Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (2000-2001)

Session ordinaire de 2000-2001 - 37ème jour de séance, 85ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 5 DÉCEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

DÉSIGNATION D'UN REPRÉSENTANT DE L'ASSEMBLÉE AU SEIN D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE 2

TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES
DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES
(suite) 2

QUESTION PRÉALABLE 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 21

ARTICLE PREMIER 27

ART. 2 31

APRÈS L'ART. 2 31

ART. 3 37

ART. 4 40

ART. 5 43

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 6 DÉCEMBRE 2000 43

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Top Of Page

DÉSIGNATION D'UN REPRÉSENTANT DE L'ASSEMBLÉE AU SEIN D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation d'un membre de l'Assemblée nationale au sein de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du Règlement, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des affaires culturelles. La candidature devra être remise à la Présidence avant le mercredi 13 décembre, à 18 heures.

Top Of Page

TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire.

Top Of Page

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement, M Bocquet et les membres du groupe communiste opposent la question préalable.

M. Gilbert Biessy - Si le groupe communiste oppose la question préalable, c'est pour exprimer un désaccord de forme et de fond. Ce projet est en effet une première dans notre droit. Si notre pays a sans nul doute accumulé les retards dans la transposition des directives, la procédure choisie s'apparente à un constat d'irresponsabilité, puisque plusieurs des 136 directives, sur 176, dont le délai de transposition est passé, sont antérieures au marché unique ! Elle serait envisageable à la rigueur s'il s'agissait, comme pour une loi d'amnistie, de faire du passé table rase, mais voter l'habilitation serait créer un précédent, permettre que les mêmes erreurs, les mêmes atermoiements se renouvellent à l'avenir.

La simple négligence ne peut être invoquée pour justifier que des directives soient transposées dans l'urgence : si elles doivent l'être, c'est bien parce que leur contenu même, ainsi que leur contexte social, posent des problèmes politiques, législature après législature, sans quoi les gouvernements, maîtres incontestés de l'ordre du jour, auraient trouvé le temps d'en débattre avec le Parlement. Comment accepter que l'esquive de ces débats de fond soit non seulement avalisée, mais encore, en quelque sorte, récompensée ? Comment accepter de donner quitus d'une négligence institutionnalisée ?

L'avalanche des directives liées au marché unique et à Maastricht ne prouve-t-elle pas, tout simplement, que l'Europe, la Commission, le Conseil des ministres devraient, pour être crédibles, rompre avec cette boulimie normative, faire « moins mais mieux » ?

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Gilbert Biessy - On nous dit que plus de soixante procédures d'infraction ont été engagées contre la France pour défaut de transposition. Il serait exagéré de s'en inquiéter, car tous nos partenaires sont plus ou moins dans le même cas, et la logique voudrait donc que soit négocié un nouveau délai pour la transposition des directives en souffrance. On nous dit aussi que la procédure d'habilitation doit rester exceptionnelle, mais n'est-ce pas une façon polie de dire qu'elle sera institutionnalisée ? On prétend enfin que le rayonnement de notre pays serait en cause, mais ne sont-ce pas en fait les quinze élèves de la classe qui devraient être montrés du doigt ?

Ce qui est en cause, en vérité, c'est la démocratie et le pouvoir du Parlement de voter la loi.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Gilbert Biessy - La situation semble même plus grave que pour les précédents recours à l'article 38 de la Constitution, destinés à éviter, soit que le débat au Parlement fasse écho aux protestations populaires, comme en 1967 ou en 1995 à propos de la sécurité sociale, soit que l'application du programme du Gouvernement prenne du retard, comme en 1982 ; il s'agissait, dans les deux cas, d'un conflit franco-français entre la droite et la gauche. Aujourd'hui, le problème posé est celui du rôle laissé au législateur national par le libéralisme qui pilote l'Europe, et l'on peut s'interroger à bon droit sur le grand écart entre les discours lénifiants et unanimistes sur les droits du Parlement et la réalité, aussi prosaïque que cruelle. Qu'on le veuille ou non, tout recours aux ordonnances discrédite le Parlement, alors que l'abstention massive observée lors des consultations récentes montre au contraire l'ardente obligation de réconcilier les citoyens avec leurs représentants.

Dans quelle catégorie constitutionnelle ranger un régime où le gouvernement négocierait sans partage le droit communautaire et serait également seul maître de sa transposition en droit interne ? A quoi servirait, dans ces conditions, le Parlement, censé pourtant exercer directement la souveraineté nationale ? La procédure d'habilitation apparaît d'autant plus inquiétante que Maastricht n'a donné à nos deux Assemblées que le droit formel de donner un avis sur les projets de directives, et cet avis serait-il voté par elles à l'unanimité et dans les mêmes termes, il n'aurait pas plus de portée juridique qu'un article de presse !

M. Michel Bouvard - C'est le fond du problème !

M. Gilbert Biessy - Nos réticences seraient moins fortes si, dans les négociations européennes, l'exécutif était obligé de prendre en considération, comme le font les gouvernements finlandais et danois, les orientations définies par le Parlement. Les directives exprimeraient ainsi, avant transposition, des compromis et des débats auxquels les élus nationaux seraient, même indirectement, partie prenante, au lieu que leur mise à l'écart fasse perdre tout crédit au mode d'élaboration des textes européens.

C'est pourquoi, il est difficile d'être rassuré par l'annonce d'un projet de loi de ratification des ordonnances car il s'agit d'une clause constitutionnelle purement formelle, puisque son dépôt n'implique aucune discussion.

Force nous est donc faite de constater un recul préoccupant de la démocratie parlementaire. La tendance à la supranationalité sans frein a pour obstacle principal la loi nationale. Or, la réduction à cinq ans du mandat présidentiel témoigne d'une tendance à la présidentialisation du régime, dont participe aussi le projet de faire précéder l'élection des députés par celle du Président de la République, alors qu'il n'y a aucune raison que l'une procède de l'autre.

Le déséquilibre de nos institutions plombe de longue date toute avancée démocratique dans le pays. Les députés communistes militent pour une Assemblée nationale élue en tout ou partie à la proportionnelle, qui fixe les grandes orientations du pays et désigne un gouvernement responsable devant elle, simplement chargé de mettre en _uvre la politique nationale. Au lieu de cela, l'on assiste à une personnalisation outrancière du pouvoir et à l'abêtissement mécanique de l'opinion.

Dès lors, la meilleure chance pour que la démocratie citoyenne ne relève pas de l'incantation, c'est que les représentants du peuple, élus au suffrage universel pour exercer la souveraineté nationale, discutent et votent la loi. A ce titre, le champ législatif mériterait sans doute d'être étendu. Au lieu de cela, avec de tels projets, la chambre assure de manière caricaturale une sorte de « service rapide » de la procédure législative, où une seule loi d'habilitation permet de modifier des dizaines de textes importants.

Justifié pour certains projets très particuliers, le recours aux ordonnances se transforme en piège lorsqu'il vise, comme ce soir, plusieurs dizaines de sujets hétéroclites et complexes. Qu'on en juge : l'habilitation concerne la santé au travail, la sécurité sociale, les assurances et le code de la Mutualité, la consommation, l'environnement, la voirie et le régime d'exploitation des autoroutes, les contributions indirectes, les postes et télécommunications... il intéresse à lui tout seul la moitié de nos ministères !

On passe ainsi de la profession d'agent artistique aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone et une lecture rapide des champs couverts ne peut que susciter l'inquiétude de tout parlementaire.

Sur l'application de la CSG aux travailleurs frontaliers, combien d'entre nous ont posé des questions écrites au Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Gilbert Biessy - Quant à la directive sur la protection de la vie privée dans le domaine des télécommunications, qui peut dire sérieusement qu'elle est anecdotique ?

Pour ce qui concerne la directive sur l'application du principe d'égalité entre hommes et femmes dans les régimes de sécurité sociale, qui peut affirmer qu'il n'y a aucun risque de niveler par le bas le système français de protection ?

S'agissant de la directive sur la santé des salariées travailleuses enceintes, n'est-il pas inquiétant de lire qu'il leur faudra démontrer une atteinte particulière à leur sécurité ou à leur santé pour justifier l'arrêt du travail de nuit ?

De même, la directive sur les jeunes au travail s'accompagne de dérogations complexes et ambiguës tendant à autoriser le travail de nuit. Est-ce tolérable alors que l'interdiction du travail de nuit des jeunes, devrait être absolue ?

Peut-on admettre que la transposition de la directive sur l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs ne mérite pas un débat de fond alors que le MEDEF avance des propositions pour réduire l'efficacité de la médecine du travail ?

La refonte du code de la mutualité justifie un débat approfondi tant sur le statut fiscal des mutuelles que pour éviter que certaines sociétés d'assurances ne revêtent leurs contrats classiques d'une « vocation solidaire » pour bénéficier d'un régime plus favorable.

Qu'il s'agisse de Natura 2000, de la chasse (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du RPR), des marchés de travaux publics ou de la concurrence dans les télécommunications et les services postaux, il n'est pas raisonnable de s'en remettre à un débat mort-né qui renforce la toute puissance de l'exécutif et écrase, s'il en était encore besoin, l'initiative parlementaire. Les députés ne doivent pas se rendre complices d'une démarche qui pourrait aisément être évitée.

Du reste, gardons-nous de tout excès oratoire en invoquant le lustre de la présidence française qui serait terni par le rejet de cette loi. Entre plusieurs maux, il faut certes choisir le moindre mais le choix de l'habilitation n'est certainement pas le plus judicieux. Je suis d'ailleurs intimement convaincu que ce texte pose des cas de conscience sur tous nos bancs car nombre d'entre nous ne sont pas convaincus de sa pertinence.

On peut être pro-européen et refuser d'être manipulé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

On ne saurait opposer droite et gauche dans ce débat, puisque le Gouvernement actuel est loin d'être le seul responsable. Gardons-nous de toute polémique en invoquant un coup de force ou une infamie. Il faut savoir raison garder !

Enfin, un refus de l'habilitation n'aurait rien de catastrophique : il conduirait simplement le Gouvernement à revenir devant le Parlement avec un projet de loi d'habilitation écartant toute référence aux directives qui soulèvent des difficultés particulières. Il devrait aussi inscrire à l'ordre du jour de nos assemblées d'autres projets de loi portant transposition de directives communautaires, comme il l'a fait en matière de transport et d'agriculture.

Notre fermeté permettra d'éviter que le problème ne se pose à nouveau et elle incitera les gouvernements européens à s'entendre pour adapter les délais de transposition et à tenir davantage compte de l'opinion de leurs parlements respectifs. Tel est le sens de la question préalable que nous vous demandons d'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe RPR).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

M. Gérard Fuchs - L'usage d'ordonnances ne saurait satisfaire quelque parlementaire de gauche que ce soit, d'autant que nous ne les avons pas créées et que tous ceux qui, parmi nous, sont en âge de l'avoir fait ont combattu les institutions de la cinquième République. M. Biessy considère, non sans quelque raison, que soutenir ce projet créerait un précédent fâcheux. De leur côté, le ministre, notre rapporteur et le président de la délégation pour l'Union européenne ont mis l'accent sur l'inadaptation de nos procédures parlementaires de transposition. Dès lors, il convient de faire évoluer nos méthodes mais je rappelle aux députés du groupe communiste que rien de leur interdit de déposer des amendements à la loi d'habilitation pour prévenir les dérives qui leur semblent les plus redoutables. S'agissant de la Poste ou de Natura 2000, tout député est libre de faire valoir que la loi d'habilitation ne peut violer tel ou tel principe.

Puis-je en outre rappeler aux députés du Mouvement des citoyens que ces directives ont déjà fait l'objet d'un contrôle parlementaire (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR) puisque le Parlement européen, qui représente les citoyens de l'Union européenne, s'en est saisi ?

M. Michel Bouvard - Extravagant !

M. Gérard Fuchs - D'autre part, je renvoie ceux qui redoutent que plusieurs directives sociales n'entraînent certains reculs, à l'article du Traité qui dispose que tout Etat membre doté d'une législation plus avancée que le contenu de la directive a le droit de la conserver.

A titre d'exemple, je citerai cette directive qui, outre qu'elle garantit à la femme enceinte le congé maternité, lui accorde de surcroît une protection contre le licenciement. Non seulement, grâce à la clause de non régression, il n'y a pas de risque de recul, mais en plus, les directives peuvent introduire de nouvelles mesures positives.

La France sera représentée à Nice par le Premier ministre mais aussi par le Président de la République, pensez-y. Je souhaite pour ma part que notre pays puisse présider le sommet de Nice en étant à l'abri de tout reproche et en se donnant toutes les chances d'être écouté.

Enfin, je veux croire que la méthode proposée aujourd'hui restera une exception et que le Gouvernement nous soumettra d'autres procédures d'examen des directives.

Pour l'heure, j'invite l'Assemblée à repousser cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Pour justifier la procédure d'habilitation, le Gouvernement prend prétexte du retard pris dans la transposition des directives et de son souci de ne pas encombrer l'agenda du Parlement. Cela me heurte profondément, comme cela devrait heurter l'ensemble des parlementaires, sur tous les bancs. La majorité semble ne pas connaître la procédure d'adoption simplifiée qui, régie par les articles 103 à 107 de notre Règlement, permet d'abréger certaines phases de la discussion en valorisant les travaux de la commission, tout en autorisant une connaissance approfondie du texte et un débat de fond, alors qu'ériger l'ordonnance en système de gouvernement fait de notre Assemblée une simple chambre d'enregistrement.

A la veille de l'ouverture du sommet de Nice, je constate avec satisfaction que le Président de la République compte de plus en plus d'inconditionnels sur tous les bancs de cet hémicycle mais je constate aussi que l'on nous demande de donner un blanc-seing au Gouvernement sur des sujets très importants, alors qu'il eût été plus opportun de valoriser le rôle de l'Assemblée. C'est dans cet esprit de défense du rôle de l'Assemblée que le MDC et le groupe communiste ont défendu leurs motions. Nous ne partageons pas la plupart de leurs options mais, sur ce terrain là, nous les rejoignons car il nous appartient à tous en tant que représentants du peuple français, de défendre avant tout les droits du Parlement. C'est pourquoi le groupe RPR votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Je lis dans une dépêche qu'un député socialiste trouve que c'est un « problème sérieux » qui est posé ce soir. De fait, c'est, comme l'a dit M. Biessy tout à l'heure, un problème qui dépasse les clivages car il se rapporte aux droits du Parlement et aux principes républicains.

Aucun parlementaire ne peut accepter de se démettre du peu de pouvoirs dont il dispose. Si on ne légifère pas ici, où le fera-t-on ? Déjà qu'on ne le fait guère au cours de la discussion budgétaire, où l'on passe des centaines d'heures pour déplacer à peine une dizaine de milliards sur quelque 1 700, si on nous enlève encore de nos prérogatives, que restera-t-il ?

On nous dit que cette manière de procéder restera exceptionnelle. Je veux bien faire confiance à ce Gouvernement, mais personne ne peut dire ce qu'il en serait demain sous une autre majorité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il y aurait en tout cas un précédent, que l'on ne manquerait pas d'invoquer, de même que l'exposé des motifs du présent projet s'abrite derrière des lois d'habilitation précédentes.

Donc, c'est grave. Et puis il y a le contenu des directives. Elles ne touchent pas à des sujets mineurs, comme on voudrait nous le faire croire, mais bien à des problèmes de société tels que le droit du travail, l'environnement ou la sécurité alimentaire. N'est-il pas incroyable que l'on nous demande de ne pas soumettre à la loi les questions de sécurité alimentaire ? Farines animales, vaches folles et autres...

Plusieurs députés RPR - Scandaleux ! Impensable !

M. Maxime Gremetz - Et il y a aussi la « directive oiseaux » dans le lot, comme par hasard... Aurions-nous voté la loi chasse pour rien ? Où en est la négociation de dérogations avec la Commission européenne qu'elle devait permettre ? Si cette démarche n'aboutit pas, vous verrez les chasseurs dans la rue !

Tout cela m'amène à demander à l'Assemblée de bien réfléchir et d'adopter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe du RPR).

M. François Goulard - De même que nous avons soutenu tout à l'heure la motion de M. Georges Sarre, de même soutiendrons-nous, malgré nos différences de conception, celle du groupe communiste. C'est que nous avons en commun, outre la volonté de résister au coup de force du Gouvernement, de ne pas croire aux motifs qu'il avance pour le justifier.

Les directives auraient, nous dit-il, un caractère technique. Mais enfin, au regard de l'article 34 de la Constitution, nous sommes bien, de l'avis même du Conseil d'Etat, dans une partie législative. Si les dispositions à transposer relèvent du domaine législatif, elles ont à l'évidence une importance qui appelle un examen au Parlement.

La France, nous dit-on encore, aurait un retard historique de transposition qui ferait d'elle le mauvais élève de l'Europe. C'est tout de même extraordinaire d'avancer cet argument, Monsieur le ministre, alors que le Gouvernement est au pouvoir depuis trois ans et demi ! Que n'avez-vous mis ce temps à profit pour faire adopter ces directives ?

Enfin, M. Fuchs nous dit que certes, c'est un péché de procéder ainsi mais que, promis, on ne le fera plus. Bref, nous assistons à une repentance avant l'acte, novation intéressante (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Tout cela ne peut convaincre que ceux qui veulent l'être. En réalité, si le Gouvernement procède ainsi, c'est qu'il est très gêné vis-à-vis de sa majorité par le contenu même des directives, sachant que celle-ci n'approuve pas les évolutions auxquelles conduisent par exemple la directive sur la Poste ou celle sur les télécommunications. Mais alors ayez donc le courage de l'avouer !

J'ai l'impression que nous abordons une nouvelle phase du gouvernement Jospin. Après le Premier ministre « impeccable » au sens étymologique du terme, devant la face immarcescible duquel nous étions priés de nous incliner, voici le Premier ministre qui veut inverser le calendrier électoral pour convenances personnelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et qui fait adopter une cinquantaine de directives par voie d'ordonnances ! Le Jospin nouveau est annoncé ! C'est un Jospin préélectoral. Je ne suis pas sûr qu'il convaincra les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Yves Bur - Nous sentons la majorité mal à l'aise dans ce grand débat parlementaire concernant des directives qui ne sont pas si mineures qu'on veut nous le faire croire : elles touchent en effet à des thèmes tels que la mutualité, qui intéresse l'ensemble des Français, ou le service postal, qui subit une profonde mutation, laquelle suscite un débat difficile au sein de la majorité. Les justifications avancées ne résistent pas à l'examen : on transpose en bloc cinquante directives, mais quatre-vingts restent en attente... Ce n'est pas un service à rendre à la cause européenne que de traiter de sujets aussi importants en catimini. Il est essentiel de revoir nos méthodes afin que chaque sujet traité au niveau européen fasse l'objet d'un débat au Parlement, que celui-ci soit associé aux décisions européennes plutôt que court-circuité.

Le Gouvernement est sur la défensive parce qu'il sait qu'il ne peut compter sur sa propre majorité. Une fois n'est pas coutume, nous allons nous associer à cette motion, sans en partager tous les aspects mais en adhérant au fond : le respect des droits du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président - Sur la question préalable, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 119 voix contre 72 sur 191 votants et 191 suffrages exprimés, la question préalable n'est pas adoptée.

M. Didier Quentin - Ce projet de loi peut paraître n'être qu'une énumération fastidieuse, mais il s'agit d'une procédure exceptionnelle et inédite qui met en cause notre conception de la construction européenne et du rôle qu'y prend le Parlement. L'ampleur de l'habilitation demandée peut étonner, à quelques heures du sommet de Nice : une soixantaine de directives, règlements, décisions et autres mesures communautaires -excusez du peu ! A elles trois, les lois de décembre 1964, juillet 1966 et décembre 1969 sur la transposition de directives du marché commun n'ont donné lieu qu'à sept ordonnances, de portée limitée !

Pour se justifier, le Gouvernement invoque la charge de travail pesant sur le Parlement. mais c'est lui qui fixe l'ordre du jour prioritaire ! Tous les textes inscrits méritaient-ils de passer avant ces directives ? Le Parlement n'est pour rien dans le retard pris. Il est prêt à débattre de ces textes communautaires comme il l'a fait de la directive relative à l'électricité. En 1998, le Sénat avait adopté une proposition de loi tendant à transposer la directive Natura 2000. Mme la ministre de l'environnement avait qualifié cette initiative de prématurée. Deux ans plus tard, on nous demande d'autoriser sa transposition par voie d'ordonnance ! Nous avons déjà mis l'accent sur la lenteur du Gouvernement : aucune date n'est encore fixée pour le projet de loi « gaz » alors que la France est déjà mise en demeure : la date limite était le 10 août. Pire : 176 directives sont actuellement en attente de transposition.

M. Michel Bouvard - C'est scandaleux !

M. Jacques Myard - Il y en a trop.

M. Didier Quentin - Dans ces conditions, le recours aux ordonnances est choquant et même suspect car certaines de ces directives ont plus de vingt ans, soit une période durant laquelle la gauche a été au pouvoir pendant les deux-tiers du temps ! C'est elle qui porte la responsabilité de cette sédimentation dont parlait le Premier ministre cette après-midi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Et alors que le président Forni souhaite que le Parlement retrouve toute sa place et qu'il ne soit pas qu'une chambre d'enregistrement, vous portez un mauvais coup à l'expression de la souveraineté nationale. Vous portez aussi un mauvais coup à l'idée européenne. Les directives sont en effet les lois de l'Union, lois auxquelles nous devons apporter un soin tout particulier puisqu'elles intéressent 350 millions de personnes et 15 pays. Aucune institution de Bruxelles ne peut légiférer pour nous, ni a fortiori contre nous.

La loi de l'Europe ne peut être une loi au rabais. Or les directives, adoptées à Bruxelles par le conseil des ministres, c'est-à-dire par les gouvernements, seraient transposées dans la législation française par voie d'ordonnances, autrement dit par le Gouvernement seul ? En procédant ainsi, vous ne rapprochez pas les citoyens d'une Europe qu'ils trouvent trop technocratique, vous ne leur permettez pas de s'approprier ses lois, vous leur donnez l'impression qu'il s'agit de diktats ! Et ne venez pas nous dire que c'est la faute des institutions européennes. Notre retard ne leur est nullement imputable. Si nous sommes la lanterne rouge du peloton, c'est que les autres Etats ont su être plus diligents...

Il conviendrait donc, Monsieur le ministre, dans l'esprit de repentance dont parlait M. Goulard, que vous nous assuriez qu'à l'avenir votre motivation européenne se traduira par l'inscription prioritaire à notre ordre du jour des textes de transposition. Il serait désastreux que les Français s'habituent à voir dans l'Union un monstre froid qui nous condamnerait à mal légiférer à Paris pour éviter d'être punis à Bruxelles. Sortons de cette impasse (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). La construction européenne est un grand dessein et vous lui portez un mauvais coup chaque fois que vous escamotez un débat. La loi de l'Europe doit être adoptée par les parlements nationaux.

J'en viens maintenant au fond de ces textes qui remettent en cause des pans entiers de notre organisation collective.

Pour ma part, j'évoquerai les directives concernant les services postaux et le réseau Natura 2000.

Plusieurs d'entre nous avaient demandé la discussion d'une loi d'orientation postale, qui aurait permis d'aborder les questions de fond au moment où la Poste envisage la fermeture de bureaux dans des communes rurales pour lesquelles ce service public constitue souvent le dernier lien social.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Didier Quentin - Alors que nous devons dans l'urgence transcrire la directive postale, elle est déjà en cours de révision ! Le secteur devient en effet extrêmement concurrentiel et dans quelques semaines, la poste allemande sera cotée en bourse.

Le 2 février 1999, M. Christian Pierret avait annoncé avoir proposé au Premier ministre la discussion d'un projet de loi donnant aux activités postales un cadre juridique complet ; nous l'attendons toujours.

L'exposé des motifs du présent projet affirme que « l'habilitation n'est pas demandée pour les directives dont l'objet et la portée politiques justifient un débat par la représentation nationale ». Est-ce à dire que l'avenir du service public postal, pourtant cher au c_ur des Français, ne justifie pas un vrai débat ? Le groupe RPR s'opposera à l'amendement sur la directive postale, afin d'obtenir la discussion d'une vraie loi postale (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

En ce qui concerne Natura 2000, le recours aux ordonnances risque de raviver les craintes du monde rural. On peut se féliciter que le dialogue ait enfin repris, mais force est de constater que le projet d'ordonnances appelle des précisions que les dernières réunions au ministère de l'environnement n'ont pas apportées. Les dispositions concernant le rôle des comités départementaux et des comités de pilotage demeurent particulièrement floues et ne paraissent pas garantir une réelle concertation. Il est indispensable que ces structures soient systématiquement consultées lors de la désignation des zones spéciales de conservation et des zones de protections spéciales, ainsi que lors de l'élaboration du document d'objectifs, de l'arrêté de mise en _uvre et de la liste de travaux soumis à autorisation préalable.

Il est aussi nécessaire d'informer les personnes concernées, en particulier les titulaires de droit réel. Il convient notamment que le zonage des sites fasse l'objet de mesures de publicité foncière. Enfin, rien ne permet aujourd'hui de garantir une juste rémunération de l'entretien des parcelles. Sur tous ces points, il serait urgent d'apporter des assurances aux acteurs de la ruralité.

1 029 sites représentant près de 5 % de notre territoire national, ont déjà été désignés par Bruxelles. Une liste de 350 autres sites réclamés par la Commission européenne a été évoquée. Quels sont ces sites ? Quelle superficie supplémentaire représentent-ils ? Des réponses précises auraient dû être données à l'occasion d'un débat parlementaire dont on veut aujourd'hui nous priver.

Votre Gouvernement s'est engagé à transmettre des propositions complémentaires le 31 mai 2001 pour les régions alpine, atlantique et méditerranéenne, et le 31 juillet 2001 pour le centre de notre pays. Sur quelle base cela se fera-t-il ? Les procédures de concertations seront-elles respectées ?

Par exemple, en Charente-Maritime, où 22 sites ont été proposés à la Commission européenne en 1998, on nous annonce trois propositions complémentaires de sites, concernant des chauves-souris, tout en nous précisant qu'elles ont déjà fait l'objet d'une validation scientifique au niveau national. Où est la concertation avec les utilisateurs des espaces ?

A l'initiative de nos collègues sénateurs, une proposition de loi sur Natura 2000 avait été adoptée en juin 1998 contre l'avis du Gouvernement, qui prétextait l'imminence d'un projet de loi. Deux ans après, on nous propose l'expédient des ordonnances... Les mesures envisagées touchant à l'exercice du droit de propriété, elles auraient à l'évidence dû faire l'objet d'un débat au Parlement.

Le groupe RPR s'opposera donc également au rétablissement, dans la liste des directives visées par le projet, de celles concernant Natura 2000. Je présenterai un amendement de repli précisant certains aspects de l'application de ce programme. Il ne saurait être question de renoncer à un débat démocratique sur ce réseau écologique européen.

Ainsi, le groupe RPR s'opposera au mauvais coup porté au Parlement, à l'idée européenne et à la ruralité que représente cette charrette d'ordonnances, triste exemple de mauvaise gouvernance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Roger Meï - 51 directives sont concernées par ce projet de loi. Certaines sont anodines, mais d'autres ont des répercussions considérables sur la vie de nos concitoyens.

Vous nous demandez de déposséder le Parlement de certaines de ses prérogatives, en dépit des engagements du Premier ministre de faire jouer au Parlement un rôle plus important. Vous faites ce que la droite n'avait pas osé faire.

Les directives sont élaborées par une vingtaine de commissaires qui n'ont aucune légitimité démocratique. Sans doute les ordonnances vont-elles répondre à l'urgence, parce qu'on n'a pas pris les dispositions nécessaires pour que les questions soient débattues à temps par les parlementaires ; mais nous pourrions demander des délais aux instances européennes et recourir à des procédures d'examen raccourcies.

Sur le quinquennat sec, sujet sans grande incidence sur la vie quotidienne de nos concitoyens, on les a consultés par référendum ; et sur 51 questions qui les concernent, on veut procéder par ordonnances. C'est un véritable déni de démocratie.

Nombreuses sont en effet les dispositions qui semblent contraires à notre conception d'une Europe juste, démocratique et solidaire. Il en va ainsi de la directive relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui a pour but de niveler par le bas notre système de protection sociale. Il en va de même des directives concernant le travail de nuit des femmes enceintes et des jeunes. Le débat sur la directive concernant l'organisation de la prévention en entreprise ne doit pas davantage être éludé.

A l'article 4, les dispositions ayant trait à l'évolution du secteur routier excèdent largement le champ de la directive. Au Sénat, il était proposé de supprimer le principe de gratuité autoroutière...

Le groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat a démontré que nous ne pouvions nous passer d'un véritable débat parlementaire. Nous sommes satisfaits de constater aujourd'hui que le Gouvernement accepte le maintien du principe de gratuité.

Le groupe communiste ne peut cautionner la procédure des ordonnances.

Je le dis avec force à mes collègues socialistes : le groupe communiste votera contre le dessaisissement et l'affaiblissement du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Yves Bur - La France figure parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne quant aux délais des transpositions des directives. De ce fait, notre pays est, de tous ceux de l'Union, celui qui a fait l'objet du plus grand nombre de plaintes et de procédures pour manquement à ses obligations d'application du droit communautaire, et cette situation peu honorable peut avoir pour conséquences de lourdes astreintes. Elle donne en outre de notre pays une image déplorable, alors que la France entend jouer un rôle moteur dans la construction européenne. Mais, aussi peu reluisante soit-elle, justifie-t-elle le recours aux ordonnances ? Nous ne le pensons pas et nous ne pouvons accepter comme seul justificatif la charge de travail du Parlement, alors que le Gouvernement a la maîtrise du calendrier de nos travaux.

J'en veux pour preuve que ce qui était considéré comme une initiative prématurée par Mme Voynet, lorsque le Sénat avait adopté, en 1998, une proposition de loi visant à transposer la directive Natura 2000 est devenue, fin 2000, une urgence justifiant le recours aux ordonnances...

Il eût fallu faire preuve de la même volonté politique que celle qui conduit le candidat à l'élection présidentielle, Lionel Jospin, à bousculer non seulement le calendrier électoral de 2002, mais aussi ce calendrier parlementaire que le Gouvernement trouve par ailleurs si chargé qu'il entend éviter un surcroît de débats en légiférant par ordonnances...

L'habilitation demandée par le Gouvernement est d'une nature particulière, car elle concerne le droit communautaire, un domaine où le Parlement n'exerce déjà qu'un droit de regard limité. De nombreuses mesures communautaires relevant du domaine de la loi, au sens de l'article 34 de la Constitution, sont adoptées sans intervention directe du Parlement. Certes depuis la révision constitutionnelle de 1992, le Gouvernement est tenu de soumettre au Parlement les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.

Mais le vote de résolutions au stade de l'élaboration du droit communautaire ne saurait justifier que le Parlement soit privé de toute intervention au stade de la transposition des directives, d'autant que le retard est tel que la plupart des textes concernés par le projet ont été adoptés avant l'entrée en vigueur de l'article 88-4 de la Constitution.

Le groupe UDF demande que le Gouvernement prenne enfin les mesures qui permettront à l'ensemble des institutions françaises de mieux participer à l'élaboration du droit communautaire lors de la négociation comme lors de la transposition. Cela évitera aux Français d'avoir le sentiment que l'Union impose ses règles sans débat démocratique et sans tenir compte de l'avis de la France.

Comme de nombreux collègues, à droite comme à gauche, nous ne pensons pas que les directives concernées par l'habilitation aient une portée mineure qui justifierait l'absence de débat parlementaire.

Qui peut imaginer un instant que la directive communément appelée Natura 2000 serait de portée mineure quand on connaît l'émotion qu'une application bureaucratique avait suscitée, partout en France ? Nous avons tous le sentiment que le Gouvernement fuit un débat qu'il sait plus difficile encore que celui sur la chasse, et dont il n'est pas certain que l'issue lui serait favorable.

Qui peut imaginer un instant que les directives concernant la mise en conformité des mutuelles avec le droit européen de l'assurance soit un acte mineur quand on connaît la difficulté d'élaborer un cadre juridique propre à la Mutualité et compatible avec la directive européenne ! C'est d'autant plus inacceptable qu'avec l'article 3 du projet le Gouvernement a choisi de modifier en profondeur le code de la mutualité.

En fait, on cherche à escamoter un débat important qui touche un large secteur de l'économie solidaire. Le Parlement peut-il accepter que les secteurs concernés par une loi décident, seuls avec le Gouvernement, du cadre législatif dans lequel s'exercera leur activité ? Est-ce là un précédent auquel se référeront d'autres groupes d'intérêt pour convenir avec le Gouvernement d'un blanc-seing législatif ?

Ce n'est pas au seul motif de notre attachement à l'esprit mutualiste que nous devrions accepter un tel contournement du Parlement, lieu d'expression de l'intérêt général. Ce débat aurait, en particulier, permis d'approfondir notre réflexion sur la place des mutuelles dans le système de santé et dans son financement.

M. François Goulard - Très bien !

M. Yves Bur - Enfin, qui peut imaginer qu'un débat concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux et l'amélioration de la qualité du service serait inutile ? Nous mesurons les efforts considérables d'adaptation de notre poste pour affronter son nouvel environnement, mais nous savons aussi les risques, pour le client comme pour l'entreprise, que ces évolutions font peser sur le service postal.

Ces quelques exemples illustrent l'erreur d'appréciation du Gouvernement, qui minimise l'importance de ces directives et ose prétendre que les droits du Parlement sont préservés.

Je reviens plus particulièrement sur la modification du code de la mutualité. Nous ne pouvons que regretter qu'un débat relatif au champ d'application des directives n'ait pu avoir lieu en commission. Ainsi, s'agissant de la mutualité, la commission des affaires culturelles aurait pu examiner le texte préparé par le Gouvernement, que M. Hascoët a présenté au Sénat comme quasi-définitif.

Nous nous sommes heurtés à un refus de la commission et nous le regrettons tant les interrogations sont nombreuses, qui concernent l'assurance comme la santé.

Nous aurions pu débattre utilement au fond du principe de spécialisation auquel Bruxelles semble très attentif. Il concerne notamment les prestations en nature que certains organismes mutualistes intégraient jusqu'à présent dans la gestion de leur risque. Sommes-nous assurés de la transparence de cette spécialisation, ou continuera-t-on d'entretenir le flou au risque d'un rejet de ces dispositions par Bruxelles ? Comment se feront les transferts financiers entre les mutuelles s_urs pour qu'ils ne faussent pas la concurrence dans le domaine des prestations sanitaires ?

De même, il eût été intéressant d'aborder le thème, toujours délicat, de la fiscalité appliquée aux organismes d'assurances, en particulier lorsque cette fiscalité différenciée repose sur l'absence de sélection du risque, applicable aux seules mutuelles. Les distorsions actuelles, dues à la taxe supplémentaire sur les conventions d'assurance maladie ne sont-elles pas incohérentes quand on regrette par ailleurs que tous les Français ne puissent accéder aux soins faute d'être couverts par un contrat d'assurance maladie complémentaire ?

De plus, le projet de code semble être taillé sur mesure pour les mutuelles de la fonction publique : que signifie, pour elles, l'interdiction de toute sélection sur questionnaire médical puisqu'elles s'appuient sur l'examen médical préalable à toute entrée dans la fonction publique ? La distorsion de concurrence est patente, non seulement pour les sociétés d'assurances mais aussi pour les autres mutuelles qui ne peuvent bénéficier de cette sélection automatique.

S'agissant du fonctionnement des organismes mutualistes et du statut de l'élu mutualiste, le Parlement aurait trouvé un réel intérêt à renforcer cette forme de responsabilité solidaire. Enfin, la mise en place d'un système de garantie et de tutelle permettra-t-elle d'éviter les dérives qu'ont connu certains organismes mutualistes ou ne servira-t-elle qu'à instituer un monopole, sous couvert d'agrément des mutuelles ?

On mesure donc l'importance des problèmes abordés. Nous demandons au Gouvernement, à tout le moins, qu'il accepte de retirer l'article 3, afin que nous puissions aborder, sur le fond, la réforme de la mutualité.

Vous comprendrez, Monsieur le ministre, que les conditions ne sont pas réunies pour un débat serein, digne de la représentation nationale, et que ce n'est pas rendre service à l'idéal européen que de priver la représentation nationale de ses droits. Le groupe UDF considère que tenir le Parlement à l'écart de sujets d'une telle importance n'est certainement pas le moyen de faire progresser l'adhésion des citoyens et des élus à la construction communautaire.

Nous ne pouvons que nous élever contre ce débat tenu en catimini alors que la France doit jouer un rôle moteur dans l'édification européenne. L'urgence, ce n'est pas de court-circuiter le Parlement, mais de l'associer, dans la clarté, à l'élaboration des directives. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Gérard Charasse - La méthode qui consiste à recourir aux ordonnances est expéditive et présente quelque commodité. Au cas présent, il y a quelque incohérence, aussi, à proclamer l'importance de l'Europe et à transposer les directives en droit interne par ce biais. C'est à vous que ce reproche s'adresse, Monsieur le ministre, mais je sais que l'urgence n'est pas de votre fait. Elle résulte du laxisme du gouvernement précédent, qui a préféré ne rien affronter plutôt que sa majorité, même au prix des astreintes (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je sais, Monsieur le Ministre, que vous avez critiqué, vous aussi, cet article, mais il existe un bon moyen d'en amoindrir la portée : c'est d'inscrire le projet de loi de ratification à l'ordre du jour du Parlement. Le Gouvernement est-il prêt à s'y engager ?

Sur le fond, il est vrai que nous ne pouvons pas envisager d'exposer notre pays à des astreintes substantielles. De plus, si les normes européennes sont souvent moins exigeantes que le droit français, elles sont supérieures à celles de bien des pays frères, tandis que les nôtres restent applicables dans la mesure où elles sont plus favorables. En outre, le retour au principe fondateur de la mutualité - « contribuer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins » - nous permettra de combattre les dynamiques purement financières, voire spéculatives, qui se sont abritées malicieusement derrière cette étiquette, donnant au libéralisme ordinaire un vernis militant de bon aloi.

Je conclurai par deux « cavaliers oratoires » (Sourires). Le premier exprime l'inquiétude que m'inspire la modification programmée de l'article 133 (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RPR) : je ne voudrais pas que l'on excipât de l'obligation européenne pour esquiver tout débat de fond sur l'avenir des services publics, la notion d'utilité publique et l'aménagement du territoire. Le second a trait à la notion de délégation du pouvoir législatif, dont nous allons reparler prochainement à propos de la Corse. Dessaisir le Parlement de son pouvoir au profit d'une collectivité territoriale quelques semaines après l'avoir fait au profit du Gouvernement est une pente dangereuse : nous n'avons pas à céder à une prérogative que nous tenons de l'élection. Je prends cependant l'annonce de la réforme de l'ordonnance de janvier 1959 comme le signe que la majorité est prête à se lancer dans un travail de révision de nos textes fondamentaux, tels les articles 34, 37 et 38.

Si nous faisions ce travail jusqu'au bout, plus personne n'aurait à remonter à cette tribune pour dire ce que je vais dire maintenant : les députés radicaux de gauche voteront, Monsieur le Ministre, pour que nous déléguions au Gouvernement notre pouvoir de transposer des directives et de mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Oui, il y a un vrai problème français de transposition des directives communautaires, et il n'est pas à l'honneur de notre pays d'être l'un des plus mauvais élèves de la classe européenne. Non, la méthode retenue n'est pas la bonne, je ne suis d'ailleurs pas le premier à le dire, et le fait même qu'elle soit critiquée de tous côtés devrait être, pour le Gouvernement, un sujet de réflexion et de préoccupation.

La méthode n'est pas la bonne, car beaucoup de nos concitoyens ont déjà le sentiment d'être coupés de ce qui se passe et se décide à Bruxelles et à Strasbourg. Ce sentiment est-il fondé ? Partiellement au moins, car le fonctionnement de l'Union européenne est complexe, le contrôle démocratique insuffisant, et le mode d'élection de nos représentants au Parlement européen accentue encore la coupure entre l'électeur et l'élu. Le recours aux ordonnances pour transposer des directives est donc spécialement malvenu.

Ce n'est pas que nous réfutions tout droit à utiliser l'article 38 de la Constitution. Le précédent gouvernement l'a fait pour traiter de très grands sujets, mais lorsqu'il s'agit d'un texte unique, fût-il d'une importance capitale, les orientations du Gouvernement sont connues et peuvent faire l'objet d'un débat général. Il n'en va pas de même lorsque sont en cause cinquante directives, portant sur autant de sujets différents, car cela rend impossible la moindre discussion sur leur contenu. Il est grave, il est choquant que vous vous apprêtiez à transposer des directives, dont certaines sont d'une portée essentielle, sans le moindre débat au Parlement.

Vous invoquez des raisons pratiques, dans lesquelles je vois en fait, sans vous faire de procès d'intention, une commodité. Vous voulez éviter le débat, non tant au Parlement qu'au sein de votre majorité, sur certains sujets « qui fâchent ». Natura 2000 en est un premier exemple : échaudés par le débat sur la chasse, qui a vu la majorité plurielle se diviser, se chercher parfois, vous trouvez commode de couper court à un nouveau débat sur un sujet qui touche aux racines, aux territoires, et auquel nul ne peut être indifférent. C'est pratique, en effet, mais ce n'est guère courageux.

Autre sujet qui vous a laissé des souvenirs peu agréables : la libéralisation de ce qui était autrefois du ressort de grands services monopolistiques. Il est pour le moins paradoxal de transposer par ordonnances les deux directives sur les services postaux et sur les télécommunications, après avoir longuement débattu ici de celle relative à l'électricité. Il est vrai que la tâche n'avait pas été facile pour M. Pierret, en butte à la fois à la surenchère du groupe communiste, qui défendait fort légitimement ses conceptions, et aux réticences des Verts, voire d'une partie du groupe socialiste, mais je crois pour ma part que ces discussions, pour difficiles qu'elles aient été, ont été non seulement utiles, mais encore fructueuses, car elles ont permis à chacun de nous de dire ce qu'il pensait et à nos concitoyens de prendre conscience des enjeux. Cette fois, à peu de mois d'élections décisives, vous avez préféré ne pas renouveler l'expérience, pour ne pas avoir à réaccorder une majorité qui n'a jamais été si disparate.

J'en viens au sujet le plus contestable, et dont M. Bur a longuement parlé, de façon fort pertinente au demeurant : la mutualité. Ce que vous nous demandez de vous habiliter à faire, ce n'est pas seulement transposer la directive, c'est aussi refondre intégralement le code de la mutualité. Ceux qui, comme moi, ont suivi le dossier au fil des mois ont bien senti l'hésitation du Gouvernement. Mme Aubry avait en effet pris contact avec l'ensemble des groupes parlementaires, pour leur dire que le Gouvernement s'apprêtait à procéder par ordonnances à la demande du mouvement mutualiste lui-même, qui s'impatientait. Elle avait cependant précisé que le Gouvernement n'agirait ainsi que si tous les groupes politiques en étaient d'accord, et ajouté que les trois fédérations mutualistes avaient donné leur aval à la procédure comme au contenu du texte lui-même. J'ai dû, donc, la contredire, car je savais que l'une au moins des trois fédérations n'était pas en phase avec les projets du Gouvernement, mais celui-ci, malgré l'absence d'unanimité, a persévéré dans son intention, et nous demande ce soir un blanc-seing.

Je pense que nous pouvons nous accorder, quelles que soient nos options politiques, sur le fait que le mutualisme est appelé à jouer un rôle de plus en plus éminent dans notre pays, car c'est un mode de gestion qui, le plus souvent, satisfait à la fois le besoin de diversité et le besoin de proximité entre mandataires et mandants. Les mutuelles sont diverses par leur objet, par leur taille, par les catégories de personnes qu'elles regroupent, et elles doivent conserver cette diversité. Mon inquiétude, s'agissant de la réforme que vous vous apprêtez à mener à bien et que je ne connais pas dans le détail, a trait à la question de l'agrément et à celle de la garantie de place. Je voudrais mettre en garde le Gouvernement contre toute procédure qui conférerait un pouvoir excessif aux fédérations, car elle créerait une distorsion de concurrence dont pâtiraient les plus petites mutuelles. Tout en regrettant de ne pas disposer des textes définitifs, les orientations dont nous avons connaissance nous inquiètent au moins sur ces deux points.

Liées aux nombreux sujets dont vous allez priver le Parlement, nos critiques tiennent aussi à la conduite d'un Gouvernement qui s'est longtemps posé en parangon de vertu parlementaire et qui, à quelque mois d'échéances déterminantes, tombe dans une facilité malvenue (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Paul Chanteguet - Est-il normal que seule notre commission des lois ait été saisie de ce projet alors qu'au moins quatre commissions permanentes du Sénat l'ont été ? Le recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution n'est pas nouveau mais il nous heurte toujours en ce qu'il tend à nous dessaisir de nos prérogatives et les justifications d'ordre pratique avancées par le ministre ne sont pas de nature à nous convaincre.

Dans ce texte, la directive 92-43 du 21 mai 1992 qui concerne la conservation des habitats naturels, ainsi que la faune et la flore sauvages, retient toute notre attention. Elle prévoit en effet la constitution d'un réseau écologique cohérent dénommé « Natura 2000 » qui suscite depuis de nombreux mois de vives réactions au motif qu'il serait susceptible de créer des sanctuaires écologiques ou la chasse et les autres activités humaines seraient prohibées. Qu'en est-il exactement : devons-nous suivre le Sénat qui propose de la retirer ou accepter son maintien ?

Le réseau « Natura 2000 », qui comprend des zones spéciales de conservation pour la conservation des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces et des zones de protection spéciale pour la conservation des habitats des espèces d'oiseaux, vise à assurer la préservation de la diversité biologique. Il vise aussi à contribuer au développement durable, en conciliant les exigences écologiques et les besoins sociaux, dans le respect des particularités locales.

A l'issue de nombreux aléas, la dynamique Natura 2000 a été relancée en juillet 1997 et la France a pu adresser à Bruxelles 1029 propositions de sites couvrant 5,8 % du territoire national.

Du reste, la transposition de la directive habitat devient urgente car la France a été condamnée en manquement par la Cour de justice des communautés européennes le 6 avril 2000 pour défaut de transposition. A ce titre, la Commission européenne a adressé au Gouvernement français une mise en demeure pour non-exécution de l'arrêt de la cour dès le mois de juillet et notre pays s'expose à une astreinte s'il ne s'y conformait pas.

Par ailleurs, la transposition aidera à la constitution du réseau. Enfin, parce que les acteurs locaux ne peuvent être confrontés plus longtemps aux incertitudes qui persistent quant aux modes de mise en _uvre des mesures de préservation sur les sites retenus.

L'argument fondé sur l'absence de concertation ne tient pas lorsqu'on sait que depuis plusieurs mois tous les partenaires utilisateurs de l'espace réfléchissent au sein du comité national de suivi, au contenu des textes à adopter.

M. Michel Bouvard - Y siégeant, je confirme que le comité se réunit mais pas qu'on y réfléchit !

M. Jean-Paul Chanteguet - La gestion des sites Natura 2000 se fera donc sur la base du volontariat.

M. Michel Bouvard - Parlons plutôt de volontariat obligatoire !

M. Jean-Paul Chanteguet - En effet, la mise en _uvre d'une gestion durable des espaces naturels dans le cadre du réseau Natura 2000, ne peut relever que d'une action associant tous les acteurs concernés.

C'est pourquoi, pour chaque site, un document d'objectif définissant des orientations de gestion et les mesures de préservation contractuelle sera élaboré sous la responsabilité du préfet du département, en étroite concertation avec les partenaires locaux réunis au sein d'un comité de pilotage local. Celui-ci précisera en outre, les moyens financiers d'accompagnement et les modalités de mise en _uvre des mesures contractuelles.

Les moyens mobilisés pour la mise en place du réseau Natura 2000 dans le cadre du Fonds de gestion des milieux naturels doté de 118 millions en 2001 expliquent aussi pour partie les résultats obtenus.

Nous souhaitons cependant renforcer la procédure de consultation des communes afin que les délibérations des conseils municipaux portant sur les projets de classement des zones soient mieux prises en compte par les préfets.

Enfin, il me semble important de répondre aux inquiétudes des chasseurs. A cette fin, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a mis en place dès le 30 juillet 1997 un groupe de travail avec l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs, qui a conclu que la chasse ne constituait pas une activité perturbante car elle n'entraînait pas de déclin durable ou de disparition d'espèces.

La transposition par voie d'ordonnance de la directive « habitats » n'est pas seule contestée.

Ainsi, en matière sociale, la question du travail des mineurs a fait l'objet de vives interrogations.

Gardons cependant à l'esprit que la transposition du droit social obéit au principe protecteur de la primauté du droit le plus favorable. Du reste, la directive du 22 juin 1994 exclut expressément l'accès à l'emploi des jeunes de moins de quinze ans et encadre strictement les dérogations au principe d'interdiction du travail des mineurs.

En matière postale, nos collègues du Sénat ont cru judicieux d'éliminer de la transposition la directive du 15 décembre 1997 « concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux ». Leur intention ne nous échappe pas : une partie de la directive -celle qui concerne la définition du service universel et le champ des services réservés- a en effet été transposée par l'article 19 de la LOADT du 25 juin 1999, qui doit beaucoup à notre collègue François Brottes. Il ne reste donc plus à prendre en compte que les dispositions posant le cadre des activités en concurrence. Sur ce point la majorité sénatoriale, tout en tentant de s'approprier ce débat, a annoncé la couleur puisqu'elle a déposé une proposition de loi de privatisation de la Poste.

Voulons-nous protéger la Poste par ordonnances ou la privatiser par une proposition de loi ? Pour nous, il n'y a pas d'hésitation à avoir et je rappellerai à nos collègues que tenterait le second choix que la Deutsche Post, qui vient d'entrer en bourse, annonce déjà des fermetures de centres de tri et 4 000 suppressions d'emplois...

Enfin, comment la France pourrait-elle espérer faire accepter ses vues à Bruxelles dans la difficile négociation de la future directive postale si elle n'apure pas au plus vite son passif de transposition ?

S'agissant des autoroutes, nous sommes tenus de mettre fin, à la demande de la Commission européenne, au système de l'« adossement » des extensions qui consistait à financer les nouveaux tronçons par des surpéages sur le réseau existant. Cette obligation découle à la fois de la directive « travaux » du 14 juin 1993 et de l'article 86 du traité qui interdit toute entrave à la libre concurrence.

Nombreux sont ceux qui redoutent que le nouveau système soit plus défavorable que le précédent et que les péages se multiplient. Je pense pour ma part que le futur système sera plus performant, notamment grâce au savoir-faire dont on peut créditer l'équipe ministérielle actuellement en charge de l'équipement et des transports. La réforme entraînera en effet la disparition des surpéages et plusieurs aménagements seront également introduits, tels que l'allongement des concessions existantes.

Par ailleurs le statut des six sociétés concessionnaires sera ajusté afin qu'elles puissent soumissionner dans une concurrence équilibrée : elles seront certes privées de la garantie de l'Etat mais se verront dotées d'un capital susceptible de produire des dividendes.

Malgré les réserves que j'ai faites et compte tenu des engagements pris et des modifications acceptées par le Gouvernement, le groupe socialiste vous apportera, Monsieur le ministre, son soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Je n'insiste pas, car beaucoup l'ont déjà fait avant moi, sur l'attachement des parlementaires à leur rôle dans l'élaboration de la loi et le contrôle du Gouvernement. Ce qui est en cause ce soir, ce n'est pas seulement le droit du Parlement par rapport au Gouvernement mais aussi par rapport à l'Europe.

Certes, il y a un péché originel dans le traité de Maastricht, cette subsidiarité au rabais qui laisse les Etats membres légiférer seulement dans les domaines où l'Union européenne ne pourrait être meilleure qu'eux et qui fait que l'Europe légifère trop, comme en témoigne le paquet de directives dont il est question ce soir. Mais au moins pouvions-nous jusqu'ici nous prononcer sur le contenu desdites directives, exprimer un point de vue sur leurs conditions d'application en France, demander des garanties. Tel n'est plus le cas. Et ce n'est pas le fait que le Parlement européen ait pu étudier ces directives qui nous consolera de ce que le Parlement national soit ainsi dépouillé de son pouvoir. Nous ne considérons pas quant à nous que les Parlements nationaux soient frappés d'obsolescence. Est-ce ainsi que le parti socialiste conçoit la souveraineté partagée ?

On nous dit que les directives à transposer par ordonnances ne justifient pas un débat devant la représentation nationale. On croit rêver. Quoi, la réécriture du code de la mutualité, la modification du financement du système autoroutier et l'organisation du service postal ne justifieraient pas un débat ?

Mais je voudrais surtout insister sur l'exemple le plus représentatif de la méfiance de certains membres du Gouvernement vis-à-vis du Parlement, je veux parler de la directive Natura 2000.

Comme vous le savez, Monsieur le secrétaire d'Etat, elle n'était pas incluse dans la liste initiale et devait faire l'objet d'un projet de loi, qui avait même donné lieu à une discussion au sein du comité national de pilotage de Natura 2000. Mme Voynet n'a même pas informé les membres de ce comité -dont je fais partie- de l'abandon de ce projet et de l'ajout de la directive en question à la liste de celles devant donner lieu à une ordonnance. Elle marque ainsi, une fois de plus, sa défiance envers les acteurs du monde rural.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard et M. Jean-Paul Chanteguet - C'est faux !

M. Michel Bouvard - Cela étant, la directive Natura 2000 peut encore être sauvée...

M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire - Cela fait plaisir.

M. Michel Bouvard - A condition de ne pas revenir sur la disposition adoptée par le Sénat et d'intégrer dans le texte de loi auquel elle donnera lieu une déclaration interprétative sur la manière dont nous entendons l'appliquer en France, comme nous l'avions fait naguère pour la Convention alpine.

Nous pouvons dans ces conditions arriver à un résultat concerté. Mais si vous procédez par la voie d'ordonnance, il y aura un conflit ouvert, car nous n'avons pas l'intention de nous laisser imposer un texte qui nous fait courir un certain nombre de dangers. Je pense notamment à l'article qui dit que la France peut être privée de la liberté d'inscrire ou non un site ou à celui qui dispose que certaines activités humaines pourraient être interdites si elles portent atteinte à l'intégrité d'un site. Comment ne pas être inquiet dans ces conditions ? Nous le sommes d'autant plus que la première liste envoyée par Mme Voynet à Bruxelles a été contestée par une dizaine d'associations, a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat et a finalement été annulée pour excès de pouvoir et pour manque de concertation. Nous savons que des sites ont été transmis sans l'aval des communes alors que les gouvernements successifs s'étaient engagés à ce que les choses se passent sur la base du volontariat. Et alors que le débat était reparti sur des bases saines, nous avons constaté des modifications entre ce qui avait été accepté par les comités départementaux de Natura 2000 et ce qui arrivait à Bruxelles.

Nous sommes inquiets aussi parce que la directive Oiseaux est venue s'ajouter à la directive Natura 2000 et qu'on nous a dit qu'il faudrait classer encore plus, alors que plus de 20 % du massif alpin le sont déjà.

Nous réclamons donc qu'un débat ait lieu ici même. Les choses ne peuvent pas se faire par ordonnance, sauf à témoigner d'une extrême défiance envers le Parlement et les élus locaux. Ces derniers n'ont pas de leçons à recevoir en matière d'environnement car si la montagne abrite le plus grand nombre d'espèces qui soit -faune et flore-, c'est bien parce que des générations de montagnards ont permis qu'elles soient préservées. Aujourd'hui, nous n'admettons donc pas que l'on prétende protéger et classer sans notre accord, que l'on interdise l'exploitation des forêts sous prétexte de protéger des insectes xylophages, que l'on bloque des développements touristiques nécessaires à l'emploi et au maintien de l'activité humaine parce qu'ils seraient à proximité d'un site répertorié à l'inventaire futur de Natura 2000 ! Nous ne voulons pas que le débat ait lieu dans les coulisses du ministère de l'environnement mais ici. L'association des élus de la montagne a adopté il y a quelques semaines, à l'unanimité, une motion en ce sens.

J'espère donc que le Gouvernement aura la sagesse de ne pas revenir sur la disposition arrêtée par le Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jacques Desallangre - L'omnipotence du Parlement a-t-elle pu un jour nuire à l'action du pouvoir exécutif ? Je ne sais, mais aujourd'hui l'impotence du Parlement risque de conduire à l'affaiblissement de la démocratie, de la République et de la souveraineté populaire.

La ratification des traités de Maastricht et d'Amsterdam a en effet dépossédé le parlement national de sa mission : définir l'intérêt général. La multiplication des règlements et des directives fait qu'il n'est plus maître de l'opportunité. La transposition est alors l'unique occasion pour nous de déterminer les moyens mis en _uvre pour appliquer des règles... définies par d'autres.

La procédure instituée par l'article 88-4 ne saurait à cet égard nous satisfaire car elle borne de façon draconienne les pouvoirs du Parlement, qui est simplement consulté.

Désabusé, notre rapporteur avoue d'ailleurs que la transposition des directives « constitue la seule fenêtre d'expression parlementaire ».

M. le Rapporteur - Je n'ai pas dit cela.

M. Jacques Desallangre - Nous devenons progressivement une chambre d'enregistrement, il nous reste seulement la possibilité de nous « exprimer » sur une loi faite par d'autres. Il est symptomatique que seule notre commission des lois ait été saisie et qu'elle se soit bornée à reconnaître la recevabilité du projet.

Le recours aux ordonnances illustre le décalage entre le discours, largement répandu, en faveur du renforcement des pouvoirs du Parlement et la pratique. Les députés du Mouvement des Citoyens ne peuvent l'accepter. Comment demander aux citoyens de faire confiance aux politiques si leurs représentants sont dessaisis de leur droit et de leur devoir, à savoir faire la loi et définir l'intérêt général ?

Malheureusement, la loi n'est plus l'expression de la volonté générale. Les futures ordonnances n'auront pas été débattues mais négociées avec Bruxelles et les groupes d'intérêt, ce qui ne saurait suffire pour dégager l'intérêt général. Pas plus que le consensus entre le Gouvernement et le Président de la République ne saurait remplacer la légitimité du pouvoir législatif.

Le Gouvernement invoque l'extrême urgence de ces transpositions, qui patientent pour certaines depuis près de dix ans. Il est paradoxal que le pouvoir exécutif tire argument de ses propres lenteurs et dysfonctionnements pour enlever au Parlement ses prérogatives.

Et la France serait peut-être moins en retard s'il n'y avait pas tant de directives contraires à notre modèle de société et aux intérêts des citoyens...

On nous dit que l'habilitation ne sera pas demandée pour des directives dont la portée justifie un débat devant la représentation nationale. Mais la mutualité, la Poste, les services publics, les autoroutes, Natura 2000 sont-ils des sujets techniques ? Il est inacceptable d'escamoter le débat tant réclamé sur le service postal. Nous devrions définir le concept, son étendue et ses modes de financement pour empêcher que le service public ne se décompose face à la politique libérale de la Commission. Nous devrions aussi débattre de la refonte du code de la mutualité. Le projet impose aux mutuelles de justes principes qui devraient être étendus aux assurances : absence de sélection, interdiction de toute exclusion. Mais il soumet aussi à l'injonction de transparence les directives sur l'assurance pour créer un marché unique de l'assurance complémentaire maladie. Or les sociétés d'assurance se fondent sur l'évaluation précise du risque individuel et l'exclusion des pathologies non rentables. Qu'adviendra-t-il lorsqu'elles concurrenceront les mutuelles sur un même marché ? Allons-nous vers un système à plusieurs vitesses, sans péréquation ? Les mutuelles pourront-elles conserver leurs _uvres sociales, leurs valeurs et leur équilibre financier ? Toutes ces questions ne sont pas techniques et méritent un grand débat. Je vous soumettrai donc un amendement visant à supprimer l'article 3 du projet de loi.

Les députés du Mouvement des citoyens ne sauront accepter que le Parlement capitule car ils amputeraient ainsi la souveraineté populaire (Applaudissements de M. Michel Bouvard). Ils voteront donc contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Odile Saugues - L'article 4 du projet de loi traite de la modernisation du régime d'exploitation des autoroutes.

Nous avons quelque peu tardé à traduire une réalité que nous connaissons depuis longtemps : le financement de notre politique autoroutière est incompatible avec la directive « travaux » datant du 14 juin 1993.

Cette politique autoroutière, ses réussites mais aussi ses excès ont fait l'objet de nombreux rapports : ceux de l'Inspection générale des finances, ceux de la commission d'enquête sénatoriale ou encore les sept rapports de la Cour des comptes, qui pointent régulièrement les dérives liées à l'adossement.

Cette politique mériterait donc un vrai débat, qui devrait avoir lieu ici même. Elle repose sur des choix datant des années 1950. Sa mise en _uvre, ses évolutions, ont bien souvent échappé au contrôle du Parlement.

Cependant, aux Pays-Bas, le schéma national intermodal est validé par le Parlement. Celui-ci est associé aux décisions en Suisse, en Espagne, en Autriche ou en Suède.

Avec ce projet d'ordonnance, vous proposez de mettre un terme au système d'adossement et de faire respecter transparence et égalité de traitement lors du choix du concessionnaire des nouvelles sections autoroutières.

Dorénavant, les six sociétés d'économie mixte concessionnaires seront à égalité de chances avec les autres soumissionnaires.

Pour y parvenir, vous proposez la suppression de la garantie de la concession, améliorant le délai d'amortissement des investissements et la rentabilité des opérations.

Ce nouveau système me paraît être un progrès, en particulier parce que la politique routière devrait bénéficier du recyclage des dividendes des SEMCA. Enfin, je note avec satisfaction que vous n'occultez pas le débat sur les péages, en déposant un projet de lois spécifique.

Au-delà de ses aspects techniques, cette évolution participe à la moralisation des pratiques comptables dans un secteur qui n'a pas toujours été à l'abri des scandales ni des décisions discutables sur le plan économique, malheureuses sur le plan environnemental et étonnantes en matière d'aménagement du territoire.

Elue du Massif central, j'ai en mémoire le feuilleton de l'autoroute A 89 qui reliera Clermont-Ferrand à Bordeaux et qui ne recevra pas plus de 6 000 véhicules par jour. Son coût prévisionnel, qui connaît déjà des dépassements, était de 163 milliards. Les calculs de la direction de la prévision en 1995 concluaient à une perte pour la société concessionnaire supérieure à 10 milliards.

Nous ne pouvions donc pas faire l'économie de cette réforme. Le régime des concessions et de l'adossement a permis à notre pays de se doter d'un réseau autoroutier très performant, mais il faut admettre les faiblesses et les dérives du système.

Oui, il y a eu des dépassements fréquents des coûts prévisionnels et des excès, notamment en matière de remembrements.

Oui, l'endettement du secteur est préoccupant, avec des sociétés fragilisées par l'accélération brutale du schéma directeur.

L'article 4 ne corrigera pas tous les excès de notre politique autoroutière. Il est la première étape de la réforme plus globale d'une politique intermodale des transports plus respectueuse de l'environnement et plus soucieuse des attentes des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Claude Lemoine - Ce projet de loi a pour objet d'autoriser le Gouvernement à transposer une soixantaine de textes communautaires. Il serait justifié par le retard accumulé et par le caractère technique des dispositions en cause, ce qui semble laisser entendre que les élus doivent entériner ces textes parce qu'ils ne peuvent pas les comprendre. Certes, l'article 38 de la Constitution et l'article 249 du Traité instituant les communautés européennes fondent juridiquement la procédure des ordonnances et il existe des précédents : les lois de 1964, 1968 et 1969 concernant les directives sur la liberté d'établissement et de prestation de services. Mais cette procédure est restée exceptionnelle.

Ce projet de loi, qui ne vise pas moins de 47 directives et 7 règlements sur des thèmes très divers, n'est pas acceptable. Il touche des sujets tels que la santé, le travail, la consommation ou la mutualité. En réalité, il prive le Parlement de la possibilité d'améliorer les dispositions de transposition. Il propose de légiférer en catimini sur des préoccupations majeures pour les Français. Il va enfin à l'encontre de l'objectif de mieux faire accepter l'Europe par les citoyens.

M. Michel Hunault - Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine - Il n'est pas acceptable que le Parlement, dépouillé de ses prérogatives et notamment du droit d'amendement, accorde un blanc seing au Gouvernement qui a déjà négocié les directives.

Bien sûr, certaines d'entre elles attendent leur transposition depuis près de vingt ans, mais d'autres auraient pu être différées et donc examinées au fond. Pour preuve, le débat la semaine dernière sur le projet de loi de transposition en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées a notablement enrichi le texte initial.

Le Sénat a retiré du projet de loi les directives concernant Nature 2000, les services postaux ou la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de l'Union. Cela reste insuffisant. L'importance des textes visés interdit l'éviction du débat démocratique. Voilà les raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Marie-Hélène Aubert - J'aimerais moi aussi marquer une réprobation devant la procédure utilisée (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La pratique des ordonnances nous ramène à l'époque lointaine des décrets-lois. Elle laisse perplexes les Verts, qui sont attachés à la démocratie parlementaire. Ce texte nous laisse un sentiment de grande désinvolture, malgré des avancées indéniables.

Transposer par ordonnances, c'est s'interdire d'entrer dans le détail des textes et offrir carte blanche au Gouvernement. Nous devrions nous exprimer illico sur 25 directives. Disposant de cinq minutes, cela me laisse douze secondes par directive... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Ces sujets sont extrêmement techniques. Comment se prononcer sérieusement sur les rayonnements ionisants, la mise sur le marché de produits biocides, les accidents impliquant des substances dangereuses ou les médicaments vétérinaires ? Si le politique est parfois à la traîne, comme sur la maladie de la vache folle, a-t-il réellement les moyens de traiter ces sujets ?

Certains textes ont néanmoins pu faire l'objet de rapports et de discussions, mais le rôle et les moyens de la délégation pour l'Union européenne sont trop limités et les débats en séance publique qu'elle demande ne sont pas toujours organisés. Je ne citerai qu'un exemple récent, celui de la directive en cours de révision sur les organismes génétiquement modifiés, sujet sur lequel les Français aimeraient pourtant entendre la représentation nationale.

Cela dit, l'Europe ne peut se concevoir comme un système à la carte. Je me réjouis donc de la transposition de directives qui, dans la majorité des cas, améliorent notre législation. Quand ce n'est pas le cas, libre à nous de garder notre « mieux-disant social ». Il est inadmissible que la France ait un tel retard dans cette transposition ; c'est un dysfonctionnement, ou pire, une lâcheté des exécutifs successifs, qui parfois n'osent pas assumer leurs décisions devant les Français et préfèrent les faire apparaître comme des diktats européens.

La mise à niveau que nous entamons n'a rien de glorieux, mais elle est tout simplement indispensable si nous voulons avoir quelque crédibilité à Nice. Le problème est d'ailleurs le même pour beaucoup de textes internationaux : ne s'apprête-t-on pas, cinquante ans après, à ratifier le protocole n°1 de la convention de Genève ?

Je me réjouis également de l'intégration des textes concernant Natura 2000. Les ratages initiaux dus au blocage de certains, mal informés ou de mauvaise foi, et à une certaine froideur administrative, ne doivent pas nous détourner de l'objectif, qui est de préserver notre patrimoine naturel. Pour la directive « Habitats », nous avons six ans de retard, et pour la directive « Oiseaux », dix-neuf ans de retard. Nous risquons cette année, outre des astreintes, une condamnation au non versement des fonds structurels. Or sur le terrain les choses avancent : plus de mille propositions ont été envoyées et la concertation s'est largement améliorée ; tout le monde commence à voir l'intérêt de cette démarche.

Nous aurions été d'accord pour avoir un débat serein sur le rôle et l'application de Natura 2000, mais nous avons vu à quelle caricature et à quels dérapages a conduit celui sur la chasse...

Parce que, malheureusement, aucune autre solution que les ordonnances ne pouvait être trouvée pour combler notre retard de transposition, les députés verts, tout en demandant une réforme énergique permettant d'examiner en amont les projets de textes européens, voteront ce projet (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. François Brottes - Etant rapporteur pour avis du budget de la Poste et des télécommunications, je me suis plus particulièrement intéressé aux dix directives que le Gouvernement nous propose de transposer par ordonnances dans ces deux domaines. Je tiens d'ailleurs à préciser que la commission supérieure du service public de la Poste et des télécommunications, à laquelle j'appartiens, et dans laquelle siègent à parité députés et sénateurs, a été saisie au fond sur les textes mêmes des ordonnances.

Concernant les télécommunications, la moitié des directives à transposer n'ont peut-être pas besoin d'une nouvelle transposition puisqu'elles en ont déjà fait l'objet d'une... mais peut-être deux précautions valent-elles mieux qu'une ! Sur le fond, ces directives n'appellent pas de remarques particulières car elles viennent préciser et actualiser notre droit dans un secteur en mutation rapide.

Concernant le secteur postal, il s'agit de finir de transposer la directive du 15 décembre 1997, déjà transposée en partie par l'article 19 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Il faut en effet établir un régime de licence d'opérateur postal, modifier le régime de sanction et rectifier des dispositions législatives obsolètes en matière de distribution. Pour autant le Gouvernement ne souhaite pas créer une autorité indépendante de régulation du marché postal.

Le Sénat avait supprimé du champ du projet de loi la directive postale, au motif que le sujet était trop important pour donner lieu à ordonnances. En réalité, la majorité sénatoriale a pour objectifs de privatiser la Poste, de briser l'unicité des services en isolant les services financiers et d'accélérer la dérégulation et l'ouverture à la concurrence, bref de fragiliser le service public postal.

Le Sénat nous tend aussi un piège car il y a urgence à nous mettre en règle avec nos obligations communautaires, afin de peser dans les négociations et neutraliser les tentatives de libéralisation totale. Dans le cas qui nous préoccupe, la fin justifie les moyens !

Je confirme que certains, parmi ceux qui demandent un grand débat sur le secteur postal au détour de ce texte d'habilitation ont des arrière-pensées qu'ils expriment d'ailleurs haut et fort en prenant comme modèle d'autres postes européennes qui après leur privatisation ferment des agences et suppriment des milliers d'emplois.

Si l'on peut préserver le service public postal, on ne peut qu'être favorable à la loi d'habilitation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Bataille - Plutôt que de revenir encore une fois sur les problèmes soulevés par la procédure des ordonnances, je voudrais évoquer le droit d'amendement dont feront usage les membres du groupe socialiste.

Je me félicite que le Gouvernement ait fait preuve d'ouverture. S'agissant de la directive « habitats », je me réjouis de son choix d'introduire un article spécifique qui permettra des développements explicatifs. Nos amendements vont par exemple insérer l'obligation d'une consultation des conseils municipaux avant tout classement d'une zone ou d'un site.

Nous allons également préciser la place de la chasse dans le dispositif « Natura » en veillant à préserver l'équilibre que nous avons trouvé dans la loi du 26 juillet 2000.

J'ai déposé, à titre personnel, quelques amendements concernant les télécommunications. J'ai voulu montrer que la procédure des ordonnances même si elle n'est pas satisfaisante, nous permet d'exercer des droits. Ils sont restreints, certes, mais nous utiliserons pleinement la possibilité qui nous est offerte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 0 heure 15, mercredi 6 décembre, est reprise à 0 heure 25.

Top Of Page

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6 du Règlement.

M. Christian Estrosi - C'est avec un certain étonnement que nous avons pris connaissance de ce projet. Etonnement devant l'ampleur de l'entreprise, puisqu'en cinq articles, ce sont près de 70 textes communautaires que vous souhaitez transposer par ordonnances. Etonnement devant la diversité des domaines visés, qui vont de la mutualité à Natura 2000, directive sur laquelle je reviendrai. Etonnement enfin devant la méthode employée : l'urgence, qui vous permet d'éviter le débat de fond sur des sujets qui vous embarrassent, l'urgence que vous avez érigée en méthode de Gouvernement alors qu'elle avait été prévue pour être exceptionnelle.

Au sein de votre majorité, les groupes communiste et RCV ont critiqué la procédure que vous avez choisie, et le rapporteur de la commission des lois a lui-même déclaré qu'elle aboutissait à priver le Parlement d'un débat qui aurait dû avoir lieu dans cet hémicycle.

M. le Rapporteur - C'est l'article 38 de la Constitution !

M. Christian Estrosi - Vous invoquez encore le retard pris par la France dans ces transpositions. Mais il ne peut nullement être imputé au Parlement, puisque notre Assemblée, comme le Sénat, a déposé plusieurs propositions de transposition. Ce fut le cas, pour Natura 2000, en 1998, par la Haute assemblée, devant laquelle, par ailleurs, M. Hascoët s'est engagé à ce qu'un grand débat ait lieu sur la mutualité. Qu'en est-il ? Dois-je vous rappeler, encore, notre proposition de transposition de la directive gaz, en mai ?

Et puis vous n'êtes aux affaires que depuis près de quatre ans...

M. le Rapporteur - Pour quelques années encore.

M. Christian Estrosi - Alors que nous avons siégé 232 jours pour 561 séances, vous nous proposez de traiter, dans l'urgence, de textes dont nos commissions auraient dû être saisies. Peut-être auraient-elles pu l'être si vous aviez présenté au Parlement moins de textes d'inspiration idéologique, et davantage de projets répondant aux véritables enjeux du moment ! Le Gouvernement n'est-il pas maître de l'ordre du jour prioritaire ?

Vous auriez pu, à défaut, utiliser les articles 103 à 107 de notre Règlement, cette procédure simplifiée qui ne tronque pas le débat démocratique.

Je ne résiste pas, non plus, à la tentation de vous citer certaine circulaire du Premier ministre, parue au Journal officiel daté du 10 novembre 1998, et relative à la procédure de suivi des textes communautaires. Il y est précisé que chaque ministère doit assumer la responsabilité de la transposition, laquelle doit être préparée aussitôt qu'une directive a été adoptée. En bref, si ce travail avait été fait, l'urgence n'aurait pas été nécessaire.

En outre, nombre de lois récemment adoptées auraient fourni d'excellentes occasions de transposer certains textes communautaires en droit interne : ainsi, par exemple, de la réforme de la loi relative à la liberté de communication -mais vous n'avez rien fait. C'est bien le Gouvernement qui est responsable de cette situation.

Vous nous dites encore que les textes en question sont d'ordre technique plus que politique. Cet argument me heurte et ne heurte pas que moi. La représentation nationale serait-elle incapable d'appréhender les enjeux ? Le technique et le politique ne sont pas contradictoires, mais complémentaires.

Avant de parler du texte proprement dit, je noterai, le fait est assez rare pour qu'on le souligne, que, sur les trois motions de procédure déposées, deux sont le fait de membres de votre majorité. C'est la preuve du mécontentement profond qui règne sur tous les bancs, face à une pratique qui rabaisse notre Assemblée au rang de chambre d'enregistrement. Il y a toutefois une différence essentielle entre les motions de votre majorité et la nôtre : c'est que nous n'entendons pas remettre en cause l'Union européenne telle qu'elle est mise en _uvre, mais votre façon de procéder.

Par principe, nous sommes favorables à la transposition des directives : d'abord parce que nous sommes européens, ensuite parce que la France fait régulièrement l'objet de recours en manquement, et que cela nuit à sa position en Europe, où elle figure à l'avant-dernière place pour la transposition du droit communautaire, à quelques encablures seulement du bonnet d'âne.

Certains des textes concernés ne soulèvent pas de difficultés particulières, car ils ne font que compléter des directives existantes. D'autres, en revanche, auraient mérité un débat au fond. C'est le cas, par exemple, de la directive du 12 juin 1989 sur l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs sur le lieu de travail, ou de celle du 19 octobre 1992 sur l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. Quant à la directive sur le diagnostic in vitro, était-il indispensable de la transcrire par ordonnance, alors qu'un grand débat va s'ouvrir sur la révision des lois bioéthiques ? De même, l'actualité aurait justifié un débat parlementaire approfondi sur le contrôle des denrées alimentaires et de l'alimentation animale

Dans le domaine de l'environnement, si la directive dite Seveso II, celle sur la classification et l'étiquetage des matières dangereuses, celle sur la liberté d'accès à l'information, ou encore le règlement relatif à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets n'appellent pas de longues discussions, tel n'est pas le cas de la directive du 16 février 1998 relative à la mise sur le marché des produits biocides, que votre Gouvernement avait tout loisir de transposer avant le 14 mai 2000, et dont les conséquences financières seront importantes pour les moyennes entreprises du secteur industriel concerné : le Parlement aurait pu valablement réfléchir à la façon de compenser les charges nouvelles qu'elles subiront.

Il n'en est pas de même non plus de la directive du 21 mai 1992 dite « habitats naturels », ou encore « Natura 2000 ». Nous nageons en pleine incohérence : la France est en effet condamnée pour manquement à ses obligations communautaires, alors qu'un texte d'origine parlementaire avait été examiné en 1998 par le Sénat. Celui-ci a retiré la directive du champ d'application du projet ; la commission des lois de notre Assemblée veut l'y réintroduire. Nous ne sommes pas opposés à une démarche européenne en matière de préservation des espaces naturels, à condition qu'elle se borne à quelques grandes lignes directrices. Ce que nous contestons, c'est l'interprétation maximaliste que vous avez faite de la directive, sans concertation, ni parlementaire, ni locale. En cherchant à imposer plutôt qu'à dialoguer, en cherchant à satisfaire les écologistes de salon, vous vous êtes attirés le courroux des élus locaux en même temps que celui des vrais amoureux de la nature (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Comme dans le débat sur la chasse, Mme Voynet a exacerbé les passions et fait preuve de son dogmatisme coutumier. Elle a préféré la contrainte à la recherche d'un consensus. Or, nous ignorons les véritables incidences futures de Natura 2000, ce qui est particulièrement préoccupant, car l'on ne peut laisser les populations dans l'insécurité juridique et dans l'incertitude quant à la perpétuation de leurs activités traditionnelles, menacées au profit de la protection d'un rocher rare, d'un insecte original ou d'un oiseau précieux. Le petit ou le grand rhinolophe, la vipère d'Orsini, l'alouette Lulu, le scarabée xylophage Rosalie méritent certes le respect, mais Mme Voynet m'autorisera à leur préférer cette espèce menacée, qui souffre et se bat dans des conditions difficiles pour sa survie en montagne : je veux parler de l'espèce humaine ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

La directive se donne pour objectif de préserver la diversité biologique européenne, par la constitution d'un réseau de sites abritant les habitats d'espèces de faune et de flore sauvages. Les termes de son article 2 visent à concilier la protection de la nature avec les intérêts économiques, sociaux et culturels des Etats membres. C'est bien là que le bât blesse, car votre conception étroitement naturaliste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) vous a conduits à ne vous soucier que de la conservation de la nature, et non de celle des activités humaines, en contradiction avec les approches modernes du développement durable.

Le Conseil d'Etat a annulé, par un arrêt du 27 septembre 1999, une circulaire de la ministre de l'environnement en date du 11 août 1997, qui prescrivait aux préfets de transmettre les premières listes de sites sans respecter la procédure fixée par le décret du 5 mai 1995, ainsi que les trois décisions par lesquelles la ministre transmettait lesdites listes à Bruxelles aux fins d'inscription dans le dispositif Natura 2000. Cet arrêt est important, car il sanctionne l'opacité de la démarche ministérielle et le refus de la concertation. Mme Voynet a même refusé de débattre, en juin 1998, de la proposition sénatoriale, ce qui vous impose d'agir aujourd'hui dans la précipitation -alors qu'avait été annoncé comme imminent un projet de loi dont la promesse a dû se perdre dans les méandres de l'administration...

L'application de cette directive aurait pu être l'occasion de réfléchir à un nouveau mariage de l'homme et de la nature (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Un PACS !

M. Christian Estrosi - Plutôt que de tenter d'opposer les militants de la protection de la nature aux représentants du monde rural, il eût fallu chercher à en faire des partenaires. Comment justifier, en effet, que le zonage soit établi sans règles de concertation officielle et sans l'accord des principaux intéressés, à commencer par les communes ?

J'aurais préféré que notre Assemblée en débatte car quelle valeur cette concertation aura-t-elle ? Le préfet pourra-t-il s'en écarter ? Ces questions importantes méritaient mieux que le simple blanc-seing donné à votre Gouvernement. Que sont les promesses de concertation devenues ?

A nos yeux, il est impossible qu'un site puisse être intégré dans le réseau Natura 2000 sans l'accord express du conseil municipal de la commune concernée.

Vous semblez oublier que ce sont les élus locaux, les agriculteurs, les chasseurs et les propriétaires fonciers qui entretiennent nos espaces et qui permettent une utilisation multimodale de la nature ; celle-ci n'est en aucun cas l'apanage des Verts ?

De même, pour ce qui concerne les 350 sites réclamés par la Commission européenne, la représentation nationale aurait souhaité connaître vos intentions.

Pour la seule région Provence-Alpes-Côtes d'Azur, 18,4 % du territoire est concerné pour 70 sites, alors que, par comparaison, la région Rhône-Alpes est concernée par 110 sites pour 6,2 % de son territoire, et le Nord-Pas-de-Calais pour moins de 1 % de son territoire. Un souci de réparation des dommages industriels que vous y avez causés aurait dû, Monsieur le Président de la commission des lois, vous conduire à mieux protéger vos espaces naturels.

M. le Président de la commission - C'est le capitalisme sauvage qui est responsable : relisez Zola !

M. le Rapporteur - Ne venez pas nous donner de leçons alors que vous avez bétonné la Côte d'Azur !

M. Christian Estrosi - Pour en terminer sur Natura 2000, je dirais simplement que vous avez fait ce qu'il ne fallait pas faire. Quoi qu'il en soit, un dessaisissement du Parlement sur une matière qui touche près de 5 % du territoire total et des centaines de milliers de Français ne nous semble pas acceptable ! Nous nageons en plein déni de parlementarisme.

J'en viens à l'article 4, qui a trait aux aménagements autoroutiers. Il s'agit d'un bon article, car il permettra d'engager des investissements attendus, alors que vous n'avez eu de cesse d'entraver les programmes autoroutiers depuis trois ans. Je me réjouis du reste de la clairvoyance de M. Gayssot qui s'est opposé à une disposition visant à redéfinir les règles relatives à l'institution de péage. Il me semblait pourtant que la circulaire de novembre 1998 précisait la responsabilité du ministre concerné quant à la transposition des directives entrant dans son domaine de compétences. Le ministre de l'équipement et des transports était donc contre une disposition, proposée malgré tout dans le projet. En plus de mettre en doute les capacités des parlementaires, vous interrogeriez-vous sur celle de vos collègues ?

Ma dernière observation concerne plus particulièrement la procédure des ordonnances. La Constitution n'a pas rendu obligatoire la ratification. Elle impose simplement au Gouvernement, à peine de caducité, de déposer dans un délai prédéterminé dans la loi d'habilitation un projet de loi de ratification, soit, en ce qui concerne ce projet, deux mois selon les termes de l'article 5 du projet, sans pour autant contraindre le Gouvernement à l'inscrire à l'ordre du jour.

Ensuite, soit vous n'inscrivez pas le projet de ratification à l'ordre du jour des assemblées laissant le soin au Parlement de se référer à l'ordonnance dans une loi ultérieure et l'ordonnance acquiert alors valeur législative par ratification implicite ; soit vous soumettez le projet au vote de notre Assemblée -ce qui relève de l'hypothèse d'école au vu de la pratique parlementaire- et l'ordonnance ainsi adoptée prend valeur législative. En cas de rejet, elle cesse d'être appliquée.

Il y a tout lieu de craindre cependant que vous ne fassiez le choix du moins-disant législatif et que vous usiez de la procédure de la ratification implicite, qui dessaisit doublement notre Assemblée de ses pouvoirs alors que la voie de la ratification expresse permet au Parlement de se prononcer sur le contenu de l'ordonnance. Je ne vois pas en effet comment vous pourriez inscrire plus de cinquante projets de ratification à l'ordre du jour de notre Assemblée !

Par ailleurs, contrairement à ce que vous prétendez, vous ne réduisez nullement la complexité et l'insécurité juridique, puisque, selon les cas, ce sera tour à tour le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel qui seront compétents pour apprécier la légalité du contenu des ordonnances.

Je terminerai la présentation de cette motion en reprenant les mots du professeur Guy Carcassonne -qui est de vos amis. Il relève que l'on n'a rien inventé de mieux pour faire de bonnes lois que le Parlement et invite du reste à n'user des ordonnances qu'avec modération. Les Romains avaient un adage en hommage à la vertu : In medio stat virtus. Le moins que l'on puisse dire, c'est que depuis votre arrivée aux affaires, le juste milieu penche du mauvais côté !

En outre, la fausse prévenance qui vous inspire relève de la pire hypocrisie lorsque vous indiquez dans l'exposé des motifs, que ce projet de loi « préserve les droits du Parlement en allégeant son programme de travail ». Cette mention relève davantage de l'humour noir involontaire que d'un propos responsable.

Or, c'est parce que le Parlement ne s'assimile pas à une institution fantôme que nous demandons le renvoi en commission.

A l'heure où notre pays préside l'Union européenne, associer l'Europe à de telles pratiques, c'est encourager l'euroscepticisme.

Monsieur le ministre, le Parlement veut jouer pleinement son rôle et le Gouvernement doit lui permettre de le faire dans de bonnes conditions. Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, je sollicite le renvoi du projet en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Depuis trois ans, le Gouvernement a proposé de transposer une cinquantaine de directives par la voie législative, qu'il s'agisse de la protection juridique des bases de données, de la protection des acquéreurs, du vote et de l'éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales -dont la transposition avait été refusée par la majorité précédente-, des questions agricoles, de l'épargne et de la sécurité financière, du service public de l'électricité ou des ventes aux enchères publiques... Le Gouvernement ne peut donc être taxé d'immobilisme ou de refus d'associer le Parlement à sa démarche.

S'agissant de Natura 2000, M. Estrosi fait fausse route : il n'est pas question d'opposer les milieux naturels aux activités humaines ! Sachons raison garder : l'homme n'est pas l'espèce menacée par la directive et nul n'a le projet de faire de la nature un sanctuaire où toute activité humaine serait prohibée. Du reste, à de rares exceptions près, les espaces considérés servent souvent de supports à des activités économiques de première importance ; M. Bouvard ne peut ignorer qu'en Maurienne, le développement de l'industrie a dénaturé certaines vallées !

M. Michel Bouvard - Nous avons créé le premier parc naturel de France !

M. le Ministre - Pour ce qui concerne la définition des périmètres, j'ai sous les yeux un décret qui précise que le préfet du département consulte les maires concernés.

M. Christian Estrosi - Mais il ne le fait jamais !

M. le Ministre - Et qui sont les signataires de ce décret en date du 5 mai 1995 ? MM. Balladur et Barnier ! (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Alors ne venez pas nous reprocher le manque de concertation !

Plusieurs députés RPR - Voynet ne l'applique pas !

M. le Ministre - Résolu à renforcer la concertation, le Gouvernement a constitué un groupe de pilotage pour la définition des espaces visés par Natura 2000, sans parler de dispositions complémentaires incluses dans cette loi d'habitation. En 1995, vous avez essayé de passer en force : pour notre part, nous privilégions la concertation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Nous voici donc arrivés au terme de la discussion générale, à l'issue de trois motions peu glorieuses pour notre Assemblée.

De nombreux orateurs ont déploré l'abondance des textes à transposer et notre précipitation : que n'ont-ils transposé entre 1993 et 1997 les 28 directives qui étaient déjà en état de l'être ?

M. le Président de la commission - Tout à fait !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Alors, s'il vous plaît, un peu d'humilité ! Beaucoup de contrevérités ont été dites à propos de Natura 2000, mais enfin si M. Juppé n'avait pas gelé la procédure et négligé la concertation, nous n'en serions pas là !

Certaines transpositions sont bienvenues, d'autres ne posent pas de difficultés particulières. Il n'y a donc pas de raison de renvoyer ce texte en commission. Un tel renvoi serait plutôt de nature à créer des difficultés à la veille d'un sommet présidé par la France.

Certes, le recours aux ordonnances n'est pas satisfaisant mais ce n'est pas parce qu'une seule commission a été consultée qu'elle a fait du mauvais travail. Elle s'est au contraire réunie à plusieurs reprises et a examiné quantité d'amendements. C'est pourquoi le groupe socialiste repoussera la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Didier Quentin - Lors de sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, M. Jospin avait affirmé une volonté d'impliquer davantage le Parlement dans la construction européenne. Nous en sommes bien loin ce soir où le Parlement est mis en demeure d'autoriser le Gouvernement à transposer par ordonnances une cinquantaine de directives.

Le Gouvernement aurait au moins pu saisir plusieurs commissions au lieu d'une seule, comme cela s'est passé au Sénat, ou encore recourir à la procédure d'examen simplifié. De nombreux sujets méritaient en tout cas un vrai débat, qu'il s'agisse de la protection des travailleurs ou des femmes enceintes, des diagnostics in vitro, du contrôle des denrées alimentaires ou de Natura 2000. Sur ce dernier sujet, force est de constater que le « grand méchant flou » continue de sévir.

Le Gouvernement a ce soir confisqué le pouvoir démocratique, de sorte qu'à la liste des espèces menacées, il faudrait ajouter le député français (Sourires sur divers bancs).

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

M. François Goulard - Si les précédentes motions de procédure avaient été adoptées, elles auraient eu pour effet d'interrompre l'examen du projet. Il ne s'agit pas de cela maintenant, mais de reprendre une étape de la procédure, à savoir l'examen du texte en commission. Je voudrais d'ailleurs que l'on ajoute un « s » à ce mot et que l'on renvoie le projet devant toutes les commissions compétentes pour examiner les directives dont il est question.

Il est vraiment regrettable que le Gouvernement ait opté pour la procédure la plus minimaliste qui soit.

Le groupe DL votera bien évidemment la motion de renvoi en « commissions » (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Yves Bur - Qu'il s'agisse de la directive sur les assurances, de la refonte du code de la mutualité ou de Natura 2000, l'importance des sujets abordés par les directives dont il est ce soir question justifie amplement la motion de renvoi en commission.

La façon dont le Gouvernement refuse le débat nous fait craindre que la transposition de ces directives soit un acte de plus d'autorité. Ce faisant, le Gouvernement prend le risque d'entretenir une certaine méfiance envers l'Europe et perd une occasion d'expliquer à nos concitoyens tous les apports positifs pour la France de la construction européenne. Nous déplorons cette façon de faire et nous voterons donc la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) .

A la majorité de 60 voix contre 21, sur 85 votants et 81 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91 alinéa 9 du Règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Top Of Page

ARTICLE PREMIER

M. Roger Meï - Notre amendement 12 a pour objet de supprimer le quatrième alinéa du I de cet article.

M. François Goulard - L'amendement 19 a le même objet.

M. François Goulard - De même que l'amendement 34.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Avis défavorable, car la Commission a reproché à la France, en mars 1997, d'avoir insuffisamment transposé la directive sur deux points : d'une part en ne prévoyant pas pour l'ensemble des entreprises le principe de la consultation des travailleurs lors de l'introduction dans l'entreprise de nouvelles technologies ; d'autre part en ne prévoyant pas de formation des délégués du personnel qui ont une mission d'hygiène et de santé dans les entreprises de 11 à 50 salariés. Il s'agit donc ici de nous prémunir contre des risques de contentieux.

Les amendements 12, 19 et 34 identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Goulard - Il eût été souhaitable que la directive du 7 juin 1990, qui traite de la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement, fît l'objet d'une véritable discussion parlementaire. Tel est le sens de notre amendement 20.

M. Didier Quentin - Compte tenu de l'importance du sujet, un débat semble en effet nécessaire. C'est ce qui justifie notre amendement 35.

M. le Rapporteur - La commission a suivi la sagesse du Sénat et a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - La transposition de cette directive constitue pour nous une forte obligation puisqu'un contentieux en manquement est pendant devant la Cour de justice des communautés européennes et que notre condamnation est prévisible. Par ailleurs, les droits garantis par ce texte correspondent à une forte attente du public, des associations et des élus.

Les amendements 20 et 35, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roger Meï - Notre amendement 13 est conforme à notre position sur le travail de nuit des femmes, et sur le travail de nuit en général. Nous pensons que le sujet mérite un vrai débat.

M. François Goulard - L'amendement 21 a le même objet.

M. Didier Quentin - De même que le 36.

M. le Rapporteur - Nous avons déjà eu un très long débat sur le sujet il y a quelques jours. La commission a donc repoussé ces amendements, suivant en cela la sagesse du Sénat.

M. le Ministre - Il y a eu là encore transposition incomplète de la directive, de sorte que la France fait l'objet d'un contentieux lancé par la Commission européenne. J'ajoute que les dispositions restant à transposer ont pour objet de protéger les femmes enceintes ou allaitantes qui seraient exposées, sur leur lieu de travail, à des risques pour leur santé ou leur sécurité. Elles permettent leur reclassement à un poste plus adapté ou la suspension de leur contrat de travail sans perte de rémunération. Ces dispositions constituent donc un vrai progrès social.

Les amendements 13, 21 et 36, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roger Meï - L'amendement 14 vise à supprimer l'alinéa sur le travail des jeunes. Cette directive représente une régression et ne peut être transposée sans un débat au Parlement.

M. Didier Quentin - Sans être un compagnon de route, je me rallie à l'argumentation de M. Meï pour la défense de l'amendement 37 (Sourires).

M. le Rapporteur - En premier lieu, le Sénat a accepté cette directive. Surtout, il faut rappeler que, le droit national étant supérieur à la directive, c'est lui qui s'applique et affirmer que la directive permettra de faire travailler les jeunes Français ou habitant en France à 13 ans est un mensonge éhonté.

M. Charles de Courson - Qui a dit cela ?

M. le Rapporteur - Le fait de proposer cet amendement le laisse entendre.

M. Charles de Courson - Pas de la part de l'UDF.

M. le Rapporteur - C'est pourtant ce que vient de dire l'opposition unie par la voix de M. Quentin. Le sujet ne prête pas à plaisanterie. Cette argumentation implique qu'à cause de la directive, des dispositions moins protectrices que le droit national s'appliqueraient et elle est fausse.

M. Charles de Courson - Elle est belle, la majorité plurielle !

M. le Ministre - Avis défavorable.

Les amendements 14 et 37, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roger Meï - L'amendement 15 vise à exclure du champ de l'habilitation la directive relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale. Cette directive en a modifié une autre suite à un arrêt de la Cour de justice des communautés qui a invalidé les dérogations contenues dans le code de la sécurité sociale sur l'âge de la retraite et les conditions d'attribution des pensions de réversion. Elle revient donc sur des avantages sociaux accordés aux femmes au prétexte d'une égalité qui n'a pas encore d'ancrage dans la vie quotidienne ni dans les entreprises. Notre système de protection sociale ne doit pas être nivelé par le bas.

L'amendement 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 22 est un échantillon de la longue liste des sujets qui méritent un débat. Il concerne les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

M. Didier Quentin - L'amendement 38 est identique.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements, suivant en cela la sagesse du Sénat.

M. le Ministre - Il est urgent de procéder à cette transposition, la France ayant été mise en demeure le 13 juillet. Par ailleurs, elle permettra à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de contrôler tous les produits utilisés pour le diagnostic in vitro.

Les amendements 22 et 38, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Goulard - L'amendement 23 vise le contrôle des denrées alimentaires et l'actualité montre combien il est malheureux que nous soyons privés de débat à ce sujet.

M. Didier Quentin - L'amendement 39 est identique. Le projet d'ordonnance précise les conditions dans lesquelles les agents peuvent effectuer des contrôles sur place. En pleine crise de la vache folle, on voit l'importance du débat.

M. le Rapporteur - Il y a un grand intérêt à appliquer cette directive au plus vite pour améliorer le contrôle des denrées alimentaires. Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Il s'agit de transposer une disposition technique concernant les conditions de contrôle des agents vérificateurs et de préciser les mesures à prendre en cas d'irrégularité. Cela doit être fait rapidement.

Les amendements 23 et 39, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roger Meï - L'amendement 16, ainsi que les 17 et 18, concerne les télécommunications. Il vise à exclure la directive cadre sur l'introduction de la concurrence dans le secteur des télécommunications, qui est à la base de la déréglementation du secteur. En habilitant le Gouvernement à la transposer, nous l'autoriserions à modifier sans débat le régime du fonds de service universel, la fixation des tarifs des opérateurs et du catalogue d'interconnexion de France Télécom ou la réglementation des réseaux de fibres des collectivités locales. Ces points méritent qu'on prenne le temps de les examiner de près. Nous refusons d'accorder un chèque en blanc au Gouvernement. Si une directive est négociée par le Gouvernement et transposée par lui, que reste-t-il au Parlement ?

M. Christian Bataille - L'amendement 47, identique au précédent, se justifie par le fait que la directive a déjà été intégralement transposée.

M. le Rapporteur - La commission avait repoussé ces amendements mais, après vérification, il apparaît effectivement que la directive a déjà été transposée dans la loi du 30 décembre 1990. A titre personnel, je suis donc favorable à leur adoption.

M. le Ministre - Je me rallie à cette position.

M. François Goulard - Dans le domaine des télécommunications, le Gouvernement a la manie de priver le Parlement de tout droit à la discussion. Si la transposition était entièrement effectuée, je suppose que cette directive ne serait pas mentionnée ici. Il y a donc certainement un point à compléter.

Le Gouvernement a refusé le débat sur la concession des licences UMTS, qui représentent 130 milliards -excusez du peu ! Alors que la procédure n'était pas fixée par la précédente loi sur les télécommunications, alors que les choix étaient loin d'être simples, il a décidé arbitrairement de la procédure ainsi que des heureux bénéficiaires des licences. Il s'agit donc d'une matière interdite. Les télécommunications favorisent la circulation de l'information mais celle-ci s'interrompt aux portes du Parlement !

Les amendements identiques 16 et 47, mis aux voix, sont adoptés.

M. Didier Quentin - L'amendement 42 concerne les clauses abusives dans les contrats passés avec les consommateurs. Le complément de transposition apportera des précisions sur les clauses essentielles du contrat et un débat au Parlement est nécessaire.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Je propose de le repousser, suivant en cela le Sénat.

M. le Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 42, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 24 est défendu.

M. Didier Quentin - L'amendement 40 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Les amendements 24 et 40, identiques, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roger Meï - L'amendement 17 a déjà été défendu.

M. Christian Bataille - L'amendement 46 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Nous devons effectuer la transposition : la commission a en effet saisi la Cour de justice des communautés européennes.

Les amendements 17 et 46, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Didier Quentin - Mon amendement 41 concerne la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, qui mérite un débat au Parlement.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.

M. le Ministre - Je demande le rejet car il s'agit dans les ordonnances de compléter le code de la consommation sur des sujets essentiels, en apportant des précisions qui protégeront les consommateurs.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 26 est défendu.

L'amendement 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger Meï - L'amendement 18 est défendu.

L'amendement 18, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Didier Quentin - Mon amendement 43 concerne le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais à titre personnel j'en demande le rejet.

M. le Ministre - La directive est en cours de transposition. Son contenu est d'ordre réglementaire sauf sur un point. La loi d'habilitation nous permettra de prendre une mesure qui protégera les usagers, concernant les prospections commerciales. Avis défavorable.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 1 tend à rétablir dans la liste la directive postale, qui avait été retirée par le Sénat. Pour l'essentiel, elle a été transposée par la LOADT, mais des mesures complémentaires sont nécessaires pour transposer des dispositions techniques qui ont fait l'objet d'un avis favorable de la commission supérieure du service public des Postes et télécommunications. Il s'agit de manifester notre volonté de renforcer le service public postal, au moment où s'engagent des négociations au niveau européen.

M. Christian Bataille - Mon sous-amendement 44 est de précision.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement mais n'a pas examiné le sous-amendement. A titre personnel, j'y suis très favorable.

M. le Ministre - L'amendement ne comporte aucune ambiguïté quant au fait qu'il s'agit de transposer la directive actuellement en vigueur. Je suggère donc à M. Bataille de retirer son sous-amendement.

Le sous-amendement 44 est retiré.

M. François Goulard - Le Gouvernement est en retard d'une guerre : nous parlons de la transposition d'une directive alors que la Commission prépare déjà la suivante...

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - L'amendement 28 est défendu.

M. le Rapporteur - Il a été repoussé par la commission.

M. le Ministre - Défavorable car il s'agit, en transposant cette directive, de mettre en place l'annuaire téléphonique universel attendu par tous les Français.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Mon amendement 29 est défendu. L'argument récurrent du ministre, selon lequel le sujet étant important il faut adapter notre législation, n'enlève rien à nos réserves sur la méthode...

L'amendement 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 25 est défendu.

L'amendement 25, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Christian Bataille - Je retire l'amendement 45.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

ART. 2

M. Henri Nayrou - Je n'apprécie pas le principe des ordonnances mais j'en admets la nécessité pour cause d'urgence. Cependant je regrette que le débat parlementaire sur Natura 2000 se résume à la discussion d'un article, de deux amendements et de huit sous-amendements. Le sujet méritait un débat à la mesure des enjeux. Les amendements vont apporter certaines améliorations, mais on sera encore loin du compte. Je n'ai pas le c_ur à donner un chèque en blanc à ceux qui pensent que la préservation du têtard à tête creuse justifie que l'Europe se passe de l'avis de ceux qui vivent sur son territoire.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

APRÈS L'ART. 2

M. le Ministre - L'amendement 2 2ème rectification a pour objet d'une part d'ajouter au champ de l'habilitation législative la transposition des directives concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, d'autre part de préciser le cadre des transpositions.

La proposition de loi débattue au Sénat ne constituait en aucun cas une transposition, car elle traitait exclusivement des modalités de gestion des sites, qui sont de nature réglementaire.

Toutefois, le Gouvernement se ralliera aux amendements proposés par la commission, qui visent à renforcer la procédure de concertation.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement avec des sous-amendements.

M. le Président - M. Charles de Courson a déposé un sous-amendement 55 tendant à compléter le 2° par les mots « y compris les droits de pêche et de chasse ».

M. Charles de Courson - Ceux qui ont participé à l'examen de la loi sur la chasse, où un vote a été arraché d'extrême justesse, comprennent pourquoi le Gouvernement ne veut à aucun prix d'un débat au Parlement. Déléguer au Gouvernement le pouvoir de légiférer sur des sujets qui relèvent du droit de propriété, c'est-à-dire de porter atteinte à des libertés fondamentales, c'est de la part du Parlement une démission totale. Cela dit, pour ce qu'il lui reste d'autorité, on n'est plus à ça près !

Votre texte est très inquiétant, car il prévoit, en fait, qu'en cas de désaccord, il sera possible de passer sans coup férir du contractuel au réglementaire, sans que rien ne soit dit du dispositif qui permettra ce glissement. Et qu'adviendra-t-il des droits de pêche et de chasse, éléments constitutifs de la propriété foncière ?

M. Christian Estrosi - Par cet amendement, le Gouvernement entreprend de réintroduire une disposition supprimée par le Sénat. Nous nous efforçons pour notre part, avec le sous-amendement 49, de restaurer le débat démocratique.

C'est un bien piètre argument que celui que vous avez avancé, Monsieur le ministre, pour expliquer votre opposition au renvoi en commission, car la circulaire annulée par le Conseil d'Etat n'est pas l'_uvre de M. Balladur en mai 1995, mais celle de Mme Voynet en août 1997, au motif, précisément, qu'elle ne respectait pas les dispositions démocratiques en vigueur. Et à quoi assistons-nous ? Alors que votre Gouvernement a été désavoué par le Conseil d'Etat, vous vous attachez à réintroduire une disposition tout aussi illégale que la précédente !

Pour essayer d'en atténuer les effets, nous proposons de s'assurer de l'accord des conseils municipaux concernés par la mise en _uvre de la directive Natura 2000 avant de définir la liste de sites susceptibles d'être classés en zones spéciales de conservation ou zones de protection spéciale.

Pour avoir été fort courtoisement convié par le préfet des Alpes-Maritimes, lors de la « concertation » qui a eu lieu à propos de Natura 2000 dans mon département, je puis attester qu'une liste des sites était dressée d'autorité lorsque les élus sont arrivés, et qu'il leur a été dit qu'elle s'appliquerait, quelles que soient les délibérations éventuelles des conseils municipaux.

M. Michel Bouvard - Ce sont des oukases !

M. Christian Estrosi - Les Alpes-Maritimes ne sont certainement pas le seul département dans lequel les choses se sont passées ainsi. Et c'est le type de procédures que vous voulez reprendre !

M. le Rapporteur - Non !

M. Christian Estrosi - Permettez au moins que l'avis des conseils municipaux s'impose aux préfets !

M. Michel Bouvard - Cet amendement est excellent.

M. Jean-Louis Idiart - Le groupe des élus de montagne, que je préside, est très inquiet que le débat tourne court. Les propositions faites par les communes doivent être analysées dans la transparence, et prises en considération. Actuellement, il n'y a pas de vraie concertation.

M. Charles de Courson - C'est vrai partout, et pas seulement à la montagne. Il y a de quoi être inquiet !

M. Jean-Louis Idiart - Dans la plupart des cas, les élus constatent que les services de l'Etat ne savent pas discuter, et leur imposent des décisions sans qu'ils aient voix au chapitre. Si, en plus, le débat ne peut avoir lieu à l'Assemblée, l'impression ressentie sera exécrable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL et de M. Nayrou). C'est pourquoi nous souhaitons, avec le sous-amendement 51, rendre indispensable l'avis des élus des zones de montagne.

Je ne donnerai qu'un exemple, celui du Val d'Aran. Non seulement l'ours y a été introduit, en zone protégée, mais encore des éboulements se produisent chaque année qui ont conduit au gel de certains territoires. A cela s'ajoutent les zones inondables, gelées elles aussi. Vous comprendrez aisément l'inquiétude des habitants des communes concernées, auxquels on annonce que d'autres zones encore vont être classées en zones spéciales ! Si, outre cela, on fait expliquer par des théoriciens qu'il s'agit de préserver une nature que ces gens savent parfaitement protéger, comme ils l'ont toujours fait, il y a peu de chances de créer un climat de confiance !

Il ne nous revient pas de contraindre. C'est à nous, au contraire, de discuter et, surtout, d'écouter l'avis rendu par les conseils municipaux. Procéder autrement, c'est aller au blocage, car cela revient à dire aux habitants qu'ils n'ont pas la libre utilisation de la terre sur laquelle ils vivent.

Si ce sous-amendement n'est pas adopté, je ne pourrai pas voter l'article.

M. Jean-Paul Chanteguet - Le sous-amendement 54 précise les modalités de consultation des conseils municipaux sur les projets de périmètre des zones Natura 2000, en proposant qu'ils rendent un avis motivé dont le représentant de l'Etat dans le département ne peut s'écarter que de façon motivée.

M. le Rapporteur - C'est un vrai problème que l'absence de consultation des conseils municipaux, ou le non-respect des avis qu'ils rendent sur ces questions. Le législateur ne peut évidemment définir une loi par commune, mais il peut dire que les conseils municipaux doivent être consultés, et invités à donner des avis motivés sur les propositions qui leur sont faites.

Les limites des zones naturelles ne coïncidant évidemment pas avec celles des communes ou des cantons, il faut bien que quelqu'un arbitre à un moment donné si les différentes communes concernées émettent des avis divergents : c'est le rôle du préfet. Je suis néanmoins prêt à retirer le sous-amendement 6 rectifié au profit du sous-amendement 54 de M. Chanteguet, qui prévoit que le représentant de l'Etat ne pourra s'écarter de l'avis des communes que par une décision elle-même motivée. C'est une évolution considérable, qui devrait satisfaire à la fois M. Idiart et M. Estrosi.

Quant au sous-amendement de M. de Courson, il pose un vrai problème, mais si l'on mentionne le droit de pêche et le droit de chasse, pourquoi passer sous silence le droit de pâturage, le droit de promenade, etc. ? Je crois que le sous-amendement 7 rectifié lui donne satisfaction partielle, dans la mesure où il précise que la chasse ne constitue pas en soi une activité perturbante.

M. le Ministre - En outre, l'amendement du Gouvernement fait référence aux titulaires de droits réels portant sur des biens immobiliers, ce qui inclut à l'évidence les droits de pêche et de chasse. Sous-amendé par la commission et par M. Chanteguet, il offre une triple garantie : celle de la loi, supérieure à celle d'un simple décret ; celle de la consultation obligatoire des conseils municipaux ; celle de la motivation, tant pour les avis desdits conseils que pour les éventuelles décisions contraires des préfets. L'autorité administrative ne sera pas formellement liée, mais elle sera incitée à rechercher l'accord le plus large, et ses décisions seront susceptibles de recours. En revanche, on ne peut imaginer que l'avis des conseils municipaux prévale, car les zones de protection seraient en ce cas de véritables peaux de léopard.

M. Charles de Courson - Je suis prêt à retirer mon sous-amendement au profit du sous-amendement 7 rectifié, qui a le mérite de couper court à certaines interprétations juridiques considérant la chasse comme une activité perturbante en tant que telle. Il faudrait cependant ajouter « et piscicoles » après « cynégétiques » et, dans le sous-amendement 54, étendre la consultation aux établissements publics de coopération intercommunale ayant une compétence en la matière, ainsi que mettre au pluriel l'expression « avis motivé », afin que les dissonances ne soient pas synonymes de blocage.

M. François Goulard - La discussion que nous sommes en train d'avoir montre à l'envi qu'un sujet comme celui-ci est bien du ressort du Parlement, et non de l'administration. Quant à l'absence, jusqu'ici, de véritable consultation des élus, elle est liée à la survivance de cette institution napoléonienne qu'est le préfet : quand nous aurons compris que les élus discutent plus efficacement entre eux qu'avec des fonctionnaires, et que nous aurons transféré aux régions les compétences des préfets, comme c'est le cas dans tous les pays d'Europe ou presque, nous aurons fait un grand pas en avant !

M. Michel Bouvard - Oh la la !

M. Christian Estrosi - J'apprécie la main tendue du rapporteur à l'égard d'une démarche que nous avons nous-mêmes introduite tendant à recueillir l'approbation des conseils municipaux....

M. le Rapporteur - Vous avez l'art de la récupération !

M. Christian Estrosi - ...mais il se propose de le faire dans le cadre de dispositions déclarées illégales par le Conseil d`Etat. Je crois du reste qu'une simple consultation n'offre pas les garanties suffisantes en ce qu'elle n'engage pas l'autorité exécutive. Je l'ai vérifié récemment dans ma circonscription au sujet du tracé de l'A 51 : M. Gayssot a procédé aux consultations imposées par la loi mais il n'a pas caché son intention de n'en tenir aucun compte. C'est pourquoi nous préférons notre sous-amendement ou celui de M. Idiart mais c'est bien l'accord des conseils municipaux qui doit être recherché et non un simple avis.

M. Michel Bouvard - Les élus de la montagne souhaitent que les conseils municipaux puissent s'exprimer et que leurs délibérations engagent l'Etat. Il ne s'agit pas de légiférer différemment selon les différentes parties du territoire mais d'appliquer la loi montagne de 1985 qui dispose que les territoires de montagne ont droit à une législation respectueuse de leurs spécificités.

S'agissant de Natura 2000, nous ne demandons que l'application de la loi montagne, d'autant que plus de 20 % du territoire alpin est déjà classé. Si l'on tient compte des différents plans de prévention des risques et de l'ex-amendement Dupont, certains maires n'auront plus besoin de plan d'occupation des sols car tout sera déjà figé ! Il convient donc de tenir compte de la volonté des conseils municipaux et de veiller à ce que les services de l'Etat la respecte.

L'argument de la peau de léopard ne tient pas car s'agissant de créer un réseau, il est naturel de constater une certaine discontinuité : il ne saurait être question de classer en continuité des zones entières. J'insiste du reste sur l'intérêt qu'il y a à disposer d'une information globale : en montagne, les élus doivent savoir ce qui est classé au niveau d'un massif entier et, pour les zones transfrontalières, ce qui est fait de l'autre côté de la frontière.

Pour l'ensemble de ces raisons, je préfère le sous-amendement de M. Idiart.

M. le Président - N'abusez pas, mes chers collègues, de votre temps de parle ou je serai conduit à limiter vos échanges.

Mme Marie-Hélène Aubert - Le retard pris dans la transposition de la directive tient au caractère tardif de la prise de conscience de l'intérêt d'assurer la préservation des espaces naturels. Pour autant, nous ne sommes pas invités à réécrire Natura 2000 mais à la transposer enfin et les propositions qui nous sont faites à ce titre vont dans le bon sens. En outre, la loi s'impose à tous et il ne vient à l'idée de personne de demander aux conseils municipaux s'ils sont disposés à gérer leurs déchets puisque l'obligation leur en est faite par la loi. Natura 2000 doit obéir à la même logique car il y va de la préservation de la biodiversité. Je soutiens donc le sous-amendement de M. Chanteguet et je voterai l'amendement du Gouvernement.

S'agissant de la chasse et de la pêche, il n'y a pas lieu de rouvrir un débat de principe mais de préciser comment on les pratique dans ces espaces.

M. le Président de la commission - A l'issue de ces échanges très fructueux, je souhaite soutenir la proposition du rapporteur. Il est légitime que les élus locaux veuillent éviter les dérives dues à la conception parfois trop rigide qu'ont de leur mission les représentants de l'Etat. Ainsi, le texte qui vous est soumis tend à solliciter autant qu'il est possible l'avis des conseils municipaux. Mais Jacques Floch a eu raison de rappeler qu'on ne bâtit pas une politique nationale en considérant qu'elle résulte de l'addition des décisions locales. En revanche, si nous affirmons que les avis des communes doivent être motivés et qu'il en va de même des réponses des préfets, nous allons aussi loin que possible dans la conciliation entre la recherche de l'intérêt général et la prise en compte des réalités locales.

Je comprends la logique qui anime le sous-amendement de M. Idiart que soutient M. Bouvard. J'observe cependant que son adoption ferait tomber tous les autres. Dès lors, la spécificité des zones de montagne serait bien prise en compte, mais on laisserait le reste du territoire sans explicitation par l'Assemblée de la manière dont elle entend que la directive Natura 2000 s'y applique. C'est pourquoi je vous propose d'adopter plutôt l'amendement du Gouvernement, sous-amendé par M. Chanteguet.

M. le Rapporteur - Je propose dans le même esprit d'adopter l'amendement 2 rectifié du Gouvernement, de rejeter le sous-amendement 49 de M. Estrosi ainsi que le sous-amendement 51 de M. Idiart -qui est satisfait et qui créerait un vide juridique pour les autres communes-, enfin de retirer le sous-amendement 6 rectifié de la commission au profit de celui de M. Chanteguet, moyennant deux rectifications : remplacer la consultation des « conseils municipaux » par celle des « organes délibérants » et « un avis motivé » par « des avis motivés ».

M. le Ministre - Avis favorable à l'amendement de la commission et au sous-amendement 54 ainsi rectifié.

Le sous-amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 51.

Le sous-amendement 54 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard - Mon sous-amendement 56 ajoute « dans le respect des activités agricoles et sylvicoles existantes ».

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais la précision est inutile : dès lors qu'il y a consultation, il y a prise en compte de ces activités.

M. Michel Bouvard - Cela ne va pas de soi.

M. le Ministre - Ce sous-amendement est satisfait par le sous-amendement 7 qui évoque la nécessaire conciliation entre l'objectif de conservation et celui de maintien des activités humaines -au nombre desquelles je range sans hésiter les activités agricoles et sylvicoles.

Le sous-amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Le sous-amendement 53 propose une nouvelle rédaction du dernier alinéa de l'article, étant entendu qu'il nous faut à la fois définir un régime d'évaluation et d'autorisation des projets et prévoir la possibilité de dérogations. Nous ne voulons pas en effet que certains territoires soient mis sous cloche et tellement protégés qu'aucune activité humaine n'y soit plus possible.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Charles de Courson - Ces autorisations seront-elles accordées dans le cadre de la répartition actuelle des compétences en matière d'urbanisme ?

M. le Ministre - C'est évident.

M. Charles de Courson - Pas si évident que cela.

M. le Rapporteur - Mais si, ces territoires ne sont pas hors-la-loi ! Arrêtez de penser que Natura 2000 va créer de l'extra-territorial ou de l'extra-légal. La loi française s'y appliquera, de même que la loi européenne. Et les gens auront le droit d'y aller et d'y avoir des activités.

Le sous-amendement 53, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Estrosi - Même si nous n'avons pas obtenu entière satisfaction, il me semble que cette partie du débat a permis bien des avancées et je me réjouis de l'adoption du sous-amendement 53.

Dans le même esprit, mon sous-amendement 50 rectifié a pour objet de compléter l'amendement du Gouvernement par l'alinéa suivant : « 5° - assurer la conservation intégrale des activités cynégétiques pratiquées sur les sites concernés par l'application de cette directive ».

En août 1997, la circulaire de Mme Voynet -que le Conseil d'Etat a d'ailleurs annulée en 1999- avait jeté un froid parmi les élus locaux, les populations concernées et les fédérations de chasse.

Pour renforcer la dimension humaine que prend notre débat, pour rassurer les fédérations de chasse, qui sont à l'origine de l'annulation de la circulaire de 1997 par le Conseil d'Etat, je souhaite que ce sous-amendement soit adopté.

M. Didier Quentin - Je me félicite à mon tour que la tournure que prend la séance justifie ce que nous avons demandé toute la soirée : la tenue de débats.

M. le Rapporteur - C'est ce qu'on fait depuis le début !

M. Didier Quentin - Le sous-amendement 33 précise certains aspects de la mise en _uvre du programme Natura 2000, disposant notamment que la chasse, les autres activités cynégétiques et les activités de loisirs ne constituent pas des activités perturbantes et que les objectifs de conservation et le maintien d'activités humaines non perturbantes doivent être conciliés. Peut-être n'est-il pas besoin de distinguer la chasse et les autres activités cynégétiques puisqu'aucune n'est considérée comme perturbante.

M. le Rapporteur - Les sous-amendements de MM. Estrosi et Quentin n'ont pas été examinés par la commission. Le 50 rectifié est satisfait par le 7 rectifié que je vais présenter. Le 33 distingue les activités de loisirs, mais celles-ci sont des activités humaines et leur maintien à ce titre est possible ! Je demande donc le rejet de ces sous-amendements au profit du 7 rectifié qui leur donne satisfaction. Celui-ci prévoit de « réaliser, dans les zones concernées, la conciliation entre les objectifs de conservation et le maintien d'activités humaines lorsque celles-ci n'ont pas d'effets significatifs à leur égard, étant précisé que la chasse et les autres activités cynégétiques, pratiquées dans les conditions et sur les territoires autorisés par les lois et règlements en vigueur, ne constituent pas des activités perturbantes ou ayant de tels effets ».

Je propose de satisfaire M. de Courson en inscrivant, outre la chasse et les autres activités cynégétiques, les activités piscicoles. Mais le terme d' « autres activités cynégétiques » doit être maintenu : lorsqu'il faut faire une battue parce qu'il y a trop de lapins, ce n'est pas un acte de chasse, pas plus que lorsqu'on réintroduit des espèces.

Je me permets de vous signaler qu'en affirmant que la chasse, qui a donné lieu à des débats extraordinaires, est une activité qui, lorsqu'elle est bien pratiquée, n'est pas perturbante, le Parlement fait un effort appréciable.

M. le Président - L'amendement devient le 7 deuxième rectification.

M. Michel Bouvard - On a refusé mon sous-amendement au motif que le 7 rectifié lui donnait satisfaction. Mais il prévoit le maintien « d'activités humaines » sans autre précision, ce qui implique qu'on peut en choisir quelques unes et refuser les autres. Je préférerais qu'il soit fait mention du maintien « des activités humaines existantes ».

M. le Ministre - Cet amendement réalise un bon équilibre. Il précise quelles activités peuvent être organisées -et il s'agit bien de l'ensemble des activités agricoles, sylvicoles et piscicoles en plus des activités cynégétiques. S'il est voté, nous aurons accompli un grand progrès. Je voudrais souligner l'excellent travail du rapporteur sur ce texte controversé. Sur ce point, le Parlement a fait son travail en encadrant l'habilitation et c'est bien dans ce sens qu'il n'y a pas ce soir de dessaisissement du Parlement.

Le sous-amendement 50 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 33.

Le sous-amendement 7 deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 2 deuxième rectification sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Bataille - L'amendement 48 aborde un tout autre chapitre : l'homologation des tarifs des télécommunications. Il étend l'habilitation du Gouvernement aux catégories de tarifs téléphoniques qui sont soumis à homologation ministérielle après avis de l'ART : ceux du service universel et ceux des services pour lesquels il n'existe pas de concurrence. L'homologation tarifaire avait été introduite par la loi du 26 juillet 1996 comme régulation transitoire d'un marché qui allait être ouvert à la concurrence. Elle n'est exigée par aucun texte communautaire. L'habilitation permet donc d'inscrire la loi dans un cadre mieux adapté au droit communautaire.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. J'y suis favorable.

M. le Ministre - Sagesse.

M. François Goulard - Je me prononce contre. D'abord, pour des raisons de principe parce qu'il étend l'habilitation. Ensuite parce qu'il est mal fondé. Les tarifs appliqués dans les secteurs où il n'y a pas de concurrence doivent être encadrés. Il ne s'agit pas d'une question théorique. On constate que partout où France Télécom, qui reste l'opérateur principal, n'est pas concurrencé, il ne se prive pas d'augmenter ses tarifs. Je suis donc fondamentalement contre cet amendement.

M. François Brottes - Je suis pour. L'ouverture à la concurrence aura lieu le 1er janvier et le marché a acquis sa maturité. Les usagers sont informés. Une des directives sur le service universel comporte beaucoup de précisions. Voilà qui justifie qu'on élargisse le carcan de l'homologation des tarifs de France Télécom.

L'amendement 48, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

ART. 3

M. Roger Meï - La mutualité semble favorable à l'application de la directive. Néanmoins il existe des menaces importantes, notamment de pénétration d'assurances privées. Le groupe communiste s'abstiendra sur cet article.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Le mouvement mutualiste a souhaité que la mise en conformité du code de la mutualité avec les directives européennes soit aussi l'occasion d'une adaptation au monde contemporain, dans le respect de ses valeurs sociales et humanistes. Le travail engagé par le Gouvernement est remarquable, d'abord par la méthode ; il faut noter le rôle important joué par Michel Rocard dans la recherche d'une transposition respectueuse des engagements internationaux et des principes fondamentaux régissant le monde mutualiste. Nombre des demandes de celui-ci ont été reprises, en particulier la suppression du mécanisme de tutelle administrative sur les créations, hérité de Napoléon III. Alors que nous allons voter le centenaire de la loi de 1901 sur la liberté d'association, je suis heureuse que le mouvement mutualiste obtienne enfin l'égalité de traitement dans ce domaine.

Par ailleurs, le mouvement mutualiste a accepté des mécanismes assurant la transparence de son activité. Je pense en particulier à la volonté de créer, sous l'autorité d'un Conseil national de la mutualité rénové, un registre national des mutuelles. Espérons que prendra ainsi fin un secret qui a permis d'occulter les dérives de certains opérateurs.

Au-delà de l'adoption de ces ordonnances, je souhaite que le Gouvernement entende les demandes du mouvement concernant son régime fiscal. En effet les mutuelles sont aujourd'hui assujetties à un impôt sur les sociétés particulier. Il n'y a pas lieu de leur imposer des obligations fiscales équivalentes à celles des sociétés par actions.

Par ailleurs, compte tenu des engagements que le monde mutualiste accepte de prendre en matière de non sélection médicale, de garantie viagère, d'absence de modulation des cotisations en fonction de l'état de santé, il serait nécessaire de maintenir un régime d'exonération de la taxe sur les conventions d'assurances, et pourquoi pas de rétablir par un crédit d'impôt l'égalité de traitement entre ceux qui adhèrent volontairement à une mutuelle et les salariés, qui bénéficient d'une déduction au titre de leur contrat d'entreprise.

M. Michel Bouvard - Vous proposez précisément ce que la directive va interdire !

M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire - Je comprends les débats que peut susciter le recours aux ordonnances. Mais voilà huit ans que le secteur de la mutualité est plongé dans l'insécurité juridique, sans parler du rappel à l'ordre de la Commission et de la perspective très prochaine de sanctions financières. Le Sénat, malgré l'opposition de sa commission des finances, a adopté l'article 3, suivant en cela l'avis de la commission des lois et de celle des affaires sociales.

Comme je l'ai fait devant les sénateurs, je voudrais vous rappeler les quatre raisons principales qui ont conduit le Gouvernement à proposer cet article.

Premièrement, la transposition de la directive ne peut se faire sans une refonte du code.

Deuxièmement, les dispositions liées à la transposition et celles qui relèvent de la modernisation du code s'entremêlent et ne peuvent être séparées.

Troisièmement, la cohérence indispensable rend impossible le maintien de dispositions anciennes.

Enfin, le recours à la procédure des ordonnances s'accompagne d'un engagement du Gouvernement de déposer et d'inscrire à l'ordre du jour des Assemblées un projet de loi de ratification, donnant au Parlement la possibilité d'exercer son droit d'amendement.

Le texte préparé par le Gouvernement, avant la décision de solliciter l'autorisation de recourir aux ordonnances, satisfait à nos obligations européennes tout en réaffirmant la spécificité des mutuelles. Il a été élaboré en concertation avec l'ensemble des fédérations de mutuelles, puis soumis aux organismes consultatifs intéressés : il a été présenté au conseil supérieur de la mutualité, au conseil national des assurances et au conseil supérieur de la fonction publique.

MM. Charles de Courson et Yves Bur - C'est bien mieux que le Parlement !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce texte est certainement perfectible. Depuis la décision de recourir aux ordonnances, nous avons souhaité rencontrer de nouveau l'ensemble des fédérations, qui nous font connaître leurs observations. A l'issue de cette consultation, un projet d'ordonnance sera présenté aux différentes instances.

Cette concertation ne constitue pas, bien sûr, un substitut de débat parlementaire, mais elle participe à la transparence souhaitée par le Gouvernement.

Je rappelle en conclusion que la mutualité assure plus de 60 % de la couverture complémentaire maladie, que des mutuelles participent à la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale et que les mutuelles participent activement à la CMU. Après le temps de la refonte du code, qui ne peut plus attendre, viendra celui, Madame Perrin-Gaillard, des dispositions fiscales. Nous en reparlerons vraisemblablement dans le cadre du débat budgétaire de l'année prochaine.

M. le Président - Je suis saisi de cinq amendements de suppression de l'article.

M. François Goulard - Je remercie le ministre d'être venu à une heure si tardive, pour nous relire très exactement la déclaration qu'il avait faite au Sénat.

Cet article est entaché d'un vice fondamental. Qu'on veuille mettre fin à l'insécurité juridique des mutuelles, cela se comprend. Il est vrai également que la transposition de la directive posait des problèmes délicats au regard de la spécificité de la mutualité française. Mais ce qui me choque le plus, c'est qu'on ajoute à cette transposition la refonte intégrale du code de la mutualité. Cela veut dire que pour ce pan entier de l'économie sociale, le Parlement va être totalement écarté.

Vous nous dites, Monsieur le ministre, que vous avez consulté la profession. Si j'étais méchant, je vous dirais que de la même façon, le salazarisme, le franquisme et le pétainisme faisaient fi des représentations parlementaires et donnaient aux textes législatifs une légitimité tenant à l'approbation des organismes professionnels...

Nous en sommes réduits à émettre seulement quelques v_ux, et constatant au préalable que contrairement aux déclarations gouvernementales, votre projet ne fait pas l'unanimité au sein de la mutualité, même s'il recueille l'assentiment de la principale fédération. Il serait criminel d'aller à l'encontre de la diversité de la mutualité française ; toutes les mutuelles ont le droit de continuer d'exister.

Le premier point qui me semble délicat concerne l'agrément. On doit éviter de reconnaître aux plus grosses fédérations un quasi pouvoir d'agrément des mutuelles. L'obligation d'un agrément pour les mutuelles existantes est assez paradoxale.

Par ailleurs, l'organisation de la garantie au sein des fédérations est une entorse à la concurrence. Il serait infiniment préférable de mettre en _uvre, comme dans le secteur financier, une garantie de place, qui a l'énorme avantage de mettre tout le monde sur un pied d'égalité.

Voilà, rapidement esquissées quelques critiques fondées sur un texte que nous ne connaissons que très imparfaitement, et qui montrent qu'un débat parlementaire sur ce dossier social n'aurait pas été de trop.

M. Yves Bur - Si je propose, par l'amendement 30, de supprimer l'article, c'est que la refonte envisagée du code de la mutualité devrait se faire dans un autre cadre. Comment concevoir que le texte ait circulé partout, sauf au Parlement, et que le commission concernée n'ait pu en débattre ? Il est inacceptable que le législateur soit tenu à l'écart de l'élaboration d'un texte d'une telle importance, et que la révision du code de la mutualité se passe en catimini, entre le Gouvernement et le secteur considéré, alors qu'il y va de l'intérêt général. C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement de retirer cet article.

Le code de la mutualité doit être révisé, c'est un fait, mais cette modernisation doit se faire en toute clarté. Que vous ayez l'accord des Mutuelles de France ne justifie pas l'absence de débats tels qu'il y en a eu, dans cette enceinte, à propos des assurances ou des institutions de prévoyance ! Mais je sais que vous passerez outre...

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Heureusement !

M. Yves Bur - La commission doit pouvoir examiner ce dossier. Le Gouvernement s'est engagé, je l'ai entendu, à déposer un projet de loi de ratification, ce qui, selon lui, permettra au Parlement d'exercer ses prérogatives. Mais sait-on assez qu'il n'y a pratiquement jamais eu de débat de ratification ? Je doute que vous fassiez mieux que vos prédécesseurs...

M. Jacques Desallangre - Rien ne justifie que le Gouvernement procède par ordonnance à la refonte complète du code de la mutualité. M. Sarre l'a excellemment dit : il appartient au Parlement de répondre aux besoins des mutualistes. De plus, les termes de la demande d'habilitation sont très vagues, et donc assez peu conformes aux prescriptions du Conseil constitutionnel.

C'est pourquoi nous demandons, par l'amendement 31, la suppression de l'article, afin que ce très important sujet soit débattu dans un autre cadre.

M. Michel Bouvard - Le groupe RPR demande, par l'amendement 32, la suppression de l'article, pour deux raisons. La première est qu'il réécrit entièrement le code de la mutualité. Considérant que la France compte 32 millions de mutualistes, on voit bien que la question méritait d'être examinée par le Parlement.

La seconde raison tient à une crainte très forte que la transposition ne porte un coup fatal à la mutualité française, système singulier en Europe. La banalisation engagée aura pour corollaire obligé la banalisation de son régime fiscal, et ce peut être la porte ouverte à l'absorption des mutuelles par les compagnies d'assurances qui, à vrai dire, n'attendent que cela. En bref, je redoute la « bébéarisation » et donc la disparition de la mutualité française.

Il aurait été bien préférable, on en conviendra, que le débat ait lieu au Parlement. Mon collègue Goulard a certes été excessif, mais il est vrai qu'il y a quelque chose de choquant, pour des parlementaires, à s'entendre dire « vous connaissez le texte, puisqu'il a été mis en consultation » ! Non ! Le Parlement n'est pas une chambre consultative, et cette remarque était inutilement blessante pour la représentation nationale.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements, s'inspirant en cela de la sagesse du Sénat.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne pensais pas, jusqu'à ce soir, que la Constitution de 1958 avait des aspects franquistes ou pétainistes... Par ailleurs, on ne peut que tenir compte des fédérations et des regroupements souhaités par les mutualistes eux-mêmes, et rappeler que l'urgence tient, aussi, à ce que les mutuelles elles-mêmes ont demandé à être rattachées à un texte européen, car elles craignaient la banalisation, sinon la disparition.

Il a donc fallu relancer le processus, à partir du rapport confié à M. Rocard, pour aboutir à un texte nouveau. Nous y sommes. Pour le reste, vous savez les procédures pendantes contre la France, et je n'insisterai pas plus que nécessaire sur le fait qu'entre 1992 et 1997, rien n'a été fait.

Les amendements identiques 11, 27, 30, 31 et 32, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

ART. 4

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Comme vous le savez, le Gouvernement a entrepris de modifier les conditions d'attribution et de fonctionnement des concessions d'autoroutes, afin de les rendre compatibles avec les nouvelles exigences juridiques et de poursuivre, dans le cadre de la politique de rééquilibrage intermodal des transports, un développement maîtrisé du réseau routier. Le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives nécessaires.

L'évolution du droit communautaire et national des délégations de service public nous conduit en effet à rompre avec la technique de l'adossement, qui consiste à financer la construction de nouvelles sections d'autoroutes avec les péages des sections anciennes, et qui a permis à notre pays, soit dit en passant, de se doter d'un réseau autoroutier de haut niveau. Ainsi que l'a indiqué par deux fois le Conseil d'Etat, en cassant la décision d'attribution de la concession de l'A86 puis en répondant à une demande d'avis du Gouvernement, cette technique, qui avantage les concessionnaires en place, n'est plus compatible avec les principes de transparence et d'égalité de traitement. Par ailleurs, le système de l'adossement a atteint ses limites : le réseau est en effet arrivé à un stade de développement où, les axes les plus nécessaires étant réalisés, le risque est grand de se lancer dans des projets à l'utilité incertaine.

Avec la suppression de l'adossement disparaît la ressource financière implicite qu'il représentait. L'équilibre financier de chaque nouvelle section repose désormais sur un allongement de la durée de la concession, ainsi que, si nécessaire, sur une subvention de l'Etat et des collectivités locales, comme pour les volets routiers des contrats de plan.

L'évolution des conditions de fonctionnement des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, détenues essentiellement par l'Etat, a pour objet de permettre à ces sociétés de continuer à opérer sur le marché des concessions et de résoudre le problème du financement des futures sections. Le Gouvernement souhaite, pour ce faire, porter de douze à quinze ans la durée des concessions, ce que la Commission européenne a accepté en octobre, au terme de près de deux années de discussions difficiles. Les charges annuelles d'amortissement s'en trouveront allégées, ce qui permettra de dégager un résultat d'exploitation positif et, partant, de verser des dividendes à l'Etat actionnaire, qui les recyclera dans le budget de l'équipement afin de conduire une politique des transports équilibrée.

Le projet d'ordonnance prévoit que les modifications résultant de cette réforme seront applicables à l'exercice comptable 2000, de sorte que la nouvelle ressource soit disponible dès 2001, soit un délai compatible avec l'attribution des concessions en cours de négociation ou en préparation. Ce dispositif est la pièce maîtresse d'un projet ambitieux, visant à pérenniser, dans le cadre concurrentiel européen, le système français des concessions autoroutières et le développement de sociétés publiques concessionnaires aux côtés des sociétés privées, dans une perspective de complémentarité entre les modes de transport face à la croissance des besoins de déplacement.

Je me suis engagé, au Sénat, à ce que le projet de loi de ratification soit déposé avant fin juin et inscrit à l'ordre du jour du Parlement avant la fin de la législature. Je confirme cet engagement. Je précise enfin que les dispositions prévues sont neutres quant au régime et au niveau des péages : les autoroutes gratuites resteront gratuites, les autoroutes payantes resteront payantes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Roger Meï - Je ne reviens pas sur notre opposition de principe à l'usage de l'article 38 de la Constitution : Gilbert Biessy l'a exprimée en défendant la question préalable.

Sur le fond, si nous nous réjouissons de la disparition de l'alinéa qui prévoyait la suppression du principe de gratuité, au demeurant non respecté dans les faits, nous considérons que l'abandon de l'adossement et des garanties financières dont bénéficiaient certaines SEMCA fait peser de graves menaces sur l'équilibre de notre système autoroutier, équilibre qui ne peut être dissocié des considérations de justice sociale. C'est pourquoi nous avons déposé l'amendement 52, qui ouvre la perspective d'une gratuité obligatoire de l'accès aux sections urbaines et périurbaines ou, à défaut, de formules d'abonnement comparables à celles de la SNCF pour les trajets professionnels. L'article 4 nous paraît inacceptable en l'état, mais nous pourrions revoir notre position si le Gouvernement faisait -sans jeu de mots- cette concession (Sourires).

En Ile-de-France, la gratuité est en vigueur jusqu'à 150 kilomètres de la capitale. Nous sommes loin du compte dans les Bouches-du-Rhône, où le trajet Aix-Marseille n'est gratuit que par l'autoroute nord, et coûte 30 F si l'on passe par Aubagne. Or, très nombreux sont les travailleurs qui sont obligés d'emprunter cet itinéraire deux fois par jour, plus de 200 jours par an. On me dira peut-être que, si l'usager ne paie plus, c'est le contribuable qui paiera à sa place, mais l'usager a déjà payé plusieurs fois le coût des tronçons qu'il emprunte, et si l'on prolonge de trois ans les concessions, il faut aussi faire un effort en sa faveur, par exemple en exonérant les véhicules immatriculés dans le département.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais M. Meï pose un vrai problème. Cependant, le Sénat a supprimé les dispositions autorisant le Gouvernement à légiférer sur les péages par voie d'ordonnances et nous ne les avons pas réintégrées. Il est nécessaire d'ouvrir à ce sujet un vrai débat même s'il convient avant tout de promouvoir les transports en commun.

A titre personnel, je serais favorable à cet amendement à condition que le groupe communiste vote l'ensemble du texte ! Cela dit, la commission n'ayant pas examiné cet amendement, je demande à l'Assemblée de ne pas le prendre en considération.

M. Michel Bouvard - Il est à la recherche d'une majorité !

M. le Ministre de l'équipement - J'ai peur que votre rapporteur demande bientôt au groupe communiste de voter l'inversion du calendrier électoral !

S'agissant de l'amendement 52, le Gouvernement est sensible à l'intention des auteurs mais l'autoroute n'est jamais gratuite : elle est payée soit par l'usager, soit par le contribuable. Du reste, le péage permet aussi dans une certaine mesure de réguler le trafic et d'orienter une partie des usagers vers les transports en commun dont nous souhaitons tous le développement.

J'indique à M. Meï que les autoroutes qui restent à construire pourront toujours l'être soit directement par l'Etat -elles seront alors gratuites et financées par le contribuable- soit sous le régime de la concession conformément aux nouvelles dispositions de l'article 4. Celui-ci permet aux sociétés publiques d'autoroutes de participer à des appels d'offres sur des sections concédées qui restent à construire. Il fixe des limites mais ne lui faisons pas dire ce qu'il ne dit pas !

S'agissant des autoroutes qui jouent le rôle de rocades urbaines, la situation est parfois incohérente et pénalisante pour les trajets domicile-travail. Ainsi à Marseille, les usagers venant de l'est bénéficient de la gratuite ; ceux qui viennent de Gardanne doivent acquitter un péage ! Malheureusement, il est juridiquement impossible d'exonérer les utilisateurs locaux et un tel système ne manquerait pas d'être sanctionné par le Conseil d'Etat au motif qu'il rompt le principe constitutionnel d'égalité.

Dès lors, que faire ? Une première solution consiste à envisager le rachat des péages par les collectivités concernées -ce qui implique de rembourser aux sociétés concessionnaires le manque à gagner lié à l'instauration de la gratuité- mais elle est très onéreuse et elle ne concourt pas à la promotion des transports en commun.

Une autre voie consiste à développer des systèmes d'abonnement au bénéfice des usagers qui empruntent la voie pour un trajet domicile-travail : cela revient à subventionner des abonnements, selon des modalités qui restent à définir.

Je vous propose, Monsieur Meï, de demander au préfet de votre région d'organiser sur place une table ronde avec des représentants de la société Escota, du Conseil général et des collectivités concernées pour privilégier cette solution, tendant à faire baisser le coût des déplacements domicile-travail pour les salariés les plus modestes.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement. A défaut, j'y serais défavorable.

M. Roger Meï - Permettez-moi tout d'abord de dire à notre rapporteur que son marché est d'autant moins acceptable que certains collègues éminents de la majorité m'ont avoué qu'ils n'étaient pas fiers de voter ces ordonnances. Pour ma part, je n'oserais pas me représenter dans cette enceinte si je les votais !

Je remercie M. le ministre de ses réponses et je ne doute pas qu'il soit sensible aux difficultés des travailleurs modestes contraints de se déplacer pour rejoindre leur lieu de travail. Mais je considère qu'ils ont déjà payé plusieurs fois les tronçons qu'ils empruntent et qu'il est temps pour eux d'obtenir la gratuité, conformément à ce qui était prévu à l'origine, puisque les autoroutes étaient censées, une fois amorties, retomber dans le domaine public. Je maintiens donc mon amendement. Je conçois qu'il faille prolonger les concessions mais je considère que cela peut se faire sans contreparties pour les usagers les plus modestes.

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger Meï - J'observe que la SNCF est depuis longtemps capable d'accorder des abonnements avantageux, sans participation des collectivités locales.

Ne pourrait-on appliquer des méthodes analogues pour les usagers des autoroutes payantes ?

M. le Ministre de l'équipement - Je vous ai fait une proposition concrète de rencontre locale et plutôt que d'en tenir compte, vous avez préféré maintenir votre amendement bien qu'il soit dépourvu de tout lien direct avec l'objet du présent projet. Dans ces conditions, vous comprendrez que je m'en tienne à ma position initiale.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

ART. 5

M. le Ministre - L'amendement 3 est de coordination.

L'amendement 3, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 4 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Top Of Page

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 6 DÉCEMBRE 2000

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Fixation de l'ordre du jour.

3. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 2620) relatif à l'archéologie préventive.

    M. Marcel ROGEMONT, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales. (Rapport n° 2743)

4. Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2704).

    M. Didier MIGAUD, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 2775 tomes I et II)

    M. François LAMY, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées. (Avis n° 2764.)

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale