Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (2001-2002)

Session ordinaire de 2001-2002 - 36ème jour de séance, 86ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 4 DÉCEMBRE 2001

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2001 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 8

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 32

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 5 DECEMBRE 2001 34

La séance est ouverte à vingt et une heures.

Top Of Page

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2001

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Le projet de loi de finances rectificative constitue chaque année un exercice obligé de comptabilisation des ouvertures et annulations de crédits décidées ou réajustées. Mais il marque aussi une étape pour la gestion de nos finances publiques, parachevant l'examen du budget en fonction des évolutions conjoncturelles. Le collectif revêt une importance particulière cette année, car il est le dernier de la législature, et aussi le dernier exprimé en francs. Vous me permettrez donc de rappeler, au-delà des chiffres, ses orientations budgétaires au service de la croissance et de la solidarité durables, indissociables de la situation de l'économie mondiale et de ses conséquences sur notre pays. Le projet de loi de finances pour 2002 présenté mi-septembre, retenait une hypothèse de croissance de 2,3 %, avec un point bas de 2,1 %. Cette fourchette était inférieure de plus d'un point à l'hypothèse du PLF 2001 : elle intégrait le ralentissement économique du premier semestre. Nous avions fait de même en juillet pour les recettes fiscales, la révision figure dans le collectif.

La bourrasque aura été rude : la flambée des prix du pétrole et le retour à la raison de la nouvelle économie ont ralenti la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro dès la fin de l'année 2000. La France a été moins touchée que ses partenaires européens, notamment grâce aux baisses d'impôts. Notre croissance a résisté jusqu'à l'hiver dernier, avant de décélérer. L'emploi et l'investissement ont ralenti au printemps, et la baisse du chômage s'est interrompue cet été.

Il n'y avait aucune raison que l'inflexion de l'activité mondiale épargne la France. Nos entreprises industrielles, impliquées dans la compétition internationale, ont réduit la voilure, sacrifiant leurs stocks, et certains projets d'investissement, freinant l'embauche. A cet ajustement de leur demande se sont ajoutés au printemps les conséquences de l'inflation qui a saisi l'Europe avec la crise alimentaire et la reprise des tensions sur les prix du pétrole. L'activité a donc nettement ralenti.

Nous avons cependant estimé que la France affronterait mieux que d'autres ce coup de froid. L'expérience la plus récente montre que face aux chocs extérieurs, les grandes économies européennes ne réagissent ni ensemble, ni de la même façon, en dépit de taux d'intérêt et de change communs. Les différences de structures et de politique budgétaire subsistent d'un pays à l'autre de la zone euro.

Lors du débat d'orientation budgétaire, nous avions rappelé nos atouts, confortés par la politique économique suivie depuis 1997. Ils devaient maintenir la consommation des ménages, au-delà des à-coups mensuels, et éviter un fléchissement trop brutal au second semestre 2000. Nous pensions à la modération des prix, au maintien des créations nettes d'emplois, à l'accélération des salaires individuels et au calendrier des baisses d'impôts.

En dépit des divergences entre prévisionnistes, les derniers indicateurs confortent l'analyse et les choix du Gouvernement. Sur les cinq derniers mois, les prix n'ont augmenté que de 0,1 %. Depuis le début de l'année, plus de 200 000 emplois ont été créés, dont 45 000 entre juillet et septembre, période moins favorable. Sur douze mois, le salaire individuel de base a progressé de 2,5 %. La consommation des ménages en produits manufacturés a crû de 1,7 % au troisième trimestre par rapport à 2000. Enfin, la croissance du troisième trimestre s'est maintenue à 0,5 %. La France devrait achever l'année avec une croissance d'environ 2 %, contre 1 % aux Etats-Unis, moins de 1 % en Allemagne et un résultat négatif au Japon. Personne ne conteste plus ces chiffres, qui sont devenus des faits, et nous autorisent à maintenir nos prévisions de croissance et de recettes pour 2001.

C'est désormais la croissance pour 2002 qui fait débat. Elle dépendra grandement de l'impact des attentats sur la conjoncture et de l'évolution de la situation en Afghanistan. Lors des attentats, nous avions identifié trois risques, pétrolier, financier et psychologique. Aujourd'hui, le prix du pétrole a fortement baissé, et les prix à la pompe ont suivi, ce qui devrait stimuler la croissance. Sur le front des marchés financiers, ébranlés fin septembre, les pertes sont rattrapées grâce à la Réserve fédérale américaine et à la BCE, les taux d'intérêt ayant amplement diminué. Enfin, si la confiance des entrepreneurs et des ménages a été mise à mal durant l'automne, l'indice de confiance de l'INSEE publié ce matin témoigne d'une amélioration du climat : le débat ne porte plus sur la possibilité d'un rebond de l'activité, mais sur son calendrier. La reprise devrait être au rendez-vous en 2002, même si la prudence reste de mise.

Prudence dans les prévisions, mais volonté dans l'action. Agir, tel est l'objectif du plan de consolidation de la croissance que vous a présenté le Gouvernement le 16 octobre. Vous aurez l'occasion d'en débattre en examinant ce collectif, mais vous en connaissez l'inspiration : conforter la demande des ménages pour préserver l'emploi, notamment grâce au doublement de la prime pour l'emploi en 2001 ; stimuler l'investissement des entreprises et renforcer l'effort en faveur des PME, de la création d'entreprises, de l'innovation et des biotechnologies ; soutenir les secteurs touchés par les attentats, comme les transports aériens et l'assurance ; enfin, encourager les télécommunications par la redéfinition des règles concernant l'UMTS. Cela profitera aux entreprises du secteur et bénéficiera aux consommateurs et à l'aménagement du territoire. Un Etat responsable, c'est un Etat qui sait adapter ses décisions à l'environnement, de manière pragmatique et volontariste. Les agents économiques l'ont bien perçu.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances rectificative traduit la volonté du Gouvernement d'accompagner l'évolution de l'économie et de laisser jouer les stabilisateurs du budget en recettes. Le collectif fixe le déficit budgétaire à 212,48 milliards de francs, ou 32,4 milliards d'euros, soit une hausse de 25,9 milliards de francs par rapport à la LFI pour 2001. Cela correspond aux baisses de prélèvements fiscaux indiquées à l'occasion du projet de loi de finances pour 2002. Ce déficit est pratiquement identique à celui du collectif de la fin 2000, qui s'établissait à 209,5 milliards de francs, soit 32 milliards d'euros. Le palier dans la réduction du déficit...

M. Charles de Courson - Quel palier ? On remonte !

Mme la Secrétaire d'Etat - Oui, ce palier est rendu nécessaire par le ralentissement de l'économie, mais la loi de finances pour 2002 réduit à nouveau ce déficit, en le ramenant à 30,4 milliards d'euros.

Laisser jouer les stabilisateurs automatiques signifie pour le Gouvernement ne pas compenser les moins-values de recettes par des coupes claires dans les dépenses : c'est un choix en faveur de la croissance, mais nous devons respecter la norme de dépenses que nous avons fixée. Depuis 1997, les dépenses auront progressé en moyenne, en francs constants, d'un quart de point par an. Les ouvertures nettes du budget général s'établissent à 5,1 milliards de francs, mais compte tenu de la révision de la prévision d'inflation, qui passe de 1,2 % à 1,6 %, les dépenses n'augmentent pas en francs constants par rapport à la LFI ; l'objectif d'une progression de 0,3 % en volume en 2001 est ainsi respecté. Les ouvertures concernent essentiellement les budgets de l'Intérieur et de la Défense, et plus particulièrement les mesures prises après les attentats du 11 septembre, ainsi que le secteur social, notamment pour le respect de nos engagements relatifs à l'hôpital.

Les mesures fiscales de ce projet portent la marque du plan de consolidation de la croissance annoncé le 16 octobre.

Tout d'abord, les 8,5 millions de foyers qui ont bénéficié il y a trois mois de la prime pour l'emploi, innovation populaire qui a permis aux travailleurs les plus modestes de contribuer à la croissance par leur consommation, vont la voir doubler pour 2001.

Ensuite, les entreprises vont pouvoir pratiquer jusqu'au 30 mars 2002 un amortissement exceptionnel de 30 % sur leurs investissements dans les biens d'équipement ; nous avions annoncé que cette mesure démarrerait dès le 17 octobre.

Par ailleurs, 15 000 entreprises auxquelles l'Etat devait encore de l'argent au titre de la suppression du décalage d'un mois de la TVA seront remboursées dès 2002, avec cinq ans d'avance sur l'échéance. Elles disposeront ainsi de 1,22 milliard d'euros d'argent frais, sans impact sur le solde budgétaire de l'Etat.

Enfin, les entreprises d'assurance, confrontées à l'amplification de certains risques depuis le 11 septembre, verront l'amélioration de certaines dispositions fiscales.

Ce projet de loi de finances rectificative est le dernier avant le passage à l'euro qui marquera véritablement pour 300 millions d'Européens l'entrée dans le nouveau siècle. Un siècle, nous le souhaitons, de paix ; un siècle de développement économique grâce au renforcement, dans un contexte de stabilité monétaire, de la coordination entre partenaires ; un siècle d'approfondissement de la construction européenne, avec une subsidiarité étendue et une volonté revendiquée d'organiser humainement la globalisation. Pour l'heure, l'euro joue son rôle de bouclier pour les économies des nations qui l'ont adopté, et notamment pour la nôtre. L'euro a amorti les effets du ralentissement. Depuis le 11 septembre, il a contribué à déjouer le dessein des terroristes qui, après avoir détruit des milliers de vies, projetaient de briser nos économies et de casser les échanges. Ceux qui regrettent le temps où les monnaies européennes étaient en compétition font sans le dire l'apologie des dévaluations en cascade et du chômage de masse ; l'euro nous a protégés, il nous protégera encore.

Un article de ce projet concerne les dernières conversions de montants ou de seuils, l'ordonnance de septembre 2000 ayant réalisé le gros du travail. Nous n'avons pas hésité à corriger certaines conversions, qui pouvaient sembler trop approximatives ou trop peu généreuses. La neutralité du passage à l'euro doit prévaloir : les conversions opérées sont d'une précision très scrupuleuse par rapport à la fourchette de plus ou moins 7 % autorisée par le règlement communautaire ; 80 % d'entre elles sont comprises en effet entre plus et moins 1 %.

Dernière loi de finances avant l'euro, ce texte comporte aussi des dispositions utiles à notre intégration dans l'Europe. Par exemple, la transposition de la directive sur le redevable de la TVA va permettre une simplification importante pour les opérateurs qui souhaitent commercer dans l'Union : sans que soient diminuées les possibilités de contrôle fiscal, ils n'auront plus à désigner de représentant fiscal. Autre avancée : deux régimes fiscaux qui étaient considérés comme dommageables sont remis en conformité, afin que nos entreprises soient à l'abri de contentieux communautaires. Bâtir l'Europe, c'est aussi simplifier la vie des agents économiques.

Ce texte est le dernier acte budgétaire d'une législature consacrée au soutien à la croissance, à la création d'emplois et à la solidarité. La France est aujourd'hui plus forte que celle que nous avons trouvée en accédant aux responsabilités : plus forte pour convertir la croissance en emplois et en investissements lorsque la conjoncture est favorable : plus forte pour préserver l'activité et le pouvoir d'achat lorsque l'économie mondiale est affaiblie. De nombreuses réformes économiques, industrielles et financières ont été engagées, d'autres restent à initier. Elles ne seront acceptées que si elles sont menées dans un esprit de concertation, ne seront viables que si elles prennent en compte les exigences du long terme, et ne mobiliseront nos concitoyens que si elles sont porteuses de nouvelles espérances. Tel est le sens de notre action. La France ne manque ni d'atouts, ni d'ambitions. Que cela renforce encore notre volonté de conduire notre pays sur le chemin de la démocratie et de la prospérité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - L'examen du collectif de fin d'année est l'occasion d'effectuer des ajustements sur les crédits initiaux votés par le Parlement. C'est aussi un moment privilégié où le contrôle par le Parlement du respect de l'autorisation budgétaire qu'il a accordée prélude directement à l'exercice de son pouvoir financier, qui conduit à définir un nouvel équilibre.

En matière de dépenses, ce projet confirme l'engagement du Gouvernement de respecter la norme de progression qu'il s'était fixée dans la loi de finances initiale, à savoir une augmentation de 0,3 % en volume. Le simple maintien du pouvoir d'achat des administrations nécessite un peu plus de 6 milliards de francs compte tenu du fait que l'inflation devrait s'établir à 1,6 % au lieu de 1,2 %.

Malgré un contexte économique et financier plus tendu que les années précédentes, le Gouvernement est resté fidèle à l'engagement, pris au début de la législature, d'éviter toute régulation budgétaire autoritaire. Les « contrats de gestion » entre les ministères gestionnaires et le ministre des finances traduisent ce nouvel état d'esprit, même si des progrès peuvent certainement être accomplis quant à leur caractère contractuel.

C'est ainsi que les deux décrets d'avance du 21 mai et du 8 octobre ont pu être gagés par des annulations équivalentes, sans dommage pour le fonctionnement normal des administrations. Le premier concernait, pour l'essentiel, le financement de mesures d'urgence relatives à la lutte contre l'ESB. J'ai fait part, dans mon rapport écrit, des réserves qu'appelle l'ouverture de 450 millions de francs effectuée sur le chapitre du budget des charges communes relatif aux dépenses accidentelles. J'ai bien conscience que certaines dépenses résultant de la lutte contre l'ESB ne pouvaient être précisément connues à la date du décret d'avance du 21 mai, qu'il s'agisse de leur montant, de leur nature ou de leur date. Cependant, cette ouverture n'a trouvé sa justification que le 5 novembre, lorsqu'un décret de « dépenses accidentelles » a prélevé 240 millions sur les charges communes. C'est de mauvaise méthode et la commission des finances tient à le souligner.

Le décret d'avance du 5 octobre était, pour sa part, essentiellement consacré aux opérations extérieures de nos armées. Il est de tradition que ces dépenses soient financées en gestion, les disponibilités observées sur les chapitres d'équipement servant d'ailleurs de gage interne au budget de la Défense. Pourtant, ces dépenses devenant récurrentes, il serait souhaitable d'en consolider une part plus importante dans les lois de finances initiales.

Le collectif propose, par ailleurs, d'ouvrir 17,3 milliards de crédits nets sur le budget général. Il faut remonter à 1991 pour trouver un montant d'ouvertures plus faible. Cette bonne performance montre bien la fermeté avec laquelle le Gouvernement contrôle la dépense de l'Etat tout en finançant ses priorités sociales. Elle montre également, contrairement à ce qu'affirmait l'opposition, que la loi de finances initiale n'était mal calibrée ni en recettes, ni en dépenses.

Les ouvertures servent à financer des engagements du Gouvernement, qu'il s'agisse des mesures en faveur de la sécurité des personnes et des biens, de la deuxième tranche du protocole d'accord conclu en mars 2000 avec les personnels hospitaliers afin d'améliorer leurs conditions de travail, à la demande de nos collègues du groupe communiste, ou bien de l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de la Shoah.

Le collectif finance aussi les 30 000 contrats emploi-solidarité et les 20 000 stages d'insertion et de formation à l'emploi supplémentaires annoncés par le Premier ministre en octobre. Il assure la compensation des pertes subies par les compagnies aériennes lors de la fermeture de l'espace aérien américain du 11 au 14 septembre dernier et la dotation du nouveau fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui leur assure, ainsi qu'à leurs ayants droit, la réparation intégrale des préjudices qu'elles ont subis.

Un arrêté du 14 novembre a annulé 13,4 milliards de francs sur le budget général, 24,4 milliards sur le compte d'affectation spéciale n° 902-33 et 3,7 milliards sur le compte d'avance sur impositions locales n° 903-54. Le premier de ces mouvements résulte de la révision du prix des licences UMTS et de l'affectation de l'intégralité des recettes attendues au fonds de réserve pour les retraites. Le second résulte d'une révision à la baisse des impositions locales émises en 2001, reflétant une croissance des bases moindre que prévu, alors que les taux votés par les collectivités locales sont globalement en ligne avec les prévisions.

Sur le budget général, certaines dépenses à caractère social ont été moins importantes que prévu, en raison des effets différés d'une conjoncture économique très favorable en 2000. Certaines annulations sont dues au fait que les services gestionnaires n'ont pu réaliser l'intégralité des dépenses autorisées. Des disponibilités sont ainsi apparues sur les crédits relatifs à l'élimination des farines animales, au fonctionnement de l'ANPE, aux emplois-jeunes ou au développement de la recherche industrielle. De même, les crédits d'équipement militaires sont amputés de 2,4 milliards de francs, mais ceci ne devrait pas avoir de conséquences sur le rythme effectif des paiements (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Le ministère des finances estime en effet que les paiements de 2001 seront supérieurs à ceux de 2000.

S'agissant des recettes, l'érosion des ressources du budget général est confirmée. Pour l'essentiel, la révision des évaluations reprend celle qui était associée au projet de loi de finances pour 2002.

Dès le 19 juillet, le ministère des finances avait indiqué que les moins-values fiscales nettes pourraient atteindre 25 milliards de francs. L'évaluation associée au projet de loi de finances pour 2002 confirmait cette tendance. Les principales moins-values concernent l'impôt sur les sociétés, la TVA et la TIPP.

L'évaluation révisée associée au projet de collectif réduit de nouveau les estimations de recettes fiscales nettes. En effet, l'article premier propose de verser, en 2001, un complément de prime pour l'emploi, ce qui entraîne 8 milliards de dégrèvements. D'autre part, l'article 3 modifie le partage de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance en majorant de 3,1 milliards la part affectée au FOREC.

Au total, la diminution des recettes fiscales nettes atteint 11,1 milliards, en recul de 2,2 % par rapport aux évaluations initiales. Par rapport à l'exercice 2000, les recettes fiscales progressent de 1,3 %, au lieu des 3,6 % initialement prévus.

Dans le budget 2002, les recettes non fiscales progressent de 8,3 % par rapport à l'exécution 2000, contre 4,5 % dans l'évaluation initiale. Cette évolution découlait essentiellement de la nouvelle convention d'assurance chômage et de la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

La révision du présent collectif prend en compte une autre progression, due notamment à des prélèvements exceptionnels de 460 millions sur les réserves du Bureau de recherche géologiques et minières et de 400 millions sur celles de l'Institut national de la propriété industrielle. Les recettes non fiscales ne compensent que partiellement les moins-values de recettes fiscales.

Le ralentissement de la conjoncture se manifeste également par une augmentation du déficit de 25,9 milliards de francs. C'est la première fois que ce phénomène se produit, les résultats d'exécution depuis 1997 ayant été systématiquement meilleurs que les prévisions - rappelons qu'en 1995, le déficit avait été supérieur de 47,8 milliards aux prévisions initiales, soit une dégradation représentant 0,6 % du PIB.

M. Charles de Courson - Et en 1993 ?

M. le Rapporteur général - Les prévisions du solde général figurant dans le projet de collectif apparaissent réalistes et prudentes.

L'impact du ralentissement de la croissance sur les finances publiques n'affecte pas que la France. Selon les prévisions publiées par la Commission européenne le 21 novembre, le déficit moyen des administrations publiques, dans la zone euro, devrait s'élever à 1,1 % du PIB en 2001, se creuser à 1,4 % en 2002 et redescendre à 1 % en 2003. La détérioration des soldes publics s'explique essentiellement par la faiblesse de la croissance et par le jeu des stabilisateurs automatiques.

Il s'agit donc, pour la France, d'une pause sur le chemin du rétablissement de l'équilibre, mais sans que l'objectif soit remis en question. Des marges d'amélioration du solde général pourront d'ailleurs apparaître lors du bilan d'exécution 2001.

La commission proposera un certain nombre d'améliorations à notre assemblée. Mme la secrétaire d'Etat a elle-même déposé plusieurs amendements. La commission a déjà accepté certains d'entre eux et en examinera d'autres demain.

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous proposera, la commission des finances vous demandera donc de voter ce projet de loi de finances rectificative pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Comme à l'accoutumée, la commission de la défense a été saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative. Je me contenterai de donner ce soir son avis sur les articles 13, 14 et 16, me réservant d'intervenir demain sur la transformation de la DCN en société d'Etat, qui mérite un exposé plus détaillé.

Comme chaque année, en ce qui concerne la défense, des mouvements importants sont observés par rapport à la loi de finances initiale. Au total, en 2001, le titre III aura été abondé de 4,2 milliards de francs et les annulations de crédits d'équipement auront dépassé 6 milliards. Le solde fait apparaître une contribution nette de la défense de 1,8 milliard à l'équilibre général du budget, en diminution de près de 1 milliard par rapport à 2000.

Les opérations extérieures, hors celles d'Afghanistan, qui n'ont pas été intégrées pour des raisons de calendrier, auront représenté en 2001 un surcoût de dépenses de 3,3 milliards. Les surcoûts de rémunérations pour ces opérations sont abondés à 100 %. En revanche, les surcoûts de fonctionnement restent pour 259 millions à la charge des armées. Enfin, pour des raisons que nous ne partageons pas, les 516 millions de surcoûts du titre V ne donnent lieu à aucun remboursement.

Depuis deux ans, à l'initiative de François Lamy, les opérations extérieures font l'objet d'une description détaillée au sein du rapport écrit. Des plus importantes aux plus minimes, l'ensemble de ces opérations présente les mêmes structures financières et les mêmes surcoûts.

Par ailleurs, la gendarmerie a bénéficié de 740 millions de francs, sans compter les mesures annoncées par le ministre de la défense. 570 millions sont consacrés au paiement des arriérés de loyers et 170 millions au fonctionnement.

La gestion du titre III ne devrait ainsi laisser subsister que de faibles reports de charges nets, permettant d'aborder 2002 de façon relativement saine.

Cette année encore, la dépense reste inférieure aux crédits ouverts (M. de Courson approuve). Mais c'est une vieille histoire ! Cela s'explique par la surdotation de certains chapitres, repérée par la Cour des comptes, par des éléments positifs, comme les diminutions de prix obtenus par la DGA, mais aussi hélas par les retards de signature de certains programmes européens.

Néanmoins, la dépense attendue en 2001 est supérieure à celle de 2000, ce qui marque l'amélioration des procédures de dépense du ministère. Ce mouvement devrait se poursuivre, puisque les autorisations de programme engagées sont passées de 85,7 milliards en 1999 à quelque 120 milliards en 2001.

Il faut se féliciter de ces progrès. A proche échéance, ils rendront cependant nécessaire le financement des opérations extérieures en loi de finances initiale, comme la commission le demande, ainsi que la couverture des surcoûts au titre V.

23,7 milliards de francs d'autorisations de programme sont ouverts pour financer la deuxième partie de la commande de 50 avions de transport militaire A 400 M. Enfin, 3 milliards sont redéployés en réponse à la menace issue des attentats du 11 septembre. Ils sont destinés en premier lieu à améliorer l'aéromobilité de nos forces spéciales et à renforcer nos moyens face au terrorisme maritime : il s'agira entre autres de commander des hélicoptères Cougar. En second lieu, à moderniser nos capacités de renseignement électro-magnétique. En troisième lieu, à accélérer l'effort de production des parades aux agressions biologiques et chimiques. Le chef d'état-major estime à 9 milliards l'ensemble des mesures à prendre, il s'agit donc d'une première tranche.

Sur l'ensemble de ces crédits, la commission de la défense a émis un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. La parole est à M. de Courson pour une durée qui ne saurait excéder 1 h 30 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - La loi de finances rectificative ne respectant pas les principes les plus élémentaires, à commencer par celui de sincérité budgétaire, je suis amené à défendre au nom de l'opposition cette exception d'irrecevabilité.

Ce collectif est le dernier acte budgétaire de la législature, ce qui nous invite à un bilan de l'ensemble de la politique budgétaire du Gouvernement.

Si les quatre années de croissance ont permis au Gouvernement de masquer la forte progression des dépenses publiques et de l'emploi public, le ralentissement économique fait ressortir l'ampleur de son échec. Il laisse à ses successeurs le soin de réduire le déficit et la dette, et d'accomplir les réformes sans cesse remises à plus tard.

Ce gouvernement a utilisé la croissance pour accroître la pression fiscale, ce qui a privé les Français de gains de pouvoir d'achat et creusé les inégalités. Curieuse conception de la maîtrise de la dépense publique et de la justice sociale !

Ce collectif, insincère, traduit la volonté gouvernementale de masquer la réalité des finances publiques. Nous constatons une fois encore un écart important entre celle-ci et les prévisions. Ainsi nous annonce-t-on un déficit de 212,4 milliards, au lieu des 186 prévus. Ce dépassement de 25 milliards est présenté comme la conséquence des moins-values fiscales et le Gouvernement continue d'affirmer que la dépense publique est maîtrisée. Or, tout démontre l'inverse - surtout si l'on compare à la période 1998-1997.

En avril 1993, en effet, le gouvernement Balladur avait trouvé un niveau de déficit des administrations publiques de 6,4 % du PIB, dont 340 milliards - au lieu des 165 prévus en LFI - au titre du budget de l'Etat. Un doublement du déficit par rapport à la loi de finances initiale ! On n'a jamais fait mieux, je crois.

En juin 1997, le niveau du déficit des administrations publiques était revenu à 3,3 % du PIB et celui du budget de l'Etat à 285 milliards. La majorité d'alors a donc su réduire le déficit de 3,1 points de PIB, ce qui a permis à la France de se qualifier pour l'euro. Pourtant, les conditions économiques étaient difficiles.

La majorité actuelle se targue d'avoir baissé le déficit qu'elle a trouvé en 1997 de 1,9 point du PIB. Mais l'OCDE et la Commission européenne estiment le déficit actuel de la France à 1,7 ou 1,8 % du PIB, ce qui ramène la baisse réelle à 1,6 point, soit la moitié de ce que l'actuelle opposition avait fait sur une même durée de quatre ans. Si on avait continué au même rythme qu'entre 1993 et 1997, la France présenterait aujourd'hui une situation d'équilibre budgétaire, comme d'ailleurs plusieurs de ses partenaires européens, et serait en position de force pour faire jouer les stabilisateurs automatiques et atténuer les effets de ralentissement économique.

Le constat d'échec est d'autant plus flagrant que la période 1997-2001 a été marquée par une croissance plus vigoureuse que la précédente : 2,8 % en moyenne contre 1,4 %. Cette croissance deux fois plus rapide n'est pas imputable au Gouvernement puisque l'ensemble du monde occidental l'a connue. Il apparaît donc que l'actuelle opposition a su, quand elle était au pouvoir, réduire deux fois plus le déficit avec une croissance deux fois moindre.

Quoi qu'il en soit, la combinaison de la mauvaise gestion actuelle et du ralentissement économique rend totalement caduc l'objectif d'un équilibre en 2004. Le déficit des administrations publiques étant ce qu'il est, il faudrait en effet, pour le tenir, que vous fassiez un point de réduction du déficit en 2003 et encore en 2004. Cela paraît hors de portée puisqu'entre avril 1997 et juin 2002, vous avez seulement réduit ce déficit d'un quart de point de PIB par an.

Quant aux comparaisons avec nos partenaires européens, elles ne sont pas très flatteuses pour notre pays. La France a certes réduit son déficit de 1,4 %, mais des pays comme la Belgique, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas affichent un équilibre ou un léger excédent. En 2000, la France figurait au douzième rang européen en matière de déficit public et il sera de même en 2001. Cela devrait relativiser le triomphalisme du Gouvernement.

De plus, le déficit 2001, estimé maintenant à 212,4 milliards, est largement sous-estimé.

Le Gouvernement affirme que l'écart entre ce montant et celui inscrit en loi de finances initiale, à savoir 25 milliards, correspond au montant des moindres rentrées fiscales engendrées par le ralentissement économique. Mais si l'on regarde la situation du budget de l'Etat à la fin septembre, on constate que le déficit atteint 183 milliards, contre 147 l'année dernière à la même date, soit une aggravation de 36 milliards de francs. On constate aussi que les recettes fiscales n'augmentent que de 1,5 %, contre 2,4 % à la fin du mois d'août et 2,7 % à la fin de juillet. Par ailleurs, les recettes de TVA baissent de 0,3 % et celles de la TIPP de 6,5 %.

Quant aux dépenses, elles augmentent de 3,5 % par rapport à la période correspondante de l'année précédente. Le Gouvernement justifie cette hausse par l'existence de dépenses qui n'existaient pas en 2000, à savoir un versement de 18 milliards aux collectivités territoriales pour compenser les pertes de recettes dues à la suppression de la vignette et de la part régionale de la taxe d'habitation. Mais il s'agit bien là de dépenses reconductibles chaque année. Et comment le Gouvernement peut-il parler de baisses d'impôts lorsque le contribuable national compense ce qui est allégé pour le contribuable local ?

De plus, on est loin d'une évolution des dépenses de l'Etat en volume de 0,5 %. On en est d'autant plus éloigné que l'on réintègre les dépenses qui ont été débudgétisées. Par exemple celles du FOREC, qui sont passées de 68,2 milliards en 2000 à 94,9 en 2001. Cet écart de 26,7 milliards ne figure plus dans le budget de l'Etat. Si on le réintégrait, on aurait donc, rien qu'avec le FOREC, 1,5 % de l'augmentation en plus. La dépense publique est donc bien supérieure, à périmètre constant, à celle qui est affichée.

Quel enseignement peut-on en tirer quant au solde ? En 2000, le solde d'exécution a été de 191 milliards. De septembre à fin décembre 2000, le déficit s'est accru de 44 milliards. Pour qu'il soit de 212 milliards en 2001, il faudrait que de septembre à décembre 2001 il ne se creuse pas de plus de 29 milliards : est-ce crédible ? Il est probable par ailleurs que les moins-values fiscales dépasseront 25 milliards. En effet le différentiel de croissance du PIB entre loi initiale et loi rectificative dépasse 1 % selon vos prévisions. Or un point de PIB en moins, c'est une perte de recettes de 35 milliards, soit dix de plus que ce que vous prévoyez. Et si l'écart atteint 1,2 %, ce seront encore 15 milliards supplémentaires.

D'autres facteurs montrent que les moins-values fiscales sont sous-évaluées. Le chômage a connu à nouveau une hausse de 0,6 % fin septembre, ce qui le porte à 9,1 % de la population active au sens du BIT. Les licenciements ont augmenté de 7 % en septembre. Il en va de même pour l'indicateur portant sur les investissements des entreprises, qui connaissent un net ralentissement. Après une forte augmentation de 7,1 % en 2000, vos prévisions les situent à 3,8 %, mais au troisième trimestre ils ont connu une légère baisse. Ce mouvement risque de s'amplifier, à la fois du fait des incertitudes créées par le 11 septembre et du vote en France de la loi de « modernisation » sociale, en fait une loi de répression (Exclamations sur les bancs du groupe communiste), qui risque de conduire les chefs d'entreprise à faire des anticipations négatives et à geler les plans de recrutement.

Dès lors, si la consommation des ménages reste vigoureuse, la hausse du chômage et des licenciements risque de les inciter à la prudence, comme en témoigne la hausse du taux d'épargne. Cette situation n'aura pas de conséquences pour l'impôt sur le revenu, mais peut réduire les recettes de TVA et de TIPP.

Le FOREC a été débudgétisé. Si l'on veut voir la situation réelle, il faut le réintégrer dans le budget de l'Etat. Le financement des 35 heures à travers le FOREC symbolise les artifices de la gestion gouvernementale et son mépris des règles élémentaires de la sincérité et de la transparence budgétaires. Il y a une parfaite dichotomie entre les discours ministériels, vantant la transparence qui régnerait depuis le vote de la nouvelle loi organique, et la triste réalité budgétaire : une série de débudgétisations dissimulées par une « tuyauterie » destinée à masquer le coût réel des 35 heures et à éviter tout vrai débat sur leur efficience. Dans ce collectif vous affectez au FOREC 3,1 milliards de francs. Cette affectation ne tient pas compte de son déficit résiduel, et maintient une obscurité permanente entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Dans son rapport sur les comptes sociaux pour 2000, la Cour des comptes a sévèrement critiqué le refus du Gouvernement de financer par le budget de l'Etat, comme il s'y était engagé, le déficit résiduel du FOREC.

En 2001 le FOREC ne peut plus financer la totalité du coût des 35 heures à partir des recettes initialement affectées : droits sur les tabacs, TGAP et CSB. Dès lors il bénéficie en 2001 de multiples transferts de recettes, pour combler un trou d'environ 18 milliards. Ainsi la taxe sur les alcools, qui allait au FSV, lui est affectée, rejoignant la taxe sur les tabacs : le vice finance les loisirs... Il ne faut pas moins de sept types de ressources, dont six impôts, pour financer les 35 heures en 2001...

Enfin il faut ajouter à ces déficits dissimulés ceux des entreprises publiques structurellement déficitaires, qui fatalement s'endettent, après quoi, au bout de quelques années, on les dote en capital. C'est ainsi qu'en 2001 RFF aura 12 ou 13 milliards de déficit, la SNCF un milliard, Charbonnages de France environ 6 milliards. Au total ce sont donc 19 milliards de déficits supplémentaires, discrètement financés par des dotations en capital qui permettent de faire croire que le niveau d'investissement de l'Etat ne s'est pas effondré au point où on le croit... Ce financement discret passe souvent par des comptes d'affectation spéciaux. Les dérapages budgétaires correspondent bien aux décisions gouvernementales, et non pas seulement à des moins-values de recettes.

Si l'on tient compte de la sous-estimation des moins-values fiscales, soit 15 milliards, et du déficit d'exploitation de RFF, de la SNCF et des Charbonnages, soit 19 milliards, on obtient un déficit de l'ordre de 246 milliards de francs : on est loin des 186 milliards affichés en loi initiale et des 212 milliards de ce collectif. Le dérapage entre la loi initiale et le collectif atteint 60 milliards.

Cette dérive est atténuée par des économies portant sur des investissements déjà insuffisants. Dans ce collectif, le Gouvernement affiche 17 milliards d'ouvertures de crédits compensées par 12 milliards d'annulation, d'où un solde net d'ouvertures de 5 milliards. Mais il faut voir titre par titre la balance entre ouvertures et annulations. Globalement, en fonctionnement, vous ouvrez 13,3 milliards et vous annulez 9 milliards, par le décret du 14 novembre 2001. Le solde est donc positif de 4,3 milliards. Mais en investissement vous ouvrez 4 milliards et vous en annulez 4,4, d'où un solde négatif de 400 millions.

L'Etat est devenu une énorme machine qui accumule les dépenses de fonctionnement et réduit continûment les dépenses d'investissement, alors que ces dernières sont déjà en dessous de l'étiage qui permettrait de maintenir le capital en l'état. Voyez le dernier rapport de la Cour des comptes, notamment sur la gestion de la voirie nationale par le ministère de l'équipement : les crédits effectivement consommés par l'Etat pour entretenir les routes ne suffisent même plus pour les maintenir à niveau. On peut dire la même chose de la gestion immobilière de l'Etat. Les élus locaux savent bien que l'Etat « fait la manche » auprès des collectivités pour qu'elles cofinancent la remise à niveau de ses propres moyens immobiliers... Et malgré cela, chaque année, on annule beaucoup plus de crédits d'investissement qu'on n'en ouvre. Et c'est l'inverse pour les crédits de fonctionnement. Quant à la défense, à l'heure où la France risque de perdre le leadership en matière de défense européenne, le Gouvernement fait des économies sur l'équipement des armées.

M. le Rapporteur pour avis - J'ai démontré le contraire !

M. Charles de Courson - De même, alors qu'il affirme que pour lui l'environnement est une priorité, le Gouvernement annule les crédits d'investissement de ce ministère. Chacun sait que ce ministère est mal géré. Nous votons chaque année des crédits qui ne sont pas consommés : on se fait ainsi plaisir en affirmant que c'est une priorité, mais c'est faux.

Autre point très grave, l'alourdissement de la pression fiscale. Le taux des prélèvements obligatoires est légèrement supérieur en 2001 aux 44,7 % que vous aviez trouvés en avril 1997. Votre collectif de fin 1997 l'avait porté à 44,9 % ; puis il est passé à 44,8 % en 1998, 45,6 % en 1999 - un record - avant de revenir à 45,2 % en 2000. Il sera selon vous de 44,9 % en 2001, mais sans doute d'environ 45 % en raison de la croissance moindre. Ce n'est donc même pas un retour à la case départ. En 1999, année record, les administrations publiques ont absorbé plus de 70 % du surplus de richesse nationale créée !

Mais il faut aussi considérer les prélèvements obligatoires en montant absolu : de 3 660 milliards en 1997, après le collectif, ils sont passés à 4 450 milliards en 2002, ce qui fait 790 milliards de plus en cinq ans... De combien s'est accru le PIB pendant ce temps ? De 1 800 milliards selon vos estimations ; je dirais plutôt 1 700. Faites le calcul ! Quand la gauche quittera le pouvoir, elle laissera un taux de prélèvements légèrement supérieur à celui qu'elle a trouvé ; encore ce taux a-t-il parcouru entre temps un accent circonflexe ! Qu'on ne nous parle donc pas de baisse des impôts ! En 2000 la moyenne du taux des prélèvements obligatoires était de 42,4 % dans l'Union européenne. Ce taux était de 35,7 % en Espagne, et de 38,9 % au Royaume-Uni, dirigé par un homme dont vous vous prétendez les amis.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - C'est pour cela que les Anglais viennent se faire opérer chez nous.

M. Charles de Courson - Les chiffres de la Commission européenne placent la France en quatrième position pour la pression fiscale et sociale.

Les conséquences de cette politique sur nos concitoyens sont graves. A bout de souffle budgétaire, le Gouvernement a du mal à cacher aujourd'hui qu'il sacrifie les générations futures, en ayant laissé filer les déficits publics au point que la dette atteint 5 300 milliards, soit 90 000 F par Français, et en sacrifiant les dépenses d'investissement. Apparaît ainsi la réalité un moment masquée par la croissance : un Etat de plus en plus dépensier et de moins en moins capable de répondre aux attentes des Français.

L'Etat remplit-il convenablement sa mission de sécurité ? Personne ici ne le soutiendrait.

M. le Président de la commission - Si !

M. Charles de Courson - Venez avec moi dire cela aux policiers et aux gendarmes ! La justice fonctionne-t-elle bien ? Non. Et la santé ? Pas davantage. La part des jeunes qui sortent de l'enseignement sans savoir correctement lire et écrire a-t-elle diminué ? Non. C'est la direction de l'évaluation du ministère de l'éducation nationale qui le dit.

Au total, la croissance a servi à faire grossir l'Etat et à appauvrir les Français.

Pourquoi le Gouvernement n'est-il pas parvenu à mener la moindre réforme ?

M. Jean-Louis Idiart - Et Juppé ?

M. Charles de Courson - Pour des raisons sociologiques : on ne réforme pas contre ses amis.

Ainsi le gouvernement Jospin aura conduit la France dans une voie opposée à celle de nos grands partenaires, avec un pouvoir d'achat déclinant et une pauvreté qui résiste. Parce que Lionel Jospin a fait le choix de la création d'emplois publics, à commencer par 26 000 postes de fonctionnaires...

M. Gérard Bapt - Vous dites toujours qu'il en manque !

M. Charles de Courson - Non, et je n'ai jamais varié sur ce point.

En procédant ainsi, le Gouvernement a empêché que le pouvoir d'achat progresse en France autant que dans les autres pays européens. Pour le pouvoir d'achat par habitant, notre pays se trouve au douzième rang de l'Union européenne, ne devançant que l'Espagne, le Portugal et la Grèce. Dans cinq ans, à ce train, nous descendrons à la treizième place (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Ces statistiques sont fournies par des organismes indépendants.

M. Alain Néri - Lesquels ?

M. Charles de Courson - L'institut qui dépend de la Commission européenne.

En augmentant les prélèvements, avez-vous du moins réduit les inégalités ? Non. La France est encore loin de l'objectif de plein emploi, avec un taux de chômage de 9,1 %, malgré une politique de l'emploi coûteuse.

M. Jean-Louis Idiart - C'est toujours mieux qu'avec Balladur et Juppé !

M. Charles de Courson - En 2000, le taux de chômage était en Allemagne de 7,9 %, au Royaume-Uni de 5,5 %, la moyenne des pays de l'OCDE se situant à 6,4 % et celle de la zone euro à 8,2 %. Le taux de pauvreté demeure inchangé depuis quatre ans : 13 % des ménages, soit 4 000 000 de foyers. 20 % des pauvres sont des jeunes, contre 5,5 % en 1970. L'espérance de vie des ouvriers reste toujours inférieure de six années et demie à celle des cadres et des professions libérales, et l'écart des revenus s'accroît. Le travail n'est plus synonyme d'ascension sociale, et le temps partiel touche 30 % des salariés non qualifiés, sans que la majorité d'entre eux l'ait choisi. L'éducation n'assure plus l'égalité des chances. Alors que le budget de l'Education nationale dépasse 400 milliards, près de 60 000 jeunes sortent chaque année de l'enseignement sans la moindre formation.

C'est pourquoi j'invite tous ceux qui refusent la dérive des finances publiques à voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Marc Laffineur - Cette brillante intervention (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) a bien montré que nous est proposé un collectif virtuel. En effet, le déficit sera nettement supérieur à celui qu'il affiche. La baisse des investissements et la hausse des dépenses de fonctionnement ne sont pas le bon moyen de préparer l'avenir. Aussi le groupe DL votera-t-il l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Michel Bouvard - Le groupe RPR s'associe lui aussi à cette motion de procédure présentée très complètement par Charles de Courson. L'incertitude pèse sur le véritable déficit de l'exercice en cours, et le problème récurrent chez nous de la faiblesse de nos budgets d'investissement est plus aigu que jamais. Le montant des crédits du FOREC ne dépasse-t-il pas celui des investissements civils du pays en 2001 ?

M. Jean-Jacques Jégou - M. de Courson a bien mis en lumière l'insincérité du projet de loi de finances rectificative. Le groupe UDF étant à l'origine de cette exception d'irrecevabilité, il la votera bien entendu.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-François Mattei et des membres du groupe DL une question préalable déposée en application de l'article 91-4 du Règlement.

M. Marc Laffineur - Avec ce projet de loi de finances rectificative, un miroir se brise.

Depuis votre arrivée, vous vous êtes drapés dans les habits du gestionnaire sérieux, du réformateur réducteur d'impôts, voire dans les habits d'un Pinay de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Baert - C'est trop !

M. Marc Laffineur - Aujourd'hui, les faits ont raison de l'image, malgré vos récents appels à la vertu pour ramener vos amis de la gauche plurielle à la raison.

N'importe quel maire qui présenterait un budget comme le vôtre serait mis sous tutelle par le préfet, car les dépenses de fonctionnement ne sont même pas couvertes par les recettes et il faut emprunter plus de 160 milliards pour les dépenses de fonctionnement.

Pour la première fois depuis 1995, les déficits d'exécution seront supérieurs au déficit prévu par la loi de finances initiale. A la fin de la législature, le bilan de M. Fabius est simple : le déficit d'exécution 2001 sera plus élevé que celui de l'année 1999.

Dans la loi de finances pour 2001, vous annonciez un déficit de 186 milliards. Il est, aujourd'hui, de 212 milliards. Les 25 milliards de différence correspondent, selon vous, à la somme des moins-values fiscales, et résultent d'un « choix favorable à la croissance », comme vous l'affirmez, bref, d'une gestion idyllique. Or, en dépit de votre autosatisfaction, c'est bien d'un dérapage budgétaire incontrôlé qu'il s'agit, hélas.

Il s'explique par de mauvaises prévisions économiques, et par une absence de maîtrise des dépenses qui, depuis les événements tragiques du 11 septembre, devient incontrôlable. Vous déclariez vouloir poursuivre dans la réduction du déficit et de l'endettement. Les Français ne s'attendaient donc pas à un collectif qui porte le déficit de 191 milliards en 2000 à 212 milliards en 2001. Vous portez ainsi un coup d'arrêt au redressement entrepris depuis que nous avions trouvé l'Etat en quasi-banqueroute en 1993.

Depuis la présentation de ce collectif, vous opposez nos bilans en enjolivant celui de la gauche plurielle. A ce jeu, vous ne sortez pourtant pas gagnant.

M. Jean-Louis Idiart - N'importe quoi !

M. Marc Laffineur - Entre 1993 et 1997, l'ancienne majorité a ramené le déficit de 6,4 à 3 % du PIB, dans des conditions économiques extrêmement difficiles. Cet effort considérable a permis à la France de se qualifier pour l'euro.

En revanche, vous n'avez réduit le déficit que de 1,6 point depuis 1997, soit moins de la moitié que sur la législature précédente, en dépit d'une croissance exceptionnelle.

Si vous aviez adopté notre rythme, la France serait aujourd'hui en équilibre budgétaire et à même d'affronter le ralentissement économique.

M. Jean Launay - Votre rythme, les Français n'ont pas voulu le suivre !

M. Marc Laffineur - On en reparlera dans quelques mois.

Pendant quatre ans, vous avez pratiqué une gestion au fil de l'eau, augmentant les prélèvements obligatoires de 500 milliards de francs, sans ménager de marges de man_uvre pour l'avenir.

Vous aviez reçu une manne financière, vous l'avez dilapidée.

Aujourd'hui, la France est en situation de faiblesse face aux difficultés de l'heure. Vous subissez les événements : l'accroissement du déficit ne résulte pas d'un programme de soutien à la conjoncture, mais de votre mauvaise gestion depuis cinq ans (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Croyant la croissance éternelle, vous aviez prévu la disparition du chômage vers 2003-2005. Dès lors, le problème du financement des retraites ne se poserait pas et le déficit s'évanouirait. Le rapport Teulade était d'ailleurs formel. Bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et la « croissance-providence » devait tout résoudre.

Mais la gauche est fâchée avec l'économie, comme elle l'a prouvé entre 1981 et 1983, en 1992, et malheureusement encore en 2001.

M. le Président de la commission - Nous qui avons hérité en 1981 des 14 % d'inflation de M. Barre !

M. Marc Laffineur - Vous avez encore aggravé l'inflation en 1982-1983 ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - Il n'y a plus de limites au culot !

M. Marc Laffineur - Ainsi, à trois reprises, les conséquences ont été dramatiques : dérive du déficit, envolée de la dette, recul de la France. Si nous n'avions pas la monnaie unique aujourd'hui, le franc serait attaqué.

Alors que la plupart des pays de l'Union européenne dégagent des excédents budgétaires, seule la France affiche en 2001 un déficit en hausse.

Alors que les Etats-Unis, et nombre de pays européens ont ramené leur taux de chômage aux alentours de 5 %, celui de la France se maintient à près de 9 %. Votre politique de l'emploi, loin d'être à la hauteur, reste cependant votre principal sujet de glorification.

Certes, le chômage a diminué (« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste), comme partout en Europe, mais moins vite que dans tous les pays où il était élevé : là est votre responsabilité !

Le million d'emplois créés découle moins de votre politique que d'un contexte international favorable. Il n'y a que vous pour croire que la croissance est socialiste quand tout va bien et libérale et mondiale quand tout va mal.

Notre économie est si dépendante de la conjoncture mondiale, qu'il suffit que les Etats-Unis et l'Allemagne éternuent pour qu'elle s'enrhume, comme aujourd'hui. La situation économique internationale se dégrade, et le chômage français augmente pour le sixième mois consécutif.

Quant aux 35 heures, selon le rapport Pisani-Ferry, elles n'expliquent que 67 000 des un million d'emplois créés : voilà la part de Mmes Aubry et Guigou dans la création d'emplois. Je ne compte pas tous les emplois qui ont disparu du fait de l'absence de compétitivité de notre économie désormais confrontée à la multiplication de plans de restructuration.

M. Pisani-Ferry, qui est proche de vous, préconise d'ailleurs une application plus souple des 35 heures - se faisant l'écho de certains propos ministériels... -, un allégement des charges sur les bas salaires, suggère même, à l'instar du Sénat et de certains députés, y compris de gauche, un impôt négatif...

M. Christian Cuvilliez - Pas chez nous !

M. Marc Laffineur - Il prône un système de retraites et de préretraites incitant davantage au travail. Bref, il recommande une autre politique économique.

Ces questions mériteraient un grand débat, conduisant à une vraie réforme fiscale en faveur de l'emploi.

En 2000, six pays de l'Union européenne ont mis en _uvre ou annoncé des réformes, souvent pluriannuelles, pour alléger le poids des impôts directs afin d'encourager la compétitivité et les créations d'emplois.

L'Allemagne, la Grande-Bretagne ou l'Italie ont lancé des vastes plans de baisse des impôts. Pour entrer de plain-pied dans la nouvelle économie et dans un cycle long de croissance, elles ont privilégié le développement des capacités productives en attirant compétences et capitaux et en favorisant les rapprochements d'entreprises.

L'Allemagne a ainsi ramené le taux marginal de l'impôt sur le revenu à 42 %, quand il demeure de 60 % en France. Elle a diminué à 25 % un impôt sur les sociétés qui reste à 35 % en France. Elle a décidé l'exonération des dividendes et des plus-values des sociétés.

Pendant ce temps, vous avez multiplié les mesures fiscales et sociales allant à contre-courant de celles de nos partenaires européens et paralysant notre compétitivité.

L'occasion manquée de votre plan d'allégement de la fiscalité pour 2001-2003, loin de la réforme en profondeur attendue, le prouve, sans parler de la loi de modernisation sociale, qui va établir de nouvelles entraves (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

Obstinément fidèles à votre politique à sens unique de redistribution sociale des fruits de la croissance et d'emplois publics, vous êtes incapables d'entreprendre la moindre réforme fiscale.

Son idée même se heurte à votre conception égalitariste et redistributive de la fiscalité, et à une vision idéologique qui tient l'entreprise pour le seul gisement de prélèvements nouveaux : contribution sociale sur les bénéfices pour financer les 35 heures, taxe spécifique sur les entreprises pétrolières, élargissement de l'impôt sur les sociétés pour financer le plan d'allégement...

Sacrifiant les dépenses d'investissements aux dépenses de fonctionnement, la France se distingue par les taux les plus élevés de dépense publique et de prélèvements obligatoires.

Les mises en garde affluent de toute part, les rapports et recommandations de toutes provenances se succèdent.

Le FMI, l'OCDE, voire les rapports successifs Pisani-Ferry, Lavenir et Charzat, pourtant réalisés à la demande de votre gouvernement, s'accordent sur la nécessité d'alléger la fiscalité. Tous ont tiré la sonnette d'alarme. Face à votre entêtement, les Français eux-mêmes sonneront peut-être bientôt le glas de votre politique.

Selon une récente étude de l'OCDE, les efforts de la France pour assainir son budget, réduire l'inflation et le coût du travail, ouvrir les marchés à la compétition et privatiser les entreprises publiques, sont encore largement insuffisants, et la consolidation budgétaire exige d'approfondir la maîtrise des dépenses publiques.

Or, en choisissant la création massive d'emplois publics, vous avez confisqué une part importante de la richesse nationale née de la croissance. Quand le pouvoir d'achat de nos voisins européens s'envolait, celui des Français progressait donc à peine.

Notre pays se classe donc aujourd'hui au douzième rang de l'Union européenne, juste devant l'Espagne, le Portugal et la Grèce, pour le pouvoir d'achat par habitant.

Quant aux prélèvements obligatoires, l'OCDE réitère sa recommandation d'un allégement durable, et dénonce un taux d'imposition sur le revenu qui peut atteindre 58 %.

Avec un taux d'imposition record, compte tenu de la compétition dans l'Union européenne, vous conduisez nos concitoyens à s'expatrier et découragez également les salariés très qualifiés de s'installer en France.

Le rapport de la mission d'information du Sénat sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, révèle l'ampleur de ce phénomène et démontre l'urgence d'une réforme fiscale répondant au défi de la mondialisation. Il dresse un inventaire des handicaps de notre pays, en montrant que la France tend à gâcher ses atouts par des attitudes et des choix à contre-courant.

Si vous ne l'avez pas lu, je vous en conseille la lecture. Peut-être comprendrez-vous alors la nécessité de doter la France d'un cadre fiscal et social plus attractif, de dynamiser la recherche et l'innovation, de favoriser le rayonnement des talents et de développer une politique volontaire et cohérente d'ouverture à l'international.

Peut-être mettriez-vous un terme au laxisme budgétaire et au dirigisme économique que vous pratiquez depuis tant d'années.

Ces deux termes, qui pourraient paraître antinomiques, sont les deux rouages du mécanisme infernal dont vous ne pouvez plus sortir : une gestion « administrativiste » incarnée par les 35 heures, les emplois-jeunes, les contrats emploi-solidarité, les recrutements massifs dans la fonction publique, la prime pour l'emploi, et une hausse des dépenses publiques pour les financer, bref un mouvement perpétuel...

Malheureusement, votre machinerie cède de toutes parts et vous êtes contraints de multiplier les bricolages pour l'empêcher de se disloquer complètement. « 5 milliards par ci, 10 milliards par là »... Le ministre des finances lui-même s'est élevé contre cette méthode.

Dépourvus de vision à long terme, vous réagissez au coup par coup, cédant aux demandes légitimes des divers corps et professions excédés par votre gestion.

Il y a deux mois, vous accordiez en catastrophe, 3 milliards aux hôpitaux publics, puis deux semaines plus tard, 3 autres aux cliniques privées. Il y a 5 jours, les militaires obtenaient 1,3 milliard de mesures nouvelles.

Votre politique de bouts de chandelle a atteint son paroxysme. Sans envergure ni perspectives, elle n'entraîne que gaspillages, surcoûts et un résultat totalement bancal, avec un déficit budgétaire en hausse, une dette qui s'envole et dont les intérêts continuent de courir.

Ne chargeons pas la barque de la dépense publique, disiez-vous, car la dette est l'impôt de demain ! Voilà qu'elle atteint 60 % du PIB...

A ce rythme, l'équilibre des finances publiques ne sera pas atteint en 2004, malgré vos promesses et vos engagements auprès de la Commission européenne. 2005, 2006... Le retour à l'équilibre est avec votre gouvernement une valeur virtuelle en permanente révision.

Selon l'OFCE, l'équilibre des finances publiques n'interviendra pas avant 2006, soit deux ans plus tard que vos prévisions, et en retenant le scénario optimiste d'une croissance annuelle moyenne de 2,8 %.

Vos prévisions de croissance laissent à désirer : pour l'an prochain, vous tablez sur 2,5 % quand le FMI prévoit 1,3 % et l'OCDE 1,5 %. Pour cette année, vous avez corrigé vos prévisions à de nombreuses reprises, pour passer de 3,3 % en loi de finances initiale à 2,1 % aujourd'hui, soit une différence de plus de 1 % ; or, selon l'OFCE, un point de croissance en moins représente un manque à gagner fiscal de 35 milliards.

L'écart entre le solde de la loi de finances initiale et le solde en exécution pourrait aussi atteindre non pas 25 milliards, mais plus de 30 milliards, la dérive provenant tant de la non maîtrise des dépenses que du refus de prendre en considération la dégradation de la conjoncture.

En outre, devant les demandes réitérées et légitimes des policiers, des gendarmes, du personnel des entreprises en difficulté, vous serez contraints de céder quelques milliards supplémentaires... De plus, le recours à des fonds pour masquer l'augmentation des dépenses, notamment pour le financement des 35 heures, a ses limites ; le FOREC est devenu un véritable tonneau des Danaïdes. Son déficit est évalué à 15 milliards de francs pour 2001...

Au total, le déficit public frisera les 240 milliards. On est bien loin des 212 milliards que vous annoncez, et encore plus loin des 186 milliards prévus en loi de finances initiale !

Vous prétendez faire preuve de bonne gestion en annulant des crédits pour financer des mesures nouvelles, mais vous sacrifiez des dépenses d'investissement pour financer des dépenses de fonctionnement ! Vous affectez 8 milliards supplémentaires à la prime pour l'emploi, mais vous annulez 2,4 milliards aux titres V et VI du budget de la Défense, dans un contexte international perturbé. Depuis 1997, pas moins de 30 milliards de crédits d'équipement militaire ont été annulés. Auparavant, les dépenses d'équipement représentaient 50 % du budget militaire ; aujourd'hui, moins de 44 %.

De même, vous amputez les crédits du logement de 1,5 milliard, ceux de l'éducation nationale de 1,2 milliard, ceux de l'agriculture de 1 milliard ; les crédits consacrés à l'enseignement agricole sont largement insuffisants pour financer les mesures que vous aviez pourtant décidées.

Parallèlement, vous ponctionnez les organismes publics et parapublics : après avoir prélevé, dans le cadre de la loi de finances sur les ressources d'EDF-GDF et de la Caisse des dépôts et sur le 1 % logement, cette fois-ci vous vous attaquez aux réserves du Bureau de recherches géologiques et minières et à l'Institut national de la propriété industrielle. Je croyais pourtant qu'il revenait à l'Etat de financer la recherche et l'innovation, et non l'inverse !

La France est d'ailleurs très mal classée, au sein de l'Union européenne, pour le dépôt de brevets (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

S'agissant des licences UMTS, vous avez été conduits à appliquer le principe de réalisme. Vous avez agi sous la pression des opérateurs téléphoniques ; l'Etat n'en sort pas grandi. Les 16 milliards que devait apporter la vente des licences UMTS au fonds de réserve des retraites se sont finalement réduits à 4 milliards. On se demande comment ce fonds pourrait atteindre les 1 000 milliards en 2020...

En somme, Madame la ministre, vous n'avez pas de vraie politique économique et budgétaire, et vous vous contentez d'une gestion à la petite semaine. Il y aurait pourtant urgence à présenter un projet de loi de finances rectificative, mais bien différent du vôtre ; un projet qui constitue un véritable choc fiscal. Vous auriez pu commencer par reprendre les propositions du rapport Charzat, en réduisant le poids des dépenses improductives et des prélèvements injustifiés.

Il n'y a pas lieu de débattre d'un projet qui n'est en rien celui dont nous avons besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Germain Gengenwin - Marc Laffineur a évoqué les gaspillages financiers. L'année dernière, on parlait de cagnotte, mais à Bercy on a été cigale plus que fourmi... On a créé des dépenses supplémentaires, notamment avec les 35 heures. Dans le même temps, comme il l'a dit, on a négligé les dépenses d'équipement militaire. Le groupe UDF votera donc la question préalable.

M. Michel Inchauspé - M. Laffineur a énoncé des vérités, même si elles sont difficiles à entendre. Le fait est que les nuages s'accumulent à l'horizon. Le groupe RPR votera la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Christian Cuvilliez - Nous examinons la loi de finances rectificative de fin d'année dans un contexte économique fragilisé, marqué par un ralentissement de la croissance mondiale et une remontée du chômage. Ce projet procède donc seulement à des ajustements techniques, en laissant peu de place à l'initiative parlementaire pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Mais à l'image des DDOEF, des DDOS et du MURCEF, c'est un texte fourre-tout.

L'article premier double la prime pour l'emploi dès 2001, mesure que nous avions demandée, mais le Gouvernement ajoute deux éléments de nature à désorganiser l'outil de production national.

L'article 36, dont nous demandons la suppression, concerne la transformation dans un délai de deux ans de la direction des constructions navales en entreprise nationale régie par le code du commerce.

La réforme de la DCN est nécessaire, mais le collectif budgétaire n'est pas le bon moyen pour la mener. La concertation avec les salariés n'a pas abouti. Il convient de discuter plus avant avec les organisations syndicales, dont les demandes légitimes portent sur les assurances en matière de plan de charges, les investissements industriels, le statut des personnels, le recrutement et la formation.

Il ne faudrait pas que la réforme se limite à accompagner le désengagement de l'Etat et à banaliser l'entreprise. En effet, l'exposé des motifs de l'article subordonne le contrat de la phase transitoire à des objectifs d'efficacité industrielle, ce qui se conçoit, mais aussi de compétitivité, ce qui s'admet beaucoup moins lorsque l'on sait ce que cela signifie concrètement. Et, pour faire bonne mesure, la DCN vient de retirer son marché d'électricité à EDF au profit d'une société privée belge...

En l'état actuel, cet article suscite l'incompréhension. Jean-Claude Sandrier y reviendra en cours de discussion.

J'en viens à l'article 38.

En avril, le Gouvernement avait élaboré un projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaz naturel et au développement des entreprises gazières, qui prévoyait l'ouverture du capital de Gaz de France. C'était aussi inacceptable pour les agents que pour nous, d'où le retrait du texte. Ensuite, des sénateurs, dont certains du groupe socialiste, ont glissé dans le MURCEF, qui ne comportait initialement aucune disposition sur le gaz, une disposition ouvrant à la concurrence les zones rurales éloignées et non encore desservies par Gaz de France.

Aujourd'hui, en catimini, vous proposez dans l'article 38 de transposer les dispositions de la directive relative aux règles communes pour le marché du gaz naturel. Ce n'est pas acceptable.

Il ne faut pas évacuer l'examen de ces deux questions, mais au contraire organiser le débat qui convient. Même celui-ci d'ailleurs, accompagné d'une large concertation des salariés et des usagers, ne nous mettra pas à l'abri des mauvaises surprises. Claude Billard, rapporteur du budget de l'industrie, a par exemple souligné les difficultés de la mise en _uvre de la directive électricité. Notre groupe a enrichi le texte de plusieurs dispositions visant à conforter les missions de service public d'EDF, et la sécurité économique de l'entreprise, et à améliorer les garanties sociales.

Mais si les décrets sur la mise en concurrence ont été vite adoptés, le reste tarde, et trop souvent n'est pas conforme aux engagements pris devant notre assemblée.

On peut engager dès demain l'examen d'une loi spécifique sur le gaz (Murmures sur les bancs du groupe UDF). Un projet de loi a été déposé sur le bureau de l'Assemblée le 17 mai, son inscription à l'ordre du jour ne dépend que de vous, Madame la ministre, même s'il faut envisager d'en retrancher les articles de libéralisation accélérée.

On peut aussi, avec une volonté politique affirmée, obtenir de la Commission de Bruxelles, le délai nécessaire pour examiner l'ensemble des questions posées.

Mais l'examen dans le cadre d'une loi de finances rectificative empêche toute initiative parlementaire et tout débat public.

Pour le reste, nous regrettons que ce collectif se limite à un ajustement à la marge, alors que le contexte incite à infléchir la politique budgétaire. Ce projet traduit les priorités du Gouvernement dans le respect de la norme d'évolution des dépenses initialement retenue.

Annulations et ouvertures de crédits comptées, les dépenses sont en progression en francs courants, mais se limitent en francs constants à l'objectif contraignant d'une progression de 0,3 %.

Certaines annulations de crédits sont incompréhensibles. A titre d'exemple les 521 millions annulés pour la CMU sont étonnants, voire choquants alors qu'on évalue les besoins non couverts pour l'aide médicale à 306 millions.

300 millions sont annulés pour les rémunérations des aides éducateurs, alors que la formation qui leur avait été promise pour la pérennisation des emplois-jeunes n'est pas assurée.

Tout aussi incompréhensible, 60 millions se sont envolés pour l'aide juridique.

Enfin, comment allez-vous financer les mesures annoncées par le Premier ministre et les ministres de l'intérieur et de la défense en faveur des policiers et des gendarmes ?

M. Charles de Courson - Par le déficit !

M. Christian Cuvilliez - Même si le déficit peut, n'en déplaise à l'opposition, servir de variable d'ajustement, les moyens annoncés pour répondre à ces revendications, certes justifiées mais exagérément dramatisées, nous laissent perplexes.

Le contexte qui prévaut depuis les attentats du 11 septembre, révélateurs des formidables contradictions du monde, plaide pour des réponses politiques fortes. Comment espérer vaincre le terrorisme et assurer la sécurité à l'échelle de la planète si les inégalités continuent à se creuser ? Il faut développer de nouvelles relations entre les peuples, relancer l'aide publique au développement et annuler sans condition la dette des pays pauvres. L'article 39 va dans ce domaine incontestablement dans le bon sens, même si l'examen du budget des Affaires étrangères a montré tout le chemin qui reste à parcourir.

Nous connaissons le coût considérable des sinistres de ces dernières semaines, en particulier pour les secteurs du transport aérien ou des assurances, mais les dispositions fiscales proposées à l'article 19 sont prématurées alors que le coût des événements du 11 septembre et de la catastrophe de Toulouse n'est pas encore déterminé. En outre, si un geste de la collectivité n'est pas illégitime, l'importance de son aide doit être examinée à l'aune des résultats que les compagnies ont réalisés les années précédentes.

Pour atteindre les objectifs que la majorité s'est fixés, il faut une modernisation des services et des entreprises publics qui ne soit pas qu'une externalisation - certains parlent de privatisation rampante.

Vous comprendrez alors que notre appréciation sur le collectif dépende de la manière dont nous aurons été entendus, et à travers nous une large fraction de l'opinion publique peut aussi facilement vous renouveler sa confiance que vous la retirer.

M. Jean-Jacques Jégou - Encore une menace...

M. Christian Cuvilliez - Que les choses seraient faciles si ce texte ne comportait pas d'articles 36 et 38 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

M. Charles de Courson - Vous allez voter contre en première lecture et vous abstenir en seconde, comme d'habitude...

M. Jean-Jacques Jégou - L'examen de ce dernier acte budgétaire nous confirme, hélas, que cette législature n'aura été qu'une suite de rendez-vous manqués. Disposant de marges de man_uvre depuis longtemps inégalées, vous vous êtes contentés de gérer le budget de l'Etat au plus simple en vous confinant dans l'immobilisme.

Vous nous serinez pourtant votre constat d'autosatisfaction jour après jour. Pour vous, la France fait mieux que les autres et la politique budgétaire du Gouvernement permet de « consolider la croissance » tout en maîtrisant les dépenses publiques. Vous présentez l'aggravation du déficit comme la conséquence mécanique de moindres recettes fiscales, évaluées à 25 milliards de francs.

Or, cette aggravation n'est que la conséquence des choix néfastes faits depuis 1997 : une progression de la pression fiscale et sociale, une diminution des déficits publics sans commune mesure avec les possibilités offertes par la croissance, l'accroissement du poids de la fonction publique, une politique de l'emploi en totale divergence avec ce qui se pratique partout en Europe et des mesures nuisibles à la bonne santé des entreprises, à l'emploi et au pouvoir d'achat des salariés.

La France est loin d'être le pays florissant et performant que décrit M. Fabius.

L'état des finances publiques a été fait tout à l'heure avec brio par Charles de Courson.

Sans vouloir être trop cruel, j'en retiendrai que, pour les entreprises comme pour les ménages, les baisses d'impôts de 2001 ne sont qu'une faible restitution de la richesse générée par la croissance et par les augmentations d'impôts du début de législature. Le taux de prélèvements obligatoires pour 2001 est identique à celui de 1997 : 44,9 % de la richesse nationale sont encore prélevés par les administrations publiques. Ce taux a augmenté entre 1997 et 1999 et il a fallu attendre 2000 pour voir le mouvement commencer à s'inverser.

2001 n'est en somme, par rapport à 1997, qu'un retour à la case départ.

En 1999, l'année du triste record, les administrations publiques ont absorbé plus de 70 % du surplus de richesse nationale créé.

Vous répondrez certainement que « du fait même de la croissance, les prélèvements obligatoires sont mécaniquement plus importants », mais nos partenaires de la zone euro ont fait en moyenne de 3 à 10 points de moins que nous !

La France est en onzième position en termes de pression fiscale et sociale. Pour les seules recettes d'Etat, vous avez prélevé depuis 1997 près de 470 milliards supplémentaires sur les Français.

Quant au déficit, il remonte inexorablement, et ce bien que la croissance n'ait commencé à faiblir que depuis le deuxième trimestre. Il est fort probable que le déficit 2001 soit sous-évalué en ce qui concerne l'impact réel des moins-values fiscales et le déficit du FOREC.

Depuis 1998, nous vous avertissions que la faible diminution des déficits nous fragiliserait en cas de retournement conjoncturel. Nous n'en sommes pour l'heure qu'à un ralentissement, et le déficit se creuse déjà de 47 milliards. Vos déclarations sur votre volonté de réduire les déficits ne sont que des leurres.

La Cour des comptes, dans son rapport 2000, constate que « le redressement des comptes de la France est moins rapide que par le passé, et au sein de l'Union européenne, la France rétablit moins vite ses comptes que les autres Etats ». Les chiffres de 2000 parlent d'eux-mêmes : un déficit de 1,4 % pour la France pendant que la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas affichent un équilibre ou un léger excédent.

En 2000, la France figurait au douzième rang européen pour ce qui est des déficits publics, performance qui relativise votre triomphalisme et qui réduit nos capacités de réagir à un ralentissement plus brutal. En 1997, le retard de la France en termes de déficit par rapport à la moyenne de la zone euro était de 0,4 point ; il atteint 0,6 point en 2000 et sera probablement le même en 2001.

Ce décalage est encore plus net pour le déficit des administrations centrales : alors qu'il atteint en France 2,4 %, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni dégagent des excédents respectifs de 1,3 %, 0,2 % et 1,9 %.

Cette situation n'est pas le fruit du hasard. En vérité, vos priorités budgétaires fragilisent la croissance au lieu de la consolider. En témoigne la progression des dépenses de fonction publique dans le budget de l'Etat : 40,7 % en 1997, 42,5 % en 2001. Cette donnée reflète parfaitement votre vision de la politique : selon vous, tout problème trouve sa solution dans la création d'emplois publics. D'ailleurs, les années 2001 et 2002 marquent une nette explosion des recrutements, alors même que certaines administrations comme les finances ou l'équipement connaissent une situation de sureffectifs. Entre 1997 et 2002, l'augmentation des dépenses de la fonction publique représente près de 15 % de l'augmentation du budget général de l'État.

Comment parler de maîtrise des dépenses publiques lorsque le budget de la fonction publique et celui de la dette constituent les deux premiers postes budgétaires alors que les dépenses civiles en capital sont réduites à moins de 5 % du budget ?

En fin de compte, votre priorité aura bien été d'augmenter les dépenses, particulièrement celles de la fonction publique. Vous avez ainsi transformé notre Etat en une machine de plus en plus figée, de plus en plus dépensière et de moins en moins apte à répondre aux exigences des Français, comme en témoignent les multiples mécontentements qui s'expriment aujourd'hui.

Quelle que soit la nouvelle majorité, l'héritage de 2002 sera lourd à gérer parce qu'outre le niveau des déficits, il faudra trouver le financement des 35 heures, des emplois-jeunes, résoudre la question des retraites, et tout cela avec une croissance qui s'effondre. A ce sujet, nous vous disions l'an dernier que vos prévisions pour 2001 étaient trop optimistes. Et ne parlons pas de l'année 2002, pour laquelle vous prévoyez une croissance supérieure d'au moins 1 % à ce qui est raisonnablement envisageable ! Or, 1 % en moins, c'est 35 milliards de manque à gagner pour l'Etat.

A tout cela, vous répondez, Madame la ministre, « stabilisateurs automatiques ». Mais d'une part, vous ne respectez pas la norme de dépenses qui avait été fixée ; d'autre part, les moins-values fiscales prennent de plus en plus d'ampleur. Nos voisins, qui ont fait, eux, les efforts nécessaires pendant les années de croissance, peuvent, eux, espérer bénéficier des fameux stabilisateurs.

Je me souviens par ailleurs que le ministre de l'économie insistait naguère sur le fait qu'il fallait juguler les déficits pour arriver en 2004 à un excédent primaire, qu'il fallait baisser les impôts pour consolider la croissance... Mais tout cela n'était sans doute que discours, une fois de plus. On les entend d'ailleurs à nouveau du côté de Bercy...

M. Philippe Auberger - Mais pas rue de Solferino !

M. Jean-Jacques Jégou - Du côté finances publiques, vous aurez donc du mal à convaincre les Français du bien-fondé de votre politique.

M. Jean-Louis Idiart - On verra !

M. Jean-Jacques Jégou - Quant à votre politique économique et sociale, elle aura des effets pervers à long terme et des résultats mitigés à court terme.

En 1997, vous disiez que l'emploi était la priorité des priorités. Et vous aviez raison. Mais au lieu de créer un environnement propice à la création de richesse, donc à l'emploi, vous avez choisi des solutions anachroniques - 35 heures et emplois-jeunes - dont les effets sur l'emploi sont limités dans la durée et dans le nombre, et qui pèsent lourdement sur les finances publiques.

Vous vous targuez d'un bon bilan en matière d'emploi, mais en réalité vous avez capté la richesse créée par les Français, pendant une période de croissance que nous n'avions pas connue depuis longtemps, pour mener en ce domaine une politique étatiste.

Si j'ai tenu à revenir sur le bilan budgétaire des années Jospin, c'est aussi pour montrer que la non-maîtrise de la dépense publique, l'accroissement de la pression fiscale et sociale, l'augmentation de la part de la fonction publique dans le budget de l'Etat ont pour effet de priver les Français des fruits de la croissance. L'Etat ayant capté l'essentiel du surplus de richesse produite depuis 1997, leur pouvoir d'achat a moins progressé que celui des autres Européens. D'ailleurs, en 1999, la France se classait à cet égard au douzième rang européen.

Les performances du Gouvernement en ce qui concerne le chômage ne sont pas non plus à la hauteur de son autosatisfaction ! Notre taux de chômage est en effet aujourd'hui de 9,1 %, alors que celui de la zone euro se limite à 8,5 % et celui des pays de l'OCDE à 6,5 %. De plus, en ce moment, la situation se dégrade nettement.

Certes, vous vous créditez de la création de près d'1,7 million d'emplois. Mais si l'on ajoute aux 280 000 emplois-jeunes les 370 000 emplois correspondant à la mise en place des 35 heures, cela ne fait jamais que 650 000 emplois.

M. Augustin Bonrepaux - Il fallait le faire.

M. Jean-Jacques Jégou - Reste un million, qui vient tout simplement du dynamisme des entreprises.

650 000 emplois, ce n'est pas rien, nous sommes d'accord, mais pour quel coût ? 20 milliards de francs pour les emplois-jeunes ; plus de 100 milliards pour les 35 heures, dont 13 non encore financés.

Sans parler des effets pervers de ces emplois. La fonctionnarisation des jeunes ne peut pas être qualifiée de réussite, je crois...

M. Augustin Bonrepaux - Allez leur dire !

M. Jean-Jacques Jégou - De plus, il s'agissait de donner un emploi à des jeunes non qualifiés. Or, les études montrent que ceux qui ont bénéficié de ces emplois sont à 80 % des bac +2 à bac +4. Les jeunes non qualifiés n'ont toujours pas d'emploi et les autres manquent aux entreprises. Beau bilan !

M. Jean-Louis Idiart - Vous allez supprimer les emplois-jeunes ? Vous n'en avez pas pris au Plessis-Trévise ?

M. Jean-Jacques Jégou - La mairie du Plessis-Trévise a fait ce qu'elle devait, se substituant à l'Etat.

S'agissant des 35 heures, les effets pervers sont évidents : contraintes supplémentaires pour les entreprises, difficultés parfois insurmontables pour les petites entreprises, stagnation du pouvoir d'achat et coût excessif pour le contribuable.

Baisser les charges qui pèsent sur les entreprises aurait été bien plus profitable, car ce sont elles qui créent les emplois, et non la politique étatiste que vous avez menée.

Lorsque vous avez composé votre programme, à la va-vite, en avril 1997 (Rires sur les bancs du groupe socialiste), vous avez proposé les 35 heures parce que la mode à l'époque était de dire : la richesse stagne, donc partageons-la plus équitablement. Mais avec le retour de la croissance, vous auriez dû avoir le courage de dire « stop ! ». Malheureusement, vous vous êtes obstiné, comme s'il fallait faire un choix entre l'économie et l'emploi. La France est la seule en Europe à avoir mis en _uvre une telle politique.

En fait, vous aurez passé ces cinq années à opposer ce qui ne devrait pas l'être : la France exposée contre la France protégée, l'emploi public contre l'emploi privé, les entreprises contre les salariés.

Comme en 1981, vous avez embauché à tour de bras dans la fonction publique. Résultat : non seulement les charges de traitement des nouveaux fonctionnaires ne sont pas financées, mais les charges de retraite de ceux qui partent ne le sont pas non plus. La facture sera donc double.

Cette politique est d'autant plus navrante qu'elle ne correspond à aucun critère d'efficacité en ce qui concerne les services rendus aux Français.

Par ailleurs, opposer les entreprises aux salariés est contre-productif. C'est pourtant ce que vous faites, sans doute pour plaire à une partie de votre majorité plurielle qui vous pousse à la faute.

Vous avez deux discours : celui que vous prononcez devant les entreprises et celui que vous tenez devant votre majorité. La loi de modernisation sociale ne fait qu'empirer une situation déjà très complexe et va conduire les entreprises à redoubler de prudence en matière d'embauche, voire à des délocalisations. Si les entreprises perdent encore ce qui reste de souplesse, elles freineront leurs recrutements. Cette loi fragilise en premier lieu les PME, qui n'ont pas les moyens de faire face à cette « judiciarisation » accrue des relations sociales.

Le ralentissement économique nécessiterait au contraire une mobilisation, un rassemblement qui permettent aux entreprises et aux salariés de surmonter le choc. Il faut cesser d'ajouter une insécurité juridique aux incertitudes économiques. En ce qui concerne les salariés, le groupe UDF a déposé plusieurs propositions de lois relatives au développement de l'actionnariat salarié et à la mise en place de dispositifs de formation tout au long de la vie, car pour nous, la bonne réponse n'est pas d'interdire ou de rallonger les délais de licenciements, mais d'armer les salariés faiblement qualifiés pour changer de métier plusieurs fois dans leur carrière professionnelle, si c'est nécessaire.

Aujourd'hui, vous en êtes réduits, dans ce collectif, à faire un plan de relance, que vous appelez modestement « plan de consolidation de la croissance », et vous avez raison d'être modeste. Pour une partie des salariés, vous doublez la prime pour les élections - pardon, la prime pour l'emploi - qui représente un coût de 8 milliards de francs. Vous actionnez ainsi le levier de la consommation, celui qui en a le moins besoin, en détournant totalement cette prime de son objectif initial : elle était faite pour inciter au retour à l'emploi, non pour inciter les personnes déjà salariées à consommer.

Qui peut croire que vous relancerez la croissance avec de telles mesures ? Mais à force de tirer sur la corde, vous avez épuisé les entreprises, vous avez grippé la machine à créer des emplois en faisant intervenir l'Etat à tout bout de champ.

Vous dites, Madame la ministre, que la France se comporte mieux que ses partenaires européens. C'est vrai pour l'inflation. Pour tout le reste, pression fiscale et sociale, taux de chômage, évolution du pouvoir d'achat, déficits publics ou normes de dépenses, nous sommes dans les derniers rangs de l'Union européenne. Par ailleurs l'application de votre programme de 1997 n'a nullement doté la France des atouts structurels pour absorber le choc conjoncturel et faire face à la compétition internationale.

Ce collectif, par le peu de mesures qu'il comporte, traduit les faibles marges de man_uvre qui vous restent à la veille d'une période économiquement incertaine et socialement dégradée. Il montre le véritable visage de votre politique, dont le trait essentiel aura été de sacrifier l'avenir à la gestion du présent. Le prochain gouvernement héritera ainsi d'un décrochage avec nos partenaires européens, de mesures non financées, d'un taux de chômage élevé et de comptes publics dégradés. Et c'est précisément dans ce contexte qu'il devra réaliser les réformes structurelles devant lesquelles vous avez reculé.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre ce projet vide de sens, et dépourvu de perspectives d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean Rigal - Le traditionnel collectif budgétaire de fin d'année permet de revenir sur les prévisions de la loi de finances initiale et de procéder à des ajustements conjoncturels. Le budget est en effet un outil entre les mains des responsables et je m'étonne de certains propos qui tendent à en faire un objet sacré, auquel, dès lors qu'il est voté, il ne faudrait plus toucher. Comme s'il ne se passait rien dans le pays, et qu'il n'y ait pas lieu d'opérer des rectifications de trajectoire ! Cette année, le collectif est incontestablement marqué par le ralentissement économique né de la situation internationale. Vous avez opportunément rappelé, Madame la ministre, les trois risques - pétrolier, financier, psychologique - encourus par notre économie au lendemain des attentats du 11 septembre. Dans ce contexte, il faut d'abord s'interroger sur les conséquences économiques et budgétaires qu'en tire le Gouvernement et sur les mesures volontaristes qu'il propose pour soutenir la croissance et financer les dépenses prioritaires.

Sur le premier point, le collectif est bâti sur une fourchette de croissance révisée de 2,1 % à 2,3 %, que semblent accréditer les indicateurs économiques les plus récents, en particulier la consommation des ménages. Par ailleurs, le déficit de l'Etat s'élève à 212,48 milliards de francs, en hausse de 25,9 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Cette situation s'explique par la diminution de 25 milliards des recettes fiscales, due au ralentissement de l'économie.

Je ne suis pas de ceux, Madame la ministre, qui vous conseilleront d'accélérer les recettes ou de freiner les dépenses de façon brutale, car ce serait dangereux sur le verglas économique... Mais l'augmentation du déficit reste limitée, grâce au respect de la norme de 0,3 % de progression des dépenses en volume, assuré notamment par des redéploiements de crédits. Cette pause dans la réduction continue du déficit depuis 1997 ne remet pas en question la perspective du retour progressif à l'équilibre budgétaire, qui n'est pas une fin en soi mais un moyen au service de l'emploi et de la justice sociale.

S'agissant du soutien à la croissance, le collectif a pour objet de mettre en _uvre le plan de consolidation de la croissance annoncé le 16 octobre par le Gouvernement. Ce plan vise à soutenir l'activité économique dans un contexte de ralentissement. Le complément de la prime pour l'emploi, qui coûte 8 milliards de francs, bénéficiera à plus de 8 millions de foyers modestes. Par ailleurs, des mesures en faveur de l'investissement des entreprises sont proposées. Parallèlement à ces mesures de soutien à la croissance, le plan triennal de baisse des impôts se poursuit, ce qui est positif.

Pour ce qui est du financement des dépenses prioritaires, les ouvertures de crédits du projet concernent principalement la sécurité et le secteur sanitaire et social. La sécurité, première préoccupation de nos concitoyens avec l'emploi, est confirmée comme priorité du Gouvernement. Les ouvertures de crédits en faveur de la police et de la gendarmerie vont dans le bon sens, mais il s'agit forcément de dépenses reconductibles, et qui doivent s'inscrire dans la durée, car les besoins sont importants. Les récents mouvements dans la police et la gendarmerie témoignent du malaise des forces de sécurité. Une loi de programmation sur la sécurité pourrait être une réponse adéquate, à condition qu'elle soit respectée, ce qui hélas n'est pas toujours le cas dans notre pays.

Dans le domaine social, je retiendrai, parmi les quatorze mesures du projet, les dispositions en faveur des hôpitaux pour le financement des remplacements, pour 2 milliards de francs, et les 750 millions consacrés aux mesures pour l'emploi ; il s'agit en particulier de contrats aidés au bénéfice des publics en difficulté qui ne peuvent accéder directement à un emploi classique. Ainsi 30 000 contrats emploi-solidarité supplémentaires et 20 000 stages d'insertion et de formation à l'emploi s'ajoutent aux 50 000 CES décidés début juillet 2001.

Je voudrais maintenant évoquer la résiliation des concessions de transport du gaz naturel et le transfert de la propriété des ouvrages correspondants qui figurent à l'article 38. Cette disposition, qui ouvre le marché du gaz naturel à la concurrence, s'inscrit dans le cadre de la politique de libéralisation européenne. Elle ne correspond pas du tout à l'Europe solidaire que nous voulons.

Sur la forme, il est anormal qu'elle soit insérée dans le collectif alors qu'un projet de loi a été déposé le 17 mai 2000. Sur le fond, cette disposition suscite l'opposition de tous ceux qui, comme nous, sont attachés au service public et à l'indépendance énergétique de la France. C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe RCV, je suis partisan de la suppression de cet article.

De même, l'article 36 relatif à la transformation de la direction des constructions navales en entreprise nationale commerciale rencontre des oppositions. Mon collègue du groupe RCV, Georges Sarre, a déposé un amendement de suppression de cet article, parce que la réforme de l'industrie militaire nationale impose une réflexion beaucoup plus approfondie et un débat général au Parlement.

Au total, les députés radicaux de gauche et nombre de collègues du groupe RCV jugent positif le volet strictement budgétaire du projet, mais tiennent pour inacceptables les dispositions relatives aux services publics que je viens d'évoquer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Ce projet nous apporte la confirmation que la politique budgétaire du gouvernement socialiste depuis 1997 est mauvaise. Ce collectif, qui est votre dernier, a un mérite : c'est de nous permettre un premier bilan de la gestion budgétaire socialiste. Lequel ? Un déficit budgétaire qui s'élève à 212,4 milliards de francs, en augmentation de plus de 20 milliards par rapport au déficit en exécution pour l'année dernière. Pour la première fois depuis 1995, le déficit budgétaire de la France est en augmentation. Ce n'est pas le produit de la fatalité, Madame la ministre, mais de la mauvaise politique budgétaire et financière conduite depuis plus de quatre ans.

Déjà en 2000, avec un déficit de 1,4 % du PIB, la France était dans les derniers rangs des nations européennes, malgré un taux de croissance exceptionnel de 3,5 %. Aujourd'hui, alors que la croissance ralentit, les effets pervers de votre politique budgétaire s'affichent au grand jour. Nous voyons à quel point votre gouvernement a gaspillé les fruits de la croissance, pendant que nos partenaires européens dégageaient des excédents budgétaires aujourd'hui très précieux. Ces excédents, qui permettraient de poursuivre une politique expansionniste à l'instar par exemple de celle des autorités américaines, la France s'en trouve aujourd'hui dépourvue du fait de votre aveuglement. Que d'années perdues et de milliards engloutis !

Entre les mots et les choses, le divorce s'accroît. Quel crédit accorder au ministre des finances qui continue à nous soutenir qu'il souhaite réduire les déficits et l'endettement, alors que c'est l'inverse qui se produit ? La dette, si elle diminue en valeur relative du fait de l'augmentation du PIB, continue en effet de croître en valeur absolue pour atteindre 5 300 milliards tandis que l'Etat emprunte chaque année plus de 500 milliards.

Il faudrait parler des prélèvements opérés sur certains comptes qui n'ont rien à voir avec celui de l'Etat : 75 % des revenus de la taxe sur les produits d'assurance ; 460 millions pris sur les réserves du Bureau de recherches géologiques et minières, dont on se demande comment il pourra fonctionner ; 400 millions sur l'Institut national de la propriété industrielle, alors que le nombre de brevets déposés en France est insuffisant...

M. le Rapporteur général - Ce n'est pas vrai !

M. Gilbert Gantier - Au total, 2,5 milliards sont ainsi prélevés sur des fonds qui ont pourtant chacun une destination précise. Je m'étonne du reste que de tels prélèvements ne soient pas prohibés par la nouvelle ordonnance organique.

Le Gouvernement répète qu'il tiendra les engagements pris à Bruxelles d'équilibrer les finances publiques pour 2004.

M. Augustin Bonrepaux - Il le fera !

M. Gilbert Gantier - Avec un taux de croissance supérieur à 3 % ces quatre dernières années, le retour à l'équilibre aurait dû être atteint en deux ans. Mais, selon l'OFCE, cet équilibre n'interviendra pas avant 2005, sous condition d'une croissance annuelle de 2,8 %. Le ciel entende l'OFCE !

Vous continuez à gaspiller et à saupoudrer, en accroissant les dépenses de plus de 17 milliards, dont près de la moitié pour financer la rallonge de prime pour l'emploi. En doublant le montant de cette dernière, vous transformez une prime dont l'objectif louable était d'inciter à trouver un emploi en une véritable prime à voter socialiste pour les prochaines élections... On pourrait appeler cela du clientélisme.

M. Jean-Louis Idiart - C'est un député du XVIe arrondissement qui dit cela !

M. Gilbert Gantier - Plus grotesque encore, bien que vous affichiez comme objectif prioritaire l'innovation et la recherche, vous continuez à faire des coupes claires dans les dépenses d'investissement. Or l'innovation et la recherche sont indispensables pour maintenir à un haut niveau le potentiel de croissance. Et que faites-vous dans ce collectif pendant que notre demi-porte-avions vogue enfin vers le théâtre des opérations ? Vous amputez, pour masquer la dérive des comptes publics, les crédits d'investissement de la défense de 2,4 milliards.

Le Gouvernement ne réussira vraisemblablement pas à tenir le déficit affiché aujourd'hui. En effet, le budget 2001 a été construit sur une hypothèse de 3,3 % de croissance. Aujourd'hui, le Gouvernement table sur 2 %.

M. le Rapporteur général - Tout à fait !

M. Gilbert Gantier - Selon l'OFCE, un point de croissance en moins entraîne des moins-values fiscales de 35 milliards. On peut donc majorer le déficit de plus de 10 milliards. Le collectif n'est donc qu'un chiffon de papier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), le Gouvernement n'a que mépris pour le Parlement, et Bercy fait fi une fois de plus de toute transparence.

Ce collectif de fin d'année est l'occasion pour le Gouvernement de jouer au Père Noël. Le groupe DL votera contre ce collectif, qui conduit sur une fausse route (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Augustin Bonrepaux - Ce projet traduit notre volonté d'assurer plus de justice sociale et fiscale, selon une démarche responsable. Quoiqu'en dise l'opposition, nous tenons compte des modifications de la conjoncture internationale intervenue en 2001.

Grâce à de nombreux redéploiements, le Gouvernement propose le financement de dépenses prioritaires.

Dans le domaine social, en complément des mesures exceptionnelles déjà décidées en faveur des hôpitaux, 0,3 milliard d'euros sont inscrits au titre des remplacements dans le secteur hospitalier. 114 millions d'euros vont au financement des contrats aidés : ainsi 30 000 CES et 20 000 stages d'insertion et de formation viennent s'ajouter aux 50 000 CES décidés début juillet. 38 millions d'euros sont consacrés au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et des crédits sont destinés à la fondation pour la mémoire de la Shoah et à l'indemnisation des victimes des législations antisémites.

Pour renforcer la sécurité, le budget de l'intérieur bénéficie d'une ouverture de 0,15 milliard d'euros, qui permettra de financer la lutte contre le terrorisme, l'équipement de la police en gilets pare-balles et l'amélioration de son parc automobile, comme ce fut déjà le cas dans le collectif pour 2000.

Les équipements du ministère de la défense sont également renforcés à hauteur de 0,46 milliard d'euros en autorisations de programme. Les moyens de fonctionnement des armées et de la gendarmerie sont relevés à hauteur de 137,20 millions d'euros. Enfin 13,72 millions d'euros supplémentaires sont inscrits au titre du plan de lutte contre le bioterrorisme.

Responsable, ce collectif l'est également car le Gouvernement, au contraire de la droite, a su préserver l'objectif de baisse des déficits publics et de maîtrise des dépenses (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), sans tomber dans ces politiques excessivement restrictives qui avaient entamé, de votre temps, le moral des ménages.

M. Jean-Louis Idiart - Et contraint le marchand de pommes à la dissolution ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs)

M. Augustin Bonrepaux - Les ouvertures nettes de crédits s'établissent à 0,78 milliard d'euros, représentant une progression en volume de 0,3 % des dépenses du budget général. Ainsi, la norme de progression des dépenses fixée dans le cadre du programme pluriannuel de finances publiques de 1 % en volume sur trois ans sera respectée.

Le déficit s'établit à 32,4 milliards d'euros, en hausse de 3,9 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Les recettes nettes du budget général baissent de 2 milliards d'euros. Les recettes fiscales diminuent de 3,81 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, parce que les impôts baissent. La pause en matière de réduction du déficit de l'Etat est rendue nécessaire par le ralentissement de l'économie, encore que le projet de loi de finances pour 2002 devrait ramener le déficit à 30,4 milliards d'euros.

Ce collectif est également volontariste, car il contient des mesures fortes, annoncées notamment dans le plan de consolidation de la croissance présenté par M. Fabius. Il s'agit de poursuivre ainsi dans la voie suivie avec succès depuis 1997, et de mener une politique de redistribution en faveur des personnes les plus modestes et de soutien à la consommation des ménages. Un complément de prime pour l'emploi, égal à la prime déjà obtenue par 8 millions et demi de foyers, sera accordé au titre de 2001 dès janvier, pour un coût de 1,2 milliard d'euros.

Les entreprises pourront, pour les investissements en biens d'équipement réalisés entre le 17 octobre 2001 et le 31 mars 2002, majorer de 30 % leurs dotations d'amortissement dégressif. Des aménagements sont également proposés dans le régime fiscal des provisions des entreprises d'assurances afin de tenir compte de leurs difficultés actuelles. De plus, l'Etat consacrera 120 millions d'euros pour doter en capital la Banque de développement des PME.

Ajoutons de nouvelles actions de réparation pour les dégâts causés par les tempêtes de la fin 1999. Enfin, le collectif prend en compte les conséquences de l'explosion à Toulouse. Des mesures d'urgence ont été financées dès le lendemain. Ces crédits sont rétablis sur les budgets correspondants et en particulier 10,67 millions d'euros sur la ligne fongible du logement.

M. Philippe Auberger - Les vitres seront remplacées plus vite ?

M. Augustin Bonrepaux - La commune de Toulouse doit faire des efforts de son côté !

Le collectif permet de financer les principales mesures de réparation des dommages causés au patrimoine de l'Etat, et aussi de rétablir certains crédits mobilisés dans la Somme à la suite des inondations du printemps.

Pour améliorer encore ce collectif, nous avons déposé quelques amendements que le Gouvernement, nous l'espérons, voudra bien accepter.

Au total, le projet tient compte des modifications de l'environnement économique international et de la nécessité, aussi, de ne pas céder à un pessimisme excessif, voire à la panique comme semble le faire l'opposition. Ce n'est pas la meilleure façon de servir le pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

En fait, ce sont les orientations suivies depuis 1997 qui nous ont permis de réaliser une meilleure performance de croissance que nos partenaires. Nous devons poursuivre dans cette voie, et c'est pourquoi le groupe socialiste appelle à voter le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - La présentation de ce collectif sonne comme l'heure de vérité pour le Gouvernement. Sa dernière loi de finances montre en effet qu'il n'a pas tenu les promesses de juin 1997. On nous avait alors promis la maîtrise des finances publiques. En constante aggravation depuis trois ans, le déficit ne baissera pas : il s'aggrave de 26 milliards de francs pour atteindre un niveau record de 213 milliards. Voilà qui laisse très mal augurer de l'exécution du budget 2002.

Grâce au maintien de la consommation, nous disait-on, la croissance se poursuivrait en 2001. Mais ce sont surtout les impôts indirects sur la consommation - TVA et TIPP - qui ont subi des moins-values fiscales. L'impôt sur le revenu, en revanche, dégage toujours des plus-values, en dépit de la politique des « allégements fiscaux ». Son produit est passé de 44,7 à 53,4 milliards d'euros entre 1997 et 2001, soit une hausse de 19,5 %, supérieure à celle du PIB. Loin de desserrer l'étreinte de la fiscalité sur les revenus, les allégements fiscaux ne sont que poudre aux yeux.

La loi du 1er août 2001 prévoit d'assortir les prévisions budgétaires d'une actualisation du pacte de stabilité européen. Mais le Gouvernement a jusqu'à présent refusé de procéder à celle-ci - il ne s'exécutera que jeudi prochain. Nos finances publiques ne seront pas équilibrées d'ici 2004, et il sera hélas impossible de tenir nos engagements européens. L'équilibre ne sera atteint qu'en 2005, voire 2006 selon l'OFCE.

La norme de progression des dépenses publiques prévue pour 2001 ne sera respectée qu'au prix d'une hausse des prévisions d'inflation. Pas une semaine ne se passe sans que le Gouvernement ne concède de nouvelles dépenses : plan de consolidation de la croissance, mesures en faveur des policiers, de la fonction publique, des hôpitaux, des cliniques privées... C'est une véritable distribution à tout va, non programmée, souvent non financée. Le ministre des finances lui-même regrette publiquement de ne pouvoir calmer l'ardeur dépensière des autres ministres. Cela est dramatique pour la France, pour nos finances publiques, le budget de 2002 et pour ceux qui arriveront aux responsabilités en juin. Cela s'apparente à la politique de la terre brûlée, et c'est d'autant plus dramatique que la conjoncture ne cesse de se dégrader à l'extérieur et que l'on sera bien en peine de réaliser les 2,2 à 2,5 % de croissance promis pour 2002.

La principale mesure de ce collectif est le doublement de la prime pour l'emploi, judicieusement pensée pour encourager le retour au travail, même à temps partiel. Mais le système retenu, qui tient compte de la situation familiale et du nombre d'enfants - ce qui devrait incomber aux allocations familiales - est trop compliqué.

En outre, l'écart temporel entre la reprise du travail et la perception de la prime réduit l'efficacité de celle-ci. Son doublement inattendu constitue un pur effet d'aubaine, une aide à la consommation, certes, mais qui perd de vue l'objectif de renouer avec le travail. Un décalage bien trop important d'un an et demi persiste d'ailleurs entre la reprise du travail et la perception de la prime. C'est dire qu'on ne peut plus parler, à l'instar du ministère des finances, d'allégement fiscal, puisque le tiers des bénéficiaires qui étaient redevables de l'impôt sur le revenu l'ont acquitté depuis plusieurs mois. L'efficacité de la mesure pour faciliter le retour à l'emploi est donc quasiment nulle.

Ce projet comporte aussi une mesure très temporaire d'aide à l'investissement, sous forme d'un amortissement majoré. Une telle aide n'est intéressante qu'en phase de reprise de la croissance, si celle-ci bute sur une insuffisance des capacités de production et que les entreprises diffèrent leurs investissements faute de moyens financiers. Or, c'est aujourd'hui le ralentissement de la demande qui fait s'effondrer l'investissement. On peut donc sérieusement douter de l'efficacité de la mesure, dont le projet omet d'ailleurs, en contradiction flagrante avec la loi du 1er août 2001, de mentionner le coût. C'est dire le peu de cas qu'en fait le Gouvernement.

Ce projet témoigne enfin à nouveau d'une gestion chaotique des finances sociales. Suite à la renégociation du dispositif de l'assurance chômage, il prévoit 7 milliards de francs de recettes en provenance de l'UNEDIC, qui estime n'en devoir que 2 ou 3... L'équilibre de ce collectif est donc obéré d'autant.

L'affectation de la totalité du produit des licences UMTS au fonds de réserve des retraites est une bonne nouvelle pour celui-ci : ses besoins sont immenses et sa mise en place a pris deux ans de retard. Selon le PLFSS 2002, il devrait être doté à la fin de cette année de 22 milliards de francs, avant versement du produit des licences. Mais nul ne sait si ce montant sera atteint. Aucun compte précis n'est fourni, les organes dirigeants du fonds ne semblent pas constitués, et l'on ignore la provenance et le montant des produits financiers de 1999, 2000 et les prévisions pour 2001. N'est-il pas temps d'assurer la transparence du fonds ? A cet égard, le projet ne propose rien.

Enfin, il est prévu d'affecter au FOREC qui finance les 35 heures, 3,2 milliards de francs correspondant à une fraction supplémentaire du produit de la taxe sur les conventions d'assurances, les autres recettes semblant insuffisantes et la TGAP étendue ayant été refoulée par le Conseil constitutionnel. A vrai dire, il n'existe nulle justification logique à ce nouveau transvasement entre le budget de l'Etat et le FOREC. Il n'y a d'ailleurs aucun lien entre les besoins du FOREC et le produit de la taxe. Le FOREC apparaît une fois de plus comme un démembrement du budget de l'Etat visant à masquer la progression de ses dépenses et des prélèvements nécessaires pour y faire face.

Ce projet de loi de finances rectificative est donc doublement désolant. Il marque une nette dégradation de nos finances publiques, avec un déficit en constante progression depuis plusieurs années et des dépenses mal maîtrisées. En outre, la loi du 1er août 2001, dont l'élaboration a pris presque trois ans laissait espérer des lois de finances plus claires et universelles, assorties de réelles perspectives pluriannuelles. Aucun de ces objectifs n'est atteint au contraire. C'est bien le signe que cette réforme qui devait préfigurer celle de l'Etat, n'est qu'une réforme virtuelle, théorique, sans portée pratique.

En réalité, on a voulu, avec de bonnes paroles et de bonnes intentions, enterrer toute volonté de réforme réelle de l'Etat. Cela n'est pas acceptable. Nous voterons donc contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Gérard Bapt - Ce collectif budgétaire comporte un certain nombre d'ajustements, mais aussi d'adaptations en vue du passage à l'euro, et des mesures en faveur du travail et de l'emploi.

J'ai été stupéfait d'entendre M. Auberger qualifier le doublement de la prime pour l'emploi d'inopiné et d'inattendu. Tendant à moyen terme à renforcer l'attractivité du retour à l'emploi, celui-ci s'inscrit pleinement dans le plan de soutien de la croissance et de l'emploi du Gouvernement, qui soutient la consommation populaire et améliore donc in fine le pouvoir d'achat des revenus salariaux les plus modestes. Ce plan comporte aussi des mesures de traitement social du chômage. Je me réjouis de l'inscription de 750 millions de francs au profit de l'insertion des publics en difficulté, avec la création de 30 000 CES et de 20 000 stages de formation et d'insertion à l'emploi.

300 millions de francs sont prévus au titre de la compensation de l'exonération des cotisations sociales, afin d'ajuster la dotation au dynamisme de la dépense, centrée sur la création d'emplois. Au chapitre 46-32 - actions en faveur des rapatriés - sont inscrits 20 millions de francs pour la poursuite du plan en faveur des harkis : logement, emploi, désendettement. La consommation des crédits affectés à ce plan atteste d'ailleurs de sa réussite. En revanche, aucune mesure de généralisation ou d'amélioration de la rente viagère versée aux harkis et à leurs veuves n'est prévue. Mon amendement sur ce point devrait se voir opposer l'article 40. Il faudra envisager une nouvelle étape dans la reconnaissance et la réparation pour ces rapatriés.

D'importants reports de crédits - 122 millions de francs - sont constatés sur le chapitre relatif au désendettement des rapatriés non salariés ayant déposé un dossier devant la commission nationale. Je vous donne acte des mesures prises pour accélérer le règlement des dossiers et renforcer les moyens de la délégation interministérielle pour les rapatriés. Mais vous vous étiez engagée, Madame la ministre, à modifier le décret du 9 juin 1999 relatif à ces actions de désendettement ; je serais heureux de vous entendre sur ce point.

Bien entendu, avec le groupe socialiste, je voterai ce projet de loi de finances rectificative.

M. Michel Bouvard - Le collectif de fin d'année permet, ainsi que l'a rappelé le rapporteur général, de procéder à des ajustements budgétaires et de s'assurer du respect de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement.

S'agissant des crédits d'investissement, dont nous avions déjà regretté l'insuffisance, force est de constater un nouveau recul, en contrepartie du bond des dépenses de fonctionnement. La situation la plus préoccupante concerne le budget de la défense. Monsieur le rapporteur, vous justifiez l'annulation de 2,4 milliards de crédits d'équipement militaire, en affirmant qu'il serait de tradition de gager par le budget d'investissement des dépenses de fonctionnement qui se révèlent nécessaires en cours d'année. Je m'en étonne : soit les budgets d'investissement sont nécessaires et il faut les défendre, soit ils sont superflus et il n'y a pas lieu de gager par des dépenses d'investissement fictives de potentielles dépenses de fonctionnement. Au demeurant, les 400 millions ouverts pour couvrir les loyers de la gendarmerie auraient à l'évidence dû figurer dans le budget initial ! Malheureusement, chaque année, les collectivités locales sont victimes en la matière de retards de paiement de l'Etat. Une commune de ma circonscription de moins de 500 habitants attend ainsi le versement par l'Etat de 600 000 F d'arriérés de loyers et a été contrainte de contracter un prêt relais...

Les annulations de crédits touchent aussi les investissements civils, qui seront en 2001 inférieures au coût des 35 heures. Parmi ces annulations, 100 millions de CP au titre du FNADT pour des contrats de plan non consommés en 2000.

A l'Environnement, le taux de consommation des crédits est faible, et 140 millions de francs sont supprimés à l'ADEME alors que les collectivités locales attendent des financements pour moderniser le traitement des déchets ou celui des sols pollués. Plus grave, 77 millions de francs d'annulation de crédits au chapitre 57-20 qui subventionne les opérations d'aménagement contre les crues, soit 37,7 % de la ligne budgétaire. On nous dit que les actions ne peuvent être conduites que sous un climat sec, ce qui n'a pas été le cas cette année. Cela prêterait à rire si le sujet n'était aussi grave.

Je voudrais par contre dire ma satisfaction pour l'ouverture en AP et CP d'un crédit de 577 millions de francs pour l'autoroute A28 et les projets ferroviaires alpins.

S'agissant des propositions d'inscriptions nouvelles au regard de la gestion de l'Etat, nous prenons acte des crédits supplémentaires inscrits au bénéfice de la police et de la gendarmerie. Je note au passage que le RPR n'a jamais envisagé de faire sortir la gendarmerie du giron des armées. Quant à la police, je renouvelle ici mes questions relatives aux suites données au rapport de notre mission d'évaluation et de contrôle. L'affectation dans la police d'agents provenant d'autres ministères a-t-elle été engagée ? L'externalisation de certaines tâches de gestion a-t-elle débuté ? Le paiement des heures supplémentaires est-il privilégié par rapport aux récupérations ?

J'en viens à une question qui touche à l'honneur de la République. Il s'agit des crédits supplémentaires inscrits pour les victimes de la Shoah.

Personne ne peut être choqué que, le gouvernement de Vichy ayant contribué à la déportation de citoyens français, une réparation soit accordée aux orphelins. Mais les déportés n'étaient pas tous des victimes de l'antisémitisme : 40 % des déportés français l'ont été pour faits de Résistance.

M. Gérard Bapt - C'est vrai !

M. Michel Bouvard - Des associations d'anciens combattants ont déposé des recours devant la juridiction administrative pour demander l'annulation du décret relatif à cette réparation, considérant que tous les orphelins devaient être sur un pied d'égalité. Le Conseil d'Etat n'a pas voulu procéder à cette annulation, mais il a recommandé au Gouvernement d'étendre la mesure à l'ensemble des orphelins de déportés.

Je fais de même aujourd'hui. Je suis moi-même issu d'une famille dont les membres ont été recherchés pour faits de Résistance, mais qui ont eu la chance de survivre. Dans ma circonscription, à l'occasion de chaque manifestation devant les monuments aux morts, des orphelins de résistants sont présents ; ils ne peuvent comprendre que le droit à réparation ne soit pas reconnu à toutes les victimes.

Je vous le demande solennellement, Madame la ministre, comme élu d'une région qui a beaucoup donné pour la liberté de notre pays : quand le Gouvernement va-t-il étendre cette mesure aux orphelins des résistants morts en déportation ?

M. Gérard Bapt - Ce serait souhaitable !

M. Christian Cuvilliez - Très bonne proposition !

M. François d'Aubert - Dernier acte budgétaire de la législature, ce collectif montre que le Gouvernement est dos au mur.

Le déficit budgétaire passe de 191 milliards à la fin 2000 à 212 milliards : c'est la première fois depuis 1995 qu'il se creuse. En deux ans, entre 1995 et 1997, nous l'avions réduit de 56 milliards, soit 28 milliards par an ; en cinq ans la gauche l'a réduit de 58 milliards, soit à peine 12 milliards par an.

En outre, les 25 milliards de moins-values fiscales que vous annoncez dans ce collectif sont sous-évaluées : l'OFCE chiffre à 35 milliards l'impact négatif sur les recettes fiscales de la réduction d'un point du taux de croissance par rapport à la prévision de la loi de finances. Le déficit annoncé est donc minoré de 10 milliards.

Autant dire que la politique de réduction des déficits est aux oubliettes. Le déficit passe en 2001 de 1,4 % du PIB à 1,7 % du PIB ; pour 2002, vous prévoyez 1,5 %, mais Bruxelles table sur 2,4 %...

Le déficit budgétaire est largement subi. Le dos au mur, vous essayez de nous faire croire qu'il révèle un activisme budgétaire et un plan de relance. C'est un mauvais tour de passe-passe. En effet, les mesures de consolidation de la croissance sont minimes et ponctuelles. Le doublement de la PPE et 30 000 contrats aidés supplémentaires ne suffiront pas à la relancer ! Quant aux « stabilisateurs automatiques », ils ne vous auraient aidés que si vous aviez dégagé des excédents pendant la période de forte croissance, comme l'ont fait les pays qui ont choisi une politique de l'offre, au lieu de la politique de la demande que vous poursuivez depuis cinq ans. Sans ces excédents, vous ne disposez aujourd'hui d'aucune marge de man_uvre.

Le collectif confirme également la mauvaise tendance qu'a prise la dépense publique. Entre 1997 et 2001, elle a progressé de 9 %, et de 3,5 % entre septembre 2000 et septembre 2001. Vous programmez 17 milliards de dépenses nouvelles. En ce qui concerne l'hôpital et les cliniques privées, elles ne résultent pas d'une volonté d'améliorer la situation mais d'une gestion improvisée - et désastreuse - des 35 heures. Vous voulez aussi respecter la norme d'évolution des dépenses de 0,3 % - et encore n'est-elle guère contraignante - mais à quel prix ? Contre 12 milliards d'annulations de crédits ! Sans compter la diminution des crédits d'équipement militaire qui paraît inquiétante dans la conjoncture internationale. Enfin, vous trouvez 2,4 milliards de recettes non fiscales supplémentaires en ponctionnant le BRGN, l'INPI et les sociétés autoroutières pour boucler votre projet.

Dernière manipulation budgétaire : la réévaluation du taux d'inflation.

M. le Rapporteur général - C'est idiot de dire cela !

Mme la Secrétaire d'Etat - Elle était obligatoire !

M. François d'Aubert - Mais elle a présenté l'avantage de faire déraper de cinq milliards supplémentaires la dépense de l'Etat.

Cette dégradation rappelle la catastrophe budgétaire de 1992-1993, et les conditions sont réunies pour qu'elle se répète : les moins-values fiscales vont augmenter en 2002 et la situation des dépenses sociales est très incertaine. Vous qui comparez votre bilan à celui de la période 1993-1997, prenez garde à ne pas laisser la même ardoise de 300 milliards que vos prédécesseurs en 1993 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Après la politique d'imprévision pratiquée depuis quatre ans, ce collectif ne redresse pas la barre. Les dépenses augmentent inexorablement, le déficit dérape. L'héritage sera difficile à gérer pour la prochaine majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Louis Idiart - Nous n'avons pas trop de mal !

La discussion générale est close.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'examen de ce dernier texte budgétaire suscite chez certains membres de l'opposition le goût de la caricature, et pour d'autres, comme M. Gantier, celui de la nostalgie. Je peux lui préciser que nous lui présentons ce soir notre onzième « chiffon de papier ».

Nous venons d'entendre deux motions de procédure, qui se ressemblaient beaucoup. Quant à M. Jégou, il nous avait habitués à plus de rigueur et à un libéralisme moins échevelé.

M. François d'Aubert - Il privatise les sociétés d'autoroute, lui ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Mais affirmer n'est pas démontrer. Nous aurions, selon vous, gaspillé les fruits de la croissance. D'abord, ces fruits, nous avons contribué à les semer et je ne reviendrai pas sur l'état de la confiance des Français, en 1997. Ensuite, leur utilisation est fort éloignée du gaspillage. Que faites-vous des 1 600 000 emplois créés par cette législature ?

M. François d'Aubert - Ne faites pas le compte avant qu'elle soit terminée !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous nous répondrez certes que nous ne sommes pour rien dans ce résultat, mais si ces créations sont le fruit du travail des Français et des entrepreneurs, le Gouvernement a su créer les conditions de retour à la confiance qui était indispensable. Vous n'en faites aucun cas, et passez du même coup par pertes et profits les milliers de familles qui sont sorties de l'angoisse en même temps que du chômage !

Alors, on nous dit que le Gouvernement n'avait rien fait pour le pouvoir d'achat des Français. L'une des forces de la croissance française est pourtant d'être soutenue par la demande des ménages ! D'où vient cette demande, sinon du pouvoir d'achat, renforcé par les créations d'emplois ? Le pouvoir d'achat a progressé entre 1993 et 1996, pour reprendre une comparaison chère à M. de Courson, de 5 %. Depuis quatre ans, il a augmenté de 15 %. Je ne pense donc pas que l'on puisse dire sans rougir que ce gouvernement ne s'y est pas intéressé.

En ce qui concerne les baisses d'impôts, je ne veux pas revenir encore une fois sur la différence entre le taux et l'assiette de l'impôt. En quatre ans, ce sont 200 milliards de baisses qui ont été concrétisés. Des impôts ont été supprimés, comme la vignette des particuliers, les frais liés aux examens ou aux cartes d'identité.

M. Jean-Louis Idiart - Ce n'est rien, pour eux !

Mme la Secrétaire d'Etat - Après l'économie, parlons du social. Vous opposez l'un à l'autre sans vous rendre compte que ce qui fait le succès de notre politique est d'avoir su les allier. Comment dire que nous avons gaspillé les fruits de la croissance quand nous mettions en _uvre la CMU ? Croyez-vous que les Français qui ne pouvaient pas se soigner auparavant pensent comme vous ? Et l'on peut dire la même chose de la PPE, des emplois-jeunes et de l'allocation personnalisée pour l'autonomie qui, elle aussi, au-delà des 800 000 personnes directement concernées, soulage l'angoisse de millions de familles.

Nous pouvons être fiers de ce bilan que nous avons construit année après année, en gérant sérieusement les finances publiques. Et il n'est pas tel que le décrit M. de Courson. Le poids des dépenses publiques a baissé de 0,2 point entre 1993 et 1997, et de 2,5 points depuis. Le taux des prélèvements obligatoires a, lui, augmenté de deux points sur la première période.

M. Charles de Courson - Il fallait boucher les trous.

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous l'avons pour notre part stabilisé.

M. Charles de Courson - Vous l'avez augmenté !

Mme la Secrétaire d'Etat - Non, Monsieur de Courson, et je refuse de revenir encore une fois sur le taux et l'assiette de l'impôt.

Le poids de la dette publique a augmenté de près de 14 points entre 1993 et 1997.

M. François d'Aubert - Vous nous aviez laissé un déficit de 300 milliards !

M. le Président de la commission - C'est vous qui avez battu tous les records !

Mme la Secrétaire d'Etat - Pour étayer ses comparaisons, M. de Courson recourt à un artifice : il s'approprie l'année 1997, que l'opposition n'a pourtant pas osé affronter tout entière...

Je voudrais enfin remercier MM. Bonrepaux, Bapt et Rigal d'avoir souligné que ce projet était empreint à la fois de réalisme, puisque ses hypothèses de croissance sont confirmées par les derniers chiffres de l'INSEE, et de volontarisme, puisqu'il met en _uvre l'essentiel des mesures annoncées au titre du plan de consolidation de la croissance.

Ils ont noté que les crédits étaient ouverts pour la catastrophe de Toulouse et d'autres pour régulariser ceux engagés pour les inondations dans la Somme, ce qui montre la capacité de réactivité du Gouvernement.

M. Bapt attache une attention particulière à la modification du décret de 1999 sur le dispositif d'aide au désendettement des rapatriés.

Voyant les problèmes de fonctionnement rencontrés par la Commission nationale installée en 1999, Laurent Fabius et moi-même avions demandé à l'inspection générale des finances un audit. Sur la base du rapport qui lui a été remis récemment, le Gouvernement annoncera dans les jours qui viennent des aménagements au décret du 4 juin 1999.

Je remercie M. Cuvilliez d'avoir insisté sur la mesure-phare de ce collectif, à savoir le doublement par anticipation de la prime pour l'emploi. C'est à la fois une mesure de justice sociale, une mesure positive pour la reprise d'activité et un soutien très opportun à la croissance.

En conclusion, ce collectif s'inscrit pleinement dans la politique économique et budgétaire menée depuis 1997. Tout entier centré sur la croissance, il est pleinement cohérent avec notre objectif de moyen terme : le retour à l'équilibre des finances publiques.

Top Of Page

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Georges Tron - A une heure moins le quart du matin, vous comprendrez mon souci d'être bref et d'aller à l'essentiel, même s'il y aurait beaucoup à dire, tant le désaccord est grand entre vous et nous.

Une remarque préliminaire : quels que soient la majorité et le gouvernement qui sortiront des urnes, je formule le v_u que l'organisation de nos travaux devienne plus rationnelle. Si, dans un conseil municipal, nous étions invités à travailler au milieu de la nuit, en ayant été prévenus au dernier moment, comme ce fut mon cas ce soir, je suis sûr que cela poserait quelques problèmes. La manière dont les parlementaires travaillent mérite donc d'être revue.

Deuxième remarque et premier argument en faveur d'un renvoi en commission : il aurait été préférable que nous discutions de ce collectif après la présentation par le Gouvernement de l'engagement qu'il prend en matière de finances publiques devant les instances européennes.

Si j'avais voulu faire long, Madame la secrétaire d'Etat, j'aurais commencé par vous citer quelques extraits de la loi de finances initiale et du collectif de 1992. A votre place siégeait alors M. Malvy, qui expliquait : un, la France va beaucoup mieux que les autres pays industriels ; deux, le déficit n'est que conjoncturel et l'an prochain, cela ira beaucoup mieux ; trois, les dépenses publiques dérapent, c'est vrai, mais nous avons néanmoins la maîtrise du dispositif. Le discours du Gouvernement n'est guère différent aujourd'hui. Je rappelle donc simplement que l'année suivante, on put constater que le déficit - 340 milliards ! - était le double de celui qui avait été annoncé et voté ; qu'en réalité, la dépense publique n'avait jamais été maîtrisée et que la France se retrouvait en queue de peloton.

Puisque le président Emmanuelli a évoqué tout à l'heure les statistiques, rappelons calmement les chiffres. En 1986, le déficit budgétaire s'élevait à 160 milliards ; en 1988 à 90 milliards ; en 1993 à 340 milliards ; en 1997 à 270 milliards. Et après trois années d'exceptionnelles recettes fiscales, on va se retrouver à un niveau comparable à celui de 1997.

Pourtant, vous avez bénéficié d'un surcroît de recettes de 300 ou 400 milliards. Mais 60 % en ont été consacrées à des dépenses supplémentaires... Si vous aviez eu la même attitude que le gouvernement précédent, qui avait su, dans des conditions difficiles, qualifier la France pour l'euro, nous pourrions aujourd'hui avoir un déficit égal à zéro. Au lieu de quoi, la France est aujourd'hui montrée du doigt pour sa mauvaise gestion.

Ce collectif ne fait que constater un dérapage de 26 milliards. Et nous avons tout lieu de craindre, compte tenu de la forte baisse des recettes fiscales, qu'il en aille de même en 2002. D'ailleurs, ce collectif est truffé de dispositions contestables qui reviennent à racler les fonds de tiroirs : 400 millions par ci, 460 par là. M. d'Aubert a parlé des sociétés d'autoroutes mais on pourrait donner bien d'autres exemples de cette tendance générale à chercher l'argent là où on peut le trouver.

Quant au chômage, il a régressé certes, mais il remonte depuis que la conjoncture se retourne. Ce qui amène d'ailleurs à douter que sa baisse antérieure ait été imputable à la politique du Gouvernement, et en particulier aux 35 heures.

Vous comprendrez dans ces conditions que nous souhaitions un renvoi en commission de ce collectif, nouvelle étape de la politique économique peu glorieuse que vous menez depuis 1997, la même hélas que celle qui avait été mise en _uvre au cours d'une période où la France a connu la seule récession de son histoire depuis la Seconde Guerre mondiale. La situation aurait pourtant pu être totalement améliorée (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, cet après-midi, mercredi 5 décembre, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 55.

            Le Directeur-adjoint du service
            des comptes rendus analytiques,

            Louis REVAH

Top Of Page

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 5 DECEMBRE 2001

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (n° 3384).

M. Didier MIGAUD, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 3427).

M. Jean-Yves LE DRIAN, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées. (Avis n° 3428).

3. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 3316) de modernisation sociale.

MM. Philippe NAUCHE et Gérard TERRIER, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.(Rapport n° 3385, Titres I et II).

VINGT-ET-UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale