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Session ordinaire de 2000-2001 - 70ème jour de séance, 160ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 25 AVRIL 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AVENIR DES RETRAITES 2

LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 2

DIFFICULTÉS DU MONDE AGRICOLE 3

LICENCIEMENTS 4

INSÉCURITÉ 5

RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ACTIONNAIRES 6

CHIFFRES DE LA CONSOMMATION 7

FINANCEMENT DES MAILLONS AUTOROUTIERS 7

AMÉLIORATION DU CADRE DE VIE 8

FINANCEMENT DES 35 HEURES 9

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE 9

POLITIQUE DU LOGEMENT OUTRE-MER 10

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT 10

ELOGE FUNÈBRE DE LOUISE MOREAU 11

COMMUNICATION DU MÉDIATEUR
DE LA RÉPUBLIQUE 14

RAPPEL AU RÈGLEMENT 17

SÉCURITÉ QUOTIDIENNE 18

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 30

La séance est ouverte à quinze heures.

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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AVENIR DES RETRAITES

M. Henri Plagnol - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et je la pose au nom des trois groupes de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; rires sur les bancs du groupe socialiste). En mars 2000, Monsieur le Premier ministre, vous expliquiez aux Français qu'il n'y avait aucune urgence à réformer les régimes de retraite, et vous sortiez de votre chapeau le fameux Fonds de réserve des retraites, en affirmant qu'il serait doté de mille milliards de francs -chiffre rond et magique- à dater de 2020. Or, depuis la création du Fonds, il y a un peu plus de deux ans, le moins qu'on puisse dire est que les échéances que vous aviez fixées n'ont pas été respectées. Devaient en effet alimenter ce fonds, tout d'abord, les excédents du Fonds de solidarité vieillesse. Or, ils ont été utilisés en partie pour financer les 35 heures, qui décidément coûtent cher, et en partie pour le financement prévisionnel de l'allocation autonomie : il n'en reste à peu près rien pour le fonds de réserve des retraites. Seconde recette prévue : le produit de la vente des licences UMTS, dont le ministre de l'économie admet lui-même qu'elle produira au mieux la moitié de la somme escomptée. En bref, sur les 70 milliards prévus, il y en aura à peine la moitié pour le Fonds de réserve, qui ressemble de plus en plus à une Arlésienne.

Allez-vous faire en sorte que le Gouvernement ait obligation de respecter ses engagements quant à l'alimentation de ce fonds ? Et, puisqu'il est clair qu'il ne suffira pas, allez-vous enfin prendre vos responsabilités sur un dossier essentiel, et mettre en _uvre les réformes qu'appelle la sauvegarde du système par répartition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Le Fonds de réserve des retraites n'est pas une Arlésienne. Ce matin en Conseil des ministres, Mme la ministre de l'emploi a présenté un projet de loi qui prévoit la création d'un établissement public : celui-ci doit permettre au Fonds de réserve -qui, je le confirme, doit être doté de mille milliards à l'horizon 2020- de gérer au mieux sa trésorerie. Car le Fonds est déjà doté, et sa dotation va continuer à augmenter dès 2001. Or, il importe que ces fonds puissent être placés, et que les intérêts concourent eux aussi au financement des retraites. Car ce Gouvernement , en effet, croit au régime par répartition.

Vous évoquez les licences UMTS. Mais nous n'avons jamais compté avant tout sur elles pour résoudre la question des retraites. D'ailleurs il n'en était pas encore question quand le Premier ministre a annoncé la création du Fonds de réserve. Ces licences sont venues par surcroît ; nous en avons une partie, nous espérons en avoir plus, mais nous ne comptons pas sur elles pour assurer la pérennité des régimes de retraite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, de nombreuses pratiques fondées sur des préjugés racistes persistent dans notre pays : discriminations à l'embauche, dans les loisirs, l'accès au logement, les services publics... Ces dernières années, le Gouvernement a pris des mesures à ce sujet, comme la création d'un numéro vert, le 114, qui reçoit des centaines d'appels chaque jour, et la mise en place des Commissions départementales d'accès à la citoyenneté, les CODAC. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. La dimension de l'intégration citoyenne, sociale, mais surtout professionnelle des jeunes, inscrite dans le projet des CODAC, a été oubliée en pratique.

Les associations antiracistes souhaitent aujourd'hui des mesures concrètes de lutte contre les discriminations, qu'il s'agisse d'instructions données aux parquets pour exercer des poursuites, ou d'une législation plus contraignante sur l'accès aux lieux de loisir. La simplification et l'accélération des procédures de naturalisation est d'autre part nécessaire. Je souhaite connaître, Madame la ministre, votre sentiment sur ces différents points, en particulier sur la question de l'emploi, et savoir si le Gouvernement entend prendre de nouvelles mesures concrètes pour faire reculer les discriminations (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous le savez, la lutte contre les discriminations est une priorité de ce gouvernement, et le Premier ministre s'y est personnellement impliqué. Nous y travaillons avec tous les acteurs sociaux et le Parlement. C'est d'ailleurs ce dernier qui a pris l'initiative d'une proposition de loi pour lutter contre les discriminations, dont l'examen est en cours. Elle apporte des innovations essentielles : sanction des nouveaux motifs de discrimination -le sexe, l'apparence physique, l'âge...-, charge de la preuve pesant sur les employeurs, accroissement des moyens d'action en justice pour les syndicats et les associations. J'ai réuni la semaine dernière les grandes associations de lutte antiraciste et les partenaires sociaux, pour faire le point sur les dispositions du Gouvernement : le 114 et les CODAC. Et vendredi je m'adresserai aux préfets à ce sujet.

Mes services travaillent en effet avec ceux du ministère de l'intérieur pour mieux évaluer le fonctionnement des CODAC. Leurs résultats sont en effet inégaux. Celles qui fonctionnent bien sont celles qui ont su associer tous les acteurs. Nous préparons donc avec les associations et les partenaires sociaux, ainsi qu'avec les services de l'intérieur et de la Chancellerie, une nouvelle circulaire pour améliorer le fonctionnement des CODAC.

Quant aux naturalisations, Daniel Vaillant et moi-même avons la volonté de réduire les délais entre l'instruction des demandes et la décision. Nous avons dans ce but un projet d'informatisation. Par ailleurs la procédure simplifiée d'acquisition de la nationalité pour les jeunes arrivés en France avant l'âge de six ans fonctionne bien. Et en 1999 42 000 jeunes nés en France sont devenus français sans attendre leur majorité, conformément à la loi de 1998 que j'avais fait voter comme Garde des Sceaux.

Ainsi nous avançons, sur ce problème complexe. Nous avons institué de bons dispositifs : il faut maintenant améliorer leur fonctionnement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DIFFICULTÉS DU MONDE AGRICOLE

Mme Nicole Ameline - Depuis 1998 le monde agricole est confronté à une série de crises sans précédent : fièvre porcine, vache folle, fièvre aphteuse, intempéries. Les agriculteurs sont dans une profonde détresse morale et financière. Le nombre des suicides augmente, particulièrement chez les plus jeunes, qui ne parviennent pas à retrouver l'espoir.

Face à ces drames, il faut à la fois envisager une sortie de crise et redonner des perspectives d'avenir. Or les sommes débloquées par le Gouvernement représentent moins de 30 % des pertes réelles subies par les professionnels. Plus grave, il a été décidé -sans véritable concertation- de modifier les modalités d'indemnisation en cas d'abattage de troupeaux : en vertu de l'arrêté du 31 mars 2000, l'éleveur sera indemnisé au mieux à 60 %, et après de longs mois d'attente dus à une double expertise.

Samedi des dizaines de milliers d'agriculteurs étaient dans la rue, non pour demander l'aumône, mais pour obtenir de l'Etat plus de respect et un réel soutien. Monsieur le ministre de l'agriculture, avez-vous entendu leur appel ? Etes-vous prêt à revenir sur le dispositif des aides, pour mieux répondre aux difficultés réelles du monde agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Le Gouvernement ne mésestime pas le désarroi des agriculteurs et particulièrement des éleveurs (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Et il a pris des mesures, concernant la gestion des marchés et l'indemnisation. Sur cette dernière : 1,4 milliard d'argent européen, s'ajoutant à 1,2 milliard de l'Etat français, moins de deux mois après la décision, ce qui est un record. Et M. Glavany s'est engagé à ce que des acomptes soient versés aux éleveurs, qui n'ont rempli les formulaires qu'à 40 %. Quant à la gestion des marchés, nous retirons 15 000 à 16 000 bovins par semaine, pour lesquels les indemnisations arriveront prochainement. En ce qui concerne les abattages obligatoires -en cas d'ESB, de fièvre aphteuse, de tuberculose et de brucellose- il s'agit d'harmoniser l'indemnisation, car l'ESB a donné lieu à certaines dérives ; quant à la tuberculose et à la brucellose, qui sont encore endémiques par endroit, il fallait réévaluer l'indemnisation.

Notre souci est donc d'harmoniser les aides : dans les cas de fièvre aphteuse, de tuberculose et de brucellose, il y aura réévaluation ; dans les autres, lorsque des dérives auront été constatées, plafonnement.

La procédure prévue est simple : l'indemnisation se fera sur la base d'une évaluation effectuée par deux experts indépendants...

Un député RPR - Un de trop !

M. le Secrétaire d'Etat - Non, il n'y en a pas trop de deux lorsqu'il s'agit d'évaluer la valeur d'un troupeau, de fixer un barème et de vérifier la régularité des opérations.

Si l'indemnisation préconisée par les experts dépasse un certain seuil déterminé en fonction de l'espèce, le dossier sera transmis à la DGAL, qui organisera une expertise supplémentaire. Vous parlez de plafond : non, il s'agit d'un seuil ! Et je pense que cette procédure démontre amplement votre détermination à garantir aux éleveurs une indemnisation rapide (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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LICENCIEMENTS

M. Jean Le Garrec - En 47 mois, le nombre de chômeurs a diminué d'un million et le mouvement va se poursuivre cette année. Quant aux licenciements économiques, ils sont en baisse de 10 %. Notre objectif, plus que jamais, est d'atteindre le plein emploi. Mais l'annonce incessante de plans de restructuration à BSN, chez Philips, Danone, Valeo, Moulinex et demain, peut-être, à AOM, a créé un choc chez les salariés, suscitant leur légitime colère et les plongeant dans l'angoisse. L'opinion, quant à elle, manifeste son incompréhension.

C'est à cette situation qu'il nous faut aujourd'hui faire face. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, vous avez présenté hier à la commission des affaires sociales les propositions dont le Sénat va débattre dans les heures qui viennent, en attendant que l'Assemblée en soit saisie les 22 et 23 mai. Leur objet est clair : prévenir ces licenciements en renforçant les droits des salariés et en posant une obligation de résultat en matière de réindustrialisation des sites.

Il est essentiel que le Gouvernement assume ses responsabilités et l'on ne saurait sous-estimer l'importance des actions syndicales. Cependant, nous devons aussi rappeler les grands groupes à leurs propres responsabilités : l'emploi ne peut constituer la seule variable d'ajustement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Il ne doit pas y avoir contradiction entre l'efficacité économique et la juste prise en compte des impératifs sociaux.

Pourriez-vous donc exposer à la représentation nationale vos propositions, mais aussi ce que vous avez fait pour rappeler aux grands groupes leurs obligations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ces annonces de restructuration ont en effet été une chose terrible pour les salariés et pour les habitants des territoires concernés. Nous ne devons pas laisser ceux qui perdent ainsi leur emploi seuls face à ce traumatisme, à ce bouleversement de toute leur vie, à cette destruction de leur communauté de travail. Le Gouvernement entend donc placer les chefs d'entreprise devant leurs responsabilités sociales. La bonne santé de leur entreprise ne dépend-elle pas d'abord du traitement qu'ils réservent à leurs employés ?

Quant à la loi qui va être soumise au Parlement, elle tend à rendre les licenciements plus coûteux, à imposer des obligations de reclassement et de formation et à améliorer le suivi des plans sociaux et des plans de réindustrialisation. Cependant, nous n'entendons pas nous en tenir à cette loi : il faut aussi mobiliser les partenaires sociaux pour prévenir les restructurations et agir sur les systèmes de formation. Surtout, nous ne devons pas nous limiter à l'échelle nationale : une mondialisation plus humaine exige une forte mobilisation de l'Europe -d'une Europe forte qui ne se résigne pas à ce que l'économie méprise les impératifs sociaux et humains (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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INSÉCURITÉ

M. Jean-Luc Warsmann - Au nom des trois groupes de l'opposition, je veux dire notre inquiétude devant l'aggravation de l'insécurité. Dans de nombreux quartiers, les médecins, les infirmiers et les pompiers sont dans l'impossibilité de remplir leur mission. Le vandalisme et les dégradations s'étendent : 40 voitures brûlées en un an dans la principale commune de ma circonscription ! Et savez-vous quel est le premier geste de nombre de nos concitoyens lorsqu'ils se lèvent le matin ? Ils regardent par la fenêtre pour voir si leur voiture est toujours là, et en bon état ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) On ne peut continuer ainsi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)Le Gouvernement va tout à l'heure nous soumettre un projet sur la « sécurité quotidienne » qui nous a terriblement déçus car il n'est certainement pas de nature à relever le défi de la délinquance. Il ne comporte par exemple aucune mesure contre les mineurs multirécidivistes dont le comportement gangrène la vie de nos quartiers. Pis, Monsieur le Premier ministre : vous avez déclaré à la télévision, la semaine dernière, que vous refusiez de réviser la loi relative à ces mineurs délinquants. Ce matin, votre majorité au sein de la commission des lois repoussait nos propositions visant à responsabiliser les parents. Vous devriez pourtant bien reconnaître qu'un jeune de 16 ans aujourd'hui n'a plus rien à voir avec un jeune de 16 ans de 1945. Acceptez donc de modifier la loi sur les mineurs délinquants ! Associez sans sectarisme tous les députés à ce travail ! Bref, écoutez ce que disent les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Le sujet mérite d'être traité avec dignité et esprit de responsabilité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'Etat ne saurait se soustraire à sa mission, qui est d'assurer la sécurité pour tous et partout. Mais cette sécurité relève de tous : c'est une coproduction.

Les Français savent aussi qu'il faut d'abord s'attaquer aux causes de cette insécurité. La police, en première ligne, assume sa tâche, qui est de protéger, de dissuader, de prévenir mais aussi de réprimer ; la justice fait de même en sanctionnant les délits. Cependant, chacun doit agir aussi. Nul n'a de leçons à donner dans cette matière délicate. Au reste, on vous a vus à l'_uvre. Vous critiquez un texte dont vous n'avez même pas encore débattu. Certes, cette loi ne prétend pas tout régler. Nous n'avons d'ailleurs pas voulu d'une loi d'orientation comme celle de 1995, que vous n'êtes pas parvenus à faire appliquer ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) Que servent les grandes déclarations lorsqu'on ne recrute pas de policiers ? Vous n'avez pas anticipé les départs à la retraite ; ce n'est pas vous qui avez organisé la police de proximité ou le partenariat avec les collectivités ! (Mêmes mouvements)

Ce que vous n'avez pas réussi, nous le ferons. La loi sur la sécurité quotidienne traite de questions importantes : le commerce des armes, responsable de 4 000 morts par an ; les chiens dangereux, les vols à la carte bancaire... Tout cela, vous ne pouvez le balayer d'un revers de main ! (Mêmes mouvements)

Je vous donne rendez-vous tout à l'heure pour débattre sérieusement de tous ces points : la lutte pour la sécurité ne doit-elle pas mobiliser tous les démocrates, tous les républicains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

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RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ACTIONNAIRES

M. Jean-Pierre Brard - Dans l'excellent ouvrage de M. et Mme Pinson intitulé Grandes fortunes, Mme Véronique de Montremy, cousine de l'un des fossoyeurs de la sidérurgie française, M. Ernest-Antoine Seillière de Laborde, déclare : « On ne va plus en Lorraine que pour les enterrements ! Il n'y a plus rien, c'est affreux... ». Mais quand on s'appelle de Wendel ou Seillière, quand on n'a plus rien, il vous reste tout de même les milliards gagnés à la sueur du front des salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Le président du MEDEF, M. Ernest-Antoine Seillière de Laborde, discourt sur la refondation sociale qui va rénover les rapports sociaux. Et nous sommes passés aux travaux pratiques ! Ils se nomment : Danone, Moulinex, Marks and Spencer, AOM, Air Liberté, Air Littoral. Cela représente des milliers de salariés jetés à la rue et qui, eux, n'ont vraiment plus rien car le travail est leur seule richesse (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

L'actionnaire majoritaire d'AOM, d'Air Littoral et d'Air Liberté, Monsieur le baron Seillière, cet aristocrate arrogant (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) et impitoyable a osé déclarer sur Europe 1 qu'il n'était « ni gestionnaire, ni responsable ». Cet homme manipule des sommes considérables et boursicote (Mêmes mouvements) et pendant ce temps, les salariés trinquent ! Que pensez-vous, Monsieur le ministre, de ces boursicoteurs qui jouent l'avenir de leurs salariés au Monopoly ? Quelles mesures peut-on prendre pour que les actionnaires ne puissent plus se prétendre irresponsables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les actionnaires doivent assumer totalement leurs responsabilités vis-à-vis des hommes et des femmes licenciés dans ces conditions. Telle est l'idée qui sous-tend les dispositions nouvelles annoncées hier par Mme la ministre de l'emploi.

Il importe également -et le groupe communiste en conviendra puisque la loi sur ce sujet porte le nom de M. Hue- de contrôler l'utilisation des fonds publics. La fermeté doit prévaloir si elles procèdent à des licenciements économiques après avoir reçu des aides de l'Etat, de la région, de l'Europe ou d'une collectivité territoriale. Je suis heureux de vous annoncer que le décret d'application de ce texte doit être publié dans les prochains jours, une dernière réunion de coordination ayant lieu aujourd'hui avec les services du Premier ministre. Les aides perçues feront l'objet d'un suivi très strict. Le cas échéant, il pourrait y avoir remboursement au cas où l'investissement et l'emploi n'auraient pas été au rendez-vous de l'aide publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Dans quelques semaines, nous allons aussi publier le décret sur la commission nationale des aides publiques, qui contribuera à une meilleure connaissance de l'ensemble des fonds publics dont bénéficient les entreprises et qui donnera aux salariés des outils supplémentaires de négociation avec les directions d'entreprises.

En résumé : plus de moyens donnés aux salariés pour se défendre, plus d'exigence et de sévérité à l'égard de certains actionnaires. Comme l'a rappelé M. Gayssot à M. Antoine Seillière à propos d'AOM, Air Liberté et Air Littoral, il est inadmissible que le groupe Marine-Wendel s'exonère de ses responsabilités économiques, financières et humaines. Le Gouvernement sera donc très ferme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CHIFFRES DE LA CONSOMMATION

M. Jérôme Cahuzac - Monsieur le secrétaire d'Etat au commerce et à l'artisanat, les chiffres de la consommation des ménages pour le premier trimestre 2001 ont été publiés hier. Ces chiffres sont très importants, d'une part parce que la consommation des ménages constitue un élément essentiel de la croissance économique, d'autre part parce qu'elle est un témoin fidèle de la confiance que nos concitoyens ont en l'avenir. Pouvez-vous nous communiquer et nous commenter ces chiffres, dont chacun ici, où qu'il siège, ne peut que se féliciter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - A ceux qui s'interrogent sur l'origine et la pérennité de la croissance -et qui pour certains la jugent toujours exogène-, le Gouvernement a répondu en agissant sur les deux leviers de l'investissement et de la consommation. Les chiffres de cette dernière sont bons, c'est vrai : 3,2 % au premier trimestre et plus de 4,7 % sur un an ; et le troisième meilleur chiffre en quatre ans. C'est le signe d'une confiance retrouvée. J'y ajoute des chiffres concernant les permis de construire, qui ont progressé sur le premier trimestre de 3,2 % et sur un an de 6,7 %.

La croissance et la consommation sont le fruit d'une politique volontariste qui redonne du pouvoir d'achat, d'une politique économique et sociale qui vise à baisser les charges tout en favorisant l'investissement. La consommation, c'est l'emploi, la croissance et la confiance. L'emploi, car si la consommation se renforce, la croissance va se poursuivre et avec elle la baisse du chômage entamée il y a presque quatre ans. Le niveau de cette consommation permet à la France de mieux réagir que les autres pays au refroidissement mondial.

Plusieurs députés UDF - Ce n'est pas vrai.

M. le Secrétaire d'Etat - La croissance et la consommation sont aussi le fruit de la baisse des impôts et des charges ainsi que de la maîtrise de l'inflation.

S'y ajoute une dimension qualitative encourageante car les biens et produits consommés sont de qualité, ce qui laisse augurer une tendance durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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FINANCEMENT DES MAILLONS AUTOROUTIERS

M. Michel Inchauspé - Je constate tout d'abord que M. Vaillant n'a pas répondu à la question de M. Warsmann sur la délinquance des mineurs. S'il ne veut pas réviser l'ordonnance de 1945, il faudra attendre que nous revenions au pouvoir, ce qui ne saurait tarder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mais ma question s'adresse à M. Gayssot, qui a présenté un projet d'ordonnance transposant certaines dispositions européennes en vue de réformer l'organisation du régime d'exploitation des concessions des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes. Cette ordonnance confirme l'abandon du système... (Les lumières indiquant que le temps de l'orateur est bientôt écoulé se mettent à clignoter)

M. le Président - Il restait 8 minutes 20 au groupe RPR et vous n'êtes plus qu'à 7 minutes (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Posez donc votre question rapidement.

M. Michel Inchauspé - Comment va-t-on financer le dossier des maillons autoroutiers restant à construire pour couvrir les dessertes régionales et les liaisons internationales ? Les projets autoroutiers inscrits au schéma directeur national de 1992 et dont l'étude a été amorcée mais dont l'exécution n'a pas commencé seront-ils abandonnés ou bien réalisés selon le nouveau système ? Les collectivités locales seront-elles consultées au moment de l'ouverture des plis après appel d'offre ou avant le lancement de l'enquête publique ? La première solution serait la meilleure car il est difficile voire impossible que des collectivités s'engagent sur des montants virtuels, même si des participations ont été définies antérieurement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Vous savez comme moi que le choix d'inscrire une autoroute dans le schéma directeur routier national limitait à l'époque la consultation des élus et des populations. Nous avons quant à nous une approche différente puisqu'intermodale et fondée sur des schémas de services qui seront adoptés d'ici la fin de l'été, après consultation précisément. Je vous indique que la liaison sûre et rapide à deux fois deux voies entre Langon et Pau figure dans le document.

L'adossement n'était plus admis par les règles européennes, il fallait de toute façon changer de système. Demain, toutes les sociétés d'autoroute, qu'elles soient d'économie mixte ou privées, pourront ainsi répondre aux appels d'offres qui seront lancés pour réaliser les tronçons manquants dont vous parlez. Et quand il faudra une subvention d'équilibre, elle sera connue et discutée.

Oui, donc, à la consultation et pas seulement aux moments que vous dites mais avant, pendant, après. Avant le lancement de l'enquête publique ; pendant, pour s'assurer de la participation éventuelle des collectivités ; et après, c'est-à-dire au moment de l'ouverture des plis. Comme vous le voyez, avec ce Gouvernement, la consultation progresse (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

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AMÉLIORATION DU CADRE DE VIE

M. Gérard Revol - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat au logement.

Depuis 1997, l'Assemblée a adopté plusieurs textes qui dotent notre pays des outils indispensables à la lutte contre l'exclusion et à l'amélioration du cadre de vie, en particulier de l'habitat. Vous avez exposé hier les priorités de votre secrétariat d'Etat. Nous avons noté avec intérêt que vous entendez mener la déghettoïsation des îlots insalubres, relancer la construction du logement social et réussir la mixité sociale. Vous voulez aussi garantir la sécurité des quartiers d'habitat social, nous nous en réjouissons car ces dernières années, nous avons constaté un accroissement de la petite délinquance et des actes d'incivilité dans ces ensembles immobiliers. Pouvez-vous préciser à la représentation nationale les mesures que vous allez prendre pour assurer à nos concitoyens la qualité de vie qu'ils sont en droit d'attendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement - Vous avez raison de souligner que l'Assemblée a voté de nombreux textes qui nous dotent d'outils pour améliorer la qualité de la vie et de la ville. Mais il faut que ces textes entrent dans les faits et que nos concitoyens puissent en constater les effets dans leur vie quotidienne.

Pour cela, nous avons besoin d'outils nouveaux, et j'insisterai d'abord sur la sécurité, qui doit être une responsabilité partagée. Les bailleurs se sont engagés dans les contrats locaux de sécurité (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), mais des crédits sont nécessaires - et 200 millions ont donc été dégagés à cet effet sur le budget du logement - pour « résidentialiser » le logement social, en sécurisant les entrées d'immeubles et les parkings, et en faisant des parties communes des espaces de vie plus conviviaux, sans augmenter les loyers pour autant. Nous demanderons en outre au mouvement HLM de mettre à profit les allégements de foncier bâti, notamment dans les zones urbaines sensibles, pour créer des postes de gardiens supplémentaires : un décret fixera prochainement le nombre minimum de gardiens pour 100 logements, et une nouvelle convention collective devra revaloriser la profession et les conditions de travail de ces personnels, qui le méritent grandement, car leur métier est à la fois nécessaire et exposé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Par ces mesures, nous entendons faire vivre le bel idéal de la République. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis : nous casserons les ghettos, et nous assurerons partout le droit au logement, à la sécurité et à la tranquillité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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FINANCEMENT DES 35 HEURES

M. François Vannson - J'organise, chaque deuxième jeudi du mois, une réunion thématique avec des habitants de ma circonscription (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Ce mois-ci, j'ai ainsi rencontré de nombreux artisans, commerçants et dirigeants de PME, qui m'ont tous dit la vive inquiétude que leur cause l'entrée en vigueur prochaine des 35 heures, au moment même, qui plus est, du passage à l'euro.

Le financement du dispositif, en particulier, est sujet à quelque incertitude. Aucun décret d'application n'ayant été pris pour la création du FOREC, celui-ci n'a toujours pas d'existence autre qu'informelle, et il semblerait même que le Gouvernement ait renoncé à le créer. Or, le besoin de financement est d'ores et déjà estimé à une trentaine de milliards, et l'ACOSS, qui serait appelée, dans cette hypothèse, à prendre le relais, est elle-même en déficit de 13 milliards. Pouvez-vous rassurer les acteurs économiques (« Non ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) en leur disant quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour financer les 35 heures sans compromettre l'équilibre des comptes sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - L'un de vos collègues posait, il y a un instant, une question sur la sécurité. Eh bien, l'une des meilleures façons de faire progresser celle-ci, c'est de gagner la bataille de l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et les 35 heures y contribuent, puisqu'on estime à 240 000 le nombre des emplois qu'elles ont créés (Mêmes mouvements). Je souhaite donc que vous disiez aux chefs d'entreprise que vous rencontrerez que c'est en créant des emplois qu'ils redonneront confiance et oxygène à nos concitoyens !

S'agissant du FOREC, j'observerai tout d'abord que vous nous exhortez sans cesse à baisser les charges ; c'est justement ce que nous faisons dans le cadre de la réduction du temps de travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Il y a actuellement une petite difficulté de financement (Mêmes mouvements), causée par le fait que le Conseil constitutionnel a annulé une recette de 3 milliards, mais l'excédent du régime général, dû à la bonne tenue de l'emploi et, partant, des cotisations, devrait nous permettre d'y faire face. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir pour l'avenir du FOREC, et vous pouvez inviter les chefs d'entreprise à participer à nos côtés à la grande bataille pour l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement a fait part, voici plusieurs mois, de sa volonté de donner vie à la télévision numérique terrestre. Cette innovation technologique incontournable nous permettra à la fois d'économiser un certain nombre de fréquences hertziennes, de mettre davantage de chaînes à la disposition de chacun, de transformer la relation entre le téléspectateur et la télévision grâce au développement de l'interactivité, et de rompre avec un certain jacobinisme audiovisuel en créant des télévisions locales et régionales qui irrigueront la vie démocratique.

Néanmoins, ce processus sera économiquement délicat : certes, l'Etat et le CSA en ont la maîtrise, mais il conviendra de coordonner l'action publique et les initiatives privées. Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre afin que le secteur public audiovisuel joue le rôle moteur qui lui revient et que le secteur privé concoure au succès de l'entreprise ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Le Gouvernement attache une importance particulière à la réussite de la télévision numérique terrestre. C'est pourquoi, après avoir déjà renforcé considérablement les moyens financiers du secteur public audiovisuel, il a décidé de lui attribuer quatre canaux complémentaires et une dotation exceptionnelle en capital d'un milliard. Quant aux opérateurs privés, ils bénéficieront de l'assouplissement, prévu par un projet de loi présenté ce matin même au Conseil des ministres, de la règle limitant à 49 % la participation d'une personne privée au capital d'une chaîne : le principe n'est pas remis en cause, mais ne s'appliquera qu'au-delà d'un certain seuil d'audience, qui sera sans doute fixé à 3 % ; seront également exclues les chaînes de rediffusion.

Le Gouvernement souhaite que ce projet, qui tient compte des réalités économiques tout en garantissant le respect du pluralisme, soit adopté par le Parlement avant le lancement par le CSA, en juillet, de l'appel à candidatures, afin d'assurer le succès de la télévision numérique terrestre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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POLITIQUE DU LOGEMENT OUTRE-MER

M. Alfred Marie-Jeanne - A la Martinique, la politique visant à faciliter l'accès aux logements vacants a montré ses limites. Les garanties exigées par les propriétaires, l'insécurité, l'insalubrité, l'impécuniosité de nombreux demandeurs ont en effet rendu inefficace la prime versée par l'ANAH. En outre, la taxation de ces logements n'a pas empêché leur nombre de passer de près de 9 000 à près de 19 000 en neuf ans. Au vu des besoins répertoriés et des intérêts en présence, le Gouvernement envisage-t-il d'étendre le dispositif à l'ensemble des logements vacants, d'instaurer un mécanisme de garantie et de rendre obligatoire la rénovation de tous les logements insalubres ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV)

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement - La taxation des logements vacants et la prime de l'ANAH, que vous évoquez, n'ont été mises en _uvre que dans huit grandes agglomérations, où le marché du logement était particulièrement tendu. Ce fut un succès, car 35 000 logements ont ainsi pu y être remis en état.

Ce dispositif ne s'applique pas à la Martinique. Mais je suis toute disposée à examiner, avec mon collègue Christian Paul, la façon dont l'ANAH peut agir outre-mer.

De plus, nous avons fait en sorte que les jeunes ne disposant que de faibles ressources soient dispensés de verser une caution ou un dépôt de garantie. En métropole comme outre-mer, le dispositif est mal connu. Nous allons faire en sorte qu'il le soit davantage, en particulier outre-mer.

Enfin, la résorption de l'habitat insalubre est pour nous une priorité. Une circulaire du 2 mai 2000 a déjà amélioré la situation outre-mer. Dans le cadre du plan pluriannuel que nous allons présenter, le volet relatif à l'outre-mer sera négocié avec Christian Paul et l'ensemble des acteurs locaux. Nous sommes à votre disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT

M. Dominique Caillaud - Je pose une question au nom des trois groupes de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Les présidents de communauté de communes reçoivent actuellement la notification de l'enveloppe financière de la DGF, et constatent souvent avec effarement une diminution considérable. Est-ce le retour à l'Ancien régime ? Apparaissent en effet trois classes de citoyens en fonction de leur groupement : ceux des communautés urbaines, privilégiés de première classe, qui avec 10 % de la population engrangent près de 40 % de la DGF des groupements de communes ; ceux de deuxième classe, les petites agglomérations, qui se contentent de la moitié ; enfin ceux de troisième classe, les plus nombreux, qui sont les ruraux. Les uns valent 457 F, les seconds 253 F ; les derniers 116 F. Ainsi un habitant des communes urbaines vaut au moins quatre habitants des communes rurales.

La répartition financière avantage abusivement les plus riches et sanctionne les plus pauvres. En Vendée, l'enveloppe baisse de 10 %, et jusqu'à 17 % pour certaines communautés. C'est la négation de toute politique d'aménagement du territoire et de fiscalité locale équilibrée. Vous accumulez les potentialités dans les communautés urbaines et d'agglomération, alors que vous pénalisez les communes rurales, accélérant inexorablement le décalage entre la ville et la campagne. Nous attendons de la République davantage de justice et d'égalité. Comment comptez-vous agir concrètement pour réduire les disparités financières et donner sa chance à chaque territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Une réponse complète nécessiterait de longs développements !

Les modalités de répartition de la DGF sont fixées par le comité des finances locales, et la catégorie des groupements de communes à fiscalité quatre taxes a vu sa dotation globale stabilisée cette année au même volume que l'an dernier. Cette répartition a fait apparaître une forte augmentation des sommes consacrées par l'Etat à l'intercommunalité tant en milieu rural qu'en milieu urbain (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Je me réjouis du succès rencontré par l'application de la loi du 12 juillet 1999, que ce soit en milieu urbanisé ou en milieu rural (Mêmes mouvements), avec la bonification significative de la DGF des communautés de communes à taxe professionnelle unique, soit 175 F par habitant. Le soutien de l'Etat ne va donc pas aux seules collectivités urbaines. Les collectivités rurales n'ont pas été oubliées surtout lorsqu'elles ont fait l'important effort d'adopter la taxe professionnelle unique. Je vous rejoins sur la difficulté qu'il y a à répartir les dotations de l'Etat, même si les dispositions en vigueur depuis 1997 ont permis à la DGF de progresser de 3,42 % cette année.

Au-delà du soutien particulier apporté aux groupements les plus pauvres, ayant le maximum de compétences intercommunales propres, je m'attacherai à obtenir une simplification du mode de calcul de la répartition, actuellement trop complexe.

Le Gouvernement est attaché à la solidarité. Je vous conseillerais de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

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    ELOGE FUNÈBRE DE LOUISE MOREAU

M. le Président - (Mmes et MM. les Députés et les membres du Gouvernement se lèvent). Madame Louise Moreau nous a quittés le 5 février. A l'heure où la fonction publique apparaît mal aimée, parfois ternie par des commentaires trop sévères, le parcours exemplaire de notre collègue est un brillant désaveu de toutes ces critiques. Car tout au long de sa vie, Louise Moreau fut l'illustration de ce que la politique a de plus noble. Elle fut le courage. Elle fut la générosité. Elle fut la défense passionnée d'un idéal de justice et de liberté, incarné dans notre pays : la France.

Nous partageons la tristesse de ses proches. Notre Assemblée perd un modèle, une femme d'exception, qui consacra son existence à faire vivre les valeurs de la République. Mais elle perd surtout une amie, à qui je souhaite aujourd'hui rendre hommage.

Fidélité. Intégrité. Franc-parler. Tels sont les mots qui s'attachent au souvenir de Louise Moreau. Nous connaissions sa personnalité ardente, son tempérament énergique, la fermeté de ses jugements. C'était une femme exigeante, avec elle-même d'abord, avec les autres aussi, et qui pardonnait rarement à ceux qui trahissaient sa confiance.

Mais son immense pudeur dissimulait une très vive sensibilité et une générosité infinie. C'est guidée, disait-elle, par une certaine idée de l'homme, de la solidarité et de la fraternité, qu'elle avait débuté des études de médecine : se donner aux autres était à ses yeux la plus belle façon d'être soi. Cette exigence demeurera la sienne toute sa vie, à l'égard de ses proches bien sûr, mais comme Résistante, comme chef d'entreprise, et enfin comme personnalité politique.

Jean Lecanuet, en lui remettant ses insignes d'Officier de la Légion d'honneur, reconnut en elle « le type parfait de la femme française héroïque et patriote ». Il rappela qu'elle n'avait pas vingt ans lorsqu'elle s'engagea dans l'action résistante, qu'elle avait « pendant quatre ans magnifiquement servi la Résistance, assurant les missions les plus dangereuses, comme le transport de documents militaires, d'armes et de munitions ». Elle avait alors « sauvé de très nombreux patriotes français et alliés, blessés au cours d'actions contre l'ennemi », allant jusqu'à installer chez elle, dans les derniers jours de la lutte, le poste de commandement du Colonel Lize, qui dirigeait les combats de la libération de Paris.

Son courage lui valut le respect de tous les compagnons de la Libération, et des décorations de haut rang : Croix de guerre, Officier de la Légion d'honneur à titre militaire, Rosette de la Résistance. Rien n'égalait néanmoins sa fierté d'avoir accompli son devoir et servi sa patrie.

Au lendemain des combats, elle continua à servir la France, mais pour construire la paix. Collaboratrice de Georges Bidault, elle fut en charge de nombreuses missions pour le Gouvernement provisoire de la République : aux Etats-Unis notamment, mais aussi comme membre de la Délégation française à la conférence de Potsdam et à la conférence de San-Francisco, qui créa l'Organisation des Nations unies. Elle effectua plusieurs missions en Amérique latine, où elle séjournera quelques années plus tard. Elle fut une formidable ambassadrice de la grandeur de notre pays. Parlant l'anglais, le portugais et l'espagnol, elle faisait partager les valeurs de la France avec chaleur et sympathie. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui à travers le monde, partagent notre tristesse.

Le décès prématuré de son mari la fit chef d'entreprise, femme d'affaires, et l'amena à affronter l'univers dur et masculin des travaux publics et des marchés internationaux. Elle fit preuve à nouveau d'un courage et d'une détermination qui pouvaient la laisser fière de sa réussite.

En dépit de sa connaissance exceptionnelle de très nombreuses régions du monde, son c_ur demeura attaché à la Côte d'Azur, dont elle tomba amoureuse à 17 ans, quelques années avant la guerre. Son coup de foudre, disait-elle, fut pour une maison, la Villa Esfrala, découverte lors d'une promenade à Mandelieu et où elle demeura jusqu'à la fin. Elle restera toute sa vie attachée à ces pierres dures et sèches, à cette végétation noueuse, tenace, et à cette mer si sereine qui font le charme des paysages méditerranéens.

C'est pour défendre cette région qu'elle choisit, à quarante ans, de s'engager en politique, au sein de la famille centriste. En 1971, elle fut d'abord élue maire de Mandelieu-La Napoule. Elle occupera cette fonction jusqu'en 1995 et, en 1989, une Marianne d'Or salua son action municipale et son engagement jamais démenti en faveur de cette ville et de tous ses habitants. Elle avait su conquérir la plus belle des majorités : celle du c_ur, tout simplement. Ses concitoyens saluaient son intégrité, et l'énergie avec laquelle elle avait mené nombre de combats politiques courageux, contre l'extrême-droite en particulier. Car la noblesse de ses idéaux lui interdisait de voir entaché le respect des valeurs républicaines.

Elle avait appris à faire vivre ces valeurs, et à les défendre, sur d'autres scènes politiques. Elue à l'Assemblée nationale en 1978, elle y sera ensuite sans cesse réélue. Sa fidélité à l'égard de cette maison la conduisit à en devenir une vice-présidente respectée dès 1984 et à nouveau en 1997. Son expérience précieuse dans le domaine des relations internationales en fit également, pendant de nombreuses années, un membre écouté de la Commission des affaires étrangères.

Européenne dans l'âme, elle avait aussi participé en 1979, sur la demande de Simone Veil, aux premiers pas de l'Assemblée de Strasbourg. Elle conservait un souvenir ému de cette aventure, si importante pour l'avenir de notre pays. « Nous étions, disait-elle, comme de jeunes écoliers qui découvrent pour la première fois leur nouvelle salle de classe ». Elle y restera élue jusqu'en 1984, mettant toute son énergie à faire vivre une Europe plus généreuse et plus proche de chaque citoyen.

L'Assemblée nationale demeura néanmoins la maison la plus chère à son c_ur. Tous, nous l'avons rencontrée ou simplement croisée. Rares sont ceux avec qui elle n'a jamais échangé quelques mots. Chacun d'entre nous connaissait son parcours exemplaire. Au-delà des querelles politiques, nous respections son engagement et la force de son attachement aux valeurs de notre République.

Nous avons admiré son courage lorsque, gravement malade déjà, elle continua à se rendre chaque semaine au Palais-Bourbon pour assister aux débats. Trop fatiguée parfois, elle restait dans son bureau, étendue sur une méridienne, pour suivre nos discussions à la télévision. Mais elle demeurait là, en ces murs qui avaient abrité nombre de ses combats, où elle s'était battue pour faire vivre ses convictions, et qui représentaient à ses yeux l'honneur de la France et de la République.

En pensant avec affection à ses proches, à sa famille, à ses deux petites-filles Olivia et Valérie dont elle parlait si souvent, en mémoire aussi de son fils unique disparu avant elle, je vous demande de bien vouloir vous recueillir à la mémoire de Mme Louise Moreau.

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Le Gouvernement s'associe avec tristesse et respect à l'hommage solennel que l'Assemblée nationale rend aujourd'hui à la mémoire de Mme Louise Moreau. Femme de devoir, Mme Moreau, bien qu'atteinte depuis déjà un certain temps par la maladie, a tenu à remplir sa mission de parlementaire tant que ses forces lui en ont laissé la possibilité. L'ensemble des membres du Gouvernement salue l'exemple de cette grande patriote, dont la passion fut le service de la France. S'il est un mot qui caractérise la vie de Louise Moreau, c'est incontestablement celui de courage. Du courage et de la détermination, il en fallait pour se trouver à Londres dès avril 1940, aux côtés du général de Gaulle, alors que la France s'enfonçait dans les heures sombres de la collaboration.

Vous avez rappelé, Monsieur le Président, les actes héroïques accomplis par la jeune Louise Moreau, âgée à peine de dix-neuf ans, lorsqu'elle s'engage corps et âme dans la Résistance. La reconquête de la liberté de la France est pour elle une cause sacrée, qu'elle servira jusqu'à la victoire avec sang froid et intrépidité. Ses hauts faits lui vaudront la Croix de guerre, la Rosette de la Résistance et elle sera nommée Officier de l'Ordre national de la légion d'honneur à titre militaire.

A la Libération, Louise Moreau partage le rêve de beaucoup d'hommes et de femmes de sa génération : bâtir une communauté de nations fondée sur des principes universellement reconnus. Femme de contacts, anglophone, la jeune résistante est nommée en juin 1945 déléguée à la conférence de San Francisco qui crée l'Organisation des Nations unies. Cette première expérience de la diplomatie internationale, complétée par la suite par de nombreux voyages dans tous les continents, lui sera précieuse lorsque, devenue députée, elle siégera à la commission des affaires étrangères de votre Assemblée, dont elle fut un membre éminent.

Du courage, Louise Moreau va en faire preuve une nouvelle fois lorsqu'à l'âge de quarante ans elle perd son mari. Contrainte de se transformer du jour au lendemain en chef d'entreprise, elle fait face. Sa force de travail, son énergie dans le commandement, peut-être aussi le souvenir de son père qui fut directeur à la Banque de France, l'aideront à surmonter l'épreuve, comme elle devra surmonter plus tard la cruelle disparition de son fils unique.

Adhérente au Centre démocrate -elle en fut vice-présidente en 1967-, Louise Moreau ne pouvait rester en dehors de l'action publique. Son dynamisme, cette femme de caractère le mit d'abord en tant qu'élue locale au service de sa commune de Mandelieu-La Napoule. Elue maire pour la première fois en 1971, elle fut pendant près d'un quart de siècle la première magistrate de cette cité touristique proche de Cannes, une région pour laquelle cette grenobloise d'origine s'était prise d'un véritable amour.

Vous avez souligné, Monsieur le Président, la fidélité de Louise Moreau à l'Assemblée nationale et indiqué les hautes fonctions qu'elle y a occupées. Elle en fut la vice-présidente à deux reprises. Pourtant, sa vocation parlementaire fut tardive puisque sa première élection comme députée des Alpes-Maritimes, sous l'étiquette de l'UDF, eut lieu en 1978. Autant dire que pour elle, la politique ne fut pas un métier mais un engagement au service de convictions fortes.

Les intérêts de Louise Moreau comme parlementaire furent variés. D'abord membre pendant dix ans de la commission de la production et des échanges, elle accéda ensuite à la commission des affaires étrangères. Elle avait aussi un goût marqué pour les questions de communication, au point d'assurer, entre 1978 et 1981, la vice-présidence de la délégation parlementaire pour la radio-télévision française. Je garde en ce domaine très présentes à l'esprit ses interventions passionnées dans la discussion des projets de loi relatifs à la presse écrite et à la communication audiovisuelle.

Louise Moreau savait, souvent avec une pointe d'humour, faire valoir ses positions et étayer ses arguments dans les nombreux débats qui ont marqué les années 1980.

Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, Louise Moreau laisse pour tous ceux qui l'ont cotoyée sur ces bancs pendant plus de deux décennies le souvenir d'une femme intègre, dure au travail, ardente dans la discussion, d'un courage à toute épreuve et d'une grande exigence.

Au nom du Premier ministre et du Gouvernement, je rends hommage à la grande patriote et à la parlementaire exemplaire qu'elle a été. A sa famille, à ses proches, je renouvelle mes sentiments de très sincère compassion.

(Mmes et MM. les Députés et membres du Gouvernement observent une minute de silence).

La séance, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 40.

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COMMUNICATION DU MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE

L'ordre du jour appelle la communication du Médiateur de la République.

M. le Président - Monsieur le Médiateur de la République, mes chers collègues, depuis l'institution du Médiateur, en 1973, les travaux de la médiature faisaient chaque année l'objet d'un rapport déposé sur le Bureau de notre assemblée. Nous avons voulu, en adoptant la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, que ce rapport fasse désormais l'objet d'une communication devant chacune des assemblées. Cette disposition trouve à s'appliquer aujourd'hui pour la première fois avec la présentation du rapport pour l'année 2000. Monsieur le Médiateur de la République, je suis heureux, au nom de l'Assemblée, de vous accueillir dans cette enceinte et je vous invite à monter à la tribune pour présenter votre communication à la représentation nationale (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Bernard Stasi, Médiateur de la République - Je vous remercie, Monsieur le Président, pour vos paroles de bienvenue. C'est pour moi une très grande joie de me retrouver devant vous, dans cette assemblée où j'ai eu l'honneur de siéger pendant plus de vingt ans.

Cette première présentation de son rapport en séance publique revêt, pour le Médiateur, une importance toute particulière. D'abord parce qu'il était normal que je vienne enfin rendre compte directement à la représentation nationale des activités d'une institution dans le fonctionnement de laquelle elle joue un rôle essentiel. Ensuite, parce que je peux ainsi vous exprimer de vive voix ma gratitude, non seulement pour votre contribution à l'activité quotidienne du Médiateur, mais aussi pour votre volonté de préciser les fonctions de l'institution et de renforcer ses pouvoirs, ses moyens et son efficacité, volonté qu'a notamment illustrée, il y a un an, l'adoption de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Le rapport que j'ai eu l'honneur de remettre en mains propres au Président de la République, au Premier ministre et au président de votre assemblée, retrace les activités du Médiateur pour l'année 2000. Celle-ci a vu la poursuite de l'effort entrepris pour aider nos concitoyens à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs rapports avec l'administration ; elle a aussi été marquée par le renforcement des compétences du Médiateur, ainsi que par la mise en _uvre à la fois d'une plus grande proximité et d'une plus grande ouverture sur l'extérieur.

Leurs relations avec l'administration restent trop souvent, pour nos concitoyens, un sujet de préoccupation, un terrain propice à la méfiance, aux litiges et aux malentendus. Ainsi, en l'an 2000, 53 706 réclamations ont été adressées au Médiateur, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à 1999. Cette augmentation montre certes que notre institution est de mieux en mieux connue, et vous me permettrez d'y voir aussi une certaine reconnaissance de son efficacité et de son indépendance. Mais elle traduit également l'importance de difficultés rencontrées par beaucoup de nos concitoyens dans leur vie quotidienne et dans leurs relations avec les services publics.

Le domaine social proprement dit et les affaires fiscales restent nos champs privilégiés d'intervention. Les citoyens s'y heurtent à des difficultés récurrentes, qu'évoquent régulièrement les rapports annuels du Médiateur : lenteur ou complexité des procédures administratives, incompréhension par les administrés de décisions des services de l'Etat, mais aussi des collectivités territoriales, des grands services publics et des organismes sociaux.

En dehors de ce « socle » permanent d'activité, le Médiateur de la République est de plus en plus sollicité au sujet de différends d'un type nouveau résultant, par exemple, de l'intégration dans le droit français d'un nombre toujours croissant de normes législatives ou réglementaires d'origine communautaire.

Parmi les réclamations adressées au Médiateur, 36 % sont irrecevables, soit parce qu'elles n'ont pas été transmises par l'intermédiaire d'un parlementaire, soit parce qu'elles n'ont pas fait l'objet de démarches préalables auprès de l'administration concernée. Si ce taux peut paraître élevé, l'augmentation des saisines directes par Internet -10 % du total- y contribue sans doute.

Un chiffre est néanmoins satisfaisant : 11,5 % seulement des réclamations n'entrent pas dans notre champ de compétence. J'y vois le signe que les Français connaissent de mieux en mieux la mission de l'institution, même si nous devons poursuivre nos efforts de communication. Si la Médiature se fait un devoir de répondre à toutes les réclamations, elle n'examine au fond que celles qui à la fois sont recevables et relèvent de sa compétence.

Dans 28,2 % des cas, la réclamation est justifiée et conduit à la mise en _uvre d'une médiation. Je dois dire, non sans une certaine satisfaction, que cette dernière aboutit favorablement dans la grande majorité des cas. En effet, l'institution obtient satisfaction sur 86,6 % des dossiers qu'elle traite. Je mets ce taux de réussite au crédit non seulement de mes collaborateurs, mais aussi de nos interlocuteurs dans les administrations et les organismes sociaux qui, dans la très grande majorité des cas, acceptent de réparer l'erreur commise et partagent la volonté du Médiateur de privilégier, autant que possible l'équité plutôt que l'application stricte de la règle de droit.

C'est ainsi qu'en 2000 nous avons pu clôturer près de 67 % des réclamations reçues dans l'année, ainsi qu'un certain nombre de réclamations de 1999, dont l'instruction complexe avait nécessité un délai supérieur à la moyenne.

Le délai de traitement moyen est de cinq mois. Il varie bien sûr en fonction de la complexité des dossiers sachant l'importance que revêt ce point au yeux de nos concitoyens, comme le prix que vous-mêmes attachez, à ce que ce délai soit le plus court possible. Je tiens à vous assurer de ma détermination à faire en sorte que les dossiers soient traités rapidement.

L'année 2000 aura également été marquée par l'adoption, le 12 avril, de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration qui, dans son titre III notamment, confère au Médiateur des pouvoirs nouveaux et clarifie les missions qui lui avaient été confiées par la loi fondatrice de 1973. L'institution y a gagné en efficacité et le service rendu à nos concitoyens en a été amélioré. Mais c'est aussi un progrès en transparence, puisque c'est cette loi qui me procure le plaisir et l'honneur de faire, aujourd'hui, cette communication.

Clarification des missions, disais-je : les textes distinguent désormais beaucoup mieux entre les différentes catégories d'intervention du Médiateur, particulièrement entre celles qui relèvent de sa mission de médiation proprement dite et celles qui concernent sa mission réformatrice. La loi étend aussi la saisine du Médiateur de la République aux Médiateurs de l'Union européenne, ainsi qu'au Médiateur européen. Enfin, elle élargit son pouvoir de formuler des propositions de réforme. Alors qu'auparavant, il devait pour cela s'appuyer sur les réclamations qui lui étaient adressées, il pourra désormais s'auto-saisir, ce qui étend d'autant la contribution qu'il peut apporter à la réforme de l'administration et au renforcement de la citoyenneté.

Clarification, renforcement, élargissement du rôle de l'institution : c'est ce que vous avez voulu, conscients que, dans notre société, le besoin de médiation s'accroît à mesure que les règles deviennent plus complexes et que les administrés, à juste titre, demandent à être considérés comme des citoyens, c'est-à-dire à être écoutés, entendus et respectés.

Le Médiateur de la République a fait largement usage des nouvelles possibilités qui lui sont ouvertes en formulant vingt propositions de réforme dans les domaines les plus divers. Ces propositions concernaient notamment les procédures régissant le secret de la filiation, l'assouplissement du délai de déclaration à l'embauche, ou visaient à faciliter l'exonération des cotisations lors du recrutement d'un premier salarié ou encore à permettre aux personnes en arrêt-maladie, mais aptes à l'exercice d'un emploi, de continuer à bénéficier du soutien actif de l'ANPE...

Ce pouvoir de proposition que vous m'avez confié, j'ai l'intention de l'utiliser pleinement, convaincu qu'il répond à une attente de nos concitoyens ; je suis aussi certain d'être ainsi en phase avec la volonté réformatrice des élus et des services de l'Etat.

L'année 2000 a, enfin, été marquée par une double ambition : la recherche d'une plus grande proximité et la volonté d'ouverture.

Recherche de la proximité : elle est inhérente à l'esprit dans lequel l'institution a été créée. Comment le Médiateur de la République pourrait-il ne pas accorder une attention toute particulière à ceux qui ont le plus besoin d'être aidés, à ceux qui, pour des raisons sociales, culturelles, ethniques, ou même en raison du quartier dans lequel ils habitent, se sentent abandonnés, à ceux qui ne savent pas à quelle porte frapper, qui ne connaissent pas leurs droits, ou sont parfois incapables de formuler une requête ? Aussi, ai-je accepté la proposition du ministre délégué à la ville d'établir un partenariat afin d'installer en trois ans, 300 délégués du Médiateur dans ce qu'on appelle les quartiers difficiles. Dès 2000, 103 délégués ont été recrutés et ont pris leurs fonctions : 60 % d'entre eux sont des femmes, plusieurs dizaines sont d'origine étrangère, et tous connaissent les difficultés de ceux qu'ils ont pour vocation de servir.

La réunion qui a eu lieu le 10 avril dernier, en présence du Premier ministre et du ministre délégué à la ville, a permis de constater que le dispositif s'était mis en place dans de bonnes conditions, qu'il répondait effectivement à une attente et que, avec les délégués du Médiateur déjà installés dans les préfectures, ces nouveaux délégués participaient activement à la lutte contre l'exclusion et au combat pour la citoyenneté. Je tiens à remercier les élus qui, en liaison avec les préfets, les sous-préfets chargés de la politique de la ville, et certains services publics, ont contribué à ce que ces délégués puissent travailler dans de bonnes conditions.

L'ouverture sur l'extérieur est également inhérente à la nature même de l'institution. En effet, la citoyenneté qu'elle a pour vocation de consolider ne saurait se borner aux frontières de notre pays.

Au cours de ces dernières années, de très nombreuses instances nationales de médiation ont vu le jour à travers le monde. Ce phénomène nous a ainsi permis de constater qu'en ce qui concerne l'Etat de droit et les droits des citoyens, la France reste toujours une référence. Toujours est-il que mon prédécesseur, Jacques Pelletier, et moi-même avons contribué à l'installation d'un Médiateur dans de nombreux pays : Gabon, Haïti, Vanuatu, Kosovo, Bosnie Herzégovine, Bénin, Liban, Bulgarie, République Tchèque, Maroc, Mali, Andorre.

Ce mouvement est également bénéfique pour la francophonie. Jacques Pelletier, avec son collègue québécois, avait créé une association des Médiateurs francophones qui regroupe aujourd'hui les Médiateurs de 25 pays, dont le siège social se situe à Paris et dont le Médiateur de la République française est le secrétaire général.

Ce phénomène a également une dimension européenne. Le développement de la coopération entre les Médiateurs de l'Union européenne est tout d'abord une nécessité juridique à mesure que se développe la circulation des personnes et des biens, le nombre de dossiers relevant de la compétence de plusieurs institutions nationales de médiation augmente, exigeant un effort de réflexion en commun afin d'harmoniser l'interprétation des textes et, éventuellement, de proposer des modifications législatives ou réglementaires. C'est dans ce but qu'en liaison avec le Médiateur de l'Union européenne, j'ai réuni tous les Médiateurs européens pour jeter les bases d'une coopération permanente. Mais celle-ci sera aussi une contribution à la construction d'une Europe fondée sur des valeurs partagées, sur une même conception de l'Etat de droit, sur une ambition commune de renforcer les droits du citoyen et de revitaliser la démocratie.

Les actions ainsi lancées appelaient des moyens nouveaux. J'ai fait part de cette nécessité au Président de la République, qui m'a entendu, ainsi qu'au Premier ministre, qui m'a écouté... (Sourires) Le chef du Gouvernement, dès cette année, m'attribue des dotations supplémentaires, et il a donné des directives pour que mon budget de 2002 connaisse une augmentation importante. Dès lors, les conditions seront réunies pour que le Médiateur puisse assurer, aux représentants de la nation et, à travers eux, aux citoyens, le service qu'ils sont en droit d'attendre. Bien entendu, cet effort devra être poursuivi au-delà de 2002. Je sais pouvoir compter sur votre soutien, et vous en exprime à l'avance ma gratitude.

Permettez-moi de vous dire, en terminant, combien je suis heureux et fier de servir une institution qui bénéficie de la confiance et de l'appui de la représentation nationale parce qu'elle est au service de ce qui nous unit, les valeurs de la République ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le Président - Au nom de l'Assemblée, je vous remercie vivement, Monsieur le Médiateur de la République, pour la présentation de ce premier rapport. Naguère, vous avez été une grande voix de cette Assemblée : vous l'êtes à nouveau aujourd'hui, grâce à la mission essentielle que vous a confiée la République. Et, hier comme aujourd'hui, nous voyons bien que vous avez le talent d'animer les institutions !

Je constate que personne ne demande à présenter d'observations ou de remarques.

L'Assemblée donne acte du dépôt du rapport du Médiateur de la République.

M. le Président - Messieurs les huissiers, veuillez reconduire M. le Médiateur de la République.

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 10 sous la présidence de M. Gaillard.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Thierry Mariani - Au nom du groupe RPR, je fais un rappel au Règlement fondé sur les articles 58 et 48 alinéa 6.

Notre Assemblée doit examiner demain matin une proposition de loi du groupe RCV tendant à améliorer la couverture sociale des agriculteurs en matière d'accidents du travail. C'est un sujet important, d'autant qu'il concerne un monde fortement éprouvé par des crises successives ces derniers temps.

Je tiens ici à m'élever avec force d'une part contre les conditions inacceptables d'organisation de ce débat, d'autre part contre le camouflet que le Gouvernement infligera très certainement à notre Assemblée à cette occasion.

Notre collègue Jacques Rebillard avait déposé une première proposition il y a quinze jours, laquelle reprenait un texte d'origine gouvernementale tendant à instituer une troisième branche de sécurité sociale et à étatiser le régime accidents du travail des agriculteurs. Ce texte, qui mécontentait à la fois le monde agricole et le monde de l'assurance, a fait l'objet d'une véritable levée de boucliers. Comme il était de surcroît contraire à l'article 40 de la Constitution, il a été retiré.

Moins d'une semaine avant la date prévue du débat en séance publique, nous avons été saisis d'une seconde proposition de notre collègue Rebillard, laquelle, malgré de nombreuses incertitudes et quelques imprécisions, allait dans le bon sens, abandonnant notamment toute idée d'étatiser le régime actuel. La commission des affaires sociales n'a toutefois pu l'examiner qu'hier, soit moins de 48 heures avant le débat en séance publique. Ces conditions de travail sont inacceptables.

Mais il y a pis encore : nos collègues de la commission des finances ont appris que le Gouvernement s'apprêtait à déposer en séance des amendements tendant à rétablir la version initiale du texte, laquelle fait pourtant l'unanimité contre elle. Le déjà trop maigre travail effectué en commission faute de temps aura donc été inutile. Ce mépris des parlementaires est lui aussi inacceptable.

Monsieur le Président, pouvez-vous nous confirmer ces informations ? Quels moyens mettrez-vous en _uvre afin que soit respecté le droit d'initiative parlementaire ?

M. le Président - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement. Je ne puis que confirmer le déroulement des événements que vous avez rappelé. Je ne puis en revanche pas répondre s'agissant des intentions du Gouvernement de déposer des amendements en séance. Je ferai part de vos observations et de vos interrogations au Président de l'Assemblée.

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        SÉCURITÉ QUOTIDIENNE

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - C'est un honneur pour moi que de vous présenter, au nom du Gouvernement, ce projet de loi relatif à la sécurité.

Avec le retour de la croissance, chacun mesure mieux les dommages causés par la crise économique et sociale traversée par notre pays depuis trente ans. Chômage et insécurité ont mis notre modèle républicain à rude épreuve. Fort heureusement, celui-ci a pour l'essentiel bien résisté. Les périodes de crise engendrent de l'insécurité, que le retour de la croissance ne diminue pas automatiquement.

Parce que l'insécurité est une injustice sociale et fragilise le pacte républicain, la lutte contre ce fléau doit être une priorité essentielle pour tous les responsables publics et mobiliser l'ensemble de la société.

Violence des licenciements et du chômage, violence des images véhiculées par les médias, violence engendrée par un habitat parfois dégradé... Les lieux que nous avions pu croire un temps préservés, l'école, la famille, ont à leur tour été atteints (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Comment ne pas refuser cette violence, cette insécurité subie ou ressentie, quand les milieux populaires sont les premiers à en éprouver les effets ?

Dans ce que l'on appelle pudiquement les quartiers sensibles ou difficiles, les personnes à faibles et moyens revenus subissent, plus que d'autres, des situations d'insécurité liées à la dégradation du cadre de vie et de l'environnement, à la multiplication des actes de délinquance et d'incivilité, d'autant plus durement ressentis qu'à l'injustice de l'agression s'ajoute celle de n'avoir pas les moyens, notamment financiers, d'y faire face.

Quand nos concitoyens ont l'impression que leur sécurité, celle de leurs proches, ou celle de leurs biens, est menacée quand ils éprouvent le sentiment que la société dans son ensemble peine à trouver des réponses, c'est notre modèle républicain lui-même qui peut se trouver affaibli (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cette situation, nous ne l'acceptons pas, pas plus que nous n'acceptons l'insécurité.

M. Christian Estrosi - Mais votre texte l'accepte !

M. le Ministre - La sécurité, je l'ai dit et je le réaffirme solennellement ici, c'est l'affaire de toute la société. Elle est un devoir essentiel de l'Etat, parce que l'Etat est le garant de la cohésion nationale, mais faut-il pour autant qu'il assure seul sa mise en _uvre ?

Je crois avoir largement contribué, avec d'autres, et en tout premier lieu, avec Bruno Le Roux, votre rapporteur, à faire émerger la notion de « coproduction » de sécurité. La sécurité ne peut pas être, en effet, de la seule responsabilité de la police ou de la gendarmerie. Elle doit mobiliser l'ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la délinquance : police, gendarmerie et justice, bien sûr -et je salue la présence de Mme la Garde des Sceaux- mais aussi éducation nationale, collectivités territoriales, transporteurs, bailleurs, travailleurs sociaux et associations. Je n'oublie pas, non plus, la sécurité privée, dont un projet de loi va permettre de définir le statut.

Chacun doit se sentir concerné, responsabilisé. Le respect de la règle s'apprend dès le plus jeune âge, et ensuite dans tous les actes de la vie en société : dans la famille, à l'école, sur les stades, au sein de l'entreprise, dans les lieux de loisirs ou les transports.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Quelle découverte !

M. le Ministre - La société civile est souvent magnifiée. Encore faut-il qu'elle ne soit pas défaillante. Si les parents ne transmettent pas à leurs enfants les valeurs et les règles de la vie en société, les conséquences en sont supportées par les institutions publiques, qui doivent alors engager une démarche, lourde et coûteuse de rattrapage.

M. Jean-Antoine Leonetti - Il n'y a rien là-dessus dans le texte !

M. le Ministre - Une telle situation ne saurait perdurer, sauf à bouleverser les équilibres entre la sphère de la société civile et celle de la puissance publique.

C'est pourquoi nous avons commencé à faire travailler ensemble les élus, les services publics, les associations, les travailleurs sociaux... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Thierry Mariani - Il était temps ! Vous êtes là depuis quatre ans !

M. le Ministre - Ce sont des sujets qui méritent d'être traités avec sérieux, et ceux qui en usent à des fins électorales finissent un jour ou l'autre par en être « remerciés », mais non pas de la façon qu'ils souhaitent : c'est ce qui vous est arrivé en 1997 ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Attendez 2002 !

M. le Ministre - Les clivages institutionnels sont parfois trop marqués pour être dépassés sans une volonté politique forte. Cette volonté, nous l'avons ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

C'est l'ambition du partenariat, mis en _uvre dans les contrats locaux de sécurité conclus entre l'Etat et les collectivités locales.

M. Thierry Mariani - Cela ne marche pas !

M. le Ministre - D'ores et déjà, quelque 550 contrats ont été signés, qui ont permis des progrès considérables, ainsi que chacun s'accorde d'ailleurs à le reconnaître en toute objectivité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Gouvernement a décidé l'organisation de cinq rencontres régionales et d'une rencontre nationale en juin 2001 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) pour relancer la mobilisation sur le terrain, la mise en _uvre de moyens budgétaires nouveaux -340 millions de francs- et le recrutement de 4 000 emplois-d'adultes relais pour les contrats locaux de sécurité. Ces contrats, il faut en effet les faire vivre et les étendre à de nouveaux domaines, comme la lutte contre la violence dans le sport, ou comme la sécurité des professionnels de santé, qui effectuent un travail difficile dans certains quartiers.

M. Jean-Antoine Leonetti - Il n'y a rien là-dessus dans le texte !

M. le Ministre - Pour faire reculer l'insécurité, l'apport des municipalités, et plus généralement des collectivités locales, est indispensable.

Les polices municipales peuvent jouer un rôle utile, dès lors que la loi de 1999 -la nôtre, car vous n'avez rien fait à ce sujet- a défini leur régime juridique et encadré leur action.

En revanche, la municipalisation de la police nationale, qui reviendrait à placer les policiers sous l'autorité des maires, loin de résoudre quoi que ce soit, créerait la pagaille (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Marc Laffineur - Elle est déjà là !

M. le Ministre - Elle aggraverait les inégalités entre les communes et serait sans efficacité face à des délinquants de plus en plus mobiles, qui ignorent évidemment les frontières administratives (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mieux vaut établir des relations fréquentes, directes et suivies entre le maire, le commissaire de police, le procureur et le préfet pour coordonner les actions à conduire. Car la lutte pour la sécurité implique des mesures locales concrètes, qui sont de la compétence des communes : réhabilitation d'un habitat dégradé, recherche d'une plus grande mixité sociale et urbaine pour casser toute forme de ghetto ou de communautarisme, soutien aux associations de prévention, installation d'équipements de proximité (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les maires doivent être, mieux encore, associés à la lutte contre la délinquance et l'insécurité. Les informer systématiquement et régulièrement des objectifs poursuivis et des résultats obtenus par les services de police et de gendarmerie nationales, recueillir leurs attentes, engager des actions communes avec les services municipaux, voilà autant de méthodes de travail qu'il faut désormais organiser, généraliser, consacrer par la loi. Pour ma part, j'y suis prêt.

J'entends mobiliser les préfets sur cette question et préciser avec eux les modalités selon lesquelles les services de l'Etat, préfets, police, gendarmerie, doivent associer les maires à la mise en _uvre de toutes les politiques touchant à la sécurité de proximité.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - C'est essentiel !

M. le Ministre - J'attends des maires, en contrepartie, qu'ils contribuent à cette politique en prenant les mesures qui relèvent de leurs compétences, qu'ils s'associent à l'amélioration du cadre de vie par l'enlèvement des épaves, la réhabilitation ou la construction de logements sociaux, le soutien aux associations. Il ne s'agit pas de modifier les compétences des uns ou des autres : il s'agit, et c'est essentiel, de mieux travailler ensemble.

A ceux qui se tournent vers la police en lui demandant de résoudre tous les problèmes, je répondrai que cette institution, à laquelle je renouvelle ma confiance, contribue déjà pour une large part à la réduction de l'insécurité, mais qu'elle ne peut répondre, seule, à tous les maux de la société.

M. Christian Estrosi - Surtout avec les moyens dont elle dispose !

M. le Ministre - Vous êtes mal placé pour dire cela !

A l'initiative de ce gouvernement, la police s'est engagée dans une vraie révolution pour devenir police de proximité, plus efficace parce que plus présente sur le terrain, capable tout autant de prévenir que de réprimer.

Ce que n'avait pas fait le gouvernement de M. Juppé (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), c'est-à-dire préparer l'avenir et anticiper les nécessaires adaptations, le gouvernement de Lionel Jospin l'a fait : un effort sans précédent a été consenti depuis 1997 pour renforcer les moyens humains et matériels de la police nationale.

M. Thierry Mariani - Grâce aux 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - S'agissant des effectifs de police, vous savez qu'après une période difficile de baisse des effectifs actifs, faute d'une anticipation de 25 000 départs en retraite par le précédent gouvernement (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) nous sommes tout juste revenus, au début de cette année, au niveau de 1995, et les effectifs actifs augmentent désormais à chaque sortie des écoles de police. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce gouvernement, en créant les adjoints de sécurité, a permis à la police nationale de compenser la disparition des policiers auxiliaires du fait de la suppression du service national, et même de bénéficier d'une augmentation nette de plus de 7 500 emplois par rapport à 1997.

Les crédits de la police nationale, après une stagnation entre 1995 et 1997...

Mme Christine Boutin - Nous sommes en 2001 !

M. le Ministre - ...ont crû de 14 % depuis quatre ans. Le budget d'équipement de la police, à lui seul, a augmenté de 33 % sur cette période.

M. le Président de la commission des lois - C'est du jamais vu !

M. le Ministre - Dès cette année, avec la mise en _uvre de la deuxième vague de police de proximité, 1 102 secteurs et 3 142 quartiers seront créés, entraînant la création de 616 implantations nouvelles.

L'effectif supplémentaire de policiers actifs affectés dans les circonscriptions de sécurité publique est de l'ordre de 8 %. Début 2002, ce sont quelque 3 300 fonctionnaires supplémentaires qui auront été affectés dans les circonscriptions concernées.

La mise en _uvre de la police de proximité, pour sa part, a d'ores et déjà mobilisé plus de 400 millions.

Il s'agit de crédits de fonctionnement, pour renforcer les moyens d'intervention des services, et de crédits immobiliers, destinés à financer plus de mille implantations de proximité au terme du plan.

Comme l'a indiqué le Premier ministre, il faut poursuivre cet effort, car nos effectifs de police et de gendarmerie ne placent pas la France au premier rang des pays européens, et les moyens qui leur sont affectés ne représentent que 3,3 % du budget de la nation.

Le temps est venu pour la police nationale de s'engager dans une démarche prospective, pour se préparer aux enjeux de demain, aussi bien en déconcentrant sa gestion qu'en anticipant sur le développement des nouvelles technologies.

La sécurité est aussi l'affaire de la justice. La sanction et la réparation sont intimement liées à l'idée même de sécurité. La Garde des Sceaux ici présente peut en témoigner, la justice va bénéficier de moyens de travail renforcés. Il n'est pas à l'ordre du jour de toucher à l'équilibre de la législation applicable aux mineurs. Il nous faut d'abord l'affiner, en trouvant des réponses plus efficaces au comportement des mineurs réitérants, qui se jouent des interdits et, en bande, déstabilisent des quartiers entiers. Les réponses se trouvent davantage dans l'opérationnel que dans le législatif.

Des initiatives fortes vont être prises pour renforcer l'efficacité de la lutte contre la délinquance. Les préfets et les procureurs auront à conduire des actions communes sur des sites où la cohésion sociale est mise en péril par la présence de bandes ou la prédominance de l'économie souterraine. Ces actions, déjà entamées, seront poursuivies régulièrement au cours des prochains mois. L'échange d'informations doit déboucher sur des opérations concertées avec l'ensemble des services répressifs sur des sites bien définis pour désorganiser les réseaux de délinquance et mettre un terme aux trafics qui alimentent une économie souterraine de la délinquance.

M. Thierry Mariani - Tout cela n'est pas dans le texte !

M. le Ministre - Cela prouve que l'on peut agir sans passer par la loi.

Mais je tiens à informer de ces actions concrètes la représentation nationale. La conduite de cette action publique doit s'appuyer en amont sur la demande de sécurité exprimée par les habitants des quartiers et par les élus locaux. Toute enquête faisant apparaître une infraction caractérisée doit être suivie d'une réponse judiciaire compréhensible.

Nous devons aussi faire en sorte que, dès l'infraction commise, les jeunes concernés ne demeurent pas livrés à eux-mêmes, et pour que le prononcé de la sanction ne reste pas sans effet.

Aussi, comme l'a proposé la ministre de la justice le 2 avril dernier, les mesures alternatives à l'incarcération vont-elles être développées. Les capacités d'accueil vont être augmentées dans les centres de placement immédiat et les centres éducatifs renforcés.

Enfin nous avons un devoir de transparence envers les citoyens et leurs élus. Il faut sortir du débat annuel sur les statistiques de la délinquance, qui ne permettent actuellement qu'une approche incomplète de l'insécurité, d'autant qu'il est difficile d'établir un pont entre les chiffres de la délinquance constatée par la police et les réponses apportées par l'institution judiciaire. Ainsi une mission de préfiguration d'un observatoire de la sécurité va-t-elle être installée, afin que nous disposions à terme d'instruments mieux adaptés au suivi de la délinquance, et plus globalement à la mesure de l'insécurité.

Nous sommes décidés, Marylise Lebranchu et moi, à veiller à la continuité de la chaîne pénale, de la constatation de l'infraction à l'exécution de la sanction.

Telle est notre conception de la sécurité.

Nos concitoyens nous jugeront sur notre capacité à faire, plus qu'à dire. Lors des élections municipales, ils ont exprimé une attente forte de tranquillité publique, c'est-à-dire un besoin de sécurité et de qualité de vie. C'est cette qualité de vie que le Gouvernement entend améliorer avec ce projet (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), dont je commencerai par dire ce qu'il n'est pas (Mêmes mouvements).

M. François d'Aubert - Ça va être long !

M. le Ministre - Ce n'est pas une grande loi d'orientation destinée à régler l'ensemble des questions de sécurité, qui ne relèvent pas du domaine législatif, mais d'une mobilisation de l'ensemble de la société.

Il s'agit d'un texte technique au service d'une politique, destiné à répondre concrètement aux difficultés rencontrées par nos concitoyens : les commerces d'armes qui peuvent ouvrir n'importe où, les animaux dangereux, les escroqueries à la carte bancaire (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Oui, les chiens dangereux sont un réel problème dans les banlieues et les cités. L'ignoreriez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard - Il y en a même à deux pattes ! (Sourires)

M. le Ministre - Pas de loi d'orientation donc, qui reste généralement lettre morte, comme on l'a constaté sous la précédente législature. (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous aviez annoncé des emplois administratifs, qui n'ont jamais vu le jour ! Nous, nous en avons créé 800 cette année ! (Mêmes mouvements). Toute vérité est bonne à dire, même si elle gêne !

Nous présentons un texte court, aux effets immédiats.

Il tend à renforcer l'encadrement du commerce des armes et la mise en sécurité des armes détenues, à étendre les compétences de police judiciaire des personnels de la police nationale, à renforcer la lutte contre de nouvelles formes de délinquance, liées à la fraude aux moyens de paiement, enfin à introduire des dispositions sur les animaux dangereux et sur la liaison ferroviaire transmanche.

M. Guy Teissier - Pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt ?

M. le Ministre - Vous, vous n'avez rien fait du tout !

Presque chaque jour, j'ai à connaître d'un événement tragique qui montre à quel point est insuffisant le dispositif actuel sur l'implantation des magasins d'armes, et les modalités d'acquisition et de détention de ces armes.

Aucune disposition législative ne permet de contrôler l'implantation d'un établissement de vente d'armes.

Aussi proposons-nous de contrôler plus strictement l'ouverture de locaux destinés au commerce de détail d'armes, en créant un régime d'autorisation.

Est-il admissible qu'un commerce puisse s'ouvrir n'importe où ?

M. Guy Teissier - Oui !

M. le Ministre - Que soient exposées à la vue du public des armes à feu qui constituent souvent le symbole d'une violence partout présente ? Est-ce cela que nous voulons ?

L'autorisation d'ouverture sera délivrée par le préfet, qui examinera la demande au regard des mesures de protection contre le vol ou les intrusions, et de la localisation du magasin. S'il estime que l'exploitation du magasin présente un risque pour l'ordre ou la sécurité publics, il pourra refuser l'autorisation. S'il apparaît, une fois l'autorisation accordée, que l'existence même du commerce présente des risques, l'autorisation pourra être retirée.

Pour les magasins déjà installés, le préfet pourra prendre une mesure de fermeture, s'il apparaît que leur exploitation a été à l'origine de troubles répétés à l'ordre et à la sécurité publics, ou que leur protection est insuffisante. Dans ce cas, une mise en demeure sera préalablement adressée à l'exploitant.

Ensuite, les transactions portant sur des armes et des munitions ne pourront avoir lieu que dans les magasins autorisés.

Les professionnels auront désormais l'exclusivité du commerce d'armes neuves ou d'occasion pour les sept premières catégories et la vente par correspondance sera remplacée par un contact direct entre l'acheteur et le professionnel. A ceux qui objectent que cela pénalise une activité économique, je rappellerai simplement tous les drames humains provoqués par un accès trop facile aux armes. Dans le nouveau dispositif, les armuriers seront appelés à jouer un rôle très positif, en ce qu'ils favoriseront le respect de règles de sécurité élémentaires.

Enfin, des mesures de sécurité -précisées par décret- accompagneront la détention d'armes, afin d'éviter les vols, les accidents ou les suicides.

L'insécurité ne se réduit pas à la délinquance et il ne suffit pas de légiférer sur les armes pour contrer ceux qui ne se soucient pas de la loi. Mais je suis convaincu que tout drame évité contribue à la sécurité : en 2000, il y a eu dans notre pays près de 4 000 décès par armes à feu et la majorité d'entre eux n'est pas liée à des meurtres.

M. le Président de la commission - C'est considérable !

Mme Christine Boutin - Et combien de suicides ?

M. le Ministre - Plus personne ne conteste aujourd'hui la ceinture de sécurité. Doit-on exiger moins de ceux qui détiennent des armes ? Est-il vraiment attentatoire à la liberté d'imposer des mesures simples, pour qu'un enfant ne puisse plus s'emparer accidentellement d'une arme et briser ainsi une vie ? (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Je ne serai pas le ministre qui aura préféré cette prétendue liberté à la plus élémentaire des responsabilités (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le deuxième volet du projet tend à favoriser l'action de la police sur le terrain, en renforçant les prérogatives de police judiciaire de ses agents. Aujourd'hui, les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale n'obtiennent la qualité d'agent de police judiciaire que deux ans après leur titularisation. De même, les adjoints de sécurité n'ont pour l'instant aucune prérogative de police judiciaire, ce qui les empêche d'assister avec toute l'efficacité requise les fonctionnaires des services actifs, en particulier dans le contexte de présence plus active sur la voie publique lié au développement de la police de proximité. Des décisions ont été prises pour améliorer cette situation. Le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 a ainsi préconisé le renforcement des moyens opérationnels mis à la disposition des services de police et de gendarmerie. Pour compléter ces mesures, il est nécessaire d'attribuer la qualité d'agent de police judiciaire aux agents du corps de maîtrise et d'application, dès leur titularisation.

Dans le même esprit, le Gouvernement a souhaité donner la qualité d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité. Je considère en effet que les adjoints de sécurité ne constituent en aucune façon des agents de second rang au sein de la police nationale. Affectés dans les zones sensibles, ils apportent une contribution essentielle au déploiement de la police de proximité et leur présence est indispensable.

Plusieurs députés RPR - Ce sont des intérimaires !

M. le Ministre - Leur formation sera portée de dix à quatorze semaines, la durée de la formation générale passant de 145 à 240 heures.

L'attribution des prérogatives de police judiciaire aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application permettra de disposer de 9 500 agents de police judiciaire supplémentaires. Plus de 15 000 adjoints de sécurité, devenus agents de police judiciaire adjoints, viendront également renforcer les effectifs. Voulez-vous priver 25 000 fonctionnaires de police des moyens de constater des faits aussi répréhensibles que la présence sur la voie publique de chiens dangereux non muselés ou que les excès de vitesse ?

Le chapitre III du projet de loi tend à modifier le code monétaire et financier. Selon les informations fournies par le GIE Cartes bancaires, le montant total de la fraude annuelle est en effet de l'ordre de 1,75 milliard et les...

M. François d'Aubert - Beaucoup plus !

M. le Ministre - ...statistiques de la délinquance laissent apparaître une forte augmentation des falsifications et des usages frauduleux de cartes de crédit au cours des trois dernières années. De même, les escroqueries et abus de confiance ont fortement progressé depuis deux ans, en raison notamment des infractions liées au commerce électronique. Face à ces nouvelles formes de fraudes, les textes sont inadaptés car si l'on peut réprimer la fraude, les actes qui concourent à sa réalisation -tels que la conception de faux distributeurs automatiques de billets, la récupération et la vente de numéros de cartes bancaires- échappent à toute incrimination. Il en va de même de la libre circulation sur Internet de logiciels de création de numéros de cartes bancaires ou de décryptage de données sécurisées et du piratage de fichiers de sociétés stockant des numéros de cartes bancaires.

Ainsi, la fabrication, la détention ou la mise à disposition de matériels destinés à la contrefaçon ne peuvent être réprimées que si une fraude ultérieure permet d'établir un lien de causalité avec une infraction ou un délit.

Dans le but de renforcer la sécurité des utilisateurs de cartes bancaires, il est proposé de compléter le code monétaire et financier en ajoutant le cas d'utilisation frauduleuse de la carte aux motifs recevables d'opposition, pour répondre aux situations où le porteur légitime est en possession de sa carte, alors que les éléments nécessaires au paiement qui y figurent ont été dérobés et utilisés frauduleusement. A cet effet, il convient que la Banque de France puisse garantir la sécurité des instruments de paiement, en procédant à l'évaluation régulière des normes de sécurité et en formulant toute proposition tendant à les améliorer.

Dans le domaine de la répression, la loi introduira la possibilité de poursuivre toutes les nouvelles formes de fraude en instaurant une nouvelle incrimination dans le code monétaire et financier : il s'agit du fait « de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou données conçus ou spécialement adaptés pour commettre des actes de contrefaçon et de falsification ». Les peines encourues sont un emprisonnement de 7 ans et une amende de 750 000 euros.

Les mesures soumises à votre approbation présentent un double intérêt : le nouveau dispositif pénal est de nature à sécuriser les nouveaux instruments de paiement et il tend à limiter les atteintes aux biens de nos concitoyens.

Le chapitre IV vise à améliorer les dispositions du code rural relatives aux animaux dangereux. Le code rural prévoit déjà que, lorsqu'un animal est susceptible de constituer un danger, le maire peut adresser des prescriptions de sécurité à son maître et prendre une mesure de placement, voire au terme d'un délai de huit jours, d'euthanasie. Le projet tend à permettre au maire, en cas de danger grave ou immédiat, de prendre des mesures d'urgence : placement immédiat et euthanasie à bref délai.

Soucieux de tenir les engagements internationaux pris à Cahors, le Gouvernement a ajouté une disposition visant à lutter contre l'immigration irrégulière en Grande-Bretagne : les titres de circulation transfrontalière des personnes empruntant les trains internationaux à destination du Royaume-Uni feront l'objet d'un contrôle dès la montée du train, pour éviter qu'une filière d'immigration clandestine ne se constitue via Eurostar. Selon les autorités britanniques, le nombre d'étrangers qui gagnent illégalement le Royaume-Uni par la voie ferroviaire s'est élevé, en 2000, à 6 971 personnes.

M. Jean-Luc Warsmann - Que ferez-vous des clandestins ?

M. le Ministre - Le protocole additionnel au protocole de Sangatte, signé à Bruxelles le 30 mai 2000 répond, certes en partie au problème posé, mais il ne résout pas la question des passagers qui, tout en empruntant la liaison ferroviaire avec un billet à destination d'une gare française -par exemple Calais- souhaitent en réalité gagner le Royaume-Uni.

M. Thierry Mariani - Les clandestins resteront donc sur notre sol !

M. le Ministre - Le projet prévoit que les passagers qui, pour se rendre à Calais, embarquent dans des trains à destination du Royaume-Uni, pourront être assujettis à un contrôle frontalier à l'embarquement. Ils en seront du reste informés dès l'achat de leur titre de transport.

M. Jean-Luc Warsmann - Les clandestins resteront donc en rade à Calais !

M. le Ministre - Monsieur Warsmann, il n'est pas inutile de lire attentivement un projet de loi avant de le contester !

En approuvant ce dispositif, vous permettrez aux pouvoirs publics de lutter efficacement contre les filières criminelles d'immigration clandestine qui n'ont déjà fait que trop de victimes.

M. Christian Estrosi - C'est de la xénophobie. En liant insécurité et immigration, vous faites vôtres les thèses du Front national !

M. Thierry Mariani - Qu'aurait-on dit si la droite avait fait de telles propositions ! (Murmures sur divers bancs)

M. le Ministre - Telles sont les grandes lignes du projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre. Je tiens à rendre hommage à votre commission des lois, à Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois ainsi qu'à Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis de la commission des finances. Le Gouvernement est bien entendu ouvert aux amendements qui pourraient enrichir le texte ; je souhaite cependant en préciser les limites pour éclairer la suite de notre débat.

Je m'opposerai, au nom du Gouvernement, à tout amendement qui remettrait en cause l'équilibre des textes applicables aux mineurs. De même ce texte ne saurait avoir pour vocation de modifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales.

Je souhaite que ce texte concoure à améliorer la qualité de la vie de nos concitoyens, car c'est cette demande qui se manifeste à travers l'exigence de tranquillité et de sécurité. Il y a des impatiences légitimes, et chacun doit être conscient de ses responsabilités dans le combat contre la violence et le refus de l'impunité. C'est là, pour le ministre de l'intérieur, la priorité absolue. Je continuerai de prescrire à la police de travailler de concert avec la justice, car c'est indispensable à la continuité et à l'efficacité de la chaîne pénale.

Sans reculer sur le caractère régalien de certaines compétences, je m'engage à poursuivre dans la voie du partenariat et de la coproduction de sécurité. Le Gouvernement, sous l'autorité de Lionel Jospin, a pris et prendra ses responsabilités, mais il faut aussi une mobilisation collective de toutes les forces de la nation pour assurer partout la sécurité. C'est le gage de la tranquillité pour tous. Ne nous épuisons pas dans des discussions stériles, parfois violentes, dans lesquelles les arrière-pensées prennent le pas sur l'intérêt général (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Il en va de la liberté, qui ne peut s'épanouir là où règne la loi du plus fort ; il en va de la cohésion nationale. En vous saisissant de ce texte, en l'amendant, vous aurez, nous aurons fait du bon travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - La sécurité est un droit. Elle conditionne l'exercice des libertés individuelles et collectives. Elle est donc une attente légitime de nos concitoyens. Elle participe, de plus, à la lutte contre les inégalités, car l'insécurité frappe plus fortement encore ceux qui dans notre société sont le plus fragilisés et défavorisés.

Mais la sécurité est aussi un défi, car la France, comme tous les pays développés, est confrontée depuis le début des années 1970, à une augmentation tendancielle de la délinquance, que personne, depuis trente ans, n'a su enrayer.

Nous évoquerons dans le débat les premiers résultats de la police de proximité, qui marquent quelques inflexions. Mais le retour de la croissance, si nécessaire soit-il, ne suffit pas pour inverser cette évolution.

C'est pourquoi le Premier ministre, dès son discours de politique générale du 17 juin, exprimait l'ambition d'une nouvelle politique de sécurité, plus proche du citoyen, axée sur la proximité et le partenariat. Depuis, le Gouvernement et sa majorité ont relevé ce défi, en se gardant des solutions simplistes. Des réponses durables ont été recherchées autour des axes suivants : proximité et réorganisation de la sécurité publique, éducation et prévention, contrats locaux et partenariat, proportionnalité des sanctions et prise en charge des mineurs en difficulté, responsabilisation des parents.

Mais il n'est point de politique qui ne mérite d'être adaptée lorsque de nouveaux problèmes apparaissent. C'est le cas en matière de sécurité, face à l'évolution des formes de la délinquance. Le projet s'inscrit dans cette perspective. Il ne prétend pas tout résoudre, mais il aborde des questions concrètes : encadrement des conditions de vente et de détention des armes à feu ; accroissement des pouvoirs judiciaires de la police nationale ; amélioration de la sécurité des cartes de paiement ; accentuation de la lutte contre les animaux dangereux ; élargissement des contrôles sur la liaison ferroviaire transmanche.

La commission a pour sa part abordé ou précisé d'autres sujets : enregistrement des armes, amélioration de la sécurité dans les transports, consécration législative du partenariat et de l'association des maires à la lutte contre la délinquance... La diversité de ces mesures ne doit pas masquer ce qui les unit : elles apportent des réponses tangibles à des difficultés quotidiennes. C'est aussi, et peut-être surtout, ce que les Français attendent.

Ce texte complète les avancées opérées depuis 1997, par rapport auxquelles il doit être mis en perspective. La mise en place de la police de proximité fut ainsi la première réforme de la législature. Elle constitue une référence pour la réforme de l'Etat dans son ensemble, par son souci d'expérimentation, d'évaluation et de généralisation progressive. Le contexte était pourtant difficile, puisqu'il fallait mobiliser les moyens humains nécessaires à un traitement accéléré de la délinquance quotidienne, malgré l'importance des départs à la retraite attendus dans la police nationale au cours des prochaines années. Je ne polémiquerai pas sur l'impréparation de ces départs, même si c'est là aujourd'hui une sérieuse difficulté pour mettre en place la police de proximité.

Mais la lutte contre l'insécurité n'est pas seulement l'affaire de la police. C'est celle de tous. C'est pourquoi le partenariat est aussi au c_ur des réformes engagées, depuis 1997. Institués par une circulaire du 28 octobre 1997, les contrats locaux de sécurité s'inscrivent dans cette logique qui consiste à ne plus séparer la prévention, l'éducation et la répression. Maire, préfet, procureur, recteur, bailleur social, entreprise de transport, ... tous contribuent à élaborer un diagnostic de sécurité, préalable à la définition d'un plan d'action. Sans doute, dans les faits, l'implication des différents partenaires a été inégale. Pourtant 473 contrats locaux de sécurité avaient été signés au 31 décembre 2000 : une dynamique est en marche, que pourra conforter la reconnaissance législative de la notion de « coproduction » en matière de sécurité. Ce souci de mobiliser tous les partenaires devait aussi conduire à légiférer enfin sur le rôle et les compétences des polices municipales. Depuis que la loi du 15 avril 1999 a reconnu et encadré leurs missions, la complémentarité n'est plus un slogan.

Un premier équilibre avait ainsi été trouvé. Le Gouvernement et votre rapporteur souhaitent aujourd'hui aller plus loin, en permettant au préfet d'associer le maire à la définition des actions de prévention et de lutte contre la délinquance et l'insécurité, et de l'informer régulièrement des résultats obtenus. Dans les débats de la commission, qui furent d'ailleurs sereins, comme dans les attentes des maires qui se sont exprimés, je n'ai pas perçu de volonté d'aller plus loin vers un transfert de compétences. Il faut une meilleure coordination ; mais aujourd'hui, la très grande majorité des maires est loin de pencher pour une municipalisation de la police nationale. Ce serait là une fuite en avant.

Plusieurs députés RPR - Ce n'est pas de cela qu'il s'agit !

M. le Rapporteur - Nous verrons pourtant des amendements qui tendent à une telle municipalisation. Je ne parle que de ce que j'ai lu, et j'ai lu ce que vous déposez...

Ces réformes sont la manifestation d'une politique offensive. Notre souci de cohérence n'exclut pas, face à l'évolution des formes de la délinquance, des ajustements ponctuels : la réactivité est au c_ur de la sécurité de proximité. Je pourrais évoquer à ce sujet les réunions du conseil de sécurité intérieure, et notamment celle du 30 janvier 2001, qui a pris à nouveau toute la mesure de la situation : redéploiement des forces de sécurité, ouverture de nouvelles maisons de la justice et du droit, prise en charge des mineurs délinquants...

Il fallait aussi apporter des réponses ponctuelles à certains besoins nouveaux, et le Parlement l'a fait à plusieurs reprises depuis 1997 : quand des problèmes concrets surgissent, cette majorité ne se cache pas la tête dans le sable. C'est ainsi que la loi du 18 novembre 1998, prenant en compte les conséquences de la réforme des corps et des carrières de la police nationale, a permis d'étendre la qualification d'officier de police judiciaire aux fonctionnaires de maîtrise et d'application. Quand s'est exprimée la préoccupation de nos concitoyens au sujet des chiens dangereux, nous avons voté la loi du 6 janvier 1999. Je pourrais évoquer aussi les dispositions relatives aux convoyeurs de fonds, ou la création de la commission nationale de déontologie. Chaque fois qu'il en était besoin, nous avons essayé de trouver les ajustements nécessaires. Ce bilan serait sans doute plus complet si nous avions pu voter le projet sur les sociétés de sécurité et de gardiennage, qui est actuellement au Sénat.

Reste que de nouvelles questions surgissent. Peut-on tolérer qu'une armurerie s'implante au c_ur d'un quartier difficile, sans avoir besoin d'une autorisation administrative préalable ? La question des armes à feu ne concerne pas seulement la sécurité publique, elle peut aussi être abordée comme un problème de santé publique, exigeant que soit régulée la mise en vente d'objets qui ne sont pas anodins. C'est ce que nous allons faire dans ce texte, sans gêner la liberté de ceux pour qui les armes constituent un hobby ou un sport.

Examinons rapidement le projet. Son chapitre premier comporte cinq articles concernant le commerce et la détention des armes à feu. La commission a souhaité renforcer ce dispositif sans porter atteinte à la liberté des chasseurs ni des tireurs sportifs : c'est ainsi, par exemple, qu'elle a rétabli la vente par correspondance, en l'encadrant.

Je laisserai à M. Brard, plus compétent, le soin d'exposer la teneur du chapitre III, afin d'insister sur le travail spécifique accompli par la commission des lois. Celle-ci a tenu à inscrire dans la loi l'idée de « coproduction » de la sécurité, telle que l'a définie le colloque de Villepinte en 1997. Elle a donc récrit l'article premier de la LOPS pour poser que la sécurité est un droit fondamental pour les citoyens et un devoir pour l'Etat. Cet amendement permet en outre de mentionner dans la loi le principe de la collaboration des collectivités territoriales à la politique de sécurité, par l'intermédiaire des contrats locaux de sécurité. Cette reconnaissance législative devrait favoriser l'implication des élus locaux dans cet indispensable partenariat.

La commission a également adopté les amendements du Gouvernement visant à organiser l'information du maire et à l'associer à la prévention de la délinquance. Nous avons d'autre part abordé la question de la sécurité dans les transports publics. Cependant, en ce qui concerne la délinquance des mineurs, nous avons préféré renvoyer le débat à la séance publique, compte tenu de son importance. Nous considérons que cette question ne saurait recevoir de réponse simple comme celle qu'on propose de façon récurrente -la modification de l'ordonnance de 1945- qu'aucun ministre, même avant 1997, n'a d'ailleurs jamais mise à notre ordre du jour ! Les solutions ne peuvent être apportées que sur le terrain, par la prise en charge éducative ou par l'application de sanctions appropriées. Mais combien de députés-maires ici ont mis en place des travaux d'intérêt général ? Combien sont prêts à accueillir un centre éducatif renforcé ou un centre de placement immédiat ? Or c'est avec de telles mesures que nous gagnerons ce combat...

Ce projet est cohérent et apporte des réponses concrètes aux problèmes de nos concitoyens. Je suis convaincu que ceux-ci l'accueilleront bien car sa logique est celle de la proximité, du partenariat et d'une plus grande réactivité. Les Français comprennent que nous ne pouvons tout régler d'un coup de baguette magique mais ils ne comprendraient certainement pas que nous soyons inactifs. Nous agissons donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur pour avis de la commission des finances - Le public, ces derniers mois, a ressenti une vive inquiétude, largement médiatisée, lors de l'affaire « Humpich » et devant l'augmentation des actes de délinquance liés à la carte bancaire. Par ailleurs, des utilisateurs des sites Internet de commerce à distance ont été victimes de fraude ou de tentatives de fraude. Afin de maintenir la confiance dans un instrument qui a permis de réaliser 26 % des paiements en 1999 et de ne pas porter atteinte à l'industrie française de la puce, il importait de réagir rapidement. Notre commission des finances a donc décidé, en octobre 2000, de rédiger un rapport d'information sur la sécurité des cartes bancaires. Le Gouvernement, sous l'impulsion de Mme Lebranchu, s'est également saisi du problème, MM. Fabius et Patriat ont fait des déclarations et le présent projet a été élaboré.

Lors de son intervention du 22 février précédant la signature de deux chartes relatives à la sécurité des cartes de paiement, le ministre de l'économie et des finances a clairement indiqué que ce texte n'était qu'un premier train de mesures, en attendant celles qui pourraient être définies en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, en particulier avec les associations de consommateurs. Votre commission considère toutefois qu'il est possible de renforcer dès à présent le dispositif proposé, en confortant les compétences de la Banque de France et en améliorant la protection des consommateurs.

La carte à puce représente un enjeu industriel majeur. C'est en effet un instrument de paiement très sûr, pour peu qu'on veille à en faire évoluer la technologie afin de deviner les astuces des fraudeurs, qui ne manquent ni d'imagination ni de moyens techniques. Le Groupement des cartes bancaires ne doit pas être seul sur le front !

La publication de mon rapport ayant suscité quelques interrogations à ce propos, je tiens à dire que je ne voue pas ce Groupement aux gémonies et que je ne sous-estime pas son travail, notamment ce qu'il a fait pour rallonger la « clé » des cartes à puce. Je n'ai d'ailleurs eu qu'à me féliciter de sa coopération loyale et franche -donc dysharmonieuse !- lors des auditions que j'ai organisées. Il est vrai qu'il s'agissait d'un ressaisissement : en effet, il n'y aurait pas eu d'affaire Humpich si les recommandations formulées dès 1988 avaient été entendues. Heureusement, les choses ont évolué...

La commission des finances estime, en tout état de cause, utile de donner à la Banque de France un véritable pouvoir d'opposition, s'agissant des moyens de paiement insuffisamment sécurisés. La publicité de l'avis négatif émis sur ces moyens doit être systématique et il serait opportun de la formaliser en prévoyant qu'elle se fera par l'intermédiaire du Journal officiel. En outre, la Banque de France doit disposer de capacités d'expertise et de communication d'informations étendues aux divers types de terminaux. Nous proposons également qu'elle soit assistée par deux organismes nouveaux : l'Observatoire de la sécurité des cartes bancaires, instance de dialogue, de suivi et d'évaluation regroupant des représentants des administrations, des émetteurs et des porteurs de cartes de paiement et des commerçants, ainsi que des parlementaires ; et un comité de veille technologique pour les systèmes de paiement, beaucoup plus restreint, qui tiendrait les administrations informées des avancées réalisées par les « pirates » informatiques, de plus en plus souvent organisés sur le mode mafieux, et qui travaillerait à définir la riposte.

Le projet devrait également être complété afin d'accroître la protection assurée aux titulaires de carte. Dans plusieurs cas de figure, la loi nous paraît devoir se substituer aux règles contractuelles. C'est ainsi que la franchise mise à la charge du porteur en cas de perte ou de vol ne devrait pas excéder 150 euros, conformément aux recommandations européennes. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'abaisser le niveau de cette franchise reviendrait à encourager la fraude ! Les milieux bancaires, si curieux de ce qui se fait aux Etats-Unis, ignorent-ils que la franchise d'American Express est en France de 250 F et que celle de Visa aux Etats-Unis est nulle ? Ce qui serait exemplaire de l'autre côté de l'Atlantique serait-il diabolique chez nous ?

Un délai raisonnable doit être accordé au porteur pour faire opposition. L'engagement souscrit par les banques le 22 février n'accorde le bénéfice de la franchise que si cette mise en opposition est effectuée dans les vingt-quatre heures suivant le vol ou la perte de la carte. Il serait souhaitable d'accorder un délai de deux jours francs. Par ailleurs, la responsabilité du porteur ne doit pas être engagée en cas d'utilisation frauduleuse, y compris avec utilisation du code confidentiel, s'il n'a pas commis de négligence constitutive d'une faute lourde. Enfin, l'émetteur doit rembourser à son titulaire la totalité des préjudices directs et indirects subis.

Dans le même esprit, la commission souhaite instituer un délai de contestation uniforme, non susceptible de réduction. Ce délai pourrait être de 120 jours à compter de la date de l'opération contestée. Il serait enfin judicieux d'informer systématiquement les clients des modifications apportées au contrat porteur.

Si je vous demandais combien il existe de versions de ce contrat, je doute fort que même un seul d'entre vous puisse me donner la bonne réponse. Il en existe sept versions et une huitième est en préparation. Il faut que la dernière version, d'ailleurs aujourd'hui décidée de façon unilatérale par la banque, soit systématiquement transmise au titulaire de la carte afin que celui-ci fasse connaître son accord ou son opposition.

M. Pierre Cardo - Vous mettez ainsi la puce à l'oreille.

M. Jean-Pierre Brard - On y viendra peut-être, Monsieur Cardo (Sourires). Les Etats-Unis, obligés de reprendre notre système dont la fiabilité a été démontrée, ont en effet imaginé de placer la puce hors de la carte..., s'orientant ainsi vers une démonétisation totale.

Le texte qui nous est proposé permet de résoudre les difficultés actuellement rencontrées en matière de paiement par carte de crédit et à distance. La commission des finances a donc donné un avis favorable à la partie du projet dont elle a été saisie et a adopté une série d'amendements tendant à améliorer le texte du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Mattei et des membres du groupe Démocratie libérale une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Marc Laffineur - Nous espérons que ce texte bien décevant ne résume pas les ambitions de ce Gouvernement en matière de sécurité. Fort modeste, il ne comporte que des mesures disparates, pas toujours judicieuses alors que le problème crucial de l'insécurité exige de vraies réponses et des projets d'envergure.

Vous n'avez pas pris la mesure du message que vous ont pourtant adressé nos concitoyens lors des dernières élections municipales : la sécurité est bien au c_ur de leurs préoccupations. Vous donnez encore une fois l'impression de chercher à gagner du temps et à éviter les réformes qui seraient pourtant indispensables après plusieurs années d'immobilisme. En réalité, le Gouvernement est en panne, paralysé par les prochaines échéances électorales. Il se contente de déclarations d'intention jamais suivies d'effets.

Vos réponses ne sont pas du tout à la hauteur des inquiétudes de nos concitoyens confrontés à la montée de l'insécurité.

M. Jean-Luc Warsmann - Tout à fait.

M. Marc Laffineur - Excepté le titre de ce projet de loi, rien dans vos actes ne témoigne que vous vous préoccupiez de sécurité. Pis encore, vous portez une réelle responsabilité dans la situation actuelle car vos actions insuffisantes et inadaptées ont encore fait empirer la situation.

La sécurité est pourtant le premier des droits. Il est d'autant plus nécessaire de lutter contre l'insécurité que ses premières victimes en sont nos concitoyens les plus démunis.

M. le Rapporteur pour avis - Chez Danone par exemple !

M. Marc Laffineur - Cela n'a rien à voir.

On ne peut laisser sans défense nos concitoyens les plus fragiles. Des réponses fortes sont nécessaires : il y va de la justice sociale.

M. le Rapporteur pour avis - En effet.

M. Marc Laffineur - C'est à l'Etat qu'il appartient d'assurer la sécurité.

Examinons tout d'abord la situation actuelle : nous verrons alors que votre texte prend même l'allure d'une provocation pour les victimes de l'insécurité. Nous verrons ensuite ce qu'il faudrait faire pour restaurer la sécurité.

Entre 1950 et 1965, on dénombrait environ 500 000 faits de délinquance par an. Le développement des biens de consommation, stimulé par une croissance économique soutenue, s'est accompagné d'une explosion des vols, si bien que dans les années 1981, le nombre total de faits constatés chaque année s'est établi à quelque 3,5 millions. Après une décrue entre 1985 et 1988, la délinquance est repartie à la hausse, avec 4 millions de faits par an en 1994, avant de diminuer de nouveau entre 1994 et 1997, alors que nous étions revenus au pouvoir.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est magique !

M. Marc Laffineur - La hausse a repris après 1997 et votre bilan est proprement désastreux. La délinquance a progressé de 2,06 % en 1998 avant de bondir de 5 % en 2000 où 3,8 millions de faits ont été déplorés.

Ces chiffres globaux masquent une réalité plus inquiétante encore. En effet, les pourcentages diluent la gravité des infractions, un homicide par exemple étant mis sur le même plan qu'un vol de chéquier. Les crimes et délits commis contre des personnes, c'est-à-dire les faits les plus graves sont ceux qui progressent le plus. Ainsi les coups et blessures volontaires augmentent-ils de 10 %, de même que l'usage, la vente et le trafic de drogue, les vols avec violences ou les vols à main armée.

Les violences envers des dépositaires de l'autorité publique augmentent de 8 % et les outrages à leur encontre de 11 %. Entre 1998, et 2000, les destructions ou dégradations de biens publics ou privés ont progressé de 110 %, les destructions de véhicules, lesquelles semblent être devenues dans certains quartiers des jeux normaux pour adolescents dés_uvrés, de 138 %. En dix ans, les vols avec violences, ont doublé. Aussi votre discours officiel selon lequel la délinquance est contenue ne peut-il que surprendre ! Mais sans doute est-ce là la méthode Jospin appliquée à la sécurité : ne disons surtout pas que cela va mal car sinon, nous serions obligés de faire quelque chose avant les présidentielles !

Par ailleurs, nous le savons très bien , le nombre de faits réels est très supérieur -deux fois selon une enquête de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure- à celui des faits déclarés. Cet écart grandissant tient sans doute au faible taux d'élucidation des crimes et délits qui suscite découragement chez les victimes et sentiment d'impunité chez les délinquants. Le taux moyen n'est en effet que de 24 % avec des fortes disparités selon les affaires, ce qui, selon le site du ministère de l'intérieur, « provoque des difficultés d'interprétation ». Si les vols à l'étalage sont quasiment élucidés à 100 %, les homicides ne le sont qu'à 80 %, les vols à main armée à 30 %, les cambriolages à 9 % et les vols à la tire à 3 % !

Accepter que les affaires ne soient pas résolues, c'est déjà baisser les bras, et faire comme si la délinquance était acceptable dans une société moderne. Or, pour lutter contre l'insécurité, il ne faut rien laisser passer et faire preuve de la plus grande sévérité, ce qui suppose en amont une véritable détermination politique et l'octroi des moyens nécessaires. Vous n'avez pas cette détermination. Vos actes le prouvent, les chiffres le démontrent.

La délinquance est de plus en plus urbaine. En dix ans, les faits de délinquance urbaine sont passés de 66 % à 75 % du nombre total des crimes et délits.

L'insécurité sévit plus particulièrement dans les grandes agglomérations, surtout à leur périphérie. Alors qu'au début de la décennie on constatait seulement trois mille faits de violence urbaine, ce chiffre a été depuis multiplié par quinze. Depuis trois ans, la violence a atteint un niveau inégalé dans les banlieues. Elle se concentre dans les quartiers sensibles des départements les plus urbanisés : 73 % des actes de violence urbaine sont commis dans douze départements.

M. Jean-Pierre Blazy - Venez-en à votre propos. En quoi ce texte est-il irrecevable ?

M. Marc Laffineur - Il s'agit des départements de l'Ile-de-France, hors Paris, de deux départements de troisième couronne, l'Eure-et-Loir et l'Oise, ainsi que du Nord, du Bas-Rhin, du Rhône et de la Seine-Maritime.

La violence accompagne les déplacements collectifs des jeunes et se fait sentir dans les centres commerciaux, les artères commerçantes des centres-villes, les espaces sportifs et de loisirs. Elle se manifeste également avec une rare acuité dans les transports urbains. Sur le réseau de la RATP, les agressions contre les voyageurs ont augmenté de 16 % en 1999 et encore de 14 % l'année dernière.

Il est plus que temps de restaurer la sécurité dans les transports...

M. Patrice Carvalho - C'est vous qui cassez le service public ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Marc Laffineur - Contrôleurs agressés, sièges lacérés, parois couvertes de graffiti, et ce dans un secteur qui connaît déjà des grèves à répétition : les premières victimes en sont les habitants des banlieues, où, d'une façon générale, on assiste à un durcissement des attitudes anti-institutionnelles, qui font des représentants de l'institution, quelle qu'elle soit, la cible privilégiée des noyaux durs de la délinquance des quartiers.

La police est évidemment en première ligne, et si la violence dont elle est victime obéit encore, le plus souvent à des mouvements spontanés, le nombre des embuscades et guet-apens va croissant, de même que celui des incendies de locaux et de véhicules de police. Mais tous les services publics sont également visés : transports urbains, sapeurs-pompiers, facteurs, EDF-GDF, et en plus, depuis peu, les médecins.

M. Jean-Claude Mignon - Eh oui !

M. Marc Laffineur - Les services municipaux sont eux aussi englobés dans cette perception hostile, qui explique les dégradations d'équipements publics de proximité, dont les habitants de ces quartiers défavorisés sont pourtant les premiers bénéficiaires. Tout refus de subvention, toute intervention policière, toute décision de justice mal ressentie est susceptible de donner lieu à des actes de représailles.

Autre facteur inquiétant : l'âge, de plus en plus précoce, des délinquants. En dix ans, le nombre de mineurs mis en cause par la police a doublé, un délinquant sur cinq est un mineur - et même deux sur cinq pour ce qui est de la délinquance sur voie publique.

M. René Mangin - Est-ce la faute de la gauche ?

M. Guy Teissier - Bien sûr !

M. Marc Laffineur - L'irresponsabilité pénale des mineurs, due à l'ordonnance de 1945, incite les plus âgés à les mettre en première ligne, à les transformer en guetteurs, en convoyeurs, en rabatteurs du trafic de drogue, sans qu'aucune réponse soit apportée par le Gouvernement à ce problème.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est faux !

M. Marc Laffineur - Quelles sont les causes de cette situation ? L'urbanisme a, c'est vrai, sa part de responsabilité : j'en veux pour preuve le fait que les crimes et délits proviennent en grande partie des quartiers sensibles.

M. le Rapporteur pour avis - Sirven n'habitait pas en HLM !

M. Marc Laffineur - Les banlieues chaudes sont des ghettos, victimes d'une urbanisation mal maîtrisée, et où les conditions de vie sont précaires.

M. Patrice Carvalho - Les surloyers, c'est vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Guy Teissier - Le KGB, c'est vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Marc Laffineur - Il est temps de mener une politique de la ville qui considère l'urbanisme comme une cause profonde de l'insécurité. Cela suppose que l'aide à la pierre cède le pas à l'aide à la personne.

M. Jean-Pierre Blazy - Quel rapport avec l'irrecevabilité ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Marc Laffineur - J'y viens.

La deuxième cause de l'insécurité est la déstabilisation de la famille. La plupart des enquêtes soulignent, en effet, la démission des parents, et enseignants comme éducateurs s'accordent à souligner l'absence de projets, même à court terme, chez les enfants en difficulté, absence liée à celle de modèle au sein de la structure familiale.

M. Patrice Carvalho - Combien de familles éclatées à cause des licenciements ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Marc Laffineur - On ne le répétera jamais assez : la famille est et demeure le premier pilier de la socialisation, et les parents les premiers responsables de l'éducation. c'est la vie au sein de la famille qui donne les repères, qui éduque à la liberté et à l'autorité. Le rôle des parents est à la fois de transmettre les valeurs de la vie en société et de donner les moyens individuels de réussir, de poser des limites et d'aider leurs enfants à les franchir. Il est temps qu'ils assument enfin toutes leurs responsabilités.

Pour cela, notre pays doit placer au centre de ses préoccupations tout ce qui renforce sa famille, c'est-à-dire tout ce que votre gouvernement a oublié (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Christine Boutin - Dites plutôt : démoli !

M. Marc Laffineur - Vous vous êtes distingués, depuis quatre ans, par des mesures, notamment fiscales, qui ont affaibli la famille.

M. le Rapporteur pour avis - Vive l'allocation « vison » ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous êtes toujours du côté du manche, du côté de M. Seillière ! Vous êtes pour la famille, mais pour la famille Wendel ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Je vous en prie ! Laissez parler M. Laffineur !

M. Marc Laffineur - On a parfois le sentiment que certains parents aimeraient transférer le poids de l'autorité à l'école, pour se réserver l'épanouissement de l'enfant, mais l'école, de son côté, souhaite instruire sans éduquer, et tend à devenir, comme la famille, un espace de discussion, où l'élève est promu au rang de partenaire de l'acte de formation. Longtemps, l'autorité du maître a prolongé celle du père ; aujourd'hui, elle a disparu, ce qui est grave pour notre société, pour l'école elle-même, et en particulier pour le collège, où l'échec scolaire est, pour une large part, la conséquence du dogme du collège unique. Le collège unique sécrète la violence comme lui-même la subit (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Le collège unique, c'est Haby et Giscard !

M. Marc Laffineur - On demande aux enseignants de donner les mêmes leçons à des élèves qui n'ont pas tous les mêmes capacités. Indiscipline, insolence, dévalorisation du travail, culpabilisation des bons élèves, voilà le résultat ! Autre conséquence de cette politique et de cet aveuglement : la dévalorisation du baccalauréat, au nom de l'objectif formulé par un ancien ministre de l'éducation nationale qui s'appelait Lionel Jospin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Car je n'entends pas oublier, rassurez-vous, vos responsabilités directes dans la montée de l'insécurité. Vous êtes au pouvoir depuis quatre ans, et devez assumer votre bilan. La criminalité, qui avait régressé entre 1994 et 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), a repris sa progression depuis. Vous avez abandonné les objectifs de la loi d'orientation, qui visait à faire revenir sur le terrain les trop nombreux policiers cantonnés dans des tâches administratives. Notre pays jouit en effet d'un ratio de policiers par habitant qui est parmi les plus élevés d'Europe, mais leur répartition est un défi au bon sens.

Vous m'objecterez que 20 000 adjoints de sécurité ont été embauchés, mais on ne saurait les assimiler à des policiers, car ils n'ont ni formation, ni efficacité opérationnelle.

M. le Rapporteur pour avis - C'est une allégation indigne !

M. Marc Laffineur - Ecoutez plutôt ce qu'on pouvait lire, il y a quelques mois, dans le journal du syndicat Alliance, un article tout à fait éclairant : « Comment un jeune garçon, ou une jeune fille, formé en six semaines, sera-t-il capable de remplacer un fonctionnaire de police qui a suivi la formation que l'on sait ? Jusqu'où ira la stupidité des responsables de la maison ? Sont-ils prêts à brader la sécurité des Français ? A moins qu'ils ne le fassent avec la vie de nos collègues, qui tous les jours, sur le terrain, se trouvent confrontés à des situations périlleuses ? » Et, plus loin : « Ou alors, qu'on ait le courage de nous dire que... l'ensemble des fonctionnaires de la paix publique sont de simples marionnettes que l'on exhibe sur la voie publique, afin que nos concitoyens se sentent rassurés à la vue du bleu marine ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur pour avis - Quel est le syndicat qui tient ces propos irresponsables ?

M. Marc Laffineur - Je vous l'ai dit : c'est le syndicat Alliance !

M. le Rapporteur pour avis - C'est un syndicat d'extrême-droite ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Marc Laffineur - Les adjoints de sécurité, comme la police de proximité, ne sont que des mirages destinés à rassurer la population et à esquiver les vraies questions. A-t-on besoin de policiers pour assurer la garde statique des ambassades ou des domiciles de hautes personnalités, ou encore pour protéger certaines salles d'audience en dehors même de tout procès « sensible » ? Ne vaudrait-il pas mieux créer un corps spécial, de façon à mettre plus de policiers sur le terrain ?

Las ! Aucun effort budgétaire n'est fait en ce sens. Le budget de l'intérieur a même perdu des postes actifs, alors même qu'il y aura, d'ici cinq ans, 25 000 départs à la retraite.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est hélas vrai !

M. Marc Laffineur - En abandonnant l'application de la loi d'orientation, le Gouvernement a pris une bien lourde responsabilité.

A ces graves abandons s'ajoutent des carences en matière de justice. Ainsi 50 % des plaintes contre les mineurs sont classées sans suite par le Parquet, 40 % des plaintes contre X n'aboutissent jamais sur le bureau d'un magistrat. Nombre de petits délinquants bénéficient d'un « classement d'opportunité », que j'appelle, moi, un déni de justice. Bien des jugements prononcés ne sont pas suivis d'effet ; ainsi un tiers seulement des amendes judiciaires a été recouvré en 1997. Les peines de prison les plus courtes font l'objet d'aménagements par le juge d'application des peines.

La loi relative à la présomption d'innocence, adoptée le 15 juin dernier, n'est pas contestable dans son principe. Mais elle a des conséquences négatives.

M. le Ministre - Il ne fallait pas la voter !

M. Marc Laffineur - En fait, elle est inapplicable. Aussi les magistrats, les greffiers et les avocats ont-ils manifesté à juste titre, les moyens de la justice n'ayant pas été augmentés en conséquence. Roger le Tallantier, ancien chef de la brigade de répression du grand banditisme, comparait la situation de la justice à celle de la puce à qui ses bourreaux, après lui avoir arraché les membres un à un, disent de sauter et, constatant qu'elle ne bouge pas, concluent qu'elle est devenue sourde. La puce, c'est la police judiciaire, qui peut de moins en moins arrêter de suspects ; et on dit que c'est la faute des juges.

M. le Rapporteur pour avis - Nous en restons les bras coupés !

M. Marc Laffineur - La réforme de la garde à vue a de son côté beaucoup compliqué la tâche des enquêteurs, puisqu'il leur est impossible de garder à vue les simples témoins.

J'en viens au projet lui-même.

M. le Rapporteur pour avis - Il était temps !

M. Marc Laffineur - Tout à l'heure, je vous le fais remarquer, deux tiers de l'intervention du ministre ne portaient pas sur le texte !

M. le Rapporteur pour avis - Vous n'êtes pas ministre, et vous êtes hors sujet !

M. Marc Laffineur - Le Gouvernement prétend lutter contre la croissance du nombre d'armes à feu, en soumettant les commerces de détail à un régime d'autorisation. Comme si les délinquants allaient acheter leurs armes dans des magasins en laissant leurs coordonnées ! Comme si les armes de chasse servaient à commettre des vols à main armée ! Ce n'est pas sérieux !

Vous reconnaissez d'ailleurs que les ouvertures de magasins sont rares. La seule conséquence sera de restreindre la liberté des chasseurs. Vous restreignez la liberté et vous limitez la liberté d'entreprendre en confiant aux préfets un pouvoir discrétionnaire. Vous créez en outre une distorsion de concurrence entre les commerces déjà installés et ceux qui souhaiteraient ouvrir. Cette disposition est contraire au principe de liberté de commerce et d'industrie, constant en droit français depuis le décret d'Allarde de mars 1791. Cette liberté a été reconnue comme de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel.

Après ces mesures véritablement révolutionnaires, vous voulez renforcer les prérogatives de police judiciaire de la police nationale. Il s'agit en fait de permettre aux adjoints de sécurité de verbaliser les infractions au code de la route, et d'avancer de deux ans le moment où les gardiens de la paix acquièrent la qualité d'officier de police judiciaire.

A vous lire, ce dispositif « contribuera à l'efficacité de la police de proximité et à rassurer le public sur les réponses apportées dans la lutte contre la délinquance ». Il y a loin de l'objectif affiché aux solutions envisagées, qui sont dérisoires. Vous confirmez par cette mesurette votre refus de renforcer réellement la police nationale par le recrutement de gardiens de la paix à part entière.

Le troisième chapitre de votre projet tend à améliorer la sécurité des cartes de paiement. La démarche est intéressante, mais elle est loin de justifier le titre ronflant de votre texte, qu'il eût mieux valu appeler « diverses mesures tendant à améliorer la tranquillité publique ». Les Français apprécieront les efforts que vous déployez pour appliquer les priorités gouvernementales affichées !

Enfin, vous vous employez à durcir les sanctions applicables aux chiens, et à vérifier les titres de transport des personnes empruntant Eurostar. Voilà bien des dispositions fondamentales qui feront date dans la lutte contre l'insécurité !

L'indigence de ce texte illustre bien quatre années de gouvernement socialiste ! Bref, par méconnaissance de la réalité et par manque de volonté politique, vous passez à côté de l'essentiel. Qu'aurait-il fallu proposer ?

La sécurité est un droit fondamental de l'homme et une impérieuse exigence de justice sociale. Or l'insécurité, qui pollue la vie quotidienne de nos concitoyens, n'est pas une fatalité. Elle appelle un sursaut républicain et une riposte globale.

Il importe d'abord de rendre efficaces les actions de prévention, de resserrer ensuite autour du maire les questions de sécurité, d'appliquer le principe de tolérance zéro, enfin de fournir aux juges une gamme de réponses la plus large possible.

Pour rapprocher la sécurité des citoyens, il est temps de donner aux maires une place prépondérante dans la politique de sécurité. Les élus locaux doivent recevoir communication des plaintes reçues par la police ou la gendarmerie. Il serait bon que le préfet réunisse deux fois par an tous les acteurs de la sécurité, ainsi que les maires, les parlementaires et les présidents des organismes intercommunaux pour examiner les résultats et fixer les objectifs.

Nous suggérons de créer un conseil de sécurité municipal ou intercommunal...

M. le Rapporteur pour avis - Cela existe déjà ! Renseignez-vous !

M. Marc Laffineur - Ce conseil a été supprimé ! Il définirait des objectifs concrets, et pourrait par un vote mettre les forces de sécurité en demeure d'agir. Il faut aussi expérimenter la municipalisation des forces de sécurité...

M. le Rapporteur pour avis - Ce n'est plus un maire alors, c'est un shérif !

M. Marc Laffineur - Le maire devrait pouvoir interdire, dans un cadre légal strictement défini, et pour une durée limitée, aux mineurs de moins de 13 ans de circuler entre 24 heures et 6 heures sur une partie du territoire communal sans être accompagné par un majeur.

Enfin il est nécessaire de prévoir un avis conforme pour toute décision prise dans le cadre de la politique de la ville, en particulier pour attribuer des logements sociaux. Il est temps de déconcentrer les forces de sécurité, afin d'adapter au mieux l'affectation des hommes aux besoins locaux, et en recentrant les forces de sécurité sur leurs vraies missions. Ainsi, une unité pénitentiaire serait créée, chargée de la garde dans les hôpitaux et du transfert des détenus. Il serait également indispensable de recruter 1 500 agents administratifs de la police nationale chaque année pendant trois ans.

Il faut aider les forces de sécurité à se consacrer à leurs vraies missions en mettant fin à la dérive des heures supplémentaires qui désorganisent les services.

M. le Ministre - Ce que vous n'avez pas fait !

M. Marc Laffineur - Il y a lieu d'introduire une obligation de mobilité et d'attribuer des primes incitatives aux fonctionnaires affectés en zone sensible. Chaque poste de police doit également être doté du nombre nécessaire d'officiers de police judiciaire.

Troisième axe, il est temps d'améliorer la condition des forces de sécurité en prévoyant sur cinq ans le recrutement de 30 000 policiers et de 10 000 gendarmes pour compenser les départs en retraite, pallier les effets des trente-cinq heures et intégrer les emplois-jeunes qui le souhaitent.

M. le Ministre - Que ne l'avez-vous fait !

M. Marc Laffineur - Mais quand nous étions au pouvoir, la délinquance diminuait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; « C'est vrai ! » sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Il convient aussi d'enrichir la formation initiale des forces de sécurité et de favoriser l'émergence d'une véritable formation continue. Une politique sociale adaptée aux conditions de travail des policiers, notamment pour ce qui concerne le logement et la garde des jeunes enfants, doit également être conduite.

Il est enfin nécessaire d'accroître les moyens donnés aux forces de sécurité en donnant la priorité absolue à l'achèvement du réseau ACROPOL d'ici à 2003, en accélérant le renouvellement du parc automobile de la police, en prévoyant la construction de nouveaux commissariats, en construisant des salles de commandement opérationnel dans les grandes agglomérations à forte insécurité et en revalorisant le corps des officiers.

La deuxième urgence, c'est de conduire une politique de lutte contre la délinquance des mineurs conjuguant prévention et répression.

En matière de prévention, il n'est que temps de promouvoir une véritable politique contractuelle entre les conseils généraux, l'éducation nationale, les travailleurs sociaux, les sociétés de transports, les bailleurs sociaux et les forces de police et de gendarmerie. La promotion d'un régime d'allocations familiales « à points », pouvant conduire les parents défaillants à être privés de leurs allocations, serait de nature à placer chacun devant ses responsabilités. Telle est d'ailleurs la position de plusieurs membres de la majorité plurielle, à l'instar de M. Jean-Pierre Michel qui s'est exprimé en ce sens lors des questions d'actualité de la semaine dernière (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

L'école et les services de pédopsychiatrie doivent également nouer des liens plus étroits pour que les comportements violents soient dépistés et accompagnés dès le plus jeune âge.

Au-delà, il n'est que temps d'adapter l'ordonnance du 2 février 1945 afin de donner aux juges la possibilité de mettre en _uvre des réponses rapides et adaptées aux formes les plus contemporaines de la délinquance des mineurs. A ce titre, il convient notamment d'enrichir la gamme des mesures de placement disponibles en créant de nouveaux établissements : des externats pour les primo-délinquants, des internats à encadrement renforcé, des centres de formation professionnelle destinés aux mineurs qui sortent de détention ou d'un centre éducatif renforcé, des unités de soins spécialisées et des unités de détention spécifiques, bien séparées des établissements pénitentiaires des adultes. Il faut également multiplier les centres de placement immédiat et des centres éducatifs renforcés destinés au traitement des situations d'urgence et à l'accueil des jeunes multirécidivistes.

Cette politique implique aussi de réduire sensiblement les délais de traitement des affaires et d'adapter certains seuils à l'évolution constatée de la délinquance. A ce titre, trois mesures s'imposent : abaisser à treize ans l'âge minimum de placement en détention provisoire en matière correctionnelle, rendre possible dès dix ans le prononcé d'une sanction pénale -à l'exclusion toutefois de la détention- et étendre le régime de la retenue aux infractions passibles de cinq ans d'emprisonnement -contre sept aujourd'hui. Tout cela ne sera possible que si les services compétents sont sensiblement étoffés et s'il s'établit entre l'Etat et les collectivités locales une véritable relation de partenariat. La réussite de ces mesures tiendrait aussi au lancement d'un plan d'envergure pour la rénovation des banlieues tendant en particulier à résorber les zones de non-droit.

Telles sont les mesures que les Français seraient en droit d'exiger de leur Gouvernement et ils vous ont du reste précisé leurs demandes à l'occasion des dernières élections municipales. A l'évidence, ce texte inconsistant ne satisfera pas leurs attentes et il illustre bien votre méthode de gouvernement : impuissant à prévenir dès l'apparition des problèmes, vous ne proposez rien d'efficace pour les combattre. Obnubilé par les prochaines échéances électorales, votre Gouvernement est en panne.

Pour insuffisant qu'il soit, votre texte parvient, dans les rares propositions qu'il contient, à écorner la liberté d'entreprise et le droit de propriété. Et vous le faites alors même que les mesures qui le motivent n'auront aucune utilité !

C'est pourquoi je demande à notre Assemblée, au nom du groupe DL et de l'ensemble de l'opposition, de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. le Ministre - Permettez-moi, Monsieur le député, de vous faire part du sentiment que m'inspirent les appréciations que vous avez portées sur l'action de notre police nationale. Vous ne contribuerez pas à la sécurité de nos concitoyens en traitant la police nationale avec un tel mépris ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Du reste, les chiffres parlent d'eux-mêmes et ils traduisent la confiance que ce Gouvernement porte à ses forces de police.

Entre 1993 et 1997, le budget de la police nationale n'a progressé que de 10 % ; sur la même durée, mais de 1997 à aujourd'hui, nous l'avons augmenté de 14,5 %.

M. Marc Laffineur - Citez aussi les chiffres de la délinquance ! Elle baissait lorsque nous étions au pouvoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; bruit sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. le Ministre - J'ai laissé M. Laffineur égrener ses vérités -même si je considère qu'il s'agissait plutôt de contre-vérités-, vous souffrirez que je rappelle que c'est vous qui n'avez pas su introduire de gestion prévisionnelle des effectifs de police, ce qui a entraîné leur érosion.

En dépit des 25 000 recrutements et des 3 300 embauches en surnombre que nous avons décidés pour accompagner le déploiement de la police de proximité, nous peinons à rattraper le retard que vous nous avez légué. Nous agissons cependant sans relâche pour améliorer la situation économique et sociale des personnels.

Vous êtes du côté de ceux qui parlent : nous préférons agir et donner aux forces de police les moyens d'agir.

Je ne puis davantage tolérer le discours que vous avez tenu au sujet des adjoints de sécurité. Vous rendez-vous compte de l'exemple que vous donnez aux jeunes en affichant à leur endroit un tel mépris ?

M. Pierre Cardo - C'est vous qui les mettez en danger sur le terrain !

M. le Ministre - Ces jeunes, qui se donnent tout entier à leur mission pour servir l'intérêt général, méritent plus de considération. La création de ces emplois a en outre été rendue nécessaire par la suppression du service national que vous avez décidée !

Plusieurs députés RPR - Et que vous avez votée !

M. le Ministre - S'agissant des armes, le propos de M. Laffineur m'a également choqué. Les chasseurs sont des gens responsables. Ils se fournissent en armes et en munitions auprès des armuriers. En quoi serait-il attentatoire à leur liberté de leur imposer d'avoir recours à des professionnels compétents ? Ne vous réfugiez pas derrière la liberté du commerce pour justifier la loi de la jungle ! Comme si c'était un modèle viable que de laisser partout s'installer sans contrôle des marchands d'armes ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Mais vous, au nom du libéralisme économique, vous soutenez qu'on peut ouvrir un commerce d'armes partout, par exemple aux Tarterêts, simplement parce que cela permet à quelqu'un de gagner de l'argent ! (Mêmes mouvements) Vous savez pourtant que c'est une incitation à la violence d'installer une armurerie là où il y a des jeunes en difficulté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Quant aux statistiques, elles ne sont bien sûr jamais à la hauteur de nos espérances. Mais sur ce point vous devriez être plus modestes. Si l'on examine les statistiques annuelles depuis dix ans, il apparaît que les pires années furent 1994 et 1995, quand vos amis M. Pasqua, puis M. Debré, étaient ministres de l'intérieur. Je ne vous attaquais pas pour autant, à l'époque, sur ces statistiques. Mais vous devriez être plus raisonnables dans ce domaine ; les Français, eux, le sont ; ils savent que lutter contre l'insécurité est une chose, et qu'utiliser ce thème de façon récurrente, comme vous le faites, en est une autre. Et vous avez pu constater que les résultats des élections ne récompensaient pas toujours votre démagogie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Perrut - A lire les intentions qu'exprime l'exposé des motifs du projet, nous avons d'abord été rassurés. Mais nous avons vite déchanté : vos propositions sont sans commune mesure avec l'inquiétude des Français. N'entendez-vous pas ce qu'ils disent, ignorez-vous ce qui se passe sur le terrain ? Délits et violence n'ont cessé de s'accroître au point de se banaliser et de polluer la vie quotidienne des Français. Votre projet se limite à des mesures éparses sur les chiens, les cartes bancaires et les armes. Que proposez-vous pour faire reculer l'insécurité ? Vous dotez les adjoints de sécurité du pouvoir de verbaliser les infractions au code de la route, et vous en faites plus vite que par le passé des agents de police judiciaire. Cela contribuera, dites-vous, à l'efficacité de la police de proximité : encore faudrait-il qu'elle existe ! Vous ne renforcez pas la police nationale dans nos villes. La mienne attend toujours les 19 fonctionnaires de police supplémentaires promis, alors que selon vous la police de proximité devait y être effective dès février et opérationnelle en avril ! Et il en va de même dans de nombreuses villes.

L'insécurité n'est pas une fatalité. La sécurité relève d'un sursaut républicain. Si vous ne proposez rien, nous avons en revanche émis des propositions. Qu'attendez-vous pour accroître les forces de police et de gendarmerie ? Vous savez combien elles sont démoralisées. M. Laffineur ne les a évidemment pas attaquées.

M. le Président de la commission - Si, tout de même !

M. le Rapporteur pour avis - Il les a méprisées ! (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Bernard Perrut - Vous savez combien elles ont besoin d'être soutenues et attendent des mesures. Qu'attendez-vous pour lutter contre la délinquance des mineurs et réviser l'ordonnance de 1945 afin de l'adapter à la nouvelle délinquance ? Tout cela passe aussi par l'affirmation du rôle de la famille, la responsabilisation des parents. Il faut aussi que l'école enseigne de nouveau des valeurs. Sur tous ces points, que proposez-vous ?

La sécurité est un droit fondamental et un devoir de l'Etat. On ne saurait la traiter à la légère. Si le sujet n'était sérieux, je dirais que cette fable du chien et de la puce -celle des cartes bancaires- (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe socialiste) qu'est votre texte est irrecevable, pour les raisons constitutionnelles qu'a expliquées Marc Laffineur, mais aussi parce qu'il n'apporte rien d'efficace. Nous ne pourrions, à la limite, l'adopter que si vous teniez compte de nos amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Blazy - Ce qui est irrecevable, Monsieur Laffineur, ce n'est pas le projet, mais votre discours, sur le fond comme dans la forme. Sur le fond, par des commentaires largement erronés sur les statistiques, vous essayez de montrer que les chiffres de la délinquance suivent les alternances politiques. C'est faux, et ce n'est guère honnête intellectuellement. Quant à la délinquance des mineurs, que vous avez longuement évoquée, elle s'est envolée à partir de 1994. Sur la question des moyens, M. le ministre vous a répondu. Dans la forme enfin, vous n'avez nullement démontré l'inconstitutionnalité du texte, mais seulement évoqué la loi sur la liberté du commerce. Mais pour de nombreux produits -non seulement les armes, mais aussi les voitures, les produits pharmaceutiques et bien d'autres- il y a un encadrement du commerce. Et la Déclaration des droits de l'homme définit la liberté comme le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Il est étrange que vous vouliez lutter contre l'insécurité, mais refusiez d'encadrer le commerce des armes. Pour ces raisons nous repousserons l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Thierry Mariani - Même si les socialistes n'aiment pas qu'on leur rappelle les statistiques, elles sont sans ambiguïté : nous vivons une aggravation catastrophique et sans précédent de la délinquance. Elle a progressé de 5,72 % entre 1999 et 2000, avec 3,771 millions de faits constatés, soit 209 000 de plus que l'année précédente. Les vols à main armée augmentent de 13 %, les vols avec violence de 10 %. On enregistre 204 000 faits délictueux de plus, 30 000 faits dits de violence urbaine, 15 000 voitures brûlées... Ayez donc le courage d'assumer votre échec !

Cette situation ne saurait durer sans mettre en péril l'équilibre de notre société. D'autant que la violence ne concerne plus seulement les agglomérations les plus importantes : de plus en plus elle s'étend à tout le territoire. Je suis élu d'une ville de quelque 9 000 habitants qui, il y a encore quatre ans, ne connaissait aucun problème d'insécurité : ce temps n'est plus. L'insécurité est en outre caractérisée par deux problèmes nouveaux : le développement des bandes, qu'illustrent les événements de La Défense, et la proportion croissante de mineurs de plus en plus jeunes impliqués dans les faits délictueux. Le développement des rave parties, sans aucun encadrement juridique, se traduit régulièrement par des blessés et même des morts, comme récemment dans une commune de ma circonscription.

Devant cette situation, qui n'est pas si éloignée de la guérilla urbaine, les Français ne sont pas seulement inquiets : ils sont outrés de l'absence de réponses concrètes du Gouvernement, et de l'impunité des mineurs délinquants.

Il faut dire que la politique de sécurité de la gauche conduit toujours à l'échec : alors que la délinquance et la criminalité avaient reculé entre 1993 et 1997, elles n'ont cessé de croître depuis. Les mesures du Gouvernement ne sont pas à la hauteur. A force de faire prévaloir la prévention sur la sanction, de multiplier les réunions stériles et les rapports qui ne servent qu'à se donner bonne conscience, qu'attendre d'autre ? En refusant d'admettre l'inadaptation de l'ordonnance de 1945, le Gouvernement oublie que les « sauvageons » sont parfois des assassins en puissance, et laisse se développer un climat d'insécurité. Les contrats locaux de sécurité sont un instrument de concertation, mais ils n'endigueront pas la montée des violences urbaines. Je le sais bien, hélas, étant le maire d'une des premières communes à avoir signé un de ces contrats.

Que propose le texte ? En renforçant le contrôle sur les ventes d'armes, il va pénaliser les collectionneurs et les chasseurs, non les voyous. Il attribue la qualité d'officier de police judiciaire aux adjoints de sécurité, qui sont pleins de bonne volonté, mais insuffisamment formés. Le renforcement de la répression des fraudes à la carte bancaire est utile, mais ne ramènera pas la sécurité dans les transports en commun... On a enfin une énième disposition sur les chiens, et le contrôle sur la liaison transmanche.

Ce dernier point est une première pour la gauche : que ne disait-on naguère quand la droite liait immigration et insécurité ! Nous étions racistes, xénophobes, proches du Front National... Voici que la gauche rejoint tardivement ce que nous disions depuis des années.

Si ces mesures vont dans le bon sens, elles sont notoirement insuffisantes. Les problèmes ne sont pas là où vous les situez : ils sont dans l'inadaptation de l'ordonnance de 1945, dans l'insuffisance des moyens alloués à la justice, dans l'absence de prise en compte de la récidive. Quant aux solutions, elles sont connues : elles ne figurent pas dans votre projet, mais dans les propositions de la convention sécurité qui s'est tenue au Sénat le 31 janvier, sous l'égide des Ateliers parlementaires pour l'alternance ! Ne feignez donc pas de les ignorer.

Votre projet étant celui des occasions manquées, le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité défendue avec talent par M. Laffineur...

M. le Rapporteur pour avis - N'exagérons rien !

M. Thierry Mariani - Si la liberté de vivre en sécurité est une liberté fondamentale, à l'évidence votre projet est bien irrecevable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Tout à l'heure, Monsieur le ministre, vous avez tenté un oral de rattrapage : votre projet étant incomplet et mauvais, vous avez passé en revue toutes les questions qui auraient dû y être traitées et qui ne l'ont pas été.

Quant à la querelle sur les responsabilités respectives de la gauche et de la droite, elle est totalement vaine. En la matière, les uns comme les autres, nous devrions faire preuve d'un peu d'humilité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), tant la situation est grave et délicate. Je vous rappelle en outre que, sur les vingt années passées, vous avez eu tout le pouvoir -le Président de la République et le Premier ministre étant en harmonie pendant dix ans, nous pendant deux seulement ! Aussi, lorsque vous nous reprochez de n'avoir pu tout faire et, notamment, de n'avoir pas mis en place une gestion prévisionnelle des effectifs, réfléchissez : les fonctionnaires qui vont prendre leur retraite étaient en place en 1981 et en 1988 !

Pour que nos concitoyens sentent des progrès, pour que des solutions novatrices sortent enfin de cet hémicycle, il importerait de poser la question de ce qu'exigent les fonctions régaliennes de l'Etat : police, défense, justice, diplomatie. Nous devons organiser à leur profit une programmation pluriannuelle des moyens, des effectifs et des équipements, en interdisant au ministre des finances d'en suspendre par voie réglementaire l'exécution.

Par ailleurs, vous n'avez pas le droit de soutenir que l'opposition mépriserait les fonctionnaires de l'Etat. Au contraire, nous reconnaissons leur rôle éminent et nous sommes conscients qu'ils sont particulièrement exposés. Vous, que ne prenez-vous en compte ce qu'ils disent tous, enseignants, policiers, gendarmes, travailleurs sociaux, que n'écoutez-vous ce qu'ils disent de leurs difficultés, rencontrées non à cause de quelque incompétence ou mauvaise volonté, mais parce qu'ils sont directement confrontés à la violence, et qu'ils manquent de moyens ? Lorsque nous les rencontrons, nous, en tête à tête, ils nous font tous part de leur amertume croissante. Et le constat brutal qu'ils dressent, nous l'avons entendu ! Nos propositions visent à répondre à ce malaise qu'ils expriment et à les défendre -ce que ne permettra pas votre absence de politique. C'est pourquoi nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Le groupe UDF partage les analyses critiques de M. Laffineur mais aussi les propositions dont il a rendu compte et qui ont d'ailleurs été élaborées par l'ensemble de l'opposition en vue de l'alternance. Il votera, évidemment, cette exception d'irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Patrice Carvalho - M. Laffineur utilise l'insécurité comme un fonds de commerce. Cela n'est pas pour étonner mais cela augure mal des prochaines campagnes électorales ! Pourtant, s'il est un combat que tous les Français devraient mener unis, c'est bien celui-là ! Soyez prudents : à force de cracher en l'air, votre crachat finira par vous retomber sur la figure ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Vous n'avez par ailleurs rien dit des causes de l'aggravation de cette insécurité. Oh ! Vous avez parlé des problèmes de la famille, mais il est trop facile d'incriminer celle-ci. Que peut dire à son fils un père au chômage depuis dix ans et qui galère de petit boulot en petit boulot, sinon qu'il ne peut attendre grand chose de la société ? (Mêmes mouvements)

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Il y a des chômeurs qui élèvent bien leurs enfants.

M. Patrice Carvalho - L'insécurité n'est pas normale, mais il faut comprendre d'où elle vient ! Ne comprenez-vous donc pas qu'en défendant les entreprises qui licencient, vous alimentez l'exclusion, qui elle-même la nourrit ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Ce texte n'est pas révolutionnaire, mais il a le mérite d'exister et peut être amélioré à la faveur de la bataille d'amendements que nous livrerons. Le groupe communiste ne votera donc pas cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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