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Session ordinaire de 2001-2002 - 13ème jour de séance, 30ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE 2

SOUHAITS DE BIENVENUE À
UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 3

INSÉCURITÉ 3

SITUATION EN ISRAËL 4

SÉCURITÉ PUBLIQUE 5

SITUATION EN AFGHANISTAN 5

CRISE DU SYSTÈME DE SANTÉ 6

AIDE MÉNAGÈRE 7

MOYENS DE LA DOUANE À LA MARTINIQUE 8

COUVERTURE DU TERRITOIRE PAR
LE TÉLÉPHONE MOBILE 8

SANGATTE 9

CONTENTIEUX ÉLECTORAL ET RECOUVREMENT
DES IMPÔTS LOCAUX 9

SOUHAITS DE BIENVENUE À
UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 10

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 10

TAXE TOBIN 10

MONOPOLE DE MYRIAD GENETICS 11

COMMISSION MIXTE PARITAIRE 11

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE POUR 2002 (suite) 12

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE

M. Jean-Paul Bacquet - J'associe à ma question au ministre de l'agriculture mes collègues Michel, Néri, Rebillard et Colcombet, mais aussi Lajoinie et Goldberg, Charasse de l'Allier, Coussain, Marleix du Cantal et Proriol de la Haute-Loire, puisque nous avons participé ensemble samedi à une très importante réunion avec les éleveurs du bassin allaitant du Massif central.

La crise de la vache folle et la fièvre aphteuse ont fait chuter de près de 40 % la consomation de viande bovine dans notre pays. Une large - et parfois excessive - couverture médiatique, pas toujours objective, a nourri, sans justification, une véritable psychose.

Bien que nous vivions dans une économie de marché, où les prix dépendent de l'offre et de la demande, vous avez mis en place rapidement une politique de destruction, de stockage et d'indemnisation mobilisant près de 4 milliards pour limiter les conséquences économiques de la crise pour les exploitations.

Malheureusement, d'autres pays européens n'ont ni manifesté le même courage, ni fait les mêmes choix : ils bradent aujourd'hui leur viande bovine à l'exportation et dans notre pays, ce qui concourt à déstabiliser les marchés. L'on peut également regretter que les producteurs de lait et les éleveurs ne manifestent pas la même vision solidaire de cette crise. La consommation ne reprend que faiblement, et les éleveurs sont en grande difficulté, parfois dans une situation plus que précaire. C'est d'autant plus injuste que les producteurs bovins ne sont pas responsables de la crise.

M. Patrick Ollier - C'est bien vrai !

M. Jean-Paul Bacquet - Face aux difficultés et au désespoir des éleveurs bovins, quelles mesures envisagez-vous pour sauvegarder l'existence même du bassin allaitant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Les vingt-trois mesures que j'ai annoncées la semaine dernière constituent autant de réponses aux demandes de l'interprofession bovine. Elles ont été élaborées avec la profession et bien accueillies dans leur ensemble. Mais leur application donne aujourd'hui lieu à des tensions internes à la filière bovine, et des éleveurs occupent même depuis quelques jours, et parfois dans la violence, dans l'Est, ou ailleurs, des abattoirs et des entreprises de transformation de la viande. C'est se tirer dans les pieds, car les entreprises occupées ne peuvent plus procéder au dégagement de marché qu'ils attendent. Le débat s'étant focalisé sur l'opposition entre les éleveurs et les professionnels de l'aval de la filière, j'ai pris l'initiative de réunir l'interprofession ce matin à 8 heures 30, afin d'amener chacun à prendre ses responsabilités. Les négociations se poursuivent avec l'aide du ministère. Je voudrais obtenir des entreprises de l'aval l'engagement de cesser pendant quelques semaines, voire quelques mois, leurs achats à l'étranger (Applaudissements sur de nombreux bancs). Certes, l'Etat ne peut les y contraindre, mais il me semble qu'elles feraient ainsi acte de civisme. Je voudrais aussi obtenir des éleveurs qu'ils mettent fin à l'occupation des abattoirs ou des entreprises, dont nous avons besoin pour écouler les stocks. Enfin, je souhaite que tous s'accordent sur une grille de prix d'achat qui permette une équitable répartition des marges. Je comprends en effet que les producteurs se plaignent des prix d'achat, dont la faiblesse ne bénéficie même pas au consommateur.

Nous avons mis en place un observatoire des prix et des marges qui fonctionne. Je souhaite, même si je ne peux m'engager en lieu et place des intéressés, qu'un accord sur ces trois points soit trouvé avant ce soir, car le temps presse. J'ai bon espoir, mais il faut encore discuter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe UDF).

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Abdelkader Bensalah, Président de l'Assemblée populaire nationale de la République algérienne démocratique et populaire (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

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INSÉCURITÉ

Mme Marie-Jo Zimmermann - J'exprime tout d'abord notre plus profonde compassion et notre entière solidarité aux proches des six victimes du meurtrier multirécidiviste Jean-Claude Bonnal, à leurs familles en deuil et aux fonctionnaires de la police nationale, à nouveau durement éprouvés. Mais il faut, au-delà des condoléances, leur apporter une véritable réponse. Pas plus que les Français, ils ne peuvent se contenter d'une explication technique et d'une circulaire. Vous arguez, Madame la Garde des Sceaux, qu'il s'agit d'une décision de justice. Mais n'est-il pas précisément de votre responsabilité d'en assurer la bonne administration ?

Ma question mérite une réponse précise. Y a-t-il eu un dysfonctionnement de la justice ? Si non, allez-vous modifier la loi pour empêcher la reproduction de tels drames ? Si oui, les responsables de la décision qui a indirectement conduit au meurtre de six personnes seront-ils sanctionnés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Monsieur le député... (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Mes chers collègues, ceci n'a guère d'importance au regard de l'importance de la question.

M. le Premier ministre - Cela a de l'importance pour Mme Zimmermann, et je lui rends bien volontiers, avec respect, avec mes regrets et mes hommages, son statut de femme. Autant la polémique dans ces affaires est insupportable, autant les questions légitimes doivent recevoir des réponses. L'assassinat de six personnes, dont deux policiers, a provoqué une émotion profonde et une forte indignation. Dans cette situation, je pense d'abord aux victimes et à leurs familles. Je m'incline devant leur douleur. On l'a souligné à juste titre, l'un des auteurs présumés de ces meurtres, qui était en détention provisoire à la suite d'un vol à main armée et d'une tentative de meurtre, précédés de plusieurs condamnations criminelles, avait été mis en liberté sous contrôle judiciaire.

Beaucoup, notamment des policiers, ont exprimé un sentiment de révolte. Je le comprends et je le partage. Confrontés quotidiennement aux difficultés et aux risques de la lutte contre l'insécurité qu'ils mènent au service de nos concitoyens, ils se demandent comment cela a été possible. Dans la mission qu'ils accomplissent, je les assure de notre respect et de notre soutien.

La loi du 15 juillet 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence, réclamée par de grandes personnalités et sur tous ces bancs, a été votée à la quasi-unanimité (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) au Sénat et à une très large majorité, sans opposition, à l'Assemblée nationale. Elle n'est en rien en cause dans la décision de libérer l'auteur présumé de ces faits. Vous le savez d'ailleurs très bien, les observateurs l'ont maintenant établi. Cette décision est intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi ; quand bien même d'ailleurs celle-ci aurait été en vigueur, elle n'aurait pas eu pour effet de rendre automatique une telle libération. Aujourd'hui où la loi s'applique, pour de tels faits la détention provisoire peut durer jusqu'à quatre ans.

Pour le législateur, récuser une loi qu'il a appelé de ses v_ux et très largement votée il y a peu, serait une étrange démarche (« Non ! » sur les bancs du groupe du RPR). Ne sont en tout cas certainement pas en cause dans cette affaire les moyens de la police et de la justice, puisque ceux-ci ont été considérablement accrus par le Gouvernement ((Mêmes mouvements). Les magistrats de la chambre d'accusation, usant de leur pouvoir d'appréciation, ont pris cette décision, contraire aux réquisitions du procureur général qui préconisait le maintien en détention.

Certes, il s'agit d'une décision souveraine du juge du siège, sur un cas individuel. Mais force est de constater qu'a été commise une dramatique erreur d'appréciation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR).

La Garde des Sceaux a souligné hier qu'elle adresserait des orientations générales aux parquets dans les tout prochains jours, afin qu'il soit veillé à la prise en compte des antécédents et de la dangerosité des personnes dans toutes les décisions relatives à la détention provisoire. Reste que cette décision a été prise par un juge indépendant. De même que le métier de policier est difficile, la fonction de juger est exigeante.

Nous devons concilier le respect des droits individuels et le besoin de sécurité. Chacun doit veiller à cet équilibre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SITUATION EN ISRAËL

M. Jean Dufour - Monsieur le ministre des affaires étrangères, je commencerai par un appel : qu'on entende enfin ceux qui, en Palestine et en Israël, s'efforcent de mettre fin aux effusions de sang et aux occupations de territoire.

Il est temps de renoncer à ces politiques de force qui sèment la haine et nourrissent la vengeance. La paix, la sécurité, la justice ne peuvent être garanties par les chars, les forces spéciales, ni par les actions terroristes d'ailleurs.

Il faut aider ceux pour qui seule une solution négociée constitue un gage pour l'avenir. Il faut mettre en _uvre les résolutions de l'ONU et admettre l'existence de deux Etats, Israël et la Palestine, avec Jérusalem pour capitale.

Je vous fais aussi une demande. On ne peut se contenter d'être un observateur, de laisser du temps au temps, d'autant que des forces obscures sont à l'_uvre, des deux côtés. La France et l'Europe doivent prendre des initiatives pour trouver une solution juste et équitable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe RCV, sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Oui, nous appelons comme vous Israéliens et Palestiniens à sortir du piège infernal où ils sont tombés. Oui, nous appelons à l'arrêt des violences et des occupations de territoire.

Il faudrait que nous soyons entendus, sans quoi la situation ne peut que continuer à se dégrader. Il n'y a pas d'autre solution qu'une issue négociée : personne ne conteste en France qu'il faut un Etat palestinien viable, qui sera davantage une garantie qu'une menace pour la sécurité d'Israël. Un tel Etat ouvrirait des perspectives de coopération, ce qui permettrait d'aboutir à ce Proche-Orient en paix dont Shimon Pérès a souvent parlé. Nous ne cesserons jamais d'appeler à la paix et nous nous efforçons, avec nos partenaires européens et les Etats-Unis, de former une sorte de coalition mondiale pour la paix au Proche-Orient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV et quelques bancs du groupe UDF).

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SÉCURITÉ PUBLIQUE

M. Gilles de Robien - Pour répondre au désarroi des policiers et de la populations, voici quelques propositions. J'aimerais savoir ce que le Gouvernement en pense. Il y a plus d'un an, le rapport Hyest-Carraz insistait sur la mauvaise répartition territoriale des forces de sécurité. Comptez-vous assurer une protection égale des Français où qu'ils vivent ? Du fait de l'impunité dont jouissent les délinquants, les parents ne jouent pas leur rôle. Allez-vous les reconnaître coresponsables quand les délinquants sont des mineurs récidivistes ? Et êtes-vous prêt à abaisser l'âge pénal à 13 ou 14 ans ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Vous avez annoncé un gardien pour cent logements d'habitat collectif. Mais les gardiens sont des agents de prévention. Acceptez-vous de leur donner le statut d'agent de service public, ainsi qu'un pouvoir de sanction ? Quand surviennent des événements violents, l'action de la police est limitée par le nombre de personnes en cause. Êtes-vous prêt à inscrire dans la loi que chacun peut être reconnu co-auteur ou complice des infractions qui causent des blessures ? La loi de janvier 2001 pourrait être bonne si, faute de moyens, elle n'avait pas tant d'effets pervers. Comptez-vous donner à la police les moyens d'augmenter le nombre de faits élucidés et jugés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe du RPR)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Vous savez qu'il a été difficile de donner suite au rapport Hyest-Carraz, les députés, sur tous les bancs, les élus locaux ne voulant pas voir réduits les effectifs à leur disposition. Nous procédons à des redéploiements, mais à un rythme différent de celui préconisé (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Néanmoins, au sein de la police nationale elle-même, nous avons veillé à redéployer les effectifs de manière à avoir davantage de policiers sur le terrain. C'est tout le sens du recrutement de personnel administratif auquel nous avons procédé. Une telle mesure avait été prévue dans la loi de 1995, mais elle était restée sans suite.

M. Jean-Louis Debré - C'est faux !

M. le Ministre - Vous le savez bien, Monsieur Debré : quand vous étiez ministre de l'intérieur, vous n'avez procédé à aucun redéploiement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Avec la création de la police de proximité, les effectifs se sont accrus de 7 à 8 %. Nous recrutons, alors que vous aviez réduit les effectifs de la police nationale (Mêmes mouvements). Plus de 6 000 policiers supplémentaires ont été recrutés en deux ans. Nous entendons garantir la sécurité de tous et partout, contrairement à ceux qui voudraient démanteler la police nationale pour la remplacer par des polices territoriales placées sous l'autorité des maires.

Oui, il faut lutter contre le phénomène des bandes, comme nous venons de le faire à Amiens. Nous avons engagé une politique d'action concertée avec Mme la Garde des Sceaux (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Je suis surpris que vous vous en plaigniez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION EN AFGHANISTAN

M. le Président - La parole est à M. Noël Mamère.

Plusieurs députés UDF, RPR et DL - Président ! Irrévocable !

M. Noël Mamère - J'ai pu mesurer que le ridicule ne tuait pas (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) : c'est heureux, car il ferait de nombreuses victimes (Applaudissements sur divers bancs).

Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'opération « Liberté immuable »...

Un député RPR - Irrévocable !

M. Noël Mamère - ...dure depuis plusieurs semaines. Les villes de Kaboul, Hérat, Kandahar, Mazar-e-Charif ont été bombardées, ce qui a causé des « dégâts collatéraux » dont nous ignorons l'importance. La population afghane est victime de cette guerre et ceux qui veulent fuir sont bloqués aux postes frontières par l'armée pakistanaise.

Sous la dictature intégriste des talibans, le peuple afghan a vécu le pire. Il y a eu la sécheresse. Les réfugiés s'entassent par ailleurs dans des camps.

La France a déjà indiqué qu'elle souhaitait lancer une « opération Afghanistan ». Que compte-t-elle faire pour apporter une aide d'urgence aux réfugiés et pour aider le HCR à remplir sa mission ? Compte-t-elle lancer un appel à la communauté internationale pour apporter aux Afghans une aide durable, plus sérieuse que l'opération militaro-humanitaire des Etats-Unis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Ce pays compte 25 millions d'habitants. Depuis des années, en raison d'événements sans rapport avec les actions actuelles, qui sont légitimes...

M. Pierre Lellouche - Très bien !

M. le Ministre - ...on compte 3 à 4 millions de réfugiés au Pakistan, en Iran et en Asie centrale. A cause de la sécheresse et des guerres antérieures, 8 millions d'Afghans ont besoin d'être aidés. Enfin, on compte 1 million de personnes déplacées depuis le début du conflit.

Ce peuple souffre des événements qui se sont succédé depuis vingt ans. Le 6 octobre dernier, il a été débloqué 700 millions de dollars supplémentaires. Il est urgent d'agir.

Cette somme est à peine suffisante. En outre il y a des problèmes d'acheminement. Les Américains eux-mêmes reconnaissent que la solution des parachutages - qui a provoqué des polémiques inutiles - n'est pas la bonne, mais si le CICR arrive à aller jusqu'à Kaboul, Hérat ou Mazar-e-Charif, on ne peut pénétrer plus profondément dans le pays et ce sera le cas tant qu'il n'aura pas été arraché aux griffes des talibans (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, RPR, UDF et DL), comme nous avons été quelques-uns à le dire avant même le 11 septembre.

L'aide française bilatérale est de 208 millions de francs auxquels s'ajoutent 64 millions de francs pour le programme européen ECHO. Elle passe par les ONG, l'ONU et le CICR.

Mais notre préoccupation ne se borne pas à cette aide d'urgence. Le plan pour l'Afghanistan que nous avons présenté il y a quelques jours comporte un volet politique et la construction d'un Afghanistan moderne, ce qui implique un immense programme agricole et un immense programme de déminage, sans quoi les réfugiés ne reviendront pas dans leurs villages. Il faut donc déjà penser à cette suite et là, l'Europe a un grand rôle à jouer (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, RPR, UDF et DL).

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CRISE DU SYSTÈME DE SANTÉ

M. Bernard Perrut - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, notre système de santé est réellement en danger. Comment dire autre chose quand les files d'attente aux urgences, l'inadaptation de nombreuses structures et la limitation de l'accès aux médicaments nouveaux sont de plus en plus répandues ? Les patients sont inquiets.

Comment dire autre chose quand les professionnels de santé, en nombre insuffisant, sont soumis à des contraintes de plus en plus lourdes, malgré le leurre des 35 heures ? Quand les élus locaux sont confrontés à des difficultés insurmontables pour boucler le budget de leurs établissements hospitaliers, au point que, pour la première fois, les hospices civils de Lyon et d'autres hôpitaux n'ont pas voté leur budget ? Quand les cliniques privées sont aujourd'hui en grève parce qu'elles sont menacées de disparition, faute de marges budgétaires et de personnel ?

Dites-nous sans artifice quelles mesures vous entendez réellement mettre en _uvre pour rendre le moral et les moyens d'agir au monde de la santé, qui désespère aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ces sujets ont été longuement discutés hier jusque tard dans la nuit, mais puisque vous n'avez pas suivi tous les débats (Exclamations et protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF), je veux bien vous répondre (Mêmes mouvements).

Je ne comprends pas votre catastrophisme. L'OMS classe notre système de santé comme le premier du monde et vous auriez plus de raison de vous plaindre si vous étiez au Royaume-Uni ou dans d'autres pays. Vos propos font bon marché des efforts accomplis par notre système de santé et qu'on a encore constatés à Toulouse, quand les hôpitaux, les cliniques privées et les services d'urgence se sont très efficacement mobilisés.

Ce Gouvernement a signé trois protocoles. En mars 2000 Martine Aubry a apporté 10 milliards de francs supplémentaires pour améliorer les services d'urgence, le statut des praticiens hospitaliers et les moyens des hôpitaux.

En mars 2001, j'ai signé un protocole qui coûte 2,5 milliards de francs par an et permet de revaloriser la carrière de tous les agents hospitaliers.

Quant aux cliniques privées, nous leur avons apporté, le 4 avril dernier, un milliard de francs de plus pour qu'elles puissent mieux rémunérer leur personnel, payé 30 % de moins que celui des hôpitaux publics. Si elles connaissent actuellement une situation difficile, c'est à cause de leur politique de rémunération et aussi, peut-être, parce qu'entre 1993 et 1997, (Vives exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) la croissance des dépenses de l'hospitalisation privée a été inférieure de 14 points à celle des hôpitaux publics ! Alors vous n'avez pas le droit de venir aujourd'hui nous donner des leçons. Nous avons rattrapé notre retard et nous continuerons à la faire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

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AIDE MÉNAGÈRE

Mme Hélène Mignon - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

A plusieurs reprises, nous avons appelé votre attention sur les difficultés que rencontrent les CCAS et toutes les structures d'aide à domicile aux personnes âgées. En effet, au printemps, plusieurs caisses régionales d'assurance-maladie ont réduit brutalement les heures d'aides ménagères, en invoquant la prochaine entrée en application de l'allocation personnalisée d'autonomie.

A Toulouse, après l'explosion de l'usine AZF, les personnes âgées ont encore plus besoin que d'habitude d'aide et de présence. Aussi vous ai-je demandé il y a quelques jours une mesure spécifique. Quelle réponse pouvez-vous nous apporter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Plusieurs régions sont, en effet, confrontées à l'insuffisance des dotations d'aides ménagères au regard de besoins en augmentation. Cette situation a amené certaines associations d'aide à domicile et certains CCAS à interrompre ou réduire cette activité. C'est pourquoi, dès juin, j'ai alerté les conseils d'administration des caisses de retraites, qui ont la responsabilité de ces dotations. La CNAV vient de prendre la décision d'attribuer, pour le dernier trimestre, plus de 420 000 heures supplémentaires d'aide ménagère dans les régions en difficulté.

Pourquoi nous retrouvons-nous dans cette situation ? J'ai le sentiment qu'une des causes en est l'échec de la prestation spécifique dépendance : pour plusieurs raisons, les familles ont préféré faire appel à l'aide ménagère qu'à la PSD (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est aussi dû à une augmentation sans précédent des besoins. C'est pourquoi il était urgent de mettre en place l'APA : elle le sera au 1er janvier 2002.

C'est vrai qu'à Toulouse les personnes âgées, traumatisées, ont besoin d'un accompagnement spécifique. C'est pourquoi la CNAV vient d'attribuer 17 000 heures d'aide ménagère de plus à la région et de mettre en place un dispositif particulier.

Je constate que sur tout le territoire on se mobilise pour mettre en place l'APA (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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MOYENS DE LA DOUANE À LA MARTINIQUE

M. Pierre Petit - Monsieur le ministre des finances, la Martinique compte 35 % de chômeurs, ce qui entraîne des violence et agressions, particulièrement contre les touristes. Or le tourisme est notre seule grande chance économique.

Je sais que vos services de douane remportent des succès contre la grande délinquance. Mais, à la Martinique, le système de cabotage avec les îles anglophones permet d'introduire facilement de la drogue dans le pays, les canots repartant avec le produit des rapines. Il nous faudrait au moins deux vedettes rapides pour remédier à cette situation. Les collectivités locales sont prêtes à contribuer à leur achat, mais le personnel douanier dépend de l'Etat. Pouvez-vous nous aider à résoudre ce problème ?

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Votre question est précise, ma question le sera aussi.

Vous avez insisté sur la nécessité de renforcer la surveillance de la zone maritime des Antilles, qui dépend de la direction des douanes de Fort-de-France.

Celle-ci dispose de moyens qui semblent adaptés à ses missions : deux avions bimoteurs, un patrouilleur et deux vedettes, qui assurent la surveillance des côtes. Mais dans le cadre d'une étude d'ensemble sur les moyens des douanes confiée au directeur des douanes, nous verrons si des moyens plus rapides peuvent être mis à la disposition de ce département (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés RPR - Assez d'études !

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COUVERTURE DU TERRITOIRE PAR LE TÉLÉPHONE MOBILE

M. Jacques Barrot - Ma question, Monsieur le Premier ministre, porte sur l'exécution de décisions prises sous votre autorité directe. A l'issue du CIAT de Limoges, vous aviez en effet annoncé un effort national pour que l'ensemble du territoire soit couvert par le téléphone mobile, effort qui devait être partagé entre l'Etat, les opérateurs et les départements. Trois mois après, c'est le silence radio (Sourires). Certes, le secrétaire d'Etat à l'industrie, utilement interrogé par le président de la commission des finances, nous a indiqué vendredi dernier qu'une circulaire définissant les conditions de la concertation à engager localement allait être envoyée sous quinze jours aux préfets, mais nous n'avons pas besoin de nouvelle concertation, ni de nouvelles palabres puisque manifestement, les opérateurs sont prêts et que les départements sont de leur côté disposés à consentir les efforts financiers nécessaires. Mais encore faudrait-il connaître l'engagement de l'Etat. Les crédits d'Etat sont-ils vraiment inscrits au budget ? Si oui, à quelle ligne et quand seront-ils notifiés aux départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Lors du CIAT du 9 juillet dernier, nous avions décidé d'achever en trois ans la couverture du territoire par le téléphone mobile, étant entendu qu'il restait 1 480 communes non couvertes. Nous avions prévu à cet effet 1,4 milliard. La modification récente d'attribution des licences UMTS va permettre aux opérateurs d'investir plus rapidement dans l'extension de la couverture GSM. Non seulement l'ensemble du territoire sera couvert mais encore cela se fera sur deux ans au lieu de trois. Vous avez donc satisfaction sur toute la ligne. J'ajoute, pour accroître celle-ci, qu'à notre demande, les opérateurs ont décidé d'accomplir un effort financier supplémentaire, qui allégera celui de l'Etat et des collectivités locales. SFR et Orange m'ont en effet écrit qu'ils étaient prêts à déployer chacun 100 millions d'euros supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

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SANGATTE

M. Dominique Dupilet - Le nom de Sangatte, petit village du Pas-de-Calais, est désormais connu de la France entière car les médias ont beaucoup montré le centre de réfugiés qui s'y trouve installé. Ouvert provisoirement en 1999, il accueille des gens venus de 130 pays qui aspirent à passer en Grande-Bretagne par tous les moyens. Sangatte compte 1 021 habitants mais accueille plus de 1 000 réfugiés dans un bâtiment qui a servi lors de la construction du tunnel sous la Manche. La situation est délicate et risque à tout moment de dégénérer. Elle mobilise en tout cas de nombreux services - police, justice, douanes, hôpitaux, conseil municipal, conseil général. La fin de ce centre provisoire est-elle envisagée ? A-t-on pensé à une autre solution d'accueil dans le Calaisis ? Où en sont les discussions avec la Grande-Bretagne ? Enfin, la communauté européenne envisage-t-elle la création d'un nouveau statut juridique pour les réfugiés, leur conférant des droits identiques sur l'ensemble du territoire communautaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Il convient de rappeler que ces étrangers ne demandent pas l'asile en France.

Alors que la France ne peut pas faire face à toutes les demandes d'hébergement, il ne paraît pas souhaitable d'accréditer l'idée qu'elle pourrait accueillir sans limite des étrangers en situation irrégulière, lesquels n'ont de surcroît aucune envie de rester sur notre territoire. L'hypothèse de création d'autres centres, éloignés de la liaison ferroviaire transmanche, se heurte à un inconvénient majeur puisqu'il n'existe pas de disposition juridique permettant de contraindre des clandestins à s'y rendre - dès lors qu'il s'agit de centres d'accueil et non de rétention.

La quasi-totalité de ces étrangers sont des ressortissants de pays anglophones pour lesquels il n'existe aucune solution de reconduite à la frontière.

Des efforts importants sont faits par la France pour désengorger ce site. J'ai rencontré récemment M. David Blunkett pour en parler. Le Royaume-Uni est prêt à affecter des fonctionnaires britanniques de l'immigration à la zone de contrôle, en complémentarité avec la police française aux frontières, et à renforcer sa coopération opérationnelle avec la police française. Enfin, je m'efforce de mettre en _uvre des procédures européennes communes sur l'instruction du droit d'asile afin de réduire les disparités qui existent entre Etats membres (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CONTENTIEUX ÉLECTORAL ET RECOUVREMENT DES IMPÔTS LOCAUX

M. Léon Vachet - Monsieur le ministre des finances, plusieurs communes risquent de se retrouver dans l'impossibilité de recouvrer la taxe foncière et la taxe d'habitation.

Il semblerait en effet qu'un contentieux électoral puisse bloquer les rôles, et donc les ressources d'une commune, tout le temps de la procédure judiciaire, et ce même en cas d'appel d'une validation de l'élection par le tribunal administratif. De ce fait, les contribuables seraient aussi privés de la possibilité d'échelonner leurs paiements. La commune de Mauriès, dans les Bouches-du-Rhône, se retrouve dans cette situation absurde. Mais les services fiscaux de la préfecture ne partagent pas l'analyse des services fiscaux centraux et pensent que la commune peut opérer le recouvrement des taxes. Pouvez-vous nous dire quelle est la bonne interprétation des textes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - En mon nom comme en celui du ministre de l'intérieur, je puis vous dire que les principes sont clairs : tant qu'une décision de justice définitive n'est pas intervenue, par exemple une annulation de l'élection, un maire peut et même doit exercer toutes ses compétences. Les actes effectués durant cette période intermédiaire, par exemple entre une élection et son annulation, ne sont pas entachés d'illégalité pour cette seule raison. Je veillerai à ce que ces principes soient respectés partout (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - J'ai l'honneur de souhaiter la bienvenue, en votre nom, à une délégation de la commission des affaires européennes du Bundestag, conduite par M. Gunter Gloser.

Vous savez combien j'attache d'importance à la coopération entre notre Assemblée et le Bundestag. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

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TAXE TOBIN

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Au nom de la coordination Attac, qui regroupe 130 députés, je souhaite une nouvelle fois appeler votre attention, Monsieur le Premier ministre, sur la taxe Tobin. Je regrette que les amendements s'y rapportant en première partie du projet de loi de finances aient été repoussés. Ce refus est en contradiction avec vos déclarations de 1995. Le prélèvement d'une telle taxe ne résoudrait bien sûr pas tout mais constituerait un pas en avant vers une meilleure répartition des richesses. Nous sommes conscients qu'il faudrait au moins l'instituer dans la zone euro. Au moment où les événements dramatiques que l'on sait ont montré combien le terrorisme se nourrit d'argent sale protégé par les paradis fiscaux, n'est-il pas temps de marquer notre volonté de lutter contre la spéculation financière ? Le Gouvernement est-il prêt à présenter une disposition en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2002 comme le demande la coordination Attac qui regroupe des députés de tous les groupes de la gauche plurielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - J'ai eu l'occasion de recevoir il y a quelque temps des représentants du mouvement Attac et leur ai dit que la question serait posée en deuxième partie du projet de loi de finances.

J'ai demandé, avec mes collègues allemand et belge, à la Commission européenne d'étudier les abus de la mondialisation et les remèdes possibles. Cette étude nous sera remise en janvier ou février. Et d'ici là, nous aurons reposé la question dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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MONOPOLE DE MYRIAD GENETICS

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le ministre de la santé, les Français ont été choqués d'apprendre que les tests de dépistage de certains cancers du sein - occasionnés par la mutation du gène BRCA 1 ne pouvaient être réalisés que par l'intermédiaire d'un laboratoire américain, Myriad Genetics, qui a déposé un brevet sur ces tests génétiques et qui détient ainsi un monopole.

L'obligation ainsi faite aux laboratoires français d'envoyer tous les prélèvements aux Etats-Unis renchérit les coûts, allonge les délais et fait peser un risque sur la fiabilité des tests. Elle n'est pas non plus sans conséquence pour le développement de la recherche en France. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour régler cette question et, plus largement, pour assurer l'avenir de notre industrie de la biotechnologie, au moment où d'autres pays européens dont l'Allemagne ont décidé d'aides directes ?

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Nombreux sont ceux qui, à juste titre, se sont indignés de ce qu'un test diagnostic génétique de prédisposition au cancer ait fait l'objet d'un brevet déposé en janvier devant l'office européen des brevets, interdisant ainsi des recherches semblables et obscurcissant l'avenir. Les conditions d'exploitation du monopole conféré à la société Myriad Genetics seraient inacceptables si elles revenaient à interdire la réalisation de ces tests dans les laboratoires français qui les pratiquent actuellement, alors même que 10 à 20 % des mutations ne sont pas détectées par le laboratoire américain, lequel oblige les laboratoires européens à envoyer systématiquement les échantillons à tester à Salt Lake City. Par ailleurs, je rappelle qu'en droit français une invention peut être brevetée, mais que celles qui portent sur le génome humain ne peuvent pas l'être. C'est pourquoi les ministères de la recherche et de la santé se sont associés à la plainte déposée en octobre par l'Institut Curie, l'Institut Gustave Roussy et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Ce brevet contredit en effet les règles éthiques en vigueur dans notre pays, qui n'accepte pas le brevetage du vivant.

Un projet de loi sur la protection des inventions biotechnologiques, transposant en droit interne la directive 98-44 sera prochainement examiné en conseil des ministres. Il contient des dispositions protectrices pour la santé publique en matière de droit des brevets. Les articles 5 et 6 de la directive, qui traitent des conditions de brevetabilité des inventions portant sur le génome humain, ne font pas l'objet d'un projet de transposition, les discussions menées par le Président de la République et le Premier ministre avec la Commission européenne n'ayant pas, à ce jour, permis d'obtenir les garanties que nous souhaitions.

S'agissant du développement des entreprises de biotechnologies, qui relève des compétences de MM. Fabius et Pierret, le ministre des finances a annoncé que 150 millions d'euros seraient destinés au renforcement de l'effort public en faveur de l'innovation, notamment par le biais du capital-risque (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures 5. est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Gaillard.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - j'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux musées de France.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

M. Jean-Luc Préel - Voici venu le moment de nous prononcer sur la politique sociale du pays et, en principe, d'en définir les objectifs et les moyens de les financer.

Le contexte est moins favorable qu'hier en raison du ralentissement économique. Hélas, et c'est mon premier reproche, la cigale Jospin a préféré, comme Michel Rocard 1988, distribuer en 2000 la pseudo-cagnotte, alors que la fourmi aurait profité de l'occasion pour diminuer la dette et pour entreprendre les indispensables réformes de fond. La bise vient et vous n'avez pas préparé le pays par les réformes de la retraite et de la santé, que chacun reconnaît pourtant indispensables.

Pour 2002, vous affichez un optimisme béat, mais croyez-vous à vos propres prévisions ? Les recettes sont trop optimistes car elles reposent sur des hypothèses de croissance de 2,5 % pour le PIB et de 5 % pour la masse salariale. Aucun prévisionniste sérieux n'y croit et cette insincérité des recettes remettra en cause l'équilibre annoncé.

Deuxième reproche : les transferts de financement sont inadmissibles. Je pense en particulier aux 35 heures et à ce FOREC, encore virtuel bien qu'il ait été créé par la loi de financement 2000. Affecter au financement des 35 heures les taxes sur le tabac et sur les alcools est scandaleux puisqu'elles devraient financer la prévention et le traitement des maladies induites par ces deux fléaux qui font chacun 60 000 morts par an.

Certes, Alfred Recours a expliqué que ces taxes restaient affectées à l'assurance maladie puisqu'elles servaient à combler les exonérations de cotisations. Mais je ne puis suivre ce raisonnement intelligent mais fallacieux. Si vous n'aviez pas décidé les 35 heures, vous ne seriez pas obligés de procéder à un tel détournement, qui a entraîné le départ du MEDEF et le vote négatif du conseil d'administration de la CNAM.

Autre reproche majeur : les dépenses sont volontairement sous estimées. Sans doute seront-elles tenues pour la famille et la retraite, mais qu'en sera-t-il pour la santé ? Tous les observateurs objectifs le savent, l'objectif sera largement dépassé. Quel est aujourd'hui le statut de l'ONDAM ? S'agit-il d'un objectif à respecter ou d'un objectif virtuel ? Comment est-il fixé ? Que se passe-t-il s'il est dépassé ? Le Gouvernement fait tout pour brouiller les pistes...

Vous nous proposez un ONDAM à 738,7 milliards de francs, en augmentation de 6,5 %. Mais vous fixez ce chiffre arbitrairement, au « pif », sans étude régionale et nationale des besoins, sans tenir compte ni du vieillissement de la population, ni des progrès technologiques, ni des nouvelles molécules plus onéreuses.

En repoussant en fin de débat la discussion du rapport vous nous dites clairement : fixons l'objectif des dépenses d'abord ! Votre ONDAM est donc comptable et irréaliste. Le président Le Garrec a entendu Claude Le Pen défendre le concept de « santé bien supérieur » et il l'a approuvé, mais il n'en tire aucune conséquence et il se satisfait d'une augmentation de 3,5 % voire de 3 % pour le médicament, quand elle est de 7 % partout ailleurs. Or si nous acceptons le concept, nous devons en accepter les conséquences et fixer l'ONDAM à un taux réaliste : c'est une nécessité. Notre système de soins est paradoxal : reconnu comme le meilleur du monde par l'OMS, il est, après quatre ans et demi de votre gestion, au bord de l'explosion.

Les professionnels libéraux sont désabusés : ils n'acceptent plus de servir de boucs émissaires. Martine Aubry voulait déjà restaurer des relations de confiance. Où en sommes-nous ? Vous avez organisé le « Grenelle de la santé », qui accouche d'une souris. Les professionnels libéraux s'inquiètent de la permanence des soins... Mais leurs principales revendications portent sur la revalorisation des actes, le rejet des sanctions collectives et la prise en compte de l'individualisation des pratiques. Allez-vous revaloriser la consultation, la visite, l'acte de soins infirmiers et les frais de déplacement, notamment des infirmières ?

L'ONDAM proposé semble indiquer que non. Renoncerez-vous aux lettres clés flottantes ? Mme la ministre a affirmé à plusieurs reprises que telle n'était pas son intention. Vous-même croyez du reste si peu à ce mécanisme que vous n'avez fixé l'objectif des dépenses déléguées qu'en avril et que vous rebasez l'ONDAM. Soyez donc logique, et renoncez à ce chiffon rouge. Les sanctions collectives sont inacceptables dans leur principe même, alors que l'évaluation des pratiques individuelles est largement acceptée, même par les Allemands !

Les cliniques existent-elles encore ? A entendre la ministre, j'en doute. Bien qu'elles assurent 60 % des actes en chirurgie et 40 % en obstétrique, elles ne sont même pas mentionnées dans le rapport annexé. Est-ce vraiment un oubli ? J'ai déposé un amendement pour rappeler en deux lignes leur place dans le système de soins. Claude Evin l'a rejeté avec mépris. Quel symbole !

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Vous exagérez !

M. Jean-Luc Préel - C'est la vérité. Reprenez mon amendement dans la discussion, et nous en reparlerons.

La plupart des établissements privés sont dans une situation critique : rentabilité quasi nulle, pénurie de personnel. Ils demandent 6 milliards pour rétablir la parité des salaires avec les hôpitaux, l'écart étant actuellement de 30 %. L'ONDAM le permettra-t-il ? Certainement pas.

Les hôpitaux dont l'activité augmente ne sont pas dans une situation moins catastrophique. L'activité réelle n'est pas davantage prise en considération que l'augmentation des prix des prothèses, des médicaments et du matériel à usage unique. Les reports de charges et d'investissements sont arrivés à la limite, qu'il s'agisse de l'hôtellerie, de l'adaptation des urgences, du matériel IRM ou pet scan - nous sommes pratiquement derrière la Turquie. La Fédération hospitalière de France, les directeurs de CHU demandent un rebasage. L'accorderez-vous ? Que peuvent faire les hôpitaux ? Refuser les malades ou instaurer des quotas pour les interventions serait inadmissible, licencier le personnel inacceptable. L'hôpital dont je préside le conseil d'administration souffre d'une impasse budgétaire de 30 millions sur un budget de 740 millions. Le Conseil d'administration vient de décider de ne plus acquitter la taxe sur les salaires. Est-ce la solution ? En viendra-t-on à ne plus payer ses factures d'électricité ?

Comment résoudra-t-on les problèmes de démographie médicale, aggravés par les 35 heures ? Le Gouvernement impose cette mesure à toutes les entreprises dès le 1er janvier 2002. Mais qu'a-t-il prévu pour les hôpitaux ? 12 000 créations de postes. Seront-ils pourvus et financés ? J'en doute. La mesure ne sera donc effective qu'en 2004 au mieux : faites ce que je dis, pas ce que je fais. Comment sera-t-elle financée ? 1,2 % en 2002, est-ce suffisant ? Personne ne le pense.

L'ONDAM est décidément irréaliste. Vous savez déjà qu'il ne sera pas tenu. Pourquoi donc demandez-vous aux professionnels libéraux de le respecter ?

D'autre part, allez-vous poursuivre la correction des inégalités interrégionales et intrarégionales ? Certains demandent qu'on y renonce. Je n'ai pas obtenu de réponse sur ce point en commission.

Quatrième reproche : qui pilote le système ? L'étatisation est quasiment achevée. Le Gouvernement est responsable des hôpitaux, des cliniques, du médicament et d'une large part de l'ambulatoire. Que n'avez-vous réformé le système pour clarifier le rôle de l'Etat, du Parlement, des caisses, des professionnels ? La défunte loi « modernisation santé » n'a pas été présentée. Vous avez supprimé les cotisations maladie des salariés, remplacées par la CSG, et pris acte du départ du MEDEF. Vous savez qu'il est nécessaire de rendre les enveloppes fongibles.

Pourquoi ne vous êtes-vous pas engagés fermement vers la régionalisation, avec une organisation décentralisée et une politique de santé de proximité, comme le propose l'UDF ? Vous avez perdu une occasion unique. Vous n'avez pas préparé l'avenir.

S'agissant des retraites, vous n'avez pas mis à profit le départ à la retraite des classes creuses et la croissance pour poursuivre la courageuse réforme d'Edouard Balladur et de Simone Veil.

Nous sommes tous très attachés à la retraite par répartition. Le « papy boom » posera, à partir de 2005, de vrais problèmes, notamment pour les régimes spéciaux. Avez-vous préparé l'autonomie du régime général, créé une caisse de retraite des fonctionnaires gérée paritairement ? Allez-vous vers l'équité ? Non, décidément non.

Accordez-vous à tous les salariés le bénéfice du PREFON ? Permettez-vous la retraite à la carte ? Non.

Vous avez créé des commissions, des groupes de travail, des observatoires pour gagner du temps et repousser les décisions. Bref, vous avez manqué de courage. La seule mesure à porter à votre crédit est le fameux fonds de réserve, qui doit atteindre 1 000 milliards. Encore faudrait-il que les fonds soient individualisés et placés, puisque sur cette somme 340 milliards seront issus des produits financiers. Or, le prix de vente des licences UMTS vient d'être divisé par huit par Laurent Fabius. Notre rapporteur général, Alfred Recours, et le rapporteur pour la branche retraite, Denis Jacquat, l'ignoraient lors de notre réunion de commission, alors que Laurent Fabius était en train de l'annoncer. Quelle cohérence !

Vous ne préparez pas l'avenir de nos retraites et c'est une faute inexcusable.

Je n'ai rien vu concernant les conjoints survivants - Denis Jacquat en a parlé hier. Leurs demandes sont pourtant légitimes : revoir les règles d'attribution de l'assurance veuvage largement excédentaire, le cumul droits propres-pensions de réversion et le problème des polypensionnés.

Vous ponctionnez les excédents de la branche famille pour financer la branche retraite, au lieu de les consacrer à la politique familiale. C'est inadmissible.

Vous n'entreprenez aucune simplification des 23 prestations et 15 000 références ingérables et obscures.

Il faudrait améliorer les gardes d'enfant, notamment à domicile, et prendre en compte le premier et le dernier enfant - qui est souvent celui qui coûte le plus cher.

En conclusion, votre projet n'emporte pas l'adhésion de l'UDF. Les débats permettront peut-être de l'améliorer. J'ai déposé de nombreux amendements et je compte sur vous pour reconnaître leur pertinence et en accepter quelques-uns. Mais, en l'état, l'UDF votera contre ce projet, en raison d'une surestimation des recettes, d'une sous-estimation des dépenses, de l'absence de politique familiale et de réforme des retraites et de la poursuite de l'étatisation de la santé avec un ONDAM irréaliste (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Bernard Charles - M. Préel a omis de rappeler que le retour à l'excédent au cours des dernières années a permis d'améliorer la protection sociale de nos concitoyens. Mais l'assurance maladie doit se fonder sur une politique de santé clairement définie, permettre l'accès aux soins de tous et la mise en _uvre de priorités de santé publique. Ce débat, qui s'apparente à un exercice pédagogique annuel, est aussi l'occasion d'opérer les choix de santé publique, sur la base du rappel des principaux déterminants de l'état de santé. Les priorités ne sauraient se réduire à une augmentation quantitative de l'offre de soins. A cet égard, le débat annuel au Parlement sur les perspectives de la politique de la santé pour l'année n + 1 qu'instaure l'article 24 du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, constitue un progrès, car il permettra de fixer en amont des orientations claires.

La réforme du système conventionnel et du mode de régulation des dépenses de médecine apparaît cependant comme une priorité. La concertation avec les professions de santé, les caisses d'assurance maladie et les partenaires sociaux doit donc être relancée.

S'agissant de la santé publique, l'intégration des actions de prévention dans l'ONDAM est une mesure très positive. L'augmentation de l'ONDAM - de 4,8 % pour l'hôpital et les établissements médico-sociaux, de 3,5 % pour les cliniques et de 3 % pour les soins de ville - trace des pistes claires. Il faut cependant prendre en considération la situation difficile des cliniques, en encourageant par exemple, dans les villes petites et moyennes, la coopération entre public et privé.

S'agissant des soins de ville, l'amélioration de la couverture doit se poursuivre, notamment pour l'optique et les prothèses auditives. Des progrès sont à noter dans les domaines du financement des réseaux de soins, des aides à l'installation et des expériences relatives à la place des libéraux dans la permanence des soins.

Quelques points forts doivent être mis en évidence, d'abord sur la prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles, dont le rapport Masse a préconisé une réforme complète quant au champ de l'indemnisation.

Cette réforme devra déboucher sur une réparation intégrale du préjudice. J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce point.

La politique en faveur des personnes handicapées doit être renforcée, afin de permettre à ceux que le handicap risque d'isoler de conserver leur autonomie.

La branche vieillesse, longtemps en déficit, dégagera un excédent en 2002. L'APA est une bonne mesure, mais il faut explorer d'autres pistes. Mon collègue Pascal Terrasse en parlera mieux que moi.

M. Jean-Luc Préel - Est-ce possible ?

M. Bernard Charles - M. Préel tente de diviser la majorité. Maintenez donc l'unité de l'UDF, c'est suffisamment difficile !

En matière de soins infirmiers, des besoins de financement apparaissent, en particulier dans les départements ruraux.

S'agissant de la politique du médicament, on ne peut se satisfaire de politiques à court terme agissant sur les prix. Mais cela fait plus de quinze ans que je le répète à cette tribune. Il faut encourager l'innovation. A cet égard, faciliter la prescription de molécules est une bonne mesure.

Pour l'hôpital, le malaise est d'autant plus frappant que les motifs de satisfaction sont nombreux : notre système de soins a été reconnu comme le meilleur du monde par l'OMS, la fréquentation des hôpitaux ne cesse de croître, nos concitoyens placent l'hôpital au premier rang des services publics avec 80 % de satisfaction, les budgets et les effectifs s'accroissent comme ils ne l'avaient jamais fait... Pourtant, le malaise est profond, en raison de l'apparition de nouvelles missions, de l'émergence d'une exigence à laquelle le monde hospitalier est mal préparé, d'un risque judiciaire croissant et de la démoralisation des médecins. Je me félicite de l'accord conclu avec les praticiens hospitaliers, qui ont le sentiment que leur métier se dévalorise.

Depuis plus de dix ans, les effets budgétaires de la collectivité se concentrent sur les mesures salariales. Mais il faut aussi financer les dépenses médicales et relancer l'investissement. Comprenant les médicaments, les dispositifs médicaux et les fournitures, les dépenses médicales vont nécessairement augmenter, sous la pression de l'effet prix, de la hausse d'activité et de l'innovation, qui amène des traitements plus coûteux. Par ailleurs, la modernisation de l'hôpital public nécessite un effort en faveur de l'investissement. Il faudrait, comme on l'a fait pour les collectivités locales, créer un fonds de compensation de la TVA.

Je terminerai par la réduction du temps de travail. Certes, la création de 45 000 postes est annoncée. Mais le passage aux 35 heures ne se fera qu'au 1er janvier 2004. Je propose que les 45 000 postes soient pourvus sans attendre et qu'on étudie, fin 2003, si d'autres créations de poste sont nécessaires. On calmerait ainsi toutes les inquiétudes.

Je souhaite donc que des mesures significatives soient prises, qu'il s'agisse de l'investissement ou du fonctionnement, et j'ai déposé des amendements en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. François Goulard - En écoutant hier le très long discours de Mme Guigou - qui nous fait aujourd'hui l'honneur de son absence -, j'ai été impressionné par l'aplomb avec lequel la ministre de l'emploi annonçait « le retour à l'équilibre de la sécurité sociale ». C'était ahurissant. Comment le Gouvernement peut-il se targuer d'un tel retour à l'équilibre alors que les facteurs de déséquilibre ne cessent de s'accumuler ?

Pour l'année 2000 d'ailleurs, la Cour des comptes a démonté votre présentation, et c'est un déficit qui est apparu.

L'assurance maladie, depuis 1997, continue d'être déficitaire.

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Pourquoi ne pas remonter avant 1997 ?

M. François Goulard - Je sais que vous aimez faire référence à des périodes antérieures, mais ce dont il est question aujourd'hui, c'est bien de l'action de ce Gouvernement.

S'agissant des retraites, le retour à l'équilibre n'est dû qu'à des raisons démographiques.

Il est vrai que la branche famille dégage des excédents. Nous verrons ce que vous en faites. Ces excédents ne font que montrer votre manque de générosité à l'égard des familles. J'ai encore en mémoire les propos de Ségolène Royal qui, l'année dernière, nous expliquait que les politiques familiales à visées natalistes appartenaient au passé. Il serait donc inconcevable d'aider les familles nombreuses.

Le cycle de croissance amorcé en 1997 vous a apporté des recettes abondantes, mais il est en train de se ralentir. Par ailleurs, dans votre premier projet de loi de financement, vous avez élargi l'assiette des ressources par des transferts. C'est donc la croissance et les prélèvements sur l'économie qui vous ont permis d'afficher un quasi équilibre. Mais que se passera-t-il demain ? Vos prévisions étaient déjà irréalistes avant les événements du 11 septembre. Depuis, qui peut affirmer que la croissance se maintiendra ? Vous êtes les seuls à le faire. En commission, Mme Guigou a même trouvé déplacé qu'on évoque un risque de fléchissement.

Dans le domaine de l'assurance maladie, vous réalisez cette performance de mécontenter toutes les professions de santé sans contrôler les dépenses ! D'année en année, elles dérapent. En prétendant les maîtriser, vous vous mentez à vous-mêmes. Vous mentez au Parlement et vous mentez au pays.

M. le Ministre délégué - Nous nous trompons parfois, mais nous ne mentons pas.

M. François Goulard - Les mesures de blocage et de reversement prévues pour la médecine de ville sont inapplicables.

M. le Ministre délégué - C'est vous qui les avez créées, mais elles n'ont jamais été appliquées.

M. François Goulard - Quant aux dépenses pharmaceutiques, elles sont lourdement fiscalisées, au point de menacer la recherche dans nos laboratoires. On peut se demander si la presse médicale en France aura longtemps les moyens de vivre.

Pour l'hôpital, vous disposez d'un moyen grossier, le budget global. En cas de grève, vous le dépassez. Si les 35 heures - une contrainte que vous vous imposez à vous-mêmes - induisent des recrutements, vous restez maîtres du jeu. Mais vous n'avez pas autant d'égards pour les cliniques privées, qui sont les oubliées de votre politique depuis plusieurs années. Mme la ministre signalait comme un reproche que les salaires des infirmières étaient moins élevés dans les cliniques qu'à l'hôpital. Pourquoi ? C'est que les cliniques privées n'ont pas les moyens financiers - c'est vous qui les attribuez - de les payer convenablement. L'hospitalisation privée risque d'être condamnée au dépôt de bilan.

Certaines professions de santé sont sacrifiées. Pour la médecine de ville, vous avez eu la main lourde, notamment avec les infirmières libérales et les kinésithérapeutes, avec le fameux PSI.

C'est vrai que la critique est facile. Quelle régulation peut être mise en _uvre demain ? L'honnêteté oblige à reconnaître qu'il n'y a pas de solution toute faite à cette difficile question économique et sociale.

A notre sens la régulation doit se faire à deux niveaux. Au niveau macro-économique, il est légitime que le Parlement vote les prélèvements obligatoires. Mais il est indispensable de sortir du monopole bureaucratique de la CNAM, qui prend des décisions aveugles et inacceptables. Nous plaidons pour l'intervention d'une multiplicité d'organismes d'assurance-maladie, soumis au même cahier des charges et aux mêmes règles de non-discrimination, mais permettant un dialogue décentralisé entre les assureurs et les professions de santé. Si on ne sort pas du monopole actuel, on ne peut réguler de façon satisfaisante les dépenses de santé.

En ce qui concerne les retraites, il est assez extraordinaire de voir ce Gouvernement, qui n'a pas pris une seule mesure pour en rétablir l'équilibre, tirer gloriole de l'excédent actuel. Qui y a contribué, si ce n'est le gouvernement Balladur en 1993 et l'évolution démographique temporairement favorable ?

Quant à vous, vous avez créé ce pauvre fonds de réserve, annonçant des recettes mirobolantes qui se révèlent ensuite évanescentes... Le meilleur exemple en est celui des licences UMTS, dossier remarquablement mal géré par vos collègues des finances et de l'industrie.

Initialement la moitié de ces recettes énormes - 150 milliards de francs ! - devait être affectée au fonds de réserve des retraites. L'appel d'offres, ou plutôt le concours de beauté, s'est soldé par une déconvenue totale puisque sur quatre opérateurs pressentis, deux seulement ont répondu, dont l'un moyennant des clauses secrètes dont on voit les effets aujourd'hui. Il y a moins d'un mois, Mme Guigou annonçait en commission des affaires sociales que le Gouvernement, dans sa grande générosité, acceptait d'affecter au fonds la totalité de ces recettes, tombées entre temps à 50 milliards ! Quelques jours après, le ministre des finances décidait de diviser par 8 le prix des licences... Le pactole a donc disparu, mais pour compenser M. Fabius a imaginé de privatiser les sociétés d'autoroutes. Cela, c'est une idée que seule la gauche peut avoir !

M. Maxime Gremetz - Vous devez être contents !

M. François Goulard - Ce qui est privatisé, c'est une pompe à finances, un péage indu, s'agissant d'équipements totalement amortis, qui sera désormais encaissé par une société privée : on revient aux fermiers généraux de l'Ancien régime, bravo !

En réalité, nous le savons tous par expérience, aucun gouvernement, ni de droite ni de gauche, ne dotera sérieusement un fonds de réserve destiné à servir dans 20 ans. Votre solution est un non-sens.

Un autre modèle, ce serait la retraite par capitalisation des fonctionnaires, la Préfon...

M. Maxime Gremetz - Décidément, cela vous empêche de dormir...

M. François Goulard - Au contraire, c'est une excellente idée ! En tant qu'ancien fonctionnaire, j'ai reçu une lettre de la Préfon où cet organisme sérieux, contrôlé de très près par l'Etat, écrit que la constitution d'un complément de retraite par capitalisation est plus que jamais nécessaire et souligne l'avantage que constitue la déduction fiscale intégrale de toutes les cotisations...

Monsieur le ministre, nous demandons simplement l'extension de ce privilège à tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Vous n'avez jamais daigné répondre à cette requête, qui relève de l'équité.

A propos d'équité, je considère que la demande du groupe communiste d'accorder une retraite à taux plein à tous ceux qui totalisent 40 annuités de cotisations, quel que soit leur âge, est parfaitement légitime. Mais je propose qu'on aille jusqu'au bout de l'équité et qu'on finance le surcoût - 25 ou 30 milliards de francs - par un prélèvement sur ceux qui ont un statut plus favorable que la moyenne des Français.

Pour terminer, quelques mots sur le FOREC. Nous le disons depuis le début, c'est une profonde erreur que de financer les 35 heures par la sécurité sociale : cela relève du budget de l'Etat. Erreur aussi, voire volonté de dissimulation que cette multitude de ressources incohérentes et non pérennes.

Contrairement à ce que vous prétendez, les 35 heures n'ont pas créé 350 000 emplois, mais tout au plus 80 000, et aujourd'hui elles font augmenter le chômage plus vite qu'ailleurs.

Au passage, vous avez tué la démocratie sociale dans nos organismes de sécurité sociale.

C'est un bilan dramatique, totalement négatif. Il va de soi que nous nous opposerons de toutes nos forces à ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - En raison d'une réunion de la commission des affaires sociales, nous interromprons nos travaux à 19 heures.

M. Pascal Terrasse - La politique menée depuis 1997 a créé de meilleures conditions pour consolider le système de retraites par répartition, auquel les députés socialistes sont très attachés. Nous nous sommes engagés à le défendre et l'abrogation de la loi Thomas est une preuve de cet engagement (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

Aujourd'hui, la croissance permet d'envisager l'avenir avec sérénité. En 1997, la branche vieillesse était déficitaire de 5 milliards de francs, actuellement elle est excédentaire de 3 milliards, après une revalorisation sensible des retraites, qui s'est traduite par une hausse du pouvoir d'achat des retraités. C'est une rupture avec la période précédente.

Cet excédent mérite d'autant plus d'être souligné qu'il s'agit du poste de prestations sociales le plus important et en plus forte croissance. En effet, le taux annuel moyen de progression de ce poste est de 2,3 %, contre 1,7 % pour l'ensemble des autres prestations. Ce dynamisme s'est accompagné d'un redressement significatif des comptes. Tous les retraités ont bénéficié de cette amélioration, mais plus particulièrement les plus modestes. C'est ainsi que le minimum vieillesse et le minimum de réversion ont été revalorisés de 2,2 % chaque année depuis 1997. Une revalorisation reste cependant nécessaire, celle du minimum contributif. La commission a donc adopté un amendement tendant à le majorer de 3 %.

L'assainissement de la situation financière des régimes de retraite nous donne le temps d'étudier des mesures complémentaires de plus long terme, étant entendu que si la période actuelle se caractérise par une croissance rapide des effectifs des cotisants - grâce à la baisse du chômage - et une relative modération de la croissance des effectifs de retraités - les générations qui partent actuellement à la retraite sont les générations creuses nées au début de la seconde guerre mondiale -, la tendance s'inversera dès 2002 et la hausse sera brutale en 2006. Le Gouvernement a déjà pris des mesures pour y faire face en particulier la création du fonds de réserve des retraites, avec un objectif de 1 000 milliards en 2020. Il est à noter que son financement à court terme ne sera que marginalement affecté par les modifications relatives à la cession des licences UMTS.

L'allocation personnalisée d'autonomie sera financée à hauteur des objectifs prévus ; elle permettra à de nombreuses personnes âgées de bénéficier d'une aide substantielle bien adaptée à leurs besoins. Néanmoins, je tiens à rappeler le rôle capital des associations d'aide à domicile. Pour favoriser leur intervention, la commission a adopté un amendement tendant à exonérer les services prestataires des charges patronales de sécurité sociale, dans les mêmes conditions que les particuliers employeurs ou les mandataires.

Par ailleurs, il paraît urgent de mettre en place une validation des acquis professionnels. Il faut douze mois pour former une aide-soignante et cette profession souffre d'un manque patent de candidats. Or aucune passerelle ne permet actuellement aux auxiliaires de vie, qui disposent déjà d'une formation et d'une expérience dans le même secteur, de devenir aides-soignantes en validant leurs acquis. Une mesure en ce sens me semble indispensable.

Nous avons aussi adopté un amendement tendant à obliger chaque établissement social ou médico-social à disposer d'une pharmacie à usage interne. Mais il est certain que cette obligation compliquera la tâche des chefs d'établissements, lesquels ont du mal à recruter un pharmacien pour seulement quelques heures. Il serait donc judicieux de lui permettre de payer un pharmacien libéral sous forme de vacations.

J'en reviens aux retraites. Un amendement adopté en commission a étendu aux hommes la disposition permettant aux femmes fonctionnaires ayant eu trois enfants et comptant quinze années de service de bénéficier d'une pension complète.

Je voudrais aussi évoquer un problème qui certes relève plutôt du domaine conventionnel mais qui mérite notre attention. La nouvelle convention UNEDIC prévoit que l'ARPE continuera de bénéficier aux personnes nées en 1942 et avant. Mais ce ne sera pas le cas des personnes nées en 1943 ou 1944. Il y a là une difficulté.

Vous nous dites, Madame la ministre, que la généralisation du dispositif permettant à ceux qui ont cotisé 160 trimestres mais qui ont moins de 60 ans de partir quand même à la retraite ne peut se faire que dans le cadre d'une réforme globale. J'en conviens, mais j'espère que l'amendement qu'a adopté notre commission à l'initiative de M. Recours et qui vise les chômeurs âgés ayant cotisé 160 trimestres aura votre soutien.

Je dirai pour conclure que la méthode du Gouvernement dites des 3D diagnostic, dialogue et décision - a déjà porté ses fruits et permettra de trouver des solutions satisfaisantes pour tous les régimes de retraite. A ceux qui prônent la retraite par capitalisation, je réponds : voyez la chute du CAC 40 ! Moins 40% depuis le début de l'année. Vous imaginez les conséquences pour les retraités si nous étions dans le système souhaité par certains. Avant de parler capitalisation, mettons donc en place tout ce qu'il faut pour consolider nos régimes. Et lorsque le conseil d'orientation des retraites aura remis ses conclusions au Premier ministre, nous aurons les bases d'un grand débat, non pas seulement entre nous mais avec l'ensemble des Français. C'est ainsi que nous réussirons une véritable refonte des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - J'ai du mal à partager l'optimisme béat et l'autosatisfaction de l'actuelle majorité. En effet, le retournement de la conjoncture économique met en évidence votre immobilisme en matière de santé publique et de retraites depuis 1997. Les mesures disparates et volontairement complexes de vos lois de financement de la sécurité sociale ne doivent pas faire illusion : les différentes branches sont en mauvaise santé et l'excédent affiché pour 2002 n'est qu'un leurre.

Incapables de maîtriser les dépenses de santé, vous êtes aussi inaptes à relever ce défi majeur : la survie de nos systèmes de retraites. Depuis quatre ans, vous vous réfugiez derrière des colloques et des rapports. Votre inertie au sujet des retraites constituera, à n'en pas douter, le plus grand scandale de cette législature !

Pourtant, aujourd'hui, personne n'ignore que le rapport entre cotisants et retraités va, dans notre pays, se dégrader très nettement dans les années à venir et que, si rien n'est fait, il ne sera plus possible de verser des retraites convenables. En 1995, les plus de 60 ans représentaient 20% de la population totale et on comptait 48 retraités pour 100 actifs. Ce rapport passera à 64 retraités pour 100 actifs en 2020. En 2040, les plus de 60 ans dépasseront les moins de 20 ans et la France comptera alors moins de deux actifs pour un retraité. Déjà, dans les cinq ans à venir, le nombre annuel des départs à la retraite va doubler. Ces données connues, l'excédent actuel de la branche retraites se révèle artificiel et temporaire puisqu'il n'est dû qu'à l'arrivée à l'âge de la retraite des classes creuses de la guerre. La situation s'inversera prochainement et le besoin de financement du système de retraite par répartition ne cessera de s'accroître.

Le rapport Charpin montre que si rien n'est fait, les charges de retraite seront multipliées en termes réels par un facteur de 2,8 et passeront de 12% à presque 16% du PIB. Mais vous êtes restés sourds à cette mise en garde et votre première réaction a été de commander un contre-rapport, le rapport Teulade, dont les conclusions, particulièrement rassurantes, sont arrivées à point nommé pour légitimer votre inaction. Ce rapport, fondé sur une perspective de croissance de 3,5% sur 40 ans - on croit rêver ! - exclut toute réforme de fond et ne préconise que de simples adaptations.

Il est pourtant essentiel de favoriser la diversification des sources de revenu des retraités. La baisse régulière de leur pouvoir d'achat est là pour nous le rappeler et ce n'est pas le montant de revalorisation que vous proposez dans le présent projet qui inversera la tendance.

Vos seules initiatives ont consisté en la création d'un Conseil d'orientation des retraites et d'un Fonds de réserve des retraites. Mais le premier n'est qu'une instance de concertation, aux effets nécessairement limités. Vous le qualifiez de « dispositif de pilotage », mais pour piloter, encore faut-il savoir où l'on va ! Or vous n'avez pas l'air de connaître la direction à prendre. Ce conseil pourrait vous servir de GPS mais comme il ne cesse de démontrer que vous prenez des voies sans issues, vous préférerez ignorer ses recommandations ! N'a-t-il pas récemment fait savoir que « les dangers d'une crise de confiance dans les régimes de retraites » pourrait se traduire par « l'éclatement de la solidarité » ?

Ainsi, vous êtes trahis par l'organe que vous aviez installé en espérant qu'il légitimerait vos positions...

Le Fonds de réserve des retraites pourrait être considéré comme votre seule réalisation, si son financement n'était pas aussi instable. Mais alors qu'il a été créé pour pallier les difficultés à venir du financement des régimes par répartition, il ne pourra contrer le choc démographique, à la fois parce que ses dotations sont très insuffisantes et parce qu'il ne dispose pas de ressources pérennes - ce que la Cour des comptes a dénoncé dans son dernier rapport. Depuis lors, vous avez annoncé votre intention de diviser par huit le prix des licences de téléphonie UMTS, si bien que nous assistons à la disparition de l'une des principales sources de financement du fonds... On peut douter que l'affectation, en contrepartie, d'une partie des recettes provenant de l'ouverture du capital d'ASF suffise à compenser les ressources manquantes, et le syndicat CFTC ne s'y est pas trompé, qui a dénoncé un Gouvernement « qui se moque de nous ».

Mais le plus grave tient au détournement de ressources auquel vous vous livrez pour tenter de financer le puits sans fond de la RTT. Pour ce faire, vous avez honteusement transféré 10 milliards des recettes du FSV vers le FOREC. Malheureusement, ce hold-up va se répéter : ne devez-vous pas trouver 18 milliards de fonds de taxes nouvelles, en 2002, pour financer les 35 heures ?

Votre irresponsabilité tragique met en péril les retraites de tous les Français. Et pendant que vous dormez, nos voisins agissent pour anticiper le choc démographique. C'est le cas en Suède, en Allemagne, en Italie... Partout, des réformes sont menées, dont vous devriez vous inspirer, pour compenser les déséquilibres financiers auxquels seront soumis les régimes de retraite par répartition. Votre immobilisme n'en paraît que plus choquant, d'autant que des solutions existent. Ce qui vous manque, c'est le courage de les mettre en pratique, comme l'ont fait MM. Balladur et Juppé. Quant à la loi Thomas, vous ne l'avez jamais appliquée, et vous avez fini par l'abroger.

L'opposition continue d'élaborer des propositions, qui ne se limitent pas à consolider le système de retraite par répartition, auquel je suis, comme vous, particulièrement attaché, mais qui visent à offrir à tous la possibilité de reconstituer un complément de retraite par capitalisation comme les fonctionnaires peuvent déjà le faire, à harmoniser la durée des cotisations et à faire évoluer les régimes spéciaux. Comment imaginer, en effet, que les Français supporteront encore longtemps les disparités actuelles ?

Je conclurai en me référant à une étude réalisée récemment par Futuribles, en partenariat avec l'Observatoire des retraites et la Caisse des dépôts et consignations, et dont les analyses sont, malheureusement pour vous, plus proches de celles du rapport Charpin que du rapport Teulade. Ses auteurs soulignent en effet le caractère « fondamentalement suicidaire » de la politique « d'attentisme » menée en France, qui conduirait, dès 2020, à une « montée des tensions extrêmement forte entre les actifs et les retraités »...

Leurs propositions s'apparentent aux nôtres : abonder d'urgence le fonds de réserve des retraites et mieux le gérer, fondre les régimes de base sur un système à points, plus équitable qu'un système fondé sur le nombre d'annuités, aligner les régimes spéciaux sur le régime général.

En agissant en ce sens, nous pourrons envisager l'avenir avec plus de sérénité. Encore faut-il pour cela que vous cessiez de repousser systématiquement toutes nos propositions, en particulier celles qui visent à favoriser le développement des fonds de pension, maintenant ainsi l'inégalité de traitement entre les salariés du privé et ceux du public, privant les retraités de toute perspective de revalorisation de leur pouvoir d'achat et fragilisant nos entreprises qui, faute de capitaux nationaux, deviennent otages d'arbitrages étrangers.

Je souhaite sincèrement que l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 vous serve « d'électrochoc » et vous incite à prendre des mesures radicales (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Muguette Jacquaint - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale permet au Parlement de traiter de l'aspect financier de la politique familiale.

La branche « famille » de la sécurité sociale a un caractère redistributif affirmé, puisque plus de 200 milliards de francs sont réorientés vers la consommation des ménages. 12,7 millions de familles en sont bénéficiaires, et cette redistribution a un effet largement bénéfique pour la croissance.

Pour la troisième année consécutive, la branche « famille » est excédentaire, et pour la seule année 2001, le solde positif s'établira à 9,2 milliards de francs. Or, le Gouvernement a choisi de transférer cet excédent vers le fonds de réserve des retraites, ce qui ne permet pas de satisfaire une aspiration profonde des associations familiales : celle du versement des allocations familiales dès le premier enfant. Le groupe communiste réitère cette proposition depuis de nombreuses années. Son adoption attesterait de l'universalité des allocations familiales.

MM. Patrick Delnatte et Bernard Perrut - Très juste !

Mme Muguette Jacquaint - Si la somme totale des prestations familiales progresse, on ne peut parler d'augmentation du pouvoir d'achat : fonder la revalorisation sur les prix ne permet qu'un rattrapage. Et bien que l'indexation sur les salaires soit un facteur de justice sociale, elle est écartée par le Gouvernement.

Il est donc souhaitable que l'amendement prévoyant une hausse de 2,2 %, comparable à celle des pensions et malgré tout insuffisante, soit adopté. Si l'UNAF demande une augmentation de 5 %, c'est qu'il est pernicieux d'accentuer le décalage entre la revalorisation des pensions de vieillesse et celle des prestations familiales. La pérennisation d'une allocation de rentrée scolaire de 1 600 F est naturellement tenue pour un droit acquis par les associations familiales. Cependant, le plafonnement écarte de son bénéfice de très nombreuses familles. Dans un premier temps, il apparaît indispensable de revoir ce plafond, tant est flagrante l'augmentation du coût de la rentrée scolaire. Il reste aussi à régler la question du manque de place en structures d'accueil du jeune enfant, et les efforts visant, ces dernières années, à la diversification des systèmes d'accueil ou au développement de l'APE ne peuvent remplacer les créations de crèches. Le fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance, créé l'année passée, a bien été doté de 1,5 milliard de francs, mais ce financement est provisoire. Seule la pérennisation de ces ressources, grâce à un plan pluriannuel, permettra de rattraper le retard accumulé.

Cette année, le dispositif phare du projet, pour la branche « famille », est la création du congé paternité, disposition que le groupe communiste approuve d'autant plus volontiers qu'il l'avait proposée dans le cadre de la modernisation sociale et qu'elle avait, à l'époque, été rejetée.

Le congé de paternité est un progrès réel, et il était attendu avec impatience par les pères.

Enfin, l'autonomie des jeunes adultes devient une question de société, et les conclusions de la commission nationale qui seront prochainement remises au Premier ministre devront déboucher rapidement sur des mesures législatives.

En conclusion, j'insiste sur le fait que les quelques articles de ce projet concernant la famille ne permettent d'appréhender la politique familiale dans sa globalité. La Conférence annuelle sur la famille est, à ce sujet, d'une importance particulière, et la représentation nationale doit mieux y tenir sa place.

Le groupe communiste a, lors de chaque débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, formulé des propositions visant à construire une politique familiale progressiste. C'est dans cette optique que nous abordons aujourd'hui ce nouveau débat.

M. Jean-Pierre Foucher - Je ne reprendrai pas les propos de mes collègues Yves Bur et Jean-Luc Préel, dont je partage le point de vue. Je me limiterai donc à traiter de l'ONDAM, du médicament et des accidents du travail.

S'agissant de la valeur fixée pour l'ONDAM, le qualificatif qui vient spontanément à l'esprit est « irréaliste ».

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Encore ! Mais c'est une manie !

M. Jean-Pierre Foucher - Il faut que chacun s'en pénètre... L'esprit dans lequel l'ONDAM a été créé est maintenant occulté : la loi organique de 1996 lui donnait pour but d'encadrer la croissance des dépenses d'assurance maladie en tenant compte des priorités de santé publique.

Or l'ONDAM est fondé sur des considérations purement économiques, et le vote du Parlement est totalement dévoyé puisqu'il repose sur de fausses hypothèses : jamais, sauf en 1997, l'ONDAM n'a été respecté. Claude Evin présente comme un progrès le fait que l'on calcule désormais l'augmentation de l'ONDAM par rapport aux dépenses constatées. J'y vois plutôt le signe d'un échec car soit on a mal prévu, soit on maîtrise mal les dépenses. De plus, l'objectif voté est global et c'est le Gouvernement qui fixe la répartition en enveloppes non fongibles entre elles.

Il est pour moi impératif que l'ONDAM soit fixé en fonction des besoins réels de santé, évalués région par région. Il est vrai que définir les besoins de santé, c'est prendre le risque de ne pas disposer des financements nécessaires et donc de devoir faire des choix. C'est pourquoi il faut faire de la santé une priorité dans la politique nationale et dire quelle place on veut donner au médicament dans l'offre de soins.

Le médicament n'est pas un produit classique : il sert à guérir une maladie, à éviter son aggravation ou à soulager la douleur.

M. le Président de la commission - Jusque là, nous sommes d'accord...

M. Jean-Pierre Foucher - Ainsi, il contribue à améliorer la santé de l'individu, donc la santé publique. Il permet aussi de réaliser des économies, dont on ne tient jamais compte bien qu'elles puissent être chiffrées, grâce à une diminution de la durée des maladies, de l'invalidité ou de l'hospitalisation. Une étude récente montre que plus le revenu par habitant est élevé, plus le pourcentage de ce revenu consacré aux dépenses de santé est important. Et c'est le Français qui consacre le plus d'argent à l'achat de médicaments.

Cette augmentation des dépenses à de nombreuses explications : vieillissement de la population, transfert du secteur hospitalier vers les soins de ville, mise sur le marché de molécules plus actives mais plus chères, utilisation de médicaments récents pour des maladies que l'on peut enfin traiter.

Les mesures que vous nous proposez ne permettent pas de s'attaquer directement aux causes du dérapage. Même si l'augmentation de la dépense en médicaments a ralenti depuis 1999, on est bien loin de la maîtrise. Qui plus est, les solutions appliquées ont des effets pervers, tel le déplacement de l'utilisation des médicaments peu chers et mal remboursés, en raison du faible service médical rendu, vers des médicaments plus chers mais mieux remboursés. Est-on sûr que le rapport intérêt thérapeutique-coût est ainsi meilleur ?

Dans la logique du système actuel de fixation des prix fondé sur une reconnaissance de l'innovation, on peut craindre qu'un produit innovant très prescrit soit sanctionné. Tel est le cas de certains inhibiteurs de la pompe à proton et de quelques antibiotiques à large spectre.

J'ajoute qu'une baisse de prix ne conduit pas plus que le développement des génériques à une diminution en volume, au contraire. En outre, si les génériques contribuent à la limitation des dépenses, il ne faut pas perdre de vue certaines règles de prescription, en particulier pour l'antibiothérapie.

Pour que la maîtrise soit crédible et pérenne, il faut s'attaquer aux causes et, en premier lieu, optimiser la prescription par le médecin.

M. le Président de la commission - Nous sommes d'accord !

M. Jean-Pierre Foucher - Je le sais, mais il faut passer aux actes !

L'optimisation de la prescription passe par la formation continue du médecin - j'espère, à ce propos, que la loi « Kouchner » sera rapidement appliquée - et par l'information des médecins sur le médicament, grâce au Fonds de promotion de l'information, créé l'an dernier et qui n'est toujours pas mis en place. Pourquoi ne pas lui affecter l'augmentation prévue de la taxe sur la publicité, ce qui permettrait d'éditer des fiches de transparence d'usage facile et d'améliorer la formation des médecins et des pharmaciens à la prescription en DCI. Tout ceci favoriserait une prescription et une dispensation mieux adaptées ; on pourrait même imaginer un système de RMO.

Le médecin et le pharmacien ont un vrai rôle à jouer dans le bon usage du médicament, pour favoriser les génériques, pour faciliter l'observance et pour encourager la médication familiale. Car c'est bien une modification des mentalités et des comportements des patients qu'il faut encourager.

Dans tous les plans d'économies qui nous sont proposés, la prévention est toujours oubliée, alors que le médicament en est aussi un outil. Pourquoi les vaccins contre la grippe, contre le pneumocoque chez les jeunes enfants, les médicaments qui préviennent l'ostéoporose, ceux qui favorisent la lutte contre le tabagisme ne sont-ils pas mieux remboursés ? Pourquoi les examens et les tests de dépistage sont-ils insuffisamment répandus et pris en charge ?

J'en viens, enfin, à l'indemnisation des accidents du travail, que la Cour des comptes a qualifiée « d'obsolète, complexe et discriminatoire, inéquitable et juridiquement fragile ». Dans un contexte financier favorable, avec un excédent de près de 488 millions d'euros, vous laissez pourtant pendants deux problèmes majeurs. Ainsi, la sous-déclaration des accidents du travail concerne 300 000 salariés, qui sont, certes, indemnisés, mais par la branche maladie et non par celle des accidents du travail. Par ailleurs, l'indemnisation reste forfaitaire et elle est calculée en fonction du taux d'incapacité permanente partielle qui est accordé. De plus l'interprétation des textes est souvent restrictive et de nombreux accidentés du travail sont peu ou pas indemnisés.

Le présent projet apporte quelques améliorations : un effort financier est fait pour l'amiante...

M. le Président de la commission - Oh oui !

M. Jean-Pierre Foucher - ...avec un abondement du fonds d'indemnisation des victimes de 440 millions d'euros et avec la création d'un groupe de travail piloté par l'IGAS sur les accidents du travail. Mais la réalité nous fait déchanter : abonder le fonds, créé l'an dernier, c'est bien mais mieux vaudrait le faire fonctionner... Or nous attendons toujours les décrets ! En outre, la réparation intégrale des accidents du travail, attendue par des milliers de salariés, n'est pas prévue. Il conviendrait de prendre en compte de nombreuses maladies professionnelles supplémentaires et d'augmenter sensiblement le nombre des médecins du travail. C'est donc un ensemble qu'il faut revoir et j'espère que l'annonce de la création d'un groupe de travail ne restera pas lettre morte.

Ma conclusion est pessimiste : le débat sera difficile car vous refusez de voir la vérité. Ce projet est irréaliste, opaque et inapplicable. Pour l'avenir de la sécurité sociale, écoutez un peu l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. André Aschieri - Cette dernière loi de financement de la législature doit être ambitieuse pour poursuivre le travail accompli et pour être à la mesure du défi de santé publique que nous devons relever. Les députés Verts saluent l'amélioration considérable de la situation de la sécurité sociale depuis trois ans. Ils veulent insister, d'abord, sur la nécessité de réduire les inégalités pour l'accès aux soins.

Notre priorité doit porter sur les politiques de prévention.

Si la santé de la population s'améliore globalement, trop de personnes restent encore à l'écart du progrès. La France consacre près de 10 % de sa richesse à la santé, mais il y a encore d'importantes disparités sociales et régionales.

Notre système reposait à sa création sur un principe d'égalité qui s'applique aujourd'hui, hélas, avec moins de vigueur.

Les prestations de la sécurité sociale sont un droit, elles sont les mêmes pour tous. Or les inégalités selon les milieux sociaux s'aggravent. Seule une politique de santé publique à long terme permettra, demain, à toute la population d'être en bonne santé. Moins l'enfant et le jeune adolescent font l'objet de soins attentifs, plus les risques de voir leur santé ultérieurement menacée sont grands. C'est pourquoi nous portons un grand intérêt à l'institution d'un examen annuel gratuit de prévention dentaire pour les enfants âgés de 6-14 ans.

Notre seconde ambition doit être d'adapter l'offre de soins aux besoins de la population et non à des considérations budgétaires. Nous avions donc accueilli favorablement, en 1998, la possibilité pour les pharmaciens de substituer un médicament générique moins cher à une spécialité. Malheureusement, cette mesure n'est encore appliquée que partiellement.

La prévention passe également par une véritable reconnaissance du pluralisme thérapeutique. Plusieurs millions de Français utilisent aujourd'hui les médecines alternatives. Pourtant, nombre d'entre elles ne sont pas remboursées. Adapter les soins à la demande de la population, c'est avoir le courage de soutenir et de promouvoir des médecines autres que la médecine allopathique.

Comparée à la médecine curative, la médecine préventive reste le parent pauvre. C'est pourquoi les députés Verts souhaitent un plan ambitieux en faveur de la médecine scolaire, de la médecine en milieu carcéral, de la médecine sociale et, surtout, de la médecine du travail.

Cette dernière est en effet souvent réduite à sa plus simple expression. Sans même parler de l'organisation défaillante de la prévention ni de la surveillance des risques professionnels, il paraît indispensable d'améliorer les connaissances statistiques sur les accidents et sur les maladies qu'elles soient ou non reconnues, de manière à mettre en évidence l'ensemble des risques professionnels. Certes des avancées ont été réalisées pour couvrir le risque de l'amiante, mais 90 ans après qu'on a mis en évidence ses ravages...

Un rapport du Conseil économique et social montre la priorité que le système français donne à la médecine curative. Ceci explique les performances médiocres dans des domaines qui relèvent de la prévention. Les maladies liées directement à notre environnement, les risques iatrogènes, la mortalité en couche, nous poussent à reconsidérer notre système de soins. Nous avons fait un premier pas en restructurant le système de sécurité sanitaire. Mais cette réforme serait inachevée si nous ne modifiions pas en profondeur le système de santé.

A une culture de la santé reposant sur le triptyque maladie-soins-remboursement, il faudrait substituer le cercle vertueux prévention-moins de maladie-moins de soins-moins de remboursement... donc plus de prévention et une meilleure qualité de vie en même temps qu'un effet positif sur les comptes de la sécurité sociale.

L'effort doit aussi porter sur le quotidien des victimes et des malades. J'insiste à ce propos sur les difficultés des « hémodialysés ». Le traitement de l'insuffisance rénale représente 1 % du coût de la santé. En dépit du plan gouvernemental, le manque d'appareils et la diminution du nombre de néphrologues risque de peser sur la qualité des soins.

Comment parler de promotion de la qualité et de sécurité des soins sans évoquer le retard de notre politique hospitalière ? Nous saluons la mise en place de structures et de réseaux, le politique déconcentrée d'équipements lourds comme les appareils d'imageries médicale. Dans mon département, l'hôpital de Cannes va recevoir un IRM - je regrette cependant qu'il ne soit pas attribué à l'hôpital de Grasse - ce qui aurait permis de desservir le haut et le moyen pays.

S'agissant du personnel hospitalier, le respect des engagements envers les assistantes de bloc opératoire, non infirmières, qui ont une ancienneté antérieure à la loi de 1993, ne peut être exclu du débat.

Le passage aux trente-cinq heures a soulevé bien des questions. Plusieurs manifestations ont eu lieu dans mon département. Les personnels sont soucieux de maintenir la qualité des soins. Grâce à l'engagement que vous avez pris il y a quelques jours, la situation a heureusement évolué. Mais beaucoup reste à faire !

Pour les plus démunis, le dernier lieu d'écoute et de soins reste le service des urgences de l'hôpital public. La misère n'est pas rentable, et la médecine privée, si elle mérite aussi toute notre attention, ne remplacera jamais les structures publiques. Celles-ci ne sont pas des lieux de productivité, mais d'accueil. Comment faire, dès lors, lorsqu'une réduction de 11 % du temps de travail ne s'accompagne que d'une progression de 6 % des effectifs ?

Les conséquences du passage aux 35 heures ont été sous-estimées. Nous allons vers une pénurie de personnel qui va poser problème, notamment pour le maintien à domicile des personnes âgées ou ayant besoin d'une tierce personne.

Enfin, une véritable concertation est indispensable si l'on veut améliorer la qualité des soins. Ce sont les personnels qui, sur le terrain, font le lien entre vos décisions, et les problèmes quotidiens des malades. Les propositions destinées à favoriser le dialogue et prenant en compte les attentes de professionnels de santé seront toujours les bienvenues. Je mentionnerai plus particulièrement le contrat de santé public, l'observatoire de la démographie médicale, l'office des professions paramédicales et l'institut national de prévention et de promotion de la santé.

Les agacements du directeur de la CNAM sur la concertation, qu'il n'a pas su instaurer, sont peut être le signe d'une mutation dans notre système de soins, grâce au dialogue que vous avez su conduire avec les professionnels.

Le PLFSS garantit une réforme sanitaire durable. C'est pourquoi, les députés Verts le voteront.

M. Bernard Perrut - Sur un sujet particulièrement important pour l'ensemble des Français, je crains que ce PLFSS n'emporte guère plus leur adhésion que celle du groupe DL à votre politique. Il est en effet opaque, complexe et dépourvu d'ambition.

Nos concitoyens ne veulent pas d'un budget fondé sur des prévisions irréalistes au regard des perspectives économiques. Ils ne veulent pas davantage de la sous-estimation des dépenses d'assurance maladie. Comment admettre, d'ailleurs, ces astuces comptables qui visent à masquer le déficit ? Qui pourrait vous suivre quand vous détournez les ressources de la sécurité sociale pour financer les 35 heures et multipliez les flux croisés entre l'Etat et la sécurité sociale ?

En dépit des mesures déjà prises ou annoncées, ce projet de loi manque d'envergure. C'est regrettable. L'état de notre système de santé, au bord de l'explosion, est plus grave encore.

Lors des Assises nationales pour la défense de l'hôpital, tenues à Paris la semaine dernière, les médecins ont déclaré l'hôpital gravement menacé, évoquant l'insuffisance de personnel, la surcharge de travail ou l'attente des malades aux urgences. Point n'est besoin d'en rajouter. Les professionnels de santé traversent une crise si profonde que les vocations se tarissent dans certains domaines. Chaque jour se manifestent des difficultés que vous ne pouvez ignorer. Dans mon département, les Hospices civils de Lyon, pour la première fois de leur histoire, n'ont pas voté leur budget. Si les représentants des personnels protestaient ainsi contre la réduction du temps de travail, les médecins entendaient dénoncer les difficultés du service public et le poids de la tutelle dans l'attribution des moyens. Dans l'hôpital d'une ville moyenne comme la mienne, le budget a certes été voté, mais les difficultés financières structurelles persistent depuis quatre ans, sans que soit obtenu le rebasage budgétaire demandé depuis 1998 pour restructurer ses urgences et son plateau technique.

Les efforts annoncés sont insuffisants. Le secteur privé est en grève et le sera demain. Telle clinique de ma circonscription ne pourra se maintenir que si elle obtient les mêmes moyens que le public pour rémunérer ses personnels. Sans cela, nombre d'établissements sont appelés à disparaître, au détriment des malades et de leur liberté de choix.

Quant aux infirmières libérales, elles mériteraient mieux qu'une révision des grilles, une reconnaissance des difficultés de leur mission et un allégement des tracasseries administratives et des prélèvements fiscaux. N'y aurait-il pas moyen d'assouplir les quotas de la convention nationale, alors que les besoins sont croissants ? Dois-je conseiller aux infirmières de cesser de soigner leurs malades pour ne pas être sanctionnées ? Le projet de soins infirmiers - PSI - apparaît avant tout comme un objectif budgétaire. Encore réclame-t-il des aides à domicile en nombre suffisant et votre soutien.

Je regrette que vous vous obstiniez à détourner les excédents de la branche famille au profit des pensions, du Fonds de retraite ou des 35 heures. Les besoins insatisfaits - comme le versement des allocations familiales dès le premier et jusqu'au dernier enfant - ne manquent pourtant pas. Mais vous n'avez jamais tenu compte des attentes des familles : rappelons-nous la mise sous condition des allocations familiales, la réduction de la moitié de l'AGED, la diminution du quotient familial et de la réduction d'impôt pour les emplois de proximité. Nous voulons, quant à nous, une véritable politique familiale permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale, grâce notamment aux nouveaux modes de garde et à l'extension des horaires des crèches. Nous voulons simplifier les prestations familiales, dont le nombre dépasse vingt-cinq, offrir une alternative aux modes de garde traditionnels et repenser la solidarité nationale en faveur des familles en allégeant leur impôt sur le revenu et en augmentant le quotient familial.

Je terminerai sur nos aînés. Vous ne manquez pas de rapports sur les retraites, mais vous n'engagez aucune réforme. Vous ne nous dites rien de l'avenir de la retraite par répartition ou du développement des fonds de pension, sur lequel vient de s'exprimer notre excellent collègue François Goulard. Le Fonds de réserve ne disposera que de 40 milliards fin 2001, soit 30 milliards de moins que prévu. Qu'en sera-t-il en 2002, compte tenu du manque à gagner sur les licences UMTS ? Le Gouvernement est si peu confiant dans l'avenir de ce fonds qu'il l'utilise pour financer les 35 heures, l'APA et les dettes à l'égard de l'ARRCO et de l'AGIRC. Aussi ne pourra-t-il guère sauver notre régime de retraite.

Ce manque de responsabilité se retrouve pour l'APA, en grande partie mise à la charge des départements puisque l'Etat ne finance que 5,5 milliards sur un coût total de 16,5 milliards. Mais nos conseils généraux ne veulent pas devenir des services de l'Etat ! Pour mon département du Rhône, l'APA représentera un coût de 385 millions pour l'année prochaine, ce qui aura nécessairement des conséquences pour le contribuable.

Ce projet ne répond donc pas aux attentes du groupe DL, qui souhaite plus de clarté et entend placer le malade au c_ur du dispositif de santé et la famille dans une perspective plus ambitieuse, et garantir l'avenir de nos retraites. Sans doute votre conception des choses est-elle limitée à un temps plus court, celui de certaines échéances électorales (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Hélène Mignon - Pour la troisième année consécutive, la branche famille est excédentaire, ce qui nous permet de faire évoluer la politique familiale. Les mesures proposées par le Gouvernement sont conformes aux engagements pris par le Premier ministre lors de la conférence de la famille du 11 juin dernier.

Les fonds d'investissement pour la petite enfance, votés avec la précédente loi de financement, ont été rapidement consommés, ce qui montre la pertinence du dispositif et justifie de nouveaux engagements.

La demande des parents reste forte, dans les grandes villes, comme dans les communes semi-rurales. Nous ne pouvons donc que nous réjouir de la reconduction de ces fonds, d'autant plus que les CAF abondent parfois les crédits d'investissement et, par le Fonds d'action sociale, accordent des crédits de fonctionnement, allégeant ainsi les charges des collectivités locales.

Cette année, Madame la ministre, vous insistez sur l'accueil des 2-3 ans et encouragez la création de jardins d'enfants ou de classes passerelles. Nous en avions déjà discuté l'année dernière. Après un travail commun avec l'éducation nationale, les réticences sont levées, de sorte que les projets devraient pouvoir aboutir.

C'est sans doute grâce à la diversité de nos modes de garde que les femmes arrivent à concilier vie familiale et vie professionnelle.

C'est aussi grâce au développement des activités périscolaires soutenu par la CNAF à travers les contrats temps libre, que des jeunes peuvent, quand la famille n'est pas aussi présente qu'elle le souhaiterait, garder des repères et accéder à la citoyenneté. Ces politiques contractuelles n'ont pas une finalité simplement ludique : en socialisant l'enfant, en lui apprenant à respecter l'autre, elles contribuent à ce que certains appellent la veille éducative.

Malgré les efforts financiers de l'Etat, de la CNAF et du Fonds d'action sociale, les structures créées ne seront jamais suffisantes si les parents eux-mêmes ne trouvent pas le temps de s'occuper de leurs enfants.

Des études indiquent que de nombreux pères se trouvent dans ce cas. En France, les pères ne s'occuperaient de leurs enfants que 37 minutes par jour, alors qu'en Suède, ils leur consacrent une heure. Heureusement, la réduction du temps de travail semble modifier nos habitudes. Les jeunes pères ont tendance à consacrer plus de temps à leur enfant.

Le congé de paternité s'inscrit dans cette évolution. Il va conforter la place du père dans le couple.

Nous avons déposé un amendement pour allonger le congé en cas de naissance multiple et en faire bénéficier les pères dont l'enfant est né prématurément avant le 1er janvier 2002. Le livret de paternité, l'acte solennel de reconnaissance témoignent d'une même volonté : il faut que les deux parents prennent leurs responsabilités.

Si une naissance est attendue comme un événement heureux, il est des cas où l'annonce d'un handicap transforme cette joie en souffrance et la famille envisage l'avenir avec anxiété. La solidarité nationale doit lui apporter son soutien. On ne peut plus laisser les parents désemparés chercher en vain un établissement d'accueil. Vous avez annoncé hier, Madame la ministre, des mesures qui vont dans le bon sens.

Par ailleurs, je me félicite de la réforme de l'allocation d'éducation spéciale.

L'an dernier, nous avons créé le congé de présence parentale auprès d'enfant gravement malade et l'allocation forfaitaire s'y rapportant. Nous avions souhaité un dispositif simple et une mise en application rapide de la mesure. Les parents y ont été sensibles et la plupart l'ont bien accueillie.

Lors de la dernière réunion du comité de suivi dont sont membres les représentants des associations de parents, nous avons été surpris de constater que, sur 13 000 familles concernées, seulement un millier bénéficiaient de la mesure.

Il faut toujours du temps pour qu'un dispositif nouveau fonctionne. En outre, les parents sont dans un tel désarroi, quand leur enfant est gravement malade, qu'ils ne se préoccupent pas de tous leurs droits. Nous devons cependant nous interroger et écouter leurs représentants, qui jugent insuffisant le montant de l'allocation forfaitaire. Celle-ci, en outre, ne se cumule pas avec le complément de l'allocation d'éducation spéciale.

Les parents trouvent aussi dissuasive l'obligation de prendre d'emblée un congé de quatre mois. Certains traitements ne se font que par intermittence, ce qui ne nécessite pas une présence constante des parents. Il faudrait donc assouplir le dispositif.

Les parents d'enfant gravement malade ont un rapport au temps différent des autres parents. Pendant la durée de la maladie, ils veulent se consacrer au maximum à leur enfant, leur donner tout leur amour, et ne souhaitent pas perdre d'énergie à remplir des dossiers. Aussi demandent-ils que soient allégées les formalités lors d'une demande de renouvellement.

Certains d'entre eux citent l'exemple de la Suède, mais rien n'est transposable d'un pays à l'autre. Montrons tout de même, Madame la ministre, que nous ne nous contentons pas de voter des textes, mais que nous savons écouter et comprendre.

Vous nous aviez annoncé l'année dernière que la réforme des aides au logement se ferait en deux étapes. Nous sommes prêts à y mettre la touche finale en supprimant les trappes à inactivité que crée l'inégalité de traitement entre revenus du travail et revenus sociaux.

L'autonomie des jeunes adultes doit être garantie. Vous avez donné un début de réponse avec la bourse à l'emploi destinée aux jeunes suivant le parcours TRACE.

Nous attendons avec impatience les conclusions de la commission nationale chargée de remettre un rapport au Premier ministre avant la fin de l'année, pour que la prochaine conférence de la famille s'en saisisse.

La revalorisation des prestations familiales était attendue, mais les familles pouvaient espérer plus.

La politique de la famille ne se limite pas aux mesures inscrites dans la loi de financement. Ces derniers mois, des textes importants ont été votés, sur l'adoption internationale, le statut du conjoint survivant, l'autorité parentale, la prime pour l'emploi, l'insaisissabilité des prestations familiales, sans oublier l'allocation de perte d'autonomie.

La famille ne se résume pas au dialogue entre parents et enfants, elle comprend tout l'entourage, grands-parents et arrière-grands-parents jouant un rôle structurant sur la personnalité de l'enfant, dans les familles monoparentales tout particulièrement.

Depuis 1997, année après année, nous nous donnons les moyens de mener notre politique familiale, en prenant en compte toutes les familles dans leur diversité et en assurant le grand rendez-vous annuel qu'est la conférence de la famille.

Madame la ministre, le groupe socialiste se reconnaît pleinement dans ce projet et vous apportera son soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrick Delnatte - Le mécontentement des familles est grand.

En réponse à une question orale de mon collègue Gantier, Mme Royal déclarait pourtant, le 3 octobre 2000 : « En 1997, la branche famille accusait un déficit considérable. Depuis 1999, elle a renoué avec les excédents. Le Gouvernement est irréprochable puisque sa politique consiste à affecter ceux-ci aux familles ».

A cet égard, votre projet est particulièrement attristant, puisqu'il détourne les excédents de la branche famille pour le financement des retraites et des 35 heures. Les familles sont victimes d'un détournement de 13,8 milliards de francs. Elles doivent se contenter de 4 milliards pour les mesures de politique familiale.

Le Gouvernement, outre qu'il contrevient au principe de séparation des branches, dénature sciemment le rôle de la branche famille, qui est de financer des mesures en direction des ménages avec enfants, comme l'a rappelé tout récemment le chef de l'Etat.

Par ce détournement, le Gouvernement a fait l'unanimité contre lui. Les administrateurs de la CNAF ont massivement voté contre l'avant-projet de loi de financement. Ils ont réaffirmé, quasi unanimement, « leur attachement aux principes fondateurs des caisses, à la transparence des comptes et aux responsabilités des partenaires sociaux » et ont affirmé « l'importance de la solidarité familiale et l'affectation prioritaire des ressources de la branche famille aux besoins de la famille ».

L'UNAF a exprimé au Premier ministre sa surprise et sa déception parlant de « pillage organisé », de « détournement de fonds discrétionnaire », de « décisions unilatérales du Gouvernement » et de « mépris pour la négociation ». Les Familles rurales ont déploré que la branche famille soit durablement privée de moyens financiers.

Les acteurs de la politique familiale regrettent en outre la décision de faire prendre en charge à la branche famille la majoration d'allocation de rentrée scolaire, ainsi que le transfert du Fonds de solidarité vieillesse vers la CNAF de la majoration de pension de 10 % pour les parents ayant élevé trois enfants. Pour le Gouvernement, cette majoration représente un effort de la collectivité envers les familles qui relèvent de la CNAF. Mais cette majoration est par essence une prestation vieillesse qui, dans l'esprit de ses initiateurs, avait pour objet de donner une prime aux familles nombreuses qui contribuent à assurer la pérennité des retraites par répartition.

Le président de l'UNAF a déclaré au Premier ministre : « Après quelques courriers restés sans réponse, nous avions eu l'occasion de vous dire lors de la dernière conférence de la famille que nous ne pouvions approuver le transfert de la charge des majorations de pensions pour enfant élevé du FSV vers la CNAF puisque celui-ci n'avait fait l'objet d'aucune négociation. Lors de cette conférence, vous aviez laissé entendre que ce transfert pourrait faire l'objet d'un étalement supplémentaire. Nous constatons que même cette éventualité n'a pas été réalisée ». L'article 25 donne même un caractère définitif et total à ce transfert. Il n'y a eu aucune négociation pour rechercher un compromis.

De même, il n'y a aucune avancée dans la reprise des charges indûment supportées par la branche famille, comme la gestion du RMI ou l'allocation d'adulte handicapé.

Les excédents de la branche famille deviennent une variable d'ajustement. Le Gouvernement en a organisé l'assèchement. Dans un tel contexte, que dire des deux mesures positives du projet ? La mise en place d'un congé de paternité de 11 jours fait partie des mesures emblématiques pour renforcer le rôle du père. Cette mesure généreuse sera malheureusement source d'inégalités. Alors que les fonctionnaires verront leur traitement intégralement maintenu, les salariés ne percevront que 80,2 % du leur, dans la limite du plafond de la sécurité sociale : ce sera à l'entreprise de contribuer, si elle le veut et si elle le peut, à la politique familiale. Quant aux non-salariés, leur indemnité journalière sera fixée forfaitairement à 1/60e du plafond.

Compte tenu de la courte durée du congé de paternité, cet alignement sur l'indemnité journalière du congé de maternité ne se justifiait pas.

Quant à la deuxième mesure, le nouveau fonds d'investissement pour les crèches, nous regrettons que la politique du Gouvernement ne prenne en compte que les modes de garde collectifs. Outre que la multiplication de ce genre de fonds rend les finances publiques opaques, son utilisation dépend des possibilités des collectivités locales et des associations, qui devront prendre en charge les coûts de fonctionnement des nouvelles crèches.

Une politique d'accueil des enfants équilibrée doit promouvoir aussi les modes de garde individuels. En effet, si les modes d'accueils collectifs favorisent l'éveil à la vie sociale, ils n'offrent pas la souplesse nécessaire, alors que l'amplitude des horaires des femmes s'étend. De plus, ils ne sont pas toujours adaptés au milieu rural, en raison des distances.

Seulement 9 % des enfants de moins de 3 ans sont accueillis en crèche. Pour répondre aux besoins des familles, il demeure donc indispensable de renforcer l'aide à la garde individuelle des enfants. La décision de réformer l'AGED, purement idéologique, a été une très lourde erreur. La Cour des comptes a d'ailleurs relevé que le dispositif de l'AGED soutient de moins en moins de familles. Il aurait donc été utile, pour les familles comme pour l'emploi, de rendre à l'AGED son niveau de 1997 et de donner aux parents une plus grande liberté dans le choix du mode de garde par la création d'une « allocation unique d'accueil du jeune enfant ».

D'autres mesures étaient attendues par le mouvement familial, dont la prolongation des allocations familiales, jusqu'à 22 ans : en effet, l'arrêt du versement des allocations familiales lorsque l'avant-dernier enfant à charge atteint 20 ans engendre des difficultés pour de nombreux ménages. Cette mesure, évaluée à 7 milliards, aurait pu être financée par les excédents cumulés de la branche famille pour 2000 et 2001.

De même, le versement des allocations familiales dès le premier enfant et une revalorisation des prestations familiales supérieure à l'inflation auraient pu être envisagés.

Face à toutes ces attentes, les deux mesures proposées aujourd'hui ne font pas une vraie politique familiale et c'est d'autant plus frustrant que des moyens existent, mais sont détournés par le Gouvernement.

De façon générale, les sommes effectivement dépensées pour les mesures annoncées, avec beaucoup d'autosatisfaction, par le Gouvernement dans le cadre des conférences de la famille, sont inférieures de 50 % aux chiffres annoncés. Cela devrait vous rendre plus modestes.

Le bilan de quatre années de socialisme, c'est la forte réduction des prestations à caractère universel et le détournement des excédents.

Le groupe RPR n'accepte pas cette injustice faite aux familles et ne votera donc pas le projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Que l'avenir des retraites soit un enjeu des prochains débats électoraux n'autorise pas à reporter les réponses aux problèmes des retraités d'aujourd'hui.

On ne peut pas se contenter d'une politique de coups de pouce ; vous dites que le pouvoir d'achat des retraités à augmenté de 1,4 % en cinq ans. Mais cela ne compense pas la perte de plus de 10 % des années précédentes.

C'est particulièrement vrai pour le minimum contributif. En 1983 il représentait 63 % du SMIC, aujourd'hui seulement 43 %, soit 3 373 francs. Alors ne nous gargarisons pas de mots !

Le relèvement de toutes les pensions, avec un effort particulier pour les plus basses, est donc notre premier objectif en matière de retraite.

Nous aurons aussi l'occasion de revenir sur la situation des chômeurs âgés, frappés de plein fouet par le PARE. On vient de supprimer ses indemnités à une chômeuse qui refusait le PARE...

Vous annoncez pour plus tard un débat sur les retraites. Mais en attendant les décrets Balladur continuent à aggraver la situation en portant à 40 ans au lieu de 37,5 la durée de cotisation et à 25 ans au lieu de 10 la période de référence pour le calcul des pensions. Le groupe communiste demande qu'on gèle, puis qu'on annule les décrets Balladur. Tout le monde dit vouloir la justice et l'égalité. C'est pour cela que nous défendons le retour aux 37 annuités et demi pour tous. La justice et l'égalité, ce n'est pas de casser les régimes spéciaux, c'est d'étendre leurs avantages à tous. Ce n'est pas de pouvoir travailler, comme il est indiqué dans le document que je vous ai transmis, de 7 à 77 ans ! Quel avenir !

Plus que jamais, les communistes défendent le droit à la retraite à 60 ans pour tous. Et je suis peiné de lire dans La Tribune d'hier qu'il s'agirait d'un concept dépassé : je ne mens pas, c'est le compte rendu des travaux du parti socialiste ! (Exclamations sur divers bancs)

Heureusement nous avons pu faire adopter par la commission, avec l'assentiment de M. Jacquat, deux amendements. L'un ne fait que reprendre un engagement pris par M. Lionel Jospin devant le Parlement, à savoir le droit à la retraite à taux plein quand on a cotisé 40 ans, quel que soit l'âge alors atteint. Cette proposition est d'ailleurs soutenue par la commission de travail du parti socialiste présidée par Martine Aubry.

Sur cet amendement, chacun prendra ses responsabilités.

L'autre amendement concerne les travailleurs handicapés.

Je sais bien que nous sommes engagés dans une réforme du système de retraites. Mais étant membre du Conseil d'orientation des retraites, je ne laisserai pas travestir ses conclusions. Le rapport n'est pas terminé et il n'y aura sans doute pas de consensus sur les propositions. En tout cas, la discussion se poursuit.

Nous ne pouvons pas accepter l'argument selon lequel il faudrait attendre une réforme d'ensemble pour tenir cet engagement de la gauche plurielle : quarante annuités, départ à taux plein. Et nous nous battrons pour qu'il soit respecté.

M. Jean-Luc Préel - Et la taxe sur les salaires dans les hôpitaux ?

M. le Président - Il faut conclure.

M. Maxime Gremetz - Quant au fonds de réserve des retraites, nous le voulons géré plus démocratiquement et abondé de ressources pérennes. D'ailleurs la Cour des comptes elle-même préconise un changement de l'assiette des cotisations et M. Recours a présenté un excellent amendement à ce sujet. Nous le sous-amendons en multipliant par cent sa proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jacques Barrot - Je sais par expérience qu'il n'est pas facile d'être ministre des affaires sociales et je n'en veux donc pas à Mme Guigou de son absence, mais je la regrette - tout en saluant bien volontiers, M. Kouchner - car je souhaite répondre à certains de ses arguments.

Si nous avons voulu un projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'était d'une part pour bien distinguer les finances de la sécurité sociale de celles de l'Etat, d'autre part pour mieux piloter celle-ci et voir clairement ce qui doit être financé dans l'immédiat et ce qui appelle un échelonnement dans le temps. Or, cette cinquième édition du PLFSS me paraît s'éloigner gravement de ces deux objectifs.

En effet, pour la confusion entre finances de l'Etat et finances sociales, nous sommes servis !

La période de croissance forte que nous venons de traverser aurait dû permettre de sanctuariser la sécurité sociale en lui gardant le bénéfice d'excédents retrouvés. Au lieu de quoi le Gouvernement a choisi de la solliciter pour financer une politique qu'il entreprenait au nom de l'emploi. L'argument selon lequel, la politique de l'emploi favorisant la sécurité sociale, celle-ci devrait payer une partie de cette politique, est fallacieux. En réalité, la croissance du PIB et l'augmentation de la masse salariale ont été très largement liées à la croissance mondiale et ont profité aussi aux budgets de l'Etat et des collectivités : pourquoi faudrait-il retirer à la seule sécurité sociale une partie du bénéfice de ces ressources supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Puis nous avons assisté à une série de prélèvements pour le moins contestables, sur lesquels je passe. Pour l'exercice 2002, le Gouvernement a renoncé cette fois à des prélèvements directs mais s'est livré à une man_uvre qui a privé l'assurance-maladie de certaines de ses ressources légitimes, telles que la taxe sur les contrats d'assurance automobile - compensation de la charge supportée par l'assurance maladie pour soigner les accidents de la route - ou celles sur les tabacs et les alcools - faible contrepartie du coût social de ces deux fléaux. Tant mieux pour le FOREC, mais tant pis pour la Sécu. Nous voilà loin de la loi de 1994 qui prévoyait que toute diminution de recettes pour la sécurité sociale devait être compensée. Loin aussi de l'esprit qui a présidé à la création du PLFSS.

Et si M. Fabius était là, je lui dirais aussi qu'il est un peu facile de demander à la CADES - la caisse d'amortissement de la dette sociale - d'accélérer ses remboursements à l'Etat au détriment de ses propres capacités à amortir la dette. Cette confusion entre les finances de l'Etat et les finances sociales s'opère au détriment de ces dernières et a été condamnée par les partenaires sociaux. Elle a même conduit certains d'eux à quitter les caisses.

S'agissant du deuxième objectif, la clarté, nous sommes là encore loin du compte avec ce projet qui atteint des sommets de complexité et qui n'est pas exempt de dissimulation.

Comment peut-on éclairer le pilotage des différentes branches en présentant un projet aussi éloigné des prévisions de bon sens ? Puis-je rappeler brièvement les termes de cette équation impossible ? Du côté des recettes, qui peut croire que la masse salariale augmentera de 5% ? S'il manque seulement 1%, nous constaterons une dérive de l'ordre de 10 milliards ! Qui peut croire que les dépenses d'assurance maladie n'augmenteront que de 3,8% ? Or, une dérive de 2 points sur les seules dépenses de ville représente aussi 10 milliards.

Nos craintes concernent aussi le Fonds de réserve des retraites, dont les ressources annoncées fondent comme neige au soleil, je pense en particulier aux recettes attendues de l'UMTS. Il n'y a guère que la ponction de 5 milliards sur la branche famille qui soit certaine.

J'en profite pour signaler une contrevérité dans le discours de la ministre, qui a déclaré qu'il n'y avait pas eu de Conférence de la famille entre 1995 et 1997. Qui a bien pu lui souffler cette fausseté ? Cette conférence a eu lieu le 6 mai 1996 et a été préparée par Mme Hélène Gisserot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Une telle erreur est indigne de Mme Guigou !

Un mot de la CMU. J'étais pour mais pas selon les modalités qui ont été retenues. J'aurais préféré en effet une généralisation de l'assurance complémentaire grâce à un système d'aide personnalisée, au lieu de quoi on a opté pour une assistance qui s'arrête au-dessus d'un certain seuil. De sorte que les caisses d'assurance maladie sont obligées de venir au secours de ceux qui sont juste au-dessus du seuil. Quelle évolution le Gouvernement prévoit-il ?

Pour ce qui est de l'APA, j'aimerais que l'on reconnaisse que les expériences précédentes - je pense bien sûr à la PSD - ont permis d'en tester l'architecture. Et si je milite pour un engagement sans réserve des départements dans cette réforme, je souhaite aussi que la sécurité sociale avance du même pas. Or la CNAV n'a pas assez d'argent pour financer les heures d'aides ménagères des GIR 5 et 6.

Il faudrait aussi que l'engagement de l'assurance maladie soit à la hauteur des besoins en ce qui concerne l'accueil des personnes âgées en établissements. 6 milliards ont été promis sur cinq ans, mais pouvez-vous me dire combien on a affecté cette année à la médicalisation des maisons de retraite ? Les départements paieront l'APA en établissement, très bien, mais ils ne doivent pas être les seuls à s'engager.

Je conclurai en reprenant le souhait de Mme Guigou d'une société française aussi active que possible. Mais si on la veut telle, il ne faut pas différer plus longtemps l'adaptation de nos régimes de retraite car sinon les actifs de demain auront à payer des cotisations dissuasives. Et il ne faut pas non plus confondre systématiquement bonheur et réduction du temps de travail.

Oui, seul un pays actif et créatif pourra dégager les moyens d'une solidarité généreuse. Mais cette solidarité exige une approche plus transparente et plus courageuse que celle qui nous est proposée aujourd'hui.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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