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Session ordinaire de 2000-2001 - 25ème jour de séance, 53ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

Sommaire

          DÉCÈS DE JACQUES CHABAN-DELMAS,
          PRÉSIDENT D'HONNEUR DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 2

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          JUSTICE 2

          QUESTIONS 25

          ÉTAT B - TITRE III 28

          ÉTAT C - TITRE V 28

          ART 61 30

La séance est ouverte à neuf heures.

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DÉCÈS DE JACQUES CHABAN-DELMAS, PRÉSIDENT D'HONNEUR DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Mme la Présidente - C'est avec une grande émotion et une profonde tristesse que nous avons appris la disparition de Jacques Chaban-Delmas.

L'Assemblée nationale est en deuil.

Elle interrompra ses travaux pour la cérémonie qui sera célébrée, demain matin, en l'église Saint-Louis-des-Invalides, à la mémoire de notre Président d'honneur.

L'Assemblée rendra prochainement l'hommage solennel qui est dû à cette haute figure de l'histoire parlementaire. Pour l'instant, je vous invite à marquer notre peine en observant quelques instants de recueillement (Mme la Garde des Sceaux, Mmes et MM. les députés se lèvent et observent une minute de silence).

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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JUSTICE

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits de la justice.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances - La progression du budget de la justice pour 2001 s'établit à 3,31 % en termes réels, même si elle peut être portée, en affichage, jusqu'à 6,59 %.

Le budget de la justice représente désormais 1,69 % de celui de l'Etat au lieu de 0,65 % en 1965. Ses crédits restent cependant modestes, ce qui explique que soit retenue l'évolution en pourcentage, dont se satisfont bien facilement tous les gouvernements, de préférence à celle des masses. En effet, ce budget ne progresse que de 2 milliards, les services judiciaires bénéficiant de 12,2 milliards. Certes 307 postes de magistrats sont créés, mais ce ne sera pas suffisant pour satisfaire les besoins : loi sur la présomption d'innocence, départs à la retraite, mixité des tribunaux de commerce, détachements, repyramidages... Du reste, la hausse des crédits, en dépit de l'importance que lui accordent tous les gouvernements, n'est pas le seul critère de qualité d'un budget, dont le volume dépend aussi du périmètre. Or, les transferts entre ministères auxquels on procède depuis plusieurs années se poursuivent avec celui des 886 millions de part patronale des cotisations d'assurance maladie des personnels civils au budget des charges communes, et celui de l'indemnité spécifique des fonctionnaires de l'équipement détachés auprès de la justice. Ces transferts ont le mérite de rendre le budget plus lisible et plus loyal, mais il reste beaucoup à faire, ce qui relativise la discussion sur le montant du budget de la justice. La vraie question est davantage celle de l'emploi et de l'affectation des crédits, même si les instruments d'analyse sont rares. Ce budget est à la fois subi et improvisé. Il a été entièrement préparé par votre prédécesseur, qui n'a manqué aucune occasion de proclamer son volontarisme. On n'avait jamais vu un budget examiné en commission sous un ministre, puis en séance sous un autre ! Ainsi, pour la première fois, une action ministérielle est-elle interrompue pour de simples commodités de carrière, alors que la continuité d'une politique devrait être au-dessus de telles considérations. Le volontarisme de Mme Guigou ne l'a pas conduite à mener à leur terme ses considérables ambitions. Vous avez bien du mérite, Madame la Garde des Sceaux, d'avoir accepté, avec une modestie louable, ce portefeuille que la presse nous a dit avoir été plusieurs fois refusé. C'est qu'après le temps des promesses vient celui des échéances : on vous a laissé la plus mauvaise part.

Votre budget augmente le plus souvent sous la pression des mouvements sociaux et des campagnes de presse : grèves de magistrats, rapport médiatisé sur la situation dramatique de la détention, mouvement des gardiens de prison... Le Gouvernement en est à modifier son budget par amendements pour remettre en état nos prisons ! On aurait pu voir dans cette initiative la marque de la nouvelle ministre, mais le Premier ministre a tenu à en revendiquer la paternité. Cela fait trois ans que je vous signale que les toits de Fleury-Mérogis prennent l'eau et qu'il faut prévoir 200 millions pour les réparer : en vain. Il a fallu la parution du livre très médiatisé de Mme Vasseur pour qu'on agisse. Ce Gouvernement n'a d'autre priorité que la publicité. Les crédits sont mal employés, le mal endémique qui ronge notre justice, c'est la longueur des délais de jugement.

M. Jean-Luc Warsmann - Absolument.

M. le Rapporteur spécial - Or ce budget n'améliorera en rien la situation.

La construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris prend du retard. Les juridictions parisiennes traitent un quart des affaires juridictionnelles nationales. Paris est la plus grosse juridiction d'Europe. D'après un audit, il manque 67 000 mètres carrés au Palais de justice de Paris. La Cour de cassation a besoin de 10 % de surface supplémentaire, la Cour d'appel de 78 % et le tribunal de 71 %.

Plusieurs délocalisations ont eu lieu, mais il ne s'est agi que de palliatifs. Le déménagement du tribunal est devenu une nécessité. Plus de deux cents magistrats n'ont pas de bureau. Certains, qui résident en province et travaillent à leur domicile, viennent le moins souvent possible à Paris, avec toutes les conséquences que vous imaginez sur leur productivité. On observe le même phénomène à la Cour de cassation, alors qu'il y a pourtant obligation de résider à Paris.

Augmenter le nombre des magistrats est sans doute nécessaire, mais à quoi cela va-t-il servir si on ne peut pas les loger ? Commençons par mieux employer ceux dont nous disposons.

Ces études ont commencé en 1994. Six ans plus tard, le terrain n'est toujours pas choisi. Dans l'hypothèse la plus optimiste, nous n'aurons pas de nouveaux locaux avant 2007.

Pendant trois ans, Mme Guigou n'a cessé de nous parler de la réforme de la carte judiciaire. Elle a même créé une administration spéciale à cet effet. Finalement, elle a quitté la chancellerie sans avoir supprimé une seule juridiction judiciaire.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration centrale et les services judiciaires : Et les tribunaux de commerce ?

M. le Rapporteur spécial - Il ne s'agit pas de juridictions judiciaires. La suppression d'une trentaine de ces tribunaux devait être suivie d'une seconde vague, que nous attendons toujours. Le conservatisme a donc triomphé. Certes, les autres gouvernements n'ont pas fait mieux, du moins n'avaient-ils rien promis.

Or, sans réforme de la carte judiciaire, il n'y aura aucune autre réforme efficace. La justice a besoin de se spécialiser parce que le droit devient de plus en plus complexe et que les professionnels eux-mêmes ne peuvent satisfaire à l'obligation suivant laquelle « nul n'est censé ignorer la loi ». La spécialisation est la condition de la rapidité et de la sûreté du jugement.

Je ne résiste pas à citer mon homologue rapporteur du Sénat, qui devrait gagner plus facilement votre oreille puisqu'il s'agit de Robert Badinter : « Des réflexions, des analyses sont en cours depuis des années, il est temps de passer aux actes. Ce ne sont pas les suppressions de quelques juridictions consulaires en état de survie artificielle qui suffiront. Je sais que la garde des Sceaux y songe, il est temps d'agir. » C'était l'année dernière !

A la Cour de cassation, la durée moyenne de traitement des affaires est de deux ans, un mois et treize jours, même si, en matière criminelle, la durée est devenue raisonnable. Voici le constat que dresse son Premier président, dans son rapport du 27 avril dernier : « Depuis près de vingt ans, la Cour s'épuise à gérer un stock important de dossiers de pourvois civils, qui allongent les durées de jugement, pèsent lourdement sur son fonctionnement, créent des désordres, l'empêchent de se moderniser et entretiennent un climat défavorable à l'exercice du pouvoir juridictionnel souverain et d'une production jurisprudentielle aussi sûre qu'il serait souhaitable. »

Des mesures raisonnables et peu coûteuses sont proposées, comme le recrutement de vingt huit magistrats supplémentaires pendant cinq ans afin de résorber le retard. En outre, le rôle des avocats généraux doit être réaménagé si nous voulons éviter des condamnations systématiques par la Cour européenne des droits de l'homme. Enfin, il est nécessaire d'instituer une procédure d'admission ou de filtrage, dans l'esprit de l'ancienne chambre des requêtes.

La loi sur la présomption d'innocence est en réalité une loi présomptueuse. Vous manquez des moyens suffisants pour l'appliquer. Des syndicats de magistrats ont évalué les besoins à un millier de magistrats. Même si cette évaluation est contestée, on voit partout des magistrats civils affectés au pénal : on ne fait que déshabiller Pierre pour habiller Jacques.

J'ai entendu dire que c'est parce que le Gouvernement avait été surpris par des amendements parlementaires comme l'appel de la Cour d'assises, que les moyens n'avaient pas suivi. Je ne puis croire que le Gouvernement ne soit pas capable d'improviser un financement ou un concours spécial, encore moins qu'il veuille traiter les initiatives parlementaires plus mal que les siennes !

L'aide juridictionnelle reste stable d'une année sur l'autre, à 1,54 milliard, alors que les tâches ont pratiquement doublé et que les plafonds d'admissibilité augmentent plus rapidement que le coût de la vie. Il faut assurer en plus l'appel des assises, le contentieux de la liberté, le contentieux de la détention et l'assistance de la garde à vue.

Mme Guigou accusait la justice britannique d'être une justice pour les riches : la Grande-Bretagne consacre dix fois plus de crédits que la France à l'aide juridictionnelle, qui profite à un million de personnes.

Quant aux frais de justice, ils sont prévus en diminution, malgré l'appel des arrêts de cours d'assises.

Ce budget a besoin de crédits supplémentaires. On s'apprête d'ailleurs à l'amender en catastrophe pour traiter les problèmes pénitentiaires. On aurait pu procéder autrement. Surtout, l'affectation des crédits est des plus critiquables (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration centrale et les services judiciaires - Je souhaite avant tout remercier la chancellerie de la qualité des réponses apportées cette année aux questionnaires des rapporteurs. Il faudra songer un jour à en autoriser la publication, pour que l'ensemble des parlementaires puissent profiter de ces documents.

Depuis plusieurs années, je demande aux services du ministère de la justice de faire un peu de comptabilité analytique, afin de savoir combien coûte un procès. Pour la première fois, j'ai la réponse, avec une explication sur la méthodologie. Je souhaite que nous puissions continuer à travailler de la sorte.

Ces réponses montrent, Madame la garde des Sceaux, qu'il y a dans vos services des gens de qualité, capables d'améliorer nettement le fonctionnement de la justice.

Notre collègue Bonrepaux a qualifié le budget de la nation de « juste et solidaire, renforçant la cohésion sociale tout en garantissant la maîtrise des dépenses publiques ». Le même jugement peut s'appliquer au budget des services judiciaires.

La commission des lois examine toujours avec soin les propositions du ministre de la justice. Nous savons qu'il est inutile de faire évoluer notre droit si nous n'avons pas les moyens d'appliquer les réformes. Nous avons été échaudés, en d'autres temps, par des gouvernements -de droite ou de gauche- qui, faute de crédits, n'ont pas hésité à retirer certains textes à la dernière minute.

Notre collègue Devedjian a appelé votre attention sur l'application de la loi relative à la présomption d'innocence. C'est une loi dont nous sommes très fiers, une loi de progrès et d'humanisme qui ne peut que satisfaire ceux pour qui le droit est justice.

M. Alain Tourret - Très bien !

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis - Cette loi a été combattue par les conservateurs de tous bords, à droite surtout, à gauche aussi. On nous assure, la main sur le c_ur, qu'on l'appliquera. Il est heureux qu'on applique la loi !

Mais cette loi nécessite des moyens supplémentaires. Certes, ils sont prévus dans ce budget, mais leur engagement risque de poser des problèmes de calendrier. Ces difficultés, tous ceux -magistrats, fonctionnaires des services judiciaires, membres des barreaux- qui sont chargés de faire appliquer la loi les connaissent, mais de là à dire que l'on ne peut appliquer la loi, il y a un pas que ceux qui sont de bonne foi ne peuvent franchir. Quatre cent cinquante emplois nouveaux, 252 millions supplémentaires, ce n'est pas rien !

Bien sûr, il faudra regarder de près, au cours du premier semestre 2001, comment tout cela fonctionne. Je me réjouis donc que la Garde des Sceaux ait annoncé que la mission de suivi est déjà installée et que l'Inspection générale des services judiciaires observera, tribunal par tribunal, comment les choses se passent afin d'envisager, si besoin était, de modifier certains éléments de l'organisation judiciaire. Il conviendra notamment de favoriser la coopération entre tribunaux et de permettre aux présidents de cours d'appel de justifier les déplacements de magistrats. Mais, vraiment, cette loi est trop importante pour que l'on diffère son application !

Autre sujet à l'impact budgétaire réel : l'aide juridictionnelle. Mais à quoi bon doubler les crédits si on ne la modifie pas en profondeur ? Un de vos prédécesseurs, Jacques Toubon, avait créé une commission à ce propos mais ses travaux, auxquels j'ai participé, n'ont été suivis d'aucun effet. Le Président Roman en est d'accord, notre commission des lois pourrait reprendre cette réflexion afin de contribuer à l'amélioration d'un système qui a le grand mérite d'offrir à tous nos concitoyens, quelle que soit leur fortune, la possibilité d'accéder au droit et à la justice.

J'en viens à la sous-consommation préoccupante des crédits de votre ministère, qui montre la nécessité de réformer profondément son fonctionnement, chacun en convient ici comme à la chancellerie. Nous serons bien obligés de vous faire des propositions, vous serez bien obligée de prendre le problème à bras le corps.

Bien des ministères ont subi d'importantes réformes. L'organisation de certains était d'ailleurs fort ancienne. J'ai ainsi passé vingt ans au ministère de l'agriculture, dont l'organisation datait de Jules Méline -dont on se souvient, parce qu'il a fermé les frontières et créé le mérite agricole- (Sourires). Il a fallu l'arrivée d'Edgar Pisani, pour que les choses fonctionnent un peu mieux...

Vous disposez, Madame la Garde des Sceaux, d'un budget convenable : 29 milliards, c'est mieux que 22 en 1999, 20 441 fonctionnaires des services judiciaires, c'est mieux que les 18 325 de 1995, 6 846 magistrats, c'est mieux que les 6 029 de 1995. Mais à quoi servent ces effectifs ? Comment leur travail est-il réparti ? Qu'est-ce qui explique l'inquiétante baisse de productivité de certaines juridictions ? Ce sont ces questions qu'il faut aujourd'hui se poser

Nous avons, ensemble, beaucoup de travail à accomplir, pour assurer une bonne justice. Vous pouvez compter sur la commission des lois, qui a adopté votre budget et invite l'Assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. André Gerin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse - Madame la ministre, c'est dans un esprit constructif que j'ai travaillé avec votre prédécesseur, c'est dans le même esprit, loyal, que je veux poursuivre avec vous. Ce budget marque la volonté du Gouvernement de continuer à favoriser ce ministère, dont les crédits, qui ont progressé de 4 % en 1998, de 5,6 % en 1999, de 3,9 % en 2000, augmentent encore cette année de 3,1 %.

Mais, pour l'administration pénitentiaire comme pour la protection judiciaire de la jeunesse, ces efforts méritoires ne sont pas suffisants ni pour combler les retards en matière d'emplois, de locaux, de politiques structurantes, ni pour changer le rôle de la prison, ni pour modifier le traitement de la délinquance des mineurs. Tout cela, je le dis depuis 1997. Aujourd'hui, c'est l'explosion, avec la grève des surveillants, avec la détresse des détenus dont les suicides se multiplient, avec les constats, sévères mais justes, des commissions parlementaires sur les conditions de vie des détenus, avec le travail de la commission Canivet sur le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Ces événements ont toutefois le mérite de faire bouger les choses comme en atteste le protocole d'accord du 18 octobre entre la Garde des Sceaux et l'entente syndicale.

La loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, ou encore la réforme de la libération conditionnelle, permettent de faire évoluer la situation, avec la limitation de la détention provisoire, qui devrait aller jusqu'à sa suppression, avec le principe de l'emprisonnement individuel, avec le développement des peines alternatives à la prison.

Je me félicite que le Gouvernement se soit rallié à l'idée d'une loi pénitentiaire, qui devrait être examinée l'été prochain. Il est urgent, en effet, non seulement de toiletter les textes en vigueur, mais aussi de fixer un cadre respectueux des droits fondamentaux des détenus et du personnel, de dégager les moyens humains et matériels, de donner aux notions de sanction et de prison un sens pour les individus et la société.

Je me suis, dans un rapport, intéressé d'abord à la surpopulation carcérale. Je me réjouis du développement du suivi en milieu ouvert. Quand la prison est la seule possibilité, il faut lui donner les moyens de remplir sa mission de réinsertion sociale et économique.

Parmi la population incarcérée, on note une augmentation du nombre des délinquants sexuels et des mineurs. Les gardiens surveillants sont privés de toutes leurs missions gratifiantes, devenant ainsi de simples porte-clefs. Une mutation est donc indispensable. Elle passe par des formations et par des effectifs plus nombreux et mieux rémunérés, comme le réclament tous les syndicats.

La création de 365 emplois est insuffisante pour pourvoir les postes vacants et pour comparer les départs à la retraite. La situation restera donc inconfortable si d'importantes créations d'emplois n'interviennent pas rapidement. Ces légitimes revendications sur les indemnités et sur les effectifs traduisent le désir de reconnaissance et de considération de tout le personnel. Je souhaite que, conformément au protocole du 18 octobre, l'arrivée de 2 000 surveillants et le recrutement anticipé de 251 d'entre eux permettent d'engager effectivement la résorption de la vacance.

Je souhaite par ailleurs une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que l'élaboration d'un statut des chefs d'établissement ou, mieux, d'une charte de qualité pour tout le service public de la justice.

Pour le patrimoine immobilier, au-delà des programmes de reconstruction de nombreux établissements vétustes, demandons-nous à quoi sert de prévoir le même nombre de places si l'on veut diminuer le recours à la prison.

La prison de Saint-Paul et Saint-Joseph de Lyon est invivable, elle ne peut être rénovée. On dit qu'un nouvel établissement pourrait être construit dans telle ou telle ville de l'agglomération, mais les communes concernées ne sont même pas au courant. Pire, si l'on construit la même chose en plus moderne, c'est que l'on n'a rien compris ! Il faut construire de petits établissements intégrés dans les projets urbains des agglomérations. Il faut changer radicalement la manière de traiter ces questions. La concertation locale est indispensable ; l'opération de Lyon devrait être exemplaire. Pour le contrôle extérieur de l'administration pénitentiaire, le système préconisé par la commission Canivet semble répondre aux problèmes rencontrés dans les prisons.

Par ailleurs, l'élaboration d'un code de déontologie progresse : il doit être soumis au Conseil d'Etat d'ici la fin de l'année.

La protection judiciaire de la jeunesse bénéficie d'importants efforts : son budget s'accroît de 7,33 % en dépenses ordinaires, ce qui marque la volonté du Gouvernement d'en faire une priorité. Cette législature a permis de recruter 1 010 personnes afin d'améliorer l'encadrement des jeunes. Les syndicats apprécient cet effort mais s'inquiètent du nombre des emplois précaires. Les mesures indemnitaires et statutaires bénéficient d'une dotation appréciable de 17,8 millions contre 11 millions l'an passé.

La diversité des structures d'accueil et d'hébergement est assurée et, de fait, elle est indispensable pour garantir une insertion individualisée.

Cependant, les centres de placement immédiat manquent de personnel suffisant pour motiver les jeunes qui s'y trouvent. Il faut donc organiser les efforts en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse en définissant, dans un projet global, les missions de service public : c'est ce que j'appelle la charge de qualité du service public. Les personnels sont confrontés aujourd'hui à trop d'incohérence : on ferme ici un foyer pour ouvrir là, à quelques kilomètres seulement, un centre de placement dépourvu de directeur ou d'éducateurs ! Il faut donc anticiper le changement d'échelle auquel vous avez fait allusion, Madame la Garde des Sceaux : les syndicats sont tout disposés à le préparer en concertation avec vous !

Me suppléant en commission, M. Brunhes a insisté sur le manque chronique d'effectifs dans ce secteur. Or, la plupart des mineurs incarcérés sont issus de milieux défavorisés et leur nombre croissant témoigne des effets dévastateurs de l'exclusion. Les principes novateurs posés par l'ordonnance du 2 novembre 1954 restent donc d'actualité. Pourquoi, dès lors ne pas oser affirmer que l'incarcération doit être l'exception et ne pas radicalement poser qu'il ne doit pas, par principe, y avoir de prison pour les mineurs et pour les jeunes majeurs ?

Il est bon que les services de la protection judiciaire de la jeunesse trouvent à s'appuyer sur des partenaires diversifiés : éducation nationale, acteurs de la politique de la ville, maisons de justice. Il faut poursuivre dans cette voie !

Les parlementaires doivent convaincre le Gouvernement de la nécessité d'élaborer au plus vite une grande loi pénitentiaire, et ils doivent l'y aider. Les rapports, les recherches, les idées abondent. Il faut maintenant élargir la concertation pour respecter une obligation de résultats : cette loi doit faire entrer les droits de l'homme dans les prisons. Celles-ci sont en effet, comme l'a dit Georges Hage en commission, le reflet de l'état de notre société.

La commission a donné un avis favorable à ces crédits, mais cet avis est aussi exigeant : nous voulons dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit car il y va de la crédibilité d'une politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Luc Warsmann - Le débat budgétaire est l'occasion de faire le point. Quel bilan établir pour les services judiciaires ? Nous constatons avant tout un océan d'affaires en retard, un allongement tel des délais de jugement que la justice ne peut être dite dans nombre de cas ! Devant les tribunaux de grande instance, la durée moyenne d'un jugement dépasse neuf mois, auxquels il faut ajouter plus de 18 mois s'il y a appel. Ces durées sont respectivement de 10 et de 18 mois devant les prud'hommes : or combien de salariés peuvent attendre plus de deux ans d'avoir satisfaction ? C'est dans ce type de contentieux que l'injustice du système apparaît dans toute son ampleur. Il faut en moyenne attendre un an et 11 mois le jugement d'un tribunal administratif et deux ans et demi le résultat d'un appel : à ces quatre ans, ajoutez-en un de plus si vous allez devant le Conseil d'Etat ! Tout cela est inacceptable !

Au cours des trois dernières années, la situation ne s'est certes pas améliorée : devant les tribunaux de grande instance, la durée moyenne de jugement est passée de 9 mois à 9,1 mois, devant les cours d'appel civiles, de 15,8 à 18 mois. Or, dans le même temps, le nombre d'affaires a diminué de 10 %, tombant de 219 271 à 199 788... que s'est-il donc passé ? Simplement ceci : le Gouvernement a lancé des réformes qui n'étaient pas financées. Il a certes créé des postes mais, en février dernier, votre prédécesseur expliquait que 60 d'entre eux, seraient des postes de juges de la détention. Comment dès lors combler les retards et replacer ceux qui partent à la retraite ? Et, en 2001, c'est la même logique de cavalerie qui va prévaloir, puisque la loi sur la présomption d'innocence va entrer en vigueur. Or elle exigerait mille postes, selon une organisation de magistrats. Nous allons par conséquent alourdir la tâche de ceux qui ne parviennent déjà pas à juger les affaires en cours. Pour avoir des juges de la détention, on continuera de déshabiller Pierre ! Ainsi, à Paris, quatre vice-présidents devront cesser de juger les affaires civiles...

L'institution de l'appel pour les cours d'assises va encore aggraver la situation. De même la judiciarisation des 90 000 décisions d'exécution des peines et la réforme des tribunaux de commerce. Pour ne pas parler des magistrats, imaginez le surcroît de travail pour les fonctionnaires qui devront de plus affronter la colère des justiciables !

C'est dans ces retards que prennent leur origine les légèretés qu'on vous reproche à l'égard des droits de l'homme et le scandale de la détention provisoire. Savez-vous que, lorsque l'instruction d'une affaire criminelle est activée, l'intéressé va encore attendre plus d'un an son jugement ? Et les jugements en comparution immédiate se réduisent à une justice « à la chaîne »...

Quant à l'administration pénitentiaire, elle flotte entre espoir et réalité. L'espoir a été ouvert par la grande prise de conscience de 2000 et par les rapports qui ont jeté un lumière crue sur le fonctionnement de nos prisons. Nous avons tous manifesté notre volonté d'accroître les moyens et de redéfinir les missions. Nous avons tous constaté les sous-effectifs et les vacances qui aggravent les conditions de travail. Mais la réalité d'aujourd'hui, c'est un budget simplement ordinaire ! L'administration n'aurait pas eu le temps de prendre connaissance de nos rapports. Sans le mouvement des surveillants et le protocole qui a suivi, le gain serait bien minime... Et que dire des investissements : au 30 juin, sur 1 751 millions d'autorisations de programme, le ministère n'en avait dépensé que 223. Plus d'un milliard et demi de crédits sont restés virtuels, alors que les besoins sont criants. Dans ces conditions, le milliard supplémentaire n'a pas de raison d'être et je vous sais gré, Madame la Garde des Sceaux, de l'avoir reconnu devant la commission.

J'aspire à un vrai débat, à une redéfinition des missions et des moyens -notamment à une réflexion sur les locaux, sur leur configuration, sur leur implantation, sur l'hygiène. Si vous êtes prête à engager ce débat, nous sommes tous disposés à y participer. Mais, en attendant, ce budget apparaît comme celui des occasions manquées. Certes, vous créez des postes mais il faut compter avec toutes les réformes non financées et ces créations ne permettront absolument pas de combler les retards accumulés. Enfin, l'occasion est ratée pour l'administration pénitentiaire. Nous avions tous la volonté de remettre tout le système à plat et ce budget n'en a ni les moyens ni la volonté. Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Tourret - Pour la quatrième année consécutive, le budget de la justice progresse de façon significative. C'est tout à l'honneur du Gouvernement et du Parlement d'avoir voulu, pour la première fois dans l'histoire de la République, en faire une priorité. Mille cinq cent cinquante postes seront créés en 2001, dont 348 de magistrats, au lieu de 208 seulement durant les cinq années des gouvernements Balladur et Juppé. La différence parle d'elle-même. Ce retard était d'autant plus important que les effets des budgets se mesurent à long terme. Votre budget traduit votre volonté de faire du ministère de la justice celui des justiciables et celui du droit. Mais ces efforts seront-ils suffisants ? Car là est le paradoxe : on a rarement autant fait, mais rarement l'attente de nos concitoyens et l'inquiétude des milieux judiciaires aura été aussi forte.

Pour les justiciables, la priorité est d'avoir une justice plus rapide, notamment en matière civile. Ainsi, 384 000 affaires de droit de la famille ont été introduites en 1999 devant les tribunaux de grande instance, soit 63 % de l'ensemble du contentieux civil. La durée moyenne des procès est de 9 mois. Pour les 38 000 appels, elle est de 18 mois. C'est inacceptable, surtout s'agissant de personnes qui se déchirent, et cela depuis bien avant la saisine de la juridiction. Cette situation insupportable est parfois imputable aux parties ou à leurs conseils, mais surtout au manque de magistrats et de greffiers et à la loi elle-même. La loi complique tout à plaisir. Avec ses doubles comparutions inutiles et ses délais de réflexion stupides, elle témoigne de la méfiance du législateur de 1975 envers ceux qui divorcent. En empêchant l'enregistrement des divorces par consentement mutuel tant que les partages n'ont pas été évalués, elle ne cherche qu'à satisfaire le fisc.

Quand serons-nous saisis de la grande loi sur la famille annoncée par le Gouvernement ? C'est à cette aune que nous serons jugés lors de nos prochaines rencontres avec les électeurs. Une justice rapide n'est pas forcément expéditive. Il faut nous saisir d'un texte permettant l'exécution provisoire de plein droit de l'ensemble des décisions, sauf en matière de droit des personnes. L'exécution provisoire existe jusqu'à neuf mois de salaire en matière prud'homale et pour une simple créance non discutée en matière civile ou commerciale. C'est une aberration qu'elle n'existe pas en droit de la famille, d'autant qu'elle empêcherait qu'une personne puisse organiser son insolvabilité en toute quiétude.

Nous venons de voter des textes essentiels pour les libertés : le juge de la détention et des libertés, l'appel des arrêts de cour d'assises, la juridictionnalisation de l'application des peines. Nous sommes très fiers de l'avoir fait. Mais des inquiétudes se font jour quant à leur application. Les chefs de juridictions envisagent ainsi de déplacer de nombreux magistrats des affaires civiles vers le pénal, ce qui ne fera qu'augmenter la durée des affaires et l'exaspération des justiciables. La commission de suivi des nouveaux textes doit informer les parlementaires sur leur application.

De nouveaux besoins vont aussi naître de la réforme des tribunaux de commerce, qui adoptera vraisemblablement le principe de la mixité. Quelle incidence a eue la grève des cent tribunaux de commerce qui, pour des raisons politiques, se sont opposés aux réformes du gouvernement, obligeant à transférer les affaires commerciales aux TGI dont les propres dossiers ont ainsi été bloqués ?

L'aide juridictionnelle pose aussi problème. Comment admettre qu'un avocat commis d'office devant une juridiction pénale pour des affaires où le prévenu encourt dix ans de prison ne reçoive qu'une indemnité inférieure à 600 F ? Si nous n'y prenons garde, nous allons créer de manière irrémédiable une justice à deux vitesses au détriment des plus pauvres. Il faut méditer les dernières enquêtes faites aux Etats-Unis : plus de la moitié des condamnations à mort auraient été évitées si la défense avait été efficace ! Or, qu'on le veuille ou non, une défense, pour être efficace, doit être payée.

Je terminerai par une suggestion. La réforme de 1959 des CHRU, voulue par le professeur Robert Debré, a créé un corps d'enseignants praticiens en matière médicale, les « bi-appartenants », qui nous est envié dans le monde entier et a permis de maintenir les plus grands médecins dans le secteur public. Pourquoi ne pas permettre aux professeurs de droit d'être magistrats ? Leurs six heures de cours par semaine sept mois par an leur en laissent le temps. Ils ont la capacité et le savoir.

Mme la Présidente - Ce n'est pas parce que vous attaquez les professeurs de droit, mais je dois vous faire observer que votre temps de parole est écoulé ! (Sourires)

M. Alain Tourret - Je ne faisais que souligner à quel point ils pourraient être utiles ! Je vous saurais gré, Madame la ministre, de faire procéder à un audit sur cette proposition. Cela dit, les radicaux de gauche voteront ce budget et sont prêts à participer à l'_uvre de justice qu'il accomplit (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Houillon - Je voudrais saluer l'arrivée du nouveau garde des sceaux, et aussi lui souhaiter bon courage. Ce ministère ressemble en effet de plus en plus à une poudrière. Vous semblez du reste en avoir conscience, Madame la garde des Sceaux, puisque l'examen du budget a été reporté à plusieurs reprises et a changé de procédure. Je voudrais d'ailleurs savoir ce qu'il adviendra des questions écrites formulées selon la procédure simplifiée.

Les dossiers chauds ont une fâcheuse tendance à s'accumuler : administration pénitentiaire, avocats, juges consulaires... Certaines affaires sont aussi l'occasion pour des parlementaires de la majorité de s'attaquer directement à d'éminents magistrats. Je suis sidéré que le garde des sceaux reste muet lorsque le procureur général près la Cour de cassation est traîné dans la boue. Est-ce à dire que dorénavant tous les coups sont permis ?

Votre tâche n'est pas facile, Madame la garde des Sceaux, car la justice a besoin d'être rassurée. C'est dire que votre budget est examiné avec un intérêt tout particulier par des personnels préoccupés de savoir si les promesses qui leur ont été faites seront tenues. J'ai le regret de constater qu'à l'image de la justice en France, votre budget est un colosse aux pieds d'argile.

Pour commencer, l'augmentation de 3,1 % que vous nous annoncez est inférieure à celle de l'année dernière, ce qui est pour le moins paradoxal alors que contestations et soubresauts se multiplient, dont on sait qu'ils trouvent leur origine dans de nombreux blocages. Et cette augmentation n'empêchera pas que la France continuera d'être, parmi les pays européens, un de ceux qui affectent à leur justice l'une des plus faibles parts des crédits de l'Etat. C'est d'autant plus consternant que l'image de la justice est désastreuse : à une écrasante majorité, nos concitoyens estiment qu'elle ne remplit pas son rôle, qu'elle manque de moyens, qu'elle est coûteuse et vieillotte...

Vous arguez des augmentations d'effectifs prévus sur le papier pour affirmer que ce budget permettra de renforcer l'efficacité de notre système judiciaire. Qu'en sera-t-il en fait ? Les quelques centaines de postes de magistrats créés seront automatiquement affectés aux tribunaux de commerce ou au corps des juges de libertés institué par la loi sur la présomption d'innocence si bien que, d'évidence, les créations nettes seront insuffisantes pour raccourcir les délais d'appel qui, dans certaines juridictions, vont jusqu'à seize mois. Que cela ne vous conduise pas, surtout, à tenter de colmater ce manque d'effectif en recourant à des assistants de justice, insuffisamment formés !

Vous nous indiquez d'autre part que 40 millions seront consacrés à l'amélioration du fonctionnement courant de la justice. Cette somme sera largement insuffisante puisque ces crédits iront, en priorité, financer la construction de nouveaux bâtiments et couvrir les frais de maintenance. Une fois encore, la loi sur la présomption d'innocence en absorbera l'essentiel, si bien que rien ne sera réglé sur le fond. Le chantier de la justice est si vaste que ces fonds ne sont qu'une goutte d'eau.

Comment ne pas dire, encore, que des réformes inadaptées grippent un peu plus un système essoufflé, alimentent la grogne ? Le monde judiciaire ne cesse de vous signaler que les délais prévus pour l'application de la loi sur la présomption d'innocence sont trop courts : non seulement une permanence d'avocats devra-t-elle être assurée qui n'existe pas à ce jour, mais encore des moyens nouveaux être dégagés en faveur des parquetiers ; où apparaissent-ils ? Malgré la création de cent dix postes de juge des libertés, certains tribunaux seront amenés à mutualiser leurs moyens en magistrats, ou à assurer des permanences tournantes. De plus, nombreuses sont les salles d'audience conçues pour accueillir neuf jurés seulement, et certains tribunaux correctionnels ne sont pas plus adaptés aux modifications adoptées. Tout cela fait craindre de nouveaux retards, et l'allongement des délais dans lesquels la justice sera rendue.

J'observe par ailleurs que, fidèle à lui-même, ce Gouvernement use de la promesse pour entretenir son attentisme, et ne se décide à agir que tardivement, après que des conflits ouverts se sont déclarés. Nous avons connu un nouvel exemple de cet immobilisme avec la manière dont a été traitée la situation des établissements pénitentiaires. Il y a quatre mois, notre Assemblée et le Sénat rendaient publics deux rapports qui, l'un comme l'autre, posaient un verdict sans appel : les surveillants de prison connaissaient une pénurie d'effectifs sévère qui rendait leur formation difficile et leurs conditions de vie et de travail éprouvantes ; s'estimant déconsidérés, ils aspiraient en outre à une légitime reconnaissance.

Saisie de ces rapports, la garde des Sceaux avait promis de prendre leurs conclusions en considération. Le budget montre qu'il n'en a rien été. Encore sa version initiale était-elle pire que celle qui nous est soumise, puisque les dispositions envisagées auraient eu pour effet que moins d'un poste aurait été créé pour chaque établissement pénitentiaire français, et que les sommes allouées à la revalorisation des indemnités du personnel pénitentiaire ont été ressenties par les intéressés comme un véritable camouflet. Des améliorations ont donc été consenties in extremis, mais même si un accord a été trouvé, nous sommes encore loin des 2 000 à 3 000 emplois nouveaux qui seraient nécessaires.

Ce conflit est riche d'enseignements sur la valeur relative des promesses du Gouvernement. Avec quel retard a été décidé le plan de 10 milliards destinés à la rénovation des prisons, solennellement annoncé par le Premier ministre ! Cette annonce, provoquée par un conflit ouvert ressemble, plus que tout autre chose, à une session de rattrapage ! Quant à la loi pénitentiaire dont on nous parle tant, elle suit un calendrier aussi flou qu'hasardeux, qui fait craindre qu'elle ne puisse être adoptée avant les élections législatives de 2002. Que de temps perdu ! Des réformes sont indispensables : qu'on en pose les principes dès maintenant !

Votre budget ne peut en aucune manière servir à combler les nouvelles brèches de notre système judiciaire. En l'état, le groupe Démocratie libérale ne le votera donc pas (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Nicole Feidt - La situation n'est en effet pas facile, mais elle s'explique par l'héritage laissé par le Gouvernement précédent (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le budget de la justice pour 2001, qui augmente deux fois plus que le budget général de l'Etat, dit une nouvelle fois la priorité accordée par le Gouvernement, depuis 1998, à l'amélioration de notre système judiciaire. Il vise d'une part à augmenter les effectifs du personnel pénitentiaire et à rénover les prisons, d'autre part, à permettre l'application des réformes adoptées par le Parlement : l'amélioration de l'accès au droit, le développement des règlements alternatifs dans les conflits, le renforcement de la présomption d'innocence. Il tire, enfin, les conséquences du plan arrêté par le conseil de sécurité intérieure de janvier 1999 en matière de délinquance des mineurs.

De nouveaux postes sont créés, dans toutes les catégories : postes de surveillance, emplois d'insertion et de probation, postes administratifs et de psychologues. De plus, l'école nationale d'administration pénitentiaire d'Agen voit ses effectifs augmenter et sa dotation progresser de 7 %.

On le sait : une fois les condamnations prononcées, la société ignore les détenus et donc leurs surveillants, en mal de reconnaissance. Les mesures catégorielles, prises en leur faveur ne régleront pas tout, mais elles apporteront une réponse claire à leurs attentes.

Il ne faut pas en rester là, mais revoir l'organisation du travail au sein de l'administration pénitentiaire en généralisant l'annualisation du temps de travail, qui permet à tous les fonctionnaires de bénéficier de congés en juillet ou en août.

Le budget permettra encore de faire porter l'effort sur la rénovation du parc des établissements pénitentiaires, grand chantier annoncé par le Premier ministre. Pourquoi bouder cette bonne nouvelle ? Qui n'a pas en tête le nom d'un établissement vétuste ? Je souhaite, pour ma part, que la maison d'arrêt de Nancy figure au nombre des prisons rénovées. J'avais eu l'occasion de le faire savoir à Mme Guigou.

A la rénovation et aux grands programmes de construction s'ajoute l'augmentation des moyens de fonctionnement, affectée, notamment, à l'amélioration des conditions de vie en détention et de la politique de réinsertion, qui permet de lutter contre la récidive. L'équipement informatique se développe, même si l'on peut regretter que la formation n'ait pas toujours précédé l'utilisation du matériel. En ce qui concerne la délinquance des jeunes, notamment des mineurs, ce budget tire les conséquences du plan défini par le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 et du plan pluriannuel pour le renforcement de la protection judiciaire de la jeunesse -PJJ. Vous allez nous donner des chiffres, mais je me réjouis dès à présent que les emplois de la PJJ augmentent et que les moyens d'accueil se modernisent, avec la création de centres éducatifs renforcés, de centres de placement immédiat ou en milieu ouvert, ainsi que la restructuration des foyers existants. Mon collègue Gerin a souligné avec raison le manque de structures adaptées, besoin auquel votre budget répondra certainement. En effet, la distinction entre les problématiques lourdes relevant de l'assistance éducative et celles relevant de l'ordonnance de 1945, dont la prise en charge est principalement assurée par les conseils généraux, est mise à mal, dans les faits, par l'incapacité de la PJJ à traiter les situations pour lesquelles elle est compétente.

Les moyens des services judiciaires augmentent, dans le prolongement des budgets 1998, 1999 et 2000 et en application de la réforme de la justice. Des emplois sont à nouveau créés afin d'améliorer la justice au quotidien, notamment en diminuant le nombre d'affaires en attente, d'accélérer les procédures pénales et de renforcer les juridictions pour mineurs. Ceci s'accompagne de mesures catégorielles. Cela dit, les juges d'application des peines auraient bien besoin de greffiers ! La construction et la rénovation de juridictions se poursuivent. Les plafonds de ressources de l'aide juridictionnelle sont revalorisés de 3,1 %. Il est satisfaisant de voir ainsi s'amplifier les efforts budgétaires : la justice est enfin devenue une priorité, et les engagements sont tenus, qu'il s'agisse de lutter contre la délinquance des mineurs, d'accroître les moyens de la PJJ -plus de 1 000 emplois nouveaux durant la législature, soit quatre fois plus que durant la précédente- de moderniser les structures pénitentiaires ou de renforcer les effectifs et la formation des magistrats. Les socialistes voteront donc ce bon budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Morin - Au lieu de réitérer les propos tenus en commission, poursuivons plutôt le débat que nous y avons entamé. Madame la ministre, la question essentielle n'est pas, comme vous le croyez, celle de l'indépendance du Parquet, mais celle de l'accès à la justice, qui recouvre à la fois l'obtention d'un jugement et son effectivité. Je tire tous mes chiffres de documents de votre ministère. Vous nous avez annoncé une amélioration du nombre d'affaires en stock. Il est pourtant passé de 1 281 000 en 1995 à 1 420 000 en 1999, alors même que le flux d'affaires nouvelles se ralentit ! Vous affirmez que les délais de jugement sont désormais convenables, mais, toujours selon vos documents, ils sont passés, entre 1996 et 1999, de 8,9 à 9,1 mois pour les tribunaux d'instance. Et je ne parle pas des juridictions administratives, devant lesquelles les délais sont depuis longtemps bien supérieurs ! Où est donc l'amélioration ? Pour ce qui est des postes, nous assistons à une véritable course à l'échalote entre le poids croissant de la justice dans notre société et ses moyens. Bien que réel, l'effort consenti est insuffisant : à Paris, 1 000 avocats nouveaux s'inscrivent chaque année au barreau, pour seulement 15 magistrats affectés. Il y a également une distorsion entre le nombre de postes créés et ceux qui sont pourvus. 185 magistrats sortirons de l'ENM en 2001, mais 56 partiront à la retraite.

M. Jean-Luc Warsmann - Absolument !

M. Hervé Morin - Votre collaborateur vous souffle qu'il faut ajouter les collatéraux. Mais, comme ils sont tout au plus une vingtaine, on aboutit à une différence de plus de 150 entre le nombre des postes créés et celui des postes réellement pourvus. Vous devriez nous préciser exactement dans quel tribunal et pour remplir quelle fonction est créé chaque poste.

Enfin, l'accès à la justice reste marqué par de fortes inégalités. L'aide juridictionnelle ne représente qu'1,3 milliard sur les 27 ou 28 milliards du budget de la justice, alors qu'au Canada, son montant est égal à celui du budget de la justice en France ! Face à la complexité du droit, il reste les privilégiés qui peuvent s'offrir un avocat à 2500 F l'heure, et les autres, soit le million de personnes concerné par l'aide juridictionnelle.

Mme la Présidente - Veuillez terminer.

M. Jean-Luc Warsmann - Pourtant, il est très brillant !

M. Hervé Morin - L'indépendance du Parquet n'est pas vraiment le sujet. Les Français ne la souhaitent pas tant que cela. Si vous voulez vraiment l'appliquer, je vous suggère de supprimer les comptes rendus des procureurs généraux à la direction des affaires criminelles et des grâces, et de vous interdire ainsi l'accès aux informations sur les instructions en cours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Georges Hage - Permettez-moi, Madame la Garde des Sceaux, d'apprécier votre arrivée à la tête de l'institution judiciaire. Certains ont regretté que le poste ne soit pas occupé par un juriste de profession, mais ne sont-ce pas les mêmes qui ont refusé la démocratisation du Conseil supérieur de la magistrature ?

Alors que le droit est un élément de maîtrise de la citoyenneté et de défense de l'individu contre l'arbitraire, nos concitoyens sont fondés à réclamer plus d'efficacité et plus de transparence à la justice.

Depuis quatre ans, le Gouvernement a accordé une grande attention aux problèmes de justice. Mais le droit restera longtemps encore un combat. Les retards sont énormes et les besoins, immenses. De la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue jusqu'à l'appel des cours d'assises, des réformes importantes, souhaitées depuis longtemps par toutes les formations de gauche, ont été inscrites dans la loi. Il ne saurait être question de s'en tenir à cet acquis. Le groupe communiste souhaite que les réformes se poursuivent, à un rythme soutenu.

S'agissant des crédits, les députés communistes se félicitent de la continuité de l'effort consenti en faveur du budget de la justice. Toutefois, à moins de 1,7 %, sa part dans les dépenses reste trop modeste.

Nous souhaitons, sans être convaincus que ce sera le cas, qu'il permette de financer l'application de la loi sur la présomption d'innocence, mais aussi les mesures prises pour garantir la justice au quotidien et combattre la délinquance des mineurs. Je ne dis rien de la nécessité d'améliorer les conditions de fonctionnement de nos établissements pénitentiaires et la réinsertion des détenus.

De nombreux professionnels ne croient pas qu'il soit possible d'appliquer dès le 1er janvier 2001 la loi sur la présomption d'innocence. A la cour d'appel de Douai, il manque treize fonctionnaires. Or vous ne créez, pour tout le pays, que 190 postes.

J'appelle tout particulièrement votre attention sur le tribunal de grande instance de Bobigny. Dans une motion en date du 26 octobre dernier, les magistrats du siège et du parquet dénoncent une situation proche de l' « explosion judiciaire ». Ils estiment à 4 000 par an, c'est-à-dire 75 par semaine, le nombre de décisions susceptibles d'entraîner l'intervention d'un juge des libertés ou d'un juge de la détention provisoire.

Comment appliquer la loi dans une juridiction où le travail est déjà si tendu, avec l'accroissement du contentieux judiciaire et le quadruplement en deux ans du contentieux des étrangers ? Sachant qu'on y compte quinze mesures de garde à vue par nuit, on peut s'interroger sur les conditions de travail du procureur de permanence. Il est souhaitable que le Gouvernement fasse connaître son évaluation des besoins humains et matériels, ainsi que l'échéancier de mise en _uvre de la réforme.

Faute de magistrats et de greffiers, malgré les efforts accomplis, nos concitoyens n'auront plus confiance en notre justice.

Vous allez recruter cette année 200 assistants de justice, dont le nombre atteindra 1 250. Ces jeunes, titulaires d'une maîtrise de droit, travaillent à mi-temps, apportant leur concours au travail préparatoire des magistrats. Comment ne pas y voir une aggravation du recours à l'emploi précaire ? Est-il juste de leur refuser l'accès au concours interne de l'Ecole nationale de la magistrature ? Comment leurs années au sein de l'administration judiciaire seront-elles validées ?

Quant aux agents de justice, où en est la pérennisation de ces emplois-jeunes qui devaient faire l'objet d'une évaluation ?

Si le développement des voies alternatives aux procès a amélioré la situation au pénal comme au civil, les délais de jugement demeurent importants. La situation n'est pas meilleure pour les juridictions administratives.

Dans les juridictions prud'homales, la durée moyenne de règlement des affaires passe de 9,7 mois à 10,3, sans parler de l'appel. Faut-il rappeler que les travailleurs rencontrent les pires difficultés quand, dans le délai, leur entreprise a disparu ? le cas est fréquent.

Les plafonds de ressources passent à 5 175 F pour l'aide juridictionnelle totale et à 7 764 F pour l'aide partielle. Cette revalorisation demeure trop faible pour garantir l'égal accès au droit. Une grande partie de la population est exclue du dispositif. Il n'est pas excessif de parler d'une justice à deux vitesses.

Les avocats ont clairement manifesté leur mécontentement. Allez-vous leur accorder la rétribution qu'ils réclament ?

Comme mon ami Gérin l'a souligné dans son rapport, la situation est difficile dans les prisons. Les exigences des gardiens sont conformes aux conclusions de la commission Canivet ainsi qu'à celles de plusieurs rapports parlementaires.

Il faut rompre avec cette logique consistant à construire de nouvelles prisons pour augmenter le nombre de places. L'annonce d'un plan pluriannuel de 10 milliards m'inquiète. Mieux vaut améliorer les conditions de vie des détenus et favoriser les alternatives à la détention.

La peine privative de liberté doit préparer la réinsertion que la société attend pour sa sécurité. La loi pénitentiaire préconisée dans le rapport Canivet devrait nous aider à dépasser la fausse opposition entre sécurité et insertion.

Une vision d'ensemble doit s'imposer s'agissant de la délinquance des mineurs. Je veux toutefois saluer les efforts consentis en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, en vue d'une prise en charge des délinquants dès la première infraction. Les besoins restent tout de même considérables.

Il nous faut travailler, prendre de la peine. Nous devrions profiter de cette législature pour réformer le divorce, la justice commerciale, le droit du travail, la procédure pénale où encore le droit à l'information, qui ne saurait ignorer le secret de l'instruction. Je déplore, à cet égard, que des hommes politiques soient encore livrés à la vindicte publique, au risque de jeter le discrédit sur la politique en général.

Je souhaite aussi la réforme de la détention psychiatrique, plusieurs associations m'ayant alerté sur les risques d'internement arbitraire.

Il faut encore combattre le harcèlement moral dans les entreprises, c'est-à-dire la dégradation délibérée des conditions de travail. Il s'agit d'un délit marxistement défini... (Sourires). Je souhaite que les sept articles de la proposition de loi sur le harcèlement moral, dont je suis le premier signataire trouvent leur place dans le projet de modernisation de la vie sociale.

Les remarques que je viens de faire ne traduisent pas une mauvaise humeur de mon groupe : elles ne font que refléter les préoccupations de nos concitoyens.

Nous voterons ce budget, qui s'inscrit dans une tendance de long terme. Nous souhaitons qu'un second souffle anime le ministère de la justice.

Il me reste à évoquer les questions écrites posées par mon groupe dans le cadre initialement envisagé de la commission élargie. Il vous a été demandé, dans un souci humaniste, d'inscrire à l'ordre du jour une proposition de loi tendant à instituer une journée nationale en faveur d'un moratoire sur les exécutions capitales. Il s'agit d'aboutir à terme à l'abolition de la peine de mort dans le monde, sans d'ailleurs prétendre donner des leçons à quiconque.

Notre deuxième question porte sur la prise en charge des mineurs isolés de plus de 16 ans. Selon les lois en vigueur les mineurs isolés étrangers qui arrivent sur le territoire national sans responsable légal ont les mêmes droits que les autres mineurs. On ne peut donc refuser leur admission sur le territoire national ; leur protection doit être assurée par une prise en charge éducative immédiate.

De nombreuses associations craignent qu'on leur donne la capacité juridique reconnue aux adultes pour pouvoir les maintenir en zone d'attente puis les reconduire dans leur pays d'origine. Considérant qu'il s'agirait d'une atteinte au principe d'égalité, je vous demande de nous assurer que, conformément à la convention internationale des droits de l'enfant, vous ne prendrez pas une telle mesure. J'ai bien reçu la réponse écrite de vos services, mais je n'ai pas eu le temps de l'étudier (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Louis Mermaz - Il faut engager une réflexion sur notre politique judiciaire et pénitentiaire. Je m'en tiendrai à l'aspect pénal.

La République a-t-elle une doctrine en matière pénale et pénitentiaire ou se contente-t-elle d'improviser, au gré des fluctuations d'une opinion tour à tour ultra sécuritaire ou clémente ? Quel sens, quel objectif donner à la peine, pour le condamné et pour la société ?

Les commissions d'enquête de l'Assemblée et du Sénat ont su dépasser les clivages politiques, pour adopter à l'unanimité, deux rapports importants.

En matière d'emplois et d'immobilier, ce budget marque des avancées, même si d'importants progrès restent à réaliser. L'annonce par Elisabeth Guigou -qui a lancé d'importantes réformes- d'un projet de loi pénitentiaire a été confirmée par le Premier ministre, qui a aussi promis de consacrer, dans les six ans qui viennent, 10 milliards à la transformation du parc pénitentiaire. Très bien, à condition qu'il s'agisse d'humaniser et non d'enfermer davantage ! Il va falloir passer rapidement aux actes, tant les retards accumulés sont considérables.

Il y a aujourd'hui, malgré une diminution, beaucoup trop de gens en prison et en détention provisoire. La durée des détentions s'allonge. Les maisons d'arrêt, les centres de détention, les centrales sont souvent dans un état sinistre.

Il y a, pour les peines comme pour les longues peines, de moins en moins de libérations conditionnelles, qui sont pourtant essentielles pour éviter la récidive.

Les conditions de vie des détenus sont souvent déplorables, notamment en raison de la promiscuité. La réinsertion est insuffisante. Les travaux effectués en prison, qui font le bonheur des détenus, échappent totalement au code du travail. La préparation à la sortie est peu assurée. Et que dire de l'hygiène, de la santé, de ceux qui ne peuvent suivre les traitements psychiatriques indispensables, des détenus malades et très âgés ?

Sur tout cela, il y a eu une prise de conscience de l'opinion : le débat est lancé : il ne cessera plus. Ceux qui sont en prison sont, pour l'essentiel, des pauvres, des exclus. Il est temps d'adopter une autre pratique judiciaire !

Nous souhaitons donc que, d'ici à la fin prochaine de la législature, vous vous engagiez vigoureusement, Madame la Garde des Sceaux, sur l'alternative aux poursuites, sur le droit à réparation, sur la protection des victimes et la présomption d'innocence -que l'on dégage plus de moyens mais que, surtout, on ne retarde pas l'entrée en vigueur de cette loi !-, sur l'appel devant les cours d'assises, sur la judiciairisation des peines, sur l'aide juridictionnelle -là aussi, ce sont les pauvres qui sont concernés sur la comparution immédiate- véritable justice d'abattage, qui a fait dire à certains qu'à côté, bénéficier d'une instruction était un bonheur...

Il faut aussi que plus de personnels se consacrent à l'insertion et à la protection. Certes, 112 emplois sont créés, mais il en faudrait beaucoup plus pour que les municipalités s'impliquent.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, il faut davantage d'unités d'éducation renforcée.

En ce qui concerne l'immobilier, la commission des lois a relevé que les crédits de paiement ne suivaient pas toujours à hauteur des autorisations de programme inscrites.

Il faut régler beaucoup plus vite le cas de deux bagnes indignes de la République, celui de Saint-Denis-de-la-Réunion où un problème foncier subsiste, et celui de Basse-Terre.

En inaugurant l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire, à Agen, le Premier ministre a dit à juste titre que les détenus étaient une partie de la société, une partie de nous-mêmes. Ils demeurent des citoyens. Davantage de moyens, c'est bien , mais il faut surtout qu'un autre état d'esprit s'impose, de haut en bas de l'édifice judiciaire et pénitentiaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe UDF).

Mme Christine Boutin - Ce budget est le premier que nous ayons à examiner depuis le rapport de notre commission d'enquête sur les prisons, qui a constaté, notamment, la nécessité d'accorder d'importants moyens aux services pénitentiaires.

De ce point de vue, ce budget semble répondre à nos préoccupations : amélioration de la prise en charge des détenus et des conditions de travail des personnels, limitation des détentions et développement des alternatives à l'incarcération, mise en _uvre de la loi sur la présomption d'innocence, dont il reste à prouver qu'elle permettra réellement une diminution de la détention provisoire et une augmentation du nombre des libérations conditionnelles.

Les syndicats des personnels pénitentiaires ont néanmoins été très critiques à l'égard de ce budget. A ce propos, je salue le dévouement de la très grande majorité de ces personnels dont le travail est, trop souvent, méconnu. Ni les recrutements rendus nécessaires par de nombreux départs à la retraite ni les créations de postes n'apparaissent suffisants pour compenser l'application prévue des 35 heures, pour répondre aux besoins du programme 4000, pour faire face à l'augmentation des tâches des surveillants. Ainsi, si l'on peut se réjouir de la création de 141 emplois de surveillants, ils sont répartis sur 187 établissements dont certains auront un besoin accru en personnel puisqu'ils prévoient d'ouvrir des unités de vie familiale ou d'accueillir des quartiers pour mineurs.

Le programme 4000 va permettre de fermer des sites de détentions vétustes et inadaptés et d'en rénover d'autres, mais il a pour objectif principal de créer 4 000 places supplémentaires. S'il est bien évidemment essentiel de rénover les structures, d'améliorer les conditions générales dans les prisons, de garantir la possibilité de cellules individuelles, il ne faudrait toutefois pas que ce programme aboutisse à un accroissement du nombre de détenus. La création de nouvelles places de prison est une fausse solution et je m'y oppose.

M. François Colcombet - Très bien !

Mme Christine Boutin - Je suis donc favorable au numerus clausus, aux peines alternatives, aux petits établissements.

MM. Jacques Floch et André Gérin, rapporteurs pour avis et M. François Colcombet- Très bien !

Mme Christine Boutin - Même si ce budget est insuffisant, l'annonce que 10 milliards seront consacrés en six ans au plan de rénovation est intéressante. Le projet de loi pénitentiaire nous permettra de marquer notre détermination.

Il devra être l'occasion pour la France de repenser un système pénitentiaire qui a montré ses limites. Cette loi devra permettre de respecter la dignité des prisonniers, d'organiser une politique de réinsertion, d'améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire, de préciser le sens de la peine.

Il restera à améliorer l'information des victimes dans le processus d'application de la peine, car des victimes, on ne parle guère. Il y aura donc, en 2001, un important rendez-vous entre la France et sa justice. Faisons tous en sorte de ne pas le manquer, pour des raisons politiciennes ou partisanes.

Je souhaite aussi vous demander, Madame la ministre, pourquoi l'administration pénitentiaire a été exclue du champ d'application de la loi sur le droit des citoyens et leurs relations avec les administrations en ce qui concerne les mesures administratives d'isolement et de transfert ?

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis - Bonne question !

Mme Christine Boutin - La prison doit, pourtant, être un lieu de respect du droit.

Enfin, nous sommes nombreux à nous inquiéter de l'absence de mesures relatives à l'aide juridictionnelle. Prenons-y garde car cela pourrait conduire à une justice à deux vitesses au détriment des plus pauvres (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Louis Mermaz - Très bien !

M. Bruno Le Roux - Je traiterai d'autres sujets, mais, sur ceux qu'elle vient d'aborder, je n'aurais pas dit autre chose que Mme Boutin. Nous aurions pu faire un duo (Sourires).

M. le Président de la commission - Un Pacs ! (Sourires)

M. Bruno Le Roux - Avec des crédits en hausse de 3,1 %, la priorité donnée à la justice dans la politique du Gouvernement se voit confirmée. Et les quelques critiques ne sauraient faire oublier l'importante augmentation des crédits de la justice dans quatre lois de finances successives.

Cette augmentation traduit une méthode : le Gouvernement conduit par Lionel Jospin s'est engagé à améliorer la condition du pouvoir judiciaire, il le fait ! De grandes réformes sont votées et financées : accès au droit, règlement alternatif des conflits, présomption d'innocence et droits des victimes, développement des peines alternatives à l'emprisonnement. Leur application va de pair avec la nouvelle politique de sécurité.

Pour autant, tout n'est pas gagné : la justice souffrait d'un tel manque de considération de la part du politique que les retards d'équipements se sont accumulés, que les recrutements n'ont pas suivi l'accroissement du rôle du pouvoir judiciaire, que l'on n'a pas su donner aux victimes la place qui leur revient.

L'effort budgétaire entrepris depuis quatre ans devra donc être poursuivi pour garantir l'application de ces réformes et l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien. C'est nécessaire pour tous les justiciables et surtout pour les victimes : la justice est encore difficile d'accès, trop complexe, trop lente, trop chère.

La gauche nouvellement portée au pouvoir avait su, avec Robert Badinter, détecter la nécessité de traiter la victime, particulièrement fragile, avec prudence et générosité, ce qui avait notamment conduit à la prise en charge particulière par les CIVI de l'indemnisation des victimes de masse, en particulier des accidentés de la route et des victimes du terrorisme.

Ces fonds ont ensuite été fusionnés et l'indemnisation étendue aux victimes de délits. C'était un premier pas vers une prise en charge spécifique, mais ce serait ignorer la réalité des souffrances endurées par ces personnes que de se borner à une compensation financière. Il faut une politique volontariste et globale. Notre majorité l'a compris et, le 19 avril 1999, le conseil de sécurité intérieure a annoncé un plan d'envergure. Où en est ce plan ? Il devait en particulier se traduire par un soutien sans faille au réseau associatif qui _uvre sans relâche auprès des victimes, le réseau INAVEM pour lequel votre prédécesseur a annoncé l'an dernier 15 millions de crédits sur trois ans. Je me réjouis que ce budget comporte bien les 5 millions ainsi prévus. Cependant comment les distribuerez-vous, sachant que ces associations ne sont pas parvenues à une totale unité d'action sur le territoire ? Quid, d'autre part, du numéro vert, également annoncé par le conseil de sécurité intérieure ?

Enfin, la loi relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes organisait, dans une série de dispositions sans précédent, la réparation du préjudice subi par les victimes d'infractions pénales, l'assistance concrète et immédiate, le développement de l'accès au droit et de l'accompagnement médical, psychologique et social. Ces mesures ont un coût et la lecture du budget ne permet pas d'emblée d'identifier si une part des crédits consacrés aux frais de justice est réservée aux enquêtes sociales près des victimes partie civile. Qu'en est-il ?

De façon certainement inattendue, j'ai consacré l'essentiel de mon propos à ceux que nos débats budgétaires négligent trop souvent mais j'ai estimé que ce point était un aspect important de votre politique, d'ailleurs largement pris en compte par le Gouvernement, et qu'il importait de répondre dans ce domaine aussi aux attentes de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emile Blessig - En dépit de l'accroissement des crédits, que de critiques, Madame la Garde des Sceaux ! J'y vois la démonstration de la difficulté qui vous attend pour améliorer la justice au quotidien, après tous les retards accumulés. Mais peut-être cette difficulté tient-elle aussi à une définition insuffisante des priorités, qui a conduit à saupoudrer les crédits en privilégiant les créations de postes. Or la justice au quotidien exige bien d'autres mesures, notamment une réforme de la carte judiciaire et une réflexion sur les moyens d'alléger, de simplifier, voire d'externaliser les tâches des juridictions.

Il faut aussi améliorer l'accès au droit. L'aide juridictionnelle ne doit plus se résumer à la rémunération des auxiliaires de justice, nous devons raisonner en termes de coût de dossier et revoir des rémunérations aujourd'hui incompatibles avec un bon fonctionnement de notre justice et de notre démocratie.

Il convient, d'autre part, de mettre effectivement en _uvre les nouvelles réformes. Ce budget n'y suffira pas avec ses 307 nouveaux postes de magistrats et vous le reconnaissez d'ailleurs vous-même en parlant pour 2001 de période « un peu difficile » : la justice au quotidien risque bien de pâtir des effets de la réforme des tribunaux de commerce, de la juridictionnalisation de l'application des peines et de l'institution d'un appel pour les cours d'assises, alors que les deux choses sont également importante. A quoi bon, en effet, des réformes si la justice de tous les jours continue d'aller mal ?

S'agissant de l'administration pénitentiaire, je me réjouis de la prise de conscience collective à laquelle nous avons assisté cette année, mais j'insiste sur la nécessité absolue de renforcer les services de prévention, d'insertion et de probation. Actuellement, avec 180 000 détenus et personnes sous main de justice, un agent de probation ne peut consacrer que 12 heures par an à chacun : tant qu'il en sera ainsi, les tribunaux hésiteront à prononcer des peines alternatives à la détention.

Justice au quotidien et réformes ne sauraient être dissociées. Or vous ne nous avez pas donné une idée claire de vos priorités et nous craignons donc que le saupoudrage persiste : ce serait regrettable pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Colcombet - Beaucoup a été dit, et excellemment, à propos des prisons. En particulier, je m'associe au propos de M. Tourret pour souhaiter une plus forte participation des citoyens à l'_uvre de justice : pour dire les choses encore plus clairement, je suis partisan de l'échevinage généralisé. Ce serait une façon élégante de régler les problèmes d'effectifs.

Cependant, en attendant cette réforme encore très hypothétique, essayons d'améliorer le fonctionnement de ce qui existe ! Or, contrairement à ce qu'on vous a dit, Madame la garde des Sceaux, vous allez découvrir qu'on travaille beaucoup moins dans les parquets généraux que dans les cours d'appel : point de gardes à vue à contrôler, point de règlements -et donc beaucoup plus de temps à consacrer à sa carrière ou aux commentaires sur le travail des autres ! Et ne parlons pas de la Cour de cassation : entre conseillers et parquet, c'est le jour et la nuit ! Je suggère donc de remplacer ces postes au parquet général par des postes de président de chambre et de conseiller : très vite, le traitement des contentieux en serait accéléré !

Votre prédécesseur a profité de ce que nous avons fait à propos des tribunaux de commerce pour s'atteler à la réforme de la carte judiciaire. Le moment me semble aujourd'hui venu de rattacher ces tribunaux aux TGI, quitte à laisser les greffes en place dans une période transitoire. Et j'espère que certains, à droite, échoueront dans leur combat de retardement contre cette réforme des tribunaux de commerce...

On néglige trop l'importance de l'effort à consentir pour les greffes, qui sont la mémoire des juridictions et se trouvent en contact direct avec le justiciable. Les réformes en cours vont reposer en grande partie sur eux : ne les oublions pas !

Je conclurai en évoquant une affaire qui me tient à c_ur : cet été, un organisme de contrôle a découvert qu'un négociant vendait des aliments pour bovins contenant des farines prohibées. Que croyez-vous qu'il arriva ? Le parquet se contenta de demander une enquête banale et le tribunal vient de prononcer la relaxe pour erreur de procédure, sans qu'il y ait appel ! Il aurait fallu demander une information, une commission rogatoire, purger les éventuelles nullités avant l'audience, dans une affaire de cette importance. Les procureurs semblent devoir être éclairés. Je vous suggère de leur adresser une circulaire ferme et détaillée et d'organiser à leur intention une session de formation. Les mesures seront bien accueillies par les citoyens, qui attendent de la justice qu'elle ne passe pas à côté de ce qui les intéresse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Pour ce premier budget, vous avez fait montre d'une ouverture d'esprit, d'un sérieux et d'une volonté de dialogue que la commission ne peut que saluer après le débat de trois heures qui nous a réunis. Je tiens aussi à relever la qualité des rapports et des interventions sur les crédits de ce ministère régalien.

Tout le monde en convient, une justice moderne suppose des moyens. Peu d'efforts avaient été faits en ce sens avant l'actuel gouvernement.

Le budget pour 2001 est certainement le meilleur depuis quatre ans. Les priorités qu'il a dégagées correspondent aux attentes et permettront d'améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien.

Je voudrais dire à MM. Houillon et Warsmann, bien qu'ils ne soient plus là, que si nous avons un retard à rattraper, c'est aussi le leur. Depuis 1997, nous avons fait plus pour la justice que depuis vingt ans. Je n'aurai pas la cruauté de faire la comparaison entre les différents gouvernements : nous avons fait trop peu, mais vous avez fait moins. Aujourd'hui que nous pouvons faire beaucoup, nous devons tous nous en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je voudrais d'abord insister sur l'aide juridictionnelle. Nombre d'entre nous ont souligné les difficultés financières des avocats. Mais gardons-nous de toute caricature. La situation est contrastée. Surtout, le problème ne peut être envisagé sous le seul angle de la rémunération des avocats. L'aide juridictionnelle est un formidable outil d'égalité devant la justice. La seule question pertinente concerne les moyens d'assurer un accès le plus simple, large et rapide possible à la justice. Même si ce n'est pas beaucoup, la proposition de relever les plafonds de ressources pour l'admission à l'aide juridictionnelle est la première avancée enregistrée depuis dix ans. Certes, les moyens demeurent insuffisants. Mais ils ne peuvent de toutes façons suffire à garantir une défense convenable et égale pour tous. L'aide juridictionnelle a besoin d'avocats correctement payés, mais aussi attentifs, et de délais raisonnables. Une justice au rabais est insupportable en démocratie. Elle alimente les frustrations quotidiennes et le rejet des institutions que l'on constate dans certains quartiers.

Vous avez, Madame la ministre, annoncé une réflexion sur une réforme globale de l'aide juridictionnelle. Il faudra prendre en compte trois types d'inégalités. D'abord, les inégalités régionales. Dans certains ressorts de juridictions, plus de 50 % des procédures relèvent de l'aide juridictionnelle, et moins de 10 % dans d'autres. Faut-il traiter ces régions de la même façon ? La classification en dix catégories, qui date de 10 ans, est-elle toujours valable ?

Deuxième inégalité : entre les tribunaux. On s'interroge sur le coût horaire des prestations des avocats qui relèvent de l'aide juridictionnelle. Mais le nombre d'affaires de même type peut varier du simple au triple selon les tribunaux ! L'avocat passe parfois plus de temps à attendre avant de plaider qu'à travailler pour son client.

Troisième inégalité : entre les avocats. De nombreux s'appauvrissent parce que les indemnités sont trop faibles. Mais certains, faute de clientèle personnelle, sollicitent des désignations. Certains cabinets calculent qu'embaucher un avocat à 10 000 F par mois qui ne s'occupe que de ces affaires permet de dégager un bénéfice. On pourrait aussi endiguer des procédures inutiles et gratuites pour ceux qui les diligentent : quand les caisses d'allocations familiales contraignent les allocataires à engager des procédures, forcément prises en compte par l'aide juridictionnelle, uniquement pour obtenir un jugement rejetant une demande de pension alimentaire pour pouvoir verser certaines prestations, c'est le contribuable qui finance. L'ensemble de ces questions doit être pris en compte.

Je terminerai avec la situation de nos prisons. Je crois que nous serons tous fiers, dans cette assemblée, d'avoir pris l'initiative d'un rapport parlementaire qui a dénoncé une situation indigne des valeurs républicaines. La commission, son président M. Mermaz et son rapporteur M. Floch ont accompli un formidable travail. Le Premier ministre a annoncé un plan de 10 milliards. Cela pourra permettre d'avoir des murs corrects. Mais cela ne suffit pas pour bâtir un appareil digne de la République. Il nous faut une loi pénitentiaire qui s'inspire des démocraties qui ont fait mieux que nous dans ce domaine. Toutefois, votre décision de créer un établissement public pour mettre en _uvre le plan annoncé est une avancée décisive... (Mme Christine Boutin approuve) à la condition qu'il ne reproduise pas les tares de l'administration centrale dans la mise en _uvre des grands programmes d'investissements. Lorsque nous votons de gros crédits d'investissement et que l'administration centrale doit tout faire, que se passe-t-il ? Elle doit d'abord faire des études de programmation et donc, généralement, recruter les spécialistes adéquats. Cela prend un an. Puis six mois pour les esquisses, et un an pour l'avant-projet sommaire. Encore un an pour les appels d'offres, forcément européens puisqu'il s'agit de gros investissements. Enfin six mois pour l'ordre de service. Quatre ans se sont écoulés depuis la décision du législateur et la première pierre n'a toujours pas été posée. Ce problème nous concerne tous, sur tous les bancs. Il a existé dans les collectivité territoriales et nous avons su le régler. Des outils existent au niveau national comme au niveau local. Nous devons nous en servir de façon efficace pour être dignes de ceux au nom desquels nous votons ce budget de la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme la Présidente - A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.

La séance, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 11 heures 45.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Je voudrais d'abord vous présenter l'ensemble du budget avant de répondre plus précisément aux orateurs.

Je remercie les membres de votre commission des lois, et particulièrement ses rapporteurs et son président. Les échanges nourris qui ont eu lieu ont montré une identité de vues entre la majorité et l'opposition sur des sujets d'intérêt national. Je remercie également M. Devedjian, rapporteur spécial de votre commission des finances, dont le ton n'a sans doute surpris personne.

N'ayant pas préparé ce budget moi-même, je suis d'autant plus à l'aise pour dire qu'il s'agit du meilleur depuis quatre ans, qu'il s'agisse du nombre de postes créés ou du montant des crédits. Sur quatre budgets, les effectifs du ministère auront ainsi augmenté de près de 4 500 postes, et ses crédits de 17,8 %, ce qui est loin d'être négligeable.

Dans les services judiciaires, 525 emplois seront créés, dont 307 emplois de magistrats et 218 emplois de fonctionnaires. En quatre ans, le Gouvernement aura créé 729 postes, soit autant de créations qu'il y en a eu de 1981 à 1997.

Je sais que la mise en _uvre de la loi sur la présomption d'innocence suscite des inquiétudes diffuses, souvent fondées sur des chiffres approximatifs. Je tiens donc à souligner que 237 postes de juges des libertés et 108 postes de greffiers seront affectés à l'application de cette loi, qui s'ajoutent à ceux prévus, par anticipation, aux budgets pour 1999 et pour 2000. De 1999 à 2001, 345 postes de magistrats et 243 postes de greffiers auront donc été prévus pour cette réforme. Quant aux crédits supplémentaires, ils s'élèveront à 350 millions. Je ne crois pas qu'autant de moyens aient été dégagés en faveur de réformes passées, et les surenchères me semblent donc particulièrement mal venues.

D'autre part, je m'inscris en faux contre l'argument selon lequel trois années seraient nécessaires avant que les nouveaux postes puissent être pourvus. L'effectif des promotions dépend du budget, chacun le sait. Or, l'accélération des recrutements depuis 1998 est réelle : les promotions de l'école nationale de la magistrature sont passées de 140 à 185 auditeurs et, en outre, deux concours supplémentaires ont été organisés, pour cent postes à chaque fois, en 1999 et en 2000. Les nouveaux magistrats ainsi formés sont déjà à l'_uvre. Si l'on tient compte de la faiblesse des départs en retraite au cours des années considérées, on comprendra pourquoi, du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, le nombre des magistrats a augmenté de 500, ce qui nous a aussi permis de pourvoir les postes laissés vacants par nos prédécesseurs. Nous nous attendons, en revanche, à un pic de départs en retraite en 2007 et 2008. En 2001, 200 magistrats supplémentaires arriveront dans les juridictions, pour 50 départs à la retraite seulement.

Ces chiffres montrent que les moyens nécessaires à l'application de la réforme seront disponibles dès 2001, même si certaines innovations apportées par amendement à la loi du 15 juin 2000 ne pouvaient être anticipées. Cependant, l'année 2001 -et plus particulièrement le premier semestre- sera une période de réorganisation et d'adaptation, notamment dans les juridictions qui ont des centres de détention importants. Nous ne méconnaissons pas ces difficultés, qui doivent toutefois être ramenées à de justes proportions. Des réunions de suivi seront organisées, et la vigilance du ministère sera entière.

M. Jean-Luc Warsmann - Vous ne disposez que de 180 postes sur les 300 qui sont nécessaires.

Mme la Garde des Sceaux - Le fléchage des postes nous permettra d'affiner les affectations.

J'insiste encore sur l'effort budgétaire consenti en faveur de l'école nationale de la magistrature, dont les crédits auront augmenté de 40 % en 4 ans.

En 2001, la promotion sera de 190 auditeurs, contre 140 en 1997. Il s'agit de préparer l'avenir et, à cet égard, la gestion prévisionnelle des ressources humaines est évidemment essentielle pour la justice.

La réforme des carrières des magistrats reçoit une nouvelle provision de 40 millions. En année pleine, la réforme mobilisera 170 millions.

Cette revalorisation servira à aligner les carrières des magistrats judiciaires sur celles des magistrats administratifs et financiers, et à accélérer des avancements, bloqués pour toute une génération de juges.

D'une manière générale, il faut donner un plus fort attrait au corps judiciaire, pour favoriser le recrutement des meilleurs cadres, d'autant que, je l'ai dit, des départs à la retraite massifs auront lieu en 2007-2008. Il faut donc dès à présent, essayer d'attirer les meilleurs bacheliers vers la magistrature.

Les créations d'emplois à l'administration pénitentiaire sont très importantes : avec 530 emplois, c'est la direction qui en reçoit le plus, et bien davantage que les années précédentes, notamment pour les emplois supplémentaires de surveillants, fixés à 330. Tous participent à l'amélioration des conditions de travail dans les prisons et à l'allégement des tâches des surveillants.

Je présenterai d'autre part un amendement du Gouvernement destiné à augmenter de 58 millions les crédits indemnitaires, cette somme correspondant au financement du protocole d'accord signé avec les organisations syndicales le 18 octobre.

L'école nationale de l'administration pénitentiaire bénéficie, en 2001, de la création de 15 emplois et d'une progression de son budget de 30,8 millions. En deux ans, ses effectifs auront ainsi été augmentés de 20 % et ses crédits de 63 %.

Le Premier ministre a inauguré mercredi dernier, à Agen, les nouveaux locaux de l'école, qui sera transformée en établissement public administratif à partir du 1er janvier 2001. Elle pourra, dans les meilleures conditions, faire face aux recrutements massifs engagés depuis deux ans et qui se maintiendront à un niveau élevé pour répondre aux départs à la retraite.

Le Premier ministre a également annoncé le lancement d'un plan de rénovation pénitentiaire pour répondre, d'une part, aux critiques des rapports parlementaires sur l'état du parc immobilier et, d'autre part, aux exigences de la loi du 15 juin 2000 sur l'encellulement individuel. Au lieu de décider, chaque année, de lancer telle ou telle rénovation en fonction des crédits disponibles, ce plan permettra une démarche d'ensemble.

Je sais, et plusieurs députés y ont insisté en commission des lois, que l'état du parc immobilier n'est qu'une partie du problème pénitentiaire. Sa rénovation est cependant une condition indispensable de la réussite d'une réforme de la vie en détention. Des douches, des sanitaires, des espaces de travail, des parloirs dignes, tout cela est indispensable. On ne pourra sérieusement parler de réinsertion des détenus aussi longtemps que leurs conditions de vie en prison aggraveront leur désocialisation.

C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité créer un EPA, structure permettant de regrouper les efforts et les moyens visant à la poursuite de l'objectif fixé. Un comité d'orientation sera constitué, et il serait bon que certains au moins des parlementaires qui ont fait partie des commissions d'enquête y participent, et qu'ils participent, aussi, au groupe de suivi.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme la Garde des Sceaux - Mais ce plan d'ensemble ne doit pas faire oublier que le projet qui vous est soumis était déjà très favorable aux investissements avec des autorisations de programme en hausse de 37,5 %, dont l'essentiel est consacré à la rénovation des grandes maisons d'arrêt.

Vous avez aussi rappelé l'importance de la PJJ. La lutte contre la délinquance des mineurs est une priorité pour le Gouvernement, comme le confirment l'ouverture de 380 postes en 2001, comme en 2000, contre 150 en 1999 et 100 en 1998, et la hausse de 8,5 % de crédits du secteur public et de 10,3 % de ceux du secteur associatif habilité. 47 centres éducatifs renforcés fonctionneront avant la fin de l'année, l'objectif de 100 devant être atteint fin 2001. Quant aux mesures de réparation ordonnées par un juge, elles devraient passer de 7 500 en 1998 à environ 12 000 cette année, soit une progression de 72 % depuis 1997, au service de laquelle nous mettrons encore des moyens. En ce qui concerne les frais de justice, je salue les efforts de gestion déployés par le ministère : les mesures nouvelles sont entièrement financées sur des économies. Le total du chapitre, qui s'établit à 1,8 milliard, est en légère baisse, ce qui représente une inversion de la tendance constatée depuis des années.

Ces économies ne sont pas des promesses en l'air, elles ressortent des résultats de 1999. Les juridictions, grâce aux contrats de gestion mis en place en 1998, ont en effet économisé 150 millions sur les crédits inscrits au budget 1999.

J'ai par ailleurs engagé des discussions avec les barreaux pour examiner la remise à plat de l'aide juridictionnelle. J'ai rencontré leurs représentants institutionnels et je me suis rendue au congrès du syndicat des avocats de France, vendredi dernier. Comme je l'ai déjà annoncé, je suis favorable à une remise à plat totale du système et vais demander à un groupe de réflexion de haut niveau de me faire des propositions avant l'été 2001, afin de soumettre au Parlement cette ambitieuse réforme pour la préparation de laquelle votre aide me sera précieuse.

Je recevrai également les organisations professionnelles à la Chancellerie, afin d'examiner des propositions concernant des mesures d'urgence.

Dans le budget 2001, la priorité va à la revalorisation des seuils, afin de combattre l'érosion des admissions constatée depuis deux ans. Ils seront ainsi portés, grâce à une hausse de 4,2 % -la première depuis la loi réformant l'aide juridictionnelle de 1991- au 1er janvier 2001 à 5 175 F par mois pour l'aide juridictionnelle totale et 7 764 F par mois pour l'aide juridictionnelle partielle, le supplément pour charge de famille passant de 656 à 588 F par enfant. Environ 50 000 foyers sont potentiellement concernés par cette mesure, et une augmentation d'environ 15 000 des dossiers admis à l'aide juridictionnelle est attendue en 2001.

Vous avez appelé mon attention sur plusieurs points. Les réponses aux questions écrites seront publiées un peu plus tard, et je compte sur M. Hage pour y veiller.

Sur l'aide juridictionnelle, que vous avez comparée, Monsieur Devedjian, au système britannique, je voudrais préciser qu'une réforme est à l'étude en Grande-Bretagne en raison de la dérive du système, qui ne repose sur aucune condition de ressources. En France, il n'est évidemment pas question de supprimer le caractère social de l'aide juridictionnelle. Parmi les systèmes comparables au nôtre que l'on trouve en Allemagne, en Italie ou aux Pays-Bas, seul celui des Pays-Bas est meilleur et mérite de nous inspirer.

Sur l'exécution de plein droit des jugements dès la première instance, susceptible de contrevenir au principe du double degré de juridiction, j'ai mis en place un groupe de travail présidé par M. Guy Canivet.

Sur le tribunal de grande instance de Paris, Monsieur Devedjian, Elisabeth Guigou a obtenu un arbitrage en faveur d'un projet de plus de 2 milliards. Un marché a été passé pour étudier les propositions sur le foncier, 100 000 mètres carrés étant nécessaires. Ces résultats seront connus avant le début de l'année.

M. Houillon a, d'autre part, évoqué la mise en cause des procureurs généraux près la Cour de cassation et près la Cour d'appel de Paris. Je précise qu'ils n'ont pas engagé de procédure judiciaire, et ne m'ont pas non plus sollicitée pour le faire. Je les recevrai comme il se doit et souhaite, d'une façon générale, que les magistrats puissent exercer leurs fonctions dans la sérénité. De telles mises en cause pourraient précisément être évitées par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature souhaitée par le Gouvernement.

M. Jean-Luc Warsmann - Commencez par supprimer les dossiers signalés !

Mme la Garde des Sceaux - Il est bien dommage que l'opposition ait empêché cette réforme d'aboutir.

L'évaluation des juridictions et la qualité de la justice me tiennent particulièrement à c_ur. Mais le travail d'évaluation doit tenir compte de l'environnement sociologique et économique, ou du nombre d'avocats inscrits au barreau, qui influent sur le fonctionnement des juridictions.

Quant au délai moyen de jugement des cours d'appel, il n'a cessé de se réduire.

M. Jean-Luc Warsmann - Mais c'est faux !

Mme la Garde des Sceaux - De 18,6 mois en 1997, il est passé à 18,1 en 1998 et à 17,6 en 1999, car il y a eu un important déstockage des affaires. A cet égard, la présentation qui a été faite des chiffres était incomplète.

M. Jean-Luc Warsmann - Ceux que vous venez de citer sont théoriques !

Mme la Garde des Sceaux - Un dossier complet sera transmis à M. Morin.

M. Jean-Luc Warsmann - Il n'y a pas de déstockage, c'est un mensonge !

Mme la Garde des Sceaux - Le mot est malvenu ! Les délais moyens des autres tribunaux sont convenables et stables depuis dix ans, sauf pour une vingtaine de tribunaux où nous devons agir. Quant aux prud'hommes, 70 % des actions en appel sont intentées par les entrepreneurs... (M. Jean-Luc Warsmann s'exclame)

Mme la Présidente - Laissez répondre Mme la ministre.

Mme la Garde des Sceaux - La plupart des affaires sont traitées en six mois par les juges aux affaires familiales, et il n'est fait appel que dans les dossiers les plus délicats.

Je voudrais, enfin, apporter une précision sur les démissions de juges consulaires : elles ont été au nombre de 671. Sur les 26 tribunaux où des élections complémentaires ont eu lieu, seuls 15 n'ont pas repris leur activité.La Chancellerie a procédé aux nominations rendues nécessaires...

M. François Colcombet - ....par ces abandons de poste.

Mme la Garde des Sceaux - Je n'ai pas dit cela.

M. Houillon a tenu des propos violents. Je lui rappelle toutefois qu'entre 1993 et 1997, le budget de la justice a stagné à 1,5 % des dépenses. C'est seulement depuis 1998 que sa part augmente.

M. Philippe Houillon - Encore l'héritage !

Mme la Garde des Sceaux - Cette stagnation n'a pas été sans conséquences sur les délais de jugement.

De 1993 à 1997, ceux des cours d'appel sont passés de 13 à 17 mois. Nous nous efforçons quant à nous d'améliorer la situation.

Mme Feidt a rappelé, avec des mots très forts, la situation de nos prisons. Je veux l'assurer que le dossier de Nancy est prioritaire. Cet après-midi, au cours du conseil de sécurité intérieure, nous allons étudier les moyens de mettre en cohérence les dispositifs qui relèvent de l'Etat et ceux qui dépendant des départements. Je vous communiquerai le relevé de décisions. Nous avons beaucoup de progrès à faire.

M. Morin estime que l'augmentation du nombre des avocats au barreau de Paris risque d'amener davantage de personnes à ester en justice. Je ne le crois pas. Les avocats ne font pas que plaider : ils assurent des travaux de conseil et interviennent dans les transactions. S'agissant de l'aide juridictionnelle, je ne peux vous laisser dire que les décisions rendues par les tribunaux dépendent de la qualité du dossier. On ne peut laisser entendre que les magistrats se bornent à suivre les conclusions des avocats !

M. Hervé Morin - Je n'ai pas dit cela.

Mme la Garde des Sceaux - Monsieur Hage, vous avez raison quant aux effectifs. Toutefois, je ne peux vous suivre à propos des auditeurs de justice. Ce sont des collaborateurs d'un excellent niveau, mais ce sont des étudiants.

Notre programme pluriannuel pour les prisons ne vise nullement à augmenter le nombre des places. Au contraire, il doit s'accompagner d'une réduction de 10 à 15 % du nombre des détenus, afin d'améliorer la qualité de la détention : je pense aux salles de formation, aux salles de travail, à l'accueil des familles ou aux espaces santé. Les mètres carrés supplémentaires ne doivent pas tous être consacrés à l'internement. C'est dans cet esprit que nous réaliserons ce programme de 10 milliards.

En revanche, je ne suis pas favorable à l'institution d'un numerus clausus qui me paraît dangereuse.

Ce projet de loi pénitentiaire sera présenté en juillet 2001 en Conseil des ministres. Nous pourrons l'examiner au Parlement à l'automne. Compte tenu du calendrier parlementaire, il n'est pas possible d'aller plus vite.

Au plan international, la France est très active pour obtenir l'abolition de la peine de mort, même si beaucoup de pays résistent. J'étudierai vos propositions, puisque nous avons plusieurs réunions internationales à préparer.

J'ai apprécié les propos humanistes de M. Mermaz. La comparution immédiate est une bonne idée, mais il faut voir comment elle est utilisée. Une mission doit être chargée d'étudier les pratiques et de nous dire si le système doit évoluer. Quant aux établissements de Saint-Denis de la Réunion et de Basse-Terre, nous nous efforçons de les améliorer.

Je me réjouis que Mme Boutin ait salué les fonctionnaires pénitentiaires, qui ont besoin d'être soutenus. Trop souvent, dans la presse ou dans l'opinion, l'état des murs rejaillit sur leur profession. Je m'associe donc à tous ceux qui, sur tous ces bancs, ont tenu à les saluer.

Encore une fois, Madame Boutin, nous ne cherchons pas à augmenter le nombre des places. Ce que nous voulons, c'est améliorer la qualité et développer les alternatives à l'incarcération, si bien que l'établissement pénitentiaire puisse être le lieu de travail ou de formation de quelqu'un qui vit en dehors.

Vous avez appelé mon attention sur le cas des détenus qui passent en conseil de discipline. La position du Conseil d'Etat va être suivie : le détenu pourra se faire représenter par un mandataire ou un avocat. En revanche, pour des raisons de sécurité, il ne pourra y avoir de débat public pour les transfèrements.

Je veux rassurer M. Le Roux sur le financement de la réforme des droits des victimes. Cinq millions sont prévus pour chacune des années 2000, 2001 et 2002. Le numéro national va être mis en place. L'INAVEM cherche de nouveaux locaux. Les crédits prévus pour le numéro national seront engagés dès que tout sera en place.

Je remercie M. Blessig d'avoir reconnu que nous nous efforçons de résorber les retards accumulés. Il m'a parlé des priorités que nous retenons. Quant à moi, je n'en ai qu'une : la justice.

M. Colcombet a évoqué la situation des greffes. Je rappelle que 595 postes ont été créés en quatre ans. Sans aller aussi loin qu'il l'aurait souhaité, nous avons un vaste programme d'intégration dans le corps des greffes des adjoints d'administration. Notre objectif est d'intégrer tous les adjoints qui font fonction de greffier.

Quant aux problèmes de sécurité alimentaire, je les ai rencontrés dans mes précédentes fonctions. Nous avions obtenu de Mme Guigou qu'elle demande aux parquets de ne pas classer sans suite les plaintes touchant à ces questions. Il y a une quinzaine de procédures en cours. Je prépare une circulaire générale rappelant les principales dispositions en vigueur : si tout ce qui peut être appliqué l'était réellement, la situation s'améliorerait. Nous ne faiblirons pas pour ce qui est des enquêtes préliminaires. Des plaintes de plus en plus nombreuses vont être déposées. En outre, nous ne pouvons pas admettre qu'on se contente de poursuivre pour délit d'importation illégale des personnes qui se sont rendues coupables d'empoisonnement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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QUESTIONS

M. Jacques Masdeu-Arus - Ma question portait sur l'insuffisance des crédits alloués à l'administration pénitentiaire. Si j'emploie l'imparfait, c'est parce que le Premier ministre a attendu l'inauguration de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire pour rendre public un programme de 10 milliards sur six ans, dont un milliard dès 2001. Je n'en conteste pas le bien-fondé, mais je m'étonne qu'une décision de cette importance soit annoncée cinq jours avant la discussion du budget de la justice. Quelle considération pour les parlementaires !

C'est d'autant plus regrettable que nous sommes ici plusieurs à avoir participé aux travaux de la commission d'enquête sur les prisons, dont les conclusions sont accablantes.

J'ai moi-même appelé l'attention de la chancellerie sur l'insuffisance des crédits, dans une lettre à laquelle j'attends toujours une réponse.

Depuis quelques mois, les témoignages se multiplient sur la détérioration du milieu carcéral. Laurent Fabius, devenu depuis ministre des finances, avait lui-même déploré la faiblesse des moyens accordés à l'administration pénitentiaire.

Pour agir, n'avez-vous pas attendu que les gardiens lancent un mouvement de protestation dont les conséquences auraient pu se révéler dramatiques ? J'en sais quelque chose, en tant que maire de Poissy.

Pourquoi avoir présenté le nouveau plan quelques jours seulement avant le débat budgétaire ? Est-ce le changement de ministre qui a emporté l'adhésion du Premier ministre ? Comment expliquer une si soudaine prise de conscience de l'inadaptation du budget initial à la gravité de la situation dans les établissements ? Comment comptez-vous financer un plan de 10 milliards en six ans ? Sur tous ces points, la représentation nationale a droit à des éclaircissements.

Mme la Garde des Sceaux - Les arbitrages budgétaires ont été rendus en juin, juste avant le dépôt du rapport parlementaire et le vote de la loi sur l'encellulement individuel. C'est à partir de ces nouvelles données que Mme Guigou puis moi-même avons ouvert un nouvel arbitrage sur ce plan global. Pour ma part, je me réjouis que le Premier ministre ait tranché avant l'ouverture du débat budgétaire et, en effet, deux jours avant l'inauguration de l'ENAP à Agen.

M. Jacques Masdeu-Arus - Ça tombait bien...

Mme la Garde des Sceaux - Cet arbitrage a tenu compte de l'encellulement individuel, du nombre de détenus et des alternatives à l'incarcération. Tout cela demandait un travail assez fin, afin de tenir compte des excellents rapports parlementaires.

M. Alain Cousin - L'espoir qu'ont suscité les commissions d'enquête de l'Assemblée et du Sénat ne peut être déçu. Aussi je veux croire que les mesures annoncées pour l'immobilier pénitentiaire ne concerneront pas uniquement les rénovations. Car, pour indispensables qu'elles soient, il est impératif de construire de nouveaux établissements pour remplacer les plus vieux et les plus sordides. Il faudra, pour ces nouveaux établissements, imaginer de nouveaux concepts. A cet égard, le voyage que nous avons fait au Canada, sous la conduite de Jacques Floch, a été très instructif. Je suis l'élu d'un département qui compte deux très vieilles maisons d'arrêt, celle de Cherbourg et celle de Coutances, construite en 1821. Membre depuis quinze ans de la commission de surveillance, je puis témoigner de l'excellent travail accompli par le personnel, dans des conditions pourtant inacceptables. Comment donner un sens à la peine de détenus qui sont 8 ou 10 dans une seule cellule ? Comment conduire dans un tel lieu une réelle démarche d'insertion ? Mesure-t-on le chemin qui reste à parcourir pour arriver à un détenu par cellule ?

La ville de Coutances a travaillé en étroite relation avec le ministère autour du projet d'un centre de semi-liberté. J'ai écrit à votre prédécesseur le 24 juin 1997 pour connaître l'avenir de la maison d'arrêt de Coutances ; je n'ai pas eu la moindre réponse. Pour le centre de semi-liberté, c'est non ! Vous annoncez que les choses vont changer, cela tombe bien...

Dans le cadre de la commission d'enquête, j'ai visité Nice, Toulon, Avignon. Un surveillant m'a dit : « Ce sont les poubelles de la société ». On va donc construire de nouveaux établissements. Mais Cherbourg et Coutances sont, hélas, dans le même état !

Parler des droits de l'homme, c'est bien, s'en occuper, c'est mieux ! Je vous en donne l'occasion en vous proposant d'engager sans attendre une réflexion en vue de la construction, très vite, d'un nouvel établissement à vocation régionale à Coutances. C'est devenu d'autant plus indispensable que nous devons désormais faire face à la juridiction d'appel des assises. Quid aussi de la semi-liberté, très attendue dans le chef-lieu judiciaire de la Manche ?

M. Jean-Luc Warsmann - Très bien !

Mme la Garde des Sceaux - Il est vrai que mieux vaut construire de nouveaux établissements qu'en rénover de très vétustes. C'est ce que prévoit l'administration quand le coût de la réhabilitation dépasse 70 % de celui du neuf. Nous nous orientons donc vers l'abandon d'établissements datant du siècle précédent. Nous verrons par ailleurs quoi faire des bâtiments parfois classés.

Je n'ai pas connaissance de la demande de centre de semi-liberté à Coutances. J'examinerai le dossier.

Avec ce programme, nous entendons, avec l'établissement public, aller vite dans l'établissement du diagnostic afin de dégager rapidement des priorités. Nous serons attentifs aux demandes de semi-liberté plutôt qu'à l'encellulement individuel.

Il faudra aussi que l'établissement public recherche une certaine déconcentration régionale. Les règles du jeu seront précisées dans le décret relatif à l'établissement public, afin notamment de dégager une géographie de l'administration pénitentiaire entre maisons d'arrêt, centres de détention, centres de semi-liberté, alternatives, expériences pilotes.

M. Hervé Morin - M. Yves Bur, obligé de quitter l'hémicycle, m'a chargé de vous poser sa question, relative au problème de la délinquance des jeunes à Strasbourg.

Au cours des neuf premiers mois de 2000, cette délinquance a augmenté de 14 % dans cette agglomération. La prise en charge des jeunes mineurs est donc un enjeu important de la lutte contre la petite délinquance, en particulier celle qui intervient sur la voie publique. Cette prise en charge par la justice est d'autant plus importante qu'elle donne un sens à l'action courageuse menée par la police et par les élus locaux. L'absence de suivi démotive les forces de l'ordre et renforce le sentiment d'impunité des délinquants.

M. Bur salue les efforts engagés par votre ministère mais juge qu'ils ne répondent pas encore aux besoins locaux. Certes le nouveau foyer d'action éducative concernera 18 jeunes -12 en foyer et 6 en hébergement individualisé et un centre d'hébergement a été habilité pour 6 jeunes. Cependant ces moyens ne répondent pas à l'évolution récente de la délinquance, qui est de plus en plus le fait de mineurs multirécidivistes particulièrement violents. La protection judiciaire de la jeunesse et l'action sociale à l'enfance jugent indispensables la création d'un centre d'éducation renforcée à proximité de Strasbourg, et d'un centre de placement immédiat. Ces mesures devraient s'inscrire dans une réflexion plus globale, menée avec l'ensemble des dispositifs d'accueil. La réactualisation du schéma départemental est d'ailleurs envisagée.

Il convient aussi de parfaire la formation de ces jeunes en rupture, afin de les inclure dans un parcours éducatif qui leur ouvre une possibilité d'insertion dans la société et leur donne un projet d'avenir. A défaut, on ne ferait qu'aggraver leur marginalisation et renforcer leur violence. Le département du Bas-Rhin est 26ème sur la liste des départements prioritaires, mais ne se trouve qu'en 50ème position pour les moyens attribués. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour assurer la prise en charge de ces jeunes mineurs particulièrement difficiles ?

Mme la Garde des Sceaux - Le cas de Strasbourg bouscule quelque peu les idées reçues puisque l'on assiste à de très fortes violences dans un quartier où le taux de chômage est extrêmement bas. Voilà qui doit nous inciter à réfléchir différemment à l'origine et au traitement de la délinquance des plus jeunes.

Un centre éducatif renforcé a ouvert fin 1999. Aucun autre n'est prévu. Je suis toute prête à fournir à ceux qui le souhaitent les critères objectifs qui ont conduit au classement des départements en fonction des priorités. Il faut renforcer la coopération entre la PJJ et les services départementaux à l'enfance. Mais nous devons aussi nous interroger sur la contradiction entre la critique de l'impunité des jeunes et la forte demande de non-incarcération. On le sait, un jeune qui est allé dans un centre d'éducation renforcé dit qu'il est allé en prison et en revient auréolé de ce prestige, avec les phénomènes de bandes menées par un leader que décrivent les rapports parlementaires.

Pour ma part, je ne ferme pas la porte à ce que l'on a horriblement appelé les « déplacements » de jeunes. Je pense que de temps à autre, en foyer léger, sans enfermement, tenir le jeune loin de son domicile peut l'aider à reprendre un dialogue avec l'adulte, à reprendre une formation, un travail à retrouver goût à un projet de vie. Les plans départementaux doivent peut-être laisser cette possibilité ouverte.

C'est tout cela qu'il faut prendre en compte, dans le Bas-Rhin comme ailleurs, pour aller vers des programmes plus construits et plus lisibles, car cette lisibilité c'est ce qui manque le plus dans les quartiers dont vous avez parlé.

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JUSTICE

Mme la Présidente - J'appelle les crédits inscrits à la ligne « justice ».

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ÉTAT B

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TITRE III

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 159 vise à majorer de 57,6 millions les crédits pour indemnités, conformément au protocole d'accord signé le 18 octobre. Nous pourrons ainsi accroître de 1 700 F par an et par agent l'indemnité pour charges pénitentiaires, pour un coût de 39 millions, et porter l'indemnité de nuit, versée en semaine de 48,7 à 75 F, pour un montant de 10 millions -je rappelle que la prime de nuit due au titre du week-end a déjà été doublée dans le budget précédent.

Enfin, cet amendement permettra -pour 7 millions seulement mais ce n'est pas le moins important- d'étendre la prime de sujétion spéciale au personnel administratif. La mesure répond à une très ancienne revendication des intéressés. Cette indemnité qui, contre tous les principes en vigueur dans la fonction publique, est prise en compte dans le calcul des droits à retraite, est la contrepartie du statut spécial qui prive ces agents du droit de grève.

Les autres points de l'accord n'ont pas de conséquences sur ce budget puisqu'il s'y agit pour l'essentiel d'accélérer le recrutement en anticipant l'inscription au budget de 2002 des crédits nécessaires à un meilleur remplacement des agents absents.

M. le Président de la commission - Voilà un gouvernement qui tient ses engagements !

M. le Rapporteur spécial - Cet amendement n'a pas été soumis à la commission mais j'y suis favorable à titre personnel.

M. Hervé Morin - Je salue l'effort fait ici pour les personnels pénitentiaires. Ayant visité sept établissements pour la commission d'enquête, j'ai découvert à quel point le procès intenté à ces agents était inacceptable. Ils accomplissent un travail formidable dans des conditions extrêmement difficiles : ce ne sont pas les petits « kapos » dont parlent certains, mais des hommes et des femmes dévoués à leur mission, de réinsertion notamment. J'insiste donc à nouveau pour qu'on améliore la gestion de cette ressource humaine : il n'est pas digne d'une administration du XXIe siècle de maintenir des maisons d'arrêt en sous-effectifs lorsqu'elle connaît des mois à l'avance le nombre des départs en retraite ou en formation !

L'amendement 159, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - A l'unanimité !

Les crédits du titre III ainsi modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits du titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT C

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TITRE V

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 160 vise à accroître d'un milliard les autorisations de programme afin de lancer les études de dossiers et d'appels d'offres aussi rapidement que possible -il s'agit donc de donner le signal de l'action !

M. le Rapporteur spécial - La commission n'a pas été saisie de cet amendement non plus.

Tout à l'heure, Mme la Garde des Sceaux a déclaré que ce gouvernement augmentait les crédits plus que ne le faisait son prédécesseur. Soit, mais j'observe qu'en 1997, les crédits de paiement ont été consommés à 88 %, mais qu'ils ne l'ont été qu'à 65 % en 1998, à 37,8 % en 1999 et à 21,8 % pendant le premier semestre de 2000. Au cours de ces six mois, 239 millions seulement sur 1980 ont été dépensés, en effet, et il est infiniment probable que le milliard et demi disponible ne le sera jamais. Ajouter un autre milliard ne relève dans ces conditions que de l'effet d'affichage : vous annoncez plus d'argent que l'ancienne majorité mais vous en dépensez moins !

M. le Président de la commission - Vous êtes trop averti pour ignorer que ce milliard de crédits de paiement « potentiels » restant inscrit au budget de 2000 résulte d'autorisations de programme, c'est-à-dire de décisions prises les années précédentes -peut-être même avant 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Pourquoi y ajouter un autre milliard ? Parce que, sans cela, nous ne pourrons traduire nos décisions dans les faits ! Ces autorisations de programme sont indispensables pour lancer les consultations, les études, la recherche de terrains... Nous avons programmé l'utilisation de 10 milliards sur six ans et nous l'avons confiée à un établissement public à créer : pourquoi ne pas commencer au plus vite l'élaboration des avant-projets sommaires et des cahiers des charges ou de consultation des appels d'offres ? Lorsque les crédits de paiement seront inscrits, il ne restera plus qu'à lancer les appels d'offres et les travaux... Je ne vois donc là aucun effet d'affichage mais la volonté de mettre en _uvre ce qu'on a annoncé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Morin - Il ne faudrait surtout pas réduire la politique pénale à un programme immobilier : la loi de rénovation qu'on nous annonce -et qui demeure encore bien incertaine, en raison des échéances électorales- doit aussi traiter de la réinsertion, de la durée des peines, de la pénalisation d'affaires qui relevaient auparavant du civil. Surtout, elle doit être l'occasion de réfléchir au sens que doit prendre la peine, ce qu'on n'a que commencé à faire quand on a aboli la peine de mort. La société française doit d'urgence se préoccuper de la fonction de la prison -simple instrument servant à mettre à l'écart ceux qu'on estime dangereux ou moyen, aussi, de prévoir la récidive, il faut trancher. Ne considérons donc pas que nous répondrions aux questions soulevées par la commission d'enquête en prenant un engagement à crédit !

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis - Mais le rapport de la commission d'enquête a déjà énoncé toutes ces exigences. Cela étant, bien des rapports moisissent actuellement sur des étagères -j'en ai recensé quatre vingts sur les prisons dans la bibliothèque de l'Assemblée ! Ce que fait ici le Gouvernement, c'est permettre que nous passions enfin au travail, en inscrivant les crédits nécessaires. Cette majoration d'un milliard n'a donc rien de symbolique ! Nous veillerons avec vous à ce qu'il en soit fait le meilleur usage -et à ce que la discussion de la loi pénitentiaire soit effectivement l'occasion de repenser la fonction sociale de la prison. Vous ne gagnerez sans doute pas une seule voix à avoir été membre de la commission d'enquête, mais vous vous honorerez à avoir contribué à l'harmonisation des prisons !

M. Jacques Masdeu-Arus - Le président de la commission a fort bien justifié l'inscription d'autorisations de programme, mais fallait-il que celles-ci atteignent le milliard ? Un ou deux millions ne suffiraient-ils pas à lancer les études, sachant qu'il reste par ailleurs un autre milliard à consommer sur les crédits de 1999 ?

Mme la Garde des Sceaux - Nous avons largement pris en compte les conclusions de la commission d'enquête et vous devriez tous vous en réjouir. D'ailleurs, que n'auriez-vous dit s'il en avait été autrement ?

Tous les ministères, toutes les collectivités se heurtent à un problème de consommation des crédits. A cela s'ajoute qu'alors qu'en 1996-1997, nous étions à la fin d'un cycle, un nouveau cycle a commencé en 1998 avec le lancement du programme 4000. Nous avons dû établir les besoins, définir la localisation des établissements et la passation des marchés publics nous a demandé à elle seule douze mois. Mais nous arrivons maintenant à la fin de ce programme et la consommation des crédits va croître.

Le même phénomène aura lieu pour le programme annoncé par le Premier ministre. Mais en n'inscrivant pas ce milliard d'autorisations de programme, on aurait commis une faute en obligeant à reporter l'ensemble de l'étude des dossiers. La recherche notamment peut être ardue. Vous avez évoqué Lyon tout à l'heure, la localisation des établissements et la recherche des terrains posent problème. Par ailleurs, nous allons procéder par des opérations « dominos », très délicates à organiser, afin que le service soit constamment et correctement assuré. Sur ce cycle-là donc comme sur les autres, Monsieur Devedjian, il y aura des pics de consommation de crédits. Mais l'argent disponible nous servira déjà à terminer le programme 4000. Et si nous n'avions pas prévu ce milliard, vous nous auriez accusés de ne rien faire... L'opposition ne veut pas paraître satisfaite, même si en commission j'ai bien senti qu'elle saluait le travail accompli pour l'immobilier pénitentiaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

L'amendement 160, mis aux voix, est adopté.

Les crédits du titre V, ainsi modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits du titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

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ART 61

M. Jean-Luc Warsmann - Je voudrais rappeler que les textes d'application de la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits ne sont toujours pas sortis, notamment en ce qui concerne l'extension de l'aide juridictionnelle aux transactions avant saisine d'une juridiction. Par ailleurs, je veux redire combien la situation économique de certains cabinets d'avocats est difficile du fait de la non-revalorisation des unités de valeur et des tâches supplémentaires prévues par la loi du 15 juin 2000, comme l'appel en assises ou les interventions tout au long du processus de la détention.

J'avais défendu en commission l'amendement de M. Houillon. Je regrette qu'il n'ait pas pu être appelé en séance et que ce budget ne permette pas d'apporter une solution. Pour le reste, l'article 61 prévoit une revalorisation de 4,2 % des seuils et nous le voterons, mais en regrettant tout ce qui manque.

Mme la Garde des Sceaux - Le décret d'application de la loi de 1998 n'a pas été pris parce qu'il aurait fallu l'abroger et le remplacer dès l'adoption de la loi du 15 juin 2000. Ce n'était pas de bonne méthode. Les décrets sont présentés aux professionnels depuis jeudi. Ils seront signés dans quatre semaines. Nous avons demandé aux professionnels de nous communiquer leurs remarques d'ici à quinze jours.

L'article 61, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la justice.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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