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Session ordinaire de 2000-2001 - 80ème jour de séance, 184ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 23 MAI 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SÉCURITÉ QUOTIDIENNE 2

TVA DES SERVICES DE RESTAURATION 2

DÉLINQUANCE JUVÉNILE 3

SITUATION DE L'ÉCONOMIE 4

DÉLINQUANCE DES MINEURS 4

EMPLOIS-JEUNES 5

VALIDATION DES ACQUIS PROFESSIONNELS 6

VIOLENCE À L'ÉCOLE 6

ENFANTS AVEUGLES 7

DÉPENDANCE AU CANNABIS 7

ACCORD DANS LE TEXTILE ET L'HABILLEMENT 8

DROIT DE VOTE AUX ÉLECTIONS LOCALES 9

MODERNISATION SOCIALE
-deuxième lecture- (suite) 9

ART. 32 BIS (suite) 9

APRÈS L'ART. 32 BIS 13

AVANT L'ART. 33 21

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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SÉCURITÉ QUOTIDIENNE

M. Hervé Morin - Depuis votre échec aux municipales (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) vous ne cessez de répéter, Monsieur le Premier ministre, que la sécurité est une priorité du Gouvernement. Hélas, quelle distance entre les faits et les mots ! Les chiffres pour le premier trimestre 2001 sont calamiteux : la délinquance aurait, selon des sources syndicales, augmenté de 10 à 30 % dans 93 départements. Je précise -pour que vous n'invoquiez pas les fraudes à la carte bleue ou les vols de portables- que les zones urbaines ont connu un accroissement des vols avec violence de 20 %, ainsi que des incendies volontaires et des vols d'automobiles.

Par ailleurs, vous nous chantez les louanges des 35 heures, qui, applicables aux 1er janvier 2002 aux 250 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie entraîneront une diminution de 10 % de leur présence sur le territoire national, ce qui nécessiterait la création de 25 000 postes.

Je vous demande donc si vous confirmez des chiffres qui signent l'échec de votre politique de sécurité, et si vous comptez embaucher les 25 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie pour compenser la réduction du temps de travail. Sinon, les Français en pâtiront dans leur vie quotidienne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président - La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), délégué auprès du ministre de l'Intérieur.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Le ministre de l'Intérieur vous apporte en ce moment même une réponse, en défendant au Sénat le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité quotidienne, qui constitue un signe politique fort et attendu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Puisque vous le souhaitez, je vais rappeler quelques chiffres que Daniel Vaillant a déjà eu l'occasion de présenter. La police de proximité, actuellement opérationnelle dans 243 circonscriptions de sécurité publique, sera généralisée aux 220 dernières dès le printemps 2002. Le Gouvernement y consacre des moyens importants : le Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier dernier a ainsi décidé de recruter 1 000 gardiens de la paix en plus des 3 000 qui ont été recrutés depuis 1997. 5 000 nouveaux emplois d'adjoint de sécurité -il s'agit de contrats de cinq ans- s'ajouteront aux 16 000 déjà en vigueur. Nous entendons également développer une politique contractuelle de sécurité. Vous le savez, puisque vous signez des contrats locaux de sécurité, qui sont aujourd'hui au nombre de 530 et pour la mise en _uvre desquels plusieurs centaines de millions de F ont été délégués aux préfets. La loi de renforcement de la sécurité quotidienne, qui traduit les engagements du ministre de l'Intérieur, vient aujourd'hui devant le Parlement. Elle donnera un pouvoir -nouveau- de police judiciaire aux gardiens de la paix et renforcera le contrôle du commerce des armes. Le Gouvernement a donc fait le choix de répondre rapidement et concrètement à cette préoccupation de la sécurité, et je vous demande d'en prendre acte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RC ; « Zéro ! » sur les bancs du groupe UDF).

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TVA DES SERVICES DE RESTAURATION

M. Georges Sarre - A compter du 1er septembre 2001, les Français, par décision de la Commission de Bruxelles, paieront plus cher leurs consommations dans les restaurants et les cafés. Les 15 % du service compris seront en effet frappés d'une TVA à 19,6 %, alors qu'ils en étaient exonérés jusqu'à présent. Le dogme de la concurrence à tout-va est invoqué à l'appui de cette décision. Comme si le pub de Londres, le bistrot de Paris, la brasserie de Munich ou la taverne d'Amsterdam étaient en concurrence ! Une fois de plus vont se cumuler les inconvénients d'un marché dérégulé et d'une économie administrée tatillonne. Ne vaudrait-il pas mieux aligner la TVA de la restauration sur place sur celle de la restauration à emporter -soit 5,5 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur divers bancs) Serions-nous déjà dans le fédéralisme ?

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - J'ai plaisir à répondre à nouveau à cette question. Cette décision rendue fin mai, non par la Commission, mais par la Cour de justice des communautés européennes ne concerne pas les pourboires, mais le service obligatoire -soit 15 % du montant de l'addition. Jusqu'à présent, une tolérance antérieure à la mise en place de la TVA laissait le restaurateur libre de taxer éventuellement le service. Il ne nous semblait donc pas -et c'est ce que nous avons plaidé, mais sans succès- qu'il y avait là une concurrence déloyale. Nous devons donc nous conformer à cette décision sévère, qui s'applique aussi, par exemple, à la coiffure. Il faut savoir, cependant, que la majorité des établissements pratiquent déjà des prix service compris. Nous examinerons les conséquences juridiques de cette décision, à laquelle la baisse de la TVA sur la restauration sur place n'apporterait pas de réponse appropriée. En effet -et les fédérations de restaurateurs le reconnaissent elles-mêmes- cette baisse ne serait pas répercutée sur le consommateur. Ensuite, le droit communautaire ne nous autorise pas à appliquer un taux réduit. Enfin, le coût budgétaire d'une telle mesure s'élève à près de 20 milliards de francs, et le Gouvernement a déjà pris des mesures pour effacer les deux points de TVA hérités du gouvernement précédent. L'Europe, rappelons-le, nous protège, protège notre croissance, nos entreprises et nos emplois. Continuons donc à nous battre pour la faire progresser ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉLINQUANCE JUVÉNILE

M. Pierre Cardo - Monsieur le Premier ministre, l'insécurité n'est pas notre obsession, elle est la réalité subie par de trop nombreux Français, qui plus est souvent défavorisés. Les statistiques ne disent pas tout, mais certains chiffres sont à tout le moins préoccupants. 60 % de la délinquance sur la voie publique est ainsi le fait de jeunes de 13 à 17 ans, qui agissent avec un fort sentiment d'impunité. L'explosion de la violence scolaire, les viols collectifs perpétrés par des mineurs de plus en plus jeunes, ces voitures brûlées, cassées ou volées par des moins de treize ans, ces policiers volontaires mais découragés par le carcan des procédures, tout cela est le signe que l'Etat républicain n'assume plus vraiment ses missions de sécurité publique et de protection de l'enfance. Vous avez affirmé, le 17 avril, avoir rompu avec une conception angélique des problèmes de sécurité, mais manquer de majorité pour adopter de vraies réformes. Allez-vous alors enfin accepter de lancer dans cet hémicycle un débat sur la réforme de l'ordonnance de 1945, qui relève de conceptions vieilles de cinquante-cinq ans ? Allez-vous prendre le risque de vous appuyer, faute de majorité plurielle, sur une opposition constructive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - J'apprécie le ton de votre question. Nous devons en effet rester prudents lorsque nous nous exprimons sur la délinquance des mineurs. J'entends souvent dire que l'ordonnance du 2 février 1945 n'est plus adaptée, en particulier s'agissant de la prévention et des sanctions. Cependant, elle a été revue à de nombreuses reprises, en 1985, 1987, 1989, 1993, 1995, 1996 et 1998. Ce texte reste équilibré et adapté à de nouvelles réalités comme les CPI et les centres d'éducation renforcée. Il faut dire que les tribunaux essaient -je souligne ce mot- de proportionner aussi justement que possible la réponse pénale aux faits de délinquance.

Etendre la détention provisoire aux mineurs de 13 ans délinquants récidivistes serait plus dangereux que sécurisant. Que deviendront en effet ces enfants lorsqu'ils sortiront ? En revanche, comme l'a dit le Premier ministre, il nous faut refuser l'angélisme et mettre fin au tabou selon lequel un enfant, parce qu'il n'a pas eu la chance de se construire socialement et affectivement, serait soustrait à l'application de la loi, ce qui le rendrait indigne et irresponsable.

Par la sanction nous devons au contraire rendre le jeune digne et responsable de notre République.

La lenteur des délais de réponse nourrit le sentiment d'impunité.

Je m'engage à tout faire avec les Premiers présidents et les procureurs généraux pour que la réduction des délais soit la priorité du service exécutif des peines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION DE L'ÉCONOMIE

M. Didier Migaud - L'INSEE a fait connaître ce matin que le taux de croissance pour le premier trimestre 2001 s'élevait à 0,5 %, chiffre supérieur à celui de nos voisins, mais en deçà de nos attentes et de la croissance au dernier trimestre 2000. Pourtant la consommation et l'emploi demeurent à un niveau soutenu. Comment expliquer ce résultat ? Quelles en seront les conséquences ? Faudra-t-il réviser l'hypothèse de croissance pour 2001 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La question est d'importance. Le chiffre provisoire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) de la croissance pour le premier trimestre est bien 0,5 %. La consommation a atteint un niveau très élevé, en hausse de 8,3 %, mais les exportations se réduisent et un déstockage massif s'est produit : au lieu d'investir, des entreprises ont consommé leurs stocks. Ce chiffre provisoire est à la fois décevant et un peu surprenant. Nous attendions plutôt 0,7 %, les créations d'emplois s'étant élevées à 124 000. Comment l'emploi peut-il progresser de 7 %, et la croissance seulement de 0,5 % ?

Il est arrivé que des chiffres provisoires soient corrigés ultérieurement. Si celui-ci était confirmé, notre prévision de croissance, situé entre 2,7 % et 3 %, devrait diminuer légèrement. A partir de là, deux erreurs sont à ne pas commettre : faire comme si cette tendance n'existait pas ; surréagir face à elle, comme le firent des gouvernements précédents. En revanche, nous devons nous en tenir à trois axes : maintenir notre politique de pouvoir d'achat, de revenus, de créations d'emplois et de baisses d'impôts ; continuer à maîtriser les dépenses publiques ; ne pas prendre de mesures qui pourraient déstabiliser les entrepreneurs, mais au contraire favoriser la confiance (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Maintenons le cap, et restons vigilants, dans une conjoncture internationale incertaine. Mais gardons l'espoir car les Français travaillent excellemment (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. Jean-Luc Warsmann - Les ministères de l'intérieur et de la justice ont fait réaliser une enquête sur la délinquance auto-déclarée des jeunes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il en ressort que l'âge moyen pour le premier acte de délinquance baisse de plus en plus : douze ans pour certaines infractions. On constate que « les actes sont le plus souvent commis par des jeunes qui manquent l'école, dont les parents ne surveillent pas l'emploi du temps. Les plus actifs dans la délinquance sont ceux qui pensent que commettre un délit est peu grave ».

Cette étude confirme ce que nous ne cessons de répéter : les textes de 1945 sur les mineurs délinquants ne sont plus adaptés. Un jeune de 16 ans en 2001 n'a plus rien à voir avec son homologue de 1945. Il faut adapter la loi, pour faire face au rajeunissement de cette délinquance, pour mieux responsabiliser les parents et pour rendre des repères à ces jeunes, et leur offrir la chance de s'insérer par une formation et un travail. Comme beaucoup ici, je vous demande d'accepter que nous adaptions la loi sur les mineurs délinquants pour que nos enseignants, nos policiers, nos magistrats n'entendent plus jamais cette phrase terrible « Je ne risque rien parce que je suis trop jeune » (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Je donne la parole à Mme la Garde des Sceaux pour une réponse brève, une question ayant été déjà posée sur le sujet (Protestations sur les bancs du groupe du RPR), dans le seul but de faire tenir le programme dans le temps prévu.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Les parlementaires ont donc lu cette enquête : c'est ce que nous souhaitions. Vous dites toujours : ordonnance de 1945 ! De 13 ans à 16 ans, je le rappelle, on peut être incarcéré. Vous demandez, comme le Sénat, que la détention provisoire soit possible à 13 ans et que la responsabilité pénale soit fixée à 10 ans. Si nous entreprenons cette réforme, nous y passerons des heures ici, avec l'impression que la délinquance va diminuer, alors que ce ne sera sans doute pas vrai.

M. Jean-Luc Warsmann - Il ne faut donc rien faire ?

Mme la Garde des Sceaux - La République doit être ambitieuse. Le texte de 1945, révisé à plusieurs reprises, est fondé sur une philosophie cohérente, adopté par le général de Gaulle : prévention, éducation, sanction, ni angélisme ni sous-estimation du problème. Si vous abaissez la majorité pénale à 10 ans et l'âge de la détention provisoire à 13, comment mettre en cohérence votre discours avec celui de la commission d'enquête parlementaire sur les prisons ? Nous referons des espaces pour les délinquants mineurs dans les prisons parce que nous en avons besoin ; nous allons passer de 43 à 50 EPI.parce que nous en avons besoin ; nous travaillons, avec le ministre de l'éducation nationale, pour que des internats scolaires accueillent plus chaleureusement ces enfants un peu perdus, parce que nous en avons besoin. Beaucoup de chantiers sont ouverts. Se borner à décider la responsabilité pénale à 10 ans et l'incarcération provisoire à 13 ans ne résoudrait rien et vous-même, Monsieur Warsmann, vous n'en seriez même pas fier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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EMPLOIS-JEUNES

M. Daniel Paul - A un an de la fin du dispositif pour les premiers bénéficiaires des emplois-jeunes, les arbitrages proposés inquiètent.

Depuis le début, nous avons souligné le rôle de l'Etat pour assurer à ces jeunes une formation adaptée, une rémunération convenable et surtout la pérennisation de ces emplois.

Comment le Gouvernement compte-t-il sortir de ce dispositif de façon favorable aux jeunes concernés ? La difficulté tiendrait au coût budgétaire. Qui pouvait prétendre en 1997 que la création des emplois-jeunes serait sans conséquence pour le budget de l'Etat ? En tout cas, pas nous. Comment se féliciter que le programme ait permis à plus de 300 000 jeunes de mettre le pied à l'étrier pour amorcer leur carrière professionnelle, comme vous le dites avec raison, et accepter que les jeunes demeurent aujourd'hui dans une situation précaire ?

Ce dossier exige que le Gouvernement s'engage à pérenniser ces emplois, d'autant que les administrations se sont déjà fortement impliquées au plan local. En 1997, ce plan rompait avec les dispositifs antérieurs. Aujourd'hui, sortir par le haut du dispositif requiert une même volonté politique forte.

Quelles mesures entendez-vous nous soumettre pour que les engagements pris en 1997 soient tenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - En mettant en place le programme « nouveaux services-emplois-jeunes » en 1997, nous relevions un défi. Les élus et associations ont suivi. Fin avril 2001, 312 000 jeunes ont bénéficié de ce programme et un quart d'entre eux ont trouvé un emploi, une formation, ou réussi un concours. C'est un très grand succès.

Pour les premiers entrés dans ce programme de cinq ans, il s'achèvera en 2003. D'ici là, nous ferons tout pour que chacun d'eux trouve une insertion durable et de qualité. Pour cela, nous mobiliserons les services de l'Etat et les services de formation sur cette priorité en 2001. Nous faciliterons également la préparation aux concours de la fonction publique et nous mettrons en _uvre la validation des acquis professionnels.

Ces jeunes ont montré leur enthousiasme et leurs compétences, ces nouveaux services se sont révélés utiles. Ne doutez pas de notre volonté de les consolider. Vous serez informés très prochainement des décisions que prendra le Gouvernement à ce sujet (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

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VALIDATION DES ACQUIS PROFESSIONNELS

M. Alain Néri - Aujourd'hui, la formation ne s'arrête pas à la formation initiale. Valider l'expérience acquise pour obtenir un diplôme ou un titre à finalité professionnelle doit permettre d'accéder à la formation continue.

Cette validation a été évoquée à de nombreuses reprises lors du débat sur le projet de modernisation sociale. Certaines entreprises la pratiquent et des expériences ont été menées avec les emplois-jeunes. Les Français souhaitent cette validation. En quoi consiste la procédure et comment pensez-vous pouvoir en étendre la portée ?

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Il s'agit là d'un volet très important de la réforme de la formation professionnelle inclus dans le projet de modernisation sociale. Ce droit nouveau est un vrai progrès social pour les 35 % de la population active qui ont quitté l'école sans diplôme et pour tous ceux -soit un salarié sur deux- qui exercent une profession qui ne correspond pas à leur formation initiale.

La loi de 1992 a ouvert la voie. Nous allons plus loin en validant tous les savoirs et savoir-faire dans nos activités professionnelles mais aussi bénévoles, en particulier dans le cadre associatif. Ce droit nouveau sera utile aux jeunes, il le sera aussi aux salariés qui connaissent des aléas professionnels. C'est pourquoi cette validation est prise en compte dans le cadre des plans sociaux pour sauvegarder l'emploi. Plus globalement il permettra à chacun de mieux construire son parcours professionnel et personnel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. André Schneider - Selon plusieurs quotidiens qui font écho aux états généraux des lycéens d'Ile-de-France contre la violence, plus de 45 % des lycéens de cette région disent avoir été victimes de violences, vols, racket ou agressions. Selon France Info de nombreuses violences et même des viols, souvent commis par des élèves de moins de treize ans, se produisent dans les collèges et lycées.

Le problème est dû en partie au manque de surveillants et de personnel ATOS. Avant-hier face à des professeurs stagiaires, le ministre délégué à la formation professionnelle a tracé quelques pistes, la plus importante étant que le ministre de l'éducation interviendrait sur ce thème courant juin.

La violence concerne toute la société. Mais en vertu du principe « aide toi, le ciel t'aidera », il appartient d'abord au ministre de l'éducation d'apporter des réponses à l'intérieur des établissements. Qu'entendez-vous faire pour donner aux chefs d'établissement les moyens de faire régner la sérénité, préalable à tout enseignement de qualité ?

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Je vous remercie d'aborder ce sujet qui nous concerne tous en termes mesurés. Il est de notre devoir de permettre aux établissements scolaires de mener à bien leur mission d'éducation dans un climat serein, et pour cela de garantir l'autorité des chefs d'établissement et des professeurs.

Nous savons d'expérience que c'est en conjuguant nos actions que nous pourrons éradiquer la violence. Nous avons pris récemment des mesures très importantes pour renforcer la stabilité des équipes pédagogiques (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), d'autres pour améliorer l'encadrement (Exclamations sur les mêmes bancs). Pourquoi ces hurlements ? Vous m'interrogez sur les moyens qui sont utilisés. Dieu merci (Mêmes mouvements) nous ne sommes plus à l'époque où vos gouvernements déterminaient les postes d'enseignements et de surveillants (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

C'est grâce aux moyens que ce gouvernement et cette majorité donnent à l'éducation nationale que nous pouvons envisager de gagner la bataille contre la violence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; rires et applaudissements ironiques sur quelques bancs du groupe du RPR).

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ENFANTS AVEUGLES

M. Jean-Claude Perez - Il y a environ 2 000 enfants aveugles en France. Ils ont besoin de livres pour s'intégrer socialement et professionnellement. Mais de nombreux problèmes liés à la production de documents en braille les empêchent de suivre une scolarité normale. Les livres sont mal adaptés, très coûteux, incomplets, sans cartes ni dessins.

Le 8 novembre 2000 l'annonce de la mise en place dans le cadre de Handiscol d'un dispositif pour favoriser la production de documents adaptés aux jeunes aveugles et malvoyants a suscité un immense espoir. Le 7 mars dernier le Gouvernement a réaffirmé sa volonté dans ce domaine. Où en est-on dans la mise en _uvre de ce dispositif très attendu pour les enfants et leurs familles ?

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées - Vous touchez au problème plus global de l'accueil des enfants handicapés à l'école. Je pense comme vous que la France plurielle se doit d'accueillir toutes les différences et de reconnaître l'excellence scolaire de certains enfants handicapés.

Sur le sujet précis que vous évoquez, Jack Lang et moi-même sommes décidés à avancer. Nous avons rencontré les éditeurs scolaires et à la prochaine rentrée dans quatre académies pilotes les enfants aveugles et malvoyants auront accès aux manuels en braille et écrits en gros caractères. Je souhaite également que tous les élèves handicapés qui peuvent être intégrés à l'école le soient en bénéficiant d'ordinateurs gratuits équipés de clavier en braille qui leur permettront de travailler comme les autres. L'égalité des chances pour ces enfants apporte aussi quelque chose aux classes.

L'an prochain, nous conduirons des actions pour mettre en valeur la réussite des handicapés à l'école et montrer ce que leur présence apporte à la classe, en termes de citoyenneté mais aussi de niveau : en effet, les enfants qui sont témoins du courage et de la détermination de leurs camarades handicapés font beaucoup plus d'efforts (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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DÉPENDANCE AU CANNABIS

M. Patrick Delnatte - Le ministre de la santé a déclaré le 2 février à Stockholm que le tabac et l'alcool créaient de façon irréfutable plus de dépendance et occasionnaient plus de ravages que le cannabis (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

L'augmentation rapide de la consommation de cannabis s'explique notamment par son image ludique et inoffensive.

Le ministre de la santé s'appuyait uniquement sur le rapport rédigé en 1999 par le professeur Roques sur la dangerosité des drogues, qui n'a donné lieu à aucune évaluation contradictoire et dont les références bibliographiques datent de plus de dix ans. M. Kouchner a omis d'indiquer que des sélections génétiques avaient rendu en trente ans le cannabis neuf fois plus concentré en principes actifs. La consommation de cannabis peut occasionner de véritables drames. J'en prends pour seul exemple le cas de ce garçon de 18 ans qui en fumait pour la deuxième fois, sans avoir pris aucune autre substance toxique, et qui a sauté du troisième étage. Il est aujourd'hui paraplégique.

Des travaux concordants montrent les effets du cannabis sur le comportement et sur le cerveau. Les affirmations du ministre de la santé sont donc très graves. Le Gouvernement va-t-il limiter son action à ce type de déclarations ou prendre enfin des mesures pour fournir aux jeunes une information sanitaire objective ?

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Je veux bien croire que j'ai déclaré qu'il y avait moins de dépendance au cannabis qu'à l'alcool ou au tabac, puisque c'est vrai ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV).

Le rapport auquel vous faites référence est un travail très circonstancié mené par le professeur Bernard Roques, pharmacologue et chercheur mondialement connu, en collaboration avec 25 autres spécialistes de tous les pays et qui ont tous abouti aux mêmes conclusions. Il s'agissait de classer des groupes de dépendance, pas de porter un jugement moral. Il est d'ailleurs contre mes convictions d'encourager quelque consommation toxique que ce soit. La dépendance est causée par le « circuit de récompense » : l'organisme reçoit du plaisir et s'y habitue. Or dans notre pays, l'alcool, en particulier le vin, dont on se targue qu'il soit meilleur qu'ailleurs et que je ne songe pas d'ailleurs à stigmatiser, et le tabac, sont responsables de milliers de dépendances. En revanche, la dépendance au cannabis paraît des plus limitées. Y aurait-il une forme de racisme qui pousserait à attaquer des substances en provenance de l'étranger, alors que celles que nous produisons mériteraient notre fierté ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Oui, il faut informer la jeunesse, de manière à la faire échapper à tous les produits toxiques, quels qu'ils soient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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ACCORD DANS LE TEXTILE ET L'HABILLEMENT

M. Jean-Pierre Balduyck - Dans le secteur du textile, les employés âgés de plus de cinquante ans ont pour la plupart commencé à travailler très jeunes : entre 14 et 16 ans. L'union des industries textiles et les organisations syndicales viennent de signer un accord selon lequel 4 000 personnes pourront choisir de prendre leur retraite dès 57 ans, éventuellement 55 selon les conventions d'entreprise, avec 65 % de leur salaire brut de référence. Cette mesure exemplaire permet d'éviter des licenciements, voire, comme l'a rappelé la convention nationale des entreprises textiles, d'augmenter les embauches. Quelle est l'implication du Gouvernement dans cet accord ? Entend-il l'étendre à l'industrie de l'habillement pour les 2 500 personnes concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le textile et l'habillement comptent plus de 250 000 salariés. Au plan économique, le Gouvernement encourage l'investissement, la formation et l'innovation. Le secteur se comporte d'ailleurs bien au sein de la concurrence mondiale. Sur le plan social, il soutient l'organisation par les partenaires sociaux de la gestion prévisionnelle de l'emploi.

Les accords que vous avez mentionnés ont été signés par trois organisations syndicales, rejointes par la CGT. Ils concernent quatre à cinq mille salariés et sont particulièrement légitimes dans un secteur où l'on commence souvent à travailler entre 14 et 16 ans. La branche de l'habillement a entamé des négociations analogues. Je souhaite qu'elles aboutissent rapidement et qu'elles soient reprises dans d'autres secteurs, tels que l'automobile et la chimie. Ainsi, des secteurs qui perdent beaucoup d'emplois chaque année trouvent une solution dynamique et volontaire. Le Gouvernement leur accorde toute sa confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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DROIT DE VOTE AUX ÉLECTIONS LOCALES

M. Bernard Birsinger - Le 3 mai 2000, nous adoptions une proposition de loi accordant le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non communautaires pour les élections locales. Malheureusement, la majorité sénatoriale bloque ce texte. Les hommes et les femmes qui apportent tant à nos villes ont encore été privés de ce droit essentiel aux dernières élections municipales. Il faut que le Gouvernement reprenne l'initiative politique. Ce serait un signe fort pour la lutte contre le racisme. Un projet de loi sur la démocratie locale sera discuté à la mi-juin. Que vaudrait une démocratie où parfois 30 % de la population serait exclue du vote ? Le Gouvernement entend-il déposer un projet de loi pour pouvoir imposer son inscription à l'ordre du jour au Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Cette question n'est pas taboue pour ce gouvernement. La gauche a constamment défendu le droit de vote aux élections locales, et pas seulement pour les ressortissants de l'Union européenne.

L'Assemblée a adopté une proposition de loi constitutionnelle en mai 2000. Le Gouvernement y était favorable. Le droit de vote pour les étrangers durablement installés en France est en effet un facteur d'intégration. Le texte n'a pas encore abouti car il revêt une forme juridique spéciale, c'est une proposition constitutionnelle, et surtout parce que le Sénat n'est pas très enthousiaste.

M. Maxime Gremetz - Quelle litote !

M. le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Le seul moyen d'avancer est donc d'ouvrir un large débat national, ouvert et serein, pour montrer que cette décision est dans le droit fil des idéaux de la République. Des parlementaires de l'opposition, ici même, sont favorables au droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Les conditions sont donc réunies pour avancer plus vite et l'Assemblée nationale a déjà accompli le premier pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de Mme Catala.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

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MODERNISATION SOCIALE -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale.

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ART. 32 BIS (suite)

M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le titre II - L'amendement 467 vise à permettre au comité d'entreprise de faire des propositions alternatives aux projets de restructuration et de compression des effectifs dont il serait saisi.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Favorable à cet amendement qui s'inscrit dans le droit fil d'une disposition adoptée au Sénat sur la base d'un amendement gouvernemental.

L'amendement 467, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Ministre - L'amendement 251, 2ème rectification, vise à préciser que la décision de recourir à un expert rémunéré par l'employeur doit intervenir lors de la première réunion du comité d'entreprise afin d'éviter toute tentative d'allongement artificiel de la procédure.

Par ailleurs, le recours à un expert est limité au comité central d'entreprise lorsque le projet concerne plusieurs établissements d'une même entreprise. Il convient de souligner que les comités d'établissement peuvent toujours désigner un expert mais que sa rémunération ne sera alors pas assurée par le chef d'entreprise.

D'autre part, le recours à une expertise comptable exige un allongement du délai entre les deux réunions, afin de permettre à l'expert d'exécuter sa mission, aux membres du comité d'entreprise de préparer la seconde réunion. Par ailleurs, dans la mesure où le chef d'entreprise est tenu de fournir une réponse motivée aux propositions du comité d'entreprise, il apparaît nécessaire d'exiger une transmission des résultats de l'expertise avant cette réunion. Le délai prévu est celui fixé pour la transmission de l'ordre du jour aux membres du comité central d'entreprise, soit huit jours, ce qui apparaît comme un délai minimum pour permettre aux représentants du personnel de préparer utilement la consultation.

M. Gérard Terrier, rapporteur - Favorable, sous réserve du sous-amendement 462 qui vise à renforcer les pouvoirs de l'expert-comptable sollicité par le comité d'entreprise pour analyser un projet de restructuration et de compression des effectifs, en prévoyant notamment que sa rémunération est assurée par l'entreprise et qu'il dispose d'un libre accès aux locaux, conformément à l'article L. 434-6 du code du travail.

M. Hervé Morin - J'ai déjà posé deux fois la même question à Mme la ministre sans en obtenir de réponse. Quels sont les comités d'entreprise qui doivent être consultés, sachant qu'il y a quatre catégories -comité de groupe, comité de groupe européen, comité central, comité d'entreprise ?

M. Gérard Terrier, rapporteur - La commission vous a déjà répondu : tous les comités sont visés.

Le sous-amendement 462, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 251 2ème rectification ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Terrier, rapporteur - L'amendement 468, que M. Le Garrec et moi-même vous proposons, a pour objet de préciser que l'employeur ne peut pas présenter un plan social dès lors qu'il n'a pas apporté de réponse motivée aux propositions et avis formulés par le comité d'entreprise.

M. Robert Pandraud - Je repose la question à laquelle Mme la ministre n'a pas répondu : de quel comité d'entreprise s'agit-il ? Je ne sous-estime pas la position prise par le rapporteur, mais la jurisprudence se fonde plutôt sur les réponses des ministres quand elle utilise les travaux préparatoires.

M. François Goulard - Et la réponse en ce cas n'a rien d'évident !

Mme la Ministre - Je suis favorable à l'amendement 468, car il contribue à renforcer le dialogue dans l'entreprise et le contre-pouvoir des représentants du personnel, sans alourdir la procédure.

M. Germain Gengenwin - Il faudrait remplacer les mots « présenter un plan social » par « mettre en _uvre un plan social ». A défaut, cet amendement pourrait se retourner contre les salariés.

M. Gérard Terrier, rapporteur - Je ne suis pas d'accord avec cette proposition.

En revanche, il convient de remplacer l'expression « plan social » par « plan de sauvegarde de l'emploi », et ceci tout au long de ce texte.

L'amendement 468 ainsi corrigé, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 17 renforce les obligations de consultation des représentants des salariés ou du comité d'entreprise en amont de tout plan social. Nous sommes favorables à un débat contradictoire sur les projets de restructuration avant toute procédure de licenciement : mais pour lui conférer une réelle efficacité, il faut doter les représentants des salariés d'un droit de contestation devant le juge des référés, qui pourrait prendre une mesure exécutoire interrompant tout projet de réduction d'emplois qui s'avérerait non fondé. Les salariés doivent pouvoir infléchir les choix décidés unilatéralement par les conseils d'administration ou de surveillance.

La jurisprudence est éclairante à cet égard : le juge des référés du tribunal de Nanterre, saisi par le comité d'entreprise d'une société engagée dans une fusion, a ordonné aux dirigeants, le 22 décembre dernier, de reprendre tout le processus de consultation en informant « clairement, complètement et loyalement » sur leur projet, de façon à ce que le comité d'entreprise puisse formuler des propositions alternatives.

Trop souvent le jugement définitif sur le fond intervient longtemps après les licenciements, parfois trois ou quatre ans après la fermeture d'un site. Il faut donc que le comité d'entreprise puisse intervenir bien avant, sur le modèle de l'article 31.

Je me permets de citer l'économiste Jean-Paul Fitoussi : « Au nom de quelle rationalité exclut-on le capital humain de la gestion de l'entreprise ?... Toutes les formes de capital doivent présider aux destinées de l'entreprise ».

Mme la Présidente - Sur cet amendement 17 je suis saisie par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. Gérard Terrier, rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. Il faut bien distinguer deux procédures. Il y a celle de l'élaboration du plan social, désormais appelé « plan de sauvegarde de l'emploi »...

M. François Goulard - Ça ne changera pas grand-chose !

M. Gérard Terrier, rapporteur - ...qui ne peut être jugé que dans sa mouture définitive : il relève du juge du tribunal de grande instance, qui peut être saisi en référé, auquel cas l'exécution du plan est suspendue. Si le juge accepte le plan et que les licenciements sont effectués, c'est la juridiction prud'homale qui est alors compétente, et comme elle ne peut statuer en référé, la décision de l'employeur est exécutée. En l'état actuel du droit, on ne peut pas changer cette procédure.

Mme la Ministre - Même avis. En l'état actuel du droit, le juge des référés, saisi par les représentants du personnel, peut suspendre la procédure de consultation si l'employeur n'a pas respecté les droits du comité d'entreprise. Il n'est cependant pas souhaitable que ce pouvoir du juge devienne un effet automatique de sa saisine. On peut certes envisager une saisine automatique du juge des référés, mais, outre qu'elle rallongerait la procédure, la multiplication des contentieux risquerait d'engorger les tribunaux et ne plus leur permettre de statuer dans le délai d'un mois qui leur est imparti. Enfin, l'employeur est tenu d'examiner les propositions du comité d'entreprise et d'y apporter une réponse motivée, mais le code du travail ne l'oblige pas à les suivre. Le choix des mesures à prendre relève de sa responsabilité en tant que chef d'entreprise. C'est le corollaire de sa liberté d'entreprendre.

M. Maxime Gremetz - Nous attachons une importance particulière à cet amendement que Muguette Jacquaint a défendu avec brio. Nous essayons d'intégrer certaines décisions de jurisprudence dans cette loi. En l'occurrence, il s'agit d'une décision rendue en référé par le tribunal de Nanterre, mais il y en aura d'autres. Cette décision de justice a permis, sur un sujet complexe -la fusion- de redémarrer la procédure. Elle oblige l'employeur à informer clairement, complètement et loyalement le comité d'entreprise, afin qu'il puisse rendre un avis éclairé, qui aille au-delà d'une simple approbation ou d'un simple rejet, et présenter lui aussi ses observations et ses propositions. Il y a donc un débat contradictoire et c'est sur le fond que l'on juge. Cet amendement n'a donc rien d'anormal. Pourquoi hésite-t-on ? Quels droits veut-on donner ? Bref, notre amendement tend à inscrire dans la loi un droit d'opposition avec recours suspensif et possibilité de contestation du bien-fondé économique du licenciement. Nous jugerons sur pièces et c'est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public. J'attire l'attention de la majorité plurielle sur l'importance de cet amendement, qui n'a rien de révolutionnaire. Nous continuerons le débat jusqu'à demain matin, et plus tard s'il le faut. Il s'agit tout de même du droit, pour les salariés, de contester un plan de licenciement injustifié !

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. Georges Sarre - Je voudrais dire à Maxime Gremetz qu'en ce qui nous concerne, nous n'hésitons pas. Son amendement n'est pas révolutionnaire, ni même sans doute réformiste, mais il est pratique. Ce dispositif de suspension est une précaution, un moyen d'introduire une respiration.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Il ne s'agit pas de savoir si cet amendement est révolutionnaire ou pas, mais d'en comprendre la signification. Il faut distinguer deux procédures. Nous avons d'une part le référé devant le juge du tribunal de grande instance, qui est appelé à juger du contenu du plan social et du respect de la procédure. Cela existe déjà. La décision rendue par le juge en référé est suspensive. Tout cela est très clair et il n'y a nul besoin, sauf à nous répéter, de légiférer sur ce point qui figure déjà dans le code du travail.

D'autre part, il existe une autre procédure, bien distincte, en cas de modification du contrat de travail -donc de licenciement- devant le juge des prud'hommes. Sur ce point, nous n'avons pas de jurisprudence. Sur le premier, en revanche, c'est-à-dire sur les plans sociaux, il est clair que le comité d'entreprise a le droit -il en use d'ailleurs souvent- de saisir le tribunal de grande instance en référé. Celui-ci statuera en référé et suspendra les procédures qui ne sont pas acceptables. Nous sommes d'accord avec vous, Monsieur Gremetz, sur l'importance d'une protection efficace des salariés. Mais, comme vous le voyez, celle-ci existe déjà.

M. Maxime Gremetz - Il s'agit ici d'une consultation en amont du plan de licenciement. Il suffit de lire cette décision de jurisprudence : il faut toujours être à jour ! Ne dites pas qu'il est inutile d'inscrire une jurisprudence dans la loi : nous l'avons fait ce matin pour celle dite de la Samaritaine ! Celle que j'évoque n'est pas révolutionnaire, certes, mais elle a trait à ce qui se passe avant l'annonce du plan de licenciement et donne la possibilité aux syndicats ainsi qu'au comité d'entreprise, de discuter de son bien-fondé.

A la majorité de 31 voix contre 17, sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, l'amendement 17 n'est pas adopté.

L'article 32 bis modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance. Les commissaires du Gouvernement n'ont pas à manifester leur désapprobation !

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 5.

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APRÈS L'ART. 32 BIS

M. Georges Sarre - Notre amendement 41 tend à donner aux salariés à titre collectif, c'est-à-dire au comité d'entreprise, un droit de veto sur l'organisation du temps de travail en ce qui concerne l'établissement et les modifications du programme indicatif de modulation. Ce n'est pas en raffinant le droit d'information et de consultation pour avis du comité d'entreprise que nous changerons quoi que ce soit au comportement des entreprises en cas de licenciements.

Si nous souhaitons que les directions tiennent davantage compte de l'avis des représentants du personnel, nous devons donner à ces derniers plus de pouvoirs dans la gestion quotidienne de l'entreprise.

Actuellement, les salariés n'ont aucun moyen de remédier aux excès de la modulation du temps de travail.

Les patrons français sont les seuls maîtres à bord dans ce domaine. Or la loi relative aux 35 heures renforce cette situation de toute puissance. Les horaires sont supposés être négociés, mais cette négociation ne lie pas l'employeur puisqu'elle porte sur un programme indicatif qu'il peut modifier à loisir. Que vaut une négociation qui ne lie pas l'une des parties ? Il n'est donc pas abusif de donner aux représentants du personnel les moyens de corriger les excès de la flexibilité, et de ne pas arriver à la table des négociations les mains nues.

M. Gérard Terrier, rapporteur.- La commission, tout en comprenant vos préoccupations, a repoussé l'amendement. Il nous est proposé de modifier des dispositions de la loi sur les 35 heures, et de transférer les droits contractuels liant le salarié à l'employeur au comité d'entreprise, dont ce n'est pas le rôle. Le salarié peut défendre ses droits par l'intermédiaire des délégués du personnel ou du syndicat.

Mme la Ministre - La programmation indicative de la modulation est une clause obligatoire à l'accord de branche ou d'entreprise qui met en _uvre cette modulation. Il est vrai que l'accord collectif peut décider de soumettre le programme indicatif à l'avis conforme des représentants du personnel. Je crois que l'organisation du travail doit être négociée, sans instaurer un droit de veto du comité d'entreprise. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l'amendement.

M. François Goulard - La loi requiert en effet l'accord des représentants du personnel sur la modulation du temps de travail. Par ailleurs, je lis dans l'exposé des motifs de l'amendement qu'il faut « obliger les directions à entretenir de bonnes relations avec le comité d'entreprise ». C'est merveilleux !

M. Maxime Gremetz - Nous soutenons l'amendement de M. Sarre. Dans les accords relatifs à l'application des 35 heures, est-il rappelé, oui ou non, comme le dispose la loi, que les entrepreneurs doivent présenter le calendrier journalier pour l'entreprise ? Cela ne se pratique nulle part. Or c'est une obligation légale.

Donc la loi n'est pas toujours appliquée. Il en va de même pour les changements d'horaires. Le délai de prévenance de sept jours n'est jamais respecté. Nous avons voté assez d'amendements qui n'ajoutent rien, nous pouvons voter celui-ci qui ajoute quelque chose.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Ministre - Puisqu'il est question des pouvoirs des représentants des salariés, je voudrais faire quelques mises au point pour éviter les malentendus.

D'abord quel est notre objectif ? C'est de tout faire, et avant tout grâce à une politique économique dont on connaît les résultats en matière de créations d'emplois, pour prévenir, limiter, compenser les licenciements économiques. C'est bien à la politique de ce gouvernement, de cette majorité que nous devons les résultats actuels.

MM. Hervé Morin et François Goulard - Les entreprises n'y sont pour rien...

Mme la Ministre - Mais lorsque des entreprises estiment, à tort ou à raison, qu'il leur faut restructurer un licenciement, quel droit leur appliquer ? Chaque licenciement économique touche le personnel mais aussi la région, voire la nation, et a des conséquences sur l'ordre public et les finances. Nous y attachons donc la plus grande priorité. Il est légitime que la loi fixe la manière de traiter de ces crises en associant tous les partenaires, c'est-à-dire en ne soumettant pas salariés et entreprises à une autorisation ou à un veto mais en créant les occasions obligatoires de débat, d'expression et de négociation qui permettent à chacun, dans une société complexe, de prendre ses responsabilités.

Le plan social n'a jamais été et ne devrait jamais être conçu comme un plan de licenciement. C'est un dispositif destiné à traiter un sureffectif annoncé par une direction d'entreprise et qui résulte de difficultés conjoncturelles, de situations structurelles ou de choix stratégiques. Il a pour objectif d'éviter les licenciements par la réduction du temps de travail ou d'en limiter le nombre et d'offrir aux salariés des solutions correspondant à leur choix personnel. Pour répondre à une question posée par M. Gremetz, il existe des entreprises qui ont présenté, après négociation, des plans sociaux qui ne se traduisent par aucun licenciement.

M. Maxime Gremetz - Aucun licenciement sec.

Mme la Ministre - Bien sûr. C'est le cas de Kodak, de la CAMIF ou des Mutuelles du Mans.

Nous vous proposons de renforcer le droit des représentants du personnel dans l'élaboration des plans, d'étendre le nombre et la nature des propositions que l'employeur doit obligatoirement y faire figurer. Les droits des salariés dont l'emploi est supprimé sont également renforcés : ils perçoivent des indemnités plus élevées et des propositions de conversion et de reclassement interne ou externe doivent leur être faites. En outre, les entreprises devront participer à la revitalisation des sites touchés.

Le plan de sauvegarde de l'emploi crée donc bien un nouveau droit pour les salariés, une nouvelle responsabilité pour les employeurs.

En second lieu, pourquoi le Gouvernement refuse-t-il d'introduire des autorisations ou interdictions préalables et suspensives avant un licenciement ?

Je souligne d'abord que nous renforçons le rôle du comité d'entreprise. La procédure de consultation sur le projet de restructuration est désormais séparée de la procédure de licenciement pour motif économique, ce qui permet un débat contradictoire sur le bien-fondé du projet de l'employeur. Le CE pourra se faire assister par un expert payé par l'entreprise, l'employeur devra répondre aux propositions alternatives du CE, l'administration du travail sera informée du contenu des propositions et de l'avis du CE. Après ce vrai débat, la direction pourra décider si elle procède ou non à la restructuration, mais ne pourra ouvrir la procédure de licenciement économique sans avoir répondu aux propositions du CE.

Faut-il aller plus loin comme le proposent le groupe communiste et d'autres parlementaires ? Le Gouvernement n'est pas favorable à l'instauration d'une autorisation judiciaire préalable au licenciement, qui est le pendant exact de l'autorisation administrative de licenciement, que plus personne ne défend. Dans la proposition communiste le juge va se substituer à l'employeur pour apprécier en amont si le licenciement économique est fondé. Ce serait lui confier une décision essentielle de gestion qui relève de la responsabilité de l'employeur.

M. Maxime Gremetz - J'aime vous l'entendre dire !

Mme la Ministre - Le juge peut contrôler des éléments objectifs et vérifiables comme la procédure et le contenu du plan social. En revanche, il n'a pas les moyens de contrôler les décisions économiques. Pas plus que l'inspecteur du travail, il ne peut se substituer au dirigeant d'entreprise car nous ne pourrions pas écrire dans la loi comment il doit gérer l'entreprise dans telle ou telle circonstance.

Mais je rejoins le groupe communiste sur la nécessité de contrôler le pouvoir, très important, du chef d'entreprise -dans l'entreprise elle-même. Il faut donc renforcer autant que nous le pouvons les pouvoirs des représentants du personnel, au sein du CE et, pourquoi pas, au sein des organes dirigeants des entreprises.

C'est la voie que nous avons choisi d'emprunter et dans laquelle il nous faut progresser encore.

J'en viens donc, en troisième lieu, au renforcement du rôle des représentants du personnel, qui est bien l'objectif commun de toute la majorité.

En effet, les salariés et leurs représentants qui font vivre l'entreprise au quotidien sont ceux qui en connaissent le mieux les contraintes et les atouts, et sont beaucoup plus concernés que le juge ou l'administration. Il faut leur faire confiance. Cela nécessite un rééquilibrage et un renforcement du droit d'information, d'intervention et d'expertise. Nous venons de nous y employer avec toutes les dispositions déjà adoptées -sur l'information préalable, sur le délai minimal de discussion, sur le nombre de réunions, sur l'obligation de réponse de l'employeur. S'y ajoutent les dispositions de la loi sur les nouvelles régulations économiques qui associent mieux les CE aux procédures de fusion ou d'acquisition d'entreprises, celles de la loi sur l'épargne salariale, la participation conjointe des salariés et de la direction à la réorganisation de l'entreprise qui est au c_ur de la loi sur la réduction négociée du temps de travail.

En effet, je le dis à Muguette Jacquaint, les grandes décisions ne doivent pas être prises par les seuls actionnaires, il faut donner plus largement la parole aux salariés car c'est de leurs efforts, non des seuls investissements que dépend de plus en plus le bon fonctionnement de l'entreprise.

Les salariés doivent donc avoir toute leur place dans la décision comme dans le partage de la valeur ajoutée. Je reconnais que sur ce point, et malgré les progrès contenus dans le projet de loi, un retard reste à combler. Je vous propose donc, en premier lieu, de valider les acquis du texte, qui sont incontestables tant en ce qui concerne le pouvoir des salariés que dans d'autres domaines tels que la précarité, le harcèlement moral ou l'abrogation de la loi Thomas.

Je m'engage ensuite à lancer un large travail sur le pouvoir des salariés dans l'entreprise. J'ai annoncé aux organisations syndicales, lors des consultations de ces quinze derniers jours, la création d'un groupe de travail sur la démocratie sociale. Je ne verrais que des avantages à ce que des parlementaires, sur quelque banc qu'ils siègent, y participent pour nous permettre d'aller plus loin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Je pense que nos collègues ne seront pas insensibles à cet appel à la participation (Sourires). Nous en venons maintenant à l'amendement 18.

M. Maxime Gremetz - Le sujet est trop important. Nous devons pouvoir répondre à la ministre !

M. Claude Billard - Nous ne pouvons qu'être favorables à tout ce qui peut renforcer les prérogatives des organisations syndicales et nous prenons acte de la constitution du groupe de travail.

Mais la seule question, face au déferlement des suppressions d'emplois dans les entreprises dont le seul souci est la rentabilité, est-elle de rendre les licenciements plus acceptables ?

Nous sommes dans une nouvelle phase du capitalisme, dont il faut prendre la mesure, et nous devons en finir avec la logique des licenciements boursiers que développent certaines entreprises. Il faut une alternative réelle au primat des marchés financiers.

La majorité des plans sociaux jouent aujourd'hui la Bourse contre les dépenses salariales. On nous répond qu'il y a plus d'emplois créés que supprimés. Cela n'en rend que plus insupportables ces pratiques qui jettent des milliers de personnes à la rue !

Quelle est cette société où des groupes transnationaux, dont la puissance résulte principalement de la valeur de leurs salariés, et qui bénéficient par ailleurs d'importantes aides publiques, ne se préoccupent que de produire des richesses pour leurs actionnaires ? Il n'est pas acceptable que la politique se limite, dans cette situation nouvelle, à panser les plaies, et c'est cela qui nous différencie.

Vous pouvez considérer que l'amendement 18 est défendu (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Yann Galut - Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement - Nous cherchons tous à donner davantage de pouvoirs aux représentants du personnel, face à la logique de rentabilité qui s'exerce partout. Mais vous réduisez, Madame la ministre, la question à un face à face entre chef d'entreprise et institutions représentatives en oubliant de vous placer du point de vue de l'intérêt public, donc du citoyen. C'est par exemple le point de vue de la France lorsqu'une concentration industrielle, telle celle qui a réuni Alstom et ABB à Belfort, se réalise. On comprend mal que la puissance publique ne puisse exercer un droit de regard sur de telles opérations.

Vous refusez tout ce qui ressemblerait à une autorisation de licenciement. Mais de nombreux chefs d'entreprise se plaignent de la judiciarisation de la vie économique. Ils regrettent le temps où les ministères fournissaient des experts autrement compétents qu'une juridiction, coincée entre un cas de divorce et un délit de grivèlerie !

Il faut donc se placer du point de vue de l'intérêt public, et à cet égard, les propositions du Gouvernement, à ce stade du débat, ne sont pas satisfaisantes (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

M. François Goulard - Nos débats sont certes souvent critiqués et n'ont pas toujours la tenue qu'on souhaiterait mais ils sont irremplaçables lorsqu'ils font naître des moments de vérité, comme c'est le cas aujourd'hui. L'excellente intervention de Mme la ministre a parfaitement situé la discussion et a montré ce qui sépare nos points de vue. Elle a d'abord clairement dit, pour la première fois, que la décision de licencier appartient au chef d'entreprise. Il est hors de question de la laisser à une quelconque autorité administrative, comme le propose M. Chevènement avec des arguments qui nous ramènent au gaullisme d'il y a bien longtemps, ni au juge car aucune loi ne peut édicter de règle selon laquelle le licenciement est justifié ou non. On peut être ou non d'accord avec cette analyse, et je constate que les groupes communiste et RCV ne la partagent pas, non plus que certains membres du groupe socialiste. Le clivage est normal et je suis heureux qu'il soit patent désormais.

Mme la ministre a aussi déclaré que ce projet de loi donnait de nouveaux pouvoirs aux salariés. Sur ce point, je ne la suis pas : ce serait d'ailleurs contradictoire avec l'affirmation de la responsabilité du chef d'entreprise. Le texte leur donne plutôt de nouveaux droits. L'introduction de représentants des salariés dans les organes dirigeants ne leur donne pas de pouvoir nouveau : on sait par expérience, même si on peut le regretter, que ces instances n'ont qu'un caractère formel et que les vraies décisions se prennent dans les comités d'actionnaires.

Néanmoins, le problème de la juridiciarisation n'est pas écarté. En donnant des droits nouveaux aux comités d'entreprise, en fixant des règles plus contraignantes, en reprenant dans la loi une jurisprudence pour le moins audacieuse de la Cour de cassation, vous donnez au juge de multiples occasions d'ingérence dans la vie des entreprises. Je n'en prendrai qu'un exemple : la fameuse jurisprudence Samaritaine. Elle ne porte pas sur la décision de licencier, mais sur la teneur du plan social. Toutefois, l'annulation a posteriori du plan social est un pouvoir considérable donné au juge. Vous êtes donc en train de franchir une frontière en faisant du juge un acteur -et particulièrement incompétent- de la vie économique de notre pays.

M. le Président de la commission des affaires sociales - Je me félicite de la grande qualité qu'a pris notre débat, du fait notamment de l'intervention de Mme la ministre qui a défini avec beaucoup de clarté une véritable logique d'action. Sur le point de savoir où nous nous situons, il n'y a pas d'ambiguïté et M. Goulard ne peut l'ignorer : nous acceptons l'économie de marché mais nous ne sommes pas pour autant des libéraux au sens communément admis en France. Qu'il s'agisse des garanties nouvelles offertes aux salariés, de la réduction du temps de travail ou des emplois-jeunes, le Gouvernement et cette majorité n'ont cessé de démontrer leur volonté de corriger les excès de l'économie de marché. Comme l'a dit Lionel Jospin lui-même, oui à l'économie de marché mais non à la société de marché.

J'en viens à l'intervention de M. Chevènement et je compte sur M. Sarre pour se faire auprès de lui l'interprète de mon propos. Il est vrai que nombre de chefs d'entreprise plaident pour le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement mais ne nous trompons pas sur leurs motivations. Ils le font parce qu'ils considèrent -à juste titre au demeurant- qu'il s'agit d'un dispositif beaucoup moins contraignant que celui que nous introduisons qui confère au juge des pouvoirs normatifs et la faculté d'apprécier, outre le respect des règles de procédure, le contenu du plan de sauvegarde des emplois. Je ne saurais donc trop vous engager, Monsieur Sarre, à ne pas faire vôtre une position qui repose sur une analyse que vous ne pouvez partager.

M. Georges Sarre - Soyez rassuré. Nos propres arguments nous suffisent !

M. le Président de la commission - Au reste, le fait qu'aucun syndicat ne demande le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement n'est pas le fruit d'un hasard. Chacun sait -et je puis vous le confirmer pour avoir eu, hélas, l'occasion à maintes reprises de le constater dans ma région- que l'autorisation administrative de licenciement, créée par M. Chirac en 1975, n'avait aucune efficacité et qu'elle n'était plus en phase avec la réalité économique. En prévoyant l'intervention du juge, nous renforçons des garanties offertes aux salariés en lui permettant d'exercer un pouvoir de pression réel sur le plan de sauvegarde des emplois.

Autre contresens à éviter, le Gouvernement et la majorité se considèrent bien comme les garants de l'ordre public social et ils légifèrent en vertu de cette qualité. Nous ne sommes pas des spectateurs indifférents de la vie des entreprises ! Mme la ministre a eu à cet égard parfaitement raison d'insister sur l'éclatement et sur l'insuffisance de la présence syndicale dans les entreprises, en particulier dans les PME. Là encore, nous ne restons pas inertes et lorsque nous abordons avec M. Emmanuelli la question du financement des organisations syndicales, nous faisons avancer les choses ! Je soutiens donc pleinement la position de Mme la ministre et je ne voudrais pas que M. Chevènement, pour lequel j'éprouve une haute estime, commette une erreur d'analyse.

M. Georges Sarre - Cher Jean Le Garrec, vous avez débuté votre intervention en vous félicitant de la qualité du débat : de grâce, ne l'altérons pas ! Il ne suffit pas de dire « nous ne sommes pas des libéraux ! » (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Dans la vie politique, on est ce qu'on fait. Et il me semble à cet instant que par télépathie, Jean-Pierre Chevènement m'adresse un message, (Sourires) par lequel il me presse de vous inviter à ne pas caricaturer ses positions. M. Chevènement ... (« Le voilà ! » sur divers bancs) ... n'a jamais plaidé pour le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement. La question qu'il pose est bien plus fondamentale : où est le bien public ? L'intérêt général est-il bien défendu ? Le Gouvernement, qui, en définitive, tourne autour du pot, n'est-il pas surtout soucieux de préserver les prérogatives du chef d'entreprise ? J'estime donc, Monsieur le président de la commission, que vous avez eu grand tort de tenter d'accréditer la thèse selon laquelle Jean-Pierre Chevènement était favorable au rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV). C'est un véritable procès d'intention que vous lui avez fait.

M. Jean-Pierre Chevènement - Très bien (Sourires).

M. Jean Ueberschlag - Permettez-moi de réagir à mon tour aux propos du président Le Garrec sur l'autorisation administrative de licenciement. Si elle a été instituée par Jacques Chirac, elle a été supprimée par le même Jacques Chirac en 1987, M. Séguin étant alors ministre des affaires sociales. Il n'y a pas lieu d'en tirer argument contre M. Chirac. Dois-je en effet rappeler que lorsqu'elle a été créée, la juridiction prud'homale n'était pas dans l'état où elle se trouve aujourd'hui ? Les choses ont beaucoup évolué. Dès lors, on ne peut reprocher à M. Chirac d'avoir eu l'intelligence de la supprimer puisqu'il était devenu évident qu'elle ne correspondait plus à la réalité. Je rappelle aussi que le groupe socialiste de l'époque, emmené par M. Gérard Colomb ou par M. Michel Berson -fin connaisseur du droit du travail- n'avait pas de mots assez durs pour critiquer cette décision. Le Journal officiel peut témoigner de la verdeur de leurs philippiques d'alors.

J'ai parfois le sentiment, devant ce texte qui ne fait l'objet d'aucun consensus et qui préfigure peut-être une régression sociale, que nous légiférons à l'envers. Pourquoi consacrer tant d'efforts au droit du licenciement alors que nous devrions concentrer toutes nos énergies à élaborer des mesures favorables au maintien de l'emploi et à faire en sorte que le licenciement ne soit plus considéré comme la variable ultime d'ajustement.

Du reste, si l'on assiste aujourd'hui à des licenciements, c'est bien souvent parce que des emplois ont été créés artificiellement dans la période précédente. Le Gouvernement a beau jeu de s'étonner aujourd'hui que des entreprises ne pérennisent pas les emplois qui ont été créés via la réduction du temps de travail, les emplois-jeunes, ou les primes à l'aménagement du territoire, souvent dans le seul but de profiter d'un effet d'aubaine. Or de tout cela, votre texte ne dit rien. Vous voulez, par des voies détournées, interdire aux patrons de licencier mais vous les encouragez parallèlement à embaucher artificiellement. C'est la politique de gribouille !

M. Lequiller remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

M. Maxime Gremetz - Nous sommes à un tournant de notre débat : des perspectives ont été ouvertes, des questions de fond ont été posées et je constate, après mon collègue Billard, que nous avons en effet des divergences. C'est sans doute pour cela que l'on parle de majorité plurielle. M. Goulard a bien noté qu'il ne suffisait pas de se déclarer libéral ou anti-libéral pour l'être.

Nous avions déjà eu un débat de ce type en janvier 2000, à l'occasion d'une proposition que nous avions déposée dans le cadre de la « niche » parlementaire : Martine Aubry avait alors estimé que dans une société de libre entreprise, seul l'employeur pouvait apprécier la nécessité d'un licenciement économique. C'est votre position, pas la nôtre.

Nous, nous contestons la dictature des marchés financiers, des groupes multinationaux et le pouvoir patronal de droit divin. Dans l'entreprise, on perd sa citoyenneté, on n'a pas de proposition à faire. Les salariés sont évidemment trop bêtes pour s'occuper de gestion ! Ce n'est pas notre conception.

Nous ne parlons pas d'autogestion, ne nous faites pas de faux procès.

Vous dites qu'il n'y a guère d'exemples de plans sociaux sans licenciements secs. Mais vérifiez combien il y a eu de licenciements chez Usinor, chez Yoplait, chez Lee Cooper, pour en rester à Amiens !

Qui propose un droit de veto ? Pas nous ! Qui parle d'autorisation judiciaire ? Pas nous ! C'est vous, Madame la ministre, qui voulez toujours faire appel au juge !

Vous ne voulez pas d'intervention de l'Etat ? Nous ne proposons pas d'intervention extérieure.

Je vous rappelle le contenu de nos amendements. Nous ne contestons ni la responsabilité de l'employeur, ni sa liberté d'annoncer des licenciements économiques. Mais ce que nous demandons, c'est la possibilité pour les représentants des salariés de contester les licenciements économiques abusifs et pas seulement de donner leur avis. Si vous trouvez des moyens plus intelligents de les prévenir, dites-le. Mais nous, nous faisons confiance aux salariés et nous voulons leur donner la possibilité de discuter à armes égales avec les employeurs, de proposer des solutions alternatives et, en tout dernier recours, de faire appel, non pas aux juges, mais aux prud'hommes, qui sont des salariés élus.

Pourquoi ferait-on appel aux juges ? Le conseil des prud'hommes d'Amiens, saisi par les salariés de Yoplait, a reconnu que les licenciements n'étaient pas justifiés et a ordonné la réintégration des salariés.

Mme la Ministre - C'est la jurisprudence « Samaritaine » !

M. Maxime Gremetz - Pas du tout, vous n'êtes pas bien informée. Attendez la suite ! En effet, la direction de Yoplait a fait appel et la cour d'appel a jugé que le conseil des prud'hommes avait outrepassé la loi en appréciant la validité des licenciements économiques.

Voilà pourquoi nous voulons introduire dans la loi un droit d'opposition aux licenciements avec effet suspensif. Si nous ne le faisons pas, les conséquences seront graves. Aujourd'hui 70 % des gens attendent la gauche plurielle non pas sur son « bilan » -chez nous on dit « un morceau avalé n'a plus de goût » et on l'a vu aux municipales !- mais sur sa capacité à donner des droits nouveaux aux salariés pour s'opposer à ces vastes plans sociaux, complètement injustifiés de la part d'entreprises qui font des profits considérables. Si on continue de leur répondre « on n'y peut rien », nous sommes mal partis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Claude Billard - Avec l'amendement 18, nous souhaitons aborder les rapports entre les entreprises sous-traitantes et leurs donneurs d'ordres. Nous proposons un système souple de représentation commune des salariés en cas de difficultés dues à une décision du donneur d'ordre. Lorsque l'employeur de l'entreprise sous-traitante envisage des licenciements économiques, suite à une telle décision, il lui appartient de déclencher cette procédure, faute de quoi il ne pourrait plus invoquer cette décision comme motif de licenciement économique. Les représentants du personnel auraient le même droit. Le comité de l'entreprise donneuse d'ordre serait alors saisi et se verrait adjoindre les représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante.

Ainsi élargi, il examinerait non seulement la motivation économique des licenciements, mais également un projet de plan social élaboré conjointement par les directions des deux entreprises. En cas d'insuffisance du plan social, il aurait les mêmes attributions qu'un comité classique.

Cet amendement correspond au souci de Mme la ministre de renforcer les prérogatives des institutions représentatives du personnel.

M. le Président - Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. Gérard Terrier, rapporteur - La commission a déjà rejeté cet amendement en première lecture car il est impossible juridiquement de donner le droit aux membres d'une entreprise d'imposer des réunions à une autre entité juridique. Néanmoins, nous ne pouvons rester indifférents à votre préoccupation, qui nous paraît légitime, et c'est pourquoi, avec le Gouvernement, nous avons rédigé un amendement qui y répond.

La commission a proposé, avec le sous-amendement 471 qui sera examiné dans un instant, une rédaction satisfaisante sur le plan juridique. Je vous propose donc de ne pas adopter l'amendement 18.

Mme la Ministre - Cette préoccupation est tout à fait importante. L'amendement 413 rectifié y répond cependant mieux, car il respecte les responsabilités de chacun dans l'entreprise et évite de placer l'entreprise dépendante dans une situation difficile, faute de temps pour rechercher de nouveaux contrats.

M. François Goulard - Cet amendement est évidemment inacceptable, tant il bouleverse les principes juridiques établis. Je reviens sur les propos de certains orateurs. Affirmer que les chefs d'entreprise réclament le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement relève de l'abus de langage. Simplement, l'autorisation administrative de licenciement obéissait à une procédure simple et rapide, sans doute préférable aux imbroglios juridiques auxquels donnent lieu les décisions de l'ordre judiciaire. C'est un choix entre Charybde et Scylla, mais il ne faut surtout pas y voir un plébiscite en faveur de l'autorisation administrative de licenciement.

M. Germain Gengenwin - Après trois heures de discussion, nous n'en sommes qu'au neuvième amendement, et nous donnons l'impression de chercher à gérer les entreprises depuis l'hémicycle ! Si nous avons fait un travail utile pour les entreprises sous-traitantes la semaine dernière, notre débat d'aujourd'hui est à dissuader n'importe quel chef d'entreprise de poursuivre son activité ! Nous sommes résolument opposés à tout amendement de ce type.

A la majorité de 44 voix contre 8 sur 55 votants et 52 suffrages exprimés, l'amendement 18 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Pas de chance !

Mme la Ministre - L'amendement 413 rectifié a pour objet de permettre à des entreprises dépendantes d'autres entreprises d'être informées rapidement de tout projet susceptible d'entraîner pour elles une variation d'activité ou d'emploi. Elles pourront alors anticiper d'éventuelles difficultés et rechercher d'autres contrats pour maintenir l'activité et l'emploi.

Enfin, pour permettre au comité d'entreprise d'assumer pleinement ses compétences, il est proposé de lui transmettre immédiatement cette information.

Le souci d'assurer l'information non seulement de l'entreprise sous-traitante, mais aussi du comité d'entreprise, est donc bien présent.

M. Gérard Terrier, rapporteur - Notre sous-amendement 471 apporte une clarification en qualifiant le projet de « de restructuration ou de compression des effectifs » et en ajoutant, après les mots « est soumis au comité d'entreprise » la référence à l'article L. 432-1 du code du travail.

M. François Goulard - L'entreprise donneuse d'ordres n'est pas nécessairement informée des conséquences que ses décisions peuvent entraîner pour sa sous-traitante. Rien ne l'oblige à connaître le pourcentage de l'activité de la sous-traitante que représentent ses commandes ! Cet amendement est donc inopérant et absurde.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable au sous-amendement 471 qui apporte une utile précision.

Le sous-amendement 471, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 413 rectifié, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Georges Sarre - L'amendement 38 vise à établir au profit des salariés -comité d'entreprise ou délégués du personnel- une forme d' « impeachment » sur les embauches pendant l'année qui suit un licenciement économique. Ils pourront ainsi contrôler le respect des priorités à l'embauche et l'absence d'abus dans le recours aux CDD et à l'intérim. Le droit d'information des représentants du personnel en cas de licenciement doit en effet être complété pour que l'employeur prenne en considération leur avis. Cet amendement leur permettra de lutter contre certains excès et de contribuer à la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle du personnel.

M. Gérard Terrier, rapporteur - La commission maintient l'avis et les arguments qu'elle avait exprimés en première lecture. Cet amendement équivaut quasiment à transférer le pouvoir d'embauche aux institutions représentatives du personnel, ce qui n'est pas le but que nous recherchons.

Mme la Ministre - Je comprends le souci de M. Sarre de lutter contre la fraude à la loi, mais je ne peux accepter cette ingérence des représentants du personnel dans le domaine de compétence de l'employeur. La loi prévoit d'ailleurs une priorité à l'embauche au bénéfice des salariés ayant fait l'objet d'un licenciement économique. Cette garantie est suffisante.

L'amendement 38, mis aux voix, n'est pas adopté.

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AVANT L'ART. 33

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 63 rectifié.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 63 rectifié répond à une préoccupation que le Gouvernement avait exprimée ici-même, en janvier 2000, par la voix de Mme Aubry. Nous cherchions alors comment éviter les licenciements non réellement justifiés par des motifs économiques. L'actualité vient nous rappeler toute l'acuité de cette question : des entreprises et des groupes florissants ferment des sites, détruisent de l'emploi et délocalisent. En 2000, Danone a dégagé 4,7 milliards de francs de profits nets, Valeo, 2,4 milliards, et Pechiney, 2 milliards. Obéissant aux exigences de rentabilité des gros actionnaires et des marchés boursiers, ces entreprises s'apprêtent pourtant à procéder à quelques milliers de licenciements. Il y a eu l'année dernière 250 000 licenciements économiques. Ce chiffre, même s'il est bien inférieur à ceux des années 90, reste excessif. C'est pourquoi il importe de préciser, dans le code du travail, la définition du motif économique. Le texte actuel ouvre en effet la voie à des interprétations aléatoires des tribunaux. Nous souhaitons que le licenciement économique devienne l'ultime recours. La notion de difficultés économiques ne doit pas constituer pour l'entreprise un alibi au choix de l'emploi comme seule variable d'ajustement. Tous les moyens autres que la diminution des coûts salariaux, estimons-nous, doivent être recherchés. Et ces moyens, dans la plupart des cas, existent. D'autant que la part des salaires dans la valeur ajoutée s'est effondrée. Les coûts salariaux ne sont pas une Gorgone qui étranglerait l'économie. Avec 56 % à 57 % de la valeur ajoutée, ils sont en fort recul par rapport aux années 1980. Nous voulons aussi dresser un garde-fou contre un recours abusif à l'externalisation des activités.

La ministre l'a dit, le Gouvernement entend réguler l'économie. A cette fin nous voulons introduire des balises solides dans la législation, en levant toute ambiguïté. Non, la vie de l'entreprise ne se borne pas aux dogmes irrationnels des marchés.

M. Joseph Rossignol - Notre amendement 303 tend à supprimer, à l'article L. 321-1 du code du travail, l'adverbe « notamment », qui peut servir de prétexte à des licenciements de convenance. La notion de compétitivité, qui est par ailleurs nécessaire, sert trop souvent à camoufler la recherche de meilleurs profits.

En précisant la définition du licenciement économique, nous faciliterons le travail du juge.

Mme Marie-Hélène Aubert - Notre amendement 347 va dans le même sens. Notre objectif n'est pas de judiciariser la vie économique, mais de renforcer les droits des salariés. Nous entendons s'exprimer, y compris dans la bouche du rapporteur, une conception paternaliste selon laquelle l'employeur dispose d'une totale liberté dans la gestion de l'entreprise. Les salariés seraient ainsi de grands enfants qui devraient dire merci quand on les emploie, et dépourvus de toute possibilité de recours. Nous souhaitons donc rééquilibrer les droits des employeurs et ceux des salariés. Sans quoi la liberté des employeurs dont vous nous parlez n'est rien d'autre qu'un rapport de domination.

Si vous considérez que l'autorisation administrative de licenciement est inefficace, que le recours au juge est inutile, que proposez-vous d'autre que le laisser-faire ? Dans ce cas, assumez votre conception libérale de l'économie, mais sachez que ce n'est pas la nôtre.

Le recours parfois excessif au juge s'explique par l'incapacité dans laquelle se trouvent les salariés de discuter de l'avenir de leur entreprise. Mais à nos yeux le recours au juge prud'homal est le dernier recours. Rétablir l'équilibre de droits entre salariés et employeur permet, en cas de conflit entre eux, de régler nombre de situations à la satisfaction générale. De plus, préciser la définition du motif économique permettra au juge de mieux apprécier si la loi est respectée, cette loi qu'il nous appartient de bien rédiger. C'est cela que nous attendons du juge, et non pas qu'il se prononce sur la vie de l'entreprise. Ajoutons qu'il pourra prononcer la réintégration dans l'entreprise.

M. Gérard Terrier, rapporteur - Madame Aubert, jamais vous n'avez entendu le rapporteur déclarer que le chef d'entreprise détient des droits souverains sur les salariés. Simplement, il possède l'initiative de prendre des mesures relatives au volume des salariés dans l'entreprise. En revanche la façon dont il va décliner tout ce qui conduit à supprimer éventuellement des emplois doit être encadrée par des règles qu'il nous appartient de définir. Si ces règles ne paraissent pas respectées, le juge se prononcera. A nous de trouver les règles propres à réaliser un juste équilibre entre l'intérêt des salariés et l'avenir de l'entreprise.

La question, importante, qui se pose alors est celle-ci : sur quelles bases le juge prud'homal peut-il s'appuyer pour apprécier si la cause du licenciement est réelle et sérieuse ? L'article L. 321-1 retient deux notions : les difficultés économiques et les mutations technologiques, la mention de ces deux éléments étant précédée de l'adverbe « notamment ». Tout le reste s'est construit sur la jurisprudence, une jurisprudence que, dans le cas de Thomson ou de Videocolor, les personnels ont approuvée. Faut-il modifier la définition pour restreindre le champ de qualification de licenciement économique ? Faut-il introduire la jurisprudence dans le code du travail ? C'est un vrai débat, auquel nous n'avons pas trouvé de réponse capable de susciter une large adhésion. Mon amendement 469 propose une définition plus ouverte. L'amendement 63 rectifié est excessivement restrictif et rendrait de fait impossible tout plan social.

L'amendement 303 qui supprime le « notamment » pour ne conserver que deux causes -difficulté économique et mutation technologique- est trop restrictif. L'amendement 347 de Mme Aubert l'est plus encore puisque n'y subsiste que le motif économique.

Pour autant, l'amendement que nous présentons avec M. Le Garrec est-il le meilleur ? Nous nous le sommes demandé en toute objectivité et nous sommes prêts à revoir notre copie pour parvenir à une rédaction commune qui précisera la notion sans mettre en cause l'intérêt des salariés ou de l'entreprise.

M. le Président de la commission - Je soutiens cette position. Ce problème est récurrent et aucune de nos tentatives successives de définition n'est totalement satisfaisante. Les situations sont si diverses qu'il faudrait en faire la liste, ce qui n'est pas possible dans un article du code du travail.

En commission, nous avons eu le sentiment que la définition proposée ne suscitait pas une approbation suffisamment large. La sagesse serait donc de retirer l'amendement et de conserver l'article L. 321-1 actuel, tout en nous engageant à poursuivre la réflexion dans le cadre de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.

M. Gérard Terrier, rapporteur - Je retire l'amendement 469.

Mme la Ministre - J'ai été très intéressée par ce débat. Mais je veux lever une ambiguïté. L'article L. 321-1 ne fixe pas le droit de procéder à des licenciements économiques, il définit les catégories de licenciement qui peuvent être considérés comme économiques et qui donnent lieu à contrôle et protection. De ce fait, plus la définition est large, mieux les salariés sont protégés.

Adopter les amendements 63 rectifié, 303 ou 347 n'empêcherait pas de licencier -ce pouvoir appartient à l'employeur- mais les licenciements non économiques seraient plus nombreux et on verrait croître le nombre de dépôts de bilan à fin de licenciement. Devant ce risque de priver les salariés d'une protection collective, je ne peux être favorable à ces amendements.

Pour autant je ne veux pas fermer la discussion. On peut certainement trouver une définition qui respecte les dispositions protectrices que je viens d'évoquer et reste dans le cadre de la directive européenne du 17 février 1975. De ce point de vue, l'amendement de la commission est meilleur. Mais je pense comme le président Le Garrec que, devant les risques encourus, la sagesse serait d'en rester à la définition actuelle tout en améliorant la protection des salariés par d'autres dispositions.

M. Alain Tourret - J'ai pour ma part passé une dizaine d'années à analyser cet article L. 321-1 devant toutes les juridictions et je peux vous assurer que dans sa jurisprudence, la chambre sociale de la Cour de cassation se montre très restrictive sur le droit à licencier pour motif économique, motif dont elle analyse le caractère réel et sérieux avec la plus grande rigueur. Pour tout dire, aucun acte économique n'est si étroitement contrôlé par le juge judiciaire.

M. François Goulard - Très juste.

M. Alain Tourret - Que j'ai pu faire annuler les plans sociaux d'Alstom et faire réembaucher des centaines de personnes l'illustre assez.

Vouloir restreindre la possibilité actuelle de licenciement économique comme y tend l'amendement communiste, conduira à de nombreux dépôts de bilan. Les grand groupes qui suivent de près ce que nous faisons, créeront des myriades de petites sociétés qui pourront ainsi licencier à tout moment par ce procédé. En effet, c'est alors le juge du tribunal de commerce qui décidera et il n'y aura plus aucun contrôle sur le motif réel et sérieux du licenciement. On aboutirait à l'inverse du but recherché.

Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier en ce qui concerne la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, est extrêmement restrictive.

M. Georges Sarre - Il faut oser le dire !

M. Alain Tourret - Vous ne l'avez jamais lue. Selon cette jurisprudence, en avançant la sauvegarde de la compétitivité, on ne doit ni augmenter les profits ni porter atteinte aux situations acquises des salariés ni faire des économies. Lisez l'arrêt du 30 septembre 1997 et des dizaines d'autres.

Vouloir limiter le pouvoir du juge et lui ôter toute possibilité d'interprétation est, à mon sens, une erreur. On peut soit conserver l'article L. 321-1 en l'état, compte tenu du corps de doctrine et de la jurisprudence qui existent et forment un tout. On peut aussi, comme le font MM. Sarre et Le Garrec, reprendre la notion de « réorganisation destinée à préserver les capacités de l'entreprise concernée », ce qui est exactement la définition de la chambre sociale de la Cour de cassation.

M. Hervé Morin - Pas du tout !

M. Alain Tourret - Si. Mais c'est la seule avancée que l'on peut imaginer sur cet article L. 321-1.

M. François Goulard - Très bien !

M. Hervé Morin - Nous assistons à un étrange ballet. Un amendement 82 de la commission a d'abord admis que le licenciement économique pouvait servir à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Il a ainsi repris la jurisprudence de la Cour de cassation. Il a subitement été remplacé par un amendement 469 qui semble être plus large que la jurisprudence de la Cour. On comprend que le groupe communiste puisse être déçu.

M. le Président - Pour mémoire, cet amendement est retiré.

M. Hervé Morin - Les retraits successifs montrent la difficulté de contenter tous les membres de la majorité plurielle. Ils montrent surtout combien ce débat est inutile. L'article 321-1 était le c_ur du sujet, la motivation essentielle du texte. Face à l'impossibilité de trouver une position commune, Mme Guigou nous explique astucieusement que le but est de classifier -et non de définir- les licenciements économiques et de mieux protéger les salariés. Mais pour cela, il existe de réelles solutions : le développement des institutions représentatives, la prévention des licenciements par des politiques de qualification, l'amélioration du financement des syndicats. Les mesures que le Gouvernement nous propose ne font que prouver qu'il n'a plus d'imagination et qu'il se contente de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation, transformant ce débat en supercherie.

M. François Goulard - Il est heureux qu'un praticien du droit du travail se soit exprimé, et surtout qu'il appartienne à la majorité plurielle. Si nous avions employé les mêmes termes que lui, nous n'aurions pas suscité la même attention. Alain Tourret a bien démontré que le mythe, entretenu par certains membres de la majorité, de salariés soumis à la dictature du chef d'entreprise sans aucun droit n'est pas conforme à la réalité. Il a démontré que la jurisprudence de la Cour de cassation va très au-delà des textes, et toujours dans le sens de la protection du salarié. Toucher à cet édifice extraordinairement protecteur comporterait des effets pervers. Le dépôt de bilan d'une filiale par exemple est un moyen de licencier en toute commodité, tandis que d'autres entreprises seront dissuadées d'embaucher. Et ces exemples ne sont pas théoriques.

Mme Aubert faisait tout à l'heure une description de l'entreprise qui devait être assez ressemblante au XIXe siècle. Aujourd'hui, le chef d'entreprise n'a pas tous les droits sur des salariés qui n'en ont aucun. Le code du travail et la jurisprudence sont là pour en attester. Et il y a un droit que vous n'ôterez jamais aux entrepreneurs : celui de ne pas entreprendre.

M. Georges Sarre - Nous sommes en effet au véritable c_ur du sujet. Nous vivons une période où les fermetures d'entreprises, les licenciements et les délocalisations tombent comme à Gravelotte.

Mme Muguette Jacquaint - Pour ça, ils entreprennent !

M. Georges Sarre - Et au moment de définir les licenciements économiques, le Gouvernement et la commission s'accordent pour retourner à la case départ. Je suis sidéré. A quoi passons-nous donc notre temps ?

L'article L. 321-1 admet, comme motif de licenciement économique, « notamment » les difficultés économiques de l'entreprise et les mutations technologiques. Cet adverbe a permis à la jurisprudence de dégager d'autres motifs, tels que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. C'est sur cette base qu'ont eu lieu les licenciements Danone et Marks et Spencer ! C'est sur cette base que la jurisprudence estime que la fermeture de la filiale d'un groupe prospère a forcément un motif économique ! Dans ces conditions, il n'est certes pas inutile de revoir l'article L. 321-1.

M. Le Garrec a proposé de supprimer l'adverbe « notamment ». J'y suis favorable. Mais il nous demande aussi d'inscrire dans la loi la notion de sauvegarde de la compétitivité économique. En quoi le droit sera-t-il alors changé ? La jurisprudence pourra en retenir une interprétation très extensive... et l'on revient à la case départ. Les Français attendent un signe fort et je ne pense pas que nous puissions en rester là.

M. Jean Ueberschlag - Nous cherchons une nouvelle définition du motif économique du licenciement. Je regrette que cette question soit abordée par le biais d'un amendement de dernière minute à un texte fourre-tout.

M. Tourret a bien montré que le remède peut être pire que le mal. Votre dispositif, en incluant le motif de la sauvegarde de la compétitivité, reprend la jurisprudence actuelle. De deux choses l'une. Soit vous entendez accréditer l'idée qu'une entreprise bénéficiaire peut licencier ; je ne pense pas que ce soit votre objectif. Soit votre dispositif se comprend comme encadrant strictement les motifs de licenciement, et il devient contraire à la liberté d'entreprendre. Malgré vos déclarations, tout repose alors sur les épaules du juge. Je pense que votre proposition ne peut qu'aggraver la situation et, en mon âme et conscience, je ne peux y être favorable.

Mme Marie-Hélène Aubert - Je conçois qu'il soit habile de déplacer le débat du bien-fondé du motif économique au degré de protection. Mais refuser de modifier la définition du licenciement économique pour la simple raison qu'il est plus protecteur que les autres, c'est donner une liberté totale aux chefs d'entreprise ! Les licenciements qui posent problème aujourd'hui ont lieu dans des entreprises bénéficiaires, qui ne cherchent qu'à augmenter le profit de leurs actionnaires. Personne ne conteste qu'il soit nécessaire de licencier en cas de réelles difficultés économiques, si toutes les voies du dialogue social ont été explorées.Nous voulons agir très en aval du licenciement et tout mettre en _uvre pour dissuader les employeurs qui seraient tentés d'y avoir recours trop facilement de le faire. Du reste, lorsqu'en dernier recours le juge est saisi, la jurisprudence démontre qu'il est parfaitement capable d'apprécier la situation. Les juges sont des gens sérieux et responsables : pourquoi imaginer qu'ils vont procéder à des annulations de licenciements tous azimuts ? Faisons leur confiance d'autant qu'un recours gagnant est toujours profitable au salarié, qui, outre sa réintégration peut prétendre à des dommages et intérêts.

Alors qu'il faut prévenir le licenciement, il semble que le texte ait trop souvent tendance à le considérer comme un fait acquis dont il convient seulement d'encadrer les effets.

Et je réfute par avance tous les arguments communément avancés sur les effets contre-productifs pour l'emploi et sur les risques de délocalisation des entreprises dont seraient porteuses les évolutions qui nous sont proposées.

M. Christian Cabal - Ils sont pourtant fondés !

Mme Marie-Hélène Aubert - A ce compte là, notre pays devrait connaître depuis quatre ans la récession et le chômage. Or son économie se porte plutôt mieux qu'ailleurs quand bien même de nombreuses avancées ont été acquises dans le domaine social. Le dialogue et le progrès social sont compatibles avec la bonne santé de l'économie. Le débat ne se situe plus aujourd'hui entre la liberté d'entreprendre et la protection des droits du salarié : les deux doivent aller de pair. C'est pourquoi je maintiens mon amendement 347.

Mme Muguette Jacquaint - Il y a maintenant plusieurs heures que nous débattons pour tenter de trouver les moyens les plus adaptés pour stopper l'hémorragie de suppressions d'emplois qui frappe notre pays et qui a été décidée par des grands groupes qui réalisent des profits records. C'est du reste cette situation que n'admettent pas nos concitoyens. Chacun peut concevoir qu'une entreprise en grande difficulté puisse être conduite à licencier mais comment accepter qu'un groupe tel qu'Alstom, qui se targue d'avoir réalisé 15 % de profit l'année dernière, envisage de mettre sur le carreau plus de 1 000 salariés à la fin de cette année ? Je suis profondément désolée qu'à l'issue de tant d'heures de débat, on ne nous propose en définitive que de maintenir le droit existant ! Cela n'est pas concevable ! Les Français attendent de nous des mesures susceptibles d'éviter de telles situations. Il y va de l'intérêt des entreprises elles-mêmes.

Certains nous exhortent de ne pas attenter à la liberté d'entreprendre mais que faut-il faire lorsque le seul projet des entrepreneurs semble être de licencier ? (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Faut-il s'y résigner ? Nous ne pouvons l'admettre.

M. Claude Billard - On ne peut en effet se satisfaire du statu quo. Je me vois mal, vendredi prochain, aller vers les salariés d'AOM, qui ont été plus de 8 000 à signer une pétition pour en finir avec cette situation, et leur dire : en matière de licenciement économique, on ne bouge pas !

M. Christian Cabal - Il faut nationaliser !

Mme Muguette Jacquaint - Soyons sérieux !

M. Claude Billard - Je persiste dans l'idée qu'en matière de licenciements, mieux vaut prévenir que guérir et ce ne sont pas les doctes explications de M. Goulard sur l'état de la jurisprudence qui sont de nature à me faire changer d'avis.

M. François Goulard - Je n'explique rien doctement. Je prétends simplement que je sais de quoi je parle.

Mme Muguette Jacquaint - Nous aussi figurez-vous !

M. Claude Billard - Pour ma part, je sais d'autant mieux de quoi je parle que j'ai travaillé en entreprise. Cela me permet d'affirmer que dès lors qu'on ouvre au patronat une possibilité de licencier, il ne sera pas long à s'y engouffrer ! Or en supprimant le mot « notamment », on ouvre la porte à toutes les dérives. Je ne vise pas, bien entendu, les patrons de PME mais les dirigeants des grands groupes transnationaux dont la rentabilité est le seul objectif, au détriment de l'emploi, des dépenses sociales, de l'investissement à long terme et même, en dernier ressort, de l'environnement. (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. le Président de la commission - L'intervention de M. Tourret a été très précieuse car notre souci est de parvenir à une définition qui soit susceptible -comme l'a dit Mme la ministre- de protéger au mieux le salarié. Quelle est l'architecture du dispositif : le TGI veille au respect des procédures et procède à l'analyse du contenu du plan ; le juge des prud'hommes se prononce sur les causes réelles et sérieuses du licenciement. En supprimant le mot « notamment », nous changions la perspective en retenant une vision plus large des situations qui devait cependant rester suffisamment protectrice pour l'ensemble des parties.

En commission, M. Gremetz a fait valoir que l'emploi du terme « réorganisation » était inapproprié. J'observe cependant que c'est Mme Jacquaint qui a introduit cette terminologie en première lecture le 11 janvier 2001 !

Mme Muguette Jacquaint - On a vu depuis ce qu'il en était des réorganisations !

M. Jean Le Garrec - Je comprends que les circonstances aient pu vous conduire à changer de position. Quoi qu'il en soit, faute d'atteindre une définition idéale, la proposition de M. Tourret de nous appuyer sur le corpus extrêmement solide de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation me semble hautement recevable et infiniment préférable à la voie qui consisterait à s'engager sur une piste mal balisée qui risquerait de nous conduire là où nous ne voulons pas aller.

Je me félicite en outre de la proposition de Mme la ministre d'approfondir encore le travail de réflexion sur ce point.

Mme Aubert nous reproche pour sa part de ne pas agir assez précocement mais je lui rappelle que la fiche d'impact social vise justement à créer les conditions qui font que l'on finit par renoncer au licenciement.

A la majorité de 31 voix contre 8 sur 40 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 63 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements 303 et 347, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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