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Session ordinaire de 2001-2002 - 16ème jour de séance, 39ème séance

3ème SÉANCE DU LUNDI 29 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de Mme Marie-Hélène AUBERT

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite) 2

      OUTRE-MER (suite) 2

      ÉTAT B 20

      ÉTAT C 20

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 30 OCTOBRE 2001 21

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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OUTRE-MER (suite)

Mme Christiane Taubira-Delannon - En une dizaine d'années, le budget de l'outre-mer est passé de 1 214 millions de francs à 7 milliards, avec des progressions annuelles atteignant parfois 13 %. Je pourrais m'arrêter à la part prise par les administrations, services publics et appareils d'Etat dans ces crédits, et singulièrement par les forces armées. Je pourrais rappeler que de nombreux crédits qui étaient dispersés entre plusieurs ministères ont été regroupés - mais il serait malvenu de regretter ces efforts de cohérence. Je pourrais ironiser sur le poids des crédits votés, qui reconduisent d'une année à l'autre les engagements publics, mais il faut bien garantir la continuité des services, et la réforme de l'ordonnance de 1945 contient par ailleurs des progrès notables. Je tiens à éliminer tout risque de malentendu, et je salue avec plaisir plusieurs mesures originales, comme la réforme de la ligne budgétaire unique, certains aménagements fiscaux, le fonds d'emploi pour les départements d'outre-mer, le plan de rattrapage et d'équipement scolaire. Le Parlement n'y a pas été pour rien, mais enfin nous donnons acte au Gouvernement de ces réformes. Et je ne ferai pas mine de trouver l'effort public insuffisant, tout en refusant avec vous, Monsieur le ministre, le terme d'assistanat.

Permettez-moi d'y insister, la France trouve aussi son avantage à être présente hors des frontières de l'Europe. Les expériences qu'elle peut tenter en termes d'emploi par exemple ou d'institutions, je pense à la Nouvelle-Calédonie, sont exemplaires, de même que l'accueil offert aux réfugiés économiques et politiques du monde entier contribue à son prestige. Bref, le solde de l'échange n'est pas nécessairement en faveur de l'outre-mer. Et à faire cohabiter dans sa Constitution trois citoyennetés - française, néo-calédonienne et polynésienne -, à reconnaître différentes identités culturelles, à conjuguer droit coutumier et pratiques musulmanes à Mayotte, monarchie à Wallis, souveraineté partagée en Nouvelle-Calédonie et droit spécifique en Guyane, la France ne trahit pas l'exigence de la cohésion sociale.

Je dois cependant parler aujourd'hui des boulets qui entravent la société guyanaise, une société dont le niveau de chômage et le taux de dépendance sont les traits cardinaux, une société dont les jeunes de 15 à 25 ans recommencent à émigrer parce qu'ils refusent la fatalité de l'inaction.

Monsieur le ministre, vous avez sillonné le pays à pied, en jeep, en canot et en hélicoptère. Mais permettez que je vous invite à une promenade dans les archaïsmes et les injustices de la Guyane. Où sont les Guyanais dans les lieux de pouvoir ?

Du pouvoir financier, qui décide de la vie et de la mort des entreprises, qui incite à la consommation et aide à la production, qui choisit entre constitution de patrimoines ou rapt immobilier, ils sont absents. Du pouvoir économique, qui crée les richesses et distribue les revenus, qui donne assise sociale et moyens d'agir, qui peut précipiter le pillage ou permettre une exploitation rationnelle, ils sont absents. Du pouvoir administratif, qui propose et adapte les règles, les applique avec indulgence ou sévérité, ils sont absents. Et qu'on ne m'oppose pas qu'à occuper massivement des emplois subalternes ils peuvent influencer le pouvoir : des autorités judiciaire, policière, préfectorale, sanitaire, scientifique, culturelle même, ils sont également absents, ou si peu nombreux, et donc peu efficients.

Je ne parle pas aujourd'hui au nom de ceux qui déjà savent se faire entendre. Vous êtes d'ailleurs à leur écoute. Je veux bien convenir que nous ne sommes pas toujours au rendez-vous de l'histoire, que, perdus dans des clivages insensés, lents à nous libérer de nos caractères altiers, affolés par les défis qui nous attendent, nous dilapidons nos forces. Néanmoins, je parle au nom de ceux qui se demandent ce que sont devenues les promesses faites à ce peuple. Comment sommes-nous retombés dans le composite et dans l'instable alors que nous étions en train de réussir le brassage et le métissage, au carrefour de l'Afrique et des Amériques, de l'Europe et de l'Asie. Voilà pourquoi nous mettons en cause les politiques, qui sont allées de l'enclave spatiale à la spoliation foncière, qui ont organisé un enseignement aveugle et sourd à la situation locale et aussi la désertion de la puissance publique, qui ont ajouté l'exclusion rampante aux injustice flagrantes. Voilà ce qui a dessiné notre paysage. Et l'accord général pour refuser de les évaluer, ces politiques centrales et territoriales, ne change en rien la culpabilité de ceux qui les ont faites ni la responsabilité actuelle de l'Etat.

Nous avons la chance de vivre une période où l'audace n'est ni sacrilège ni insolite. Vous le savez, Monsieur le ministre, vous qui mettez tant d'ardeur à mener la réforme institutionnelle, j'ai conscience des progrès accomplis, mais il faut concilier Guyane urbaine et rurale, Guyane communautaire et Guyane en gestation. En ce moment décisif, l'erreur pourrait être fatale. Si le rétablissement de la prime à l'éloignement n'est pas strictement encadré, les Guyanais seront encore exclus de certains métiers, et spectaculairement du corps enseignant. Nous nous souviendrons alors de Léon Bloy, qui s'indignait que des escrocs, des voleurs, des proxénètes et des parjures soient chargés de porter aux Indes l'exemple des vertus chrétiennes. Nous exposerez-vous à ce que ceux qui ont des motivations pécuniaires viennent désespérer ceux qui rêvent de participer aux innovations pédagogiques, qui croient au service public et au mélange des cultures ?

Monsieur le ministre, vous êtes venu nous rencontrer. Vous savez que la Guyane est sud-américaine, comme l'écrivit Léon Gontran Damas, que « ce pays sur lequel on dit et on écrit tant, sur lequel on dira et on écrira encore davantage demain quand il ne s'agira plus de se demander s'il est celui du bagne, celui de l'or, celui de la fièvre, mais quand la question se réduira au dilemme : l'aménager ou l'évacuer ». C'était en 1938.

Je voterai votre projet, Monsieur le ministre. Mais je veux croire que vous m'aurez entendue : la question n'est pas seulement « combien ? », elle est aussi « comment, ensemble, et jusqu'à quand aussi maladroitement ? » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs)

M. Didier Quentin - La question essentielle n'est pas de savoir si votre budget augmente mais s'il donne des résultats. Force est malheureusement de constater que l'économie des DOM stagne et que leur situation est loin de s'améliorer. Il est important, aussi, que l'Etat paie ce qu'il doit, et je pourrais multiplier les exemples de dotations, compensations, remboursements ou dédommagements en attente de règlement... Nous savons d'expérience que les crédits affichés ne correspondent pas toujours aux réalités ! Il faut dénoncer, encore, la complication excessive de nombreuses procédures.

Les dépenses publiques en faveur de l'outre-mer relèvent trop souvent du saupoudrage.

Pour faire pièce à l'éternel reproche que vous adressez à l'opposition, qui, selon vous, n'aurait rien à proposer, j'évoquerai notre vision d'un développement durable pour l'outre-mer, en laissant de côté, par manque de temps, l'évolution institutionnelle. Je rappellerai seulement notre volonté de ne plus enfermer l'outre-mer dans un carcan uniforme ; que chaque collectivité d'outre-mer ait la liberté de choix d'un statut sur mesure mais à deux conditions : qu'aucune dérogation à l'unité et aux principes de la République ne soit possible ; que la population ait préalablement approuvé ce choix.

Permettez-moi d'abord de souligner que la politique pour l'outre-mer n'a pas commencé avec le gouvernement de la gauche plurielle. Quant à la loi d'orientation, elle apporte, certes, quelques améliorations, mais elle n'est pas, non plus, la référence unique, comme vous avez tendance à le laisser croire.

C'est faire peu de cas des lois Pons et Perben. En 1994, la réforme engagée par Dominique Perben abaissant considérablement les charges sur les bas salaires a permis la création de nombreux emplois dans le secteur marchand qui ont soutenu la croissance des régions d'outre-mer. Cette loi a contribué au recul de l'économie parallèle et elle a contenu les coûts salariaux, ce qui a permis au gouvernement de l'époque d'aligner le SMIC sur le niveau de la métropole sans conséquences préjudiciables pour l'emploi.

Ses effets ont été unanimement salués, et la récente loi d'orientation n'a pas remis en question ce dispositif efficace.

En 1986, avait été instauré un système qui a incité une fraction de l'épargne nationale à s'investir outre-mer, ce qui a maintenu, année après année, une croissance forte. Vous avez d'ailleurs décidé de prolonger cette défiscalisation au moment où d'ailleurs il aurait fallu promouvoir un système rénové.

Malgré une conjoncture économique favorable ces quatre dernières années, les DOM-TOM n'ont que peu bénéficié des fruits de la croissance du fait de leur isolement géographique, de l'étroitesse du marché local et de la concentration de l'économie autour de quelques secteurs. Pour surmonter de tels obstacles, il faut une action persévérante, non des effets d'annonce. Beaucoup de collectivités attendent une action déterminée de l'Etat et pour commencer, trop souvent, le versement de certaines dotations en 2000 et 2001, en particulier dans le domaine de l'éducation nationale.

Après l'emploi, vous vous êtes fixés comme deuxième priorité l'accès au logement. N'est-ce point une illusion, puisque l'augmentation des crédits de la ligne budgétaire unique ne fera que compenser la suppression progressive de la créance de proratisation qui accompagne l'alignement progressif du RMI ?

Par ailleurs, vous n'apportez pas de réponse satisfaisante aux problèmes aigus de l'insécurité et des trafics en tous genres dont souffre l'outre-mer, ni à l'insuffisance de moyens de la justice.

Je tiens aussi à appeler l'attention sur les problèmes que connaît le transport aérien, au mépris du principe de la continuité territoriale. De plus, il paraît qu'Air France n'avait pas assez d'avions pour les Antilles et ferait appel à des compagnies étrangères avec des équipages qui, bien souvent, ne parlent même pas français...

Plus généralement, un développement économique et social harmonieux suppose de rompre avec une vision trop dirigiste ou administrée de l'économie.

Plutôt que de créer des emplois par des contrats précaires, il faut en finir avec cet assistanat, en faisant confiance à nos compatriotes d'outre-mer, comme l'a affirmé le Président Jacques Chirac (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Pour ce faire, il serait souhaitable d'instaurer l'exonération complète des cotisations patronales pour les plus bas salaires en étendant cette mesure au secteur du bâtiment et des travaux publics et d'élargir le dispositif liant la cessation anticipée d'activité à l'embauche d'un jeune, par le biais d'un tutorat.

Le combat contre la pauvreté et pour l'insertion est un impératif politique et moral. Mais, pour nous, la solidarité, ce n'est pas aider les gens à survivre dans l'exclusion : c'est leur tendre la main. Il faut donc mettre en place un système efficace de retour à l'emploi. Ainsi, une entreprise recrutant un bénéficiaire du RMI sur un contrat à temps complet pourrait se voir reverser le montant de cette prestation, selon un régime dégressif. On passerait ainsi d'une logique d'indemnisation à une logique d'activité. Ces mesures pourraient être financées par le FEDOM, dont la finalité doit être préservée.

Il est tout aussi indispensable de maintenir un système efficace de soutien aux investissements. Pour cela, comme l'a souligné le Président de la République, il est essentiel de donner aux investisseurs un horizon plus long que vous fixez, et de garantir un cadre législatif et réglementaire stable sur une dizaine d'années, condition indispensable pour rétablir la confiance car, d'une façon générale, l'outre-mer souffre, depuis de longues années, de modifications législatives incessantes, d'interprétations restrictives de la loi de 1986, progressivement vidée de son contenu et, surtout, du doute entretenu en permanence sur la pérennité du régime fiscal des investissements dans ces régions.

Voilà quelles sont nos priorités pour un développement durable de l'outre-mer. Manifestement ce budget ne les satisfait pas, même si nous reconnaissons quelques progrès. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre.

J'ajouterai quelques mots pour répondre à ceux de nos collègues qui ont cru devoir polémiquer à propos de la représentation de la France dans l'association des Etats de la Caraïbe. Le Président de la République a affirmé clairement sa détermination que la France y soit représentée uniquement par les trois présidents de région de nos départements français d'Amérique, et en aucun cas par un ministre ou un haut fonctionnaire parisien. Mais le Président, garant de l'unité de la République, continue d'exiger que les élus de nos DOM, lorsqu'ils s'expriment dans une organisation internationale comme l'AEC, le fassent au nom de la France toute entière et, lorsqu'ils signent un accord, reçoivent à cet effet les pouvoirs d'engager la République.

M. Bernard Roman - Facile, mais pas tout à fait exact ! C'est surtout qu'il veut Lucette pour seule ambassadrice des DOM...

M. Philippe Chaulet - Jaloux ?

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - En vous présentant le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui exprime les orientations et les engagements du gouvernement de Lionel Jospin, je veux remercier vos rapporteurs pour le soin avec lequel ils ont passé au crible le budget soumis à votre assemblée. Mais ces choix budgétaires ne sont pas que financiers : ils traduisent en chiffres et moyens considérablement renforcés le nouveau pacte républicain voulu pour l'outre-mer, défini ensemble et mis en pratique ensemble au cours de la législature.

« Les chiffres qui parlent », disait Antoine Blondin, « vous coupent un peu la parole »...En matière budgétaire, je tiens plutôt les chiffres pour preuve de la parole tenue, car la volonté d'agir n'est rien sans les moyens d'agir.

Depuis 1997, l'augmentation des crédits inscrits au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer témoigne d'une volonté politique forte et durable. Cette augmentation n'a pas d'équivalent dans l'histoire de notre République, puisque la progression globale est de 46 %, et de 27 % à structure constante. Tous ministères confondus, les dépenses du budget de l'Etat en faveur des outre-mers ont, elles aussi, évolué à la hausse : de 45,3 milliards de francs, elles devraient, si vous l'approuvez, atteindre plus de 67 milliards en 2002. La part de l'outre-mer dans les dépenses publiques sera ainsi passée de 2,9 % à près de 3,9 % au cours de la législature.

Cette évolution est le signe d'une prise en compte plus attentive des besoins, d'une place mieux reconnue dans la République et d'une vision profondément renouvelée des outre-mers français, conjuguant égalité, pluralité et solidarité et accompagnée de la création de nouveaux outils. Je pense, en particulier, à l'application des accords de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, à la nouvelle génération des contrats de plan et de développement, à l'égalité sociale désormais acquise, au nouveau mécanisme de soutien fiscal à l'investissement, au nouveau statut de Mayotte et, bien sûr, à la loi d'orientation pour l'outre-mer.

Le projet qui vous est soumis est un budget de croissance, un budget de confiance et un budget pour l'action.

Un budget de croissance, car il prévoit que notre dotation progresse de 3,8 % et, pour la première fois, dépasse 7 milliards de francs. Le projet fixe pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer un montant de plus de 1 079 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et de près de 443 millions d'euros en autorisations de programme, qui augmentent ainsi de 29 %. Cette progression, qui dépasse largement la croissance moyenne des dépenses publiques, montre que les outre-mers bénéficient des arbitrages les plus favorables.

Ce budget est aussi un budget de confiance. Trop souvent, on a fait à l'outre-mer l'offense d'une approche misérabiliste, appelant pour là-bas « assistanat » ce qu'ici on nomme justement « solidarité ». Trop souvent, on a semblé tenir pour une fatalité des déséquilibres que l'on renonçait à corriger. Trop souvent, on a semblé préférer les politiques conçues de loin et imposées d'en haut, à celles construites et appliquées ensemble.

Notre projet de budget pour 2002 approfondit la démarche inverse, en tablant sur les atouts, les apports et la capacité d'initiative de tous les acteurs d'outre-mer. Prendre le temps d'un état des lieux sans complaisance et de diagnostics partagés, choisir l'écoute et le dialogue, tenir pour légitime l'aspiration conjointe à plus d'égalité et moins d'uniformité : c'est la démarche que notre projet traduit en moyens.

C'est enfin un budget pour l'action qui s'organise autour de quelques grands axes complémentaires et solidaires. Car les différentes dimensions de l'action publique outre-mer forment un tout. De l'emploi au logement, de l'école à la sécurité, de la citoyenneté locale à la coopération régionale, du droit d'accéder à la société de l'information au pouvoir d'être de plain-pied avec les autres, tout se tient.

Soutenir l'emploi et l'activité économique : c'est la priorité nationale du Gouvernement depuis 1997. Elle est d'autant plus fondée outre-mer que le chômage y est trois fois plus élevé que dans l'hexagone. Et elle porte ses fruits : depuis 1999, en effet, le nombre de demandeurs d'emploi outre-mer a baissé de 10 % et celui des jeunes demandeurs de 21 %. Raison de plus pour accentuer notre effort. C'est pourquoi j'ai souhaité que les moyens affectés au FEDOM augmentent encore : ils progressent de 25 % par rapport à l'an dernier, ce qui permettra à la fois de renforcer les dispositifs d'insertion traditionnels, d'accompagner la montée en puissance de la loi d'orientation et de fournir un effort sans précédent au bénéfice de Mayotte.

Près de 100 000 mesures pourront être mises en _uvre l'an prochain au titre du FEDOM, en complément des dispositifs de soutien à la création et à la pérennisation des emplois de la loi d'orientation pour l'outre-mer.

A propos des exonérations de charges sociales - dont le coût en année pleine est évalué à plus de 530 millions d'euros -, je voudrais répondre à M. Quentin qu'on peut toujours parler de faire plus, mais que j'ai souvenir d'un de mes prédécesseurs du même bord politique que M. Quentin, déplorant de n'avoir pas obtenu un arbitrage favorable sur lesdites exonérations, lesquelles se limitaient donc à quelques secteurs et se situaient à un niveau beaucoup plus bas. On peut aussi bien sûr s'abstraire des règles de l'Union européenne, mais il arrive parfois, comme on l'a vu dans le secteur du textile, qu'elles nous rattrapent.

L'utilité des différents dispositifs d'insertion et de soutien à l'emploi ayant suscité chez M. d'Aubert ce scepticisme qui est selon Cioran « la forme élégante de l'anxiété », je voudrais m'y attarder un instant.

Permettez-moi tout d'abord de souligner la dynamique de croissance de l'outre-mer : plus de 35 000 emplois y ont été créés. Au-delà des exonérations dont je viens de parler, la prime à la création d'emploi - 2 200 prévues cette année - permettra de soutenir fortement les entreprises qui diversifient leurs débouchés hors du département. La création d'entreprises sera également favorisée par le projet initiative jeunes, qui apporte une aide en capital aux créateurs d'entreprises de moins de 30 ans et une aide complémentaire pour la formation en mobilité. 10 000 jeunes doivent en bénéficier en 2002. Et 1 000 emplois-jeunes sont prévus en 2002, soit 10 % du total national.

En réponse à M. Claude Hoarau, je précise que, sur ma demande, la récente circulaire de Mme Guigou a expressément prévu que la mise en _uvre du dispositif de consolidation des emplois-jeunes ferait l'objet de conditions particulières d'application outre-mer. Nous y travaillons.

Le congé-solidarité permettra que plusieurs milliers d'emplois soient libérés par des plus de 55 ans au bénéfice de moins de 30 ans. Conformément à la loi, les conventions cadres doivent être signées par l'Etat, la région, le conseil général et les partenaires sociaux. L'Etat apportant 60 % du financement, j'en appelle à la solidarité de tous pour que cette mesure s'applique au plus vite. Et j'ai d'ailleurs pu vérifier la semaine dernière à la Réunion la volonté d'aboutir de chacun des partenaires.

Outre la création d'emplois, notre objectif est aussi d'assurer l'accès à l'emploi de celles et ceux pour qui c'est le plus difficile. Les contrats d'accès à l'emploi pour le secteur marchand, les contrats d'emplois-solidarité et les contrats emploi consolidé pour le secteur non marchand sont donc renforcés en 2002.

Troisième objectif : le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion.

L'engagement pris par le Gouvernement sur la question de l'égalité sociale est tenu : le niveau du RMI dans les départements d'outre-mer sera aligné sur celui de la métropole au 1er janvier prochain. Pour autant, le Gouvernement a maintenu les crédits dits de la « créance » du RMI, pour le logement social et pour les agences d'insertion du RMI. Au-delà du taux de progression du budget de mon secrétariat d'Etat, cela représente, sur deux ans, des dépenses nouvelles pour l'Etat de plus de 135 millions d'euros.

La loi d'orientation a aussi prévu un nouveau mécanisme : l'allocation de retour à l'activité pour épauler les titulaires de minima sociaux qui reprennent une activité à temps plein ou partiel. Elle est de 1 565 F par mois durant 24 mois et devrait bénéficier à quelque 10 000 personnes en 2002. Je précise à M. Hoarau que toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour la mise en _uvre de cette mesure. Les conventions avec la sécurité sociale sont en cours de signature. Le niveau de cette allocation cumulable pendant deux ans avec les revenus d'activité est fortement incitatif à la reprise de l'activité ou à la régularisation d'activités non déclarées. 130 demandes ont déjà été déposées à la caisse de sécurité sociale de la Réunion. J'ajoute que les bénéficiaires du RMI de plus de 50 ans qui renoncent à toute activité professionnelle peuvent opter pour le revenu de solidarité. Les conventions avec les conseils généraux vont être signées incessamment et la Caisse nationale des allocations familiales a adressé aux CAF des départements d'outre-mer les dernières instructions nécessaires à l'entrée en vigueur de cette mesure.

Aucun de ces dispositifs n'est superflu. Je m'étonne que le rapport de M. d'Aubert en dénonce le coût et la diversité, alors qu'il s'agit de s'attaquer à chaque segment du chômage. Et, Monsieur d'Aubert, la réforme prévue par la loi d'orientation se met en place et permettra un contrôle plus rigoureux des ressources lors de l'ouverture du droit au RMI.

Enfin, l'augmentation des crédits du FEDOM permettra de mettre en place à Mayotte une nouvelle politique de l'emploi, qui accompagnera son nouveau statut de collectivité départementale et qui y améliorera la protection sociale.

L'ordonnance en cours de consultation auprès du conseil général crée les emplois-jeunes à Mayotte et y transpose le PIJ. Elle prévoit une aide à la création d'emplois dans le secteur marchand et la création de contrats d'emploi-développement dans le secteur non marchand. Le FEDOM financera ainsi plus de 12 000 mesures. J'étais à Mayotte la semaine dernière et j'ai pu mesurer combien il est essentiel que l'économie mahoraise se structure davantage et que se développent des revenus d'activité.

Mais il n'est pas de bonne politique de faire croire que l'on pourrait bâtir en quelques semaines un système de protection sociale là où l'indifférence avait laissé prospérer la souffrance sociale. Ce gouvernement a pratiqué une politique de rupture avec l'abandon que les Mahorais redoutaient au vu des 25 années durant lesquelles rien n'avait changé.

Tous les textes importants seront signés avant la fin de cette législature, Monsieur Jean-Baptiste, et les budgets sont d'ores et déjà disponibles, comme je m'y étais engagé. Veillons ensemble à ce que les organismes qui les gèrent s'engagent activement au service de cette politique ainsi que les élus locaux.

Au total, le FEDOM a plus que doublé depuis 1997, conformément à la priorité donnée par ce gouvernement à l'emploi. Si le service militaire n'est plus, le SMA, lui, continue : ses crédits augmentent de 5,5 millions d'euros et permettront d'accueillir au 1er janvier 2003 trois mille volontaires, soit autant que d'appelés formés avant la réforme du service national.

Cet effort pour l'emploi s'adosse à une politique d'appui résolu au développement économique et à la croissance.

Je ne mentionnerai ici que deux de ses leviers.

D'abord, le soutien fiscal à l'investissement, qui a permis l'an dernier d'investir près de 685 millions d'euros pour une dépense fiscale qui dépassera sans doute les 280 millions d'euros. L'année 2001 confirmera cette vitalité et l'intérêt du nouveau mécanisme. Comme le prévoit la réglementation européenne, le Gouvernement a notifié celui-ci à la Commission en octobre 2000. Elle a procédé à une expertise d'autant plus détaillée qu'il s'agit d'un mécanisme dérogatoire et très avantageux pour l'outre-mer. Mme Parly et moi avons donc dû répondre à de multiples questions de la Commission et nous avons surmonté les différents obstacles... L'approbation de ce régime doit intervenir au plus tard à la mi-novembre. Dès lors, rien ne s'opposera à la publication du décret sur lequel les collectivités locales seront consultées.

D'ores et déjà, plusieurs centaines de dossiers sont instruits par les services locaux et centraux du ministère des finances.

Par ailleurs, l'Etat apporte plus de 1,7 million d'euros aux contrats de plan. Sont inscrits à ce titre dans le budget 2002 du secrétariat d'Etat à l'outre-mer plus de 48 millions d'euros pour les DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, et 69 millions d'euros pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

Consolider ce qui existe et stimuler le développement durable, soutenir l'initiative des plus entreprenants et répondre aux difficultés de ceux qui sont en situation fragile, c'est refuser l'opposition archaïque de la performance et de la solidarité.

Deuxième objectif : garantir à tous un logement de qualité.

La croissance démographique est, en moyenne, quatre fois supérieure à celle de la métropole, le revenu moyen est peu élevé, le foncier est rare et peu aménagé, les collectivités ont une situation financière qui ne leur permet pas d'intervenir à hauteur des besoins, l'habitat insalubre n'est pas entièrement résorbé. Cette situation justifie un effort constant de l'Etat, encore renforcé cette année : 287 millions d'euros en AP et 161 millions d'euros en CP permettront de réaliser 10 700 logements nouveaux et d'en améliorer 6 000. Nous allons ainsi au-delà de la compensation de la créance de proratisation, je remercie vos rapporteurs de l'avoir souligné.

Des outils nouveaux et la réforme de certains dispositifs existants renforceront l'efficacité de l'action menée. Les fonds régionaux pour l'aménagement et le foncier urbain, créés par la loi d'orientation, seront mis en place avant la fin de l'année. Le champ des financements de la LBU sera élargi à la construction des résidences sociales pour personnes âgées et pour étudiants. Enfin, une circulaire qui répond à l'une des préoccupations exprimées par M. Moutoussamy autorise en Guadeloupe les « logements en accession différée », dont le nombre devrait être de l'ordre de 250 par an, et qui permettront à une catégorie de population qui n'a accès ni aux logements évolutifs sociaux ni au prêt à taux zéro d'accéder à la propriété au bout de dix à quinze ans. Cette expérience a vocation, si elle est concluante, à être étendue aux autres départements d'outre-mer.

Bien entendu, la politique du logement ne doit pas être seulement quantitative. L'attention portée aux modes de vie et aux points de vue des habitants font, autant que la performance technique et la compétitivité économique, les programmes de logement ou de relogement réussis. Il y a quelques jours, dans une commune de la Réunion, j'ai vu une réalisation qui, de ce point de vue, était riche d'enseignements utiles.

M. Bertrand a évoqué les difficultés intervenus fin 2000 pour la consommation de la LBU, en raison d'une nouvelle interprétation des modalités de financement du foncier par les services du ministère des finances. Celle-ci a été corrigée depuis, sans que les crédits soient perdus. La consommation de la LBU s'est d'ailleurs très fortement accélérée en 2001.

Troisième objectif : renforcer les moyens d'action des collectivités territoriales.

Outre-mer comme ailleurs, le dynamisme des collectivités territoriales est un facteur de développement économique et social, de vitalité culturelle et démocratique. Outre-mer plus qu'ailleurs, les collectivités territoriales ont besoin d'aides significatives. Aussi les subventions de fonctionnement aux collectivités et les dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie progressent-elles globalement de près de 13 %.

La progression de 11 % des dotations globales à la Nouvelle-Calédonie correspond notamment au « rebasage » de l'indemnité compensatrice santé-enseignement scolaire, intégrée à la dotation globale de fonctionnement.

En ce qui concerne la DGC, si le transfert des compétences est bien intervenu le 1er janvier 2000, le transfert des services n'a pas encore eu lieu pour des raisons qui découlent de la loi organique, l'élaboration des conventions de transfert nécessitant en particulier l'avis d'une commission consultative. La compensation interviendra dès l'entrée en vigueur de ces conventions.

Rappelons par ailleurs que la plus grande part des dotations affectées aux collectivités sont intégrées au budget du ministère de l'intérieur. Pour 2001, leur montant dépasse 1,5 milliard d'euros. La dotation globale de fonctionnement versée aux DOM représente, à elle seule, plus de 805 millions d'euros.

Le Gouvernement a voulu solder les dossiers ouverts depuis plusieurs années. Je pense notamment au règlement des dettes contractées au titre du FIDOM décentralisé, ainsi qu'aux dispositions votées par votre assemblée pour assurer le renforcement des moyens financiers propres des collectivités.

Les collectivités d'outre-mer bénéficient naturellement des mesures prises en faveur de toutes les collectivités locales, comme le contrat de croissance et de solidarité. Elles bénéficient également des avancées de la loi d'orientation pour l'outre-mer - qui majore la part forfaitaire de la DGF -, de la loi organique de mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie - qui renforce le fonds intercommunal de péréquation - et de l'ordonnance de janvier 2000 - qui pérennise la contribution de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation de Polynésie à hauteur de 8 millions d'euros par an.

Un mot de l'effort particulier au bénéfice de Mayotte. Participant, il y a quelques jours, au congrès de l'association des communes d'outre-mer, j'ai rappelé que la loi adoptée par votre assemblée en juillet dernier prévoyait la création de dotations spécifiques pour accompagner le processus de décentralisation. Seront ainsi abondés dès 2002 la dotation de rattrapage et de premier équipement au bénéfice des communes, à hauteur de 8,3 millions d'euros pour la part « équipement », ce qui permettra aux maires de lancer des projets sans attendre la montée en puissance de leurs ressources propres, ainsi que le fonds mahorais de développement, qui atteindra 1,3 million d'euros. Par ailleurs, l'ordonnance communale prévue pour 2002 rapprochera le droit applicable à Mayotte du droit commun.

Quatrième orientation : une politique de la fierté pour l'outre-mer.

Les moyens accrus qu'il vous est demandé d'approuver traduisent un véritable changement de perspective. Il ne s'agit pas seulement de corriger des déséquilibres mais de faire fructifier les atouts. Il en va de l'intérêt des territoires et de la dignité de celles et ceux qui y vivent. Il en va aussi de l'identité d'une République forte de sa diversité et riche de toutes ses énergies.

La fierté que je revendique pour « les outre-mers » a de multiples facettes. Fierté d'avoir, dans l'histoire, plus souvent résisté que subi et, dans bien des circonstances, volé au secours du pays en danger ou de la République menacée ; fierté d'avoir contribué à faire la France et _uvré à son rayonnement ; fierté d'être aujourd'hui moteur et acteur d'un destin. Cette fierté doit être celle de tous, dans l'hexagone comme outre-mer.

C'est dire l'importance que revêtent les moyens consacrés à la culture, à la vie associative et à la coopération régionale, dont la progression, à périmètre constant, dépasse 20 %.

Le soutien aux activités associatives et culturelles progresse de 10 %, ce qui permettra notamment de soutenir les initiatives suscitées par la commémoration à Saint-Pierre de l'éruption de la montagne Pelée ou le bicentenaire de la mort de Delgrès.

La mobilité des jeunes, porteurs de projets culturels ou sportifs, a été stimulée par le fonds d'échanges créé par la loi d'orientation pour l'outre-mer. Le succès de ce dispositif me conduit à solliciter, pour 2002, une augmentation de 33 % des crédits qui y sont affectés. Le « droit de bouger », en effet, relève de l'égalité de traitement et constitue un véritable enjeu éducatif.

Il convient également de développer les liens avec les environnements régionaux. Les comités de gestion des fonds de coopération se sont réunis en Guadeloupe en juillet, en Martinique début octobre et à la Réunion très récemment. Le même exercice est programmé en Guyane ces jours prochains. Nul ne doute de l'intérêt de ces fonds. C'est pourquoi le projet de loi de finances prévoit leur consolidation, leur extension à Mayotte dès 2002 et une progression de leur enveloppe de 15 %.

S'agissant de la loi d'orientation, je suis très attaché à ce que ses dispositions, que le Conseil constitutionnel n'a pas jugé utile d'invalider, soient appliquées. Cette loi dispose que les DOM puissent être membres associés de l'association des Etats de la Caraïbe, comme le président Marie-Jeanne l'a ardemment souhaité.

Autre levier d'une implication plus active dans le monde d'aujourd'hui : la maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le premier programme pour la société de l'information outre-mer a été mis en place cette année après un état des lieux précis. Il a pour ambition de garantir à chacun un droit d'accès égal aux réseaux par lesquels, de nos jours, les hommes interagissent. Je ne m'attarderai pas ici sur les différentes dimensions de ce plan, que j'ai présenté en août dernier. Des espaces publics numériques de proximité sont en cours d'implantation. Un fonds Internet pour l'outre-mer est créé au bénéfice des initiatives non marchandes : il pourra mobiliser 1,52 million d'euros en 2002.

Autre modalité de communication faisant l'objet d'une action nouvelle, le dialogue social, qui bénéficiera d'une dotation spécifique pour l'organisation de séminaires de formation et d'aide à la négociation dont les sessions se tiendront en 2002, prolongeant l'expérience de la Martinique.

Il est deux préoccupations de nos concitoyens ultra-marins que je partage pleinement : l'école et la sécurité. Vos rapporteurs et plusieurs orateurs y ont fait allusion.

Comment améliorer les chances de réussite scolaire ? L'école fut, outre-mer, plus longtemps difficile d'accès et plus sévèrement discriminatoire. La démographie conduit à une augmentation continue de la population scolaire. De plus, le respect de l'égalité républicaine et la prise en compte de la diversité culturelle des élèves doivent aller de pair. Le défi à relever est donc à la fois quantitatif et qualitatif.

L'effort en matière de constructions scolaires a été soutenu par les financements engagés au titre des contrats de plan. Depuis 1997, l'Etat y a apporté plus de 140 millions d'euros. Dans le cadre des contrats 2000-2006, cet effort est porté à 311 millions d'euros. Les spécificités démographiques de Mayotte et de la Guyane font apparaître des besoins plus aigus encore, que les missions d'inspection générale ont évalué respectivement à 104 et 35 millions d'euros. Les élus concernés pourront prochainement signer des avenants aux contrats de plan permettant de mobiliser ces crédits supplémentaires. A Mayotte, Monsieur Jean-Baptiste, le Gouvernement a fait un effort sans précédent. L'enveloppe destinée à financer les constructions scolaires s'élèvera à 180 millions d'euros, apportés en totalité par l'Etat. Plus de 30 millions d'euros ont déjà été délégués au titre de 2000 et 2001.

Le préfet de Mayotte procède, à ma demande, à la définition d'une programmation précise des constructions scolaires.

M. Henry Jean-Baptiste - C'est une bonne chose !

M. le Secrétaire d'Etat - Les dotations en personnels ont, elles aussi, été fortement augmentées. Le plan quadriennal a permis de créer plus de 4 200 postes d'enseignants et de personnels administratifs entre 1998 et 2000. Depuis 1997, plus de 6 700 postes ont été créés au titre de l'éducation dans l'ensemble de l'outre-mer. A la rentrée scolaire 2001, 1 500 postes d'enseignants ont été créés dans les académies ultra-marines.

L'école, longtemps fondée sur l'opposition du français au créole et aux langues parlées outre-mer, fondée aussi sur la transmission de savoirs dénués de toute référence à l'environnement local, s'ouvre à des formes nouvelles de coexistence et même de coopération linguistique. L'enseignement accueille davantage de références à l'histoire, au milieu géographique, à la diversité culturelle des différents outre-mers. Il reste bien du chemin à parcourir. Mais le mouvement est lancé et va, je crois, Madame Bello, dans le bon sens. Signe des temps : la création du CAPES de créole, dont la première session se tiendra au printemps prochain. Le créole se trouve au singulier uniquement dans l'intitulé du CAPES. En effet, la diversité des créoles sera prise en compte dans les épreuves, en dépit de quelques difficultés techniques. L'impulsion politique a été donnée et a permis à ce CAPES d'être créé dans des délais records.

Nous tenons également à mieux assurer la sécurité, ce droit indissociable de tous les autres.

J'ai constaté sur le terrain à quel point l'insécurité préoccupe nos concitoyens d'outre-mer. Je continuerai à examiner avec les différents acteurs locaux, comment agir plus efficacement, sans angélisme ni alarmisme mais avec lucidité et détermination.

La délinquance dans les DOM-TOM reste globalement moins forte qu'ailleurs, même si la progression du nombre de faits constatés ces vingt dernières années est indéniable. Ainsi, malheureusement, la situation outre-mer tend à se rapprocher de celle de l'hexagone. Depuis 1997, le Gouvernement a engagé un effort important contre l'insécurité et l'outre-mer n'a pas été oublié.

Les effectifs de la police nationale outre-mer ont progressé de plus de 18 % depuis 1997. Le nombre total de policiers au 1er septembre atteignait 3 500. Au 31 décembre prochain, 112 fonctionnaires de police supplémentaires auront été affectés outre-mer.

Pour répondre à des situations spécifiques, j'ai obtenu des accroissements d'effectifs en Guyane et à la Réunion, déployés au plus tard début 2002.

La police de proximité, nouvelle doctrine d'emploi de la police nationale, sera mise en _uvre au cours du premier semestre 2002 et concernera, dans un premier temps, les circonscriptions de police-chefs-lieux. A la Réunion, Saint-Pierre sera intégrée à cette première phase.

La gendarmerie nationale a également su s'adapter. Avec 3 468 gendarmes, ses effectifs ont augmenté depuis 1997 de 20 %. Quinze unités de gendarmerie mobile veillent par ailleurs sur la sécurité quotidienne. De plus, la gendarmerie va procéder très bientôt à un nouveau renforcement de ses effectifs.

Elle affectera en outre-mer, avant la fin du premier trimestre 2002, 165 militaires supplémentaires dans les brigades, soit une nouvelle progression de 3 %.

Cette opération résulte à la fois de créations de postes et de redéploiements.

Je tiens enfin à rassurer M. Moutoussamy : l'avant-projet et le financement de la nouvelle brigade de Saint-François seront mis en place d'ici la fin du premier trimestre 2002.

M. d'Aubert a parlé de la lutte contre le trafic des stupéfiants, craignant un certain relâchement. Il n'en est rien, ainsi que le démontrent des chiffres récents. En 2000, plus de 1,3 tonne de drogues a été saisie ans les 3 DFA, dont près de 300 kilos d'héroïne. Par ailleurs, 25 000 sachets d'ecstasy ont été saisis en Guadeloupe en décembre 2000. Enfin, le 2 août dernier, 500 kilos de cocaïne ont été saisis à proximité des Iles Vierges.

Mais la sécurité des biens et des personnes n'est pas seulement l'affaire des forces de l'ordre. C'est l'affaire de tous. Coproduire cette sûreté quotidienne nécessite que tous les responsables coopèrent et accompagnent les efforts de l'Etat. Il s'agit, pour les adultes, de prendre ensemble leurs responsabilités, notamment à l'égard des plus jeunes. Cela vaut dans la famille, à l'école, dans le club sportif ou dans la rue. Cela signifie que chacun soit à même d'exercer sa part légitime d'autorité, donc de protection. Ce n'est jamais facile. En matière de sécurité, pourtant, tout se tient. Les contrats locaux de sécurité aident à mettre en commun les informations utiles, des moyens de prévenir et surtout d'intervenir. Quinze de ces contrats ont déjà été signés, quatorze autres doivent aboutir rapidement.

La signature des conventions de coordination entre les polices municipales et les polices de l'Etat, les apports de la politique de la ville, les initiatives locales, tout cela va dans le sens d'une meilleure sécurité, proche des habitants. C'est, outre-mer comme dans l'hexagone, une priorité.

Parmi les questions que j'ai entendues figure la réforme des institutions locales. Je l'ai dit souvent, dans le droit fil de la loi d'orientation, le Gouvernement est favorable, là où les élus et la population le souhaitent, à une évolution institutionnelle, qui doit répondre à deux principes : évolution au sein de la République et dans l'Union européenne ; respect de l'égalité des droits sociaux et des libertés publiques.

Pour donner davantage de responsabilités et de capacité d'agir aux institutions locales, des réformes sont nécessaires. Le débat public fait aujourd'hui apparaître d'heureuses convergences en Guyane comme aux Antilles. Le temps passé, non à rechercher un consensus paresseux, mais à rapprocher les points de vue n'aura pas été perdu.

Dans le cadre des congrès, là où l'initiative locale l'a voulu, un mouvement est engagé. Ce gouvernement et cette majorité, qui ont rendu possible cette évolution, respecteront leurs engagements. Il s'agit, sans jamais remettre en cause les acquis de la départementalisation, notamment l'égalité sociale, d'ouvrir une nouvelle étape, avec les élus et avec les populations. Ce débat, nous le menons loyalement. Je respecte les divergences, j'apprécie les convergences, et je dénoncerai toute tentative pour prendre ces réformes en otage de tactiques à courte vue.

M. Bernard Roman - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - La desserte aérienne est vitale pour l'outre-mer ; elle est indispensable à la liberté de déplacement de ses populations comme au développement de son économie, en particulier du tourisme. Il est vrai que ses conditions se sont dégradées au printemps dernier, en particulier avec la diminution du nombre de sièges offerts par le groupe AOM-Air Liberté. C'est pourquoi le Gouvernement a chargé une mission interministérielle de faire un état précis de la situation et de proposer des mesures propres à garantir la qualité de la desserte dans la durée. Son rapport a récemment été transmis aux collectivités des DOM, je veillerai, bien sûr, à ce que les parlementaires en soient destinataires. Il préconise, en particulier, un aménagement des obligations de service public, qui pourrait assurer une meilleure desserte pendant les périodes de pointe. Cela pourrait également permettre d'introduire une clause tarifaire favorable aux étudiants.

Le Gouvernement, en particulier le ministre des transports, s'est également attaché à ce que l'activité du groupe AOM-Air Liberté soit reprise. Cet objectif a été atteint avec la création de la compagnie Air Lib. Un accord de partage de code lui permettra de bénéficier du réseau commercial d'Air France. Cet accord ne supprime en rien la concurrence, chaque compagnie conservant sa politique commerciale propre.

A un moment où l'on évoque le patriotisme économique, je trouve étonnante la mise en cause à cette tribune des efforts de redressement d'Air Lib, de sa direction et de ses personnels et je ne crois pas bon d'instiller le doute, comme l'a fait un député de l'opposition. La desserte de l'outre-mer est une priorité pour Air Lib. Son président a d'ailleurs annoncé le renforcement des vols vers les Antilles et la Réunion, ce qui permettra de retrouver un niveau satisfaisant de l'offre en sièges.

Pour la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement a accepté d'accorder le bénéfice du soutien fiscal aux projets de développement de la compagnie Air Calédonie International, qui permettront, dès l'année prochaine, le renforcement de la desserte entre la Nouvelle-Calédonie et le Japon, puis avec la métropole, dans des conditions plus favorables au tourisme. Ces dispositions auront aussi une répercussion favorable pour Wallis-et-Futuna, même si les liaisons entre les archipels gagneront à être améliorées. Quant à la Polynésie française, le Gouvernement entretient actuellement un dialogue étroit avec Air Tahiti Nui et avec les compagnies assurant la liaison entre Paris et Papeete, afin de garantir la desserte nécessaire au développement du tourisme dans ce territoire.

En tout état de cause, le Gouvernement restera vigilant sur le maintien d'une desserte suffisante sur l'ensemble de l'outre-mer. Il reste à cet égard très attentif à la situation d'Air Lib.

S'agissant des transports intérieurs de la Guyane, je partage les préoccupations de M. Bertrand. J'ai été trop souvent moi-même témoin des interruptions de vol de la compagnie intérieure. Mais je rappelle que l'Etat a joué un rôle essentiel aux côtés de la région pour maintenir les vols, allant jusqu'à en assurer la continuité par des moyens militaires, ce qui ne saurait être une solutions durable. Il a aussi poursuivi le financement d'Air Guyane jusqu'à l'aboutissement de l'appel d'offres en cours et les moyens financiers du FIATA ont été mobilisés à cet effet.

D'autres éléments affectent le bon déroulement du tourisme en Guadeloupe et en Martinique. J'ai donc décidé, en accord avec mon collègue du secrétariat d'Etat au tourisme, de faire de ce dossier une priorité. A ce titre, je saisirai dans les prochains jours les exécutifs régionaux et départementaux afin d'étudier avec eux les conditions d'une initiative commune. En effet, le moment paraît venu de situer avec précision les responsabilités des différents acteurs.

En matière de santé, le Gouvernement mène une politique soutenue et forte de rattrapage en faveur des établissements hospitaliers. Le taux de croissance des crédits de dotation régionale pour les DOM est sensiblement supérieur à celui de l'hexagone et il le demeurera. Ces crédits sont naturellement reconductibles. Les dotations 2001 vont faire l'objet de compléments dans les prochains jours, en liaison avec le ministère de la santé. Une attention particulière est porté à la Guyane où j'ai annoncé avec Bernard Kouchner un plan de renforcement du système de santé le 17 septembre portant non seulement sur les hôpitaux de Cayenne et de Saint Laurent-du-Maroni, mais également sur les centres de santé et divers problèmes particuliers de santé publique. La mise en _uvre de ce plan est activement engagée.

Le rattrapage du système de santé à Mayotte est également prioritaire. Il sera mené parallèlement avec l'élaboration des ordonnances prévues.

J'ai déjà répondu en ce qui concerne le dispositif de soutien fiscal à l'investissement, mais l'action en faveur du développement des entreprises ne s'arrête pas là. L'accès au crédit est évidemment une condition essentielle. Plusieurs outils ont été développés pour couvrir l'ensemble des besoins. L'AFD exerce dans les départements d'outre-mer la représentation de la banque de développement des PME et y assure la promotion et le portage des dispositifs nationaux. Elle gère aussi, par l'intermédiaire de ses filiales financières, les dispositifs spécifiques de financement qui couvrent un large champ d'intervention. Ainsi, le fonds DOM, doté de 100 millions par an, garantit des prêts à long et moyen termes et des crédits baux mobiliers et immobiliers. Les fonds régionaux de participation permettent l'apport de fonds propres ou de quasi fonds propres à destination des TPE et PME par des prêts participatifs. Enfin, en matière de capital investissement, l'AFD finalise, en liaison avec la Caisse des dépôts et consignations, un fonds de capital risque.

Des dispositifs complémentaires ont aussi été prévus, dans le cadre des DOCUP régionaux, avec des cofinancements européens. Les acteurs locaux y sont associés. Ils concernent principalement des bonifications d'intérêt et des dispositifs ciblés sur les TPE.

L'offre pour le financement des entreprises s'est donc diversifiée. Elle couvrira tous les besoins en 2002. Une rénovation significative de ces outils a été effectuée, ces dernières années, avec le souci constant de mieux répondre aux besoins et aux spécificités des économies locales.

Je répondrai enfin brièvement, mais en m'engageant à poursuivre le dialogue avec chacun d'entre vous, aux questions plus précises que vous m'avez posées.

Vous m'avez, Madame Taubira-Delannon et Monsieur Bertrand, interrogé sur le projet de développement agricole en Guyane. Vous le savez, le ministre de l'agriculture et de la pêche et moi-même avons proposé aux élus guyanais de définir avec eux un plan de développement durable pour l'agriculture. Cette proposition ayant été acceptée, une première séance de travail, à laquelle vous avez pris part s'est tenue en Guyane le 18 septembre. Les travaux engagés sur la base d'un rapport présenté par le président de la chambre d'agriculture se sont poursuivis les 8 et 9 octobre, en présence de représentants chacun des ministères concernés. J'ai demandé que la prochaine réunion se tienne dans les prochains jours, afin d'aboutir au plus vite à un programme complet sur lequel je pourrai annoncer l'engagement de l'Etat.

En ce qui concerne, Monsieur Grignon, le paquebot Le Levant, le Gouvernement a déposé le 8 octobre 2001 auprès de la Cour de justice des communautés européennes, un recours demandant l'annulation et la récupération de la décision de la Commission du 27 juillet, qui prononçait l'illégalité de l'aide fiscale accordée par la France. Nous considérons en effet que la décision de la Commission repose sur une erreur manifeste d'appréciation de l'impact de l'aide sur l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.

S'agissant du transbordement douanier, le Gouvernement a été particulièrement attentif aux difficultés financières que connaît le conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon depuis que l'organe de lutte anti-fraude de l'Union européenne a révélé l'existence de pratiques non conformes au cadre prévu dans la décision d'association de 1991. Mon prédécesseur a saisi de cette question le commissaire Nielson et j'ai, dès mon arrivée au secrétariat d'Etat, fait connaître à ce dernier l'intérêt que je porte à ce dossier. Accompagné du président du conseil général, j'ai participé à une séance de travail à Bruxelles le 5 octobre, afin de trouver une solution fiable. La solution qui a été arrêtée depuis, permettra que les activités de transbordement puissent reprendre à Saint-Pierre-et-Miquelon, les pratiques dénoncées demeurant interdites.

En ce qui concerne les hydrocarbures, le Gouvernement entend continuer à veiller à ce que les retombées économiques équitables de l'exploitation minière et gazière soient prévues au profit de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il en va en effet de son développement Les dernières négociations, qui devaient se tenir en septembre, ont été reportées en raison de la situation internationale. Il est clair que tout traité franco-canadien devra prévoir la possibilité pour des navires avitailleurs de l'archipel d'exercer leur activité dans l'ensemble du champ transfrontalier.

Il est vrai que les finances de la collectivité territoriale se sont dégradées, la fin des recettes liées au transbordement y étant pour beaucoup.

L'Etat n'est pas resté inactif. Dès 2000, une subvention de 20 millions a été versée. Pour 2001, le préfet a saisi la chambre régionale des comptes pour évaluer précisément le montant et les causes du déficit. L'Etat assumera ses responsabilités, dans le cadre de la solidarité qu'il doit aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. L'AFD met actuellement au point une proposition de restructuration de la dette du conseil général.

J'en viens à l'accès des jeunes à la fonction publique. L'observatoire prévu par la loi d'orientation a été créé par un arrêté de juin 2001 et ses membres ont été désignés le 2 août par le préfet. Des concours déconcentrés seront organisés pour la première fois en 2002 pour pourvoir les postes à la préfecture.

La sécheresse a été évoquée par MM. Moutoussamy, Andy et Turinay ; j'ai pu en constater la gravité lors de mes déplacements aux Antilles en avril. J'ai été frappé par l'ampleur particulière qu'elle prenait en Guadeloupe. Aussi, j'ai tenu à rencontrer les présidents de chambres d'agriculture pour étudier avec eux les solutions envisageables.

La situation de catastrophe naturelle a été constatée en juin. Pour ce qui est de la Guadeloupe, dont la situation est particulièrement préoccupante, des unités de dessalement de l'eau de mer et de traitement de l'eau douce ont été immédiatement dépêchées. J'ai diligenté une mission d'évaluation qui a arrêté dès le 26 juin les premières mesures d'indemnisation, qui se chiffraient à 55 millions de francs. Les paiements sont en cours, mais les agriculteurs concernés tardent à présenter leurs dossiers. Vous devez leur rappeler que la procédure est ouverte.

Pour la filière banane et l'apiculture, les évaluations ne nous sont parvenues que récemment. Les dossiers seront soumis au comité du fonds de secours fin novembre et nous comptons répondre à hauteur du dommage subi.

Pour ce qui est de la Martinique, une réunion du comité s'est tenue le 10 octobre. Une première enveloppe de crédit de 25 millions a été retenue. Elle est en cours de délégation.

En ce qui concerne l'octroi de mer, je voudrais rassurer M. Asensi. La demande de reconduction du dispositif d'exonération figure dans le mémorandum déposé par la France en décembre 1999. Je crains qu'en ce domaine, on joue à se faire peur. L'octroi de mer n'est pas remis en cause. Pour élaborer le projet de demande circonstanciée attendu par la Commission, nous avons recueilli dans les quatre régions les avis des conseils régionaux et des socio-professionnels. Les exécutifs régionaux nous aideront à mettre la dernière main à la demande française. Ce dossier est suivi avec une attention particulière par Florence Parly et par moi-même et nous abordons cette négociation avec sérénité.

J'ai été interrogé par ailleurs sur l'accord entre les PMA et l'Union européenne. Nous avons appelé l'attention de l'Union sur les risques qu'il comporte pour les principales productions agricoles des DOM. J'ai personnellement évoqué cette question avec le commissaire Lamy.

Nous avons été entendus : en effet, le règlement de février comporte des mécanismes de suspension provisoire des préférences qui permettent à la Commission d'agir rapidement en cas de déstabilisation du marché.

Un dispositif spécifique de suspension est prévu pour le riz, la banane et le sucre. En outre, un rapport devra être présenté par l'Union préalablement à l'entrée en vigueur du règlement relatif au sucre et au riz.

Mme Bello m'a interrogé sur le concours de troisième voie qui offrirait aux aides-éducateurs une possibilité supplémentaire d'insertion professionnelle. Ils pourront ainsi, comme ceux de métropole, présenter leur candidature à des concours pour accéder au corps enseignant et d'éducation et au corps d'ingénieur technique et administratif. Ces concours seront ouverts durant l'année scolaire, celui de professeurs des écoles le sera au mois de mai prochain.

M. Marsin a évoqué l'usine de canne à sucre de Marie-Galante. Je suis bien conscient que la culture de la canne à sucre constitue l'activité principale de l'île. Nous avons jusqu'alors fourni un soutien financier à la Sucrerie et rhumerie de Marie-Galante au travers d'une convention pluriannuelle qui arrive à échéance.

Avant de définir le nouveau cadre de l'intervention de l'Etat, le Gouvernement a fait conduire un audit de l'entreprise. Une prochaine décision interministérielle définira le contenu de la nouvelle convention et les engagements des parties. Je vous en ferai part immédiatement.

Nous avons aussi tenu, lors de nos discussions avec la Commission, à sauvegarder la possibilité d'un financement des unités sucrières existantes par les fonds structurels.

M. Andy a évoqué les recrutements locaux. Le prochain comité interministériel sur la réforme de l'Etat, qui se réunira le 15 novembre, décidera d'un ambitieux programme de déconcentration dans la gestion de la fonction publique de l'Etat. Des concours déconcentrés vont notamment être progressivement instaurés. Nous rejoignons ainsi vos préoccupations et celles de Mme Taubira-Delannon.

M. Thien Ah Koon a appelé mon attention sur l'hyperconcentration de la grande distribution dans l'île de la Réunion. Celle-ci a en effet connu un développement rapide des grandes surfaces, qui suscite de nombreuses contestations à la fois des commerçants traditionnels et des organisations soucieuses de la cohésion sociale.

C'est pourquoi le Gouvernement avait accepté qu'un amendement parlementaire à la loi d'orientation sur l'outre-mer modifie le droit existant. Cet amendement a été censuré par le Conseil constitutionnel. Conscient de l'importance de cette question, je recherche avec François Patriat une réponse législative incontestable qui pourrait trouver place dans la prochaine loi d'orientation sur l'artisanat et le commerce.

M. Vernaudon a évoqué RFO. Cette société de radio télévision joue un rôle essentiel en assurant la continuité territoriale de l'audiovisuel public. Elle est à ce titre un élément majeur de l'intégration de l'outre-mer à la République et contribue utilement au débat démocratique. Le Gouvernement attache une grande importance à cette mission. Je suis intervenu cet été pour donner à RFO les moyens juridiques et financiers de reprendre son activité sur les archipels éloignés de Polynésie, qui en étaient injustement privés, et je tiens à ce qu'elle s'y maintienne pleinement.

M. Darsières a évoqué le développement de la téléphonie mobile. Le dispositif de soutien fiscal doit pouvoir s'appliquer outre-mer. Je suis très attentif au dossier qu'il a défendu, en raison des perspectives de créations d'emploi et d'amélioration de l'offre aux usagers qu'il comporte. Le dossier fait l'objet d'un recours gracieux et la décision du Gouvernement sera connue au plus tard dans quelques mois.

Vous le voyez, les choses avancent dans tous les territoires et je veille à ce que les progrès ne s'arrêtent pas.

Durant cette législature, votre assemblée a voté de grandes lois concernant l'outre-mer, ménageant des possibilités inédites d'évolution statutaire dans la République et renforçant les moyens du développement économique et social. Grâce à l'initiative des parlementaires, et surtout de Christiane Taubira-Delannon, la France s'honore aujourd'hui d'être le seul des pays jadis impliqués à avoir reconnu la traite et l'esclavage pour ce qu'ils furent : un crime contre l'humanité. Le budget que je vous présente conforte ces impulsions majeures et ouvre de nouvelles voies : il est à la fois une grille de lecture des réalités et un outil pour l'action.

La France, outre-mer, a jadis été capable du meilleur et du pire. Bien des combats, menés là-bas et ici, ont peu à peu créé les conditions d'une véritable appartenance commune sans reniement de soi. Nous nous engageons ensemble sur ce chemin. Le temps n'est plus aux injonctions et aux visions schématiques qui voulaient les outre-mers tantôt trop différents pour être égaux, tantôt trop uniformes pour être eux-mêmes. Nous apprenons aujourd'hui à concilier l'aspiration à la reconnaissance, la liberté de s'administrer et la maîtrise de son propre destin avec l'aspiration à des droits plus égaux et à des solidarités plus efficaces.

Cette leçon qui nous vient d'outre-mer vaut pour les Français de l'hexagone, eux aussi de toutes origines. Elle nous pousse à rénover notre pacte républicain, à ne pas réduire l'Europe à sa géographie et à faire vivre son projet politique à travers trois océans. Elle nous interdit de nous résigner à un monde réduit à l'uniformisation impériale ou au choc inéluctable des cultures. Elle nous donne des raisons d'agir, en connaissance de cause, pour un monde riche de croisements féconds et d'identités plurielles.

Dans cette perspective, j'insiste sur ce que l'on a coutume d'appeler le cinquième DOM. J'ai souhaité dès 2002 prévoir les moyens nécessaires à l'étude d'une future cité de l'outre-mer qui symbolisera à la fois la présence forte des outre-mers dans l'hexagone et la vitalité des liens qui l'unissent à la République.

Outre-mer, des équilibres nouveaux s'inventent. Les questions qui s'y posent éclairent les problèmes auxquels sont désormais confrontés, sous toutes les latitudes, les sociétés contemporaines. Face aux formes les plus brutales de l'actuelle mobilisation et à ce désordre planétaire plus manifeste depuis le 11 septembre, nous pouvons tirer fierté des choix qui sont les nôtres avec et pour l'outre-mer.

C'est le message que, le 7 octobre, des milliers de Réunionnais de toutes origines, de tous âges, de toutes confessions et de convictions diverses ont adressé au monde en marchant côte à côte. Comme l'ont si bien écrit leurs porte-parole, l'évêque Gilbert Aubry et l'écrivain Jean-François Sam-Long : « tant mieux pour un peuple s'il écrit son propre poème avec plusieurs fois cent mille mémoires et dans une seule conscience ».

Je vous ai dit ma volonté de mettre en _uvre, pour l'outre-mer, une politique de la fierté. Ma propre fierté serait que le budget que vous adopterez, je l'espère, traduise la vitalité des liens qui unissent les outre-mers à la République et qu'il apporte à l'Etat les moyens de promouvoir plus efficacement un développement choisi et durable, une identité respectée et une égalité non pas formelle mais réelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Chaulet - Les effets combinés de la loi créant la CMU et du déficit du conseil général de la Guadeloupe plombent le budget des communes de l'archipel. En effet, le conseil général avait reporté son déficit de 1997 sur le montant du contingent d'aide sociale des communes qui a, de ce fait, doublé et parfois triplé. De plus, les sommes jusque là exigées du conseil général étaient très largement surévaluées, si bien que le calcul de la CMU a été fait sur une base erronée. De ce fait, la réfaction effectuée sur la DGF de la Guadeloupe est manifestement trop élevée, et une régularisation s'impose de la manière la plus urgente, tant pour le département que pour les communes, doublement pénalisés.

M. le Secrétaire d'Etat - Je me suis entretenu de ces questions avec tous les élus, et le président Gillot les a lui-même évoquées avec le ministre de l'intérieur. Je vous rappelle que, pour les dernières années, seules les dépenses médicales ont été déduites du montant contesté. Il est vrai que pour les dettes anciennes et les intérêts moratoires, le litige qui oppose l'administration de la sécurité sociale aux quatre DOM n'a pu être réglé. Cependant, la commission consultative d'évaluation des charges doit se réunir avant la fin de l'année, et elle examinera en particulier les bases de calcul qui avaient été retenues. J'ai appelé l'attention du Premier ministre sur l'arbitrage à venir.

M. Philippe Chaulet - Vous n'évoquez que la situation du département, mais les communes se voient prélever d'office, sur la DGF, des montants exorbitants car calculés sur des bases fausses. Elles sont ainsi pénalisées par la mauvaise gestion du conseil général. C'est ainsi que ma commune voit ses ressources de fonctionnement amputées de 2,8 millions de francs depuis 1997, pour une dépense qui n'était que de 800 000 F en 1996. Cette différence, qui ne se justifie pas, est considérable pour une petite collectivité.

M. le Secrétaire d'Etat - Le réexamen de la base de calcul pour le département auquel va procéder la commission consultative d'évaluation des charges aura un effet mécanique sur le montant du contingent d'aide sociale des communes.

M. Alfred Marie-Jeanne - Votre budget prévoit l'octroi d'une aide exceptionnelle en faveur d'une partie des occupants de la zone des 50 pas géométriques, pour leur permettre d'accéder à la propriété, mais ne règle pas le sort d'autres occupants. Il s'agit en premier lieu des personnes dépourvues de titres de propriété et qui occupaient des parcelles de la zone bien avant l'adoption de la loi littoral. Ces parcelles ont été transférées pour partie dans le domaine privé forestier par arrêtés préfectoraux. De ce fait, ces laissés-pour-compte ne disposent pas de la possibilité de régularisation offerte par la loi du 30 décembre 1996. Pire : ils sont poursuivis devant les tribunaux.

Par ailleurs, d'autres personnes, redevables de la taxe foncière sans être propriétaires souhaitent le devenir.

Dans ces conditions, la question se pose de la nécessaire représentation de tous les intéressés au sein de l'agence de mise en valeur de cette zone. Une réforme législative complémentaire ne devrait-elle pas régler une fois pour toutes ce problème lancinant ?

M. le Secrétaire d'Etat - On ne peut que se féliciter de la création des deux agences, dont la tâche, considérable, doit se faire dans le respect de la législation et en cohérence avec les plans de développement des communes. La question que vous évoquez avait suscité un large débat lors de l'examen de la loi adoptée le 30 décembre 1996. Comme d'autres, vous estimez que certaines dispositions de ce texte devraient être modifiées, car leur application crée des difficultés. Je ne l'exclus pas, car je sais que l'aide apportée aux familles les plus défavorisées pour racheter ces parcelles peut paraître insuffisante. Mais avant de réviser la loi, il faut en dresser un bilan. Je vous invite donc à vous rapprocher, pour cela, du représentant de l'Etat en Martinique.

M. Claude Hoarau - Mme Marie-Hélène Aubert, qui préside nos travaux ce soir, avait interrogé le Gouvernement, le 19 juin, au sujet de la construction de l'usine hydrométallurgique Goro Nickel en Nouvelle-Calédonie. Je vous la pose à nouveau car, alors que le permis de construire de l'usine doit être délivré dans un mois, aucune garantie juridique, aucune garantie économique, aucune garantie environnementale ne sont offertes à la population.

Aucune loi de l'environnement n'existe encore en Nouvelle-Calédonie.

Etant donné l'urgence, nous proposons donc que soit classé en réserve intégrale tout le territoire de la Nouvelle-Calédonie. Le régime dérogatoire par projet permettra la consultation et l'information en temps utile - et non dans l'urgence - des populations concernées. Les contrôles seront faits par un organisme indépendant.

Aucune stratégie de développement économique partagé et durable n'est proposée à la population : actuellement, la société a fait appel à des sous-traitants pour la construction de l'usine. 2 000 Philippins travailleront dans des conditions qui ne respectent pas la législation du travail calédonienne, alors qu'une défiscalisation importante a été accordée par le ministère des finances pour privilégier l'emploi local.

Des sondages et des trouées au bulldozer sont faites qui détruisent la forêt primaire sans étude d'impact et au mépris de la culture traditionnelle. Certes, l'opérateur s'est engagé à respecter les « normes les plus contraignantes » françaises ou européennes en matière de rejets, mais aucune usine de cette sorte n'existe sur le sol français et aucune précision sur la teneur exacte des rejets n'a été apportée par la société. De plus, aucun fonds de secours n'est prévu en cas d'accident.

La proximité de la « plaine des lacs » est occultée et aucune mesure de protection préventive n'est envisagée. Quant aux tentatives de reboisement, elles ne sont toujours pas concluantes.

L'opacité et l'inertie sont telles que nous aimerions que l'Etat participe activement à la création d'un organisme de contrôle indépendant.

Après l'amiante, le sang contaminé, le nuage de Tchernobyl, nous n'avons plus confiance. Nous voulons des garanties sérieuses émanant d'organismes indépendants intègres, choisis par nous-mêmes.

Etant donné l'importance des projets à venir et l'absence de loi de l'environnement, une réflexion complémentaire et de réelles garanties sont absolument nécessaires.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce projet, très important pour l'économie calédonienne, porte sur la légalisation d'une usine de production de nickel et de cobalt à Goro. Il fait appel à des procédés industriels tout à fait novateurs dont l'impact sur l'environnement doit être mesuré avec soin.

En ce domaine, ce sont les provinces qui ont compétence, en l'occurrence la province Sud. Mais je puis vous dire que la décision de soutien fiscal prise par l'Etat a été assortie d'une exigence concernant les normes environnementales. Par ailleurs, le service des Mines et de l'énergie fait appel, pour s'assurer de la qualité du dossier, à des organismes tels que l'IFREMER ou le bureau de contrôle des grands barrages.

Le Gouvernement se montre vigilant quant au respect de l'environnement, sujet sur lequel l'industriel concerné a pour le moins négligé la communication. Mais il s'efforce, me dit-on, de rattraper son retard.

Ce souci de respect des lois vaut également pour le droit du travail et pour la protection des salariés appelés à participer à ce chantier, dont nous souhaitons qu'il soit très profitable à l'économie calédonienne.

M. Alfred Marie-Jeanne - La politique actuelle de l'emploi en Martinique écorne à la fois le principe d'adaptation et celui de sincérité.

Pourtant, l'article 11 de la loi du 16 octobre 1997 permet de recourir au décret pour prendre des mesures spécifiques à l'outre-mer. Et l'on pourrait donc, par décret, remédier à la non-absorption par le secteur marchand des emplois-jeunes ; lever certaines incertitudes juridiques ; considérer la réalité du marché du travail et partant élargir l'offre de formation.

Il faudrait aussi revoir l'article 15 de la loi d'orientation afin de mieux adapter le congé-solidarité aux réalités du terrain.

Pour ce qui est de la sincérité, rappelons que la nouvelle manière de comptabiliser introduite en février 2000 a conduit à la radiation artificielle de 8 515 demandeurs d'emploi dès les quatre premiers mois qui ont suivi son instauration. Une enquête s'impose.

Et les solutions, Monsieur le secrétaire d'Etat, ne dépendent que de votre volonté de les mettre en _uvre.

M. le Secrétaire d'Etat - Permettez-moi tout d'abord de me réjouir que la courbe du chômage ait été inversée à la Martinique, même si nous partions d'un niveau élevé et même si cette inversion de tendance est venue après celle de l'hexagone. Et ce sont les jeunes qui en ont profité principalement puisque le nombre de jeunes demandeurs d'emploi a diminué de 10 %.

Pour ce qui est du congé de solidarité, je tiens à ce qu'on trouve rapidement un bon compromis sur le sujet car des milliers d'emplois sont en jeu. L'Etat apportant 60 % du financement, je souhaite que les discussions avec les collectivités locales et les partenaires sociaux débouchent rapidement. Nous disposerons alors d'un puissant levier pour que beaucoup de jeunes soient recrutés en contrat à durée indéterminée.

Les emplois-jeunes ont beaucoup apporté à toute une génération qui restait à l'écart du marché du travail et ont permis de répondre à de nombreux besoins sociaux. Notre objectif est d'en pérenniser le plus possible. Des mesures spécifiques seront prises à cet effet pour l'outre-mer, qui bénéficiera en 2002 de 10 % des emplois-jeunes supplémentaires.

S'agissant du nombre de demandeurs d'emploi, on peut bien sûr passer au crible les statistiques de l'UNEDIC. Je veux simplement rendre hommage à la vitalité des entreprises martiniquaises, qui a permis cette baisse du chômage dont je parlais. Et quand bien même le traitement technique des chiffres de l'emploi aurait fait apparaître momentanément une baisse des inscriptions à l'ANPE, les demandeurs d'emploi concernés auraient été réinscrits un mois ou deux après. L'infléchissement positif de la courbe est donc apprécié sur la durée.

Mme la Présidente - J'appelle les crédits inscrits à la ligne outre-mer.

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ÉTAT B

Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de l'état B, titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT C

Les crédits de l'état C, titre V, et de l'état C, titre VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Prochaine séance demain, mardi 30 octobre, à 16 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MARDI 30 OCTOBRE 2001

A SEIZE HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262).

M. Didier MIGAUD, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 3320.)

Environnement

M. Michel SUCHOD, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 7 du rapport n° 3320.)

Mme Annette PEULVAST-BERGEAL, rapporteure pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome IV de l'avis n° 3325.)

A VINGT-ET-UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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