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Session ordinaire de 2001-2002 - 8ème jour de séance, 18ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 16 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      DISCUSSION GÉNÉRALE 10

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 17 OCTOBRE 2001 30

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-François Mattei une question préalable.

M. Marc Laffineur - Ce projet de loi de finances sera le dernier de la législature. Il me semble donc légitime de dresser le bilan de ce qu'aura été votre action, et d'examiner quelles en auront été les conséquences sur les finances de notre pays.

La France est-elle mieux placée aujourd'hui dans la concurrence internationale ? Vos principales décisions politiques ont-elles aidé notre pays ?

M. Dominique Baert - Oui !

M. Marc Laffineur - Je serais pour ma part tenté de répondre que vous avez gâché les occasions que la croissance vous offrait, et ainsi fortement obéré nos capacités futures, particulièrement si la conjoncture vient à se retourner, ce qui est malheureusement en train d'arriver. Mais je traiterai en premier lieu de ce qui ne fâche pas, pour dire que, sous votre impulsion, Monsieur Fabius, le Gouvernement a supprimé ou diminué quelques impôts, ce dont nous nous sommes réjouis, même si, souvent, nous avons contesté la méthode utilisée.

Ainsi, vous avez allégé la taxe professionnelle, réformé la taxe additionnelle sur les droits de mutation et supprimé la vignette et la part régionale de la taxe d'habitation. Autant de mesures qui ne constituent pas une réforme fiscale, mais qui ont été positives. Nous déplorons cependant avec force qu'elles aient été décidées par le Gouvernement sans même que les collectivités concernées aient été averties, quand il s'agissait d'impôts locaux. Nous dénonçons aussi le fait que ces mesures vont être en partie payées par ces mêmes collectivités locales puisque les sommes qui leur seront versées en compensations ne couvriront pas, tant s'en faut, celles qu'elles auraient dû encaisser.

La diminution d'un point de la TVA et les baisses d'impôts sur le revenu ne péchaient pas par le même défaut de conception. Mais enfin, ces mesures sont bien légères au regard de tout l'argent que la croissance a fait entrer dans les caisses de l'Etat, et vous n'avez pas rendu aux Français les fruits de la croissance. Plus grave encore : vous n'avez pas utilisé ces cagnottes successives pour mieux préparer leur avenir. Les dépenses ayant continué d'augmenter, le déficit n'a pas été résorbé autant qu'il aurait été nécessaire. Quant aux prélèvements obligatoires, ils auront, au cours de cette législature, battu tous les records.

Et parce que les Français n'ont pas réellement bénéficié des retombées de leurs efforts, leur pouvoir d'achat n'a pas autant progressé que la croissance. La poussée des prix des produits alimentaires, conjuguée aux multiples hausses liées à l'entrée en vigueur prochaine de l'euro, menacent le pouvoir d'achat de nos compatriotes. Une récente étude de l'INSEE souligne que le revenu des ménages sera amputé en 2001 de 0,3 % de plus qu'en 2000, et toutes les craintes sont permises pour 2002. Le passage forcé aux 35 heures a contribué à une stagnation des salaires ; la forte baisse du CAC 40 également.

Entre l'argent prélevé et l'argent rendu, le compte n'y est malheureusement pas, d'autant que vous avez créé quelque 15 impôts nouveaux : la TGAP, la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe sur les heures supplémentaires, la taxe sur l'industrie pharmaceutique, la taxe sur les heures supplémentaires, la taxe sur l'industrie pharmaceutique, la taxe sur les contrats d'assurance-vie, le prélèvement sur les revenus des radiologues et des biologistes... Récemment encore, le rapport Charzat soulignait l'effet dissuasif d'une fiscalité qui est l'une des plus élevées d'Europe et l'une de celles, aussi, qui a le moins baissé.

Les marges de man_uvre que la croissance vous a données auraient dû vous permettre de faire beaucoup mieux. Et comme nos dépenses n'ont pas diminué, les baisses d'impôts annoncées aujourd'hui ne seront peut-être pas pérennes. Il est difficile, en effet, de faire vraiment baisser les prélèvements alors que le Gouvernement ne s'engage pas dans une réelle politique de maîtrise des dépenses publiques.

Tous les ans depuis 1997, la dépense publique a progressé beaucoup plus vite que l'inflation. Notre retard sur nos partenaires s'en est trouvé aggravé : notre part de dépenses publiques par rapport à notre PIB était de 53 % en 2000, et de 48 % en moyenne dans les autres pays européens. Le budget de l'Etat s'est sans cesse accru, passant de 1 545 milliards de francs en 1997 à 1 745 milliards en 2002.

Vous n'avez pas su utiliser les années de croissance soutenues pour procéder à une véritable réforme de l'Etat, de ses structures, de ses coûts de gestion et du travail de ses personnels. Et bien que Lionel Jospin ait promis, en 1997, de stabiliser les effectifs de l'Etat, leur gonflement a été continu. En fait, l'accroissement des effectifs a souvent remplacé des réformes qualitatives ou structurelles. La sécurité illustre ce phénomène : on augmente les effectifs sans rien réformer, malgré des dysfonctionnements certains.

En outre, la progression générale des dépenses s'est paradoxalement accompagnée d'une baisse constante des investissements. Ainsi, les dépenses civiles en capital ont été réduites de moitié depuis 1997, ce que je trouve inquiétant pour l'avenir de notre pays.

De plus, la très forte progression de la dépense publique est plus importante encore si l'on tient compte des débudgétisations auxquelles vous avez procédé pour financer les 35 heures ou encore la CMU.

Votre défaut de maîtrise des dépenses menace notre équilibre budgétaire, car vous avez financé ces dépenses durables par des recettes conjoncturelles issues d'une croissance forte. Le risque est donc grand de voir les déficits s'aggraver très vite si la conjoncture faiblit.

Si depuis 1997, vous avez diminué les déficits budgétaires d'année en année ; il apparaît de plus en plus que cela ne sera pas le cas pour l'année en cours. Ainsi, pour la première fois depuis 1995, le déficit budgétaire recommencera à augmenter. Quant aux baisses que vous avez réalisées, elles sont bien modestes au regard des moyens dont vous avez disposé pour assainir les finances publiques. Dois-je vous rappeler qu'entre 1993 et 1997, le déficit public est passé de 480 milliards à 260 milliards ? Cet effort, qui a été mal récompensé lors des élections de 1997, a pourtant permis que la France soit qualifiée pour l'euro.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Pas grâce à vous !

M. Marc Laffineur - Dans ce domaine encore, nous faisons moins bien que nos partenaires européens, qui ont su profiter de la croissance pour se fixer pour objectif l'équilibre budgétaire que certains ont déjà atteint grâce à des efforts de modernisation ambitieux. Alors que le déficit moyen est, en Europe de 0,5 % du PIB, nous sommes à 1,3 %, et nous risquons fort de voir ce pourcentage s'aggraver encore à la fin de l'année.

Tout cela nous rappelle d'autres périodes d'occasions gâchées : les gouvernements de Michel Rocard et de Pierre Bérégovoy.

En quatre ans, la dette de l'Etat s'est accrue de 1 000 milliards de francs. Le remboursement de la dette constitue le deuxième poste de dépenses du budget, avec près de 250 milliards d'intérêts. La dette publique représente une facture de 90 000 francs par Français.

Vous auriez pu retrouver des marges de man_uvre si vous aviez mis en _uvre une politique plus ambitieuse de réduction du déficit. Au lieu de cela, vous avez multiplié les sources de dépense, qui alourdiront encore le déficit si la croissance, soutenue jusqu'à présent, ralentit.

Vous n'avez, par ailleurs, apporté aucune solution au délicat problème des retraites, et notamment des retraites des fonctionnaires. Après avoir pris connaissance des conclusions du rapport que vous aviez commandé à M. Charpin, vous avez fait preuve d'immobilisme, le dossier étant sans doute trop sensible à l'approche d'échéances électorales. Il relevait pourtant de la responsabilité de votre gouvernement de poursuivre la réforme de notre système de retraites, déjà engagée pour les salariés du secteur privé et que la pyramide des âges, dans notre pays, rend indispensable. Le retard qui vous est imputable rendra les évolutions nécessaires plus douloureuses et plus périlleuses.

Malgré la progression de la délinquance, vous n'avez pas apaisé les inquiétudes de nos concitoyens, et vous vous êtes contentés d'effets d'annonce, avec la police de proximité ou les contrats locaux de sécurité, sans que l'insécurité ne recule. La loi sur la présomption d'innocence a aggravé la situation et entravé l'action de la justice et de la police ; de plus, elle a plus profité aux criminels qu'aux petits délinquants (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Vous avez créé l'allocation dépendance, qui est une bonne mesure, mais vous la faites supporter par les collectivités locales...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - En partie seulement.

M. Marc Laffineur - Monsieur le Président du Conseil général des Landes, vous savez bien ce qu'il en est !

M. le Président de la commission des finances - Au moins dans les Landes, les personnes âgées sont heureuses ! (Sourires)

M. Marc Laffineur - Mais chez nous aussi, croyez le bien ! Cette charge nouvelle pour les collectivités n'est pas conforme à l'esprit de la décentralisation. Du reste, la décentralisation n'a guère progressé au cours de la législature qui a conduit plutôt à un mouvement inverse continu de re-centralisation. Que dire enfin des emplois-jeunes ou des 35 heures ?

Les emplois-jeunes ne sont pas une réussite (« Si ! »sur les bancs du groupe socialiste), puisque le problème latent du devenir des jeunes au terme des cinq ans n'a pas été résolu. Quant aux emplois-jeunes du privé, on les attend encore ! S'agissant des 35 heures, nous ne pouvons que condamner votre choix d'en avoir fait une obligation aveugle, applicable à l'ensemble des secteurs ; vous avez ainsi fragilisé nombre d'entreprises et entamé le pouvoir d'achat des salariés concernés. Et que dire du coût considérable pour le contribuable du financement de la réduction du temps de travail dans le secteur public ?

J'en viens au projet de loi de finances proprement dit.Les années passent et vos prévisions restent marquées par un excès d'optimisme. En 2000, vous annonciez 3,3 % de croissance et vous repoussiez toutes nos objections d'un revers de main. Or, et je le déplore, les faits nous ont donné raison. Ainsi, vous avez été conduit à revoir par deux fois votre prévision initiale pour la ramener à 2,3 %. L'INSEE quant à elle table plutôt sur 2,1 % dans sa note de conjoncture intitulée « l'automne au ralenti », laquelle ne tient pas compte des répercussions probables des odieux attentats du 11 septembre. Vous ne niez d'ailleurs pas les risques qui découlent de ces actes monstrueux. Dans ces conditions, il est à craindre que même l'hypothèse de 2,1 % ne soit pas tenue.

Au 31 août 2001, le déficit du budget de l'Etat s'élève déjà à près de 250 milliards de francs, soit 26 milliards de plus que l'année dernière à la même période. Par conséquent, l'écart entre le budget exécuté et la loi de finances initiale dépasse les 50 milliards de francs.

Sans doute me répondrez-vous que les recettes de la fin de l'année ont été sous-estimées mais, Monsieur le ministre, croyez-vous vraiment que la fin de l'année sera bonne et que la consommation se maintiendra au niveau de l'année dernière ? De plus, la forte progression du déficit pour 2001 est liée à la baisse sensible de la TIPP et il semble fort peu probable que la consommation de produits pétroliers augmente avant la fin de l'année. Enfin, les recettes de l'impôt sur le bénéfice des sociétés vont certainement diminuer, du fait des mauvaises perspectives économiques et des nombreux plans de licenciements qui s'annoncent. La conjoncture récente entraîne de nouvelles difficultés pour des secteurs entiers de notre économie : l'industrie touristique et les transports aériens sont ainsi particulièrement touchés. Et que dire du secteur des valeurs technologiques qui ont du mal à payer leurs dettes vis-à-vis de l'Etat ?

Le budget de l'année en cours enregistrera donc un déficit nettement supérieur à celui qui était prévu. Un tel décalage aurait dû vous inciter à la prudence mais il n'en a rien été.

Pourtant, tout cela n'est pas nouveau et vous disposiez de nombre d'éléments pour apprécier les difficultés économiques auxquelles notre pays est aujourd'hui confronté.

La ralentissement économique mondial a commencé bien avant septembre et il a freiné les exportations et les investissements des entreprises françaises. Du reste, l'ensemble du commerce mondial est déprimé. Alors que vous attendiez pour 2001 une progression des investissements des entreprises de 6,9 %, nous ne dépasserons sans doute pas les 4 %.

Deuxième facteur de croissance, la consommation des ménages. Mais là encore, les nuages s'accumulent. Face à l'incertitude, le risque est grand que les Français reconstituent une épargne de précaution. De même, la baisse du chômage s'essouffle et les réformes de structure pour assainir nos finances publiques ne sont pas intervenues malgré les fantastiques marges de man_uvre dont vous avez bénéficié depuis 1997 ! L'avenir des retraites n'est pas garanti et par comparaison avec nos partenaires européens, nous avons manqué bien des occasions d'améliorer sensiblement notre solde budgétaire. Non contents de ne pas engager les réformes essentielles pour le pays, le Gouvernement a multiplié les sources de dépenses non financées - et je pense notamment aux 35 heures, à la CMU ou aux emplois-jeunes.

Les Français se rendent bien compte que le contexte a changé. Dès lors, il ne faut pas que le Gouvernement pratique la méthode Coué en répétant que tout va bien, dans le but de maintenir la croissance. Nous arriverions au résultat inverse de l'effet recherché. On ne peut pas renforcer la confiance de nos concitoyens en leur disant des choses contraires à la réalité qu'ils peuvent d'eux-mêmes constater ! Le meilleur moyen de soutenir la confiance des consommateurs, c'est de faire confiance aux Français...

Telle n'est pas, à l'évidence, l'option que vous avez retenue pour élaborer le PLF pour 2002. Force est en effet de constater que vous avez bâti un budget virtuel, déconnecté du contexte mondial et irréaliste.

Pour justifier sa politique, Lionel Jospin a déclaré ici, la semaine dernière, lors des questions d'actualité, que la France pouvait se prévaloir, malgré les difficultés actuelles, de la plus forte croissance en Europe. Mais vous saviez bien, Monsieur le ministre, que ce n'est malheureusement pas le cas puisque l'Irlande, l'Espagne et le Royaume-Uni, notamment, affichent une croissance supérieure à la nôtre !

Votre projet est bâti sur une hypothèse de croissance de 2,5 %. Personne ne peut y croire ! Les instituts tablent plutôt sur une croissance de 1 % à 5 %. Sachant que 1 % de croissance représente 90 milliards et que les prélèvements sont d'environ 45 %, 1 % de croissance en moins - hypothèse vraisemblable pour 2002 - représente 40 milliards de déficit supplémentaire à répartir entre l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités locales...

De tels écarts ne traduisent pas de simples erreurs d'appréciation mais votre volonté délibérée de présenter un budget en équilibre coûte que coûte, à quelques mois des élections présidentielle et législatives.

Parallèlement, et en contradiction flagrante avec tout principe de saine gestion des finances publiques, les dépenses vont encore fortement progresser. Les 2 % de hausse que vous affichez se transforment en effet très vite en 4 % si l'on veut bien considérer les dépenses qui ont pris la forme de prélèvements sur recettes et notamment, les concours aux collectivités locales et à l'Union européenne. Malheureusement, ce ne sont pas les dépenses en investissement qui profiteront de cette progression, puisque 4,27 milliards d'euros des 4,9 milliards de hausse sont imputables à des dépenses de personnel.

Pour tenter de couvrir ces dépenses, vous mobilisez à l'envi des recettes non fiscales en feignant d'oublier qu'elles ne seront utilisables qu'une seule année et que vous faites ainsi jouer un fusil à un seul coup ! Près de 6 milliards d'euros seront prélevés à divers organismes publics pour boucler les comptes : l'ORGANIC, la CADES, le 1 % logement et EDF-GDF seront ainsi mis à contribution.

Malgré toutes ces recettes supplémentaires, le déficit augmente de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. C'est dire si les risques de nouveau dérapage sont élevés puisque les estimations sur lesquelles reposent votre budget ne sont pas crédibles.

Bien sûr vote annoncez quelques mesures positives (« Mais nous ne l'avons pas fait exprès ! » sur les bancs du groupe socialiste - Sourires). Vous ouvrez aussi - enfin - le PEA aux actions européennes et aux placements dans l'innovation, vous appliquez le deuxième volet de votre plan triennal de baisse de l'impôt sur le revenu et vous prenez quelques mesures en faveur des logements sociaux, de la protection de l'environnement ou des associations.

Mais où est l'effort en direction du pouvoir d'achat ? Et où sont les mesures concernant les entreprises ?

Vous disposiez pourtant du rapport Charzat, sur l'attractivité du territoire, salué pour sa justesse lors de sa parution. L'UIMM y avait même vu une lueur d'espoir, formant des v_ux pour que l'application rapide de certaines propositions fournisse un ballon d'oxygène aux entreprises, donc à l'emploi, donc à la prospérité des Français. A l'évidence, ces v_ux n'ont pas été entendus. Pourtant, comment ne pas partager le constat de Michel Charzat : « La France a des atouts reconnus - le territoire français, la qualité des hommes et des femmes, la qualité de vie - mais aussi des faiblesses : une fiscalité jugée dissuasive, un environnement juridique et social considéré comme peu propice aux affaires ». Partant, le rapport insiste sur la nécessité de renforcer la vocation mondiale de la France tout en consolidant l'enracinement national de nos entreprises.

C'est ainsi que l'auteur en appelait à des réformes profondes de notre fiscalité : baisse significative de l'impôt sur les sociétés, encouragements fiscaux aux investissements des particuliers, développement de l'épargne salariale, évolution de la législation sur l'ISF, etc. En réponse le Gouvernement n'annonce que quelques « mesurettes » alors que je ne doute pas que vous êtes vous-même, Monsieur le ministre, en grande partie favorable aux propositions de Michel Charzat.

Votre budget ne prépare pas l'avenir, il ne vise que le très court terme. Sans réelles baisses d'impôts, malgré les fruits de la croissance, sans réduction du déficit, alors que nos voisins ont su, quant à eux, profiter des excédents pour assainir leurs finances publiques, votre projet de loi de finances ne laisse entrevoir aucune solution au problème des retraites.

Rien de cela n'est de nature à rassurer nos compatriotes. Le Gouvernement encourage indirectement l'épargne de précaution et le report des investissements. Dans une conjoncture troublée, en l'absence de réformes structurelles et devant le risque d'un déséquilibre budgétaire grandissant, les Français réagissent avec leur bon sens.

Avec une hypothèse de croissance bien trop optimiste, et pour tout dire irréaliste, la majorité plurielle veut laisser les comptes en apparent équilibre pour le dernier budget de la législature, à quelques mois des prochaines élections.

Les comptes sociaux, d'ailleurs, ont été bâtis dans le même esprit. La loi de financement de la sécurité sociale repose sur la même surestimation de la croissance, sur une augmentation de l'emploi de 1,7 % et une croissance des salaires de 3,3 %.

Malheureusement, ni l'emploi, ni les salaires n'évolueront dans de telles proportions.

Le retour d'un chômage croissant entraîne mécaniquement une diminution des recettes de la sécurité sociale. L'écart entre les cotisations prévues et celles qui rentreront sera de 20 milliards, selon les instituts de prévision non gouvernementaux.

Ce qui est vrai pour l'assurance chômage l'est aussi pour l'assurance maladie. Les prévisions de dépenses ont été minorées. On prévoit une hausse des dépenses de 3,8 % alors qu'elle a été de 5 % en moyenne ces deux dernières années et que les hôpitaux vont passer aux 35 heures le 1er janvier prochain. Malgré cette minoration, la CNAM a déjà un déficit prévisionnel de 13 milliards. Je ne dis rien des dépenses nouvelles de l'année 2002, comme la prise en charge des maladies professionnelles - ou l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

Le financement des 35 heures va peser en plus sur les comptes sociaux.

Au total, il va se creuser un trou de 80 à 100 milliards de francs. Même en divisant par 6,559 pour calculer cette valeur en euros, cela reste considérable. On arrive à ce chiffre en évaluant les pertes de recettes qui se produiront lorsque vous aurez été obligés de revenir sur vos hypothèses de départ pour épouser celles de l'INSEE et en tenant compte du déficit inévitable de la sécurité sociale. Après cinq années de forte croissance, nous serons revenus au déficit de 1997, alors que les gouvernements précédents, que vous avez beaucoup critiqués, avaient réussi à ramener le déficit public de 480 à 260 milliards.

Quelles sont vos propositions ?

Le Gouvernement n'envisage que des demi-baisses d'impôts, sans prendre de mesures favorable au développement des entreprises, malgré les préconisations de Michel Charzat. Dans une situation économique délétère, il est urgent d'adresser des signaux forts à nos compatriotes, en baissant fortement les impôts. Le préalable est logique : pour baisser les impôts, il faut baisser la dépense.

Aussi, dans un premier temps, il faut adopter un plan de maîtrise des dépenses publiques, avec un objectif clair : moins 1 % par an.

Une fois ces économies dégagées, il convient de baisser l'impôt sur le revenu afin d'encourager l'initiative, comme l'ont fait tous nos partenaires européens. Cette réforme avait été engagée par la majorité précédente, mais elle a été abandonnée par le gouvernement Jospin.

Archaïque, compliqué, très concentré, puisque 50 % des foyers fiscaux en sont exonérés, l'impôt sur le revenu n'est absolument pas progressif et ne fait que pénaliser les classes moyennes. La prime pour l'emploi, bien astucieuse, vient encore compliquer le dispositif, même si je suis personnellement favorable à ce dispositif.

Ces dernières années, le Gouvernement a accentué la pression fiscale sur les ménages, les familles et les retraités. La diminution du plafond du quotient familial a ainsi pénalisé 280 000 familles. Il faut rétablir le plafond de 10 % sur les pensions.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Combien ça coûte ?

M. Marc Laffineur - J'ai dit qu'il fallait d'abord faire des économies (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, le taux réduit de TVA devrait s'appliquer à certains secteurs, comme celui de la restauration, qui souffre de la concurrence des fast food. Vous avez fait volte-face sur cette question, puisque vous vous êtes déclarés sensibles aux difficultés de ce secteur il y a quelques années, mais n'avez rien fait pour lui venir en aide.

M. le Ministre des finances - Combien ça coûte ? Vingt milliards !

M. Marc Laffineur - Vous auriez pu puiser quelques idées dans le rapport Charzat, comme la suppression de l'impôt sur les opérations de bourse ou celle de la contribution des institutions financières.

Alors que le monde agricole traverse une crise majeure, il faudrait prendre des mesures adéquates pour favoriser la transmission des exploitations, favoriser la création de groupements d'exploitants, améliorer leur situation fiscale, favoriser l'investissement dans les sociétés agricoles...

M. Dominique Baert - Demain, on rase gratis !

M. Marc Laffineur - Evidemment, le monde agricole ne vous intéresse pas (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission - Monsieur Laffineur, savez-vous combien coûte un kilo de broutard ? (Sourires)

M. Marc Laffineur - Cela dépend s'il est labellisé...

M. le Président de la commission - Mais le broutard n'est jamais labellisé ! Et vous prétendez vous intéresser aux questions agricoles ?

M. Marc Laffineur - Au lieu de prendre des mesures d'envergure, vous nous présentez un budget anémique. Plus grave encore, vous ne tenez pas compte des nouvelles conditions géopolitiques mondiales.

Optimistes cet été, les prévisions du Gouvernement sont devenues purement irréalistes depuis les attentats du 11 septembre. Compte tenu des bouleversements que risque d'entraîner cette crise, il nous faut reporter le vote de notre budget. Nous devons revoir nos hypothèses de croissance et notre budget de la défense.

Il apparaît en effet de manière flagrante que la France, dans les événements actuels, se trouve bien impuissante. Cette situation révèle les lacunes de notre armée, qui se trouve dans l'incapacité de dépêcher un porte-avion ou de déployer des missiles de croisière à partir de ses sous-marins. Sur le plan aérien, sans bombardiers lourds, la France ne pourrait que rester spectatrice.

Nous avons le devoir de garantir la sécurité de notre pays. Mais ce souci n'apparaît pas dans votre budget, alors que les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi l'Allemagne, ont revu leur budget de la défense à la hausse.

En définitive, votre budget n'est pas sincère. Il ne permettra pas à la France de tenir sa parole et ne laisse aucune marge de man_uvre pour relancer notre économie.

Le Gouvernement doit reporter sa présentation, afin de le corriger. C'est le sens de cette motion.

C'est pourquoi, au nom de l'ensemble des députés du groupe Démocratie libérale et indépendants, nous demandons à l'Assemblée nationale d'adopter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Ministre - Si j'ai bien compris le discours charpenté de M. Laffineur (Sourires sur les bancs du groupe socialiste), il tient tout entier dans cette idée que le Gouvernement devrait reporter l'examen du budget. Indiscutablement, voilà une mesure de nature à rétablir la confiance... Ce serait, Monsieur le député, une première. Ce ne sera pas pour aujourd'hui.

.M. Dominique Baert - Pouvons-nous croire en la capacité de l'opposition et de M. Laffineur ? Ont-ils les diplômes requis pour nous donner des leçons ? Il suffit pour en juger de vérifier quelques unes de leurs prévisions passées... Ainsi, pour le budget 1998, le Gouvernement avait prévu une croissance de 3 %. Mais, nous assurait Philippe Auberger, « on peut avoir des doutes sérieux sur la réalisation des prévisions économiques associées à la loi de finances, et en particulier sur l'obtention du taux de croissance de 3 % ». Sans croire aujourd'hui à un tel aveuglement, je n'aperçois pas pour l'année prochaine les raisons d'une amélioration significative de la conjoncture et de la croissance. Quand un projet de budget est aussi dangereux pour notre pays que celui qui nous est présenté cette année, il n'y a pas de doute, nous avons bien affaire à un véritable budget socialiste : un budget de dépenses et de prélèvements qui hypothèque lourdement l'avenir. « Or, la croissance a changé de nature. Elle est instable » ajoutait Marc Laffineur. Pierre Méhaignerie poursuivait « Nous sommes persuadés que votre politique ne sera pas un moteur mais un frein à la croissance ». Et Gilles Carrez concluait « Or, justement, et sans vouloir jouer les Cassandre, la prévision de 3 % apparaît de moins en moins crédible ». Pourtant, la croissance fut cette année là de 3,4 %...

Pour le budget 1999, le Gouvernement tablait cette fois sur 2,7 % et Gilles Carrez dénonçait « un budget qui veut endormir les Français dans l'illusion trompeuse que la croissance est là ». Marc Laffineur, lui, voyait « déjà que la croissance de notre pays n'atteindrait pas les 2,7 % prévus. Tous les instituts retiennent désormais des chiffres qui se situent plutôt entre 2 et 2,4 %. Le décalage entre la croissance espérée et la croissance effective sera d'au moins un demi-point ». La croissance fut, cette année là de 2,9 %...

En 2000, les prévisions du Gouvernement étaient entre 2,6 % et 3 %, la croissance fut de 3,1 %. Enfin, l'an dernier, l'oppositoin se hasarda moins à critiquer les précisions - chat échaudé craint l'eau froide - même si Gilles Carrez jugeait « l'hypothèse du baril à 25 dollars plutôt optimiste » et si la stabcroissance » lui paraissait « bien menacée ». Bien vu : aujourd'hui même, le cours du baril est à 22,4 dollars...

La démonstration est ainsi faite que votre clairvoyance est, pour reprendre l'expression d'un ancien Premier ministre, plutôt indéfendable.

Ce budget, il nous faut le voter pour soutenir les dépenses publiques - pour vous, maîtrise signifie baisse - afin de satisfaire les besoins de la population ; pour réduire le déficit - vous avez eu l'obligeance de souligner les efforts faits en ce sens -, pour alléger les impôts et soutenir le pouvoir d'achat.

Vous avez dit « Coué », je vous réponds couette (Rires sur les bancs du groupe socialiste) : couette de la crainte, de la frilosité sous laquelle vous vous réfugiez. Eh bien, restez-y ! La majorité, elle, a choisi un autre chemin, celui de l'action et de la solidarité. Le budget y contribue, avançons ! Il est temps de commencer à travailler !(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Charles de Courson - M. Laffineur l'a excellemment démontré, ce budget, s'il n'est celui du mensonge d'Etat, ne respecte aucun des principes de clarté et de transparence. Vous y faites du Bérégovoy, nous voilà revenus à la fin de 1992...

Mme Nicole Bricq - Pas du tout !

M. Charles de Courson - Plus personne ne sait aujourd'hui où l'on va. Dans une telle situation, il faut se montrer prudent, se donner des marges de man_uvre. Au lieu de cela, ne menant à bien aucune réforme, vous continuez à laisser déraper les dépenses pour laisser, comme à la fin de 1992, un trou béant. Et, les cycles économiques électoraux sont ainsi faits, c'est comme toujours l'opposition qui devra redresser la barre (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Parce que vous êtes profondément dépensophile, comme disait M. Fabius quand il n'était pas au Gouvernement, vous menez le pays dans le mur. C'est pourquoi le groupe UDF votera cette question préalable.

M. Gilles Carrez - Marc Laffineur a fait quelques rappels salutaires. Tout d'abord, les prévisions de ce budget sont désormais caduques. Se montrer déterminé ne signifie ni que l'on applique la méthode Coué, ni que l'on prend les Français pour des ignares. Il est vrai que la prévision est un art difficile, M. Baert l'a rappelé. Voilà qui devrait tous nous inciter à la modestie d'autant que le seul qui ne se soit pas trompé ces dernières années était celui qui avait parlé de « trou d'air ». Ce qui est certain aujourd'hui, c'est qu'après le 11 septembre vous vous trompez dans vos prévisions.

Deuxième rappel : s'il y avait eu une vraie comptabilité, sincère, exhaustive, on aurait constaté que, depuis quatre ans, les dépenses de l'Etat dérivent à grande vitesse.

Troisième rappel : en creusant les déficits, ce budget, pas plus que le précédent ne prépare l'avenir. Il inquiète donc les Français plutôt qu'il les rassure car ils se demandent si vous préparez un remake de la période 1992-1993.

M. Gilbert Gantier - Quel cauchemar !

M. Gilles Carrez - Si convaincant dans ses intentions, le ministre de l'économie est bien décevant quand il passe aux actes car il est ligoté par sa majorité et toutes ses bonnes idées - baisse des impôts, maîtrise des dépenses, réforme de l'Etat -, subissent l'une après l'autre le même sort funeste.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera cette excellente question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Christian Cuvilliez - Ce projet revêt cette année une importance toute particulière, parce qu'il est le dernier de la législature, et surtout parce qu'il s'inscrit dans un contexte fortement fragilisé par la situation internationale. Comme le soulignait récemment Alain Bocquet, « nul n'est en mesure aujourd'hui d'évaluer les bouleversements politiques, économiques, culturels et sociaux qui résulteront de ce drame survenu le 11 septembre ». Malgré les propos rassurants tenus à cette tribune, l'architecture générale de ce budget nous paraît donc contestable, en raison aussi de la fragilité des hypothèses de croissance.

Dès avant l'horrible attentat du World Trade Center, la croissance dans la zone Euro n'avait été au deuxième trimestre que de 0,1 %, contre 0,5 % au trimestre précédent. L'activité s'est déjà contractée en Belgique et en Finlande, elle est restée étale en Allemagne et en Italie bien que la Banque centrale européenne ait peu modifié ses taux. En France, l'INSEE vient, comme vous le savez, de réviser à la baisse ses prévisions pour 2001 ; le Gouvernement a fini par admettre que la croissance 2002 devrait être de 2,2 % et non de 2,5 % comme le prévoyait le projet de budget.

De plus, si le taux de chômage stagne depuis plusieurs mois à 8,5 % pour l'ensemble de la zone euro, l'annonce au mois d'août de 270 000 suppressions d'emplois laisse présager une prochaine dégradation. C'est bien pourquoi nous continuons à demander un moratoire des licenciements ; d'autant que la baisse du nombre de créations d'emplois s'est généralisée. Selon Les Echos, « le repli le plus net a été observé dans l'industrie avec 2 600 emplois supprimés, après 21 mois consécutifs de créations de postes. Le secteur des industries des biens de consommation a payé le plus lourd tribut : 6 200 emplois supprimés en trois mois ».

Dans le même temps, les marchés sont fragilisés, les bourses oscillent, alors que l'explosion surréaliste de l'économie virtuelle est à l'origine de bien des désillusions après des pertes d'emplois massives et l'évaporation des valeurs financières spéculatives.

Dans ce contexte de ralentissement, il convient de donner au budget de la consistance, pour résister à cette décélération ; pour tenir nos priorités en termes d'emploi ; pour imprimer aux choix budgétaires une orientation sociale. Il convient de créer les conditions, comme l'a rappelé Robert Hue, « d'une relance européenne concertée pour soutenir la croissance », et les nouvelles baisses d'impôts accordées aux entreprises ne constituent pas la bonne méthode.

Au moment où tout démontre la nécessité d'un effort soutenu dans de nombreux domaines d'intervention des services publics, il n'est plus possible d'accepter le carcan de la Banque Centrale Européenne et du pacte de stabilité.

Est-il opportun de continuer à multiplier les allégements d'impôts pour les entreprises - 9,2 milliards pour la suppression de la surtaxe Juppé, 100 milliards pour les 35 heures - sans les conditionner à un comportement vertueux ? Il conviendrait au contraire d'augmenter les dépenses publiques utiles dans le domaine de la santé, de la recherche, de la formation ou de la sécurité. Alors que l'on appelle les ménages, aux Etats-Unis comme en France, à un « patriotisme économique », les investisseurs se disent tentés par la grève de l'investissement, pour des raisons bien plus politiques qu'économiques. Les discours du MEDEF, largement relayés par la droite, sur la fiscalité « confiscatoire » et les risques de délocalisations, ne répondent ni à cette exigence de « patriotisme économique » ni aux appels à l'harmonisation des régimes fiscaux applicables aux activités économiques et financières, alors que la Commission de Bruxelles fixe des règles drastiques, et parfois aberrantes, pour la TVA sur la consommation.

C'est pourquoi les députés communistes ont défendu en commission plusieurs amendements visant à favoriser une plus juste répartition de l'effort entre revenus du travail et revenus du capital. C'est l'esprit qui nous anime lorsque nous proposons des mesures d'amodiation de l'avoir fiscal, de l'impôt sur les sociétés, voire une amélioration du barème et de l'assiette de l'ISF pour plus d'efficacité économique. J'espère, Monsieur le ministre, que vous confirmerez qu'il n'est pas question d'accélérer la baisse de l'impôt sur les sociétés par une anticipation d'un an de la suppression de la surtaxe Juppé, laquelle doit être liée de toute façon à des créations d'emplois ou d'activités utiles. De même, je souhaite voir confirmer la décision de la commission de ne pas revaloriser le barème de l'ISF.

Nous attendons aussi des mesures conjoncturelles, qui peuvent préfigurer des réformes de structure. Le doublement de la prime pour l'emploi en 2002 a été adopté sans débat, mais nous attendons une mesure supplémentaire dans le cadre du collectif pour 2001. Il faudra étudier de près la mesure qui permettrait le départ en retraite avant 60 ans d'un salarié ayant 40 années de cotisation - même si elle relève de la loi de financement.

La suppression de la taxe sur les salaires pour les établissements hospitaliers et les associations sans but lucratif, a fait l'objet d'un débat animé en commission. Une telle mesure contribuerait à résoudre la crise des effectifs hospitaliers et de la RTT. Si nous l'accompagnons d'une baisse de la TVA pour les travaux dans les hôpitaux, nous pourrons répondre complètement aux problèmes liés au manque de moyens. La même volonté de donner au peuple de gauche des signes visibles nous conduira à proposer des mesures d'exonération de la redevance TV, sur des critères de ressources, et non d'âge, et avec remboursement à l'euro l'euro pour le pôle public de France Télévision.

Mon collègue Jean Vila y reviendra, nous proposons également d'alléger la fiscalité locale, et notamment le foncier bâti pour nos concitoyens aux revenus les plus modestes.

Les communistes, soucieux de respecter l'équilibre général du budget, proposent aussi des recettes supplémentaires, par exemple le maintien de la contribution des compagnies pétrolières, dont on a vu combien elles coûtent à la collectivité, ou bien l'intégration des actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle.

Par ailleurs, dans le contexte international que l'on connaît, et face à la nécessité d'imposer une mondialisation des hommes et des citoyens comme rempart à la puissance des marchés, nous soutiendrons la taxation à 0,05 % des mouvements de capitaux spéculatifs.

Vous avez déclaré, lors de l'assemblée générale du Crédit Mutuel, Monsieur le Ministre, que « le choix du Gouvernement, c'est l'utilisation de la meilleure des politiques possibles pour aider le rebond, avec les moyens qui sont les nôtres, de façon à soutenir la consommation, à encourager l'investissement et à favoriser l'emploi ». Nous souscrivons à cet objectif légitime, mais au moment où l'emploi et les salaires sont au c_ur des mouvements qui rassemblent aujourd'hui les hospitaliers, les cheminots, les agents de toutes les fonctions publiques, ainsi que les travailleurs menacés par les plans sociaux chez Lu, Danone, Marks & Spencer, Moulinex, La Tregor Valley, Philips, Alcatel, Lucent, toutes les victimes des licenciements boursiers, il ne fait aucun doute que des réponses qui seront apportées à nos demandes dépendront dans les semaines qui viennent non seulement notre engagement d'élus solidaires du Gouvernement et de sa majorité, mais surtout le soutien du peuple de gauche dont nous sommes, vous et nous, l'expression politique, avec des marges de confiance aujourd'hui réduites, mais que nous avons le devoir de reconstituer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Charles de Courson - Je m'efforcerai de démontrer deux faits : que votre projet de loi de finances - comme d'ailleurs le projet de loi de financement - constitue un mensonge assez grossier ; ensuite que l'irréalisme de vos hypothèses aboutira au retour d'une situation semblable à celle que nous avons trouvée en 1993 en revenant au pouvoir.

M. Jean-Pierre Brard - Ce dernier risque ne vous menace pas !

M. Charles de Courson - Contrairement à ce que vous voudriez faire croire, votre gestion n'est pas rigoureuse. Les dépenses d'Etat vont s'accroître en effet non de 0,5 % en volume comme vous l'affirmez, mais de 1,8 %. En effet, aux 5,2 milliards d'euros de hausse que vous affichez, il faut ajouter 6,2 milliards dissimulés. Il y a d'abord la hausse des prélèvements sur les collectivités locales, qui passent de 31,7 à 34,7 milliards.

Ensuite, le prélèvement en faveur des Communautés européennes, qui augmente de 1,8 milliard d'euros ; c'est l'effet, me direz-vous, des engagements de la France, mais c'est bel et bien une dépense supplémentaire. Le troisième facteur, c'est le FOREC, soit une nouvelle augmentation d'un milliard d'euros, dont la moitié pour financer les 35 heures : nous n'avons pas fini de payer le « deal » entre Mme Aubry et M. Strauss-Kahn, qui ne voulait pas faire apparaître une trop forte progression du budget de l'Etat. Enfin, les remboursements et dégrèvements en faveur d'organismes autres que l'Etat représentent un surcroît de dépenses de 0,4 milliard d'euros. Total : 6,2 milliards d'euros, ce qui veut dire que les dépenses augmentent en réalité de 11,4 milliards d'euros, soit une progression de 3,3 % en valeur et de 1,8 % - et non de 0,5 % - en volume.

Quelques mots sur la sécurité sociale. L'augmentation des dépenses d'assurance-vieillesse est évaluée officiellement à 3,3 %, et cela paraît réaliste - le drame, c'est que vous n'avez rien réformé, alors qu'il aurait fallu le faire sans attendre l'échéance de 2005. Pour l'assurance-maladie, nous assistons, année après année, à un dérapage compris entre 15 et 20 milliards ; il ne devrait pas en être autrement cette fois-ci. En d'autres termes : pour peu que la croissance disparaisse, un gouffre va se creuser.

Vous voulez faire croire que vous avez baissé les prélèvements obligatoires. Ce n'est pas vrai : en 1997, vous aviez promis qu'il n'y aurait pas de hausse, et il y a eu une hausse de 0,2 point ; en 1998, une baisse annoncée de 0,2 point et une baisse réelle de 0,1 point seulement ; en 1999, il y a eu 0,8 point de hausse au lieu de 0,2 point de baisse ; en 2000, il y a eu 0,4 point de baisse au lieu de 0,5 point ; pour 2001, la baisse réelle est actuellement estimée à 0,3 point au lieu de 0,5, mais pour peu que la croissance fléchisse encore, il n'y aura pas de baisse du tout, et ce pourrait bien être la même chose en 2002. Le résultat, c'est que nous sommes d'ores et déjà à 44,9 % du PIB, au lieu de 44,7 % quand vous êtes arrivés au pouvoir !

Quant aux recettes non fiscales, vous avez fait très fort une nouvelle fois, mais vous avez tiré vos dernières cartouches ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Les dividendes versés par les entreprises publiques passent de 3,8 à 5,7 milliards d'euros, ce qui est pure folie en période de crise économique. Le prélèvement sur la CADES augmente de 1,1 milliard d'euros - encore bravo ! - et je mentionne seulement pour mémoire le prélèvement sur les fonds d'épargne, ainsi que les diverses majorations de frais d'assiette...

Les déficits publics restent stables en apparence depuis trois ans, mais je me suis amusé à faire un petit calcul...

M. Jean-Pierre Brard - Ça ne m'étonne pas ! (Sourires)

M. Charles de Courson - Si la croissance tombe à 1,7 % cette année et ne dépasse pas 2 % l'an prochain, cela se traduira par un demi-point de pression fiscale et sociale supplémentaire, par un demi-point de recettes en moins et 0,3 point de dépenses en plus, c'est-à-dire que le déficit va dépasser les 2 % du PIB. Le grand reproche que je vous fais, c'est d'avoir gâché, une fois de plus, les fruits de la croissance, alors que vous aviez eu la chance incroyable d'arriver au pouvoir six mois après le redémarrage de la conjoncture, à un moment où les recettes fiscales « crachaient » comme jamais !

M. Jean-Pierre Brard - Allons ! Ne soyez pas vulgaire ! (Sourires)

M. Charles de Courson - Comment voulez-vous que nous ne repoussions pas votre budget ? Je le dis tout net : si l'alternance nous ramène au pouvoir dans six mois, il nous faudra une fois de plus prendre des mesures de redressement et engager les réformes que vous n'avez pas voulu faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous, au moins, nous n'aurons pas trompé nos électeurs, tandis que vous, vous serez restés cinq ans au pouvoir sans faire aucune réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean Rigal - Dernier budget de la législature, ce budget est exceptionnel à un double titre : il est, pour la première fois, présenté en euros ; il s'inscrit dans le cadre d'un environnement international très perturbé, notamment par le ralentissement de l'économie américaine et par les incertitudes nées des attentats terroristes du 11 septembre. Il est donc nécessaire de s'arrêter un instant sur les hypothèses retenues par le Gouvernement.

Adopté le 18 septembre en Conseil des ministres, le projet de loi de finances pour 2002 a été construit sur la base d'une croissance de 2,5 % du PIB, d'une inflation de 1,5 % et d'un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % - en diminution constante depuis 2000. C'est peut-être un peu trop optimiste, mais il n'est pas mauvais de faire preuve de volontarisme. J'observe d'ailleurs que le Gouvernement n'a jamais été tant critiqué par son opposition que lorsque les recettes étaient excédentaires au point d'êtres improprement appelées, par d'aucuns, « cagnotte »...

Face à la lente dégradation de la situation économique, et au moment où les Etats-Unis eux-mêmes redécouvrent les vertus de l'intervention de l'Etat, le moment n'est-il pas venu de pratiquer une politique de relance au niveau européen, pour soutenir la croissance et les secteurs les plus menacés ? Nous espérons par ailleurs que l'euro créera un environnement monétaire plus stable, au bénéfice du développement économique et du progrès social.

Ce dernier budget nous offre également l'occasion de dresser un rapide bilan des résultats économiques obtenus par la majorité plurielle depuis 1997. La politique du Gouvernement s'est traduite par des taux de croissance supérieurs à 3 % en moyenne, soit plus que chez nos principaux partenaires de l'Union européenne. Le choix de soutenir la demande intérieure, et en particulier la consommation des ménages, était le bon. La situation de l'emploi s'est considérablement améliorée : 1,7 million d'emplois créés depuis 1997, au lieu d'un demi-million d'emplois perdus sous nos prédécesseurs de droite. Les baisses d'impôts en faveur des ménages et des entreprises ont également joué un rôle économique et psychologique positif. Beaucoup reste à faire, en revanche, pour réduire les inégalités sociales : il est du devoir de la gauche de ne pas oublier nos nombreux concitoyens qui continuent de vivre dans la précarité alors que la richesse nationale s'accroît.

Pour ce qui est de la forme, il faut noter que plusieurs dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances vont entrer en application au 1er janvier prochain.

On peut donc espérer que le Parlement, jusqu'à présent entièrement ligoté par le pouvoir exécutif en matière de contrôle budgétaire, verra son rôle renforcé.

S'agissant des recettes de l'Etat, on constate que le Gouvernement poursuit son plan d'allégement et de réforme des impôts en faveur de l'ensemble des ménages, à hauteur d'environ 40 milliards, avec la baisse de l'impôt sur le revenu et le doublement de la prime pour l'emploi, dont plus de 8 millions de foyers ont bénéficié en septembre.

La fiscalité des entreprises, et notamment des PME, sera également allégée.

Quant au déficit budgétaire de l'Etat, il devrait s'établir à environ 200 milliards de francs. Etant donné les circonstances, il serait bon que les ministres des finances de l'Union décident d'assouplir les termes du pacte de stabilité.

L'examen de la première partie de la loi de finances est traditionnellement marqué par le dépôt de nombreux amendements. Les députés radicaux de gauche sont très attachés à deux propositions : l'exonération du paiement de la vignette automobile pour les artisans, dont le principe a été retenu par notre commission, et l'application du taux de TVA à 5,5 % à toute la restauration, boissons alcoolisées exceptées.

Quant aux dépenses de l'Etat, elles augmentent de 0,5 % en volume afin de financer les priorités budgétaires : l'emploi, bien sûr, mais aussi l'éducation nationale ou encore la sécurité - dont le budget augmente de 4,4 % - et la justice. On constate que les crédits du ministère de la justice augmentent de 6 % et que 3 000 postes seront créés. Le Gouvernement poursuit donc l'effort sans précédent consenti en faveur de la justice depuis 1997 pour compenser le très important retard accumulé. On note encore l'accent mis sur l'aide aux collectivités locales et sur la coopération intercommunale. L'aménagement du territoire et la culture font également partie des priorités du budget 2002.

Avant de conclure, je voudrais rappeler que les services publics en milieu rural jouent un rôle fondamental, qu'il s'agisse d'aménagement du territoire ou d'égalité des droits des citoyens. Il est donc extrêmement important de veiller à les maintenir et, si possible, à les développer.

D'autre part, chacun a conscience des très graves difficultés que rencontrent de nombreux agriculteurs - je pense en particulier aux éleveurs de la filière bovine - en raison de la chute des cours.

Cette crise - mais peut-on encore parler de « crise » lorsque le phénomène est aussi persistant ? - impose des réponses efficaces de la part du Gouvernement et de l'Union européenne.

En conclusion, le projet de loi de finances pour 2002 comprend des mesures positives pour les Français.

Il mérite d'être discuté au cours d'un débat ouvert, qui permettra l'examen attentif des amendements proposés (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Le projet de loi de finances pour 2002 dont nous commençons l'examen est doublement virtuel (M. le rapporteur général proteste). Virtuel, il l'est d'abord parce qu'il a été élaboré sur des bases irréalistes. L'hypothèse d'un taux de croissance de 2,5 % était jugée exagérée par tous les économistes avant même les tragiques événements du 11 septembre. En 2001 déjà, votre erreur de prévision vous a contraint à revoir cinq fois à la baisse votre hypothèse initiale, et le 4 octobre, l'INSEE a souligné que le taux de croissance ne pourrait, cette année, dépasser 2,1 %, sans même tenir compte de l'impact des attentats commis aux Etats-Unis.

Dans le rapport économique, social et financier, le ministre de l'économie admet lui-même que cet impact aura pour conséquence d'amputer la croissance de l'économie française de 0,5 % point. Au mieux, elle devrait donc se situer entre 1,5 et 2 points en 2002.

M. le Président de la commission - Encore un petit effort !

M. Gilbert Gantier - L'écart entre le taux réel et le taux retenu dans le projet de loi pourrait donc atteindre un point de PIB ! L'ensemble des comptes publics s'en trouveraient faussés. Quant aux moins-values fiscales, elles risquent de se chiffrer en milliards d'euros.

Le groupe Démocratie libérale vous avait suggéré, au début de septembre, de différer de quelques jours la présentation du budget 2002 pour vous permettre de mieux prendre en compte le ralentissement de l'économie mondiale. Vous avez refusé, en prétextant qu'il ne fallait pas démoraliser l'opinion publique. Mais la méthode Coué a ses limites, et la politique de l'autruche n'est en rien rassurante pour les consommateurs et pour les investisseurs. Vous auriez donc dû, en application du principe de précaution, ajuster les hypothèses de croissance à la baisse.

Mais, de manière implicite, vous admettez vous-même que le budget 2002 est mort-né. Vous le modifiez par petites touches, et ne cessez de lui apporter des correctifs, le dernier datant de cet après-midi même. Il en résulte un problème de cohérence, de méthode et de transparence. Le texte que nous allons examiner est-il encore d'actualité ? Je ne le crois pas, et nous avons l'impression qu'un projet de loi de finances rectificative pour 2002 sera présenté avant même l'adoption de la loi initiale. Ainsi, virtuel en raison des hypothèses qui le sous-tendent, votre projet l'est aussi parce qu'il ne sera pas appliqué.

C'est un budget de papier qui sera dénaturé au fil des mois de campagne, un budget d'affichage, électoraliste, et qui multiplie les factures impayées comme les 35 heures, la CMU, etc.

M. le Président de la commission - Tout est dans le « etc »...

M. Gilbert Gantier - Depuis quelques semaines, c'est Noël avant l'heure ! Au diable l'avarice ! Le Gouvernement multiplie les cadeaux bien ciblés : augmentation du nombre de fonctionnaires, revalorisation de leur traitement, augmentation de la prime pour l'emploi, exonération partielle de la redevance télévisée... Dans cette distribution, ce n'est pas le sens de l'Etat qui prédomine mais de basses préoccupations électorales.

Compte tenu de son caractère virtuel, l'examen du projet de loi de finances pour 2002 nous donne avant tout l'occasion d'établir un bilan de l'action du Gouvernement depuis 1997. Je le fais d'autant plus volontiers que le ministre s'est lui-même référé à ses prédécesseurs.

Depuis quatre ans, le Gouvernement s'est en effet autoproclamé grand ordonnateur de la croissance française. Ainsi la croissance serait française et socialiste et, lorsqu'elle ralentirait, la faute en serait aux idées libérales et à la mondialisation !

M. le Président de la commission - Voilà ! Très bien !

M. Gilbert Gantier - Depuis 1998, vous avez gaspillé les fruits de la croissance en accroissant les dépenses de fonctionnement de l'Etat si bien que 150 milliards de francs de plus-values fiscales sont partis en fumée. Vous n'avez pas entrepris les réformes nécessaires en matière de retraite, de modernisation des services de l'état, de fiscalité. L'immobilisme a été votre ligne de conduite, et même la modeste réforme des services du ministère des finances a été empêchée !

Triste bilan, qui fait que notre pays figure parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne. Durant cette législature, la France a perdu son rang de quatrième puissance mondiale au profit du Royaume-Uni. Pour le PIB par habitant, la France n'occupe que la dixième place au sein de l'Union européenne, et sur la productivité, elle n'est qu'au vingt-cinquième rang mondial.

S'agissant des finances publiques, le bilan n'est pas bon. Les quatre dernières années ont été celles des occasions manquées. Avec le retour de la croissance, vous aviez la possibilité d'assainir les comptes publics, comme l'ont fait nos principaux partenaires. Malheureusement, les finances de la France se caractérisent par un déficit budgétaire important, si bien que notre pays ne dispose, au contraire des Etats-Unis, d'aucune marge de man_uvre pour affronter la dégradation de la conjoncture. La cigale socialiste est aujourd'hui fort dépourvue !

L'association du ralentissement économique et de la gabegie électoraliste ne peut que conduire à une nouvelle dérive du déficit public. Déjà, cette année, le montant du déficit budgétaire dépassera 200 milliards, davantage que ce que vous avez prévu. Nous assistons à la répétition du cycle budgétaire de 1992-1993 à la suite duquel le gouvernement d'Edouard Balladur s'était vu légué un déficit gigantesque - à la différence que la situation de départ est moins bonne qu'en 1992.

La persistance d'un déficit important a pour corollaire la progression effective de la dette publique. La légère diminution apparente de celle-ci ne doit en effet pas faire illusion. La gestion de la majorité actuelle se soldera, en 2002, par une augmentation de la dette de plus de 800 milliards. Pour la seule dette de l'Etat, l'augmentation est de 1,5 point du PIB. Aujourd'hui, chaque petit Français qui vient au monde est endetté pour le compte de l'Etat à hauteur de 90 000 francs !

Depuis quatre ans, vous minorez ces désastres en mettant en avant vos résultats en matière de chômage. Mais il n'y a pas dans ce domaine plus que dans tout autre de miracle socialiste ! Au sein de l'Union européenne, la France est l'un des pays où le taux de chômage reste le plus élevé. Cinq pays européens ont obtenu des baisses plus importantes que la France depuis 1997. Or, ces résultats plus que mitigés ont été obtenus alors que vous avez dans ce domaine dépensé sans compter. Ainsi, le coût des 35 heures pour 2002 est évalué à plus de 100 milliards, soit l'équivalent d'un tiers de l'impôt sur le revenu.

Le projet de budget pour 2002 prolonge, en les accentuant, les tendances lourdes des exercices précédents. Une fois de plus, les dépenses en capital diminuent : de 1997 à 2002, elles passent ainsi de 26 à 24 milliards d'euros. L'avenir est sacrifié au profit de petites combines électoralistes.

La France paiera très cher la myopie du Gouvernement, notamment en matière de défense. Les dépenses d'équipement militaire atteignent à peine 4,6 % du total des dépenses du budget général contre 7 % en 1990. N'est-il pas regrettable que la France ne dispose plus que d'un seul porte-avions et qu'il soit en panne ? Par ailleurs, est-il acceptable que l'armée française ne puisse pas aligner de missiles de croisière avant 2008 ou 2012 ? En outre, un récent rapport de nos collègues Charles Cova et Jean-Noël Kerdraon souligne l'état dégradé de la flotte militaire du fait du report des réparations et des programmes d'entretien.

Le Gouvernement ferait bien d'imiter son homologue allemand qui vient d'annoncer une augmentation de son budget militaire de 1,53 milliard d'euros afin d'adapter son armée aux nouveaux types de menaces.

Dans le domaine civil, et face à la crise qui menace notre économie, les atermoiements du Gouvernement sont incompréhensibles. Et les augmentations de crédits destinées aux contrats emploi-solidarité ne sauraient constituer à elles seules une réponse aux défis économiques qui nous sont posés !

Vous cédez à un penchant regrettable en jouant exclusivement sur les dépenses. Nos partenaires mettent en _uvre des plans de réduction des impôts sans commune mesure avec vos mesurettes. Or, en France, les prélèvements obligatoires ont augmenté en quatre ans de plus de 500 milliards de francs. En 1999, le taux de prélèvements obligatoires a même battu un record historique en atteignant 45,7 % du PIB. Les légères baisses que vous mettez en avant depuis l'année dernière sont loin de compenser les hausses d'impôts décidées de 1997 à 1999.

De même, la promesse faite aux électeurs d'abaisser le taux de TVA à 18,6 % a été oubliée. Pourtant, une réduction du taux normal à 18,6 % permettrait de se rapprocher de la moyenne européenne.

Pour aider le tourisme, particulièrement touché par les événements du mois de septembre, il est urgent d'harmoniser le taux de TVA applicable à la restauration à 5,5 %. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Les arguments juridiques contre cette mesure ne sont pas recevables.

Cet effort en matière de TVA devrait s'accompagner d'une refonte de notre impôt sur le revenu, trop compliqué, trop progressif, et trop concentré. Or, le Gouvernement actuel n'a rien fait pour le simplifier. Il conviendrait d'intégrer les abattements dans le barème, de réduire le nombre de tranches, de diminuer le taux marginal. Parmi les grands pays occidentaux, le nôtre est un des très rares à conserver un taux marginal supérieur à 50 %. Il faut, du reste relever que le taux marginal réel dépasse 70 %. Il convient, en effet, d'ajouter au taux de l'impôt sur le revenu, la CSG, le RDS, les prélèvements divers, les impôts locaux et la TVA. Sur un gain de recettes de 100 euros, le contribuable ne reçoit un gain réel de pouvoir d'achat que de 20 à 30 euros. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que de nombreux jeunes Français s'expatrient !

A ce titre, j'ai été déçu de ne pas retrouver dans le projet de budget pour 2002 les propositions faites par notre collègue socialiste Michel Charzat, dans son rapport sur l'attractivité de la France. Seule la modeste proposition technique concernant les rapprochements des entreprises a été retenue. Or, ce rapport insistait, à juste titre, sur les mesures à prendre rapidement pour améliorer l'image fiscale de notre pays. Ainsi, M. Charzat préconise de poursuivre la réforme de la taxe professionnelle et d'encourager fiscalement les investissements financiers des particuliers. Notre collègue demande aussi que des mesures soient sur notre territoire rapidement prises en vue de favoriser l'implantation d'activités financières et d'y encourager les placements en actions.

Afin d'attirer les cadres de haut niveau et les chercheurs étrangers, Michel Charzat prône l'instauration d'un régime fiscal spécifique comportant un forfait fiscal et social, comparable à celui que 9 pays sur 15 au sein de l'Union européenne ont déjà adopté.

S'agissant de l'ISF, Michel Charzat appelait la majorité à abandonner ses schémas archaïques et à prévoir une réactualisation du barème - inchangé depuis 1997 - en réintroduisant le plafonnement par rapport à l'impôt sur le revenu.

Or, en commission des finances la semaine dernière, les démons idéologiques l'ont une fois de plus emporté sur la raison ! Pour la cinquième année de suite, la majorité de gauche a ainsi renoncé à actualiser le barème de l'ISF.

Le Gouvernement en appelle au patriotisme économique pour contrecarrer les menaces de récession. Je partage sa volonté de soutenir notre économie qui traverse une période délicate. Mais au-delà des mots, aucun signe tangible n'est adressé aux consommateurs et aux entreprises. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous opposer à ce projet de loi de finances 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Nicole Bricq - Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité de l'action engagée en 1997, au service de la croissance et de l'emploi. Les priorités de la dépense publique y sont clairement énoncées ; sécurité, justice, environnement, emploi. Il s'agit donc de maintenir le cap tout en restant lucide sur les efforts à accomplir.

Certains n'ont pas hésité à dire que cette loi de finances était « impossible »...

M. le Rapporteur général - C'est du mauvais esprit !

Mme Nicole Bricq - Je gage qu'il sera difficile de leur faire entendre raison dans le contexte préélectoral que nous connaissons où la mauvaise foi et la démagogie risquent de prévaloir (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Certes, il est évident que la croissance s'essouffle et cela était perceptible avant même le 11 septembre. Toutefois, les conjoncturistes restent partagés sur l'ampleur du phénomène et sur la date du rebond des économies. Dans la période d'incertitude qui s'est ouverte, il importe que le Gouvernement continue de garder son sang froid. Il y est parvenu sans faiblir et sans se laisser influencer par les prévisions des uns et des autres. Le chemin est clairement tracé : soutien à la croissance, maîtrise de la dépense publique, poursuite de baisses d'impôts pour les ménages et pour les entreprises. En vérité, le bilan de quatre ans de gouvernement de gauche est largement positif, grâce à une politique économique en phase avec le cycle conjoncturel favorable de la fin des années 1990.

La croissance, les créations d'emplois et le recul du chômage ont été supérieurs en France à la moyenne de l'Union européenne. 2001 poursuit cette tendance même si le contexte a changé - et malgré les Cassandre, ...

M. Michel Bouvard - Mais Cassandre avait raison !

Mme Nicole Bricq - ...les consommateurs continuent à consommer ! A cet égard, les baisses d'impôt sont particulièrement bien venues et la prime à l'emploi, notamment, s'affirme en tant qu'outil essentiel de soutien à la consommation. Et si l'on peut donner un coup de pouce aux ménages les plus modestes, cela compensera amplement la mesure de « kit euro » gratuit que j'avais soutenue pour les catégories les plus fragiles. Les ménages français ont conservé depuis quatre ans un taux d'épargne élevé : il existe donc des marges d'action significatives.

C'est dans un tel contexte que les politiques des Etats retrouvent toute leur place. Le ralentissement de l'économie mondiale appelle la même mobilisation qu'à l'été 1997. Il ne faut en effet pas trop compter sur la BCE ou sur la Commission européenne - qui n'ont pas de tradition culturelle en matière d'intervention conjoncturelle. Il y a davantage à attendre de la Banque européenne d'investissement et sa prise de position sur le soutien à apporter au secteur des transports aériens sera à cet égard riche d'enseignements. Nous avons aujourd'hui la capacité d'agir. Nous avons réduit les déficits publics (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) au cours de la période de forte croissance afin d'utiliser l'arme budgétaire en cas de ralentissement. Nous y sommes aujourd'hui mais gardons-nous de faire sortir trop vite du tombeau le bon docteur Keynes ! La relance américaine n'a rien de keynésien : elle s'adresse en priorité aux marchés financiers. De même, certains s'extasient de l'utilisation qui est faite outre-Atlantique des excédents du budget fédéral mais ils oublient que les Etats-Unis n'ont renoué avec les excédents qu'en 1997, au terme de quinze années d'efforts. En Europe, après quatre ans de croissance soutenue, seules l'Irlande et la Finlande ont des excédents !

La reprise sera à notre portée si l'on utilise la politique budgétaire à des fins conjoncturelles. Ce budget se défie de tout dogmatisme et ne prétend pas maintenir à tout prix le pacte de stabilité. Il refuse la fuite en avant des dépenses car la charge de la dette, qui pèse sur les générations futures, grève les capacités de réaction de notre économie dans une conjoncture fragilisée. M. Méhaignerie a interrompu cet après-midi notre rapporteur général pour lui citer des chiffres de 1995. Qu'il me soit permis de lui en rappeler un seul : en 1997, la dette représentait 59,3 % du PIB (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe du RPR). Depuis quatre ans, elle baisse ! (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) Dans un contexte incertain, il faudra être prêt à saisir le rebond. Beaucoup se jouera en décembre, au moment du collectif budgétaire. Agissons dans l'ordre et montrons, à l'heure où nos concitoyens attendent beaucoup de nous, que l'action politique a du sens. Le groupe socialiste votera sans réserve ce budget responsable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Gilles Carrez a déjà indiqué les raisons pour lesquelles notre groupe s'oppose à ce projet de loi de finances et je n'y reviendrai pas. Une observation liminaire : la réforme de l'ordonnance de 1959, à laquelle sénateurs et députés, de la majorité comme de l'opposition, ont travaillé avec le Gouvernement, n'aura pas d'effet sans une véritable consolidation des comptes publics.

Nous pouvons avoir des appréciations divergentes sur des hypothèses de croissance, mais qu'on ne nous dissimule pas les transferts de financement sur le budget de la sécurité sociale ou la captation des recettes des collectivités locales.

Je veux surtout insister sur le rapport entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement. Ce problème est plus que jamais d'actualité puisque vous venez de rappeler l'importance de l'investissement comme facteur de croissance.

J'ai toujours considéré que le budget devait servir à réguler les cycles. Pas plus que vous je ne souhaitais le ralentissement actuel, pas plus que vous je ne le pensais aussi proche. Il est là. On en appelle donc légitimement au budget de l'Etat, qui doit assurer sa fonction d'amortisseur des crises.

Mais quelles sont nos marges de man_uvre ? Le poids de la fonction publique représente 43 % du budget et on propose encore d'accroître sa part, sans s'interroger sur l'efficacité des emplois publics.

Il ne s'agit pas de tirer sur les fonctionnaires, mais de permettre à ceux qui ont choisi de servir le pays d'être considérés parce qu'ils font une tâche utile. Il s'agit de répartir les moyens en fonction des besoins, de procéder à des réformes et à des redéploiements, au lieu de répondre à chaque problème par la création de nouveaux postes.

En une décennie, 50 % des agents publics vont partir à la retraite. Nous devons saisir cette chance historique pour redéployer les effectifs en douceur. Dans l'éducation nationale, 41 % des effectifs vont être renouvelés avant 2006.

Le Gouvernement a le devoir de ne pas différer les réformes. Ce n'est pas l'opposition mais la Cour des comptes qui le dit, elle qui s'inquiète de la progression des emplois publics et qui redoute le poids des retards dans les engagements de l'Etat.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si vous avez progressé dans l'évaluation de ces charges ?

En 2002, les charges directes de personnel s'établiront à 109,13 milliards d'euros, soit 715,8 milliards de francs. C'est 4,79 milliards d'euros supplémentaires en un an. Cette seule hausse représente deux fois le montant total des capacités d'investissement dans le domaine des transports.

Outre la progression normale des rémunérations, il y a la hausse des effectifs, qui continue alors que la Cour des comptes a déploré « la faiblesse des moyens de pilotage global » et « l'insuffisante connaissance de la situation réelle des effectifs ». Quant au rapporteur général, il a avoué qu'il était impossible d'évaluer les charges induites par cette situation, de moins en moins acceptable.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour redéployer les emplois ? Est-il normal que des universités de province comme celle de Chambéry se trouvent en sous-effectifs, alors que les universités parisiennes sont surencadrées ?

Est-il normal que, dans les académies contrôlées par la Cour des comptes le dénombrement des enseignants se soit révélé impossible ?

Est-il normal, après la présentation du rapport de Tony Dreyfus devant la MEC, que les effectifs de la police nationale continuent de croître comme si de rien n'était ? A-t-on procédé, comme l'a recommandé la MEC à l'externalisation de certaines tâches ? A-t-on affecté dans la police des fonctionnaires venant d'autres ministères ? A-t-on engagé une politique des heures supplémentaires pour compenser les absences des policiers en congé de réparation ?

A-t-on suivi cette recommandation de Jean-Pierre Chevènement, pour qui « la police est une institution qu'il faut faire bouger » ?

Nos observations demeurent quant à l'utilité d'occuper 1 500 agents des finances au recouvrement de la redevance.

Je pourrais continuer en citant le rapport de Pierre Forgues sur les COTOREP. A-t-on mis fin à la dyarchie des services de l'emploi et de la solidarité, qui se traduit par un excès de dépense et un service mal rendu ?

Refuser de mieux gérer les moyens de fonctionnement a pour conséquence la stagnation de nos budgets d'investissement.

Les dépenses civiles des titres V et VI sont de 78,859 milliards de francs, contre 80,175 pour 2001 et 84,2 milliards pour 2000. Ce budget s'élevait à 92,3 milliards pour 1997, dans des conditions pourtant beaucoup moins favorables. Depuis a été pourtant décidée la rebudgétisation du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, du fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France et du fonds de concours du programme de sûreté nucléaire.

Quant aux crédits militaires d'investissement, ils s'élevaient à 88,7 milliards en 1997, c'est-à-dire à un niveau supérieur à celui d'aujourd'hui.

Certes, les collectivités locales représentent les trois quarts des investissements civils, mais leur autonomie financière se réduit en même temps que leurs ressources propres, alors que des charges nouvelles vont peser sur elles.

Alors il nous reste à compter sur l'Europe. Je suis favorable à l'engagement d'une partie des réserves de la Banque européenne d'investissement pour la réalisation du programme d'infrastructures décidé à Essen. Mais l'Europe n'assumera pas la totalité des financements. Le livre blanc sur les transports prévoit une participation de 10 à 20 %. Notre pays aura-t-il les moyens d'apporter sa part ? Je m'interroge, quand je vois les difficultés qu'on rencontre pour financer des programmes hors contrat de plan. J'en doute, même, en voyant que l'Etat s'apprête à réaliser des opérations en capital, comme la privatisation partielle du réseau autoroutier, pour faire face à de nouvelles dépenses. La semaine dernière, M. Gayssot nous expliquait que la présence de l'Etat dans les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute constituait une garantie. Encore faut-il que ces SEMCA ne soient pas privatisées.

Monsieur le ministre, notre but n'est pas de démoraliser les Français. Mais il ne faut pas leur dissimuler la situation. On a utilisé les fruits de la croissance sans se soucier du caractère provisoire de celle-ci. Ainsi, les budgets d'investissement ont stagné, la dette publique est passée de 4 855 milliards en 1997 à 5 500 milliards l'an dernier, et la France, au bout du compte, n'a plus de marges de man_uvre, au moment où il faudrait soutenir la croissance.

A mon grand regret, le groupe RPR ne pourra pas voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Vila - Il faut avant tout noter combien le contexte économique et politique a pu changer en l'espace d'une seule année.

En octobre 2000, à cette tribune, je constatais, en m'en félicitant, que le rythme de créations d'emplois s'était accéléré tout au long de l'année et que les recettes fiscales se situaient à un niveau inégalé depuis longtemps, ce qui s'est traduit par un recul significatif du déficit public et un collectif de printemps caractérisé par des baisses d'impôt centrées sur les ménages.

Mais je remarquais aussi qu'à l'euphorie du printemps 2000 avait déjà succédé une certaine inquiétude et que les attentes sociales tendaient à se transformer en impatience, voire en exaspération.

Comment s'en étonner, dès lors que les bons résultats de l'économie française se sont conjugués avec l'explosion de la précarité et des inégalités sociales et géographiques ?

Il ne faut pas sous-estimer l'impact de ce phénomène sur l'évolution de la conjoncture, bien avant que les attentats ne viennent fragiliser une croissance mondiale déjà malade.

Cette situation est d'autant plus grave qu'elle survient au moment où la recherche de rentabilité financière s'est traduite par de tels gains de productivité que la demande et les conditions de l'offre elles-mêmes s'en trouvent dégradées.

Alors que l'activité du deuxième trimestre s'est déjà contractée en Belgique et en Finlande et qu'elle stagne en Allemagne et en Italie, il est urgent d'engager une politique de relance concertée en Europe, ce qui implique des politiques budgétaires beaucoup plus expansives et la baisse des taux du crédit, mais ces mesures doivent porter sur les investissements productifs créateurs d'emplois. Il faut en revanche pénaliser les placements financiers.

Comme l'an dernier, je centrerai mon propos sur les collectivités locales, qui jouent un rôle majeur dans la satisfaction des besoins sociaux et qui réalisent les deux tiers des investissements publics. Elles doivent être plus encore en mesure de se mobiliser pour soutenir l'activité et l'emploi. Elles pourraient ainsi prendre une part beaucoup plus importante dans le développement décentralisé des nouvelles technologies de l'information et dans le renforcement de la démocratie qu'exige le développement des territoires. Cela passe par de nouvelles formes de participation, par de nouveaux droits d'intervention pour les élus, pour les citoyens, pour les salariés des entreprises.

C'est dire l'enjeu des évolutions institutionnelles en cours, en particulier de l'intercommunalité, mais aussi des ressources dont disposent les collectivités pour exercer les compétences élargies que leur ont données les lois de décentralisation.

On ne peut, bien évidemment, dissocier le débat budgétaire de celui sur la réforme des ressources financières et fiscales des collectivités.

Ce budget repose sur l'idée que les ressources des collectivités locales sont suffisamment redressées et que la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle et de la part régionale de la taxe d'habitation n'ont « pas pour effet de diminuer les ressources globales des collectivités locales au point d'entraver leur libre administration ».

Il faut relativiser cette appréciation. Si les finances locales se sont améliorées ces dernières années, contribuant ainsi au redressement des finances publiques imposé par le traité de Maastricht, c'est au prix de coupes budgétaires qui se traduisent par un manque d'équipements et par l'impossibilité de répondre correctement au vieillissement de la population, à l'explosion de l'aide sociale, aux enjeux environnementaux.

La réforme des finances locales doit restaurer l'autonomie des collectivités locales, améliorer les mécanismes de péréquation et le financement de l'intercommunalité. Mais elle doit surtout les faire bénéficier de ressources nouvelles et pérennes. Elles doivent donc profiter davantage des fruits de la croissance et nous regrettons que ce budget se contente de reconduire l'avancée qui a vu, en 2001, le tiers du taux de croissance intégré dans le calcul de l'enveloppe normée. Faire droit à la revendication unanime des élus locaux que ce taux soit porté dès cette année à 50 % ne pourrait que favoriser l'activité, d'autant que le ralentissement de l'économie cette année ne sera pas sans incidence sur les ressources des collectivités locales en 2002.

Il conviendrait également de redistribuer au fonds de péréquation le produit du relèvement de la cotisation de péréquation et le produit du relèvement de la cotisation minimale de la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée. Quant au retour dans le droit commun de l'imposition de France Télécom à la taxe professionnelle, il a été trop longtemps différé.

La nécessité de mener à son terme la réforme de la taxe professionnelle - dont le MEDEF demande la suppression, mais que les élus locaux, unanimes, souhaitent voir garantie -, implique enfin d'avancer concrètement vers l'intégration des actifs financiers dans l'assiette de cette taxe. Avec un taux de 0,3 %, ce sont près de 12 milliards d'euros qui alimenteraient la péréquation. C'est bien peu au regard des ressources des entreprises et de l'avantage retiré de la suppression de la part salaire.

La fiscalité doit inciter les entreprises à investir et à créer des emplois. Nous partageons le point de vue récemment exprimé par le ministre de l'économie. Mais, si une taxation à outrance ne serait guère incitative, la baisse non sélective de l'impôt ne le serait pas plus, s'agissant d'entreprises qui peuvent arbitrer entre placements financiers et investissements réels. C'est donc, avant tout, une question de volonté politique.

On ne dira jamais assez la différence entre l'autoritarisme de la droite vis-à-vis des collectivités locales, et les avancées réalisées depuis 1997 vers un contrat de croissance et de solidarité, réellement partagée. Mais il nous faut regarder vers l'avenir et nous ne pouvons que regretter que ce budget ne montre pas plus de détermination à concrétiser les avancées qu'impose le contexte économique et politique.

Nous attendons du débat des infléchissements significatifs. Il y va, dans un contexte économique dont on ne saurait sous-estimer la gravité, de la capacité même du budget de la France à peser sur la conjoncture. Il y va également de la crédibilité du Gouvernement et de la majorité plurielle dans son ensemble, y compris, dans la perspective des échéances importantes qui s'annoncent. Vous comprendrez dès lors que nous réservions notre vote (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Pierre Hériaud - A quelques mois des échéances électorales, notre Assemblée examine un budget virtuel parce que, selon l'étymologie, il n'est que dans le domaine du possible ; parce qu'il ne peut être que le prolongement des tendances passées comme les images qui prolongent les rayons lumineux ; parce qu'il est semblable à ces particules à la vie si brève qu'elles sont indétectables...

En effet, il vous faudra le remanier à plusieurs reprises au cours de 2002.

En réaffirmant vos objectifs, vous reprenez sans cesse la même antienne : conforter la croissance, agir pour l'emploi, offrir à tous le bénéfice de la croissance, mener une politique budgétaire favorable à la croissance, à l'emploi, à la sécurité et qui prépare l'avenir.

Tout cela relève moins de la logique que de la méthode Coué... Le Gouvernement pouvait ainsi croire que son action était, seule, la cause d'une croissance forte, d'une remontée de l'emploi et de la réduction des inégalités sociales. Dans un monde s'adaptant avec difficulté, aux soubresauts de la mondialisation, la France était persuadée d'être une exception, beaucoup moins sensible aux aléas des variations de l'économie mondiale et de ses cycles.

C'est dans ce contexte que, de 1997 à 2000, la croissance a été de 3 % en moyenne et de 4 % en valeur. Pendant la même période, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 473 milliards.

La croissance forte permettait de dégager une marge de man_uvre qui n'a été mise à profit pour réduire fortement ni les impôts, ni le déficit, les besoins en financement de l'Etat n'ayant diminué que de 72,1 milliards.

Sans les 140 milliards de baisses d'impôts intervenues, les prélèvements obligatoires auraient atteint pour cette période le chiffre record de 620 milliards. Vous avez donc mis un frein à la boulimie fiscale, mais cela ne suffit pas à contrer les tendances lourdes de la dépense publique, dont la fiscalité n'est que la contrepartie.

Ainsi, la marge de man_uvre 1997-2000 a été utilisée pour 23 % en baisse d'impôts, pour 12 % seulement en réduction du déficit budgétaire, pour 65 % en contrepartie de la dépense publique.

La dépense publique reste donc la même alors que l'environnement économique et social a changé.

Bien avant les événements tragiques du 11 septembre, la décélération était engagée aux Etats-Unis, qui passaient d'une croissance de 6 % à une croissance nulle. Aucun pays n'était donc à l'abri des effets importés de cette évolution.

C'est pourtant sans en tenir compte qu'a été établi ce budget, avec un taux de croissance de 2,5 % et une inflation de 1,6 %. Cela correspond à une progression du PIB de 4,1 à 4,2 %. Mais si elle n'est que de 3 %, le PIB sera inférieur de 100 milliards aux prévisions et les recettes de 45 milliards.

L'équilibre budgétaire se dégradera encore. Ce projet est donc indéfendable !

La France souffre d'une pression fiscale excessive qui handicape les entreprises et prive les salariés des fruits de la croissance. Elle est, parmi les pays de l'OCDE, celui où le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé, d'autant qu'il s'accroît chaque année de 150 milliards.

Dans ces conditions, le déficit va plonger à nouveau et atteindra probablement 4 800 milliards au 31 décembre 2002, dont 80 % pour l'Etat. Toutes vos promesses non tenues apparaissent du coup comme autant de bombes à retardement, car les faits économiques sont têtus et les manipulations budgétaires ont leurs limites.

Le chômage a repris une tendance inquiétante et, alors que les meilleures années n'ont pas été mises à profit pour un redressement structurel, la faible croissance à attendre ne pourra permettre de réduire les inégalités sociales. Affirmer qu'elle sera au bénéfice de tous est donc une tromperie !

Dans ce budget, l'ensemble des ressources brutes représente 434,620 milliards d'euros ; les dépenses totales atteignent 465,058 milliards d'euros ; le déficit prévisionnel est de 30,438 milliards d'euros ; les recettes nettes des restitutions et prélèvements divers s'élèvent à 248,27 milliards d'euros dont les dépenses de gestion courante, hors frais financiers, absorberont 85,1 %. Avec l'incorporation des frais financiers, le solde primaire ne va pas s'améliorer. Les dépenses de gestion courante, à 211,3 milliards d'euros, augmentent de 4 % par an. Il faudrait donc que toutes les autres dépenses soient stables pour que le budget général tienne dans les 2 % de hausse prévus. Comme cela n'est pas possible, on jouera sur les variables d'ajustement que constituent les investissements civils et militaires. Tout cela n'est pas sérieux - et beaucoup trop habituel, hélas, dans une construction budgétaire qui mêle dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement.

« Absorber les chocs pour préparer le rebond », nous annonce le Rapporteur général. Encore faut-il avoir les moyens d'absorber les chocs. Or, le temps des provisions pour l'avenir a été gâché, et les dettes s'accumulent. Comment assurer la sécurité quand les besoins sont croissants ? Quant à la protection civile face aux risques biologiques, chimiques et nucléaires, ses crédits ont fondu de 90 % depuis 15 ans. En 2001, l'ensemble des crédits consacrés à la défense civile ne représentent pas 1 % du PIB !

Préparer l'avenir, ce serait privilégier les dépenses productives, gérer l'ensemble de la fonction publique autrement que par les seules embauches, accroître la productivité du travail à l'aide des technologies nouvelles. Ce serait répondre aux besoins des citoyens par une administration soucieuse des prestations servies plus que de paperasse.

Votre budget ne peut en vérité vous plaire plus qu'à nous-mêmes, c'est pourquoi nous avons redéposé un certain nombre d'amendements, malgré leur rejet en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Georges Sarre - Ce budget présente une importance particulière. Premier budget en euros, premier budget mettant en _uvre la réforme de l'ordonnance de 1959, il sera aussi le dernier avant les élections présidentielle et législatives. Il est surtout marqué par une très grande incertitude quant à l'évolution de la situation économique et sociale. Les risques d'entrée en récession existant depuis plusieurs mois ont été brutalement amplifiés par les effets des attentats commis aux Etats-Unis. Ces événements n'affectent pas seulement certains secteurs sinistrés comme l'aéronautique ou le tourisme, mais risquent d'avoir des implications graves sur l'ensemble de l'économie mondiale. Ils plongent le monde dans un climat d'angoisse, où les plans de licenciement se multiplient, où les programmes d'investissement des entreprises sont remis en cause et où les ménages diminuent leur consommation.

Le moins que l'on puisse dire est que le projet qui nous est présenté n'est pas à la hauteur de ces enjeux. Je n'insisterai pas sur l'irréalisme de la plupart des hypothèses retenues pour l'élaborer. Il est certes difficile d'évaluer notre situation économique dans les mois à venir. Mais pour cette raison même, il serait préférable de réfléchir sur des hypothèses basses, car se préparer au pire est le meilleur moyen de l'éviter. Eviter le pire consiste aujourd'hui à briser le cercle infernal de la crise avant qu'il ne survienne. Ainsi que l'a souligné récemment l'économiste André Orléans, « la question n'est pas de prévoir, mais de pouvoir amortir les chocs ». Tous les signaux nous alertent déjà, qu'il s'agisse de la remontée du chômage ou des réévaluations à la baisse du taux de croissance attendu.

L'heure n'est pas aux atermoiements. L'urgence impose de mettre en _uvre une politique contracyclique. Alors que certains chantent depuis plusieurs années la fin de l'Etat et de son intervention dans l'économie, les événements récents rappellent tragiquement que l'Etat demeure plus que jamais au c_ur de nos sociétés, même les plus mondialisées. Le Président Bush a décidé de soutenir l'économie américaine en utilisant les potentialités du budget fédéral : la politique de baisse des taux d'intérêt décidée par la Réserve fédérale américaine est ainsi amplifiée par une politique budgétaire ambitieuse. Un président conservateur mène ainsi une politique keynésienne en comparaison de laquelle la politique économique de notre pays fait pâle figure, même si le Gouvernement affirme être le plus interventionniste en Europe !

Certains diront que les Etats-Unis disposent d'un excédent budgétaire, contrairement à la France. Mais attendre d'être en situation d'excédent budgétaire, c'est le meilleur moyen de ne jamais l'être ! Nous risquerions alors de retrouver la situation de la première partie des années 1990, lorsque la politique d'arrimage du franc au mark avait entraîné récession et chômage.

Il est donc urgent d'agir en faveur d'une relance budgétaire, en France, mais aussi à l'échelle européenne, quitte à devoir assouplir le pacte de stabilité budgétaire. La politique des petits pas de la Banque centrale européenne est affligeante : elle semble jouer à contre-temps, incapable de réagir avec détermination, et reste obnubilée par l'inflation alors que le danger n'est plus celui-là mais celui d'une récession brutale. La Commission européenne témoigne du même attentisme absurde. Hier, en prétendant lutter contre les monopoles, elle a passé par pertes et profits la notion même de service public.

L'objectif affiché dans ce projet est de contenir le déficit budgétaire à 30 milliards d'euros. Au total, pour l'ensemble des administrations publiques, le besoin de financement serait ainsi de 1,4 % du PIB. Cet objectif témoigne d'une orthodoxie aveugle aux circonstances exceptionnelles que nous connaissons. A ce contexte particulier doit correspondre une politique économique appropriée. L'objectif irréaliste de la loi de finances doit donc être révisé car, si aucune mesure de relance n'est mise en place, le déficit augmentera mécaniquement. Il faut en finir avec le dogmatisme de l'application du pacte de stabilité budgétaire et faire preuve de pragmatisme. D'ailleurs, si le pacte de stabilité prévoit de faire passer le déficit budgétaire sous la barre des 3 % du PIB, il autorise aussi à faire preuve de souplesse si la croissance faiblit. Nos marges de man_uvre existent d'autant plus que la dette publique a diminué au cours des dernières années, revenant de 59,5 % du PIB en 1998 à 57,6 % en 2000. Elles pourront être mises à profit efficacement au-delà des quelques mesures annoncées aujourd'hui. Plusieurs domaines d'action sont à explorer pour soutenir la consommation des ménages et favoriser l'investissement des entreprises. Il serait temps de mener enfin la politique de grands travaux si souvent annoncée et toujours reportée, en particulier le lancement d'un véritable plan de ferroutage. Il est hypocrite que les mêmes voix qui s'élèvent en faveur du ferroutage refusent la moindre initiative dans ce domaine.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. Georges Sarre - Nous devons soutenir notre industrie militaire et adapter notre outil de défense à des risques de terrorisme aussi graves que divers. La politique de la ville doit recevoir les moyens nécessaires à la réhabilitation des logements sociaux et des équipements urbains.

Le contexte particulier dans lequel nous discutons ce budget nous oblige à agir vite, particulièrement à destination des ménages auxquels il importe de redonner confiance, sinon les appels au patriotisme économique ne seront que des mots. Le principal moteur de la reprise, depuis 1997, a été la consommation : sachons envoyer aux agents économiques le signal fort de notre détermination.

L'économie est affaire de discernement et de pragmatisme, et aucune politique économique ne peut être fondée sur des critères éloignés des réalités économiques. Si le Gouvernement refusait d'adopter une attitude à la hauteur de la crise qui s'annonce, les députés du Mouvement des Citoyens ne pourraient voter le projet de budget.

M. Yves Deniaud - Au moment où nous commençons sa discussion, nous savons que ce budget sera, quoi qu'il arrive, à rebâtir complètement dans le courant de l'année.

L'exécution du budget 2001 a confirmé nos prévisions de l'an dernier, hélas. Nous vous avions bien dit que la croissance ne serait pas de 3,3 %, qu'il aurait fallu profiter des bonnes années pour réduire le déficit à marches forcées afin de retrouver de vraies disponibilités pour baisser les prélèvements et soutenir l'activité.

Or, au lieu d'opérer les ajustements nécessaires, vous avez aveuglément continué de majorer les dépenses de fonctionnement, vous avez mangé le blé en herbe. La baisse de l'activité et l'explosion du déficit étaient déjà visibles fin août : ne cherchez pas l'excuse des attentats pour justifier votre échec, jamais le budget 2002 n'aurait dû ressembler à la parodie qui nous est proposée aujourd'hui ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Avec le recul, l'échec est encore plus spectaculaire : plus de 500 milliards d'impôts supplémentaires, le record du taux de prélèvements obligatoires battu au passage, et au bout du compte le déficit creusé à nouveau jusqu'à atteindre 250 milliards au bas mot, la sécurité sociale de nouveau dans le rouge, la dette publique derechef en progression.

M. le Rapporteur général - Tout en nuances !

M. Yves Deniaud - Vous savez très bien, d'ailleurs, que la dette progressera de bien plus que les 300 millions d'euros annoncés, malgré l'exceptionnelle période de croissance que nous avons vécue. Que valent, dès lors, les sucreries électorales que vous annoncez jour après jour ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Rien, car elles sont financées à crédit, et non par la baisse du déficit, et donc de la dette. Il faut que les Français le sachent : tout ce que vous prétendez leur donner aujourd'hui, ils le rembourseront demain, et les intérêts en plus !

Une politique sérieuse et responsable aurait permis de parvenir à l'équilibre budgétaire en 2002, de réduire fortement la dette, et donc de financer une vraie relance sans dérapage. Certes, notre situation n'aurait pas été celle des Etats-Unis, qui ont aujourd'hui les moyens de financer d'énormes programmes de soutien à l'activité et aux secteurs sinistrés, mais au moins aurions-nous pu procéder à de vrais allégements fiscaux et aux investissements, civils et militaires, qu'exige la situation nouvelle. Au lieu de cela, vous en êtes réduits, après les trois plus belles années de croissance que nous ayons connues depuis longtemps, à faire les poches des Français pour présenter un budget qui fasse illusion. Hélas, vous financez des dépenses pérennes par des recettes qui ne le sont pas, au détriment d'actions utiles en faveur, par exemple, du logement, du commerce, de l'artisanat, de l'exportation. Le comble, ce sont les 7,5 milliards de francs que vous continuez à prélever sur la CADES, alors que je vous avais suggéré, l'an dernier, de privatiser quelques biens de l'Etat pour supprimer le RDS. Vous mettez la main sur le magot pour financer votre impasse budgétaire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission - Quelle vulgarité !

M. Yves Deniaud - Et je ne parle pas du financement inachevé des 35 heures, de la réforme retardée des retraites, de l'avenir plombé par le poids de la dette ! L'histoire se répète : trois ans de croissance de 1988 à 1991, et on replonge ; trois ans de croissance de 1998 à 2001, et on replonge à nouveau !

C'est dans la durée que l'on juge une politique. Entre 1958 et 1981, la France avait été la championne d'Europe de la croissance. Depuis, vous aurez été au pouvoir quinze ans sur vingt et un, et nous sommes passés du cinquième au douzième rang en Europe pour le PIB par tête : les Belges, les Néerlandais, les Irlandais, les Autrichiens, les Finlandais, les Anglais et les Italiens nous ont dépassés.

M. le Président de la commission - C'est faux !

M. Yves Deniaud - Il est temps de redonner une chance à la France, à ses talents, à l'ingéniosité de ses entrepreneurs, à la capacité de ses travailleurs. Ce n'est pas votre budget, factice et mort-né, qui le permettra, mais une autre politique, celle que les Français nous confieront le soin de mener en 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président de la commission - Nul ! Ce n'est même pas au niveau du Café du Commerce !

M. Gilbert Mitterrand - Pour ne pas répéter ce que beaucoup ont déjà dit, je consacrerai mon bref propos à un point sur lequel nous pourrions améliorer ce projet de budget : je veux parler de la mise en _uvre de la loi d'orientation agricole de 1998, et de la promotion du contrat territorial d'exploitation en particulier.

A ce jour, quelque 11 000 CTE ont été signés, pour 670 000 exploitations environ. C'est bien, mais une incitation supplémentaire, bien ciblée, peut se concevoir : ciblée, s'entend, sur les exploitations familiales plutôt que sur les sociétés de capitaux ; ciblée sur ce qui soutient l'investissement, la qualité de la production, la trésorerie, l'emploi, voire la transmission. Les exploitations soumises à l'impôt sur les sociétés bénéficient déjà de mesures favorables à la constitution de fonds propres ; restent celles, de plus en plus minoritaires, qui sont soumises à l'impôt sur le revenu.

Je sais que les mesures fiscales spécifiques aux agriculteurs ne sont guère dans l'air du temps, qu'elles ont tendance à susciter quelque réticence, voire quelque suspicion, le cas échéant compatissante. Je sais aussi que le problème n'est pas seulement fiscal, mais au moins la mesure que je vous proposerai par un amendement après l'article 11 aurait-elle le mérite de préparer le terrain à une réforme de plus grande envergure, celle dont le rapport de Béatrice Marre a esquissé les grandes lignes, et qui reposerait notamment sur la définition d'un « patrimoine d'affectation ». Seraient concernées quelque 4800 exploitations dans un premier temps, et un peu plus du double à l'horizon 2003.

L'incitation serait limitée et plafonnée, mais elle aurait une portée politique parce que symbolique, je dirais même emblématique. Elle est, en tout cas, très attendue, et donnerait le signal d'un changement de pensée fiscale. C'est pourquoi je souhaite ardemment que la dernière loi de finances de la législature porte témoignage de notre volonté de favoriser les exploitations agricoles ancrées dans leur terroir et riches de leur dimension humaine. Je ne désespère pas de vous convaincre, et vous sais ouverts à cette discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. Alain Rodet - J'observe avec intérêt le changement de posture de nos collègues de l'opposition, qui semblent avoir rangé au magasin des accessoires les théories de Milton Friedman ou de Friedrich von Hayek, ainsi que leur fascination passée pour les audaces libérales de l'équipe Reagan et les conceptions monétaristes du hiératique Paul Volcker, prédécesseur d'Alan Greenspan à la tête de la Réserve fédérale... Il faut se faire une raison : tout cela appartient bel et bien au passé, et M. Greenspan fait désormais du soutien à l'activité économique la priorité de sa politique des taux, tout en marquant de plus en plus nettement sa préférence pour une politique budgétaire des plus keynésiennes. Cela se passe, certes, aux Etats-Unis, mais n'est pas sans conséquences pour nous...

J'en viens au c_ur de mon propos : les concours de l'Etat aux collectivités locales.

M. Michel Bouvard - Ah !

M. Alain Rodet - Le pacte de croissance et de solidarité est très strictement respecté par le Gouvernement, qui propose de continuer d'incorporer le tiers du taux de croissance dans le calcul de l'enveloppe normée. Il ne serait pas anormal d'aller jusqu'à la moitié. Ce serait reconnaître l'éminente contribution des collectivités locales à l'investissement et à l'activité économique générale.

M. Augustin Bonrepaux - Très bien !

M. Alain Rodet - On m'objectera sans doute que l'Etat est déjà le premier contribuable local de France, mais il ne faut pas oublier que cette situation a une histoire, qui remonte au moins à 1966, date à laquelle fut supprimée la taxe locale sur le chiffre d'affaires, qui rapportait alors un peu plus, en francs constants, que la taxe professionnelle aujourd'hui.

Par ailleurs, les dépenses des collectivités locales représentent près de 10 % du PIB. Voilà pourquoi il me paraît important de suggérer cette modification de l'indexation.

Cela étant, les propositions qui figurent dans le projet n'ont, fort heureusement, rien de commun avec les budgets de défiance à l'égard des collectivités locales qui furent votés entre 1993 et 1997. Qui, ici, a oublié le décret assassin pris par M. Sarkozy en 1994 ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

J'espère que ma suggestion sera examinée avec attention, et je salue ce projet volontaire et responsable, qui aura des retombées positives pour notre économie et pour les collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - M. Cuvilliez a dit ses réticences devant certains choix du Gouvernement touchant aux réductions d'impôt. Je ne doute pas, cependant, que nous ayons des terrains d'entente, et je ne pense pas que vous remettiez en cause le principe de la réduction de l'IS. Soyez, en tout cas, rassuré : le Gouvernement n'entend pas faire de cadeaux aux entreprises. Il entend, en revanche, favoriser l'investissement, particulièrement dans les nouvelles technologies et les biotechnologies. J'ai noté, par ailleurs, que vous jugiez bienvenu le programme de la consolidation de la croissance défini par le Gouvernement.

Vous avez par ailleurs évoqué la situation de l'hôpital public. Mme Guigou a eu l'occasion de rappeler, cette après-midi que 40 000 emplois seront créés en trois ans pour répondre aux besoins suscités par la RTT, et que les concours apportés à l'hôpital public se sont élevés à 10 milliards. Mais nous avons entendu votre message, et nous sommes prêts à rechercher les moyens d'améliorer encore l'efficacité de notre action en faveur de l'hôpital, dans le cadre général de l'équilibre des comptes publics, et sans contribuer à l'opacité des comptes, que vous dénoncez souvent, à juste titre.

A ma grande surprise, M. de Courson a dénoncé les prélèvements sur recettes. Tous ceux qui ont assisté, sur ces bancs, aux débats relatifs à la réforme de l'ordonnance de 1959, trouveront, comme moi, quelque peu étonnant que l'on veuille considérer ces prélèvements comme des dépenses. Pour le reste, M. de Courson nous a, comme a son habitude, servi une salade de chiffres et une succession d'additions échevelées. C'est ce qui fait son charme...

M. Rigal a dit sa confiance dans les choix du Gouvernement, qui examinera dans un esprit d'ouverture la proposition faite par les radicaux d'exonérer les artisans de la vignette automobile. Je sais que votre commission et votre Rapporteur ont fait leur cette proposition, qui devrait cependant être centrée sur les petites entreprises. S'agissant de la réduction à 5 % de la TVA sur la restauration, je note une grande constance dans la demande, mais je ne suis pas certaine que la convergence de vues sera aussi affirmée...

M. Gantier a dit considérer le budget comme virtuel. Il me semble bien l'avoir entendu tenir des propos plus ou moins identiques à propos des budgets pour 1998, 1999 et 2000, et je déplore qu'il n'aime les socialistes que s'ils sont britanniques ou allemands ! Ce n'est pas faute de dialogue, pourtant ! Je constate aussi qu'au-delà de ses incantations habituelles sur la nécessité de réduire les dépenses, les propositions font défaut. En quelques minutes, il nous a incités à réduire les impôts de quelque 8 milliards d'euros, sans jamais nous expliquer comment il compenserait cette perte de recettes !

Mme Bricq, qui approuve la politique du Gouvernement, a souligné que le taux d'épargne des ménages est élevé. On notera qu'il recule légèrement ; cela montre que, contrairement à ce qu'affirment certains, la frilosité ne prime pas. On peut donc s'attendre à ce que l'augmentation de la PPE ait un impact rapide : les jeunes actifs, en particulier, en dépenseront la plus grande partie, comme ils l'ont fait en septembre.

M. Bouvard a indiqué que le Gouvernement avait décidé de faire jouer à l'Etat son rôle d' « amortisseur ». C'est exact, et cette intention, qui s'est traduite budget après budget depuis le début de la législature, est particulièrement manifeste dans le cadre de notre plan de consolidation de la croissance. Je regrette qu'il ne s'associe pas à l'idée de l'ouverture du capital d'ASF qui, pourtant, ne remet pas en cause les projets définis, avec son accord, pour l'arc alpin.

Et cette disposition particulière ne serait que l'une de celles que l'opposition dit vouloir appliquer si elle revient aux affaires...

M. Vila a centré son propos sur la réforme du financement des collectivités locales, et il a déploré l'absence de progrès en cette matière. Je rappelle que le contrat de croissance et de solidarité a été reconduit le temps que s'achève la réflexion en cours à ce sujet, et que cette disposition ne préjuge en rien ses décisions futures. Je tiens aussi à souligner que les collectivités locales ont bénéficié de 7 milliards de plus que ce qui leur aurait été alloué si la méthode Juppé était allée à son terme. J'ajoute que le financement de l'intercommunalité a été pérennisé, ce que le succès même de la formule rendait indispensable. Enfin, la DSU aura augmenté de 80 % en 5 ans. Mais, je l'ai dit, la réflexion se poursuit, qui vise à instaurer une plus grande solidarité encore entre collectivités riches et pauvres, pour une péréquation renforcée. Nous y reviendrons.

M. Sarre, personne ne s'en étonnera, a regretté le « dogmatisme » qui résulterait du pacte de stabilité ; il a critiqué la Banque centrale, qu'il estime obnubilée par l'inflation, et il a souhaité que nous sachions inciter nos concitoyens au patriotisme économique.

S'agissant du pacte de stabilité et de croissance, le Gouvernement ne fait preuve d'aucun dogmatisme. En période de croissance plus ralentie que celle que nous avions prévue, nous ferons jouer les stabilisateurs automatiques. Il reste que la réduction du déficit constitue à l'évidence un objectif nécessaire, ne serait-ce que pour permettre à la banque centrale d'aller dans le sens d'une réduction plus marquée des taux d'intérêt.

Efforçons-nous aussi de trouver les mots justes pour qualifier la situation afin de ne pas rajouter à l'« angoisse » qui pourrait étreindre certains de nos concitoyens. Il n'y a pas lieu de parler de récession. La récession, c'est une croissance négative et la France n'est pas dans cette situation parce qu'elle enregistre une croissance moins forte et moins régulière que celle, exceptionnelle, qu'elle a connue dans les quatre dernières années.

M. Deniaud, avec le sens de la mesure qui le caractérise et contre l'évidence, s'est obstiné à présenter la France comme l'un des plus mauvais élèves de l'Europe en matière de croissance. Je n'y reviens pas. De même, je n'aurai pas l'outrecuidance de lui rappeler la situation des finances publiques dont nous avons héritée en 1997 ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Deniaud annonce également que le service de la dette devrait augmenter plus que prévu. J'observe cependant que les taux d'intérêt n'ont pas connu depuis le 11 septembre l'évolution que certains avaient prévue et qu'ils restent à un niveau moins élevé que ce qui avait été annoncé. S'agissant de classement de la France au sein de l'ensemble européen pour la richesse par habitant, notre pays a certes perdu quatre places, mais entre 1993 et 1997 : la gauche n'y est donc pas pour grand-chose (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Mitterrand a souhaité que les orientations de la LOA soient confortées et M. Rodet a exprimé un assentiment assez général sur les principales dispositions de ce projet de loi de finances : je ne puis que l'inviter à persévérer dans cette voie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce mercredi 17 octobre 2001 à 9 heures.

La séance est levée à 0 heures 20.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 17 OCTOBRE 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion des conclusions du rapport de la commission de la production et des échanges sur les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur.

    M. Maxime BONO, rapporteur au nom de la production et des échanges.(Rapport n° 3315 sur les propositions de résolution nos 3264, 3284, 3285, 3286, 3287, 3289 et 3304).

2. Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262).

    M. Didier MIGAUD, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.(Rapport n° 3320).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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