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Session ordinaire de 2000-2001 - 55ème jour de séance, 129ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 31 JANVIER 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

LICENCES UMTS 2

POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE 3

DÉLINQUANCE DES MINEURS 3

VIOLENCE URBAINE 4

URGENCES MÉDICALES 5

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 6

PROFESSIONS LIBÉRALES DE SANTÉ 6

PROFESSIONS LIBÉRALES 7

SOMMETS DE DAVOS ET DE PORTO ALEGRE 7

LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME 8

SITUATION DE LA FILIÈRE BOVINE 9

ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE 10

DÉCLARATION D'URGENCE 15

ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE
(suite) 15

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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LICENCES UMTS

M. François Goulard - Vous me permettrez, Monsieur le ministre de l'économie et des finances, de vous interroger à nouveau sur l'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération car ni la réponse de M. Pierret, ni la vôtre aux questions qui vous ont été posées hier à ce sujet ne sont de nature à nous satisfaire. Depuis lors, de nouveaux éléments nous ont en outre confirmé que la procédure d'attribution retenue par le Gouvernement avait conduit à un fiasco sans précédent. L'échec tient pour l'essentiel à la méthode que vous avez privilégiée. Alors que les autres pays européens ont procédé à des mises aux enchères et qu'ils en retirent des rentrées fiscales considérables et une multiplication des opérateurs favorable aux consommateurs en ce qu'elle entraîne de fait une baisse des prix, vous ne récoltez, au bout du compte, ni les rentrées fiscales attendues, ni de nouveaux opérateurs ! Qu'on en juge : l'Allemagne a tiré de l'opération cinq fois plus d'argent que vous et trois fois plus d'opérateurs... (« Quel gâchis ! » sur les bancs du groupe DL) ) Repoussée pour des raisons purement idéologiques, la méthode de la mise aux enchères eût donc été infiniment préférable. Je ne vous demanderai pas comment vous allez compenser ce manque à gagner pour les caisses de retraites car nous avons toujours considéré que ce type de ressources, par nature aléatoires, n'étaient pas de nature à combler les déficits abyssaux qui menacent nos régimes de retraites.

Mais le Gouvernement est-il enfin décidé -puisqu'il se voit contraint de reprendre la procédure et ne peut se contenter de deux candidatures-, à recourir à la mise aux enchères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Si M. Pierret et moi-même n'avons pas été en mesure de vous fournir des éléments de réponse plus détaillés, c'est qu'une procédure d'appel d'offres était en cours et qu'elle n'a pris fin que ce matin. A présent qu'elle est terminée, je puis vous indiquer que l'Autorité de régulation des télécommunications a confirmé le bien-fondé de notre démarche, puisqu'elle estime qu'il résulte des analyses juridiques qu'elle a conduites que la situation découlant de l'existence de deux candidatures est sans incidence sur le déroulement de la procédure. Compte tenu de la nécessité de renforcer la concurrence, il conviendra de lancer un appel à candidatures complémentaire en vue d'attribuer quatre licences, conformément à ce qui était initialement prévu (« Bricolage ! » sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Les principes de la sélection comparative et de l'équité des conditions faites aux différents candidats doivent également être respectés. Les deux opérateurs qui ont d'ores et déjà soumissionné vont voir leurs offres examinées...

M. François d'Aubert - Bricolage et magouille !

M. le Ministre - Ce que vous appelez magouille et bricolage, pour nous, c'est le respect de la règle de droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Les raisons qui nous ont conduits à ne pas retenir la mise aux enchères sont connues : d'abord, cette procédure n'appartient pas à notre tradition juridique (Interruptions sur les bancs du groupe DL) ; ensuite elle ne semble pas la plus adéquate compte tenu de la réalité des télécommunications -et nous avons arrêté cette position en étroite concertation avec l'ART ; enfin, les entreprises intéressées la récusaient.

Je ne puis vous laisser dire que les enchères ont donné des résultats mirifiques. En Grande-Bretagne comme en Allemagne, les résultats financiers ont été obtenus au détriment de l'équilibre des entreprises. Du reste, votre position ne m'étonne guère car parmi tout ce qui nous sépare, je n'oublie pas que si vous vous souciez de l'intérêt de l'usager, nous nous préoccupons pour notre part de l'intérêt de l'usager et aussi des entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

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POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

M. François Cuillandre - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, chacun peut se réjouir de la nouvelle baisse du taux de chômage, qui est passé sous la barre des 10 % de la population active en mai dernier et qui a encore baissé de 0,5 % en décembre. Sur l'ensemble de l'année 2000, ce sont ainsi 418 900 personnes qui ont repris le chemin de l'emploi, grâce à la croissance retrouvée et à la politique volontariste du Gouvernement qui a rétabli la confiance. Force est donc d'admettre que le Gouvernement réussit là où tant d'autres, avant lui, ont échoué.

Et s'il reste encore trop d'exclus ou de salariés sous statuts précaires, le plein emploi apparaît désormais comme un objectif des plus réalistes. Dès lors, Madame la ministre, pouvez-vous livrer à la représentation nationale votre propre analyse de ces chiffres et tracer les perspectives qu'ils permettent d'envisager ? (« Allô ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Avec 33 000 chômeurs de moins par mois en moyenne, le dernier trimestre 2000 a conclu de manière éclatante une année exceptionnelle : 560 000 emplois créés en 2000, c'est le record du siècle. Autre record battu, 418 900 personnes ont été remises au travail, avec, parmi elles, une proportion appréciable de jeunes, de chômeurs de longue durée et de érémistes. De même, pour la première fois, le chômage des salariés de plus de cinquante ans a baissé de 10,4 %. La France se distingue aussi au sein de l'Europe puisque le chômage y a diminué en 2000 de 1,8 % contre 0,8 % sur l'ensemble de l'Union européenne.

Depuis juin 1997, 973 300 personnes ont ainsi retrouvé un emploi (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), dont 240 000 jeunes et 408 000 chômeurs de longue durée. Ces résultats remarquables ont été acquis grâce à notre action volontariste pour soutenir la croissance, mais ils procèdent aussi des 35 heures, des emplois-jeunes, des programmes personnalisés tels « nouveaux départs » ou « TRACE » qui a bénéficié à près de 100 000 jeunes.

Croyez bien que je suis déterminée à poursuivre dans cette voie et à accentuer encore l'effort. Il reste en effet 2 164 000 chômeurs dans notre pays et cela, nous ne pouvons l'accepter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. Nicolas Dupont-Aignan - Monsieur le Premier ministre, depuis plus de trois ans, la délinquance qui frappe nos banlieues est de plus en plus violente et elle est le fait de mineurs de plus en plus jeunes. Les malheureux événements des dernières semaines -lycéen assassiné, professeur poignardé, centres commerciaux dévastés- en témoignent et vous ne pouvez vous contenter d'accuser vos prédécesseurs ou de créer on ne sait quel nouveau comité. A cet égard, qu'est d'ailleurs devenu le comité national de lutte contre la délinquance dans les établissements scolaires ? Le recours massif aux emplois-jeunes ne constitue pas davantage une solution pour enrayer un phénomène qui trouve son origine principale dans le sentiment d'impunité que ressentent certains jeunes qui ne se privent pas de le clamer haut et fort. Dans nos quartiers, la peur a changé de camp et les directives de l'éducation nationale qui tendent à empêcher les proviseurs de poursuivre les auteurs d'agression ne concourent guère à assainir la situation (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR). Dans l'Essonne, 108 000 procès-verbaux transmis au cours de 2000 -soit plus 25 % par rapport à l'année précédente- et seulement 5 268 jugements en correctionnelle prononcés -soit moins 15 % d'une année sur l'autre (« Triste bilan ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Dès lors, mes questions sont simples : quand le Gouvernement se décidera-t-il enfin à agir contre la délinquance des mineurs ? (« Jamais ! » sur les bancs du groupe du RPR) Quand réformera-t-il l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants en créant des structures à mi-chemin entre l'internat et la prison pour éloigner des cités les petits caïds qui gâchent la vie des habitants et des enseignants ? Quand se détournera-t-il enfin des effets d'annonce pour prendre à la racine ce mal qui menace la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Le Gouvernement a un objectif, garantir le droit à la sécurité, première condition de l'exercice des libertés (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). De surcroît l'insécurité est une injustice sociale. Mais de cela, vous vous préoccupez peu (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Depuis deux ans, les axes de notre politique consistent, d'une part, à assurer la présence d'une police de proximité plus nombreuse et capable d'exercer l'ensemble des missions de la police -ce que vous n'avez pas fait- d'autre part, à assurer un partenariat sur le terrain grâce aux contrats locaux de sécurité, ce que vous n'avez pas fait non plus (Mêmes mouvements).

De 1998 à 2003, il fallait remplacer 25 000 policiers partant à la retraite. Vous n'avez pas pris en compte ce problème (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Le gouvernement de Lionel Jospin a procédé à des recrutements exceptionnels de 3 000 policiers supplémentaires en 1999 et 2000, de 1 000 gardiens de la paix encore en 2001. 20 000 policiers auxiliaires remplaceront les adjoints de sécurité. Au total 45 000 policiers seront recrutés et formés.

Certains agissent pour combattre l'insécurité et sanctionner la délinquance. On peut se demander si d'autres ne regretteraient pas de ne pouvoir l'exploiter avant une campagne électorale. (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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VIOLENCE URBAINE

M. Bernard Birsinger - Ma question portera sur la violence (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Vivre en paix est un droit fondamental (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe communiste) revendiqué par les jeunes eux-mêmes. Que des mineurs de plus en plus jeunes commettent des actes de plus en plus violents met en cause toute la société (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). On ne peut se contenter de réponses simplistes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) voire politiciennes ; il faut ouvrir un vrai débat national sur les causes de cette violence.

Nos collègues de droite s'insurgent contre elle. Pourquoi soutiennent-ils le libéralisme qui préfère l'argent facile au travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste). Nous en combattons chaque jour les fondements et les conséquences.

Ce n'est qu'en respectant les droits des enfants que nous pouvons exiger qu'ils respectent leur devoir. La baisse du chômage, la CMU, les 35 heures, la lutte contre les discriminations y contribuent. Le plan annoncé hier comporte des avancées mais on est encore loin du compte. Les moyens manquent dans les villes sensibles pour la police, la justice, l'école, la santé, la politique de la ville. Il faut « coproduire » la sécurité dans nos villes. Quelles mesures préconisez-vous pour relancer le partenariat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Je vous remercie du ton et du sérieux de votre question (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Chacun devrait en faire autant.

Vous avez raison, le Gouvernement doit agir et il le fait. Mais vous le dîtes également, la sécurité est une « coproduction ». Chacun doit prendre ses responsabilités et je suis heureux de l'entendre de la part d'élus locaux (Interruptions sur les mêmes bancs). Les CLS permettent cette concertation sans mettre au second plan la police nationale dont on sait qu'elle est irremplaçable.

J'ai dit les moyens que nous mettons en _uvre, ces 1 000 recrutements supplémentaires dans les écoles de la police nationale. Ce matin j'ai reçu la promotion des gardiens de la paix formés, que les élus locaux seront heureux d'accueillir, tout comme les CRS et les gardiens mobiles qui sont affectés en renfort de la police. Je pourrais parler des moyens juridiques, financiers -450 millions pour la police de proximité. Bref, face à ceux qui agitent le thème de l'insécurité il y a ceux qui agissent pour y mettre fin. C'est le cas du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste)

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URGENCES MÉDICALES

M. Henri Plagnol - Quelle contradiction entre les deux ministres que nous venons d'entendre !

Interrogée sur l'amélioration de l'emploi, Mme Guigou en attribue tout le mérite au gouvernement actuel et pas du tout au travail accompli par les gouvernements Balladur et Juppé pour favoriser le redressement de l'économie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mais quand il s'agit d'insécurité, M. Vaillant répond : ce n'est pas nous, ce sont nos prédécesseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Les Français sont las de ce manichéisme et j'attends une réponse plus sérieuse sur les urgences médicales.

Le Conseil de l'ordre a lancé récemment un cri d'alarme. Des médecins libéraux refusent d'assurer les gardes de nuit car elles sont insuffisamment payées et peu sûres. Les médecins régulateurs qui, dans les centres de secours orientent les appels, touchent à peine plus de 60 francs par heure. Dans le Val-de-Marne, les ambulances ne desservent plus que 20 %du territoire et seuls les pompiers se rendent dans les quartiers sensibles.

Dans ces conditions la fréquentation des services d'urgence hospitalière a augmenté de 15 % par an depuis cinq ans. Les « urgentistes » sont en colère car les effectifs n'ont pas du tout suivi dans les hôpitaux publics. Les 35 heures et les difficultés de recruter des infirmières aggravent les difficultés.

Vous ne pouvez vous contenter de réunir une énième commission. Les médecins vous ont fait des propositions précises sur les urgences sécurisées, la revalorisation de la garde libérale, les moyens à donner au service public hospitalier. Nous attendons des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - La prise en charge des patients, l'amélioration des conditions d'exercice des médecins sont les premières priorités du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Depuis le protocole signé avec les syndicats d'urgentistes le 1er juillet 1999, plusieurs dispositions ont été mises en _uvre. 300 postes de praticiens hospitaliers ont été ouverts aux concours pour les SAMU et les SMUR. 122 postes de médecins assistants ont été créés au 1er juillet 1999, 70 au 1er juillet 2000. Un plan triennal de création de 230 postes de praticiens hospitaliers est en application. 30 postes ont été ouverts au 1er juillet 1999, 100 au 1er juillet 2000, 100 le seront au 1er juillet 2001.

A cela s'ajoute un plan de formation à la médecine d'urgence, ouvert aux généralistes. Le concours national de praticien hospitalier a été modifié de façon à en faciliter l'accès aux urgentistes, dont la rémunération a, par ailleurs, été revalorisée, et les établissements de santé ont été autorisés à recruter des urgentistes contractuels. Les protocoles des 13 et 14 mars comportent d'ailleurs une dotation de 300 millions destinée au recrutement de personnels médicaux et non médicaux. Enfin, trois groupes de travail, comportant des représentants des médecins libéraux, ont été constitués au lendemain de la rencontre du 25 mars (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Monsieur Ferrand, je crois qu'il manque un caoutchouc sous votre tablette, car elle fait grand bruit lorsque vous l'ouvrez et la refermez... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. Jean-Michel Marchand - Notre pays a su prendre les dispositions nécessaires pour combattre l'épizootie d'ESB, protéger les consommateurs et faire face aux difficultés que traverse la filière, et la décision de faire subir des tests aux bêtes de plus de 30 mois a été imitée par nos partenaires européens. Mais cette crise sanitaire doit nous inciter à remettre en cause la logique, jusqu'ici purement productiviste, de la politique agricole commune, sur laquelle l'opinion publique s'interroge désormais, et de nombreux exploitants aussi, comme le montrera sans doute le résultat des élections aux chambres d'agriculture, qui ont lieu aujourd'hui.

Ce modèle, largement subventionné, a fait fi, en effet, de la qualité des produits comme du respect dû à l'environnement. Il est temps de faire le choix d'une agriculture plus soucieuse de l'état des sols, de la qualité de l'eau et de l'air, du développement durable, de la sécurité alimentaire. La loi d'orientation, qui prévoit notamment la modulation des aides, va dans ce sens, mais les CTE seront-ils aussi efficaces qu'espéré ? Nous regrettons, au demeurant, que la prime à l'herbe - suspecte aux yeux de certains, car l'herbe pousse toute seule ou presque, et n'a pas vocation à devenir un OGM - n'ait pas été revalorisée, et souhaitons, partant, qu'elle le soit. Quelles mesures la France proposera-t-elle à ses partenaires européens, et sur la base de quels principes, pour réformer profondément la PAC ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le contrat passé voici quarante ans entre les gouvernements et les agriculteurs européens consistait à produire plus, de façon à rendre l'Europe autosuffisante, ce qu'elle était loin d'être au lendemain de la guerre. Le contrat ayant été rempli, et même bien au-delà, puisque notre continent est désormais excédentaire en presque tout, il faut passer un nouveau contrat, que l'on pourrait résumer ainsi : produire mieux, tant au regard de l'emploi que du respect de l'environnement, de la qualité des produits et de la sécurité alimentaire. Nous avons esquissé, à Berlin, un pas timide dans cette direction, en dotant la PAC d'un deuxième pilier, consacré au développement rural, et adopté, au niveau national, la loi d'orientation, qui a créé les CTE et institué la modulation des aides, fort critiquée par d'aucuns, mais fort appréciée par d'autres. Il nous faut poursuivre et amplifier cette orientation, malgré les obstacles auxquels elle se heurte (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), et tirer au niveau européen les leçons de la crise de l'ESB. Quelles propositions la France fera-t-elle à ses partenaires ? Il est trop tôt pour le dire, tant que la Commission n'a pas fait connaître les siennes, mais nous entendons bien _uvrer, au prochain Conseil européen, pour l'adoption du modèle qualitatif que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à appeler de leurs v_ux (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PROFESSIONS LIBÉRALES DE SANTÉ

M. Jean Le Garrec - La santé est, après l'emploi, l'une des préoccupations premières des Français, et nous devons la traiter avec sérieux, calme et volonté. Vous avez convié, Madame la Ministre, les représentants des professionnels libéraux, des caisses et des mutuelles, ainsi que du Parlement, à une rencontre qui s'est déroulée la semaine dernière, et au cours de laquelle furent abordées des questions aussi importantes que le métier d'infirmière, les services d'urgences, la démographie médicale, les rémunérations ou la formation continue. J'ai pu constater l'attachement de tous les participants à l'organisation, à la fois complexe et singulière, de notre système de santé, qui a fait, en dépit de ses défauts, la preuve de son efficacité, ainsi qu'en témoigne le classement établi par l'OMS. J'en ai retiré l'idée qu'il convenait d'approfondir, voire de relancer la politique contractuelle. Aussi vous demandé-je sous quelle forme vous entendez prolonger le large débat qui vient d'avoir lieu, et y associer l'ensemble des partenaires, les usagers en particulier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - La réunion qui s'est tenue jeudi dernier avait pour but d'analyser les causes du malaise des praticiens libéraux et de rechercher les moyens d'en sortir. Deux grands thèmes y ont été abordés, et ont fait l'objet d'un dialogue constructif : l'amélioration de la qualité des soins grâce au traitement des problèmes structurels comme la formation, la coordination des soins, celle des urgences, d'une part ; la maîtrise des dépenses, indispensable dès lors que l'on entend conserver, comme c'est le cas de tous les participants à la réunion de jeudi, le système mixte actuel, qui combine exercice libéral et financement public. Il faut donc redéfinir les bases du contrat qui lie l'Etat, les caisses et les professions de santé.

J'ai l'intention de nommer prochainement une mission composée de personnalités (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et chargée d'élaborer des propositions, tant dans le domaine des réformes structurelles que dans celui de la régulation des dépenses. Vous avez accepté, et votre homologue du Sénat également, d'animer un groupe de contact, composé de parlementaires de la majorité et de l'opposition, qui nous fera régulièrement part de ses rencontres avec les professionnels. Je me propose de tenir une nouvelle réunion en juin, afin de faire le point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PROFESSIONS LIBÉRALES

M. Arthur Dehaine - J'avais interpellé le Gouvernement, en juin dernier, sur les iniquités dont sont victimes les professions libérales en matière de taxe professionnelle et de statut du conjoint survivant. Il a déclaré, sur le premier point, envisager une décote, et, sur le second, préférer une longue négociation à une cote hâtive et mal taillée. Le résultat, à la veille du congrès de l'UNAPL, est que rien n'a été fait, ni sur l'un, ni sur l'autre. Ce qui était déjà urgent en juin l'est plus encore aujourd'hui. Le Gouvernement est-il résolu à réparer cette double iniquité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Le Gouvernement n'est pas insensible aux problèmes des professions libérales (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La preuve en est que ce matin, à 11heures 30, Mme Péry et moi-même avons signé avec l'UNAPL et l'ensemble des organisations représentatives des professions libérales un accord, attendu depuis de longues années, sur la formation des salariés de ce secteur.

La majorité se préoccupe du statut des conjoints collaborateurs de professionnels libéraux comme elle s'était, en 1982, préoccupée du statut des conjoints collaborateurs d'artisans. La question est à l'étude, l'orientation étant, plutôt que de définir un statut nouveau, de leur octroyer la qualité de salarié.

Vous avez d'autre part évoqué la taxe professionnelle, estimant que les professions libérales étaient injustement écartées du bénéfice de la réduction d'impôts engagée par le Gouvernement. La réforme est en effet d'une ampleur sans précédent ; elle a pour objectif, je le rappelle, de contribuer à lutter pour l'emploi. C'est ainsi que, déjà, l'action conjointe du Gouvernement et des entreprises a permis de réduire de près d'un million le nombre des chômeurs en France. Les professions libérales sont des employeurs ; il est donc normal qu'une réflexion soit menée qui permette de définir une réduction progressive des taxes auxquelles elles sont assujetties. Le Gouvernement en a la volonté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SOMMETS DE DAVOS ET DE PORTO ALEGRE

Mme Béatrice Marre - Hier, dans cette enceinte, M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur a rappelé que la France avait adopté une position équilibrée, deux délégations participant aux travaux des deux réunions internationales qui se tenaient de manière concomitante. Pendant qu'à Davos se réunissait le monde de l'économie, se tenait à Porto Alegre le premier forum associatif visant à définir une autre organisation du monde, conçue pour mettre l'économie au service de l'homme. La mondialisation ne peut être que souhaitable si elle a pour conséquence un développement durable, mettant l'action sur la solidarité, la culture, la santé.

A Porto Alegre s'est aussi tenu le premier forum mondial des parlementaires de gauche, auquel ont participé une dizaine de parlementaires français. Au terme des débats, une déclaration a été publiée. Avez-vous le sentiment, Monsieur le ministre de l'économie, que cet appel est parvenu à Davos ? Comment la France, qui s'astreint à l'équilibre en ces matières, parviendra-t-elle à faire que les idées exprimées à Porto Alegre se traduisent dans la politique des grandes institutions financières internationales que sont le FMI et la Banque mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La mondialisation est un fait. Ce dont il s'agit, c'est de l'humaniser et d'en maîtriser les effets. Le défi tient à ce que le développement des échanges internationaux, moteur de la croissance mondiale, est porteur de risques pour les économies fragiles. Il faut donc élargir à toutes les nations les bénéfices attendus de l'ouverture des frontières, procéder aux régulations indispensables, bref humaniser la mondialisation, pour que chacun y trouve son compte. Les réunions de Davos et de Porto Alegre ont porté sur ces questions. Toutes deux sont légitimes, et il n'y a pas lieu de les caricaturer, comme elles l'ont été, l'une et l'autre. De même que les hommes politiques ne peuvent être étrangers à l'idée de solidarité, de même la société civile ne s'oppose ni au progrès des techniques, ni à la croissance économique. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi d'envoyer une délégation et à Davos, et à Porto Alegre, pour y tenir le même langage.

Peut-on pour autant, imaginer un sommet « Davos-Porto Alegre » ? (Sourires) Je ne le sais. Mais la France s'est engagée dans un mouvement de fond visant à ce que les gouvernements sous le contrôle des parlements, annulent la dette des pays les plus pauvres, luttent contre la délinquance financière et s'attachent à stabiliser les cours de change, de sorte que les institutions financières internationales travaillent dans l'intérêt de toutes les populations.

Il reste beaucoup à faire -les chiffres sont éloquents. Si l'on ramenait à 100 personnes la population du globe, on constaterait en effet que 80 d'entre elles vivent dans des logements de mauvaise qualité, que 70 sont analphabètes, que 50 souffrent de malnutrition, que 6 -toutes vivant aux Etats-Unis....- possèdent 60 % des richesses mondiales et qu'une sur cent seulement a suivi des études universitaires. Aussi longtemps que les statistiques apporteront de telles indications, il faudra agir. La France en est convaincue, et elle mettra toutes ses forces dans cette bataille. On parle souvent de l'universalisme de la France : il est dans ce combat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME

M. Alain Cousin - Selon l'INSEE, 2,3 millions de Français éprouvent des difficultés à parler, lire ou écrire notre langue correctement, et quelque 10 % des jeunes appelés accusent des difficultés de lecture et de calcul. Comment trouveront-ils du travail ? Alors que des milliers d'artisans du bâtiment, des restaurateurs et d'hôteliers désespèrent de recruter le personnel qui leur fait défaut, ces jeunes gens sont sans avenir professionnel et privés de dignité. Il faut, dès maintenant, leur offrir une vraie chance de trouver du travail, avant que la désespérance ne les conduise à cette violence croissante que nous déplorons tous les jours.

Trop longtemps votre Gouvernement s'est complu dans la doctrine du « il est interdit d'interdire » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Vous devez agir, tout de suite, pour combattre ce fléau qui est l'illettrisme. Comment entendez-vous le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - Vous avez mille fois raison : c'est par respect de soi que l'individu renonce à la violence. Que pouvons-nous faire, sinon réparer ? L'impartialité commande de constater que les jeunes gens auxquels vous faites allusion sont nés et ont été élevés au creux de la crise économique qui a frappé notre pays. Nous avons, pour notre part, inversé une tendance extrêmement dommageable, en augmentant les effectifs enseignants. Trop longtemps, en effet, on a cru qu'il suffirait, à démographie décroissante, de maintenir les effectifs -il n'en était rien, on le sait maintenant, et nous avons très nettement redressé la barre. Comment, encore, ne pas être d'accord avec vous, s'agissant de l'enseignement des valeurs morales de la République, les vertus que sont le travail et le respect des autres ? Le Gouvernement a prévu, à cet égard, un très vaste plan d'enseignement civique, juridique et social (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SITUATION DE LA FILIÈRE BOVINE

M. André Lajoinie - Le récent conseil des ministres de l'agriculture de l'Union n'a pas répondu aux attentes des éleveurs, ni calmé les inquiétudes des consommateurs, qui continuent à bouder la viande bovine. Certes, des mesures ont été prises en France, mais elles tardent à se généraliser chez nos partenaires. Dans ces conditions, comment assurer le contrôle de la viande bovine importée, dont la traçabilité n'est pas garantie ? Au moment où même les jeunes bovins ne trouvent plus de débouchés, la Commission européenne a refusé la proposition que vous avez faite, Monsieur le ministre de l'agriculture, d'une aide directe aux éleveurs. Pire encore, la prime à la vache allaitante serait menacée, ce qui signifierait la fin de la production de qualité et l'extension certaine du productivisme le plus débridé. Ce serait tourner le dos à la sécurité alimentaire et à l'agriculture plus naturelle que l'opinion publique appelle de ses v_ux.

Je vous demande d'exiger du prochain conseil des ministres européen qu'il prenne les mesures propres à surmonter cette crise afin d'assurer le droit à la sécurité alimentaire pour les consommateurs et le droit pour les éleveurs de vivre de leur travail en produisant une viande de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - J'ai dit hier ici que nous demandions à l'Allemagne de mettre en _uvre son programme de retrait-destruction pour ne pas exporter sa crise et casser notre marché. J'ai le plaisir de vous annoncer que le gouvernement allemand a décidé voilà deux heures d'appliquer ce programme à 400 000 bovins, ce qui devrait grandement soulager le marché.

A ma demande d'aides directes aux éleveurs, la Commission ne s'est pas opposée. Elle a assuré au contraire qu'elle présenterait des propositions au prochain Conseil européen de février. De plus, où avez-vous pris que la Commission voudrait porter atteinte aux bassins allaitants et aux viandes de qualité ? Ce serait inacceptable, mais je n'ai rien entendu de tel.

Enfin, nous développons la politique des contrats territoriaux d'exploitation, pour favoriser une agriculture qualitative. Hier j'ai rendu publique une formule de CTE bovine simplifié, fondé sur la nourriture à l'herbe. Elle est disponible, et devrait contribuer à répondre à l'attente de la société telle que vous l'avez exprimée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de Mme Lazerges.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

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    ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Le présent projet vise à réformer profondément l'une des deux lois du 30 juin 1975, celle qui est relative aux institutions sociales et médico-sociales. Très attendu, il est l'aboutissement de cinq années de réflexions et de travaux alimentés par une très large concertation. Le Premier ministre lui-même avait annoncé cette révision lors de la réunion désormais historique du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le 25 janvier 2000. Ce jour-là, entouré de sept ministres, il avait donné une nouvelle impulsion à la politique menée en faveur de ceux de nos concitoyens qui, pour des raisons d'âge, de santé, de constitution ou à cause d'un accident, souffrent d'un handicap ou se retrouvent très vulnérables. Un an après, presque jour pour jour, l'engagement est tenu et j'en suis fière.

En 1975, la loi sur les institutions sociales et médico-sociales a représenté une étape décisive, un progrès considérable dans l'histoire de l'action sociale. Combinée à la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, elle a permis le développement d'établissements et de services dédiés à l'enfance en danger, à la protection de la famille, aux enfants et adultes handicapés, aux personnes âgées ainsi qu'à tous ceux qui vivent en situation de grande précarité ou d'exclusion. Aujourd'hui, plus d'un million de Français résident ou sont soignés dans 24 500 de ces établissements ou services, qui emploient plus de 400 000 salariés et mobilisent quelque 86 milliards de crédits publics -9 venant du budget de l'Etat, 33 des départements et 44 de l'assurance-maladie. C'est dire l'enjeu de cette réforme.

Chacun en convient : au bout de 25 ans, il était impératif de rénover cette loi essentielle. Certes, elle a été plusieurs fois modifiée, notamment en 1983 et en 1986, pour tenir compte des lois de décentralisation, mais en un quart de siècle, l'aspiration à une meilleure intégration a formidablement progressé chez les personnes vulnérables, les handicapés et les exclus, cependant que les modalités d'accompagnement, de soutien et d'insertion changeaient profondément. La volonté de se prendre en charge et de devenir responsable de son destin s'est affirmée, également. Tout cela impose une rénovation de la loi : désormais, l'usager doit être placé au centre du dispositif créé pour répondre à ses besoins !

M. Pascal Terrasse - Excellent !

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous n'oublions pas pour autant les personnels, dont le rôle reste essentiel et auxquels vous venez d'accorder une protection renforcée, dans l'hypothèse où ils seraient amenés à dénoncer un cas de maltraitance. De récents événements nous ont d'ailleurs rappelé la nécessité d'une vigilance de tous les instants et souligné l'intérêt d'une démarche de qualité ainsi que d'une évaluation et de contrôles réguliers.

En 1975, la volonté d'expérimenter des structures nouvelles avait été clairement affichée par le législateur. Force est aujourd'hui de constater qu'elle n'a pas connu de traduction concrète suffisante. De la même façon, la loi n'a pas été assortie d'outils suffisamment performants pour satisfaire l'offre sociale, médico-sociale et médico-éducative nécessaire pour réduire les disparités d'équipements sur le territoire. La loi de 1975 a privilégié une approche en termes d'établissements. La demande de la part des intéressés d'une vie plus autonome nous encourage à privilégier aujourd'hui les réponses en termes de services. Ce point a été clairement mis en évidence par le rapport de l'IGAS de décembre 1995 relatif au bilan de l'application de la loi de 1975 et par le rapport d'information de mars 2000 présenté par M. Pascal Terrasse au nom de votre commission des affaires sociales, lui-même précédé de nombreuses auditions et d'un colloque très suivi où les principales attentes de tous les acteurs concernés se sont exprimées.

Trois défaillances y sont mises en lumière : un partenariat insuffisant entre les conseils généraux et les services de l'Etat, des schémas sociaux et médico-sociaux disparates -voires inexistants-, d'importantes disparités régionales en matière d'équipements disponibles et de qualité des réponses apportées aux besoins.

Le présent projet entend y remédier. C'est en rénovant profondément la loi de 1975 que l'on pourra répondre aux attentes nouvelles tout en manifestant la solidarité de la nation à l'égard des plus vulnérables.

Deux principes président à cette refondation : offrir une plus grande liberté en affirmant les droits de l'usager, instaurer la transparence dans l'organisation du secteur. A partir de ces deux principes, la loi se développe autour de quatre orientations : promouvoir les droits des bénéficiaires et de leur entourage en affirmant leur droit à une citoyenneté de plein exercice, élargir les missions de l'action sociale et médico-sociale en diversifiant les modes d'intervention des différents acteurs, améliorer les procédures techniques de pilotage du dispositif -en favorisant la planification, en rénovant le régime des autorisations et en adaptant la tarification-, coordonner l'action des décideurs en améliorant les procédures de concertation et de partenariat.

Il s'agit d'un texte très technique, qui met en jeu des procédures réglementaires et tarifaires complexes et nous voulons le rendre plus accessible. Le Gouvernement se tient à la disposition de la représentation nationale pour apporter toutes les précisions utiles à la compréhension des différentes mesures qu'il contient.

La refondation de la loi de 1975 prend toute sa place dans la politique générale du Gouvernement qui vise à lutter contre toutes les formes d'exclusion. Elle ne se fera pas sans l'adhésion de tous les acteurs du secteur social, qu'il convient d'associer à notre démarche autant que faire se peut.

Plus globalement, cette réforme concerne toutes les personnes qui se trouvent en situation de fragilité: personnes âgées dépendantes, handicapés, jeunes en difficultés, personnes en situation d'exclusion. Elle s'inscrit à ce titre dans la continuité de plusieurs textes, qu'il s'agisse de la loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU, des lois de lutte contre les discriminations, de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 ou de la loi du 9 juin 1999 portant sur les soins palliatifs. Elle prend place également dans un contexte de profonde rénovation de l'aide aux personnes âgées dépendantes puisque Mme Guigou soumettra très prochainement à votre examen un projet de loi tendant à instaurer une aide personnalisée à l'autonomie, qui, se substituant à la prestation spécifique dépendance, touchera un nombre beaucoup plus grand de bénéficiaires. Cette loi facilitera également la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes, qui bénéficieront en outre d'un plan de médicalisation pour la période 2001-2005 doté de 6 milliards.

Conscient de la nécessité d'appréhender le problème de manière générale, le Gouvernement a également décidé de réformer « l'autre loi » du 30 juin 1975 dite d'orientation en faveur des personnes handicapées (« Très bien ! » sur divers bancs). Le texte sera actualisé, de manière que le plan triennal d'amélioration de la situation des personnes handicapées, annoncé il y a un an par le Premier ministre et doté de 2,5 milliards de mesures nouvelles, soit conduit dans les meilleures conditions. Cette dernière réforme, que j'ai annoncée au Conseil national consultatif des personnes handicapées du 25 janvier dernier, devra elle aussi faire l'objet d'une concertation exemplaire avec l'ensemble des partenaires concernés (« Cinq ans pour aboutir ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

C'est pourquoi je ne souhaite pas que le présent débat anticipe, par le jeu d'amendements -pour pertinents qu'ils soient- sur cette autre réforme, elle aussi très attendue.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Tout à fait !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis convaincue que le présent projet répond aux attentes des différents acteurs et même si certains déplorent que la concertation n'ait pas été encore plus approfondie, je tiens à souligner la qualité des échanges qui ont présidé à l'élaboration de ce texte. J'exprime notamment toute ma gratitude aux associations qui y ont largement contribué.

L'enjeu de cette réforme est d'importance puisqu'il va permettre à notre dispositif d'appui à ceux de nos concitoyens qui ont besoin de la plus grande protection d'être plus efficace.

Je forme donc le v_u que, dépassant nos clivages traditionnels, nous construisions ensemble et dans la sérénité une loi adaptée et que notre travail commun contribue à changer le regard que porte notre société sur toutes les formes que prend la différence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Francis Hammel, rapporteur de la commission des affaires sociales - Engagement tenu : annoncée par le Premier ministre lors du Conseil national consultatif des personnes handicapées le 25 janvier 2000, la réforme de l'action sociale et médico-sociale vient aujourd'hui en discussion. Connu de tous ceux qui ont suivi sa longue gestation comme la réforme de la loi de 1975, le texte tend en effet à adapter, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, qui encadre les services de prise en charge des personnes âgées, des handicapés, des jeunes relevant de l'aide sociale ou de la protection judiciaire de la jeunesse et des adultes victimes de l'exclusion.

Cette loi a répondu à des besoins particuliers et hétérogènes. A l'époque, on souligna qu'il était difficile de séparer le social du médical : la maladie a souvent des origines sociales et inversement certains soins favorisent la réinsertion.

Ainsi, cette « loi sociale » qui devait être le pendant de la loi sanitaire de 1970, et eut pour s_ur jumelle une loi d'orientation 75-534 du 30 juin 1975 en faveur des personnes âgées, concevait l'existence du secteur médico-social, tout en précisant la séparation du sanitaire et du social.

Malgré vingt modifications en un quart de siècle, ce texte fondateur, chacun le reconnaît, doit subir une refonte. Depuis plus de six ans, la direction de l'action sociale a, en concertation avec les acteurs, dégagé des orientations majeures.

Ce projet doit concilier deux principes directeurs : la garantie des droits des usagers et la promotion de l'innovation sociale et médico-sociale d'une part, l'institution de procédures de pilotage rigoureuses et transparentes ainsi que la rénovation du lien existant entre la planification, la programmation, l'allocation de ressources, l'évaluation et la coordination, d'autre part.

Il comporte quatre principales orientations : l'affirmation et la promotion des droits des bénéficiaires et de leur entourage ; l'élargissement des missions de l'action sociale et médico-sociale ainsi que la diversification de la nomenclature et des interventions des établissements et des services ; l'amélioration des procédures techniques de pilotage du dispositif ; l'institution d'une réelle coordination des décideurs, des acteurs et l'organisation clarifiée de leurs relations.

Le texte se propose de rénover la seule loi 75-535 du 30 juin 1975. La rénovation de la loi 75-534, également attendue, va être mise en chantier et je m'en réjouis. Mais il n'en est pas question ici. Précisons enfin qu'on ne saurait demander à ce seul texte de redéfinir toute la politique du handicap.

Nous avons pour cela un autre rendez-vous.

M. Jean-François Chossy - Dommage !

M. le Rapporteur - Rappelons les fondements de ce projet, qui constitue une avancée sociale d'envergure.

Il défend le droit des personnes et de leur entourage et précise certaines modalités de leur exercice : charte de la personne accueillie ; document individualisant la prise en charge, possibilité de médiation, rénovation des conseils d'établissement qui deviennent conseils de la vie sociale.

Il élargit les missions de l'action sociale et médico-sociale et diversifie les interventions des établissements de la prévention à la réadaptation et l'accompagnement social en institution ou à domicile. Le texte confère une base légale aux structures nouvelles de lutte contre l'exclusion, aux services d'aide à domicile, notamment pour les adultes handicapés, ainsi qu'aux lieux de vie.

Il améliore les procédures techniques de pilotage par une planification plus efficace, voire l'instauration de véritables schémas sociaux et médico-sociaux pluriannuels, en rénovant le régime des autorisations, en améliorant le contrôle et en mettant en place une expérimentation pour les structures innovantes, en adaptant la tarification à chaque établissement.

Enfin, le projet permet une meilleure coordination des acteurs. Il confie à la section sociale des CNOSS et des CROSS l'étude des grands problèmes sociaux et médico-sociaux.

M. Pascal Terrasse - Très bien !

M. le Rapporteur - Le partenariat à instaurer sera défini par une convention entre le préfet et le président du Conseil général. Un système d'information commun sera mis en place entre les différents partenaires et des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens conclus avec les établissements. Un ensemble diversifié de formules de coopération favorisera le décloisonnement entre secteur sanitaire et secteur social. L'évaluation sera généralisée.

Ce projet a fait l'objet d'une approbation générale, et les critiques ont été constructives. Elles visent la complexité de certains dispositifs, le caractère déclaratif de certains articles et le recours important aux décrets d'application, dont nous ignorons la teneur.

MM. Germain Gengenwin et Edouard Landrain - C'est toujours la même chose !

M. le Rapporteur - On a également proposé certains ajouts : pour renforcer le projet, introduire la notion de protection des usagers ; garantir un accès équitable à l'action sociale et médico-sociale sur tout le territoire ; reconnaître le rôle essentiel des associations notamment pour les handicapés ; créer un conseil supérieur des établissements sociaux et médico-sociaux ; leur permettre de conclure des conventions avec des établissements d'enseignement pour y favoriser l'accueil d'enfants handicapés ; aménager le régime du rejet tacite d'autorisation ou de renouvellement.

Cette réforme attendue et ambitieuse contribuera à la cohésion sociale.

Elle s'inscrit bien dans les perspectives pluriannuelles tracées par le Premier ministre pour les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes, qui bénéficient d'un effort budgétaire significatif. Ainsi, même les plus handicapés et les plus vulnérables seront des citoyens à part entière (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Président de la commission - Je remercie le Gouvernement d'avoir entrepris la réforme, tant attendue, du volet social et médico-social de la loi de 1975 et d'avoir annoncé celle de l'aide personnalisée à l'autonomie pour la reprise de nos travaux au lendemain des élections municipales ; la commission désignera d'ailleurs dès la semaine prochaine son rapporteur, qui sera sans doute Mme Guinchard-Kunstler. Je le remercie également de s'être engagé à mettre en chantier sans tarder le projet de loi d'orientation sur le handicap, au terme de la concertation, sans précédent, à laquelle a donné lieu l'excellent rapport Terrasse.

Les travaux de la commission ont vu les clivages politiques s'estomper, au point que nombre d'amendements ont été adoptés à l'unanimité. J'insiste cependant pour que l'effort de simplification et de lisibilité accompli lors de l'élaboration du projet soit encore accentué d'ici à la deuxième lecture : n'oublions pas que nous légiférons, non pour nous-mêmes, mais pour nos concitoyens et pour les associations qui défendent leurs intérêts ! J'insiste également pour que nous soit communiqué, toujours d'ici à la deuxième lecture, le calendrier prévisionnel de la préparation des décrets, auxquels de nombreux articles renvoient.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Il n'y en a pas moins de quarante-cinq !

M. le Président de la commission - Quarante-cinq renvois, mais non pas quarante-cinq décrets - du moins espérons-le ! La commission désignera, sitôt la loi définitivement adoptée, un rapporteur pour suivi, qui vous harcèlera, Madame la Ministre, en permanence... (Sourires) Il s'agira, bien entendu, de harcèlement politique, par téléphone au demeurant... (Nouveaux sourires)

M. Jean-François Chossy - A chaque rendez-vous avec le Conseil consultatif des personnes handicapées, le Gouvernement propose, et promet : l'an dernier, le Premier ministre s'est engagé à réviser la loi de 1975 et a annoncé un plan triennal en faveur des personnes handicapées ; cette année, c'est vous, Madame la ministre, qui vous êtes engagée à ouvrir le chantier de la rénovation de la loi d'orientation pour l'intégration des personnes handicapées. Effet d'annonce préélectoral, ou volonté véritable ? La réponse vous appartient, mais sachez que les associations, les familles et les personnes concernées ont davantage besoin de mesures concrètes et rapides que de beaux principes.

Le texte que nous examinons n'est qu'une réponse partielle à un problème essentiel, car il ne résout pas les difficultés d'intégration rencontrées par les personnes handicapées. Ce sera, je le sais, l'objet d'un autre rendez-vous législatif, prévu au printemps -mais il reste à savoir quand cet autre texte entrera en application.

Le présent projet, attendu avec impatience et espoir par tous, s'apparente davantage, en l'état, à un règlement intérieur indigeste et formaliste (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) à l'usage exclusif de l'administration centrale et des établissements placés sous sa tutelle qu'au dépoussiérage annoncé de la loi de 1975. Il reste bien éloigné des préoccupations et des difficultés quotidiennes des personnes handicapées, âgées ou vulnérables. Il nous incombe de lui donner sa véritable dimensions humaine, d'en faire une loi solidaire et généreuse à l'image du rapport Terrasse.

Le texte est trop généraliste. Chacun de ses chapitres devrait faire l'objet d'un projet distinct. On ne peut pas tout faire dans la même loi, car on risque de le faire mal.

Après avoir réalisé une enquête nationale auprès des intéressés, le groupe UDF a mis en évidence l'insuffisance des structures d'accueil, les complexités administratives, les déficiences de l'intégration, les lacunes de la formation, autant de manques que le texte ne pallie point.

La commission a adopté certains de nos amendements, mais il faut aller plus loin, pour que cette loi ne soit pas celle des occasions manquées. Il faut en particulier reconnaître les associations et leurs regroupements comme des partenaires véritables, reconnaître le travail admirable des bénévoles et des cadres des associations, qui connaissent le mieux les problèmes liés au désarroi de la personne atteinte, et qui peuvent le mieux nous aider à mettre en _uvre cette nouvelle loi.

Il convient aussi de promouvoir la formule de l'accueil temporaire, qui offre un répit indispensable à l'entourage familial, que la présence à domicile d'une personne handicapée, polyhandicapée, autiste ou atteinte de démence sénile contraint à un investissement physique et psychologique considérable. Il est bon que la famille puisse pour une journée, un week-end, ou une semaine, placer dans de bonnes conditions la personne dont elle s'occupe, en temps ordinaire, 24 heures sur 24.

L'accueil temporaire peut également constituer une alternative à l'accueil permanent en milieu protégé, voire préparer la personne handicapée à son avenir après le décès de ses parents.

La commission a adopté un amendement du groupe UDF ; j'espère que l'Assemblée fera de même.

Si cette loi se veut une loi de souplesse et de simplification, il serait bon d'envisager la création d'un guichet unique, qui regrouperait les missions des COTOREP, des CDES ou d'autres organismes, et permettrait de mieux répertorier les handicapés ainsi que de mieux réguler les possibilités d'accueil.

La création du Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale est un progrès, pour peu qu'il ne devienne pas un simple distributeur de bons points, mais soit un outil de référence et d'évaluation de la qualité du service.

Quant aux schémas d'organisation sociale et médico-sociale, s'il s'agit bien d'un outil d'aide à la décision, nous veillerons à ce qu'ils soient aussi proches que possible de la réalité et des besoins, notamment pour l'accueil des polyhandicapés.

Nous approuvons la disposition qui confère une base légale aux structures nouvelles de lutte contre l'exclusion et aux services d'aide à domicile pour handicapés adultes, mais pourquoi ne pas intégrer également les services d'aide à domicile destinés aux familles en difficulté sociale ?

Au chapitre des regrets et des rendez-vous manqués, je veux insister sur le fait que le projet ne prend pas en compte l'intégration sociale, culturelle, sportive et professionnelle de la personne handicapée. Rien, sur l'intégration scolaire, en milieu ordinaire, ni sur l'implication de l'Education nationale ! Et il s'agit pourtant d'un sujet majeur et, s'il n'est pas traité, l'affirmation des droits des usagers qui figure dans l'article premier risque de rester pour partie lettre morte.

Je soumettrai donc à votre attention une série d'amendements. Les accepter dès aujourd'hui, Madame la ministre, ce serait faire preuve de la bonne volonté que les associations et les utilisateurs attendent de vous. Le temps passe et le temps presse.

Madame la ministre, le groupe UDF votera ce texte. Il le fera sans enthousiasme s'il reste en l'état, mais sans réserve aucune si, en reprenant nos propositions, vous faites de ce projet un texte de renouveau et de générosité.

Dans tous les cas, l'UDF participera au combat pour l'intégration de la personne handicapée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

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DÉCLARATION D'URGENCE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Acte est donné de cette communication.

M. Edouard Landrain - Il est temps de déclarer l'urgence ! Nous attendons cette loi depuis quatre ans !

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ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE (suite)

M. Jean Pontier - Combien était attendu ce projet, et que d'espoirs il aura suscités ! Mais, dès lors, combien de petites déceptions va-t-il engendrer ? Quand l'espérance et l'investissement sont si forts, et depuis si longtemps, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres...

Les grandes associations et la branche professionnelle attendent du nouveau texte l'affirmation de principe de leur concours à l'élaboration des politiques sociales et médico-sociales, à leur planification et à leur évaluation.

De cette évaluation, à développer, le Conseil national devrait être l'un des moteurs. Quant à la qualité des prestations offertes, elle ne saurait uniquement dépendre des pratiques professionnelles ; doivent aussi être prises en considération la qualité de l'organisation, du projet, de l'ancrage territorial et la capacité à créer ou recréer du lien social.

S'agissant de l'élaboration des politiques sociales et médico-sociales, le CNOSS devrait être saisi dès l'élaboration des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. De même, le CROSS et le CNOSS devraient pouvoir proposer, chaque année, des priorités pour le secteur. Enfin, les autorisations de création d'établissements et de services devraient dépendre des besoins de la population et non des ressources potentielles.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est juste.

M. Jean Pontier - S'agissant des droits des personnes à l'intérieur des établissements et services, le texte pourrait être enrichi par une référence explicite aux droits et libertés de l'homme et du citoyen et au préambule de la Constitution. Il serait bon, aussi, de mentionner la participation de la personne à sa prise en charge, et de prévoir l'adaptation des instruments, pour tenir compte de l'hétérogénéité des publics et des catégories d'établissements et services. Le décret d'application devra être le plus explicite possible.

Certes, l'élargissement du champ d'application de la loi doit être conforté par l'intégration des services d'aide à domicile ainsi que des foyers de jeunes travailleurs.

Le Gouvernement ayant exprimé son intention de poursuivre la décentralisation, il y aurait lieu d'introduire l'obligation, pour les collectivités publiques, de coordonner leurs interventions. Devraient enfin être réglées les difficultés liées à l'amendement Creton, vieux de onze ans et occasion de contentieux particulièrement insatisfaisants pour toutes les personnes concernées.

En matière de tarification, qui ne souhaite un meilleur équilibre, fondé à la fois sur les besoins sociaux et sur les moyens financiers disponibles ? Comment ne pas espérer également la réforme de la tarification des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes, reposant sur une tarification binaire ? Nous aurons bientôt, je l'espère, à en débattre. Comment, encore, ne pas souhaiter la clarification des attributions de l'Etat, du département et de l'assurance maladie dans la prise en compte financière des foyers à double tarification pour adultes handicapés ?

Trois mots, enfin, des structures non traditionnelles. La nécessité de donner un cadre ne saurait signifier une rigidification rigoureusement inadaptée à leur objet.

A dire vrai, le chapitre IV fleure encore trop le parfum de la tutelle sous laquelle l'administration veut tenir les associations. En fait, deux conceptions s'opposent : « participation au service public » et réelle « concession de service public ». Dans cette optique, la demande associative s'articulerait sur la refonte des principaux chapitres de ce projet. A croire que la concertation avec les représentants des 24 500 établissements n'aurait pas été suffisante en six ans, malgré le dépôt du rapport d'information présenté par notre collègue Pascal Terrasse, le 15 mars 2000.

Mais, parce qu'il promeut et renforce les droits des usagers, parce qu'il élargit les missions de l'action sociale et médico-sociale, qu'il conforte les pratiques et les structures innovantes, qu'il rénove la planification des équipements et des services, qu'il clarifie le régime des autorisations, qu'il renforce les partenariats, qu'il généralise les évaluations et les contrôles, j'adhère à la philosophie de ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Perrut - Mise en chantier il y a cinq ans, repoussée et repoussée encore, la révision de la loi 1975 nous est enfin soumise. Il était temps ! Après un quart de siècle, une évolution était indispensable, dans un secteur qui comprend 24 500 institutions et concerne plus d'un million de personnes. Il apparaît cependant que le dossier n'est pas complet, et qu'il nous faudra y revenir. Ne serait-il pas de meilleure politique de nous proposer un projet global plutôt que d'empiler des textes dont on distingue mal la cohérence d'ensemble ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas sérieux !

M. Bernard Perrut - Encore ce qui veut être simplifié ne l'est-il pas tout à fait ! Il est en particulier indispensable de parvenir à coordonner véritablement tous les modes d'accueil, en donnant toute sa place au maintien à domicile. A cet égard, combien de fois faudra-t-il revenir à la charge à propos de la légitime exonération des charges sociales ?

M. François Goulard - Oui, combien de fois ?

M. Bernard Perrut - On évalue à quelque 3,5 millions les personnes dites handicapées, et un dixième d'entre elles vit en institution. Trop nombreuses sont encore celles qui ne peuvent vivre ou travailler normalement en raison de l'inadaptation des infrastructures. Et trop nombreuses sont les familles qui ne savent comment scolariser leurs enfants de manière satisfaisante. Que dire, encore, de ces personnes sans domicile, jeunes souvent, auxquelles une assistance psychiatrique fait défaut ? Le docteur Xavier Emmanuelli a engagé, à ce sujet, une approche innovante. Ne devrait-elle pas être étendue ?

Une société se juge à la manière dont elle accueille les plus vulnérables des siens. C'est peu dire que nous attendions ce texte avec impatience. Mais, pour avoir longtemps tardé, il n'en est pas moins insuffisant. Il se limite à reprendre les principes qui fondaient la loi de 1975 et à lui apporter quelques modifications. Il aurait convenu d'entendre les appels à une puissante réforme, portant sur trois aspects : une meilleure articulation des droits des usagers et de ceux des institutions ; de meilleures procédures de reconnaissance des établissements et des services ; une moindre complexité des politiques publiques.

L'objectif primordial de la réforme doit être d'améliorer la qualité de l'accueil dans les différents lieux de vie. Aussi la personne et non l'institution doit-elle se trouver au centre de notre réflexion. Il est important que chaque prise en charge soit suivie d'un véritable projet de vie individualisé. Nous avons déposé des amendements dans ce sens.

Les projets d'établissement doivent également comporter les mesures précises tendant à améliorer la qualité de vie des personnes accueillies, qui ont besoin d'être soignées, écoutées, réconfortées. Les personnes fragiles ont le plus besoin d'être rassurées et accompagnées dans toutes leurs démarches. Est-il normal que des personnes âgées ou handicapées subissent des tracasseries administratives traumatisantes ? Que des handicapés atteignant 60 ans soient contraints pour des raisons financières et administratives de changer d'établissement ? Il est de notre devoir d'imaginer des solutions qui évitent de tels drames.

Les familles qui gardent leurs enfants handicapés chez elles essuient souvent un refus d'accéder aux établissements scolaires ordinaires, alors qu'avec des moyens adaptés ces enfants pourraient suivre une scolarité au lieu d'être orientés vers des institutions médico-sociales. Seulement 7 % des enfants handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire. Mme Royal avait annoncé un plan en vingt mesures pour améliorer la scolarisation de ces enfants. Qu'en est-il aujourd'hui ? L'intégration de ces enfants requiert une volonté politique affirmée et une évolution des mentalités.

Aujourd'hui, vous nous présentez des mesures destinées à sécuriser les structures existantes et à donner un cadre juridique de référence offrant toutes garanties aux personnes accueillies. Prenons garde à ne pas pécher par excès de rigidité. Des évaluations sérieuses sont certes nécessaires. Mais laissons respirer ce secteur d'activité en perpétuelle évolution. Laissons place à l'innovation, en évitant de stériliser les bonnes idées. Je pense aux lieux de vie non traditionnels et aux petites structures en milieu rural comme les fermes thérapeutiques et les centres équestres adaptés, qui ont fait leurs preuves et ne possèdent pourtant pas le statut qu'elles méritent. Il convient donc de faciliter la création de petites structures fonctionnelles et de favoriser l'accueil temporaire. Il y faut des procédures d'agrément souples, et un réel soutien aux intervenants. Il est important d'aider les aidants. De telles structures sont de nature à prévenir la maltraitance.

Le droit à l'expérimentation reconnu récemment aux collectivités locales mériterait d'être étendu à l'action sociale et médico-sociale. Préoccupons-nous aussi de réduire les disparités régionales frappant les structures d'accueil. Trop de parents souffrent de la séparation d'avec leur enfant due à l'éloignement. Ce souci du libre choix de l'établissement ou de la modalité d'accueil doit inspirer l'organisation du système et conduire à adapter l'offre à la demande des familles.

En commission, certains se sont inquiétés de la suppression par le projet du principe d'autorisation tacite en cas de silence de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. Cela ne pourrait que favoriser l'immobilisme. Notre inquiétude porte aussi sur l'inégalité introduite dans la tarification selon que la personne âgée bénéficie ou non de l'aide sociale. Une telle différence de traitement au sein d'un même établissement ne serait pas acceptable.

Enfin, il est souhaitable de mieux reconnaître le rôle des associations dans l'action sociale et médico-sociale. Elles doivent trouver toute leur place dans les dispositifs de planification et d'évaluation, ainsi qu'au sein du Conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale, et de la Commission consultative de planification. Le débat en commission a permis d'avancer.

M. le Rapporteur - Merci !

M. Bernard Perrut - Il est important que l'aide à domicile et tout ce qui contribue au maintien à domicile relève du champ d'application de la loi tout comme les foyers de jeunes travailleurs.

Votre projet doit encore évoluer, tant les questions demeurent nombreuses. Quand allez-vous présenter le projet d'aide personnalisée à l'autonomie ? Vous avez commencé à répondre. Quand allez-vous engager la réforme des COTOREP, qui fonctionnent très imparfaitement ? Comment préserver les intérêts patrimoniaux des personnes handicapées ?

M. le Président de la commission - Vraie question !

M. Bernard Perrut - Actuellement les recours effectués contre les bénéficiaires revenus à meilleure fortune peuvent entraîner des effets paradoxaux et préjudiciables aux intéressés comme à la collectivité.

M. François Goulard - C'est exact !

M. Bernard Perrut - Comment régler les problèmes de financement rencontrés par les établissements d'éducation spéciale accueillant des jeunes adultes handicapés en application de l'amendement Creton ? Les amendements acceptés aujourd'hui mettront-ils un terme aux contentieux ? Faudra-t-il encore des années pour que toutes ces réformes nécessaires aboutissent ? Autant de questions qui appellent réponses. Elles ne doivent pas masquer cependant les avancées portées par le texte. Ne décevons pas les personnes dépendantes et leurs familles. Encore faut-il, Madame la ministre, que vous ayez la volonté de donner à la discussion toute la dimension qu'elle mérite. J'ai confiance que vous y parviendrez (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme la Secrétaire d'Etat - Comptez sur moi !

Mme Hélène Mignon - De nombreux responsables du secteur social et médico-social, apprenant l'inscription à l'ordre du jour de ce texte tant attendu, m'ont fait part de leur satisfaction.

S'ils qualifient d'acte fondateur la loi de 1975, ils estiment que nous abordons aujourd'hui une étape importante, comme le prouve leur forte présence dans les tribunes.

Malgré vingt-et-une modifications en vingt-cinq ans, les textes n'ont pas pu accompagner les évolutions des besoins et des mentalités.

A travers quarante auditions en neuf mois, aux côtés de Pascal Terrasse, puis auprès du rapporteur, j'ai entendu s'exprimer toutes les sensibilités sur la question et tous se félicitaient du travail de concertation entrepris par le ministère.

La loi du 30 juin 1975 a permis un développement considérable du secteur social.

A ainsi émergé un nouveau secteur de l'économie sociale, entraînant des créations d'emplois et de structures diverses sur tout le territoire, et surtout répondant mieux aux besoins suscités par des faits de sociétés tels que le vieillissement de la population et l'allongement de la vie, la plus grande longévité des personnes handicapées, particulièrement des personnes atteintes d'un handicap mental ou polyhandicapées, le besoin de protection des personnes les plus fragiles, et la capacité des équipes à proposer de nouvelles solutions dans les institutions et en dehors pour faire partager au maximum le monde extérieur.

Nous devons par ce texte donner toute possibilité d'évolution tout en garantissant un accueil de qualité. L'innovation doit toujours faire l'objet d'une évaluation, sous une double forme : l'auto-évaluation qui correspond à un projet d'établissement bien conçu, l'intervention extérieure.

Inscrire l'action sociale et médico-sociale dans le cadre d'une mission d'intérêt général et reconnaître le rôle joué par les associations, voilà la substance de votre projet. Il s'agit aussi de reconnaître à chacun la pleine citoyenneté en lieu et place de l'assistanat, et de confirmer que les droits fondamentaux appartiennent à tous.

Nous devons veiller tant à la mise en place des dispositifs propres à respecter ces droits, qu'au respect de ces derniers. Livret d'accueil, charte de droits et libertés, contrat de séjour, conseils de vie sociale, obligation de projet d'établissements, intervention si nécessaire d'un médiateur. Autant d'outils propres à garantir l'exercice de la citoyenneté.

C'est aussi dans l'obligation d'évaluation que je vois la reconnaissance des droits des usagers, de même que dans l'introduction de la notion d'équité, s'agissant de la répartition des structures sur l'ensemble du territoire. Certains de nos interlocuteurs ont trouvé un arrière-goût de moralisme à la référence faite aux bonnes pratiques, ce qui montre bien la difficulté qu'il y a à faire admettre un concept si l'on ne distingue pas clairement entre éthique, déontologie et processus d'évaluation.

Certains se sentent attaqués dans leur amour-propre par l'introduction de la notion de maltraitance, pourtant nous serions coupables de ne pas nous attacher à ce point : la circulaire de 1998 faisant obligation à ceux qui ont connaissance de faits répréhensibles d'en avertir la tutelle n'a-t-elle pas permis le signalement de dix affaires touchant des enfants et de six affectant des adultes ? Le respect des personnes passe aussi par la qualité des professionnels, et par leur compétence à travailler en équipe.

Permettez-moi ici de formuler une question qui vous sera sans doute posée par d'autres : pourquoi doit-on, dans certains établissements, fournir au moment de l'embauche un extrait de casier judiciaire, et pas dans d'autres ? N'y aurait-il pas là une lacune à combler ?

La diversification des prises en charge donnera un choix réel aux usagers et à leur famille, l'internat n'étant, contrairement à ce que disent certains, qu'une des possibilités offertes. D'autre part, si la diversification des établissements et des services permet de mieux répondre aux besoins, il ne faudrait pas oublier d'affirmer la nécessité d'une coordination.

La modernisation des procédures de pilotage concourt à une meilleure réactivité. L'instauration de véritables schémas pluriannuels, révisables, l'obligation de convention entre les autorités de l'Etat et du département, l'évaluation de l'action et les compatibilités des systèmes d'informations favoriseront une bonne mise en _uvre et un suivi des missions.

Cependant, la question du caractère obligatoire des schémas et celle de la sanction en cas de non-respect de cette obligation méritent d'être posées, comme d'ailleurs celle de l'opposabilité des schémas, qui pourrait selon certains, rendre l'action publique plus « lisible ».

Enfin, le fait de rendre obligatoire l'évaluation de la qualité des prestations au regard de leur coût, répond à une exigence légitime.

Un Conseil national serait chargé d'établir les références et les recommandations en matière de bonnes pratiques professionnelles et de bonne gestion, ce qui devrait apaiser les craintes de ceux qui déplorent l'absence de critères fiables et opposables.

Le régime des autorisations consacre la volonté de cohérence et de réactivité qui faisait défaut dans la loi de 1975. En revanche -et nous y reviendrons sans doute-, la suppression des autorisations tacites ne peut à mon sens être maintenue si l'on veut la transparence et des relations partenariales entre la puissance publique et les associations.

Les procédures de contrôle et de fermeture des établissements n'étaient pas prévues dans la loi du 30 juin 1975 : il est légitime que cette lacune soit enfin comblée.

A l'évidence, la rénovation peut être engagée en toute confiance dans le cadre de ce projet de loi qui tient compte de nombre d'observations et de propositions émises par les différents partenaires consultés. La concertation devra toutefois régler les questions qui n'ont pu aujourd'hui recevoir une réponse.

Ce projet marque un progrès décisif pour l'action sociale et médico-sociale, car il prend toute la mesure des défis à relever -encore que d'autres nous soient lancés dès à présent : je pense à la question des COTOREP. Enrichi par nos débats, en commission et en séance publique, il répondra à la majeure partie des questions soulevées. Tout en vous faisant des propositions pour régler certaines difficultés notées sur le terrain, le groupe socialiste vous apportera donc son soutien, Madame la secrétaire d'Etat ! Et le Gouvernement ayant déclaré l'urgence, nous espérons une application rapide de ce texte et attendons avec impatience les décrets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Comment, quand s'ouvre ce chantier de rénovation de la loi de 1975, ne pas évoquer ses promoteurs : Jacques Chirac, alors Premier ministre, et son secrétaire d'Etat à l'action sociale, René Lenoir. Hantés par la volonté de combattre l'exclusion, ils ont marqué ce texte d'un souffle humaniste. René Lenoir aimait d'ailleurs à citer Rainer Maria Rilke :

        « Pauvres, ils ne le sont pas ; ils ne sont que privés de biens essentiels
        Et livrés au hasard, sans force et sans volonté,
        Ils sont marqués du sceau d'une angoisse sans nom
        Et dépouillés de tout, même du sens de la pauvreté. »

La justice impose donc de commencer par un bilan de cette loi et je le dresserai en m'appuyant sur le remarquable travail de Patrice Legrand, l'un des auteurs de la réforme des établissements d'éducation spécialisée. Cette loi est d'abord une loi de liberté, donnant une large place à l'initiative du secteur privé à but non lucratif, donnant toute latitude aux gestionnaires de déployer leur dynamisme pour répondre aux besoins et faisant précéder la délivrance des autorisations de la consultation de commissions où le secteur social et médico-social est très largement représenté. Bannissant toute mécanique autoritaire, écartant l'approche purement quantitative et planificatrice, elle prévoit des mécanismes de coordination, mais ceux-ci sont distincts du secteur sanitaire. Elle protège les droits des salariés grâce à des conventions collectives. Elle a donc l'immense mérite de consacrer l'identité et l'autonomie du secteur social et médico-social et de reconnaître le rôle éminent du réseau de proximité formé par les associations et les centres communaux d'action sociale.

Ce rappel s'imposait car on ne saurait modifier un texte sans vérifier que ses acquis ont été préservés.

Si importants que soient ces derniers, les acteurs n'ont pas manqué de relever les difficultés sans cesse croissantes qu'ils avaient à affronter pour remplir leurs missions. Plus que des tares originelles, ces difficultés procèdent d'évolutions « lourdes ». Néanmoins, il faut reconnaître que, si l'absence de volonté planificatrice a libéré l'initiative individuelle, elle a aussi donné naissance à des « zones grises » dans le maillage des établissements, à une certaine inadaptation aux besoins et même à des gaspillages. Il faut aussi noter l'absence de mécanismes sérieux d'évaluation et les limites du régime d'autorisation, applicable aux seuls établissements.

Cependant, les difficultés ont été surtout engendrées par le maquis juridico-administratif résultant de l'empilement des textes : lois de décentralisation de 1982-1983, loi du 6 janvier 1986 adoptant les procédures, loi du 4 janvier 1978 sur la tarification des soins, loi de janvier 1997 sur la prestation dépendance... Et pourtant, que de béances dans ce dispositif : absence de statut pour les foyers à double tarification, difficultés surgies pour l'application de l' « amendement Creton », absence de décrets relatifs aux pouvoirs du président du conseil général, définition insuffisante des droits des usagers... Quant aux responsables, ils se sont trouvés dans l'impasse, faute de savoir qui pilote un système à la fois complexe et incomplet.

L'absence de souplesse d'un dispositif qui impose en définitive aux personnes de s'adapter aux structures, les carences dans la prise en charge des autistes, des personnes cérébro-lésées ou des handicaps rares, appelaient également une révision de la loi, d'autant qu'elles rendaient encore plus criantes les difficultés à s'adapter à l'allongement de l'espérance de vie. Le manque de souplesse du dispositif, surtout, a conduit à ignorer l'aspiration croissante des publics concernés à s'insérer dans le milieu ordinaire.

Face à ces difficultés, dérives et insuffisances, la voie à suivre est claire : il faut clarifier les compétences, marquer que, pour essentielles qu'elles soient, les réformes de structure ne pourront répondre aux immenses besoins nés du vieillissement de la population et de la volonté d'accéder à de nouveaux biens et services. C'est tout le sens du contrat que nous menons pour le droit à compensation !

Enfin, il faut optimiser la machine médico-sociale en lui permettant d'évoluer, c'est-à-dire en ouvrant le droit à l'expérimentation et à l'innovation, en mettant en place une évaluation respectueuse de l'initiative, indépendante de la tutelle, des procédures d'autorisation transparentes et concertées, et en favorisant la constitution de réseaux, horizontaux et verticaux.

Expérimentation, évaluation, transparence, réseaux, souplesse, lisibilité, concertation : tels sont les mots qui revenaient sans cesse au cours des innombrables réunions de travail auxquelles nous avons participé depuis cinq ans. Il y aurait presque matière à fonder un club des participants aux colloques tendant à réformer la loi de 1975 !

M. le Président de la commission des affaires sociales - Le club des joyeux réformateurs ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - En effet, c'est à l'initiative de Jacques Barrot, en 1996, qu'ont été ouverts les différents chantiers que vous avez repris : affirmation des droits de l'usager, redéfinition du champ de la loi, coordination et planification des interventions, régulation des acteurs par l'instauration d'un lien entre autorisation et financement et, surtout, par la promotion de relations contractuelles pluriannuelles et de procédures d'évaluation interne et externe.

Le groupe RPR s'est fixé une règle éthique : ne pas « instrumentaliser » les publics en grande difficulté en cédant à une approche politicienne. Cet esprit de responsabilité a été largement partagé au sein de notre commission et je me plais à saluer -une fois n'est pas coutume- l'esprit d'ouverture et de dialogue de notre Président et de notre Rapporteur (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Le président Le Garrec est toujours aimable, mais en général il écarte nos amendements. Cette fois, nombre de propositions ont fait l'objet d'un débat approfondi qui a largement transcendé les clivages partisans.

Cependant, ce projet suscite-t-il notre enthousiasme ? Non. Par manque de courage politique, la réforme de la loi de 1975 est restée au milieu du gué. Rien n'est prévu pour clarifier les compétences des différents niveaux d'administration dont l'enchevêtrement renvoie l'usager de guichet en guichet. La loi n'est pas davantage une loi de programmation et il est à craindre que certaines dispositions, purement déclaratives, ne soient balayées par une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. M. Perrut a fort justement rappelé la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui a mis en cause le statut de la personne handicapée à partir de son soixantième anniversaire.

Le texte formule aussi des v_ux pieux dont l'article 15 offre l'exemple le plus caricatural, instituant un conseil national de l'évaluation sociale sans le doter.

Et certaines dispositions risquent d'alourdir les procédures : il en va ainsi du régime des autorisations, avec l'abandon du principe selon lequel un silence de l'administration de deux mois vaut acceptation implicite de la demande.

Nous nous félicitons en revanche que les chantiers ouverts par Jacques Barrot aient été repris : l'usager est bien placé au c_ur du dispositif, la nomenclature des établissements permet d'asseoir la base juridique de nombre de structures -dont les lieux d'expérimentation-, la planification, telle qu'elle est envisagée, ne devrait pas décourager toute initiative et la coordination des décisions est utilement proclamée.

Bavard sur les détails, muet sur les grands problèmes, ce projet reste largement incomplet. Cependant, le groupe RPR le votera, tout en indiquant que le chantier de la rénovation sociale et médico-sociale reste ouvert pendant les travaux (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrice Carvalho - La révision tant attendue de l'une des deux lois du 30 juin 1975 appelle logiquement celle de l'autre. Or, un an après l'annonce par le Premier ministre d'un plan pluriannuel d'action en faveur des handicapés, rien n'est venu concrétiser la réaffirmation des objectifs d'intégration.

La reprise de la croissance a mis en évidence les insuffisances du dispositif d'insertion professionnelle, complété par l'obligation d'emploi en milieu ordinaire contenue dans la loi du 10 juillet 1987. Ainsi, près de 40 % des entreprises assujetties n'emploient toujours aucun travailleur handicapé, et vous me permettrez de rappeler, Madame la ministre, que la fonction publique ne montre pas l'exemple !

S'y ajoutent les dysfonctionnements des COTOREP, récemment mis en lumière par un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, et les difficultés des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés, durement confrontés aux lois du marché.

De même, le niveau toujours insuffisant de l'allocation compensatrice et de l'allocation aux adultes handicapés est encore aggravé par l'exclusion de leurs allocataires du bénéfice de la couverture médicale universelle. En effet, par un tour de passe-passe administratif, ceux-ci continuent de dépasser de quelques dizaines de francs le plafond de ressources de la CMU que nous étions pourtant parvenus à relever.

L'action sociale doit être interministérielle. Outre la diversité des acteurs du champ de l'action sociale, il convient en effet de prendre en compte toutes les dimensions de la vie de la personne prise en charge. L'épanouissement de chacun ne peut être atteint que si les différentes politiques d'accompagnement sont mieux concertées.

Il en va ainsi de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'accueil scolaire des enfants handicapés. A ce titre, les circulaires relatives au programme Handiscol n'ont pas entraîné une mobilisation suffisante de l'éducation nationale. J'espère que la réforme annoncée de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées constituera le cadre approprié à l'étude de ces questions, mais je ne cache pas mon impatience.

S'agissant des principes qui fondent l'action sociale et médico-sociale, il nous est aujourd'hui proposé de moderniser l'état actuel de la législation. La garantie de l'exercice des libertés et droits fondamentaux irait de soi s'il ne s'agissait de répondre aux faits de maltraitance qui ont défrayé la chronique tout récemment. A ce sujet, je rappelle que la proposition de loi de M. Birsinger visant à instaurer une protection des personnels dénonçant des violences et autres mauvais traitements à l'encontre des personnes prises en charge par les institutions sociales et médico-sociales a pu être intégrée par voie d'amendements dans le projet de loi de modernisation sociale et dans la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, nous ne pouvons que nous réjouir d'avoir fait adopter en commission une série d'amendements portant sur la protection des personnes. Dans le même esprit, nous proposons que l'action sociale soit conduite non seulement « dans le respect de l'égale dignité de tous », mais aussi en garantissant à chacun un égal accès sur l'ensemble du territoire.

Satisfaire les besoins de prise en charge et d'épanouissement de chacun à travers l'éventail de structures et de prestations les plus adaptées : telle est l'ambition que doit s'assigner le service public, qui doit être à ce titre doté de moyens suffisants. Or, en comparaison des 9 milliards budgétisés par l'Etat, les 42 milliards provenant des ressources de l'assurance maladie nous renvoient aux questions de financement de notre protection sociale. A ce titre, nous craignons qu'aucune volonté de rénovation n'aboutisse. Or, les besoins auxquels entend répondre l'action sociale et médico-sociale sont d'autant plus criants qu'ils s'expriment au sein de populations dont la prise en charge exprime le degré de solidarité auquel nos sociétés consentent. Aussi, les articles 20 et 36 nous paraissent traduire, de manière contre-productive, la logique de maîtrise comptable qui ne peut que nuire à l'ambition que nous attachons à l'action sociale et médico-sociale.

De même, deux jours après la première journée d'action nationale des étudiants travailleurs sociaux, cette ambition me conduit à évoquer la question des moyens nécessaires pour éviter la désaffection de la filière. Car, ce sont quelque 5 000 personnes qui ont manifesté pour réclamer la reconnaissance de leurs diplômes et la création d'un revenu minimum de formation. C'est pourquoi, il apparaît urgent d'ouvrir des places supplémentaires en instituts de formation.

Il faut revaloriser la filière, et aussi mieux permettre l'expression des salariés et des personnes prises en charge. Nous avons cosigné un amendement qui permet à ces dernières de participer à la conception et à la mise en _uvre du projet d'accueil. Nous proposerons que le règlement de fonctionnement et le projet d'établissement soient soumis à l'avis des institutions représentatives du personnel. Nous proposerons également d'améliorer le cadre juridique des associations.

Cette réforme va dans le bon sens, même s'il faudra poser un jour clairement la question des moyens. Les députés communistes la soutiennent (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - Les lois de 1975, textes fondateurs, représentaient l'aboutissement d'un long combat mené par les associations de parents pour faire reconnaître la spécificité des personnes handicapées et leur droit à une vie digne. Elles ont permis une véritable prise de conscience du handicap.

Il est nécessaire de les actualiser pour prendre en compte la complexité introduite par les lois de décentralisation et surtout pour inscrire dans la loi les droits des personnes handicapées, notamment à un projet individuel de vie.

Le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale constitue le socle commun appelé à régir les nouvelles règles de fonctionnement, de financement et de programmation des institutions relevant aussi bien de l'action sociale envers les personnes âgées, les personnes handicapées, l'aide sociale à l'enfance sans oublier les services chargés de l'accueil des personnes pour des raisons sociales ou sanitaires.

Mais ces adaptations sont-elles suffisantes ? Et un cadre législatif unique reste-t-il justifié pour traiter des difficultés sociales, de vieillissement, de handicap ? Le débat s'est concentré sur ce dernier thème. Alors que dans tous les secteurs s'impose une prise en charge de plus en plus individualisée, on peut craindre que l'évolution vers une notion globale du handicap, quelle qu'en soit l'origine, gomme les spécificités.

Ainsi nous avons constaté que l'extension des dispositions du 30 juin 1975 aux personnes âgées n'était pas adaptée aux particularités de la dépendance. La mise en _uvre de la PSD a mis fin à l'intervention des COTOREP pour évaluer la dépendance et la loi de 1997 a conduit au remplacement de l'ACTP par une PSD plus adaptée.

Ce texte est essentiellement technique et réglementaire. Il est loin de satisfaire les attentes des associations et des services concernés comme les DDASS. Le Gouvernement l'a bien compris puisque vous venez d'annoncer la réactualisation de la loi d'orientation pour les personnes handicapées. Il nous manque en effet une vision globale et cohérente.

S'agissant des personnes handicapées, nous avons traité de l'accueil familial lors du débat sur la loi de modernisation sociale alors que ces dispositions auraient pu trouver leur place dans une loi globale. Par contre, au cours de ce débat, nous n'aborderons pas la question majeure de l'orientation des handicapés par les COTOREP. N'aurait-il pas mieux valu inscrire dans une loi d'orientation en faveur des personnes handicapées l'ensemble des droits des personnes ?

Le fonctionnement des COTOREP n'est pas satisfaisant, comme l'a souligné le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle. Il faudrait les rénover et clarifier au niveau national des règles d'attribution de certaines aides qui donnent lieu à des interprétations locales.

Une loi d'orientation permettrait en outre de mieux impliquer l'ensemble des ministères et des institutions, en particulier l'Education nationale, car malgré les avancées du plan Handiscol, l'école est encore loin de remplir toute sa mission d'accueil. Le financement des auxiliaires d'intégration est loin d'être assuré, une fois épuisées les facilités du dispositif emplois-jeunes qu'il faudrait donc pérenniser.

S'agissant des personnes âgées, il faut de même coordonner des prises en charge diversifiées et complémentaires. La nouvelle prestation d'aide personnalisée à l'autonomie devrait s'inscrire dans un ensemble cohérent et une loi d'orientation ne serait pas inutile pour harmoniser l'ensemble. En effet comment mettre en _uvre cette APA sans aborder la réforme de la tarification pour les établissements d'accueil ou les difficultés des associations d'aide à domicile ?

Or votre projet reste imprécis sur leur reconnaissance, en particulier pour ce qui concerne les autorisations et la tarification de leurs prestations pour lequel il faut rompre avec le tarif unique. Leurs personnels, qui accomplissent un travail remarquable, sont en situation précaire et mal payés. Il paraît urgent d'accorder une vraie reconnaissance aux associations dans le cadre d'une loi d'orientation sur les personnes âgées.

Enfin, concernant le secteur de l'Aide sociale à l'enfance, il faut repenser l'accueil et en particulier la prise en charge des mineurs délinquants particulièrement violents dans les départements en liaison avec les services de la PJJ.

Nous ne nous opposerons pas à ce toilettage minimal, tout en regrettant que vous ne nous ayez pas présenté une loi-cadre reconnaissant pleinement le rôle des associations qui ont été à l'origine de tous les progrès, de toutes les innovations et participent activement à la démocratie locale. J'aurais souhaité qu'on développe avec elles un partenariat confiant par une contractualisation annuelle.

Je me réjouis que nous abordions le débat avec une sérénité qui permettra de progresser (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Pascal Terrasse - Le Premier ministre l'affirmait récemment devant les responsables d'associations de handicapés : Il faut réformer la loi de 1975.

La refonte de la loi de 1975 s'inscrit, comme l'a rappelé Mme la Ministre, dans une politique globale et cohérente de lutte contre toutes les formes d'exclusion, qui se traduira également, dans les mois qui viennent, par la réforme de la prestation-dépendance et par la loi d'orientation sur le handicap.

Le vieillissement de la population touche également les personnes handicapées et celles qui sont aux frontières de l'exclusion. Nous retrouvons là la triple dimension du secteur social et médico-social, hétérogène tant par le champ qu'il couvre que par le statut des personnes et des institutions qui y interviennent : établissements publics, organismes mutualistes, associations... C'est pourquoi les consultations préalables ont été si nombreuses, ainsi qu'en témoignent le rapport de l'IGAS, celui du Conseil économique et social, celui de Mme Guinchard-Kunstler et le mien, auquel ont contribué, d'ailleurs, la plupart de nos collègues ici présents.

Si, sur des questions telles que la promotion des droits des usagers, la nécessité d'une politique de programmation, ou encore le besoin d'une coordination digne de ce nom, la réflexion a abouti, des interrogations demeurent sur nombre de points : la tarification à la personne, l'accueil temporaire ou séquentiel, la prise en considération des maladies orphelines, l'insuffisance de nos connaissances statistiques, le problème des handicapés vieillissants, celui de la maltraitance - dont la prévention passe par une évaluation plus systématique des établissements, que seuls refusent ceux qui ont quelque chose à cacher - ou celui du statut des personnels des lieux de vie - dont l'intégration dans la présente loi est une bonne chose au demeurant.

Voici près de quinze ans, Joseph Franceschi, alors secrétaire d'Etat, avait transposé au secteur médico-social le processus de la décentralisation, remplaçant la tutelle par la contractualisation. Prenons garde que le principe de l'approbation ne revienne pas à rétablir une forme de tutelle, et conservons au système sa souplesse, qui seule permet de responsabiliser les associations. Quant à l'avenant 265 de la convention de 1966, relatif aux chefs d'établissements du secteur associatif, pourquoi ne pas l'étendre au secteur public ?

Ce texte, porteur d'espoirs et de progrès, constituera une référence pour les dix à quinze ans qui viennent, tant les choses évoluent vite dans ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Colombier - Cela fait de nombreuses années que nous attendions tous la révision de la loi de 1975, qui n'est plus adaptée aux nouvelles situations de fragilité sociale, et ce sentiment d'impatience explique pour une large part l'esprit constructif qui a présidé aux travaux de la commission. Les nombreux amendements qu'elle a adoptés, parfois à l'initiative de membres du groupe DL, ont amélioré le texte, y compris, de l'avis même du Rapporteur, sur certains points sensibles.

La réforme reste néanmoins décevante, car trop rigide, bureaucratique et centralisatrice. Le renforcement du cadre juridique et financier aura pour effet de freiner les initiatives des associations, qu'il est pourtant question de promouvoir. L'acquis de vingt années de décentralisation, au terme desquelles les départements financent 40 % des dépenses, est négligé. Quant aux droits des bénéficiaires et de leurs familles, ils sont insuffisamment affirmés, contrairement à l'objectif affiché - mais je souhaite, bien sûr, que l'on me convainque qu'il n'en est rien.

Les dispositions relatives aux autorisations de création, aux habilitations financières, aux règles de tarification, sont à revoir, afin d'établir une régulation équilibrée, fondée sur les besoins sociaux, les coûts réels et les moyens disponibles, car l'expérience montre qu'une logique purement comptable ne fonctionne pas.

L'article premier reconnaît, certes, l'apport du monde associatif, mais quid de leurs responsabilités, de leur capacité d'initiative ? Le Gouvernement manque ainsi une belle occasion de célébrer le centenaire de la loi de 1901 ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) C'est d'autant plus regrettable que le secteur associatif est, dans bien des cas, seul à même de faire face à l'émergence de demandes sociales nouvelles.

Ce qui est en jeu, c'est aussi, et surtout, le bien-être et la sécurité des personnes, auxquelles le projet fait finalement peu de place (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). L'affirmation de leurs droits à l'intérieur des établissements est naturellement un progrès, mais le renforcement des mécanismes de régulation traduit davantage la volonté d'accroître le rôle de la tutelle.

Réforme de la prestation d'autonomie, programme quinquennal de médicalisation des établissements pour personnes âgées, développement des soins infirmiers à domicile : force est de constater que le Gouvernement multiplie les effets d'annonce, tandis que, sur le terrain, les problèmes attendent toujours leur solution. Il y a douze mois, le Premier ministre avait annoncé un plan pluriannuel de 2,5 milliards pour le développement des services aux handicapés. Pourquoi ne pas en avoir profité pour intégrer la question des handicapés dans une approche globale et cohérente de l'action sociale et médico-sociale ?

Je me réjouis que le projet sur la prestation d'autonomie soit sur le point d'être déposé en vue de sa discussion au lendemain des élections municipales, et que la réforme de la « deuxième loi » de 1975 soit annoncée pour bientôt, et j'espère que les problèmes des COTOREP y seront abordés, mais je déplore l'émiettement des textes, qui empêche toute vision globale. J'adhère, en revanche, à la volonté de simplification et de lisibilité exprimée par le président de la commission, comme je fais mien son souhait que les décrets d'application soient pris rapidement.

Puisse le Gouvernement tenir compte de ces observations, qui portent sur un texte concernant près de 25 000 institutions, quelque 400 000 professionnels et plus d'un million d'usagers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Yvon Abiven - Je me réjouis que notre Assemblée examine enfin ce projet rénovant l'action sociale et médico-sociale. C'est un pas important vers une société plus juste et plus solidaire, et c'est aussi la reconnaissance de l'engagement et du travail accompli par de nombreuses associations, dont le rôle est primordial. Les fédérations de parents et les unions nationales ont d'ailleurs été largement associées à l'élaboration du texte. Elles ont obtenu, aussi, l'affirmation des droits des personnes handicapées, citoyens à part entière.

Les mentalités évoluent lentement, si bien que l'intégration des handicapés reste un défi à relever. Le handicap est d'abord ressenti comme un choc par les familles, qui se constituent en associations pour échapper à l'isolement, à l'exclusion. Depuis un demi-siècle, les associations familiales bataillent pour faire reconnaître des valeurs que personne ne devrait oublier, au premier rang desquelles la citoyenneté des handicapés. D'autres se sont faites gestionnaires : ainsi de l'association finistérienne des Genêts d'or qui, depuis quarante ans, n'a cessé d'innover pour proposer aux handicapés des solutions d'hébergement adaptées à leur état. Elle accueille aujourd'hui 1 350 personnes, et emploie à elle seule près de 1 000 salariés sur trente sites.

Dans le Finistère, 80 % des handicapés sont accueillis dans des établissements gérés par des associations, « vigies collectives » auprès des plus faibles d'entre nous.

Le texte qui nous est proposé innove incontestablement en ce qu'il affirme les droits des usagers. Mais différentes institutions associatives avaient pris l'initiative de rédiger des chartes, à l'élaboration desquelles ont été associés les handicapés et leurs familles. Comment cet important travail sera-t-il pris en compte par la loi ?

Plus généralement, les associations considèrent que leur rôle doit être explicitement reconnu. Elles ont, il est vrai, largement démontré leur rôle précurseur dans un secteur particulièrement sensible aux changements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Bernard Accoyer - S'il fallait centrer la solidarité nationale sur l'essentiel, qui n'accorderait la priorité à l'aide aux personnes handicapées ?

Pourtant, avant les deux lois du 30 juin 1975, et depuis lors, trop peu de textes ont servi cette cause qui nous réunit tous.

Parce que les personnes handicapées ne peuvent se défendre elles-mêmes et parce que leurs familles, accaparées par la charge que constitue le handicap ne peuvent s'investir dans la vie publique, nous devons sans cesse penser à aller vers les handicapés, leurs familles et les associations qui militent pour l'égalité des droits entre les êtres humains, quel que soit leur état physique ou mental.

Ainsi, Madame le ministre, même si le projet que vous présentez n'est pas assez audacieux et n'apporte pas de moyens supplémentaires, il a le mérite d'exister.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je prends cela pour un compliment.

M. Bernard Accoyer - Les lois du 30 juin 1975 ont été voulues par Jacques Chirac, alors Premier ministre, puisque le Président de la République a toujours été particulièrement attentif à tout ce qui concerne les personnes handicapées. Quant au projet qui nous est présenté aujourd'hui, il se limite à une série de modifications, dont certaines sont des améliorations indéniables mais qui, pour d'autres, sont discutables. Parler de « rénovation » semble donc bien excessif.

Au nombre des améliorations, on comptera le dispositif d'évaluation des besoins et de la réponse qui leur est apportée. Il était devenu indispensable de recenser pour, on l'espère, les corriger, les différences injustifiées de capacités d'accueil entre régions et entre départements. La Haute-Savoie -dont je suis l'élu- étant l'un des départements les moins bien équipés, j'espère que ce texte, enrichi par nos travaux, sera appliqué rapidement. Mais quand on connaît l'état de crise dans lequel se trouve votre ministère, l'inquiétude est permise.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ne confondez pas les services !

M. Bernard Accoyer - Il y a un an, le Premier ministre présentait un plan d'action. Douze mois plus tard, aucun des seize départements pilotes n'est prêt à le faire entrer en application. Vous comprendrez mon inquiétude !

Il y a un an aussi, le Gouvernement annonçait le plan « handiscol », mais les lenteurs de l'administration et les tentatives de l'éducation nationale de faire supporter aux collectivités locales, sans que cela ait été préalablement convenu, les frais de personnels d'accompagnement, ont considérablement atténué l'effet de décisions pourtant unanimement approuvées. Vous comprendrez, à nouveau, mon inquiétude.

La France accuse ainsi un très grand retard dans l'intégration scolaire des enfants handicapés et dans leur intégration professionnelle.

Cela ne peut plus durer.

Comment peut-on accepter que le non-respect du plancher de 6 % de travailleurs handicapés soit sanctionné lorsqu'il est le fait d'entreprises privées, et qu'il ne le soit pas lorsqu'il est le fait d'administrations, et collectivités publiques ?

J'ai souhaité réparer cette anomalie en déposant le 1er décembre 1999 une proposition de loi, avec 111 de mes collègues. Les administrations publiques ne doivent-elles pas donner l'exemple de la solidarité ?

J'espère que, cette fois, ma proposition recueillera votre assentiment.

Certes, les associations dont l'objet est l'aide aux personnes handicapées ont fait, et continuent de faire un travail remarquable de dévouement.

Mais la nation doit faire davantage, et mieux partager les responsabilités morales et matérielles. La place prééminente occupée par le secteur associatif, dans l'accueil des handicapés, doit conduire à un encouragement sans réserve. C'est pourquoi certaines dispositions méritent d'être revues. Je pense, en particulier, aux demandes d'autorisation, auxquelles l'absence de réponse de l'administration vaudrait refus. Cela n'est pas acceptable.

Il reste, aussi, à régler la question cruciale de l'accueil des personnes handicapées vieillissantes pour répondre à l'inquiétude des parents. Dans ce domaine, les lacunes de la solidarité nationale sont immenses. Deux événements récents ont permis d'en mesurer l'étendue.

Le premier a été un événement assurantiel touchant ce risque -le fait d'employer le terme « risque » est en soi une discrimination inadmissible. Un accord a pu être trouvé, mais cet incident souligne l'absence de prise en compte adaptée de la personne handicapée vieillissante.

Quant au douloureux épisode de l'arrêt Perruche, indemnisant un handicapé du fait de sa naissance, il peut s'expliquer, aussi, par la volonté de compenser l'absence de prise en charge suffisante des handicapés vieillissants, plus nombreux à mesure que la médecine progresse. Avec nos collègues du groupe d'études parlementaire sur les handicapés, présidé avec une grande hauteur de vues par Roselyne Bachelot, nous avons entendu le bureau du collectif contre l'handiphobie. Cette audition a renforcé notre conviction : il faut combler le vide juridique qui a pu conduire à l'arrêt Perruche.

J'avais déposé un amendement en ce sens dans le projet de loi de modernisation sociale, comme Jean-François Mattei. Le président de la commission des affaires sociales et le Gouvernement n'ont malheureusement pas été convaincus.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées ! Quelle désinformation !

M. Bernard Accoyer - Nous avons à nouveau déposé cet amendement, dont nous espérons qu'il trouvera, cette fois, une attention bienveillante.

Mme la Présidente - Il vous faut conclure.

M. Bernard Accoyer - Certes ce projet devrait aller beaucoup plus loin, et apporter davantage de moyens pour améliorer l'intégration des handicapés.

Cependant il n'est pas question pour moi de ne pas voter un texte qui, encore que trop timidement, va dans le bon sens. J'espère que le Gouvernement acceptera nos amendements, destinés à renforcer la solidarité envers les handicapés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Jacqueline Lazard - Les personnes handicapées rencontrent trop de difficulté à accéder aux établissements spécialisés. Nous sommes nombreux à être interrogés sur le manque de places au sein de certaines structures relevant de l'action sociale et médico-sociale.

Les professionnels, les militants associatifs, les familles nous alertent sur une réalité cruelle : quel est l'avenir de ces enfants et de ces adultes exclus de tout soutien assuré par des professionnels ? Face aux besoins, le déficit de l'offre médico-sociale demeure élevé. L'enfance handicapée subit une longue injustice, ces jeunes ne pouvent accéder au système d'éducation qui leur est dû.

Vous réaffirmez, dans le texte, l'exigence de prestations adaptées et de qualité. De fait le premier des droits des handicapés est celui d'être accueillis dans un établissement en mesure de répondre à leurs difficultés. Sans doute le programme pluriannuel de création de places annoncé par le Gouvernement est-il largement salué. Mais il ne soulage que progressivement l'entourage des handicapés. De plus, l'allongement de la durée de vie des personnes accueillies dans des établissements spécialisés accroît les difficultés de prise en charge.

Je souhaite donc que l'examen de ce texte s'accompagne d'une prise en compte rapide des besoins recensés, qui recouvrent souffrances et isolement.

Le projet portant à la fois sur les handicapés, les personnes âgées et celles en difficulté, il conviendrait de mieux marquer l'interministérialité de l'action sociale et médico-sociale. La vie quotidienne de ces personnes ne se limite heureusement pas à l'univers des institutions spécialisées, qui doivent être partie prenante des domaines de l'éducation, de la culture, de la santé, des loisirs ou des transports. Les personnes âgées, handicapées ou en difficulté attendent que nous affirmions que l'intégration ne se divise pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UDF).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - En 1975, deux lois ont été adoptées, la première d'orientation, la seconde organisant l'accueil des personnes handicapées. Il s'agit aujourd'hui de refondre la deuxième loi. ; mais il est clair que nous avons aussi à retravailler la première. En effet, depuis 1975, tout a évolué. La parole du handicapé est désormais écoutée pour elle-même. Du regard posé sur l'incapable, la société est passée à une démarche d'intégration et d'accès à l'épanouissement personnel de chacun, quelles que soient ses difficultés. Un grand progrès d'humanité a été ainsi réalisé dans les dernières décennies du XXe siècle.

Le maintien à domicile des handicapés est l'objet d'une demande croissante. Les services à domicile, de mieux en mieux organisés, demeurent cependant insuffisants, malgré tous vos efforts, Madame la ministre. Les personnes âgées dépendantes souhaitent, elles aussi, et vivement, demeurer chez elles. Les associations tentent de répondre au mieux à leurs besoins. Votre projet reconnaît officiellement la place des services de maintien à domicile dans le champ des institutions médico-sociales. Voilà un grand progrès. Nous devrons veiller à l'implantation réelle, effective sur le terrain, de dispositifs efficaces et professionnalisés au service des vieilles personnes, et des handicapés.

La proposition de décret relatif à l'évolution des SSIAD et des associations d'aide ménagère vers des services polyvalents de maintien à domicile va dans le bon sens. Il faudra également renforcer la professionnalisation des auxiliaires de vie et des aides à domicile, et parvenir à ce que les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes et les infirmières prennent toute leur place dans le maintien à domicile. L'accueil temporaire relève de la même démarche.

La loi ne doit pas conduire à séparer les services d'aide à domicile selon qu'ils concernent les handicapés adultes ou les personnes âgées. De fait, sur le terrain, les SSIAD interviennent bien souvent dans les deux domaines. Je pense à une initiative très intéressante en cours dans le pays nivernais.

Les dispositions du projet relatives à la coordination entre établissements permettront, canton par canton, de répondre de façon cohérente à l'ensemble des besoins. Si tous les acteurs du handicap savent bien utiliser les ressources de l'article 14, le maintien à domicile y gagnera grandement.

Par ailleurs, pourquoi conserver cette barrière des 60 ans, qui fait obstacle à une meilleure prise en charge des vieilles personnes ? Le champ du handicap a donné naissance à des métiers très importants, et l'AMP réalise un travail en profondeur. Le rapprochement entre le domaine des handicapés adultes et celui des personnes âgées dépendantes est source d'enrichissement et de force.

Certaines associations utilisent la formule « Handicapé un jour, handicapé toujours. » C'est vrai. Mais ce handicap affecte toute la vie quel que soit l'âge auquel il survient, que ce soit à la naissance ou à 80 ans.

Mon propos, je le sais, aura davantage sa place dans la discussion du projet de loi d'orientation ou sur l'APA, mais il me paraissait utile d'ouvrir le débat.

Au total, je trouve que votre texte est bon, car il accompagne le vrai travail réalisé en faveur de l'intégration des handicapés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Secrétaire d'Etat - Je ne puis que me réjouir de la tonalité de ce débat et de la qualité de vos observations : nul doute que nous n'améliorions encore ce texte. Je sais d'ailleurs que vos amendements sont nombreux et je suis toute disposée à les accueillir favorablement dès lors qu'ils ne dénatureront pas ce projet. Je renouvelle simplement mon appel à ne pas ouvrir par anticipation le débat sur la loi d'orientation : vous pouvez être assurés qu'il sera lui aussi fructueux, mais la méthode demande que nous l'abordions en son temps. Certains se sont inquiétés de la place des associations : l'objet de cette loi n'est pas de statuer sur les problèmes internes du monde associatif ni sur ses modalités de regroupement ou de fonctionnement, il ne s'agit que de rénover l'organisation de l'aide et de la protection que nous devons aux personnes vulnérables.

Je me félicite que personne n'ait remis en cause l'économie générale de ce texte, même si certains ont manifesté quelques réticences ou déploré un manque d'ambition politique. A ceux-là, je ferai observer que, si la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales a permis un formidable bond en avant, elle n'a autorisé que des réponses institutionnelles en négligeant bien des aspirations nouvelles. M. Jacques Barrot a donc lancé cette révision en 1996 et aujourd'hui, c'est à moi qu'il revient de mettre le point final, mais Mme Bachelot a eu raison de remarquer que nous sommes tout un club à avoir participé à ce travail sur une loi réellement fondatrice. En ce qui me concerne, d'ailleurs, j'ai commencé comme députée et je dois avouer que j'en ai gardé certains réflexes lorsqu'il s'est agi de diriger la rédaction du projet. C'est ainsi que j'ai poussé à la simplification.

Je glisserai sur quelques remarques acerbes que j'avais préparées...

M. François Goulard - Auriez-vous peur de la riposte ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Puisque vous le prenez ainsi, je dirai simplement, à l'adresse de ceux qui ont jugé le texte assez médiocre et estimé que seul le travail des parlementaires pouvait le rendre acceptable, que nous avons tous travaillé les uns autant que les autres à atteindre les objectifs fixés.

Le Président Le Garrec et le rapporteur ont souhaité une publication rapide des décrets d'application : qu'ils se rassurent, je suivrai sur ce point la méthode apprise auprès de Mme Aubry. Les principaux décrets devraient être publiés d'ici à la fin de l'année, j'en prends l'engagement ferme.

Quant à la révision de la loi d'orientation, même si elle n'exigera pas cinq ans comme celle-ci, elle demandera du temps. Un comité de pilotage interministériel sera mis en place au printemps et remettra un rapport d'étape d'ici à la fin de l'année ; je compte sur vous pour organiser des colloques afin de recueillir tous avis utiles. Dans ces conditions, le texte pourrait être rédigé pour le premier semestre de 2002.

A chaque réunion du conseil consultatif des personnes handicapées, le Gouvernement fait des promesses, a dit M. Chossy. Certes, mais ces promesses, il les tient ! Le Premier ministre avait annoncé le 25 janvier 2000 ce projet de loi de révision : le voici !

M. Edouard Landrain - Il a fallu cinq ans !

Mme la Secrétaire d'Etat - Une fois la décision politique prise, nous avons fait la synthèse des travaux en quelques mois et j'ai présenté ce texte au conseil des ministres en juillet dernier. Nous le discutons aujourd'hui ! Et il en ira de même des engagements pris lors du dernier conseil consultatif... Quant au plan triennal, doté de 2,5 milliards, il sera appliqué dès cette année comme prévu, ce qui témoigne bien de notre volonté de répondre effectivement aux aspirations des handicapés.

Merci, Monsieur Pontier, d'avoir approuvé la philosophie de ce projet. Les foyers de jeunes travailleurs trouveront place dans cette loi à la faveur d'un amendement que j'accepterai. Pour ce qui est de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées, la réforme est en cours : le décret la simplifiant est actuellement au Conseil d'Etat. Enfin, le plan quinquennal de création de places destinées aux adultes handicapés devrait à la fois permettre de résorber le dispositif dit « amendement Creton » et de répondre aux besoins des départements mal équipés.

MM. Pontier et Chossy ont souhaité que les schémas d'organisation soient élaborés en tenant compte des besoins de la population. Il en sera bien ainsi : aux termes de l'article 12, ces schémas apprécieront « la nature, le niveau et l'évolution des besoins sociaux et médico-sociaux de la population » du département concerné. En outre l'article 20 dispose que les autorisations seront accordées en fonction de leur compatibilité avec ce schéma, élaboré dans la concertation et en toute transparence. La loi permettra donc un bilan qualitatif et quantitatif de l'existant en même temps qu'une évolution soigneusement étudiée de l'offre -ainsi devraient disparaître les « zones grises » dénoncées par Mme Bachelot. Vous n'avez donc pas à redouter un encadrement financier trop strict, ni une maîtrise comptable rigide.

Monsieur Perrut, l'évolution de l'accueil familial a été organisée par le projet de modernisation sociale ; les institutions sociales font l'objet du présent projet, l'allocation pour l'autonomie sera discutée au printemps et nous allons ouvrir le chantier de la loi d'orientation : tout le champ médico-social sera ainsi couvert - sans recourir à une grande loi-cadre qui n'aurait pu être votée avant longtemps, sans doute.

Le plan Handiscole a par ailleurs fait l'objet d'une circulaire d'application que j'ai signée avec Mme Royal en novembre 1999 et que je m'emploie à appliquer de concert avec M. Lang. Il est vrai toutefois que les deux ministères n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble et que cette application dépend aussi beaucoup des personnalités locales et de leur compréhension de la politique nationale. Mais, le 8 novembre, nous avons réuni les inspecteurs d'académie et les DDMSS pour relancer le mouvement et nous restons très vigilants. Après les CLI, les unités pédagogiques pour l'intégration se mettent maintenant en place dans le secondaire.

Vous avez enfin introduit par voie d'amendements dans la loi de modernisation sociale la création de comités départementaux consultatifs pour les personnes handicapées qui faciliteront la concertation et l'évaluation des mesures les plus novatrices.

Nombre d'entre vous ont évoqué les dysfonctionnements des COTOREP : nous disposons à ce sujet d'informations précises -notamment grâce aux travaux de la MEC- et nous sommes déterminés à y remédier. La revalorisation des vacations servies aux médecins conseils des commissions devrait d'ores et déjà permettre d'améliorer leur fonctionnement.

Mme Mignon s'est inquiétée de l'emploi du terme « bonnes pratiques » et je souhaite à cet égard la rassurer. Cette expression désormais répandue n'est pas connotée et elle vise seulement à formaliser la démarche d'évaluation.

Je partage au plus haut point la préoccupation exprimée par plusieurs d'entre vous de lutter contre la maltraitance des personnes accueillies dans les institutions et je souhaite à ce titre que les dispositifs d'alerte et de signalement y soient renforcés. La vigilance ne doit pas se relâcher et le programme d'inspection que j'ai lancé concerne plus de deux mille établissements au sein desquels les pratiques professionnelles seront strictement évaluées.

Mme Bachelot a rappelé l'esprit de la loi, ses acquis et ses insuffisances. Je ne doute pas que l'esprit de coopération dont elle a témoigné continuera d'inspirer nos travaux.

A M. Carvalho qui s'est inquiété de l'instauration d'une maîtrise comptable des dépenses sociales et médico-sociales, j'objecterai que la progression des dépenses fixée à 5,6 % pour 2001 ne traduit pas une volonté de restriction !

M. Bur a évoqué le problème de la délinquance des mineurs : le Premier ministre a réuni hier un Conseil de sécurité intérieure, plusieurs décisions ont été prises. Dans mon domaine de compétence, nous avons procédé dès cette année à l'appréciation des moyens dévolus aux intersecteurs de pédopsychiatrie en mobilisant à cet effet près de 130 millions afin d'améliorer la prise en charge des adolescents psychotiques ou violents. Les centres de placement immédiat et les centres d'éducation renforcée entrent dans le champ du présent projet : nous aurons donc l'occasion d'y revenir.

M. Abiven a eu raison de parler de souplesse et d'innovation. Il est essentiel de garder un rôle de vigie pour profiter des méthodes d'intervention les plus avancées. Pour autant, l'innovation ne doit pas profiter qu'à ceux qui en ont les moyens et nous devons nous efforcer de réduire les inégalités qui persistent entre les régions. Entre souplesse et programmation, nous sommes résolus à trouver l'équilibre nécessaire.

Les quelques appréciations légèrement positives qu'a bien voulu formuler M. Accoyer me sont allées droit au c_ur car je connais son sens critique... Mmes et MM. les députés de l'opposition voudront bien lui dire à quel point j'en ai été touchée ! (Sourires).

Enfin, le propos conclusif de Mme Guinchard-Kunstler a donné à ce débat la note poétique qui lui faisait défaut et nous ne pouvons qu'espérer que, l'âge venu, nous profiterons du surcroît de prévenance qu'elle appelle de ses v_ux.

L'amélioration de la prise en charge des personnes les plus vulnérables constitue un enjeu de société auquel nous sommes tenus de répondre, en mutualisant les expériences et en nous efforçant de porter un nouveau regard sur celui qui est différent. Si nous y parvenions, nous ferions un grand pas et je suis convaincue que ce projet y participe. En l'adoptant, nous progresserons de manière significative dans la solidarité vis-à-vis de nos frères et de nos s_urs en situation de handicap.

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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