Monsieur le ministre, des réponses à toutes nos questions.

Bercy a décidé que la dotation de l'exercice précédent ne pouvait être maintenue en francs courants et je me suis plié de mauvaise grâce à sa loi. Je dois dire aussi que je n'ai été suivi que par quatre-vingts députés de mon groupe et, qu'ayant constaté que le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales trouvait ce budget convenable, je n'ai plus eu qu'à m'incliner devant le fait majoritaire.

Mme Martine David - C'est la loi de la démocratie !

M. le Rapporteur spécial - Je considère aussi que si nous n'avions pas exercé une telle pression, le recul de 2001 par rapport à 2000 eût été plus important encore.

Je tiens à saluer le bon travail accompli par Jean-Pierre Masseret, ministre de terrain, à l'écoute des anciens combattants et qui sait composer avec les contraintes budgétaires.

Si je suis loin d'être pleinement satisfait, je considère que la situation reste acceptable dans la mesure où, fort heureusement, les économies réalisées n'auront pas d'incidence sur l'exercice de la solidarité vis-à-vis du monde combattant et du droit à réparation tel qu'il était jusqu'à présent envisagé.

Le budget autonome des anciens combattants regroupe tous les crédits concernant les droits à réparation, les subventions de fonctionnement à l'ONAC et à l'INI et celles pour les actions de mémoire. Les autres crédits -fonctionnement des services, fêtes et cérémonies, investissements- sont inscrits sur le budget de la défense.

Ainsi, les crédits du secrétariat d'Etat s'élèvent en 2001 à 23,771 milliards contre 24 milliards pour 2000, soit une diminution de 1,32 %. Dois-je rappeler que ce budget diminuait de plus de 5 % sous l'ancienne majorité ? (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

La diminution estimée à 4 % des effectifs des pensionnés explique un abattement des crédits de 763,3 millions. En revanche, les crédits de la retraite du combattant sont mécaniquement augmentés de 325,1 millions pour prendre en compte l'arrivée massive des combattants d'AFN qui auront 65 ans en 2001. C'est donc une marge de man_uvre de 438,2 millions qui est ainsi dégagée.

La commission des finances a d'autre part adopté les articles 51, 52 et 53 rattachés à ce budget.

L'article 51 permet, et c'est une nouveauté essentielle, d'attribuer la carte du combattant aux rappelés d'AFN, mesure qui s'accompagne de l'inscription de 118 millions pour financer la retraite du combattant aux bénéficiaires de la carte. Pour mémoire, les rappelés sont des Français ayant effectué en totalité leur service militaire et qui ont été de nouveau appelés sous les drapeaux du fait de la situation en Algérie, pour une durée généralement comprise entre cinq et six mois. Dès lors, en fixant à quatre mois la durée minimale de séjour en Algérie, le présent dispositif s'applique à tous les rappelés. 44 000 nouvelles cartes seront ainsi délivrées et cette mesure, Monsieur le ministre, vous fait honneur.

L'article 52 s'inscrit dans le processus de rattrapage de l'unicité des points de pension des plus grands invalides, pour un montant de 21 millions. Les crédits ouverts restent insuffisants pour rattraper le retard mais il convient tout de même de saluer cette avancée.

L'article 53 permet le relèvement de 105 à 110 points du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant. Là encore, la progression a été constante depuis votre arrivée au ministère et je vous engage à persévérer.

Plusieurs autres mesures sont de nature à satisfaire les revendications du monde combattant. Elles représentent un montant de 260 millions, plus de deux fois supérieur à la moyenne constatée au cours de la décennie précédente. Il en va ainsi de l'extension du titre de Reconnaissance de la Nation, qui sera accordée aux anciens d'Algérie au-delà du 2 juillet 1962 -soit jusqu'au 2 juillet 1964- et aux anciens d'Indochine au-delà du 11 août 1954 -soit jusqu'au 1er octobre 1957. Cette mesure de 84 millions met un terme à une attente ancienne et permettra à ceux qui se trouvent en difficulté ou en situation de détresse d'émarger au fonds de solidarité et de prétendre à la retraite mutualiste.

La consolidation des moyens accordés à l'institution nationale des Invalides et à l'Office national des anciens combattants est également prévue. Les crédits consacrés à l'action sociale de l'ONAC progressent de plus de 5 %, passant de 56,8 millions à 59,8 millions. Il serait cependant hautement souhaitable qu'un fonds pour les anciens combattants les plus défavorisés soit créé. L'ONAC devrait recevoir 15 millions supplémentaires pour accomplir cette mission dont un crédit exceptionnel de 5 millions destiné aux veuves.

C'est aujourd'hui fait, grâce à ce Gouvernement, je m'en réjouis pour ces catégories les plus défavorisées.

La dotation de l'INI pour 2001 augmente de 1,8 million pour s'établir à 44,8 millions.

La subvention d'investissement allouée aux deux établissements publics, imputée sur le budget du ministère de la défense, s'établira à 21,3 millions en autorisation de programme et à 15,9 millions en crédits de paiement. Cette augmentation permettra de poursuivre l'effort de réhabilitation des maisons de retraite gérées par l'ONAC et d'assurer la mise aux normes d'hygiène et de sécurité, comme nous le demandions depuis des années.

Une subvention de 500 000 francs permettra de soutenir la vie associative du monde combattant et de commémorer le centenaire de la loi de 1901.

La politique de la mémoire est soutenue grâce à une augmentation substantielle des crédits qui passent de 5,1 à 18,27 millions, à un transfert du budget de la défense de 6,3 millions, qui régularise une erreur de partage commise en 2000, et à la consolidation d'une mesure de transfert interne de 4,8 millions.

Certains parlementaires, en particulier Louis Mexandeau, souhaiteraient être informés des actions menées dans ce cadre et des conséquences de la réorganisation sur la gestion des crédits. L'édition d'un CD Rom a été financée par des crédits de la réserve parlementaire. S'il est normal que nous donnions aussi quelques coups de pouce, nous souhaiterions une meilleure coordination des actions.

La dette viagère est marquée d'une part par la diminution de 4 % du nombre des parties prenantes, qui entraînera une baisse de 763,3 millions des crédits ; d'autre part, par une forte progression -17,3 % par rapport à 1999- des crédits affectés à la retraite du combattant. Ces évolutions opposées se soldent par une légère baisse des crédits de la dette viagère de 1,3 % par rapport à 1999.

A ce propos, je regrette que l'agrégat « dette viagère », qui permettait de visualiser l'ensemble des crédits, ait disparu au profit d'un agrégat « réparation de l'invalidité, retraite du combattant et INI », qui confond les pensions et retraites, les dépenses de soins médicaux et appareillages et les crédits de l'INI.

On a souvent déploré le manque de lisibilité du rapport constant. Or, le système actuel d'indexation, s'il doit être simplifié, reste plus favorable que le dispositif en vigueur en 1990. Ainsi, sur la période 1999-2000, un pensionné à 100 % avec allocation de grand mutilé aura perçu 6 283,53 francs de plus qu'avec l'ancien système.

Comme de nombreux collègues, je regrette qu'aucune avancée n'intervienne en faveur de la décristallisation des pensions des combattants des anciennes colonies. Certes une décristallisation intégrale coûterait un milliard pour les seules pensions d'invalidité, 3,5 milliards si l'on englobait les pensions de retraite. Néanmoins, je juge indispensable de sortir progressivement de cette logique et j'appelle une nouvelle fois à ce que des mesures d'harmonisation puissent au moins être adoptées pour les anciens des pays où le revenu moyen a augmenté, en particulier ceux de Tunisie et du Maroc, les plus gravement touchés. Ces anciens combattants méritent des pensions dignes des souffrances consenties pour la France !

Certes, un amendement du Gouvernement permet de lever la forclusion des retraites pour les combattants des anciennes colonies pour 6,5 millions de francs. C'est à saluer, mais nous sommes loin d'être entièrement satisfaits.

J'en viens au dispositif d'aide aux anciens d'AFN. Cette mission de solidarité s'accomplit en complémentarité avec l'ONAC.

Le fonds de solidarité créé grâce à Louis Mexandeau par la loi de finances pour 1992 se compose désormais de l'allocation différentielle et de l'allocation de préparation à la retraite, non cumulables. Ces allocations, sûrement trop faibles, sans doute imparfaites, ont aidé de nombreux anciens combattants chômeurs ; 80 000 d'entre eux ont pu en bénéficier. Désormais, le nombre d'allocataires diminue en raison de l'arrivée massive à l'âge de la retraite de la classe d'âge la plus importante ; sa dotation passe de 1 126,65 millions en 2000 à 999 millions en 2001, soit une forte diminution de 11,33 %, à comparer toutefois à la baisse de 28,5 % en 2000. Ce montant comprend la reconduction d'une dotation de 20 millions pour l'application du dispositif ARPE-Anciens combattants qui ne concerne qu'une cinquantaine de cas.

Il reste beaucoup à faire pour défendre les intérêts matériels des anciens combattants et des veuves.

Je regrette la diminution de ce budget, même si elle n'est que de 289 millions. Les ressources dégagées grâce à la baisse des effectifs auraient pu être affectés, au moins pour un an dans cette période de croissance, à des actions en faveur des grands invalides, de la décristallisation, d'une amorce de la retraite à 60 ans.

Je ne voudrais pas que toutes ces demandes masquent les avancées réelles de ce budget (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais je suis persuadé que l'on aurait pu aller beaucoup plus loin, si l'on en avait eu la volonté (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - Pour 2001, le budget des anciens combattants s'établira à 23,777 milliards, les moyens de fonctionnement et d'équipement du secrétariat d'Etat figurant au budget de la défense.

Ces crédits baissent donc de 1,32 % et le secrétaire d'Etat, rapportant ce mouvement à la diminution de 4 % du nombre des parties prenantes à la dette viagère, souligne l'importance de l'effort consenti par la nation en faveur des anciens combattants.

Il est vrai que les crédits baissent trois fois moins vite que le nombre des parties prenantes au lieu de deux fois moins vite durant les exercices précédents. Pour autant, la conjoncture économique favorable et la reconnaissance, tardive mais officielle de la guerre d'Algérie par la loi du 18 octobre 1999 suscitaient de légitimes espoirs et cette logique purement comptable ne peut satisfaire le monde combattant.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Il souhaite voir le droit imprescriptible à réparation se traduire par le maintien du niveau du budget et le redéploiement de 300 millions auxquels pourraient s'ajouter environ 340 millions d'annulation de crédits en fin d'exercice 1999, afin de satisfaire enfin de nombreuses et légitimes revendications.

Ce projet reconduit par ailleurs un crédit de 20 millions, destiné au dispositif ARPE, qui, voté dans la loi de finances pour 1999, n'a malheureusement connu que très peu d'applications, en raison du refus des employeurs d'accorder la préretraite.

Mon analyse de ce budget s'appuiera sur le travail mené avec les associations du monde combattant, qui sont parvenues à un consensus sur la position à adopter à l'égard de ce projet.

Il faut tout d'abord souligner l'évolution démographique. Au titre de la dette viagère, on ne peut que constater la baisse du nombre des pensionnés en raison de la mortalité dans les classes d'âges ayant participé à la seconde guerre mondiale. Ainsi le nombre des pensionnés sera inférieur à 500 000, ce qui se traduira par une diminution des crédits de 763,3 millions.

De même, les crédits du Fonds de solidarité baissent de 11 % en raison de la sortie du dispositif de nombreux anciens d'Afrique du Nord. Au total, près de 900 millions disparaissent par le seul effet du facteur démographique.

En revanche, l'arrivée à l'âge de 65 ans d'une part importante de la génération des anciens d'Afrique du Nord entraîne une augmentation de 5 % du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant, qui seront ainsi proches de 1,1 million en 2001.

Je veux ensuite saluer le renforcement de l'action sociale de proximité de l'ONAC, qui bénéficie de 10 millions de mesures nouvelles. Les crédits sociaux de l'ONAC augmentent de 3 millions afin d'intensifier l'action en faveur des ressortissants les plus démunis : veuves, anciens combattants sortant du Fonds de solidarité, ressortissants les plus âgés.

C'est néanmoins insuffisant, et j'ai déposé un amendement visant à augmenter ces crédits de 5 milliards, destinés prioritairement aux veuves d'anciens combattants.

La hausse de 7 millions de la subvention de fonctionnement de l'ONAC permettra l'embauche de 10 assistantes sociales dans les départements qui n'en disposent pas encore.

Il faut saluer le dynamisme de la politique de mémoire, et souligner d'abord l'augmentation de 10 millions de la subvention d'investissement, notamment destinée à la remise en état des sépultures de guerre, ainsi que l'accroissement de 19 millions des crédits consacrés à la mémoire et à l'information historique, qui permettra de valoriser les grands territoires de mémoire dans une perspective européenne et de multiplier les actions en direction des jeunes générations.

Rompant avec la tradition des projets de budget présentés « a minima », le projet pour 2001 comporte quatre intéressantes mesures nouvelles.

L'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Afrique du Nord satisfait une revendication que j'avais défendue l'an dernier. Il y a tout lieu de s'en réjouir.

Le rattrapage de la valeur du point de pension d'invalidité des plus grands invalides, gelée par l'article 120 de la loi de finances pour 1991, se poursuit. L'article 78 de la loi de finances pour 1995 était revenue sur le gel, mais sans remettre le point de pension à niveau. Une première mesure a été prise l'an dernier, pour un montant de 15 millions ; une nouvelle étape est inscrite à l'article 22 du présent projet, pour 21 millions cette fois. Il est impérieux d'opérer un rattrapage intégral dès cette année, ce qui nécessite un crédit supplémentaire de 32 millions. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste, porté de 95 points en 1998 à 105 points actuellement et à 110 points dans le projet de budget 2001, n'est pas négligeable, mais il ne suffira pas à atteindre avant la fin de la législature le niveau souhaité par les associations, soit 130 points. J'ai donc déposé un amendement pour le porter à 120 points.

Enfin, l'extension de l'attribution du titre de reconnaissance de la nation à tous les militaires ayant séjourné en Algérie pendant 90 jours au moins avant le 2 juillet 1964 était très attendue par le monde combattant.

Cependant, deux revendications essentielles du monde combattant restent insatisfaites, si bien que ce projet est difficilement votable en l'état.

Etant donné le peu d'empressement des gouvernements successifs à accorder la retraite anticipée aux anciens d'AFN et le faible nombre d'anciens combattants bénéficiaires du dispositif ARPE, la simple justice commande que la retraite du combattant soit désormais versée à partir de 60 ans, comme la retraite professionnelle. J'ai déposé, bien entendu, un amendement en ce sens. Le secrétariat d'Etat chiffre cette mesure à 4,2 milliards sur six ans...

M. Bernard Schreiner - Une bricole ! (Sourires)

M. le Rapporteur pour avis - C'est bien moins que les 151 milliards que coûterait, selon le rapport Chadelat, la retraite anticipée.

En second lieu, il convient de revenir sur la cristallisation des pensions servies aux anciens ressortissants des pays « antérieurement placés sous la souveraineté française » -ainsi que l'on qualifie, en langage diplomatique, le colonialisme français (Rires et approbations sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)- afin que les soldats de l'ex-empire puissent vivre dignement dans leur pays, sans être obligés de venir quémander le RMI ou le minimum-vieillesse. Vous avez vous-même déclaré, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ne perdiez pas de vue la nécessité de relever ces pensions « honteusement bloquées depuis des décennies ». Il faudrait, en toute hypothèse, prendre une mesure d'urgence en faveur des pensionnés du Maroc, de la Tunisie et du Vietnam, qui souffrent de l'injustice la plus flagrante.

Il est impératif, par ailleurs, de revenir sur la forclusion, intervenue en 1995, des droits nouveaux des veuves de grands invalides en matière de pensions. La commission des affaires culturelles a voté à l'unanimité un amendement tendant à créer une commission ad hoc, dans laquelle siégeraient des parlementaires. L'expérience montrant qu'on crée généralement des commissions pour enterrer les problèmes (Rires), j'ai souhaité qu'il soit question, dans l'amendement, de « réflexion opérationnelle ».

La présentation de ce projet de budget intervient après la publication d'un rapport de la Cour des comptes qui préconise ni plus ni moins que de gommer la spécificité du monde combattant au nom d'impératifs budgétaires. Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir clairement écarté cette perspective inacceptable. Voyez mon objectivité... (Sourires)

Le projet comporte des avancées non négligeables, mais il doit être amendé. La commission des affaires culturelles, au cours de sa réunion du 12 octobre, a discuté de plusieurs amendements sans les mettre aux voix, l'irrecevabilité ayant été opposée. Je vais néanmoins en faire part au Gouvernement, dans la mesure où ils ont fait l'objet d'un assez large consensus. Certains ont même reçu l'accord de tous les groupes, tels ceux visant à augmenter les dépenses sociales de l'ONAC, ou celui par lequel M. Néri propose de lever la forclusion opposée, en matière de pensions, aux anciens combattants originaires de notre ancien empire colonial. Quant à mes amendements tendant à porter à 120 points le plafond majorable de la rente mutualiste et à abaisser à 60 ans l'âge de perception de la retraite du combattant, ils ont reçu l'assentiment de MM. Rochebloine, Colombier et Gengenwin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le seul amendement déclaré recevable, et qui viendra donc en discussion tout à l'heure, porte sur la création d'une commission d'étude de la revalorisation des rentes, retraites et pensions des anciens combattants de l'outre-mer. Il a d'ailleurs été voté à l'unanimité.

La commission, suivant en cela son rapporteur, a émis un vote favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants, compte tenu -j'y insiste- de son approbation du contenu des amendements que j'ai déposés. Il s'agit là d'une adresse claire au Gouvernement, afin que celui-ci reconsidère sa position sur les points en question. Tout dépend de sa réponse, et il serait impensable que votre rapporteur pour avis propose de voter un budget qui laisserait insatisfaites deux revendications majeures : la revalorisation intégrale des pensions des plus grands invalides et la retraite du combattant à 60 ans pour les anciens d'Afrique du Nord. Il est regrettable, à cet égard, que le consensus obtenu en commission soit utilisé dans une lettre par le rapporteur spécial de la commission des finances pour justifier une reculade (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Comme à l'accoutumée, c'est au terme de la discussion que nous déterminerons, avec les associations, notre vote.

Mme Odette Grzegrzulka - Quel suspense insoutenable !

M. le Rapporteur pour avis - Enfin, je réitère mon appel pressant au Gouvernement sur une question de justice, au sens fort du terme : il s'agit de l'extension de la juste indemnisation des orphelins de parents juifs déportés aux enfants de juifs résistants, ainsi qu'à tous les enfants de déportés, internés, résistants, quelle que soit leur appartenance philosophique ou religieuse.

J'exprime par ailleurs mon indignation devant la volonté, exprimée par certains parlementaires, de remettre en cause, comme l'avait déjà fait M. Giscard d'Estaing, la commémoration du 8 mai, date de la victoire sur le nazisme (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

MM. Georges Colombier et François Rochebloine - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Je conclurai en estimant qu'il convient, maintenant que la guerre d'Algérie est enfin reconnue officiellement comme telle, de commémorer la fin de celle-ci le 19 mars. N'attendons pas plus longtemps pour reconnaître une vérité nécessaire à la mémoire et aux jeunes générations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. le Président - J'invite les orateurs suivants à respecter leur temps de parole, car je devrai impérativement lever la séance à 13 heures.

M. Jean-Paul Durieux - Je remercie le Gouvernement d'avoir répondu à la demande de la commission des affaires sociales en inscrivant la discussion de ce budget en matinée : c'était la moindre des choses pour marquer notre respect pour les représentants des anciens combattants.

L'année 1999 avait été marquée par la reconnaissance à l'unanimité de l'état de guerre en Algérie. Votre budget 2001 nous donne l'occasion d'autres pas décisifs. La carte du combattant, attribuée l'année dernière aux appelés du contingent, l'est cette année aux rappelés de 1956 et des années suivantes. Pas décisif également pour ce qui concerne l'attribution du Titre de reconnaissance de la Nation pour une présence en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964, en Indochine jusqu'en octobre 1957. Votre budget échappe mieux que les précédents à l'érosion habituelle des crédits en fonction du nombre des ressortissants de votre ministère.

Avec une diminution limitée à 1,32 % il permet d'inscrire des mesures nouvelles : outre celles que je viens de citer, la deuxième étape du rattrapage concernant l'unicité du point de pension pour grands invalides et leur déplafonnement et le relèvement à 110 points du plafond majorable de la rente mutualiste. Mais nous aurions souhaité le rattrapage, dès cette année des pensions des grands invalides -ces hommes ont vu en quelques instants leur avenir basculer, pourquoi mettre trois ans à les rétablir dans leurs droits ?- et la fixation à 115 ou 120 points du plafond majorable.

Il faut aussi progresser sur la décristallisation des pensions d'anciens combattants de nos anciennes colonies. Nous ne pouvons oublier la part qu'ils ont pris à la campagne d'Italie et à la campagne de France. La levée de la forclusion de droits nouveaux constituerait une première étape... Mais n'attendons pas une démarche des Etats concernés : c'est à la France de prendre l'initiative. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Deuxième point, il faut mieux prendre en compte les psychotraumatismes de guerre. La circulaire du 10 juillet ouvre des perspectives nouvelles à cet égard. Enfin la solidarité vis-à-vis des ayants droit en difficulté, les veuves en particulier, doit être renforcée et des moyens supplémentaires inscrits au budget de l'ONAC : nous déposerons un amendement l'abondant de 15 millions.

Si ce budget n'accède pas à certaines demandes, nous mesurons néanmoins le chemin parcouru vers la satisfaction des revendications essentielles des anciens combattants. Le groupe socialiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Schreiner - Ce budget présente une diminution de 1,32 % par rapport à l'an passé et nous le regrettons.

Les crédits représentent 23,771 milliards de francs et financent trois grandes catégories d'actions : la réparation du préjudice d'invalidité, les actions de reconnaissance et de solidarité et les actions de mémoire.

La réparation du préjudice d'invalidité mobilise 17,3 milliards de francs, soit une diminution de 4 %, correspondant à celle du nombre de pensionnés, ce qui signifie une baisse en francs constants.

Comme en 2000, 58 % des crédits sont consacrés aux pensions et allocations d'invalidité, 37 % aux pensions et allocations des ayants droit et 5 % aux soins médicaux gratuits et aux appareillages.

Cette année, le montant absolu et la part dans le budget des actions de reconnaissance et de solidarité augmentent pour atteindre 6,07 milliards, soit 25 % du budget global. Cette augmentation est notamment due à l'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Algérie.

La retraite du combattant représente 50 % de ces dépenses ; elle sera servie à près de 1 100 000 pensionnés en 2001. 33 % des crédits seront consacrés à la protection et aux actions sociales.

Enfin, 17 % de ce chapitre, soit environ 1 milliard, viendront abonder le fonds de solidarité pour les anciens combattants, soit une diminution de 9,2 %, que nous regrettons.

Quant aux actions de mémoire et de citoyenneté, elles représenteront 61,3 millions, contre 47,3 millions en 2000. Sur cette somme, 48,6 seront consacrés à l'aménagement et à l'entretien des lieux de mémoire et des sépultures de guerre. Trop souvent dans le passé cette charge a été laissée au seul budget des communes ou au dévouement du Souvenir Français. Je salue les progrès accomplis dans ce projet dus à votre initiative, Monsieur le ministre alors que, dans le même temps, le Gouvernement reste sourd aux légitimes revendications du monde combattant et de leurs associations.

Certaines mesures nouvelles méritent d'être approuvées, comme l'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Algérie, l'extension du Titre de Reconnaissance de la Nation aux anciens d'Algérie au-delà du 2 juillet 1962 et aux anciens d'Indochine au-delà du 11 août 1954, le renforcement de l'action sociale de l'ONAC, le développement des initiatives de mémoire et l'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste, même si elle reste bien inférieure aux promesses de M. Jospin quand il était candidat.

Malheureusement, les mesures nouvelles avec 260 millions ne représentent que 0,01 % du budget des anciens combattants, alors que l'économie de notre pays est dans une situation plus favorable.

M. Alain Néri - Il faut s'en féliciter !

M. Bernard Schreiner - Où est la solidarité quand notre pays enregistre une croissance de 3,8 % et que le budget des anciens combattants diminue de 1,32 % ? Le ministre du budget crie victoire car cette réduction est inférieure à celle du nombre de bénéficiaires. Mais si le Gouvernement avait consenti à simplement maintenir le budget de l'an passé, la somme consacrée aux mesures nouvelles aurait pu être 77 fois plus importante...

M. Alain Néri - Vous, vous n'avez rien fait !

M. Bernard Schreiner - Cela aurait permis de financer le réajustement des pensions des grands invalides de guerre et des veuves de guerre, la retraite du combattant dès 60 ans pour les anciens d'Afrique du Nord, la décristallisation des pensions et retraites de nos camarades africains et malgaches qui ont servi dans l'armée française.

Ce budget manque singulièrement de souffle et nous déplorons que le Gouvernement n'utilise pas les moyens budgétaires à sa disposition pour résoudre des problèmes récurrents.

Je constate malheureusement que M. le secrétaire d'Etat, dont la bonne volonté ne saurait être mise en doute (« c'est vrai ! » sur les bancs du groupe du RPR), a les mains liées.

En tant que député alsacien, je dois évoquer les dossiers trop longtemps négligés des Alsaciens-Mosellans. Nous espérons toujours un statut spécifique pour les anciens incorporés de force qui ont été internés dans les camps soviétiques. Autre dossier sensible, l'indemnisation des anciens RAD-KHD, l'un des derniers contentieux issus de la seconde guerre mondiale. La fondation « Entente Franco-Allemande », présidée par notre ancien collègue Lorrain, est prête à verser une indemnisation correcte. Le Gouvernement, par votre voix, s'était engagé à y participer. Or, aucune ligne budgétaire n'a été ouverte. Vous comprendrez l'immense déception de nos interlocuteurs devant le non-respect de la parole donnée.

Je suis triste que notre pays ne sache pas mieux montrer sa reconnaissance à ceux qui se sont battus pour son honneur et dont la jeunesse a été hypothéquée par les guerres, qu'il ne reconnaisse pas un droit à réparation juste et équitable pour tous les jeunes Français qui ont souffert, que la France puisse être accusée d'ingratitude à l'égard des anciens combattants.

Une fois de plus, la représentation nationale ne pourra que déplorer qu'un bon ministre, à l'écoute des anciens combattants, ne puisse convaincre un Gouvernement qui ne sait pas utiliser les opportunités budgétaires.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe RPR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. François Rochebloine - Vous ne serez pas surpris que, cette année encore, je rappelle des revendications, dont certaines sont fort anciennes. Vous ne le serez pas davantage que, comme tous les orateurs, je critique la diminution des crédits du secrétariat d'Etat pour 2001, malgré une conjoncture particulièrement favorable, qui nous laissait espérer mieux.

En baisse de 1,32 %, soit de près de 300 millions, ce budget entérine, cette année encore, la logique mécanique imposée par Bercy.

Nous aurions pu croire, naïvement, qu'après les hésitations de l'an passé, vous auriez marqué une pause dans la diminution des crédits, ainsi que le préconisait le rapporteur de la commission des finances, Jean-Pierre Kucheida. Mais pour Bercy, seule semble compter l'évolution de la démographie des pensionnés.

Cependant, tout n'est pas négatif, loin s'en faut ! Quelques avancées sont intéressantes.

Ainsi, en est-il des mesures nouvelles prises en faveur des rappelés. Avec quatre mois de présence en AFN, les rappelés pourront bénéficier de la carte du combattant.

De même, l'attribution du titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er juillet 1964 pour l'AFN et jusqu'au 1er octobre 1957 pour l'Indochine ne peut que nous réjouir. Je vous sais gré, Monsieur le ministre, d'avoir bien voulu intégrer les situations limites que je vous avais signalées l'an dernier.

Troisièmement, les crédits affectés à l'ONAC sont accrus. Toutefois, vos choix en matière de politique des subventions mériteraient d'être mieux expliqués.

Le renforcement de la politique de la mémoire se poursuit aussi. Il est indispensable de pérenniser les actions liées à la mémoire et à la citoyenneté. C'est une _uvre de longue haleine et il faudra veiller à ce qu'elle garde tout son dynamisme.

Si la discussion budgétaire est l'occasion de dresser un bilan, elle doit aussi permettre de rappeler les attentes.

2001 ne verra pas encore le règlement définitif du contentieux relatif aux pensions des plus grands invalides de guerre. Je le regrette profondément, même si la décision a été prise l'an dernier de retrouver la parité des pensions. Monsieur le ministre, vous avez lancé un appel aux parlementaires lors de la dernière assemblée générale de l'UFAC. Vous pouvez compter sur nous. Au-delà des clivages politiques, nous souhaitons tous le règlement de ce dossier.

Le plafond de la retraite mutualiste ne fait que passer de 105 à 110 points. A ce rythme, je ne vois pas comment nous rattraperons le retard accumulé. Nous avions fait, toutes sensibilités confondues, la même observation l'an passé.

La décristallisation des rentes, des retraites et des pensions des anciens combattants, de l'outre-mer n'est toujours pas réglée. L'amendement que j'ai déposé avec Georges Colombier et qui a été adopté par la commission des affaires culturelles vise à instituer une commission pour remettre le dossier à plat et proposer une revalorisation des rentes et pensions.

Je souhaite que cette proposition soit retenue et que l'on se mette rapidement au travail.

En ce qui concerne le dispositif de l'ARPE-anciens combattants, les crédits sont reconduits. La mesure est bonne, mais le bilan est décevant : 56 demandes auraient été déposées et 32 auraient abouti. J'avais personnellement émis quelques réserves sur ce dispositif, sachant que, dans le même temps, le Gouvernement refusait la retraite anticipée.

Ceci m'amène naturellement au problème des anciens combattants commerçants qui ont dû cesser leur activité à cause d'une conjoncture défavorable. Il semblerait que le fonds de solidarité ne puisse intervenir en leur faveur. Vous engagerez-vous à assouplir le dispositif ? Vous nous avez dit en commission, Monsieur le ministre, que vous examiniez les trois dossiers les plus importants qui touchent spécifiquement les Alsaciens-Mosellans : les patriotes résistants à l'annexion de fait -PRAF-, les patriotes résistants à l'occupation -PRO- et les incorporés de force au RAD et KHD. Pour ces derniers, l'indemnisation attendue depuis plusieurs décennies semble enfin possible mais ne figure toujours pas au budget, alors même que la fondation franco-allemande est prête à en financer 50 %. Nous prenons acte de votre volonté, mais plus que les déclarations d'intention, les intéressés attendent des actes.

D'autre part, le mémorial national des anciens combattants « Morts pour la France » en Afrique du Nord sera-t-il bientôt érigé ? Son emplacement a-t-il été choisi ?

Enfin, comment ne pas manifester notre désappointement au sujet du droit à réparation. ? Pour le calcul du rapport constant, les années passent et le mystère s'épaissit. Monsieur le ministre, vous avez donné un cours magistral lors de l'assemblée générale de l'UFAC, mais nous n'avons pas toujours suivi les méandres d'une démonstration décidément trop brillante.

Par ailleurs, pourquoi refuser d'anticiper la date d'attribution de la retraite du combattant alors qu'il y aurait là une véritable mesure compensatoire après le refus d'accorder une véritable retraite anticipée à la troisième génération du feu ? L'abaissement progressif de l'âge de la retraite est parfaitement envisageable. Georges Colombier et moi avons proposé deux amendements, abaissant l'âge requis à 60 ans ou à 63 ans. La décision vous appartient, mais demain il sera trop tard !

Pour les veuves de guerre, nous n'enregistrons pas d'avancée. Et qu'en est-il de la mise en _uvre des recommandations relatives aux psycho-traumatismes de guerre ou encore à l'octroi de la campagne double aux fonctionnaires et assimilés, conformément au principe d'égalité des droits entre les générations du feu ?

Ce budget donc, sans être totalement décevant, n'est pas à la hauteur des attentes du monde combattant. Il n'a pas su saisir une opportunité aussi rare que favorable.

Je ne saurais conclure sans revenir sur le décret du 13 juillet, qui fixe la mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. N'y a-t-il pas lieu de l'étendre aux orphelins de déportés, de résistants et de fusillés « Morts pour la France » ? Au moment où vous présentez sans doute votre dernier budget, selon vos propres dires, Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir su renouer les relations avec le monde combattant et écouter les parlementaires, quelle que soit leur sensibilité, même si vous n'avez pas toujours pu résister à Bercy.

Aussi, considérant que ce budget est meilleur que celui de l'an dernier, mais regrettant malgré tout ses insuffisances, le groupe UDF s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Georges Colombier - Monsieur le ministre, je salue une nouvelle fois votre sens de l'écoute et du dialogue, même si nous ne sommes pas toujours d'accord mais c'est cela la démocratie !

Malgré une croissance économique exceptionnelle, ce budget accuse une baisse de 1,32 % soit 300 millions. L'espoir du monde combattant de bénéficier lui aussi, des fruits de la croissance s'étiole.

Certes, nous constatons une baisse sensible du nombre des anciens combattants. Cela ne constitue pas à nos yeux une raison suffisante pour diminuer chaque année le budget et décevoir ainsi les attentes.

Je me réjouis, bien sûr, de certaines mesures nouvelles telles que l'extension de la carte du combattant aux rappelés, qui permet aux rappelés, avec 4 mois de présence en Afrique du Nord, d'en bénéficier. Pourriez-vous cependant étudier le sort des rappelés ayant effectué une période inférieure à 4 mois, mais qui avaient déjà réalisé auparavant un temps en Algérie ?

L'octroi du Titre de Reconnaissance de la Nation aux anciens d'Algérie jusqu'au 1er juillet 1964, et d'Indochine jusqu'au 1er octobre 1957 satisfait une revendication ancienne. Je vous en remercie et vous suggère de l'étendre aux résistants au nazisme et aux réfractaires au STO.

La subvention d'action sociale attribuée à l'ONAC augmente. Je me permets cependant avec Bernard Perrut, de relayer l'inquiétude des anciens combattants sur l'avenir des maisons de retraite de l'ONAC, quel est le montant des crédits d'investissement prévus ?

Je salue le dynamisme de la politique de mémoire, qui fait l'objet de crédits supplémentaires, et s'adresse notamment aux jeunes générations. Il serait souhaitable que le mémorial national de la guerre d'Algérie soit érigé à Paris au plus tard en 2002, année du quarantième anniversaire de la fin de la guerre.

Je prends acte du relèvement de cinq points du plafond majorable de la rente mutualiste, qui me paraît cependant insuffisant, le monde combattant estimant qu'il faudrait atteindre 120 points pour 2001. Les deux amendements que j'ai déposés avec mes collègues François Rochebloine, Germain Gengenwin et Pierre Lasbordes pour revaloriser davantage ce plafond ont malheureusement été déclarés irrecevables par la commission des affaires culturelles.

D'autre part, la revendication des anciens combattants de bénéficier de la retraite du combattant à partir de 60 ans, comme c'est le cas pour la retraite professionnelle, reste insatisfaite. Je renouvelle donc ma proposition tendant à procéder par paliers, en abaissant l'âge de la retraite à 63 ans en 2001 puis à 60 ans en 2002. Mon amendement en ce sens n'a malheureusement pas été retenu.

Concernant les grands invalides, si j'approuve la poursuite du réalignement des pensions en 2001, je regrette l'injustice faite aux plus grands invalides n'ait pas été définitivement réparée. Depuis cinq ans, ces pensions sont revalorisées dans des conditions de droit commun. Cependant, un écart subsiste entre la valeur du point de pension militaire d'invalidité pour les grands invalides et celle des autres pensions militaires d'invalidité. J'ai donc déposé un amendement visant à mettre un terme au gel des pensions des plus grands invalides. Il n'a pas été retenu.

Concernant l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant, je réitère la demande du Front Uni des organisations nationales représentatives des anciens combattants d'Afrique du Nord, visant à obtenir l'application de l'accord intervenu le 22 octobre 1996, ce qui mettrait fin aux injustices qui subsistent.

S'agissant des psychotraumatismes de guerre, la circulaire du 18 juillet 2000, à la bonne application de laquelle nous veillerons, semble satisfaisante.

Ces traumatismes résultent en effet d'une volonté délibérée d'utiliser la peur des civils comme une véritable arme de guerre. Je souhaite que la commission que vous avez instituée sur ce sujet recherche efficacement une solution satisfaisant le droit à réparation, en incluant les pathologies dues aux conflits modernes du type de la guerre du Golfe.

Le dossier relatif aux pensions et retraites des anciens ressortissants des pays antérieurement placés sous la souveraineté française mérite une attention particulière. En effet, ces pensions ont été bloquées à la date de l'indépendance des pays d'origine et n'ont été que faiblement revalorisées. Nous avons déposé un amendement avec François Rochebloine, Germain Gengenwin et Pierre Lasbordes visant à créer une commission auprès du Premier ministre, pour en étudier les modalités de revalorisation. Il s'agit là d'un devoir moral, auquel, jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a su répondre. Cet amendement a reçu un avis favorable de M. Gremetz, rapporteur pour avis, et de M. Alain Néri, au nom du groupe socialiste. Je me réjouis de votre soutien sur cette question.

Je souhaite insister sur la situation des veuves. Il serait légitime qu'elles bénéficient d'une pension de réversion, mais l'amendement que j'ai déposé en ce sens n'a pas été déclaré recevable.

L'UFAC réclame également la suppression des conditions de ressources qui pénalisent les veuves. C'est pourquoi je vous suggère d'organiser un groupe de travail sur cette importante question.

D'autre part, la mesure prise en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, devrait être étendue à tous les orphelins de guerre, dans le souci d'éviter toute discrimination. Je déplore également qu'aucune disposition ne soit prévue pour indemniser les anciens incorporés de force dans le RAD et le KHD. Quelles sont, Monsieur le ministre, vos intentions en ce domaine ?

Le rapport constant est un mécanisme qui permet de revaloriser les pensions militaires d'invalidité versées aux anciens combattants, mais son mode de calcul est incompréhensible. Il est donc urgent de le modifier afin de rétablir le respect de la parité et la garantie de l'évolution parallèle, en indexant les PMI sur la grille de la fonction publique.

Sur la campagne double, j'ai pris acte de votre décision de confier à vos services une mission d'évaluation du coût de cette mesure. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous en faire connaître le résultat.

Concernant la carte de Combattant Volontaire de la Résistance -CVR-, les associations souhaitent que des instructions précises soient données aux préfet pour la procédure d'examen des demandes, avec présomption favorable des témoignages produits par les requérants. En matière d'examen du titre de CVR, l'avis des commissions départementales devrait être pris en considération.

Je tiens aussi à souligner la vive émotion qu'a suscitée la parution du rapport de la Cour des comptes relatif à l'effort de solidarité nationale à l'égard des anciens combattants. J'ai bien noté vos propos rassurants à ce sujet. Il nous faudra toutefois rester vigilants.

Enfin, je souscris aux propos de M. Gremetz sur la reconnaissance du 19 mars, même si ce sujet ne fait pas l'unanimité.

Ce budget restant globalement insuffisant, le groupe Démocratie Libérale et Indépendants s'abstiendra.

M. Claude Billard - Le projet de budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, désormais intégré à celui de la défense, connaît une nouvelle baisse de 1,32 %. Cette diminution est relativisée par la baisse de 2 % des crédits de 2000 par rapport à ceux de 1999. Rapportés au nombre de bénéficiaires, ils baissent d'ailleurs trois fois moins vite.

Mais la croissance et les rentrées fiscales en hausse auraient dû inciter le Gouvernement à maintenir le montant des crédits de l'an dernier, pour combler le retard pris dans la concrétisation du droit imprescriptible à réparation des anciens combattants.

Ce budget en demi-teinte affirme servir cette ambition. Il comporte certes des points positifs dont nous nous félicitons. Ainsi, l'article 51, en abaissant le temps de présence requis de 12 à 4 mois permettra à tous les rappelés en Algérie d'obtenir la carte d'ancien combattant d'Afrique du Nord.

Nous apprécions aussi l'augmentation de 7 millions de la subvention de fonctionnement de l'ONAC, et la progression de 3 millions des crédits destinés à la politique d'action sociale. Notons aussi la dotation d'investissement de 10,4 millions en crédits de paiement attribuée à cet établissement sur le budget de la défense, et la création de dix emplois d'assistants de service social dans les départements qui en sont encore dépourvus.

Malheureusement, des mesures de justice très attendues par le monde combattant sont absentes. Comme l'a noté Maxime Gremetz dans son rapport, mettre un terme à l'injustice majeure qu'a constitué le gel de la pension des plus grands invalides nécessiterait de porter à 32 millions de francs les crédits proposés à l'article 52.

La même exigence de justice impliquerait que la retraite du combattant soit servie dès 60 ans aux anciens combattants d'Afrique du Nord. Ces deux revendications légitimes et prioritaires pourraient pourtant être satisfaites dès cette année, et financées en amendant le volet recettes avant la fin de la première lecture au Sénat. Nous insistons donc pour que le Gouvernement réponde à cette attente légitime.

D'autre part, l'article 53 ne prévoit qu'un relèvement de 105 à 110 points de plafond de la rente mutualiste alors que, de l'avis général, le niveau de 130 devrait être atteint en ce qu'il représente un compromis acceptable. A l'instar de notre rapporteur pour avis j'estime du reste qu'il est absolument indispensable de préserver la spécificité de la rente mutualiste alors que s'annonce la réforme par ordonnances du code de la mutualité.

Je ne puis davantage oublier le maintien de la cristallisation des pensions servies aux ressortissants des Etats anciennement sous souveraineté française et l'injustice que constitue la forclusion, intervenue en 1995, des droits nouveaux à pension des veuves des grands invalides ou du droit de demander la prise en compte d'une aggravation du handicap.

Estimé à 1,5 milliard pour les seules pensions d'invalidité militaire et à 3,5 milliards si l'on prend en compte l'ensemble des pensions de retraite, le coût d'une « décristallisation » globale serait certes élevé. Gardons-nous cependant de céder à l'immobilisme car il s'agit d'une dette d'honneur de la nation à l'égard de ceux qui ont porté dignement ses couleurs. Je partage à ce sujet le point de vue de notre rapporteur spécial lorsqu'il estime qu'il est urgent de sortir de cette logique indigne de notre pays.

Dans la perspective du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, une date commémorative doit être choisie. Nous nous sommes tous réjouis de l'adoption en 1999 de la loi portant reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie mais la nation, qui a ainsi rendu sa dignité au citoyen combattant, doit également affirmer sa volonté d'honorer dignement la mémoire des victimes civiles et militaires du conflit et des combattants du Maroc et de la Tunisie en faisant du 19 mars une journée nationale du souvenir et du recueillement. Le groupe communiste n'a d'ailleurs pas manqué de déposer une proposition de loi en ce sens. En revanche, je m'élève contre celle de plusieurs de nos collègues de l'opposition qui tend à supprimer la commémoration officielle du 8 mai 1945 marquant la fin des combats et la capitulation de l'Allemagne nazie.

Évoquer la barbarie nazie m'amène du reste à vous demander, Monsieur le ministre, d'aller plus loin dans l'allégement de la peine de ceux qui ont eu à en souffrir. Si les motivations de la mesure de réparation prise par le décret du 13 juillet 2000 en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et déportés sont tout à fait louables, il serait équitable d'étendre cette disposition à tous les orphelins de guerre. Il n'est en effet pas souhaitable qu'une distinction soit établie entre les victimes : unies dans l'épreuve, elles l'étaient également dans la résistance à l'oppression.

Pour positives que soient certaines de ses dispositions, ce budget -le dernier de la législature- reste, comme l'ensemble du projet de loi de finances très en-deçà des possibilités que procure la croissance retrouvée. Il pèche tout particulièrement pour ce qui concerne les mesures de réparation et de justice, attendues depuis des décennies par les associations du monde combattant. Nous ne pouvons donc que comprendre leur mécontentement et leur détermination à être enfin entendues.

Il ne reste, Monsieur le ministre, plus beaucoup de temps : ne donnez pas l'impression que le Gouvernement table avec cynisme sur le vieillissement des anciens combattants ! (« Choquant » ! sur les bancs du groupe socialiste). En conséquence, notre vote final dépendra des gestes positifs que le Gouvernement fera ou non en faveur des grands invalides et du versement de la retraite à soixante ans pour les anciens combattants d'Afrique du Nord (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Georges Sarre - Ce projet de budget m'inspire le commentaire suivant : « en progrès mais peut mieux faire » ! Grâce à la mobilisation et à son dynamisme, le monde combattant a certes obtenu ces dernières années des avancées non négligeables et ce n'est que justice car le respect que nous devons aux attentes des anciens combattants est doublement fondé. D'abord parce qu'il s'agit d'accomplir un devoir de reconnaissance à l'égard d'une histoire qui est celle de tous les Français. Ensuite, parce qu'ils donnent une belle leçon de citoyenneté aux jeunes générations.

Le projet de budget pour 2001 comporte plusieurs avancées : l'attribution du titre de Reconnaissance de la nation jusqu'au 1er juillet 1964 pour l'Algérie et de la carte du combattant pour les rappelés, l'augmentation des crédits de l'ONAC, le relèvement du plafond de la rente mutualiste... Mais la régression globale de la dotation -de près de 230 millions- n'est pas acceptable. Certes, le nombres d'ayants droit diminue. Mais la croissance retrouvée procure des rentrées fiscales supplémentaires. A quel diktat avez-vous donc été tenu de vous soumettre ?

Oh, je la connais bien cette loi d'airain qui pèse sur le budget de la nation : les gardiens du temple de l'orthodoxie libérale l'appellent « maîtrise des dépenses publiques » ou « rigueur budgétaire ». De belles formules pour traduire ce qui se pratique de plus grave avec la pensée unique ! Et je trouve un peu fort de café que nos collègues de l'opposition, qui plaident semaine après semaine pour la réduction des déficits publics, vous reprochent aujourd'hui de ne pas présenter un budget en excédent !

Mme Odette Grzegrzulka - Ca c'est cohérent !

M. Georges Sarre - Il eut été souhaitable d'aller vers l'attribution de la retraite du combattant avant soixante-cinq ans et vers une revalorisation de son montant : mille francs de plus, ce ne serait pas du luxe !

Un effort conséquent en faveur des pensions des grands invalides et la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants étrangers auraient été opportuns. De même, il ne serait que justice qu'un crédit supplémentaire soit dégagé en faveur des veuves.

Aux yeux des libéraux de toutes obédiences, l'amour de la patrie et le sens du sacrifice apparaissent comme des valeurs un peu dépassées. Il faut donc résister !

Prenons la question de la date du 19 mars comme journée officielle de commémoration de la guerre d'Algérie ; c'est un sujet controversé. Je suis personnellement favorable à cette officialisation et j'ai déposé, avec mes collègues du Mouvement des citoyens, une proposition de loi permettant le vote de cette décision tant attendue. Pour des raisons particulières, d'autres y sont opposés. Il serait pourtant détestable d'esquiver la question. Je vous propose donc de réunir des représentants du monde associatif, des historiens et des parlementaires afin d'effectuer l'indispensable travail pédagogique qui permettra d'officialiser au plus tôt la date du 19 mars.

D'autres sujets ne doivent pas être oubliés : je vous demande ainsi d'user de toute votre autorité pour que la réalisation à Paris du mémorial national de la guerre d'Algérie ne prenne pas davantage de retard.

D'autre part, un rapport récent de la Cour des comptes, qui préconise l'assujettissement de la retraite du combattant à l'impôt sur le revenu et à la CSG, doit également susciter notre vigilance. Voilà en effet un prétexte dont les libéraux ne manqueront pas de s'emparer, pour remettre en cause le droit à réparation !

Plus dangereuses encore sont les menaces qui pèsent sur les mutuelles d'anciens combattants si le projet de réforme du code de la Mutualité était appliqué en l'état. Au nom de l'Europe libérale, la France est sommée d'ouvrir à la concurrence l'accès au secteur mutualiste et les anciens combattants n'en veulent pas, parce qu'ils savent ce qui se cache derrière les discours lénifiants des chantres de la concurrence.

Enfin, j'appelle votre attention sur l'indemnisation des orphelins de résistants et de militants politiques déportés par les nazis.

Je me suis réjoui de la décision d'indemniser les orphelins des déportés juifs partis de France, parce qu'il était indispensable d'exprimer une reconnaissance concrète de la spécificité de la Shoah. Mais ne pas accorder les mêmes droits aux filles et fils de déportés, internés, résistants, patriotes, qui se sont dressés contre les nazis pour libérer la France, est une grande injustice. C'est même une atteinte inacceptable au principe d'égalité entre les citoyens. Là encore, il s'agit d'accomplir un devoir sacré à l'égard de nos héros, de ceux qui sont morts pour que vivent la France et la République. En conclusion, le groupe RCV unanime votera ce budget (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Alain Néri - Certains, Monsieur le ministre, se sont plus à juste titre à faire l'éloge de votre personne mais aussi de la méthode que vous avez su employer pour que les anciens combattants retrouvent ici la dignité et le respect qui leur sont dus. Trop longtemps, ce budget a été préparé sans prendre le temps d'écouter les associations ni les parlementaires. Que de chemin parcouru, depuis 1997, à l'allure du marathonien que vous êtes, en dosant vos efforts pour mieux atteindre votre but. Les engagements pris en 1997, la majorité est en train de les tenir...

M. Pierre-André Wiltzer - Pas tous !

M. Alain Néri - Vous êtes malvenu pour le faire observer, vous qui n'avez rien fait !

Les avancées concernent aussi bien le droit à réparation, la reconnaissance que la solidarité et le devoir de mémoire.

Vous resterez, avec cette majorité, celui qui a su rendre leur dignité aux anciens d'Algérie grâce à la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie, en juin 1999, à l'unanimité, qui l'aurait imaginé il y a quelques années ? C'est dans le même état d'esprit que nous souhaitons parvenir à un résultat comparable pour le 19 mars. Un vrai consensus doit permettre de rendre hommage à ceux qui ont eu vingt ans dans les Aurès, à ceux qui ont sacrifié une partie de leur jeunesse, parfois leur vie, pour répondre à l'appel de la Nation.

Bien sûr, on peut regretter que ce budget diminue, mais je n'entrerai pas dans ces calculs mesquins, préférant m'attacher aux avancées que traduisent, en particulier, les 260 millions de mesures nouvelles, dont 118 pour l'attribution de la carte de combattant aux rappelés d'Algérie. Il faut le rappeler, en 1997, le problème était entier et l'on bloquait sur les questions d'unités combattantes et d'actions de feu. Sur proposition du groupe socialiste, nous avons progressé, accordant d'abord la carte pour 18 mois passés en Algérie, puis pour 15, puis pour 12. Cette année, les rappelés ont satisfaction, puisque l'on affecte un coefficient 3 aux séjours de quatre mois. Pour le TRN aussi, vous avancez, étape par étape, même si nous aurions préféré conclure dès cette année.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. Alain Néri - Vous poursuivez votre effort, comme pour la retraite mutualiste, toujours sur proposition du groupe socialiste.

M. le Rapporteur pour avis - Assez !

M. Alain Néri - Après avoir transformé le point d'indice, le plafond de majoration de la rente mutualiste est aujourd'hui porté à 110.

Ce budget méritait encore d'être amélioré, nous nous y sommes attachés en déposant deux amendements, que le Gouvernement semble accepter, puisqu'à l'article d'équilibre, grâce à Henri Emmanuelli et Didier Migaud, 15 millions ont été inscrits pour abonder les crédits de l'ONAC, 5 millions pour les veuves, 10 millions pour les plus démunis. Ils seront utilisés, au plus près du terrain, par les commissions départementales sociales de l'ONAC. De même, à défaut de la mesure importante de décristallisation que nous appelions de nos v_ux, le Gouvernement reprend l'amendement sur la levée de la forclusion. C'est un premier pas.

Avec vous, Monsieur le ministre, nous avons su mener une politique responsable, faite d'actes concrets et non d'illusions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants - Je remercie les rapporteurs et tous les participants à ce débat d'excellente tenue. Nombre d'entre vous ont eu pour moi des mots aimables, qui sonnaient parfois comme un requiem... (Sourires) Je laisserai de côté les bonnes nouvelles, qui ne posent pas de difficultés, pour tenter de répondre à vos questions.

Monsieur Kucheida, n'ayez pas de regrets : vous avez largement contribué aux progrès réalisés ces dernières années. Les parlementaires de la majorité plurielle, mais aussi ceux de l'opposition, se sont engagés avec beaucoup de détermination sur les questions du monde combattant. Même si l'on espère toujours faire mieux, ce qui est fait est digne et marque véritablement le respect et la considération que la représentation nationale porte au monde combattant.

Votre introduction mise à part, j'ai trouvé votre verdict plutôt favorable. Vous avez évoqué les interrogations de M. Mexandeau sur le devoir de mémoire. N'ayez aucune crainte : la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives existe depuis un an, il n'est jamais facile de lancer une administration centrale, mais je suis convaincu que la politique de mémoire a tout à gagner à cette nouvelle organisation.

Vous avez parlé aussi de la modification des agrégats. La nouvelle présentation regroupe le droit à réparation, à côté de la mémoire et de la solidarité. Je crois que cela sera plus fonctionnel.

Le système du rapport constant a été modifié en 1990, j'ai le sentiment que le nouveau mécanisme est plus favorable au monde combattant. Les critiques qu'il suscite méritent attention mais elles ne sont guère fondées. Le pouvoir d'achat des pensions n'a en rien diminué : depuis 1990, les pensions ont augmenté de 20,59 % alors que le point de rémunération des fonctionnaires progressait de 18,80 % et que les prix à la consommation croissaient de 18,36 %. Avec le dispositif antérieur, la valeur du point serait aujourd'hui de 79,20 F au lieu de 81,51. Je m'efforcerai de convaincre le monde combattant que le système actuel ne nuit pas à ses intérêts, d'autant que tout autre système devrait s'appuyer sur l'évolution moyenne des rémunérations de la fonction publique et non uniquement sur les plus basses, sauf à pondérer en fonction du nombre de fonctionnaires concernés.

Ce débat, je le mènerai au grand jour, à vos côtés si vous le souhaitez.

La décristallisation est revenue dans nombre d'interventions. La levée de la forclusion de la retraite du combattant est un progrès réel. La forclusion touche les titulaires d'une carte d'ancien combattant qui, atteignant l'âge de 65 ans, ne peuvent bénéficier du moindre versement, même cristallisé. Le Gouvernement a été sur ce point à l'écoute de la majorité plurielle, cette idée étant aussi soutenue par l'opposition. C'est en écho à cette revendication qu'il a décidé de lever la forclusion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est un début, qui devra être suivi d'autres mesures.

Vous avez été nombreux à regretter que l'on n'utilise pas toute la marge de man_uvre financière laissée par la disparition progressive des ressortissants, mais j'ai quelque difficulté à être d'accord avec cette idée : si chaque budget fonctionnait de cette façon, il faudrait tripler les impôts... (M. le Rapporteur pour avis proteste)

Sur les 130 points, le Gouvernement ne s'est jamais engagé : je mets quiconque au défi de le prétendre. Pour autant, nous faisons avancer les choses en relevant le plafond progressivement.

Le rapport de la Cour des comptes a suscité quelque émotion, mais arrêtons, de grâce, de nous faire peur ! Ce n'est pas la haute fonction publique qui fait la politique de la nation...

De nombreux députés - C'est souvent le cas !

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne me suis pas laissé imposer mes orientations politiques par la Cour des comptes, et il n'y a pas de raison de se laisser impressionner par un rapport sans portée pratique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Inversement, j'adresserai une critique à M. Gremetz.

M. le Rapporteur pour avis - J'en accepte le principe... (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez déclaré, en effet, que vous alliez discuter avec le monde combattant de la décision à prendre sur le vote des crédits. Cela me heurte, car je crois au principe de la représentation nationale, et s'il est normal que les parlementaires discutent avec des citoyens, y compris organisés, il n'y a pas de mandat impératif : vous êtes les représentants de la nation, et c'est à vous seuls qu'il appartient de voter la loi.

Deux des amendements déposés recueillent l'approbation du Gouvernement, qui les reprend à son compte : celui qui supprime la forclusion des droits nouveaux pour la retraite du combattant et celui qui majore le fonds de solidarité, car ce fonds constitue un moyen de recycler les sommes libérées par la disparition des ressortissants. Il ne s'agit pas, en effet, d'étendre le droit à réparation, mais de prendre en considération la situation de ceux qui, parmi les anciens combattants et leurs veuves, connaissent des difficultés dans leur vie quotidienne. C'est un principe qui développera ses effets dans les budgets futurs, selon des modalités pratiques d'attribution qui seront décidées par l'ONAC, service de proximité présent dans chaque département (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le décret du 13 juillet 2000 accorde une aide financière aux orphelins juifs ayant perdu un parent en déportation. J'ai entendu les arguments de M. Gremetz, et veux lui rappeler que cette mesure est le résultat d'une évolution profonde de notre société quant à la reconnaissance de sa responsabilité dans la déportation des juifs à partir du territoire français cette évolution s'est notamment traduite par la déclaration du président Jacques Chirac en juillet 1995 et par la création de la commission Mattéoli. Le décret reconnaît le fait que, sous l'occupation, les juifs ont été pourchassés en tant que tels pour être exterminés. Le Gouvernement m'a chargé d'étudier la situation faite par la France, après 1945, aux orphelins des autres déportés, notamment résistants ; je le ferai, naturellement, sous le contrôle du Parlement.

Sur la question du 19 mars, je voudrais partager l'optimisme de M. Néri, mais la voie me paraît semée d'embûches, tant les positions sont radicalisées de part et d'autre, sur une base identitaire de surcroît. Or, une date officielle de commémoration n'a de sens que si elle rassemble la nation, au lieu de la diviser. Nous avons néanmoins progressé, puisque les préfets ont instruction, depuis trois ans, d'assister ès-qualités aux cérémonies commémoratives qui seraient organisées ce jour-là par les associations d'anciens combattants. J'ai d'ailleurs l'intention de me rendre en personne là où ces cérémonies ont été contestées par des manifestants, car il est inadmissible que l'on veuille empêcher violemment ceux de nos concitoyens qui le veulent, non pas de célébrer une défaite, car ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de témoigner reconnaissance à nos morts. Reste que, pour le moment, la date du 19 mars ne fait pas l'unanimité. Nous avons encore besoin de temps.

Plusieurs d'entre vous ont regretté que le dossier des grands invalides ne soit pas entièrement réglé par ce budget. Il ne le sera, c'est vrai, que par le prochain, mais nous avons dû faire des choix, et nous préférons avancer plus lentement, mais régulièrement, sur plusieurs fronts à la fois, afin d'arriver à un résultat satisfaisant avant la fin de la législature.

La circulaire de juillet sur les traumatismes de guerre a été rédigée en concertation avec le monde combattant. Il reste à veiller à sa bonne application.

S'agissant des veuves, j'ai réuni les associations le mois dernier, afin de dégager assez rapidement des orientations susceptibles d'être concrétisées par le budget 2002. Il faut distinguer, me semble-t-il, le cas des veuves de grands invalides qui ne travaillent pas, celui des veuves de guerre et celui des « veuves de l'ONAC », qui ne reçoivent rien, et pour qui le fonds de solidarité constitue un élément de solution.

Le nouvel élan de l'ONAC est une réalité, et son directeur général, M. Barcellini, a toute ma confiance pour la faire vivre sur le terrain, car c'est sans doute, au sein de l'administration, la personne qui connaît le mieux la réalité du monde combattant.

A M. Bernard Schreiner, je répondrai que l'on ne peut opposer un « gentil » secrétaire d'Etat à son « méchant » gouvernement. Le gouvernement est un, et j'assume entièrement ses choix ; je plaide des dossiers, je suis confronté à des arbitrages, mais nous avançons, dans l'ensemble, à un rythme régulier et soutenu.

M. Sarre a raison de s'étonner que certains n'invoquent la croissance et la bonne santé de l'économie que lorsque cela les arrange. Le mardi et le mercredi après-midi, ils en contesteraient plutôt la réalité. Je souhaite, pour ma part, que l'on laisse l'église au milieu du village... (Rires)

Monsieur Schreiner, ce budget ne manque pas de souffle.

En ce qui concerne les Alsaciens-Mosellans, la principale question à régler est celle des incorporés de force dans les organisations paramilitaires. Le statut des PRAP vient d'être élaboré. Vous savez qu'il y a débat pour ceux qui ont été envoyés sur la ligne Curzon. Mais je tiens à souligner qu'il n'y pas eu manquement à la parole du Gouvernement. Quand j'ai réuni les associations d'Alsaciens-Mosellans, je leur ai dit que mon objectif était d'obtenir de l'Entente franco-allemande une indemnisation sur le reliquat des intérêts des placements financiers : à aucun moment, je n'ai promis de participation de l'Etat français.

C'est le conseil d'administration de la Fondation qui a conditionné sa propre participation à celle de l'Etat, ce qui nous place dans une situation nouvelle. En fait, il aurait fallu, dès l'origine, ne pas faire de distinction entre les personnes incorporées de force dans la Wehrmacht et celles qui l'ont été dans les organisations paramilitaires.

J'ai cependant amélioré la situation de 2 500 d'entre elles en les assimilant aux incorporés de la Werhmacht car elles étaient intervenues dans des sites militaires.

Monsieur Rochebloine, la politique de mémoire que je conduis a un double objectif : l'hommage à notre histoire est aussi un instrument pédagogique pour les jeunes générations afin qu'elles sachent à quoi elles doivent d'avoir la chance de vivre dans un Etat de droit et qu'elles assument pleinement leurs responsabilités de citoyens.

En ce qui concerne les non-salariés exclus du bénéfice du Fonds de solidarité, je vais faire évoluer la situation par une circulaire concernant l'interprétation à donner à la notion de privation « involontaire » d'activité. Cette notion est facile à apprécier pour un salarié licencié, elle l'est moins pour un commerçant qui ferme boutique. Je ferai intervenir les experts-comptables : dès lors qu'ils attesteront que la cessation d'activité est bien liée à de mauvais résultats ou à l'absence de perspectives, l'intéressé bénéficiera du fonds de solidarité.

Le projet de mémorial pour les combattants d'Afrique du Nord avance. La Mairie de Paris a proposé un excellent emplacement, quai Branly. Les services techniques ont émis quelques réserves quant à l'épaisseur de la dalle mais je suis intervenu pour que cette question soit rapidement tranchée et que ce mémorial puisse être inauguré en 2002, date du quarantième anniversaire de la fin de la guerre.

Vous demandez l'avancement à 60 ans de la retraite du combattant. Mais il ne s'agit pas d'une retraite à proprement parler, plutôt d'une reconnaissance financière assez modeste, puisque son montant est de 2 780 F par an. Elle a toujours été versée à partir de 65 ans, sauf exceptions, même quand la durée de vie moyenne des hommes n'était que de 64, puis 67 ans. Aujourd'hui cette durée moyenne est de 74 ans...

M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis - Vous êtes en retard dans vos chiffres : aujourd'hui la durée de vie moyenne est de 81 ans pour les femmes et de 76 ans pour les hommes ! Comment réduire cette inégalité ? (Sourires)

M. le Secrétaire d'Etat - Bref, les anciens combattants ne sont pas moins bien lotis qu'autrefois. Je préfère travailler à améliorer l'aide apportée à ceux qui ont des difficultés matérielles, ce qui est souvent le cas des veuves.

Georges Colombier a évoqué l'extension du titre de reconnaissance nationale à tous les résistants et aux réfractaires au STO. Je veux bien en discuter mais il faut garder au titre toute sa valeur.

Vous avez évoqué l'expulsion des Alsaciens-Mosellans : c'est le soixantième anniversaire de cet événement qui a été un arrachement dramatique pour beaucoup. Il faut prendre en compte cette souffrance mais il y a déjà des dispositions statutaires en ce sens.

En ce qui concerne la carte de CVR, les instructions sont claires : tous les dossiers doivent être examinés.

Claude Billard a surtout parlé de ce qui n'est pas dans ce budget... Je suis tenu à des arbitrages. Je me suis efforcé d'avancer sur les retraites des grands invalides, sur la politique de mémoire, sur les actions de solidarité et d'aide sociale, sur le sort des anciens d'AFN. A propos du 19 mars 1962, je voudrais faire observer que le choix de cette date peut avoir un inconvénient car actuellement la carte de combattant est attribuée pour des services allant jusqu'au 2 juillet 1962.

Non il y n'y a aucun cynisme dans la gestion des affaires des anciens combattants. C'est vrai que ces hommes et ces femmes ont un certain âge, mais notre pays n'a pas ignoré leurs mérites.

Le professeur Georges Sarre a décerné la mention « peut mieux faire » (Sourires). On peut toujours mieux faire ! Mais la politique doit allier efficacité, justice et équilibre. Ce budget améliore l'efficacité du droit à réparation et contient plusieurs mesures de justice. Quant à l'équilibre, sa nécessité résulte du fait qu'on doit _uvrer dans le cadre de l'intérêt général. Comme je l'ai dit, je suis d'accord pour discuter sur la date de la fin de la guerre d'Algérie.

En ce qui concerne les mutuelles, l'évolution va se faire par ordonnance. J'ai pris toutes les précautions, avec Mme Aubry puis avec Mme Guigou, pour que l'agrément qui sera donné réserve la retraite mutualiste aux mutuelles gérées par le monde des anciens combattants. J'ai aussi noté vos préoccupations relatives au décret du 13 juillet 2000.

La plupart d'entre vous vont voter ce budget ou s'abstenir. Je voudrais vous remercier de l'aide que vous m'apportez dans la gestion des intérêts moraux et matériels du monde combattant. C'est grâce à la représentation nationale que nous avons pu répondre à ses préoccupations légitimes. On ne peut pas tout faire. Je ne suis qu'un marathonien, mais qui arrive au bout de ses 42 kilomètres... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Rapporteur pour avis - Monsieur le ministre, vous avez bien voulu me rappeler que je suis un représentant du peuple. Mais si je défends les propositions des associations c'est que je partage totalement leurs revendications. J'ai noté les progrès que contient votre budget. Mais deux choses restent en balance : la question de grands invalides de guerre et celle de la retraite à 60 ans. Sur six ans, cela représente 4,5 milliards. Mais si l'on commence par faire un geste en abaissant la retraite à 63 ans jusqu'à 2002, cela reviendra à 650 millions pour la première année. Je persiste à penser que c'est possible.

Enfin, on ne peut pas soutenir que, le nombre des anciens combattants décroissant, on peut utiliser l'argent à autre chose. Cela ne pourrait être le cas que si l'on avait déjà fait droit à toutes les revendications. Mais on ne peut affirmer un droit imprescriptible à réparation en laissant des revendications parfaitement légitimes insatisfaites !

M. Claude Billard - Je demande une suspension de séance au nom du groupe communiste.

La séance, suspendue à 11 heures 40 est reprise à 11 heures 50.

M. le Président - La séance devant être levée à 13 heures, je vous invite à respecter scrupuleusement les temps de parole.

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QUESTIONS

M. Jean-Claude Viollet - Les propos tenus par M. Bouteflika en juillet dernier, assimilant les Harkis à des « collaborateurs », ont suscité une émotion telle que certains ont pu, tant en France qu'en Algérie, craindre pour leur sécurité. La loi du 9 décembre 1974 a posé le principe de l'assimilation totale des forces supplétives, donc des Harkis, à la catégorie des miliaires mobilisés en Afrique du Nord française. Ils ont donc le même droit à réparation. Comme le relève l'exposé des motifs de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste reconnaissant l'état de guerre en Algérie, l'égalité devant la loi ne tient cependant pas compte des souffrances subies par les Harkis en Algérie, voire en France pour ceux qui s'y sont réfugiés. Il faut aujourd'hui privilégier avec eux un dialogue capable d'apaiser les blessures. Comme vous l'avez dit, ces soldats étaient nos soldats. Comment envisagez-vous de leur manifester notre reconnaissance ?

M. le Secrétaire d'Etat - Les Harkis bénéficient des mêmes dispositions du code des pensions militaires et des mêmes mesures de reconversion professionnelle que les autres anciens combattants d'Afrique du Nord. Ils participent aux commémorations du 11 novembre ès qualités. Mais je me propose également d'apposer des plaques dans les lieux qui les ont accueillis. Enfin, je souscris évidemment à votre condamnation des propos de M. Bouteflika, qui étaient à usage interne et qui, prononcés sur notre territoire, étaient inutilement injurieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Il y a soixante ans, des hommes et des femmes se levaient pour combattre l'occupation de leur pays par un régime qui était la négation même de la République. Ils avaient choisi de dire non à la dictature et à la barbarie, et nous savons quel fut leur héroïsme et combien leur lutte reste emblématique de notre siècle. Nous leur sommes redevables de leur sacrifice, qui nous indique la voie à suivre. La résurgence sournoise de certaines idéologies et les errements de pays proches nous montrent aujourd'hui que la mémoire doit toujours être entretenue. Monsieur le ministre, vous aurez à mettre en _uvre et à coordonner les initiatives prises en France pour commémorer, entre 2001 et 2004, le soixantième anniversaire de la Résistance. Comment la France organisera-t-elle ce rendez-vous avec l'histoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne perds jamais une occasion d'évoquer la mémoire de la Résistance sur le terrain. Après le soixantième anniversaire de l'année 1940, la Résistance, illustration de la citoyenneté et des valeurs de la République, sera dès l'an prochain au c_ur de notre politique de mémoire (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Roland Garrigues - Le projet de budget 2001 prévoit d'étendre l'attribution de la carte de combattant aux rappelés ayant séjourné quatre mois en Algérie. Vous vous êtes engagé à prendre en compte le temps passé en Tunisie et au Maroc. Or, beaucoup de rappelés, notamment originaires du Tarn-et-Garonne, y ont été envoyés après la date de l'indépendance, retenue comme critère d'attribution, et y ont vécu des accrochages meurtriers après 1956. Plus de 60 % des rappelés de mon département se verront exclus du bénéfice de la mesure du fait du critère de date. Celui-ci ne serait-il pas trop strict ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai indiqué que le calcul des périodes pour l'obtention de la carte engloberait celles passées en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Les mêmes dispositions s'appliquent aux rappelés, ce qui devrait résoudre le cas que vous me soumettez. S'il en était besoin, je me pencherais de nouveau sur cette question, en requérant l'avis de la commission nationale de la carte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Grzegrzulka - Je souhaite vous interroger sur un problème auquel je vous sais très attaché, celui de l'abaissement de l'âge de la retraite du combattant, afin que celle-ci puisse au moins bénéficier à ceux dont les ressources sont inférieures à 5 500 F par mois. Vous avez confirmé votre attachement à cette mesure au Congrès national de la FNACA du 1er octobre dernier, puis en commission des affaires culturelles.

Cette revendication est d'ailleurs exprimée avec insistance par le Front Uni et d'autres associations d'anciens combattants.

Certes, il est hors de question que cette mesure soit prise au détriment d'autres mesures de réparation. Mais n'est-il pas légitime, parallèlement à la reconnaissance nationale que nous devons aux anciens combattants, de se préoccuper du sort de leurs camarades de combat, ou de leurs veuves, dont la vie est particulièrement difficile ? La solidarité à l'égard des anciens combattants les plus démunis est-elle un devoir moins important que celui de mémoire ?

Vous avez vous-même évoqué devant notre commission la possibilité de recycler dans la solidarité les possibilités de redistribution liée à la baisse démographique qui s'élèvent à 1,5 milliard. Bercy a bien compris qu'il devait vous en laisser les deux-tiers, soit environ 670 millions.

Je me livre donc à un raisonnement simple : sachant que le coût global de la retraite du combattant s'élève à 3 milliards et que si l'on abaissait l'âge du bénéfice de 65 à 64 ans il faudrait dégager d'emblée 400 millions pour tous les nouveaux bénéficiaires âgés de 64 ans, ne serait-il pas envisageable dès l'an prochain de privilégier les retraités dont les ressources sont inférieures à 5 500 francs par mois ? Dans cette hypothèse, une dotation dédiée de 200 millions serait suffisante pour amorcer la mise en _uvre de la mesure. Elle pourrait être affectée soit à un fonds spécifique, soit à une ligne identifiée du budget de l'ONAC. Comment entendez-vous, Monsieur le ministre, donner corps à cette mesure phare du Front Uni et du monde combattant ?

M. le Secrétaire d'Etat - Je me suis exprimé tout à l'heure sur la difficulté d'abaisser à soixante ans le bénéfice de la retraite du combattant. Je suis prêt en revanche à creuser l'idée selon laquelle la situation sociale des intéressés doit être prise en compte, soit pour leur verser la retraite dès soixante ans -mais cela risquerait de remettre en cause les principes du droit à réparation-, soit pour leur attribuer en substitution une allocation équivalente. Les estimations budgétaires dont je dispose sont du reste inférieures aux vôtres puisqu'elles évaluent le coût de la mesure à environ 100 millions. Il devrait donc être possible de l'envisager dès l'an prochain pour le budget de l'exercice 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lasbordes - J'associe M. Christian Estrosi à ma question qui a trait à la réversion de la retraite du combattant à la veuve. Vous n'ignorez pas que la réversion est aujourd'hui impossible alors même que les veuves auraient droit à une certaine réparation en ce qu'elles ont subi directement le poids des préjudices subis par leurs maris.

Il serait équitable que la veuve d'ancien combattant puise percevoir sans conditions de ressources et sans distinction la retraite du combattant de son mari. Je demande donc avec insistance que soit envisagée, en concertation avec les associations représentatives des intéressées, une modification de la loi qui n'institue une retraite que pour les titulaires de la carte du combattant, afin que leurs veuves puissent en bénéficier à leur tour.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne puis, Monsieur le député, vous rejoindre sur ce point. La retraite du combattant n'est pas, au sens littéral du terme, une retraite, c'est-à-dire un élément du revenu pouvant être soumis à l'impôt. J'écarte donc résolument toute possibilité de réversion de la retraite du combattant, dont le montant s'établit à 2 700 francs par an.

En revanche, je suis tout à fait disposé à étudier la possibilité de verser aux veuves en difficulté une indemnité visant à leur signifier la reconnaissance de la nation. Du reste, il serait certainement possible d'envisager un montant sensiblement supérieur à ce que serait la simple réversion de la « retraite » de leur conjoint disparu. On peut faire mieux que ce que vous proposez.

M. Jean-Luc Reitzer - Bien que ce budget présente des motifs de satisfaction, le Gouvernement ne profite ni de la diminution du nombre des ayants droit ni de l'embellie économique pour régler des contentieux qui traînent depuis des décennies. La déception des Alsaciens et des Mosellans est particulièrement vive et vous ne serez pas surpris que j'évoque une fois de plus le dossier des RAD-KHD et des patriotes résistants à l'annexion de fait.

Vos propos concernant les RAD-KHD m'ont abasourdi : vous avez affirmé que vous n'aviez rien promis ou que, si vous aviez promis quelque chose, c'est que l'on vous avait forcé la main. Or, je rappelle que dès votre arrivée au ministère, vous vous étiez déclaré favorable à la mise en _uvre d'une indemnisation sous la forme d'une allocation de solidarité, reprenant le projet de votre prédécesseur M. Pasquini.

Lorsque la fondation franco-allemande a donné son accord pour participer au financement de cette indemnisation, vous avez d'ailleurs vous-même demandé qu'il soit procédé au dénombrement des bénéficiaires potentiels : 10 000 dossiers ont été déposés et 9 000 répondaient aux critères retenus.

Je rappelle enfin que 13 millions suffiraient pour régler le terrible contentieux des RAD-KHD.

S'agissant des PRAF et du report de la période validable au 8 mai 1945, vous nous affirmez depuis des années que cette décision doit faire l'objet d'un arbitrage interministériel : quand ces dossiers douloureux seront-ils enfin réglés ?

M. le Secrétaire d'Etat - Pour ce qui concerne les PRAF, la décision reste négative et la situation est donc figée.

Quant aux RAD, nous avons tous les deux raison. Je pensais en effet qu'il était de la responsabilité de la fondation d'assumer leur indemnisation puisque l'Allemagne a versé de l'argent à la France pour réparer les préjudices subis par les incorporés de force. Le règlement intérieur de la fondation a décidé d'exclure de l'indemnisation les RAD qui se sont alors tournés vers la France. Je me suis alors adressé à la fondation pour prendre en charge une partie du reliquat de l'indemnisation. Celle-ci m'a renvoyé la balle en me faisant savoir qu'elle serait disposée à indemniser si nous indemnisions aussi. Depuis lors, je m'emploie à dégager les moyens nécessaires et j'invite le conseil d'administration de l'Entente franco-allemande à procéder au versement auquel il était disposé afin de faire avancer le dossier.

M. Claude Gatignol - Ma question porte sur la mise en _uvre de la labellisation « bleuet de France » pour les maisons de retraite, qui a été adoptée lors de l'examen des crédits de votre ministère pour 2000. Les établissements demandeurs doivent adhérer à une charte, approuvée par le conseil d'administration de l'ONAC le 23 novembre 1999. Ils s'engagent ainsi à réserver prioritairement des lits pour les anciens combattants et à organiser dans l'enceinte des maisons les cérémonies commémoratives d'usage et des expositions relatives au monde combattant.

Cette labellisation ne s'accompagne toutefois d'aucun financement d'Etat : il s'agit uniquement d'une caution morale, gage de la qualité des prestations offertes. Or, le coût moyen d'un lit en maison de retraite est évalué à 500 000 francs.

En comparaison du coût exorbitant, des investissements nécessaires pour la mise aux normes des maisons de retraite gérées par l'ONAC -dont tout le monde s'accorde à dire qu'elles sont, pour la majorité d'entre elles, vétustes- ne croyez-vous pas qu'une participation financière de votre ministère au titre de reconnaissance de la nation pourrait être destinée aux maisons de retraite accueillant nos anciens combattants dans un rang prioritaire ? Cette participation pourrait être de 50 % du coût d'un lit et elle constituerait un geste fort de solidarité à l'égard de nos camarades âgés, à la recherche d'un hébergement pour leurs dernières années (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. le Secrétaire d'Etat - Votre proposition de subvention a fait frémir le directeur général de l'ONAC !

M. Claude Gatignol - Il est solide !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous avons décidé il y a quelques mois de prendre en compte la vétusté de nos maisons de retraite : nous en avons fermé quatre ; il en reste dix : trois en très bon état, sept qui requièrent des investissements à hauteur de plus de trois cents millions. Face à cette situation, nous avons souhaité favoriser le partenariat avec les collectivités locales ou avec des organismes privés, qui, en contrepartie du label « bleuet de France », s'ouvrent prioritairement aux anciens combattants. 230 résidents d'établissements fermés ont ainsi été relogés à proximité et plus de 100 agents de nos anciennes maisons ont été reclassés.

Six labellisations sont intervenues, ce qui représente 235 places supplémentaires pour les anciens combattants, dans le Calvados, les Yvelines, le Haut-Rhin ou l'Aisne.

Nous devons nous insérer dans le dispositif national d'accueil des personnes âgées en hébergement collectif et la labellisation donne à ce titre de très bons résultats. Pour l'heure, nous ne sommes pas encore en mesure de participer aux investissements aux côtés des collectivités locales. C'est pourquoi nous devons développer les partenariats sur l'ensemble du territoire, sans négliger nos propres centres d'hébergement. Le conseil d'administration de l'ONAC a donc pris, au bénéfice de ses ressortissants, une bonne décision (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Meylan - Ma question porte sur les prestations versées par l'Etat aux anciens combattants ressortissants des pays anciennement sous souveraineté française.

Les dispositions adoptées dans les lois de finances pour 1959, concernant l'Indochine -Vietnam, Cambodge et Laos- et 1960 pour les autres pays ont eu pour conséquence de bloquer le montant des pensions versées aux titulaires de ces droits à la valeur atteinte lors de l'accès à l'indépendance de ces Etats et d'interdire toute ouverture de droits nouveaux.

Si des décrets annuels dérogatoires ont été pris, jusque dans les années 1990, pour permettre quelques mesures de revalorisation, ils n'ont en rien remis en cause le principe de la cristallisation des pensions.

Il est vrai que la question de la décristallisation des pensions et retraites ne se pose pas partout avec la même acuité. Ainsi, les revenus de certains de nos anciens camarades d'armes peuvent être considérés comme équivalents au niveau de vie moyen de la population de leur pays. En revanche, la situation des anciens combattants algériens, tunisiens, marocains ou malgaches mérite une attention toute particulière.

Un ancien combattant nigérian touche 537 francs par an au titre de la carte du combattant, moins de 400 F s'il est tunisien ou marocain. Il ne peut bénéficier de la révision du montant de la pension militaire d'invalidité pour l'aggravation de sa santé et sa veuve reste démunie de tout moyen pour faire reconnaître ses droits.

Les associations représentant l'ensemble des anciens combattants sont très sensibles à la question de la décristallisation, car il s'agit de l'attachement et de la reconnaissance des combattants français envers nos frères d'armes qui vivent, oubliés par la France, dans un total dénuement.

Des propositions ont été faites par les associations afin d'accorder le paiement de la retraite du combattant dans les mêmes conditions qu'aux anciens combattants français, de poursuivre la revalorisation des pensions militaires de retraite et d'invalidité et de permettre, en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'ouverture de droits nouveaux.

D'autres propositions ont été faites, notamment afin qu'une partie des sommes versées à ces pays au titre des prêts consentis par la France soit affectée à l'amélioration des pensions de ces anciens combattants.

Quelles mesures comptez-vous mettre en _uvre pour résoudre cette douloureuse question ? Il est temps de mettre fin à cette inacceptable différence de traitement, ressentie comme une injustice par ces anciens combattants, qui ont droit, comme nous, à la reconnaissance de la nation.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous connaissez la réponse : aucune avancée n'est enregistrée à ce propos dans le budget 2001, à l'exception, notable, de la levée de la forclusion qui permettra aux titulaires de la carte de percevoir, dès le 1er janvier 2001, une retraite de combattant, certes cristallisée. Il conviendra ensuite de s'intéresser aux pensions de réversion, avant de chercher à introduire un mécanisme permettant de revaloriser les prestations versées aux anciens soldats de nos anciennes colonies. Nous allons discuter d'un amendement qui apporte un début de réponse. Il faudra que nous continuions à avancer ensemble pour résoudre ce problème, qui est en effet d'ordre moral pour la France.

M. Claude Gatignol - Ma question porte sur l'attribution de la carte de combattant et sur les difficultés que rencontrent certains dont les compétences professionnelles très spécifiques ont entraîné une affectation particulière.

Sous les drapeaux, ces hommes étaient administrativement rattachés à des QG, mais détachés, en cas de besoin, auprès d'unités combattantes. Ainsi, les vétérinaires biologistes des armées, relevant de groupes vétérinaires, étaient détachés pour accompagner des missions de pelotons cynophiles en opération sur le terrain. Lors de leur passage dans ces unités, ces anciens combattants, ont, pour la plupart, participé à des opérations de feu. Pourtant, n'étant pas comptabilisés dans les effectifs de ces compagnies, ils ne bénéficient pas des points nécessaires pour obtenir la carte du combattant. Certes, cette question concerne un petit nombre. Cette situation n'en est pas moins discriminatoire.

Comment entendez-vous y remédier et permettre à ces anciens combattants de prétendre à la reconnaissance de la nation à laquelle ils ont droit ?

M. le Secrétaire d'Etat - Si ces personnes ont passé douze mois en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, leur situation est déjà réglée au titre de la présence et de l'exposition au risque. Pour le reste, s'il y a quelques difficultés particulières, je suis prêt à les examiner avec vous et à solliciter la commission de la carte du combattant, car il n'y a aucune raison de laisser perdurer des injustices.

M. Michel Meylan - Ma question porte sur l'attribution de la retraite du combattant dès 60 ans, comme pour la retraite professionnelle. Cette mesure est déjà applicable à certains de nos camarades anciens combattants confrontés à des difficultés financières, s'ils sont allocataires du fonds de solidarité, s'ils justifient d'une invalidité à un taux minimum de 50 % et bénéficient, par ailleurs, d'une allocation sociale spécifique, s'ils résident dans les DOM-TOM.

Les associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord proposent aujourd'hui une mesure intermédiaire, avec le versement de la retraite du combattant dès 62 ans cette année, puis à 60 ans en 2002. L'an dernier, nous avions proposé d'atteindre cet objectif en trois ans. Vous avez vous-même, Monsieur le ministre, évoqué une telle possibilité lors du congrès de l'Union nationale des combattants en juin dernier. Vous avez aussi envisagé de procéder au versement de la retraite du combattant à 60 ans pour ceux qui perçoivent un revenu mensuel compris entre 5 500 et 6 000 francs par mois.

Cette mesure bénéficierait à nos anciens combattants qui, bien que disposant de faibles ressources, ne peuvent prétendre au bénéfice du Fonds de solidarité. Il n'est pas trop tard pour la mettre en _uvre. Quelles sont vos intentions en ce domaine ?

M. le Secrétaire d'Etat - Je me suis déjà exprimé sur cette question. J'avais envisagé de permettre aux titulaires de la carte du combattant de percevoir la retraite du combattant dès 60 ans s'ils avaient moins de 5 500 francs de revenus mensuels. Le monde combattant y a vu une possible rupture du droit à réparation et j'ai retiré cette mesure du budget 2001, la remplaçant par celle relative aux rappelés. Je suis prêt à reprendre la discussion et, s'il le faut, je proposerai des mesures de solidarité, qui auront le même impact financier et social.

M. René Rouquet - Chacun reconnaît aux veuves de guerre et aux veuves d'anciens combattants les immenses responsabilités qu'elles ont dû assumer dans leur vie professionnelle ou familiale, au cours des conflits qui ont jalonné ce siècle. Pourtant beaucoup d'entre elles vivent toujours une situation précaire, qui s'accorde mal avec la reconnaissance que leur doit la nation.

Si ce budget marque des avancées pour les anciens combattants, il ne prévoit pas de mesures susceptibles d'améliorer la condition des veuves, si ce n'est l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC, affectés aux actions de solidarité en leur faveur.

La pension au taux normal se situe en dessous du SMIC et du minimum vieillesse. Les trois dernières revalorisations des points d'indice de base ont eu lieu en 1991, 1992 et 1993. Il serait temps de donner un nouveau coup de pouce et d'augmenter également le montant de la pension de réversion, inférieur aujourd'hui au RMI.

L'annonce de la création d'un groupe de travail sur ces questions a soulevé bien des espoirs. Qu'en attendez-vous ? Quand entendez-vous traduire concrètement dans les textes les mérites reconnus à ces veuves ?

M. le Secrétaire d'Etat - Dans le cas de la pension de réversion, l'Etat se substitue au militaire défunt dans l'obligation alimentaire à l'égard de l'épouse. Il s'agit donc d'un revenu complémentaire, non d'un minimum vital, et l'on ne peut le comparer au SMIC. La veuve la moins bien lotie touche 2 806 francs et celle qui touche le plus, 6 090 francs.

J'attends du groupe de travail qu'il examine toutes les situations, qu'elle mette à plat tous les dossiers, afin que nous regardions à chaque fois ce qu'il est possible de faire, les questions de solidarité relevant aussi du Fonds géré par l'ONAC. A la suite de ce travail, je ferai des propositions dans le budget 2002.

Mme Annette Peulvast-Bergeal - Le décret du 13 juillet 2000 a prévu une indemnisation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Le Gouvernement a ainsi répondu à une demande du monde combattant, dans la logique historique du droit à réparation par l'Etat.

Néanmoins, la différence de traitement entre les orphelins a provoqué quelque émotion et incité certains collègues à demander que la mesure soit élargie.

Quelle que soit sa confession, un orphelin est un orphelin. Comment établir une typologie de la douleur et du traumatisme ? Comment hiérarchiser les crimes nazis ?

Je sais que vous travaillez sur cette question, pouvez-vous nous faire part de l'état de vos réflexions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - Je me suis déjà exprimé sur ce sujet très douloureux. Je rappelle la spécificité du sort fait aux enfants juifs, qui ont été marqués et distingués comme tels, recherchés parce qu'ils étaient juifs.

En effet, on ne peut établir de hiérarchie dans la souffrance, dans le malheur, et la société doit tenir compte de toutes les situations. Conscient de la douleur de tous les orphelins de déportés, le Gouvernement mène une réflexion globale sur les conditions de leur indemnisation par l'Etat, afin de voir si des mesures complémentaires au décret du 13 juillet 2000 doivent être prises.

M. Jean-Claude Beauchaud - Depuis juin 1997, plusieurs mesures ont été prises afin d'adapter aux spécificités des conflits d'Afrique du Nord les critères permettant de définir la qualité de combattant. Ce budget propose à nouveau certains assouplissement, afin de mieux reconnaître la légitimité des anciens combattants d'AFN. Ainsi, le droit au Titre de reconnaissance de la Nation est étendu jusqu'au 1er juillet 1964 et la carte du combattant sera attribuée aux rappelés ayant servi au moins quatre mois.

Pour autant, de nombreuses associations continuent à réclamer une reconnaissance plus équitable pour la troisième génération du feu. Il semble, en effet, que toutes les conséquences n'aient pas été tirées de la loi du 18 octobre 1999. Ainsi, les dates officielles délimitant les conflits sont différentes pour la Tunisie, le Maroc et l'Algérie alors que la loi du 9 décembre 1974 faisait de ces trois théâtres d'opération un conflit unique. Par ailleurs, la croix de la valeur militaire et la médaille d'AFN ne s'intègrent pas dans la liste officielle des distinctions pour services de guerre.

Ce dispositif pèche donc par manque de cohérence et de lisibilité. Comment envisagez-vous d'apporter une réponse définitive au problème de la reconnaissance nationale due à cette génération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - C'est une question complexe, qui mériterait de longs développements. Les disparités que vous évoquez sont le fruit de l'histoire : les dates des hostilités n'ont pas été les mêmes, en effet, au Maroc, en Algérie et en Tunisie, et les conditions d'attribution de la carte du combattant, comme du titre de reconnaissance de la nation, sont également différentes, sans même parler des décorations attachées à tel ou tel combat. Je veux bien m'employer à réduire ces disparités, j'ai même sollicité l'avis de la Grande Chancellerie, mais n'attendez pas de moi que je lance dans un travail d'harmonisation générale, qui n'aurait aucun sens ! Cela ne signifie pas que la nation ne témoigne pas sa reconnaissance aux anciens d'AFN, bien au contraire : nous en avons encore eu une illustration ce matin, avec l'extension du TRN aux rappelés.

Mme Catherine Génisson - Du cimetière français d'Oran à la colline artésienne de Lorette en passant par le cimetière militaire de Luynes, tel fut le périple su Soldat inconnu tombé en Afrique du Nord, qui repose désormais, depuis le 16 octobre 1977, à côté de ses devanciers des deux guerres mondiales. Trente-huit ans après la fin des combats, les anciens combattants d'AFN savent que leurs 28 000 camarades tombés là-bas sont morts pour la France, dans une guerre qui n'a pas osé dire son nom.

L'Assemblée nationale, en substituant l'expression de « guerre d'Algérie » à celle d'« opérations effectuées en Afrique du Nord », a fait un pas important. Comme aime à le rappeler M. Gremetz, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ! C'est pourquoi je suis aux côtés du rapporteur spécial pour défendre le site, ô combien symbolique, de Lorette, et je me réjouis que le Gouvernement ait répondu par avance à ma question sur le mémorial des combattants d'AFN, qui devra être érigé avant le quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - Je compte me rendre prochainement à Lorette, où le conseil général et le conseil régional sont prêts à cofinancer avec l'Etat un programme pluriannuel de mise en valeur du site.

La politique de la mémoire est au c_ur de mes préoccupations, et je multiplie les initiatives, avec les collectivités locales, les associations, l'Education nationale, pour que soient fournis aux jeunes des éléments de réflexion sur les souffrances du XXe siècle, afin qu'ils construisent le XXIe siècle sur la base des principes fondateurs de la République française. En particulier, je suis en négociation avec l'Education nationale pour que soient proposés aux élèves, une ou deux fois par an, et en particulier autour du 27 mai, jour anniversaire de la première réunion du CNR, des textes de référence rappelant quelles furent les valeurs de la Résistance (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Vous avez répondu, au moins en partie, sur le rapport constant. Il y a des progrès, c'est vrai, mais force est de constater que le monde combattant critique vivement le mécanisme d'indexation entré en vigueur en 1989. L'UFAC considère en effet que le mode de calcul des augmentations, qui obéit à un modèle mathématique très complexe, est difficile à comprendre, et estime par ailleurs à 10 % le retard pris par les pensions sur le coût de la vie. Vous dites vouloir réexaminer la question en toute transparence, mais quel type de solution envisagez-vous, et dans quel délai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai accepté, en effet, de réexaminer le système actuel, et j'étudierai donc les arguments avancés, dont certains, toutefois, ne me paraissent pas servir les intérêts du monde combattant lui-même. Ce réexamen devra être achevé avant le 30 juin, afin que les conclusions puissent en être tirées, le cas échéant, au niveau budgétaire - mais j'observe que nous sommes déjà en train de construire le budget 2002 alors que le budget 2001 n'est pas encore voté... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Yann Galut - Il serait logique, compte tenu de l'intégration des services du secrétariat d'Etat dans ceux du ministère de la défense, que les sept écoles de rééducation de l'ONAC s'engagent dans des actions de reclassement professionnel au profit des militaires en fin de contrat. L'envisagez-vous ? Si oui, comment comptez-vous les y aider ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - Nous entendons en effet, comme vous le suggérez, faire de ces écoles, qui s'appellent désormais « écoles de reconversion professionnelle », des lieux d'accueil pour les militaires en fin de contrat, sans pour autant qu'elles cessent d'accomplir leurs missions traditionnelles.

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ÉTAT B

M. le Président - Je remercie chacun d'avoir fait un effort de brièveté, et appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Anciens combattants ».

M. Claude Billard - Le groupe communiste s'abstient.

M. François Rochebloine - L'UDF aussi.

Les crédits inscrits au titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

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TITRE IV

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 101 du Gouvernement majore de 15 millions les crédits d'action sociale de l'ONAC.

M. le Rapporteur spécial - J'y suis très favorable, bien que la commission des finances ne l'ait pas examiné.

M. le Rapporteur pour avis - Celle des affaires culturelles l'a été, et aurait même souhaité davantage, mais qui peut le plus peut le moins...

M. Jean-Paul Durieux - C'est un excellent amendement, qui reprend d'ailleurs une proposition du groupe socialiste. Le droit à réparation doit être complété par une politique sociale forte, et tel sera bien le cas, puisque ces 15 millions s'ajoutent à une mesure nouvelle de 3 millions, et qu'un tiers sera réservé à des actions en faveur des veuves d'anciens combattants, ainsi que l'a demandé Mme Neiertz. Qui plus est, la déconcentration des crédits au niveau des commissions départementales de l'ONAC permettra de concilier solidarité et proximité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 101, mis aux voix, est adopté.

Les crédits du titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles 51 à 53, rattachés au budget des anciens combattants.

Les articles 51, 52 et 53, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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APRÈS L'ART. 53

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 53.

M. Alain Néri - Je présente l'amendement 97 au nom du groupe socialiste dans un but de clarification. La retraite mutualiste est gérée par les associations d'anciens combattants et nous voulons qu'elle le reste. C'est donc un amendement de précaution pour éviter que cette gestion ne soit accaparée par le secteur marchand.

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné l'amendement, mais elle l'aurait sans doute approuvé. Je propose simplement de rectifier la rédaction en remplaçant « Le début du premier alinéa » par « Le premier alinéa » et en supprimant la mention « le reste sans changement ».

M. le Rapporteur pour avis - La commission des affaires sociales ne l'a pas examiné. Je suis tout à fait d'accord sur le fond. D'ailleurs, le secrétaire d'Etat avait annoncé un amendement du Gouvernement en ce sens.

M. le Secrétaire d'Etat - Pas du tout, et, sans être juriste, je m'interroge sur la recevabilité de cet amendement. Il risque d'interférer avec l'ordonnance visant à introduire les règles européennes dans notre législation.

M. Georges Sarre - La loi d'habilitation n'est pas encore votée !

M. Jean-Louis Debré - Elle n'est même pas venue en séance !

M. le Secrétaire d'Etat - Les services législatifs de l'Assemblée peuvent-ils m'assurer que ce texte est recevable ?

M. le Président - Monsieur Néri, ne serait-il pas plus simple de retirer l'amendement afin de l'étudier d'ici la deuxième lecture ?

M. Alain Néri - Non, je tiens à ce qu'il soit voté, pour garantir la gestion mutualiste de cette retraite.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis réservé, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. François Rochebloine - Je suis très favorable à cet amendement. On peut regretter qu'il ne soit présenté qu'aujourd'hui, mais sur le fond il répond à une réelle préoccupation du monde combattant.

M. Jean-Louis Debré - Je ne vois pas où est le problème juridique. Vous faites allusion à un projet de loi arrêté en conseil des ministres pour transposer des dispositions communautaires. Ce projet est au Sénat, mais il n'a pas encore été examiné. Le législateur a donc une liberté totale.

M. Jacques Floch - Effectivement. L'Assemblée n'a pas encore étudié la loi d'habilitation et nos collègues du Sénat, qui sortent de commission, n'ont pas abordé ce point. Nous avons donc tout intérêt, par mesure de précaution, à retenir cet amendement.

M. le Rapporteur spécial - Il n'y a pas de problème de recevabilité, mais simplement un problème d'opportunité et il vient d'être tranché.

L'amendement 97 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 100 lève la forclusion au profit des anciens combattants des ex-colonies. Ils pourront désormais percevoir la retraite du combattant à partir de 65 ans dès lors qu'ils rempliront les conditions.

M. le Rapporteur spécial - La commission ne l'a pas examiné mais je le trouve excellent. C'est un pas sur la voie de la décristallisation.

M. Robert Gaïa - C'est le groupe socialiste qui avait déposé cet amendement en commission pour mettre un terme à la forclusion décidée en 1995. Le président de la commission, Jean Le Garrec, avait été obligé de le déclarer non recevable en application de l'article 86.

La cristallisation des pensions versées aux anciens combattants originaires d'Indochine, d'AFN, d'AEF et d'AOF qui ont versé leur sang pour notre pays est un sujet qui nous préoccupe depuis des années. Il est vrai qu'il faut tenir compte du pouvoir d'achat de ces pensions dans leurs pays respectifs. Mais il était choquant qu'une interprétation administrative restrictive interdise l'ouverture de droits nouveaux en s'appuyant sur la cristallisation. La jurisprudence et un arrêt du Conseil d'Etat nous donnent d'ailleurs raison.

Je me félicite que le Gouvernement nous propose un amendement allant dans ce sens et qui concernera 11 000 personnes au Maghreb, 3 000 dans les autres anciennes colonies.

Permettez à un élu varois de rappeler le courage de cette armée d'Afrique lors du débarquement en Provence. On n'avait pas demandé leur opinion à ces combattants, on leur demandait leur vie. Vous leur aviez rendu hommage, Monsieur le ministre, le 5 octobre 1998 à Fréjus et à Saint-Raphaël, en présence d'un certain nombre d'ambassadeurs de ces pays.

Nous réparons une injustice et le groupe socialiste votera évidemment cet amendement qu'il avait présenté lui-même.

M. le Rapporteur pour avis - Je tiens à signaler qu'en commission les groupes ont été unanimes à voter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'amendement 100, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 44 a été défendu en commission par M. Rochebloine au nom des trois groupes de l'opposition et tout le monde s'y est rallié. Je propose simplement, à la demande du secrétaire d'Etat, de supprimer la mention « auprès du Premier ministre ».

M. le Rapporteur spécial - Le rapporteur de la commission des finances est d'accord, sous réserve d'un second sous-amendement prolongeant le délai de quatre à six mois.

M. le Rapporteur pour avis - D'accord.

M. le Secrétaire d'Etat - Je peux donner mon accord, sous réserve du vote des deux sous-amendements. Je signale cependant que ce travail a été déjà largement mené par la Cour des comptes et mes propres services. Mais je suis prêt à travailler avec la représentation nationale pour clarifier encore ce dossier de la décristallisation.

Enlevons la référence au Premier ministre puis, de toute façon, c'est moi qui vais faire cette étude avec vous et prolongeons le délai à six mois car les échéances électorales de février-mars vont nous retarder.

M. François Rochebloine - Au nom des auteurs de l'amendement, j'accepte les deux sous-amendements, mais j'insiste pour que la commission se mette en place rapidement, si possible dans les deux mois.

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous la promets pour la Saint-Nicolas ! (Rires)

L'amendement 44, rectifié deux fois, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen de ce budget. Je remercie les orateurs de leur concision.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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