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Session ordinaire de 2001-2002 - 12ème jour de séance, 29ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 23 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

      FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002
      (suite) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 8

      QUESTION PRÉALABLE 16

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001 29

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance vieillesse - C'est une lourde tâche qui échoit aujourd'hui au rapporteur pour la branche vieillesse. On devine son émotion alors qu'il est chargé de brosser la vaste fresque de l'_uvre accomplie en cinq ans par un gouvernement, d'autant que celui-ci a bénéficié d'une forte croissance économique. Mais parler de l'absence relève d'une forme d'exercice auquel les rapporteurs parlementaires ne sont pas nécessairement préparés : la distinction de l'être et du non-être, le non-être n'étant pas, en la circonstance, le néant, mais le non-manifesté.

La réforme des retraites en France est un chantier urgent, nous en sommes tous convaincus. Le Gouvernement n'a pas pour autant jugé bon d'agir. De cette législature, il ne restera que la création du fonds de réserve pour les retraites et du Conseil d'orientation pour les retraites, qui fournit du reste un très bon travail sous l'égide de Mme Moreau.

A titre d'exemple, à cinq reprises le Gouvernement a reconduit le dispositif de la revalorisation des pensions en indexant le montant des salaires portés au compte sur les prix. Chacun sait que cette seule indexation est insuffisante pour garantir le niveau de vie des retraités. Et le Gouvernement le prouve en donnant chaque année un coup de pouce. Mais quelle est la garantie des retraités en cas de récession ou de déflation ? On ne peut pas décemment indexer le revenir sur un coup de pouce annuel.

Qu'on ne nous oppose pas que cette situation résulte de la réforme de 1993. Cette réforme était nécessaire et courageuse. De votre part, le courage eût été de poursuivre en demandant à leur tour aux régimes spéciaux et des fonctions publiques de procéder à leur réforme. C'est là que se serait trouvée la justice sociale. C'est une entreprise très difficile, mais j'espère que le rapport du Conseil d'orientation pour les retraites nous fournira des solutions.

Faute de tout cela, il faut rendre grâce au Gouvernement d'avoir su nous fournir généreusement en bonnes lectures. Les rapports se sont succédé. Le seul regret est que celui du Conseil d'orientation des retraites ne paraîtra qu'à la fin de l'année. En effet, il est à craindre que le Gouvernement n'ait pas le temps de mettre à profit les orientations qu'il aura définies, lançant enfin la réforme dont le Premier ministre a souligné la nécessité le 21 mars 2000. Vous avez, Madame la ministre, parlé d'un « prochain programme » après la législative, et j'imagine que les retraites en feront partie. On imagine en effet la frustration de ne pouvoir mettre en _uvre le plus beau des trois D de la fameuse méthode : Diagnostic, Dialogue, Décision...

Rapport Charpin, rapport Teulade, rapport Taddei ou rapport Balmary. Fallait-il autant de rapports pour, finalement, faire preuve du plus frileux des attentismes ?

Ainsi, le Gouvernement a purement et simplement interdit le cumul emploi retraite. Est-ce là une politique responsable et ambitieuse pour l'avenir ?

Le rapport Balmary, commandé par le Gouvernement, constituait pourtant un document propre à nourrir la réflexion.

Certes, cette question ne peut être examinée de façon isolée. Elle s'intègre dans la problématique de la cessation d'activité imposée, trop tôt, à des centaines de milliers de salariés et de son coût humain et social. Or, compte tenu du vieillissement de la population, le risque est double : dégradation du rapport cotisants/retraités et surcoût de la dépendance.

Comme l'a souligné M. Taddei, la retraite choisie et progressive mettrait un terme à l'aberration qui place en péril de licenciement tout salarié au prétexte qu'il a atteint l'âge de cinquante ou cinquante-cinq ans. Cette réforme aurait eu nécessairement pour corollaire le recours au cumul de l'emploi et de la retraite. Mais le Gouvernement - comme sur tant d'autres points - n'a pas réagi.

De même, si on ne peut que saluer la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, on sait que son financement n'est assuré que pour deux ans ? Les coûts seront nécessairement exponentiels, mais le Gouvernement n'en a cure. D'autres ont pu dire « après moi le déluge », celui-ci dit « après moi les financements ».

Pourquoi n'avoir pas créé un cinquième risque couvert par la sécurité sociale, celui de la dépendance ?

L'observateur attentif aura aussi noté que les dernières lois de financement de la sécurité sociale souffrent fortement de la catastrophe des 35 heures, qu'on peut difficilement qualifier de « progrès social ». L'impréparation de leur application dans la fonction publique demeure symptomatique de ce qui semble tenir lieu de méthode au Gouvernement.

La solidarité entre les régimes ne justifie pas les inénarrables manipulations auxquelles se livre l'exécutif. La lecture des comptes de la sécurité sociale est toujours aride, mais rien d'autre que le financement des 35 heures ne saurait expliquer l'invraisemblable grimoire qui retrace dorénavant le flux des recettes et des dépenses. Ainsi, pour ne pas laisser apparaître un déficit des comptes de la CNAVTS en 2000, dû à une annulation de créance du FOREC, il a fallu rouvrir des comptes pour 2000 qui, en toute logique, étaient clos dans les comptes de la sécurité sociale présentés en septembre dernier.

La création du fonds de réserve pour les retraites était indispensable dès lors que le système par répartition était maintenu. On ne peut donc que le saluer. Cependant une montée en charge rapide et un financement stable et durable auraient logiquement dû s'ensuivre. Une fois de plus, tel n'a pas été le cas. Les avatars de la cession des licences UMTS illustrent cruellement le manque d'appréciation du Gouvernement. Que restera-t-il des quatre-vingt-dix milliards de francs annoncés puisque le prix des licences est aujourd'hui négocié à la baisse avec les acheteurs encore en lice.

M. Yves Bur - Un effondrement !

M. Denis Jacquat, rapporteur - Dans un autre ordre d'idées, on ne s'explique pas les 762 millions d'euros versés au FRR par la branche famille. La politique familiale française est-elle si brillante qu'elle peut se passer d'une telle somme ? Le nombre des places en crèche est-il suffisant ? Les mères de familles qui travaillent ne rencontrent donc plus la moindre difficulté ? Je ne peux me réjouir d'une telle recette si elle grève notre politique familiale.

Il n'est pas possible de parler de recettes durables du fonds de réserve dès lors que le FSV, la C3S et les excédents de la CNAVTS sont susceptibles de faire l'objet de manipulations a posteriori.

La loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel a donné au fonds de réserve des retraites sa structure administrative. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, les députés avaient clairement indiqué au Gouvernement leur préférence pour une gestion paritaire des fonds et une alimentation pérenne.

Mais on ne s'embarrasse pas des avis du Parlement. Ainsi, le présent texte a été déposé à l'Assemblée le 10 octobre pour un examen en commission le 16 et en séance le 23. Jamais depuis que l'Assemblée se prononce sur la loi de financement, le délai ni le débat n'auront été aussi courts.

Disons-le, l'ensemble de l'exercice consiste à présenter des comptes sociaux ayant l'apparence de l'équilibre, de faire croire que les sommes annoncées au plus court terme figurent bien dans les comptes du FRR. Personne n'est dupe.

Puisque ni le temps ni les moyens n'ont manqué, il faut bien conclure que le Gouvernement veut repasser le mistigri à l'équipe suivante.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce sera la même !

M. Denis Jacquat, rapporteur - L'essentiel, c'est de se retrouver ensemble.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je serai ravie de vous retrouver en tant que rapporteur de l'opposition.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Faute de l'ample réforme attendue par tous, des améliorations ponctuelles auraient pu intervenir. Par exemple, 36 % des retraités de droits directs sont pluripensionnés mais, selon les cas, cette situation est à leur avantage ou à leur détriment.

Le minimum contributif, créé en 1983 et dont l'objectif était de garantir une pension égale à 95 % du SMIC, atteint péniblement aujourd'hui 57,7 % du SMIC net.

Une fois de plus, la question des conjoints survivants n'a pas été abordée dans la loi de financement. Pourtant, des cotisations sont versées à l'assurance veuvage et, malgré les excédents constatés de ce régime, les intéressés ne perçoivent que des pensions d'un montant minimum. Nous avons enfin voté une disposition l'an dernier, mais le décret d'application n'est toujours pas paru...

Ils faut aussi déplorer que l'augmentation annuelle de 2 % du taux de la réversion jusqu'aux 60 %, décidée en 1995, ait été abandonnée, au détriment des veuves les plus âgées qui ont peu cotisé et qui touchent ainsi les pensions les plus faibles. De même, le plafond de cumul de la pension de réversion doit être revalorisé pour, à terme, être supprimé. Je souhaite ardemment que le Gouvernement prenne en compte ces simples mesures de justice.

En résumé, le présent projet fait montre d'une extraordinaire aboulie et les questions posées restent sans réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles pour la famille - La cellule familiale constitue le c_ur de notre société. Organisée autour de l'enfant, elle doit construire son système de valeurs, entouré d'amour familial, et lui fixer les repères qui l'aideront à conquérir son autonomie.

Elle est le premier espace de solidarité et de socialisation, elle est indispensable à la fois à la construction de l'individu et à l'élaboration de la cohésion sociale.

Le Gouvernement et la majorité en font un véritable projet politique, animé par une concertation permanente, inspiré par l'évolution de notre société.

Le PLFSS traduit bien cette volonté d'une politique familiale plus juste, plus solidaire, reconnaissant la place de l'enfant et valorisant le rôle des parents.

Il continue à mettre en _uvre les axes de la politique familiale définis depuis 1997, en concertation avec les partenaires, concertation matérialisée par le rendez-vous annuel que constitue désormais la Conférence de la famille.

Recherche d'une plus grande solidarité et meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, notamment par une plus grande égalité entre les pères et les mères, tels sont ces axes. La meilleure illustration en sera en 2002 la création d'un congé de paternité de onze jours, s'ajoutant aux jours d'absence déjà prévus et rémunérés selon les mêmes modalités que le congé de maternité. L'accueil enthousiaste réservé à cette mesure montre que cette reconnaissance concrète du rôle du père est en harmonie avec l'évolution des mentalités.

Cette politique familiale s'inscrit dans un contexte de reprise de la natalité, auquel les mesures prises depuis 1997 ne sont pas étrangères.

Nous trouvons en tout cas dans ces chiffres un début de récompense à notre volonté de faire en sorte que des éléments matériels ne constituent plus un obstacle à l'arrivée d'un bébé par ailleurs tellement désiré. On constate ainsi une augmentation continue du nombre de naissances depuis 1995, et en 2000 la plus forte hausse du taux de natalité depuis 20 ans. Cette tendance se prolonge en 2001.

Il faut dire que depuis quatre ans, le Gouvernement a entrepris, dans la concertation, une rénovation en profondeur de la politique familiale.

C'est ainsi que l'avantage fiscal apporté par le quotient familial a été limité tandis que l'aide publique à la garde d'enfant était améliorée dans un souci de plus grande équité. L'allocation de rentrée scolaire a vu son montant quadrupler et a été étendue à toutes les familles d'un enfant sous conditions de ressources dès la rentrée scolaire de 1999. La réduction d'impôt pour frais de scolarité a été rétablie en 1998 et un fonds social a été créé afin de garantir l'accès aux cantines scolaires des enfants les plus modestes. Le bénéfice des allocations familiales a été prolongé jusqu'à 19 ans en 1998 et 20 ans en 1999. Les aides au logement ont été revalorisées et simplifiées afin d'améliorer sensiblement celles versées aux plus modestes. Un congé et une allocation de présence parentale ont été créés pour les parents d'enfants gravement malades.

S'agissant de l'accueil et de la garde du petit enfant, il faut citer l'amélioration de l'aide versée aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle, le développement des places en structures collectives, notamment par la mise en place d'un fonds d'investissement pour la petite enfance auquel trois milliards ont été affectés sur deux ans, le développement des relais assistantes maternelles, l'accompagnement du retour à l'emploi pour les mères de famille bénéficiaires de l'API ou du congé parental d'éducation et la prime de retour à l'emploi.

En matière d'action sociale, les interventions des CAF en direction des 6-16 ans ont été renforcées par la création des contrats « temps libre », par la mise en place de réseaux d'écoute, d'appui et de soutien aux parents, par le développement de la médiation familiale et du soutien scolaire.

A ces mesures s'ajoutent les réformes du droit de la famille entreprises au cours de la législature, qu'il s'agisse de l'exercice de l'autorité parentale, du nom patronymique, de la situation du conjoint survivant ou des procédures de divorce.

Toutes ces mesures ont été rendues possibles par le rétablissement de la situation financière de la branche famille après les lourds déficits enregistrés de 1994 à 1998.

Les excédents ont en particulier servi à financer un développement sans précédent des aides à la garde des jeunes enfants.

Permettez-moi maintenant trois remarques.

D'abord au sujet de l'allocation de présence parentale, qui démarre lentement alors qu'elle répond à un besoin fortement exprimé par des familles confrontées à des situations extrêmement difficiles. On ne comptait en effet que 1 000 bénéficiaires en juillet 2001, bien en deçà des prévisions qui s'établissaient autour de 8 000 personnes. Cette question mérite un examen attentif tant sont grands la détresse des familles et les espoirs.

S'agissant ensuite du pouvoir d'achat des prestations familiales, la revalorisation prévue pour 2002 est de 2,1 %, soit une charge de 500 millions d'euros. Mais la commission des affaires sociales croit souhaitable que le taux de revalorisation soit aligné sur celui prévu pour les pensions de vieillesse, soit 2,2 % et a adopté un amendement en ce sens. Il en résulterait un coût supplémentaire d'environ 150 millions de francs.

Enfin à propos des mesures de tutelle ou de curatelle, car celles-ci augmentent et posent des problèmes de gestion aux associations tutélaires.

Environ 67 000 mesures de tutelles civiles avaient été recensées en 1995. Il y en aurait près du double en 2000, leur rémunération étant de 750 F par mois. Par ailleurs, 28 000 adultes font l'objet de mesures de tutelles aux prestations sociales gérées par les UDAF.

Un nouveau mode de financement plus homogène avait été préconisé. Je souhaiterais que l'on y réfléchisse.

En conclusion, je veux rappeler nos priorités pour 2002 : mettre en oeuvre le congé de paternité de onze jours cumulables avec les trois jours dont sont déjà bénéficiaires les salariés dès le 1er janvier 2002 ; permettre à 30 000 enfants supplémentaires d'être gardés ; donner de nouveaux moyens à l'action sociale en faveur des familles à travers le fonds national d'action sociale qui sera abondé de 1,6 milliard ; réformer l'allocation d'éducation spéciale afin d'améliorer les aides versées aux familles en tenant mieux compte de la diversité des situations ; favoriser l'autonomie des jeunes adultes par une révision du mode de calcul de leurs aides au logement ; mener la seconde étape de la réforme des aides au logement sans oublier bien sûr la nécessaire revalorisation des prestations familiales.

Ces mesures témoignent de la continuité de notre volonté de rénover en profondeur notre politique familiale. Ce PLFSS nous donnera des moyens supplémentaires pour ce faire et nous permettra d'accomplir un pas de plus vers une politique familiale plus solidaire et plus juste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - Nul besoin de patriotisme économique pour constater que les comptes de la sécurité sociale sont redressés. Certes, ils s'appuient sur les hypothèses économiques volontaristes mais tout gouvernement digne de ce nom se doit de manifester un certain volontarisme. Ne serait-ce que pour ne pas affaiblir la consommation des ménages, et je suis sûr que d'autres gouvernements, en des circonstances comparables, feraient de même.

Les comptes de la sécurité sociale sont donc redressés et l'an prochain l'excédent des organismes de sécurité sociale sera de l'ordre de 30 à 40 milliards et pour le seul régime général de 6,6 milliards. Pour mesurer le chemin parcouru, il faut peut-être se reporter au 24 janvier 1996, c'est-à-dire à la publication des ordonnances Juppé, et à la création de la caisse d'amortissement de la dette sociale - CADES - ainsi que de la contribution pour le remboursement de cette dette sociale - CRDS.

La mission de la CADES était de prendre à son compte le déficit cumulé des organismes sociaux des années 1994 et 1995, soit 137 milliards (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). La deuxième : reprendre à son compte la dette que l'Etat avait pour sa part reprise en 1993, c'est-à-dire les déficits cumulés des cinq années précédentes, soit 110 milliards. D'un côté, donc, 137 milliards sur cinq ans, de l'autre 110 milliards sur deux ans, la balance pourrait sembler équitable mais elle ne l'est pas vraiment puisqu'en 1997, nous avons dû prolonger de cinq ans la mission de la CADES, qui a ainsi repris à son compte la dette cumulée des organismes sociaux sur 1996 et 1997, soit 87 milliards. Ce qui fait qu'il faut comparer 137 milliards sur cinq ans et 230 milliards sur quatre ans. Cela devrait tous nous inciter à plus de prudence dans nos critiques.

Compte tenu du chemin parcouru, il est temps de faire un bilan à la fois des moyens de financement et de la procédure.

S'agissant du financement, nous devons rappeler l'importance de cette réforme qui consiste à basculer les cotisations maladie sur la CSG. Ce faisant, la sécurité sociale a trouvé un mode de financement beaucoup plus sûr - parce qu'à assiette plus large - et plus juste - car prenant en compte tous les revenus. Rappelons aussi que cette réforme a permis d'améliorer le pouvoir d'achat des revenus d'activité de 1,1 %. Je doute fort d'ailleurs que ce mode de financement soit un jour remis en cause.

Pour ce qui est du bilan des branches, je rappelle simplement que la CMU a coûté à la branche maladie quelque 6 milliards de francs et la réforme des allocations logement quelque 7 milliards à la branche famille. L'allocation dépendance a quant à elle un coût beaucoup plus élevé que feue la PSD, car elle assure une bien meilleure prise en charge, et pour ce qui est des accidents du travail, vous conviendrez avec moi que la création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ne fait que commencer à réparer ce que l'Etat a trop longtemps ignoré.

J'en viens à la procédure elle-même. Bien sûr, ce fut une bonne chose pour le Parlement d'être enfin saisi d'un budget d'environ 2 000 milliards, mais l'articulation entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale a été mal pensée. Nous le constatons chaque année. Il existe en effet des « dispositifs-reflets », qui sont à la fois dans un projet et dans l'autre ; nous devons parfois tenir compte de mesures qui n'ont pas encore été votées. A quoi s'ajoutent des choix contestables comme celui d'exclure du champ du PLFSS la CADES et la CRDS, ainsi que les régimes d'assurance maladie comptant moins de 20 000 adhérents. Et si d'aventure nous voulions créer une retraite complémentaire pour les agriculteurs, nous n'aurions pas la possibilité constitutionnelle de le faire puisque la loi de financement ne concerne que les régimes de base. J'espère donc que nous n'attendrons pas quarante ans pour réformer l'ordonnance de1996.

Je voudrais maintenant évoquer les perspectives. Grâce à la réforme de la CSG, reconnaissons que les ressources ne manqueront pas et que la progression de la masse salariale assurera un financement correct aux différentes branches, ce qui permettra, je le souhaite, de créer de nouvelles prestations et d'améliorer celles qui existent.

Mais la situation du poste pharmacie a de quoi nous préoccuper car nous assistons à un dérapage d'environ 10 %. Sauf à imaginer que le financement de ces dépenses se fasse au détriment d'autres postes, il faudra bien trouver un moyen pérenne de les financer ou de les maîtriser. J'espère qu'après la politique du générique, après la possibilité de prescrire en dénomination commune internationale, après les mesures que nous nous apprêtons à examiner et, j'espère, à voter, la dépense pharmaceutique connaîtra une évolution plus tolérable.

S'agissant de l'hôpital, je me félicite comme beaucoup de nos collègues qu'on ait pris la mesure des besoins évidents en personnel. Faut-il rappeler qu'au début de l'année dernière, le MEDEF avait proposé de faire 30 milliards d'économies en quelques années sur l'hôpital...

M. le Président de la commission - Il fallait le dire.

M. le Rapporteur pour avis - En matière de politique familiale, deux sujets doivent occuper notre réflexion : la place à donner aux jeunes adultes, et la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale - à laquelle contribue la création, réalisée ou prévue, de très nombreuses places de crèche.

Le chef de l'Etat s'est indigné de ce que les excédents de la branche famille ne soient pas exclusivement réservés à la branche famille. Mais d'abord, pour affecter des excédents, encore faut-il qu'il y en ait : or force est de constater que celui qui a créé ces excédents est le Premier ministre qui a été choisi par le Français et non celui qui avait été choisi par Jacques Chirac. Ensuite, prenons garde : si tous les excédents doivent être affectés à la branche famille, alors de même, en cas de déficit, cette branche devra sacrifier ou diminuer certaines prestations...

M. le Président de la commission - Excellent raisonnement.

M. le Rapporteur pour avis - Concernant la politique de la vieillesse, le bilan est satisfaisant. Objectivement, le pouvoir d'achat des retraités a augmenté ces quatre dernières années, alors qu'il avait diminué les quatre années précédentes de 2,3 %. Il a augmenté de 1,4 % pour l'ensemble des retraités, et de 1,9 % pour les retraités non imposables, du fait de l'adoption l'année dernière par notre assemblée d'un amendement de la commission des finances revenant à défaire ce que l'opposition avait fait, à savoir imposer à la CRDS les retraités non imposables. Mon regret est que nous ne soyons pas assez loin pour rattraper totalement le pouvoir d'achat précédemment perdu : il reste du chemin à faire.

Je m'étonne qu'on ait pu faire des propositions qui, si elles étaient suivies, auraient pour conséquence une diminution du revenu des retraités : quand le principal parti de l'opposition déclare qu'il faut passer à une retraite par points, et non plus fondée sur les vingt-cinq dernières années, il annonce tout simplement aux Français que leurs retraites vont baisser ; quand le même parti prône une retraite à la carte, il accepte tout bonnement que des gens partent à la retraite avec des revenus tout à fait insuffisants. On nous propose aussi de nous inspirer de l'exemple allemand, au motif d'introduire un peu de retraite par capitalisation, mais est-ce à dire qu'on veut, comme en Allemagne, une augmentation des cotisations des salariés, un flux d'immigration de 200 000 personnes par an, ainsi qu'une diminution drastique des pensions de réversion ?

Au total, de 1999 à 2002, les recettes de la sécurité sociale auront progressé de 4,6 %. Il est de bon ton de gloser sur le fait que les fruits de la croissance auraient été dilapidés, mais quelles prestations faudrait-il supprimer ? La CMU ? Les allocations logement ? Les allocations pour personnes âgées dépendantes ? Sinon, quelles prestations faudrait-il diminuer ? Les prestations familiales ? Les Français sont en droit de savoir ce que l'opposition compte faire et qu'au demeurant, elle a été pendant cinq ans incapables de proposer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Yves Bur - Il paraît nécessaire de tempérer l'euphorie de nos collègues de la majorité, qui semblent oublier que le contexte a changé depuis l'année dernière... Le Gouvernement s'en tient à ses prévisions de croissance, alors que tous les organismes d'études les révisent à la baisse.

Certes, reconnaître que la situation se dégrade, c'est risquer d'aggraver l'inquiétude. Il reste, hélas, que le ralentissement de la croissance est déjà une réalité et aura des répercussions en termes de chômage. Mieux vaut dire la vérité, surtout quand on appelle les Français à la mobilisation économique ! Comme mes collègues l'avaient fait dans la discussion budgétaire, je ne peux que souligner le caractère artificiel des hypothèses de croissance retenues par un premier ministre obnubilé par l'horizon présidentiel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, vous continuez à sous-évaluer les dépenses de l'assurance maladie. Serait-ce qu'un mécanisme de régulation efficace aurait été mis au point ? Nullement ! Il faudra donc à l'évidence apporter des corrections a posteriori, ce qui revient à priver nos débats de sens.

Ce n'est pas là ce que nous espérions lorsque nous avons adopté le principe d'un débat sur le financement de notre protection sociale ! La volonté du Parlement est constamment bafouée par le Gouvernement, qui ne daigne même pas mettre en place les fonds prévus par la loi. C'est ainsi que, le FOREC n'ayant pas été créé en 2000, nous sommes appelés à une gymnastique comptable qui est loin d'être conforme à l'esprit des lois de financement...

Plus grave encore est la décision du Gouvernement de ne pas compenser le déficit du FOREC à hauteur de 16,1 milliards de francs. Contrairement aux engagements de Mme Aubry, la charge des 35 heures sera bel et bien imputée aux régimes de sécurité sociale. Les partenaires sociaux ont unanimement condamné ce hold-up qui prive la sécurité sociale de ressources pour améliorer ses prestations au profit des familles, des malades et des retraités. Le versement de l'excédent éventuel de la CNAV au fonds de réserve des retraites n'aura pas lieu en 2001, mais en 2002 ; la prise en charge des soins dentaires ne pourra pas être améliorée, malgré les recommandations du rapport Yahiel ; les personnels de l'hospitalisation privée sauront qu'ils n'ont rien à attendre du Gouvernement pour améliorer leurs rémunérations, largement inférieures à celles du secteur public...

Par ailleurs, est-il acceptable que les taxes sur la consommation d'alcool et de tabac, responsables de nombreuses pathologies graves pour les consommateurs et coûteuses pour l'assurance maladie, soient intégralement affectées au FOREC et aux 35 heures, alors qu'elles auraient vocation à financer des soins et une politique de prévention ?

Pour notre part, nous trouvons ce choix scandaleux. Non seulement les malades et leurs familles sont mis à contribution pour financer les 35 heures, mais on dit aux Français : « Fumez et buvez pour travailler moins ! » (Rires sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Grave est l'absence de transparence du financement de la sécurité sociale, qui complique notre travail et, surtout, affaiblit le contrat social qui fonde la contribution de chacun à la solidarité nationale. Qui peut admettre que les excédents de l'assurance vieillesse et, s'ils existaient, ceux de l'assurance-maladie, servent à financer les 35 heures, quand on sait les besoins à venir du système de retraites et ceux, toujours croissants, de la santé publique ?

M. Marcel Rogemont - Vous demandez donc qu'on dépense plus ?

M. Yves Bur - Votre gouvernement porte une lourde responsabilité dans l'affaiblissement du contrat social, contrat dont la conscience est la condition nécessaire à toute évolution de notre protection sociale. Toutes vos lois successives de financement de la sécurité sociale, usines à gaz dont les raccordements changent au gré des annonces et des nouveaux fonds à alimenter, n'ont fait que la maintenir dans l'incertitude quant à son financement, et quant aux réformes nécessaires, que le Gouvernement précédent avait engagées non sans maladresse, vous avez été incapable des les entreprendre, faute de courage et faute de majorité pour les voter.

Cette année, l'équilibre paraissait à portée de main, mais la conjoncture nouvelle a révélé sa fragilité, en l'absence de véritable maîtrise des dépenses. Comme le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, les excédents demeurent modestes en proportion, surtout si l'on considère la progression exceptionnelle de l'emploi et de la masse salariale ces deux dernières années. Ces conditions auraient dû provoquer, y est-il écrit, des excédents plus importants, car le régime général va aborder la période difficile qui s'ouvre sans avoir suffisamment rétabli sa situation financière. Autrement dit, vous préparez aux Français des lendemains moins roses, et nous le regrettons, quelle que soit la majorité qui sorte des urnes au printemps (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Notre critique est-elle si injuste ?

Mme Odette Grzegrzulka - Oui !

M. Yves Bur - Pas tant que ça (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), si l'on en juge par l'avis, unanimement défavorable, que portent les partenaires sociaux sur le présent projet, du fait de l'opacité des comptes et de la complexité des transferts. Les syndicats ne sont guère convaincus de votre conversion subite et intéressée au dialogue social, et attendent de vous des signaux crédibles. Or, vos propositions restent très en deçà des défis de demain.

Cette absence de perspective est particulièrement criante dans le domaine des retraites, où l'impression dominante est que vous pilotez à vue (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Votre revirement récent sur la question des licences UMTS en est la parfaite illustration. Alors que d'innombrables rapports soulignent la réalité du problème financier et que tous les pays d'Europe ont pris des mesures tenant compte des réalités démographiques, vous seuls estimez qu'il convient de ne rien faire. Même les études les plus favorables, commandées opportunément par vos soins, ne peuvent faire croire à personne de sensé qu'une croissance soutenue suffira à régler la question, ni qu'un fonds de réserve de 152 milliards d'euros évitera la remise à plat des conditions de départ à la retraite. Un numéro récent de la revue Futuribles vient, hélas, bousculer vos tranquilles certitudes.

Vous nous reprochez d'avoir pollué le débat par une approche qui fut certes intempestive, mais aussi courageuse ; nos concitoyens ont cependant compris depuis longtemps, fût-ce confusément, que moins d'enfants et plus de retraités, une vie plus longue et une période d'activité plus courte, étaient autant d'éléments qui rendaient la réforme inéluctable. Les Français souhaitent la réforme, mais dans la transparence et l'équité.

Il faudra du temps, de la pédagogie et, surtout, des objectifs clairs et partagés, pour pérenniser la répartition tout en réduisant les disparités entre régimes et en faisant supporter équitablement l'effort par les différentes générations. Ce sont, nous le savons tous, des problèmes redoutablement complexes, mais qui n'en sont que plus urgents. Votre attentisme n'est pas à son honneur : attendre, toujours attendre... que le temps des élections soit passé !

Vous n'avez pas su profiter de la croissance pour entreprendre des réformes de fond, vous avez préféré le ministère de la parole aux actes fondateurs. La démarche suivie pour alimenter le fonds de réserve frise l'irresponsabilité : comment débattre quand l'improvisation se fait règle ? Il y a trois semaines, vous affirmiez avec fierté que plus de 2,5 milliards d'euros lui seraient affectés l'an prochain, c'est-à-dire le produit intégral des licences UMTS. Et voici que M. Fabius, après avoir longtemps nié l'évidence, est rattrapé par le principe de réalité : le pactole s'est envolé.

M. Marcel Rogemont - Non : il est reporté dans le temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Yves Bur - Qui plus est, le fonds de réserve ne recevra que 53 % des recettes, et les excédents du FSV sont d'ores et déjà détournés au profit du FOREC. C'est une politique de Gribouille ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous n'avons cessé de dire que la politique des retraites ne pouvait reposer sur des recettes de circonstance, hypothétiques de surcroît, et les Français ne se contenteront pas de vos affirmations lénifiantes, de l'air des mille milliards de francs que vous jouez comme sur la flûte de Till l'Espiègle !

Le fonds de réserve pose, en tout état de cause, des problèmes de principe. Dans quelles conditions sera-t-il mobilisé au profit des régimes en difficulté ? A quel rythme s'effectuera la décapitalisation ? Quelle politique de placements suivra-t-il ? Que se passera-t-il à son extinction ? Autant de questions importantes, qui mériteraient un vrai débat, notamment en commission.

Le même irréalisme, la même incertitude, la même absence de perspective caractérisent la partie du projet qui concerne la branche dont la situation est la plus préoccupante à court terme : je veux parler de l'assurance maladie.

L'irréalisme de l'ONDAM est tel que l'on peut se demander s'il mérite encore le nom d'« objectif ». De régulation des dépenses prévisionnelles en rebasage des dépenses réelles, il a perdu tout son sens et ne constitue plus qu'une vague indication, dont vous faites néanmoins un usage au besoin coercitif.

En neuf mois, les dépenses de santé ont augmenté de 5,4 %, quand le PLFSS pour 2001 fixait pour objectif 3,5 %. Dès lors, se donner un nouvel objectif de 3,8 % est bien irréaliste. Il serait temps de prendre en compte les vrais enjeux, liés aux besoins de santé et aux systèmes de soins. Cessons de traiter de la santé selon une analyse comptable. Or cinq ans après le plan Juppé, qui devait permettre de mieux piloter le système de santé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - En rationnant les soins et en sanctionnant les médecins !

M. Yves Bur - ...Vous n'en avez remis en cause ni l'essentiel ni l'architecture.

Aujourd'hui, les acteurs de santé ont le sentiment que rien n'a été fait pour engager une politique de fond : les facilités de la croissance semblent vous en avoir dispensés. Les professionnels n'ont plus confiance et les conflits se succèdent, seul moyen de faire bouger les choses. Récemment vous avez été contraints de répondre aux demandes légitimes des médecins hospitaliers.

M. Alfred Recours, rapporteur - Donc, c'est un bon accord.

M. Yves Bur - C'est un bon accord, mais nous verrons comment il sera exécuté. Le malaise des professionnels ne se dissipe pas malgré les sommes dépensées : 109 milliards de plus depuis 1997 pour le système de soins.

Mme Odette Grzegrzulka - Le meilleur du monde ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

M. Yves Bur - Cela ne nous exonère pas de faire des efforts et de porter un regard lucide. Les Français ont le sentiment que le système n'est pas maîtrisé..

Mme Catherine Génisson - Ils sont bien soignés !

M. Yves Bur - Notre pays ne s'est pas doté d'un véritable outil de régulation des dépenses de santé et l'Etat est un piètre gestionnaire des ressources humaines. Après cinq années de votre gestion, nous avons le sentiment d'une régression.

Mme Odette Grzegrzulka - Quelles sont vos propositions ?

M. Yves Bur - Sans laisser de place au partenariat, vous ne donnez à la CNAM qu'un rôle subalterne. De quelle marge dispose-t-elle pour mettre en place d'une régulation qui ait du sens ? Le système autoritaire lié aux lettres-clés flottantes n'a eu aucun effet, faute d'adhésion à cette coercition et parce que vous n'avez pas laissé la CNAM aller au bout de la logique comptable que vous avez choisie. Elle a été confinée dans un rôle de payeur aveugle.

Il en va de même avec les professionnels. Alors qu'il faudrait refonder le système conventionnel dépassé, aucun signe crédible n'a été adressé à aucune profession. Les acteurs sont désabusés. Qui croira que la création d'un observatoire de la santé va soulager la pénurie de professionnels médicaux ou paramédicaux ? Votre responsabilité est engagée dans la mise en _uvre des 35 heures dans le secteur hospitalier public, et rejeter la faute sur la précédente majorité est un peu gros. Vous saviez dès 1997 que la réduction du temps de travail aurait des répercussions sur le recrutement. Vous aviez toute latitude de préparer l'échéance du 1er janvier 2002, fixée par vous. Les pénuries vous sont donc complètement imputables. Elles auront des effets sur la qualité des soins, malgré tout le dévouement des personnels. Et comment croire que quelques aides à l'installation convaincront des professionnels de s'installer dans les quartiers sensibles ? Elles ne remplaceront jamais la sécurité. Comment rénover le débat conventionnel avec les organisations en privilégiant le conventionnement individuel ?

En fait, vos 13 propositions sont une sorte de testament recensant une partie des problèmes qu'il aurait fallu régler et que vous n'avez eu ni la volonté ni le courage de faire avancer. Le chantier ouvert, peut-être maladroitement, en 1996 reste en l'état.

La régulation par la contrainte a échoué. Le système actuel est mort, l'ONDAM ne régule rien et le paritarisme n'est qu'une apparence. Pourra-t-on poursuivre longtemps un système aussi centralisé ? Le succès des ARH devrait vous conduire à une plus grande régionalisation, vers laquelle la création des conseils régionaux de santé n'est qu'un pas.

Et vous ne tracez aucune perspective claire sur la régulation des dépenses, la clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de la CNAM ou la rénovation du cadre conventionnel. Il s'agit pourtant là de perspectives nécessaires pour aboutir à une maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Outre ce grand débat national, il faut nous interroger sur les problèmes spécifiques que nous constatons par rapport à nos voisins. Par exemple, la dépense par habitant pour les médicaments est supérieur chez nous de 6 % à ce qu'elle est aux Etats-Unis, de 50 % à l'Allemagne, et nous sommes en tête de l'OCDE. Quelles en sont les causes structurelles ? A l'évidence la régulation financière appliquée aux laboratoires n'a aucune répercussion sur l'augmentation des dépenses de médicaments. Il serait utile qu'une étude approfondie cerne les moyens, autres que les sanctions, pour freiner la consommation de médicaments. En particulier il faudrait mieux analyser l'impact de la rétrocession par les pharmacies hospitalières. Selon la caisse primaire de Sélestat, cette rétrocession est responsable d'une hausse de 2,6 % sur l'augmentation totale de 11,8 % des dépenses de pharmacie de cette caisse de juin 1998 à juin 1999. Prendre en compte cette pratique hospitalière éviterait de faire porter la responsabilité des dépenses de médicament à la seule médecine de ville. On ne peut faire l'économie d'une véritable politique du médicament fondée sur le service médical rendu, mais aussi sur un référentiel de prescription.

La France est également en retard pour l'imagerie médicale et l'équipement est très inégalement réparti. Les délais d'attente varient de 13 jours en Corse à 52 jours en Franche-Comté. Notre pays se situe juste devant la Turquie avec 3 IRM par million d'habitants contre 14 en Allemagne.

M. Jean-Michel Dubernard - Nous sommes les Chypriotes de l'IRM !

M. Yves Bur - De même, nous sommes en retard pour les pet-scans.

Entendez-vous commencer à rattraper ce retard, Madame la ministre, éventuellement en donnant plus de responsabilités aux ARH ?

Autre problème : la santé bucco-dentaire des Français a été trop longtemps négligée. Le rapport Yahiel a permis de cerner plus précisément les mesures à prendre pour que tous puissent accéder à des soins de qualité et la réforme de notre système archaïque de prise en charge ne peut être indéfiniment reportée. Certes, vous avez annoncé des actions de prévention, mais cet effort est largement engagé depuis des années, en collaboration avec l'assurance maladie. Le fait que cette dernière soit, à cause des 35 heures, dans l'incapacité de dégager des excédents, ne peut que retarder les décisions grâce auxquelles les Français cesseraient de renoncer à se soigner. Il faut nouer un vrai dialogue avec les professions dentaires : les insultes blessantes dispensées récemment ne peuvent en tenir lieu !

Le passage aux 35 heures dans l'hôpital public pose encore d'autres problèmes, nombreux, et les accords conclus, ainsi que les concessions que vous avez dû consentir, n'étaient que légitimes dès lors que la réduction du temps de travail devait s'appliquer uniformément à tous. Cependant, ne donnez pas à croire que tout serait réglé pour autant. Est-il sérieux, par exemple, de ne laisser aux centres hospitaliers que deux mois pour réorganiser des milliers d'emplois ? Tout cela ressemble plus à de l'improvisation qu'à une politique mûrement réfléchie. En outre, cette difficile transition va se télescoper avec la pénurie de personnel, médical et infirmier, la réduction du temps de travail créant des disparités entre le personnel technique et administratif, qui pourra passer relativement rapidement aux 35 heures, et le personnel soignant, qui ne le pourra vraisemblablement pas avant la fin de la période transitoire.

Décréter des créations de postes ne suffit pas, en effet, à éliminer la pénurie. Songez que 15 000 à 20 000 postes créés l'an dernier restent vacants : qu'en sera-t-il des 12 500 postes promis pour 2002 ? Ne pouviez-vous prévoir ces difficultés dès 1997 ? Le passage aux 35 heures, qui prend les hôpitaux de court, retentira pour longtemps sur leur fonctionnement, d'autant que l'instauration du compte épargne-temps ne facilitera pas le remplacement des infirmières - un tiers de l'effectif - qui doivent partir à la retraite d'ici à 2010.

Par ailleurs, les directeurs des hôpitaux auraient souhaité que la réduction du temps de travail soit l'occasion de revoir le fonctionnement des établissements. Votre réforme se limitera pour l'essentiel à gérer la pénurie !

Pour la sécurité sociale, la facture des 35 heures sera doublement salée : non seulement elle aura perdu de ses recettes au profit du FOREC, mais elle devra supporter la charge de compensations qui, pour les 45 000 créations d'emplois, s'élèveront à plus d'1,7 milliard d'euros, dont le tiers dès l'an prochain.

Dans les cliniques privées, le passage aux 35 heures a été imposé au prix d'un effort de « productivité » - le mot fait ici frémir - et d'un blocage des rémunérations. Aujourd'hui, ce secteur lance un cri d'alarme : confronté à une pénurie de personnel et victime d'une disparité de salaires avec le public, il a besoin, impérativement, d'un accompagnement social. Le dévouement de ces médecins et infirmières sont aussi exemplaires que ceux des hôpitaux, et la contribution que ces cliniques apportent au service public de santé, justifiant que vous écoutiez cet appel. Engagez sans tarder le dialogue.

Fragilisant les comptes sociaux, dépourvus d'une vision cohérente de l'avenir, vous menez une politique de gribouille qui n'épargne pas non plus la branche famille. L'UNAF dénonce à juste raison des transferts de charge, qui ne visent qu'à accaparer les excédents. Comme elle, nous nous insurgeons contre ces détournements de fonds qui s'apparentent à un pillage. Ainsi, mettre à la charge de cette branche la majoration de pension pour enfant élevé va contre la loi de 1993, qui a expressément créé le FSV pour financer de tels avantages vieillesse ! Ce transfert n'a en fait d'autre objet que de vous permettre d'opérer une ponction sur le FSV pour alimenter le FOREC. Vous détournez à la fois un fonds de sa vocation et un argent de ses légitimes destinataires, allant à la fois contre l'exigence de solidarité et contre ce qui avait été imaginé pour favoriser la naissance d'un troisième enfant. A n'en pas douter, les motifs d'inconstitutionnalité ne manquent donc pas : vous violez l'article L.153-1 du code de sécurité sociale et la loi Veil du 25 juillet 1994, l'un qui confiait au FSV la charge que vous imputez aujourd'hui aux familles, l'autre qui exigeait que toute mesure d'exonération de cotisations décidée par l'Etat soit compensée par ce même Etat, sur son budget. De surcroît, cette taxation méconnaît le principe d'autonomie financière des branches de la sécurité sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Les familles doivent faire face à des responsabilités de plus en plus lourdes : votre politique ne les y aide pas, bien au contraire. L'UNAF est parfaitement fondée à demander que les excédents dues à la conjoncture et à la diminution de l'effectif des familles nombreuses soient mis à leur disposition, notamment par le biais d'une revalorisation complémentaire de 5 %. De même il convient de favoriser, à côté des modes d'accueil collectif, la garde individuelle des enfants, et donc relever l'AGED et assouplir le dispositif d'aide.

Vous comprendrez donc qu'à l'instar des partenaires sociaux, de la CNAF et de l'UNAF, nous ne puissions cautionner vos ponctions sur les excédents de la branche famille. En optant pour une autre politique plus favorable aux familles, vous pouviez aussi relever le défi des retraites : une politique familiale audacieuse conforte la jeunesse d'un pays, aidant à faire face aux problèmes du vieillissement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Vos choix dopent la confiance des familles, qui entendent être écoutées et respectées. Ce refus du dialogue avec les partenaires sociaux porte la marque d'un mépris pour la démocratie sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et d'une volonté d'étatisation rampante qui n'augurent rien de bon pour notre protection sociale. Nous ne pouvons nous satisfaire de votre triomphalisme. Certes, la sécurité sociale revient de loin : il a fallu dix ans, depuis la funeste année 1992 dont vous devriez peut-être vous soucier davantage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), pour remonter la pente. En outre, la croissance vous a largement facilité la tâche. Mais cette croissance était aussi une chance, que vous avez gâchée en éludant toute réforme d'importance.

Au total, c'est le mot « insincérité » qui nous semble le mieux qualifier notre bilan. Parce que vous ne respectez pas la loi de 1994 en bafouant l'autonomie des branches parce que vous violez aussi cette loi en ne faisant pas compenser par l'Etat les exonérations de charges sociales qu'il a décidées. L'utilisation de certaines taxes pour financer la RTT qui coûte plus cher à la sécurité sociale que ne rapportent les emplois qu'elle crée, prive la protection sociale de ressources durables.

Le Conseil constitutionnel a précisé en 2001 que la sincérité des comptes, cela signifie l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par les lois de finances. Que vous vous en éloigniez, l'épisode calamiteux du FOREC en 2000 en est le triste exemple. En organisant délibérément son déséquilibre, vous avez faussé les comptes de la sécurité sociale pour 2000 et transformez le présent projet de loi de finances en projet de loi rectificative. Cette pratique ne peut être tolérée. De même, en retenant des hypothèses d'évolution de la masse salariale déconnectées de la réalité, vous renforcez le flou de votre politique sociale au mépris du Parlement et des partenaires sociaux. Cela ôte toute crédibilité à nos débats et constitue un motif d'irrecevabilité sur le fond. Pour redonner son sens à notre discussion, pour dénoncer cette politique de gribouille, je vous propose d'adopter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Paul Bacquet - M. Bur a fini par m'inquiéter. En effet, il m'a paru atteint d'anxiété chronique... Il nous annonce une baisse de la croissance qui l'afflige à moins qu'elle ne le réjouisse. Le chômage, il est vrai, reprend depuis quatre mois, mais nous mettons en place des mesures d'accompagnement. M. Juppé, lui, augmentait les impôts de 120 milliards et la TVA de deux points, s'imaginant ainsi relancer croissance et consommation... En ce qui concerne le projet de financement, M. Bur nous accuse de ne pas tenir compte des événements du 11 septembre, comme si l'on ne faisait pas le jeu des terroristes en cultivant les appréhensions (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Nous, nous préférons le volontarisme à la gesticulation.

M. Bur s'inquiète aussi des soins dentaires. Le projet prévoit des visites systématiques pour les enfants de 6 et 12 ans et relève le plancher de la CMU, ce qui a été salué par une organisation professionnelle et non des moindres.

Plusieurs députés RPR - Laquelle ?

M. Jean-Paul Bacquet - L'union des jeunes chirurgiens-dentistes (Murmures sur les bancs du groupe du RPR).

En ce qui concerne les droits sur les tabacs et alcools, il est vrai qu'il y a peut-être une erreur de casting : ils devraient servir à la prévention de la consommation.

Lors du vote du plan Juppé, les membres de l'opposition d'aujourd'hui étaient tous à applaudir debout, alors que les professionnels étaient effondrés... Les inquiétudes qui viennent de s'exprimer ne traduisent qu'une démagogie électoraliste. Car enfin où sont les propositions alternatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Vous nous reprochez de piloter à vue, mais votre propre façon de conduire dans le brouillard a tellement irrité, y compris dans votre propre camp, qu'elle a été pour beaucoup dans la dissolution. Votre programme se borne à prévoir quelques suppressions. Vous critiquez les 35 heures, sans dire ce que vous feriez à ce sujet. Vous rappelez-vous qu'un député RPR avait, début 1997, déposé une proposition de loi, acceptée par son groupe, tendant aux 32 heures ?

M. Alfred Recours, rapporteur - Sans la financer !

M. Jean-Paul Bacquet - Vous faites écho à des revendications corporatistes, mais vous vous opposez à toute évolution. Vous ne parlez pas des aides à l'installation dans les zones rurales ou difficiles. Vous ne dites rien des mesures en faveur des services de garde.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Paul Bacquet - Vous nous reprochez une approche comptable, dont le plan Juppé, avec le rationnement des soins et la destruction de la vie conventionnelle, était un bon exemple. Vous parlez de confiance, de partenariat, mais la confiance se mérite et le partenariat se construit ! Votre doctrine du numerus clausus a conduit certains d'entre vous à proposer de supprimer 30 000 médecins !

Votre argumentaire, certes concis, n'a fait aucune place aux propositions. Vous vous contentez de vous opposer au plan Guigou comme aux plans Teulade ou Aubry, comme aux 35 heures, à la CMU et à l'aide à l'emploi. Seuls avaient trouvé grâce à vos yeux les plans Juppé et Séguin, conformes à votre conservatisme.

Et vous qui aviez voté contre la CSG, vous vous êtes empressés de l'augmenter ! Monsieur Bur, le praticien que je suis serait tenté de vous prescrire des anxiolytiques, mais vous me reprocheriez de trop dépenser ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Morange - Le groupe RPR votera cette motion, défendue par un argumentaire exhaustif.

Si le projet de loi de financement de l'an passé nous semblait critiquable à la fois sur le fond et sur la forme, celui-ci est une véritable fiction.

La technique de gestion du Gouvernement confine à un surréalisme qui n'a séduit ni la Cour des comptes, ni la CNAF, ni la CNAV, ni la CNAM. Refusant les réformes structurelles, vous donnez au fonctionnement une priorité que peut certes justifier l'électoralisme. Mais, des soins ambulatoires au secteur hospitalier en passant par le médicament, vous ne nous proposez qu'un inventaire à la Prévert, ces mesures insuffisamment financées n'apportent aucune réponse de fond aux problèmes de vieillissement de la population, de progrès technologique et d'appétence au bien-être (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Luc Préel - Je lève tout de suite le suspense : le groupe UDF votera cette motion, défendue avec conviction, concision et mesure.

Ce projet témoigne d'un optimisme béat. Vous surévaluez les recettes en pariant sur 2,5 % de croissance, hypothèse à laquelle aucun économiste sérieux ne croit, et vous sous-estimez les dépenses de l'assurance maladie, ce qui est d'autant plus malvenu que la population est prête à accepter l'idée de dépenser plus pour ce bien supérieur, premier qu'est la santé. A quoi bon fixer un taux d'ONDAM dont on sait d'emblée qu'il ne sera pas tenu ? De même pour le taux des dépenses de médicament.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Et vous, qu'avez-vous fait fin 1996 ?

M. Jean-Luc Préel - Il faudrait partir des besoins pour fixer l'ONDAM...

M. Claude Evin, rapporteur - C'est vous qui l'avez inventé !

M. Jean-Luc Préel - Vous avez succédé l'an dernier à Martine Aubry, Madame la ministre...

Mme Odette Grzegrzulka - C'est la seule chose vraie qu'ait dite M. Préel.

M. Jean-Luc Préel - Celle-ci avait annoncé en arrivant au pouvoir qu'elle allait renouer des relations de confiance avec les praticiens libéraux. Quatre ans et demi après, qu'en est-il ?

M. le Président de la commission - Oh, ça va beaucoup mieux !

M. Jean-Luc Préel - Non, ils sont désabusés. Proposez-vous de revaloriser la consultation ? Non, pas plus que l'acte de soins infirmiers et les frais de déplacement. Pas plus que la parité des salaires pour les personnels des cliniques. Quant au milliard supplémentaire destiné à l'hôpital, l'ONDAM le prend-il en compte ?

M. Alfred Recours, rapporteur - C'est ondramatique !

M. Jean-Luc Préel - Monsieur Recours, vous qui présidez plusieurs conseils d'administration d'hôpitaux, vous devez savoir que la fédération hospitalière de France demande une révision globale des bases.

Je le répète, il est d'emblée évident que l'ONDAM ne sera pas tenu. Dans ces conditions, on ne peut que refuser ce projet et voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - En écoutant mes collègues de l'opposition, je repensais au temps où ils acclamaient debout le plan Juppé...

M. Jean-Luc Préel - M. Claude Evin déclarait à la télévision qu'il le jugeait remarquable !

M. Maxime Gremetz - Pour être franc, je dois reconnaître qu'il y a dans le présent projet des éléments qui malheureusement nous rappellent le plan Juppé, je pense en particulier aux retraites. Mais nous y reviendrons. Pour cela, encore faut-il que le débat ait lieu. Nous sommes en effet de ceux qui le jugent nécessaire : 2 000 milliards, plus que le budget de l'Etat, ce n'est pas rien, tout de même. Et il y a urgence car la situation de l'hôpital est explosive. Si certains pensent le contraire, je les emmène en visite... D'ailleurs, les organisations syndicales ont décidé une grande journée nationale d'action (Murmures sur les bancs du groupe UDF).

La droite qui formule des critiques parfois fondées oublie que c'est elle qui a inventé les sanctions, la maîtrise des dépenses de santé et autres contraintes ! Je doute que nous puissions jamais nous retrouver !

Pourquoi les excédents ne sont-ils pas aussi importants qu'ils auraient dû l'être compte tenu de la croissance exceptionnelle que nous avons connue et du recul du chômage ? La réponse est dans le rapport de la Cour des comptes : on a accordé 142 milliards d'exonérations de charges patronales ; la contribution sociale sur les bénéfices n'a rapporté que 3,8 milliards au lieu de 6 et le terrible effort des revenus des capitaux s'est limité à 10 milliards.

Voyez aussi le tableau page 167 du même rapport. Il montre que les cotisations patronales ont baissé tandis que celles des salariés augmentaient. La Cour des comptes en appelle donc à une révision de l'assiette des cotisations. Tant que l'on ne fera pas cotiser davantage le capital, on ne se donnera pas les moyens d'une protection sociale de qualité pour tous.

La situation des hôpitaux est explosive, disais-je. Et pourtant on leur refuse la suppression de la taxe sur les salaires - 10 milliards - alors que dans le même temps la suppression de la surtaxe Juppé va coûter 9,5 milliards. Nous, nous faisons au contraire le choix de l'humain. Et c'est précisément parce que nous voulons en débattre que nous rejetons l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. François Goulard - Dans l'argumentation de M. Bur, il y avait des raisons surabondantes de voter l'exception d'irrecevabilité. Son exposé concis, complet et brillant dessinait en effet une fresque extrêmement convaincante de toutes les lacunes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

Je reprendrai simplement l'argument de l'insincérité. La réforme que vous décriiez tant, mais à laquelle vous n'avez strictement rien changé, imposait que le vote du Parlement sur les finances de la sécurité sociale ait un sens, une portée réelle, qu'il soit un engagement. Or vous présentez un projet de loi illisible, marqué par l'obscurité des circuits financiers, par une surestimation évidente des recettes et par une sous-estimation aussi évidente des dépenses. C'est là bafouer la démocratie.

C'est donc avec une totale conviction que le groupe DL votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Bernard Accoyer - Monsieur le ministre, Messieurs les rapporteurs, je vous avoue mon admiration : dans la présentation d'un texte dont tous les observateurs soulignent le caractère irréaliste, vous avez fait preuve d'un authentique talent de comédiens...

Le rapport annexé affirme : « Depuis 1999, le régime général de la sécurité sociale est redevenu excédentaire ; 2002 sera donc le quatrième exercice dégageant un résultat positif ». Mais la commission des comptes de la sécurité sociale ni la presse n'ont été abusés. Le 29 septembre, La Tribune titrait : « Des comptes de la Sécu plus abscons que jamais ». Et La Croix : « La sécurité sociale repeinte en rose ».

Ce projet de loi de financement, qu'on ferait mieux d'appeler projet de loi de flottement de la sécurité sociale, cache une véritable remise en cause de la sécurité sociale, qui résulte soit d'une incompétence inexcusable, soit d'une volonté politique délibérée.

Qui peut nier que les dépenses de soins vont augmenter, du fait des progrès technologiques et de l'augmentation de l'espérance de vie ? Qui peut nier que se préparent un accroissement massif du nombre des retraités et une diminution importante du nombre des actifs ? Alors, comment expliquer qu'on diminue la quantité globale de travail, donc la source qui alimente la solidarité ? Et comment expliquer qu'on détourne les recettes de la protection sociale au profit de mesures purement politiques, à commencer par les 35 heures obligatoires ?

Ce PLFSS exprime d'abord un choix, le financement par la sécurité sociale des 35 heures, qui coûteront 70 milliards de francs en 2002. On choisit donc délibérément de ne pas mieux rembourser les soins, la dentisterie, la lunetterie, de ne pas mettre en place une véritable politique familiale, de ne pas consolider notre système de retraite.

Tout à l'heure, Mme la ministre nous a fait des propositions assez inattendues : désormais les dispositions réglementaires, voire le contenu des conventions, se discuteraient par voie d'amendement entre la première et la deuxième lecture... Procéder de la sorte me paraît inconvenant, pour reprendre le mot de M. Bartolone...

Dans les conseils d'administration des trois branches, les partenaires sociaux ont unanimement refusé d'avaliser ce PLFSS. Il est vrai que Mme la ministre des affaires sociales a sacrifié la gestion paritaire de la solidarité sur l'autel de la réduction du temps de travail. Cette rupture avec un dispositif créé par le général de Gaulle à la Libération est un séisme social dont nous n'avons pas fini de percevoir les conséquences.

A dire vrai, le Gouvernement a montré depuis longtemps que le dialogue social l'indiffère, notamment en tenant pour quantité négligeable les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. Mme Notat elle-même l'avait souligné à maintes reprises.

Il n'a pas davantage entendu les associations familiales, qui demandaient simplement le respect du principe, inscrit dans la loi, de l'indépendance des branches.

Il n'a pas entendu non plus les analyses des experts et les demandes des Français sur la réforme nécessaire des retraites.

L'important est de financer coûte que coûte la réduction du temps de travail. Et peu importe que la conjoncture économique se dégrade ! Est-ce de l'entêtement, de l'aveuglement, du dogmatisme ? En tout cas, cette attitude pèsera lourd sur l'avenir de la sécurité sociale. C'est là la plus grave erreur de M. Jospin.

Ce projet se veut un simple exercice comptable ; il n'en est pas moins déroutant, car il n'est ni objectif, ni sincère, ni réaliste. Les hypothèses sur lesquels il se fonde, comme les analyses et manipulations rétroactives auxquelles il se livre, sont l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire, de ce qui est condamnable en matière de politique sociale.

L'article 5 annule purement et simplement quinze milliards de recettes de l'exercice 2000. C'est une décision proprement scandaleuse que de réécrire des comptes déjà clos : un comptable public qui s'y risquerait serait sanctionné, et un comptable privé serait même poursuivi. Le Conseil d'Etat et la Cour des comptes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés... Il est vrai que le Gouvernement, pour avoir mis en _uvre les 35 heures sans en avoir analysé préalablement l'impact financier, a longtemps reculé avant de créer le FOREC, dont on attend d'ailleurs toujours, deux ans après, le décret constitutif ! Les caisses et les agents comptables du régime général n'ont pu, de leur côté, que constater l'existence d'une créance sur l'Etat et, partant, passer une provision sur l'exercice 2000 - qu'ils auraient dû, en toute logique, intituler « provision pour créance douteuse ». Ce sont ces comptes qui ont été arrêtés, puis votés par les conseils d'administration, puis approuvés par le ministre de tutelle - qui n'en a pas moins modifié, a posteriori, un exercice clos, fantaisie qui vaudrait à un élève de BTS de comptabilité une note éliminatoire. Pourquoi n'a-t-il pas, sur sa lancée, envisagé de modifier a posteriori les comptes de 1966 ou de 1948 ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

Les règles de la comptabilité veulent qu'une créance qui s'avère irrécouvrable soit annulée l'année suivante par une charge en report. Il est vrai que l'exercice 2001 aurait été, dans ce cas, non pas excédentaire, mais déficitaire de 6,7 milliards de francs, et que l'annonce en aurait été faite au printemps 2002, date qui n'est pas tout à fait indifférente à M. Jospin...

Au total, le Gouvernement ne peut se targuer, en tout état de cause, de trois exercices non déficitaires, mais seulement de deux : 1999 et 2000. Dès 2001, en effet, les comptes replongeront dans le rouge, et je ne parle même pas de 2002 ! Rappelons-nous, pourtant, la promesse, maintes fois répétée publiquement, selon laquelle les allégements de cotisation mis à la charge de la sécurité sociale seraient limités et encadrés, et ne mettraient pas celle-ci en déficit. Imprudence ou mensonge ? Je laisse chacun apprécier. Pour ma part, je considère qu'il n'est ni utile ni honnête de jouer alternativement sur la comptabilité en encaissements et décaissements et sur la comptabilité en droits constatés pour masquer la réalité, et qu'il n'est ni utile ni honnête, de la part du rapporteur, d'avoir cherché à maquiller la man_uvre inavouable du Gouvernement, en prétendant qui plus est que le FOREC serait l'outil de la réforme des cotisations patronales, quand chacun sait que son nom de baptême n'a d'autre raison d'être que de dissimuler l'objectif qui a présidé à sa création : le financement des 35 heures obligatoires.

Contrairement à la réduction des charges qu'avait entreprise Alain Juppé, et que ses successeurs ont vilipendée avant de la réhabiliter, les 35 heures obligatoires sont une mesure malthusienne, qui vise à partager le travail au lieu de le développer et qui, ce faisant, n'aboutit qu'à diminuer la compétitivité et la prospérité en aggravant les coûts et les charges. Les salariés ont bien remarqué, eux, que les 35 heures avaient provoqué le blocage des salaires ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

L'article 6 est un dispositif de plomberie, qui sert à détourner les fonds de la sécurité sociale vers le FOREC. S'il est logique que la taxe sur les contrats d'assurance des véhicules terrestres alimente l'assurance maladie, il l'est beaucoup moins qu'elle finance les 35 heures. La même remarque vaut pour les droits sur les tabacs et alcools, deux produits dont les effets sur les dépenses d'assurance maladie sont considérables de par les accidents et les maladies qu'ils provoquent. Moins justifiable encore est le transfert opéré du FSV vers le FOREC, car il vient ponctionner des prestations que les partenaires sociaux avaient su mettre en place dans un cadre contractuel.

L'article 9 résulte du refus du Gouvernement de présenter une loi de financement rectificative pour 2001 après l'annulation partielle de la loi de financement proprement dite par le Conseil constitutionnel. Ce refus, qui lui permet de cacher la dérive des dépenses, illustre à l'envi l'alliage d'opacité et de manipulations rétroactives qui caractérise sa démarche. Le texte voté en décembre 2000 a été censuré, en effet, sur plusieurs points importants, parmi lesquels la mesure-phare de « ristourne dégressive de CSG et de CRDS », annulée au motif qu'elle ne tenait pas compte des facultés contributives de chaque foyer - ce qui a contraint le Gouvernement à se replier en désordre sur un mécanisme de crédit d'impôt. Le Conseil constitutionnel a également annulé la compensation financière versée par l'Etat aux régimes de sécurité sociale pour la diminution des ressources résultant de la baisse de la CSG ; il ne pouvait, ce faisant, que laisser en l'état l'article premier du projet, alors même que les chiffres étaient devenus caducs. Au lieu de modifier ledit article par une loi de financement rectificative, ce qui aurait eu l'inconvénient de faire apparaître la dérive de l'ONDAM, le Gouvernement n'a rien trouvé de mieux que de corriger rétroactivement les prévisions de recettes pour 2001 !

Les prévisions de recettes pour 2002 font l'objet, quant à elles, de l'article 8. Jamais gouvernement n'a traité avec tant d'impudence une masse financière aussi importante : 316,5 milliards d'euros, plus que le budget de l'Etat ! Sans doute conscient de l'irréalisme des hypothèses retenues - 2,5 % de croissance du PIB, 5 % de croissance de la masse salariale -, il s'est contenté d'un exposé des motifs aussi expéditif que limité : « Pour la première fois, la loi de financement est présentée en euros et en droits constatés ». Quel mépris pour la réalité, le Parlement, la protection sociale des Français ! Pour 2002, les conjoncturistes prévoient plutôt une croissance de 1,8 % que de 2,5 %. Nous retrouvons le scénario d'il y a dix ans, quand la gauche précipitait les comptes publics dans des déficits abyssaux. Une fois de plus, les Français seront les victimes de ces méthodes peu reluisantes. Ainsi, comme en son temps Michel Rocard, Lionel Jospin a traité le dossier des retraites avec un renoncement politicien et électoraliste. Le temps passe, les socialistes ne changent pas.

M. Claude Evin, rapporteur - Vous non plus.

M. Bernard Accoyer - Le quotidien des Français en sera d'autant plus affecté que notre pays a désormais le douzième rang sur quinze pour le niveau de vie dans l'Union. Triste bilan auquel s'ajoute le déficit qui fait que chaque nouveau-né trouve dans son berceau une dette de 200 000 francs.

J'en viens à la situation de chaque branche. Pour ce qui est de la branche maladie, ce projet est non seulement sans rapport avec la conjoncture, mais avec les réalités humaines, médicales et démographiques. En dépit d'une croissance inespérée des recettes de l'assurance maladie, jamais celle-ci n'a été équilibrée depuis que M. Jospin est Premier ministre. L'agrégat des comptes des trois branches ne trompe que ceux qui veulent bien l'être. Le Gouvernement a gâché une situation des plus favorables. En 1998, 1999 et 2000, le PIB -qui avait reculé de 0,9 % en 1993- a crû de plus de 3 %, et la masse salariale a pu progresser jusqu'à 6 % par an. Les finances de l'Etat et de la sécurité sociale ont ainsi connu une période exceptionnellement faste. Aussi est-il peu honnête de faire constamment des comparaisons entre des périodes qui ne sont pas comparables, comme le gouvernement et sa majorité en ont pris l'habitude. Malgré cela les comptes du régime général n'enregistrent en 1999 et 2000 qu'un excédent de quelques millions sur 1 400 milliards de francs de dépenses. 2001 renouera avec le déficit, et 2002 s'annonce mal. Qui croit que la hausse des salaires atteindra 5 % ou que celle des dépenses de santé se limitera à 3,8 % ?

Pour un grand nombre de professionnels, las des critiques et des mesures discriminatoires, la crise du système de santé est avant tout morale. Comment ne pas comprendre l'appel des infirmières dont les tarifs sont devenus indigents ?

M. Jean-Michel Dubernard - 14 F pour une toilette !

M. Bernard Accoyer - Or pour elles, les remplacements sont impossibles et les sanctions courantes en raison des quotas. Comment ne pas comprendre les kinésithérapeutes, ou les chirurgiens-dentistes, accusés de tous les maux, et même injuriés, lors des journées parlementaires des Verts à Saumur, y compris par vous-même, Monsieur le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Non, monsieur.

M. Bernard Accoyer - On ne saurait oublier la responsabilité du Gouvernement qui a refusé la réforme tarifaire indispensable.

Chez les médecins, la crise morale est profonde. Quelle profession aura été autant brocardée, mise en accusation ? Elle serait responsable des déficits de l'assurance maladie, alors que les dépenses évoluent en fonction des besoins et des progrès scientifiques. Quelle autre profession aura été condamnée sans jugement à payer plus et gagner moins alors qu'elle ne fait que répondre à une demande de soins qu'elle est tenue légalement et déontologiquement de satisfaire ? Quelle profession aura autant été attaquée dans son honneur, dans sa raison de travailler, au nom d'un fantasmatique pouvoir médical désigné par la gauche pendant des décennies comme l'adversaire à abattre (M. Claude Evin soupire profondément). Relisez donc vos propos, Monsieur Evin.

M. Claude Evin, rapporteur - Où cela ?

M. Bernard Accoyer - Relisez au Journal officiel les propos habituels de ceux de votre camp.

Quelle profession est devenue si sélective qu'on écarte à l'entrée neuf jeunes sur dix ? Que peuvent penser ces exclus, en apprenant que le Gouvernement autorise des milliers de médecins titulaires d'un diplôme hors CEE à exercer dans les hôpitaux et en ville ? Vous êtes même allés jusqu'à débaptiser l'instance disciplinaire des médecins. Mais quelle profession est responsable ainsi de ses actes trente ans après ? Je pense à l'arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre condamnant un obstétricien pour un accouchement par le siège pratiqué il y a 26 ans et ayant entraîné une complication classique, sans autre faute imputable qu'une prétendue insuffisance d'information de la mère qui aurait pu choisir d'accoucher par césarienne. Tel est aussi le cas de l'arrêt Perruche. En repoussant la révision des lois bioéthiques et en cherchant à responsabiliser toujours plus des professions pour lesquelles le risque demeure toujours présent, le Gouvernement rend de plus en plus difficile l'exercice de la médecine et bientôt impossible celui de spécialités comme l'échographie obstétricale. Toute une profession se démobilise et la santé des Français s'en trouve menacée.

Pour l'hospitalisation, la situation n'est pas meilleure. Le Gouvernement n'a engagé qu'une politique, la mise en _uvre des 35 heures, d'abord dans le secteur privé, puis dans le secteur public à compter du 1er janvier 2002. Mieux aurait valu améliorer la qualité des soins, les conditions de travail et les équipements. Vous avez fait le choix inverse, provoquant une crise aiguë, avec la menace de disparition de lits dans les établissements privés. Suite au protocole Aubry, l'hôpital public a dû payer 10 milliards de salaires supplémentaires en 2000, 2 milliards encore cette année. Le secteur privé, passé aux 35 heures, et qui avait recruté avec bien du mal, n'avait pas les moyens d'augmenter ainsi les salaires. Alors qu'il manque plus de 20 000 infirmières en France, le passage aux 35 heures dans le public peut être mortel pour le secteur privé. S'il ne veut pas l'assassiner, le Gouvernement doit lui permettre de garder ses infirmières grâce à une enveloppe spécifique réservée à l'équité salariale, dont les organisations professionnelles estiment le montant à 900 millions d'euros. En outre, les transferts de malades entre les secteurs public, privé et la médecine ambulatoire enlèvent tout fondement à cette augmentation de moyens pour le seul hôpital public.

En portant la durée des études des infirmières de bloc de dix à dix-huit mois, le Gouvernement a encore accru la pénurie. Il doit régler le problème des aides opératoires expérimentées. A ce jour, ces 4 000 aides attendent toujours la publication du décret d'application de l'article 38 de la loi du 27 juillet 1999 réglant leur situation. Qu'est-ce qui peut justifier ces deux ans d'attente ?

Bref, on comprend pourquoi l'hôpital privé sera en grève totale les 24 et 25 octobre, pour la première fois.

Mais malgré les crédits pour les salaires, l'hôpital public est aussi en mauvaise situation. Il manque de personnels, surtout d'infirmières et des équipements lourds les plus avancés - sur ce plan, nous nous classons actuellement entre la Grèce et la Turquie. L'hôpital public est étouffé par des taux directeurs trop stricts, qui n'accompagnent pas les restructurations. Les centres de responsabilité prévus par la loi en 1996 n'ont pas été mis en place, et l'on se préoccupe d'accréditation pour l'hôtellerie plus que pour la qualité des soins.

Quant aux crédits consacrés à l'hospitalisation, ce n'est pas en les augmentant de 3,5 % - de 4,5 % pour le secteur public -, que vous pourrez dénouer la crise !

Les professionnels des soins ambulatoires sont également plongés dans un désarroi croissant : sans convention, soumis à des sanctions, à des lettres-clés flottantes et à des quotas avec reversements, ils n'ont même pas l'assurance de leur retraite, leurs régimes étant pillés par le mécanisme de la compensation nationale.

S'agissant du médicament, à force de n'avoir aucune politique, à force de fixer autoritairement les prix et de faire payer des sommes de plus en plus importantes aux laboratoires, le Gouvernement est entré en guerre avec ces derniers, au risque de les faire partir de France. En effet, le marché français ne représente que 10 % du chiffre d'affaires de ce secteur. Tout cela ne peut qu'aggraver le déclin de notre industrie pharmaceutique, ajouté à des taxations et prélèvements innombrables. Avec un ONDAM de 3 % et une clause de sauvegarde insuffisante, vous tournerez le dos à l'inéluctable : partout, les dépenses de médicaments croissent de quelque 8 %. De surcroît, en France, le médicament est le seul recours pour alléger les autres postes de dépenses - hospitalisation, chirurgie, etc.

A l'article 10, l'introduction de la prescription « dénomination commune internationale » s'accompagne d'une contrainte tarifaire de plus : à trop réglementer un secteur, on finira bien par l'étouffer ! Quant à la taxation des dépenses de promotion, elle devient confiscatoire. On a même le sentiment que le Gouvernement souhaiterait, pour limiter les dépenses de médicament, censurer l'information donnée aux médecins, à moins qu'il ne cherche à promouvoir une « Pravda » du médicament et une presse sous influence !

En tout état de cause, quand l'actualité nous rappelle le caractère stratégique de cette industrie, cette politique est dangereuse, pour les malades comme pour notre pays. Arrêter l'ONDAM à 112 626 millions d'euros n'a aucune justification sanitaire et l'exposé des motifs de l'article 32 se borne d'ailleurs à constater que cet objectif est pour la première fois fixé en comptabilité de droits constatés...

M. Marcel Rogemont - N'est-ce pas un progrès ?

M. Bernard Accoyer - Est-ce un progrès quand on évalue sans aucune analyse les sommes que les Français vont consacrer à leur santé ? Je m'étonne de votre admiration béate pour ce projet imprécis et mensonger !

M. Marcel Rogemont - Admiration lucide !

M. Bernard Accoyer - On ne peut être surpris, en revanche, que le Gouvernement « rebase » pour la quatrième fois consécutive les dépenses de l'année en cours sans chercher à analyser les causes d'un dépassement de 60 % ! Cette recherche eût pourtant été pleine d'enseignements sur les transferts d'activité entre l'hôpital public et le secteur ambulatoire où l'hôpital privé. Quant au financement de ce dépassement, s'il est acquis par les seules recettes de la croissance, vous vous gardez bien de le dire ! La réécriture de la loi de financement pour 2001 aux articles 30 et 31 met en évidence l'importance de la dérive de l'assurance maladie. Elle porte sur 21,2 milliards ! On comprendra cependant encore mieux le caractère irréaliste de la progression de 3,8 % que vous proposez pour l'ONDAM si l'on examine ce qu'il en a été au cours des quatre années précédentes : chaque fois, les réalisations ont excédé les prévisions - de 5,5 % en 1998, de 5,8 % en 1999, de6,8 % en 2000 et de 6,3 % en 2001 !

S'agissant de la branche accidents du travail, il nous faut dénoncer le détournement d'un milliard de francs vers le régime général, sous prétexte d'une prétendue sous-déclaration de ces accidents. Les entreprises n'avaient pourtant pas besoin de cette nouvelle charge. Mais peut-être vous raviserez-vous lorsque vous lirez l'étude réalisée par la caisse primaire de Boulogne, qui démontre que 15 à 20 % de ces accidents, et 40 % des accidents de trajet, sont dues à l'alcool...

La branche famille devra, elle, supporter une charge qui n'a pas été évaluée, celle du congé de paternité, mais aussi une charge tout à fait indue, avec le transfert du règlement des pensions servies aux parents ayant élevé au moins trois enfants. Comment accepter en effet qu'on compromette l'avenir d'une sécurité sociale fondée sur la solidarité entre les générations, au surplus en taxant a posteriori l'efficacité de l'aide apportée par la branche aux familles ? Et quel plus mauvais coup porter au régime de retraite par répartition que de ponctionner des crédits destinés aux familles avec enfants ? Cette mesure apparaît à la fois bête et méchante ! Plutôt que de détourner ainsi les moyens de la CNAF, ne vaudrait-il pas mieux aider les femmes en cours de maternité, par exemple, en portant les indemnités journalières pour grossesse pathologique au niveau de celles pour congé de maternité ? Car, comme l'a souligné le Président de la République devant l'association des familles rurales, les ressources de la branche famille doivent être consacrées à la seule politique familiale.

Pour la branche vieillesse, le Gouvernement qui a utilisé ses maigres excédents pour combler partiellement le déficit de l'assurance maladie, ne dit mot d'une conjoncture démographique exceptionnelle qui va se retourner l'an prochain, la génération de 1942 étant de 71 % plus nombreuse que celle de 1941. Ainsi, à ces modestes excédents vont succéder des déficits de plus en plus lourds, sans que l'on songe à préparer l'avenir. Des recommandations de rapports sérieux et honnêtes, vous ne direz rien ne retirant que l'opuscule de désinformation produit par M. Teulade, le suppléant de M. Hollande, nous nous rapprochons ainsi de l'impasse. N'avez-vous pas lu la dernière livraison de Futuribles, où est dénoncé le caractère suicidaire de cette politique attentiste ?

L'article 28 détourne vers le fonds de réserve des retraites une partie de la taxation des revenus financiers, jusqu'ici affectés à la caisse nationale d'assurance vieillesse. Mesure purement cosmétique, puisque les excédents de celle-ci sont normalement affectés à ce fonds. Mais le même article s'intéresse aussi au produit des ventes des licences UMTS, naguère manne miraculeuse et maintenant recette divisée par huit ! Si cette vente était une ressource conjoncturelle, les excédents du FSV constituaient le financement principal, et durable, du fonds de réserve. Or, à force de détourner les recettes du FSV, le Gouvernement a réussi à le plonger dans le rouge ! Selon un rapport sénatorial, en 2020, ces détournements et le manque à gagner en intérêts primaires se monteront à 750 milliards, sur les 1000 annoncés par le Gouvernement à cette échéance.

Le fonds de réserve n'est pas au bout de ses peines quand, à quelques jours de distance, le ministre des transports annonce que la ferroutage sera financé par des excédents d'exploitation des sociétés d'autoroutes et le ministre des finances prévoit, de son côté, d'affecter à ce fonds le produit de la privatisation des Autoroutes du Sud de la France. Qui croire ? Que croire ?

En tout état de cause, en 2020, le fonds de réserve ne disposera que des moyens de couvrir le déficit sur une, deux, ou même trois années. Ce sera tout au plus un fonds de lissage !

Contrairement à ses affirmations, le Gouvernement dresse en toute conscience le décor d'un véritable conflit de générations puisque, dès 2040, le rapport entre actifs et retraités sera de 1,2. Mme la ministre a pourtant fait état d'un bilan remarquable en matière de retraite. Comment ne pas rester pantois lorsque l'on essaie de faire passer un immobilisme de quatre ans pour une attitude constructive ? La création d'un fonds de réserve et d'un conseil d'orientation ne saurait suffire à prévenir la crise qui s'annonce.

Affirmer que l'on agit alors qu'on n'a rien fait est une attitude insupportable. Etes-vous fier de cette bombe que vous laissez à nos enfants dans un contexte de culture du non-travail que M. Jospin est le seul chef de gouvernement à prôner ? Pensez-vous que vos mesures sont réalistes et sincères, et qu'elles répondront aux besoins des Français ? Ce texte est dangereux pour l'avenir de la protection sociale. Je vous propose de manifester votre opposition aux méthodes insincères qui ont présidé à son élaboration en adoptant cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Marcel Rogemont - Monsieur Accoyer, de son ton monocorde, a dénombré quatre PLFSS présentés par ce gouvernement : il se trompe déjà ! Car nous en sommes au cinquième. Voulait-il parler de M. Kouchner ? Celui-ci en a présenté trois. Et ce manque de précision se retrouve sur tous les chapitres...

Ainsi se plaint-il d'une rupture du dialogue social. Comment dire cela alors que M. Kouchner vient de conclure un accord avec les médecins hospitaliers ? Nous avons plutôt reconstruit le dialogue social qui avait été rompu lorsque le plan Juppé avait mené nos concitoyens dans la rue ! La confiance ne se décrète pas, elle se conquiert, par la disponibilité et la compétence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Quant au FOREC, je vous rappelle qu'il s'agit du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de la sécurité sociale. Sur 102 milliards, 36 seulement sont consacrés aux 35 heures. L'essentiel du rôle du fonds consiste dans la diminution des charges patronales sur les bas salaires, ce qui ne me paraît pas devoir susciter de critiques de votre part. Et je vous rappelle que 85 % des Français se déclarent très satisfaits des 35 heures...

Trouvez-vous que notre hypothèse de croissance n'est pas crédible ? La croissance ralentit en effet partout, mais en France plutôt moins que chez nos principaux partenaires - ainsi que c'est le cas depuis plusieurs années. C'est que notre politique pour l'emploi nous donne de quoi garder confiance et nous permettra de nourrir encore la croissance cette année. Mais de toute façon, vous nous accusez de la gâcher... Ne faudrait-il pas créer 97 IRM, développer la prévention des cancers du sein et des problèmes dentaires des enfants ni revaloriser les professions de santé de l'hôpital ? Êtes-vous contre la CMU, les mesures pour les handicapés, la famille et la vieillesse, les fonds destinés au désamiantage ou à la prévention des accidents thérapeutiques ? Vous traitez tout cela de gâchis, et vous proposez des dépenses supplémentaires !

Avec ce projet, nous n'en avons pas terminé avec nos réformes. Nous sommes même nombreux à vouloir mener à bien le rattrapage de l'hôpital public et la transformation de la sécurité sociale. C'est pour cela que nous tenons à présenter le prochain PLFSS : nous n'oublions pas que 265 milliards de déficit ont couronné vos cinq années de gestion alors que les nôtres ont été excédentaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Jean-Pierre Foucher - Dès qu'il a été connu, ce projet a soulevé des réactions préoccupantes. D'abord, il est irréaliste. Le taux de chômage remonte, la croissance ralentit - et que cela soit dû au contexte international n'en assombrit pas moins notre avenir - mais le Gouvernement fait comme si de rien n'était : les hypothèses retenues tablent sur une hausse de 5 % de la masse salariale et une croissance de 2,5 % qui ne se produiront pas. Les dépenses sont estimées en augmentation de 3,8 % alors qu'elles l'ont été de plus de 5 % en 2000 et qu'il faudra en 2002 financer les 12 000 emplois créés à l'hôpital - si vous trouvez 12 000 candidats !

Ce budget par ailleurs n'est pas sincère. Ce sont des astuces comptables qui permettent d'afficher un excédent. Pour combler son trou, le FOREC est alimenté par une tuyauterie compliquée : taxe sur les contrats d'assurance et de prévoyance, hausse du prix du tabac, siphonnage des ressources de l'assurance maladie. Il est aussi opaque : ses comptes embrouillés enfoncent la sécurité sociale dans l'obscurité.

M. Bernard Accoyer - Dans l'obscurantisme !

M. Jean-Pierre Foucher - Ce budget n'est pas efficace : la définition de l'ONDAM sur des dépenses rebasées le montre. Il oublie la famille, que les mesures prises depuis 1998 ont appauvrie. Oubliez-vous avoir diminué l'AGED, mis les allocations familiales sous condition de ressources, pris des mesures fiscales défavorables ? Aujourd'hui, la solidarité est organisée entre les familles avec et les familles sans enfants... Enfin, depuis quatre ans, le Gouvernement n'a pris pour seule initiative, en ce qui concerne les retraites, que la création du fonds de réserve. Et on sait ce qu'il en est du financement par les licences UMTS ! Le groupe UDF votera donc cette question préalable défendue avec calme, bonne foi et efficacité par M. Accoyer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Voilà une question préalable défendue avec brio. Certes, nous avons déjà souvent entendu les arguments de M. Accoyer, mais mieux vaut se répéter que se contredire ! Toutefois, je ne comprends pas que vous vouliez arrêter le débat alors que vous avez tant de choses à dire. Au contraire, il faut le poursuivre ! Par exemple, on peut trouver surprenant que le financement du projet repose pour 11 milliards sur la taxe sur les alcools et pour 41 milliards sur celle sur les tabacs. Que deviendrait la sécurité sociale sans ceux qui fument et qui boivent ! Il est difficile d'envisager ces taxes comme un financement pérenne. La taxe sur les assurances, payée par les contribuables, n'est pas un mode de financement plus satisfaisant et la Cour des comptes a soulevé ces questions dans son livre bleu.

Je viens de lire un essai de prospective sur les retraites en France à l'horizon 2040, signé par des noms prestigieux : Jean-Michel Charpin, Jean-Louis Guigou, Hugues de Jouvenel ...

Je vous livre leurs remarquables conclusions : il faudrait plus de flexibilité, le gouvernement Balladur avait pris une décision courageuse et il conviendrait d'aller plus loin en augmentant encore la durée requise de cotisation, il faut indexer les retraites sur les vingt-cinq dernières années et supprimer d'un coup tous les régimes spéciaux, qui constituent autant de privilèges exorbitants. J'oublie la meilleure : puisque l'espérance de vie a augmenté, il faut permettre aux gens de 17 à 77 ans de cumuler retraite, activité professionnelle et je ne sais encore. Bref, j'ai cru que c'était Mme Guigou qui avait écrit cet essai.

MM. Jean-Luc Préel et Bernard Accoyer - Non, C'est M. Guigou.

M. Maxime Gremetz - En revanche, j'ai été rassuré ce matin par la lecture de La Tribune qui rendait compte des travaux du parti socialiste et qui annonçait qu'il serait désormais possible de partir à la retraite au bout de 40 ans de cotisation même si l'on n'a pas atteint 60 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je pense donc que l'amendement que nous présenterons demain en ce sens sera voté (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous abordons la discussion générale.

M. Jean-Paul Bacquet - Depuis nombre d'années, nous nous étions habitués à un déficit chronique de la sécurité sociale qui rendait peu crédible toutes les hypothèses de retour à l'équilibre. Depuis 1997, le Gouvernement a fait de cet équilibre sa priorité et le déficit cumulé des années 1994 à 1997, qui s'élevait à 265 milliards a fait place à un excédent. C'est dû à la croissance et à l'amélioration de l'emploi mais aussi à une réforme du financement, qui s'appuie désormais sur la participation de tous les revenus, et à une incitation à une meilleure pratique comptable de tous les acteurs de la protection sociale. Cela n'a d'ailleurs pas empêché un allégement des charges sur les bas salaires ni des avancées sociales majeures, telles que la mise en place de la CMU, le vote d'une loi sur les droits des malades et en 1997 un taux de croissance des dépenses hospitalières trois fois supérieur à celui des années précédentes.

Le présent projet permet de nouvelles avancées : 1 milliard supplémentaire pour les hôpitaux ; une meilleure prise en charge des prothèses auditives et des lunettes ; la gratuité pour les examens de dépistage dentaire des enfants de 6 à 12 ans ; des mesures volontaristes en matière de lutte contre le cancer ; le dépistage de l'hépatite C et des efforts importants contre des maladies telles que le diabète, l'asthme et la mucoviscidose ; une meilleure information des patients et des prescripteurs grâce à la mise en place d'un fonds de promotion de l'information ; le développement des génériques avec la possibilité de prescrire en DCI...

Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais nous avons conscience qu'il reste encore beaucoup à faire. C'est pourquoi, après la maîtrise à forte dominante comptable des plans Juppé et Aubry, il faut maintenant ouvrir un véritable dialogue avec les professionnels de santé.

Mme la ministre a évoqué leur malaise. Nous pourrions parler de leurs inquiétudes, de leur découragement, voire de leur désinvestissement. Il est indispensable de leur rendre leurs responsabilités en matière de régulation de la médecine ambulatoire pour éviter qu'ils ne soient que de simples distributeurs de soins, voire des prestataires de services face à des malades devenus consommateurs.

C'est d'autant plus indispensable que le médecin généraliste français travaille en moyenne 56 heures par semaine avec des visites à domicile - spécificité de la médecine française -, et qu'au moment où les 35 heures se mettent en place, il aspire comme tous les Français à plus de temps pour sa vie personnelle.

Les professionnels acceptent de plus en plus mal les contraintes administratives, les contrôles tatillons, les menaces des caisses... Et quand nous lisons dans le rapport du CREDES et de la DATAR sur le devenir de la protection sociale qu'en raison du vieillissement de la population, de la baisse des effectifs et de la moindre disponibilité des professionnels, tout se passera en 2020 comme s'il y avait 40 % de médecins en moins, on mesure encore plus la nécessité du dialogue. C'est pourquoi, Monsieur le ministre, nous ne pouvons que soutenir vos engagements en matière de prévention, d'aide à l'installation dans les secteurs urbains difficiles ou dans le monde rural, de développement des réseaux,...

Mais pour que cela réussisse, il faut associer les professionnels aux décisions. Je ne peux croire en effet que l'on puisse durablement compter sur leur participation en définissant par décrets et arrêtés ministériels les zones où sont attribuées les aides à l'installation ou les règles auxquelles sont soumis les bénéficiaires de ces aides. Cela ne pourrait être vécu que comme un interventionnisme croissant de l'Etat et même comme une étatisation de la protection sociale. Je ne peux pas davantage croire à une implication des professionnels de médecine ambulatoire dans l'organisation d'un service de garde si on y inclut des établissements de santé. La déresponsabilisation serait immédiate et le transfert sur les hôpitaux ne pourrait que s'accentuer.

Comment croire à la concertation et à la participation lorsque des médicaments contre le cholestérol sont retirés par voie de télévision et que le professionnel qui, lui, est en consultation pendant le journal télévisé, doit faire face quelques heures plus tard aux questions angoissées de ses patients ? Ou encore lorsqu'un médecin apprend par voie de presse, comme tous les citoyens, la mise en place d'un plan Biotox et le risque d'infection au charbon ?

Je soutiens la volonté du Gouvernement de relancer la politique conventionnelle et ce d'autant plus que j'ai cru comprendre qu'elle pourrait lier par contrat les professionnels qui s'engageraient sur la qualité des soins et sur des mécanismes de régulation médicale. Ils seraient ainsi dispensés des procédures de régulation comptable. Mais là encore, pour que la démarche soit crédible, il faut laisser les partenaires conventionnels créer les outils médicalisés.

Je suis persuadé que la relance de la politique conventionnelle permettra d'aller plus loin dans le progrès et la sécurité. Il s'agit à n'en pas douter d'une mission de service public déléguée, qui mérite non seulement la reconnaissance que les Français ne manquent pas de traduire dans tous les sondages d'opinion, mais aussi une rémunération à la hauteur de l'investissement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Dubernard - J'envisageais de limiter mon intervention à la nécessité d'une vraie politique de santé publique mettant l'accent sur la prévention, mais les propos empreints d'autosatisfaction de Mme Guigou sur l'hospitalisation privée et la question... subjuguée de M. Calmat - qui nous a habitués à d'autres attitudes oratoires - sur l'hôpital public me poussent à répéter quelques vérités sur la situation de nos structures d'hospitalisation.

Elles vont mal, très mal, dans le public, comme dans le privé.

Samedi dernier se sont tenues à Paris les assises de défense de l'hôpital public. Tous les intervenants, qu'ils travaillent en CHU ou dans les hôpitaux généraux et quels que soient leur âge, leur spécialité, leur appartenance syndicale et leurs idées politiques, ont fait état d'un profond malaise.

Oui, une réforme est indispensable et urgente. Elle devrait passer par les grands principes inscrits dans l'ordonnance hospitalière de 1996.

La régionalisation est partiellement appliquée mais de façon hétérogène par des ARH préfectoralisées qui oublient souvent l'intérêt du malade.

Et où en est la contractualisation interne ? Elle seule aurait pu valoriser le travail des équipes soignantes en alignant les ressources sur les activités. Elle aurait facilité les regroupements en centres de responsabilité ou pôles d'activité médicale représentant des masses critiques suffisantes pour permettre des économies d'échelle et des restructurations pertinentes.

Il faudrait rendre plus attractives les carrières hospitalières et hospitalo-universitaires : les démissions de chefs de service et les départs de praticiens vers le privé ou à l'étranger se multiplient. Il faut enrayer cette fuite des cerveaux, en donnant un souffle nouveau à l'hôpital ; cela passe par des mesures financières, par la rénovation d'un patrimoine vieillissant et la modernisation des équipements. Le statut des établissements publics de santé doit évoluer dans le sens de la souplesse et de l'efficacité.

Le privé est également en crise. S'il attire de plus en plus de médecins, il voit fuir ses infirmières ; et le soutien de l'Etat reste symbolique.

Comment améliorer l'état de santé des Français ? Telle est la question fondamentale. Le système de santé français est le meilleur du monde, me répondra-t-on ; cette appréciation discutable est fondée en particulier sur le fait que l'espérance de vie est élevée dans notre pays, mais à l'inverse, la mortalité avant 65 ans est plus élevée chez nous que dans beaucoup d'autres pays européens. C'est dire la nécessité de développer la prévention et le dépistage, ainsi que de rendre leur accès moins inégalitaire - entre régions et entre groupes sociaux. La politique de prévention doit passer par des actions individuelles et collectives. Elle doit s'appuyer sur des réseaux et, pourquoi pas, sur des instituts de santé publique regroupant enseignants, chercheurs, professionnels et associations d'usagers, comme il en existe depuis longtemps aux Etats-Unis.

M. le Ministre délégué - C'est formidable, vous décrivez notre politique !

M. Jean-Michel Dubernard - Je ne connais pas chez nous d'institut de santé publique de type Harvard...

Il faudrait aussi que le ministère de la santé soit autonome, ait plus de moyens et se trouve en prise directe sur l'assurance maladie. Les Français apprécieraient, tant il est vrai qu'ils sont très attachés à tout ce qui concerne la santé (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Jacqueline Fraysse - J'examinerai ce dernier projet de loi de financement de cette législature à la lumière du bilan des lois de financement passées.

Pour les recettes, nous avions été attentifs aux engagements pris par le Premier ministre, qui avait déclaré le 19 juin 1997 : « Pour favoriser l'emploi et la justice sociale, il faut moins taxer les revenus du travail et supprimer les privilèges indus dont bénéficient d'autres catégories de revenus ». Mme Martine Aubry affirmait elle-même : « Le financement de notre système de sécurité sociale est trop exclusivement concentré sur les revenus du travail. Il en résulte une faiblesse chronique des recettes qui est pour beaucoup dans les déficits que nous connaissons. » Et elle ajoutait : « Nous nous sommes fixé pour objectif d'étudier une réforme de l'assiette des cotisations patronales qui la rende plus favorable à l'emploi. J'espère que nous trouverons une solution cette année. » C'était en 1997.

Tout au long de la législature, nous avons formulé des propositions pour un financement pérenne, plus juste et plus efficace, nous avons multiplié les efforts pour qu'au moins un début de réforme soit enclenché. Tout confirme en effet que la sécurité sociale souffre davantage d'un manque de recettes que d'un excès de dépenses.

Entre l'allégement sur les bas salaires et celui des 35 heures, le manque à gagner atteint 102 milliards de francs. Et vous continuez à refuser de taxer les revenus des placements financiers des entreprises et des institutions financières, qui rapporterait 100 milliards. Quant à la contribution sociale sur les bénéfices, qui ne rapporte que 63,8 milliards, vous n'avez pas accepté jusqu'à ce jour de l'augmenter.

Au cours de cette législature, les exonérations de cotisations sociales accordées aux employeurs sont passées de 40 à 120 milliards de francs, tandis que la part « salariés » dans les cotisations fiscales et sociales à destination du régime général n'a cessé de croître. Il en résulte une accentuation des inégalités et un manque criant de moyens pour la sécurité sociale.

Certes, des mesures positives ont été prises : couverture maladie universelle, qu'il faudrait d'ailleurs, Madame la ministre élargir aux bénéficiaires du minimum vieillesse et à ceux de l'allocation adulte handicapé ; reconnaissance des centres de santé ; attribution de l'allocation de rentrée scolaire dès le premier enfant ; réparation des maladies dues à l'amiante ; protocole de mars 2000 - arraché par les hospitaliers eux-mêmes alors que dès octobre 1999, nous vous avions alertée.

Il reste que l'écart est grand entre ce qui a été fait et ce qui était attendu, cela en raison, d'une part, de l'insuffisance des moyens, d'autre part, de l'absence de démocratie pour l'évaluation des besoins comme pour l'attribution des moyens. Le débat sur la politique de santé promis au Parlement chaque année avant l'été n'a jamais eu lieu, et notre proposition de concrétiser cet engagement dans le projet de loi relatif aux droits des malades a été repoussée.

Vous annoncez une grande réforme de l'indemnisation des maladies professionnelles et maladies du travail. Ne faut-il pas fixer un calendrier précis, et surtout les modalités d'un débat public, dans ce domaine où la sous-reconnaissance et la sous-déclaration sont attestées par le rapport Masse ?

Aucun secteur de la santé n'échappe aux conséquences d'une politique qui depuis des années s'attache à réduire l'offre de soins.

Les médecins de ville sont mécontents et inquiets, à juste titre. Les difficultés de la gynécologie médicale illustrent bien les conséquences d'une politique de restriction. Les infirmières libérales ont expliqué comment la politique des quotas et des sanctions les met dans l'impossibilité de répondre aux demandes de leurs patients.

Je regrette que les pistes de travail ouvertes par le « groupe des 7 », réunissant des syndicats de médecins libéraux et de salariés, n'aient pas été explorées. Vous annoncez quelques mesures, mais toujours sous la pression inacceptable des sanctions financières.

La situation des hôpitaux est extrêmement grave. La politique de restriction enclenchée par le plan Juppé n'a pas été stoppée. Vous vous êtes fixé l'objectif de supprimer 40 000 lits. De nombreux hôpitaux de proximité, maternités et services hospitaliers ont été fermés. Ceux qui restent ne peuvent plus faire face aux besoins, tant en raison de budgets trop restreints que du manque de personnels qualifiés.

D'année en année, la situation des hôpitaux s'est dégradée : manque de médecins et de personnels, conditions de travail insupportables...

C'est dans ce contexte très difficile qu'a été abordée la réduction du temps de travail, et c'est ce qui explique que la création annoncée de 45 000 emplois, loin d'apaiser les inquiétudes, n'a fait que les aiguiser. Une telle embauche implique, outre un plan de formation d'urgence, des financements dont l'absence empêche, pour le moment, le passage aux 35 heures sans aggravation des conditions de travail des salariés et d'accueil des patients, sans remise en cause des missions mêmes de l'hôpital public.

Nul ne peut ignorer que l'accord sur la réduction du temps de travail est, à ce jour, majoritairement contesté par les syndicats et les salariés, et qu'une manifestation unitaire aura lieu jeudi prochain. Rien ne sert de passer en force, il faut négocier. Or, rien de ce que vous nous proposez pour le moment, et dont nous sommes néanmoins prêts à discuter dans un esprit constructif, ne répond aux problèmes posés. Afin de sortir de ce blocage préjudiciable à tous, nous demandons que soit retenue la suggestion, commune aux organisations syndicales et à la fédération hospitalière de France, de supprimer la taxe sur les salaires. Une telle mesure coûterait 11 milliards de francs, soit à peine plus que l'allégement de l'impôt sur les sociétés ou les exonérations consenties aux employeurs privés en compensation du passage aux 35 heures.

Nous n'exigeons pas l'application de toute notre politique : nous ne faisons que vous demander les moyens de tenir votre propre engagement - étalés, le cas échéant, sur trois ans, puisque tel est le rythme envisagé pour les créations de postes annoncées. Je sais que cela ne dépend pas directement de votre budget, mais comme l'a dit Christian Cuvilliez dans son explication de vote sur les recettes de l'Etat, les deux sont liés. Un arbitrage de cette importance est du ressort du Premier ministre. Nous voulons d'autant plus la réussite de la gauche plurielle que les propos tenus par la droite montrent la gravité des mesures qu'elle envisage pour casser le service public et la sécurité sociale. Nous devons, ensemble, les défendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 24 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 5.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 3307).

MM. Alfred RECOURS, Claude EVIN, Denis JACQUAT et Mme Marie-Françoise CLERGEAU, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tomes I à V du rapport n° 3345)

M. Jérôme CAHUZAC, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 3319).

A VINGT-ET-UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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