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Session ordinaire de 2000-2001 - 63ème jour de séance, 146ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 3 AVRIL 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

ÉLECTIONS DE DÉPUTÉS 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS EN VUE DE DÉLOCALISATIONS 2

GRÈVE À LA SNCF 3

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ DANONE 4

GRÈVE À LA SNCF 4

MORATOIRE SUR LES LICENCIEMENTS 5

GRÈVE À LA SNCF 6

LOGEMENT SOCIAL 7

SAGES-FEMMES 8

SITUATION DE SAIRGROUPE 8

CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES
DE 2008 9

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT 10

EXPIRATION DES POUVOIRS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
(Nouvelle lecture) 11

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 14

QUESTION PRÉALABLE 16

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 34

La séance est ouverte à quinze heures.

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ÉLECTIONS DE DÉPUTÉS

M. le Président - Je souhaite la bienvenue à notre nouveau collègue, Bernard Brochand, élu député des Alpes-Maritimes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je salue également la présence de notre collègue Dominique Strauss-Kahn, réélu député du Val-d'Oise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), et celle de notre collègue Philippe Douste-Blazy, qui siégera désormais comme député de la Haute-Garonne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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SUPPRESSIONS D'EMPLOIS EN VUE DE DÉLOCALISATIONS

M. Bernard Charles - L'inventaire est spectaculaire : après les annonces faites par Danone et Marks et Spencer, on sait que d'autres licenciements en nombre se profilent dans de nombreux secteurs tels que l'aéronautique, l'informatique, la téléphonie, l'électroménager... C'est ainsi, en particulier, que les sites de Cahors et de Vire de l'entreprise Valeo-Silea devraient être fermés, et l'activité délocalisée.

Un député RPR - 35 heures !

M. Bernard Charles - Le scénario est classique, mais les conséquences seront terribles pour l'économie des deux départements concernés. Indéniablement, la multiplication des plans sociaux jette un voile sur l'embellie de la croissance retrouvée. Mais, dans les cas cités, la chose est d'autant moins acceptable que les carnets de commandes sont pleins et que les heures supplémentaires ne cessent pas. Une fois encore, les salariés sont sacrifiés en faveur des actionnaires. Je rappelle, à cet égard, que l'action a augmenté de 14 % depuis le début de l'année.

C'est le moment choisi par le patronat pour attaquer de front le droit du travail en proposant de remplacer la loi par le contrat pour régler les relations dans l'entreprise. Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire, Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, de quelles informations vous disposez sur l'avenir des sites Valeo-Silea et, plus largement, quelles nouvelles dispositions le Gouvernement entend mettre en _uvre, notamment lors de la nouvelle lecture de la loi de modernisation sociale, pour empêcher de telles dérives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les établissements Silea de Cahors et de Vire ont été récemment intégrés par Valeo par le rachat de Laginal. Entreprise de taille mondiale aux prises à une très vive concurrence, l'équipementier Valeo se doit d'assumer l'ensemble de ses responsabilités, tant à l'égard de ses salariés que des territoires et des élus, et le Gouvernement sera d'une très ferme vigilance.

A ce jour, le groupe n'a pris aucune décision officielle concernant les deux établissements auxquels vous avez fait allusion : ni désengagement ni fermeture n'ont été évoqués publiquement. Le Gouvernement estimerait inconcevable qu'une concertation approfondie n'ait pas lieu avec les salariés mais aussi avec les élus, sur la stratégie future des groupes. Le Gouvernement sera particulièrement exigeant à cet égard, comme il l'a toujours été (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). De nouvelles mesures de prévention et d'accompagnement figureront dans le projet de modernisation sociale que votre Assemblée examinera sous peu en nouvelle lecture. Dans l'intervalle, je vous recevrai Monsieur Charles, ainsi que M. Tourret, député du Calvados et, si nécessaire les représentants du personnel des établissements considérés, afin d'assurer par une mobilisation déterminée la permanence de sites d'équipement automobile en France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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GRÈVE À LA SNCF

M. Dominique Bussereau - La grève à la SNCF se prolonge, sans que l'on sache quand elle prendra fin, et elle a des conséquences inacceptables. Les clients de l'entreprise publique, qu'ils le soient par choix ou qu'ils soient clients captifs, sont sous-informés, ballottés et malheureux et beaucoup délaisseront les transports collectifs dès qu'ils le pourront, alors même que le Gouvernement dit privilégier le transport ferroviaire pour favoriser le développement durable.

Les régions ne sont pas mieux traitées. Certaines, déjà fort mécontentes des conditions dans lesquelles devrait s'exercer ce transfert des transports ferroviaires prévu par la loi SRU, envisagent à présent d'en demander le report d'un an. Comment pourrait-il en être autrement, alors que le Gouvernement a refusé le service minimum que l'opposition demandait ?

Enfin, sait-on que, pour la première fois dans l'histoire de la SNCF, tous les trains de fret sont arrêtés. C'est l'ensemble du transport ferroviaire de marchandises qui est ainsi remis en cause et, avec lui, le ferroutage.

Les trois groupes de l'opposition vous demandent donc, Monsieur le ministre des transports, comment le Gouvernement entend prendre ses responsabilités pour faire respecter les intérêts des Français, de la SNCF et de la nation ?

M. le Président - La parole est à Mme Demessine (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - M. Gayssot, retenu à Berlin pour un échange de vues avec son homologue allemand, à quelques jours du Conseil européen, m'a demandé de vous répondre à sa place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Chacun sait que le nombre de jours de grève a considérablement diminué à la SNCF et dans les transports publics depuis juin 1997 (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ...et que la SNCF a été remise sur les rails du développement (Mêmes mouvements)... et regagne des parts de marché, qu'il s'agisse des transports de voyageurs ou du transport de marchandises. C'est aussi la seule entreprise ferroviaire en Europe qui crée des emplois tout en appliquant la réduction du temps de travail. Ainsi, 25 000 embauches sont prévues en trois ans, contre un peu plus de 19 000 départs naturels, aux termes d'un accord conclu avec les syndicats représentatifs de la majorité des cheminots. Quelle différence avec les 87 000 suppressions d'emplois réalisées entre 1985 et 1997 ! (Mêmes mouvements)

Le Gouvernement n'ignore rien des problèmes que suscitent les grèves dans les transports publics. Mais la solution réside dans la qualité du dialogue social -et, en aucune façon, dans l'institution d'un service minimum dont chacun sait qu'il est parfaitement illusoire (Huées sur les mêmes bancs).

En ce qui concerne plus particulièrement le transport du fret, la SNCF s'est résolument engagée dans une politique de croissance qui succède à une longue période de déclin, notamment sous les gouvernements que vous avez soutenus, Monsieur le député (Vives protestations sur les mêmes bancs).

Les résultats sont probants avec un trafic voyageurs en augmentation de près de 20 % en quatre ans et un trafic fret qui a connu une hausse de 16 % pendant la même période.

Cet infléchissement de politique s'est accompagné de moyens fortement renforcés tant en terme d'emplois que de matériel. Ainsi, pour le fret, la SNCF est en train de passer commande de 600 locomotives, ce qui correspond au renouvellement de près du tiers du parc.

Il est vrai que, depuis jeudi, la situation s'est tendue du fait de mouvements sociaux. Dans ce contexte particulier, l'entreprise a pris diverses mesures visant à résorber les conséquences des grèves sur le transport de fret. En particulier, les suspensions de trafic décidées à partir de ce soir minuit ont été levées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Chers collègues de tous les bancs, recevriez-vous le courrier qui m'est adressé après les séances de questions au Gouvernement que votre comportement à tous s'assagirait, j'en suis certain.

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SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ DANONE

M. Gilles Cocquempot - Alors que la branche « biscuit » de Danone a vu son bénéfice croître de 7 % au cours de l'année écoulée, l'entreprise a confirmé les rumeurs de fermetures d'usines dont Le Monde avait fait état il y a plusieurs semaines déjà. Ainsi deux établissements seront rayés de la carte pour des raisons financières uniquement. C'est un nouvel exemple des conséquences sociales de la mondialisation économique. A Calais, 270 emplois disparaîtront qui, pour certains, concerneront des salariés employés depuis 30 ans dans la même usine.

La société Marks et Spencer a fait des annonces tout aussi brutales. L'amélioration de la situation de l'emploi est certaine ; cependant, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire cesser ces pratiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Bataille - Danone et la droite, même combat !

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Permettez-moi tout d'abord de dire aux salariés de Danone combien je suis triste et choquée de ce qui leur arrive. Chacun imagine aisément le désarroi dans lequel sont plongées des familles entières, certaines étant concernées par plusieurs licenciements. Il est intolérable que dans certains grands groupes de dimension mondiale la préoccupation de l'emploi passe après celle de la rentabilité financière.

Recevant les préfets du Pas-de-Calais et de l'Essonne, je leur ai demandé de veiller au respect scrupuleux du code du travail et de s'assurer qu'un véritable débat interne avait lieu au sein des entreprises concernées, notamment devant le comité d'entreprise, afin de démontrer la justification et d'expliquer les motifs de ces projets de restructuration (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Un tel débat doit être particulièrement approfondi car, s'agissant d'entreprises qui réalisent des bénéfices, il y aura lieu, si les projets de restructuration se confirment, de veiller au reclassement de tous les salariés et de leurs conjoints et à la réindustrialisation des sites. Le site de Calais, dans une région où le taux de chômage est déjà supérieur à la moyenne, doit faire l'objet d'une attention particulière mais ceux d'Evry et de Ris-Orangis ne sont pas moins durement touchés.

Dès lors, le projet de loi de modernisation sociale -que votre Assemblée a adopté en première lecture- tend à apporter des éléments de solution à ces situations en ce qu'il renforce les exigences du code du travail pour ce qui concerne la prévention des licenciements économiques ou la qualité du plan social. Il s'agit notamment de vérifier que les entreprises qui déposent un plan social s'engagent bien dans une démarche de réduction du volume des heures supplémentaires effectuées.

Pour autant, et pour dramatiques qu'elles soient, ces situations surgissent dans un contexte d'ensemble sensiblement amélioré puisque le taux de chômage vient, pour la première fois depuis bien longtemps, de passer sous la barre des 9 % de la population active (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Notre pays enregistre ainsi 27 000 chômeurs de moins depuis février, 406 000 depuis un an et 1 045 000 demandeurs d'emploi de moins aujourd'hui qu'en juin 1997. De même, les licenciements économiques ont diminué sur la même période de 40 % (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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GRÈVE À LA SNCF

M. Pierre Lasbordes - Nous ne pouvons, Monsieur le Premier ministre, nous satisfaire de la réponse pleine d'autosatisfaction qui vient de nous être adressée sur la situation de la SNCF et je gage que les usagers, notamment en Ile-de-France, seraient nombreux à partager notre position ! Nous attendons de vous une réponse de responsable politique. Pas de militant !

Qu'on en juge : depuis le 29 mars, les usagers sont une fois de plus pris en otage et une telle situation, que les revendications des cheminots soient fondées ou non, n'est pas tolérable. Et comment admettre que le dialogue social soit à ce point bloqué que le recours à la grève semble demeurer le seul moyen d'action ?

Au nom du service public, je vous demande donc, Monsieur le Premier ministre, quelles décisions vous entendez prendre pour que les usagers ne soient plus empêchés de se rendre à leur travail et qu'ils ne constituent plus la cible privilégiée d'une minorité de grévistes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement - Comme l'a indiqué ma collègue, M. Gayssot est retenu à Berlin par une réunion de travail avec l'ensemble de ses homologues européens, de telles rencontres n'étant du reste pas sans incidence pour l'avenir de la SNCF.

Depuis quatre ans, le Gouvernement s'attache à faire vivre un service public de qualité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour répondre aux mouvements de grève qui perturbent la vie des usagers, le dialogue social reste la meilleure voie...

Un député RPR - Une voie de garage !

Mme la Secrétaire d'Etat - Et il est de l'intérêt de tous que les droits sociaux soient préservés dans note pays.

Un député RPR - Prenez le train !

Mme la Secrétaire d'Etat - A ce titre, le service minimum constitue à nos yeux une fausse solution (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) car il n'entraînerait pas une hausse significative du trafic par rapport à ce qui est actuellement constaté en temps de grève et il serait de nature à porter atteinte -ce que nul ne peut souhaiter- à l'exercice du droit de grève dans notre pays. Il est par conséquent hautement préférable, et M. Gallois s'y emploie, d'approfondir encore le dialogue social et j'ai bon espoir que par cette voie, la grève s'éteigne rapidement et pour longtemps (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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MORATOIRE SUR LES LICENCIEMENTS

M. Maxime Gremetz - A Calais comme à Ris-Orangis ou à Chateau-Thierry, la colère et un sentiment de révolte l'emportent cependant qu'un groupe largement bénéficiaire annonce des fermetures de sites et des centaines de licenciements. Danone a en effet enregistré une progression de plus de 10 % de ses bénéfices et de 13 % des dividendes servis aux actionnaires.

Un député RPR - Merci la gauche caviar !

M. Maxime Gremetz - Fort de cet enrichissement, Danone a acheté huit usines en Allemagne, en Europe de l'Est et en Afrique du Nord. Mû cependant par la recherche forcenée de la rentabilité financière et du profit, dans un contexte de mondialisation capitaliste débridée, il annonce aujourd'hui des restructurations massives, à l'instar de Marks et Spencer, de Moulinex, de Whirpool et de bien d'autres.

Mais les salariés sont bien décidés à ne pas se laisser faire. Ainsi, une manifestation nationale aura lieu à Calais le 2 avril prochain pour appeler à un moratoire sur les licenciements qui mette fin à cette véritable hécatombe sociale.

Nous avions proposé l'instauration d'un tel moratoire dans le cadre du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques mais le groupe socialiste l'a repoussée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il n'est pourtant que temps d'interdire les licenciements abusifs et non fondés.

Allez-vous, Madame la ministre, agir pour tenir compte de ces revendications légitimes ou nous répondre, comme d'autres l'ont fait avant vous, que le Gouvernement est impuissant devant ce type de situations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Un député RPR - Vive la gauche plurielle !

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous exprimez, Monsieur le député, une nouvelle fois la préoccupation de l'Assemblée nationale toute entière face à une situation de détresse sociale qui affecte les salariés de Marks et Spencer, de Danone et d'autres entreprises. Le Premier ministre a du reste réagi dès samedi et j'ai demandé sans attendre une enquête pour vérifier que l'obligation d'information préalable du comité d'entreprise de Marks et Spencer avait bien été respectée. Nous avions en effet accueilli avec stupeur la décision brutale du groupe de cesser son activité dans notre pays.

Par ailleurs, deux textes importants interviendront dans les prochaines semaines, qu'il s'agisse du projet de loi de modernisation sociale que j'ai déjà évoqué ou de la directive européenne relative à l'information et à la consultation des travailleurs, élaborée à l'initiative de la Présidence française, et qui doit être portée à l'ordre du jour du conseil européen de juin prochain par la présidence suédoise. Une fois ce texte adopté, nul groupe européen ne pourra plus bafouer les droits des salariés.

Je vous informe enfin que je recevrai demain les représentants des salariés de Marks et Spencer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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GRÈVE À LA SNCF

M. Henri Plagnol - Monsieur le Premier ministre, je vous interrogerai pour la troisième fois, au nom des trois groupes de l'opposition (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) sur les conséquences de la grève à la SNCF. Il vous appartient en effet personnellement de démontrer aux usagers que vous n'êtes pas sourd à leurs légitimes préoccupations car les réponses que viennent de transmettre les secrétaires d'Etat au tourisme ou au logement confinent au mépris de ceux qui se trouvent aujourd'hui empêchés de se déplacer librement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La suffisance dont elles témoignent est du reste ahurissante : on nous dit en effet « Circulez ! Il n'y a rien à voir, la SNCF ne s'est jamais si bien portée » ou qu'il n'est pas nécessaire d'instaurer le service minimum. De tels discours ne sont pas dignes de responsables gouvernementaux : ils sont ceux de camarades frères des syndicalistes en grève !

La vérité, vous le savez, c'est que la SNCF détient le record absolu du déficit payé par le contribuable. Ces dernières années, vous avez encore créé des dizaines de milliers d'emplois - en vain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Quant à la réforme du régime des retraites, elle se fait toujours attendre. Mais surtout, nous sommes le seul pays d'Europe où les usagers soient ainsi pris en otages, alors que le service minimum fonctionne partout ailleurs, et que la RATP elle-même a su se doter d'une procédure d'alerte respectueuse des usagers. Prendrez-vous vos responsabilités pour faire revenir la SNCF à un fonctionnement normal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Les deux membres du Gouvernement qui se sont exprimés sur ce sujet sont secrétaires d'Etat auprès du ministre de l'équipement, des transports et du logement, aujourd'hui retenu par ses obligations européennes ; il était donc normal qu'ils le suppléent, et je déplore que vous fassiez preuve de mépris, pour reprendre votre propre terme, envers le rang de vos interlocuteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Oui, depuis 1997, sous l'égide de ce Gouvernement et dans le respect de l'autonomie de l'entreprise, on peut dire que la SNCF se porte bien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Elle a reconquis des parts de marché, concrétisant la politique de rééquilibrage menée par le Gouvernement en faveur des transports collectifs, du rail et du ferroutage. Contrairement à l'époque où elle était sous votre tutelle, elle ne réduit plus ses effectifs, mais embauche - comme d'ailleurs nombre d'autres entreprises, puisque plus d'un million et demi d'emplois ont été créés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Il y a, c'est vrai, plusieurs problèmes en discussion au sein de l'entreprise. S'agissant des effectifs, la tendance reste à l'embauche, et je ne doute pas que des anticipations soient possibles, même si la décision appartient à la direction générale. Quant aux rémunérations, qui relèvent également de la compétence de l'entreprise, le Gouvernement n'est pas un inconditionnel de la modération salariale, et je souhaite donc que la négociation permette des avancées. Enfin, s'il ne m'appartient pas non plus de trancher des projets de réorganisation en cours, je ne doute pas non plus, connaissant M. Gallois, qu'il saura les mener à bien par le dialogue social.

M. Jean Ueberschlag - Bref, vous ne servez à rien !

M. le Premier ministre - Enfin, j'observe que vous tentez de vous faire les porte-parole de l'opinion publique, mais celle-ci, lorsque se produisent des conflits sociaux, semblent généralement approuver les salariés qui y prennent part ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Aussi vous gardez-vous bien, quand vous êtes au pouvoir, de mettre en _uvre le service minimum que vous préconisez dans l'opposition : vous savez bien que ce n'est guère praticable et que cela provoquerait, en outre, une levée de boucliers. Nous préférons, pour notre part, en appeler à l'esprit de dialogue et de responsabilité de part et d'autre, afin qu'une solution soit trouvée au plus vite, dans l'intérêt des usagers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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LOGEMENT SOCIAL

M. Alain Cacheux - La construction de logements locatifs sociaux tourne au ralenti : moins de 45 000 réalisations cette année, soit 4 500 de moins que l'an dernier, alors que les crédits votés en auraient permis 70 000. Le 7 mars, Jean-Claude Gayssot et Louis Besson ont annoncé un plan de relance, qui comporte notamment l'amélioration du montage financier des opérations. Pouvez-vous, madame la Secrétaire d'Etat au logement, nous rappeler le contenu de ce plan et nous dire si l'on peut encore espérer des mesures complémentaires, qui permettraient d'associer l'Etat et les collectivités locales ou leurs groupements ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre, par ailleurs, en faveur de nos concitoyens qui habitent les quartiers d'habitat social, en proie, comme l'a montré le résultat des élections municipales, à la souffrance sociale, au recul de la citoyenneté et à la montée de l'insécurité vécue et ressentie ? Je me permets de suggérer deux pistes : prolonger en 2002 la stabilisation des loyers, quitte à verser une compensation aux organismes HLM ; revoir les modalités de mise en _uvre de l'importante réforme des aides au logement décidée en juin 2000, afin qu'elle bénéficie davantage aux occupants des HLM (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement - Comme vous le savez, le redémarrage du logement social est une priorité absolue du Gouvernement. Les mesures prises sont simples : augmentation de 60 % des aides directes de l'Etat ; simplification des démarches administratives ; incitation à l'achat par les organismes HLM de logements anciens à rénover et d'appartements neufs dans des ensembles privés, afin que les familles modestes ne soient plus concentrées dans des ghettos. La mixité sociale est un grand défi pour la République, et j'ai la conviction que le mouvement HLM et les élus locaux sont capables de le relever ensemble.

M. Eric Doligé - Ce sont des mots !

Mme la Secrétaire d'Etat - Non, car les actes sont là ! Le Gouvernement porte bien une grande attention aux catégories les plus modestes, comme en témoignent les 6,5 milliards supplémentaires dont aura été augmentée, en deux ans, l'enveloppe de l'allocation-logement, ce qui bénéficie notamment aux chômeurs retrouvant un emploi. Faut-il faire plus ? Je suis prête à en débattre avec vous et avec les élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SAGES-FEMMES

M. Bernard Accoyer - La grève des sages-femmes interpelle le Gouvernement. Elles exercent une profession médicale, et il importe que leur irremplaçable spécificité soit reconnue par leur statut. Or, les décisions récemment prises par le Gouvernement n'ont fait que creuser de profondes injustices : ainsi, les 10 milliards accordés aux personnels des hôpitaux publics le mois dernier font que la différence de salaire peut atteindre 40 %, à travail égal, entre le public et le privé : non seulement c'est choquant, mais c'est inquiétant pour les 50 % de futures mamans qui choisissent d'accoucher dans des maternités privées.

Le Gouvernement, qui ne cesse de reporter la fixation de l'enveloppe du privé malgré l'état d'asphyxie dans lequel se trouve ce dernier, lui accordera-t-il les moyens d'atténuer cette différence de rémunération ? Si tel n'était pas le cas, il serait responsable de la mise à mort de l'hospitalisation privée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Il y a, c'est vrai, une différence de rémunération entre le secteur public hospitalier et le secteur privé. Depuis le 20 mars, début de la grève des sages-femmes, j'ai reçu par deux fois la coordination, et la rencontrerai de nouveau après-demain. La première de leurs revendications est d'ordre statutaire : elles demandent à suivre la même formation, la première année de leurs études, que les médecins et dentistes, étant donné que leur profession est également reconnue comme médicale par le code de la santé publique. C'est déjà le cas à Grenoble ; cela va l'être à Poitiers et à Tours ; ce le sera dans six autres villes, une fois la décision officiellement prise le 9 mai prochain.

Nous avons aussi accepté de revoir, avec les représentants de la coordination, la question des effectifs. Les besoins en postes seront connus dans les prochains jours. Leur nombre a déjà été augmenté de 10 et de 4 % ces dernières années. Une enveloppe supplémentaire devra apporter plus encore de sécurité aux accouchements normaux dont les sages-femmes ont la charge.

J'en viens aux salaires. Les choses sont là beaucoup plus compliquées. Dans le secteur libéral, la commission de nomenclature des actes est convenue hier avec les sages-femmes de créer trois nouveaux forfaits pour des situations particulières. Dans la fonction publique hospitalière, l'accord du 19 mars prévoit une augmentation de 300 F en début de carrière et de 1 850 F en fin de carrière -ce n'est pas rien ! Si l'on pense que cela ne suffit pas à rendre le métier attractif, la discussion pourra reprendre avec le comité de suivi des syndicats, qui ont signé l'accord, et non avec la coordination.

La situation dans le privé est plus complexe encore : nous ne sommes pas en charge de la fixation des salaires mais de l'enveloppe des cliniques privées. Des négociations sont engagées avec les deux fédérations concernées ; elles devraient aboutir dans quelques jours à un accord pour une enveloppe suffisante. Mais beaucoup d'argent a déjà été donné, hors enveloppe, aux cliniques. Faites donc pression sur elles pour que les sages-femmes en bénéficient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

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SITUATION DE SAIRGROUPE

M. François Liberti - Sairgroup vient d'annoncer, compte tenu de très mauvais résultats financiers, son intention de mettre fin à sa stratégie d'investissement dans le pôle aérien Air liberté AOM, Air littoral. Des décisions majeures seront prises le 25, mais les crédits d'Air littoral sont d'ores et déjà coupés.

La création d'un deuxième groupe aérien français, dont l'ambition était de concurrencer Air France, débouche ainsi sur un fiasco et sur un immense gâchis. C'est un formidable acte d'accusation contre la politique de déréglementation du transport aérien prônée par les autorités européennes, avec l'accord des Etats membres.

Comment ne pas évoquer aussi les talents particuliers de gestionnaire d'Antoine Seillière, Président du MEDEF mais également actionnaire majoritaire d'Air liberté-AOM par sa holding familiale Marine Wendel, qui prétend imposer son modèle économique libéral à l'ensemble des entreprises françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

La sanction est lourde : 7 000 suppressions d'emplois risquent de s'ajouter aux 40 000 déjà intervenues en Europe ces dix dernières années, qui se sont accompagnées de dérives tarifaires et de pertes de savoir-faire.

L'avenir immédiat du site de Montpellier, siège d'Air littoral comme de dessertes régionales, comme celle de Perpignan, assurée aujourd'hui exclusivement par AOM et Air liberté sont ainsi menacés.

Le Gouvernement ne peut pas laisser les mains libres à ces groupes multinationaux qui font et défont notre économie et l'emploi ! Il ne peut se désintéresser du sort des salariés !

Cette restructuration confirme l'urgence d'un moratoire sur les licenciements et de mesures destinées à bloquer les licenciements abusifs.

Le Gouvernement doit assurer, avec l'appui d'Air France, le sauvetage d'AOM, d'Air Liberté et d'Air Littoral, afin de préserver l'emploi et de répondre aux besoins du transport aérien.

Quelles dispositions envisage-t-il aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - La situation financière du groupe Swissair est effectivement catastrophique et cela a les conséquences que l'on sait sur le pôle Air Liberté, AOM, Air Littoral.

Je partage la sévérité de votre analyse sur les effets de la déréglementation du transport aérien. Le deuxième pôle aérien français, vanté par les chantres du libéralisme, a sombré et les conséquences sociales mais aussi industrielles sont lourdes. Il faudra bien tirer toutes les leçons.

Face à la brutalité de la situation de ces entreprises privées, les actionnaires, tous les actionnaires, devront assumer toutes leurs responsabilités. Nous y veillerons !

Ces trois entreprises disposent d'un important potentiel humain et industriel. Ces atouts, dans un contexte de croissance du transport aérien, que traduisent les résultats de l'entreprise publique Air France, doivent être pris en compte dans la recherche de solutions. Nous nous y employons (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

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CANDIDATURE DE PARIS AUX JEUX OLYMPIQUES DE 2008

Mme Martine David - Paris, ville candidate à l'organisation des Jeux olympiques de 2008, a reçu la semaine dernière la commission d'évaluation du comité international olympique. Après les déclarations de son président, Hein Verbruggen, il semble raisonnable de considérer que Paris a accru ses chances de succès, grâce aux excellentes prestations des membres du comité d'organisation.

Quelle est, Madame la ministre de la jeunesse et des sports, votre appréciation sur cette visite et sur les atouts de Paris ?

Enfin, les propos de Bertrand Delanoë, maire de Paris, ont été empreints d'humanisme et de générosité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), valeurs qui devraient prendre le pas sur les dérives mercantiles de jeux précédents. Est-ce bien dans cet esprit que le Gouvernement continuera à promouvoir la candidature de Paris 2008 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Oui, l'examen de la candidature de Paris-Ile-de-France a marqué des progrès. Les organisations ont fait la preuve de leurs qualités en répondant à 25 nouvelles questions des membres de la commission du CIO, qui ont porté sur la sécurité, le village olympique, les transports, la lutte contre le dopage, etc.

Hein Verbruggen a ainsi souligné, en présence du Premier ministre, que le dossier était excellent. Les membres de la commission ont aussi apprécié la concentration des sites entre Paris -certaines compétitions étant même prévues dans des lieux historiques- et la banlieue. Il s'agit donc bien de la candidature de Paris-Ile-de-France.

Ils ont eu aussi le sentiment que nous formions une équipe avec les athlètes qui se sont beaucoup investis lors de cette visite, la ville de Paris, la région, le Gouvernement et tout l'Etat français, mais aussi avec la population qui a montré son enthousiasme.

Nous portons également la plus grande attention au sens et aux valeurs du sport. Pays d'ouverture, la France est prête à accueillir les délégations de toute la planète.

Mais c'est aussi parce que nous ne mésestimons pas les autres candidatures qu'il faut continuer à porter la candidature de Paris 2008.

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POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

M. Christian Estrosi - La semaine dernière, plusieurs entreprises ont annoncé des milliers de licenciements : Danone, Marks et Spencer, Swiss Air, Aventis, Alcatel. Ils sont, Monsieur le Premier ministre, le résultat direct de votre entêtement à ne pas tirer les conséquences de vos erreurs. Ils consacrent l'échec sans appel de votre conception de l'économie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Législation et réglementation tatillonnes et contraignantes qui découragent les investisseurs les mieux intentionnés, faillite du dialogue social, fiscalité exorbitante où s'accumulent chaque jour taxes et impôts nouveaux, charges sociales excessives qui freinent les embauches : c'est pour toutes ces raisons que les entreprises vont chercher chez nos concurrents ce qu'elles ne trouvent pas en France (Mêmes mouvements).

De toute évidence, votre politique ne tient pas compte des réalités humaines de notre société. Elle fait peu de cas de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui étaient en droit d'attendre plus d'attention face à la détresse de la perte d'un emploi et d'un équilibre familial fragilisé aussi brutalement (Mêmes mouvements). De Calais à Paris, de Nice à Nantes ou à Lyon, ce sont autant de drames sociaux que la politique que vous conduisez aura entraînés.

Votre discours lénifiant sur la croissance se lézarde à mesure que celle-ci s'effrite. A peine le temps se couvre-t-il que toute votre politique prend l'eau. Elle apparaît maintenant pour ce qu'elle est : une gestion à la petite semaine des dividendes d'une croissance qui nous vient de l'étranger (Mêmes mouvements). Vous n'avez nullement l'ambition de consolider notre croissance pour créer plus d'emplois. Déficits excessifs, dérapages permanents des dépenses publiques, hausse considérable de la dette de l'Etat, donc des impôts des Français, absence de garanties que les retraites de nos concitoyens pourront être payées demain, voilà la réalité de votre politique (Mêmes mouvements).

Allez-vous mettre un terme à une politique économique paillette, à une politique sociale toute en vernis, auxquelles plus personne ne croit, ni les Français ni même vos propres alliés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je ne partage évidemment pas votre diagnostic. Nous avons créé 1,5 million d'emplois depuis trois ans et demi, nous avons remis au travail 1,045 million de personnes alors que le chômage s'était encore aggravé de 1993 à 1997. En outre, la croissance économique est plus créatrice d'emplois en France que dans aucun autre pays de l'Union européenne : deux fois plus qu'en Allemagne et aux Pays-Bas, trois fois plus qu'en Grande-Bretagne et en Italie. C'est donc bien la preuve que les mesures que nous avons prises, notamment les 35 heures et les emplois-jeunes, nous ont permis d'enrichir notre croissance en emplois (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

En matière d'allégements de charges des entreprises, nous avons fait deux fois plus que le gouvernement Juppé, tout en assumant les conséquences de ses décisions, à travers la loi sur les 35 heures.

Les régimes sociaux, dont les déficits dépassaient 50 milliards à notre arrivée, sont aujourd'hui en excédent, tandis que les impôts ont diminué de plus de 200 milliards depuis trois ans.

M. Bernard Accoyer - Et l'avenir des retraites ? Et le FOREC ?

Mme la Ministre - Nous avons donc toutes les raisons de continuer une politique économique qui marche, tout en nous employant à corriger les inégalités qui demeurent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

M. le Président - Nous avons achevé le temps des questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25.

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EXPIRATION DES POUVOIRS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE (Nouvelle lecture)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Cette proposition, qui procède d'initiatives prises par des députés de plusieurs familles politiques, a été votée par votre assemblée, le 20 décembre dernier, à la majorité de 300 voix contre 245.

Le Sénat a commencé son examen le 16 janvier. Il a fait le choix de faire durer la discussion jusqu'au 6 février. Il a voté un texte totalement différent de celui que vous aviez adopté en première lecture, puisqu'il comprend des dispositions tirées de plusieurs propositions relatives aux inéligibilités, dispositions qui n'ont pas leur place dans ce texte.

Comme vous, je regrette le retard pris en raison de l'attitude de la majorité des sénateurs. Je ne critique pas leur choix, mais leur méthode. Le Gouvernement a donné suite à une initiative parlementaire formalisée par votre commission des lois. Il a approuvé l'amendement de M. Blessig, qui a donné à la proposition la rédaction acceptée par l'Assemblée.

Le 24 septembre dernier, le peuple français a décidé, par la voie du référendum, de ramener à cinq ans la durée du mandat présidentiel. Cette révision constitutionnelle a ouvert le débat sur l'ordre dans lequel devaient avoir lieu l'élection présidentielle et les élections législatives.

Notre calendrier électoral est la conséquence de la dissolution du 21 avril 1997. Les pouvoirs de l'Assemblée expirent normalement le 2 avril 2002. Si ce calendrier restait inchangé, les élections législatives auraient lieu en mars, sur la base de listes électorales arrêtées au dernier jour de février.

Si la législation restait en état, l'Assemblée nationale puis le Président de la République seraient donc élus à quelques semaines d'intervalle, non seulement en 2002, mais, fort probablement, en 2007, en 2012 et au-delà. Ce calendrier pose un problème institutionnel sérieux, et de réelles difficultés d'organisation.

Le problème institutionnel a été mis en évidence par MM. Raymond Barre et Michel Rocard lorsqu'ils ont invité les Français à voter « la tête à l'endroit ». Depuis la réforme constitutionnelle de 1962, l'élection présidentielle est incontestablement l'élection majeure. Cette réforme n'a pas, à l'époque, emporté l'adhésion générale, mais elle a été ratifiée par l'expression de la souveraineté populaire et personne ne propose de revenir au système antérieur.

Or cette conception n'est pas compatible avec une chronologie telle que l'élection d'une Assemblée et la désignation d'un nouveau gouvernement se feraient quelques semaines avant l'élection présidentielle. Dans notre pays, la logique institutionnelle fait de l'élection du Président de la République le moment le plus fort de l'expression des citoyens. Il est donc incohérent de l'organiser quelques semaines après les élections législatives.

En outre, si l'ordre du calendrier électoral n'était pas rétabli, les difficultés techniques du calendrier actuel, soulignées par le Conseil constitutionnel, seraient pérennisées et aggravées, comme j'en ai fait la démonstration détaillée en première lecture. La remise en ordre des échéances électorales s'impose donc, pour ces raisons techniques aussi, et la proposition de loi organique votée par votre Assemblée en première lecture en ouvre la possibilité.

Ce texte prévoit, dans la rédaction issue de l'amendement de M. Blessig, de fixer l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale au troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection.

Cette formulation permet de séparer les opérations électorales des deux scrutins tout en obéissant à l'impératif de clarté politique qui veut que les candidats aux élections législatives connaissent, au moment du dépôt des candidatures, le résultat de l'élection présidentielle. Ce n'était pas le cas dans la rédaction initiale proposée par votre commission des lois, que l'amendement de M. Blessig a donc améliorée. Le choix d'une date mobile, qui est d'application constante depuis le début de la VRépublique, est préférable à celui d'une date fixe parce qu'il facilite l'installation de la nouvelle Assemblée en évitant que l'entrée en fonction des nouveaux députés ne coïncide avec un samedi ou un dimanche.

Surtout, cette rédaction permettra l'organisation des élections législatives de telle manière que les dépôts de candidatures pourront se faire après la proclamation officielle du résultat de l'élection présidentielle par le Conseil constitutionnel.

Je vous l'ai dit en première lecture : le Gouvernement est très attaché au respect de prérogatives du Parlement. Il en a fait la démonstration depuis le début de la législature : l'initiative parlementaire n'a jamais été aussi forte, sous la Vème République, qu'au cours de ces dernières années ; les textes législatifs sont, pour un tiers d'entre eux, d'origine parlementaire, et quand les textes sont d'origine gouvernementale, le droit d'amendement s'exerce pleinement, ce qui est la règle constitutionnelle.

M. Jean-Luc Warsmann - Vraiment ?

M. le Ministre de l'intérieur - Le Gouvernement n'a jamais employé, depuis 1997, les dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour imposer ses vues à l'Assemblée nationale.

M. Patrice Martin-Lalande - Et les ordonnances ?

M. le Ministre de l'intérieur - Cette lecture parlementaire de la Constitution ne conduit cependant pas à négliger la logique de nos institutions, qui impose de retrouver une cohérence que les circonstances ont fait perdre au calendrier électoral. Et, quoi qu'on en dise la logique institutionnelle fait de l'élection du Président de la République le moment le plus fort de l'expression des citoyens. Doit-on vraiment les empêcher, pour des raisons politiciennes, de s'exprimer de la manière la plus claire ?

M. Jean-Luc Warsmann - C'est le comble !

M. Jean-Luc Reitzer - C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. le Ministre de l'intérieur - Nous sommes encore suffisamment éloignés des élections de 2002 pour adopter une solution de bon sens, sans que les spéculations pour savoir à qui profiterait tel ou tel calendrier puissent avoir le moindre fondement.

C'est donc pour le bon fonctionnement de nos institutions que je demande à votre Assemblée de confirmer son vote de première lecture en revenant au texte qu'elle avait adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Roman, président et rapporteur de la commission des lois - « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » dit le fabuliste... Et de patience nous n'aurons pas manqué, en attendant que le Sénat mette fin à sa représentation théâtrale.

M. Jean-Luc Reitzer - Que de mépris pour nos collègues !

M. le Rapporteur - Que l'opposition s'oppose, quoi de plus légitime, de plus revigorant pour la démocratie ? Mais encore doit-elle, pour rester crédible, savoir ne pas tomber dans la caricature ! Rarement obstruction parlementaire aura été aussi marquée, rarement aura-t-on vu toute une institution presque entièrement tendue vers un seul objectif : paralyser le travail législatif et quasiment refuser de siéger à seule fin de ralentir l'examen d'un texte. Ce train de sénateur a pris des allures d'omnibus pour s'arrêter à chaque gare, gare toujours désespérément vide, où ne sifflaient que les courants d'air ...

M. Jean-Luc Reitzer - Quel style !

M. le Rapporteur - Mais ces tracasseries procédurières ne nous arrêteront pas, car notre objectif, n'en déplaise à certains esprits forts, est sans ambiguïté...

M. Jean-Luc Reitzer - C'est parfaitement exact !

M. le Rapporteur - ...nous voulons qu'en 2002 nos concitoyens puissent choisir de manière démocratique la politique qu'ils souhaitent voir conduire pendant cinq ans dans notre pays. Et le seul moyen d'y parvenir, c'est de rétablir le calendrier électoral, de sorte que l'élection présidentielle précède le scrutin législatif.

M. Jean-Luc Reitzer - Man_uvre !

M. le Rapporteur - Ainsi pourront-ils, en toute connaissance de cause, s'exprimer en faveur d'une politique incarnée par un projet présidentiel, puis confirmer cette volonté, s'ils le souhaitent, en élisant une majorité parlementaire qui soutiendra ce projet.

Rien d'autre ne nous intéresse que cela. Il ne s'agit ni de modifier la Constitution en catimini et à la va-vite, ni de privilégier une institution ou une élection plutôt qu'une autre.

M. Jean-Luc Reitzer - Si !

M. le Rapporteur - Quant à ceux qui font mine de croire que l'élection présidentielle n'est pas ce grand rendez-vous démocratique qui rythme notre vie politique depuis trente ans, ils ne sont pas sincères.

La proposition est nécessaire ; tout le reste n'est que littérature. L'Assemblée ne doit donc, en aucune manière, se laisser impressionner par la man_uvre sénatoriale.

M. Jean-Luc Reitzer - La man_uvre est vôtre !

M. le Président - Que de piques, cher collègue !

M. le Rapporteur - C'est sans doute que certaines vérités ne sont pas faciles à entendre !

J'affirme avec force que ce projet de loi organique ne constitue ni une atteinte à la démocratie, ni un viol de la République, ni un coup de force contre la Constitution. J'en veux pour preuve le propos de Raymond Barre dont l'autorité n'est pas contestée : « cette réforme ne relève ni de l'arrangement, ni de la magouille, ni d'un quelconque tripatouillage. Michel Rocard et moi-même ne sommes pas familiers de tels procédés. Nous ne nous sommes du reste souciés des convenances de personne. Il importe en définitive que les Français puissent exercer un choix éclairé, quel que soit le sens dans lequel ils seront portés à le faire ». Je souscris sans réserve à cette opinion : faire de 2002 un grand rendez-vous démocratique, tel est notre seul objectif !

La commission des lois qui s'est réunie aujourd'hui a rétabli le texte adopté en première lecture par notre Assemblée et rejeté les cavaliers législatifs du Sénat dont la seule visée était de faire de ce texte un projet de loi organique relatif au Sénat, ne pouvant de ce fait, en vertu de l'article 46 de la Constitution, être adopté sans son accord. Mais la man_uvre ne nous a pas échappé : la deuxième chambre ne peut ajouter des dispositions relatives à son fonctionnement dans tout texte qui lui déplaît à la seule fin d'empêcher son adoption et si coup de force contre nos institutions il y a, c'est dans de tels procédés qu'il faut le rechercher !

La commission mixte paritaire, que certains sénateurs ont qualifiée de virtuelle, s'est ensuite réunie et elle a rendu ses conclusions. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de trancher le différend qui nous oppose et j'attends pour ma part sa décision avec sérénité.

En proposant, conformément au texte que notre assemblée a adopté en première lecture, de rétablir le calendrier électoral de 2002, la commission des lois privilégie la voie de la clarté, de la responsabilité et de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Mattei et des membres du groupe DL une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Nicole Ameline - Les grandes démocraties modernes sont celles où le Parlement est respecté. Il est doublement paradoxal de constater que les démocrates que les parlementaires de la majorité prétendent être, inspirés de surcroît par l'auteur du Coup d'Etat permanent, soient aujourd'hui de ceux qui veulent affaiblir l'autorité de notre assemblée en se référant à l'esprit d'une Constitution qu'ils n'ont eu de cesse de combattre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

L'histoire retiendra que, pour la première fois sous la Ve République, il est envisagé de proroger le mandat des députés sous un prétexte politique et dans des conditions qui rompent singulièrement avec celles qui ont fondé les reports de 1919 et de 1940. Ni les conditions d'examen de ce texte, ni sa base juridique ne sont acceptables. S'y ajoute la violation de l'usage républicain qui interdisait toute modification dans l'organisation d'un scrutin un an avant sa tenue.

Un député socialiste - Cela n'est dû qu'à la lenteur du Sénat !

Mme Nicole Ameline - Imaginons que cette réforme d'intérêt général ait pu être soumise aux Français : sans doute l'auraient-ils rejetée car ils eussent été conscients qu'elle n'était en fait qu'un nouvel avatar d'une pratique politique man_uvrière et infondée, à l'évidence bien éloignée de l'esprit de nos institutions.

Je n'aurai pas la cruauté de revenir sur les propos du Premier ministre, qui n'avait pas de mots assez durs pour dénoncer l'interprétation étroitement politicienne de toute initiative en ce sens. M. Jospin avait alors parfaitement raison de dénoncer ce qui apparaît aujourd'hui comme une réforme de circonstance sur laquelle il est exclu que se dégage un consensus. La précipitation dans la méthode fausse en outre la portée même de cette décision. La vertu républicaine si prestement invoquée eut dû vous conduire à vous soucier davantage du respect de la Constitution plutôt que d'en détourner l'esprit au moment même où nos concitoyens se déclarent lassés des jeux politiciens et autres affaires. Le recours à l'urgence pour bouleverser le calendrier parlementaire n'était pas davantage justifié et lié seulement à la proximité d'échéances que vous semblez redouter. Le calendrier de 2002 est certes chargé mais il est connu depuis toujours. Comment, dès lors, ne pas s'étonner que ce qui n'avait jamais été considéré comme une question institutionnelle prioritaire s'affirme aujourd'hui comme une urgence politique ? Comment espérez-vous, même en vous réfugiant derrière une initiative parlementaire et en vous appuyant sur une infime partie de l'opposition vous exonérer de votre responsabilité politique dans ce revirement ? Votre logique est moins institutionnelle que politique et conforme en cela à votre inclination à modifier les modes de scrutin qui vous seraient a priori défavorables. Mais les résultats d'élections récentes montrent que les Français agissent de plus en plus librement.

Sur le fond, dans ses motivations comme dans sa procédure, ce texte est irrecevable. Imposer pour le justifier une lecture présidentielle de la Constitution, ce n'est en respecter finalement ni l'esprit, ni la pratique.

Ainsi, un texte présenté comme essentiel peut-il écarter le Président, faire l'impasse sur le conseil des ministres et le Conseil d'Etat et traiter avec un mépris affiché la Haute assemblée ? Votre méthode témoigne de la légèreté avec laquelle ce projet est abordé et confirme votre propension à engager des réformes de circonstance, au gré de l'air du temps.

Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la réalité de votre motivation car l'obtention d'une majorité sur un texte ne suffit pas à le rendre légitime.

Sans fondement juridique, ce texte évoque aussi les difficultés pratiques et juridiques liées à la mise en place des parrainages et tirées du principe d'égalité des candidats. L'argument ne tient pas puisqu'il est démontré que, tout en respectant les recommandations du Conseil constitutionnel, il est possible de mettre en place cette procédure à l'issue des élections législatives, telles qu'elles sont prévues dans le calendrier actuel.

Cette modification n'apparaît ni nécessaire, ni opportune et il ne suffit pas d'invoquer l'esprit des institutions pour démontrer le contraire. Du reste, si elle tendait à servir l'esprit du régime, elle devrait s'appuyer sur un consensus, qui manifestement, n'existe pas aujourd'hui. Peut-on parler de consensus lorsqu'un texte ne bénéficie que de quelques voix de majorité et que la Haute assemblée le rejette à une très forte majorité ?

Y a-t-il consensus, lorsque le Président de la République, le conseil des ministres et le Conseil d'Etat sont écartés du débat ?

La logique des institutions impose-t-elle que le Président soit élu avant les députés ? Implique-t-elle qu'il y ait concordance entre la majorité issue des élections législatives et la majorité présidentielle ?

M. Hervé de Charette - Eh oui !

Mme Nicole Ameline - Requiert-elle que le calendrier actuel soit modifié ? Il s'agit, selon vous, de rétablir un ordre, mais de quel ordre parle-t-on ? Rien ne permet en effet d'affirmer que le calendrier actuel soit contraire à l'esprit des institutions selon lequel l'élection présidentielle serait élection directrice. L'analyse éclairée de Michel Debré permet à l'inverse une double lecture de notre loi fondamentale : celle qui fait du Président de la République le « guide », et celle qui ouvre la voie à un régime parlementaire à la britannique, faisant davantage du Président le garant des institutions.

C'est certes la première lecture qui a prévalu, mais comme le rappelait Michel Debré lui-même « la valeur d'une Constitution n'est pas dans le fait qu'elle évite les crises, mais qu'elle permet de les trancher, dans le respect des exigences de la Démocratie, de l'Etat et de la Nation ».

Le souci de cohérence sur lequel vous appuyez ce texte semble sans fondement au regard du fonctionnement de nos institutions qui ont su intégrer les accidents de l'histoire, qu'il s'agisse de l'interruption prématurée de mandats présidentiels, de l'exercice du droit de dissolution -ou du choix de la cohabitation. Comment du reste pourrait-on affirmer que l'élection présidentielle reste l'élection directrice dès lors que nous avons connu la cohabitation sur près de dix ans ces vingt dernières années ? Cette réforme préserve en outre le droit de dissolution, tout en le remettant en cause implicitement, et elle ne tranche pas sur la cohabitation. Si l'inversion rendait en effet le risque plus faible, aucun calendrier électoral n'est à lui seul en mesure d'éviter le recours à ce système de gouvernement.

Considérer que l'élection présidentielle doive systématiquement précéder les élections législatives n'a jamais été la règle, ni l'usage, et il est tout aussi regrettable de laisser entendre que les secondes ne seraient que le corollaire de la première. Notre Constitution a instauré un régime parlementaire dominé par l'exécutif, non le régime présidentiel auquel ce projet, ainsi que la réforme du quinquennat, semblent ouvrir la voie. Si c'est un choix, qu'on le dise, mais qu'il soit au moins précédé d'un débat sur l'évolution des institutions !

N'oublions ni Montesquieu, ni Benjamin Constant, ni Tocqueville, ni les principes qu'ils ont défendus : la séparation des pouvoirs, la décentralisation, le rapprochement du politique et des citoyens par le biais de leurs représentants. Or, même si ce n'est évidemment pas l'ordre des élections qui détermine la nature du régime, il n'est pas non plus neutre, et ce texte, je le dis solennellement, n'est qu'une étape de plus dans l'affaiblissement du Parlement, tendance à la fois regrettable et contraire aux évolutions qui guident les autres grandes démocraties modernes. Qui plus est, il ne s'inscrit dans aucun projet d'ensemble : comme ce fut le cas déjà de la Corse et du quinquennat, la part des circonstances l'emporte sur la vision à long terme (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Tout aurait dû, pourtant, nous conduire à engager ce débat de fond, car la France ne saurait faire de son héritage colbertiste, renforcé par deux siècles de jacobinisme, l'alpha et l'oméga de son devenir institutionnel. Mais plutôt que de tenter de concentrer le pouvoir par tous les moyens, il faut le rendre aux Français, réconcilier l'Etat et la société civile et considérer les territoires comme le lieu où émergent initiatives et solidarités. C'est cette réflexion institutionnelle que vous attacheriez à conduire si vous étiez vraiment sûrs de votre bilan, de votre image et de votre crédibilité, au lieu de prendre une mesure dont la motivation juridique est contestable et l'esprit contraire à celui de la Constitution.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, au nom du groupe DL et d'une large majorité de l'opposition, de voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - M. Jean-Louis Debré et les membres du groupe RPR opposent, en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement, la question préalable.

M. Patrick Devedjian - Si j'ai bien entendu M. Vaillant, l'argument essentiel qu'il a avancé en faveur de la sincérité du Gouvernement est que nul ne peut prévoir aujourd'hui à qui profitera l'inversion du calendrier. Je ne demande qu'à le croire, mais il se trouve que L'Hebdo des socialistes, ainsi que je l'ai indiqué lors de notre précédent débat, dit exactement le contraire, et M. Emmanuelli également... (Rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Dès lors, le projet du Gouvernement ne peut être qu'entaché de suspicion, malgré la théorie dans laquelle il est enveloppé pour faire croire aux plus naïfs - il y en a - qu'il ne s'agit pas d'un texte de circonstance.

Ce serait, nous dit-on, par fidélité à l'esprit des institutions que M. Jospin voudrait modifier la date des élections législatives. Selon lui, l'élection présidentielle serait l'élection directrice, et les élections législatives devraient lui succéder pour confirmer le choix fait sur la personne du nouveau président. Or, M. Jospin a lui-même déclaré n'avoir jamais cru à la pertinence de cette lecture « présidentialiste » d'une Constitution qu'il n'a, au demeurant, pas votée. Quelle abnégation que de vouloir assurer la prééminence d'une lecture interprétation qu'il combat, à seule fin d'assurer ce qu'il appelle la « clarté institutionnelle » ! (Sourires)

Qui plus est, son interprétation de la théorie présidentialiste est fausse. Il est faux que l'élection présidentielle soit « directrice », car les électeurs pourraient très bien - même si cela ne s'est encore pas produit - voter en sens contraire aux élections législatives qui la suivraient immédiatement. En outre, la cohabitation même prouve que c'est celui qui a gagné les élections législatives qui gouverne : M. Jospin, qui avait perdu l'élection présidentielle de 1995, a gagné les élections législatives de 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), et c'est maintenant lui qui fait la politique de la France. Ce sont donc les élections législatives qui sont les élections « directrices ».

En réalité, nos institutions sont un habile dosage entre le pouvoir issu du Parlement et celui qui est conféré au président élu au suffrage universel, et tout le discours du Gouvernement n'est que vain prétexte. Feignons cependant de croire un instant, pour la beauté du raisonnement, à sa sincérité (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agirait, nous dit-on, de remettre dans le bon sens l'ordre des élections, dont le prétendu désordre serait dû à la mort du président Pompidou en 1974 et à la dissolution de 1997.

Mais le désordre ne saurait provenir des élections législatives, dont la date a toujours été le résultat d'une volonté. Le moment de l'année, lorsqu'il s'agit d'un renouvellement à échéance normale, est fixé depuis quarante-trois ans au mois de mars par le code électoral. Quant à l'année elle-même, c'est la cinquième qui suit le précédent renouvellement, y compris lorsque celui-ci fait suite à une dissolution ; cela signifie que, lorsque le président de la République a choisi de dissoudre l'Assemblée en avril 1997, il a choisi du même coup que le renouvellement naturel de la nouvelle Assemblée aurait lieu cinq ans après, c'est-à-dire en mars 2002 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Souffrez que le droit soit plus subtil que vos vociférations !

Lorsque le Président de la République a dissous en 1997, il a implicitement décidé aussi qu'il y aurait renouvellement cinq ans après, soit en 2002. Il n'y a nul hasard à cela ! (Rires et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe socialiste) Puisque M. Roman apprécie La Fontaine, je lui dirai : rira bien qui rira le dernier...

En revanche, la date des élections présidentielles est la conséquence de la mort du Président Pompidou qui a représenté effectivement un hasard.

Si l'on suit la logique du discours du Gouvernement, c'est donc la date de l'élection présidentielle qu'il convient de déterminer de manière fixe, pour quelle ait toujours lieu avant les élections législatives. Il n'y a donc pas lieu de délibérer sur la date des élections législatives mais sur celle de l'élection présidentielle.

Cela est si vrai que la réforme que l'on veut nous faire voter ne vaudra que pour cette seule échéance. La mort, la démission d'un président ou une nouvelle dissolution pourraient à nouveau bouleverser le calendrier.

Il n'est donc pas vrai que la présente loi assurerait la « clarté constitutionnelle » que l'on prétend. Elle ne peut atteindre durablement le but qu'elle proclame.

M. Robert Lamy - C'est une loi de circonstance !

M. Patrick Devedjian - Seule une réforme constitutionnelle pourrait y parvenir. Elle supposerait de nombreuses modifications pour assurer que l'élection présidentielle ait toujours lieu avant les élections législatives, notamment une suppression du droit de dissolution.

En fait, le Gouvernement ne fait voter une manipulation de circonstance du code électoral que parce qu'il n'a pas de majorité pour modifier la Constitution. Où est la « clarté constitutionnelle » dans tout cela ?

La réforme du quinquennat était l'occasion naturelle d'une telle réforme. Mais il n'y a pas été procédé parce que les gaullistes ne veulent pas qu'on touche au droit de dissolution qui permet de rendre à tout moment la parole au peuple, même si c'est au détriment de celui qui dissout (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Oui ! Nous avons cette abnégation... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Pour nous, le droit de dissolution est un instrument irremplaçable pour ramener la paix civile en cas de conflit.

M. Jospin s'était engagé à ne pas modifier le calendrier électoral : « toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne. Moi, j'en resterai là. » Une fois le quinquennat acquis, il a renié sa parole. Mais le vrai débat est celui de la Constitution. A travers le code électoral c'est bien elle que vise le Gouvernement. Et vous le savez si bien, que votre texte n'a pu éviter les écueils de l'inconstitutionnalité, comme l'a rappelé Nicole Ameline.

Première violation, celle de l'article 12 de la Constitution. En effet, c'est le droit de dissolution qui fixe le calendrier futur. Je l'ai dit, lorsque le Président dissout, il décide du même coup le moment où la future assemblée viendra naturellement à renouvellement dans les cinq ans. La date d'expiration naturelle de la future assemblée est donc bien une prérogative que le Président de la République tient de l'article 12. En supprimant un de ses effets, vous portez donc atteinte à cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Deuxième violation, celle de l'article 25 dont il résulte que la durée des pouvoirs de l'Assemblée doit être toujours la même et fixée par une loi organique. Or, votre manipulation a pour effet de prolonger la durée de l'Assemblée délibérante.

Certes le Parlement a déjà voté la prolongation du mandat d'autres assemblées, mais c'est la première fois sous la Ve République qu'une assemblée prolonge elle-même ses propres pouvoirs.

M. le Président de la commission - La Constitution ne l'interdit pas !

M. Patrick Devedjian - C'est en vain que l'on objectera que la prolongation n'est que de quelques semaines. A partir de combien de semaines entre-t-on en dictature ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Et si le principe est accepté, le délai pourra être plus long la prochaine fois avant que l'on rende la parole au peuple...

Cette auto-prolongation est la violation d'un principe important. Elle constituerait un précédent dangereux, portant en germe un véritable autoritarisme. Il en fallait beaucoup moins à François Mitterrand pour parler de « coup d'Etat permanent »...

Cette assemblée a été élue pour cinq ans,...

Plusieurs députés socialistes - Donc jusqu'en juin !

M. Patrick Devedjian - ...elle décide elle-même de durer plus longtemps... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Françaix - Mensonge !

M. Patrick Devedjian - ...elle prolonge sa propre durée (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste)... Décidément, il vous faut faire encore des progrès dans l'apprentissage de la démocratie...

Par cette prolongation, ses membres vont en outre être rémunérés trois mois de plus, ce qui ne laissera pas certains indifférents... (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Françaix - C'est faux !

M. Patrick Devedjian - Troisième motif d'inconstitutionnalité : cette modification du code électoral interviendrait à moins d'un an de l'échéance prévue. Or la loi du 11 décembre 1990 a posé dans son article 7 le principe qu'on ne pouvait opérer de manipulation électorale à moins d'un an. Le Conseil constitutionnel a en outre validé ce principe.

C'est en vain qu'on objecterait que le processus législatif a été engagé plus d'un an avant l'élection : le corps électoral n'a connaissance de la loi que lorsqu'elle est promulguée ; jusque là, elle n'est qu'un projet qui peut être abandonné ou modifié. La « clarté constitutionnelle » veut que la règle soit connue avec certitude plus d'un an avant l'échéance prévue.

Ainsi, le Gouvernement s'est trompé de procédure, à supposer ses intentions fondées. Ce n'est pas au code électoral qu'il faut s'en prendre, il faut engager une révision de la Constitution. Il n'y a donc pas lieu de délibérer sur la simple modification d'une loi organique. Quant à la modification de la Constitution, le Gouvernement ne peut y procéder faute de majorité. Tel est son drame, telle est sa faiblesse (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe UDF).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Gérard Charasse - Les manoeuvres dilatoires et les propos excessifs n'y changeront rien : le débat sur une réforme trop longtemps repoussée de nos institutions aura bien lieu.

Les radicaux de gauche sont de farouches partisans d'un changement de Constitution. Ils appellent de leurs v_ux une vaste refondation républicaine. Ils ont, depuis 1958, montré leur détermination à assurer, au-delà de cette Constitution qui n'est pas la leur, les mécanismes d'une démocratie moderne et participative.

Fidèles à la conception d'un humanisme républicain défendu il y a plus d'un siècle par Camille Pelletan, les radicaux veulent désormais la VIe République

Indissociablement liés aux progrès sociaux et au modernisme, ils pensent que la remise à l'endroit de l'ordre institutionnel aura l'insigne mérite de redonner tout son sens à la fonction présidentielle, en conformité avec le système majoritaire.

Le premier effet recherché serait de permettre au Président, débarrassé du risque de cohabitation et de censure du Gouvernement, d'exercer la plénitude de ses pouvoirs dans un climat apaisé et en concertation avec un Parlement renforcé. L'usure de la Ve République est en effet manifeste au regard des nombreuses contradictions qui ont ôté tout esprit de rationalisation et qui ont abouti à une rupture de l'équilibre entre les pouvoirs.

La République n'est pas une relique intouchable. Il est temps de la repenser, dans une approche décentralisatrice et participative. L'avènement de la VIe République, que nous réclamons de longue date et qui fait l'objet de la proposition de loi constitutionnelle que nous avons déposée en mai dernier, répond au v_u ardent des Français d'une modernisation de nos institutions. La Constitution de 1958, taillée sur mesure pour un seul homme dans des circonstances troublées, a définitivement vécu ; le quinquennat et l'inversion du calendrier sont les premières étapes d'une réflexion globale.

La façon la plus pertinente de mettre fin à certains dysfonctionnements serait d'élire le même jour pour cinq ans le Président, les députés et les sénateurs ; mais l'inversion du calendrier est déjà une manière de répondre à la crise de légitimité de la représentation nationale et à l'attente des Français, qui souhaitent une meilleure lisibilité de nos institutions.

La vaste réforme constitutionnelle dont notre pays a besoin, au-delà de la réduction du mandat présidentiel et du changement de calendrier, doit nous amener à une République fonctionnant de manière apaisée. Les radicaux souhaitent que le débat soit élargi à l'approfondissement de la décentralisation.

Avec le référendum sur le quinquennat, le Président de la République a ouvert la boîte de Pandore. Le chantier est énorme. De la cinquième à la sixième République, le chemin le plus pertinent est celui de la vertu républicaine. Les radicaux voteront l'inversion du calendrier avec d'autant plus de détermination qu'ils souhaitent poursuivre sur cette voie, étape par étape (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Lazerges remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

M. François Léotard - Nous sommes sans doute nombreux à avoir fait le rêve d'un débat sur nos institutions tendant à répondre aux seules questions qui vaillent : comment rendre plus vivante notre démocratie ? Comment rendre aux Français le pouvoir que notre bureaucratie leur a confisqué ? Comment lutter contre le développement de l'abstention ? Comment associer les jeunes Français à l'aventure toujours renouvelée de la défense des libertés ?

Mais le réveil est brutal : nous nous apprêtons à légiférer seulement pour 2002, en oubliant ce qui a précédé, à savoir la dégradation constante des institutions de la Ve République, aussi bien que ce qui doit suivre ; en termes d'équilibre de nos institutions, en oubliant le poids de la construction politique de l'Europe, qui a entraîné des transferts de pouvoirs que nous avons acceptés à juste titre mais dont il aurait fallu tirer les conséquences ; en oubliant enfin que le défenseur national des libertés reste le Parlement.

Qu'on soit pour un régime présidentiel -c'est mon cas- avec forte séparation des pouvoirs, ou qu'on soit pour un régime parlementaire de type européen, dans lequel la majorité parlementaire fabrique l'exécutif, on défend un système où le Parlement a un rôle central. L'ambiguïté d'origine de la Ve République l'a d'abord servie, mais aujourd'hui nous n'avons ni les avantages d'un système présidentiel ni ceux d'un système parlementaire ; au contraire, nous combinons les inconvénients des deux. L'équation du pire, le quinquennat plus la cohabitation moins le Parlement moins la décentralisation, aboutit à l'impuissance.

Ce qu'on demande aujourd'hui au Parlement n'est pas acceptable.

On lui demande de maîtriser le hasard. Mais une loi ne saurait empêcher un Président de mourir.

On lui demande de s'autoprolonger. Mais imagine-t-on un Président de la République déclarer à la télévision qu'il reste au pouvoir quelques mois de plus dans l'intérêt de la France ? Aucun article de la Constitution ne me semble permettre à une assemblée de définir elle-même la durée de son mandat.

On lui demande de contribuer à la légèreté juridique et institutionnelle des Français : aucune réflexion de fond n'est venue soutenir ce projet, aucune perspective n'a été tracée. Il en était de même pour le quinquennat.

Enfin, on lui demande de participer à son propre abaissement. Placer le Parlement dans l'ombre portée de l'élection présidentielle, c'est soumettre un peu plus encore le législateur à l'exécutif, c'est-à-dire en France à la fonction publique.

A un concours de circonstances, vous répondez par une loi d'opportunité. L'urgence que vous avez déclarée est fondée sur un fait vieux de quatre ans...

Tous les constitutionnalistes brillants que notre pays a produits ont toujours mis l'accent sur une nécessité fondamentale de la démocratie, qui est l'équilibre des pouvoirs. Or ce projet de loi met cruellement en lumière tout d'abord la faiblesse du Parlement qui subit sans broncher l'absence de véritable bicamérisme, qui accepte la procédure des ordonnances, qui se soumet au système du vote bloqué, qui se résigne au 49-3, qui accepte le terme de « niche » pour ses propositions de lois, qui ne maîtrise pas son ordre du jour, qui peut être dissous, qui n'a pratiquement aucun pouvoir budgétaire ni aucune responsabilité internationale ou militaire, qui ne censure plus le Gouvernement depuis plusieurs décennies et qui ne contrôle en aucune manière l'administration. Ce Parlement-là, dans un élan pathétique, se prolonge de quelques mois et se place, volontairement, sous la tutelle du chef de l'exécutif qui, lui, concentre dans ses mains des pouvoirs inégalés dans les démocraties qui nous entourent (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF).

Ou bien c'est la traduction d'une confusion intellectuelle et juridique, dans laquelle beaucoup, et parmi les meilleurs esprits, ont déjà sombré ; ou bien c'est la traduction d'une man_uvre électorale douteuse qui prend le masque de la vertu.

Aux deux questions qui se posent vraiment -la place du Parlement dans les démocraties modernes et l'équilibre des pouvoirs-, vous ne répondez pas. La construction politique de l'Europe, la puissance des marchés et la mondialisation tendent à marginaliser les parlements nationaux. Devons-nous contribuer nous-mêmes à cette évolution, en procédant, alors même que les citoyens ne le demandent pas, à une véritable euthanasie parlementaire ?

Je ne comprends pas que des parlementaires participent à l'effacement de leur propre pouvoir. Selon Tocqueville, la liberté c'est aussi la participation des citoyens, par l'intermédiaire de leurs élus, à la chose publique. A l'absence de corps intermédiaires, à l'effondrement des partis, à la faiblesse du pouvoir judiciaire qui n'est chez nous qu'une « autorité », il faudra ajouter la déréliction du Parlement.

Le dialogue démocratique se déroule désormais au sein de l'exécutif et non entre l'exécutif et le législatif. C'est une aberration. La cohabitation n'est en somme que la pointe de cristal de notre incohérence institutionnelle. Neuf années de cohabitation sur seize de 1986 à 2002 ! Dans le pays de Descartes, avoir de la sorte introduit le conflit à l'intérieur même de l'exécutif, c'est abuser de l'esprit de contradiction.

C'est avec une ironie un peu maussade, Monsieur le ministre, que nos concitoyens s'apercevront, après le vote de ce texte, que ce Parlement dont ils savent qu'il a de moins en moins de pouvoirs, vers lequel ils se tournent de moins en moins, aura eu le singulier privilège de prolonger son propre mandat. C'est un pouvoir auquel ils ne s'attendaient pas. Je n'y vois pas un progrès pour la démocratie. Je crains, et vous devez craindre, que l'antiparlementarisme, qui semblait s'user, ces derniers temps, de ses propres excès, ne redevienne un gisement politique dans lequel on puisera demain le minerai précieux du ressentiment.

Un régime présidentiel sans séparation des pouvoirs est un régime dangereux pour les libertés. C'est un monstre juridique.

Légiférer dans l'urgence, pour un texte tactique, purement électoral, c'est entretenir cet esprit de dérision qui entoure aujourd'hui le débat public national.

Évoquer l'esprit des institutions en omettant de citer ses plus indiscutables gardiens, le général de Gaulle et Michel Debré, c'est un défi à l'histoire. L'un et l'autre ont toujours refusé la coïncidence de l'élection présidentielle et des législatives.

Monsieur le ministre, vous avez eu le courage de citer, au Sénat, Michel Debré, qui définissait ainsi la logique des institutions : « Un chef de l'Etat et un Parlement séparés, encadrant un gouvernement issu du premier et responsable devant le second ». Mais cela fait longtemps que le Gouvernement n'est plus responsable devant l'Assemblée nationale.

Le groupe UDF dans sa majorité votera contre un texte de circonstance dont les motivations officielles cachent ce que les meilleurs observateurs appelleront demain de son vrai nom : une manipulation (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean Vila - L'inversion du calendrier électoral ne saurait être considérée comme un simple aménagement technique, ni comme une décision de circonstance. Elle soulève le problème de fond des institutions nationales, qu'il faudra plutôt démocratiser si on veut réduire la fracture politique récemment aggravée par la progression de l'abstention.

Sous le prétexte de respecter la Constitution, on nous propose de renforcer encore le caractère présidentiel du régime.

Nous avions déjà dénoncé les risques de dérive vers le pouvoir personnel que recelait l'adoption du quinquennat sec. Modifier le calendrier électoral ne pourrait qu'accélérer cette évolution.

Or rien, pas même le texte de la Constitution, n'oblige à conforter le caractère hégémonique du scrutin présidentiel. Mettre les élections législatives à la remorque de l'élection présidentielle ne peut que fragiliser ce pluralisme politique qui fait partie de l'identité française.

C'est le sens même du débat politique qui se trouve perverti, lorsque les citoyens sont appelés à choisir entre des individus plutôt qu'entre de véritables projets politiques susceptibles de changer leur vie quotidienne.

La logique de l'élection présidentielle aboutit à la bipolarisation de notre vie politique autour des seuls partis liés à un « présidentiable », affaiblissant ainsi tous les autres.

Si une majorité de gauche a pu recueillir la confiance de nos concitoyens en juin 1997, c'est parce qu'elle s'est rassemblée dans sa diversité.

C'est en respectant ses engagements, en prenant davantage en compte les attentes sociales et en laissant progresser ses différentes composantes que la gauche peut gagner l'an prochain le soutien d'une majorité de la population, afin de poursuivre son action transformatrice après 2002.

Il faut donc, par une inflexion significative de l'action gouvernementale, répondre à l'avertissement donné par les électeurs lors des dernières élections municipales.

Renvoyer à plus tard les modifications institutionnelles tout en faisant droit à la lecture la plus conservatrice de notre Constitution est contradictoire.

C'est un signal négatif donné à l'opinion, qui sous-estime gravement l'ampleur de la crise politique que connaît notre pays. L'abstention croissante, y compris dans les élections locales, témoigne que nos concitoyens ont le sentiment d'avoir de moins en moins de prise sur les décisions concernant leur vie quotidienne, leur avenir et celui du pays. La politique telle qu'elle se fait aujourd'hui leur paraît tout à fait insatisfaisante. C'est dire l'urgence de travailler dès aujourd'hui à une transformation de grande ampleur de la vie politique. Il faut élargir le champ d'intervention des citoyens. Il faut améliorer le fonctionnement de la démocratie représentative, ce qui implique de renforcer les droits du Parlement.

Afin de rééquilibrer les pouvoirs, il faut donner la primauté à l'Assemblée nationale, ce qui devrait être une raison de ne pas contester l'antériorité de son élection.

La personnalisation et la bipolarisation standardisent, canalisent et censurent les choix des Français, et donc les chances de construire une France plus originale et respectée dans le monde.

Le régime présidentiel à l'américaine, que certains appellent de leur v_ux, serait la pire des choses. N'oublions pas que l'abstention, dont le taux, Outre-Atlantique, atteint 50 %, est inhérente à un système dans lequel tout est joué d'avance.

L'abstentionnisme n'a pas d'autre cause qu'une certaine réticence à renforcer les pouvoirs d'intervention des citoyens et à les rapprocher de leurs représentants.

Les élus que nous sommes ont à c_ur d'être utiles. Nous ne le serons pas si tout est joué d'avance, qu'il s'agisse du budget de l'Etat ou d'une simple loi.

Même si, comme certains le proposent, un rideau de fer séparait demain exécutif et législatif, avec la suppression du poste de Premier ministre et du droit de dissolution, le Parlement n'aurait pas plus de pouvoirs.

Les députés communistes souhaitent une profonde démocratisation des institutions. L'introduction de la proportionnelle pour l'élection des députés constitue un engagement commun de la gauche plurielle que nous proposons de concrétiser.

Il faut ramener à quatre ans le mandat des députés et aligner celui des sénateurs sur celui des élus locaux : six ans, le Sénat étant élu en une fois.

L'Assemblée nationale doit avoir le droit de désigner le Premier ministre et son gouvernement, qui devraient être investis par les députés avant d'être nommés par le Président de la République.

L'initiative des lois doit devenir plus directe. Le référendum en France conservera toujours sa dimension plébiscitaire. Mais on pourrait imaginer qu'un texte recueillant les signatures de 2 % au moins des électeurs soit inscrit d'office à l'ordre du jour des Assemblées.

Il faut rendre à la loi la force que lui ont fait perdre les modalités actuelles de contrôle constitutionnel et la limitation du domaine de la loi par le Règlement. N'oublions pas que les contrôles concernant la maladie de la vache folle, décidés en France par décret, l'ont été par une loi en Allemagne et que c'est un simple décret qui vient de décider la vente libre de la pilule du lendemain en Grande-Bretagne.

Le Parlement devrait pouvoir, à l'occasion, légiférer sur des questions qui sont du domaine réglementaire sans que le vote fasse basculer pour autant un pan entier du droit dans le domaine législatif. De même, si les décrets d'application d'une loi ne sont pas pris dans le délai d'un an, l'Assemblée doit pouvoir en décider sans être censurée.

L'article 40 devrait être supprimé, comme l'article 16 et l'article 49-3. Nous sommes pour un gouvernement fort, capable de placer la majorité gouvernementale devant ses responsabilités, mais non pour un gouvernement dominateur, ou simplement négligent, qui dispose d'instruments techniques pour censurer le débat. Plus de quarante ans ont montré que les gouvernements préfèrent au dialogue démocratique le rapport de forces.

Le Conseil constitutionnel s'est instauré juge ultime de « l'intérêt général ». Nous pensons que l'Etat de droit peut être respecté sans censurer le droit de faire la loi, que le Parlement tient du peuple lui-même. Un comité constitutionnel, composé de non-parlementaires, mais élus à la proportionnelle des groupes, devrait donner son avis sur les lois avant leur promulgation et demander si nécessaire une seconde délibération, pour que le dernier mot puisse revenir au Parlement.

Et, puisque les relations internationales prennent une importance sans cesse croissante, les deux Assemblées devraient participer davantage à l'élaboration et au suivi des conventions internationales. De même, nous sommes favorables à ce que le Parlement ratifie les engagements militaires extérieurs de la France.

En matière européenne, la recherche d'un consensus préalable entre les ministres et le Parlement, avant les conseils européens, donnerait une légitimité et un cadre souple aux négociations et aux compromis. La Finlande et les Pays-Bas procèdent de la sorte.

Certains trouvent dans le présidentialisme un vecteur pour des transferts rapides de compétences vers l'Europe. Il serait plus équitable de valoriser l'action des citoyens et des communes plutôt que de privilégier des instances qui court-circuitent les échelons inférieurs, régions contre départements par exemple ou modèle prédéterminé des communautés urbaines contre communes.

Telles devraient être les grandes orientations d'une démocratie respectueuse de la séparation des pouvoirs, dans laquelle on s'attacherait à développer la démocratie directe et les droits du Parlement.

Toutes ces raisons nous conduisent à critiquer le renforcement de l'exécutif et le présidentialisme qui sous-tendent l'inversion du calendrier électoral, laquelle traduit la crainte de renforcer les droits du Parlement.

Nous souhaitons que la réflexion s'approfondisse et s'exprime librement. Il faut cesser de modifier la Constitution par alinéas ou par membres de phrases, il faut cesser de perpétuer un conservatisme étriqué, sans jamais procéder aux indispensables réformes de fond -celle, par exemple, qui devrait toucher l'article 40.

Si la droite vote aujourd'hui, dans sa majorité, contre l'inversion du calendrier qui nous est proposée, c'est par un calcul purement politicien : elle espère conquérir plus facilement une majorité lors des élections législatives et aborder l'échéance présidentielle dans des conditions favorables.

Que n'avons-nous entendu à ce sujet, en particulier depuis les élections municipales !

Notre vote n'a pas le même sens ; c'est un appel à une révision de la Constitution visant à démocratiser la vie politique, favoriser l'implication citoyenne et approfondir le changement engagé depuis 1997, après 2002 aussi.

Pour ces raisons, le groupe communiste et apparentés votera contre le texte qui nous est proposé (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Michel Hunault - Ce débat se déroule quelques jours après les élections municipales et cantonales qui ont été un échec cinglant pour la majorité plurielle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Malgré cela, le Gouvernement persiste à ne pas entendre les Français, qui souhaitent le voir s'attaquer aux problèmes de fond que sont la réforme du système éducatif, le financement des retraites, le traitement de l'insécurité, le malaise de la fonction publique, les conséquences de la crise agricole, les problèmes des professionnels de la santé...

Au lieu d'écouter, vous vous obstinez à vouloir prolonger les mandats des députés. Le moins que l'on en puisse dire est que ce débat est en décalage complet avec les préoccupations de nos concitoyens.

Je ne peux davantage vous suivre sur la forme. La chronologie des élections de 2002 est connue depuis 1997. Pourtant, vous n'avez pas jugé utile de la remettre en cause au cours d'un débat serein. La discussion sur le passage au quinquennat aurait été une excellente occasion de traiter du calendrier électoral -vous ne l'avez même pas suggéré ! Une nouvelle fois, le Gouvernement et le Premier ministre sont pris en flagrant délit de tripatouillage.

M. le Rapporteur - Je vous rappelle que le texte émane de notre Assemblée !

M. Michel Hunault - Qui, sinon le Premier ministre, exposait publiquement, le 19 octobre, que faute de consensus, toute initiative de sa part concernant le calendrier serait interprété de manière « politique, voire politicienne « ? Or, ce consensus n'existe pas dans votre propre majorité. L'intervention de l'orateur communiste qui m'a précédé était très éclairante, et M. Hue s'est déclaré résolument hostile à l'inversion, déclarant que « les législatives seraient réduites à une simple formalité ». C'est donc bien un coup politique que l'inscription de ce texte à notre ordre du jour et les Français, dans leur majorité, ne s'y sont pas trompés. Mais le Premier ministre a l'habitude de changer d'avis, on l'a vu encore récemment pour ce qui concerne le cumul des mandats de maire et de député. Le ministre de l'intérieur ici présent en sait quelque chose...

Traitée, comme le fait le parti socialiste, l'élection des députés comme le simple corollaire de l'élection présidentielle, c'est renouer avec une conception dépassée, « super-présidentialiste » de nos institutions. Peut-on s'en étonner, de la part d'un Gouvernement qui a fait adopter par notre Assemblée une loi d'habilitation l'autorisant à transposer par ordonnances une cinquantaine de directives dont plusieurs auraient mérité un vrai débat ? Et que dire de textes aussi importants que la réforme des marchés publics, traités par voie réglementaire ou du peu d'intérêt que vous réservez aux propositions de loi émanant des députés, fussent-ils de votre propre majorité ?

Non seulement ce débat est à mille lieux des préoccupations quotidiennes des Français, non seulement votre texte affaiblit le Parlement mais il ne règle aucun des problèmes que nous aurions pu traiter dans la sérénité et non pas au cours d'un simulacre de débat bâclé en deux heures.

Pourtant, le débat constitutionnel est légitime. Nos institutions datent de 1958, et nous aurions pu imaginer que l'inversion du calendrier aurait donné lieu à un vrai débat sur leur évolution. Heureusement, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, le Sénat a enrichi la réflexion par des travaux d'une grande qualité.

Vous vous êtes souvent référé à l'esprit des institutions pour justifier la présente proposition. A cet égard, le groupe du Rassemblement pour la République n'a aucune leçon à recevoir de ceux qui n'ont cessé de combattre les institutions de la Ve République. Parmi les arguments avancés par les partisans de l'inversion du calendrier, est évoqué le respect de la conception gaullienne selon laquelle l'élection présidentielle prime. Mais la primauté institutionnelle ne s'est jamais confondue avec la chronologie ! En 1958, l'élection du général de Gaulle à la Présidence de la République a eu lieu après l'élection des députés ; on ne peut pas dire que ce calendrier ait compromis la primauté du Président de la République ! En 1968, les élections législatives se sont déroulées moins d'un an avant l'élection présidentielle et celle de 1973 ont précédé l'élection présidentielle de 1974.

En fait, chacun sait pourquoi vous souhaitez modifier le calendrier électoral : les seules fois où vous avez emporté, sous la Vème république, la majorité à l'Assemblée nationale, c'était après les dissolutions de 1981, 1988 et 1997. On comprend donc que l'application du calendrier prévu vous inquiète.

Vous n'avez cessé de combattre les institutions de la Ve République avant de vous en accommoder. Cela ne vous rend en rien dépositaire de l'esprit de ces institutions. La vraie raison de la modification du calendrier électoral c'est l'interrogation de Lionel Jospin sur le cas de figure qui lui était le plus favorable. Henri Emmanuelli, le 27 novembre, ne déclarait-il pas : « personne n'est dupe, cela fait des mois que le calendrier tel qu'il existe aujourd'hui n'est pas vraiment favorable au candidat de gauche » ? Dans le même temps, Cohn-Bendit disait : « il faut inverser le calendrier, c'est l'intérêt de M. Jospin, il faut être franc en politique ! ».

Aussi, ne nous présentez pas aujourd'hui, comme étant de l'intérêt général ce qui en fait ne sert que l'intérêt d'un candidat. Je comprends ceux qui souhaitent des cohabitations moins fréquentes mais il revient aux Français de choisir ce qui leur semble cohérent. De plus, reporter l'élection législative au mois de juin ne règle pas définitivement la question de la cohabitation. J'ajoute que l'action du Gouvernement n'a pas été entravée pendant cette longue cohabitation car le Président de la République chargé de l'essentiel, était bien au-dessus de l'action quotidienne du Gouvernement.

Je l'ai dit, l'inversion du calendrier ne réglera pas le risque de cohabitation. Non seulement, rien n'empêchera les Français de voter différemment lors de scrutins proches dans le temps, mais encore le pouvoir de dissolution du Président de la République peut à nouveau décaler les dates de scrutins et faire que les élections législatives et présidentielles ne coïncident plus. La démission ou le décès d'un Président de la République en exercice peut avoir le même effet. Dans ces conditions, en quoi ce changement de calendrier particulier peut-il avoir valeur de référence ?

C'est un vrai débat constitutionnel qu'il faudrait engager et vous n'avez pas le droit de modifier le calendrier au gré de vos seuls intérêts.

Michel Debré, l'un des pères de la Constitution, écrit : « il y a deux lectures de la Constitution. L'une fait du Président de la République le guide, l'autre débouche sur un régime parlementaire à la britannique. La première lecture est la règle quand le Président de la République et l'Assemblée nationale tiennent leur légitimité de la même majorité, la seconde lecture sera la règle en cas contraire ». Et il ajoutait : « la valeur d'une Constitution n'est pas dans le fait qu'elle évite les crises mais qu'elle permette de les trancher dans le respect des exigences de la démocratie, de l'Etat, de la nation.

Les Français, comme vient de le dire François Léotard, aspirent à un régime politique équilibré, moderne, qui laisse toute sa place aux droits du Parlement. L'ordre des élections, en fait, importe peu. Les laisser avoir lieu dans leur ordre actuel n'est en rien une offense faite à l'esprit de nos institutions qui ont montré leur souplesse, mais aussi leur solidité.

Vous n'avez pas le droit de modifier le calendrier au gré de vos seuls intérêts électoraux. Du reste, il n'y aura au printemps prochain qu'une seule élection puisque la législative incitera chaque camp à se rassembler autour d'un leader qui deviendra son candidat légitime à la présidentielle. Votre souci de modifier le calendrier n'aurait en fait pour conséquence que d'accroître les prérogatives du Président.

Quant à nos amis de l'opposition qui ont voté cette proposition, je les invite à considérer qu'elle ne garantit en rien le règlement de la question au-delà de 2002 et qu'ils seraient mieux inspirés, pour rester fidèles à leurs conceptions, de déposer une proposition de loi constitutionnelle en sorte que l'ordre des élections soit inscrit dans la Constitution. A l'occasion de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle de M. Pierre Méhaignerie sur le droit à l'expérimentation des collectivités locales les députés du RPR ont démontré qu'ils étaient prêts à apporter leurs voix aux modifications qui tendent à moderniser nos institutions.

En l'espèce, nous assistons bien à une tentative de changement des règles du jeu, et ce moins d'un an avant une élection alors même que le calendrier était connu depuis cinq ans. Dès lors, il est clair que la majorité admet qu'elle a tout à craindre d'une campagne unitaire de l'opposition aux prochaines élections législatives. C'est l'union en effet qui a permis la reconquête de nombreuses municipalités et vous devez savoir, Monsieur le ministre, que quelles que soient les conditions dans lesquelles nous irons à ces élections, nous proposerons aux Français une toute autre vision du pays que la vôtre, pour une France moderne qui sache concilier progrès social et développement économique et rétablir, là où elle est mise à mal, la cohésion sociale.

Oui, l'opposition prépare l'avenir. Confiante dans l'issue des prochaines échéances, elle refuse d'en modifier les termes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Gérard Gouzes - J'entends parler depuis tout à l'heure avec quelque effarement d'inconstitutionnalité puisque, par principe, le Conseil constitutionnel ne censure jamais le report d'une élection. Tout juste s'est-il contenté de poser pour principe que le report proposé ne porte pas atteinte au renouvellement régulier des Assemblées. Qui peut croire qu'une prolongation de trois mois de nos mandats irait à l'encontre de cette règle ? Et n'a-t-on pas connu, en 1995, des élections municipales reportées pour des raisons techniques tout aussi respectables que celles qui fondent aujourd'hui notre démarche.

M. Devedjian argue qu'on ne peut modifier les conditions d'une élection moins d'un an avant sa tenue. Mais quelle est l'assise constitutionnelle de cette assertion ? Quel article de la Constitution, quelle jurisprudence l'ont-ils jamais établie ?

En revanche, le Conseil constitutionnel, saisi le 10 janvier dernier de la loi organique relative à la répartition des sièges à l'assemblée territoriale de la Polynésie française, adoptée moins d'un an avant son renouvellement, n'a pas considéré que le texte était contraire à la Constitution. Or, c'est le mode de scrutin lui-même qui était en jeu et pour une simple adaptation du calendrier.

Reportons-nous plutôt à l'article 25 de la Constitution qui donne expressément compétence au législateur pour fixer la durée des pouvoirs des Assemblées. Si le constituant de 1958 a confié au législateur une telle compétence, sans imposer par conséquent une révision constitutionnelle, c'est bien qu'il entendait maintenir une certaine souplesse pour tenir compte de situations particulières telles que celle qui se présenterait si nous laissions le calendrier « à l'envers ».

La question préalable a ensuite voulu nous laisser croire qu'il ne serait pas opportun de discuter de ce texte. J'en déduis que le RPR accepte que les élections législatives deviennent dans ce pays le scrutin majeur et que le Premier ministre issu des législatives soit imposé à un Président ainsi affaibli : comment dès lors se réclamer encore du gaullisme ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) N'est-ce pas faire peu de cas de l'apport de la révision de 1962 ?

Quant à la sincérité, parlons-en ! Quelle peur vous saisit pour que vous soyez prêts à renier vos principes et à reléguer au second plan l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ? Car si les choses restaient en l'état, à quoi cela servirait-il d'élire le Président au suffrage universel ?

Au terme de plus de trois mois de travaux, la commission des lois du Sénat a procédé à l'examen de la présente proposition de loi organique et elle a estimé que les conditions d'examen de la proposition par le Parlement n'étaient pas acceptables -et non irrecevables et la nuance est d'importance-, que le choix du troisième mardi de juin était loin d'être satisfaisant et qu'aucun motif d'intérêt général ne justifiait la mesure proposée. En conséquence, ils ont décidé de ne rien changer. Tout juste ont-ils daigné s'inquiéter de la bonne organisation des parrainages des candidats à l'élection présidentielle et ont-ils proposé le respect minimum de trente jours entre les élections législatives et une élection présidentielle.

A cette méthode pour le moins expéditive et partisane, ils ont ajouté une armée de « cavaliers » sans aucun rapport avec l'objet des propositions, qui tendent à inscrire dans la loi plusieurs inéligibilités, dont certaines sont relatives au Sénat.

Pour les éminents juristes de la Haute assemblée, ces rajouts fondamentaux auraient même eu le mérite de transformer « le plomb en or », c'est-à-dire le texte adopté ici-même à la majorité absolue en première lecture en « proposition de loi organique relative au Sénat », ce qui nous obligerait à faire adopter ce texte en termes identiques par les deux Assemblées.

L'astuce mérite d'être saluée car le précédent ainsi créé tendrait à offrir au Sénat la possibilité de bloquer systématiquement les pouvoirs de notre Assemblée.

M. le Rapporteur - C'est un coup de force !

M. Gérard Gouzes - Plus puériles que sérieux, de tels arguments n'ont pu que faire échouer la commission mixte paritaire.

Le texte dont nous débattons aujourd'hui reste donc bien la synthèse des propositions de loi organique qui étaient défendues, en dehors de moi-même, par MM. Sarre, Charles, Barre, de Charrette et Ayrault.

En quoi donc ces propositions ne seraient-elles pas acceptables ? Parce que le Gouvernement avait affirmé qu'il ne prendrait pas d'initiative, sauf très large accord de notre Assemblée ?

Quel crédit accorder à un gouvernement qui ne tiendrait pas compte de l'expression majoritaire de l'Assemblée nationale sur tel ou tel sujet important ? Ce qui ne serait pas acceptable c'est tout au contraire que le Gouvernement fasse la sourde oreille à la volonté du corps législatif. Et le consensus n'a pas été relatif, puisque le texte a été voté par 300 voix contre 245 !

On nous dit ensuite que les droits du Parlement auraient été ignorés. Mais, depuis quand les députés auraient-ils à se plaindre de voir le Gouvernement accepter de débattre rapidement de leurs propositions de loi ? Quel parlementaire digne de ce nom pourrait s'en offusquer ?

Ayant finalement accepté d'en débattre, les sénateurs ont trouvé peu satisfaisant le choix du troisième mardi de juin, comme date d'expiration des pouvoirs de notre Assemblée. Nous continuons cependant de souscrire pleinement à cette proposition de M. de Charrette.

Nous accusant de vouloir « abolir le hasard », nos opposants n'ont trouvé aucun argument sérieux à nous opposer sur la nécessité, dans l'esprit des institutions de la Ve République, de procéder naturellement à l'élection du Président de la République avant d'organiser les élections législatives. Ni les précédents évoqués : l'élection présidentielle par le Parlement élargi en 1958 ; celle de 1969 intervenue un an après des législatives ; celle de 1974 quatorze mois après les législatives de 1973... Ni les « si » évoqués à propos des législatives de 1993... n'auront convaincu quiconque.

Une seule question reste posée : rien ne permet d'affirmer qu'à l'avenir, la date de l'élection présidentielle ne soit plus modifiée par l'interruption du mandat d'un Président de la République. Effectivement, la non-concordance des deux élections, même si l'adoption du quinquennat est à même de rendre l'hypothèse moins vraisemblable, est susceptible de poser un jour le même débat que celui qui nous rassemble aujourd'hui.

Face à une situation purement conjoncturelle, au nom de quoi ne pourrions-nous pas rétablir un calendrier qui, s'il demeurait en l'état, provoquerait de graves difficultés que la réforme proposée résout aisément ? « Pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliqué » ? Telle semble être cependant la position des adversaires de notre proposition !

Si la notion de droit est inséparable de celle de culture, et si l'on admet que toute culture est basée sur un système cohérent de valeurs, nous devons respecter la logique de nos institutions. Depuis 1962, la clé de voûte du régime, c'est l'élection présidentielle, qui doit rester première. Cet ordonnancement, dont le quinquennat renforce la cohérence, est au c_ur de « l'esprit » de notre Constitution.

Qu'il me soit permis d'insister sur ce point :

S'il en était différemment, si les élections législatives avaient lieu immédiatement avant la présidentielle, le Premier ministre issu de ces élections législatives serait désigné par le Président de la République sortant. Quelle autorité aurait alors son successeur ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Eric Doligé - Ce sera le même !

M. Gérard Gouzes - A ceux qui disent, fort justement d'ailleurs, qu'aucun calendrier ne suffira à empêcher toute cohabitation, je répondrai qu'il est des cohabitations bien plus redoutables que d'autres, et que le schéma que je viens d'évoquer exacerberait les conflits au point de conduire, le cas échéant, à une nouvelle dissolution quelques mois plus tard, sans que celle-ci garantisse davantage au nouveau Président une Assemblée moins hostile. Notre pays, qui a déjà souffert des crises parlementaires de la IVe République, se trouverait confronté à une nouvelle sorte de crise, bien plus pernicieuse et dangereuse, et ce n'est nullement une manipulation, mais au contraire une bonne action (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL), que de chercher à la lui épargner.

C'est un risque de cohabitation périlleuse et sans précédent qui se profilerait, c'est un affaiblissement de la fonction présidentielle, contraire à toute la construction voulue par le général de Gaulle (Mêmes mouvements), qui se produirait si, dans un sursaut démocratique, la représentation nationale n'en prenait pas conscience. Certains font mine de se demander s'il est bien souhaitable que l'Assemblée élue entame ses travaux le troisième mardi de juin pour les interrompre quelques jours plus tard, ou que le projet de budget commence à être élaboré par le Gouvernement sortant pour être remis en cause par son successeur ; c'est tout simplement faire fi, non seulement du droit de dissolution, mais encore de l'idée même d'alternance !

Ce qui anime, en vérité, les réfractaires à cette loi de bon sens, ce sont leurs arrière-pensées (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Leur argumentation est en effet trop simple : selon eux, la majorité actuelle chercherait à faire élire son candidat à la présidence avant des législatives plus aléatoires. Mais qui peut dire, aujourd'hui, que tel candidat l'emporterait sur tel autre ? Chacun a pu mesurer, tout récemment, les limites des sondages ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Ceux qui tiennent un tel raisonnement, en outre, semblent faire bien peu de crédit à leur candidat, surtout s'il s'agit de l'actuel Président de la République ! (Mêmes mouvements)

Messieurs les donneurs de leçons, demandez-vous plutôt si ce n'est pas vous et vous seuls qui, en refusant ce que le bon sens vous dicte, vous livrez à une man_uvre au risque de dénaturer les institutions dont vous aimez tant vous prévaloir ! L'ardeur politicienne et l'affolement partisan vous font perdre le sens de l'Etat ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Quel que soit le résultat des prochaines élections, présidentielle et législatives, ceux qui auront voté le rétablissement du calendrier logique pourront avoir l'âme sereine et la conscience tranquille, car ils auront servi la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV)

M. Dominique Bussereau - Absence de fondement juridique comme de vision d'ensemble, méthode critiquable : tels sont les maux dont est atteinte la réforme proposée. Les péripéties de la CMP en sont le meilleur témoignage : à vouloir mettre les parlementaires devant le fait accompli, le Gouvernement s'est pris à son propre piège, car la version du texte votée par le Sénat en fait une loi organique concernant ce dernier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et si le Gouvernement avait voulu s'y opposer, il aurait pu le faire en recourant au vote bloqué. S'il ne l'a pas fait, c'est bien que ses arguments étaient fragiles et artificiels.

C'est d'autant plus grave que nous remettons en cause, par petites touches successives et de plus en plus fréquentes, l'équilibre même de la Ve République. Combinée au quinquennat, que nous approuvons par ailleurs, la réforme du calendrier électoral revient à jouer à pile ou face l'avenir de nos institutions, avec pour objectif inavoué de revenir à la pratique du fait ultra-majoritaire, mise à mal ces vingt dernières années. Le Président de la République deviendrait ainsi le seul élément structurant de notre vie politique et monopoliserait l'ensemble des pouvoirs reconnus à l'exécutif, au détriment du Premier ministre, lequel ne serait plus, en quelque sorte, que son directeur de cabinet.

M. Gérard Gouzes - C'était la conception du général de Gaulle !

M. Dominique Bussereau - Nos collègues gaullistes peuvent sourire en vous entendant dire cela, car vous l'avez toujours combattu !

M. Gérard Gouzes - A l'époque, nous étions à peine nés, l'un et l'autre !

M. Dominique Bussereau - Les élections législatives seraient totalement éclipsées par l'élection présidentielle, dont elles n'auraient qu'à confirmer le résultat. Ce serait l'émergence d'une sorte de monarchie parlementaire. Quid, dans ces conditions, du Premier ministre ? De qui tirerait-il sa légitimité ? Comment osez-vous prétendre que nos institutions n'en seraient pas bouleversées ?

Aux termes de l'article 5 de la Constitution, le rôle du Président de la République est d'assurer « par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » ; inverser l'ordre des élections revient à faire de lui, au contraire, le véritable chef du Gouvernement, rôle qui est pourtant, de par les articles 20 et 21, dévolu exclusivement au Premier ministre. En outre, tant les articles 49 et 50, relatifs à la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée, que l'article 39, qui prévoit que l'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement, traduisent le fait que le Gouvernement procède du Parlement et non du Président de la République -auquel cas, soit dit en passant, le contreseing exigé pour la plupart des actes de ce dernier n'aurait pas de sens.

Avec la réforme qui nous est proposée, nous nous acheminons donc vers un régime présidentiel, sans pour autant aller jusqu'au bout de cette logique et supprimer, outre la fonction de Premier ministre, la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement et le droit de dissolution qui en est le corollaire. Dans un vrai régime présidentiel, en effet, la séparation des pouvoirs est totale : c'est ainsi que le président des Etats-Unis (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) dispose de la totalité du pouvoir exécutif, mais n'a pas l'initiative des lois, tandis que le Congrès dispose de pouvoirs de contrôle très étendus et même du pouvoir de bloquer les initiatives du président en matière de nominations et de ratification des traités.

Le caractère bancal de cette réforme montre bien qu'elle n'est pas motivée par des raisons de fond, par des arguments juridiques, mais par des considérations de circonstance, purement politiciennes, qui font peu de cas de l'équilibre de nos institutions. Le groupe DL considère donc que cette inversion n'est pas fondée en droit et, si ses arguments de bon sens ne peuvent convaincre la majorité de cette assemblée, il demandera bien sûr au Conseil constitutionnel de trancher (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Michel - Nous sommes donc appelés ce soir à parachever l'_uvre entreprise et à rétablir la grande échéance électorale présidentielle avant les élections législatives. A défaut, l'élection présidentielle serait gravement dévalorisée et le rôle du Président de la République s'en trouverait dissous dans la grisaille consensuelle. D'ailleurs c'est une lecture bien girondine qu'a faite Mme Ameline, invoquant Montesquieu et Tocqueville pour mieux dissoudre les pouvoirs du Président dans un européisme béat.

En ces temps où l'action politique est contestée, la France a plus que jamais besoin d'une institution qui donne le cap et à laquelle le mode d'élection confère une légitimé particulière. A ce propos, le commentaire de Michel Debré auquel se référait Mme Ameline date d'avant la réforme de 1962 instituant l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Cette élection est le moment où s'affrontent deux programmes, deux conceptions de l'avenir du pays entre lesquels les Français sont appelés à trancher. La subordonner à l'élection d'une majorité parlementaire en ne modifiant pas l'ordre des scrutins qui doit tout au hasard de la petite histoire, c'est priver les Français d'un moyen unique de peser sur leur destin.

Au-delà, le rétablissement de l'ordre des scrutins est, aux yeux des députés du Mouvement des citoyens, le prélude à d'autres réformes de nos institutions. A ceux qui craignent un renforcement de la présidentialisation, je réponds qu'il faut en finir avec les cohabitations à répétition, qui affaiblissent le pouvoir, et tirer un trait sur un retour au parlementarisme à l'ancienne. Il convient donc d'évoluer vers un régime présidentiel, qui implique, paradoxalement, un renforcement des pouvoirs du Parlement. L'usage par le Président du droit de dissolution devrait impliquer la remise en jeu de son mandat devant les électeurs. Le Gouvernement serait alors responsable devant le Président. Dans ce cadre, le scrutin proportionnel se justifierait pour l'élection à l'Assemblée.

C'est dans ces perspectives que les députés MDC soutiennent ce texte, eux qui furent les premiers à déposer une proposition en ce sens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Maurice Leroy - Avec cette proposition, il s'agit simplement de rétablir le calendrier électoral, de revenir à la normale, pour échapper au hasard de l'ordre actuel des élections prévues pour 2002. En effet, le calendrier actuel n'est que le résultat du hasard puisqu'il tient au décès du Président Pompidou en avril 1974, et à la dissolution décidée au printemps 1997 par le Président Chirac.

Évoquant la Constitution de 1958, notre collègue Michel Hunault a oublié la réforme de 1962 et l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Lorsque le Président de la République a été élu en 1958, ce n'était pas au suffrage universel. Alors, on nous dit qu'en 1968 les élections législatives ont précédé l'élection présidentielle. C'est vrai ! Mais si l'élection présidentielle a eu lieu en 1969 c'est du seul fait de la démission du général de Gaulle. Et si en 1973, les élections législatives ont aussi précédé l'élection présidentielle ; cela est justement dû au décès du Président Georges Pompidou. Si ce malheur n'était pas arrivé, l'élection présidentielle aurait précédé de moins de deux ans les élections législatives. Ne tirons donc pas des accidents de l'histoire des conclusions constitutionnelles hâtives !

M. Gérard Gouzes - Très bien !

M. Maurice Leroy - Il convient donc bien de remettre le calendrier à l'endroit et il n'y a là nulle man_uvre (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). S'il y en avait, nos collègues communistes s'apprêteraient-ils à voter contre cette proposition ? Cette remise en ordre est donc conforme à la lettre comme à l'esprit de la Constitution.

Voilà pourquoi notre collègue Raymond Barre a très tôt déposé une proposition de loi modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Avec mes collègues du groupe UDF qui approuvent le rétablissement du calendrier électoral, nous souhaitons seulement que les Françaises et les Français puissent exercer un choix éclairé, quel qu'en soit le sens. Ne pas voter le rétablissement du calendrier reviendrait à considérer que le Président de la République n'est plus la clef de voûte de nos institutions ; donc à réfuter la logique institutionnelle de la Ve République.

Comme l'a clairement dit Raymond Barre le 20 décembre dernier, « Evitons d'inoculer à nos institutions, par la conjugaison du hasard et de fragiles calculs électoraux, le poison d'une division paralysante pour l'avenir. A la suite d'une longue période de cohabitation, qui aura vu l'affaiblissement sensible de la fonction présidentielle, le renvoi de l'élection présidentielle après les élections législatives ne manquerait pas de l'affaiblir davantage. L'élection législative deviendrait un simple appendice des législatives ». Certes, cette proposition ne règle pas le problème de manière définitive. Mais, cette critique est faite par ceux-là même qui ont voté le quinquennat, sans permettre que le projet puisse être amendé. La règle de base de la Ve République, ce qui fait son originalité, ce qui conditionne sa cohérence, c'est que la majorité parlementaire se forme dans le sillage de la majorité présidentielle, que l'élection du chef de l'Etat demeure le fondement. Or, si les élections législatives avaient lieu à la date prévue, c'est l'inverse qui se produirait. Restons-en donc à l'essentiel. Permettons aux Françaises et aux Français de voter résolument la « tête à l'endroit ». Fixons les élections législatives après l'élection présidentielle, conformément à la logique institutionnelle de la Ve République.

Nous sommes totalement d'accord avec notre collègue François Léotard pour considérer qu'il y a aussi urgence à revaloriser le Parlement et les droits et prérogatives des parlementaires. Ce débat aurait dû avoir lieu au moment du quinquennat, et il faudra le reprendre. Mais est-ce parce qu'on ne règle pas toutes les situations qu'il faut n'en régler aucune ?

M. Gérard Gouzes - Très bien !

M. Maurice Leroy - Parce que cette proposition de loi apporte une solution durable, nous la voterons au groupe UDF car nous sommes convaincus que ce retour à la logique institutionnelle signifie plus de pouvoir démocratique direct pour les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. André Vallini - Cette remise du calendrier dans le bon sens n'épuise pas le sujet de l'évolution de nos institutions mais permet d'engager la réflexion sur ce sujet important.

Les Français sont attachés à deux réalités institutionnelles fortes : l'élection du Président de la République au suffrage universel et la stabilité gouvernementale. Ces impératifs n'empêchent nullement le rééquilibrage des pouvoirs que veulent les socialistes. Il nous faut éviter la concentration excessive des pouvoirs à l'Elysée et aller vers un président responsable des grandes orientations politiques du pays et respectueux du rôle du Parlement et du Gouvernement, garant de l'impartialité de l'Etat, de la cohésion sociale, du respect des libertés, de l'indépendance de la justice de la sécurité du pays. Il faut aussi aller vers le statut juridique d'un président citoyen, qui ne saurait s'accommoder de l'immunité pénale que nous connaissons. Une révision de la Constitution notamment de l'article 68, sera donc nécessaire, pour faire du Président de la République un justiciable ordinaire.

Le droit de dissolution devra être strictement limité car il ne saurait servir des convenances personnelles ou des considérations purement tactiques. Il ne peut être qu'un instrument permettant de sortir d'une situation de crise, d'éviter une paralysie des institutions. Son usage ne doit être qu'exceptionnel.

Les Français sont attachés à la fonction présidentielle mais aussi à la capacité du Parlement de les représenter dans toute leur diversité. La pratique du Gouvernement de Lionel Jospin depuis près de quatre ans montre qu'une autre perspective que celle du parlementarisme rationalisé est possible. Cette pratique ne met en péril ni la stabilité gouvernementale ni l'existence d'une majorité. La suppression de l'article 49-3 de la Constitution est donc possible et souhaitable, comme celle du vote bloqué. Pour l'avenir, l'introduction d'une close de proportionnelle dans le scrutin législatif sera nécessaire pour une meilleure représentation de la diversité politique du pays.

Quant au Sénat, il faudra moderniser non seulement le mode d'élection de ses membres mais aussi la durée de leur mandat.

Pour faire mieux respirer notre démocratie, il conviendrait de recourir plus fréquemment à un référendum rénové et désacralisé, évitant toute dérive plébiscitaire.

Enfin, il nous faut songer à la réforme du Conseil constitutionnel -de sa procédure, de sa saisine, de sa composition et du mode de nomination de ses membres-, et à l'instauration de l'exception d'inconstitutionnalité que pourrait soulever tout justiciable à l'occasion d'une procédure juridictionnelle.

Pour indispensables qu'elles soient, les réformes dont nous parlons ne sauraient suffire à donner un nouveau souffle à notre vie publique.

Nos concitoyens attendent tout d'abord des institutions dans lesquelles ils se retrouvent pleinement. Au-delà de la réforme de la parité, il convient de faciliter encore l'accès de tous aux fonctions électives.

Nos concitoyens attendent, ensuite, des institutions utiles. L'invocation de la contrainte -notamment extérieure- en remplaçant la défense d'un projet, a parfois donné le sentiment d'une impuissance des pouvoirs publics. Le volontarisme du gouvernement Jospin, notamment contre le chômage, démontre le contraire ; les Français, de surcroît, comprennent de mieux en mieux qu'il est nécessaire d'agir au niveau européen, ce qui pose le problème du déficit démocratique de nos institutions européennes.

Nos concitoyens attendent enfin des institutions responsables. A force de promesses sitôt oubliées, de dissolution ou de référendum dont on ne tire aucune conséquence, on finit par détendre le lien civique. Là encore, la voie choisie par le gouvernement Jospin montre que la politique peut ne pas se résumer à la conquête ou à la conservation du pouvoir, qu'elle doit reposer d'abord sur une éthique et sur des engagements que l'on tient.

Des institutions représentatives, utiles et responsables : voilà trois exigences à satisfaire pour faire vivre la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marie-Hélène Aubert - Les résultats des dernières élections ont fait apparaître que nos concitoyens attendaient des orientations politiques claires. A cet égard, la proposition de loi sur l'inversion du calendrier fait pâle figure... Au lieu de tracer les perspectives d'une VIe République, nous parlons d'un texte plus politicien que réformateur.

Au-delà du risque de cohabitation, auquel ce texte ne change rien, les tares de la Constitution de la Ve République demeurent : faible séparation des pouvoirs, poids excessif du pouvoir exécutif, Parlement aux prérogatives très réduites, contrôle insuffisant du pouvoir exécutif, insuffisance des contre-pouvoirs, cumul des mandats, modes de scrutin disparates et injustes... Les « niches » concédées au Parlement, par leur désignation même, montrent bien dans quelle considération celui-ci est tenu. Le véritable législateur est le Gouvernement.

L'inversion du calendrier ne changera pas grand chose non plus au découragement de nos concitoyens, de plus en plus nombreux à déserter les bureaux de vote.

Nous pensons depuis longtemps qu'il faut refonder la République en mettant en _uvre les principes fondamentaux d'une démocratie : séparation et équilibre des pouvoirs, élection au suffrage universel direct de tous les responsables, représentation proportionnelle des sensibilités politiques dans les assemblées, respect des droits des minorités, uniformisation des mandats, extension des possibilités de référendum, intervention des citoyens dans les processus de décision.

Comme beaucoup de constitutionnalistes, nous pensons que le temps est venu de construire une VIe République. Nos propositions peuvent être mises en _uvre rapidement : harmonisation de la durée de tous les mandats nationaux et locaux à cinq ans, Sénat inclus ; élection des députés pour moitié à la proportionnelle, pour moitié au scrutin majoritaire ; élection des sénateurs au suffrage universel direct et à la proportionnelle dans le cadre des régions, interdiction du cumul des mandats, droit de vote pour les résidents étrangers aux élections locales, véritable statut de l'élu.

La question des modes de scrutin reste centrale. Comment accepter l'exclusion d'une grande partie de l'électorat ? Quelle peut être la légitimité du Parlement s'il est réservé aux représentants de quelques partis ?

Les députés Verts voteront contre cette proposition de loi, hors sujet, et qui plus est, inefficace au regard de ses objectifs affichés (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Jean-Yves Caullet - Sans revenir sur les excellents arguments qui ont été développés par mes collègues, je voudrais évoquer une question : y aurait-il calcul ? Si oui, serait-ce de la part de ceux qui veulent modifier le calendrier ou des autres ?

Entrer dans cette logique, c'est mettre en doute la capacité de nos concitoyens à faire leur choix et à distinguer les enjeux présidentiels et législatifs. Je pense qu'au contraire les Français sont d'excellents connaisseurs de nos institutions et ont eu maintes fois l'occasion de se prononcer en toute connaissance de cause et en toute indépendance.

La vraie question est donc celle-ci : comment faire pour qu'ils fassent leurs choix dans les meilleures conditions ? Je fais appel à l'expérience de chacun : un candidat à une élection législative qui ferait sa campagne de proximité dans le vacarme assourdissant d'une élection présidentielle prévue quelques semaines plus tard n'aurait aucun moyen de se faire entendre, sauf à se considérer comme un petit soldat de tel ou tel. Il est donc de meilleure méthode de proposer aux Français de choisir d'abord des orientations dans le cadre du scrutin présidentiel, et ensuite de désigner leurs représentants. C'est la vision toute simple d'un élu de terrain, qui ne se prétend pas un expert des institutions mais veut offrir aux Français les moyens de se prononcer en toute indépendance. Votons donc ce texte sans arrière-pensée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jean-Luc Warsmann - Pour qu'une démocratie soit forte, elle doit reposer sur des règles respectées par tous. Parmi elles, il y a les règles selon lesquelles les élections sont organisées. Nous-mêmes, députés, avons posé ce principe qu'on ne saurait toucher à ces règles dans l'année qui précède l'élection.

M. Gérard Gouzes - Ce n'est dans aucun texte !

M. Jean-Luc Warsmann - Or voici que le Premier ministre veut briser ce principe. Quand, à cette tribune, en juin 1997, il nous a présenté le programme de son gouvernement, il disposait déjà de tous les éléments lui permettant de savoir que les élections législatives tomberaient en mars 2002. Et pourtant, il n'a rien annoncé.

Quelque chose a dû changer, puisque le Gouvernement a déclaré l'urgence ; il nous faut maintenant débattre toutes affaires cessantes. Pourquoi l'urgence ? J'ai écouté avec attention les différents orateurs et j'ai retenu que le principal argument invoqué en faveur de l'inversion du calendrier était, dans un souci de clarté, la nécessité de garantir la primauté de la fonction présidentielle. C'est un argument vide de sens (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). D'où le Président de la République tient-il ses pouvoirs ? De la Constitution, dont l'article 5 dispose que « le Président de la République veille au respect de la Constitution » et fait de lui « le garant de l'indépendance nationale ». L'article 10 lui donne le pouvoir de demander une nouvelle délibération. L'article 11 l'autorise à en appeler directement au peuple par la voie du référendum. L'article 13 prévoit qu'il nomme aux emplois civils et militaires. L'article 15 le fait chef des armées. L'article 16 lui donne des pouvoirs exceptionnels en cas de crise. L'article 17 lui reconnaît le droit de grâce.

Depuis 1958, le Président ne tire sa force que de la Constitution. Dès les premières années de la Ve République, le chef de l'Etat avait plus de pouvoir que ses prédécesseurs des IIIe et IVe Républiques.

Sa puissance a encore été confortée par l'élection au suffrage universel direct. Nous aussi, les 577 députés, sommes élus de la sorte, mais notre légitimité est moindre, car l'Assemblée procède de 577 scrutins, tandis que le Président de la République est issu d'une seule élection nationale.

Preuve qu'il n'y a aucun besoin d'inverser l'ordre des élections pour sauvegarder les prérogatives du Président, la Constitution ne pose aucune règle en la matière (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

J'admets, parce que je suis un démocrate, que certains souhaitent garantir que l'élection présidentielle se déroule toujours avant les législatives. Mais avez-vous lu le texte de la commission ? Il tient en deux articles. Le premier dispose que « les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection ». Quant à l'article 2, c'est véritablement l'article félon, puisqu'il précise que « l'article premier s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997 ».

Une majorité peut voter ce texte, que cela ne changera rien : il pourra toujours y avoir des législatives précédant une élection présidentielle. Pour l'éviter, il faudrait abroger l'article 12 de la Constitution relatif au droit de dissolution. Il faudrait encore rendre le Président de la République immortel (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) ou du moins prévoir qu'un vice-président puisse lui succéder (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

On ne nous propose donc pas un débat sur l'avenir de nos institutions, mais une loi de circonstance, qui soulève de nombreuses difficultés juridiques. Certes, l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe « les règles concernant le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ». Jamais, depuis 1958, notre Assemblée n'avait pourtant voté l'allongement de son propre mandat. On a déjà prolongé de quelques semaines des mandats locaux, mais une législature, jamais !

En vertu de quels principes le Conseil constitutionnel se prononce-t-il sur de telles lois ? Je cite sa décision du 6 décembre 1990 : « le choix du législateur doit s'inscrire dans le cadre d'une réforme dont la finalité ne doit être contraire à aucun principe de règle de valeur constitutionnelle. Le Conseil vérifie qu'elle est conforme à l'intérêt général ».

Inverser l'ordre des élections est-il d'intérêt général ? Est-ce une nécessité constitutionnelle ? Aucun article ne nous y oblige.

On nous a dit, piteusement, qu'il faut songer à l'organisation des parrainages. Mes chers collègues, plusieurs dizaines de milliers d'élus ont le pouvoir de parrainer un candidat à l'élection présidentielle. Le problème serait que les députés élus en 2002 ne disposeront que de quelques semaines pour choisir le candidat qu'ils parraineront... Je note toutefois que parmi eux -même si la majorité a subi quelques déconvenues-, un certain nombre pourrait de toute façon parrainer leur candidat en tant que maire ou conseiller général. La difficulté ne concerne donc que deux cents députés environ. Je pense que des parlementaires ont une maturité politique suffisante pour choisir rapidement le candidat qui a leur sympathie.

Il n'y a en outre un problème que si le Gouvernement fait preuve d'une mauvaise volonté particulière dans l'organisation des élections et des parrainages. Si nous conservons le calendrier actuel, en effet, le premier tour des législatives aurait lieu au plus tôt le 3, au plus tard le 24 mars, et le premier tour de l'élection présidentielle le 14 ou le 21 avril. Cela vous laisse tout le temps nécessaire pour recueillir les parrainages entre les deux élections. Il serait en tout cas démesuré de modifier le mandat des députés pour une simple question de parrainages.

Autre difficulté, l'adoption de votre texte signifierait le retour en force des députés godillots (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Mes chers collègues, je vous prie de bavarder moins fort.

M. Jean-Luc Warsmann - Respecter le Parlement, c'est d'abord écouter les orateurs.

Pour certains, il faut inverser l'ordre des élections parce que l'essentiel doit précéder l'accessoire. Les Français devraient choisir en premier leur Président, puis lui donner une majorité.

Eh bien non ! Je me fais une autre idée du député, qui est quelqu'un qui travaille dans sa circonscription. Pensez-vous que l'électeur ne tient pas compte de ce travail ? Croyez-vous que le député doive être le simple supporter d'un candidat à l'élection présidentielle ?

Ce que vous demandez, c'est une chambre d'enregistrement pour le futur Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Aucun texte n'a jamais consacré un tel recul du Parlement.

Permettez-moi de citer le Premier ministre : « Toute initiative de ma part sur le sujet serait interprétée de façon étroitement politicienne », convenait-il le 19 octobre 2000. « Moi, j'en resterai là, ajoutait-il. Il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises ».

Après avoir entendu les orateurs des Verts et du groupe communiste, je constate qu'il n'y a même pas de consensus au sein de la majorité. Cette proposition est même le reniement d'un engagement pris par le Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Je suis incapable de dire qui l'adoption de ce texte favorisera. Mais il est certain que si nous maintenions le calendrier actuel et si -hypothèse de plus en plus probable- la majorité était battue, de nombreuses voix s'élèveraient à gauche pour trouver un autre candidat à la présidentielle que Lionel Jospin. Cette proposition est donc l'assurance tous risques du Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

Vous pouvez, comme sous la IVe République, faire voter une loi de circonstance par une majorité de circonstance. Mais il y a une morale politique, dont l'électeur est le garant (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Chaque fois qu'un Gouvernement a voulu modifier les règles du jeu, il en a payé les conséquences.

Ce sont les électeurs qui arbitrent. J'ai confiance dans le Président de la République. Même si vous votez cette proposition, rendez-vous en 2002 ! J'ai confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures 30 .

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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