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Session ordinaire de 2001-2002 - 27ème jour de séance, 65ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 15 NOVEMBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite) 2

      DÉFENSE 2

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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DÉFENSE

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances - Dernier de la législature et de la loi de programmation militaire, ce premier budget en euros marque la fin de la conscription et s'inscrit dans un contexte géopolitique nouveau. La période qui s'est ouverte le 9 novembre 1989 à Berlin s'est achevée le 11 septembre à Washington et à New York par le premier défi adressé à la paix dans ce nouveau monde globalisé.

Nous ne devons céder ni à l'effet de mode ou à l'émotion stratégique, ni aux conservatismes frileux qui nous ont parfois fait manquer les rendez-vous de l'histoire.

Il faut savoir ce que nous voulons, ce que la France, mais surtout l'Europe veulent. Sans rêver de la puissance américaine ou d'une contre-puissance aux Etats-Unis, l'Europe ne doit pas se cantonner à un rôle supplétif, mais s'affirmer comme un interlocuteur incontournable des questions de sécurité planétaires.

Ce budget poursuit la rénovation de nos armées. Il témoigne que nous gardons la tête froide, sans oublier que l'ennemi ne se manifeste jamais comme nous l'attendons.

Chaque décision d'équipement doit être pensée en fonction d'un but, et éventuellement d'un adversaire. Plusieurs programmes d'armement devront être réexaminés selon ce critère.

Je tiens à souligner devant la représentation nationale la qualité des relations que j'ai pu entretenir avec votre administration, votre cabinet et vous-même, Monsieur le ministre, ces dernières années. Aucune entrave n'a été mise à nos investigations. Mon rapport n'aurait pas pu être aussi dense dans d'autres circonstances.

Outre la mutation du contexte stratégique, notre défense a connu quatre révolutions simultanées : la professionnalisation, la restructuration de son organisation, de ses bases et de son industrie, une mutation technologique générale et une baisse de 30 % des moyens d'équipement en moins de dix ans.

Nulle administration n'aurait pu réussir sans crise majeure pareille reconversion dans l'efficacité, le silence et le respect des personnes. Il est temps que cela soit reconnu au-delà des cercles qui s'intéressent à ces questions (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

L'harmonisation permanente des points de vue à la tête de l'Etat, alors même qu'il y avait alternance et cohabitation a permis de réussir cette quadruple révolution.

Dans le domaine de la défense, la cohabitation fonctionne depuis quatre ans et demi. Certains voudraient qu'elle cesse de fonctionner pendant les mois qui nous séparent de la campagne mais j'espère que personne ne cédera à cette facilité.

Ce budget est très satisfaisant pour ce qui est du titre III, très tendu pour le titre V. D'un montant de 29,3 milliards d'euros hors pensions, il augmente de 1,6 %. Les crédits du titre III s'élèvent à 16,5 milliards, soit une progression de 2,3 %, et ceux du titre V à 12,8 milliards, soit une progression de 0,7 %.

Le dernier budget de la loi de programmation militaire doit être l'occasion d'évoquer sa réalisation, en tenant compte de la revue de programme décidée en conseil de défense par les plus hautes autorités de l'Etat.

S'agissant du titre III, le taux de réalisation des effectifs budgétaires est de plus de 99 %, sur la période et de 104 % en 2001 compte tenu des OPEX et des rebasages indemnitaires.

Les crédits inscrits sur ce titre représentent 56 % du budget de la défense, voire 60 % si l'on ne retient du titre V que le strict investissement défense. Cette logique est celle de toutes les armées professionnalisées.

Notons que le taux de consommation des crédits de la défense a atteint 92 % sur cet exercice, contre 67 % pour les budgets civils.

Ce budget porte la marque de l'indéniable réussite de la professionnalisation et de la consolidation du budget de fonctionnement. Le ministère compte aujourd'hui 436 000 personnes et nos armées recrutent 30 000 jeunes par an. Elles s'orientent désormais vers une logique de fidélisation.

Je me félicite de l'effort important entrepris pour améliorer la condition militaire et revaloriser les rémunérations, tout particulièrement au niveau le plus bas de la hiérarchie puisque la solde des hommes du rang augmentera de près de 60 % en cinq ans.

Le remplacement de jeunes appelés issus de grandes écoles ou très spécialisés n'est pas aisé. Le fonds de consolidation que vous avez mis en place pour conserver les compétences indispensables est donc capital.

M. Alain Clary - Tout à fait !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial - Rémunérations mises à part, le budget de fonctionnement augmente de 6,5 % et il est heureux que les crédits d'activité de nos armées, c'est-à-dire l'entraînement, augmentent de 7,2 % : 3,8 % pour l'armée de terre, 5,2 % pour la marine, 8 % pour l'armée de l'air, 11,6 % pour la gendarmerie.

Vous menez avec cette dernière des négociations sur le temps de travail. Je voudrais rendre hommage aux gendarmes, à un moment où la République leur demande de faire face à la fois à l'augmentation de la délinquance rurale, au plan Vigipirate et aux transferts de monnaie liés à l'euro.

Le taux d'activité de nos armées est en nette augmentation, même si l'on peut discuter de l'intégration des OPEX. Le temps de faction d'un militaire au pont de Mitroviça vaut-il entraînement et qualification opérationnelle ? Oui et non.

L'augmentation de 6 % des crédits d'entretien programmé des matériels améliorera utilement leur disponibilité technique opérationnelle. Le titre III est à cet égard le meilleur que nous ayons eu à examiner depuis très longtemps.

Le titre V n'est pas mauvais en termes globaux. Par comparaison avec les annuités de la loi de programmation révisée, nous sommes à 96 % de réalisation. Nous atteignons 93 % hors revue de programme et moins de 90 % si nous enlevons les BCRD et autres scories. Cette évaluation pessimiste sera sans doute reprise par l'opposition.

Pour autant, ces chiffres sont les meilleurs jamais atteints en termes de réalisation d'une loi de programmation.

Je n'aurai pas ici la cruauté de rappeler que le taux de réalisation de certaines lois de programmation antérieures était, dès la première année, de 20 milliards en dessous de l'annuité...

Il y a effectivement eu, au milieu des années 1990, des baisses vertigineuses du budget de la défense qui n'ont pas dit leur nom, qui n'ont pas fait l'objet d'un débat public, mais qui, résultant de toutes sortes de man_uvres - gels, reports, annulations - ont privé les travaux parlementaires de leur sens, tant l'écart entre les réalisations et les votes était sidéral, tandis qu'impayés et intérêts moratoires s'accumulaient.

Vous avez remis en grande partie bon ordre à tout cela, Monsieur le ministre, et la gestion de ce ministère n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était le jour de votre arrivée à l'hôtel de Brienne. Certes, il reste encore un peu de chemin à parcourir. Ainsi, il n'est pas plus admissible cette année que la précédente que 190 millions d'euros s'évaporent dans le budget civil de la recherche sans la moindre contrepartie pour le budget de la défense ; que nous continuions à accorder sur ce budget 100 millions d'euros à la Polynésie française ; que l'on intègre dans ce budget 411 millions d'euros de reports de l'année précédente, ce qui imposera, pour que les objectifs soient atteints, une rigueur de réalisation tout à fait exceptionnelle. Et je passe sur les éternelles recapitalisations que la situation de nos anciens arsenaux imposera, dont il serait étonnant que le budget de la défense ne pâtisse pas.

Compte tenu de ces corrections, le titre V est donc très serré. Je souligne toutefois le poids important de la dissuasion : bien que ses crédits aient baissé de moitié en dix ans, sa progression de 13 % dans ce budget la fait remonter à 22 % du total, alors que la loi de programmation prévoyait qu'elle descendrait en dessous de 20 %. Cela s'explique par la conjonction de gros investissements, et on ne peut qu'être satisfait des performances de la division des applications militaires du CEA. Reste que ce poids est lourd et nous avons d'autres priorités à financer, notamment la projection de force et la projection de puissance. Nous sommes évidemment ici tous suspendus à la décision allemande concernant l'A400M, pilier majeur de l'Europe de la défense, mais aussi atout important de l'ensemble du programme Airbus, au moment où les Américains apportent une aide massive à Boeing.

Nous connaîtrons à partir de 2005 un important trou de capacité pour le transport tactique et stratégique.

Pour sa part, le Rafale se révèle nettement moins cher que l'Eurofighter, qui n'est pas un avion polyvalent. Que l'on mette donc fin à un certain masochisme français.

Doivent également faire l'objet d'une priorité absolue de financement le missile Scalp de frappe dans la profondeur à distance de sécurité, dont le niveau de commandes est d'ailleurs correct, l'armement air-sol modulaire et, surtout, les moyens numérisés de cartographie militaire qui, garantissant l'indépendance de la France et de l'Europe dans ce domaine, méritent plus d'efforts.

Dans le domaine du renseignement, la modernisation des services est assurée à un rythme soutenu : restructuration et réimplantation de la DPSD, renforcement continu des moyens de la DGSE, consolidation de la DRM, qui nécessiterait sans doute plus de souplesse dans la gestion et la formation des personnels. Pourquoi n'aurions-nous pas une filière unique de recrutement des personnels du renseignement ?

Avec tous ces sujets, on est bien sûr très proches de la future loi de programmation, qui devra être une loi de production de matériels s'intégrant dans un concept de systèmes de forces interarmés et capacitaires. En effet, nos armées sont équipées d'un mélange de matériels des années 1970, rénovés, et de matériels des années 2010 en faible nombre voire à l'état de prototypes. Il va donc falloir maintenant produire et toucher ainsi les dividendes des bons résultats de notre recherche-développement.

Il reste aussi à relever le défi de la construction de l'Europe de la défense. Beaucoup de choses ont été faites, montrant que Saint-Malo n'a pas été un mirage. L'Etat-major européen monte doucement en puissance et l'OCCAR existe enfin. Pourquoi ne pas prévoir une grande OCCAR de la recherche et du développement qui coordonnerait les efforts dispersés, lesquels ne représentent au total que le quart de l'effort américain. Le partage des capacités se généralise et c'est heureux.

On peut toutefois nourrir quelques inquiétudes. D'abord sur le plan financier. Le budget militaire de la France représente maintenant 1,8 % du PIB derrière la Grande-Bretagne - 2,3 % -, mais devant l'Allemagne - 1,15 % -, l'Espagne - 1 % - et l'Italie -0,9 %. Et les écarts sont plus spectaculaires encore pour le titre V ! L'effort de notre partenaire allemand est en effet deux fois moindre que le nôtre, alors que nous avons réduit de 30 % nos dépenses d'investissement en dix ans !

Je ne dresserai pas ici la liste des programmes de coopération qui s'en trouvent fragilisés, mais cela me paraît préoccupant, à l'heure d'une forte offensive technologique commerciale américaine, notamment avec la proposition de JSF, qui pourrait sonner le glas de l'Eurofighter au profit de l'industrie américaine.

Il a pu paraître de bon ton, en France, de vilipender l'attitude de nos amis britanniques à qui l'on reprochait d'avoir un pied dans la logique atlantique et l'autre dans la logique européenne. Force est de dire que, depuis plusieurs mois, c'est plutôt chez eux que les grandes avancées de l'Europe de la défense ont été constatées...

Bien que très serré, ce budget est correct. Il permet une bonne réalisation de la loi de programmation, il consolide et achève la professionnalisation, il permet à la France d'être à la hauteur de ses responsabilités européennes.

Il devra être respecté scrupuleusement pour permettre la jonction avec la loi de programmation militaire à venir mais, pour cela, il doit d'abord être voté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Les attentats du 11 septembre pèsent inévitablement sur l'analyse de ce budget, dont les lacunes, les retards, les imperfections ressortent d'autant plus que la situation internationale exige un renforcement sans précédent des moyens et des équipements. Si 1989 a changé radicalement le monde dans lequel nous vivons, septembre 2001 agit comme un révélateur. Exceptionnellement, d'une manière positive, quand on voit Vladimir Poutine se rapprocher spectaculairement des Etats-Unis et de l'Europe et suivre mieux que jamais la ligne tracée dès 1985 par les nouvelles équipes soviétiques. On assiste ainsi à des initiatives inattendues : une division américaine stationnée en Ouzbékistan, la visite du secrétaire américain à la défense dans les Républiques ex-soviétiques d'Asie centrale et, peut-être, un nouvel accord sur les armes stratégiques. Mais les révélations sont le plus souvent négatives : insuffisance de la disponibilité opérationnelle des matériels, difficultés engendrées par les retards de la plupart des programmes d'équipement.

Si le monde auquel doit répondre notre instrument de défense n'est pas plus dangereux que celui de la guerre froide, qui a duré quarante ans, les conditions de sécurité sont beaucoup plus changeantes.

La prolifération des armes de destruction massive - nucléaires, chimiques, biologiques - entraîne de nouvelles vulnérabilités. Trois pays seulement ont réussi à se doter clandestinement de l'arme nucléaire : Israël, l'Inde et le Pakistan. Mais la banalisation du savoir-faire technologique et les transferts clandestins accroissent les risques. Pour les armes chimiques, tous les pays n'ont pas signé ou ratifié la convention de 1993 et beaucoup des adhérents eux-mêmes n'ont pas pris les dispositions législatives indispensables à son application. Quant aux armes biologiques, la convention qui date de 1972, n'a pu être complétée en 2001, tant le contrôle est difficile. Il est donc nécessaire de prendre en compte ces différentes formes de prolifération, y compris balistique, dans notre dispositif de défense, faute de recours à une protection juridique ou internationale efficace.

Compte tenu des nouvelles vulnérabilités et de l'instabilité du monde, un certain nombre de priorités doivent être maintenues. Les principales ont été définies par le Président de la République dans son discours du 8 juin 2001 devant l'Institut des hautes études de défense nationale : maintien de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire, autonomie stratégique de nos armées, accroissement de la dimension européenne de la défense. Je les analyserai aujourd'hui d'un point de vue budgétaire.

Le budget du ministère de la défense a souffert, ces dix dernières années, de nombreuses réductions : son évolution en volume a été constamment négative depuis 1991, sauf en 1999. Le budget 2002, hors pensions, n'est en hausse que de 1,6 % alors que l'inflation prévue est de 1,7 %.

La montée des crédits de rémunération et des charges sociales a écrasé les dotations de fonctionnement qui sont toutefois relevées cette année. Si on compare les crédits d'équipement prévus dans la loi de programmation militaire 1997-2002 et ceux effectivement inscrits dans les lois de finances, le déficit est de 16 %. On est donc loin de répondre aux exigences de la professionnalisation.

Pire, la disponibilité opérationnelle des matériels est particulièrement préoccupante. Pour l'armée de terre, le déclin date de 1998 : la disponibilité est tombée jusqu'à 68 % pour les matériels terrestres et 60 % pour les matériels aériens. Pour la marine nationale, la moyenne de disponibilité est de 60 % pour les aéronefs et de 62 % pour les bâtiments. Je sais, Monsieur le ministre, que vous essayez d'agir sur les causes non budgétaires de cette situation. Mais les difficultés liées aux ruptures d'approvisionnement des pièces de rechange et aux délais importants des réparations seront difficiles à résorber. S'y ajoute la dégradation des quotas d'entraînement, qui a des effets sur la formation et sur la sécurité des hommes.

Les conséquences des restrictions budgétaires sur les programmes d'équipement sont sérieuses. Les retards sont considérables et entraînent une augmentation des coûts. Certes, ces retards ne vous sont pas tous imputables ; Monsieur le ministre, mais je les avais déjà signalés l'an dernier. En matière d'équipement, les dérives sont nombreuses : les livraisons du programme Rafale doivent êtres étalées jusqu'en 2019. Le Rafale marine de la série F3 ne sera livré qu'en 2007. Les chars Leclerc avaient déjà un retard considérable avant votre arrivée, mais leur disponibilité opérationnelle n'est que de 30 %. Quant à l'avion de transport futur A 400 M, il ne sera disponible au mieux qu'en 2007, alors que les Transall de la première génération seront retirés à partir de 2005. Si vous avez pu programmer les livraisons du NH 90, la première livraison à l'armée de terre n'aura lieu qu'en 2011, c'est-à-dire plus tard que chez nos partenaires européens.

Je me contenterai de mentionner les nouveaux besoins liés aux attentats du 11 septembre. Pour le renseignement, nous sommes distancés largement par les Américains et par les Britanniques. Les performances de nos forces d'opérations spéciales sont connues, mais elles seront requises désormais sur une autre échelle. La protection des civils et celle de nos forces, notamment contre les armes chimiques et biologiques, doit être prévue.

Mes observations sont assez sévères, mais les faiblesses de ce budget risquent de compromettre le démarrage de la programmation 2003-2008. J'ai conscience des difficultés que le Gouvernement rencontre. Je sais qu'il n'était pas facile, après le 11 septembre, de trouver des ressources nouvelles pour redéployer un budget déjà serré.

Je me réjouis de constater que la professionnalisation a été menée à bien. L'actualité a montré la pertinence des orientations définies par le Président de la République en 1996.

De même, notre défense est en adéquation avec la politique étrangère et de sécurité commune, qui ouvre la perspective d'une défense européenne capable d'intervenir dans les conflits régionaux. C'est nécessaire dans un monde instable.

Mais nous ne pouvons pas admettre que les budgets des affaires étrangères et de la défense ne soient pas considérés comme prioritaires. Ces ministères échappent aux controverses sur le libéralisme et la dépense publique, car il s'agit de fonctions régaliennes. C'est pourquoi j'ai proposé à la commission des affaires étrangères de repousser ce budget. Tout en partageant mes inquiétudes, elle a préféré l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - Le budget consacré aux forces nucléaires constitue à peu près le seul motif de satisfaction dans l'ensemble du budget de la défense. La commission de la défense a d'ailleurs, sur ma recommandation, émis un avis unanimement favorable à l'adoption de ces crédits.

La France, en 2002, consentira un gros effort budgétaire en faveur de la dissuasion nucléaire, avec une augmentation de 22,9 % pour les autorisations de programme et de 13,1 % pour les crédits de paiement. Tous les programmes de la dissuasion bénéficient de cette hausse.

Il faut toutefois regretter l'insuffisance des autorisations de programme pour le missile balistique M 51 destiné à la composante océanique, pour lequel manqueraient 9 milliards de francs.

A cet égard, Monsieur le ministre, la représentation nationale souhaite savoir quelles mesures vous allez prendre pour éviter de devoir verser des pénalités à l'industriel, en l'occurrence la société EADS, et quel retard sera pris dans l'exécution de ce programme. J'en profite pour vous demander quelle sera la politique d'essai de ce missile, question dont les enjeux sont à la fois industriels et stratégiques.

Mais je ne peux que me réjouir de la croissance des crédits des forces nucléaires. Pouvait-il d'ailleurs en être autrement ? Suite aux décisions majeures prises dans ce domaine par le Président de la République en 1996, notre dissuasion est en pleine modernisation : nos forces sont non seulement recentrées sur deux composantes, mais surtout nous sommes engagés dans un processus d'adaptation de notre dissuasion au contexte géostratégique d'aujourd'hui et de demain. En conséquence, l'accroissement des besoins financiers liés aux programmes de la dissuasion dans la décennie à venir est mécanique et inéluctable. Vous connaissez les échéances : en 2004, livraison du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération ; jusqu'en 2005, développement du M 51 ; 2010, livraison du quatrième SNLE-NG ; 2007, livraison du missile air-sol moyenne portée amélioré sur le Mirage 2000N ; 2008, livraison de ce même missile sur le Rafale ; en 2008 également, mise à disposition du laser mégajoule à pleine puissance dans le cadre du programme de simulation. Tout cela dans un contexte d'accroissement des coûts de maintien en condition opérationnelle, vraisemblablement sous-estimés. Nous sommes donc contraints de faire face aux coûts de la dissuasion nucléaire sans aucune marge de man_uvre possible.

Cette contrainte étant posée, je me vois obligé d'évoquer l'équipement conventionnel de nos armées, qui est sacrifié dans le présent budget. Celui-ci, en effet, se caractérise moins par l'accroissement des charges liées aux grands programmes nucléaires que par l'insuffisance criante du budget global d'équipement militaire. Or la hausse des crédits de paiement et des autorisations de programme destinés au nucléaire était tout à fait prévisible, sauf peut-être les dépenses s'agissant de l'entretien des nouveaux bâtiments de la force océanique stratégique. L'étalement des programmes conventionnels résulte en réalité de choix politiques.

La modernisation de notre dissuasion était inéluctable. Le Président de la République en a démontré la nécessité dans le discours fondamental qu'il a prononcé le 8 juin dernier devant l'Institut des hautes études de défense nationale.

Ce discours, même s'il n'a pas eu l'écho médiatique qu'il méritait, a pris un relief accru depuis le 11 septembre. Il n'est pas possible, en effet, de considérer que les attentats de New York et de Washington ont clos l'ère de la dissuasion nucléaire ; ce serait inexact et dangereux.

Il est vrai que les actes terroristes du 11 septembre 2001 ont étonné le monde entier par leur caractère imprévisible, leur efficacité et leur barbarie. Pour autant, il serait absurde de se prononcer sur la pertinence de la dissuasion à la lumière d'un seul événement. Elle représente une garantie de sécurité pour les quinze ou vingt années à venir et se justifie d'autant plus que des efforts impressionnants sont faits par des pays comme la Chine, l'Inde et le Pakistan. Ces deux derniers pays se sont engagés dans une politique tout à fait comparable à celle de la France dans les années 1960 : ils vont à marche forcée vers un armement nucléaire aussi développé et sophistiqué que possible. L'Inde et le Pakistan se donnent les moyens de disposer, dans un futur proche, de dizaines, voire d'une centaine d'ogives. Ces pays travaillent à la construction d'une dissuasion comprenant plusieurs composantes. Ils s'efforcent de mettre au point des chaudières nucléaires destinées à la réalisation d'une composante sous-marine. Pour le Pakistan, l'enjeu est d'ailleurs fondamental. Pour compenser l'infériorité qui résulte de son manque de profondeur stratégique, il souhaitait faire de l'Afghanistan une sorte de réserve territoriale. Mais il a toujours eu conscience qu'il lui faudrait se doter de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Qui peut dire aujourd'hui en quelles mains pourrait tomber cet arsenal ?

Dans ce contexte, le danger nucléaire existe bien et nous devons observer avec vigilance les évolutions en cours dans l'arc asiatique, entre le Moyen-Orient et la Chine, où se concentrent quatre puissances nucléaires, sans parler du Japon.

Ces considérations ont conduit notre commission à approuver les crédits des forces nucléaires. La dissuasion n'est pas le vestige d'une ère stratégique révolue, mais la meilleure garantie de sécurité dont nous disposions dans un monde qui reste très dangereux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'espace, les communications et le renseignement - Dans un monde caractérisé par la dissémination des zones d'instabilité et par des menaces aux imbrications mondiales dont l'actualité a montré la réalité, le système de forces « Commandement, Conduite des opérations, Communication et Renseignement » est plus que jamais un facteur déterminant de toute stature stratégique.

Les équipements spatiaux fournissent des capacités d'observation, de communication, d'écoute et de localisation désormais préalables à toute prise de décision.

La France a perçu cette dimension puisqu'elle conduit, depuis plusieurs décennies déjà, une politique spatiale militaire ambitieuse : le ministère de la défense dispose à cet effet d'un budget qui le place au premier rang européen. C'est donc légitimement que notre pays aspire à jouer le rôle de « nation-cadre » dans ce domaine.

Avec ce budget, la France poursuit l'effort de rattrapage engagé en faveur de l'espace l'année passée. Les grands programmes spatiaux français de télécommunications et d'observation optique de nouvelle génération Syracuse 3 et Hélios 2 entrent dans une phase de développement. Les dotations budgétaires suivent donc les besoins.

Alors que les crédits de paiement des titre V et VI augmentent seulement de 0,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, ceux de l'espace militaire s'accroissent de 9,1 % et leur montant s'établit à 454,3 millions d'euros, un niveau jamais atteint depuis 1998.

Cette appréciation mérite toutefois d'être nuancée. En effet, les autorisations de programme de l'ensemble des titres V et VI sont en légère hausse, tandis que celles qui sont allouées à l'espace militaire diminuent de 28,7 %. Leur montant de 343,8 millions d'euros en valeur absolue, est assez éloigné de la moyenne constatée sur l'ensemble des annuités de la loi de programmation en cours, depuis la revue des programmes de 1998, cette moyenne étant de 409,4 millions d'euros.

Cette baisse marquée des autorisations de programme semble confirmée par le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. Je veux mettre l'Assemblée en garde contre tout fléchissement de l'investissement de notre pays dans ce secteur clé.

Depuis plusieurs années déjà, je m'interroge sur la participation du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement, dont le montant s'élève à 190,6 millions d'euros. Ces dotations ne bénéficient que très partiellement à la recherche militaire.

Parmi les motifs de satisfaction, je citerai les avancées en matière de coopérations européennes. Je souhaite saluer la détermination du Gouvernement, qui n'a pas hésité à persévérer dans cette voie, quand beaucoup de signes pouvaient l'inciter à abandonner.

Certaines de ces coopérations reposent encore sur le principe d'une conception et d'un financement conjoints : c'est le cas de la nouvelle génération de satellites d'observation optique Hélios 2 - au financement desquels la Belgique et, prochainement, l'Espagne contribueront - , ou encore de la seconde génération de satellites de télécommunications Syracuse 3 - que la France pourrait réaliser en commun avec l'Allemagne ou les Pays-Bas.

L'exploitation conjointe de certains équipements nationaux spécialisés est une manifestation plus nouvelle des coopérations européennes : aux termes de l'accord bilatéral de Turin, signé en janvier dernier, la France et l'Italie se sont engagées à échanger des capacités d'observation optique et radar ; par la déclaration de Mayence, le Gouvernement allemand a suggéré une utilisation des satellites radars qu'il compte réaliser, en complément de la filière d'observation optique française.

L'enjeu est d'importance, puisqu'aux sommets d'Helsinki et de Nice les Etats de l'Union européenne se sont assigné l'objectif de mettre en place des capacités collectives de commandement, de contrôle, de renseignement et de projection pour 60 000 hommes appuyés par des moyens aériens et navals.

Néanmoins la France reste de loin le pays européen investissant le plus dans l'espace militaire ; il serait opportun que les autres suivent notre exemple, à un moment où de nombreuses puissances spatiales s'affirment : les Etats-Unis reviennent en force, avec la volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici à 2005, comme le montrent les conclusions de la commission présidée par M. Donald Rumsfeld avant sa nomination à la tête du Pentagone ; d'autres pays, tel le Japon, la Chine, l'Inde ou le Brésil, confirment leurs ambitions et leur aptitude à venir concurrencer les programmes européens, pour les lanceurs comme pour les satellites. D'ores et déjà, la position commerciale d'Ariane se trouve fragilisée.

Il est donc nécessaire de conforter notre autonomie spatiale, en assurant la continuité des systèmes d'observation et de télécommunications existants, mais aussi, Monsieur le ministre, en convaincant vos homologues de l'Union européenne de l'intérêt de développer des moyens d'alerte avancée, de navigation et d'écoute électromagnétique.

Pourquoi ne pas proposer que l'ensemble de nos partenaires de l'Union européenne participent, selon une transposition du barème de leurs contribution à l'Agence spatiale européenne, au financement d'un système spatial complet, dont le coût annuel est évalué par l'état-major des armées à 730 millions d'euros ? La France pourrait lancer une réflexion à ce sujet, afin d'aboutir dans la décennie qui s'ouvre.

S'agissant des systèmes de télécommunications et des moyens de renseignement, le niveau des dotations budgétaires traduit une priorité justifiée en faveur de l'adaptation des équipements de nos forces aux technologies les plus modernes, en même temps qu'est reconnue l'importance du renseignement humain. A cet égard, je voudrais souligner la grande compétence de nos services et la qualité des informations transmises, l'une et l'autre louées par nos amis américains et données en exemple à leurs propres offices.

La fonction « renseignement » gagnerait en lisibilité et en cohérence à faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique. Déjà, le Gouvernement a fait un effort de transparence en incluant les dotations de la direction du renseignement militaire dans l'agrégat « renseignement » du fascicule bleu.

En conclusion, les dispositions du projet de loi de finances sont globalement satisfaisantes. Je suis plus réservé à propos du projet de loi de programmation militaire 2003-2008 ; compte tenu de l'évolution des menaces, relâcher notre effort dans des domaines aussi stratégiques que l'espace pourrait avoir de sérieuses incidences sur la capacité de la France à remplir le rôle de « nation-cadre » en Europe et sur les compétences de nos industriels. Des coopérations plus étroites avec les autres pays de l'Union européenne seront nécessaires, ce qui suppose une profonde évolution des structures communautaires et, au minimum, une stabilisation du niveau des dotations en faveur de l'espace.

Nonobstant cette dernière remarque, la commission de la défense a donné un avis favorable sur les crédits de la défense en faveur de l'espace, des communications et du renseignement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les forces terrestres - Le projet de budget des forces terrestres s'élève à 7,34 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 2,3 % en euros constants par rapport à 2001.

D'un montant de 4,76 milliards d'euros, les crédits de fonctionnement diminuent un petit peu moins que l'an dernier. Le titre III constitue la principale satisfaction.

La situation des effectifs militaires est satisfaisante. Le nombre d'officiers et de sous-officiers a pratiquement atteint le niveau requis par la loi de programmation ; les effectifs d'engagés volontaires correspondent aussi aux prévisions de la loi de programmation et de la loi de finances pour 2001.

En revanche, le déficit en personnels civils continue de se creuser. Au 31 juillet 2001, le déficit par rapport à la loi de finances pour 2001 s'élevait à 3 000 personnes. Si la situation n'évolue pas, 4 800 civils risquent de manquer aux forces terrestres en 2002, soit 15 % des effectifs budgétaires. Les dérogations accordées pour l'embauche d'ouvriers d'Etat ont été trop parcimonieuses. Je redemande donc au Gouvernement de se préoccuper de ce problème, qui a pour conséquence directe de distraire des soldats de leurs fonctions militaires.

Pour l'entraînement, les crédits affectés au titre III devraient permettre de porter à 89 le nombre de jours d'exercice, tombé à 68 en 1999 et 2000.

Il faut espérer aussi que l'entraînement des pilotes de l'ALAT pourra s'améliorer puisqu'il est actuellement légèrement inférieur aux 150 heures de vol par an considérées comme minimum pour la sécurité.

S'agissant de la condition matérielle des militaires, le plan Vivien de réhabilitation des casernements est relancé.

Enfin, plusieurs mesures sont prévues pour les sous-officiers, dont la revalorisation de la solde des jeunes sergents par rapport à celle des caporaux-chefs, pour tenir compte de la différence de formation et de responsabilités.

Les crédits d'équipement, amputés de 135 millions d'euros par rapport au budget 2001, chutent de 5,5 %. Ils semblent ainsi subir les conséquences de la hausse des crédits de fonctionnement.

La faiblesse de ces crédits « va accroître le retard » selon les propres termes du chef d'état-major de l'armée de terre ; elle a des conséquences sur la disponibilité des matériels, et sur nos compétences industrielles et technologiques, posant même la question de la survie de notre industrie d'armements terrestres.

La commande « semi-globale » concernant le missile de défense de théâtre SAMP/Terre qui sera passée l'an prochain ne permettra pas le lancement de la totalité des commandes prévues. Certains programmes prendront du retard.

L'armée de terre est celle qui a le plus souffert de la professionnalisation : c'est celle qui incorporait le plus grand nombre d'appelés, celle qui a dû dissoudre le plus de régiments, et sans aucun doute celle qui est la plus sollicitée dans les missions extérieures et intérieures.

Au total, les forces terrestres, qui représentent près du tiers des militaires et 80 % des forces engagées hors du territoire métropolitain, ne recevront que 20,1 % des crédits d'équipement du ministère de la défense. L'année dernière, l'armée de terre recevrait 20,9 % de l'ensemble des crédits du titre V.

Les crédits de paiement de l'armée de terre diminuent de 3,9 %, ceux de l'armée de l'air de 2,8 %, ceux de la gendarmerie de 1,2 % ; ceux de la marine augmentent de 1,7 %, de même que ceux de la DGA. Il est donc légitime de demander qu'un effort budgétaire soit consenti dès 2002 en faveur de l'armée de terre, sur-sollicitée selon les sous-officiers d'un régiment auquel j'ai rendu visite.

La faiblesse des crédits inscrits au titre V a des répercussions non seulement sur les achats d'équipements neufs, mais aussi sur la disponibilité des équipements existants. La professionnalisation ayant été menée au pas de charge, la restructuration du service du matériel s'est effectuée avec une chute de 40 % des personnels et sans un apport suffisant de civils qualifiés.

Cependant les crédits d'entretien progressent de 29,6 % en AP et de 18,7 % en CP, ce qui devrait permettre de rattraper une partie du retard.

Dans l'immédiat, il paraît nécessaire d'assurer un meilleur partage du travail de maintenance entre la DCMAT, dont la charge est trop lourde, et GIAT, qui a un besoin urgent de voir la sienne se renforcer.

Les restrictions en matière de crédits d'équipement posent également la question du devenir de notre industrie de défense terrestre.

Notre souci principal doit être de conserver les compétences de l'industrie française d'armement afin de ne pas devenir dépendants d'un approvisionnement extérieur. Des investissements lourds ne sont pas forcément nécessaires : le développement du Trigan, par exemple, ne nécessiterait annuellement que des crédits relativement modestes ; la préservation des compétences en matière de munitions reviendrait à consentir au maximum 122 millions d'euros pour l'ensemble des calibres, recherches comprises.

La pluriannualité des commandes, pratiquée dans plusieurs pays, est une voie à suivre, mais dans l'immédiat un coup de pouce en recherche et développement sur les commandes 2002 est urgent.

Un engagement encore plus déterminé de l'Etat est indispensable. Des coopérations sont envisageables, mais comment se feraient-elles dans les meilleures conditions si nous abandonnons des compétences ? Comment, même, parler d'Europe de la défense alors que, de plus en plus, l'industrie européenne de défense se « transatlantise » ? Et comment préserver une industrie d'armement sans diversification interne vers le civil ?

Sur toutes ces questions, la Cour des comptes - outrepassant d'ailleurs sa compétence comptable - ne donne pas la solution en proposant une sorte de « normalisation » du GIAT qui serait complètement soumis à une loi du marché faussée par le dumping et sans tenir compte de l'importance stratégique de la compétence dans des domaines clés de la fabrication d'armements.

Il me paraît donc souhaitable qu'un groupe de travail se constitue sur le thème de l'avenir de l'industrie de l'armement terrestre en France et en Europe.

Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes prêt sur chacun de ces points à faire un geste, même si je reconnais qu'il peut exister des contradictions entre des choix contraints, immédiats de l'état-major et une vision stratégique, industrielle et technologique à plus long terme. C'est aux responsables politiques de tenter de surmonter ces contradictions (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

En conclusion, j'insiste sur l'effort remarquable accompli par l'armée de terre depuis le début de la loi de programmation. Le moral des militaires commence à s'améliorer - même si j'ai rencontré des personnels à la limite de la saturation en raison des opérations extérieures, des projections intérieures et des effectifs taillés au plus juste.

C'est pourquoi j'insiste pour qu'un effort immédiat soit consenti au profit des forces terrestres, tant pour les personnels civils que pour les équipements.

Si les crédits du titre III donnent satisfaction, un avis favorable pour l'ensemble des crédits des forces terrestres ne peut être rendu que si le Gouvernement prend en compte les remarques formulées dans le présent rapport. Pour autant, notre commission a donné un avis favorable pour les crédits de l'armée de terre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la marine - Si le titre III du projet de budget pour la marine pour 2002 nous donne satisfaction, le titre V appelle de notre part une appréciation plus mitigée...

M. Alain Richard, ministre de la défense - L'un baigne, l'autre flotte.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis - Il y a en effet tout lieu de se satisfaire du niveau atteint par le titre III car le léger glissement enregistré - moins 1,3 % - n'est imputable qu'à un transfert de crédits vers le titre V pour ce qui concerne l'entretien programmé des matériels. S'agissant des effectifs, le format de la professionnalisation est respecté. Au total, la Marine dispose de 54 433 postes et les effectifs des personnels militaires sont stabilisés. Parallèlement, les personnels civils dont le volume a sensiblement augmenté du fait de la professionnalisation, représentent désormais 19 % de l'effectif global contre 9 % en 1996.

Des difficultés subsistent cependant et il conviendrait d'obtenir de Bercy une levée du gel des recrutements d'ouvriers d'Etat. Aux vacances de postes constatées pour les civils s'ajoutent certains sous-effectifs chroniques pour des catégories de sous-officiers mariniers spécialistes, tels les atomiciens et les informaticiens. A cet égard, le relèvement des primes d'atomiciens - opéré cette année - va dans le bon sens mais il devra être étendu à d'autres fonctions techniques sensibles.

Les crédits de fonctionnement destinés à la vie courante des bâtiments et à l'activité des unités sont donc à niveau. L'insuffisance des crédits de sous-traitance - chapitre 34-05 - reste cependant problématique en ce qu'elle ne permet pas d'alléger le régime des astreintes.

S'agissant du titre V, certaines précisions s'imposent car si la dotation dévolue au nucléaire progresse très sensiblement - ce que nous approuvons, sous réserve que des éclaircissements soient apportés sur le contrat conclu avec le fabricant du futur missile balistique M 51 -, l'ensemble des dépenses en capital baissent de 9 % en AP et n'augmentent que de 1,7 % en CP, après imputation de quelque 119 millions d'euros de reports de l'exercice en cours.

Pour autant, plusieurs points positifs méritent d'être salués, qu'il s'agisse de l'augmentation des AP destinées aux travaux d'infrastructure, de la progression des dotations de soutien des forces et d'entretien programmé des matériels - lesquelles augmentent respectivement de 36,8 % et de 25,2 % en AP. La mission d'information parlementaire Cova-Kerdraon a permis de mesurer combien cette évolution sera appréciée par les personnels, parfois un peu démoralisés par le manque de moyens d'entretien courant des matériels.

Votre rapporteur a également constaté avec le plus grand intérêt que par anticipation de programmation pour la période 2003-2008, les programmes de lancement des dix-sept frégates multimissions et du sous-marin d'attaque Barracuda interviendront dès 2002.

A tort ou à raison, l'opinion publique admet mal que nos capacités ne permettent pas de déployer en permanence à la mer un groupe aéronaval. Du reste, il est temps de faire cesser les polémiques sur le Charles de Gaulle bâtiment réellement exceptionnel de par ses performances globales.

La loi de programmation en cours d'exécution - 1997-2002 - prévoyait la construction d'un second porte-avions « si les conditions économiques le permettaient ». Or l'entrée dans les forces d'une seconde plate-forme a été différée à l'horizon 2015. Pourtant, le projet de loi de programmation pour la période 2003-2008 a été adopté le 31 juillet dernier, le Président de la République et le Premier ministre étant parvenus à un accord. Dès lors, si le chef de l'Etat infléchit aujourd'hui sa position sur ce projet de loi, il doit faire en sorte que l'accélération du programme s'accompagne de la mobilisation des moyens nécessaires.

A cet égard, et sous réserve que les techniques retenues soient rendues compatibles - notamment pour ce qui concerne le mode de décollage des avions embarqués -, une coopération avec nos alliés britanniques ne serait-elle pas de nature à raccourcir les échéances ?

S'agissant de l'armement des bâtiments, il est heureux que le missile de croisière Scalp-Naval bénéficie enfin de ses premiers financements directs de conception. Est-il cependant envisageable qu'il entre en service avant la fin de la décennie, car cette échéance semble bien lointaine ?

Sachez enfin, Monsieur le ministre, que la commission de la défense approuve la réforme - certes un peu tardive mais essentielle - de DCN. La transformation de DCN en société d'Etat offre à cet outil de très grande valeur une chance unique de développement. Il faut la faire aboutir le plus rapidement possible.

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption du projet de budget pour la marine pour 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - Le projet de budget de l'armée de l'air pour 2002 atteint, hors pension, 5,08 milliards d'euros. Atteignant 2,4 milliards d'euros, le titre III progresse de 0,77 % cependant que le budget d'équipement diminue de 2,8 %. La baisse a du reste été compensée par l'autorisation d'ores et déjà donnée de reporter 122 millions d'euros non dépensés en 2001.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a fait part de sa satisfaction pour ce qui concerne le titre III et du sentiment plus mitigé que lui inspire le titre V. S'agissant du titre V, il a notamment attiré l'attention sur les reports de charges de 2002 sur 2003 que risquait d'entraîner la diminution qui l'affecte. Le risque, s'il est réel, est sans doute cependant limité. En tout état de cause, le présent projet de budget intervient dans une époque charnière. Il correspond en effet à la dernière année de la loi de programmation militaire 1997-2002 ; parallèlement, il s'agit du premier exercice après la professionnalisation. Il donne donc une occasion privilégiée de faire le point sur la situation de l'armée de l'air à la veille de la nouvelle programmation.

Pour 2002 comme pour les exercices antérieurs, la qualité du budget de fonctionnement est révélatrice de la qualité de la gestion de l'armée de l'air. Depuis plusieurs années, celle-ci a su en effet procéder aux anticipations nécessaires. Ainsi, elle s'est attachée de longue date à réduire le nombre de ses bases : 35 aujourd'hui en métropole, contre 44 en 1997. Elle gagne ainsi des marges de gestion. Et sa gestion du personnel est également très performante.

La professionnalisation a été anticipée. Les recrutements sont fixés dans le cadre d'une réflexion d'ensemble. La sous-traitance a été développée en fonction des situations sur le terrain. Quant aux MTA, les ajustements de statut seront décidés en fonction des possibilités de reconversion offertes par chaque métier.

On retrouve ce souci d'efficacité dans la nomenclature budgétaire elle-même. Ainsi le cours du pétrole étant sujet à des variations erratiques, le carburéacteur a été isolé au sein d'un article spécifique. Cela permettra à l'armée de l'air d'obtenir facilement les abondements nécessaires en cas de flambée des cours.

L'armée de l'air a également mené une action novatrice dans la gestion des rechanges aériens et de l'entretien programmé des matériels. C'est elle qui est à l'origine de la SIMMAD, dont la création avait été soutenue par la commission de la défense à l'unanimité.

Ainsi, si le titre III connaît une progression des crédits de fonctionnement ou d'entraînement de 7,67 % et si les dépenses de personnel y sont maîtrisées, c'est aussi à elle-même que l'armée de l'air le doit.

Le titre V révèle la même justesse d'analyse.

Ainsi les principaux programmes en cours se sont avérés adaptés à la situation. Les performances du Mirage 2000-5 et du Mirage 2000 D sont reconnues comme remarquables par nos alliés et permettront à la France de tenir, s'il le faut, un rôle opérationnel de tout premier plan. Dans un autre domaine, les tragiques événements du 11 septembre ont rappelé l'extrême importance pour la surveillance de l'espace aérien du programme SCCOA, qui sera compatible avec le futur système ACCS de l'OTAN et que l'armée de l'air met en _uvre sans discontinuer depuis 1993 de façon à assurer un maillage serré du territoire.

Le budget de l'armée de l'air d'aujourd'hui préfigure l'armée de l'air de demain.

A la fin de la programmation 1997-2002, l'armée de l'air a bien reçu les équipements prévus, qu'il s'agisse des Mirage, des 4 Awacs rénovés ou du nouvel appareil Sarigue. Elle est en possession de la plupart des missiles commandés.

Elle a même reçu 9 pods de désignation laser qui n'étaient pas prévus et 10 avions CASA 235 plus économiques à l'emploi que les Transall.

Seuls sont en retard le programme d'équipement des bases aériennes MTBA - mais la commande a été revue à la hausse - et le programme Cougar Resco.

Fin 2002, 36 Rafale auront été commandés, et, si tout va bien, 50 A 400 M, 450 missiles de croisière Scalp EG et 496 Armements Air-Sol Modulaires.

L'armée de l'air de demain s'appuiera principalement sur deux équipements : l'avion d'armes Rafale et l'avion de transport A 400 M.

Le programme Rafale a été retardé à plusieurs reprises, mais il ne faut pas y voir un refus de cet appareil. La première cause d'ajournement a été la décision de lancer le programme Mirage 2000 D, qui a offert à l'armée de l'air 86 appareils sans rivaux dans leur catégorie entre 1993 à 2001. Il était alors logique que le Rafale devienne leur successeur. C'est pourquoi depuis quatre ans l'armée de l'air prévoit une entrée en service en 2005 au standard F2 et surtout en 2008 au standard F3, mais refuse un appareil de standard F1 dont elle n'a pas besoin : la priorité est le remplacement des Jaguar, avions tactiques, et non le développement du parc d'intercepteurs. Le dossier progresse en l'état actuel, le marché du standard F2 a été notifié.

S'agissant de l'ATF, les craintes exprimées par le chef d'état-major de l'armée de l'air il y a trois ans étaient d'une part que les difficultés des restructurations industrielles européennes dans l'aéronautique n'en obèrent la réalisation et d'autre part que nos partenaires n'en repoussent les livraisons au-delà de 2008, ce qui aurait brisé la cohérence du programme.

Les décisions aujourd'hui sont prises ou sur le point de l'être. Ces appareils sont aussi importants pour l'équipement des forces françaises et européennes que pour l'industrie. L'A 400 M a vocation européenne dès sa naissance. Le Rafale pourra sans doute faire valoir pendant longtemps ses qualités de seul avion européen polyvalent. Une version air-sol de l'Eurofighter n'est en effet pas prévue avant 2012 et le lancement de l'avion tactique américain F35 pourrait même obérer son développement.

La restructuration récente de l'industrie européenne aéronautique et de défense a considérablement perturbé le développement de programmes majeurs. En revanche, ces deux nouveaux programmes devraient favoriser à la fois le bon équipement de nos armées, la constitution de l'Europe de la défense et le développement de l'industrie aéronautique française et européenne. La volonté d'agir devra conforter cet espoir. Elle devra peser sur la prochaine programmation et sur l'établissement des budgets d'équipements futurs.

La commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'armée de l'air pour 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III et les personnels de la défense - Le budget de fonctionnement d'une armée professionnelle est primordial. C'est en effet lui qui lui permet de recruter et de conserver son personnel dans le contexte d'un marché de l'emploi de plus en plus concurrentiel.

Or les crédits du titre III ont été considérés par le chef d'état-major des armées, le Général Jean-Pierre Kelche, comme très satisfaisants. De son côté, le Général Yves Crène, chef d'état-major de l'armée de Terre, a indiqué que le projet de budget « permettrait à l'armée de Terre d'achever son processus de professionnalisation dans des conditions relativement satisfaisantes ».

Ce titre III connaîtra en 2002 une augmentation de 2,3 % consacrée en grande partie à des mesures prises en faveur du personnel et qui concernent principalement les sous-officiers.

Il s'agit notamment de la revalorisation indiciaire des sergents, de l'augmentation du contingent de primes de qualification des sous-officiers diplômés, de la revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire pour la Gendarmerie, du plan de revalorisation des médecins militaires, de la création d'échelles IV et de la revalorisation de l'indemnité spéciale de sécurité aérienne.

La réduction du temps de travail est par ailleurs entrée en application, pour les civils, dès le 1er octobre. Cette avancée sociale ne peut exclure complètement les militaires. Des mesures les concernant seront annoncées à l'occasion du prochain Conseil supérieur de la fonction militaire.

La croissance des rémunérations et charges sociales sera en 2002 de 2,3 %, ce qui est proche de la moyenne de la période 1997-2002.

Avec 436 000 personnes, les effectifs du ministère sont en baisse de 2,2 %. Compte tenu de la disparition des 22 800 derniers postes d'appelés, le ministère de la défense est créateur net de 12 900 emplois.

En ce qui concerne les effectifs militaires, rarement une loi de programmation militaire aura été si bien respectée. Les effectifs budgétaires sont très proches de ceux définis en 1996, et les effectifs réels correspondent aussi bien pour les officiers que pour les sous-officiers. Pour les militaires du rang, il reste une année pour recruter les derniers engagés et tout porte à croire que les effectifs seront atteints.

La situation est moins brillante pour les effectifs civils.

Alors que leur proportion devrait augmenter, cette catégorie connaît un déficit chronique qui a crû malgré les efforts déployés par le ministère de la défense. Au 1er juillet 2001, il manquait 7 500 civils.

Dans ce domaine, il faut dissocier les fonctionnaires et contractuels des ouvriers d'Etat. Le déficit de la première catégorie est dû en grande partie au fait que 10 900 emplois ont été créés entre 1996 et 2001, soit une hausse de 27 %.

Les services du ministère s'efforcent de rattraper ce décalage, notamment en améliorant l'organisation des concours.

Quant aux ouvriers d'Etat, les difficultés résultent de l'interdiction d'embauche imposée de fait par le ministère de l'économie et des finances. Cette interdiction a été décidée il y a déjà plusieurs années pour imposer au ministère le redéploiement interne des personnels en sureffectifs à la DGA, à la DCN et chez GIAT-Industries.

Les reclassements du personnel de GIAT-Industries ou de la DGA ne seront que de 200 en 2001. Le redéploiement atteint donc ses limites. Les dérogations de la Direction du budget pour des embauches exceptionnelles restent parcimonieusement accordées : 150 en 1997, 500 en 1998, 250 en 1999, 2000 et 2001. Elles ne concerneront que quelques centaines d'emplois sur les 700 prévus pour 2002, alors qu'il en manque plusieurs milliers.

Il faut sortir de cette situation qui prive les armées des combattants professionnels dont elles ont besoin et cela démotive les militaires.

Les crédits de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales, sont stabilisés depuis deux ans à 19,8 % de l'ensemble. Ceux du titre III, hors RCS, augmentent de 2,5 % après avoir baissé pendant trois exercices... Cette hausse bénéficie à toutes les armées, à la satisfaction de leurs chefs d'état-major. Elle permettra d'étendre les jours d'activité : l'armée de terre devrait passer de 68 à 89 jours, la flotte de 94 à 97.

L'armée de l'air, dont les pilotes respectent les normes de l'OTAN en volant 180 heures par an, devrait améliorer leur entraînement en permettant à 36 % d'entre eux - au lieu de 10 % en 2000 - de participer à des exercices majeurs interalliés.

Reste à fournir un effort en faveur des pilotes d'hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de l'air, qui ont volé moins de 150 heures. Mais c'est la disponibilité du matériel qui est ici en cause.

Le fonctionnement courant des armées s'améliore. Pour la gendarmerie nationale, les crédits hors frais de personnel augmentent de 11,3 %. La dotation allouée au fonctionnement des formations progresse de 7,2 %, les crédits consacrés aux loyers de 18,6 %. Les crédits informatiques sont en hausse de 1,5 million d'euros.

Le chef d'état-major des armées, le général Kelche, juge « contrasté » le bilan de la loi de programmation militaire, mais estime que le pari de la professionnalisation est gagné. Le titre III lui paraît satisfaisant.

Les personnels qui ont choisi de servir dans une armée professionnelle ont le droit d'être plus exigeants quant au fonctionnement des forces. Cette exigence ne fera que se renforcer.

Au total, le titre III constitue un réel progrès, qui prouve que nous avons été entendus. Ainsi les forces pourront achever sereinement leur réforme et entrer avec confiance dans la prochaine loi de programmation.

La commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits d'équipement - Les crédits d'équipement de la défense - titres V et VI - augmentent de 0,7 % en autorisations de programme pour atteindre 13 milliards d'euros. Les crédits de paiement ne seront portés à quelque 12,8 milliards qu'après imputation de 412 millions de reports. Si l'on excepte ces crédits votés en 2001, les crédits de paiement augmenteront aussi de 0,7 %.

Les autorisations de programme progressent respectivement de 8 et 10,1 % pour les armées de l'air et de terre, mais régressent pour la marine en raison de la baisse des crédits consacrés à ses moyens aéronautiques. La marine est cependant la seule armée dont les crédits de paiement augmentent de 1,7 %.

Les autorisations de programme directement gérées par la DGA augmentent de 8,3 % tandis que celles directement gérées par l'état-major des armées diminuent de 12,2 %, suite à la baisse des dotations dévolues à l'espace.

Les grands programmes n'en sont pas pour autant pénalisés : le satellite de télécommunications Syracuse III sera lancé en 2003, le satellite d'observation Helios II en 2004 puis en 2008. La contribution des armées au budget civil de recherche développement est reconduite à hauteur de 190,6 millions. Intégralement affectée au CNES, elle fait l'objet de critiques dans les états-majors. Mais dans le secteur spatial, les recherches à orientation « duale » sont très importantes.

Le vrai problème tient à l'insuffisance de notre « recherche amont », longtemps victime d'arbitrages défavorables, hors dissuasion nucléaire. En dépit d'un léger relèvement des dotations pour 2002, notre pays n'a cessé de voir diminuer son effort comparé de recherche, notamment par rapport à la Grande-Bretagne.

Même si les comparaisons internationales sont difficiles, le fléchissement de l'effort français n'est pas contestable.

Notre effort de recherche développement reste concentré sur nos forces nucléaires dont les autorisations de programme et les crédits de paiement augmentent respectivement de 22,9 % et de 13,1 %.

Il s'agit de mener à bien le programme de simulation, le lancement des quatre futurs SNLE-NG et la mise au point du missile « air-sol moyenne portée - amélioré ».

Quant au missile balistique M 51 qui doit équiper, à l'horizon de la décennie, le quatrième SNLE-NG, il ne semble pas bénéficier d'autorisations de programme en rapport avec les déblocages contractuellement prévus avec l'industriel, avant la fin 2002.

A cette exception près, les dotations aux forces nucléaires sont « sanctuarisées ».

Dès lors que l'on n'entend pas sacrifier les forces conventionnelles, c'est malheureusement sur les budgets de la recherche que sont réalisés des « grignotages ».

Si, en ce qui concerne les livraisons de matériels aux armées, 2002 se caractérise par un petit nombre de fabrications et de livraisons nouvelles, la prochaine loi de programmation donnera lieu à un réengagement massif. Elle a d'ailleurs toujours été conçue comme une loi de fabrication.

Pour la marine, deux programmes majeurs peuvent être considérés comme lancés, dès 2002, par anticipation. Je veux parler des 17 frégates multimissions et des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda.

Le premier programme bénéficie de 22,9 millions d'euros en autorisations de programme, alors que le futur missile de croisière Scalp-Naval est confirmé avec 15,2 millions d'euros d'autorisations de programme et 7,6 millions d'euros de crédits de paiement en complément de l'effort déjà consenti sur la version d'emploi général - Scalp-EG - de ce missile.

L'un des points forts de ce budget concerne l'entretien programmé du matériel dont les moyens augmentent enfin : avec quelque 3,1 milliards d'euros de crédits de paiement, l'entretien programmé des personnels et des matériels représente désormais près de 21 % des crédits d'équipement de la Défense.

Cet effort qui accroît de 20,6 % les autorisations de programme laisse entrevoir un rattrapage dans des secteurs où les Armées auraient dû limiter le potentiel de matériels.

Eu égard aux contraintes à venir, concernant le remplacement d'équipements majeurs, et compte tenu de certaines incertitudes, cette mesure paraît sage.

Ainsi des difficultés rencontrées par l'avion de transport futur A 400 M. L'Allemagne a commandé 73 appareils, contre 50 pour la France et 25 pour le Royaume-Uni mais si son engagement définitif n'est pas signé à la date butoir du 15 décembre, on pourra se demander si elle n'a pas affiché un haut niveau de commandes pour obtenir des rabais et des modalités de paiement privilégiées.

Comme il est probable que l'Italie fera totalement ou partiellement défection qui va supporter le coût de développement du programme initialement prévu pour 220 appareils ? A ce jour, seules la France et la Belgique ont dégagé un volume d'autorisations de programme en rapport des besoins.

Nos partenaires britanniques ont toujours indiqué qu'ils abandonneraient le projet, si le lancement du programme était retardé.

Dans ces conditions, vous avez bien fait, Monsieur le ministre, de ne pas doter le programme en loi de finances initiale pour 2002.

Trois réflexions pour conclure.

Tout d'abord les armées ont supporté de nombreuses contraintes liées à la professionnalisation. Des réorganisations majeures ont été opérées telles que la création par la marine du service de soutien de la flotte et, au niveau « interarmées », de la SIMMAD.

Vous avez annoncé l'installation, dès 2002, d'une structure comparable pour les matériels terrestres. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je me félicite d'autre part de votre détermination à poursuivre les restructurations de nos industries de défense, publiques ou privées. Dans quelques jours, nous examinerons l'évolution statutaire de la DCN, étape essentielle pour son développement.

Cette orientation déterminée mérite d'être soutenue.

Je souligne, enfin, que la loi de programmation 1997-2002 va être conduite à son terme. Vous y êtes pour beaucoup, Monsieur le ministre, grâce à votre action pour améliorer la transparence, la clarté et la sincérité de la gestion. Vous y avez été bien aidé par la commission de la défense et par son président, qui n'a jamais ménagé sa peine. Cette commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des titres V et VI (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les services communs - Alors que 2002 marque la dernière annuité de la loi de programmation 1997-2002, je souhaite dresser le bilan des profondes réformes entreprises pour adapter et moderniser les services communs du ministère de la défense.

En premier lieu, où en est la nouvelle Délégation générale pour l'armement qui devait naître de la réforme engagée en 1996 ? Si l'on en juge par le prix qu'elle facture au ministère de la défense pour les services rendus, la réforme est indéniablement un succès. En effet, son coût d'intervention a été de 972 millions d'euros en 2000, soit une diminution de 23 % par rapport à 1996. En 2002, elle s'est fixé un objectif de 899 millions d'euros, en conformité avec l'objectif fixé en 1996 de réduire ce coût de 30 %. Cet effort ultime ne pourra être obtenu qu'en jouant sur les dépenses de rémunérations et de charges sociales, dans la mesure où, pour le fonctionnement et l'investissement, un plancher a déjà été atteint. C'est essentiellement à la Direction des centres d'essais qu'existent encore des gisements d'économie, même s'il faut prendre garde à ne pas commettre les mêmes erreurs qu'à la DCN. La DGA doit notamment faciliter le recrutement de jeunes ingénieurs.

Si la DGA de 2002 n'a plus grand chose à voir avec celle de 1997, c'est aussi parce qu'elle a profondément modifié sa conduite des programmes d'armement. L'objectif de réduire de 30 % les coûts des programmes a-t-il été atteint ? Il est très difficile de répondre. Je crois néanmoins que la DGA est un gestionnaire plus efficace, ainsi les intérêts moratoires sont passés de 109,3 millions d'euros en 1996 à 17,8 millions d'euros au 31 août 2001.

Cette efficacité, nous la retrouvons également dans la politique des commandes pluriannuelles. A cet égard, je regrette le coup de frein qui interviendra en 2002, faute d'autorisations de programme suffisantes. On ne peut d'un côté demander à la DGA d'adopter des pratiques plus modernes, qui renforcent sa crédibilité auprès des industries d'armement, de l'autre ne pas lui donner les moyens que cette démarche implique. Je pense en particulier aux difficultés du programme M 51.

Cette crédibilité dépasse aujourd'hui les frontières nationales : la DGA a un rôle important à jouer dans l'émergence d'une Europe de l'armement et il serait paradoxal qu'une politique budgétaire à courte vue l'en empêche.

J'en viens à la situation du service de santé des armées, dont la première mission est le soutien sanitaire des forces projetées. Ce soutien a nécessité en 2001, comme l'année précédente, plus de 330 personnels médicaux et paramédicaux. Le prélèvement des personnels, notamment des infirmiers-techniciens des hôpitaux, continue d'avoir des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers, puisque ces militaires ne sont pas remplacés pendant leur absence.

Des tensions persistent en ce qui concerne les effectifs de médecins des armées, malgré le plan de revalorisation de l'année dernière, destiné à les fidéliser. Ce plan sera poursuivi en 2002, mais sera-t-il suffisant pour enrayer la pénurie de médecins militaires ? La situation risque même de s'aggraver, car le nombre de places offertes aux concours de recrutement sera revu à la baisse.

La Délégation à l'information et à la communication de la défense a un rôle essentiel à jouer pour faire vivre le lien entre les armées et la nation, non seulement afin de permettre aux armées de disposer d'une ressource en effectifs qui réponde à leurs besoins, mais également pour convaincre nos concitoyens que c'est pour la paix que nous devons disposer de forces militaires modernes et bien équipées et que, même après la fin de la guerre froide, les dépenses militaires ne sont pas le vestige d'une politique de prestige, l'actualité récente le montre de manière dramatique.

L'élaboration, en 2001, d'un schéma directeur de la communication des armées, destiné à coordonner toutes les actions de communication des armées, montre la volonté du ministère de valoriser la communication de défense. Le fort développement du site Internet, l'édition et la diffusion des documents d'information sur tous supports, l'organisation d'événements, toutes ces actions sont destinées à consolider l'adhésion des Français à leur défense. Mais elles ne seront efficaces que si la DICOD dispose d'assez de personnels.

Le service des essences remplit les fonctions d'un service interarmées de logistique pétrolière. Les quantités de produits pétroliers distribués aux armées ont fortement progressé sur les théâtres d'opérations extérieures. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, le service des essences a été le fournisseur de carburant de l'ensemble de la KFOR, contingent russe excepté. Etant donné le rôle stratégique de ce service, j'appelle votre attention, Monsieur le ministre, sur la forte sollicitation des personnels : le service a franchi le seuil limite de fonctionnement.

Enfin, je salue l'effort accompli par les personnels de ces services, qui ont su relever le défi de la professionnalisation. Il convient de leur assurer les moyens effectifs de fonctionnement. Nous ne l'oublierons pas au moment d'examiner la loi de programmation 2003-2008 !

La commission de la défense a donné, sur ma recommandation, un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie - Ce budget est le dernier d'une législature et d'une loi de programmation. Il doit donc être mis en perspective, en se rappelant que, depuis 20 ans, la gendarmerie a engagé une mutation, qui n'est pas achevée. Cette mutation est liée à celles de la société et à celles des armées, depuis que nous avons suspendu le service national.

Cette mise en perspective justifie sans doute les remarques de bon sens, dosées comme un bon kir (Sourires) de notre collègue Robert Poujade. Oui, lui et moi, sur ce budget, nous nous rejoignons souvent. Nous sommes comme Castor et Pollux (Nouveaux sourires) au service des gendarmes... Ses commentaires, sur le moral des gendarmes, oscillaient entre le blâme et l'éloge.

Comme le directeur de la gendarmerie le reconnaissait à la fin de 1999, la gendarmerie a connu une situation bien difficile en raison de la lourdeur de ses missions, de l'insuffisance de ses moyens, d'une durée de travail sans commune mesure avec le monde civil - et c'était sans compter avec les 35 heures... et d'un manque de considération. Telles sont sans doute les explications de quelques manifestations récentes. C'est aussi ce qui vous a conduit, Monsieur le ministre, à annoncer hier soir devant le Conseil supérieur de la gendarmerie des mesures qui seront justement appréciées.

Sur le constat, nous sommes tous d'accord, voilà le blâme. Mais ce qui m'intéresse, c'est surtout l'éloge, la qualité de ce budget et ses effets induits.

M. Charles Cova - Ce n'est pas ce que M. Poujade a dit !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - La gendarmerie, une force humaine, régie par l'institution militaire qui définit son statut et ses obligations de service de sécurité et de sûreté - comme on parle d'un verrou de sûreté au service de la nation et de la République - telle est la conception que je défends depuis vingt ans.

Parce qu'ils y participent, les gendarmes ont droit à la considération de la nation et de ses élus...

M. Charles Cova - Nous sommes tous d'accord !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - ...qui sont nombreux à participer à la journée d'hommage qui a été instaurée.

Mais la considération, c'est aussi la prise en compte du travail effectué. D'importants progrès ont été accomplis pour le recrutement et les indemnités. D'autres vont être annoncés. Nous connaissons, Monsieur le ministre, votre volonté d'accentuer l'effort en faveur des gendarmes, ils y seront sensibles.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Vous êtes la voix du ministre...

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - Il faut aussi poursuivre la féminisation de la gendarmerie.

Il convient aussi de renforcer le dialogue social. Vous y veillez et vous avez notre appui. Des structures existent déjà et je renvoie mes collègues au numéro 198 de la Revue de la gendarmerie, consacré à ce sujet.

Le budget de fonctionnement doit garantir la qualité de vie dans les brigades : logements décents, véhicules en état de marche. Cette vie quotidienne va être organisée, même si cela prendra du temps, selon le principe de la sectorisation, qui n'entraînera pas de suppression de brigade.

Ce budget témoigne d'une politique volontariste en faveur du personnel, dont les conditions de travail et d'existence vont être améliorées. Vous trouverez dans mon rapport la courbe des crédits de fonctionnement, qui augmentent de 11,31 % par rapport à l'année dernière. C'est sans doute ce qui vous fait mériter les éloges de M. Robert Poujade.

En 2002, la gendarmerie devrait pouvoir acquérir 1 900 véhicules destinés aux brigades, 130 véhicules de liaison, 520 motocyclettes et 12 300 gilets pare-balles de deux types différents.

S'agissant du recrutement des gendarmes adjoints, nous avons connu une période de facilité pendant laquelle il était possible de remplir les écoles d'anciens gendarmes auxiliaires. Nous pouvons aujourd'hui constater le sérieux des élèves et l'application des jeunes filles. Il faut que soit pris en compte dans l'évolution de carrière le temps passé par les officiers et sous-officiers pour assurer la formation dans les écoles.

Pour le reste, je vous renvoie à un excellent recueil intitulé la Gendarmerie...

Un député socialiste - Par Robert Poujade ?

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - Par Georges Lemoine (Rires). La commission a approuvé ce budget (Applaudissements sur divers bancs).

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense - En examinant ce budget, le dernier de la loi de programmation militaire 1997-2002, on ne peut pas ignorer les événements qui se sont déroulés depuis le 11 septembre. Il est encore trop tôt pour tirer toutes les conséquences des attentats de New York et de Washington, mais il est probable qu'ils auront des implications durables sur les relations internationales et sur nos politiques de défense.

Notre première réaction, unanime, fut celle de la solidarité avec les Etats-Unis. Toute agression, de quelque nature qu'elle soit, doit être condamnée. Ce que nous devons combattre, c'est l'idéologie véhiculée par les extrémistes islamistes du réseau Al-Quaïda, qui repose sur l'intolérance et la négation des valeurs humaines. Il n'est pas question de la religion musulmane, mais d'une interprétation déviante du Coran qui vise à asservir les individus. Notre combat n'oppose donc pas le monde musulman au monde occidental.

Sur le terrain politique et diplomatique, le combat est d'une autre nature. Les injustices qu'on a laissé se développer dans certaines régions du monde constituent aujourd'hui le terreau de l'intégrisme. Il devient urgent de trouver une solution au conflit israélo-palestinien, ce qui nécessite un engagement total des Etats-Unis et de l'Europe pour contraindre les belligérants à accepter les règles de base, sans lesquelles aucun espoir n'est permis : la création d'un Etat palestinien viable et la sécurité garantie pour tous les Etats de la région, notamment Israël.

De même, il est anormal que le peuple irakien continue d'être victime d'un embargo qui sanctionne une politique dont il n'est pas responsable et qui renforce la position de Saddam Hussein.

Enfin, il faut que les Nations unies s'affirment davantage, afin que chacun ait confiance en cette institution. Il faudrait pour cela que les Etats-Unis adoptent une politique moins unilatérale et moins opportuniste (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste). Mais nous commettrions une erreur en bornant notre réflexion à la lutte contre le terrorisme, qui comporte un volet politique aussi important que le volet militaire, sans parler des moyens de police et de justice nécessaires pour démanteler les réseaux.

Il importe de renforcer notre potentiel de renseignement humain et d'analyse politique des sociétés, bien que nous n'ayons pas à rougir de nos performances dans ce domaine. Je note d'ailleurs que c'était une des conclusions de la mission d'information sur le Rwanda, il y a trois ans.

La commission de la défense souhaite contribuer à la réflexion sur les réponses au défi que constitue le terrorisme international. Notre outil politico-militaire est-il adapté à cette menace et d'ailleurs, que représente exactement la menace terroriste ? C'est pour y voir plus clair que nous avons créé une mission d'information sur les conséquences des attentats du 11 septembre. Nous avons déjà entendu plusieurs experts ; nous rencontrons en ce moment les directeurs des services concernés. L'objectif est de remettre ce rapport dans un délai d'un mois, afin de pouvoir proposer, le cas échéant, des adaptation à notre outil de défense.

Mais les événements du 11 septembre ne remettent pas en cause notre priorité stratégique, qui doit être la construction de l'Europe de la défense, dont le conflit en Afghanistan montre d'ailleurs la nécessité. Isolément, les trois ou quatre principales puissances européennes ne peuvent offrir aux Etats-Unis qu'un soutien limité. Nul doute que leur contribution militaire aurait un impact politique plus fort si elle était fournie collectivement. Les pays de l'Union ont d'ores et déjà décidé d'engager plus de 10 000 militaires dans ce conflit, mais leur influence politique n'est pas à la mesure de cet engagement. Une véritable action collective leur permettrait de peser davantage sur les choix stratégiques de Washington et sur le règlement diplomatique du conflit.

Les pays européens ne sont pas encore parvenus à ce degré d'union politique, mais les progrès réalisés depuis deux ans sont encourageants. Le conseil d'Helsinki de décembre 1999 a donné à l'Europe de la Défense un contenu concret et ambitieux : mettre l'Union européenne en état de déployer 60 000 combattants sur un théâtre éloigné et les y maintenir avec les appuis aériens et navals nécessaires.

Un « catalogue de capacités » a été établi en vue de cet objectif. Les contributions des Etats membres permettraient déjà de satisfaire 70 % des besoins, mais cinquante-quatre lacunes ont été identifiées. Une conférence aura lieu au début de la semaine prochaine pour progresser dans la voie de leur comblement et permettre la réalisation de l'objectif d'Helsinki à l'échéance prévue de 2003. Parallèlement, l'Union européenne a mis en place les instruments et les procédures nécessaires à la gestion des crises, y compris dans leur dimension militaire. A la fin de l'année, le Conseil européen de Laeken doit déclarer l'Europe de la défense opérationnelle.

Je souhaite que l'Union s'apprête à assumer les responsabilités qui découleront de cette déclaration. Il serait paradoxal que des opérations comme celle qui se déroule actuellement en Macédoine, sous commandement allemand, sans participation américaine, relèvent encore longtemps de l'OTAN.

Certains blocages, liés à l'attitude turque, empêchent encore l'Union de bénéficier d'une garantie d'accès aux capacités de l'OTAN. Mais, depuis Saint-Malo, il a toujours été entendu que l'Union européenne se réservait l'option d'une action militaire autonome. C'est ce qu'il faut faire, en attendant l'accord avec l'OTAN qui ne manquera pas de suivre, dès que l'Union aura montré qu'elle peut agir seule.

L'Europe doit aussi réfléchir aux raisons qui la conduisent à se doter d'une capacité autonome de gestion militaire des crises. L'objectif d'Helsinki a été fixé à partir de scénarios empiriques, dont le plus exigeant correspond au conflit du Kosovo. Mais l'Europe ne peut pas se contenter de se préparer à la répétition des conflits du passé, même récents ; elle doit être capable d'intervenir dans les différentes crises susceptibles de menacer sa sécurité. Pour cela, il lui faut disposer d'un Livre blanc qui contienne une analyse de nos intérêts politiques et un concept d'emploi de notre outil politico-militaire, allant de la prévention des conflits à l'utilisation de la force armée. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'objectif d'Helsinki, mais de le compléter.

Pour que la France puisse continuer à jouer un rôle moteur dans la construction de l'Europe de la défense, il faut donner à nos armées les ressources nécessaires aux missions qu'elles assument aux côtés des autres forces européennes.

Le projet de budget satisfait à cette exigence, avec un titre III qui répond aux attentes des personnels et un titre V qui permet d'achever la programmation en cours dans des conditions satisfaisantes.

Les personnels civils bénéficient de mesures nouvelles importantes, qui s'ajoutent à la revalorisation des bas salaires. Le régime des 35 heures leur est applicable sans diminution ni gel des rémunérations.

Pour les personnels militaires, les mesures nouvelles se montent à 250 millions de francs, ce qui représente un quintuplement par rapport aux années précédentes. Les sous-officiers bénéficieront d'une amélioration significative de leur solde. Cet effort est indispensable dans une période où les armées sont lourdement sollicitées. Il doit être amplifié par la transposition aux militaires des avantages liés aux 35 heures. L'enjeu est de conserver au métier militaire son caractère attractif pour garantir aux armées la ressource humaine dont elles ont besoin. L'amélioration de la condition militaire est donc une priorité. Elle devra se poursuivre au-delà de 2002.

Le projet de budget témoigne également d'une grande attention aux difficultés que traverse actuellement la Gendarmerie. Une politique cohérente a été engagée depuis février 2000 pour résoudre les difficultés de celle-ci et répondre aux attentes de ses personnels. Son efficacité dépendra de la persévérance avec laquelle elle sera conduite.

Le titre V permet de mener la programmation à son terme. En dépit d'un volume de ressources inférieur aux prévisions, la réalisation physique des programmes devrait être globalement satisfaisante à l'issue de l'exercice 2002, grâce aux efforts consentis pour réduire leur coût. La cohérence du modèle d'armée est maintenue. Les acquisitions de matériels sont conformes, dans l'ensemble, aux objectifs fixés. Des programmes nouveaux ont même pu être lancés pour répondre à des besoins apparus en cours de programmation, comme l'acquisition de drones.

Trois questions restent cependant posées.

D'abord, le poids de la dissuasion s'accroît sensiblement dans le projet de budget et il sera nécessaire à l'avenir de conduire des programmes nucléaires considérables tout en équipant les forces classiques d'une gamme diversifiée de matériels majeurs de nouvelle génération.

A terme, on imagine mal que cet effort puisse rester purement national, dans une Union européenne en marche vers l'unité politique. Lorsque la politique étrangère, la gestion des crises et la défense collective relèveront de décisions communes, il sera nécessaire d'envisager une réflexion sur le rôle de cet outil de défense dans la sécurité de l'Europe.

La deuxième question concerne les inflexions à apporter à la politique d'équipement militaire. Sans doute la crise en cours modifiera-t-elle la hiérarchie des besoins : il pourrait ainsi apparaître souhaitable d'accentuer l'effort dans les systèmes de renseignement ou les missiles de croisière. Mais le projet de budget ne semble offrir que peu de souplesse de gestion, compte tenu du poids des programmes en cours et des charges d'entretien des matériels, auxquelles sont d'ailleurs consacrées des dotations en augmentation notable.

Une dernière interrogation tient au caractère très strict de l'évaluation des besoins d'équipement. Les dotations budgétaires permettront de conduire normalement les programmes prévus, mais il est essentiel qu'elles ne soient pas remises en cause en cours d'exercice.

Je souhaiterais pour conclure évoquer brièvement le bilan des travaux de la commission de la défense pendant cette législature.

Nous avons principalement cherché à renforcer le contrôle parlementaire sur la politique de défense et de sécurité. Avec l'aide précieuse des administrateurs de la commission, à qui je veux rendre hommage, un grand nombre de commissaires ont accompli un travail assidu et de grande qualité. Les 17 rapports d'information qui ont été établis ont permis d'étudier les aspects les plus divers de la politique de défense et de sécurité, depuis les opérations extérieures présentes ou passées - Kosovo, Rwanda - jusqu'à la politique industrielle et d'exportation dans le secteur de l'armement. Un rapport d'information est en cours d'examen sur la tragédie de Srebrenica. La semaine prochaine, nous en examinerons un nouveau sur la réforme de la coopération militaire.

Lorsqu'il n'y a pas de menace directe, la nécessité de la défense n'est plus aussi évidente. Il faut donc, pour éclairer les citoyens et en leur nom, vérifier que le budget militaire correspond aux besoins, qu'il est convenablement géré, qu'il finance un outil performant et qu'il assure de bonnes conditions de vie et de travail à des personnels en nombre suffisant. C'est ce que nous nous sommes attachés à faire, avec un souci de rigueur et d'exactitude qui nous a rassemblés au-delà des clivages politiques.

Dans notre effort de transparence, nous avons reçu le soutien du Gouvernement, même s'il a fallu parfois dissiper certains malentendus.

Toutefois, je regrette, Monsieur le ministre, que la proposition de notre commission n'ait pas abouti concernant la création d'un dispositif d'association du Parlement à la politique du renseignement, sujet dont l'importance vient pourtant d'être mise en lumière par le drame du 11 septembre. J'exprimerai aussi une demi-satisfaction : le contrôle du Parlement sur les opérations extérieures a été sensiblement amélioré au cours de la législature. Nous avons pu instaurer un dialogue qui nous permet, de manière désormais régulière, de vous entendre, Monsieur le ministre, ainsi que le chef d'état-major des armées sur les opérations militaires en cours, dans le cadre de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année. Pour ma part, et je sais que mon souhait est partagé par bon nombre de mes collègues, j'ai proposé que la lettre et la pratique de notre Constitution évoluent pour permettre au Parlement d'exercer un rôle plus effectif en matière d'intervention de nos forces armées. J'espère et je pense que nous y arriverons un jour, dans la mesure où, dans une démocratie, le contrôle et le débat parlementaires sont des facteurs essentiels de renforcement de l'esprit de défense (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Renaud Donnedieu de Vabres - La conclusion était bonne !

M. Michel Voisin - Hélas, comme les précédents budgets adoptés par votre majorité, ce budget consacre un désengagement concernant tout à la fois la sécurité globale du pays et la place de la France sur la scène internationale. Je sais, Monsieur le ministre, que vous avez parfaitement perçu les enjeux, mais, solidarité gouvernementale oblige, vous êtes tenu par les ambitions personnelles de votre chef (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Ce budget a été élaboré avant l'été. Compte tenu de l'évolution de la situation internationale, on peut s'interroger sur la pertinence de ses orientations, qui ne nous permettront pas de nous poser encore longtemps en interlocuteur valable de nos alliés. Cette question a été récemment évoquée dans la presse par l'excellent rapporteur spécial de la commission des finances.

Notre armée est professionnalisée, mais elle ne dispose pas des matériels et équipements permettant son déploiement. Comme le soulignait Jean-Michel Boucheron, notre marine est actuellement dans l'incapacité d'assurer une présence aéronavale au large du Pakistan. On mesure aujourd'hui combien le fait de vouloir disposer d'un groupe aéronaval ne comportant qu'un seul porte-avions est une hérésie.

Que signifie aujourd'hui « capacité de projection » ? Quel sens donner au concept de mobilité ? Ces maîtres-mots du Livre blanc sur la défense ont peu à peu perdu de leur portée. A force de programmes étalés, amputés, arrêtés, l'armée continue d'attendre les outils modernes qui lui étaient promis (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

S'il faut se féliciter de voir aujourd'hui nos officiers participer aux travaux des états majors internationaux, force est de reconnaître que nos capacités de projection sur le terrain sont entièrement mobilisées par les actions que nos militaires effectuent avec courage et dévouement sur les théâtres d'opérations extérieures.

Ce budget devrait traduire l'effort que le pays entend consacrer annuellement à sa sécurité, dans le respect des orientations arrêtées par les lois de programmation militaire. Or vous conviendrez, Monsieur le ministre, qu'il n'en est rien.

Suivant l'exemple de Pierre Joxe lorsqu'il occupait les fonctions qui sont les vôtres, vous avez déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale fin juillet un projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, qui connaîtra le même sort que celui de votre illustre prédécesseur et ne viendra vraisemblablement pas en discussion, compte tenu des échéances électorales. Une fois de plus, les choix effectués en matière de défense par une majorité de gauche en resteront aux déclarations d'intention (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le Gouvernement montre ainsi en quelle estime il tient la représentation nationale !

S'agissant de la programmation en cours, le bilan est plus que contrasté : la suppression de toute forme de service national a laissé le champ libre au développement de l'incivilité et de la petite délinquance. Nos jeunes n'ont plus de sensibilisation citoyenne : le gouvernement Jospin, pour de sombres raisons financières, en porte la totale responsabilité.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis - N'importe quoi !

M. Michel Voisin - Les retards d'équipement se sont accumulés depuis quatre ans. Aucun programme n'a échappé aux restrictions de crédits.

Une apparente cohérence de modèle d'armée a été maintenu, mais quand bien même vous respecteriez les crédits d'équipement inscrits au projet de budget, le manque cumulé de crédits par rapport aux objectifs de la loi de programmation 1997-2002 s'élèverait à 68 milliards de francs.

Une fois de plus, les contraintes financières pèseront sur les crédits d'infrastructure et d'entretien programmé du matériel, et les conditions de vie et de travail des unités s'en ressentiront.

S'agissant de l'armée de terre, les nuages s'amoncellent sur les carrières des officiers. L'année prochaine, seuls les sous-officiers pourront espérer une modeste amélioration de leur sort, du fait de l'heureuse répercussion de mesures de portée plus générale. Les crédits de fonctionnement courant et d'activité des forces autorisent la réalisation de 89 jours d'activité, mais cette apparente amélioration n'est due qu'aux effets de la professionnalisation. Les crédits d'équipement sont notoirement insuffisants ; nos forces terrestres ne pourront longtemps encore se satisfaire de matériels vieillissants.

Si le budget des forces aériennes apparaît globalement satisfaisant, il reste que l'armée de l'air doit actuellement faire face à des difficultés de recrutement. La flotte de transport demeure un souci constant de l'état-major, et quelques CASA 235 ne modifieront pas substantiellement les perspectives. Enfin, le non-respect des objectifs de la loi de programmation conduira inéluctablement à une remise en cause du modèle d'armée 2015.

Grâce à un artifice budgétaire, les crédits de fonctionnement de la marine apparaissent en hausse de 5 % : la diminution des crédits de personnel permet un redressement de l'activité des bâtiments, mais si la tendance devait se poursuivre, la marine manquerait cruellement de personnels pour sortir en mer...

L'équipement de la marine souffre aujourd'hui des sacrifices consentis sur le groupe aéronaval et des retards significatifs subis par les programmes de la FOST, des frégates Horizon et du Rafale.

Par ailleurs, le désarmement de la frégate Suffren entraîne une véritable rupture de capacité.

S'agissant de la gendarmerie - dont nous mesurons tous le sens du devoir et l'abnégation -, je ne puis souscrire aux analyses de M. Lemoine. Corvéables à merci, les gendarmes connaissent des conditions de vie de plus en plus difficiles et leur vie familiale en est très souvent terriblement affectée. Dès lors, je vous conjure d'en tenir compte et de faire en sorte que les annonces que vous vous apprêtez à faire à leur sujet témoignent de la reconnaissance que leur portent la représentation nationale et, j'imagine, le Gouvernement.

Le groupe UDF ne peut que marquer son désaccord avec un projet de budget qui se borne à repriser les accrocs que la politique budgétaire du Gouvernement Jospin a provoqués dans notre tissu de défense...

M. le Ministre - Voilà une appréciation impartiale !

M. Michel Voisin - Je ne conteste pas vos efforts mais vous vous trouvez un peu dans la situation du bricoleur de génie qui pare tant bien que mal au plus pressé... (Sourires sur divers bancs et de M. le ministre de la défense) Les événements récents montrent cependant que l'on ne peut plus se permettre de faire preuve d'amateurisme dans la définition de la politique de défense de notre pays.

Dans ces conditions, le groupe UDF votera contre ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Marie-Hélène Aubert - Un débat national sur le rôle des forces armées est plus que jamais indispensable et l'ensemble des partenaires doivent y participer, au-delà des seuls commissaires de la défense. Pour autant, je tiens d'ailleurs à saluer l'intérêt des travaux de votre commission menés sous l'autorité du Président Quilès. Les conflits récents et l'actualité internationale posent d'une manière toujours plus aiguë la question du cadre approprié et de la légitimité démocratique des interventions, dont nous ne contestons pas du reste, face à des événements tragiques, la nécessité.

Parallèlement, l'ONU doit jouer son rôle de garant du droit international public et mener une politique étrangère cohérente. Les temps où sa fonction essentielle consistait à donner un supplément d'âme aux grandes puissances sont définitivement résolus.

S'agissant du présent projet de budget, je m'interroge sur la pertinence de ses nouvelles orientations au regard de la situation internationale. En effet, la très nette augmentation - plus 13 % - des crédits dévolus au nucléaire est-elle bien justifiée ? Les dotations afférentes progressent en effet dix-huit fois plus que l'ensemble des crédits militaires.

M. Charles Cova - Eh oui ! Cela coûte cher !

Mme Marie-Hélène Aubert - Pour ma part, je le déplore ! L'application prématurée de la loi de programmation militaire l'explique pour partie. J'observe pour autant qu'elle a été examinée en conseil des ministres en juillet dernier, que les choses, depuis, ont changé et que le Parlement n'en a pas encore été saisi !

M. Charles Cova - Très juste !

Mme Marie-Hélène Aubert - Or, la loi de programmation pour la période 2003-2008 est loin d'être négligeable. Songez qu'elle prévoit la construction d'un quatrième sous-marin nucléaire de nouvelle génération, le programmes de missiles M51, le programme de têtes nucléaires adaptées au M51, le programme de simulation des essais nucléaires - dont le laser mégajoule - destiné à la mise au point de nouvelles têtes nucléaires et j'en passe. Prélude à la « modernisation » des forces nucléaires françaises, ce programme s'inscrit en parfaite contradiction avec le traité de non-prolifération que notre pays a ratifié et avec les engagements verbaux souvent réitérés de la diplomatie française d'agir en faveur du désarmement. Dans un tel contexte, la France peut-elle s'opposer de manière crédible au nouveau bouclier antimissile américain ?

Au reste, est-il exact que l'Iran détient aujourd'hui encore 10 % des parts d'Eurodif, structure multinationale lancée par la France et chargée de fournir ses actionnaires en uranium enrichi ?

Et comment ne pas être choqué par le contraste saisissant entre le discours officiel - lequel prône la stricte suffisance en matière nucléaire - et la progression inadéquate du budget du nucléaire ?

Par ailleurs, ce budget exprime-t-il réellement un choix de la France pour une politique de sécurité collective européenne ? L'essentiel des moyens ne reste-t-il pas dévolu à des programmes strictement nationaux ? N'a-t-on pas préféré Rafale à Eurofighter, le char Leclerc à un char européen ? Du reste, cette préférence systématique pour la production de nos industries d'armement nationales ne nous surprend pas. La volonté de faire de l'armement un pôle d'exportation prépondérant tente de le justifier cependant que la multiplication des salons d'armement - EuroSatory, Euronaval, Milipol, Salon aéronautique du Bourget - sur le territoire national fait de la France un centre névralgique de la course aux armements.

A l'heure où la sécurité mondiale a besoin de choix stratégiques, la France peut-elle se satisfaire d'une concertation européenne visant exclusivement à des accords de non-concurrence ? Ce partage des marchés est mal dissimulé par plusieurs gentlemen agreement qui ne concourent en rien à la limitation du commerce des armes !

Puisque l'éthique ne semble pas vous guider, sachons au moins faire preuve d'un peu de prudence ! Les Verts affirment, une fois encore, leur opposition résolue à l'engagement d'un nouveau programme nucléaire, sous quelque forme que ce soit.

Enfin, nous considérons que les questions de défense ne relèvent pas que des militaires mais aussi de l'action diplomatique, de la mobilisation citoyenne et des ONG. Plus globalement, la course effrénée à la technologie nous semble illusoire. Engagés sur des théâtres d'opérations extérieurs, les personnels doivent bénéficier d'une formation adaptée qui exige des moyens renforcés.

Dans l'attente d'une approche globale des questions de défense plus adaptée aux réalités du temps, les députés Verts voteront contre ce projet de budget.

M. Alain Moyne-Bressand - Le présent projet de budget correspond à la dernière annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002. Je l'ai par conséquent examiné avec une attention toute particulière.

La progression sensible des dotations inscrites dans le titre III est satisfaisante en ce qu'elle permettra d'adopter des mesures très attendues par les personnels. Certes, cette revalorisation a surtout valeur de rééquilibrage après plusieurs années de rigueur excessive ; elle est cependant bienvenue. Rappelons en effet que l'année dernière, le chef d'état-major des armées avait été conduit à sortir de sa réserve pour dénoncer un état de surchauffe !

Le budget que vous nous proposez permettra d'atteindre l'objectif de la loi de programmation qui prévoyait une diminution globale des effectifs de l'ordre de 23 %. Les résultats en matière de professionnalisation des armées se révèlent donc satisfaisants, même s'il reste à bâtir pour la France - à l'imitation du Royaume Uni - un véritable budget d'armée professionnelle.

Pour l'heure, je salue les efforts dont ont fait preuve les différentes forces. Peu d'administrations seraient parvenues à se réformer aussi profondément dans un délai aussi bref. L'armée de terre, la marine et l'armée de l'air ont en effet dû faire face à d'importantes restructurations, puisque leurs crédits de fonctionnement ont diminué respectivement de 25 %, 13 % et 17 %. Du reste, seule la gendarmerie a vu ceux-ci évaluer positivement et c'est d'ailleurs à ce sujet qu'intervient ma première critique. En effet, l'évolution - de l'ordre de 5 % - semble bien modeste au regard des sollicitations de plus en plus nombreuses dont fait l'objet la gendarmerie. Et comment ne pas s'inquiéter, en effet, d'une charge de travail souvent à la limite du supportable ? Une part importante des créations de poste s'est en outre trouvée neutralisée par la déflation des effectifs. La mauvaise humeur manifestée par la Garde républicaine en octobre dernier témoigne donc d'un malaise bien réel (« Non ! » sur les bancs du groupe UDF). L'inquiétude des forces est liée à plusieurs facteurs : excès de missions, arrivée de l'euro, renforcement de Vigipirate, augmentation de la délinquance, nouvelles contraintes liées à la loi sur la présomption d'innocence, risque accru de voir le statut militaire décrocher du statut civil. Or ce budget ne semble pas pouvoir atténuer le malaise des gendarmes. Comptez-vous, par exemple, financer les gilets pare-balles qu'ils achètent sur leurs propres deniers ?

M. le Ministre - Etes-vous sûr de ce que vous avancez ?

M. Alain Moyne-Bressand - Ce sont des gendarmes qui me l'ont dit.

En revanche, il semble que vous vous apprêtiez à créer des postes. J'en serai heureux, si c'est le cas.

En ce qui concerne les crédits d'équipement, j'ai la désagréable impression qu'ils ont servi de variable d'ajustement pour permettre de financer les dépenses de personnel.

Le résultat de cette attitude irresponsable est un retard considérable des différents programmes d'équipement de nos forces armées. Fin 2000, il manquait déjà 58 milliards de francs pour atteindre l'objectif prévu. Fin 2001, il manquera 86 milliards. La jonction avec la prochaine loi de programmation sera difficile et certains militaires en parlent déjà comme d'un texte mort-né !

L'état du matériel se révèle tout aussi inquiétant pour notre capacité opérationnelle que le vieillissement du parc. Quelques grands programmes ont, en effet, absorbé l'essentiel des ressources. La France ne peut atteindre le niveau d'engagement de ses alliés, notamment en matière de transport. C'est donc sa crédibilité sur la scène internationale qui est mise en cause. Ainsi, pour des raisons aussi incroyables que le simple manque de pièces de rechange, la flotte de la marine n'est actuellement opérationnelle qu'à hauteur de 65 %, le taux normal étant de 80 %.

Cela m'amène à soutenir les propos du Président de la République lors de sa visite à la base navale de Toulon qui a souhaité accélérer le lancement d'un deuxième porte-avions afin que la France dispose en permanence d'un groupe aéronaval en mer.

Les restrictions de crédits d'équipement posent la question de l'avenir de l'industrie d'armement.

Dans un rapport publié le 24 octobre, la Cour des comptes a sévèrement critiqué la gestion des industries d'armement qui sont dans le giron de l'Etat.

Elle a appelé à une modernisation urgente. L'industrie subit en effet depuis dix ans la baisse drastique des dépenses militaires sans que l'outil industriel ait été redimensionné à temps. La situation du GIAT-Industries est particulièrement préoccupante.

Son fleuron, le char Leclerc, n'a été, par exemple, commandé qu'à 406 exemplaires contre 1 400 prévus !

M. le Ministre - Que suggérez-vous ?

M. Alain Moyne-Bressand - De dégager des moyens ! L'état de la Direction des constructions navales n'est guère plus enviable. Les arsenaux qui fabriquent et entretiennent nos sous-marins, frégates et porte-avions ont gardé un statut d'administration qui freine leur compétitivité et leur interdit toute alliance internationale.

Un changement de statut est en cours mais plusieurs syndicats semblent refuser vos propositions.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous donner des éclaircissements ?

Le changement de statut sera-t-il validé comme prévu par la prochaine loi de finances rectificative ?

Enfin, nous ne pouvons que regretter que l'Europe de la défense soit si peu présente dans les conflits internationaux.

Si l'Eurocorps s'est distingué au Kosovo, il n'y a pas d'autre exemple d'une défense européenne commune. Comme c'est le cas pour les événements d'Afghanistan, ce sont quelques Etats membres qui, de manière individuelle, envoient des forces sur le terrain.

Le Conseil d'Helsinki de 1999 a voulu doter l'Union d'une force de réaction rapide dont la mise en _uvre est prévue pour 2003.

La France devrait y participer à hauteur de 20 %. En sera-t-elle capable ?

Lorsqu'on réduit exagérément ses dépenses militaires, on se condamne très vite à ne plus peser dans les affaires du monde.

En quelques années, notre budget de la défense est passé de 3 % à à peine 2 % du PIB. Il y a fort à parier que nous chuterons plus bas encore d'ici 2008.

Pour ces raisons, le groupe Démocratie Libérale ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Guy-Michel Chauveau - Ce projet de budget permet d'achever la professionnalisation des armées ; il anticipe la fin du service national ; il met en place de nouvelles catégories de personnels militaires ; il permet globalement d'atteindre les objectifs fixés par la LPM ; enfin, il donne aux armées et aux industriels une meilleure visibilité en termes d'objectifs et de moyens. L'Europe de la défense y est aussi présente, ainsi que les programmes industriels réalisés en coopération. Enfin, ce projet de budget reste pertinent après les attentats de septembre, même s'il faudra mener les réflexions nécessaires. Avec une croissance de 2,3 % pour les rémunérations des personnels et de 2,5 % pour le fonctionnement des armées, le titre III traduit l'attention particulière qui est portée à ces domaines. La politique de rémunération valorise les compétences acquises, elle propose des mesures d'intéressement et également des mesures indemnitaires.

L'opposition, par ses commentaires excessifs, pour ne pas dire démagogiques... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL) cherche à occulter les retards de paiement qu'elle a accumulés au début de la LPM. Nous sommes tout à fait prêts à confronter nos bilans. La future LPM, adoptée en conseil des ministres en juillet, a suscité une multiplication des tribunes libres de la part de certains de nos collègues de l'opposition.

M. Yves Fromion - Ils n'ont pas le droit ?

M. Guy-Michel Chauveau - A de trop rares exceptions près, ils persistent dans un discours stigmatisant une prétendue incapacité de la gauche à assurer la crédibilité de notre défense. Il est vrai que nous avons des leçons à recevoir de la part de ceux qui ont soutenu, par exemple, la reprise des essais nucléaires et mis la France au banc des nations... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Fervent partisan du débat contradictoire, je voudrais rappeler comment la droite a fait assaut de démagogie avec ses différents budgets de la défense. Il y a dix ans, Jacques Chirac prônait un niveau des dépenses militaires à 4,5 % du PIBM !

Mais en 1994, seulement 88,4 milliards de francs ont été dépensés pour le titre V alors que les crédits inscrits étaient de 95 milliards !

M. Michel Voisin - Vous êtes en campagne ?

M. Guy-Michel Chauveau - En 1995 et 1996, ce sont 20 milliards qui ont été annulés. Mais M. Meylan a souligné que cela faisait baisser d'autant les intérêts moratoires... Aujourd'hui en revanche, le taux d'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale s'améliore. La réduction des coûts est obtenue par les réformes internes engagées au sein de la DGA. La procédure comptable est améliorée et les industriels sont rassurés par l'existence de commandes pluriannuelles.

M. Michel Voisin - Qui les a mises en place ?

M. Guy-Michel Chauveau - Toujours les mêmes ! Vous profitez d'un contexte d'incertitudes pour exiger des crédits supplémentaires afin de pouvoir « répondre à tout type de menace ». Si l'objectif est louable, la méthode est toujours aussi mauvaise. Il y a toujours des enseignements à tirer des crises, et tous les acteurs de la défense doivent participer à cette analyse.

En ce qui concerne la professionnalisation, annoncée de manière unilatérale et sans débat préalable par le Président de la République, l'un de ses objectifs était de réduire les coûts. Or nous avons tous pu constater que le titre III a été largement sous-estimé. Et comme l'a dit mon voisin de circonscription et ancien ministre, dans la presse, « le pari de la professionnalisation a certes été gagné, mais au prix d'un retard important en matière d'équipement tant les coûts de fonctionnement d'un armée professionnelle ont été sous-estimés ».

M. Yann Galut - C'est la faute de l'opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Guy-Michel Chauveau - Mais grâce à votre action, Monsieur le ministre, le budget 2002 revient à un niveau satisfaisant. Aujourd'hui, la professionnalisation est menée sans à-coups majeurs et l'anticipation de la suspension du service national confirme que cette réforme d'ampleur a été réussie. Je partage toutefois les remarques de M. Sandrier sur les personnels civils. Le secrétaire général du RPR, M. Serge Lepeltier, a reconnu, mardi dernier, que la réforme des armées est la grande réussite du septennat ; j'ajouterai de la législature.

Le groupe socialiste apprécie que le soi-disant dépôt de bilan de Lionel Jospin, publié par le RPR pour critiquer la politique du Gouvernement, ne le mentionne pas (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Pour notre part, nous approuvons vos choix et aurions mauvaise grâce à diaboliser l'exécution de la loi de programmation, dont le taux de réalisation atteint 94 %, 99 % pour les effectifs.

Rien ne sert, chers collègues de l'opposition, de jouer les pyromanes auprès de la gendarmerie. Cela témoigne d'un manque de sens de l'Etat et de responsabilité (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR). Nous savons quant à nous en faire preuve, les gendarmes aussi... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

M. le Président - Je vous en prie, Monsieur Fromion.

M. le Ministre - Quelle intolérance ! Quelle grossièreté !

M. le Président - Laissez-moi présider, Monsieur le ministre.

M. le Ministre - J'ai le droit d'être choqué par de telles manifestations d'intolérance.

M. Guy-Michel Chauveau - L'Europe de la défense progresse. La force d'action rapide européenne qui verra le jour d'ici 2003, les structures politico-militaires créées à la suite du Sommet de Nice en témoignent comme, dans le domaine de l'armement, les projets européens d'avion de transport A400M, de missile Meteor, l'OCCAR et la LOI.

Le contexte international, la lutte contre la prolifération exigent un nouveau débat, qu'il faudra tenir après la conférence qui doit examiner les moyens d'améliorer les capacités. Hier à Pristina, aujourd'hui à Kaboul, on voit bien la nécessité de mettre en place des dispositifs d'interfaces avec les ONG et les populations.

Le groupe socialiste votera ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Fromion - Ce débat nous autorise à mettre en perspective la loi de programmation militaire et sa mise en _uvre par votre Gouvernement.

Vous revendiquez de l'avoir conduite à son terme pour la première fois. Soyons clairs. La professionnalisation ayant été engagée par le gouvernement précédent, vous n'aviez d'autre issue, sauf à remettre en cause les engagements de la France dans les Balkans, qui justifiaient la pertinence de la professionnalisation voulue par le Président de la République, que vous aviez contestée.

M. le Président de la commission de la défense - C'est nous qui avons voté la loi !

M. Yves Fromion - Vous peinez à convaincre les observateurs de vos mérites. Vous atteignez le terme de la LPM comme un coureur automobile qui franchit la ligne d'arrivée en poussant sa voiture...

Nous reconnaissons tous la performance de nos personnels militaires qui ont assumé la professionnalisation sans crise, dans le seul souci de donner à la France l'outil militaire dont elle a besoin pour tenir son rang.

Ce qui a forcé l'admiration des armées étrangères, c'est que cette mutation n'a pas entravé notre capacité d'action dans le règlement des conflits en Europe ou ailleurs. Hélas, je dois citer quelques extraits d'un rapport sur le moral : « Les armées ont accompli un gigantesque effort de transformation. (...) La nation répond par une indifférence polie, qui blesse profondément les militaires (...)

« Outre les problèmes de rémunération, le sentiment que les arbitrages financiers sont systématiquement défavorables aux armées, fait l'unanimité (...)

« Les personnels ne peuvent que constater l'inadéquation des ressources aux missions confiées (...)

« Les sujétions croissantes liées aux opérations extérieures, les sous-effectifs chroniques, les difficultés de recrutement de personnels civils complémentaires, le manque d'entraînement, génèrent un profond malaise (...)

« Il existe un nombre élevé de matériels indisponibles ou vétustes et il est actuellement quasi-impossible de satisfaire les besoins parfois les plus immédiats, dans des délais raisonnables ! (...)

« Force est de constater que les armées vont mal. Il y a sans aucun doute « une tentation syndicale » qui s'installe progressivement : faut-il faire du bruit pour être entendu ! (...)

« Les personnels des armées, compétents, fidèles et conscients du rôle important qui est le leur au sein de la nation, demandent des moyens matériels et financiers en adéquation avec les missions, souvent à haute responsabilité, qui leur sont confiées ».

Monsieur le ministre, nous n'avons pas dû lire le même rapport.

Ce mal-être, il ne sert à rien de l'attiser ou de le minimiser. Il n'est pas honnête de faire croire que le coût de la professionnalisation a été sous-estimé. La démonstration a été faite cent fois. A structure comparable, les crédits RCS du PLF 2002 sont en cohérence avec la loi de programmation.

Il existe un réel problème de mise à niveau de la condition militaire, que votre Gouvernement n'a pas pris en compte, et qui est particulièrement aigu pour la gendarmerie.

L'insuffisance des effectifs ne pouvait être anticipée par la loi de programmation. Le déficit actuel est de 3 500 sous-officiers, c'est environ 7 000 postes qui seraient nécessaires à la gendarmerie. On n'en prend pas le chemin, alors que le ministre de l'intérieur promet pour sa part le recrutement de nouveaux policiers.

A ces difficultés s'ajoute l'insuffisance des crédits de vie courante. Est-il normal qu'il faille un an et demi pour remplacer le toit emporté par la tempête de décembre 1999 du modeste bâtiment de commandement d'un régiment ?

L'aurait-on toléré pour une caserne de sapeurs-pompiers ?

Que dire de l'état de certaines brigades de gendarmerie ou des locaux dédiés à l'hébergement de militaires du rang ou de sous-officiers ?

Pour faire face aux dépenses de personnels, vous avez rogné sur les crédits de formation et d'entraînement. L'entraînement est cependant capital pour une armée de professionnels, d'abord parce qu'ils exposent leur vie, mais aussi parce que leur aptitude au combat est directement liée à la qualité de leur formation et de leur équipement.

Or, depuis 1997 nos personnels militaires ont un potentiel d'entraînement sensiblement inférieur aux normes OTAN, le point le plus critique touchant les pilotes d'hélicoptères de l'ALAT.

Sur les réserves, la situation est également préoccupante.

Si la gendarmerie, sur ses 50 000 postes de réservistes prévus à terme, peut faire état de 9 000 contrats ayant abouti à une participation, les autres armées sont moins bien loties.

La loi sur les réserves n'est pas à la hauteur des objectifs. La préparation militaire n'attire plus personne et l'enthousiasme de nombreux réservistes ne cache plus le doute grandissant sur l'intérêt que votre ministère leur porte. Ce ne sont pas les dotations budgétaires pour 2002 qui les rassureront... Les réserves constituent pourtant le vivier indispensable aux unités d'active et le moyen le plus direct de consolider le lien armée-nation.

Nos personnels militaires sont confrontés à un choix douloureux : soit être considérés comme la variable d'ajustement de la politique gouvernementale, soit incarner les dividendes de la paix, être les oubliés de la croissance... Rien de bien exaltant.

S'agissant des équipements, personne ne peut contester le caractère alarmant de la situation.

Confronté à l'impossibilité de ponctionner le titre III de façon ostensible, vous vous êtes rabattu sur le titre V, où vous avez donné votre mesure.

Vous avez ainsi justifié en 1998 une revue des programmes en forme de réécriture du titre V sur un mode très mineur.

Nous vous avions alors mis en garde contre ce jeu dangereux dans le contexte de la professionnalisation et d'une forte sollicitation de nos armées dans les différentes OPEX.

Mais vous nous aviez donné l'assurance formelle de respecter vos arguments, et vous faisiez la leçon à ceux qui vous avaient précédé. Cette fière déclaration impressionna... Chacun aujourd'hui peut mesurer le caractère volatile de vos engagements et des crédits que vous gérez.

Le titre V a fait l'objet d'une sorte de pillage, au point que les responsables de notre défense confirment qu'il manque l'équivalent d'une annuité dans l'exécution de la loi de programmation.

Mais les avanies budgétaires ne s'arrêtent pas là.

Plus de 20 milliards de francs ont été engloutis dans GIAT-Industries que vous n'avez pas su faire évoluer. C'est le prix d'un deuxième porte-avions. Inutile de vous défendre en demandant à l'opposition d'avancer des solutions.

M. le Ministre - Je n'essaye même pas.

M. Yves Fromion - Comme dirait Coluche, le problème est encore plus entier qu'avant, du fait de la démotivation des personnels et des incertitudes sur le plan de charge de l'entreprise.

Votre budget s'inscrit dans la continuité déraisonnable des années passées.

Les chefs d'état-major se sont tous inquiétés du niveau d'équipement de leurs armées. Pour la première fois l'expression de « risque de rupture capacitaire » a été employée.

Le PLF 2002 est plombé par une forte contraction des crédits de paiement et une diminution des autorisations de programme qui remet en cause des commandes globales.

M. le Ministre - Les autorisations de programme augmentent.

M. Yves Fromion - Le titre V que vous présentez ne répond que marginalement au problème crucial de l'entretien des matériels. Si j'exagère, donnez-moi l'état de situation des tranches T1, T2, T3 des chars Leclerc. Faites-nous le point sur la tranche T4, les conditions de rénovation de l'AMX 10 RC, les programmes de revalorisation de l'AUF 1et VB CI, et informez-nous sur la situation des marchés des rechanges et de réparation, pour ne citer que l'armée de terre, qui est la plus proche de la rupture capacitaire. Je pourrais aussi vous demander des nouvelles du missile anti-char TRIGAN dont on ne sait s'il dépassera la portée des prochaines échéances électorales.

La majorité qui vous précédait a pris la décision historique de s'engager, derrière le Président de la République, dans la professionnalisation de nos armées (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous n'aviez qu'à suivre le mouvement dès lors que le contexte international confirmait le bien-fondé du choix fait par la France.

Vous avez manqué à vos devoirs.

J'en veux pour preuve qu'au-delà de ce budget inacceptable vous persistez à ne pas assumer vos responsabilités, en ne soumettant pas au Parlement la future loi de programmation, pourtant examinée en Conseil des ministres fin juillet.

M. le Ministre - Et adoptée !

M. Yves Fromion - Vous vous y étiez pourtant engagé devant nous, en nous expliquant qu'il importait de donner un signe fort de votre volonté de construire une Europe de la défense où la France tienne toute sa place.

Cette dérobade est grave, au moment où les Etats-Unis accroissent massivement leurs crédits de recherche développement et où les Britanniques cherchent à prendre le leadership de la défense européenne, et s'en donnent les moyens.

A l'heure où nos armées s'engagent sur un nouveau théâtre d'opérations, il eût été pour le moins décent de les assurer du soutien sans faille de votre Gouvernement et de la sollicitude du Parlement. Votre comportement, celui de votre majorité n'est pas responsable. C'est de dépôt de bilan qu'il faut parler aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Clary - Comme ceux qui l'ont précédé depuis 1997, ce budget s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de poursuivre l'application de la loi de programmation militaire qui concrétise le choix du Président de la République d'une armée professionnalisée, qui répond à la priorité donnée à la projection, contre laquelle la gauche avait voté en 1996.

On a vu montrer l'ambiguïté d'une stratégie qui fait qu'au nom des droits de l'homme, on intervient ici et pas là-bas en vertu d'arguments politiques stratégiques à géométrie variable, et souvent sans véritable mandat de l'ONU.

Alors qu'une nouvelle loi de programmation a été adoptée cet été par le Gouvernement, sans que le Parlement soit associé en amont à la réflexion sur des choix fondamentaux pour la sécurité du pays, qui auraient justifié un débat dans le pays et un débat d'orientation au Parlement

M. Michel Voisin - Eh oui !

M. Alain Clary - Nous aurions pu ainsi, avant toute décision engageant l'avenir, tirer le bilan de la loi de programmation qui s'achève.

Il faudra aussi prendre la mesure de la situation nouvelle depuis les attentats du 11 septembre. De même, les leçons des conflits dans les Balkans, les séquelles humaines et politiques de la guerre du Golfe devraient faire réfléchir à la place du militaire dans une stratégie d'ensemble en vue de la sécurité collective de la planète.

Nous insistons pour que la priorité soit effectivement donnée à une politique de prévention des conflits. Cela renvoie à l'urgente nécessité de construire un nouvel ordre international, donc de remettre en cause les dominations économiques et militaires, les humiliations dont sont aujourd'hui victimes de nombreux peuples et qui provoquent désespérance et, parfois, fanatisme.

Nous insistons aussi pour que le programme global de lutte contre le terrorisme donne la priorité aux volets politique, financier, policier, juridique et bien sûr économique. Au-delà des aspects humains, il en va de l'efficacité de ce programme.

En Afghanistan, les succès militaires de l'Alliance du nord placent, plus que jamais, la communauté internationale au pied du mur pour trouver une solution politique à la crise. Nous n'allons pas bouder au moment où l'ONU, tenue trop longtemps à l'écart, semble retrouver le chemin de l'initiative et de l'action. Oui, la solution passe par l'ONU, que cela soit pour assurer la sécurité du peuple et du territoire afghans, pour y ouvrir une perspective politique crédible, pour y permettre un effort humanitaire indispensable, pour y combattre le terrorisme. Ces responsabilités ne peuvent être celles d'un seul Etat, elles incombent à la communauté internationale, à laquelle la France doit apporter toute sa contribution.

Cette situation présente souligne avec une dramatique acuité la nécessité de revaloriser le rôle de l'ONU et de démocratiser ses instances. Elle doit être l'instance qui organise un partage équitable des ressources et qui promeut des règles de droits aptes à mettre un terme à l'impitoyable mondialisation, qui entraîne tant de drames humains et qui exacerbe les tensions internationales.

Il faudra bien que les nations inversent l'ordre des priorités dans ce monde où marchés financiers et multinationales décident de l'essentiel !

Si nous sommes en désaccord avec une option stratégique trop collée aux conceptions américaines, nous avons à c_ur que l'armée ait la capacité de jouer pleinement son rôle pour certaines missions, en particulier celles qui concernent le territoire national, sa sécurité, celle de l'Europe, ainsi que des opérations humanitaires extérieures.

Il faut aussi défendre le potentiel de nos industries de défense qui garantit l'indépendance d'approvisionnement en armes et en munitions. A cet égard, ce budget est en demi teinte.

Nous apprécions la croissance significative, pour la deuxième année des crédits de l'espace, de la communication et du renseignement.

Nous prenons acte par ailleurs de la forte augmentation, qui réjouit la droite, des crédits de la dissuasion nucléaire. Pour notre part, nous appelons de nos v_ux une relance des initiatives en faveur d'un désarmement nucléaire multilatéral qui ne remettrait pas en cause l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Au contraire, le risque terroriste est démultiplié par la dissémination des armes nucléaires. Ne faut-il pas craindre ainsi la déstabilisation « d'Etats nucléaires » comme le Pakistan ? Ne voit-on pas la limite des politiques de dissuasion nucléaire ?

C'est pour l'armée de terre qui incorporait le plus d'appelés et qui est la plus sollicitée dans les missions intérieures et extérieures, que la professionnalisation a été la plus difficile, voire la plus douloureuse.

Les forces terrestres ont besoin d'un effort immédiat supplémentaire, notamment au profit de l'équipement dont dépendent les capacités opérationnelles.

M. Yves Fromion - Très bien !

M. Alain Clary - Un simple redéploiement des crédits du nucléaire le permettrait.

Si les effectifs militaires ont atteint les chiffres requis par la loi de programmation militaire, il n'en va hélas pas de même pour les personnels civils. Le déficit se creuse d'autant que plusieurs milliers de soldats étaient détournés de leurs fonctions militaires pour des tâches incombant à des civils.

Une réponse serait d'augmenter les dérogations afin de créer des postes d'ouvriers d'Etat. Un premier pas avait été fait l'an dernier, que ce budget amplifie, l'effectif passant de 250 à 900. C'est bien mais ce ne sera pas suffisant pour combler un déficit de 4 800 emplois.

Nous apprécions que les crédits du titre III permettent de porter de 68 à 89 le nombre des jours d'entraînement de l'armée de terre et d'améliorer la condition militaire.

Nous souhaitons que les mesures en faveur des gendarmes, de plus en plus sollicités et exposés, contribuent à de meilleures conditions d'exercice de leurs difficiles missions. Nous sommes particulièrement sensibles à leurs légitimes doléances, ainsi qu'à celles de leurs familles.

Nous refusons par ailleurs la soumission totale de l'industrie de défense à la loi du marché que suggère un récent rapport de la Cour des comptes. L'objectif d'une politique européenne de sécurité et de défense, politiquement et stratégiquement autonome vis-à-vis des Etats-Unis, nous paraît incompatible avec les restructurations en cours dans les industries de défense européenne qui sont guidées par des logiques financières et qui privilégient les rapprochements industriels transatlantiques au détriment de la constitution de pôles européens. Ainsi, nous nous inquiétons des liens qui se sont tissés entre EADS et Northrop-Grumman ou entre Thalès et Raytheon.

Comme le note justement Jean-Claude Sandrier dans son rapport, le maintien des compétences de l'industrie française d'armement n'implique pas des investissements lourds mais simplement un budget d'équipement suffisant pour permettre aux forces terrestres d'acheter les matériels qui leur sont nécessaires. Ainsi, pour les munitions, l'effort financier supplémentaire serait de 122 millions d'euros.

Toutes les initiatives doivent être prises pour lever les obstacles qui hypothèquent le développement du Trigan, afin que les forces terrestres disposent d'une capacité antichar qui préserve le savoir-faire de l'industrie nationale et européenne.

Améliorer, comme cela est nécessaire, le plan de charge de GIAT Industries demande un meilleur partage des tâches d'entretien, un effort supplémentaire sur le Caesar, l'intégration de la fonction feu dans la rénovation des AMX 10 RC, la concrétisation de la commande de 120 exemplaires du VBMO gendarmerie, le déblocage du dossier des bombes muratisées.

Nous insistons pour que la réforme de la DCN soit respectueuse du statut des personnels et prévoie un plan de charge qui garantisse l'emploi. Nous demandons la suppression des zones de salaires, qui pénalisent les salariés de l'armement et les militaires. Il faut aussi relancer la diversification qui s'essouffle en constituant de véritables équipes « projets civils » au sein de GIAT et de la DCN. Nous souhaitons, enfin, la création d'une mission d'information parlementaire sur l'avenir de l'industrie d'armement terrestre.

Sur toutes ces questions, des réponses précises doivent être apportées ; il y va de l'avenir de milliers de salariés et de bassins d'emplois souvent déjà sinistrés. Si le budget 2001 a assuré une certaine survie de nos industries de défense, les menaces persistent et l'effort doit être poursuivi. Nous souhaitons donc que des avancées réelles nous permettent d'émettre un vote d'abstention vigilante et constructive (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Louis Bernard - Ce budget se caractérise par de grandes disparités entre le titre III et le titre V.

Le premier n'appelle guère de remarques : grâce à une approche réaliste des coûts de fonctionnement et à une dotation adaptée, le Gouvernement et les responsables de notre armée ont gagné le pari, pourtant risqué, de la professionnalisation. Le titre V, en revanche, manque singulièrement d'ampleur. Il n'est pas ajusté, il est étriqué.

Je note certes des points positifs, comme l'augmentation de 9,1 % des crédits dans le domaine spatial ou la hausse de 13,1 % des crédits de la dissuasion nucléaire. J'approuve aussi les efforts consentis en faveur des études et je me réjouis que progressent les moyens affectés au maintien en condition opérationnelle des équipements. A cet égard, je veux remercier le président Quilès d'avoir pris l'initiative de créer une mission d'information sur l'état des bâtiments de notre flotte. Le rapport de nos collègues Cova et Kerdraon est alarmant. Si notre marine est convenablement dimensionnée, la maintenance doit être revue à la hausse.

Pour l'aéronautique, le titre V est gravement insuffisant. Il ne permettra que la livraison de deux Rafale et de quelques missiles : 60 Mica, 43 Apache et 24 Aster.

Les crédits de paiement s'établissent à 12,4 milliards d'euros, contre 12,7 en 2001. Nous ne sommes pas dupes de l'artifice de présentation consistant à reporter les crédits non consommés pour afficher un total en augmentation d'un montant de 12,8 milliards. Quand bien même on accepterait ce subterfuge comptable, la progression ne serait que de 0,7 %, ce qui est inférieur à l'inflation.

Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre position quant à l'avion de transport A 400 M. Les hésitations de l'Italie et de l'Allemagne menacent ce projet, dont l'abandon serait une catastrophe pour la France, compte tenu de la vétusté de nos Transall.

Par ailleurs, une restructuration ne vous paraît-elle pas nécessaire au sein de GIAT-Industries et de la DCN ? Un récent rapport de la Cour des comptes vient de souligner la nécessité de réformes profondes.

Je souhaite que les prochains budgets et la future loi de programmation permettent de corriger les insuffisances du titre V.

M. Yves Fromion - Alors il faudra que nous nous en chargions.

M. Jean-Louis Bernard - Il faut redéfinir le poids de nos armées dans le budget de la nation. Les événements qui ont endeuillé l'Amérique ont ouvert les yeux de nos concitoyens, qui ont maintenant conscience des dangers qui menacent nos sociétés démocratiques. Les budgets de la défense ont trop longtemps été sacrifiés, par électoralisme. Le temps est venu de rétablir la véritable hiérarchie des priorités.

Devant des menaces qui ont changé de nature et contre des agresseurs qui ne sont pas ceux qu'on redoutait hier, un effort de réflexion est nécessaire pour garantir nos capacités de défense et de riposte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Bernard Cazeneuve - Comme Jean-Yves Le Drian, je vais insister sur la direction de la construction navale, dont nous reparlerons encore en examinant le projet de loi de finances rectificative.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé le 6 juillet dernier une réforme de la DCN que plusieurs orateurs ont, à juste titre, qualifiée de profonde et ambitieuse. Elle est d'ailleurs assortie d'un certain nombre de garanties pour le personnel, garanties qui seront transcrites dans la loi. En premier lieu, la DCN va être transformée en une société dont le capital sera détenu à 100 % par l'Etat. Il n'est donc pas question de la privatiser, ni de la démanteler. Son unité sera préservée.

D'autre part, le statut du personnel sera maintenu, qu'il s'agisse des ouvriers d'Etat, des contractuels ou des fonctionnaires.

Enfin, l'Etat va accompagner la réforme. Il s'engage à doter la DCN d'un plan de charge suffisant et d'autoriser des embauches pour garantir le maintien des compétences dans certains métiers. Ce plan d'accompagnement doit pouvoir être décliné par site.

Les attentes du personnel sont grandes. Or la Cour des comptes vient de publier un rapport injustement sévère sur GIAT-Industries et la DCN. Alors que la compétence de ses salariés est reconnue, la DCN serait menacée de graves difficultés en raison de son sureffectif et de sa désorganisation. Ce rapport va jusqu'à proposer la fermeture de certains sites. Je souhaite que le Gouvernement réaffirme les principes qui doivent présider à la réforme de la DCN. Il faut rappeler aux salariés que celle-ci n'a d'autre objet que de conforter et redynamiser la DCN, pour qu'elle demeure parmi les premières industries d'Europe. Les salariés attendent qu'on leur adresse un signe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Charles Cova - Monsieur le ministre, mes propos sont davantage destinés au Premier ministre qu'à vous-même. Je sais ce que vous doit l'institution militaire, mais force est de constater que le Gouvernement veut ignorer les difficultés que rencontre l'armée française. Je ne voterai donc pas le budget que Bercy vous impose.

Comme l'a rappelé le chef d'état-major des armées devant la commission de la défense, « les personnes qui ont fait le choix de servir dans une armée professionnelle ont le droit d'être plus exigeants ».

Il me paraît normal que se montrent exigeants des hommes qui ont réalisé, comme l'a rappelé le Président de la République, le passage rapide à une armée professionnelle tout en engageant des opérations extérieures et en portant secours à nos concitoyens victimes de catastrophes diverses.

Le moral des hommes n'est pas au beau fixe et cette situation est due en grande partie à une dévalorisation de la fonction militaire qui résulte de la dégradation des perspectives de carrières, la diminution régulière des postes de commandement et la limitation de la protection sociale des militaires en mission à l'étranger.

Un statut social du militaire est nécessaire si on ne veut pas voir exploser la mauvaise humeur dans les casernes, comme c'est déjà le cas dans la gendarmerie, même si son directeur général nous a assurés du contraire en commission. Il ne nous a d'ailleurs pas convaincus.

Cette dévalorisation de la condition militaire ne manquera pas d'avoir des conséquences sur le recrutement. La situation des cadres de réserve, parfois brutalement remerciés alors même qu'ils ont consacré de nombreuses années à des activités bénévoles, n'est certainement pas un facteur favorable.

Enfin, même si la rémunération ne constitue pas le souci primordial des soldats, la baisse de leur pouvoir d'achat n'a fait que contribuer au mécontentement qui se manifeste jusque dans la gendarmerie, pourtant concernée par des mesures catégorielles.

On pourrait m'objecter que le titre III est satisfaisant, mais c'est uniquement le fruit d'une conjoncture favorable, le coût des mesures de revalorisation de la fonction publique ayant été plus que compensé par trois facteurs d'économies : un besoin de pécules inférieur à celui de 2001, la linéarisation des recrutements sur l'année et le sous-effectif d'environ 4 000 postes budgétaires par rapport à l'objectif de la programmation. L'équilibre du titre III est fragile, comme le prouve la poursuite des transferts de crédits d'entretien programmé du matériel vers le titre V.

Il faudra bien à l'avenir financer les rémunérations des personnels nécessaires. N'oublions pas qu'en une décennie, l'armée de terre aura perdu plus de 50 % de ses effectifs militaires, dissous plus de régiments qu'il ne lui en reste, tandis que son engagement extérieur aura été multiplié par dix ! C'est ce que soulignait le chef d'état-major, le général Crène.

Bref, le titre III fait l'objet d'un savant habillage auquel nous ont habitués les stratèges de bureau du ministère de la défense et de Bercy.

Monsieur le ministre, je ne voterai pas votre budget car pour que nous ayons les capacités militaires de réagir aux crises, il faudrait immédiatement accroître les dépenses d'investissement.

Or - je cite encore le chef d'état-major des armées - : « le titre V subit en 2002 une encoche forte par rapport à la revue de programmes de 1998, qui avait elle-même réduit les dotations initialement prévues par la programmation ».

Cette constante érosion affaiblit la position de la France sur la scène internationale. « Pour permettre à l'armée de terre, encore équipée de matériels produits dans les années 1970 et 1980, de remplir les missions qui lui sont confiées, des équipements modernes sont essentiels », a encore dit le général Crène.

La vétusté des matériels ne concerne pas seulement l'armée de terre : la mission d'information consacrée à l'entretien de la flotte a pu constater les conditions inadmissibles dans lesquelles sont entretenus les bâtiments de la marine. Le chef d'état-major de la marine a précisé devant notre commission que « toutes les marges de man_uvre ayant été exploitées, toute nouvelle remise en cause aurait des conséquences lourdes et immédiates sur la conduite des grands programmes ».

Concernant l'armée de l'air, un report de charges de 260 millions d'euros sur 2002 au titre des dépenses d'équipement va entraîner des difficultés de trésorerie, d'autant que la couverture des dépenses pour les opérations extérieures du titre III est habituellement assurée en gestion au détriment des crédits d'équipement.

Il ne faudrait pas que le titre V ne serve qu'à entretenir un matériel vieillissant. Tel est pourtant le cas avec ce projet de budget.

Le modèle d'armée 2015 a pris entre deux et trois ans de retard. Monsieur le ministre, si vous voulez que la France tienne son rang en Europe et dans le monde, il vous faut sérieusement revoir votre copie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Lamy - Les habitués de nos débats ne seront pas surpris que je pose à nouveau aujourd'hui la question du financement en loi de finances initiale d'une partie des OPEX. Il manque à ce budget environ 500 millions d'euros pour financer l'action de nos armées à l'étranger en 2002, chiffre correspondant à la moyenne des surcoûts OPEX de chaque année. Ce financement sera assuré comme d'habitude en décembre de l'année prochaine, en loi de finances rectificative. La méthode est toujours la même : les crédits proviennent pour partie d'un redéploiement du titre III et pour l'essentiel d'une ponction sur le titre V.

On me répond toujours que les OPEX étant des opérations par nature exceptionnelles, on ne peut déterminer leur coût à l'avance. En réalité, les opérations extérieures les plus coûteuses nous engagent pour plusieurs années : nous sommes depuis sept ans en ex-Yougoslavie et un retrait n'est pas à l'ordre du jour ; je ne parle pas de l'opération Epervier, lancée en 1985...

La véritable raison de cet état de fait réside dans la crainte bien réelle qu'une inscription des coûts prévisionnels des OPEX se fasse à enveloppe constante. Si je pense aujourd'hui ne plus prêcher dans cet hémicycle que devant des convaincus, ma demande s'adresse moins à vous, Monsieur le ministre, qu'à l'ensemble de l'exécutif, dans toute sa diversité. La période actuelle appelle un changement de méthode.

Deuxième point que je souhaite aborder : les relations entre le Parlement et le Gouvernement en matière d'opérations extérieures. Nous avons beaucoup avancé depuis 1997, et comme le président Quilès je m'en félicite. Les opérations extérieures font l'objet de réels débats en commission lorsque nous avons l'occasion de vous entendre ou de recevoir le chef d'état-major des armées, et les déplacements de parlementaires sur les théâtres se font plus facilement. Il nous faudra cependant aller plus loin ; je ne m'étendrai pas aujourd'hui sur les propositions qui ont été faites pour réformer la Constitution.

Dernier point : le projet de loi de programmation militaire. Je ne ferai pas à la va-vite je ne sais quelle proposition de modification. Je pense néanmoins que dans les semaines à venir devrait s'engager une réflexion commune entre le Parlement et le Gouvernement afin de tenir compte du nouveau contexte international. Si cette idée recueillait votre agrément, nous réaliserions une nouvelle étape dans la construction d'une démocratie moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Richard, ministre de la défense - Je voudrais d'abord remercier très sincèrement le président et tous les rapporteurs de la commission pour la qualité de leurs analyses et la clarté de leurs travaux. Les interventions des orateurs ont éclairé les enjeux, en une période où prédomine le besoin de sécurité de nos concitoyens et où chacun reste pénétré de la tragédie du 11 septembre.

La raison d'être de ce ministère est la protection contre les menaces. Sa politique se fonde sur une appréciation des risques, prenant en compte le terrorisme depuis déjà longtemps. Les attentats meurtriers ne viennent pas affaiblir les choix de défense opérés. Je n'entends personne réclamer qu'on supprime un élément quelconque de notre armement ou dans nos capacités humaines ; en revanche, nous devons étudier des compléments de protection ou de moyens d'action, sans nous réfugier dans la formule abstraite et en outre fausse « Plus rien n'est comme avant ».

Déjà, j'ai pris la décision de lancer le nouveau programme MINREM. Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001, je proposerai les mesures d'adaptation nécessaires pour encore renforcer les moyens techniques de renseignement ainsi que la mobilité des forces susceptibles d'être engagées, ainsi que pour compléter nos moyens de lutte contre le risque nucléaire, biologique et chimique, dans le cadre du plan Biotox.

Avec les moyens dont nous sommes dotés, nous avons toujours su être présents là où nous jugions nécessaire de l'être. La situation actuelle ne fait qu'éclairer l'importance que toute démocratie doit accorder aux questions relevant de la défense nationale.

Dès l'élaboration de ce projet, au printemps, nous avions accordé une priorité aux services de renseignements en augmentant leurs effectifs de 200 postes et en accroissant leurs crédits. Ces services travaillent en étroite coopération avec ceux du ministère de l'intérieur. C'est un atout considérable dans notre contribution à la lutte internationale contre le terrorisme. Je suis d'accord avec M. Quilès pour donner au Parlement les moyens de mener son travail d'information, dans le respect des principes de précaution.

L'action engagée contre Al-Qaïda en Afghanistan est vitale. Ce n'est pas une expédition punitive ni même un simple acte de justice. C'est une démarche de protection contre un danger présent et futur qui pèse sur nos sociétés et sur les principes humanistes qui les fondent. Ce défi majeur, nous l'affrontons dans le respect des principes démocratiques.

Bien qu'il ne soit pas, de l'avis même des dirigeants américains, le principal volet de la lutte contre le terrorisme, le volet militaire est indispensable. C'est en Afghanistan, qu'Al-Qaïda a installé ses bases de planification et d'action. La destruction de ce centre est donc indispensable, tout autant que le démantèlement des fragments de ce réseau dissimulés dans nos pays, lequel est la tâche des services policiers.

La condition de la neutralisation d'Al-Qaïda était l'éviction du régime taliban. Une fois qu'Al-Qaïda aura perdu la protection dont il jouit en Afghanistan, cette organisation sera en grande difficulté pour reconstituer ailleurs un pareil sanctuaire.

Les Etats-Unis ont très largement les moyens militaires de conduire seuls l'action engagée. C'est leur choix politique et le nôtre de coopérer dans cette dimension militaire de la lutte contre le terrorisme. Tel est le sens politique des demandes de contributions que les Etats-Unis ont adressées à certains membres de la communauté internationale et spécialement à la France. Nous avons répondu sans retard à ces demandes en engageant des moyens navals et aériens, centrés sur le recueil de renseignement opérationnel. Comme nous le souhaitions, les Etats-Unis ont accepté d'associer les militaires français aux différentes tâches de planification. Nous allons faire évoluer cette contribution dans les semaines qui viennent, en fonction des changements indéniablement positifs qui sont en cours.

La situation qui résulte du 11 septembre rend encore plus nécessaire l'affirmation d'une Europe cohérente et déterminée dans son action extérieure. Comme il est normal dans une grande démocratie, il existe sur cet objectif une sorte de consensus ; l'intervention de M. Raimond en témoigne et je souhaite souligner qu'il s'agit non plus d'un projet mais d'une réalité en marche.

A n'en pas douter, le choc du 11 septembre confirmera le choix de nos alliés américains de sélectionner leurs engagements extérieurs. Les Etats-Unis connaissent déjà depuis quelques années un phénomène que j'appelle la « lassitude de la superpuissance unique ». Très sollicités par de multiples crises, ils ne peuvent s'engager partout et pour longtemps.

Les Européens, de leur côté, partagent un nombre croissant d'intérêts et de principes politiques qui forment le fondement d'une politique extérieure et de sécurité commune. Ceci n'était sans doute pas possible il y a encore vingt ans mais nous avons progressé ensemble. Les Européens disposent d'une palette d'instruments politiques, financiers, commerciaux, humanitaires qui font l'originalité et la force de l'action extérieure de l'Union. C'est cet ensemble que vient compléter la politique européenne de sécurité et de défense que nous mettons en pratique depuis bientôt trois ans.

Aujourd'hui, l'Union européenne dispose des structures nécessaires pour conduire une opération militaire : un comité politique et de sécurité - qui prend les décisions au nom des gouvernements - un comité militaire, un centre de situation, et un état-major de veille, d'analyse de situation, et de planification stratégique. Ces structures fonctionnent et leurs procédures de travail feront l'objet d'une dernière validation au cours des prochaines semaines. Nous disposons des capacités nécessaires pour conduire une opération de gestion de crises.

L'Europe de la défense doit pouvoir marcher sur ses deux jambes : une jambe de moyens autonomes et une jambe Alliance Atlantique. La confiance réelle nouée au cours de contacts réguliers depuis deux ans entre les instances des deux organisations, comme sur le terrain, en Macédoine notamment, montrent que l'OTAN et l'Union européenne savent interagir efficacement.

Nous pensons que l'Union européenne sera déclarée opérationnelle à Laeken, le mois prochain. Cela signifiera qu'elle est capable de suivre l'émergence d'une crise politico-militaire, d'identifier les options d'actions en fonction d'une situation donnée, de mobiliser les moyens militaires et civils pour y répondre et de coordonner leur emploi.

Il est probable que nous serons amenés à brève échéance à exercer en tant qu'Européens la mission de traiter globalement un théâtre de crise. Les Etats-Unis ont formellement déclaré qu'ils l'estimeraient opportun. Je mentionne ce point pour illustrer le chemin parcouru, non pas dans les intentions mais dans les faits.

La tâche de constitution et d'harmonisation des capacités militaires de l'Union européenne se poursuit. La France y contribue pour environ 20 % avec un accent particulier mis sur les capacités stratégiques : renseignement, commandement, communication et contrôle. Des lacunes persistent cependant et elles sont l'illustration d'autres priorités que se sont données nos partenaires européens dans leurs choix d'équipement au cours des décennies passées. Des contributions additionnelles sont donc préparées par les Etats membres ; elles seront présentées à la conférence d'amélioration des capacités du 19 novembre prochain. Notre contribution portera en particulier sur la conduite des opérations et le renseignement, les forces multinationales, les capacités offensives et la protection des forces.

Cette approche par capacité repose sur les moyens qu'apportent les différents Etats. Nous n'avons pas encore établi des principes de contribution harmonisés sur le plan budgétaire. Il revient donc aux plus déterminés de montrer le chemin.

L'A 400 M sera un programme emblématique de la volonté commune des Etats européens en matière d'armement. Il nous dotera collectivement d'une capacité massive pour projeter nos forces au loin ; il sera le plus grand programme d'armement fédérateur pour notre industrie européenne autour d'Airbus.

Je rappelle que les sept Etats concernés au départ ont défini le cahier des charges commun en 1996, que le choix s'est porté en commun sur l'avion proposé par Airbus à l'issue d'un appel d'offres. Les Etats ont confirmé leur engagement politique formel en 2000 à Farnborough, confirmé par la signature en juin dernier du mémoire d'entente qui a précisé définitivement les quantités achetées par chacun, et qui a permis que le Luxembourg et le Portugal se joignent à nous. Il y a donc désormais neuf nations associées. Nous avons demandé aux équipes techniques nationales et à l'OCCAR d'achever sur ces bases la rédaction du contrat pour octobre - ce qui a été fait.

En ce qui concerne la France, l'autorisation de programme de 3,049 milliards d'euros dont nous disposons déjà sera complétée dans la loi de finances rectificative pour 2001 dont le projet a été adopté hier par le Gouvernement par une inscription complémentaire de 4,162 milliards d'euros donnant donc à l'Etat les moyens complets d'acquérir les cinquante appareils prévus dès le départ. Je vous l'avais annoncé l'an dernier ; je vous le confirme aujourd'hui crédits en main (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je regrette bien sûr que nous ne puissions pas signer demain le mandat de programme de l'OCCAR et le contrat avec l'industrie. Mais je reste confiant sur la possibilité de signer le contrat solidairement d'ici à la fin de l'année. Sept nations sur les neuf sont déjà prêtes à signer. Nos amis allemands et italiens vont faire leur choix et chacun fait tous ses efforts pour que ce soit celui de l'Europe.

Le fait de disposer au plan national d'une loi de programmation militaire renforce la crédibilité de notre action internationale. Il montre la dimension et la permanence de nos moyens et trace leurs perspectives d'évolution visibles par tous. Depuis juin 1997, le Gouvernement a veillé à la mise en _uvre et au respect de la loi de programmation militaire votée en 1996, laquelle a organisé la transformation de notre outil de défense en forces professionnelles, adaptables et mobiles, dotées d'un équipement de haut niveau technologique.

Les engagements de nos forces sur différents théâtres ont confirmé la pertinence des choix effectués dans la conception et la réalisation du modèle d'armée 2015. Cependant, certaines lacunes ponctuelles dans les capacités de nos forces se sont révélées. C'est pour répondre à de tels besoins que nous avons acquis cette année des systèmes de drônes qui renforceront à court terme nos moyens de renseignement. Les engagements extérieurs ont aussi confirmé la valeur opérationnelle très élevée des unités qui ont été déployées sur tous les terrains et je leur rends hommage.

Après qu'aura été exécuté le budget 2002, nous aurons réalisé l'essentiel des objectifs fixés : les effectifs militaires et civils auront été atteints et les équipements prévus auront été livrés. Plusieurs indicateurs objectifs montrent le degré de réalisation de la loi de programmation : les autorisations de programmes inscrites au cours de cette législature auront représenté 103,8 % des montants prévus en programmation et, pour les crédits de paiement, plus de 94 % de ce qui était prévu. J'observe du reste avec intérêt que les autres orateurs de l'opposition qui ont critiqué ce niveau de réalisation l'ont fait sur la base de quatre chiffres différents ! (Murmures sur les bancs du groupe du RPR). Le pourcentage d'exécution des dépenses budgétées en investissement sera supérieur sur la même période à 95 % des crédits de paiements inscrits. Un tel niveau d'exécution d'une LPM n'avait jamais été atteint.

En dépit de cet excellent résultat, je ne cacherai pas que subsistent encore des faiblesses que nous travaillons à redresser.

La première concerne l'entraînement des forces, qui va de pair avec la professionnalisation. Le budget 2002 place donc l'entraînement au c_ur de ses priorités et comme l'a souligné Jean-Michel Boucheron, il est prévu de consacrer en 2002 un effort supplémentaire de 30,49 millions d'euros à l'augmentation du taux d'activité des armées. Le taux d'activité de l'armée de terre qui est passé en 2001 de 73 à 80 jours d'entraînement par an, sera porté à 89 jours en 2002. Celui de la marine passera de 94 jours en mer à 97 jours en 2002 - pour un objectif de 100 comme chacun le sait. L'armée de l'air, dont les taux, à 180 heures de vol, atteignent déjà les objectifs reconnus sur le plan international, sera en mesure de développer les exercices interalliés afin d'améliorer encore l'interopérabilité de ses unités.

Plusieurs orateurs - en particulier MM. Lemoine, Chauveau et Vauchez- ont fait état d'une possible dégradation de la condition militaire. Les armées ont démontré - et c'est à l'honneur - une capacité exceptionnelle à assumer l'évolution capitale que représente la professionnalisation. Elle ont aussi réaffirmé avec force leur attachement à leur statut spécifique, avec ses obligations et ses droits propres. Si l'on veut renforcer le lien entre l'armée et la nation, il n'est pas possible de maintenir les forces armées à l'écart du mouvement de la société lorsque celle-ci aspire à disposer de plus de temps pour la famille, la culture ou le développement personnel. La mobilisation sans faille dont font preuve les militaires dans les circonstances actuelles rend une compensation encore plus nécessaire. Il faut toutefois respecter pleinement le principe de disponibilité, qui demeure une des spécificités du statut militaire. J'ai donc engagé les conseils de la fonction militaire et le Conseil supérieur à conduire une réflexion à ce sujet. Leurs conclusions portent sur l'allégement des charges et l'amélioration de l'organisation du travail pour dégager du temps libre. Nous l'avons fixé à 13 journées supplémentaires. C'est un droit, mais les contraintes opérationnelles sont telles que toutes les unités ne pourront pas en bénéficier. C'est pourquoi nous proposons une alternative : une indemnité compensatoire, identique dans toute l'armée et à chaque grade, qui sera, je l'espère, supérieure à 500 F par journée. Le montant sera bientôt déterminé. S'y ajoute une possibilité de report sur plusieurs années des jours de permission et de temps libre non utilisés, qui bénéficiera tant à l'organisation du service qu'aux choix personnels des militaires.

Dans le cadre de l'effort de sécurité, le Gouvernement a décidé en outre un programme exceptionnel de recrutement de sous-officiers de gendarmerie, qui prend la suite de celui que vous aviez approuvé pour 2000 et 2001. Trois mille postes seront créés d'ici 2004 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le Gouvernement a pris la pleine mesure des besoins et y consacre les moyens correspondants après une concertation avec les militaires. Vous serez saisis d'un amendement tirant les conséquences de cette décision (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

A partir de 2003, une nouvelle loi de programmation prolongera celle qui s'achève. Il est vrai que la réflexion peut s'approfondir, en s'enrichissant d'avis extérieurs et en tirant les conséquences des événements récents, mais le texte qui est déposé sur le Bureau de votre Assemblée constitue un point d'accord entre le Président de la République et le Premier ministre. Sans cet accord, il n'aurait pas été adopté en conseil des ministres, sous la présidence du chef des armées (« Utile rappel ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Ce projet a été l'occasion de réflexions approfondies sur la nature des menaces. Il pose les orientations à long terme sans lesquelles les armées, en raison de leur effectif et de la nature de leur équipement, ne pourraient fonctionner à leur optimum. Dans le domaine des équipements, il a été conçu comme une « loi de fabrication et de livraison », à la différence de celle qui s'achève, qui a vu le rythme des engagements s'accélérer. Il permettra également d'adapter la condition militaire à l'évolution de la société, en créant notamment un fonds de consolidation de la professionnalisation.

En attendant, le projet de loi de finances pour 2002 donne à la défense les moyens d'achever la mise en _uvre de l'actuelle LPM. Le montant des crédits, 29,264 milliards d'euros hors pensions, progresse de 1,6 %. Le titre III croît, en l'état actuel, de 2,3 %. Il représente 16,457 milliards d'euros, dont 80 % vont aux rémunérations.

La professionnalisation des armées, engagée en 1997, a été menée à bien. Les échéances ont été respectées, voire anticipées, comme la suspension du service national. Nos concitoyens portent un jugement positif sur cette réforme. Les restructurations ont été conduites en étroite concertation avec tous nos interlocuteurs, ce qui a permis d'en maîtriser pleinement les conséquences.

Le niveau des effectifs atteindra à la fin de 2002 99 % de l'objectif fixé par la LPM 1997-2002. Les adaptations souhaitables seront réalisées au cours de la prochaine programmation.

Compte tenu de la suspension de la conscription, le projet de budget prévoit un recrutement sans précédent de 35 900 militaires et de 3 750 civils. En ce qui concerne ces derniers, le sous-effectif s'est considérablement réduit. Il sera par exemple dans l'armée de terre de 1 800 postes à la fin de l'année, contre 4 300 début 2000.

Cet effort exceptionnel impose de créer de nouvelles voies d'accès. Une convention a été signée dans cette perspective avec le ministre de l'enseignement professionnel, au profit des volontaires. Dans la même optique, j'ouvrirai dès 2002 des concours de pré-recrutement pour des adjoints administratifs et des aides-soignants, qui permettront à des jeunes, tout en étant rémunérés, de poursuivre leurs études jusqu'au niveau requis avant de s'engager.

Un peu plus de 8 000 postes de militaires du rang seront créés en 2002. Les volontaires seront 25 000, soit une augmentation de 6 500. Le service de santé des armées bénéficiera de 371 emplois supplémentaires.

Par ailleurs, l'accord signé dès juillet 2001 sur la réduction du temps de travail prévoit le recrutement de 2 200 agents civils et ouvriers d'Etat. Le recrutement de 900 ouvriers d'Etat supplémentaires répond au besoin des armées.

D'autres mesures seront nécessaires pour achever la mutation. Un effort supérieur à 280 millions d'euros sera consenti en faveur de l'accompagnement social de la professionnalisation et des restructurations, qui a démontré son efficacité.

Des mesures indemnitaires sont également prévues. La professionnalisation et les exigences de la sécurité publique justifient pleinement une action particulière en direction du personnel des armées et de la gendarmerie. Les médecins des armées bénéficient de mesures visant à renforcer l'attractivité des emplois, à valoriser des compétences acquises et à fidéliser le personnel en poste. Le taux de renouvellement des contrats des militaires du rang est, d'ailleurs, supérieur à 80 %.

Le rôle des sous-officiers est essentiel au sein d'une armée professionnelle, mais ils ne bénéficient pas des mesures prises en faveur des salaires les plus modestes. Des mesures spécifiques leur sont donc consacrées.

Avec la fin de la conscription, la réserve voit ses missions renouvelées. En augmentation de 9,8 %, les crédits qui y sont consacrés seront affectés au recrutement et au financement de la prime de fidélité qui concernera les militaires du rang engagés dans la réserve. Elle sera attribuée en priorité à la gendarmerie pour développer ses activités de réserve.

Les questions de sécurité intérieure sont, évidemment, une priorité.

L'application du plan Vigipirate démontre une nouvelle fois la réactivité de nos forces armées.

L'effort particulier que j'ai engagé en faveur de la gendarmerie sera poursuivi. Sa zone de compétence a en effet absorbé la grande majorité de la croissance de la population du pays et ses tâches en sont d'autant plus lourdes.

C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'un débat très approfondi tant au sein des unités que des conseils de la fonction militaire.

Outre les 4 500 nouveaux postes de gendarmes en quatre ans, alors que la LPM ne prévoyait aucune augmentation, près de 4 200 volontaires supplémentaires renforceront les effectifs de la gendarmerie. Le délai de formation diffère leur entrée en fonctions, mais nous ne pouvions faire l'économie de cet investissement.

Les moyens de la gendarmerie connaîtront également un accroissement particulièrement significatif. Plus de 70 millions de crédits nouveaux lui seront attribués hors rémunérations, soit une hausse de 11,3 % qui renforcera la capacité opérationnelle des brigades. Un effort significatif apparaîtra aussi dans la loi de finances rectificative.

L'effort d'équipement des armées est dans la continuité de 2001. Les dotations permettront de financer l'annuité 2002 de la loi de programmation.

Si M. Fromion veut bien lire les documents dont il dispose, il constatera que les autorisations de programmes progressent de 0,7 %. Elles permettront notamment de poursuivre la politique de commandes pluriannuelles développés avec succès depuis quatre ans. Le montant total des commandes dépassera 9 milliards fin 2001 et doublera avec la prise en compte de l'ATF. Cette procédure offre aux industriels une meilleure visibilité et leur permet, en planifiant mieux leurs activités, de diminuer leurs coûts.

Les crédits de paiement inscrits aux titres V et VI s'élèvent à 12,396 milliards, auxquels il faut ajouter 411 millions de reports de crédits ce qui, au total, conduit à augmenter de 0,7 % les moyens disponibles du titre V.

Il s'agit là de rattrapage, et je précise à M. Jean-Louis Bernard, qui a montré qu'il y a diverses manières de faire de l'opposition, que ces crédits étant disponibles, il est normal de les récupérer pour accompagner l'accélération des investissements.

Pour les équipements, nous privilégions la démarche capacitaire qu'applique aussi l'Europe, selon nos propositions. Les systèmes de forces regroupent les capacités qui concourent à un résultat opérationnel, quelle que soit leur armée d'appartenance : telle est la cohérence opérationnelle recherchée.

La dissuasion, dont M. Galy-Dejean nous a judicieusement entretenus, repose sur les deux composantes sous-marine et aéroportée. Cette année est un pic pour la modernisation, qui concerne les SNLE-NG, les missiles M51 et ASMP-A, et la simulation.

La tranche de développement du missile M51 a été ratifiée le 27 décembre 2000. La tranche ferme, y compris le programme d'essai avec le tir du second semestre 2002, se déroule normalement. La deuxième tranche sera notifiée début 2003. Ce décalage nous a permis de souscrire de nouveaux contrats. Au titre du système de forces de « commandement, communication, conduite, renseignement », les programmes de prévention des crises sont prioritaires notamment dans le cadre de la coopération. L'effort se poursuit pour acquérir les moyens d'exercer le rôle de nation-cadre. Les satellites Helios II et le premier satellite Syracuse III ont été commandés. Comme l'a relevé M. Grasset, les crédits de l'espace augmentent de plus de 9 % pour atteindre 454,3 millions d'euros. Six nouvelles bases aériennes seront équipées en 2002 du moyen de transmission de base aérienne.

Pour le système de forces « projection et mobilité », deux nouveaux transports de chalands de débarquement seront construits pour les opérations amphibies. Nous figurerons parmi les Etats les mieux équipés en ce domaine.

Le programme A400M est un enjeu essentiel au titre de la projection des forces.

2002 verra poursuivre les principaux programmes du système de forces « frappe dans la profondeur ». Ces capacités reposent sur le Rafale, dont la première flottille au standard F1 sera opérationnelle en 2002. La tranche conditionnelle de 20 Rafale est confirmée - le Premier ministre vient de me donner son accord - conformément aux orientations retenues. Le programme connaîtra une nouvelle étape avec le standard F2, dans une version apte à des missions air-sol. Les programmes des missiles de croisière franco-britanniques Apache et Scalp-EG, éléments essentiels de notre stratégie de projection, font l'objet de dotations respectives de 51 millions et de 78 millions d'euros en CP. Les premiers missiles de croisière anti-pistes Apache seront livrés le mois prochain et seront opérationnels mi-2002. Les missiles Scalp seront livrés mi-2003. Ils constituent la première réalisation de ce type d'armes en-dehors des Etats-Unis, et la Grande-Bretagne, qui utilise des missiles Tomahawk, s'associe avec nous sur ce programme.

Les programmes du système « maîtrise du milieu aéroterrestre » se déroulent conformément aux objectifs de la LP. J'y prête, Messieurs Sandrier et Clary, une attention particulière. Après avoir lancé la commande du VBCI, j'ai notifié cet été celle des 52 chars Leclerc qui complètent les 44 de l'an dernier et permet d'atteindre la cible de 406 chars de la LPM. Pour les munitions, il faut passer des commandes ponctuelles à une logique pluriannuelle. Les commandes de munitions de moyen calibre notifiées en 2001 s'élèvent à 100 millions de francs, soit le double de celles passées en 2000. J'ai demandé une augmentation du financement des études nécessaires pour renforcer nos compétences. S'agissant du Caesar, GIAT a mis en _uvre la production des batteries commandées en 2000. Vous connaissez ma position sur le Trigan. Le dialogue avec l'industriel s'est poursuivi et un projet de marché de 61 millions d'euros lui a été adressé. Nous attendons sa réponse.

Les programmes du système de force « maîtrise du milieu aéromaritime » évoluent normalement. Le renouvellement de la flotte se poursuit notamment avec la construction de deux frégates antiaériennes Horizon en coopération franco-italienne. Cela contraste avec le faible nombre de bâtiments neufs commandés avant 1997.

Au titre du système « maîtrise du milieu aérospatial », le programme MIDE sera poursuivi dans le cadre de la coopération européenne sur le missile de nouvelle génération Meteor. Ce budget permettra à l'OCCAR de notifier une commande stratégiquement importante, portant sur des systèmes de défense sol-air FSAF pour nos armées de terre et de l'air, qui offriront à la France, en outre, une première capacité antimissiles de théâtre.

Plusieurs orateurs se sont inquiétés de la disponibilité opérationnelle des matériels. Le système de forces « préparation et maintien de capacité opérationnelle » répond à cette problématique, et la réforme des structures concourt à une meilleure disponibilité des matériels. La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense et le service de soutien de la flotte seront complétés par la structure intégrée de maintenance du matériel terrestre qui regroupera les moyens des différentes armées. Les crédits consacrés à la disponibilité opérationnelle augmenteront de 28 % en AP et de 10 % en CP.

L'effort de recherche de défense sera renforcé, en cohérence avec les nouvelles ressources allouées par le projet de LPM 2003-2008.

Cet effort d'équipement s'inscrit de plus en plus dans un cadre européen, créant une dynamique positive en matière de choix d'armement contribuant à harmoniser les forces de l'Union tout en réduisant les coûts.

L'émergence d'une Europe de l'armement se traduit par la montée en puissance de l'OCCAR, dotée de la personnalité juridique qui opère progressivement l'intégration des programmes en coopération et tend à devenir une agence européenne de l'armement, au service de la rationalisation des capacités opérationnelles de l'Europe.

Les restructurations intervenues depuis quatre ans permettent aujourd'hui à l'industrie d'armement de se développer. La France a _uvré à la constitution de grands groupes européens dont on n'espérait pas la réalisation et en faveur desquels nous poursuivons nos efforts.

Cette action s'accompagne d'une modernisation rapide du ministère. D'importantes réformes ont été réalisées ces derniers mois pour renforcer notre efficacité et réduire les coûts. Cette entreprise de modernisation inclut les structures industrielles. Je pense à la mutation de DCN, réforme indispensable, aujourd'hui entrée dans sa phase décisive. L'enjeu est de permettre à DCN de fonctionner comme une entreprise. Elle améliorera sa compétitivité en étant placée dans les mêmes conditions de fonctionnement industriel et financier que ses concurrents. Des dispositions législatives seront soumises au Parlement dans le cadre de la LFR. J'ai modifié le projet pour étendre sans limitation la durée de mise à disposition des ouvriers d'Etat afin que chacun puisse terminer sa carrière en conservant le bénéfice de son statut. Cela facilitera la transition au profit de la nouvelle société qui recueillera l'ensemble des actifs de DCN. Le futur contrat d'entreprise figure dans le projet de loi.

Les syndicats sont associés à la réforme au sein d'un comité de concertation sociale qui constitue une innovation. Ils disposeront rapidement de l'ensemble des textes et dispositions de la réforme. Le Gouvernement a décidé de mener avec le soutien du Parlement une réforme progressiste assurant l'avenir de DCN, des villes où elle est implantée et des salariés.

La quasi-totalité des organisations syndicales m'ont dit ne pas vouloir s'en tenir au statu quo, ce qui est méritoire. Mais, dès lors, comment considérer comme utiles les dernières manifestations organisées contre une réforme indispensable ? Pour ma part, je veux aller jusqu'au bout de cette démarche, et je remercie la majorité pour ses encouragements et pour ses propositions judicieuses.

Suivant en cela la suggestion de M. Cazeneuve, je reviendrai ici, pour un instant, sur le rapport que la Cour des comptes a consacré aux industries d'armement. Ce document décrit une situation maintenant révolue, comme la Cour le reconnaît d'ailleurs dans certains passages. On a relevé qu'il suggérait une méthode radicale pour adapter, voire liquider, les capacités industrielles de ce secteur. Ce n'est pas la politique que mène le Gouvernement depuis quatre ans et demi : nous avons au contraire organisé les restructurations et mutations qui s'imposaient, en les accompagnant d'un traitement social exemplaire et en cherchant coûte que coûte à maintenir notre industrie de l'armement, avec la contribution des personnels. Le Gouvernement prend donc en compte certaines observations de ce rapport, mais il ne changera pas une politique qui réussit.

La construction d'une armée professionnelle, la fin de la conscription, l'engagement de nos armées à l'extérieur comme sur le territoire national exigent de tisser des rapports nouveaux entre les armées et la nation. Je note avec satisfaction les efforts accomplis en ce sens par la communauté militaire, y compris les réservistes, et par de nombreuses associations. Je constate aussi que les Français portent un regard nouveau sur les questions de défense, apportant à la communauté militaire un soutien qui est signe de maturation et qui ne peut que conforter la capacité de nos armées à répondre à leurs attentes.

Ce débat a été empreint d'une grande sérénité et ses apports sont indéniables. Je ne m'étendrai cependant pas sur certaines interventions de l'opposition, je laisse chacun devant ses responsabilités. Nos concitoyens apprécieront comme il convient la tonalité souvent réductrice et caricaturale de certains propos, ainsi que l'absence de propositions alternatives.

Ce projet parachève la réforme, consolide la professionnalisation des armées et prépare l'avenir. Avec la loi de finances rectificative à venir, il tire aussi les premières conséquences des attentats du 11 septembre et conforte l'action déjà menée en vue de valoriser le statut militaire. En le soumettant à votre approbation au terme d'un débat dense et éclairé, je veux donc vous exprimer ma reconnaissance pour l'esprit de responsabilité et le sens de l'avenir que vous avez manifestés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 50.

            Le Directeur-adjoint du service
            des comptes rendus analytiques,

            Louis REVAH

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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