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Session ordinaire de 2000-2001 - 41ème jour de séance, 95ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 13 DÉCEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          ÉLECTION À L'ASSEMBLÉE
          DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (CMP) 2

          CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
          SUR LES FARINES ANIMALES 9

          ART. UNIQUE 18

          TITRE 19

          ORDRE DU JOUR DU JEUDI 14 DÉCEMBRE 2000 20

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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ÉLECTION À L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur de la commission mixte paritaire - La CMP étant parvenue à un accord, mon propos sera bref. Il s'agit en effet d'un texte simple, mais fondamental pour l'expression de la démocratie en Polynésie française. L'unanimité s'est faite sur la nécessité de réviser la répartition des sièges au sein de l'assemblée de la Polynésie française, l'évolution démographique conduisant à ce qu'actuellement les trois-quarts de la population soient représentés par la moitié des sièges environ. Cette situation est d'autant plus ennuyeuse que le territoire dispose de larges prérogatives, que le législateur s'apprête à élargir encore -bien que le texte considéré ait été différé pour des raisons qui échappent à l'organisation des travaux du Parlement relatifs à la Polynésie française et, à vrai dire, qui échappent tout court...

Pour cette révision, deux outils s'offraient : une nouvelle répartition des sièges, ou l'augmentation du nombre des sièges dans la circonscription la plus peuplée, sous-représentée. En première lecture, l'Assemblée avait retenu la première solution, cependant que le Sénat choisissait de renforcer la représentation des Iles-du-Vent de huit sièges.

De fait, les deux solutions pêchaient. Celle de l'Assemblée avait le mérite de rééquilibrer la représentation, mais elle avait pour conséquence de diminuer fortement le nombre de sièges des plus petits archipels ce qui limite quelque peu la juste expression des suffrages dans un scrutin proportionnel. Quant à la solution retenue par la Haute assemblée, elle ne rétablissait pas réellement l'équilibre de représentation.

Au terme d'un long débat, les membres de la CMP sont tombées d'accord pour combiner les deux outils, en augmentant de huit le nombre global de sièges à l'assemblée territoriale et en modifiant la répartition de manière marginale, les Iles-sous-le-Vent et Tuamotu-Gambier perdant un siège. La CMP propose donc que l'assemblée de la Polynésie française soit composée de 49 sièges, dont 32 pour les Iles-du-Vent, 7 pour les Iles-sous-le-Vent, 3 pour les Iles australes, 4 pour Tuamotu et Gambier et 3 pour les Iles Marquises. Cette représentation présente l'avantage de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'égalité de suffrage et au découpage des circonscriptions pour les trois circonscriptions les plus peuplées. Bien entendu, il n'en va pas de même si l'on considère l'ensemble des cinq circonscriptions, mais la distorsion constatée constitue une garantie du pluralisme de la représentation dans les petits archipels ; il semble assez logique de la leur offrir, pour éviter qu'à l'éloignement ne se combine la sous-représentation.

L'égalité étant ainsi garantie, et les archipels étant bien représentés, j'espère que l'Assemblée territoriale disposera bientôt des nouvelles compétences dont le législateur a souhaité la doter.

Ma courte expérience de la Polynésie française me pousse à insister, Monsieur le ministre, sur la nécessité d'examiner dans les meilleurs délais la situation des communes du territoire. De création récente, elles n'ont de ressources que limitées, et émanant principalement du territoire. En outre, les capacités de leurs services sont faibles et elles dépendent, pour cela aussi, de l'assemblée territoriale. L'avenir commande de trouver un équilibre : en renforçant l'indépendance financière et l'autonomie de ces collectivités très diverses, le Gouvernement donnerait aux populations un gage de démocratie, vecteur de vitalité accrue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - En vous présentant en nouvelle lecture, après examen par la commission mixte paritaire, la proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française, je tiens à vous dire combien j'ai apprécié les efforts de tous pour trouver un compromis, et la qualité du travail de votre rapporteur, Jean-Yves Caullet qui a su allier rigueur et écoute des préoccupations légitimes de la Polynésie française, toutes sensibilités confondues.

Quant au président de votre commission des lois, Bernard Roman, il a su, en tant que président de la CMP, faire aboutir un compromis équilibré et juste pour tous les Polynésiens.

Le renforcement de la représentativité des élus et l'équilibre de la répartition des sièges constituent en effet un objectif commun. Cet équilibre doit être corrigé, afin d'assurer à la circonscription électorale des Iles-du-Vent une représentation en rapport avec sa population.

Votre Assemblée a adopté, en première lecture, la proposition de loi organique déposée par votre collègue Emile Vernaudon qui a, le premier, demandé une solution plus respectueuse de l'égalité des Polynésiens devant le suffrage. Cette proposition attribuait, à effectif constant de l'assemblée, 29 sièges aux Iles-du-Vent au lieu de 22 actuellement, 5 sièges aux Iles-Sous-le-Vent au lieu de 8, 2 sièges aux Marquises au lieu de 3, 2 sièges aux Australes au lieu de 3, et 3 sièges aux Tuamotu-Gambier au lieu de 5. Le nombre des membres de l'assemblée territoriale n'était pas augmenté, et la représentation des Iles-du-Vent bénéficiait de la diminution de la représentation des autres archipels.

Le Gouvernement avait accueilli favorablement cette proposition qui améliorait beaucoup la situation actuelle, mais la discussion ne paraissait pas avoir été menée à son terme : en effet, l'impact psychologique de la diminution de la représentation des archipels les plus éloignés, bien que justifiée par la démographie ne doit pas être sous-estimé.

Les entretiens que j'ai eu notamment avec les maires des Marquises et les Australes démontrent que cette réduction peut renforcer de façon irrationnelle un sentiment habituel d'isolement, voire être ressenti comme un abandon, ce qui est évidemment l'opposé de ce que souhaite le Gouvernement, très attentif à leurs difficultés.

Le Sénat, qui a examiné le texte le 22 novembre, a porté le nombre total de sièges de l'assemblée territoriale à 49 contre 41 actuellement et attribué 30 sièges au lieu de 22 aux Iles-du-Vent, la représentation des autres archipels demeurant inchangée. Ce texte présentait l'inconvénient de ne pas corriger totalement le déséquilibre existant.

Le Gouvernement souhaitait que la représentation nationale parvienne à une solution susceptible de recueillir un large consensus et qui, d'une part, rende le scrutin plus équitable, d'autre part satisfasse aux exigences du Conseil constitutionnel.

La CMP, réunie le 29 novembre, a formulé une nouvelle proposition qui vous est aujourd'hui soumise. Elle consiste à accorder 32 sièges aux îles du Vent au lieu de 22 actuellement, sept aux îles Sous-le-Vent, quatre aux Tuamotu Gambier, les Marquises et les Australes en conservant chacune trois. Ce compromis renforce la représentation des îles du Vent par rapport au texte adopté par le Sénat et corrige très sensiblement le déséquilibre actuel puisque dorénavant les 73,7 % que représente la population de cet archipel seront représentés, avec 62,7 % des sièges. La solution trouvée pour les archipels, bien qu'entraînant une diminution de deux sièges, conforte le rééquilibrage entrepris puisqu'elle donne les écarts à la moyenne territoriale les plus faibles. Ainsi que l'a souligné votre rapporteur, ce texte prend en compte l'augmentation du nombre de représentants, comme l'avait souhaité le Sénat, mais également la nécessité de leur répartition plus équitable entre les différents archipels, comme l'a proposé l'Assemblée nationale. C'est un bon compromis. Seule une meilleure répartition des sièges est de nature à garantir une plus grande équité dans la représentation politique. L'accord obtenu en commission mixte paritaire marque de son sceau cette exigence.

Le Gouvernement souhaite une adoption rapide de cette proposition étant donné que le renouvellement général des membres de l'assemblée de la Polynésie française aura lieu en mai 2001.

Des améliorations seront encore nécessaires. Dans cette perspective, je souhaite que nous puissions débattre en temps utile de la réforme communale qui, en modifiant le mode de scrutin, permettra entre autres aux oppositions d'être mieux représentées. Au terme de tout le processus, nous aurons, je le crois, répondu à la profonde demande de République qu'expriment les Polynésiens. Les chantiers à poursuivre et à ouvrir sont encore nombreux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean Pontier - Je me suis rendu en Polynésie fin octobre et y ai été accueilli par de nombreux amis, dont mon collègue et ami Emile Vernaudon. Je ne pensais pas qu'à peine deux mois plus tard, j'aurais l'occasion d'intervenir à cette tribune au sujet de ce merveilleux endroit du monde. Je le fais avec plaisir et conviction.

La Polynésie française est en passe d'obtenir une nouvelle répartition des sièges au sein de son assemblée où la représentation actuelle des différents archipels date de 1985.

Chacun s'accorde à reconnaître la nécessité d'une réforme électorale rétablissant une représentativité équilibrée des sièges à l'assemblée tant la sous-représentation des Iles-du-Vent, flagrante, est devenue pesante. Nous comprenons que cette initiative parlementaire n'ait pas été du goût de M. Flosse qui s'est battu corps et âme pour préserver son « fonds électoral » dans les îles.

La commission mixte paritaire en a jugé autrement puisqu'elle a finalement adopté un texte tendant à rétablir au mieux l'équilibre électoral entre les différents archipels.

Elle s'est prononcée pour le retrait d'un siège aux Iles-sous-le-Vent et un aux Tuamotu-Gambier. Les Iles-du-Vent voient quant à elles, le nombre de leurs sièges augmenté de dix, pour s'établir à 32.

Le texte adopté par la CMP diffère quelque peu de celui présenté par Emile Vernaudon, à qui l'on doit malgré tout la paternité de cette réforme...

M. le Rapporteur - Tout à fait !

M. Jean Pontier - ...puisqu'il a été à l'origine de la première proposition de loi tendant à assurer l'équité électorale à l'Assemblée de Polynésie. Le seul et unique objectif de cette réforme était de mettre fin à un système totalement injuste pour les élus et les populations et de défendre le principe « un homme, une voix », qui est l'essence même de la démocratie. C'est aussi par souci d'équité qu'un deuxième texte relatif à la circonscription unique a fait l'objet de débats juridiquement et politiquement passionnants. Ce mode électoral nous paraît être le plus juste pour la Polynésie française ; les avis des constitutionnalistes nous ont cependant contraints à abandonner cette voie.

De cette bataille parlementaire, l'histoire retiendra qu'à l'initiative d'un député polynésien, Emile Vernaudon, de nouvelles règles démocratiques ont été établies, rompant avec le système électoral qui prévaut depuis 1985, devenu totalement inadapté au regard des évolutions démographiques dans les archipels.

L'Assemblée devrait sans surprise suivre l'avis de la CMP. La Polynésie française élira ainsi en mai 2001, 49 conseillers territoriaux dont 32 aux Iles-du-Vent, 7 aux Iles-sous-le-Vent, 4 aux Tuamotu-Gambier, 3 aux Australes et 3 aux Marquises.

De là à dire qu'« Emile Vernaudon est lâché par ses amis de Paris », comme l'a déclaré M. Flosse, c'est vraiment prendre ses désirs pour des réalités ! Et la ficelle est un peu grosse. A tous les Polynésiens, je réaffirme que nous sommes à leurs côtés, afin de les aider à relever le défi de la reconversion économique. Plus que jamais, le parti radical de gauche souhaite dire à Emile Vernaudon qu'il peut compter sur ses amis et alliés pour instaurer en Polynésie la démocratie, la justice et la sérénité dans la gestion des affaires du territoire. Nous sommes et nous resterons vos partenaires les plus sûrs.

Je ne pourrais en dire autant pour le président sénateur Flosse, dont l'un de ses amis du RPR a formulé le 15 novembre dernier du haut même de cette tribune des critiques sur la gestion financière du Territoire.

Je ne voudrais pas conclure sans rappeler ici cette déclaration publique du président du Tahoera'a qui s'est dit prêt à « boycotter les élections territoriales de 2001 si l'on venait à toucher un seul siège des îles ». Belle leçon de démocratie de la part d'un élu de la République !

Nous attendons de voir ce jour. En tout état de cause, nous constatons, sans en être surpris, l'éclatement progressif du Tahoera'a. J'en veux pour preuve l'apparition au sein même du parti de plusieurs dissidents, qui n'hésitent pas à s'opposer aux décisions des instances dirigeantes.

Accuser l'Etat, le Gouvernement, le parti socialiste de chercher à le déstabiliser et de mener en Polynésie une politique de blocage, est du délire. Comment M. Flosse peut-il accuser le pouvoir central quand on sait que la Polynésie reçoit chaque année plus de six milliards français injectés directement dans l'économie locale, sans compter les deux milliards accordés au titre du contrat de développement et du fonds de reconversion ?

M. François Goulard - Vous semblez le regretter.

M. Jean Pontier - Non, je ne fais que rappeler les faits.

Ce comportement n'étonne plus personne et la population locale n'est plus dupe.

Quant au Ai'a Api, il fera sa campagne comme prévu dans son programme et se battra, avec le soutien de ses amis de la majorité plurielle, pour que le Tahoera'a perde la majorité aux élections territoriales de mai 2001. Le Ai'a Api sera une composante politique incontournable sur qui il faudra compter pour la gestion du pays et qui saura prendre ses responsabilités. Et j'engage, ce soir, le président du territoire à méditer sur un principe cher aux physiciens, le principe d'incertitude, que la sagesse populaire résume ainsi : « Rien n'est jamais acquis » (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Buillard - Notre Assemblée doit aujourd'hui se prononcer sur le texte adopté par la commission mixte paritaire. C'est le terme d'une longue procédure qui a vu une mobilisation sans précédent de toutes les forces vives de notre territoire. Cette procédure a toutefois été mal engagée : j'ai encore en mémoire les déclarations fracassantes de mon collègue Vernaudon sur la nécessité de réformer nos élections pour prétendument assurer « plus d'équité en Polynésie ».

Dans l'euphorie des rencontres avec les indépendantistes, le premier secrétaire du parti socialiste lui répondait en écho, « il faut réformer le mode de scrutin en Polynésie pour permettre de renverser la majorité actuelle ».

M. François Goulard - Cela a le mérite d'être clair...

M. Michel Buillard - Sous prétexte d'améliorer l'égalité du suffrage en prenant davantage en compte les évolutions démographiques, ces discours moralisateurs ne parviennent pas à cacher de sombres desseins : tout faire pour renverser notre majorité locale. Tel est bien l'objectif de ces porteurs de bonne parole, de ces visiteurs d'un jour qui veulent « provoquer un sursaut républicain » en Polynésie, ou qui demandent un « rassemblement pour faire échec à l'imposture ».

Mais où est l'imposture quand on bafoue l'usage républicain qui veut que l'on ne modifie pas les règles électorales dans l'année précédant le scrutin ?

Où est l'imposture quand on ne tient pas compte des avis défavorables de l'Assemblée de Polynésie, du Conseil économique social et culturel, de l'Association des maires de Polynésie, des parlementaires de Polynésie, du gouvernement du Territoire et d'une partie de l'opposition qui s'est unie à nous pour défendre la représentation de nos archipels ?

La Polynésie a participé à la défense de la grandeur et de l'intégrité de la France en accueillant sur son territoire pendant 32 ans le Centre d'expérimentation du Pacifique.

MM. Emile Blessig et François Goulard - Très bien !

M. Michel Buillard - Le peuple polynésien en a subi de profonds bouleversements même si cette période a, bien sûr, été source de développement économique et de progrès social. Attirée par les perspectives d'emplois, la population des archipels s'est massivement déplacée vers l'île de Tahiti, rompant ainsi l'équilibre démographique entre les Iles-du-Vent et les autres archipels.

Avec l'arrêt des essais nucléaires, nous sommes entrés dans une période de profonde mutation. En dix ans, la Polynésie a dû opérer sa reconversion économique, tout en renforçant sa cohésion sociale. Ainsi, dès 1995, nous avons instauré une protection sociale généralisée.

Nous pouvons être satisfaits des résultats : nous avons construit une Polynésie prospère, tournée vers l'avenir, paisible, solidaire et maîtresse d'elle-même. L'Institut d'émission d'outre-mer, dans son rapport de 1999 souligne qu'« à l'image des pays occidentaux, la Polynésie semble être entrée dans un cycle long de croissance. Pour le troisième exercice consécutif, l'économie a enregistré des résultats favorables, fondés sur un climat social serein, sur la confiance des opérateurs économiques et sur le maintien d'un niveau élevé de transferts en provenance de la métropole ». Quant à l'organisme international Standard and poors, il vient de classer la Polynésie dans « la catégorie de tête des pays financièrement fiables ».

En dix ans, d'une situation de quasi faillite, héritage du gouvernement de M. Alexandre Léontieff, nous avons construit une économie en pleine expansion, grâce aux efforts de toute une population et au soutien financier du gouvernement central, dans le cadre du Pacte de progrès.

Dans les liens qui nous unissent à la République il a souvent été question du « pacte de vivre ensemble », fondé sur des relations de confiance réciproque.

Nous sommes fiers d'être les représentants politiques, économiques et culturels de la France dans le Pacifique sud. La France, après avoir accompagné la Polynésie sur le chemin d'une autonomie modèle et accomplie ne peut remettre en cause cette réussite pour des raisons de convenance politicienne.

Certes, le contexte a changé. Où étaient les Verts et la Radicaux de gauche lorsque, sous le contrôle de l'Etat, la manne des crédits du nucléaire s'est généreusement déversée sur la Polynésie sans tenir compte de l'avis ou du bien-être de ses habitants ? Maintenant que nous disposons de la force de frappe, voilà le son des tambours des censeurs d'opérette qui pointent du doigt des réalisations supposées somptuaires. Pas très loin de chez nous, nous avons pourtant approuvé la construction d'hôtels de province, dans la foulée des accords de Matignon. Et l'on fait maintenant mine de croire que la construction du siège du Gouvernement polynésien ne se justifie pas. Pourquoi deux poids deux mesures ?

Après la circonscription unique, l'amputation des sept sièges des archipels, la prétendue gabegie des crédits publics, voilà que l'on brandit l'épouvantail de la concomitance des élections municipales et territoriales. Pourtant, Monsieur le ministre, vous avez souhaité cette concomitance afin « d'encourager les électeurs à se rendre aux urnes ». Mais les Polynésiens savent depuis longtemps que voter est un droit et aussi un devoir. Sommes-nous des citoyens de seconde zone pour que l'on dissocie les élections municipales en Polynésie de celles de la métropole ? La campagne des municipales n'a rien à voir avec celle des territoriales. Pourquoi alors vouloir coupler deux campagnes dissemblables, si ce n'est pour compenser la faiblesse de nos adversaires ?

Il me revient aujourd'hui la lourde charge de représenter mes concitoyens des archipels auxquels nous avons dû annoncer l'amputation de leur représentation à l'Assemblée de la Polynésie. C'est particulièrement injuste. Tout d'abord au regard des efforts accomplis par les archipels des Iles-sous-le-Vent et des Tuamotu-Gambier, notamment par leurs élus avec M. Gaston Tong Sang à leur tête. Avec l'île mythique de Bora-Bora, les Iles-sous-le-Vent constituent le pôle touristique de la Polynésie. Les Tuamotu-Gambier se sont développées autour de la perliculture, devenue l'un des secteurs moteurs de l'économie polynésienne. C'est injuste ensuite au regard de la forte croissance démographique observée dans ces archipels, respectivement 20,7 % et 24,2 %, contre 15,9 % pour les Iles-du-Vent. On remet ainsi en cause la politique de décentralisation économique du Gouvernement territorial, destinée à favoriser le maintien voire le retour des populations dans leurs îles d'origine.

En fait, on impose à notre Territoire, contre son gré, des décisions prises par la métropole, alors que la Polynésie est sur le point de devenir un Pays d'outre-mer.

Je dois reconnaître le rôle positif joué en CMP par les représentants de la Haute assemblée, comme par certains de nos collègues. L'accord intervenu est un accord a minima, donc à moitié convenable. Il s'est conclu contre la volonté des trois parlementaires de Polynésie : contre celle du sénateur Flosse et contre la mienne, car nous sommes fermement opposés à la diminution de la représentation des archipels ; contre la volonté de mon collègue Vernaudon, fâché de voir s'envoler ses espoirs de faire basculer la majorité en Polynésie.

Deux sièges manquent encore à l'appel pour les archipels. Nous ferons tout pour les rétablir dans leurs droits dès que possible.

Je regrette enfin que mon collègue Vernaudon utilise la tribune de notre Assemblée pour régler des comptes personnels, au détriment de l'image de la Polynésie et de ses habitants. Je lui donne rendez-vous en mai prochain pour le verdict des urnes.

M. Emile Vernaudon - Tout à fait !

M. Michel Buillard - Il faudra bien à un moment ou à un autre rendre des comptes devant la population. A ce moment, les habitants des archipels exerceront, j'en suis sûr, leur devoir de mémoire en sanctionnant ceux qui auront trahi leur confiance. Les résultats marqueront l'approbation par la population polynésienne de la politique de reconversion économique et de progrès social menée depuis 1991 par le président Flosse et sa majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jérôme Lambert - Après la réussite de la CMP, il nous reste à approuver cet accord pour que ce texte, attendu par nos compatriotes de Polynésie, prenne force de loi. Il répond à l'impératif, parfaitement admis par tous, de corriger un trop important déficit de représentativité de certaines entités de la Polynésie française au sein de l'Assemblée du territoire.

Nous avons engagé une réforme constitutionnelle et l'amélioration de la représentativité des élus de l'Assemblée de la Polynésie française est d'autant plus nécessaire que ses prérogatives, déjà importantes, devraient être largement étendues.

Je souhaite que cette réforme que nous souhaitons tous et que nous avons adoptée puisse enfin aboutir.

Il y a quelques mois le Président de la République, alors qu'il avait convoqué le Congrès pour procéder, entre autres, à la réforme constitutionnelle nécessaire à l'évolution institutionnelle de la Polynésie française, a brusquement changé d'avis et a annulé cette convocation. Il est vrai que son revirement tenait plutôt à une autre question : la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, destinée à garantir l'indépendance de la Justice...

La Polynésie a donc été sacrifiée, pour le moment, à la raison d'Etat, -ou plutôt à la raison du chef de l'Etat- pour des raisons que chacun d'entre nous, et surtout l'ensemble des Français, peuvent aujourd'hui mieux apprécier à la lumière d'événements survenus depuis et qui touchent à la relation, ou plutôt à l'absence de relations, que le Président de la République souhaite entretenir avec la Justice de notre pays...

M. François Goulard - Epargnez-nous ça !

M. Jérôme Lambert - Aussi, compte tenu de ces péripéties jugées sévèrement par nos concitoyens, pouvons-nous espérer une prochaine convocation du Congrès pour ratifier les dispositions nécessaires à l'évolution institutionnelle de la Polynésie. Pour leur part, le Parlement, et le Gouvernement ont accompli leur mission qui était de définir le cadre d'une meilleure organisation institutionnelle pour l'avenir de la Polynésie.

Ce texte y apporte son concours, en permettant une meilleure représentation des différents archipels qui composent le territoire de Polynésie française, demain du « Pays d'outre-mer » de Polynésie française.

Ce texte, issu d'une proposition de notre collègue Emile Vernaudon et des travaux de la commission mixte paritaire, concilie, selon des critères précédemment définis par le Conseil constitutionnel, le souci de limiter les déséquilibres démographiques entre les cinq circonscriptions électorales et celui d'assurer, sur une base géographique, la représentation de territoires peu peuplés dont les problèmes particuliers justifient une représentation minimale.

La Polynésie comptant cinq archipels, plus d'une centaine d'îles sur une superficie maritime supérieure à celle de l'Europe, le critère géographique s'est imposé à la CMP. Ainsi, un nombre minimal de trois sièges est garanti aux deux archipels les moins peuplés, les îles Marquises et Australes, ce qui permettra d'y répartir plus justement les sièges entre les listes en présence. Quant aux îles du Vent, archipel le plus peuplé, leur représentation est portée de 22 à 32 sièges, tandis que celle des îles Sous-le-Vent passe de 8 à 7 et celle des îles Tuamotu et Gambier de 5 à 4. Ce compromis améliore la représentativité de l'assemblée territoriale et, partant, le fonctionnement de la démocratie en Polynésie.

Le cadre législatif est maintenant fixé, mais il appartient au président de la République de procéder à la réforme de la Constitution qu'attendent tous ceux qui sont soucieux de l'avenir de l'outre-mer, et de la Polynésie en particulier. Puissions-nous être entendus au plus haut sommet de l'Etat, afin que soit parachevé l'édifice auquel nous allons ajouter, ce soir, une nouvelle pierre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. François Goulard - Je salue la hauteur de vues de notre collègue Michel Buillard, qui a excellemment résumé la situation et l'enjeu. Je poserai au Gouvernement une question très simple : si la loi électorale était si injuste, pourquoi n'a-t-il pas, après l'ajournement du Congrès, présenté un projet de loi au lieu d'attendre qu'une proposition soit déposée ? Chacun aura compris qu'il s'agit en réalité de tordre la représentation dans un sens favorable à la majorité nationale, en excipant de mauvais arguments, notamment démographiques. Il devrait pourtant être admis que les territoires ont le droit, eux aussi, d'être représentés, et les minorités celui d'être protégées d'éventuels abus des majorités : ce sont des principes démocratiques qui en valent bien d'autres !

C'est pourquoi cet accord de CMP, s'il marque un net progrès par rapport à la proposition initiale, ne me convainc pas pour autant. Nous sommes à un moment et dans un climat où la manipulation de la loi électorale semble devenue la règle, sous le couvert des grands principes, et je voterai donc contre un texte dont l'intention première rend la forme et le contenu condamnables (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Patrice Carvalho - Les députés communistes ont exprimé à plusieurs reprises, depuis seize ans, leur accord de principe avec l'autonomie de la Polynésie française. Ils ne peuvent qu'être préoccupés des conditions d'exercice du pouvoir dans ce territoire et de représentativité de son assemblée. Certes, la présence d'une population équivalant à celle du Gers sur une superficie comparable à celle de l'Europe crée un casse-tête quasi insoluble, mais l'inégalité de représentation qui en résulte est considérable, et fait planer un vrai risque de clientélisme.

M. François Goulard - Vous savez de quoi vous parlez !

M. Patrice Carvalho - Le groupe communiste a voté, le 22 juin, une proposition de loi tendant à réparer l'oubli de deux recensements successifs, tout en respectant les spécificités géographiques des archipels polynésiens. Il n'a pas approuvé, en revanche, celle adoptée ensuite par le Sénat. Le texte de la CMP représente une avancée sur la voie de l'équité, et nous nous y rallions donc, tout en continuant de souhaiter une évolution institutionnelle responsable, non crispée sur le passé. Il soutient le processus de décolonisation mis en _uvre et le mémorandum progressiste du 15 mars, en vue d'une souveraineté polynésienne auprès de laquelle la France continuerait d'exercer son influence.

M. Jérôme Lambert - Très bien !

M. Emile Blessig - L'accord intervenu en CMP est le fruit d'un compromis, conjuguant le respect de la spécificité de la Polynésie et de ses archipels avec celui des réalités démographiques, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'égalité du suffrage. Si le fait qu'aucun des parlementaires polynésiens ne l'ait approuvé est un indice qui ne trompe pas, je crois que ce compromis marque la volonté des deux assemblées du Parlement de trouver un accord équilibré. C'est un signe d'espoir pour la Polynésie, dont le développement pourra se poursuivre dans le cadre du pacte républicain qui le lie à la France. Le groupe UDF votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La discussion générale est close.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté.

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CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES FARINES ANIMALES

L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires de l'alimentation des animaux d'élevage par des farines carnées et d'os.

M. Michel Vergnier, rapporteur de la commission de la production - Cette proposition de résolution a été déposée par MM. Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré et Jean-François Mattei. Les éleveurs et les consommateurs sont inquiets, en France comme à l'étranger. On ne parle plus que de la crise de la vache folle. Les émissions spéciales se multiplient sur ce thème. A l'Assemblée, une séance spéciale de questions orales avec débat a eu lieu et le Gouvernement est régulièrement interpellé. A l'Assemblée encore, mais en-dehors de l'hémicycle, des auditions publiques ont été organisées par le groupe d'étude sur l'élevage bovin, sur le thème : « Restaurer la confiance ».

Tel doit bien être notre but. La psychose s'aggrave. La crise de la filière bovine est plus grave que celle qui s'est produite en mars 1996, quand a été découverte la possibilité d'une transmission à l'homme de l'agent pathologique de l'ESB.

La crise actuelle résulte de la conjonction de plusieurs événements : la découverte dans un abattoir d'un bovin contaminé provenant d'un troupeau dont certains animaux avaient pu être commercialisés ; la diffusion, par une chaîne de télévision, de l'agonie d'une personne présentée comme atteinte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ; la découverte régulière de nouveaux cas d'ESB, résultat de la politique de dépistage engagée par le Gouvernement.

Il est difficile de ne pas céder à l'irrationnel, même si la France a toujours suivi les recommandations des scientifiques, prenant les mesures les plus rigoureuses de l'Union européenne.

Les consommateurs se posent des questions, d'autant que les crises de sécurité alimentaire se succèdent : poulet à la dioxine, listériose, risques liés à la dissémination des OGM.

Les consommateurs n'ont plus confiance. Il faut les rassurer en les informant, en prenant des mesures de prévention et de précaution, en contrôlant, aussi, la stricte application de ces mesures.

La France a convaincu ses partenaires européens d'élargir les tests et d'interdire les farines carnées dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage. Elle avait déjà prôné cette interdiction, en vain, en juin 1999.

Au niveau national, des mesures ont été prises dès le début des années 1990, comme l'interdiction des farines animales dans l'alimentation des bovins, l'embargo sur le b_uf britannique ou la sécurisation des farines utilisées dans l'alimentation des autres animaux.

Aujourd'hui certains doutent que ces mesures aient été respectées. On nous dit que des animaux ont été importés frauduleusement de Grande-Bretagne.

La commission de la production a approuvé ce texte, parce qu'il faut faire le point.

MM. François Sauvadet et Germain Gengenwin - Très bien !

M. le Rapporteur - Il faut aussi examiner les problèmes que pose l'élimination des farines. Enfin, toutes les responsabilités doivent être mises en évidence.

Néanmoins, cette commission d'enquête ne doit pas limiter sa réflexion aux seules farines animales. Nous avons approuvé un amendement visant à élargir son champ d'investigation à la lutte contre l'ESB et aux enseignements à tirer de la crise en termes de pratiques agricoles et de santé publique. Certes, nos concitoyens s'interrogent sur les farines animales et il faut leur apporter des réponses ; mais ce qui les inquiète, c'est l'ESB et les risques sanitaires. Il faut leur montrer notre volonté de combattre ce fléau.

Des travaux ont déjà été publiés à ce sujet, comme le rapport de notre collègue Mattei ou ceux de la commission d'enquête présidée par M. Leyzour, rapportés par M. Daniel Chevallier. La nouvelle commission d'enquête s'appuiera sur ces excellents travaux, mais il lui faudra aussi les compléter, car de nouvelles découvertes ont été faites, de nouvelles mesures ont été prises et la position de nos partenaires européens a évolué.

Avant hier, le directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a rendu publics les premiers résultats du programme de dépistage lancé au début de l'année 2000. La proportion des bovins de plus de deux ans en phase d'incubation est de 2,1 pour 1 000. Les animaux les plus touchés sont nés entre 1993 et 1995.

Ces résultats vont faciliter le dépistage mis en _uvre au niveau européen. Il faut souligner la pertinence des mesures prises par le Gouvernement. Il faut aussi rechercher les moyens de développer une agriculture garante de la sécurité alimentaire. Nous avons encore de nombreux défis à relever.

Se pose enfin la question de la recevabilité de ce texte. En effet, l'ordonnance organique relative au fonctionnement des assemblées ainsi que notre Règlement interdisent, au nom de la séparation des pouvoirs, la création d'une commission d'enquête sur des affaires en instance de jugement. Par une lettre en date du 1er décembre, Mme la Garde des Sceaux a informé le Président de notre assemblée que diverses procédures judiciaires étaient en cours, mais elle a indiqué qu'elle nous laissait le soin d'apprécier la possibilité de créer une commission d'enquête parlementaire.

Compte tenu de cette réponse, il paraît légitime d'explorer l'ensemble des pistes : il faut établir les responsabilités, évaluer les risques et proposer des solutions.

Les députés du groupe RCV ont déposé des sous-amendements visant à inclure dans la réflexion la recherche de solutions alternatives aux farines animales. La commission les a acceptés. Plusieurs amendements ont par ailleurs été déposés. Nous ne sommes pas en désaccord sur le fond. Nous devons nous montrer constructifs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. François Goulard - J'ai apprécié la teneur du rapport. M. Vergnier a compris les attentes de nos concitoyens, qui ont besoin d'être informés.

Incontestablement, il y a matière à enquête étant donné l'émotion du public, les incertitudes scientifiques, les flottements des gouvernements successifs. Ce n'est pas là une critique à leur égard. Face à des crises de santé publique, mal cernées par les scientifiques et qui ont des conséquences psychologiques très difficilement maîtrisables, il est inévitable que les positions des autorités ne soient pas toujours cohérentes.

D'autre part, le rapporteur l'a dit ouvertement, certaines questions sont restées sans réponse comme celle de l'importation des farines britanniques ou débaptisées. Ni la mission d'information de 1997 ni la commission d'enquête sur la sécurité alimentaire n'ont mené assez loin l'investigation.

On tient parfois des discours incantatoires sur la restauration du rôle du Parlement. Il faut le reconnaître, nos débats parfois techniques ne passionneront jamais l'opinion. En revanche je suis persuadé que les travaux des commissions d'enquête sur des problèmes d'actualité réveilleraient son attention, pour le plus grand profit de la démocratie. Aussi faut-il donner plus d'importance aux commissions d'enquête, même s'il faut pour cela une révision de la Constitution de 1958 qui limite leur action.

Face à de telles crises, les gouvernements ont beaucoup de mal, et d'ailleurs bien du mérite. Nous en avons eu plusieurs exemples depuis quelques années. Elles ont en commun de toucher la santé publique et de donner lieu à des informations scientifiques difficiles à traduire en un langage accessible et aux conclusions parfois incertaines. Dans ce cas le discours gouvernemental perd vite sa crédibilité pour une opinion qui s'imagine qu'on lu a menti, qu'on n'a pas pris à temps les bonnes mesures ou pis, qu'on a pris sciemment les mauvaises. Ces crises se reproduiront. Pour être plus efficaces il faut, je crois, séparer complètement l'information et l'action gouvernementale. Aujourd'hui il n'existe pas d'organisme totalement indépendant du pouvoir politique pour donner une information scientifique incontestable et laisser au politique sa responsabilité, qui est de décider.

Dans ce contexte, les commissions d'enquête sont crédibles. Le pluralisme politique de leur composition est gage d'impartialité et si l'on sait donner à l'opposition la place qui lui revient dans ces lieux de contre-pouvoir, elles peuvent faire _uvre utile.

Cette commission pourra ainsi éclairer, sinon rassurer totalement nos compatriotes et ceux qui sont les plus touchés et auxquels nous pensons, nos agriculteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Joseph Parrenin - Pourquoi une nouvelle commission d'enquête sur la sécurité alimentaire, me demandait un journaliste. Il semble indispensable que la représentation nationale fasse une fois encore son travail de contrôle de l'exécutif mais aussi de réflexion et de proposition. Nous en sommes, je crois, tous convaincus comme l'opinion, préoccupée par la sécurité alimentaire et l'avenir de l'agriculture.

Lors de la commission d'enquête sur la sécurité alimentaire au sens large, nous avions fait des observations sur les farines animales. Aujourd'hui il faut faire un bilan complet de ce qui s'est passé et du respect ou du non-respect des décisions concernant l'élimination des matières à risque et leur interdiction pour les ruminants. Il ne s'agit pas de faire le procès de tel ou tel, et il ne serait pas sérieux d'accuser les agriculteurs, les premiers touchés par la crise de l'ESB.

Il faudra aussi nous pencher sur la recherche et sur les dispositifs de dépistage et de surveillance, et sur les décisions prises -parfois dans l'urgence- depuis de nombreuses années. Nous aurons à nous prononcer sur les raisons qui ont poussé à de telles pratiques -comme la politique productiviste visant la quantité et les bas prix. La commission d'enquête auditionnera tous les partenaires du monde agricole et posera les questions que les consommateurs et les agriculteurs se posent sur la politique agricole suivie depuis quelques dizaines d'années.

Il faudra nous interroger sur le rôle de l'agro-industrie de la transformation, mais aussi de la grande distribution qui a parfois contraint des filières entières à des pratiques risquées pour faire baisser les prix et s'assurer une marge maximum.

Enfin, il nous faudra faire des propositions sur des systèmes de production permettant de restaurer la sécurité alimentaire et la confiance des consommateurs. Ces derniers sont troublés ; les premiers sont dans le désarroi. Pour répondre à leur attente, il nous faut mettre en application la loi d'orientation de 1999.

Le groupe socialiste votera la proposition de résolution amendée et souhaite bon travail à la commission d'enquête (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Pierre Morange - La maladie de la vache folle a entraîné une telle psychose que le Parlement se doit de s'intéresser à cette question de sécurité alimentaire.

Depuis la fin des années 1980, plusieurs séries de mesures ont été mises en oeuvre pour éradiquer l'épidémie. En juillet 1990 la France interdisait l'usage des farines animales dans l'alimentation des bovins ; en décembre 1994 cette interdiction était étendue à l'ensemble des ruminants.

Enfin, le gouvernement d'Alain Juppé a interdit l'utilisation, dans les farines, de la moelle, de la cervelle, ou des yeux.

Malgré ces règles strictes, nous avons dû constater la multiplication des cas d'animaux atteints d'ESB, y compris dans le cheptel né après l'interdiction des farines. Cela conduit à penser que l'interdiction n'a pas été respectée, ou que des contaminations croisées, entre filières d'aliments pour ruminants et pour non ruminants, ont eu lieu lors de la fabrication, du transport ou du stockage des farines carnées.

M. Hirsch, directeur général de l'AFSSA, s'interrogeait donc avec pertinence, le 31 octobre 2000, considérant qu'il était « naturel de poser la question d'une interdiction totale ».

Dans ces conditions, l'opposition unie a déposé une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires de l'alimentation animale par des farines carnées.

Cette initiative a été confortée tout récemment par la décision prise par les Quinze de suspendre l'utilisation des farines animales dans l'alimentation du bétail. Nous nous réjouissons de cette mesure de précaution montrant, s'il en était besoin, que le Président de la République avait raison avant tout le monde en réclamant, dès le 25 octobre, l'arrêt de l'utilisation des farines carnées pour tous les animaux d'élevage.

Lors de sa séance du 6 décembre, la commission de la production a examiné la proposition de résolution, en précisant sa portée et en élargissant son champ d'investigation. Elle devra porter sur la santé publique, la protection des consommateurs, le recours aux farines animales, la lutte contre l'ESB et l'évolution de notre agriculture.

En matière de santé publique, il s'agira d'établir le bilan des recherches en cours, l'estimation objective des risques et l'état des ressources disponibles pour l'information du public et la capacité de diagnostic. Nous souscrivons à cette proposition : notre assemblée et, à travers elle, nos concitoyens, doivent être informés de l'état d'avancement des recherches sur la maladie de Creutzfeldt-Jakob et sur l'ESB. La psychose qui s'est développée tient, aussi, au manque d'informations scientifiques précises.

Où en sommes-nous des recherches ? Quelle est la valeur scientifique de ce que l'on dit et écrit sur cette question ? A cela, la commission d'enquête devra répondre.

Le second point concerne la protection des consommateurs : une fois encore, pour rassurer, il convient de s'informer. En particulier, de quel dispositif d'alerte et de précaution disposons-nous ? Plusieurs crises récentes ont semblé confirmer le bon fonctionnement des différents dispositifs d'alerte et de retrait des produits suspects. Mais quels progrès pouvons-nous faire en matière de traçabilité et d'étiquetage ?

Certains pays, comme la Suède, ont mis au point sur Internet un système permettant, à partir d'un numéro d'identification, de suivre le cheminement d'un produit. Devons-nous mettre en place un système similaire ?

Mais la question centrale est celle de l'utilisation des farines animales : que s'est-il exactement passé après l'interdiction officielle de l'utilisation des farines carnées en France ? Des produits contaminés ont-ils été importés ? Des stocks ont-ils été écoulés ? Comment expliquer le développement de l'épidémie malgré les mesures de précaution ? Se pose, d'autre part, le problème du stockage et de l'élimination de ces farines, et de leur remplacement par des protéines végétales. Comment relèverons-nous ce défi, et selon quel calendrier ?

La commission d'enquête devra aussi se pencher sur la lutte contre l'ESB, et donc sur le test de dépistage. Déjà les auditions menées par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques ont dit l'importance de ce problème. Pouvons-nous nous attendre à des progrès rapides ? Quel pourrait être le meilleur dispositif de surveillance des troupeaux bovins ?

Le dernier point concerne « l'évolution de notre agriculture ». Il s'agit de réaffirmer l'excellent travail de nos éleveurs, le souci de qualité qui les anime et la grande compétence dont ils ont toujours fait preuve.

M. François Goulard - Très bien !

M. Pierre Morange - Il conviendra d'étudier les moyens à mettre en _uvre pour soutenir la filière bovine et lui donner les moyens de poursuivre ses efforts afin de sécuriser, autant que faire se peut, ses productions. La filière bovine française, qui constitue un exemple pour l'Europe, ne doit pas faire les frais des différentes crises qui se sont succédé.

Bien entendu, dans un domaine où la polémique n'a pas sa place, nous approuvons les quelques modifications voulues par la majorité. La sécurité alimentaire est l'affaire de tous, et tous nous devons agir pour mettre fin à cette épreuve.

La représentation nationale doit se saisir de ce dossier et rendre compte de ses travaux à nos concitoyens.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe RPR soutiendra la création de cette commission d'enquête dont, avec ses partenaires de l'opposition, il a pris l'initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Carvalho - Une véritable angoisse s'est emparée des Français. Elle a pour conséquence que leur consommation de viande de b_uf a chuté de moitié. Toute une filière est en crise, qui concerne 350 000 personnes, et près de 8 000 emplois sont menacés.

Pourtant, la psychose qui s'est emparée de la population est sans proportion avec la réalité des risques, puisque l'agent infectieux n'a jamais été détecté dans le muscle et qu'aucune donnée scientifique ne permet de suspecter que la consommation entraîne un risque. La France a conduit une politique de précaution de pointe depuis 1990. Toutefois, les mesures indispensables qui ont été prises ne sont pas suffisantes, et le défi est maintenant de regagner la confiance des consommateurs, ce qui suppose une parfaite transparence sur la manière dont sont élevés les animaux destinés à la consommation. Il faudra, par ailleurs, tirer les enseignements nécessaires de cette crise, en termes de pratiques agricoles comme de santé publique.

C'est dire l'utilité de créer une commission d'enquête appelée à traiter du recours aux farines animales dans l'alimentation du bétail d'élevage, de la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine et des enseignements à en tirer.

Il faut, en effet, faire toute la lumière sur les conditions d'introduction et d'utilisation des farines d'origine britannique après leur interdiction par les pouvoirs publics, examiner les mesures de précautions prises dans la chaîne alimentaire, faire le point des recherches en cours, analyser le dispositif de surveillance des troupeaux bovins, et la fiabilité des tests de dépistage.

Mais la commission a été bien inspirée de compléter la proposition. Comment, en effet, oublier la listéria dans des fromages au lait cru, les salmonelles dans des volailles, la pollution chimique d'une eau de source, le Coca Cola empoisonné, la peste porcine, le b_uf aux hormones, le poulet, les _ufs et les produits laitiers contenant de la dioxine...

On peut certes considérer qu'il s'agit là d'accidents de parcours, d'erreurs humaines, mais cela ne serait pas crédible. A chaque fois, la cause est la même : l'intérêt mercantile, les appétits financiers qui l'emportent sur toute autre considération, même lorsque la santé publique est menacée.

Pourquoi décide-t-on un jour que des herbivores mangeront des farines carnées ? Simplement parce que cette nourriture-là coûte moins cher, que le bétail croît plus vite et que les bénéfices sont donc plus forts. Et c'est ainsi que l'on en vient à moins chauffer les farines carnées pour diminuer les coûts de fabrication et en accroître la valeur nutritive. Nous savons que c'est la manière dont ont été produites les farines britanniques qui sont à l'origine de l'épizootie.

Certes, nous pouvons montrer du doigt les éleveurs qui acceptent de nourrir ainsi leur bétail, mais ce serait ne pas voir qu'eux aussi sont pris dans cette spirale, qu'eux aussi doivent réduire leurs charges, non pas, en ce qui les concerne, pour accroître des marges énormes mais simplement pour que leur exploitation et leur famille survivent.

Une leçon se dégage de ces événements : lorsque la société est livrée aux lois du marché, voilà ce qu'elle est capable de produire. De ce point de vue, il est significatif de constater que le pays le plus touché est la Grande-Bretagne, celui qui, en Europe, a sans doute poussé le plus loin le libéralisme. Voilà qui devrait faire réfléchir ceux qui nous vantent le libéralisme.

Voilà qui doit, aussi, faire réfléchir aux recettes libérales qui inspirent en permanence la construction européenne. La France aura dû déployer beaucoup d'efforts pour se faire entendre, notamment pour ce qui concerne l'utilisation des farines et l'extension des tests de dépistage. La Commission de Bruxelles nous a montré du doigt lorsque nous avons, lucidement, décidé le boycottage du b_uf anglais. L'Allemagne et l'Italie ont raillé notre luxe de précautions. Chez eux, ils ne comptaient aucun cas de vaches folles. Et pour cause : ils ne pratiquaient pas les tests ! Dès qu'ils y ont eu recours, il leur a bien fallu constater que leur cheptel comptait également des bêtes malades. D'autres pays continuent d'exprimer de très fortes réticences à la généralisation des tests, sous prétexte que la dépense est importante.

Voilà qui éclaire le débat sur l'Europe que nous voulons. La voulons-nous libérale, alors nous mesurons aujourd'hui les conséquences que peut avoir un tel choix ? Ou travaillons-nous à encadrer les lois du marché, pour que la satisfaction des besoins humains -et de la santé publique en particulier- demeure, en toutes circonstances, ce qui guide les décisions prises ?

Dans cette optique, l'argent n'est pas une fin, mais un moyen.

Sur toutes ces questions, la commission d'enquête dont la création nous est proposée peut jouer un rôle important si elle formule des recommandations visant à une politique agricole et alimentaire saine.

Dans cette perspective, le groupe communiste votera la proposition de résolution qui nous est présentée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - Nous examinons donc ce soir une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête « sur le recours aux farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage, la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine et les enseignements de la crise en termes de pratiques agricoles et de santé publique. A l'origine, cette proposition a été déposée par l'UDF et par les présidents des trois groupes parlementaires de l'opposition, le 7 novembre dernier, en plein c_ur de la nouvelle crise alimentaire que nous traversons depuis plusieurs mois. Je me réjouis donc que cette proposition ait été inscrite à notre ordre du jour.

Nous participerons à cette commission d'enquête avec la volonté, d'abord, d'éclairer l'opinion, de lever les doutes existants, mais aussi de faire le point sur l'état de la recherche et d'établir sans faiblesse les éventuelles responsabilités. Il est à l'honneur du Parlement d'exercer sa mission de contrôle sur un sujet aussi important, qui concerne à la fois un pan entier de notre économie et la santé publique.

Nous avons déposé quelques amendements qui visent à bien définir le cadre de cette future commission d'enquête. C'est dans cet esprit notamment que nous avons souhaité revoir le chapitre lié à la « désintensification » du système de production agricole -terme d'ailleurs impropre, qui ne figure pas dans le dictionnaire...- et qui, au fond, ne correspondait pas à notre ambition commune. Nous avons d'ailleurs convenu d'un amendement commun entre les groupes de l'opposition et de la majorité visant à permettre à la future commission d'enquête d'étudier certes les diverses formes de production agricole à la condition que cet examen soit lié aux exigences de la sécurité alimentaire. C'est en imposant la même exigence de sécurité et de qualité à tous les types de productions, que l'on évitera une alimentation à deux vitesses, l'une chère avec une sécurité maximale, l'autre bon marché dont on devrait s'accommoder. Il est de notre devoir de garantir la sécurité maximale à tous les niveaux de consommation. A cet égard, je salue l'esprit dans lequel la commission et le rapporteur ont abordé le sujet, qui témoigne d'une volonté commune de répondre aux interrogations légitimes de nos compatriotes et de formuler des propositions en vue d'atteindre cet objectif qui nous est commun.

Je souhaite que le rapporteur nous précise ce qu'il entend par « pratiques agricoles » afin d'éviter que notre commission d'enquête ne s'engage dans des débats que nous avons déjà eus lors de l'examen de la loi d'orientation agricole. Une fois ces précisions apportées, comme convenu, je retirerai cet amendement.

Le groupe UDF attend de cette commission d'enquête qu'il a proposée, qu'elle réponde à des questions que nous nous posons tous et dont l'enjeu n'est autre que la transparence. Il sera de notre responsabilité d'y contribuer, notamment pour savoir comment des farines animales d'origine britannique ont pu être importées après leur interdiction et comment elles ont été utilisées sans oublier les produits dits à risques. Il nous faudra faire le point sur l'état des recherches, en évolution constante, évaluer les tests -dont nous souhaitions la généralisation, je le rappelle. J'ai la conviction que nos travaux participeront au retour de la confiance.

Il est paradoxal que notre pays se soit retrouvé au c_ur d'une tourmente alors même qu'il avait consenti des efforts considérables grâce à l'implication des producteurs et des éleveurs. La France a toujours joué, en la matière un rôle précurseur en se dotant d'un outil comme l'AFSSA. Notre Parlement peut contribuer à faire avancer ce volet essentiel de la sécurité au niveau européen.

La crise actuelle est sans commune mesure avec celle de 1996. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la consommation de viande de b_uf a chuté de 60 % et les exportations de 70 %, mettant à mal l'ensemble de la filière. Cette situation traduit l'inquiétude des consommateurs. Elle est aussi ressentie par les éleveurs et toute la filière comme une injustice. L'exigence de vérité s'impose à nous : ce sera la meilleure réponse à ce sentiment d'injustice.

Cette commission d'enquête aura une lourde charge. Il est bon d'en avoir élargi le champ en lui demandant de dresser un bilan complet en matière de santé publique : elle devra faire le point sur les recherches en cours, évaluer les risques et formuler des recommandations afin de renforcer notre système de veille sanitaire lié à l'ESB. Elle pourra s'appuyer utilement sur les travaux de nos collègues Mattei, Leyzour et Chevallier.

Nous aurons aussi à nous préoccuper des conditions de mise en place des tests. Nous souhaitons l'utilisation systématique des meilleurs d'entre eux ce qui pose la question de leur coût. Il faudra accompagner vigoureusement l'effort entrepris par nos équipes de recherches.

Nous aurons enfin à nous préoccuper des conséquences de l'interdiction des farines carnées dans l'alimentation animale, que je souhaite définitive et que nous réclamions depuis déjà quelques semaines. Il nous faudra examiner la question de la production de protéines végétales, sans occulter le débat sur les OGM. L'insuffisance de la production communautaire oblige en l'état actuel des choses, -j'espère que la situation changera- à des importations de soja américain dont une partie significative est transgénique. Il nous faudra donc formuler des recommandations à ce sujet. Rien ne pourra toutefois se faire sans harmonisation des règles au niveau européen. Telle est la clé de la réussite en matière de sécurité sanitaire.

Ceux des pays qui n'auront pas fait les mêmes efforts que nous avons entrepris depuis 1990, auront demain des comptes à rendre à leurs opinions publiques. Lorsque les premiers cas de vaches folles sont apparus en Allemagne, et en Espagne, par exemple, ces pays ont rejoint la position de la France sur l'interdiction des farines animales. Je rappelle que beaucoup de pays continuent d'utiliser des farines non sécurisées pour l'alimentation animale.

Cette commission d'enquête aura une lourde tâche et une lourde responsabilité vis-à-vis de l'opinion publique. Il appartiendra à chacun de ses membres de s'atteler à la tâche sans faiblesse, sans esprit partisan, avec la volonté de tirer toutes les leçons de la crise actuelle. Telle est bien notre intention. Ce sont là des défis importants qui ne sont pas seulement ceux de l'agriculture mais de la société tout entière (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jacques Rebillard - La crise de la vache folle est une crise complexe qui nécessite une approche globale : une complémentarité entre les pouvoirs publics, les politiques, les scientifiques, les agriculteurs, les industriels et les responsables de la transformation et de la distribution est donc indispensable.

Alors que les conséquences sanitaires de cette maladie sont encore mal connues, pour Martin Hirsch, directeur général de l'AFSSA, on pourrait avoir en Angleterre entre 60 cas et 136 000 ; les décisions à prendre ne seraient pas de la même nature.

L'agent pathogène du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob est un agent pathogène non conventionnel mal connu. Les doutes des chercheurs sont diffusés en direct par la presse et livrés au consommateur. L'émotion l'emporte sur la raison. Cette crise d'un nouveau type doit être appréhendée comme telle par les parlementaires et des réponses simplistes ne peuvent être apportées.

Pour Marie-José Nicoli, présidente de l'UFC « la crise de 1996 fut une crise sanitaire, la crise de novembre 2000 est avant tout une crise politique », qui révèle les difficultés des pouvoirs publics à faire respecter une législation et des principes de précaution. Il s'agit aussi d'une crise de société : pour avoir sacrifié au profit à court terme, nous nous retrouvons dans l'obligation de prendre des mesures dans l'urgence. Il n'y a pas un responsable, mais une chaîne de décisions. Le plus grave serait que, passé ce moment d'émotion, tout recommence comme avant : les petits arrangements avec la sécurité sanitaire, la tricherie sur la qualité des produits, la course au productivisme.

La mission du politique est d'anticiper, et, pour tirer les enseignements du passé, il est légitime que les parlementaires se saisissent de l'intégralité de ce dossier. Cette commission d'enquête ne doit pas être faite seulement pour régler des comptes avec le passé.

Les consommateurs, qui retrouvent petit à petit le chemin de leur boucherie, attendent de leurs responsables un discours cohérent. La surenchère et la démagogie de certaines annonces ont beaucoup nui à la filière bovine et aggravé les conséquences de la crise actuelle. Il est temps de retrouver un peu de sérénité. C'est dans cet esprit que devra travailler la commission d'enquête.

Les parlementaires n'ont pas vocation à apporter des réponses scientifiques mais à définir des orientations politiques, à arrêter un cadre réglementaire et, surtout, à se donner les moyens de le faire respecter. Ils doivent aujourd'hui éclairer l'opinion sur une stratégie d'avenir.

Comment renforcer les systèmes de veille sanitaire, et apprécier la fiabilité des dépistages ? Comment actualiser nos connaissances pour sécuriser la chaîne alimentaire ? Comment traiter dans son ensemble le dossier des farines animales ? Comment promouvoir une agriculture raisonnée et raisonnable ? Comment convaincre nos partenaires européens de la pertinence de nos démarches ? A toutes ces questions une partie des réponses a déjà été fournie dans la loi d'orientation agricole, ou dans le projet sur les nouvelles régulations économiques. Pourquoi tant de difficultés à traduire la loi dans les comportements individuels ou collectifs ?

Le retrait des farines animales de l'alimentation de tous les animaux est le prétexte à une réflexion plus large, il est le révélateur de bien d'autres dysfonctionnements dans notre société. Il est grand temps d'en tirer les enseignements. Tel est l'objectif que notre collègue Michel Vergnier s'est fixé en nous présentant sa proposition de résolution, que l'ensemble des députés du groupe RCV approuve.

La discussion générale est close.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Soucieux de respecter la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne souhaite pas s'exprimer longuement sur l'opportunité de créer cette commission d'enquête. Je rappellerai néanmoins brièvement le contexte.

Dans cette affaire, où la sécurité est la seule ligne de conduite du Gouvernement, je veux tout d'abord saluer la hauteur des propos et le sens des responsabilités de tous ceux qui se sont exprimés ce soir, animés par la volonté de faire la lumière sur les événements et d'aider les pouvoirs publics à gérer cette crise mais aussi celles que l'on voit déjà poindre.

Au-delà des difficultés de la filière, j'ai ce soir une pensée pour ces familles qui vivent concrètement le drame de cette maladie face à laquelle la recherche, la thérapie génique sont encore impuissantes et qui attendent plus des politiques.

Notre objectif est d'assurer à tous le plus haut niveau de sécurité en précisant, en temps voulu et sur des bases scientifiques incontestables, les mesures nécessaires. C'est dans ce cadre que le Premier ministre a assigné cet après-midi, aux Assises de l'alimentation, quatre nouvelles missions au Gouvernement.

C'est, vous l'avez dit, de la vérité et de la transparence que renaîtra la confiance.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - L'Etat n'a rien à cacher. Nulle opacité ne vient couvrir tel ou tel intérêt financier. La méthode adoptée est simple : expertise indépendante, gestion, contrôle. Mais comment ne pas voir les incertitudes qui demeurent chez les scientifiques, leur doute permanent ? Pourtant, il faut tendre vers le risque zéro.

Mais revenons à l'historique des mesures prises. Le gouvernement français a décidé à deux reprises l'embargo des produits bovins britanniques : le 30 mai 1990, dès que fut découvert un cas d'encéphalopathie spongiforme féline, donnant à penser à un franchissement possible des « barrières d'espèce » ; puis le 21 mars 1996, après que les autorités du Royaume-Uni avaient évoqué la veille la possibilité de la transmissibilité de l'ESB à l'homme et l'existence d'un nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Le premier embargo sera levé dès le 6 juin 1990, mais, pour le second, la France, qui fut rejointe par l'ensemble de l'Union européenne le 27 mars 1996, est aujourd'hui la seule à le maintenir, au vu de l'avis émis par l'AFSSA fin 1999.

Dès juillet 1990, soit avant la plupart des autres Etats de l'Union, la France a interdit l'usage des farines animales dans l'alimentation des bovins : dès avril 1996, le Gouvernement français « sécurise » les farines animales utilisées dans l'alimentation des autres animaux d'élevage, en prévoyant l'élimination des « matériaux à risque spécifiés ». A ce propos, comment oublier que des responsables agricoles affirmaient encore, il y a deux ou trois ans, que les farines animales étaient une composante de la « modernité de l'agriculture » ? Nous ne pouvons accepter qu'ils nous donnent aujourd'hui des leçons de sécurité !

La France s'est dotée en juillet 1998, sur proposition du Sénat, d'un dispositif de veille sanitaire, en particulier avec la création d'une Agence française de sécurité sanitaire des aliments, dont les avis constituent des références scientifiques et qui sert de modèle à « l'Autorité européenne de l'alimentation » dont le conseil de Nice a rappelé qu'elle devrait être opérationnelle dès 2002.

J'ai participé avec vous à la création de l'AFSSA, nous savions que nous montions quelque chose de difficile et de complexe. Mais, pour la voir travailler à Maisons-Alfort, je sais qu'elle rend des avis éminents et incontestables. Le commissaire européen m'a récemment demandé comment nous étions parvenus à ce résultat. Tous les organes de ce type qui existent en Europe ont bien vocation à être des instruments d'évaluation au service des politiques et de leurs décisions.

L'ambitieux programme arrêté le 14 novembre par le Gouvernement comprend notamment l'extension du dépistage de l'ESB par les tests biologiques, l'élargissement des conditions d'exclusion de certaines catégories de bovins de la chaîne alimentaire et la poursuite des mesures de retrait des tissus à risques - ce qui signifie qu'aucun animal malade ou accidenté ne peut plus entrer dans la chaîne alimentaire. Cela aura un coût, certes, mais c'est le coût de la transparence, et c'est parce que la France a eu, au risque de susciter certaines inquiétudes dans un premier temps, la franchise et le courage de publier, mois après mois, le nombre de cas détectés, que l'AFSSA a pu, hier, annoncer que nous étions dans la partie haute de la fourchette sans créer de psychose. C'est de la transparence et de la vérité que renaîtra la confiance, alors que ceux qui, aujourd'hui, nient l'évidence dans leur propre pays auront à en rendre compte, demain, à leur opinion publique !

MM. Germain Gengenwin et François Sauvadet - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Il est essentiel que le Parlement, au-delà de sa fonction législative et de sa fonction de contrôle, puisse éclairer l'action du Gouvernement, en réalisant, avec le recul indispensable, un audit exhaustif de la situation. Je me réjouis donc que la proposition de résolution de MM. Debré, Douste-Blazy et Mattei, amendée par la commission et sous-amendée, si je comprends bien, par M. Sauvadet, soit adoptée dans quelques instants par une Assemblée ayant dépassé ses clivages habituels.

En tant qu'ancien rapporteur de la loi d'orientation agricole, je me souviens d'avoir dit, il y a deux ans, qu'il fallait réorienter les crédits agricoles vers une agriculture non polluante, moins consommatrice d'intrants, et orientée vers la recherche de la qualité en même temps que vers l'occupation harmonieuse du territoire, sans pour autant l'opposer à celle qui s'attache à conquérir les marchés. J'espère, comme chacun, que de notre discussion sortiront une meilleure compréhension des enjeux par nos concitoyens et une meilleure gestion du risque sanitaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. le Président - J'appelle maintenant, conformément à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article unique de la proposition de résolution.

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ART. UNIQUE

M. Léonce Deprez - Si la consommation de viande bovine a chuté de 40 %, ce n'est pas le fait d'une psychose : les Français ont tout simplement du bon sens, ils savent qu'on les a peu et mal informés du drame de la vache folle, et ils ont à l'esprit, en outre, la grave histoire du sang contaminé.

Mme Brugère-Picoux écrivait en 1989, dans la revue de l'école vétérinaire d'Alfort, qu'il ne fallait plus rien importer de Grande-Bretagne. Pourquoi n'a-t-elle pas été écoutée ? Dès l'année précédente, en effet, les autorités britanniques savaient que l'épidémie d'ESB était liée à la consommation de farines carnées, mais elles ont continué d'en permettre l'exportation, jusqu'en 1990, alors même qu'elles en interdisaient l'ingestion par le cheptel. Plus grave , c'est cette année seulement que nous avons appris que les abats bovins comportaient un risque supérieur encore à celui des farines, car ils entrent directement dans l'alimentation humaine.

Pourquoi les autorités françaises n'ont-elles pas choisi le test le plus sensible, celui du CEA ? Pourquoi n'ont-elles pas pris les moyens de le systématiser ? Quand aurons-nous la pleine garantie de notre sécurité alimentaire, étant donné que la période d'incubation par les bovins est estimée à cinq ans ? Il nous faut clarifier les réponses à ces questions, et à bien d'autres, afin de restaurer la confiance du public dans notre filière bovine, et c'est pour cela que nous demandons la création d'une commission d'enquête (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. François Sauvadet - L'amendement 2 supprime, dans le premier alinéa, la référence aux pratiques agricoles, mais je me réserve de le retirer, ainsi que l'amendement 1, qui est de repli, au vu de la réponse du rapporteur.

M. le Rapporteur - La commission les a repoussés tous deux. Le terme de « pratiques agricoles » est utilisé par la profession elle-même, et ne vise nullement à opposer les différents modes de production existants.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais répondre à l'interpellation de M. Deprez à propos de l'article de Mme Brugère-Picoux. Le comité scientifique de la revue n'a pas souhaité, à l'époque, lui donner un trop grand retentissement dans la presse, car il estimait que la maladie de Creutzfeldt-Jakob n'était qu'une variante de la tremblante du mouton, connue depuis les années 1920. Chacun conviendra qu'il était difficile aux pouvoirs publics d'agir sur la base de ce qui était considéré alors, dans la communauté scientifique, comme de simples pressentiments. En revanche, nous avons pris des mesures très sévères sitôt qu'a été prouvée la contamination d'un félin.

Les amendements 2 et 1 sont retirés.

M. François Sauvadet - J'en viens à l'amendement 4, que d'autres que moi pourraient aussi présenter, il vise à étendre le champ d'investigation aux diverses formes de production agricole et à leurs effets sur la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Comme l'a dit le rapporteur, la sécurité doit être garantie pour l'ensemble des productions agricoles.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement qui vise à réécrire le dernier alinéa de l'article et qui a été cosigné par tous les députés ici présents.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

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TITRE

M. François Sauvadet - L'amendement 3 est retiré.

L'article unique de la proposition, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Président - Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du Règlement, avant le mercredi 20 décembre 2000 à 17 heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

Prochaine séance le jeudi 14 décembre à 9 heures.

La séance est levée à 23 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 14 DÉCEMBRE 2000

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi (n° 2738) de Mme Jacqueline FRAYSSE et plusieurs de ses collègues tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales.

M. Jacques BRUNHES, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 2797.)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

M. Jean-Yves CAULLET, rapporteur. (Rapport n° 2790.)

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 2740), tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale.

Mme Christine LAZERGES, rapporteure au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 2796.)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2001.

M. Didier MIGAUD, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 2810.)


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