Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (2001-2002)

Session ordinaire de 2001-2002 - 18ème jour de séance, 43ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 31 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

ÉVOLUTION DE LA COURBE DU CHÔMAGE 2

APPEL DU MEDEF 2

DÉTENUS CORSES 3

VOLS SPATIAUX 4

POLITIQUE DE DÉFENSE 5

MOULINEX 6

PROCHE-ORIENT 6

LIAISON LYON-TURIN 7

INCITATION À LA PARTICIPATION ÉLECTORALE 8

OPA SUR AVENTIS 9

AIDE AUX VICTIMES DE TOULOUSE 9

MALAISE DANS LA GENDARMERIE 10

CONCENTRATION DE LA DISTRIBUTION
À LA RÉUNION 11

SÉCURITÉ QUOTIDIENNE
-Lecture définitive- (suite) 11

EXPLICATIONS DE VOTE 33

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 5 NOVEMBRE 2001 37

La séance est ouverte à quinze heures.

Top Of Page

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Top Of Page

ÉVOLUTION DE LA COURBE DU CHÔMAGE

M. Bruno Bourg-Broc - Pour le cinquième mois consécutif, le chômage a augmenté en septembre, et plus de 9 % de la population active est à nouveau sans emploi. De plus, tous les indicateurs sont au rouge : réduction des embauches d'intérimaires, augmentation des licenciements, recul des créations d'emplois... Ce n'est pas en multipliant les emplois-jeunes, les contrats emploi-solidarité, les stages d'insertion, ni en contraignant encore les entreprises déjà pénalisées par la RTT que vous réglerez ce problème dû à votre imprévoyance. Maintenant que les fonds publics sont épuisés, que compte faire le Gouvernement ? Vous limiterez-vous à modifier le mode de calcul du nombre de chômeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le taux de chômage a à nouveau augmenté en septembre, et nos pensées vont vers ceux que la précarité de leur emploi a plongé dans cette situation. Cependant, vous vous êtes attaché à brosser un tableau très noir, en passant sous silence les éléments positifs - et ils existent. Ainsi, le chômage de longue et de très longue durée continue de décroître, de même que le nombre de érémistes et la durée du chômage. De plus, il faut garder le sens des proportions et, tout en déplorant ces quelques dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires, en rapporter le nombre au million de salariés qui a retrouvé un emploi depuis quatre ans, grâce à la politique que nous avons menée (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le fait est, Messieurs, que nous avons mieux réussi que nos partenaires européens, puisque le chômage a diminué en France davantage qu'en Angleterre, et qu'il a augmenté en Allemagne (Mêmes mouvements). La croissance retrouvée ne peut, à elle seule, expliquer cette évolution, et ce sont bien les emplois aidés, l'aide à l'insertion et la RTT qui ont enrichi l'offre d'emplois, et qui nous permettent aujourd'hui d'amortir le choc du ralentissement économique et l'impact des événements du 11 septembre (Mêmes mouvements).

Je constate que les prévisions catastrophistes ne se sont pas réalisées, et certains éléments nous permettent d'espérer que la situation va s'améliorer : la protection industrielle se maintient, les immatriculations de véhicules résistent, et la consommation aussi. A cela, le doublement de la PPE et la mobilisation de tous les ressources des services publics en faveur des emplois aidés ne peuvent être étrangers.

Quant à la modification des modes de calcul du chômage, elle relève d'une décision prise par l'INSEE, institution indépendante, à laquelle le Gouvernement n'a présenté aucune demande (Mêmes mouvements), car il ne cherche pas à masquer la réalité, mais à l'affronter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

APPEL DU MEDEF

M. André Lajoinie - Alors que les mutations sociales demandent des solutions innovantes pour assurer l'épanouissement des individus, un cénacle de barons du patronat français, sous la houlette de l'emblématique M. Seillière continue de décoder la société avec les lunettes du passé. Non contents d'esquiver leurs responsabilités d'entrepreneurs, comme leur président y excelle, ces 56 présidents de grands groupes prétendent obtenir la modification de la législation sur les licenciements économiques en cours d'examen par le Parlement. Cette obstination à vouloir faire des salariés une simple variable d'ajustement est insupportable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Faut-il rappeler que les mesures adoptées ici en première lecture visent pour l'essentiel à prévenir les licenciements abusifs et à renforcer l'obligation d'informer les salariés et leurs représentants, lesquels disposeront d'une capacité d'intervention nouvelle ? Ces droits nouveaux n'ont rien d'outrancier, au moment où le chômage repart à la hausse !

Un député DL - Cela ne vous coûte pas cher !

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. André Lajoinie - Cette pétition constitue une ingérence scandaleuse dans le processus législatif. Aussi, Madame la ministre de l'emploi, je vous demande de faire respecter la souveraineté du Parlement et, puisque le Gouvernement est maître de l'ordre du jour de nos travaux, de faire en sorte que la loi de modernisation sociale soit rapidement adoptée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je suis très attentive à l'opinion du MEDEF, et j'ai donc lu cette pétition avec beaucoup de soin. J'y ai appris que le projet de loi nuirait à la réactivité des entreprises et au dialogue social, allégation que je ne peux accepter, puisque c'est l'inverse qui est visé. L'objectif recherché est que les chefs d'entreprise consultent les salariés sur les décisions stratégiques, en particulier s'ils prévoient une restructuration et des licenciements. Ainsi les salariés pourront-ils présenter des propositions alternatives, avec l'aide éventuelle de médiateurs.

Je souligne que ce texte va dans le sens de l'évolution communautaire ; n'est-ce pas, d'ailleurs, à l'instigation de la France qu'a été adoptée la directive « Renault-Vilvoorde » ?

Ce texte doit être adopté, d'autant qu'il a d'autres mérites : il introduit dans la législation la notion de harcèlement moral dans l'entreprise et la validation des acquis professionnels. Cette dernière disposition sera d'un grand bénéfice aux titulaires des emplois-jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

Top Of Page

DÉTENUS CORSES

M. Henri Plagnol - Monsieur le Premier ministre, je vous ai interrogé le 3 octobre 2000 sur la teneur exacte des accords de Matignon sur la Corse, vous demandant en particulier de confirmer qu'il n'y avait eu aucune tractation secrète visant au regroupement de tous les détenus corses dans une autre prison de l'île, pour répondre à une demande insistante des nationalistes. Vous m'avez répondu qu'il n'était « ni possible, ni souhaitable » de regrouper en Corse les détenus condamnés.

J'ai donc été aussi surpris que choqué par la déclaration du ministre de l'intérieur indiquant qu'il acceptait le principe du regroupement des prisonniers corses à Borgo. Circonstance aggravante : cette annonce a été faite par le ministre alors qu'il se trouvait en Corse, au lendemain d'un énième assassinat, pour relancer le processus de Matignon, au point mort depuis le retrait des nationalistes.

Tous les observateurs ont le sentiment d'un « donnant-donnant » et d'une concession supplémentaire à quelques mois des élections. Dans vos premiers commentaires, vous avez enté de banaliser l'affaire, de la ramener à un simple problème de politique pénitentiaire. Vous ne pouvez en rester là ni vous payer de mots : une clarification s'impose !

De deux choses l'une. Soit le ministre de l'intérieur ne vous avait pas informé et vous devez le désavouer clairement aujourd'hui, quitte pour lui à prendre alors ses responsabilités comme l'a fait son prédécesseur dans des circonstances similaires. Soit, comme on peut le penser s'agissant d'un point aussi sensible, vous étiez informé : si tel est le cas, jusqu'où abaisserez-vous encore l'Etat pour sauver le processus de Matignon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Autant qu'à ma déclaration, sur laquelle je reviendrai in fine, je souhaiterais que vous vous référiez à celle, très brève, qu'a faite en Corse le ministre de l'intérieur : je vous mets au défi d'y retrouver la proposition de regrouper les détenus corses, nationalistes ou non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Le propos n'appelait en rien déformations ou polémiques !

Qu'envisageons-nous ? Simplement la création d'un centre de détention dans une île où il n'existe actuellement que deux maisons d'arrêt - à Borgo et à Ajaccio. Or cette lacune est source de discrimination aussi bien pour les condamnés à de longues peines que pour leurs familles, par les limitations qu'elle apporte au droit de visite.

Nous projetons donc de réaliser en Corse un centre de détention, une centrale, dans le cadre du plan de modernisation des établissements pénitentiaires annoncé par Mme la Garde des Sceaux (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Dans quel délai ? La mise en _uvre de ce plan national exigera plusieurs années (« Ah ! » sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Tout cela ne modifie en rien la situation des personnes placées en détention provisoire pour des faits de terrorisme : toute mesure de rapprochement en leur faveur est exclue, puisqu'ils doivent rester à la disposition des juges d'instruction, qui se trouvent à Paris.

Ne change pas non plus la situation des personnes condamnées à de longues peines, puisque leur peine ne peut être accomplie que sur le continent, faute de centre de détention ou de maison centrale en Corse.

Les mesures individuelles de rapprochement accordées par l'administration pénitentiaire ne se sont traduites, pour la même raison, que par des transferts vers des établissements du Sud de la France. C'est pour les bénéficiaires de ces mesures que nous envisageons, à terme, la création d'un centre de détention. Je précise que l'ensemble des élus de Corse qui participaient à la réunion pendant laquelle Daniel Vaillant s'est exprimé, ont approuvé ce projet - pour des raisons évidentes que vous devriez bien faire vôtres ! Et je répète que nous ne songeons en rien à regrouper les détenus condamnés pour faits de terrorisme. Je m'en tiens donc à ce que je disais le 3 octobre : ce qui n'était alors « ni possible ni souhaitable » le reste ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Quant au processus de Matignon, il n'est certainement pas au point mort : le Sénat va examiner la semaine prochaine le projet sur la Corse, que cette assemblée a déjà adopté en première lecture, à une majorité d'ailleurs plus large que la majorité gouvernementale. Pour notre part, nous avons été attentifs aux propositions de l'assemblée territoriale et tous les élus présents à la séance qui nous occupe ont confirmé leur accord avec le processus engagé. Ne vous préoccupez donc pas tant de ceux qui étaient absents et ne rejetez pas ce qui vous gêne uniquement parce que cela rompt avec les tractations secrètes et les conférences de presse clandestines, qui étaient le lot habituel à votre époque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Nous menons le dialogue au grand jour, nous !

Je remercie le ministre de l'intérieur du travail qu'il accomplit, aussi bien pour la Corse que pour la sécurité intérieure et contre le terrorisme (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Nous attendons des Corses qu'ils s'engagent dans la voie de la responsabilité et qu'ils renoncent à la violence politique pour travailler à leur développement. Ce qui est en cours dans l'île va dans la bonne direction. Si vous n'avez pas d'autres propositions, abandonnez au moins ces polémiques qui ne sont ni dans l'intérêt de la Corse ni dans l'intérêt de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste)

Top Of Page

VOLS SPATIAUX

M. Robert Honde - Monsieur le ministre de la recherche, Mme Haigneré vient d'atterrir au Kazakhstan, en compagnie de ses deux coéquipiers russes, après un vol de dix jours dans l'espace. Quelles expériences scientifiques ont pu être menées au cours de cette mission Andromède ? Quels résultats en attendre ? Pourquoi ce vol a-t-il été qualifié de « vol-taxi » ? (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Enfin, un autre astronaute français aura-t-il bientôt la possibilité de s'envoler vers la station spatiale internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. le Président - Voilà qui nous élève ! (Sourires)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche - En effet, la capsule Soyouz a atterri ce matin au Kazakhstan, à 4 heures 59 exactement. J'ai pu peu après joindre par téléphone Claudie Haigneré, à qui j'ai adressé mes félicitations personnelles, celles du Gouvernement et, j'en suis sûr, les vôtres (Applaudissements sur plusieurs bancs). Par son courage et sa compétence, elle donne une très belle image de la France et je me réjouis que le premier Français à avoir pris pied à bord de la station spatiale internationale soit une femme, et une scientifique.

Les Américains entendent par « vol-taxi » un vol tendant à amener un vaisseau de secours destiné à se substituer au vaisseau existant, qui n'a que six mois de durée de « vie ». Presque tous les vols spatiaux sont des vols-taxis mais celui-ci avait aussi une vocation scientifique. Beaucoup d'expériences ont été menées en vue d'étudier le fonctionnement du système cardio-vasculaire et du cerveau, et les astronautes ont également observé la pollution au-dessus des grandes villes.

Le premier vol d'un Français pour la station n'était initialement prévu que pour 2005. Grâce à un accord avec le vice-Premier ministre russe, ce vol a pu être avancé et, grâce à l'administration de la NASA, un autre Français, Philippe Perrin, devrait s'envoler à son tour au printemps prochain, cette fois à bord d'une navette américaine (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Top Of Page

POLITIQUE DE DÉFENSE

Mme Nicole Ameline - Monsieur le Premier ministre, de votre réponse de tout à l'heure, je conclus que votre ministre de l'intérieur a parlé pour ne rien dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

En mission aux Etats-Unis, nous avons constaté combien les Américains étaient sensibles au soutien de la France. Depuis les odieux attentats du 11 septembre, toutes les grandes démocraties ont réagi, faisant face à la menace terroriste et participant aux opérations militaires menées par les Etats-Unis. Elles ont accru leur budget militaire et leur budget de sécurité intérieure, préparant leur opinion à une guerre longue. L'immobilisme de votre gouvernement est donc totalement incompréhensible. La loi de programmation militaire est devenue à l'évidence inadaptée et nous devons repenser notre stratégie comme nos priorités. Ce ne sont pas les 413 amendements au projet de loi sur la sécurité quotidienne qui peuvent y suffire !

Quelles initiatives comptez-vous prendre pour faire face aux menaces persistantes ? Votre discrétion et le déficit de votre communication apparaissent inexplicables. Quelle est votre réelle volonté politique ? Pourquoi le Parlement n'est-il pas consulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Beaucoup de vos questions trouveront une réponse lorsque nous examinerons les crédits de la défense ! Ce budget sera conforme à la loi de programmation, s'agissant notamment de l'équipement des forces. L'année 2002 étant la dernière de cette loi, nous pouvons même dire avec certitude que celle-ci aura été réalisée à 94 %, ce qui est sans précédent au cours des trente dernières années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nous devons bien entendu poursuivre une réflexion complémentaire, compte tenu de la nature de la menace terroriste. Celle-ci est d'abord le fait d'une tête de réseau située en Afghanistan : nous luttons contre ce premier danger, dans le cadre de la coalition internationale. Mais il y a surtout des fragments de réseau dans tous les pays développés et démocratiques. Notre objectif est donc de développer les capacités policières, les capacités d'investigation, les capacités de renseignement. De ce dernier point de vue, la France est sans doute un des pays les mieux préparés. Elle apporte beaucoup de moyens de détection à la coopération internationale et nombre de ses partenaires prennent exemple sur elle.

En ce qui concerne la communication, chaque gouvernement choisit son mode d'expression. La détermination et la solidarité des autorités françaises ont été exprimées à plusieurs reprises depuis le 11 septembre par le chef de l'Etat et par le chef du Gouvernement.

Enfin, en ce qui concerne l'information du Parlement, votre question ne pouvait mieux tomber puisque le Premier ministre réunira sur ce sujet, dès la fin de cette séance de questions, l'ensemble des présidents de groupe et de commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

MOULINEX

M. Louis Mexandeau - Il y a une semaine, les milliers de salariés de Moulinex ont appris la terrible nouvelle : presque tous les sites du Calvados et de la Basse-Normandie sont condamnés à la fermeture. Une autre inquiétude est en outre apparue quant au versement des salaires du mois d'octobre, compte tenu de la situation financière du groupe. Laurence Dumont, Philippe Duron, Yvette Roudy, Alain Tourret et moi-même...

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Et les autres ?

M. Louis Mexandeau - ...sommes certains que le Gouvernement partage comme nous l'angoisse des salariés. Pouvez-vous, Monsieur le ministre de l'industrie, répondre à leurs inquiétudes quant au versement des salaires et aux perspectives de réemploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le Gouvernement a pris comme vous toute la mesure du drame économique, social, industriel qui frappe votre région en raison de la situation de Moulinex et à la suite de la décision souveraine du tribunal de commerce de Nanterre.

Depuis plusieurs semaines, nous exprimons avec force une solidarité très active. Nous devons agir, avec les collectivités locales, pour limiter les conséquences sociales de ce drame humain et pour favoriser la réindustrialisation des sites.

A cette fin, le Premier ministre a nommé un conciliateur (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) chargé de coordonner les actions. M. Michel Bove s'est mis immédiatement au travail, a tenu plusieurs réunions.

M. Yves Nicolin - Baratin !

M. le Secrétaire d'Etat - Mes services étudient les projets de reprise pour les sites de Falaise, Alençon, Cormelles et sans doute Bayeux. Les expertises montreront si ces solutions sont fiables.

M. Yves Nicolin - Baratin !

M. le Secrétaire d'Etat - Je puis rassurer les salariés : la paye d'octobre sera assurée, ainsi que celle de novembre. Cela ne nous empêchera pas à continuer de rechercher des solutions économiques et industrielles en vue de la poursuite de l'activité des sites et de Moulinex. Comme nous l'avons fait devant vous les semaines précédentes, Mme Guigou et moi-même vous assurons de notre totale détermination pour cela (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

PROCHE-ORIENT

M. Henri Bertholet - L'assassinat, il y a une quinzaine de jours, d'un ministre israélien, venant à la suite des assassinats ciblés de leaders palestiniens, a relancé un cycle d'affrontements qui s'était à peine apaisé sous la pression internationale, et dont chacun sait qu'il ne cessera définitivement qu'après la fin de l'occupation par Israël des territoires conquis en 1967.

En attendant, faute d'un juste règlement de ce conflit historique, faute de la création d'un Etat palestinien viable, faute de solides garanties de sécurité, faute d'un retour à un véritable processus de paix, la région ne fera que s'enfoncer dans la violence et la haine, au détriment des droits du peuple palestinien, de la sécurité des deux peuples, de la stabilité de la région et du monde.

Dans la recherche de ce juste règlement, la France a, depuis de nombreuses années, défendu des positions souvent en avance sur ses partenaires européens et américain. Elle a joué un rôle décisif dans l'expression d'une position de principe de l'Union européenne. Il y a quelques jours encore, chacun a noté avec intérêt, Monsieur le ministre des affaires étrangères, vos déclarations à un journal du soir.

Cependant, alors que l'administration Bush redécouvre l'urgence de la question du Proche-Orient, on peut regretter que l'Union européenne ne fasse pas entendre une voix plus résolue, qu'elle ne cherche pas à peser davantage en faveur d'une solution politique. Elle est pourtant le premier partenaire commercial d'Israël, auquel la lie un accord d'association dont l'article 2 prévoit qu'il peut être suspendu en cas de violation grave des droits humains par l'une des parties...

Quels efforts supplémentaires la France peut-elle déployer, quelles initiatives peut-elle prendre, autant que faire se peut avec l'Union européenne, afin de tenter d'obliger ceux qui ne le veulent manifestement pas à revenir à un processus de paix afin d'aller vers un règlement fondé sur le droit international et la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - J'ai fort peu à ajouter à votre excellente présentation. Vous avez retracé avec justesse les efforts de pédagogie que la France déploie depuis des années. Nous rappelons régulièrement que seul un Etat palestinien viable peut garantir la sécurité de ces deux peuples qui doivent coexister. Nous travaillons aussi, dans l'urgence, en vue d'un retrait israélien des zones sous autorité palestinienne. Nous appelons chaque jour à la constitution d'une vaste coalition pour la paix et la stabilité au Proche-Orient.

Nous sommes parfois non pas désespérés mais accablés et nous savons bien que toutes les pressions internationales ne pourront ni contraindre les Palestiniens à signer un accord qui ne serait pas conforme à leurs aspirations légitimes, ni convaincre les Israéliens de cesser de se focaliser sur leur sécurité. L'action de l'Europe est de plus en plus cohérente et énergique, mais ce sont les Palestiniens et les Israéliens qui sont responsables devant leurs peuples et devant l'histoire.

Pour notre part, nous continuerons à agir sur tous les plans, avec une énergie constante (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

Top Of Page

LIAISON LYON-TURIN

M. Michel Bouvard - Le massif alpin est endeuillé une fois encore, avec l'accident du tunnel du Saint-Gothard, qui rappelle cruellement l'extrême fragilité de nos systèmes d'échanges. Tandis que le trafic des camions était multiplié par cinq, aucun ouvrage nouveau n'a été réalisé.

Nous avons pris acte avec satisfaction de la décision courageuse du ministre des transports, malgré les pressions successives de Mme Voynet et de M. Cochet, de rouvrir le tunnel du Mont-Blanc aux poids lourds, même si l'alternat posera quelques problèmes.

Mais la seule véritable solution est le transport ferroviaire du fret. La Suisse a décidé depuis plusieurs années de consacrer 130 milliards à la réalisation de deux nouveaux tunnels. Pour la France et l'Italie, la réalisation de la liaison Lyon-Turin a été décidée en 1993 par MM. Bosson et Barnier. Elle a été inscrite parmi les grands travaux européens au sommet d'Essen. Plus récemment ont été annoncées la réalisation de la partie française et, au sommet de Turin, la création de la section internationale.

Mais, malgré ces avancées, le financement de l'ensemble n'est pas assuré.

Lors de la discussion sur le texte sécurité et transports, M. Gayssot nous a assurés qu'un allongement de la concession des autoroutes permettrait de dégager un milliard pour financer l'intermodalité et les infrastructures. Mais, la semaine dernière, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, M. Fabius a fait adopter un amendement relatif à la cession d'une partie du capital d'Autoroutes du Sud de la France. Si l'on cède ainsi la partie la plus juteuse des actifs et que l'on renonce ainsi aux dividendes, comment financera-t-on Lyon-Turin ? Va-t-on affecter une partie des 15 milliards que rapportera la privatisation partielle d'ASF au financement de nouvelles infrastructures ou consacrera-t-on toute cette somme au fonds de réserve des retraites, où elle serait une goutte d'au dans les 1 000 milliards prévus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Plusieurs sommets franco-italiens ont traité cette question. Au cours du premier auquel j'ai assisté, sur proposition du gouvernement de Lionel Jospin, 300 millions avaient été dégagés pour financer les études. Le dernier sommet a confirmé, à Turin, l'annonce faite par le Premier ministre le 19 janvier à Chambéry, de la décision d'achever la réalisation.

Nous avons même réussi à convaincre nos amis italiens de faire passer l'échéance de 2015 à 2012. D'ici là, il faudra dégager les moyens financiers nécessaires. Mais contrairement à vous, Monsieur Bouvard, je n'attendrai pas 2012 pour me préoccuper du ferroutage ! Le wagon Modalohr sera homologué en mai et tous les investissements et travaux seront faits pour qu'en 2002 l'équivalent de 50 000 poids lourds empruntent la ligne historique. A terme, l'équivalent d'un million de poids lourds seront déviés sur la ligne Lyon-Turin et on pourra réellement parler d'un transfert de la route au rail.

Comment financer cela ? Vous avez déjà voté l'affectation des dividendes autoroutiers à l'intermodalité. En ce qui concerne ASF, 5 milliards seront dégagés, dont une partie pour le ferroutage en Rhône-Alpes. Ces dividendes nous procureront de nouvelles capacités d'investissement chaque année. S'y ajouteront les participations des Etats français et italien et aussi de l'Europe, dont je m'étonne que vous ne vouliez pas davantage la solliciter.

Plusieurs députés RPR et UDF - Nous voudrions bien !

M. le Ministre - Nous sommes en train de lui demander des financements. Il n'y aura aucun retard dans les réalisations ferroviaires pour le massif alpin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Top Of Page

INCITATION À LA PARTICIPATION ÉLECTORALE

M. Jean-Pierre Dufau - La loi du 10 novembre 1997 relative à l'inscription d'office des jeunes de 18 ans sur les listes électorales avait pour but de faciliter l'accès à la citoyenneté. Elle a soulevé un assez large consensus. A la demande de la commission des lois, dont notamment Jacques Brunhes, dont je salue l'entrée au Gouvernement, et Jean-Luc Warsmann, j'ai rédigé un rapport qui montre que la loi n'a pas été appliquée. En 2001, la moitié seulement des jeunes inscrits de 18 ans devait bénéficier de cette procédure. Avant les échéances décisives de 2002, qu'allez-vous faire pour que la loi soit mieux appliquée et la volonté du législateur respectée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et, compte tenu du nombre de nos concitoyens qui ne reçoivent pas leur carte d'électeur, comment comptez-vous inciter les Français à aller voter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Au préalable, je tiens à vous féliciter de la qualité de votre rapport (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La loi du 10 novembre 1997 maintient un double régime d'inscription des jeunes de 18 ans : par une démarche volontaire semblable à celle de tous les électeurs et par une inscription d'office au vu d'informations transmises par l'INSEE. Cette procédure n'est pas automatique. Le bilan de 2001 est encourageant : près de la moitié de la classe d'âge concernée a été inscrite d'office. Au total, 88,6 % des jeunes de 18 ans sont inscrits sur les listes électorales.

Pour 2002, le dispositif d'inscription d'office pourra fonctionner à plein régime puisque l'INSEE disposera désormais d'un fichier exhaustif. En outre, pour la première fois, sera mise en _uvre une procédure spécifique d'inscription des jeunes qui auront 18 ans à la veille des deux scrutins de 2002.

Enfin, nous lançons avec un collectif d'associations agissant en faveur de la citoyenneté une grande campagne d'information pour inciter les citoyens de tous âges à s'inscrire ou vérifier leur inscription. Votre rapport a mis en lumière des difficultés d'application et nous ferons tout pour que le plus grand nombre de nos concitoyens puissent faire usage de leur droit de vote (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Le temps de parole de l'UDF est épuisé. Nous reviendrons à la question de M. Foucher si nous en avons le temps.

Top Of Page

OPA SUR AVENTIS

M. Pierre Carassus - Avec un chiffre d'affaires de 35,44 milliards de francs en 2001, le groupe Rhodia, ancienne filiale de Rhône-Poulenc - devenu Aventis - est le leader de la chimie française. Mais ces résultats sont jugés décevants par ses actionnaires. Malmené par les marchés boursiers, le groupe pourrait faire l'objet d'une OPA de la part de l'allemand BASF et de la société néerlandaise DSM. Suivant leur logique de pure rentabilité, les actionnaires ne demandent pas mieux que de livrer le chimiste français à ces sociétés étrangères.

Après la privatisation de Rhône-Poulenc et les scissions qui ont été opérées, allez-vous vous contenter d'observer en spectateur l'action des marchés financiers, alors même que le Premier ministre en appelle au patriotisme économique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les rumeurs que vous évoquez ont perdu beaucoup de leur substance. Il est vrai qu'Aventis souhaitait de longue date céder sa participation de 25 % dans Rhodia pour se concentrer sur la pharmacie et que BASF a été consulté - sans être intéressé - tandis que DSM, dont la situation se détériore, doit céder sa pétrochimie. Mais il faut avant tout tenir compte de la vision prospective que nous avons de Rhodia, leader mondial dans la chimie de spécialité. Les atouts du groupe et notre stratégie industrielle se conjuguent pour que l'entreprise n'ait pas à craindre les conséquences d'un éventuel rapprochement. La loi sur les nouvelles régulations économiques a d'ailleurs amélioré la participation des salariés dans les opérations de rapprochement. Le Gouvernement continue, pour sa part, de faire en sorte que les entreprises françaises bénéficient d'un environnement favorable à l'innovation et renforcent leurs pôles d'excellence, tout en tenant compte des impératifs sociaux et aussi environnementaux. La chimie française mérite bien nos efforts. Rhodia est un des fleurons de nos industries et nous entendons qu'elle demeure en tête au niveau mondial (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

AIDE AUX VICTIMES DE TOULOUSE

M. Henri Nayrou - Au nom des élus de la Haute-Garonne, je voudrais évoquer les conséquences de la catastrophe de Toulouse. Beaucoup a déjà été fait, mais cela n'empêche pas de rechercher encore d'autres dispositions utiles. Pourquoi par exemple ne pas débloquer les fonds des Toulousains qui bénéficient de plans d'épargne salariale ? Cet argent est bloqué pour cinq ans. Or c'est maintenant que les sinistrés en ont besoin. Il existe déjà neuf dérogations, liées à des situations familiales ou sociales. Une dixième au titre des catastrophes exceptionnelles serait la bienvenue. Il vaut mieux proposer des parapluies lorsqu'il pleut qu'attendre le retour du beau temps ! (Rires ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La catastrophe de Toulouse est d'une ampleur exceptionnelle et les mesures prises l'ont été aussi : 1,5 milliard de francs a été dégagé, sans compter des mesures fiscales - dégrèvements sans aucune démarche des taxes foncières ou professionnelles par exemple - ou un accord avec les assurances afin de simplifier les procédures d'expertise.

Débloquer les avoirs immobilisés au titre des plans d'épargne dans les entreprises semble aussi opportun. Les modalités précises en seront annoncées cet après-midi même. Dans une telle situation, la solidarité est indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

MALAISE DANS LA GENDARMERIE

M. Thierry Mariani - La gendarmerie traverse une crise sans précédent. Malgré une motivation et un sens du devoir intacts, les gendarmes ne supportent plus d'avoir une charge de travail intolérable, des contraintes de service de plus en plus lourdes. Les escadrons de gendarmes mobiles ont passé en 2000, 214 jours hors résidence, pour 180 prévus ! Dans la gendarmerie départementale, la moyenne quotidienne de travail est de 8 heures 30, plus 6 heures 30 d'astreinte immédiate !

Comment pouvez-vous accepter que les horaires hebdomadaires des gendarmes atteignent couramment cinquante heures ? Qui pourrait aujourd'hui tolérer une telle charge de travail, au détriment de sa vie familiale, sans y trouver la moindre reconnaissance professionnelle ou indemnitaire ? Si la fonction militaire comporte des sujétions particulières, la dégradation des conditions de travail des gendarmes est tout simplement inadmissible.

Crise dans la gendarmerie, délinquance en hausse, justice en panne : nous payons aujourd'hui la douloureuse addition d'un laxisme avéré et du mépris d'une institution tenue, il est vrai, au devoir de réserve et interdite de droit de grève.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour améliorer enfin les conditions de travail des gendarmes et leur permettre de bénéficier d'une véritable reconnaissance et de compensations indemnitaires qui soient à la hauteur de leur engagement au service de la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Les préoccupations que vous évoquez font l'objet - et vous le savez - de débats professionnels dans le cadre d'une concertation que j'ai patiemment développée et fait vivre depuis quatre années. Vous avez également omis d'évoquer les mesures que j'ai annoncées début 2000, lors d'un conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, qui ont permis d'alléger réellement la charge des gendarmes relevant de la gendarmerie départementale, dont vous savez, puisque vous connaissez les statistiques, qu'elles ont réduit de 8 à 10 % la charge hebdomadaire. Ceci s'est accompagné d'un plan complémentaire à la loi de programmation de 1 500 postes de gendarmes sous-officiers supplémentaires, que nous portons à 1 700 en inscrivant 200 nouveaux postes dans la loi de finances pour 2002. La charge de travail de la gendarmerie mobile et de la gendarmerie départementale reste cependant élevée, en raison de la multiplication des demandes émanant tant de l'autorité judiciaire que de l'autorité administrative. La concertation se poursuit donc et j'ai assisté à deux des réunions régionales préparatoires qui se tiennent en ce moment. Ces réunions se déroulent dans un esprit de concertation loyale et le Gouvernement prend en considération la surcharge de travail. A l'issue du processus, en novembre, il annoncera des mesures compensant équitablement, pour les gendarmes et les autres personnels militaires, cette surcharge. Le dialogue et la concertation doivent favoriser l'expression collective. Le Gouvernement y tient particulièrement. Si votre propos la complétait utilement, vous comprendrez que le Gouvernement s'attache à traiter le problème plutôt qu'à l'exploiter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

CONCENTRATION DE LA DISTRIBUTION À LA RÉUNION

M. André Thien Ah Koon - La loi relative aux nouvelles régulations économiques a laissé de côté le triste sort des producteurs et des distributeurs des départements d'outre-mer. Nos îles ont toujours été le théâtre, du fait de leur isolement, de conflits d'hégémonie entre les grandes familles et les grands groupes qui tentent de s'approprier la totalité du marché. Ce phénomène, qui s'était estompé avec la fin de la colonisation, réapparaît aujourd'hui et réduit nos PME à la portion congrue dans les secteurs des produits alimentaires, du bâtiment-travaux publics, de l'énergie et des transports maritimes et aériens. La révolte des consommateurs devant la hausse des prix du gaz et des carburants est révélatrice de l'état d'esprit de la population réunionnaise et les mouvements de défense des consommateurs se multiplient. En effet, les monopoles menacent la sécurité d'approvisionnement alimentaire de l'île, prennent en otage la population, favorisent l'augmentation du coût de la vie et font peser leur joug, par leur chantage, sur notre système politique administratif, économique et financier. Ils désertifient nos villages et nos quartiers, en contradiction avec la loi Voynet sur l'aménagement du territoire. Accepterait-on sans réagir en métropole que deux groupes se partagent 70 % du marché alimentaire ? Le Gouvernement connaît la situation et promet depuis plusieurs mois un dispositif législatif antimonopole pour l'outre-mer, mais celui-ci se fait attendre.

Dans cette lutte sans merci, le Gouvernement entend-il s'interposer pour rechercher d'urgence un équilibre entre les gros et les petits dans les DOM ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR)

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Comme de nombreux parlementaires, je suis préoccupé par les risques que cette hyperconcentration du commerce et de la distribution au profit de très grandes enseignes fait peser outre-mer. A la Réunion comme ailleurs, ces équipements commerciaux se sont beaucoup développés ces dernières années, au détriment du commerce traditionnel - pourtant vital -, de la concurrence et d'un aménagement équilibré. Nous entendons donc, François Patriat et moi-même, proposer, dans le respect des principes constitutionnels, une réponse juridique stable et définitive, par exemple dans le cadre de la loi d'orientation sur le commerce et l'artisanat. Nous voulons en effet endiguer ce phénomène qui ne sert aucunement la population.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de Mme Aubert.

PRÉSIDENCE de Mme Marie-Hélène AUBERT

vice-présidente

Top Of Page

SÉCURITÉ QUOTIDIENNE -Lecture définitive- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en lecture définitive du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

Mme la Présidente - Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des amendements et s'est arrêtée aux deux amendements identiques 3 et 78.

M. Christian Estrosi - Les victimes d'agressions commises sur la voie publique hésitent souvent à porter plainte car elles redoutent des représailles. Il est donc opportun de permettre au maire de se constituer partie civile au nom de la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise. Tel est l'objet de l'amendement 3.

M. Claude Goasguen - L'objectif de l'amendement 78 est le même. Certes, nous dira-t-on, « nul ne plaide par procureur », mais cet adage mérite d'être nuancé, puisque des associations de plus en plus nombreuses se substituent à des victimes. Pourquoi ce qui est accordé à certaines personnes morales ne le serait pas aux communes ? L'amendement se justifie d'autant mieux que la gravité des faits, ainsi soulignée par l'intervention des maires, incitera les parquets à ne pas classer la plainte sans suite, comme le manque de moyens les y oblige trop souvent.

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - Les arguments et les amendements ont été rejetés par l'Assemblée en deuxième lecture et par la commission. Jamais l'association des maires de France n'a formulé une telle demande. Rien de surprenant : cette disposition placerait les maires dans une situation impossible, car il leur appartiendrait de décider au cas par cas de l'opportunité de se constituer partie civile.

Il n'empêche que le respect de la dignité des personnes impose que les victimes puissent porter plainte sans crainte. Un premier pas en ce sens sera fait si l'Assemblée adopte, ultérieurement, la disposition autorisant le témoignage anonyme dans les cas où ont été commis des délits ou des crimes susceptibles d'être sanctionnés par cinq ans d'emprisonnement. Tenons-nous en à cela pour l'instant, et poursuivons la réflexion.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - La constitution de partie civile doit être réservée aux victimes, et l'opportunité des poursuites confiée au procureur de la République. Imaginez dans quelle situation se trouveraient les maires qui se constitueraient partie civile dans certains cas et qui ne le feraient pas dans d'autres ! Cette disposition est inapplicable, et mon avis est évidemment défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann - Je peine à suivre notre rapporteur. « L'idée est intéressante, creusons-la », dit-il une fois de plus, alors que nous en sommes à la troisième lecture, et nous avons déposé trois fois le même amendement ! Cette disposition ne coûte rien, et vous savez fort bien que de très nombreuses victimes n'osent pas porter plainte ! Si vous refusez ces amendements, acceptez au moins les suivants, qui visent à informer les maires du suivi donné aux plaintes. Est-il normal, qu'il nous faille apprendre par la rumeur ou par la presse - ce qui encore été le cas pour moi le week-end dernier - que des déprédations ont été commises sur le territoire de la commune que nous administrons !

M. René Mangin - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Luc Warsmann - Mais si ! C'est la réalité ! Aussi, quel que soit le système mis en place, il en faut un !

M. le Rapporteur - Pris isolément, vos amendements semblent anodins, mais l'on constate qu'ils organisent un système de sécurité au centre duquel serait le maire.

M. Alain Clary - Le shérif !

M. le Rapporteur - Ce n'est pas sur l'amendement de MM. Estrosi et Goasguen que j'ai pu inviter à la réflexion. En revanche, il convient de faire en sorte que toute victime puisse déposer plainte et que cette plainte soit suivie d'enquête.

Les amendements 3 et 78, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Thierry Mariani - Vous souhaitez, nous dites-vous, que les maires soient les « coproducteurs » de la sécurité. Mais actuellement, ils ne sont informés de l'issue des procès que par les comptes rendus des journaux locaux, à supposer que les échotiers ne soient pas absents des prétoires ! Est-il scandaleux de demander, comme le fait l'amendement 4, que le maire soit informé par le procureur des suites données aux plaintes ? Finissez-en avec cette suspicion idéologique à l'encontre des maires : nous ne voulons pas être des shérifs, mais des acteurs de la sécurité. Encore devons-nous, pour cela, avoir un minimum d'informations !

M. Michel Herbillon - Comment pensez-vous faire jouer aux maires un rôle plus important en matière de sécurité tout en les écartant du dispositif ? L'amendement 79 prévoit l'obligation pour le procureur de répondre au maire qui l'interroge sur les suites judiciaires données à une infraction commise dans la commune. Les contrats locaux de sécurité sont, pour l'heure, une mascarade, puisque les maires signataires continuent de n'être informés que par la presse !

M. le Rapporteur - Je ne parviens pas à déterminer si vous vous faites l'attaché de presse du ministère de la justice ou son pourfendeur. Nous avons entendu une charge sans nuances contre les magistrats de M. Estrosi aux yeux duquel seuls les policiers trouvent grâce. A présent, vous prenez pour motif les classements sans suite. Certes, il y en a...

M. Thierry Mariani - 80 % !

M. le Rapporteur - ...mais cela ne suffit pas pour mettre la justice en accusation !

Cet amendement ne représente pas un progrès : le texte voté en première lecture autorise déjà à faire ce que vous souhaitez. La seule différence tient à ce que, vous, vous refusez la concertation avec les services de l'Etat. L'amendement que nous avons adopté dispose en effet que, sous réserve des dispositions du code de procédure pénale, le représentant de l'Etat dans le département « associe le maire à la définition des actions de prévention de la délinquance (...) et l'informe régulièrement des résultats obtenus » (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Vous ne proposez rien d'autre mais, visiblement, vous êtes gêné par la suite qui dit : « Les modalités de l'association et de l'information du maire... peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'Etat » ! Vous souhaitez des pouvoirs nouveaux pour être en mesure de désigner telle ou telle insuffisance et, en fait, d'affaiblir l'Etat. Nous ne vous suivrons pas sur cette voie ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Seules les parties ont intérêt à connaître les suites données à leur plainte, et ces suites sont en général portées à leur connaissance par le parquet ou par les services d'enquête. Or le maire n'est pas une de ces parties. Cependant, la Garde des Sceaux et moi-même avons adressé aux préfets, les 3 et 9 mai, des circulaires les appelant à favoriser les échanges d'information entre le procureur, les services d'enquête et les maires. Depuis la réunion que nous avons ensuite organisée, le 6 septembre, entre préfets et procureurs, les rencontres se multiplient en ce sens sur le terrain. Nous répondons ainsi à votre préoccupation sans entrer comme vous dans des considérations juridiques hasardeuses.

M. Christian Estrosi - Je vous sais gré, Monsieur le rapporteur, de contredire aussi clairement les Français : en effet, vous leur expliquez que la justice fonctionne parfaitement et que le spectacle qui s'offre à eux quotidiennement n'est qu'un mirage. A vous entendre, il serait faux que les délinquants sont remis en liberté dès le lendemain de leur interpellation. En fait, depuis le début de cette discussion, vous prenez sans discontinuer la défense de ces délinquants plutôt que des honnêtes citoyens. Mais soit la Garde des Sceaux a donné au Parquet des instructions qui ne sont pas suivies d'effets, de sorte qu'il faudrait mettre en cause les magistrats ; soit elle s'est abstenue de demander qu'on poursuive et, dans ce cas, les magistrats ne sont que les victimes de votre système qui consiste à accroître sans cesse leurs charges sans leur donner les moyens de faire face - ainsi avec la loi sur la présomption d'innocence qui a provoqué une augmentation de près de 11 % des délits depuis le 1er janvier !

Reconnaissez donc que vous êtes en défaut : l'affaire Bonnal est assez éloquente mais je citerai aussi le cas de son complice de Champigny, interpellé jeudi et qui, à 21 ans, avait déjà été condamné pour vol avec arme ! Comment les Français ne seraient-ils pas affligés par cette situation délétère ?

Vous avez su vous montrer sévères à l'égard de plaisantins qui envoient par la poste des enveloppes contenant de la farine ou du sucre vanillé : certains ont été condamnés à six mois de prison ferme après être passés en comparution immédiate. Que ne manifestez-vous la même volonté partout ? Assurez donc aux maires l'information qui garantira un suivi quotidien de la délinquance et permettra de rétablir l'état de droit !

M. Jean-Luc Warsmann - Nous ne gagnerons le combat contre la délinquance qu'au prix de la transparence. Or, si nous votons cet amendement, nous en finirons avec le psychodrame habituel qui voit le ministre de l'intérieur retenir par devers lui les chiffres de la délinquance, puis les livrer au compte-gouttes. Nous, qui sommes pour la publication régulière de ces statistiques, voulons avec la même force que les maires soient informés de ce qui se passe dans leur commune.

Cette information sera gage d'efficacité accrue : les maires, constatant que tel type de délinquance se développe dans tel quartier, sera en mesure de prendre des mesures d'urbanisme, d'améliorer l'éclairage public, de mobiliser les offices d'HLM, en bref de réagir en temps réel. On ne peut tout piloter de Paris !

Vous nous opposez les circulaires des 3 et 9 mai, mais une circulaire ne peut introduire de notions de droit nouvelles. C'est de dispositions législatives que nous avons besoin !

Les amendements 4 et 79, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 5 est défendu.

M. Claude Goasguen - L'amendement 80, identique, tend à rétablir l'égalité entre les communes où la police nationale est présente et les autres. Dans les premières en effet, aux termes du code des collectivités locales, le maire perd au profit du préfet une partie de ses attributions de police municipale. Or il s'agit de plus de 1 600 communes, regroupant trente millions d'habitants ! Je conçois que des susceptibilités pourront faire obstacle à ce retour au droit commun que je demande, mais on ne pourra parler de coproduction de la sécurité tant qu'on ne changera rien à la situation actuelle. Tout se passe fort bien dans les autres communes : pourquoi ne pas généraliser cette formule ?

Les amendements 5 et 80, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 6 est défendu.

M. Claude Goasguen - De même le 81.

Les amendements 6 et 81, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 7 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 82 également.

Les amendements 7 et 82, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 8 est défendu.

M. Claude Goasguen - Avec l'amendement 83, nous en venons au sujet qui fâche, Monsieur le ministre : Paris. La situation de la capitale en matière de police est la plus archaïque et la plus inadaptée qui soit. Je vous demande donc de reprendre le texte adopté par le Sénat en première lecture, texte qui reprenait lui-même en partie l'article 19 tel que nous l'avions voté en première lecture. Vous avez prévu des conventions, nous souhaitons quant à nous que les mêmes dispositions s'appliquent à Paris et dans toutes les autres communes. La revendication est minimale, mais ne laissons pas substituer des dispositions datant du Consulat quand on prétend moderniser notre politique de sécurité ! Cependant, il est à craindre que, lorsque Paris change de couleur, le ministre de l'intérieur ne change aussi d'avis...

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le projet sur la démocratie de proximité esquisse une nouvelle répartition des compétences entre le préfet et le maire : c'est là qu'il faudrait discuter de cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 8 et 83, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Estrosi - Les délinquants sont de plus en plus mobiles et l'on ne peut donc plus appréhender l'insécurité à l'échelle du quartier ou de la commune. L'amendement 9 vise donc à instituer des conseils départementaux de la sécurité, composés du représentant de l'Etat, des procureurs et du président du conseil général et chargés de fixer des objectifs à partir d'une analyse de la situation locale.

M. Michel Herbillon - L'amendement 84, que le Sénat avait adopté en première lecture, crée dans chaque département un conseil départemental de sécurité, qui regroupe le procureur de la République, le président du conseil général et des représentants des maires et qui se réunit au moins une fois par an.

Je ne comprends pas comment le rapporteur a pu juger cette proposition « superflue », alors qu'il s'agit simplement d'associer les élus locaux à la réflexion, ce que ne permettent pas les contrats locaux de sécurité, pilotés exclusivement par les préfets.

M. le Rapporteur - C'est un « machin » ! Oui, il est bien superflu car les sous-préfets réunissent déjà régulièrement les maires...

M. Christian Estrosi - C'est faux !

M. le Rapporteur - ...et car nous disposons déjà des conseils départementaux de prévention de la délinquance et des contrats locaux de sécurité.

Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Antoine Leonetti - Le rapporteur balaie tous nos amendements, même les plus anodins, avec mépris. Nous ne voulons faire des maires ni des shérifs, ni des juges de paix, mais simplement les associer à un dialogue nécessaire.

Peut-être que, pour vous, créer un conseil équivaut à enterrer un problème, mais nous, nous souhaitons vraiment aller vers cette « coproduction » dont vous parlez tant mais que vous ne mettez pas en _uvre, et associer les élus locaux à la politique de sécurité.

Nos propositions visent à ce qu'on n'entrave pas l'action de la police nationale, que nous n'avons nulle intention de municipaliser,...

M. Jean-Pierre Blazy - C'est pourtant la proposition de l'UDF...

M. Jean-Antoine Leonetti - Vous caricaturez !

Nous voulons aussi que la délinquance soit punie. Or, votre projet ne prévoit rien pour sanctionner la petite délinquance et il est muet sur la troisième voie, sur la réparation et la médiation, qui demeurent également les parents pauvres de notre justice.

M. Alain Clary - Ce n'est pas l'objet de l'amendement...

M. Jean-Luc Warsmann - La majorité rejette tous nos amendements, même quand il s'agit simplement de mieux associer les élus à la politique de sécurité. Nous nous heurtons à un mur, nous nous adresserons donc directement aux Français, qui trancheront le débat l'année prochaine.

Les amendements 9 et 84, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Thierry Mariani - Vous n'avez aucune confiance dans les maires ni dans les polices municipales. Nous, nous proposons, par l'amendement 10, que les agents titulaires de la police municipale soient, sur demande du maire, habilités par le procureur en qualité d'agents de police judiciaire, s'ils justifient d'une formation suffisante. Voilà qui serait bon pour la sécurité au quotidien.

Il est quand même extraordinaire que ce projet ne confère aucun pouvoir supplémentaire aux policiers municipaux alors que ce personnel, qui n'est pas à la charge de l'Etat, qui est habilité par le procureur, qui reçoit une formation de qualité, pourrait être utilisé facilement pour renforcer la sécurité. Dans le même temps, vous vous apprêtez à laisser des sociétés privées, dont on ne sait ni comment elles recrutent, ni comment elles forment leurs salariés, fouiller les sacs et se livrer à des palpations de sécurité. De tels actes sont interdits aux policiers municipaux, on voit dans quelle suspicion vous les tenez...

M. Claude Goasguen - Notre amendement 85 est identique.

Il y a quelques années, M. Le Roux avait eu l'idée séduisante d'un « partage » de la sécurité, allant même jusqu'à évoquer, heureuse surprise, le rôle des collectivités locales, mais aussi des agent privés de sécurité, que l'on ne pouvait exclure d'une conception moderne de la sécurité. Il est, hélas, revenu en arrière !

Nous ne demandons pas que les policiers municipaux deviennent officiers mais agents de police judiciaire et qu'ils puissent ainsi, sous l'autorité d'un officier, dresser des contraventions. Ce n'est quand même pas une révolution !

Vous rejetez même ces amendements anodins et modérés. Vous verrez pourtant que, dans la campagne électorale, le débat prendra une autre ampleur...

M. le Rapporteur - Je demeure persuadé que, pour que la politique de sécurité réussisse, il faut un vrai partage, que chacun doit prendre ses responsabilités, que l'Etat ne peut pas tout faire.

Mais, dois-je vous le rappeler, ce n'est ni M. Pasqua ni M. Debré qui a fait voter le texte sur les polices municipales, c'est cette majorité !

M. Thierry Mariani - La dissolution nous en a empêchés...

M. le Rapporteur - Je souhaite que l'on traite du partage des compétences entre l'Etat et les autres acteurs de la sécurité à l'occasion d'un texte spécifique, non au détour d'un amendement. Nous parlerons alors de coproduction et de partage et des propositions seront faites où les collectivités locales et les sociétés privées auront toute leur place.

Je ne souhaite donc pas que ces amendements soient adoptés maintenant même s'ils sont, en effet, assez anodins.

M. le Ministre - C'est en effet ce gouvernement qui a fait voter la loi du 15 avril 1999 sur les polices municipales, qui a donné aux policiers municipaux la qualité d'agent de police judiciaire adjoint.

Cette loi commence à produire tous ses effets, il ne me paraît pas opportun d'en modifier ainsi une disposition importante.

Ne cherchez pas à entretenir la confusion avec le personnel des société privées : nous n'avons jamais proposé de les qualifier en tant qu'agents de police judiciaire car ils ne sont soumis à aucune condition de formation ni aux règles d'habilitation prévues par le code de procédure pénale.

M. Christian Estrosi - Votre texte ne peut en rien améliorer la sécurité quotidienne des Français. C'est la police municipale, véritable police de proximité, qui est apte à les rassurer, pas une police nationale surtout composée d'adjoints de sécurité qui sont loin d'avoir la qualification des policiers municipaux. Nous précisons d'ailleurs bien qu'il n'est question de conférer la qualité d'agent de police judiciaire qu'à des policiers ayant suivi une formation adéquate. Je vous rappelle que le maire est lui-même officier de police judiciaire et que les policiers municipaux sont directement sous son autorité. En réalité, vous ne voulez qu'augmenter les moyens de la police nationale, financée par le contribuable communal, et lui donner l'autorité hiérarchique sur la police municipale, autorité que vous aurez ôtée au maire. Nous préférons donner à la police municipale les moyens d'agir au quotidien auprès d'une population qu'elle connaît bien mieux que les policiers nationaux, fréquemment mutés.

Les amendements 10 et 85, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Estrosi - L'amendement 11 montre bien nos divergences.

L'ordonnance de 1945 ne répond plus à la situation, et les magistrats eux-mêmes s'en plaignent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

C'est la réalité, même si elle vous déplaît.

M. le Ministre - Quels magistrats ?

M. Christian Estrosi - Le procureur de la République du tribunal de Nice, par exemple, qui affirme que sans cette réforme, il n'est pas en mesure de poursuivre les mineurs délinquants.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - C'est l'opinion d'un seul !

M. Christian Estrosi - Vérifiez-le donc auprès des procureurs qui sont sous vos ordres ! Et dites-nous si vous trouvez normal qu'un mineur de moins de 13 ans circule seul dans la rue après 22 heures. Nous, nous voulons protéger les mineurs ainsi exposés à des dangers considérables et responsabiliser les parents qui manquent à leur devoir. Cette disposition a d'ailleurs été validée par le Conseil d'Etat le 9 juillet et interprétée encore plus largement par le tribunal administratif d'Orléans. Comptez-vous confirmer dans la législation la doctrine de la plus haute juridiction administrative du pays ?

M. Michel Herbillon - L'amendement 86 propose une disposition raisonnable dont j'espère qu'elle ne sera pas qualifiée de « machin ». Elle vise à protéger les mineurs...

M. le Ministre - Elle ne les protège pas !

M. Michel Herbillon - Ce n'est pas protéger les enfants de moins de 13 ans de les empêcher de se trouver seuls sur la voie publique en pleine nuit ?

M. le Président de la commission - Et dans les caves, les halls, les escaliers d'immeubles ?

M. Michel Herbillon - Présentez donc des amendements sur ces sujets ! Poursuivez votre conversion idéologique !

Cet amendement vise aussi à responsabiliser les parents. Pourquoi vous obstiner, contre l'avis de la plus haute juridiction administrative et celui de la population, à refuser une mesure sagement limitée ?

M. le Rapporteur - Ici, vous vous contentez de jeter de la poudre aux yeux (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Pourquoi légiférer, si des arrêtés peuvent déjà être pris ? Vous vous plaignez que les maires ne puissent agir ; pas du tout, ils ont mis en place des dispositifs autrement compliqués que celui-là ! Vous-même, Monsieur Herbillon, qui gérez votre commune de façon admirable, faites partie des 99,9 % des maires qui n'ont pas usé de cette possibilité. Seuls quelques-uns - loin d'être les plus calmes ! - se sont lancés dans un coup médiatique pour l'été. Les autres préfèrent s'intéresser aux centres sociaux, aux animateurs de rue ou au partenariat avec la police. Les arrêtés qui ont été pris ont eu une portée faible, et certes pas parce qu'ils auraient une valeur dissuasive ! Mais les mineurs en errance sont déjà pris en charge par d'autres structures.

Ce problème est extrêmement important, mais la solution que vous proposez ne mérite pas d'être retenue.

M. le Ministre - Cette disposition est inutile en droit. Les articles 375 et suivants relatifs à l'assistance éducative permettent déjà à la police de ramener des mineurs chez leurs parents et cela se fait régulièrement à Paris. Le Conseil d'Etat a admis le principe des arrêtés de restriction de circulation des mineurs, en appliquant d'ailleurs les principes généraux de la police administrative : leur champ est limité dans le temps et dans l'espace.

Ensuite, l'effet de ces arrêtés est sujet à caution. Une petite quinzaine ont été pris cet été : moins de 10 mineurs ont été interpellés, dont 3 à Orléans. M. Jean-Louis Debré m'a paru très réservé sur une mesure qui paraît surtout électorale.

Enfin, si la protection des mineurs et la responsabilité des parents posent réellement un problème de société, ce n'est pas par ce type de mesures qu'on le résoudra.

M. Jean-Pierre Blazy - Avec ces couvre-feux - dont le Président de la République lui-même estime que le mot est mal choisi -, vous exploitez le sentiment d'insécurité. Il est vrai que c'est ce que vous savez faire de mieux... Mais les bases juridiques existent déjà, des mesures peuvent être prises dans le cadre des contrats locaux de sécurité. L'article 227-17 du code pénal permet, et je l'ai fait à Gonesse, de traiter l'errance nocturne, et aussi bien diurne. A quoi bon de nouvelles dispositions ?

M. Claude Goasguen - Lorsqu'on parle de décisions de justice, il faut bien les connaître ! En l'occurrence, le Conseil d'Etat a rendu des arrêts divergents. Certains ont annulé des décisions, d'autres - pris sur requête des préfets ! - les ont validées. C'est qu'en ce domaine, il estime la loi obscure. La plus haute juridiction administrative demande clairement au législateur d'assumer ses responsabilités et de rédiger des dispositions qui ne soient plus contestables ! Elle n'a pas à se substituer à lui.

Sur le fond, il s'agit d'une mesure de protection, et non de répression, contre ce qui peut advenir aujourd'hui dans toute cité, dans tout quartier. Le problème des mineurs n'est en effet plus circonscrit à certaines zones géographiques, il est devenu un problème national dont le traitement s'impose comme une priorité. L'amendement 86 répond à une demande de la magistrature. Le ministre vient nous dire, après le préfet de police, à propos de Paris, que le code civil prévoit ces dispositions. Mais elles ne sont pas appliquées ! La réponse que le préfet de police m'a adressée sur Paris est, à cet égard, une supercherie pure et simple. Il a reconnu qu'un certain nombre de mineurs avaient été ramenés à la Brigade des mineurs de la préfecture de police dans le XVème arrondissement, mais lorsque je lui ai proposé une promenade, avec vous, dans votre arrondissement, il a osé me dire qu'il n'y avait pas de mineurs après 23 heures dans les rues de Paris cet été ! Affirmer de telle contrevérités ne contribue pas à assurer un climat de sécurité !

Promenez-vous dans le XVIIIème ou le XIXème arrondissement vers une heure du matin, Monsieur le ministre. Viendrez-vous me dire qu'aucun mineur n'y circule seul ? Me garantirez-vous qu'aucun mineur n'y commet d'actes de délinquance ? Le préfet de police engage l'autorité de l'Etat en m'affirmant le contraire (« Très bien ! » sur les bancs du groupe DL).

Les amendements 11 et 86, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Estrosi - Pour défendre l'amendement 12, il me suffira de citer une dépêche d'aujourd'hui, qui relate l'interception le week-end dernier à Dole d'une voiture conduite par un garçon de 14 ans accompagné de sa famille. Après une course-poursuite dans les rues, le jeune conducteur, connu des services de police et placé en foyer éducatif durant la semaine, a affirmé que sa mère avait elle-même appuyé sur l'accélérateur, ce que cette dernière nie formellement. Nous avons là un exemple précis de la délinquance à laquelle sont confrontés tous les jours les policiers...

M. le Ministre - La police a fait son travail !

M. Christian Estrosi - Mais la justice ? Que s'est-il passé ensuite ? Voilà un exemple type des situations auxquelles nous sommes confrontés au quotidien dans nos villes et dans nos banlieues, qui découragent une police dont le travail n'est pas suivi d'effets. Nous voulons donc prévoir des dispositions législatives pour le garantir.

M. le Président de la commission - C'est tout de même extraordinaire !

M. le Rapporteur - M. Estrosi manifeste-t-il une vocation tardive de chroniqueur de faits divers, ou, plutôt une volonté de démagogie ? Avis défavorable.

M. le Ministre - Je pourrais argumenter à nouveau, mais je crains de ne pouvoir convaincre les députés qui ont déposé cette série d'amendements.

Etant opposé à la modification de l'ordonnance de 1945, je ne suis pas favorable à cet amendement qui insère un chapitre consacré à la délinquance des mineurs dans le projet de loi. J'ajoute qu'une proposition de loi tendant à réformer l'ordonnance de 1945 a été rejetée le 11 octobre dernier par l'Assemblée nationale. J'émets donc un avis défavorable sur la série d'amendements relatifs à cette ordonnance, et j'éviterai de reprendre la parole sur ce point.

M. Claude Goasguen - Pour ma part, je me limiterai, à l'occasion de l'amendement 87, à une seule intervention sur la délinquance des mineurs, puisque aussi bien notre désaccord est manifeste.

Evitons dans ce domaine les polémiques partisanes : je n'instruis pas de procès contre la manière dont vous assurez la prévention ou la répression à l'égard des mineurs. Ce sujet n'est ni de droite, ni de gauche. Il est un fait social qui nous consterne tous, car il révèle que nous n'avons pas compris les évolutions qui se sont produites depuis 1945, ni su adapter le droit aux faits (« Très bien ! » sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

L'ordonnance de 1945, qui reflète l'état d'esprit de l'époque, a voulu assurer l'équilibre entre la prévention et la sanction, avec d'abord de bons résultats. Mais le changement social et, sans doute aussi, la mutation intellectuelle de la magistrature, a mis l'accent sur la prévention - en témoigne l'action sociale, dont personne ne conteste l'utilité.

Or, la délinquance des mineurs a pris des formes qui n'étaient pas même envisageables en 1945. Pouvait-on imaginer à cette époque un trafic de drogue impliquant deux frères de 19 et 12 ans, le premier poussant le plus jeune à agir en sachant qu'il sera relâché ? Pouvait-on imaginer que la famille serait à ce point adultérée qu'au lieu d'éduquer à la sociabilité elle jouerait contre la société ? Voilà ce qui, hélas, est devenu quotidien. Aujourd'hui, les magistrats eux-mêmes se plaignent que le texte et la jurisprudence les opposent les uns aux autres. Ils ressentent l'inutilité de la multiplication de mesures de prévention qui, d'ailleurs, ne correspondent pas à l'esprit du législateur de 1945. Voici des policiers qui prennent la main dans le sac un gamin de dix à onze ans, manipulé par des adultes. Ils l'emmènent au commissariat pour un contrôle d'identité. Et puis ils doivent laisser sortir le mineur en cause, lequel ne manque pas de les gratifier d'un geste sans équivoque, avant de se parer de l'aura du caïd.

M. Julien Dray - Que proposez-vous donc ?

M. Claude Goasguen - Je propose de modifier le texte de l'ordonnance de 1945, qui n'est plus adapté à notre société. Vous y viendrez aussi, Monsieur Dray...

M. Julien Dray - Je n'y viendrai pas plus que Jacques Chirac à Dreux !

M. Claude Goasguen - Je suis prêt à parier que dans six mois... Evitez donc d'être ridicules à ce moment-là !

Les amendements 12 et 87, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Herbillon - Pourquoi cette obstination à ne pas revoir l'ordonnance de 1945 ? Les faits ne sont pas de droite ni de gauche. La délinquance juvénile a augmenté de 20 % depuis 1997 et 50 % des vols avec violence sont aujourd'hui le fait de mineurs. Nombreux sont les juristes et les praticiens qui reconnaissent la nécessité de revoir ce texte ancien.

Vous vous accrochez à cette ordonnance comme si le mineur de 1945 était le même qu'aujourd'hui. Nous, quoi que vous en disiez, nous faisons des propositions : voyez nos amendements ! Mais comme cela vous gêne, vous les balayez d'un revers de main.

Nous pensons qu'il faut revoir l'ordonnance de 1945 tout en maintenant un équilibre entre prévention et répression...

M. Jean-Yves Caullet - Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Michel Herbillon - Il faut aussi responsabiliser davantage et tenir compte du fait que l'autorité parentale ne s'exerce plus comme il y a un demi-siècle. Je ne comprends pas votre obstination à refuser d'évoluer. Vous serez de toute façon contraints, sous la pression du peuple, de revoir vos positions. J'ai ainsi défendu l'amendement 88.

M. le Rapporteur - Nous assistons à une formidable escroquerie... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Régulièrement, une certaine partie de l'opposition réclame une modification de l'ordonnance de 1945 et tout aussi régulièrement se fait renvoyer dans ses buts, pas seulement par nous mais aussi par des personnalités issues de ses rangs. Par exemple par Jacques Toubon lorsqu'il était Garde des Sceaux et qu'il expliquait qu'il fallait avant tout dégager plus de moyens pour mieux appliquer cette ordonnance. Il ne l'a pas fait, mais c'est une autre histoire. Par exemple encore par Jacques Chirac qui a déclaré à Dreux que réformer l'ordonnance ne servirait à rien, qu'il fallait plutôt créer des réseaux sociaux, des nouveaux liens avec les parents...

M. Michel Herbillon - L'un n'empêche pas l'autre !

M. le Rapporteur - Cela vous arrange d'aller répétant qu'il faut réformer l'ordonnance de 1945, texte peu connu des Français. Car si vous étiez obligés de vous montrer plus précis et par exemple d'expliquer qu'il faut abaisser l'âge de l'emprisonnement ou de la garde à vue, vos propositions seraient combattues y compris dans vos rangs. Car enfin, un mineur qui serait emprisonné plus jeune serait encore très jeune à sa sortie !

Vos références constantes à l'ordonnance de 1945 n'ont jamais emporté l'adhésion.

M. Jean-Luc Warsmann - Défendez donc vos propres idées au lieu de caricaturer les nôtres !

M. le Rapporteur - Voyez les actes d'Evry : plusieurs chapitres ont été consacrés à cette question des mineurs et nous avons avancé des propositions autrement plus performantes que les vôtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Avis défavorable sur les amendements.

M. Alain Clary - On a surtout besoin de plus de fonctionnaires et d'emplois !

M. le Ministre - Avis défavorable.

Mme la Présidente - Je vais donner la parole à M. Leonetti et à M. Estrosi, qui me la demande, mais je rappelle que nous avons déjà passé une matinée sur l'ordonnance de 1945 et que nous constatons des répétitions.

M. Jean-Antoine Leonetti - Madame la présidente, vous venez de faire allusion à un débat qui fut tronqué, car la majorité plurielle l'a refusé. J'ajoute que M. Chevènement a, lui, reconnu la nécessité de modifier l'ordonnance de 1945.

Le rapporteur a employé des mots qui sans doute dépassaient sa pensée...

M. le Rapporteur - Non.

M. Jean-Antoine Leonetti - Montrez plus de respect pour l'opposition, vous y serez sans doute bientôt !

Comment pouvez-vous nous dire qu'il ne faut pas légiférer alors que depuis cinq ans, autrement dit depuis que vous êtes au pouvoir, la délinquance a augmenté de 30 %, qu'elle est le fait de personnes de plus en plus jeunes, qu'elle prend des formes de plus en plus violentes ? Si vous avez fait tant de propositions que cela lors du colloque d'Evry, pourquoi ne les retrouve-t-on pas dans ce projet ?

M. Michel Herbillon - Oui, plutôt que de vous faire les exégètes de Jacques Chirac !

M. Christian Estrosi - Madame la présidente, le rapporteur a usé de termes inadmissibles eu égard à nos valeurs démocratiques...

Mme la Présidente - Laissez-moi en juger.

M. Christian Estrosi - Madame la présidente, vous avez fait allusion à un débat qui n'a pas eu lieu, le Gouvernement et sa majorité s'étant opposés à sa discussion. Il est normal que nous utilisions les moyens qui restent à notre disposition, pour défendre nos idées.

La réforme de l'ordonnance de 1945 n'est qu'un volet de nos propositions, mais un volet important. Il importe en effet d'apporter une réponse appropriée, mesurée et graduée à tout acte de délinquance, quel que soit l'âge de celui qui le commet. Les Français n'acceptent plus que cette violence des jeunes reste impunie.

Ne dites pas, Monsieur le rapporteur, que nous voulons envoyer en prison tous les jeunes mineurs. Pas du tout. Nous savons bien que l'univers carcéral ne constitue pas la solution et qu'il faut offrir une deuxième chance à ceux qui ont commis des erreurs. Nous proposons donc des formules intermédiaires entre les structures classiques de l'éducation nationale et le système carcéral.

Si vous préférez que la situation dégénère, continuez à vous ranger du côté des voyous et contre les honnêtes gens !

M. le Président de la commission - Les propos qui viennent d'être tenus sont caricaturaux, et ceux qui nous écoutent doivent comprendre que le débat n'est pas entre ceux qui, parce qu'ils veulent réformer l'ordonnance de 1945, s'attaqueraient à la délinquance des mineurs et ceux qui, parce qu'ils ne veulent pas le faire, se rangeraient dans le camp des malfaiteurs.

M. Christian Estrosi - Et pourtant, c'est exactement cela !

M. le Président de la commission - Qu'on le sache : le droit actuel ne fixe pas de limite d'âge inférieure pour engager des poursuites : c'est la jurisprudence qui l'établit, en fonction du discernement supposé de l'auteur des méfaits. C'est dire qu'un enfant de 7 ans pourrait être poursuivi, et c'est ainsi qu'un enfant de 9 ans a été condamné récemment pour incendie volontaire. D'ailleurs, la France constitue une exception en Europe s'agissant de l'échelle des peines.

M. Christian Estrosi - Non.

M. le Président de la commission - Je tiens les tableaux comparatifs à votre disposition. Ils vous montreront qu'en France un enfant de 13 ans peut être condamné à 20 ans de réclusion criminelle...

M. Jean-Luc Warsmann - Mais là n'est pas la question ! Ce qu'il faut, ce sont des peines alternatives à la prison !

M. le Président de la commission - ...et à la réclusion à perpétuité s'il a 16 ans. Tels sont les textes, et tel est en particulier le texte de l'ordonnance de 1945 dont je suis certain, Monsieur Warsmann, que vous ne l'avez pas lu.

M. Jean-Luc Warsmann - Je ne vous permets pas !

M. le Président de la commission - L'ordonnance de 1945 permet de sanctionner la délinquance des mineurs. Certes, en 55 ans, les formes de la délinquance ont changé et les appareils judiciaires et policiers ont dû s'adapter. Ils ont commencé de le faire et continueront. La réunion conjointe des procureurs et des préfets voulue par la Garde des Sceaux et le ministre de l'intérieur contribuera à cette prise de conscience, et ce n'est certainement pas avec des coups de menton que l'on réglera ces problèmes graves (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Warsmann - C'est de l'angélisme !

Les amendements 13 et 88, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Estrosi - L'amendement 14 est défendu.

M. Claude Goasguen - Que de mauvaise foi dans cet exposé de principe ! Vous n'osez pas parler de la nécessité d'agir, et vous faites donc semblant de ne pas comprendre ! Jamais nous n'avons proposé d'envoyer des enfants de 11 ans en prison à la Santé, où ils devraient partager une cellule avec des adultes ! Nous souhaitons des établissements pénitentiaires différenciés en fonction des délits commis par la population qu'ils reçoivent ; cela n'a rien à voir avec ce que vous dites, et dont chacun sait, d'ailleurs, pourquoi vous le dites. Vous avez peur de choquer M. Mamère et vos amis communistes ; mais soyez lucides ! Dans quelques mois, vous demanderez vous-mêmes la modification de l'ordonnance de 1945 ! Pour l'instant, de subtils calculs électoraux vous obligent à mentir, mais le sujet est trop grave pour souffrir de telles escroqueries intellectuelles. Soyez sincères ! Adoptez l'amendement 89 !

M. Didier Quentin - Très bien !

Les amendements 14 et 89, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - J'avais demandé la parole avant le vote.

Mme la Présidente - La parole est donnée à la discrétion de la présidence, et j'ai estimé que l'Assemblée était suffisamment informée.

M. Jean-Luc Warsmann - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 15.

M. Jean-Luc Warsmann - On voit bien que le problème n'est pas tant celui des textes que celui de leur application. Il est évident que les dispositions encore en vigueur de l'ordonnance de 1945 devraient permettre de lutter beaucoup plus efficacement contre la délinquance des mineurs. Or on pourrait dresser presque partout en France le même constat que dans mon département. Et c'est une majorité au pouvoir depuis quatre ans qui vient nous expliquer qu'elle ne parvient pas à appliquer les textes !

J'ai été choqué de la façon dont le président de la commission caricaturait nos positions et j'espère que le débat continuera dans un climat plus serein. Aucun d'entre nous ne demande qu'on recoure davantage à la prison ou qu'on incarcère les mineurs pour 15 ou 20 ans. Nous voulons simplement lutter contre la petite délinquance quotidienne en supprimant des « niches d'impunité », à la faveur desquelles des personnes majeures utilisent les mineurs pour commettre des infractions. Faute de sanctions à la fois effectives et diversifiées, ces jeunes s'enferrent et perdent beaucoup de leurs chances de réussir leur vie. Vous serez alors condamnés à les sanctionner par la prison, pour ne pas avoir eu le courage de prononcer des peines modérées dès leur premier délit.

Nous proposons l'amendement 90.

Mme la Présidente - L'amendement 15 est identique.

Les amendements 15 et 90, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 16 corrigé tend à responsabiliser les parents et les personnes civilement responsables de mineurs : lorsqu'ils ne comparaîtront pas et en l'absence d'excuse valable, le juge pourra prononcer une peine d'amende civile. Cette disposition aussi nous semble utile pour faire reculer la délinquance des mineurs.

M. Claude Goasguen - L'amendement 91 est identique.

Les amendements 16 corrigé et 91, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 17 est défendu.

M. Claude Goasguen - De même le 92.

Les amendements 17 et 92, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 18 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 93 l'est aussi.

Les amendements 18 et 93, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 19 est défendu. On ne peut constater que des mineurs restent fréquemment impunis et repousser toutes nos propositions !

M. Claude Goasguen - L'amendement 94 est soutenu.

Les amendements 19 et 94, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 20 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 95 est identique.

Les amendements 20 et 95, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 21 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 96 également.

Les amendements 21 et 96, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 22 est défendu.

M. Michel Herbillon - L'amendement 97 tend, comme le 22, à remplacer un terme peu compréhensible, certainement, pour beaucoup de nos compatriotes - « admonestation » - par un autre, « avertissement », qui sera clair pour tous.

Je regrette que nos collègues de la majorité refusent de voir la situation telle qu'elle est. Mais peut-être accepteront-ils au moins cet amendement...

Les amendements 22 et 97, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 23 est défendu.

M. Claude Goasguen - Un délai considérable sépare la commission des délits de la comparution en justice. Par l'amendement 98, nous proposons une procédure de rendez-vous judiciaire : le procureur pourrait inviter le mineur à comparaître dans un délai de dix jours à deux mois. Cette mesure, sans être expéditive, aurait une vertu préventive car elle démontrerait que la justice peut se prononcer rapidement. A défaut, comme actuellement, on assiste à la multiplication des récidives et, par conséquent, à une aggravation de la situation des mineurs. La lenteur des procédures handicape en effet la prévention.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Luc Warsmann - La majorité fuit décidément le débat. Aujourd'hui, il faut des mois et, parfois, plus d'une année, avant qu'un mineur reconnu coupable d'une infraction en connaisse les suites judiciaires. S'il n'a pas récidivé entre-temps, la peine qu'on lui infligera perdra beaucoup de sa légitimité. Et s'il est entré dans une logique de récidive, la sanction interviendra trop tard...

Sanctionner n'est pas un acte de sadisme : c'est le moyen par lequel la société signifie à quelqu'un qu'il a franchi la ligne jaune en espérant qu'il s'amendera. Elle a donc un rôle pédagogique, qu'elle perd lorsqu'elle est trop tardive. Il faut qu'elle soit effective et rapide. Je regrette que la majorité ne le comprenne pas.

Les amendements 23 et 98, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 24 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 99 l'est également.

Les amendements 24 et 99, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 25 corrigé est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 100 de même.

Les amendements 25 corrigé et 100, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 27 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 101 également.

Les amendements 27 et 101, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 26 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 102 l'est aussi.

Les amendements 26 et 102, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 29 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 103 est soutenu.

Les amendements 29 et 103, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 28 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 104 l'est aussi.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Même position.

M. Jean-Luc Warsmann - Tout de même, n'est-il pas vain de surcharger d'obligations un commerce déjà strictement contrôlé quand la quasi-totalité des délits à main armée sont commis avec des armes acquises illégalement ? Il est tout à fait déplacé de prendre ainsi les armuriers pour boucs émissaires.

Les amendements 28 et 104, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 30 est soutenu.

M. Claude Goasguen - Le 105 également.

Une tragique affaire nous a confirmé récemment dans notre volonté de réglementer davantage la profession d'armurier, mais de le faire par la concertation entre l'Etat et les intéressés. Le problème de sécurité se double en effet d'un problème de définition des responsabilités. Il est choquant que n'importe qui puisse se procurer un poing américain, un couteau à cran d'arrêt ou je ne sais quelle arme témoignant d'une imagination morbide, cela aussi facilement que si on les vendait à l'épicerie du coin. Notre législation est trop libérale et il conviendrait donc de renforcer les contrôles par la voie réglementaire.

M. le Rapporteur - Rejet. Mais je soutiens sans réserve votre dernière suggestion.

M. le Ministre - Mais elle n'a pas de rapport avec ce texte. Avis défavorable à l'amendement.

Les amendements 30 et 105, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 31 est défendu.

M. Claude Goasguen - Le 106 de même.

Les amendements 31 et 106, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 33 est défendu.

M. Michel Herbillon - L'amendement 108 également.

Les amendements 33 et 108, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 54 reprend une disposition chère à nos collègues sénateurs, relative à la sécurité dans les jardins du Luxembourg, dont les gardiens font partie du personnel du Sénat... Cela peut paraître excessif, surtout au regard des pouvoirs dont disposent les gardiens des autres jardins parisiens. Mais il semble que cette mesure soit le fruit de difficiles négociations et la commission a émis un avis favorable.

M. le Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 36 est identique.

M. Claude Goasguen - L'amendement 111 également.

Les amendements 54, 36 et 111, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 37 est défendu.

M. Michel Herbillon - L'amendement 112 également.

Les amendements 37 et 112, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Estrosi - L'amendement 38 vise, nous en avons déjà parlé lors des lectures précédentes, à sanctionner de la même façon les accidents provoqués et les infractions commises sous l'emprise de stupéfiants que ceux liés à l'alcool. Cela éviterait bien des accidents graves, car les réflexes diminuent bien évidemment dans ces conditions. Mais cela permettrait aussi de recentrer le débat, alors que l'on reparle, y compris le ministre de la santé, de dépénalisation des drogues douces et que la précédente Garde des Sceaux avait demandé aux parquets de ne pas poursuivre les consommateurs de cannabis.

M. Michel Herbillon - L'amendement 113 est défendu.

M. le Rapporteur - Nous avons déjà adopté, à l'article 6 ter, une disposition à ce propos. Mieux vaut poursuivre les études sur les effets des stupéfiants sur le comportement des conducteurs avant d'aller plus loin. Avis défavorable, par conséquent.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 38 et 113, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Nous en arrivons à une série d'amendements qui reprennent des dispositions adoptées par le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, pour lutter contre le risque terroriste. Il s'agit de prendre le plus de précautions possible tout en respectant les libertés publiques, ce que garantissent le caractère temporaire des mesures, dont le terme est fixé au 31 décembre 2003, et le rapport d'évaluation annoncé par le ministre. Sans doute la commission des lois pourrait-elle en outre désigner un rapporteur d'évaluation. Toutes ces dispositions devraient dissiper les inquiétudes, que je ne partage pas, de certains.

M. le Ministre - J'ai déjà présenté ces mesures ce matin. Au terme des deux années d'application, le Parlement pourra décider de pérenniser ou de supprimer certaines de ces dispositions. Enfin, c'est parce que j'ai entendu les remarques du groupe communiste que j'ai proposé qu'une évaluation soit conduite un an après la promulgation de cette loi.

M. Claude Goasguen - Nous voterons ces amendements, qui répondent à une nécessité.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat, leur application sera limitée dans le temps. Pour une fois, je me réjouis qu'un rapport d'évaluation soit prévu, car cela répond à une attente de l'opinion. Bien évidemment, l'application de ces mesures sera soumise au contrôle des tribunaux.

Un vote unanime de notre assemblée montrerait que la France est sensible à ce qui s'est passé ailleurs, qu'elle est debout pour lutter contre le terrorisme.

Un mot, enfin, pour regretter que les parlementaires socialistes n'aient pas fait preuve du même esprit de responabilité en 1995, quand ils ont saisi le Conseil constitutionnel alors que la France était elle-même frappée par le terrorisme. Je ne peux m'empêcher de penser que, si la fouille des véhicules avait été autorisée plus tôt, bien des armes de guerre, qui n'ont quand même pas voyagé par colis postaux, auraient été interceptées et que cela aurait évité des drames comme celui de Béziers. Cela montre qu'il faut parfois un peu penser à l'avenir quand on saisit le Conseil constitutionnel...

M. Jean-Antoine Leonetti - Très bien !

M. Christian Estrosi - Je soutiens sans réserve ces amendements car, en cette période de menace terroriste, il faut se donner tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité.

Je souhaiterais par ailleurs que l'application du plan Vigipirate permette de mener une grande opération de nettoyage dans les caches des cités de non-droit, pour y saisir ces armes de guerre qui font tant de dégâts, on l'a vu à Béziers. Plusieurs enquêtes montrent en effet qu'il est possible de se procurer à bas prix des armes provenant des anciens pays satellites de l'URSS. On peut ainsi trouver des grenades M64 à fragmentation qui peuvent faire des dizaines de morts.

Enfin, le syndicat national des entreprises de sécurité demande aux pouvoirs publics d'exercer des contrôles sur la profession « sous peine de dérapages, alors que le projet octroie plus de pouvoirs aux agents de sécurité privés ». Nous ne sommes donc pas opposés à la mesure que vous proposez, mais nous devons vous faire part des inquiétudes des professionnels.

M. Alain Clary - Nous sommes déterminés à lutter contre le terrorisme, mais aussi à faire disparaître tout le terreau qui le nourrit : économie parallèle, trafics de drogue et d'armes. Nous ne sommes donc pas opposés à des mesures exceptionnelles si elles respectent les règles fondamentales de l'état de droit. Nous souhaiterions aussi que le premier bilan d'évaluation soit disponible dans six mois plutôt que deux ans. Il faut enfin que les mesures soient suffisamment encadrées pour apaiser les craintes des associations concernant les dérapages possibles, comme le « délit de faciès » par exemple. Elles doivent être limitées dans le temps et revêtir un caractère provisoire. Quant aux fouilles et aux palpations de sécurité, nous sommes opposés à ce qu'elles soient confiées à des agents privés. En l'absence de garanties suffisantes, nous nous abstiendrons.

M. le Président de la commission - Ces mesures s'inscrivent dans un contexte très particulier et je suis heureux qu'elles trouvent un appui sur la plupart de ces bancs. Il est en contrepartie légitime de vouloir s'assurer qu'elles sont effectivement utilisées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Un bilan d'évaluation sera donc présenté d'ici fin 2002. Au-delà, et dès que cette loi sera promulguée, je proposerai à la commission des lois de mettre en place une mission d'évaluation de l'application de la loi. Le rôle constitutionnel du Parlement est en effet, outre de légiférer, de contrôler l'application des lois et ce travail, s'agissant de dispositions aussi exceptionnelles, doit être confié à un rapporteur d'information. Je pense que cette initiative devrait satisfaire le groupe communiste.

Les amendements 55 et 56, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - La commission vous propose de retenir l'amendement 57.

M. le Ministre - Dans l'état actuel du droit, et contrairement aux douaniers, les policiers et gendarmes ne peuvent pas fouiller des véhicules à titre préventif. Les dispositions que nous vous proposons répondent aux critères de constitutionnalité posés par la décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1995 : les visites des véhicules n'auront lieu que sur réquisition écrite du procureur, pour des temps et lieux déterminés. Elles seront faites en présence du conducteur ou du propriétaire par un officier de police judiciaire. L'immobilisation sera limitée et le conducteur pourra demander un procès-verbal. Enfin, il ne s'agit pas d'entreprendre une fouille complète mais de s'assurer par exemple que le véhicule ne transporte pas d'armes.

M. Goasguen a évoqué la saisine du Conseil constitutionnel de 1995. En tant qu'ancien parlementaire, je me sens mis en cause. Je vous rappelle que cette saisine date de janvier et les attentats de juillet. Votre texte concernait les manifestations de voie publique et non la lutte contre le terrorisme, et comportait moins de garanties de procédures.

M. Michel Herbillon - Arguties !

M. le Ministre - Nous gardons tous ces événements en mémoire et personne à l'époque n'a songé à exploité ce drame. Nous étions solidaires et personne n'a proposé de permettre la fouille des voitures au titre de la lutte contre les attentats.

Dans le cas présent, cette mesure ne comporte pas de risques et je serais heureux que vous la votiez.

L'amendement 57, mis aux voix, est adopté ainsi que les amendements 58 à 67.

M. Christian Estrosi - Les amendements 39 et 114 sont défendus.

Les amendements 39 et 114, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 68 est rédactionnel.

M. Jean-Luc Warsmann - Les amendements 40 et 115 sont identiques.

Les amendements 68, 40 et 115, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 69 est rédactionnel.

M. Jean-Luc Warsmann - Les amendements 41 et 116 sont identiques.

Les amendements 69, 41 et 116, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Christian Estrosi - L'amendement 42 est défendu.

L'amendement 42, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 70 reprend le dispositif que nous avons adopté à l'encontre des voyageurs en train sans titre de transport et l'applique aux autobus. Nous l'avions adopté lors des premières lectures en reconnaissant les difficultés qu'il posait et sous réserve de réfléchir à son amélioration. Tout bien considéré, je vous demande aujourd'hui à titre personnel de ne pas l'adopter mais de voter le 71, qui concerne la fraude d'habitude dans les trains.

M. le Ministre - Le Gouvernement préfère également que la contrainte soit limitée au réseau ferré.

M. Jean-Luc Warsmann - Mais l'amendement 71 présente beaucoup plus de difficultés ! D'abord, on ne connaît pas son champ d'application : SNCF ou RATP ? Ensuite, il définit la fraude d'habitude comme commençant au-delà de 10 contraventions sanctionnées en douze mois. C'est considérable et je doute que cela concerne beaucoup d'auteurs d'infractions. Nous aimerions avoir à ce sujet des précisions sur les chiffres qui ont été constatés.

M. Claude Goasguen - Vous nous présentez un amendement qui concerne la SNCF. Il est mal rédigé, car évaluer l'importance d'un délit en fonction du nombre d'infractions précédemment commises est contestable sur le plan juridique.

La SNCF, la RATP et les régies municipales sont confrontées au même problème, ce qui milite en faveur d'un texte général. Elles voient se créer deux catégories d'individus distinctes, ceux qui payent et ceux qui ne payent pas. Le conducteur ne peut évidemment faire régner l'ordre lui-même. Mais il faut agir, car une discrimination tend à se créer et elle est mal ressentie par la population, que ce soit à Paris ou dans d'autres villes. Aucun des amendements ne répond à la complexité du délit, mais je souhaite que nous prenions des dispositions qui ne se limitent pas, comme le propose le rapporteur, à la SNCF et à la seule notion d'habitude. Je me prononce donc par le premier amendement, sur la RATP, enrichi de celui qui concerne la SNCF.

M. le Rapporteur - Ne cédons pas à la confusion. Monsieur Warsmann, vous me demandez des explications sur un amendement que vous avez déposé et que M. Goasguen a lui-même déposé dans les mêmes termes.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est un amendement de repli.

M. le Rapporteur - Ils n'ont pas été présentés comme des amendements de repli en commission. Je vous propose donc, en me fondant comme en première et en deuxième lecture, sur la différenciation entre réseau de bus et réseau ferré, de repousser l'amendement 70 et les amendements identiques et d'adopter l'amendement 71 et les amendements identiques. Vous trouverez des éléments dans les rapports : sur le réseau SNCF, 34 000 contrevenants ont été verbalisés et totalisent plus de dix infractions. 5 000 d'entre eux se sont vu dresser plus de trente procès-verbaux et vingt ont été verbalisés deux cent cinquante fois. Le sentiment d'impunité est donc fort, et nous gagnerions à enrichir le texte que nous avons voté en première lecture en retenant cet amendement 71.

M. Michel Herbillon - Je ne vois pas pourquoi se trouve exclu du dispositif tout ce qui concerne la RATP. La région Ile-de-France comporte pourtant 11 millions d'habitants, et représente une part importante de notre territoire.

M. le Rapporteur - C'est seulement le bus qui est exclu.

M. Michel Herbillon - Je ne comprends pas pourquoi. Nous parlons de sécurité quotidienne. Or, celle de nos concitoyens est empoisonnée par les troubles à l'ordre public qui commencent souvent par le refus de payer dans les transports. Il faut donc traiter ces problèmes, qui concernent à la fois la SNCF et le réseau RATP.

M. Jean-Yves Caullet - Mon expérience de responsable de la sécurité à la RATP m'a enseigné que le véritable problème tient au type de réseau. L'amendement 71 concerne les réseaux ferrés, quelle que soit l'entreprise qui les exploite. Si des réserves peuvent être émises s'agissant des bus, c'est parce que cette enceinte, pour des raisons physiques, se prête beaucoup moins aux contrôles que le réseau ferré. C'est pourquoi il est préférable de se limiter dans un premier temps aux réseaux ferrés, en adoptant l'amendement 71.

M. Michel Herbillon - Est-il applicable au métro ?

M. le Président de la commission - Oui.

Les amendements 70, 43 et 117, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - La commission, je l'ai dit, est favorable aux amendements 71, 44 et 118.

M. le Ministre - Sagesse.

Les amendements 71, 44 et 118, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - J'ai souhaité faire adopter l'amendement 72 en commission des lois, pour manifester notre volonté de poursuivre la réflexion sur les halls d'immeuble, en concertation avec les organismes HLM et le Gouvernement. Suite à ce travail, je vous propose aujourd'hui d'en rester à la rédaction que nous avions adoptée en deuxième lecture et de repousser par conséquent les amendements 72, 1, 45 et 119.

M. Gérard Saumade - La législation actuelle permet aux forces de police ou de gendarmerie d'intervenir sur réquisition du propriétaire ou du gérant pour dissiper un attroupement dans les parties communes. Cependant, l'occupation d'un hall n'étant pas, même lorsqu'elle est abusive, constitutive d'infraction, les forces de l'ordre ne peuvent qu'inviter les occupants à quitter les lieux et ne disposent d'aucun moyen coercitif. L'amendement 1 de Jean-Pierre Michel, Georges Sarre et Jacques Desallangre est donc très attendu par la police et la gendarmerie, qui ont fréquemment à intervenir, notamment dans des ensembles de logements sociaux, car il vise à les doter de moyens d'interpellation et de poursuite. Son dernier alinéa, qui dispose que « l'occupation des espaces communs du bâti d'immeubles à usage d'habitation par des personnes qui entravent l'accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. », est particulièrement important.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 45 est défendu.

M. Claude Goasguen - L'amendement 119 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann - Si j'ai bien compris, le rapporteur nous propose d'en rester au texte que nous avions voté précédemment. Mais cette rédaction ne risque-t-elle pas de multiplier les contentieux ? Selon la jurisprudence, le bailleur a l'obligation d'assurer la jouissance paisible du bien à ses locataires. Retient-on bien toujours cette notion ? Il faut que ce soit dit.

M. le Rapporteur - L'amendement que nous avons voté renforce, à côté de l'obligation de jouissance paisible, les contraintes des bailleurs. Il comporte une obligation d'assurer la sécurité et énumère trois situations susceptibles de déclencher l'action des forces de police - l'entrave à la libre circulation des personnes, la mise en danger du fait du non-fonctionnement des services de sécurité et la nuisance à la tranquillité - ceci sous réserve du respect par les bailleurs de leurs obligations, notamment en matière d'entretien. Le Gouvernement a pris il y a quelques semaines un premier engagement en imposant un poste de gardien pour cent logements. L'article que nous allons voter va permettre d'aller plus loin. Il es préférable à celui qu'a adopté le Sénat, qui ne fait pas référence à la nuisance à la tranquillité et ne comporte pas les mêmes obligations pour les bailleurs.

M. le Ministre - Je suis favorable à un système équilibré entre les obligations du bailleur et les interventions de la police ou de la gendarmerie nationales en vue de rétablir la jouissance paisible des lieux. Celle-ci reste une clause essentielle du contrat de location. J'avais expliqué au Sénat qu'un texte prévoyant un cadre conventionnel pouvait me satisfaire s'il respectait cet équilibre et une exigence de partenariat.

En revanche, j'avais exprimé des réserves sur l'incrimination retenue par le Sénat, trop large à mon avis. Le texte de l'Assemblée renvoie aux obligations des bailleurs tout en permettant aux services de police et de gendarmerie d'intervenir pour ramener le calme et la sécurité dans les espaces communs. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Claude Goasguen - Se pourrait-il alors que vous acceptiez de redonner à cet article un aspect pénal ? Car s'il s'agit simplement de rappeler les droits et les obligations des bailleurs, nous n'avons pas besoin d'un article supplémentaire puisqu'ils sont dans le code civil.

Vous savez bien, Monsieur le ministre, que la police a du mal à pénétrer dans certaines cités et n'accepte de s'y rendre que si elle est sûre de ne pas déclencher un embrasement. Il faut donc garder à la fois l'incrimination et l'engagement conjoint des bailleurs et des forces de police. Je ne comprends pas pourquoi vous faites machine arrière sur ce point. Pour quel objectif politique ? Pour faire plaisir à qui ? A ceux qui vous ont promis de ne pas faire passer certaines de vos mesures pour une attaque contre la jeunesse ?

Alors, chers collègues, puisque le ministre s'en remet à notre sagesse, montrez-vous sages et donnez à la police les moyens de faire son métier dans de bonnes conditions. Responsabilisons les bailleurs et mettons la police plus en sécurité, car les policiers aussi ont besoin de sécurité. Ce ne sont pas des cascadeurs !

M. Rudy Salles - Très bien !

M. Claude Goasguen - Il faut prévoir une sanction car il y a tout de même des abus inadmissibles et parce que sans cela, l'amendement perd toute signification et ne constitue qu'une redondance par rapport au code civil.

M. Jean-Pierre Blazy - Si l'Assemblée a pris l'initiative d'une disposition sur les halls d'immeuble, c'est parce que nous pensons qu'il faut responsabiliser les bailleurs, certains ayant trop tendance à se défausser sur les maires et sur la police, et parce qu'il était nécessaire de donner une bonne assise juridique à l'intervention de la police en ces lieux.

Le Sénat a cru devoir retenir une sanction, mais je ne suis pas sûr de la faisabilité d'une telle disposition. Or rien n'est pire qu'un texte inappliqué.

Les amendements 72, 1, 45 et 119, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Nous en arrivons à quatre amendements identiques : le 73 de la commission, le 46, le 120 et le 126.

M. le Rapporteur - La commission les a adoptés. J'ai détaillé ce matin mes réserves à leur sujet.

M. le Ministre - Quand j'ai présenté cet amendement au Sénat, au début de l'été, j'avais dit qu'il n'était pas question pour moi de supprimer les spectacles de musique techno mais seulement de faire en sorte qu'ils se déroulent dans des conditions satisfaisantes sur le plan de l'ordre, de l'hygiène et de la salubrité publique. Dans l'intérêt de tous, et d'abord des participants eux-mêmes.

Le bilan des « raves » et des « free-parties » de l'été ne me conduit pas à changer d'opinion. 90 manifestations de ce type ont eu lieu, dont une quarantaine a fait l'objet de concertation avec mon cabinet et de mesures d'accompagnement prises par les préfets, souvent dans l'urgence. Car les organisateurs n'ont évidemment pas prévenu 24 heures ni même 12 heures à l'avance du lieu exact de ces manifestations. On imagine donc les difficultés de toutes sortes auxquelles ont dû faire face les préfectures pour en assurer la sécurité et mettre à la disposition des organisateurs des installations sanitaires et de secours. Le coût supporté en ces occasions par les pouvoirs publics est élevé, indépendamment de l'engagement des forces de sécurité. Le Technival des Côtes d'Armor a par exemple induit des dépenses de 1,4 million, celui de Lozère de plus de 600 000 F.

Nous avons entre-temps travaillé avec ceux des organisateurs qui ont bien voulu se rendre à nos invitations pour mettre au point une charte de bonnes pratiques. Ce document devrait à la fois faciliter les démarches des organisateurs - grâce à la désignation d'un correspondant en préfecture - et garantir ce qu'on est en droit d'attendre du point de vue du respect de la propriété privée et de la tranquillité publique.

D'autres réunions doivent prochainement avoir lieu pour finaliser ce document et réfléchir aux meilleurs sites possibles. Dans ces conditions, j'émets un avis favorable à l'adoption de ce dispositif peu contraignant mais qui répond aux intérêts de tous (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe DL et du groupe UDF)

M. Michel Herbillon - Qu'en pense M. Jack Lang ?

M. Jean-Pierre Blazy - Je vais vous dire déjà ce qu'en pense le groupe socialiste...

Il votera l'amendement équilibré de la commission. Nous disposerons ainsi d'une législation et aussi d'une charte qui pourra être annexée au futur décret. Les manifestations en question pourront ainsi se dérouler dans la sécurité.

M. Claude Goasguen - Je n'aurai pas la cruauté d'appuyer là où ça fait mal mais enfin vous en aurez mis du temps à comprendre quelque chose qui tombait sous le sens ! M. Caresche par exemple, a fait ce matin dans Le Figaro des déclarations qui étaient exactement l'inverse de ce qu'il disait il y a trois mois.

Si la prise de conscience avait eu lieu plus tôt, certains accidents auraient peut-être pu être évités (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission - Même si nous avions voté ces dispositions, elles n'auraient pas été applicables cet été.

M. Claude Goasguen - Mais en ne disant rien, vous avez laissé croire que le Gouvernement autorisait tout. Et vous avez donc une part de responsabilité dans les accidents de l'été, dont trois mortels (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). On a aussi dénombré 23 infractions liées à la drogue (Mêmes mouvements). Permettez-moi donc de répéter que dans cette affaire, vous avez manqué de bon sens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La disposition à laquelle finalement vous vous ralliez ne constitue pas vraiment une protection. Car qui fera la déclaration ? Une association loi de 1901, une société commerciale, une personne physique, une personne morale ? Charte ou non, le vrai problème avec la technoculture, c'est que l'on ne connaît pas la nature des organisateurs. Or ce sont souvent des gens peu fiables qui profitent de ces manifestations pour compenser leurs investissements en sono et autres par la vente de produits non autorisés. Je me méfie des prétendus philanthropes et lorsque je vois que quelqu'un investit à perte dans le champ culturel, j'ai tendance à me demander où est le profit. En l'occurrence dans tous ces petits comptoirs alentour...

Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de prêter attention à la nature juridique et à la personnalité des organisateurs. Et je note que nos amendements initiaux allaient plus loin.

Nous proposons, par nos amendements 46, 120 et 126, de saisir le matériel, car l'amendement 73 ne prévoit qu'une déclaration simple, sans sanction.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 73 prévoit la saisie.

M. Jean-Antoine Leonetti - Chacun peut se tromper, puis rencontrer la vérité. J'appelle cependant l'attention du Gouvernement sur le fait que la parole d'un ministre a un grand poids. Certes, même si l'amendement déposé par l'opposition avait été adopté, il n'aurait pu être appliqué cet été. Cependant, le blanc-seing donné par certains ministres et certaines personnalités a été ressenti comme une invitation à continuer les « raves », et je ne suis pas sûr que vous seriez revenus sur votre position s'il n'y avait eu, cet été, des accidents malheureux. Ces propos ne vous visent pas, Monsieur le ministre, car je sais que vous étiez favorable dès l'abord à l'adoption de notre proposition, mais j'en appelle à plus de réserve certains ministres dont les déclarations intempestives peuvent avoir pour conséquence des accidents dramatiques.

M. le Ministre - Je tiens, pour que les choses soient claires, à rappeler la chronologie de cette discussion. Lorsque M. Mariani a défendu son amendement, j'ai fait valoir que si le problème évoqué était réel, la rédaction choisie n'était pas la bonne. J'ai donc exprimé des réserves et me suis engagé à élaborer un texte plus satisfaisant. C'est donc l'amendement de M. Mariani qui a été adopté dans cet hémicycle. Après quoi, le texte que j'avais préparé a été présenté au Sénat, qui l'a adopté. Après avoir été repoussé par votre assemblée, il a été repris par les sénateurs, puis par votre commission. C'est donc le texte « Vaillant » qui vous est soumis ce soir.

M. le Président de la commission - Je comptais me taire, mais je dois présenter mes excuses à M. Leonetti car, non, je n'ai pas trouvé mon chemin de Damas et ma conviction est la même aujourd'hui qu'il y a trois mois. C'est pourquoi je m'abstiendrai lors du vote, ce que fera aussi, je suppose, notre rapporteur. Enfin, les risques qui existaient hier continueront d'exister, même après le vote de l'amendement, et il me semble fort dangereux de prétendre imputer la responsabilité d'accidents de cette sorte à ceux qui auraient ou n'auraient pas légiféré à temps.

Les amendements 73, 46, 120 et 126, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 47 est défendu.

M. Claude Goasguen - L'amendement 121 est défendu.

Les amendements 47 et 121, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 74 est rédactionnel.

Mme la Présidente - Les amendements 48 et 123 sont identiques.

Les amendements 74, 48 et 123, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 49 est défendu.

M. Claude Goasguen - L'amendement 122 est défendu.

Les amendements 49 et 122, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 50 est défendu.

M. Claude Goasguen - L'amendement 124 est défendu.

Les amendements 50 et 124, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 51 est défendu.

M. Claude Goasguen - L'amendement 125 est défendu.

Les amendements 51 et 125, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 52 est défendu.

M. le Rapporteur - Je ne comprends pas l'insistance avec laquelle le Sénat d'abord, M. Estrosi ensuite souhaitent limiter la possibilité de témoigner anonymement. La proposition qui nous est faite aurait notamment pour conséquence d'exclure toutes les affaires de proxénétisme. Est-ce souhaitable ?

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 75 vise à faciliter le passage à l'euro.

L'amendement 75, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 53 est défendu.

L'amendement 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 76 est relatif à l'application outre-mer des dispositions du projet.

L'amendement 76, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - En vous présentant ce projet, j'avais un seul objectif : vous soumettre des dispositions concrètes permettant aux policiers d'accomplir leurs missions dans de meilleures conditions et, ce faisant, de mieux répondre encore aux attentes de nos concitoyens.

Cet objectif a été pleinement atteint et, grâce à un travail parlementaire approfondi, dont l'ancien ministre des relations avec le Parlement ne peut que se féliciter, ce projet aura été sensiblement enrichi.

Le texte permettra d'apporter des réponses précises et immédiates à de multiples problèmes, dans des domaines où la sécurité de nos concitoyens est trop souvent menacée : utilisation frauduleuse des cartes de paiement, animaux dangereux, armes, insécurité routière, épaves, menaces ou agressions à l'encontre des usagers des transports publics ou à l'égard des résidents dans les parties communes des immeubles... Il contient aussi des dispositions nouvelles renforçant la lutte contre le terrorisme.

Certains ont estimé ces mesures insignifiantes. Pour ma part, je suis convaincu que renforcer les moyens d'intervention de la police et s'attaquer à l'insécurité en tous lieux, c'est loin d'être inutile même si, je l'ai dit, la loi ne peut tout résoudre.

Nous avons eu aussi un débat sur la lutte contre le terrorisme et, face à une situation internationale difficile, chacun a fait preuve de responsabilité. Je vous en remercie et j'en remercie particulièrement votre commission des lois, son président, Bernard Roman, et votre rapporteur, Bruno Le Roux.

Renforcement des moyens d'action des services de police et de gendarmerie, meilleure réponse aux attentes des Français en matière de sécurité : nous aurons fait _uvre utile.

Nous nous sommes opposés sur plusieurs points. Pour ma part, je reste attaché à l'unité de la police nationale, par souci d'efficacité et pour préserver la cohésion sociale. Je reste attaché, aussi, aux principes fondateurs de l'ordonnance relative à l'enfance délinquante, qui sont la primauté de l'éducation mais aussi la possibilité de la sanction. A nous de les rendre effectives l'une et l'autre.

Par delà ces diverges d'appréciation, nous aurons aussi, par un accord sur l'essentiel, montré que la sécurité n'est ni de droite, ni de gauche, et que nous devons nous rassembler autour des mêmes principes et des mêmes valeurs dans la lutte contre la délinquance et dans le combat contre ceux qui veulent anéantir nos démocraties.

Nous aurons montré que la lutte contre l'insécurité et la violence est et doit être l'affaire de tous. Cette mobilisation collective nous permettra de faire progresser la sécurité, condition de nos libertés.

Je vous remercie tous de votre travail patient et je suis convaincu que, dans leur immense majorité, les Français ont le sentiment que la lutte pour la sécurité se poursuivra sans jamais porter atteinte à leur liberté. Ne sont-elles pas indissociables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Top Of Page

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Alain Clary - Avec l'emploi, la sécurité est l'une des premières préoccupations de nos concitoyens. Or l'explosion de la délinquance et des incivilités touchent désormais aussi les villes moyennes et le monde rural, et plus seulement les grandes villes, où l'insécurité ne régresse pas en dépit des multiples efforts déployés depuis 1997.

Nous sommes donc devant un vrai problème de société, et un problème complexe qui exige la mobilisation de toutes les politiques publiques et de tous les services de l'Etat. En septembre, le ministre de l'intérieur et la Garde des Sceaux ont pris une initiative en ce sens : il faut maintenant que le mouvement se poursuive à l'échelon local.

En ce qui concerne ce projet proprement dit, notre collègue Vila a dit ce matin nos réserves à l'encontre de certains amendements. Les interventions de la droite n'ont fait que confirmer nos craintes et, au terme de cette discussion, nous devons bien constater que nos préoccupations n'ont pas trouvé un écho suffisant pour que nous votions à nouveau ce texte. Le dispositif de lutte anti-terroriste introduit dans celui-ci aurait dû être encadré plus strictement, en particulier, afin de préserver les libertés fondamentales. Certes, nous avons entendu, Monsieur le ministre, vos déclarations quant à sa durée et vous avez promis une évaluation pour la fin de 2002 - mais pourquoi pas au bout de six mois ? Le rapporteur a, de son côté, évoqué la création d'une mission dévaluation. Mais ces garanties ne nous semblent pas suffisantes pour que ce dispositif « exceptionnel » réponde aux exigences de notre Etat de droit. Le recours à des agents privés pour les fouilles et les palpations rencontre notamment notre opposition. Nous regrettons également le vote d'un amendement que nous avions précédemment contribué à faire rejeter : à la déclaration préalable imposée aux organisateurs de raves-parties, nous préférons décidément la concertation et l'élaboration d'une charte.

Trop d'incertitudes et de risques demeurent : le groupe communiste s'abstiendra donc lors du vote.

M. Jean-Luc Warsmann - Cette troisième lecture a été fortement marquée, comme je le pressentais, par les circonstances : en l'occurrence, par les attentats du 11 septembre. Jouant pleinement son rôle, l'opposition a unanimement soutenu les mesures présentées par le Gouvernement pour lutter contre les réseaux terroristes. Puissent-elles suffire !

Pour le reste, ce projet est surtout celui des occasions manquées : vous n'avez pas voulu ouvrir le débat sur la délinquance des mineurs ni vous donner les moyens de faire reculer le sentiment d'impunité qui la nourrit. Vous n'avez pas voulu renforcer l'efficacité de nos systèmes de sécurité, refusant aux élus locaux, aux maires notamment, l'information dont dépend pourtant une meilleure coordination sur le terrain. Vous n'avez rien fait pour réprimer les troubles dans les halls d'immeubles. Ce texte ne sera donc jamais une loi pour la sécurité quotidienne des Français. Le regrettant vivement, le groupe RPR, dont vous n'avez pas retenu les propositions, s'opposera à son adoption.

M. Jean-Pierre Blazy - Non, ce projet n'est pas celui des occasions manquées ! Il y a quelques mois, nous étions face à un texte de portée limitée, si indispensables que soient les dispositions relatives aux armes à feu ou aux chiens dangereux. Grâce à l'initiative parlementaire, cette portée a été indiscutablement élargie, y compris aujourd'hui. Nous avons ainsi légiféré sur la sécurité des halls d'immeuble, sur les épaves, sur l'immatriculation des deux-roues. Sur le délicat problème des raves-parties, nous sommes parvenus à un dispositif équilibré : la réglementation s'accompagnera de l'élaboration d'une charte, ce qui autorisera l'expression d'une certaine culture urbaine tout en assurant la sécurité des jeunes.

Surtout, nous avons complété ce projet par un dispositif antiterroriste. La mission parlementaire de suivi dont la création vient d'être annoncée par le président de la commission nous permettra de nous associer à cette action en veillant à concilier respect des libertés et efficacité.

La droite n'a cessé de moquer ce texte, critiquant sa faible portée puis terminant par un réquisitoire dont la seule justification est sa propre inefficacité passée. Comme toujours, elle préfère discourir et exploiter le sentiment d'insécurité plutôt que de traiter l'insécurité réelle, comme nous le faisons, nous, dans cette loi.

Bien entendu, le groupe socialiste votera ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Antoine Leonetti - Le visage de ce texte, initialement de portée très limitée comme vient de le reconnaître M. Blazy, a en effet été modifié par l'adjonction de dispositions anti-terroristes. Le groupe UDF a soutenu celles-ci sans réserves ni états d'âme, estimant nécessaire de contribuer au combat des démocraties contre le fanatisme.

Pour le reste, ce projet demeure de portée limitée. Certaines mesures ne seront pas inutiles, mais elles ignorent la réalité d'une délinquance de plus en plus fréquente, de plus en plus violente - et de plus en plus le fait de jeunes. Augmentant de 30 % en cinq ans et, sans doute, de plus de 10 % cette année, elle bat de tristes records ! Pourtant, vous ne renoncez pas à une sorte de « jeunisme » électoral. Tout au plus finissez-vous par récupérer les propositions que nous avions faites s'agissant des rave-parties ou de l'immatriculation des deux-roues - mais vous n'approuvez que du bout des lèvres : les amendements ont été présentés sous la signature du ministre. Le temps n'est donc pas encore si loin où M. Bartolone nous accusait de propagande antijeunes.

D'autre part, vous persistez à vous défier des maires. Nous pensons comme vous qu'il serait dangereux de municipaliser la police ou de compromettre l'unité de la police nationale, et nous tenons comme vous à la séparation des pouvoirs : le juge doit rester libre face aux élus. Cependant, nous n'acceptons pas que des délits, considérés comme mineurs, ne soient jamais sanctionnés. Nous souhaitons donc que l'on institue des conseils de la médiation et de la réparation, au sein desquels les maires seraient présents et qui permettraient de lutter efficacement contre l'impunité.

Si vous aviez osé affronter ce problème des jeunes et accru les responsabilités des maires en faisant d'eux les coordinateurs de la sécurité dans leur commune, votre texte aurait eu une tout autre portée et nous nous serions fait une joie de l'approuver, ce domaine n'étant en effet ni de droite ni de gauche. En l'état, ce projet ne témoigne que de l'échec de votre gouvernement et l'UDF ne peut donc le voter.

M. Claude Goasguen - Lorsqu'on cherche une cohérence dans cette addition de mesures, on la trouve d'abord dans l'influence des circonstances. Vous avez d'abord annoncé ce texte au moment des municipales, parce que vous sentiez que la sécurité serait au centre de la campagne électorale. Le résultat des élections eût dû vous inciter à aller encore plus loin, il n'en a rien été : vous n'avez fait que prendre en compte le terrorisme alors que vous aviez refusé de le faire en 1995 - encore les circonstances ! Puis des faits dramatiques vous ont amené à légiférer sur les raves-parties : les circonstances, toujours !

Pourtant, par une campagne de communication dont vous avez le secret, vous essayez de nous faire croire que la réunion du parti socialiste, ce dernier week-end, aurait pris un « tournant » en matière de sécurité. Ce matin, j'ai même entendu un chroniqueur de radio célèbre prononcer le terme à propos de cette loi embryonnaire !

Cette loi n'a rien d'un tournant sécuritaire : rien sur la délinquance des mineurs, rien sur la prostitution, pourtant véritable foyer de délinquance, rien sur l'organisation de la police. C'est pourquoi le groupe DL ne la votera pas.

La sécurité n'est affaire ni de droite ni de gauche mais de crédibilité. Or vous n'en avez plus, si vous en avez jamais eu.

Oh ! Nous le savons, vous prendrez d'autres mesures de circonstances, en fonction des progrès de M. Chevènement dans les sondages mais, en fait, la politique de sécurité, vous ne savez pas faire, vous avez trop de réticences culturelles.

Ce texte opportuniste, électoraliste ne vous permettra pas d'échapper à la sanction du suffrage universel sur les questions de sécurité.

M. Gérard Saumade - J'exprimerai d'abord le point de vue du MDC puis, au nom de la liberté qui prévaut dans mon groupe, la position des Verts et des Radicaux.

M. Jean-Antoine Leonetti - Des radicaux de gauche !

M. Gérard Saumade - Je vous en prie ! J'ai seul la parole, cessez donc de mépriser vos collègues !

« La liberté est cette idée que l'on se fait de sa sécurité », écrivait Montaigne. En effet, la sécurité n'est ni de droite, ni de gauche, elle est révolutionnaire. Ainsi, la République est là pour faire régner la sécurité car elle est le régime de la liberté. A cet égard, la gauche n'a de leçons à recevoir de personne !

M. Jean-Antoine Leonetti - La République n'appartient pas qu'à la gauche !

M. Gérard Saumade - Il faut aujourd'hui non seulement s'attaquer au terrorisme mais aussi éradiquer cette insécurité quotidienne qui nuit à la liberté.

De ce point de vue, la loi est intéressante, nous allons la voter, mais elle ne va pas assez loin. Je regrette ainsi que, sans doute parce qu'on a fait l'amalgame avec la droite, on ait repoussé notre amendement relatif à l'intervention de la police dans les cours d'immeubles. Il est par ailleurs difficile d'admettre que dans ma commune de 4 000 habitants où a eu lieu récemment une bataille rangée avec des relents racistes, le chef de la gendarmerie soit obligé d'attendre la majorité du gosse de 17 ans qui est à l'origine de ces troubles pour le mettre en prison. De telles difficultés, tous les maires de France en connaissent. Ils ont besoin plus que jamais, Monsieur le ministre, que vous soyez le ministre de tous les maires et que la sécurité soit garantie sur tout le territoire.

Je l'ai dit, les députés MDC voteront ce texte, comme les radicaux. En revanche, les Verts voteront contre.

Mme la Présidente - Conformément au troisième alinéa de l'article 114 du Règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet tel qu'il résulte du texte adopté par l'Assemblée en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, lundi 5 novembre à 10 heures.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Top Of Page

ORDRE DU JOUR

DU LUNDI 5 NOVEMBRE 2001

À DIX HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

- Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262).

    M. Didier MIGAUD, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 3320)

Logement (nouvelle procédure)

    M. Jean-Louis DUMONT, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 25 du rapport n° 3320)

    M. Alain CACHEUX, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome XI de l'avis n° 3325)

À QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

    M. Jacques REBILLARD, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales. (Rapport n° 3362)

2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002 (n° 3262)

Agriculture et pêche ; articles 57 à 60 ; budget annexe des prestations sociales agricoles

- Agriculture :

    Mme Béatrice MARRE, rapporteure spéciale au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 4 du rapport n° 3320)

    M. Joseph PARRENIN, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome I de l'avis n° 3325)

- Pêche :

    M. Louis MEXANDEAU, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 5 du rapport n° 3320)

    M. René LEROUX, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome II de l'avis n° 3325)

- Prestations sociales agricoles :

    M. Charles de COURSON, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 42 du rapport n° 3320)

À VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale