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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 5950).

ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES (p. 5950)

Mmes Martine David, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

CRISE FINANCIÈRE ET SPÉCULATION (p. 5950)

MM. Jean-Marc Ayrault, Lionel Jospin, Premier ministre.

PROTECTION DES PERSONNELS

DES SERVICES DE TRANSPORT (p. 5952)

MM. Jacques Fleury, le président, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN (p. 5952)

MM. Jean Bardet, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS (p. 5953)

MM. Jacques Myard, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

FINANCEMENT DE LA PUBLICITÉ POUR LES 35 HEURES (p. 5954)

Mmes Françoise de Panafieu, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉVISIONS DE CROISSANCE (p. 5955)

MM. Pierre Méhaignerie, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

CONTRATS LOCAUX DE SÉCURITÉ (p. 5955)

MM. Yves Bur, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

ÉLECTION LÉGISLATIVE PARTIELLE D'AUBAGNE (p. 5956)

MM. Franck Dhersin, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

PERSPECTIVES DE CROISSANCE EN 1999 (p. 5957)

MM. Alain Belviso, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

REVALORISATION DES PENSIONS DE RETRAITE (p. 5958)

M. Patrick Malavieille, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ACTIVITE ÉCONOMIQUE EN MARTINIQUE (p. 5958)

MM. Alfred Marie-Jeanne, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

REDÉPLOIEMENT DES FORCES DE SÉCURITÉ (p. 5959)

MM. Gaëtan Gorce, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Suspension et reprise de la séance (p. 5960)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

2. Loi d'orientation agricole. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 5960).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 5960)

Article 1er (suite) (p. 5960)

Amendements identiques nos 2 de M. Lamy, 38 de M. Jacob, 237 de M. Micaux, 502 de M. Gérard Voisin et 642 de M. Proriol : MM. Robert Lamy, Christian Jacob, Pierre Micaux, François Patriat, rapporteur de la commission de la production ; Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Patrick Ollier. Rejet.

L'amendement no 719 de M. Dutreil n'a plus d'objet.

Amendement no 828, rectifié de M. Bouvard : MM. Michel B ouvard, le rapporteur, le ministre, Patrick Ollier, Jacques Blanc. Rejet.

Amendements identiques nos 3 de M. Lamy, 39 de M. Jacob, 227 de M. Estrosi, 238 de M. Micaux, 260 de M. Nicolin et 506 de M. Sauvadet : MM. Robert Lamy, Serge Poignant, Pierre Micaux, Germain Gengenwin, le rapporteur, le ministre. Rejet.

Amendement no 71 de la commission de la production, avec le sous-amendement no 505 de M. Sauvadet : MM. le rapporteur, le ministre, Jean Proriol, Germain Gengenwin. Rejet du sous-amendement no 505 ; adoption de l'amendement no

71. Amendement no 291 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre, Jacques Blanc, Joseph Parrenin, Germain Gengenwin. Rejet.

Amendement no 72 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Blanc.

- Adoption.

Amendement no 73 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. Adoption.

Amendement no 294 de M. Jacob, amendements identiques nos 292 de M. Mariani et 643 de M. Proriol, et amendement no 731 de M. Marchand : MM. Christian Jacob, Jean Proriol, Mme Marie-Hélène Aubert, MM. le rapporteur, le ministre, Patrick Ollier, Jean-Pierre Balligand, Gérard Saumade, Jacques Blanc. Rejets.

Amendement no 547 de M. Veyret : MM. Alain Veyret, le rapporteur, le ministre, François Guillaume, Jacques Blanc. Adoption.

Amendements nos 74 rectifié de la commission et 546 de Mme Perrin-Gaillard : Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. le rapporteur. - Retrait de l'amendement no 74 rectifié.

M. le ministre. - Adoption de l'amendement no 546.

Amendements nos 645 de M. Proriol et 508 de M. Sauvadet : MM. Jean Proriol, Germain Gengenwin, le rapporteur, le ministre, Maurice Adevah-Poeuf, Jacques Blanc. - Rejets.

Amendement no 732 corrigé de M. Marchand : MM. JeanMichel Marchand, le rapporteur, le ministre, Germain Gengenwin. - Rejet.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

Amendement no 830 de M. Leyzour ; MM. Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre, Charles de Courson, Joseph Parrenin. - Retrait.


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Amendement no 733 de M. Marchand : Mme Marie-Hélène Aubert, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Claude Lemoine. - Adoption.

Amendement no 75 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 5973)

Amendement no 575 de M. Parrenin : MM. le rapporteur, le ministre, Charles de Courson, Félix Leyzour, Maurice Adevah-Poeuf. - Adoption.

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

Amendement no 577 de M. Peiro, avec le sous-amendement no 936 de M. Leyzour : MM. Germinal Peiro, Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre, le président, Jacques Blanc, Charles de Courson. - Adoption du sous-amendement no 936 et de l'amendement no 577 modifié.

Avant l'article 2 (p. 5976)

Amendement no 298 de M. Jacob : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre, Jacques Blanc. - Rejet.

Article 2 (p. 5978)

M me Marie-Hélène Aubert, MM. Pierre Méhaignerie, Jacques Blanc, Stéphane Alaize, Jean-Pierre Baeumler, Jean-Claude Chazal, Jean-Claude Daniel, Maurice Janetti, C hristian Paul, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean Auclair, Camille Darsières, Pierre Goldberg, Gabriel Montcharmont, Bernard Perrut, Robert Lamy, Gérard Saumade.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 5989).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe socialiste.

ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES

M. le président.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, samedi dernier s'est tenue la journée d'action de la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés. Les différentes interventions qui ont eu lieu à cette occasion ont souligné les limites de la réglementation actuelle et le désarroi des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, tout particulièrement celles dues à l'amiante.

Le Gouvernement a déjà exprimé tout son intérêt pour ces questions en commandant il y a déjà plusieurs mois au professeur Claude Got un rapport à ce sujet qui, à l'instar de celui rédigé par M. Deniel, a mis en évidence les injustices criantes que l'on constate aujourd'hui et qui sont inacceptables.

Vous avez, pour votre part, annoncé samedi différentes mesures à même de mieux répondre à ces problèmes g raves. En conséquence, pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur les dispositions qui peuvent être prises rapidement afin d'améliorer la situation douloureuse des salariés concernés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, vous avez raison d'insister sur ce qui peut être considéré, à juste titre, comme révoltant, ces 1 400 000 accidents du travail par an et, surtout, ces 700 morts qui sont absolument insultantes pour un pays comme le nôtre. Chacun de ces accidents doit nous amener à réagir, de même que les maladies professionnelles dont le professeur Deniel nous a montré qu'elles étaient encore sous-déclarées.

Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour accélérer la prévention. Dès l'année dernière, sur le plan réglementaire, j'ai fait en sorte que les travailleurs temporaires bénéficient d'une meilleure radioprotection sur les chantiers nucléaires. Nous nous sommes battus au niveau européen pour que les fibres de substitution et l'amiante soient mieux contrôlées, car c'est aujourd'hui un problème majeur dans notre pays, et le rapport de Claude Got est en train d'être pris en compte dans l'ensemble des propositions sur l'amiante.

La loi de financement de la sécurité sociale que nous allons adopter dans quelques jours sera l'occasion d'aller encore plus loin, notamment pour garantir aux victimes des droits évidents.

L es maladies professionnelles sont insuffisamment reconnues. Les caisses mettent, en effet, énormément de temps à répondre, et nous allons fixer un délai incontournable de trois mois. Deuxièmement, les dossiers ne peuvent pas être rouverts alors même que certains salariés ne connaissent pas le lien entre leur maladie et leur travail. Nous allons changer les règles pour que l'ensemble des dossiers des travailleurs de l'amiante qui souffrent aujourd'hui de maladies graves puissent être rouverts.

Eu égard au brouhaha qui règne ici, il semble que cette question majeure n'intéresse pas tout le monde et j'en suis désolée car nous sommes là au coeur du monde du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous allons par ailleurs améliorer la réparation des maladies professionnelles telles que les pneumoconioses, les lombalgies et les dorsalgies. Il est dommage que cela n'ait pas été fait auparavant.

Enfin, nous allons respecter une promesse qui n'avait pas été tenue, à savoir la mensualisation des rentes d'accidents du travail demandée depuis longtemps par la FNATH et par les accidentés du travail. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Tel est l'ensemble du programme qui va de la prévention et de la réparation au contrôle que nous mettons en oeuvre.

J'ajoute, madame la députée, que les 130 contrôleurs du travail supplémentaires dont nous disposerons en 1999 seront affectés en sections d'inspection pour contrôler les risques graves, les situations dues à l'amiante et l'hygiène et la sécurité dans les petites et moyennes entreprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes collègues, je voudrais que nous reprenions de bonnes habitudes. Je vous demande d'éviter un brouhaha qui est très pénible pour tout le monde.

Ayez la gentillesse de rester silencieux.

CRISE FINANCIÈRE ET SPÉCULATION

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le Premier ministre, un certain nombre de pays, tout particulièrement en Asie, ont connu l'été dernier une très grave crise financière.

Celle-ci se manifeste depuis quelques semaines par une


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chute des valeurs boursières, y compris en Europe, mouvement qui, à l'évidence, présente des aspects spéculatifs sans lien avec la réalité des économies concernées. Enfin, le récent sommet du G 7 a émis un message qu'il conviendrait de préciser.

Pouvez-vous nous donner votre analyse de cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Je tiens à souligner d'abord, mesdames, messieurs les députés, que les ministres qui, avec moi, accompagnaient le Président de la République...

M. Jacques Myard.

Bonnes fréquentations ! (Sourires.)

M. le Premier ministre.

... au sommet franco-italien de Florence ont vraiment fait le plus vite possible pour être avec vous et participer à cette séance de questions d'actualité ! (Applaudissements et sourires sur divers bancs.)

Nous aurions pu être tentés de flâner quelque peu du côté des Offices...

M. Philippe Auberger.

Il ne faut pas confondre les tentations de Florence et la tentation de Venise ! (Sourires.)

M. le Premier ministre.

Nous sommes donc là, et je suis heureux, monsieur le député, de répondre à votre question, en l'absence de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, retenu à Washington, qui nous rejoindra bientôt, les questions posées par M. Ayrault, qui nous intéressent tous, ayant par ailleurs une dimension politique.

Pour ma part, j'ai été extrêmement intéressé, et cela devrait vous intéresser tous, de voir surgir ces derniers temps dans l'opinion et dans les médias l'interpellation suivante : mais que font les politiques ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

Qui vous demandait ça ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Les communistes !

M. le Premier ministre.

Je vous rappelle, et cela nous concerne tous, qu'il y a quelques mois encore, on demandait surtout aux politiques de ne pas s'occuper des problèmes économiques internationaux et de laisser fonctionner les marchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais quand les désordres se répandent, quand la spéculation flambe, quand, à l'évidence, des dysfonctionnements éclatent dans le système financier et monétaire international, vers qui se tourne-t-on ? Effectivement vers les politiques, parce qu'ils représentent les Etats, force d'organisation dans la communauté internationale, et parce qu'ils représentent la légitimité des peuples. Et c'est en fonction des peuples que doivent être organisés le système monétaire international...

M. Jacques Myard.

A Amsterdam ?

M. le Premier ministre.

... et le système financier.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Baratin !

M. le Premier ministre.

La réponse aux désordres d'aujourd'hui doit se faire à mon sens sur trois plans, national, européen et international. (« Prétentieux », sur quelq ues bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Sur le plan national, la politique que conduit le Gouvernement depuis quinze mois vise à assurer la plus forte croissance possible dans le respect des équilibres, et notamment des critères budgétaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Nous avons su en quinze mois relancer la consommation et, à partir de là, l'investissement au point que ces deux moteurs de la croissance ont pu prendre le relais d'une conjoncture internationale affaiblie.

Le projet de budget pour 1999, dont vous aurez l'occasion de débattre,...

M. Jacques Myard.

Il est déjà dépassé !

M. le Premier ministre.

... a été aussi un choix qui apparaît pertinent. Ceux qui, considérant que la croissance étant déjà là et non menacée, nous pressaient de rogner sur les dépenses publiques avaient tort, je crois.

En assurant un niveau minimal de progression des dépenses publiques, nous assurons un effet antidéflationniste minimal face à la conjoncture économique actuelle.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Je souhaite que les acteurs de la vie économique en France - salariés, consommateurs, chefs d'entreprise s'appuient sur ce climat nouveau dans notre pays, sur ces moteurs de l'investissement et de la croissance pour lutter résolument contre les conséquences spéculatives de la bulle financière sur l'économie réelle.

Nous devons par ailleurs agir sur le plan européen. En effet, les pays de l'Union européenne réalisent entre eux 90 % de leurs échanges, ce qui veut dire que, si nous menons des politiques de croissance dans l'Union européenne, nous aurons la possibilité de résister en partie aux effets de cette crise internationale : d'où une politique de baisse des taux d'intérêt que nous approuvons, d'où une politique concertée des politiques économiques pour soutenir davantage la croissance, et le changement en Allemagne à cet égard nous apparaît comme un facteur posit if pour relayer les préoccupations françaises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Enfin, il nous faut agir sur le plan international. La désorganisation des marchés n'est pas une fatalité et la globalisation des échanges implique une volonté d'organiser de façon plus harmonieuse les échanges commerciaux, mais aussi financiers et monétaires, à l'échelle internationale.

Ce qui s'est passé à Washington avec le G 7...

M. André Santini.

Rien !

M. le Premier ministre.

Ce n'est pas l'opinion du Président, mais enfin, on a le droit d'avoir des différences ! (Sourires.)

Ce qui s'est passé au G 7 est un premier pas en avant.

A court terme, le premier communiqué a insisté sur la croissance, la transparence financière et la solidarité avec les pays émergents. A moyen terme, les propositions


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françaises contenues dans un mémorandum présenté à nos partenaires de l'Union par le Gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, ont reçu un accord favorable. L'architecture de reconstruction du système monétaire et financier mondial que nous proposons est donc considérée avec intérêt par nos partenaires européens.

Il y a eu un premier pas à Washington mais nous devons aller plus loin. Comme je ne veux pas être trop long, monsieur le président...

M. André Santini.

Vous ne l'êtes pas !

M. le Premier ministre.

Merci, monsieur Santini.

Le ministre de l'économie et des finances nous rejoindra bientôt et pourra vous donner le compte rendu des entretiens de Washington, soit demain, soit la semaine prochaine.

Je voudrais ajouter simplement que nous voulons nousmêmes aller plus loin : accroître rapidement les ressources du FMI, transformer l'actuel comité intérimaire en un véritable conseil jouant le rôle d'un gouvernement, imposer des règles prudentielles dans le système bancaire international, veiller à agir par rapport aux mouvements spéculatifs à court terme.

Voilà les grandes idées françaises qui ne sont d'ailleurs pas seulement les idées du Gouvernement. Elles s'inscrivent dans une longue histoire nationale dans le domaine monétaire international. J'espère que nous pourrons nous rassembler pour porter ces idées avec nos partenaires européens, puis les concrétiser dans le système financier international, afin que les données de l'économie réelle ne soient pas perturbées par les égarements de l'économie virtuelle qu'est à beaucoup d'égards la spéculation internationale.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste.)

PROTECTION DES PERSONNELS DES SERVICES DE TRANSPORTS

M. le président.

La parole est à M. Jacques Fleury.

M. Jacques Fleury.

Ma question s'adresse à M. Queyranne.

Les agressions nombreuses et répétées dont sont victimes les agents de la SNCF, de la RATP ou d'autres services de transport sont tout à fait inacceptables. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Les mouvements de grève que déclenchent les agents de ces services sont la manifestation compréhensible de leur exaspération, même si l'on peut regretter que des milliers d'usagers en soient malheureusement les victimes.

Quelles mesures fortes le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour mettre fin à ce cycle de violence, assurer la protection des personnels et rétablir ainsi le bon fonctionnement des services publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Avant de donner la parole à M. le ministre de l'intérieur par intérim, je me fais, j'en suis sûr, l'interprète de tous, mes chers collègues, en transmettant nos pensées amicales à Jean-Pierre Chevènement.

(Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministe de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, votre préoccupation est partagée par le Gouvernement. Il est intolérable que des agents de service public, des conducteurs d'autobus, des conducteurs de trains soient agressés. Il est intolérable que des usagers soient pris en otage et subissent eux aussi des violences. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le ministre des transports a décidé il y a quelques mois avec la SNCF de développer la présence humaine et de renforcer les effectifs dans les gares, dans les trains, et de mettre en place des systèmes d'alarme et de surveillance. C'était indispensable.

Des agressions ont eu lieu ces derniers jours, d'abord sur une ligne de la gare Saint-Lazare. Elles ont entraîné un arrêt de travail sur ce secteur, et nous avons tout de suite pris des dispositions en liaison avec M. Gallois, président de la SNCF. Nous avons affecté une compagnie républicaine de sécurité à ce secteur et des consignes ont été données aux différents commissariats pour qu'ils intensifient leurs actions dans les gares et les transports en commun.

Ce matin, nous avons rencontré le président de la RATP, M. Bailly. Nous avons prévu de déployer deux compagnies républicaines de sécurité dans les transports en commun parisiens.

Voilà des dispositifs immédiats. Mais, en même temps, il faut agir à plus long terme, en particulier dans le cadre des contrats locaux de sécurité. L'objectif, en liaison avec la RATP et la SNCF, est de renforcer celui de Paris comme ceux de l'agglomération parisienne. A Paris, par exemple, dans le cadre de la réforme de la préfecture de police, nous avons prévu de fusionner les différents services qui assurent la sécurité des réseaux de façon à avoir une plus grande sécurité sur le terrain.

La détermination du Gouvernement est entière. Il s'agit de faire reculer l'insécurité et, avec M. le ministre des transports et Mme la ministre de la justice, nous souhaitons étudier notamment comment on pourrait aggraver les peines de ceux qui agressent des conducteurs d'autobus ou des agents de transport.

Il est indispensable que les services publics de transport puissent fonctionner dans des conditions normales avec toute la sécurité à laquelle les usagers et les personnels ont droit. Je tiens à vous le confirmer et à vous assurer de notre détermination sur ce terrain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le 22 septembre, à grand renfort médiatique, était organisée une journée sans voiture. Le taux de pollution aurait baissé de 20 % et je m'en réjouis. Mais, ce même jour, la grève du RER C qui durait depuis une semaine continuait. Tant pis pour les usagers ! Le 29 septembre, sans préavis, les employés de la SNCF de Paris-Saint-Lazare se mettaient en grève parce que l'un des leurs avait été agressé, et je partage leur colère, mais


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cette grève, associée à celle du RER C, causait des embouteillages monstres dans Paris sans que personne ne se préoccupe de la pollution. Hier, pour des raisons analogues c'était au tour du RER D.

M. Queyranne vient de nous expliquer que des mesures sont prises depuis quelques mois. Je m'interroge sur leur efficacité au vu des événements récents. C'est pourquoi je vous poserai à nouveau une double question : quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour assurer la sécurité des agents et des usagers dans les transports publics, et quand reconnaîtrez-vous que l'institution d'un service minimum est devenue indispensable si vous voulez continuer à privilégier les transports en commun ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, permettezmoi d'abord d'exprimer aux conducteurs victimes d'agressions toute notre solidarité.

M. Yves Nicolin.

Des mots, des mots...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Jack Queyranne a répondu au sujet des douze dispositions prises par le ministère de l'intérieur au mois de décembre dernier, à la suite de toutes les agressions dont avaient été victimes les agents de la RATP ou des services publics de transport collectif.

M. Yves Nicolin.

Et voilà des dispositions qui marchent ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ces mesures sont des mesures concrètes.

M. Richard Cazenave.

Mais pas très efficaces.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

J'insisterai sur deux volets du problème.

D'une part, la nécessaire humanisation. Il faut renforcer non seulement la présence policière lorsqu'elle est indispensable - des dispositions sont prises en ce sens -, mais aussi la présence des effectifs des services publics de transport. En 1998, 550 agents seront plus particulièrement chargés d'assurer le contact avec le public. Nous allons poursuivre dans ce sens pour atteindre - toujours avec l'objectif de l'humanisation - 1 600 personnes.

D'autre part, les contrats locaux de sécurité : 117 ont été signés, dont 18 en Ile-de-France, dans le domaine des transports. Les municipalités qui ont signé ces contrats sont de tendances diverses, vous le savez.

M. Yves Nicolin.

Et ça ne marche pas ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Enfin, monsieur le député, eu égard à la gêne occasionnée par la grève de près de quatorze jours sur la ligne C du RER, j'ai demandé au syndicat des transports parisiens de consentir une réduction de 25 % aux détenteurs de carte orange et une réduction de 50 % aux titulaires d'un abonnement.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Thierry Mariani.

Il faut un service minimum !

M.

le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Par parenthèse, un service minimum a bien été assuré lors de cette grève puisque, selon mes informations, au moins un train sur deux ou sur trois fonctionnait.

M.

Bernard Pons.

Ce n'est pas vrai !

M.

le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je ferme ma parenthèse, car ce n'est pas ainsi que l'on va régler le problème. Nous sommes tous pour le droit de grève, mais, très honnêtement, ce n'est pas en mettant de l'huile sur le feu qu'on pourra trouver des solutions.

(Exclamations sur les mêmes bancs.) C'est plutôte n pratiquant la concertation et en apportant des réponses concrètes, ce que le Gouvernement s'efforce de faire avec les entreprises concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

M.

le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M.

Jacques Myard.

Monsieur le Premier ministre, vous en conviendrez aisément avec moi, les deux dernières réponses ministérielles, après que les banlieusards ont été laissés sur les quais, nous ont laissés sur notre faim.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Le service minimum dans les services publics, notamment dans les transports, est une nécessité nationale - que vous traitez pourtant d'un revers de main, monsieur Gayssot.

M.

Laurent Dominati.

Exactement.

M.

Jacques Myard.

Qu'il me soit permis de revenir sur la sécurité, la première de nos libertés, messieurs du Gouvernement, je vous le rappelle. N'est-il pas étrange que les statistiques du ministère de l'intérieur ne soient pas encore publiées ? Pourquoi ce silence, alors qu'il nous revient que l'insécurité et la délinquance ont augmenté de 3,3 % ces huit derniers mois ? Quelle est cette coupable négligence ? Volonté délibérée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ou incapacité à résoudre le problème, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M.

le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M.

Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outremer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, le Gouvernement a engagé sur le thème de la sécurité une action qui s'est traduite notamment, après Villepinte, par des mesures concrètes.

D'abord, par la signature de contrats locaux de sécurité : 120 sont déjà conclus avec les collectivités locales, 400 sont en préparation.

M.

Yves Nicolin.

Baratin !

M.

le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le travail sur la sécurité doit être conduit à la fois par les élus locaux, par les services de police et de gendarmerie et par tous les partenaires qui travaillent sur le plan local. En tant que maire, je crois que vous partagez ces préoccupations.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'est pas la question !

M.

le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

L'action du Gouvernement s'est traduite ensuite par un renforcement des dispositifs de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

sécurité dans les transports : des compagnies de sécurité y ont été placées. Je réunirai prochainement les directeurs départementaux de sécurité publique ainsi que les préfets de police de façon qu'une action effective soit menée dans les prochains mois.

La volonté du Gouvernement, monsieur le député, est bien de garantir et de préserver, je le confirme, la sécurité de nos concitoyens car elle est indispensable, en particulier dans les quartiers qui connaissent le plus de difficultés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

FINANCEMENT DE LA PUBLICITÉ POUR LES 35 HEURES

M.

le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu.

Monsieur le Premier ministre, ma question ne portera pas sur l'inadéquation entre les effets réels des 35 heures et le panégyrique qui en est fait dans une formidable campagne de publicité grâce aux affiches qui ont fleuri sur tous nos murs de France.

Mme Odette Grzegrzulka.

Campagne efficace !

Mme Françoise de Panafieu.

Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous indiquer quel coût ont supporté les finances publiques, c'est-à-dire le contribuable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Patrice Carvalho.

L'ISF !

Mme Françoise de Panafieu.

... pour faire les louanges de votre politique ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Et le coût de la publicité faite par la mairie de Paris ?

M. Didier Boulaud.

Et Tibéri ?

Mme Françoise de Panafieu.

Pouvez-vous nous certifier que toutes les procédures réglementaires nécessaires pour assurer ce financement...

M. Michel Lefait.

Et Tibéri ?

Mme Françoise de Panafieu.

... je veux dire la mise en concurrence, la passation de marchés et le visa du contrôle financier, ont été scrupuleusement respectées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Et à l'hôtel de ville de Paris ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir qualifié de « formidable » une campagne qui est, en effet, à la hauteur de son objectif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) : 35 heures pour mieux faire fonctionner les entreprises (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), permettre aux salariés de travailler en meilleure harmonie avec leur vie familiale et faire reculer le chômage dans notre pays.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

J'étais hier matin chez Samsonite, une entreprise d'un grand groupe américain : elle a réduit ses horaires à 35 heures et a créé plus de 8 % d'emplois supplémentaires !

M. François Bayrou.

Ce n'est pas la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le chef d'entreprise, président pour l'Europe, a très clairement affirmé : « Je n'ai pas peur des 35 heures. »

M. Rudy Salles.

Et la question ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

« Cela me permet, dit ce président, d'anticiper, de mieux travailler, cela m'empêche de délocaliser et, en plus, je crée de l'emploi. »

(« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Quant aux femmes salariées qui ont obtenu dès mercredi la première semaine des vacances d'hiver en temps libre, elles étaient heureuses et elles nous l'ont dit, fières en outre d'avoir permis à trente-trois personnes d'entrer dans cette entreprise.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour en revenir à la campagne de publicité, elle s'est faite de manière totalement transparente, donnant lieu à un appel d'offres, et j'ai moi-même fait part, lors d'une conférence de presse fin juillet, de son coût, 25 millions de francs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Vasseur.

25 millions !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Attendez ! Je vais en venir à vos campagnes ! Un service téléphonique a été créé, qui reçoit aujourd'hui 200 appels par jour.

M. Philippe Vasseur.

Quand même 25 millions !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un site Internet a été ouvert, qui a d'ailleurs permis à un garagiste de passer aux 35 heures il y a quelques semaines.

(Rires sur les mêmes bancs.)

Un flash hebdomadaire, La Dépêche 35 heures, permet de faire circuler en France l'ensemble des accords signés dans ce domaine.

Un document publié à 700 000 exemplaires a été envoyé aux entreprises.

Telle est donc cette campagne que vous avez vousmême qualifiée de « formidable ».

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Richard Cazenave.

Combien de contrats signés ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Puis-je me permettre, madame la députée, de la comparer avec son enjeu, que je viens de signaler, à deux campagnes réalisées par le précédent gouvernement ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

La campagne « Mesures urgentes pour l'emploi », dont les prestations ont consisté essentiellement en une insertion dans la presse quotidienne régionale et en une annonce radio sur six stations, a coûté 20 millions de francs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Quant à la campagne « Rencontres nationales pour l'emploi », dont l'objectif était de faciliter les contacts entre les chefs d'entreprise et les demandeurs d'emploi, elle a coûté 34,8 millions de francs.

(Exclamations, applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Voilà la réalité ! Notre pays connaît aujourd'hui un formidable mouvement de négociations sociales.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour la première fois, peut-être, des chefs d'entreprise peuvent indiquer aux salariés ce dont ils ont besoin pour mieux fonct ionner, et les salariés peuvent dire comment ils souhaitent mieux travailler et mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle. En plus, des dizaines de milliers de chômeurs retrouvent l'espoir.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

J'en ai rencontré quelques-uns hier, madame la députée. Allez dans votre circonscription, à la rencontre de ceux qui viennent d'être embauchés grâce aux 35 heures. Il y en a quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande d'être attentifs parce que l'acoustique est particulièrement défaillante cet après-midi.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

PRÉVISIONS DE CROISSANCE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances ou à M. le Premier ministre, puisque le ministre de l'économie et des finances n'est pas là.

J'ai eu la curiosité de relire, avant le débat budgétaire, nos débats en 1992 sur le budget.

(« Aïe, aïe, aïe » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Jean Glavany.

Drôles d'occupations !

M. Pierre Méhaignerie.

Le Premier ministre était alors Pierre Bérégovoy. En octobre 1992, les prévisions de croissance avaient été fixées par le Gouvernement à 2,6 %.

Elles nous semblaient trop optimistes. Les arguments qui nous étaient alors opposés ressemblent à ceux que vous employez aujourd'hui, monsieur le Premier ministre. En effet, le président de la commission des finances estimait que les fondamentaux de notre économie étaient bons et que la France disposait des atouts d'une économie assainie. Quant au ministre du budget, il considérait que notre pays s'en sortait beaucoup mieux que ses voisins et que nous réalisions l'une des meilleures performances des grands pays industriels.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Quel fut le résultat ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues, sur quelque banc que vous siégiez, je vous demande un peu de silence !

M. Pierre Méhaignerie.

Le résultat ? La croissance fut négative et les déficits de la sécurité sociale explosèrent, passant de 15 à 50 milliards tandis que le déficit de l'Etat grimpait de 160 à 350 milliards de francs.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il fallut quatre ans d'efforts et de sacrifices aux Français pour remonter la pente ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du Groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Et la dette de Balladur ?

M. Pierre Méhaignerie.

Aujourd'hui, alors que les i ncertitudes s'aggravent, le budget est construit sur l'hypothèse d'un dollar à 6 francs. Nous en sommes loin ! L e devoir du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, n'est-il pas de tirer des leçons de l'expérience passée ? Le devoir du Gouvernement n'est-il pas d'éviter au Parlement un débat budgétaire tronqué ?

M. François Rochebloine.

Très juste !

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement se prépare-t-il à gérer les dépenses publiques face à un ralentissement de la croissance, pour ne pas renouveler les erreurs de 1992 que les Français et les gouvernements successifs ont dû réparer ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, vous aimez les leçons d'histoire. Si je cherchais une référence dans le passé, j'irais la chercher en 1987.

(« Chirac ! », sur les mêmes bancs.)

Cette année-là, le monde a été secoué par une crise financière et l'action concertée - Dominique Strauss-Kahn est en train de s'attacher aujourd'hui à la même tâche - a permis de redresser la situation et d'ouvrir une période de croissance vigoureuse.

(Vifs applaudissements et rires sur les mêmes bancs.)

M. Richard Cazenave.

En 1987, c'était nous qui étions au pouvoir !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Certes, comme je l'ai appris, comparaison n'est pas raison, mais il est un point dont je voudrais vous donner acte. S'il y a une erreur qui ne doit pas être commise de nouveau, c'est celle qui a été faite en 1995 : au moment où la croissance redémarrait dans notre pays, la majorité d'alors, vous en l'occurrence, a majoré la TVA de deux points et a brisé net l'expansion.

Nous sommes quant à nous partisans du soutien de la demande intérieure. Vous verrez. J'ai confiance dans la croissance de la France l'an prochain. Elle sera solide parce qu'elle repose sur la demande intérieure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.) CONTRATS LOCAUX DE SÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Je voudrais revenir sur les violences et les agressions - elles ne sont pas nouvelles, malheureusement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

- contre les agents de la RATP et de la SNCF. Elles scandalisent nos concitoyens et provoquent la paralysie d'une partie des services publics.

Les violences dans les transports publics, mais aussi les incendies de voitures et la délinquance des mineurs émeuvent nos concitoyens. Malgré les effets d'annonce du conseil de sécurité intérieure, la mise en oeuvre des c ontrats locaux de sécurité est décevante. Fallait-il attendre que la violence redouble pour annoncer l'envoi de 200 CRS pour épauler des emplois-jeunes dépassés par des missions auxquelles ils n'ont pas été formés ? Faute de volonté politique réelle et d'une véritable réflexion sur l'organisation des missions de police, aucune stratégie, sauf un saupoudrage hâtif de CRS sur les points chauds, n'est proposée pour accroître l'efficacité de la lutte contre la petite délinquance. Le sentiment d'insécurité ne cesse d'augmenter. L'Etat se contente trop facilement de demander des efforts à sens unique aux communes, qui n'ont ni la compétence ni les moyens pour assurer la sécurité publique. Les efforts de prévent ion et d'accompagnement social entrepris par les communes ne remplaceront jamais l'action conjuguée de la police et des autorités judiciaires pour faire respecter la loi. Nos concitoyens attendent maintenant des résultats.

Que compte faire le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que les contrats locaux de sécurité deviennent enfin de véritables outils, je veux dire des outils efficaces, au service de la lutte contre la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministère de l'intérieur par intérim, pour une réponse courte.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, les contrats locaux de sécurité ont une vocation préventive, comme vous l'avez indiqué, mais aussi dissuasive, par la présence des forces de police et de sécurité, et répressive, par la liaison établie avec le dispositif de la justice.

Ils traduisent la volonté de traiter les problèmes de sécurité dans leur intégralité et de ne pas opposer prévent ion et répression. Nous agissons donc bien sur l'ensemble de ces terrains et je me félicite que les partenariats se soient mis en place, notamment avec les collectivités locales.

Sur les problèmes de sécurité, vous le savez, il ne faut pas simplement se contenter de déclarations, il faut aussi agir concrètement sur le terrain, en faisant en sorte que tous les acteurs de la vie locale concernés par ces problèmes puissent travailler ensemble. Et je crois que les contrats locaux de sécurité porteront leur effet, dans la mesure où les collectivités locales y participent avec beaucoup d'efficacité, notamment dans le cadre des conseils communaux de prévention de la délinquance.

C'est en agissant sur tous ces terrains que nous pourrons, j'en suis persuadé, faire reculer l'insécurité et répondre à ce droit fondamental de nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

ÉLECTION LÉGISLATIVE PARTIELLE D'AUBAGNE

M. le président.

La parole est à M. Franck Dhersin.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Franck Dhersin.

Monsieur le Premier ministre, le 27 septembre dernier, le groupe Démocratie libérale et Indépendants aurait dû compter deux députés de plus et non un seul, c'est-à-dire Bernard Deflesselles et moimême. Démocratie libérale a été volée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Comment pourrait-on accepter les résultats de l'élection législative d'Aubagne, alors qu'ils ont été modifiés quatre fois en moins de quarante-huit heures ?

M. Thierry Mariani.

Ce qui est scandaleux !

M. Franck Dhersin.

Comment pourrait-on croire que l'élection s'est déroulée dans des conditions normales, alors que l'écart annoncé entre le candidat de la gauche et celui de Démocratie libérale est passé de 870 voix à 260, puis à 60, pour terminer à 20 ?

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. François d'Aubert.

Les communistes sont des tricheurs !

M. Patrice Carvalho.

C'est vous les tricheurs !

M. Franck Dhersin.

Comment ne pas supposer qu'il y a eu fraude manifeste, alors qu'une série de pannes informatiques est intervenue lors de la centralisation des résultats ? Comment ne pas être révolté, alors que la mairie d'Aubagne a communiqué à la presse des résultats erronés pour quatre bureaux de vote, accordant plus de 300 voix supplémentaires à l'un des candidats par rapport aux résultats enregistrés à la préfecture des Bouches-duRhône ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Face à ces fraudes (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) contraires à l'esprit de l a République, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre, monsieur le Premier ministre, afin que les élections aient lieu dans la transparence et dans le respect des lois ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'ai déjà souligné à quel point l'acoustique était aujourd'hui déplorable. On ne peut, malheureusement, rien y faire avant la fin de cette séance - j'espère que ce sera possible après -, mais, au moins, n'aggravez pas la situation par des bruits intempestifs.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, cette question, que je n'ai pas entendue en entier, compte tenu du bruit (Exclamations sur les mêmes bancs) ...

M. Franck Dhersin.

Je peux la répéter ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... est, en fait, une non-question.

(Protestations sur les mêmes bancs.) Vous contestez une élection législative qui vient de se dérouler.

M. Thierry Mariani.

Une magouille ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le juge du contentieux électoral en la matière est le Conseil constitutionnel : il se prononcera en temps voulu sur les recours formés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

PERSPECTIVES DE CROISSANCE EN 1999

M. le président.

La parole est à M. Alain Belviso. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Les députés du groupe communiste et quelques députés du groupe socialiste se lèvent. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De nombreux députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Tricheur ! Tricheur !

M. Alain Belviso.

Monsieur le président, mes chers collègues (« Tricheur ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ...

M. le président.

Mes chers collègues, s'il vous plaît !

M. Alain Belviso.

J'ai tout mon temps ! (« Tricheur ! » sur les mêmes bancs.)

M. Arnaud Lepercq.

Voleur !

M. Alain Belviso.

La priorité donnée partout à la Bourse (« Tricheur ! » sur les mêmes bancs) et à la spéculation financière sur l'emploi (Même mouvement.)

M. le président.

Mes chers collègues !

M. Alain Belviso.

... est en train de déboucher sur une crise financière majeure.

(« Tricheur ! » sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, ne m'obligez pas à suspendre la séance !

M. Alain Belviso.

En dépit de l'euro qui était censé nous protéger (Huées sur les mêmes bancs)...

M. le président.

Mes chers collègues, je le répète, ne m'obligez pas à suspendre la séance ! Monsieur Belviso, vous avez seul la parole.

M. Alain Belviso.

En dépit de l'euro qui était censé nous protéger, disais-je, des menaces de plus en plus tangibles se confirment (Exclamations sur les mêmes bancs) sur la croissance en Europe et en France.

M. François d'Aubert.

Menteur !

M. Alain Belviso.

(Poursuivant pendant que l'ensemble des députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocracie française-Alliance scandent « Tricheur, tricheur ! ») C'est la vie quotidienne de chacun qui est directement concernée. En effet, en dessous de 2,5 % de croissance, la France ne peut espérer faire reculer le chômage. (« Tricheur ! » de plus en plus fort sur les mêmes bancs.)

Or un point de croissance en moins, c'est 150 000 emplois de perdus ! (Même mouvement.)

Des prévisionnistes craignent une hausse du chômage qui susciterait un ralentissement de la consommation. Ce qu'il faut sauver, ce n'est pas le droit des marchés financiers de poursuivre leurs errements, c'est la coopération, le codéveloppement des peuples et l'emploi.

(« Tricheur ! » en bruit de fond continue sur les mêmes bancs.)

De plus en plus de voix s'élèvent pour un desserrement de la politique budgétaire et monétaire en Europe et dans le monde pour relancer les dépenses tant industrielles que sociales, afin de soutenir la demande. L'institut français des relations extérieures, évoquant le pacte de stabilité, indique la nécessité de sortir du carcan d'une politique monétaire restrictive.

(Même mouvement.)

M. François d'Aubert.

Voleur de voix !

M. Alain Belviso.

Soutenir la demande en France appelle d'augmenter le SMIC et les salaires, d'aller plus loin dans les baisses ciblées de TVA prévues dans le budget, de prendre des mesures à caractère fiscal afin de pénaliser la spéculation au profit de la création qualifiée, mais aussi pour favoriser l'accès à un crédit au coût abaissé, notamment pour les PME-PMI.

Monsieur le ministre, quelles dispositions allez-vous prendre pour que la croissance soit au moins de 2,7 % en 1999 et pour que se poursuive la baisse du chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Usurpateur !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, je suis heureux de répondre à votre première question devant cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour vous rassurer et pour rassurer les Français, j'évoquerai les solides arguments qui nous permettent d'avoir confiance dans la croissance de la France.

La perspective de l'euro contribue à une grande stabilité monétaire et à une baisse des taux d'intérêt qui, comme vous l'avez souhaité, bénéficiera aux PME.

En ce qui concerne le budget, nous bénéficierons d'une croissance autonome, tirée par la demande intérieure : demande des consommateurs qui progressera l'an prochain, notamment grâce aux baisses de TVA ; demande


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

des entreprises qui sortent de six années de somnolence en matière d'investissement puisque la demande d'investissement des entreprises est repartie et sera consolidée par la réforme de la fiscalité locale.

Enfin, s'agissant des dépenses, elles vont, comme l'a indiqué M. le Premier ministre, progresser de 1 % en volume, ce qui signifie que, l'an prochain, le moteur de la demande publique soutiendra la croissance, contrairement à ce que certains prétendent sur d'autres bancs.

Cela dit, il faut ête vigilant compte tenu de la situation internationale. Bref, l'an prochain, la politique budgétaire sera mise au service de la croissance et de la justice sociale, je vous le promets. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

REVALORISATION

DES PENSIONS DE RETRAITE

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Aujourd'hui et dans les prochains jours, de nombreux retraités, avec l'ensemble de leurs organisations, manifestent et manifesteront.

Depuis des années, ces retraités expriment des revendications claires et simples. Premièrement, ils réclament le retour à l'indexation des pensions sur les salaires que le gouvernement de M. Balladur avait remise en cause. Ils demandent aussi que soit mis en oeuvre sans tarder l'engagement qu'avait pris le Premier ministre, dans une lettre qu'il leur avait adressée le 23 mai 1997, de revaloriser chaque année les retraites au rythme des salaires nets.

Deuxièmement, ils refusent que leur pouvoir d'achat se réduise du fait de la hausse des prélèvements qu'ils subissent - cotisations sociales, CSG, CRDS - alors que leurs pensions résultent des cotisations qu'ils ont versées pendant de longues et nombreuses années.

M. Arnaud Lepercq.

Et la répartition, qu'en faitesvous ?

M. Patrick Malavieille.

Enfin - dernière revendication importante pour les retraités -, ils souhaitent être représentés dans les instances de décision les concernant, comme s'y étaient d'ailleurs engagés et le Président de la République et le Premier ministre.

Madame la ministre, quelles réponses entendez-vous a pporter à ces revendications légitimes portées par l'ensemble des retraités de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, les retraités, qui représentent aujourd'hui 20 % de nos concitoyens, seront 25 % en 2015 et 32 % en 2040.

Il est inutile de souligner que leur place est essentielle dans notre société, notamment en raison des relations qu'ils peuvent entretenir avec leurs petits-enfants - il ne faut pas oublier cet aspect des choses quand on parle des flux financiers propres aux retraités.

Le Premier ministre est totalement conscient que l'inquiétude majeure des Français est celle de l'avenir de leurs retraites. C'est la raison pour laquelle il a confié mission au Commissariat général du Plan d'entreprendre, sous le triptyque « diagnostic-dialogue-décision », un travail complet sur l'avenir de nos retraites, sachant que, par le passé, des régimes particuliers ont parfois été montrés du doigt avant même que soit posé un diagnostic réel sur la contribution des retraités appartenant à ces régimes, sur le niveau des retraites qu'ils percevaient et sur leur évolution démographique.

Nous disposerons de ce bilan dans quelques semaines.

Il donnera lieu à une grande concertation et à un large débat public, car je ne crois pas qu'on puisse parler de l'avenir des retraites dans un cabinet ministériel ou même simplement ici, au Parlement.

En attendant les mesures qui seront prises, le Gouvernement a pris d'ores et déjà deux décisions.

En premier lieu, il entend mettre en place un fonds de réserve auquel seront affectés non seulement les excédents de la sécurité sociale - 2 milliards de francs, dès l'année prochaine - mais aussi d'autres crédits. Des décisions plus lourdes seront prises ultérieurement.

En second lieu, nous n'avons pas souhaité continuer, cette année, à appliquer strictement la loi de 1993, ce qui aurait conduit à une augmentation des retraites de seulement 0,7 % dans la loi de financement pour 1999. En affichant 1,2 % d'augmentation des retraites, les retraités bénéficieront d'un pouvoir d'achat complémentaire de 0,5 %, ce qui représente un coût de 1,7 milliard de francs, auquel il faut ajouter 1,3 milliard de francs pour l'ensemble des prestations liées aux retraites du régime général. C'est important dans la mesure où le déficit de la branche retraite sera encore de 6 milliards de francs en 1999.

La revalorisation des pensions de retraite devra être examinée au coeur d'une réflexion d'ensemble qui sera engagée au début de l'année prochaine. Mais, d'ores et déjà, vous voyez bien que nous tournons le dos à ce qui a été fait par le passé puisque, depuis cinq ans, le pouvoir d'achat des retraités était rogné par l'augmentation de la CSG et du RDS, ainsi que par deux augmentations, en 1996 et en 1997, de cotisations sociales spécifiques aux retraités, augmentations que le Gouvernement n'a évidemment pas souhaité faire perdurer.

Enfin, vous avez raison de souligner que nous ne pouvons pas engager cette réflexion sans la participation de représentants des personnes âgées. Ils sont aujourd'hui représentés dans les conseils nationaux de gérontologie, de la vie sociale, de la vie associative où je viens de les intégrer et, bien sûr, ils participent aux travaux du Commissariat général du Plan. Nous devons - et nous y réfléchissons actuellement avec le Premier ministre - étendre cette représentation au Conseil économique et social, car les personnes âgées sont aujourd'hui des citoyens à part entière avec qui nous devons compter : ils occupent une part importante dans notre société. C'est avec eux que nous ferons évoluer les retraites. J'espère que nous élaborerons ensemble une grande réforme afin que le doute ne subsiste plus dans l'esprit des Français en matière de retraites.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE EN MARTINIQUE

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

La question s'adresse à M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Le rapport Eurostat, qui vient d'être publié, prétend démontrer, à tort ou à raison, que le niveau des prélèvements obligatoires - 46,3 % du produit intérieur brut et 19,3 % des charges sociales - serait une cause aggravante de certains handicaps de l'économie française.

Que penser alors de la situation en Martinique, caractérisée par l'existence de nombreuses petites structures fortement endettées, et par un taux de chômage de 28,8 %. Ces petites structures « grognent », car elles disent crouler sous le faix du fardeau sans réel espoir de s'en sortir.

Vous voulez des chiffres ? En voici, en voilà : augmentation de 20 % des redressements et de 16 % des liquidations judiciaires, ce qui a entraîné la perte supplémentaire de 800 emplois entre 1996 et 1997. Et cette dégradation va s'accélérant.

En attendant la mise en oeuvre d'un régime fiscal relevant de la compétence territoriale, adapté aux réalités du pays et tenant compte des intérêts des divers partenaires en présence, quelles mesures urgentes envisagez-vous de prendre concrètement, monsieur le ministre, pour arrêter cet emballement qui provoquera, si rien n'est fait à temps, un véritable effondrement de tout un pan de l'activité économique de la Martinique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, en ce qui concerne la situation économique de la Martinique, je ne dispose pas exactement des mêmes informations que vous. J'ai le sentiment que l'économie de la Martinique suit la croissance rapide de la métropole et que, en matière de redressements et de liquidations judiciaires, il n'y a pas d'inflexion.

Mais là n'est pas l'essentiel. Vous appelez l'attention du Gouvernement sur le développement économique des départements d'outre-mer. Je voudrais vous montrer à quel point, dans le domaine fiscal comme dans celui des dépenses - et mon collègue Jean-Jack Queyranne reviendra sur ce point lors du débat budgétaire -, le Gouvernement est attaché au développement économique des départements d'outre-mer en général et de la Martinique en particulier.

En matière de fiscalité, c'est normalement le droit fiscal de la métropole qui s'applique en outre-mer. Toutefois, on y constate des exceptions qui me semblent justifiées. Ainsi, les entrepreneurs individuels bénéficient d'un abattement de 30 % sur leur impôt sur le revenu, les entreprises nouvelles s'installant dans les départements d'outre-mer sont exonérées du paiement de la taxe professionnelle et de l'impôt sur le bénéfice des sociétés. De même, toutes les entreprises profitent d'un abattement de deux tiers sur l'impôt sur le bénéfice des sociétés. Ces dis positions constituent autant d'encouragements au développement de l'activité et de l'emploi.

Je rappelle aussi que, outre-mer, les taux de TVA sont dérogatoires : 9,5 % pour le taux normal, 2,1 % pour le taux réduit. Et je n'évoque que pour mémoire la défiscalisation des investissements outre-mer, certes corrigée à la marge, mais qui garde son plein effet sur l'emploi.

Au total, ces dispositions fiscales, qui représentent un montant de l'ordre de 14 milliards de francs, sont la preuve tangible et concrète de l'intérêt de l'Etat pour le développement des départements d'outre-mer.

Quant au budget de l'outre-mer, il devrait se caractériser par une progression de 10 % des crédits de soutien au développement local, par un doublement des emploisjeunes l'année prochaine, par une multiplication des solutions d'insertion et par une augmentation de 55 % de la ligne budgétaire unique, bien connue des spécialistes, augmentation qui devrait permettre de soutenir l'activité du bâtiment. Le débat budgétaire vous apportera des précisions complémentaires.

Je veux simplement vous assurer, monsieur le député, que le Gouvernement est très attaché au développement des départements d'outre-mer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous revenons à une question du groupe socialiste.

REDÉPLOIEMENT DES FORCES DE SÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce.

Avant d'aborder le fond de ma question, j'aimerais simplement indiquer à mon collègue de l'opposition Franck Dhersin qu'avant de se draper du voile de la vertu et de mettre en doute la probité de certains élus, il ferait mieux d'attendre que soient réglés les contentieux électoraux qui le concernent personnellement, en particulier s'agissant des élections cantonales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Arnaud Lepercq.

L'avenir tranchera !

M. Gaëtan Gorce.

J'en viens au fond de ma question, relative à la sécurité.

Le Gouvernement a souhaité faire de la sécurité l'une des priorités de son action, et nos compatriotes se félicitent de sa détermination à lutter contre la petite délinquance et à organiser les services de police et de gendarmerie en fonction de tels enjeux.

Toutefois, des interrogations subsistent, liées notamment au redéploiement des forces de police et de gendarmerie.

(« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.) L'application brutale de certaines dispositions, par exemple le décret Juppé de 1996, se traduirait par des fermetures tout aussi brutales de commissariats et de brigades et par un affaiblissement de zones rurales ou urbaines déjà touchées par les réductions de services publics.

Les élus ainsi que la population se sont félicités de la réorientation de la concertation à laquelle nous assistons depuis quelques jours. Ils se félicitent aussi que le Gouvernement ait souhaité rappeler que ses priorités visaient non pas à opposer ville et campagne ou police et gendarmerie, mais bien au contraire à assurer une meilleure complémentarité et une meilleure efficacité des forces de police et de gendarmerie.

Pour autant, des inquiétudes subsistent et je souhaiterais que le Gouvernement nous indique comment il entend poursuivre cette réforme, en créant les conditions d'une véritable concertation, qui est absolument nécessaire sur le terrain, et en prenant en compte les exigences l égitimes d'un aménagement équilibré du territoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, l'objectif du Gouvernement est d'assurer une meilleure répartition des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie sur le territoire national.

Vous savez que la carte de la répartition est ancienne et qu'elle n'a pas pris en compte certaines évolutions intervenues notamment du fait du développement de l'urbanisation et des banlieues.

Un projet avait été présenté au conseil de sécurité inté rieure et les préfets ont été saisis de propositions dans le courant du mois d'août. Pour tenir compte des réactions des élus locaux et des organisations syndicales, nous avons décidé de reprendre la consultation sur ce dossier.

M. Fougier, conseiller d'Etat, ancien préfet de police, a été chargé par le Gouvernement de préparer un rapport après avoir auditionné pendant trois mois les élus, tous les groupes intéressés et les organisations syndicales.

M. Fougier, que mon collègue Alain Richard et moimême avons rencontré, doit se rendre dans toutes les régions. Il a prévu, d'ici à la fin de décembre, des réunions de concertation sur place, en liaison avec les préfets. Ainsi, la consultation que vous appelez de vos voeux...

M. Arnaud Lepercq.

Et la concertation avec les représentants du peuple ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... pourra évaluer l'efficacité de notre dispositif de sécurité et la répartition de nos forces. Mais je partage votre point de vue : il ne faut pas opposer la police à la gendarmerie, ni la ville à la campagne. Il s'agit d'imaginer ce que doit être, à la fin de ce siècle, le dispositif le plus efficace pour assurer une sécurité égale, un droit à la sécurité égal à tous nos concitoyens.

Tels sont les objectifs du Gouvernement et, je le répète, la consultation va se dérouler dans les trois mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M.

le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. Michel Péricard.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M.

le président.

La séance est reprise.

2

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Suite de la discussion après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M.

le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1058).

Discussion des articles (suite)

M.

le président.

Hier, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 2 à l'article 1er

Article 1er (suite)

M.

le président.

Je rappelle les termes de l'article 1er :

« Art. 1er I. La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture. Elle a pour objectifs :

« l'installation en agriculture, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture ;

« l'amélioration des conditions de production et l'amélioration du revenu des agriculteurs ainsi que la parité des garanties sociales avec les autres catégories sociales, à contributions équivalentes ;

« la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires diversifiés répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries agro-alimentaires et aux exigences des consommateurs ;

« une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;

« la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;

« la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l'entretien des paysagers ;

« la production de services collectifs au profit de tous les usagers de l'espace rural ;

« la promotion des produits agricoles sur le marché national et les marchés internationaux.

« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à ces objectifs.

« La politique agricole est mise en oeuvre en concertation notamment avec les collectivités territoriales et les organisations professionnelles représentatives.

« II. L'article 1er de la loi no 80-502 du 4 juillet 1980 est abrogé. »

Je suis saisi de cinq amendements identiques nos 2, 38, 237, 502 et 642.

L'amendement no 2 est présenté par M. Robert Lamy ; L'amendement no 38 est présenté par MM. Jacob, Poignant, Robert Lamy, Demange, Quentin, Angot et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; L'amendement no 237 est présenté par M. Micaux ; L'amendement no 502 est présenté par M. Gérard Voisin ; L'amendement no 642 est présenté par MM. Proriol, Kergueris et Goulard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin du septième alinéa du I de l'article 1er , supprimer les mots : ", et l'entretien des paysages". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

La parole est à M. Robert Lamy, pour soutenir l'amendement no

2.

M.

Robert Lamy.

Il ne s'agit nullement ici de remettre en cause le rôle des agriculteurs en matière d'environnement. Mais que les choses soient claires : reconnaître aux exploitants agricoles la fonction d'entretien des paysages conduirait à accepter qu'ils exercent une activité identique à celle des entreprises du secteur non agricole, dans des conditions de concurrence anormale.

M.

le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement no

38.

M.

Christian Jacob.

Mon argumentation sera comparable à celle de mon collègue. L'entretien des paysages est assuré et a toujours été assuré par les agriculteurs. Du fait même de leur activité de production.

L'entretien de nos espaces est donc induit par l'activité agricole. L'en isoler, le déconnecter de la production reviendrait à admettre qu'il peut constituer la seule vocation et la seule mission des agriculteurs. C'est cela qui est sous-jacent à la réflexion qui vous a conduit, à l'article 2, à la création des contrats territoriaux d'exploitation.

Mon amendement lèverait toute ambiguïté. Un agriculteur ne peut pas avoir comme seule vocation l'entretien des paysages. C'est par l'ensemble de ses activités de production qu'il entretient, qu'il aménage les payages et qu'il contribue à l'économie locale.

M.

le président.

La parole est à M. Pierre Micaux, pour défendre l'amendement no 237.

M.

Pierre Micaux.

Je serai très bref, mais je tiens à défendre une position un peu différente de celle de notre ami Jacob. L'aménagement de l'espace constitue un tout indivisible au plan fiscal ou social. Et les commerçants et les artisans méritent d'être soumis aux mêmes règles de concurrence que tout le monde.

M.

le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour donner l'avis de la commission sur les cinq amendements identiques.

M. François Patriat, rapporteur.

Trois raisons ont conduit la commission à rejeter ces cinq amendements.

Nous expliquer que, en vertu de ce texte, la seule fonction des agriculteurs serait désormais d'entretenir les paysages est un faux procès. Nous avons rappelé hier que si leur fonction première était de produire, ce n'était pas la seule.

L'agriculture est en effet multifonctionnelle, et c'est la deuxième raison du rejet de ces amendements. D'ailleurs tout le monde est maintenant satisfait que ce texte prenne en compte la multifonctionnalité de l'agriculture, c'est-à-dire son rôle économique, son rôle social et son rôle environnemental.

Enfin, il convient de lever toute ambiguïté et de distinguer multifonctionnalité et pluriactivité. La multifonctionnalité recouvre ici l'ensemble des actions menées par les agriculteurs. La pluriactivité suppose l'exercice de deux ou trois métiers. Faire croire qu'en reconnaissant aux agriculteurs le rôle qu'ils peuvent jouer, globalement, dans l'entretien des paysages on menacerait le monde artisanal, relève de la fausse accusation.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il ne s'agit évidemment pas, dans ce projet de loi, de faire en sorte que les agriculteurs viennent concurrencer les artisans paysagistes, qui exercent un métier différent, ou se substituer à eux.

En revanche, dans le cadre d'une définition générale des orientations de l'agriculture, il me semble important d'indiquer qu'une exploitation agricole participe, au sens large, à l'entretien des paysages.

Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je comprends votre argumentation, monsieur le ministre, mais si vous pensez que la mission d'entretien et d'aménagement du territoire et des paysages est exercée par les agriculteurs dans le cadre de leur activité de production, pourquoi le spécifier ? La manière dont le texte est présenté donne le sentiment que les agriculteurs ont une mission spéciale qui consiste à préserver les ressources naturelles et entretenir les paysages. Non l'agriculteur ne sera pas demain « entreteneur de paysages », c'est son activité même qui le conduit à entretenir et à aménager ces paysages.

Encore une fois, vous cherchez à nous orienter de façon détournée vers les contrats territoriaux en affectant des missions complètement à part.

M. André Angot.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, je relève un quiproquo, qu'à mon avis nous saurons écarter sans difficulté. Il touche à la perception qu'on peut avoir de la fonction d'agriculteur.

Le premier alinéa de l'article 1er traite des fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture.

La fonction naturelle de l'agriculteur, car cela fait partie de sa fonction de producteur, est effectivement d'entretenir le paysage.

L'alinéa 7, qui vise, entre autres, l'entretien des paysages, est donc redondant et laisse penser que cette fonction, qui est naturelle, pourrait devenir une fonction spécifique différenciée. D'où le quiproquo.

Pour prendre l'exemple des zones de montagne, que je connais bien, sans les agriculteurs qui, depuis des décennies, mènent les troupeaux dans les alpages, je n'arriverais pas à entretenir les pistes de ski de ma station de sports d'hiver. Sans les agriculteurs qui entretiennent les sentiers, le tourisme ne pourrait pas exister. Il est dans la nature même de leur fonction que de se livrer à une activité d'entretien.

Nous reconnaissons tout à fait cette fonction. Mais ne la mettons pas en exergue ! Ce n'est pas une fonction particulière, elle fait intrinsèquement partie de la fonction et du métier d'agriculteur.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2, 38, 237, 502 et 642.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

L'amendement no 719 de M. Duteil tombe.

M. Michel Bouvard a présenté un amendement, no 828 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter le septième alinéa de l'article 1er par l a phrase suivante : "Les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

la faune sauvage, ne doivent cependant pas mettre en péril la rentabilité économique des exploitations". »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

J'ai déjà défendu cet amendement, dont la place dans le cours de la discussion a été modifiée cette nuit. Je me contenterai donc de rappeler qu'il tend à introduire dans la loi d'orientation agricole le principe fondamental du droit de l'environnement, celui de l'équilibre entre coût et avantage. Le retour de certains grands prédateurs met en péril la rentabilité économique des exploitations, notamment s'agissant de l'élevage ovin.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement.

Certains problèmes, comme celui qu'a évoqué M. le député, ne sont pas infondés. mais si l'on s'arrête à chaque cas - ici, la réintroduction des grands prédateurs le texte s'alourdira et deviendra illisible.

Par ailleurs, la commission considère que la protection de l'environnement n'est pas de nature à venir contrecarrer la fonction économique première de l'agriculture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La formulation de cet amendement est inopportune. On semble opposer l'économie des exploitations et certaines actions en faveur de l'environnement, alors que je cherche précisément à les concilier.

Je n'ignore pas les problèmes posés par les loups aux éleveurs d'ovins, et j'ai chargé, avec Mme Voynet, M. Bracque de conduire une mission qui va permettre de trouver une solution acceptable par tous. Mais cela ne me semble pas justifier l'amendement proposé.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, je regrette que M. Bouvard ne se soit pas plus amplement exprimé sur cet amendement. Pour ma part, je suis particulièrement concerné, car mon département est aujourd'hui confronté à la réapparition du loup - un des deux grands prédateurs, avec le lynx.

Le Gouvernement est-il prêt, dans le cadre de la convention de Berne, à mettre en place des systèmes préservant le pastoralisme traditionnel français, sans pour autant s'engager dans une action d'extermination d'une espèce particulière ? L'amendement vise à prendre acte d'un changement considérable, qui n'est d'ailleurs pas le fait de l'homme.

La réapparition, naturelle, des grands prédateurs, qui bouleverse les données du pastoralisme montagnard, devient une donnée essentielle dans une loi d'orientation.

Cette réapparition est historiquement un événement exceptionnel. Et quand on y et confronté - une cinquantaine de bêtes ont été encore tuées dans mon département il y a quelques semaines - on ne peut que s'interroger. Nous attendons que, dans le cadre d'une loi d'orientation, le Gouvernement nous réponde - sans pour autant prendre des décisions empreintes de manichéisme.

L'amendement de M. Bouvard, extrêmement précis, établit une relation entre les obligations découlant de la nécessaire préservation de la faune et la rentabilité économique d'exploitation. Si l'on doit réaliser, dans les exploitations de haute montagne, tous les aménagements que certains services nous demandent, celles-ci ne seront plus viables. Une loi d'orientation doit nous indiquer comment appréhender ce problème. Comment le Gouvernement va-t-il nous aider à le résoudre ? Dites-le-nous, sinon, je crains, que dans les champs et dans la rue, les choses se passent d'une manière beaucoup moins sereine que dans cet hémicycle.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Nous sommes là dans l'essentiel. Le Gouvernement nous a dit qu'il entendait concilier production et protection de l'environnement. Dans ce cas, il faut suivre notre ami Bouvard ! On a parlé des loups. Je parlerai des cervidés et des sangliers qui, en Lozère ou dans les Cévennes, font des dégâts incroyables. Nous souhaitons un accord entre les agriculteurs et les chasseurs.

Cet amendement pouvait ouvrir la voie à la solution de vrais problèmes. Je regrette beaucoup que le Gouvernement refuse de suivre les propositions de notre collègue Bouvard.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Je regrette la position qui a été prise. On ne peut pas, d'un côté, admettre que le ministère de l'agriculture soutienne des investissements destinés à favoriser le développement de filières de viandes de qualité, d'agneaux d'alpages, des investissements dans des abattoirs de proximité et, de l'autre, laisser revenir les grands prédateurs qui vont déstabiliser les filières que l'on d éveloppe. Ce serait véritablement gaspiller l'argent public ! Au-delà du sort qui sera fait par la majorité à cet amendement - et j'en appelle au sens de la responsabilité de mes collègues -, une clarification s'impose concernant l'indemnisation des éleveurs - puisque indemnisation il doit y avoir.

Il n'est pas normal que les crédits du budget de l'agriculture servent à indemniser les éleveurs, alors qu'ils devraient servir au développement de l'agriculture. Il faudra bien que le ministère de l'environnement, qui nous impose le retour de ces grands prédateurs assume la responsabilité financière de ses exigences.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 828 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de six amendements identiques nos 3, 39, 227, 238, 260 et 506.

L'amendement no 3 est présenté par M. Robert Lamy ; L'amendement no 39 est présenté par MM. Jacob, Poignant, Demange, Angot, Robert, Lamy, Mignon et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; L'amendement no 227 est présenté par M. Estrosi ; L'amendement no 238 est présenté par M. Micaux ; L'amendement no 260 est présenté par M. Nicolin ; L'amendement no 506 est présenté par MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Heriaud, Lestas, Ligot et les membres du groupe Union pour la démocratie française - Alliance et apparentés.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le huitième alinéa du I de l'article 1er »

La parole est à M. Robert Lamy, pour soutenir l'amendement no

3.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Robert Lamy.

En proposant de supprimer le huitième alinéa portant sur la « production de services collectifs », notre volonté est de recentrer les objectifs de la politique agricole tout en respectant les autres activités exercées en milieu rural.

Il s'agit d'éviter une confusion entre politique agricole et politique rurale. Les agriculteurs ont un rôle important dans le milieu rural, qui tire par ailleurs avantage de la présence d'autres activités économiques comme l'artisanat, le petit commerce ou les professions libérales.

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant, pour défendre l'amendement no

39.

M. Serge Poignant.

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, vous avez voulu vous-mêmes faire la différence entre multifonctionnalité et pluriactivité. Si vous n'acceptez pas de supprimer cet alinéa, on restera dans la pluriactivité.

M. le président.

L'amendement no 227 de M. Estrosi est défendu.

La parole est à M. Pierre Micaux, pour défendre l'amendement no 238.

M. Pierre Micaux.

Le monde rural, c'est bien évidemment l'agriculture, cela saute aux yeux. Ce monde souffre de la disparition des exploitations agricoles, que nous regrettons tous mais aussi de la disparition des artisans et des petits commerçants. Alors, pour éviter des quiproquos et des procès, tenez compte de notre amendement !

M. le président.

Les amendements nos 260 et 506 sont défendus.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Je m'associe à tout ce qui a été dit. Monsieur le ministre, il faut éviter de créer une confusion entre politique agricole et politique rurale.

C'est l'objet même de cette série d'amendements de suppression.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Voilà encore un quiproquo. Je voudrais donc dire à mes collègues, en toute amitié, qu'il ne faut pas avoir une vision mesquine de cet alinéa.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) N'est-ce pas, monsieur Ollier ?

M. Christian Jacob.

Soyez modéré, monsieur Patriat !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous me connaissez monsieur Jacob, je le suis.

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Ollier et monsieur Jacob, je vais vous donner deux exemples : quand les agriculteurs replantent ou maintiennent des haies à la suite de remembrements parfois un peu abusifs, n'est-ce pas une action d'intérêt collectif ? De même, quand les agriculteurs sauvent des points d'eau pour leur intérêt personnel, c'est-à-dire pour l'exploitation, ou pour l'intérêt général, n'est-ce pas une action d'intérêt coll ectif ? On peut admettre que les termes « service collectif » puissent choquer. Mais ils ne doivent pas susciter la crainte chez les artisans, les commerçants, les entrepreneurs du monde rural auxquels nous sommes tous attachés. Nous n'imaginons pas en effet un monde rural dans lequel l'activité ne serait pas diverse, multiple, avec des ouvriers, des retraités, des commerçants, des artisans, des services publics et des agriculteurs. Simplement, en raison de cette complémentarité, les agriculteurs font aujourd'hui consciemment ou inconsciemment, parfois avec générosité, des actes d'intérêt général qui rendent se rvice à la société...

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. François Patriat, rapporteur.

... et pour lesquels ils n'ont jamais été rémunérés. La nouveauté de ce texte est de leur faire obtenir une forme de rémunération qui légitime par là même les aides.

J'ai donc déposé, au titre de la commission, un amendement no 71 qui répond à vos préoccupations. Il ne vise pas à supprimer l'alinéa, mais à remplacer les mots

« actions d'intérêt collectif » par les mots « actions d'intérêt général ». Il évitera tout quiproquo et toute confusion entre les actions collectives et l'intérêt général, défendu par le monde agricole.

Je vous propose donc, au nom de la commission, de rejeter les amendements identiques et de retenir l'amendement que je proposerai ultérieurement en substitution.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai écouté avec attention MM. Lamy, Micaux, Poignant et Gengenwin, ainsi que M. le rapporteur. Il ne s'agit pas de donner aux agriculteurs des missions qui relèveraient d'autres catégories socio-professionnelles. Toutefois, j'estime que l'activité agricole doit pouvoir concourir à des actions d'intérêt collectif pour l'ensemble du monde rural. Certains amendements, dont celui qu'évoquait à l'instant M. le rapporteur, vont nous permettre de lever toutes les ambiguïtés à ce sujet.

Au bénéfice de cette assurance je souhaite que ces amendements identiques soient retirés. Sinon, je demanderais leur rejet.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3, 39, 227, 238, 260 et 506.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. Proriol ont présenté un amendement, no 71, ainsi rédigé :

« Au début du huitième alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "la production de services collectifs", les mots : "la poursuite d'actions d'intérêt général". »

Sur cet amendement, MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Hériaud, Martin et Méhaignerie ont présenté un sous-amendement, no 505, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 71 par les mots : ", dans le respect d'une concurrence équilibrée et loyale,". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

71.

M. François Patriat, rapporteur.

Je l'ai déjà défendu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Je ne vais pas faire de procès en recherche de paternité à M. Patriat, mais il me semble me reconnaître dans la rédaction de cet amendement. Je suis heureux qu'il l'ait repris à son compte et fait adopter par la commission. Je le voterai donc.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir le sous-amendement no 505.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Germain Gengenwin.

Pour la clarté, il nous semble nécessaire de préciser que la diversification des activités agricoles doit se faire « dans le respect d'une concurrence loyale et équilibrée » avec le monde de l'artisanat et du commerce.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. François Patriat, rapporteur.

M. Proriol a tout à fait raison et sa recherche en paternité n'était pas inutile.

Comme pour une cinquantaine d'amendements, la rédaction proposée par l'opposition a rejoint la nôtre.

M. Patrick Ollier.

C'est plutôt l'inverse !

M. François Patriat.

Si vous voulez. En tout cas, je ne revendique pas la paternité de cet amendement. Disons qu'il s'agit d'un travail en commun. L'essentiel est de lever le quiproquo et de répondre aux attentes.

Monsieur Gengenwin, votre sous-amendement serait trés bien si on le prenait comme tel, s'il ne s'agissait que de faire respecter une « concurrence équilibrée et loyale ».

Mais imaginez tous les contentieux que peuvent induire ces mots. On va réclamer à leur suite « mêmes droits, mêmes devoirs, mêmes charges ».

Or vous comprenez bien qu'on ne peut pas comparer une action d'intérêt général mineure, qui s'exerce sur un point géologique ou géographique très précis, à l'activité classique des paysagistes ou des entreprises de travaux ruraux. Dans la petite commune de 187 habitants dont je suis le maire, il y a une entreprise qui paye la taxe professionnelle et qui a créé deux emplois. Il va de soi que je ne confierai pas aux agriculteurs les missions que je lui confie à elle. C'est une question de rationalité économique...

Pour prévenir les quiproquos qui pourraient résulter de ce sous-amendement, la commission propose de le rejeter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La remarque que j'ai faite au sujet de la concurrence à l'occasion de l'amendement no 291 de M. Guillaume vaut également pour le sous-amendement de M. Gengenwin : avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 505.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

71. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Guillaume, les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production M. Martin-Lalande et M. Fromion ont présenté un amendement, no 291, ainsi rédigé :

« Compléter le huitième alinéa du I de l'article 1er par les mots : "sans préjudice des possibilités pour d'autres acteurs du monde rural de participer à ces services collectifs dans des conditions de loyale concurrence entre tous". »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Nous ne cessons depuis hier d'évoquer l'éventualité d'une concurrence déloyale entre des agriculteurs assurant certains services collectifs et les entreprises existantes qui les effectuaient jusqu'à présent.

Il faudrait au moins préciser dans la loi que les acteurs habituels de ces services collectifs ne doivent pas être empêchés de poursuivre leurs activités du fait d'une concurrence déloyale des agriculteurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Je vais reprendre la même argumentation, mais en l'illustrant par l'exemple inverse, pour bien montrer le réalisme de notre proposition. Dans mon village, il y a une entreprise de travaux ruraux. Mais je connais bien d'autres petites communes isolées, dans le Morvan, dans le Rouergue, dans la Limagne ou ailleurs, où il n'y en a pas, au moins dans un rayon raisonnable. En pareil cas, c'est une bonne chose que le maire puisse confier des travaux à un agriculteur.

Il est arrivé à tous ceux d'entre vous qui n'ont pas d'entreprise capable d'effectuer le déneigement de demander à un agriculteur local de tirer un traîneau. C'est une action d'intérêt général, qui n'entre pas dans le champ de la concurrence. Eh bien, pour des travaux de cette nature, la loi que nous allons voter permettra de légitimer des financements publics et de reconnaître une fonction à l'agriculture.

M. le président.

J'en déduis, monsieur le rapporteur, que vous êtes opposé à cet amendement.

M. François Patriat, rapporteur.

Bien sûr !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'amendement présenté par M. Guillaume ne manque pas d'intérêt. Garantir des conditions de loyale concurrence est de nature à rassurer les artisans sur les objectifs de la politique agricole. Toutefois, la rédaction de l'amendement no 547, que nous allons examiner tout à l'heure, me paraît encore plus précise et plus claire. C'est pourquoi je suis défavorable à celui-ci.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Il n'est pas question, monsieur le rapporteur, d'empêcher les communes où il n'y a pas d'entreprises de travaux ruraux de faire appel à un agriculteur lorsque cela s'avère indispensable. Et l'amendement de M. Guillaume ne l'interdit pas. Il précise simplement que cela doit se faire « dans des conditions de loyale concurrence ». L'objectif est de dissiper un malaise, d'éviter que votre texte ne débouche sur une situation malsaine entre agriculteurs et artisans. Nous voulons au contraire créer une dynamique de vie dans l'espace rural, faire en sorte que les agriculteurs se sentent bien, que les artisans n'aient pas peur d'une concurrence déloyale et que tout le monde puisse concourir au maintien de la vie.

Vous avez parlé de votre commune, je pourrais parler de la mienne. La Lozère est peut-être l'espace rural par excellence, le laboratoire d'une vraie politique d'aménagement rural que nous avons mise en oeuvre. Il ne serait pas bon qu'on laisse s'y créer un divorce entre les agriculteurs et les artisans.

M. Christian Paul.

Quel laboratoire...

M. Jacques Blanc.

Oui, et qui marche !

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Je crois que nos collègues n'ont pas bien compris le sens de la multifonctionnalité, en ce qui concerne notamment les travaux qui pourraient être réalisés par les agriculteurs en dehors de leur exploitation.

Si l'on aborde ce problème sous l'angle de la concurrence, on sort du champ du projet de loi. Il n'est pas question que les agriculteurs entrent en concurrence avec les artisans. Il s'agit de leur confier des travaux d'intérêt général où ils ne seront justement pas en concurrence avec


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d'autres professions. Parler de concurrence loyale, c'est déjà poser le principe d'une concurrence qui n'a pas lieu d'être.

M. Patrick Ollier.

M. Parrenin nous donne raison !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Je crois savoir qu'à l'article 6, la commission a adopté un amendement qui règle en partie ce problème en indiquant qu'à partir d'un certain chiffre d'affaires, les travaux accessoires seront soumis à l'impôt.

Alors moi, je m'imagine avec ma petite casquette de maire et je me dis que l'on ne va tout de même pas me forcer à examiner les conditions de la concurrence avant de demander à un agriculteur de tondre le gazon du terrain de foot ! L'amendement de M. Guillaume me semble un peu restrictif, car il pourrait être opposé à tout agriculteur qui accepte un travail accessoire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 291.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 293 n'est pas défendu.

M. François Patriat, rapporteur, et M. Jean-Michel Marchand ont présenté un amendement, no 72, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le neuvième alinéa du I de l'article 1er :

« la promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification des produits agricoles et alimentaires et particulièrement ceux à haute valeur ajoutée ; » La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement, adopté par la commission à l'initiative de M. Marchand, souligne tout l'intérêt d'une politique de qualité et d'identification, permettant en particulier de développer prioritairement les produits à haute valeur ajoutée. Ces deux démarches d'avenir ont été largement abordées hier, dans les trente-huit interventions de la discussion générale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

J'insisterai sur l'identification, car nous ne gagnerons la bataille de l'agriculture et celle de l'exportation que si nous permettons aux consommateurs d'identifier clairement les produits, en particulier leur origine.

Les progrès réalisés par les producteurs de vin, dans lar égion Languedoc-Roussillon, par exemple, nous montrent que c'est en jouant la qualité, en apportant des éléments d'identification que l'on gagnera.

M. Joseph Parrenin.

Si l'on pouvait dire la même chose en politique : l'identification de Jacques Blanc, c'est difficile !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

72. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. Yvon Montané ont présenté un amendement, no 73, ainsi rédigé :

« Après le neuvième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« le développement de la formation et de la recherche agricoles. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

L'amendement no 73 a été adopté par la commission. La filière de la formation et de la recherche agricoles est un grand vecteur de progrès, auquel le projet de loi consacre un titre entier, le titre VI. Il est bon de le rappeler dès l'article 1er , qui définit le rôle de l'agriculture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

73. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 294, 292, 643 et 731, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 294, présenté par M. Jacob, les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production et M. Quentin, est ainsi rédigé :

« Après le neuvième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« une modernisation de la fiscalité agricole, une baisse du coût des transmissions et accompagner les évolutions juridiques et sociales des entreprises agricoles. »

Les amendements nos 292 et 643 sont identiques.

L'amendement no 292 est présenté par M. Mariani et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 643 est présenté par MM. Proriol, Giscard d'Estaing, Perrut, Kergueris et Goulard.

Ces deux amendements sont ainsi rédigés :

« Après le huitième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« - la modernisation de la fiscalité agricole ».

L'amendement no 731, présenté par M. Jean-Michel Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère, est ainsi rédigé :

« Après le neuvième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« la modernisation de la fiscalité des entreprises agricoles. »

La parole est à M. Christian Jacob, pour défendre l'amendement no 294.

M. Christian Jacob.

L'article 1er définit les objectifs assignés à l'agriculture. Il me semble donc essentiel d'y insérer un paragraphe spécifique sur la modernisation de la fiscalité agricole et la baisse du coût des transmissions, en vue d'accompagner les évolutions juridiques et sociales des entreprises agricoles.

On ne peut en effet bâtir une loi d'orientation qui, si elle se donne les mêmes perspectives que la précédente dans la durée, ignore complètement la nécessité d'une réforme de la fiscalité, des cotisations sociales et des outils de transmission, ayant notamment pour objet de faciliter l'installation.


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Le rapporteur nous a rappelé qu'il ne croyait pas au

« grand soir fiscal », et nous l'avons bien entendu. Mais inscrire aujourd'hui dans les priorités d'une loi d'orientation la modernisation de la fiscalité me semble indispensable. Les agriculteurs ne comprendraient pas que le législateur s'en dispense.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour défendre les amendements nos 292 et 643.

M. Jean Proriol.

Cet article d'orientation peut être considéré comme l'âme de la loi, en ce qu'il affiche clairement les objectifs qui conditionnent l'avenir de la politique agricole française. La modernisation de la fiscalité des entreprises agricoles ne peut être mise en marge des orientations qui sont données à l'agriculture et doit être considérée comme un chantier majeur de la politique agricole. Certes, la réforme des prélèvements fiscaux relève d'une loi de finances, mais il appartient à la loi d'orientation de fixer le cadre général de cette modernisation.

L'adaptation doit porter principalement sur trois points : aménager les régimes d'imposition, faciliter les transmissions - sujet sur lequel la loi reste muette - et, bien entendu, favoriser les efforts d'investissement.

Nous insistons pour que figure dans la loi d'orientation une orientation fiscale. Pour le moment, elle lui fait gravement défaut.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, pour soutenir l'amendement no 731.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Cet amendement va dans le même sens que les précédents. Certes, la fiscalité est un moyen, mais n'est pas une fin en soi. Néanmoins, elle représente un enjeu majeur dans l'orientation de la politique agricole. C'est en effet un outil de développement.

C'est aussi un outil d'équité et de solidarité. Ce doit être enfin un outil mis en cohérence avec la définition de l'actif agricole, l'une des problématiques abordées dans le projet de loi.

Il est vrai que cet amendement anticipe un peu sur la suite du projet. Toutefois, il nous paraît, à nous également, que la refonte et la modernisation de la fiscalité des entreprises agricoles, liées à une nouvelle définition de l'actif agricole, nous permettraient de sortir d'un certain flou qui subsiste dans la loi d'orientation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?

M. François Patriat, rapporteur.

Dans le débat sur les articles, nous aurons trois points essentiels de divergence : la fiscalité ; la définition et l'utilité du contrat territorial d'exploitation ; le contrôle des structures. J'y ajouterai peut-être la politique de qualité, compte tenu de l'enjeu qu'elle représente.

Il s'agit d'une loi d'orientation et non pas de modernisation. Elle a pour but de définir les missions et les moyens de l'agriculture. La fiscalité peut être un moyen, je vous l'accorde.

M. Jean-Claude Lemoine et M. Arnaud Lepercq.

Et comment !

M. François Patriat.

Dans mon intervention d'hier, j'ai moi-même insisté, comme beaucoup d'entre vous, sur le fait qu'il est temps d'engager une vraie réflexion à ce sujet. J'étais parlementaire en 1982 et déjà membre d'un groupe de travail sur la fiscalité agricole. Les discussions avec Bercy étaient déjà difficiles. Nous avons, petit à petit, au fil des sessions budgétaires, pris des mesures positives, et que les agriculteurs ont saluées comme telles, en matière de stocks ou de plus-values.

A l'occasion de ce débat, j'attendais des propositions.

En effet, moderniser la fiscalité, cela ne veut rien dire. Il faut indiquer les outils fiscaux sur lesquels on veut intervenir.

M. Christian Jacob.

Il y a des propositions concrètes d'amendements !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Jacob, je ne vous interromps jamais !

M. Christian Jacob.

Mais ce que vous dites ne veut rien dire !

M. François Patriat, rapporteur.

Oh ! je le sais bien, et je sais aussi que vous ne dites que des vérités.

M. Christian Jacob.

Merci de le reconnaître ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

Mais il est des moments où la vanité dépasse ce que l'on est prêt à tolérer.

Qu'est-ce que la modernisation de la fiscalité ? C'est la suppression de la disparité. Entend-on par là une mise à niveau pour tout le monde ? La soumission au régime fiscal général ? Avant de lancer des slogans : « Fiscalité ! Fiscalité ! », j'aimerais bien que l'on fasse l'inventaire de ce qui, pour l'instant, est bénéfique au monde agricole et de ce qui peut lui porter préjudice. Il ne faudrait pas revendiquer tous les avantages d'autres corporations et prétendre en même temps ne pas perdre les siens. Dans toute réforme fiscale - je l'ai vu ces jours-ci avec la taxe professionnelle ou précédemment quand on a mis aux normes les bases des cotisations sociales agricoles - chacun pense qu'il va y gagner. Les viticulteurs de Bourgogne ou du Bordelais n'y ont pas vraiment gagné !

M. Jacques Blanc.

Ni ceux du Languedoc !

M. François Patriat, rapporteur.

En l'occurrence, on a résolu le problème en décidant de ne pas faire figurer de volet fiscal dans la loi d'orientation. Mais il est clair, monsieur le ministre, que cette loi doit être suivie de mesures fiscales dans les budgets à venir. C'est pourquoi nous avons adopté après l'article 64 un amendement qui fait obligation au Gouvernement de déposer non pas un simple rapport qui permettrait d'évacuer le problème, mais un rapport ayant pour objet de déterminer, en accord avec la profession, les mesures fiscales à mettre en oeuvre demain.

Je suis l'élu d'une région où les problèmes fiscaux se posent avec acuité : transmission, stocks, revenu réel et revenu comptable, investissement. Le dossier est difficile.

Je vous accorde qu'il nous faudra le traiter dans les années à venir. Je ne suis pas sûr qu'il ait sa place dans ce texte de loi.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission a rejeté vos amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai eu l'occasion hier, à plusieurs reprises, de revenir sur cette question et je ne doute pas que les jours qui viennent m'en donneront encore la possibilité. C'est un chantier que j'ai lancé en concertation avec les organisations professionnelles. Dès que nous serons en présence d'un projet cohérent, il sera traduit en loi de finances.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le rapporteur, je suis vraiment étonné que, dans une loi d'orientation dont l'objet est de fixer les principes qui vont présider à l'avenir de


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l'agriculture française, vous refusiez de prendre la précaution d'inscrire la volonté que vous affirmez - et je vous crois - de moderniser la fiscalité agricole et d'influencer, par la mise en oeuvre de mesures adaptées, tant les transmissions d'entreprise que les coûts de production.

Vous dites qu'il est difficile de discuter avec Bercy, et je sais que c'est exact, mais ce dialogue serait sans doute moins ardu, si un article d'une loi de la République contraignait Bercy à exécuter la loi.

Vous avez aussi indiqué que vous alliez demander un rapport sur ce sujet, un de plus ! Vous savez que j'ai été rapporteur d'une loi d'aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Balligand.

On peut en parler !

M. Patrick Ollier.

A ce titre, j'ai cru, moi aussi, avec enthousiasme et malheureusement avec un peu de naïveté, que demander des rapports permettait de résoudre les problèmes. Or j'attends toujours les rapports et les problèmes ne sont pas résolus. Pourtant la loi prévoyait leur élaboration. Pas plus que le gouvernement précédent ou celui d'aujourd'hui n'a produit le moindre rapport.

C'est pourquoi nous voudrions que, dans une loi qui va fixer les orientations de notre agriculture pour l'avenir, soient mentionnées la modernisation de la fiscalité et son adaptation en fixant quelques principes - dont nous pouvons discuter - afin que le Gouvernement ait l'obligation d'y satisfaire dans les mois et dans les années qui viennent.

Nous fixons les principes généraux. Or la modernisation, l'adaptation de la fiscalité doit faire partie des principes généraux qui conduiront l'évolution de l'agriculture française.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, j'ai déjà évoqué la nécessité de cette réforme. D'ailleurs mon amendement, vise non seulement la modernisation de la fiscalité, mais aussi l'abaissement des coûts de transmission et l'accompagnement des évolutions juridiques et sociales des entreprises agricoles. On ne saurait définir les orientations de l'agriculture sans prendre en compte ces outils.

Des propositions concrètes concernant ces sujets existent et elles apparaîtront dans la suite de la discussion. M. le rapporteur le sait bien, puisque nous les avons examinées en commission. Pour l'instant, il s'agit simplement de planter un jalon. Ne nous répondez pas pour autant que l'on ne peut rien faire en matière de fiscalité.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur a initié la démarche en instaurant la dotation de provision pour investissement. Nous souhaitons la faire monter en puissance et un excellent amendement sera présenté par M. de Courson, tendant à la création d'une dotation permettant d'alimenter les fonds propres des entreprises agricoles qui posent un problème délicat.

En effet, au cours des dix premières années d'existence d'une exploitation, un jeune agriculteur doit non seulement faire face au remboursement de ses annuités d'emprunt, mais aussi créer un fonds de roulement.

Aujourd'hui si vous avez besoin d'un tracteur de 70 CV, vous pouvez trouver un financement pour en acheter un de 110 CV. En revanche, si vous avez besoin d'un fonds de roulement, élément essentiel à la pérennité d'une entreprise, vous n'avez droit à aucune aide financière.

Nous souhaitons donc que tous ces éléments de modernisation soient pris en compte dans la loi. Il ne me semble pas du tout démagogique de prévoir de les inscrire au titre des objectifs à atteindre au cours des dix ou quinze ans à venir.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Ainsi que M. le rapporteur l'a souligné, il convient avant tout d'éviter de gonfler le texte. Avec de nombreux collègues, j'ai participé à la discussion de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire. Nous n'avons fait preuve d'aucun sectarisme et j'espère que vous ferez de même en ce qui concerne le monde agricole.

M. Arnaud Lepercq.

Bien sûr !

M. Jean-Pierre Balligand.

Ne réitérons pas les bêtises commises lors de l'élaboration de la loi Pasqua dans laquelle, mon cher collègue Ollier, vous n'avez cessé d'ajouter des dispositifs. A force d'en inclure, elle est devenue une énorme usine à gaz inutilisable.

M. Patrick Ollier.

Cela n'a aucun rapport avec mes propos !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je préfère une loi très lisible, simple, assortie d'un engagement du Gouvernement d'en tirer les conséquences dans les lois de finances. Il n'est pas utile de prévoir de nombreuses lois ultérieures, comme l'avait fait la loi Pasqua sur l'aménagement du territoire, ce qui n'était que du remplissage. Il suffira, une fois la concertation terminée avec les organisations socioprofessionnelles, d'inscrire dans les lois de finances ultérieures les dispositions concrètes subséquentes à la loi d'orientation.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Fixons au moins les principes dans la loi d'orientation.

M. Jean-Pierre Balligand.

Je vous propose du travail législatif sérieux. Nous devrions tous éviter de chercher à trop gonfler le texte issu du travail en commission.

Je comprends que les positions à l'égard des dispositions retenues divergent, mais il ne sert à rien de s'y opposer outre mesure puisqu'elles ont été plutôt bien perçues dans le monde agricole et par les organisations socioprofessionnelles.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Monsieur Jacob, il ne faut pas jouer à l'opposition systématique pour que dans la presse on atteste qu'existe ici une opposition radicale.

M. Arnaud Lepercq.

Elle n'est pas radicale !

M. Christian Jacob.

Non, constructive !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je sais très bien que tel est votre souci, mais il est hors de propos pour ce texte compte tenu de la position des organisations agricoles.

Ce texte doit donc être le plus simple possible et fixer des orientations. Celles qui ont été définies sont novatrices, nous venons de le voir lors de l'examen de l'article 2. Nous aurons ainsi une loi qui tiendra la route et nous évitera de renouveler les expériences malheureuses que nous avons connues, même quand vous étiez dans la majorité. Alors que certaine grande loi d'orientation devait tout changer, y compris pour le monde rural, nous avons vu ce qu'il en a été pour les zones de revitalisation rurale : un « bide » complet !

M. Patrick Ollier.

C'est de la provocation ! Il va nous obliger à répondre !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Je suis un peu surpris de la façon dont nos collègues prêtent la main au rêve des inspecteurs des finances qui espèrent toujours faire payer davantage


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d'impôts aux agriculteurs. A cet égard, il faut bien le reconnaître, les agriculteurs ont tout intérêt à ce que nous demeurions discrets.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Patrick Ollier.

Et pourquoi ?

M. Arnaud Lepercq.

Nous n'avons rien à cacher !

M. Gérard Saumade.

Ceux qui connaissent bien la question savent ce que je veux dire.

(Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Que voulez-vous dire ?

M. Patrick Ollier.

Tout est transparent !

M. Gérard Saumade.

Vous savez très bien que ce que je dis est vrai ! Il vaudrait donc mieux être discret.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Patrick Ollier.

Expliquez-vous !

M. Gérard Saumade.

Ecoutez, je vous en prie, nous vous avons laissé parler !

M. le président.

Je vous en prie, seul M. Saumade a la parole !

M. Patrick Ollier.

Qu'il s'explique !

M. Gérard Saumade.

Merci, monsieur le président ! En revanche, il est inadmissible qu'il subsiste des problèmes en matière de droits de transmission et de succession. Depuis un siècle, en effet, les agriculteurs sont chaque fois obligés de repayer leurs terres. En tout cas, n'insistez pas trop sur la question fiscale. Parler de la modernisation de la fiscalité prendra à Bercy un tout autre sens qu'ici !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Je me permets d'abord de souligner que la loi Pasqua comportait des éléments très forts.

M. Patrick Ollier.

Merci !

M. Jacques Blanc.

Elle a fait naître une grande espérance et je regrette que le Gouvernement n'emprunte pas le chemin qu'elle avait ouvert.

J'en viens à la loi d'orientation. Un tel texte doit être fait pour donner des signes forts. Nous voulons tous nous battre pour multiplier les installations. Cela doit ressortir de nos débats ! J'espère que cette démarche nous entraînera à traiter des problèmes du droit à produire, des excès de plantations. Nous devons par exemple multiplier les signes pour favoriser les installations et chacun sait que les problèmes fiscaux freinent leur développement.

Notre collègue Gérard Saumade vient de le rappeler.

Vous savez également que, pour beaucoup d'exploitations agricoles, le fait de ne pas pouvoir reporter d'une année sur l'autre des bénéfices ou des déficits provoque des situations impossibles.

On ne peut pas ignorer non plus que certaines situations exigent le maintien de l'imposition au forfait, même si elle est parfois contestée, car sa suppression aurait des incidences très douloureuses en matière de cotisations sociales.

Par contre, il faut moderniser la fiscalité en rendant les amortissements possibles. Au moment où l'on veut faire un signe à ceux qui espèrent dans l'agriculture et favoriser une agriculture qui exporte, qui va de l'avant, qui maintient de la vie dans l'espace rural et qui croit en ellemême, on ne peut pas oublier la fiscalité.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Certes, il nous paraît prématuré d'exprimer des propositions concrètes dans le domaine fiscal, puisque la modernisation de la fiscalité agricole doit être cohérente avec les orientations nouvelles que définira la loi et que nous soutenons. Nous voterons donc contre ces propositions, ce qui ne signifie pas qu'elles sont toutes à rejeter.

En revanche, je ne vois pas pour quelle raison on refuserait d'afficher d'emblée nos préoccupations à l'endroit de la fiscalité des entreprises agricoles.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Cela ne me paraît d'ailleurs nullement incompatible avec la demande de rapport formulée par M. le rapporteur afin de définir ultérieurement des propositions concrètes en adéquation avec les orientations définies par la loi.

M. Patrick Ollier.

Très bien ! La majorité nous suit !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Voilà pourquoi nous nous permettons d'insister pour souhaiter l'inscription du principe tout en nous opposant à l'insertion de propositions trop précises dans la loi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 292 et 643.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 731.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Veyret, Daniel, Parrenin, Patriat, Bataille et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 547, ainsi rédigé :

« Après le neuvième alinéa du I de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« l'organisation d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre l'agriculture et les autres activités. »

La parole est à M. Alain Veyret.

M. Alain Veyret.

Actuellement, notre société bouge et l'espace rural se modifie. Ainsi, le mouvement de désertification qui prédominait jusqu'à ces dernières années a tendance à s'inverser, en particulier à proximité de certains pôles urbains de type moyen.

Nous menons une politique de maintien du service public, en milieu rural, afin d'y maintenir la population.

Nous ne voudrions donc pas que la loi d'orientation agricole que nous élaborons donne à certains l'impression qu'ils seront un peu lésés.

C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui tend à montrer qu'il n'y a pas de visée hégémonique ou un accaparement de la richesse de la part de l'agriculture.

Au contraire, est envisagée une coexistence équilibrée entre les diverses formes d'activités qui animent le monde rural ; je pense en particulier aux artisans et aux commerçants.

M. Germain Gengenwin.

C'est un voeu pieux !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. François Patriat, rapporteur.

Compte tenu du débat que nous avons eu précédemment, je tiens à indiquer que la rédaction de cet amendement est différente de celle qu'avaient proposée nos collègues de l'opposition. Elle évoque, en effet, « l'organisation d'une coexistence équilibrée », mais ne mentionne plus ni droits ni devoirs entre l'agriculture et les autres activités. Après en avoir parlé avec le Gouvernement, après avoir écouté mes collègues, j'ai le sentiment que nous pourrions trouver un accord sur ce sujet et accepter l'amendement de M. Veyret, bien qu'il ait été repoussé par la commission. En tant que signataire, je souhaite, à titre personnel, que l'Assemblée l'accepte.

M. Germain Gengenwin.

Cela ne mange pas de pain, mais ça complique le texte.

M. Christian Jacob.

L'amendement de M. Guillaume était meilleur !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre, nous avons déjà traité de ce problème tout à l'heure et les membres de la majorité plurielle avaient unanimement refusé mon amendement sur ce sujet.

M. Kofi Yamgnane.

Ce n'est pas le même !

M. François Guillaume.

Je ne vois pas pourquoi, sous prétexte qu'il emploie d'autres mots, ils accepteraient maintenant le même concept.

De grâce, laissons un peu de clarté dans la loi ! Celui qui la lira huit jours après que nous aurons décidé ne comprendra absolument pas ce que cette disposition signifie, alors que les amendements présentés précédemment avaient au moins le mérite de la clarté.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Je souhaiterais sous-amender cet amendement parce que le terme « coexistence » a une connotation négative.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

« Cohabitation » vous plairait-il mieux ?

M. Jacques Blanc.

Il est aussi négatif et Dieu sait si l'on en voit les dégâts tous les jours.

M. Joseph Parrenin.

Surtout en Languedoc-Roussillon !

M. Jacques Blanc.

En revanche, parler de partenariat actif montrerait qu'il n'y a pas d'opposition. Chacun sait très bien qu'il n'y aura pas de vie rurale si l'on ne retrouve pas dans ces régions à la fois des agriculteurs, des artisans, des commerçants, des professions libérales et des salariés.

C'est pourquoi je préférerais le mot « partenariat » qui a un contenu très riche alors que le terme « coexistence » implique que l'on se supporte. Je veux que dans l'espace rural on s'aime. Voilà la différence.

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucun sous-amendement écrit.

Je mets aux voix l'amendement no 547 dans la rédaction qui vous a été distribuée.

M. Jacques Blanc.

Mais je vais l'écrire !

M. le président.

Le vote est commencé, monsieur Blanc. Vous verrez cela en deuxième lecture.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 74 rectifié et 546, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement, no 74 rectifié, présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Parrenin et les commissaires membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er , après le mot : "montagne", insérer les mots : ", aux zones humides précisément délimitées". »

L'amendement, no 546, présenté par Mme PerrinGaillard, MM. Patriat, Parrenin, Bataille, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er , après le mot : "montagne", insérer les mots : ", aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique". »

La parole est à Mme Perrin-Gaillard, pour défendre l'amendement no 546.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Les zones humides ne peuvent évidemment pas faire l'objet d'une loi spécifique comme celle de 1985 relative à la montagne. Elles ne sont pas non plus des zones défavorisées, étant riches du point de vue tant des hommes que de la faune et de la flore.

Pourtant ces zones humides ont des territoires qui s'amenuisent d'année en année essentiellement en raison d'un problème agricole. Il est donc nécessaire que la loi d'orientation agricole souligne bien que leur cas sera pris en compte.

M. le président.

J'imagine que votre présentation vaut pour les deux amendements.

Ne serait-il pas plus simple que l'un des deux soit retiré, monsieur le rapporteur ?

M. François Patriat, rapporteur.

Oui, je retire l'amendement no 74 rectifié de la commission et donne un avis favorable à l'amendement no 546.

M. le président.

L'amendement no 74 rectifié est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 546 ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 546.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements nos 645 et 508, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 645, présenté par M. Proriol et M. Perrut, est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er , aprés les mots : "zones de montagne", insérer les mots : "aux zones de forêts,". »

L'amendement no 508, présenté par MM. Sauvadet, de Courson, Gengenwin, Hériaud, Martin, Micaux et les membre du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et apparentés est ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa du I de l'article 1er par la phrase suivante : "La politique agricole comporte des dispositions spécifiques à la forêt.". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement no 645.

M. Jean Proriol.

Après l'adoption de l'amendement relatif aux zones humides précisément déterminées si vous n'adoptiez pas mon amendement sur les zones de forêt, il y aurait un paradoxe évident ! La forêt, vous le savez, monsieur Adevah-Poeuf, vous qui appartenez au parc Livradois-Forez, fait partie intégrante de l'agriculture. D'ailleurs, la définition des activités agricoles donnée par l'article L. 311 du code rural inclut explicitement les activités forestières et cette appartenance est confirmée par l'article 6 du projet de loi d'orientation agricole.

Certes, la forêt présente des spécificités reconnues de longue date, mais ne faut-il pas rappeler que plus d'un million de propriétaires forestiers sont immatriculés sur un registre tenu par les chambres d'agriculture, que les mesures relatives à la retraite des agriculteurs et de leur conjoint relèvent également de ce secteur ? Il convient donc de prendre en considération les zones de forêts. Les forestiers sont nombreux, ils comptent bien des amis sur l'ensemble du territoire ; ils ne comprendraient pas que l'on réserve un sort favorable aux zones humides, même précisément délimitées, tout en laissant à la porte les zones de forêt.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement 508.

M. Germain Gengenwin.

M. Proriol a très bien argumenté. Je ne sais du reste où l'amendement relatif aux zones humides entraînera dans la mesure où ce domaine est déjà réglé dans Natura 2000. Vous ouvrez la porte à bien des inconnues...

Quoi qu'il en soit, inclure la forêt dans les zones d'activité agricole me paraît en revanche particulièrement justifié et nécessaire, dès lors qu'il n'existe pas de volet

« forêt » spécifique. Le texte préparé par notre collègue Philippe Vasseur contenait plus de quarante articles sur la forêt. Nous ne vous demandons pas de régler maintenant le problème de la forêt, mais simplement de reconnaître qu'elle fait partie intégrante de l'activité agricole.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Guillaume, n'essayez-vous pas de nous décourager ?

M. Yves Fromion.

Mission impossible !

M. François Patriat.

Nous vous avons tout à l'heure écouté, nous avons accepté le débat, nous avons fini par trouver une formule équilibrée et satisfaisante ; et au moment où nous vous donnons satisfaction, vous criez au fourre-tout ! Ce débat ne doit-il pas d'abord servir à réellement améliorer le texte ? Lorsque nous trouvons un point d'accord, au moins reconnaissez-le ! Sur la forêt, je suis prêt à engager le débat avec vous ; mais je réponds d'abord sur les deux amendements.

J'aurais pu faire un mauvais jeu de mot, monsieur Proriol, en vous disant que si la zone humide se trouvait en forêt, le problème se poserait peut-être...

(Sourires.) Mais je ne le ferai pas.

M. Jean Proriol.

Ou plutôt si la forêt se trouvait en zone humide !

M. François Patriat, rapporteur.

Le texte de loi propose déjà près de soixante outils, dont quinze vraies novations qui répondent à une réelle attente du monde agricole.

N'allons pas passer tout le débat à examiner les points a nnexes que vous aviez voulu y voir, à évoquer Natura 2000 et à revenir sans cesse sur la fiscalité ! Quant aux rapports, monsieur Ollier, dans la loi que vous aviez défendue, comme d'autres sur ces bancs, avec brio, beaucoup de rapports, beaucoup de décrets étaient prévus ; bon nombre n'ont pas vu le jour.

M. Yves Fromion.

La faute à qui ?

M. François Patriat, rapporteur.

Je n'étais plus parlementaire à cette époque, mais encore élu local. J'ai aussitôt adhéré à l'idée de pays introduite par votre texte et, avec François Sauvadet, qui reviendra tout à l'heure parmi nous, nous avons créé un des sept premiers pays expérimentaux. Autant vous dire que je n'ai pas été guidé par un manichéisme permanent ou une envie d'opposition systématique, mais bien au contraire par la volonté de construire quelque chose ensemble.

Si je vous parle de rapports monsieur Proriol, ce n'est pas une vague promesse en l'air. Le rapport de M. Bianco, vous l'avez déjà. Commandé il y a six mois, il est aujourd'hui considéré par l'ensemble des gens de la filière bois comme une excellente base pour un texte de loi qui nous viendra l'année prochaine.

On ne peut pas traiter d'un problème aussi grave que celui de la forêt et de la filière bois par quelques amendements au détour d'un texte de loi, sous peine d'aboutir à un texte inefficace et pléthorique, dans lequel le monde agricole ne se retrouverait pas.

Si vous voulez une vraie loi forêt, allons-y ! J'espère être avec vous pour la défendre et l'amender, mais pas dans le cadre de ce texte-là. Finissons une fois pour toutes avec ce dossier.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, j'ai eu l'occasion hier d'annoncer l'intention du Gouvernement de présenter l'an prochain un projet de loi d'orientation forestière. Il n'y a donc aucun paradoxe à venir répondre aujourd'hui que ces amendements ne sauraient être pris en compte. L'argument des zones humides avancé par M. Proriol ne saurait être retenu : je n'ai pas, que je sache, annoncé de loi d'orientation sur les zones humides.

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Deux mots pour répondre à l'interpellation de notre collègue Proriol.

Je n'ai pour ma part vu aucun inconvénient à prendre en compte les zones humides. Je n'en vois pas non plus à ce qu'on mentionne la forêt dans l'article 1er . Après tout, cet article, bien qu'il nous occupe depuis déjà un bon nombre d'heures, reste du domaine de la littérature ; je n'en nie pas l'importance, sur le plan symbolique notamment, mais il n'a aucune conséquence sur le plan normatif. Dès l'article 2, en revanche, nous retrouverons les zones humides puisque, si l'on en croit la sagesse populaire, toujours bien présente dans le monde rural, il pleut toujours là où c'est mouillé.

(Sourires.)

Aussi aimerais-je bien que l'on aborde ce sujet dans le cadre de l'article 2 et que l'on cesse de perdre du temps sur l'article 1er

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

On aurait pu aussi penser aux zones sèches. (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Et aux zones de piedmont !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Et aux causses !

M. François Patriat, rapporteur.

Aux zones dangereuses aussi !

M. Jacques Blanc.

Je suis un peu surpris qu'on les ait oubliées...

Mais revenons à la forêt. Monsieur le ministre, il me paraît excessivement dangereux de laisser penser que la forêt ne ferait pas partie de l'agriculture.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je l'ai dit hier, mais vous n'étiez pas là !

M. Jacques Blanc.

Mais alors, pourquoi refusez-vous d'y faire référence dans un article de caractère effectivement général, qui se borne à afficher des objectifs ? Ne pas mentionner la forêt revient à dire qu'on la traitera après, puisque vous l'avez dit, mais pas avec l'agriculture.

Je reconnais qu'on ne peut pas tout mettre dans une loi, mais on peut tout de même rappeler à l'article 1er que la forêt est un élément fondamental de la vie de l'espace rural et de l'agriculture. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Calmez-vous, je reconnais que cela suscite bien des débats. Pour certains, vous le savez bien, la forêt est tout autre chose qu'une activité agricole, et ceux-là aimeraient transformer toutes les activités de forêt en activités de jardin ou autres.

Or nous qui défendons l'espace rural et l'agriculture, nous voulons que la forêt y soit clairement intégrée.

M. Kofi Yamgnane.

Et pourquoi pas la mer ? Après tout, il y a des algues dedans ! (Rires.)

M. Jacques Blanc.

Nous acceptons qu'un projet spécifique vienne après ; du reste, nous pouvons difficilement faire autrement. Mais nous vous demandons, et notre collègue du Puy-de-Dôme avait raison de le rappeler, de ne pas empêcher cette nécessaire référence dans une loi d'orientation agricole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 508.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 645.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jacques Blanc.

On voit les amis de la forêt !

M. Joseph Parrenin.

On voit les amis du Front national !

M. Kofi Yamgnane.

Allez, caché !

M. Jacques Blanc.

J'ai été élu au premier tour, moi, sans avoir besoin de personne !

M. le président.

M. Jean-Michel Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un amendement, no 732 corrigé, ainsi libellé :

« Après les mots : "collectivités territoriales", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du I de l'article 1er : ", les établissements publics intéressés, les organisations professionnelles représentatives, les associations de protection de la nature et les groupements de consommateurs.". »

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Je ne pense pas que l'article 1er ne soit que littérature ; tout ce que nous y noterons aura de l'importance. Autant donc rester précis.

J'ai appris durant la discussion d'un texte en juin que l'adverbe « notamment » n'avait aucune valeur juridique.

L'utiliser pour laisser croire que l'on peut ouvrir plus largement une énumération est une chose ; mais il nous semble préférable de mentionner les organismes qui pourraient participer à la réflexion. Voilà pourquoi nous avons souhaité inclure les établissements publics.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est restrictif.

M. Jean-Michel Marchand.

Non, car nous ne demandons pas la suppression de l'adverbe « notamment ». En p arlant d'établissements publics, nous pensons bien entendu aux groupements de collectivités, mais également à d'autres, telles les agences de l'eau qui pourraient fort justement apporter leur concours dans le cadre notamment de l'élaboration des CTE.

Nous pensons aussi aux associations de protection de la nature, dont la présence se justifie par la reconnaissance de la fonction environnementale de l'agriculture et par la nécessité de protéger les règnes végétal et animal dans l es différents processus de production. Aux groupements de consommateurs enfin, puisque l'objectif exposé dans la loi est celui d'une agriculture et d'une production de qualité dans des conditions de sécurité sanitaire reconnues et conformes aux exigences des consommateurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Je ne voudrais pas qu'à chaque fois que nous refusons un amendement pour préserver l'équilibre du texte, nous soyons systématiquement taxés de ne pas aimer les artisans, les agriculteurs, la forêt ou les consommateurs !

M. Christian Jacob.

Ou de ne pas aimer les verts !

M. Yves Fromion.

C'est cela, la majorité plurielle !

M. François Patriat, rapporteur.

Faites-nous au moins la grâce de reconnaître que notre affectivité n'est pas sélective et qu'elle est tout aussi valable que la vôtre, et finissez-en avec les procès d'intention.

M. Christian Jacob.

Nous faisons pourtant ce que nous pouvons pour arranger les choses ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

Quoi qu'il en soit, la commission a repoussé l'amendement no 732 corrigé.

Vous le verrez en avançant dans le débat : tous les partenaires de la filière, mais aussi les agents de l'environnement et les consommateurs, seront systématiquement associés dès lors que cela paraîtra nécessaire dans le cadre du volet qualité, du volet foncier et autres. Mais l'inscrire en préambule conduirait à alourdir le texte en généralisant une situation qui n'a pas besoin d'être. Voilà pourquoi la commission a proposé de rejeter cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La rédaction proposée du texte ne cite que deux principaux partenaires mettant en oeuvre la politique agricole, à savoir les collectivités territoriales et les organisations professionnelles. Il ne vous a pas échappé que cette rédaction est assortie d'un « notamment » : en d'autres termes, la liste n'est pas exhaustive.

Sur le fond, il est difficile de concevoir que les groupements de consommateurs mettent en oeuvre la politique agricole. En revanche, il me paraît utile de les associer, du moins à sa mise en oeuvre. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Germain Gengenwin.

Le rapporteur et le ministre s'étant eux-mêmes prononcés contre, je veux simplement insister sur le portée qu'aurait un tel amendement. Son adoption reviendrait à ouvrir les commissions départementales d'organisation chargées de se prononcer sur l'orientation agricole à une foule d'organismes qui viendraient mêler leurs débats à celui du CTE, et à les rendre proprement ingouvernables.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Pourquoi ingouvernables ?

M. Germain Gengenwin.

Je remercie donc le ministre et le rapporteur de s'être prononcé contre. Il est effectivement nécessaire de rejeter cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 732 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Patrick Ollier remplace M. Michel Péricard au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 830, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "dans le respect du pluralisme syndical". »

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Notre amendement est tout à fait clair. Chacun comprend l'objectif visé.

M. Charles de Courson.

Non.

M. Félix Leyzour.

Certains, évidemment, ricanent, parce qu'ils se croient toujours les seuls représentants du monde agricole. Il faut pourtant que vous le sachiez, messieurs : vous n'êtes pas les représentants du monde agricole.

M. Christian Jacob.

Nous ? Nous n'avons rien dit !

M. François Guillaume.

Eux, ils dépendent de la

CGT !

M. Yves Fromion.

De même, le PC n'est pas le représentant du prolétariat !

M. Félix Leyzour.

Le monde agricole est divers ; n'ayez surtout pas la prétention de le représenter. Il est divers aussi au niveau de sa représentation syndicale et nous souhaitons que cette diversité soit évidemment reconnue.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission, monsieur Leyzour, a trouvé votre préoccupation justifiée. Un autre amendement portant article additionnel a été déposé, qui émane de la majorité et de vous-même. Il devrait, me semble-t-il, vous satisfaire ; c'est la raison pour laquelle cet amendement-ci, tel qu'il est rédigé et situé dans le texte, n'a pas été retenu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je partage la préoccupation exprimée dans l'amendement de M. Leyzour. Toutefois, ainsi qu'a pu le dire le rapporteur, une formulation beaucoup plus complète sera proposée. Au bénéfice des assurances données, j'apprécierais qu'il retire son amendement.

M. François Guillaume.

C'est diviser pour régner !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Je suis un peu étonné par l'amendement de nos collègues communistes. N'y aurait-il donc pas de pluralisme syndical en France, dans l'agriculture comme dans le reste de la société française ? Pourriez-vous me l'affirmer, mon cher collègue ?

M. Félix Leyzour.

Il faut justement reconnaître le pluralisme syndical !

M. Charles de Courson.

Toutes les lois de la République sont là pour le garantir. Que visez-vous alors ? Estimez-vous que certains syndicats minoritaires dont vous êtes proches ne sont pas suffisamment représentatifs parce que les gens ne votent pas pour eux ? Dites-le clairement ! Nous sommes dans un pays démocratique, bon sang ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ets ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Franck Borotra.

K-O, Leyzour !

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Si M. Leyzour manifeste un intérêt particulier pour le pluralisme syndical, c'est qu'il en connaît l'histoire aussi bien que moi : souvenons-nous des amis de M. Guillaume balayant tous ceux qui ne pensaient pas tout à fait comme eux au sein de la FNSEA...

Depuis, d'autres syndicats se sont créés.

M. Christian Jacob.

On n'a jamais vu quelqu'un voter pour vous !

M. Yves Fromion.

La FNSEA n'est pas la CGT, quand même !

M. François Guillaume.

Nous n'avons jamais été financés par les Soviets, nous !

M. Joseph Parrenin.

Et M. Leyzour a raison de s'inquiéter : rappelons la longue période où les syndicats m inoritaires n'avaient aucun moyen d'existence ; la FNSEA bloquait tout.

Plusieurs députés sur les bancs du groupe socialiste.

Très bien !

M. Christian Jacob.

Que M. Parrenin se décomplexe vis-à-vis de M. Guillaume, tout le monde n'a pas la notoriété de notre ami François !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

L'important n'est pas de faire adopter tel amendement à tel endroit précis du texte, mais bien que, au final, l'idée en soit reprise. Si tel est bien le cas, comme viennent de l'indiquer le rapporteur et le ministre, je retire mon amendement et je reviendrai le moment venu dans la discussion, car le sujet est très important.

Je suis toujours surpris de voir M. de Courson vouloir donner des leçons de démocratie à tout le monde. Vous savez très bien, monsieur de Courson, que le pluralisme syndical est un fait...

M. Christian Jacob.

Comme à Aubagne ?

M. Félix Leyzour.

... mais vous ne voulez pas le reconnaître.

Je souhaite pour ma part qu'il soit reconnu et que toutes les organisations aient la place qui leur revient.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. le président.

L'amendement no 830 est retiré.

M

M. Jean-Pierre Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un amendement, no 733, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Chaque année, en juin, au cours d'un débat organisé devant le Parlement, le Gouvernement rend compte de la politique agricole mise en oeuvre au titre de la présente loi et de la politique agricole commune. »

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Notre honorable assemblée a parfois une fâcheuse tendance à voter des lois sans se préoccuper de leur devenir et de leur application sur le terrain.

M. Yves Fromion.

Voir l'exemple des 35 heures !

M me Marie-Hélène Aubert.

C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'un débat soit organisé chaque année devant le Parlement. La précision « en juin », je vous le concède, peut être excessive : l'essentiel est que cette discussion intervienne en amont du projet de loi de finances afin de procéder à une évaluation de la mise en oeuvre des nouvelles orientations de la politique agricole en articulation avec la politique agricole commune. Il nous paraît indispensable que les parlementaires soient en mesure de débattre et d'évaluer chaque année ce qu'ils ont voté l'année passée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission n'a cette fois-ci pas suivi Mme Aubert. Le dépôt systématique de rapports sur telle ou telle politique conduirait à ne plus discuter que de rapports annuels et entraverait la bonne marche de cette maison qui a tout de même vocation à légiférer.

M. Germain Gengenwin.

Vous n'avez qu'à organiser des séances le dimanche !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Un peu d'évaluation, cela ne fait pas de mal !

M. Yves Fromion.

C'est vrai.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il serait effectivement utile de prévoir des débats périodiques entre le Parlement et le Gouvernement sur la politique agricole nationale et communautaire. Mais ces débats existent déjà et peuvent à tout moment être organisés.

En tout état de cause, il ne faudrait pas être aussi précis dans l'organisation de ces échanges : par exemple, l'actualité communautaire peut nécessiter des discussions qui ne se situent pas obligatoirement au mois de juin.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Cet amendement est tout à fait indiqué. Si le Gouvernement n'en veut pas, c'est probablement qu'il pense que la loi ne sera pas très bonne. Il préfère que l'on ne sache pas, régulièrement, quel en est le résultat ! (Sourires.)

M. Arthur Dehaine.

Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine.

En tout état de cause, il faudra toujours des adaptations car notre société évolue. Il serait donc très bon que le Parlement chaque année se penche sur ce texte de loi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 733.

(L'amendement est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, a présenté un amendement, no 75 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de l'article 1er :

« L'article 1er de la loi no 60-808 du 5 août 1960 et l'article 1er de la loi no 80-502 du 4 juillet 1980 sont abrogés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de cohérence qui vise simplement à abroger les articles 1ers de la loi du 5 août 1960 et de la loi du 4 juillet 1980 d'orientation agricole, pour prendre la nouvelle dimension de celle que nous allons voter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 75 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

M. Christian Jacob.

Il n'y a rien sur la fiscalité et la baisse des charges dans cet article ! Après l'article 1er

M. le président.

MM. Parrenin, Patriat, Bataille et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 575, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. - Au sein des commissions où siègent des représentants des exploitants agricoles ainsi que dans les organes délibérants des comités professionnels, interprofessionnels ou organismes agricoles de toute nature investis d'une mission de service public ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, l'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat sont représentées. »

« II. - Les dispositions du I prennent effet au 1er janvier 2000. »

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat, rapporteur.

L'amendement no 575 porte sur la représentativité. Placé sous le signe de la pluralité, il a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles s'effectue la représentation des exploitants agricoles dans les différentes enceintes qui délibèrent ou décident des questions les concernant.

Tout à l'heure, j'ai entendu M. Guillaume dire que nous cherchions à diviser pour régner. Je me souviens d'une époque où, à la tête de cent mille paysans, il défilait dans Paris en revendiquant haut et fort le rôle leader du monde agricole dans la ruralité et sa multifonctionnalité. La loi que nous examinons, et qu'il conteste par ailleurs, lui donne raison sur ce point. Il est bon maintenant que le pluralisme règne et qu'on ne perde pas encore dix-huit ans !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le pluralisme syndical est effectivement un principe républicain, comme le disait M. Leyzour.

J'ai été un peu surpris que M. de Courson, d'ordinaire au fait des réalités sociales, puisse ignorer qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que le principe du pluralisme syndical soit respecté dans le monde agricole. La présence de tous les syndicats représentatifs nationalement dans les offices agricoles a été prévue par un décret de 1990. Elle n'est effective - et encore, pas dans tous les offices ! - que depuis mon arrivée au ministère de l'agriculture. Les syndicats représentatifs minoritaires ne sont pas présents dans des organismes aussi importants que l'ANDA, le FAFSEA et le FAFEA.

Il m'apparaissait utile d'éclairer l'Assemblée nationale sur ces faits et de lui faire mesurer le chemin qu'il nous reste encore à parcourir.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Une première observation de méthode. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la date du décret. Mais qui était au pouvoir à l'époque ? Le pouvoir vous l'avez perdu plus de deux ans après ! Pourquoi ne l'avez-vous pas appliqué ? Je voudrais attirer l'attention de mes collègues non pas sur le fond mais sur la façon dont est rédigé cet amendement : « ... l'ensemble des organisations syndicales d'exploitants agricoles qui remplissent des conditions fixées par décret... ». Un syndicat très minoritaire pourrait être

jugé représentatif. Attention à la jurisprudence ! Le Conseil d'Etat ne doit pas se substituer au Parlement pour la définition des critères de représentativité. Je vous mets en garde sur cette affaire.

S'il y a vingt syndicats, dont certains représentant 1 à 2 % des exploitants agricoles, seront-ils représentés dans tous les conseils d'administration ?

M. Patrick Lemasle.

Pour le moment, il n'y en a qu'un !

M. Charles de Courson.

Vous allez aboutir exactement à l'inverse de ce que nous cherchons, à savoir un pluralisme équilibré, évitant des éclatements syndicaux.

Pensez-vous, monsieur le ministre, que l'amendement tel qu'il est rédigé permettra d'éviter la dérive que je vous décris ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oui !

M. Charles de Courson.

Ne faudrait-il pas fixer dans la loi même des critères de représentativité ? Sinon vous risquez fort l'annulation par le Conseil d'Etat du décret d'application de ladite loi. Comment pensez-vous pouvoir appliquer un tel principe sans que la loi ait fixé un minimum de critères de représentativité ?

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Je souhaite répondre au Gouvernement puisque c'est à sa demande que tout à l'heure j'ai retiré mon amendement.

L'idée que je retrouve dans celui-ci me donne satisfaction. Il est bon que le pluralisme syndical dans le monde agricole ne soit pas simplement reconnu, mais qu'il soit respecté dans tous les organismes. Il n'y a aucune raison que l'agriculture, comme par hasard, soit le seul secteur où il ne serait pas pratiqué !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur de Courson, il existe dans le droit français des principes qui définissent la représentativité syndicale. Et c'est sur la base de ces principes qu'a été rédigé le décret de 1990 qui définit encore plus précisément les critères auxquels vous faisiez référence. Il suffit de l'appliquer.

Vous pourriez me demander pourquoi il ne l'a pas été.

Epargnez-moi certains développements !

M. Charles de Courson.

Allez-y !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre, je vais vous donner un exemple très concret.

Les viticulteurs champenois ont un syndicat unique qui s'appelle le SGV, Syndicat général des vignerons. Le taux de syndicalisation est de 97 ou 98 %. Avec le présent texte, n'allez-vous pas pousser à l'éclatement syndical ? Est-ce l'intérêt de l'agriculture et de la profession ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Joseph Parrenin.

Ce n'est pas le sujet !

M. Charles de Courson.

Le débat est grave, mes chers collègues ! Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Vous ne pouvez d'un côté déplorer l'éclatement syndical pour les salariés du privé - tout le monde s'en plaint, y compris dans les négociations collectives - et défendre la thèse inverse pour les exploitants agricoles.

Notre pays souffre de l'absence de dialogue social, à cause notamment d'un trop grand éclatement des organisations syndicales et d'une sous-syndicalisation. Tous les gens de bon sens partagent ce diagnostic.

M. Patrick Lemasle.

On ne peut pas être pour le syndicalisme unique !

M. Christian Jacob.

Quand il n'est pas de votre bord !

M. Charles de Courson.

Je n'en ai jamais été le défenseur ! Et je touve assez curieux que ceux qui ont défendu pendant cinquante ans la thèse du syndicat comme courroie de transmission - je ne vais pas reprendre la théorie léniniste - nous expliquent cela aujourd'hui ! Il y a pluralisme syndical. Je dis simplement que, dans l'intérêt tant de l'agriculture que du dialogue social dans le salariat, il n'est pas bon d'avoir quinze syndicats représentatifs au niveau national. Alors, faites bien attention aux critères de représentativité, mes chers collègues. Sinon vous affaiblirez le syndicalisme, ce que, dans un premier temps, tous les gouvernements aiment bien faire, mais ce sera au détriment du dialogue social et de l'efficacité.

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Personne ne s'étonnera que les groupes de l'opposition aient choisi un non-agriculteur, fonctionnaire éminent et compétent et honorable collègue, pour combattre l'amendement no 575. Sans doute lui est-il plus facile de se livrer à des références juridiques et à des assimilations historiques qu'à d'autres de nos collègues de l'opposition, non moins honorables, et qui représentent davantage le monde agricole.

Je ne suis certes pas agriculteur, mais je connais les pratiques en vigueur dans les organisations représentatives du monde agricole au sein des organismes publics et dans les instances cogérées : aucune personne de bonne foi ne peut aujourd'hui méconnaître les discriminations qui y ont cours.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Pour ma part, je me réjouis de l'amendement no 575.

Le problème de la jurisprudence ne se pose même pas. Le décret de 1990 précisait les conditions de la représentatitivité.

Vous nous avez accusés, mes chers collègues, d'avoir perdu deux ans. Mais j'ai l'impression que vos amis qui, depuis, en avaient gagné quatre, viennent aujourd'hui de les perdre !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 575.

(L'amendement est adopté.)

(M. Michel Péricard remplace M. Patrick Ollier au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M. le président.

MM. Peiro, Chazal, Paul, Patriat, Parrenin, Abiven, Adevah-Poeuf, Alaize, Alary, Bacquet, Baeumler, Balligand, Bascou, Barrau, Bourquin, Brottes, Cahuzac, Chevallier, Chouat, Colcombet, Cuillandre, Daniel, Mme Denise, MM. Desbons, Fabre-Pujol, Fill eul, Forgues, Gaubert, Galut, Garrigue, Gouriou, G ouzes, Goyheneix, Hammel, Janetti, Kerdraon,

Mme Lazard, MM. Launay, Le Bris, Lemasle, Leroux, Mmes Lignières-Cassou, Marre, MM. Montane, Montcharmon, Nauche, Nayrou, Mmes Perol-Dumont, PerrinGaillard, Reynaud, MM. Rougemont, Rouger, Vauchez, Vergnier, Veyret, Vidalies, Yamgnane et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 577, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement déposera, avant le 31 mars 1999, un rapport décrivant, catégorie par catégorie, l'évolution qu'il compte imprimer aux retraites agricoles au cours de la période du 30 juin 1997 au 30 juin 2002. Un développement particulier sera consacré aux mesures envisagées, au cours de cette période, pour revaloriser les plus faibles pensions. »

Sur cet amendement, MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier et les membres du groupe socialiste, ont présenté un sous-amendement, no 936, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase de l'amendement no 577, après les mots : "cette période", insérer les mots : "avec un effort plus important à son début". »

La parole est à M. Germinal Peiro, pour soutenir l'amendement no 577.

M. Germinal Peiro.

Au cours de la nuit dernière, nous avons, à l'unanimité, voté un amendement qui inscrit le principe de la revalorisation des retraites agricoles dans l'article 1er de la loi d'orientation. Ce vote fait suite à l'engagement du Gouvernement de mettre en oeuvre un plan de revalorisation pluriannuel.

L'objet de l'amendement no 577 est de fixer à la fois le cadre et le rythme de ces revalorisations. Il prévoit qu'un rapport sera déposé avant le mois de mars 1999 pour fixer les avancées annuelles qui seront engagées au cours de la législature.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour défendre le sous-amendement no 936.

M. Félix Leyzour.

Le sous-amendement no 936 permet d'apporter une précision supplémentaire. Nous avons indiqué, hier, qu'il s'agissait d'un débat d'orientation et non d'une discussion dans le cadre d'une loi de finances.

La loi d'orientation fixe des objectifs et la loi de finances pour 1999 traduira sans doute, pour cette même année, un certain nombre de décisions en termes budgétaires.

Nous comprenons bien que le Gouvernement s'inscrive dans la durée de la législature. Toutefois, la situation des retraités est telle qu'une fois l'échéancier fixé il faut accé lérer le rythme et que, en particulier, un effort significatif soit fait au cours des premières années afin de répondre à l'attente des agriculteurs. C'est pourquoi notre sousamendement tend à insérer après le mot « période » les mots « avec un effort plus important à son début ». Il s'agit, bien entendu, du début de l'échéancier, le texte ayant été modifié. Tel est le sens de notre sousamendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Nous avons, hier, longuement évoqué le problème des retraites. Pourquoi l'introduire dans un texte de loi d'orientation agricole ? Parce q u'il se pose avec acuité. Personne, en outre, ne méconnaît le poids des retraités dans le monde agricole, non seulement en termes d'influence, mais surtout de parrainage, d'activités poursuivies, de fonctions encore réelles dans le monde rural. A la demande de l'ensemble des parlementaires et à la suite du travail mené depuis un an, notamment par Germinal Peiro, pour tenter de faire évoluer la question, nous avons accepté cet amendement.

Hier, nous avons débattu pour savoir qui avait fait le plus dans ce domaine. Je pense que chacun, selon ses possibilités budgétaires, a tenté, à sa façon, d'améliorer une situation très difficile, et que nous désirons tous aujourd'hui améliorer encore. Un effort a été consenti l'année dernière. Nous avons pris l'engagement devant les électeurs de faire que les agriculteurs retraités dont, dans le passé - ne jugeons pas les torts, cela relève de l'histoire - les revenus ont pris un grand retard, bénéficient au moins du minimum vieillesse dans les années à venir afin qu'une injustice soit réparée. Les temps ont changé : la valeur du foncier n'est plus ce qu'elle était ; la vie s'est allongée ; et, heureusement, la revitalisation de l'agriculture s'est accélérée sur d'autres points.

La commission, à l'unanimité, a accepté l'amendement no 577 sous-amendé par M. Leyzour. Nous ne pouvions être divisés sur ce point.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le principe de revalorisation des retraites, notamment des plus faibles, par étapes progressives, est inscrit dans l'exposé des motifs de la loi. Nous l'avons d'ores et déjà mis en application au travers de la loi de finances initiale pour 1998, avec une première étape à hauteur de 1 milliard de francs qui concerne 274 000 retraités. Vous aurez à examiner, dans le projet de loi de finances pour 1999, une deuxième avancée, importante, d'un coût de 1,6 milliard d e francs en année pleine, mesure qui concernera 607 000 retraités.

Le Gouvernement approuve l'idée de détailler, d'ici à la fin du premier trimestre de l'année prochaine, la démarche progressive dans laquelle il s'est engagé jusqu'en 2002, en s'appuyant sur les deux premières étapes que je viens d'évoquer et en faisant ressortir l'effort particulier engagé pour revaloriser les pensions les plus faibles.

D'ailleurs, la deuxième étape s'attaque plus particulièrement à la situation des personnes seules à faibles ressources : aides familiaux, pour lesquels il n'y aura pas de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

ERREUR retraite en dessous de 2 500 francs par mois, veuves dont les retraites seront au moins égales à 2 800 francs par mois.

J'émets donc un avis favorable à l'amendement no 577 et m'en remets, à propos du sous-amendement de M. Leyzour, à la sagesse de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je viens d'être saisi d'un sousamendement de M. de Courson que je ne peux pas recevoir car, selon moi, il exigerait une consultation de la commission des finances.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Je suis un peu surpris que n'apparaisse nulle part dans le texte un lien entre retraites et mécanismes à mettre en oeuvre pour faciliter l'installation dans l'agriculture.

Nous avons connu les indemnités viagères de départ qui ont permis un temps de transmettre une exploitation dans de meilleures conditions. Il y a eu aussi les préretraites, mais elles ont été supprimées. Et nous sommes dans l'impasse. Or certaines situations méritent pour le moins un signe d'intérêt. Quelles sont, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement en la matière ? Certes, nous sommes tous conscients de l'importance et de l'urgence de la revalorisation des retraites agricoles.

Personne ne peut le contester et nul n'a de leçons à donner aux autres sur ce sujet. Mais vous savez comme moi que ce qui a freiné bien souvent l'évolution de notre agriculture, c'est le fait que des parents, exploitants agricoles, aient gardé l'exploitation.

Pour faciliter soit la transmission directe, soit l'installation de jeunes agriculteurs autres que les enfants il me paraît indispensable de revenir peut-être à ce qu'était l'indemnité viagère départ, d'annoncer en tout cas dans cette loi une mesure de nature à apporter une sécurité aux agriculteurs et un soutien à l'installation, ce qui est le p roblème majeur de notre agriculture. Serons-nous capables de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs ? Le problème se pose en montagne, en zones humides, en zones sèches, dans les zones viticoles, dans les zones de fruits et légumes ou de grandes cultures ! Il y a tout un faisceau de facteurs qui pourraient être positifs, notamment ces mesures que j'assimile à l'indemnité viagère de départ.

M. le président.

Monsieur de Courson, si vous déposez formellement un sous-amendement, je vais devoir le réserver pour consulter la commission des finances.

M. Charles de Courson.

Je voulais déposer un sousamendement tendant à ajouter à la fin de l'amendement no 577 les mots : « et trouver les moyens financiers y afférents ».

M. le président.

Nous ne pouvons pas en discuter maintenant !

M. Charles de Courson.

Je renonce à ce sous-amendement, mais j'ai demandé la parole sur l'amendement no 577.

M. le président.

Je vous donne donc la parole sur l'amendement.

M. Charles de Courson.

Tout le monde est d'accord sur la nécessité de revaloriser les petites pensions. Comme l'a indiqué le rapporteur, l'ancienne majorité, en quatre ans, y a consacré 5 milliards en année pleine.

M. Joseph Parrenin.

Non !

M. Charles de Courson.

Vous pouvez vérifier ! C'est d'ailleurs dans mon rapport sur le BAPSA rédigé au nom de la commission des finances.

Si vous additionnez les mesures pour 1998 et les mesures pour 1999, la majorité actuelle continue à peu près au même rythme. Ce qu'a dit le rapporteur est donc tout à fait exact. Grosso modo, les mesures que propose l'actuelle majorité s'inscrivent dans la continuité de l'effort réalisé les années précédentes, dans un contexte budgétaire plus facile, au moins pour 1998. Pour 1999, nous verrons.

Le groupe UDF est favorable à cet amendement, mais le vrai problème - et nous avons commencé le débat sur le BAPSA, monsieur le ministre -, c'est le financement de ces mesures, et je voudrais mettre en garde une nouvelle fois mes collègues, comme je l'ai fait en commission des finances, sur le fait qu'elles sont financées par un prélèvement exceptionnel, valable uniquement en 1999, sur les excédents de la C3S, à hauteur d'un milliard. Comment financerons-nous l'année prochaine ce milliard de perte de recettes, plus environ 1,2 milliard supplémentaire pour continuer la revalorisation des petites pensions ? Il faudra trouver 2 milliards supplémentaires. Je rappelle à mes collègues que, cette année, on a réduit la subvention du budget de l'agriculture pour le BAPSA de plus de 2 milliards. Lors d'un récent déjeuner auquel vous aviez convié les rapporteurs, je vous ai demandé ce qui se passerait l'année prochaine. On vous demandera un effort de redéploiement sur les crédits du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche. D'où un amend ement que nous examinerons en commission des finances.

Monsieur le président, nous sommes favorables à l'amendement no 577. Nous appelons seulement l'attention de nos collègues sur les modalités de financement. Il serait intéressant que le ministre nous dise comment, audelà de 1999, puisque, pour 1999, c'est budgété, en 2000 et 2001, il envisage de poursuivre l'effort.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 936.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 577, modifié par le sous-amendement no 936.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l'article 2

M. le président.

Je donne lecture de l'intitulé du titre Ier :

« Titre Ier Les contrats territoriaux d'exploitation. »

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 298, ainsi rédigé :

« Avant l'article 2, supprimer l'intitulé : "Titre Ier : Les contrats territoriaux d'exploitation". »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

J'ai déposé cet amendement pour appeler de nouveau l'attention sur le fait que le financement de ces contrats territoriaux d'exploitation s'appuie intégralement sur des fonds qui allaient prioritairement aux zones les plus défavorisées : FGER, OGAF, fonds d'installation, entre autres. En fait, ces contrats n'apporte-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

ront aucun nouveau financement et aucun nouveau soutien aux agriculteurs qui pourront en bénéficier, mais uniquement de nouvelles contraintes.

Je sais que nous allons avoir largement l'occasion de revenir sur ce point au cours de la discussion de l'article 2, et j'arrête là mon intervention. Je voulais simplement

« marquer le coup » pour rappeler à nouveau l'origine des financements et le fait qu'au-delà des contraintes, il n'y a rien de nouveau à l'horizon.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Reprenons le débat, monsieur Jacob ! Le CTE, nous ne l'avons pas inventé.

Nous avons cherché à tirer la quintessence d'une idée qui émanait d'un syndicat qui vous est cher. Vous voyez que le pluralisme ne nous effraie pas !

M. Christian Jacob.

Venant de vous, je n'en doute pas !

M. François Patriat, rapporteur.

La France agricole est diverse. Vous avez parcouru quelques départements cet été, moi aussi. Entre la Chalosse, la Limagne, le Forez, l'Alsace, la Moselle, la Bretagne, la Normandie et la Bourgogne, ...

M. Jacques Blanc.

Et le Languedoc-Roussillon !

M. François Patriat, rapporteur.

... le Roussillon.

M. Hervé Gaymard.

Et la Savoie !

M. François Patriat, rapporteur.

La Savoie, la semaine prochaine ! ... et le pays de Vire...

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

... j'ai mesuré ce que représentait la différenciation territoriale, avec des problèmes économiques, sociaux, des problèmes de production, d'adaptation, différents. Globalement, j'ai retiré de la visite de cette vingtaine de départements l'idée que le contrat était plutôt une bonne idée. Le Gouvernement a demandé aux préfets de mettre en place une cellule de réflexion afin que l'on puisse signer le premier contrat dès que la loi sera votée, en ne dépensant pas forcément plus, mais en dépensant mieux, parce que les crédits que vous avez évoqués n'ont pas toujours été utilisés à bon escien t. Il y a une démarche contractuelle novatrice qui va engager les agriculteurs, prendre en compte leur multifonctionnalité et apporter de la plus-value dans des filières adossées à la qualité.

Le CTE n'est pas la colonne vertébrale du texte...

M. Jean Auclair.

Si, vous l'avez dit, le ministre aussi !

M. François Patriat, rapporteur.

Non, le volet structure est important, le volet qualité, le volet social et humain, le volet formation également ! Mais c'est peut être l'élément le plus novateur. L'idée du contrat, associée à la volonté de permettre l'installation de jeunes et de faire demain une agriculture riche en hommes, accrochée au territoire, produisant des éléments de qualité, alimentaires ou non, peut faire son chemin à travers cet outil. C'est pourquoi la majorité de cette assemblée y tient énormément. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Vous avez rappelé la diversité des régions, monsieur le rapporteur, les problèmes d'adaptation que vous avez rencontrés partout. Sur ce point, je crois tout le monde est bien d'accord. Ce que je vois, simplement, c'est que ce contrat territorial d'exploitation est financé uniquement sur des crédits prévus pour les zones défavorisées. Il y aura des contraintes supplémentaires et rien de plus à l'horizon.

Dans ces conditions, je ne vois pas comment vous aurez une agriculture riche en hommes, produisant des éléments de qualité, alimentaires ou non, accrochée au territoire, par exemple, tout cela avec 20 000 francs par an qui finançaient déjà d'autres types d'actions. C'est ça le problème ! Ce sont des contraintes, de l'administration en plus. Comme je le disais hier, dans un élan peut-être un peu dur, on est en train d'engraisser les préfectures et les DDA sur le dos des paysans des zones difficiles. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Joseph Parrenin.

Vous êtes vulgaire, comme d'habitude !

M. Christian Jacob.

C'est pourtant ça !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

On ne peut tout de même pas laisser dire que les OGAF, le fonds de gestion de l'espace ou le fonds d'installation des jeunes, c'était rien et mauvais.

On a tous l'expérience de grandes réussites d'OGAF, de grandes réussites dans l'utilisation du fonds de gestion de l'espace, sur lequel d'ailleurs tout le monde a prélevé et que vous n'avez pas maintenu au niveau suffisant, ou dans ce qui était en marche pour l'installation des agriculteurs.

On vient de nous dire qu'il n'y aura pas plus d'argent, mais, génie, on a utilisé les mots de contrat, de territoire et d'exploitation. Qu'y a-t-il réellement derrière ces mots ? On va donner aux préfets, donc à l'administration, un pouvoir supplémentaire, celui de refuser un projet parce qu'il ne rentrera pas dans le cadre administratif qu'ils auront élaboré.

A partir de là, nous dit-on, on pourra engager pour du développement durable. On ne sait pas d'ailleurs ce que fera le voisin. Or, très souvent, les techniques d'exploitation ont des répercussions sur les voisins. Ce dont on est sûr, en revanche, c'est qu'au moment où tout le monde explique qu'il faut libérer les forces, les volontés, les énergies, permettre à des jeunes agriculteurs de s'installer, il vaudrait mieux parler de droits à produire, de la possibilité d'alléger la fiscalité pour aller de l'avant. Là, ils auront la possibilité - la chance, dites-vous, l'avenir le dira - de s'engager dans un système où ils seront obligés de passer par une démarche administrative supplémentaire, et ce sera l'impasse.

On explique que cela n'aura pas d'incidence sur l'organisation commune des marchés. Moi, j'aimerais bien qu'on m'explique quelle sera la démarcation, car j'ai peur que, derrière tout cela, ne se cache en réalité une renationalisation des politiques agricoles.

M. Joseph Parrenin.

On a déjà entendu ça hier !

M. Jacques Blanc.

Je souscris totalement à la proposition de M. Jacob, qui avait le mérite de dire aux agriculteurs : on va vous faire confiance, on va avoir une agriculture forte qui exportera, qui ira de l'avant et qui maintiendra la vie, on ne vous fera pas entrer dans un système administré d'agriculture.

M. François Patriat, rapporteur.

Ça, c'est du violon !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 298.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Il est inséré au chapitre Ier du titre Ier du livre III du code rural un article L. 311-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-3 . - Toute personne physique ou morale exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 peut souscrire avec l'autorité administrative un contrat t erritorial d'exploitation qui comporte un ensemble d'engagements portant sur les conditions et les modes de production, la contribution de l'activité de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l'occupation de l'espace ou à la réalisation de services collectifs, ainsi qu'au développement de projets collectifs de production ou d'aménagement.

« Le contrat territorial d'exploitation concerne l'ensemble de l'activité de l'exploitation agricole, à l'exception des points régis par les dispositions découlant des organisations communes de marchés agricoles. Il définit la nature et les modalités des prestations de l'Etat qui constituent la contrepartie des engagements de l'exploitant. Il est conclu sous réserve des droits des tiers.

« Le préfet élabore un ou plusieurs contrats types d'exploitation déterminant les systèmes d'exploitation assurant un développement durable de l'agriculture, ainsi que les actions répondant aux objectifs mentionnés au premier alinéa. Ces contrats types respectent les orientations définies par le ministre de l'agriculture, après avis du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire.

« Le contrat territorial d'exploitation doit être compatible avec l'un des contrats types définis à l'alinéa précédent.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de mise en oeuvre du présent article. »

Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait qu'il y a plus de vingt orateurs inscrits sur l'article 2.

Notre règlement prévoyant une limitation des temps de parole, vous comprendrez que je les fasse respecter de façon très stricte.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat territorial d'exploitation est l'innovation majeure et le pivot de cette loi. L'opposition ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle propose tout simplement de supprimer l'article 2, donc un article essentiel.

C'est, en effet, une innovation majeure car l'on passe d'une logique de guichet automatique à une logique de projet et de contrat, c'est-à-dire qu'on introduit de la responsabilité et de la créativité dans la politique agricole.

Voilà une bonne chose. Cela dit, il ne faudrait pas que ce contrat territorial d'exploitation reste une coquille vide, aux contours mal définis, qui pourrait soutenir un peu tout et son contraire, sans que les choses changent réellement.

Pour que le contrat territorial d'exploitation puisse être mis en oeuvre de façon efficace, il faut d'abord de la démocratie et de la transparence.

Nous avons déjà abordé les questions du pluralisme syndical, de la représentativité de telle ou telle organisation, de la présence - nous avons déposé un amendement dans ce sens, hélas ! rejeté - des associations de l'envi-r onnement, des consommateurs, des établissements publics. Nous ne demandons pas qu'ils soient des partenaires actifs dans la mise en oeuvre de tous les détails de la loi, mais ils doivent être associés à la réflexion et la concertation doit être beaucoup plus large que celle qui existe aujourd'hui dans le monde agricole pour que le contrat territorial d'exploitation puisse être non seulement défini selon des critères précis et exigeants mais également évalué en tant que tel. Pour cette raison également, nous avons demandé que la composition de la commission départementale d'orientation agricole soit revue et élargie à d'autres partenaires que ceux qui y siègent habituellement.

Le fait que l'on confie tout exclusivement aux préfets ne nous rassure pas forcément.

M. Yves Fromion.

Ça, c'est vrai !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Nous aimerions que le préfet, si c'est lui qui est chargé de mettre en oeuvre cette politique, organise une très large concertation, de façon que les cahiers des charges et le contrat type qui sera élaboré correspondent réellement aux besoins des agriculteurs mais aussi à ceux des consommateurs et des citoyens que nous sommes tous par rapport à la question agricole. C'est la raison pour laquelle, mais nous y reviendrons, nous avons déposé un certain nombre d'amendements tendant à préciser le contenu des cahiers des charges et diverses références.

Deuxième point, il faut de la cohérence avec l'aménagement du territoire et avec des projets plus globaux. Il nous paraît dommageable que, dans chaque politique, qu'elle soit agricole, industrielle, artisanale, environnementale, sociale, la sectorisation soit telle que les projets deviennent totalement incohérents les uns par rapport aux autres. L'organisation du territoire souffre déjà de l'empilement des niveaux de décision et de concertation - communes, zones intercommunales, cantons, départements, régions, fonds structurels, zonages européens, parcs naturels régionaux, zonages divers et variés -, périmètres qui ne coïncident d'ailleurs pas toujours les uns avec les autres, ce qui rend les politiques, dont les intentions étaient louables au départ, totalement inopérantes.

Nous souhaitons donc que ce contrat territorial d'exploitation, même s'il est individualisé, ce qui est une bonne chose puisqu'il induit de la responsabilité, puisse être inscrit aussi dans des politiques plus globales d'aménagement du territoire, notamment la politique des pays.

Enfin, dernier point, la question du financement. Elle n'est pas mineure, loin s'en faut. Pour que ce contrat soit effectivement motivant, il faut qu'il puisse faire l'objet de financements importants. Il est vrai que nous ne pouvons pas résoudre aujourd'hui de façon précise le problème de l'articulation de ce financement avec celui de la PAC.

Nous sommes dans une période de réforme de la PAC et je ne veux pas revenir sur ce débat. Pour l'instant, nous ne savons pas précisément ce qui en sortira. Ce qui est clair, c'est que nous souhaitons que la ligne directrice agricole soit maintenue et qu'une partie des financements soit attribué aux objectifs que nous défendons aujourd'hui.

Néanmoins, s'il s'agit de remettre au pot commun des fonds consacrés à des mesures existantes - je pense notamment aux mesures agri-environnementales ou aux opérations locales environnementales - qui sont certes peu importants, mais qui existent, ont des destinations bien précises et fonctionnent...

M. le président.

Veuillez conclure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Mme Marie-Hélène Aubert.

Je termine. S'il s'agit de les remettre dans le pot commun, en fonction d'un contrat dont les contours seront mal précisés, l'opération n'est pas forcément satisfaisante.

Ce n'est que lorsque tous ces points seront précisés que le contrat territorial d'exploitation pourra avoir toute son efficacité.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ainsi que l'a rappelé à cette tribune Christiane Lambert, la performance en agriculture doit désormais être à la fois économique, territoriale, sociale et environnementale.

M. François Patriat, rapporteur.

Très bien.

M. Pierre Méhaignerie.

Personnellement, je partage cette analyse.

Dans ce contexte d'une nouvelle demande de la société à l'agriculture, j'ai souhaité que le contrat territorial soite xpérimenté en Ille-et-Vilaine, parce que c'est une reconnaissance des diverses fonctions de l'agriculture, même s'il n'est pas suffisamment rappelé qu'il y a une dominante économique, parce que le contrat territorial peut être un levier utile pour s'orienter vers une agriculture certes productive, mais, comme le rappelait déjà Jacques Poly, l'ancien directeur général de l'INRA il y a quinze ans, plus économe de facteurs de production, plus autonome, mettant davantage l'accent sur la valeur ajoutée, et aussi dernière raison, ce n'est pas la moindre parce que la Bretagne, que je représente ici avec d'autres, doit concilier des objectifs de développement agricole dont nous avons besoin avec des disciplines en matière de fertilisation d'eau et de paysages qui représentent un coût pour l'agriculture alors qu'on lui demande en même temps de produire toujours à moindre coût.

Ces raisons, qui me conduisent à soutenir l'article 2,s ont insuffisantes, monsieur le ministre, pour me conduire à voter ce projet de loi. Je crains en effet que les imprécisions du Gouvernement ne suscitent tôt ou tard la méfiance puis la désillusion des agriculteurs. Je donnerai trois exemples.

Le premier a trait à la réforme de la PAC. Naïveté, imprudence ou conviction, vous avez affirmé que vous ne considériez pas que la compétitivité européenne résidait dans sa capacité à vendre des matières premières à bas prix sur le marché mondial. Or la France est un grand pays exportateur de matières premières et elle doit le rester. Que se passera-t-il si nos partenaires vous prennent au mot ? Des richesses et des emplois pour la France sont en jeu.

En outre, deuxième crainte, trop de membres de la majorité ont une image un peu déformée de l'agriculture, de la notion de « petits » et « gros », des types d'exploitations, de la logique néolibérale. Les agriculteurs ont été contraints de quitter l'agriculture à cause de la nécessité d'augmenter la production et de baisser les coûts. La baisse des coûts engendre fatalement un agrandissement des exploitations. Ainsi que François Guillaume le faisait à juste titre remarquer hier, les primes couvrent aujourd'hui une partie des coûts de production et ne sont donc pas seulement une aide à l'agriculteur pour compenser une baisse des prix, lesquels tombent souvent au-dessous du niveau du prix de revient.

La troisième raison est financière. Une marge de redéploiement des crédits existe mais elle est étroite et elle sera consommée à l'occasion de la réforme de la PAC par la nouvelle baisse des prix. Mes cinq années d'expérience à l'agriculture m'ont appris ce n'est pas une critique que les gouvernements socialistes ou sociaux-démocrates européens n'ont jamais fait de l'agriculture une préoccupation majeure. Quand il faudra à la fois financer l'ouverture à l'Europe centrale et prendre en compte les demandes de financement allemandes, il ne restera pas grand-chose, je le crains, pour financer les contrats territoriaux d'exploitation.

En conclusion, le CTE est une bonne idée, mais qui ne s'intègre ni dans une réflexion stratégique et cohérente de l'Europe telle qu'elle est ni dans une perspective financière crédible. Je crains à terme des désillusions. Peut-être ne serez-vous plus ministre de l'agriculture, mais nous aurons en ce qui nous concerne des comptes à rendre aux agriculteurs de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Pierre Méhaignerie a bien fait le point de notre réflexion quant au CTE qui nous apparaît comme un « objet non identifié », non financé, qui pourrait être à la fois une raison d'espérer, si on introduisait des éléments concrets, et un élément dangereux.

La Lozère, où nous allons expérimenter le CTE, n'est pas un département avec de grandes exploitations, de grands céréaliers. C'est un département d'éleveurs. Une grande inquiétude s'y manifeste. Soyons tout à fait honnêtes vis-à-vis des agriculteurs, vous n'avez pas annoncé davantage de crédits pour les OGAF, le fonds de gestion de l'espace ou le fonds d'installation - j'ai même peur qu'il y en ait moins ! Après la réforme de la politique agricole commune, que va devenir l'indemnité spéciale montagne ? L'Europe avait donné l'exemple d'une agriculture capable de produire mais aussi de maintenir en état nos montagnes. L'indemnité spéciale montagne, c'était d'abord l'indemnité pour la vache tondeuse.

Ceux qui partagent la volonté que le Président de la République a exprimée très fortement à Aurillac, ce dont je le remercie, ceux qui croient à la place de l'agriculture ont très peur que la création de ce CTE, quelles que soient les bonnes intentions de certains, ne nous fasse entrer dans un système administré. Comment ces contrats vont-ils s'articuler avec les programmes négociés dans le cadre des contrats Etat-régions ? Les régions ont beaucoup apporté à la politique agricole commune, grâce à leur capacité de négocier les contrats Etat-régions, d'ailleurs en liaison avec les départements. Chacun le sait, il y a là un facteur important pour le développement.

Tout à l'heure, en évoquant la politique des « pays », on a parlé de la loi Pasqua qui contient des mesures très positives ! Les pays seront ce que l'on en fera, tout dépendra des projets qui y seront élaborés. Comment concilier des contraintes administratives qu'un préfet pourra être amené à imposer dans le cadre des CTE, les règles qui vont présider aux contrats Etat-régions et l'attribution d'un certain nombre de participations - de l'Etat, de la région ou même de l'Europe - au soutien et au développement de l'agriculture, dans une région qui a la chance d'accueillir toutes les formes d'agriculture ? Le poids de la viticulture est important en LanguedocRoussillon, personne ne l'ignore, mais celui des fruits et des légumes l'est également. Nous nous interrogeons.

Je souhaite pour ma part que ce débat ne se déroule pas dans l'hypocrisie la plus totale qui consisterait à laisser penser que dans l'appellation séduisante de « contrat territorial d'exploitation » se trouveraient la solution et la réponse aux attentes des uns et des autres.


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Quelle sera la vraie place de ce qui est production et de ce qui est autour ? Comment comparer un exploitant qui a vraiment voulu protéger la nappe phréatique, qui traite ses déchets et qui consent un effort considérable pour le développement durable, et son voisin qui ne fait rien ? Cette question mérite d'être posée.

Je le dis avec peine, car je préférerais pouvoir souscrire à un projet nouveau, mais notre crainte est qu'avec des masses financières qui vont aller en s'amenuisant, on laisse de l'espoir à quelques-uns, on en élimine beaucoup d'autres pour, en fin de compte, se trouver dans une situation de plus grande désespérance. Par exemple, comment articuler ces contrats avec la volonté d'installer des jeunes agriculteurs ? Si l'on commence par créer des complications administratives supplémentaires, je ne suis pas sûr qu'on leur donne envie de s'installer ! Il n'y a rien de plus dangereux que les désillusions. Il vous appartient, monsieur le ministre, de compléter ce que vous avez proposé par des engagement très forts concernant l'identification de ces contrats, les financements et donc l'objet même du projet de loi d'orientation.

Ne vous faites pas simplement plaisir en disant « nous avons inventé ce que Vasseur n'avait pas pu discerner ».

M. le président.

Monsieur Blanc, faites-nous plaisir, arrêtez-vous maintenant.

(Sourires.)

M. Jacques Blanc.

Nous ne sommes pas là pour nous faire plaisir. Nous sommes là pour préparer l'avenir d'une agriculture vraie et forte.

M. le président.

La parole est à M. Stéphane Alaize.

M. Stéphane Alaize.

Je souhaite apporter quelques éléments contradictoires. Le CTE reflète l'esprit d'un texte qui privilégie l'homme sur l'économie. C'est peut-être ce qui fait peur aux conservateurs et aux libéraux de ce pays.

En effet, le CTE initie une démarche nouvelle dans l'agriculture par la notion de contrat. Le contrat, c'est la transparence, c'est aussi un acte solennel qui lie différents acteurs entre eux. C'est une gestion plus saine de l'argent public placé sous le regard de tous, mais c'est surtout l'appropriation par les agriculteurs eux-mêmes de leur avenir. Le CTE, c'est aussi une dimension humaine puisqu'il doit permettre de rendre pleinement lisibles les actions agricoles par les acteurs eux-mêmes, c'est-à-dire les agriculteurs.

Ce contrat prend racine dans la réalité même de son lieu d'implantation, le territoire. On dit « contrat », on dit « territorial ». On entend aussi le mot « exploitation », ce qui n'est pas rien, qu'il convient de distinguer de

« surexploitation » ou d'« enfermement » de la production agricole dans l'industrie ou dans l'acte industriel pur et simple.

Je représente un département très rural, l'Ardèche, où les productions et les producteurs sont modestes. Le CTE constitue une grande promesse de respect de leur production et de prise en considération de leur acte de production jusqu'à maintenant bien mal considéré.

Pour nous, le contrat s'inscrit dans le respect des capacités des territoires en privilégiant non seulement les modes et les conditions de la production, la protection des ressources, mais aussi l'occupation de l'espace trop souvent oubliée.

La satisfaction manifestée par de très nombreux agriculteurs est due à l'avancée considérable que vous nous proposez, monsieur le ministre, qui va permettre aux intéressés de se réapproprier un métier qui semblait leur échapper du fait des contraintes qui leur sont imposées.

L'Ardèche attend beaucoup de ce projet de loi, et notamment des dispositions de son article 2.

Nous craignons cependant que le niveau très modeste de nos productions ne nous oblige lors de la conclusion de CTE à produire encore plus modestement. Il faut veiller, dans tous les départements ruraux faiblement productifs comme l'Ardèche, à ce que les contrats permettent au contraire de développer les productions, permettent aussi l'installation de nouveaux agriculteurs et la conquête de n ouveaux espaces. En effet, jusqu'à maintenant, la majeure partie des crédits publics est allée aux zones fortement productrices et aux zones industrielles. Nous espérons que les CTE pourront corriger cette tendance.

Telles sont, monsieur le ministre, les remarques que je voulais faire en tant que député d'un tout petit département, l'Ardèche.

M. François Patriat, rapporteur.

Petit département, mais grand député.

M. Stéphane Alaize.

Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le ministre, sur tous les acteurs qui seront partenaires du CTE pour faire naître une agriculture moderne et neuve, l'agriculture qu'il faut au pays pour reconquérir ses espaces.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

D'aucuns considèrent que le présent projet de loi assigne artificiellement de nouvelles fonctions contraignantes aux agriculteurs. Pour ma part, je ne le crois pas car ce serait sous-estimer les grandes capacités d'adaptation dont ont fait preuve ces derniers, qui sont depuis longtemps déjà conscients de la pluralité de leur rôle ! En effet, stimulée par l'émergence des fortes exigences sociales, sanitaires et écologiques exprimées par nos concitoyens, l'agriculture française a d'ores et déjà pris la mesure de ses multiples responsabilités et redécouvert la triple mission, économique, sociale et environnementale, qui est la sienne. Il est vrai cependant que l'attribution actuelle des aides publiques est uniquement subordonnée au type de production et à la taille de l'exploitation, sans considération aucune des missions certes annexes mais néanmoins primordiales dévolues aux producteurs.

C'est cette inadéquation entre les principes d'octroi des concours publics et les vocations de notre agriculture que le projet de loi d'orientation agricole qui nous est aujourd'hui soumis entend pallier. Ce texte majeur permettra d'ajuster l'intervention financière de l'Etat, afin qu'elle prenne en compte, avec pertinence, la multifonctionnalité de l'agriculture.

De fait, les contrats territoriaux d'exploitation constituent les instruments novateurs de cette indispensable modernisation des modalités d'intervention des pouvoirs publics. Ils ne rompent pas avec les principes d'action des agriculteurs. En effet, par leur participation aux opérations groupées d'aménagement foncier, aux plans de développement durable ou encore à des projets agroenvironnementaux d'envergure, ces derniers sont singulièrement sensibilisés aux pratiques contractuelles. Ainsi, les CTE valident de manière orginale et audacieuse l'attitude responsable des producteurs.


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Véritables pactes d'une confiance rétablie entre les agriculteurs et les pouvoirs publics, souscrits sur la base du volontariat, ils encouragent financièrement notamment le développement de l'emploi en milieu rural, la préservation et le renouvellement des ressources naturelles, la qualité de la production, la diversification et l'accroissement de la valeur ajoutée des produits, le maintien d'une occupation humaine harmonieuse de l'espace rural.

Conduite dans le Haut-Rhin, l'opération de gestion des espaces ouverts en montagne vosgienne illustre à mon sens parfaitement la philosophie des CTE et j'aimerais vous la présenter rapidement pour en tirer quelques enseignements.

Cette action locale vise au maintien de nombreux espaces ouverts et entretenus, à la préservation voire à la reconstitution des paysages typiques du massif vosgien ainsi qu'à la protection de certains milieux naturels. Son indispensable corollaire, productif, est la mise en place d'une filière de valorisation de la viande produite dans cette région. Commencée en 1995 et programmée sur cinq ans, cette initiative a remporté un succès total : 70 communes participantes regroupant 90 000 habitants ; 330 exploitations contractantes sur 9 000 hectares soit 95 % des exploitations éligibles. La réunion incontournable de plusieurs conditions a contribué au dynamisme et à l'efficacité de ce programme.

Tout d'abord, cette opération a été financée conjointement par le conseil général, le conseil régional et l'Union européenne. C'est ainsi que 6,5 millions de francs ont été mobilisés. La conséquence de ce concours public est primordiale, l'attractivité et la crédibilité de l'action en dépendant grandement. En effet, l'engagement pécuniaire d'instances élues est essentiel, leur participation associant directement nos concitoyens aux actions menées.

En outre, l'implication active des collectivités territoriales, chargées en premier chef de l'aménagement du territoire, permet l'élaboration d'un projet global de territoire constructif et cohérent, considérant l'intégralité des aspects et des incidences de l'activité agricole.

Par ailleurs, les différentes sensibilités - agricole, environnementale, sociale - de la population sont représentées au sein de la commission communale d'aménagement foncier et du comité départemental de pilotage de ces opérations. Cette pluralité dans la composition de ces instances dénote la volonté d'associer l'ensemble des acteurs du développement local, la confrontation des conceptions permettant l'élaboration d'un projet global prenant en compte la multifonctionnalité de l'agriculture.

Nous pourrions, dans la mise en oeuvre des CTE, prendre en compte de façon utile cette expérience féconde menée dans le massif vosgien.

Je me permettrai une dernière remarque sur la gestion de l'instruction et du suivi des dossiers, les CTE relevant de la compétence des services déconcentrés de l'Etat.

L'outil informatique, indispensable, ne saurait suffire à la conceptualisation et à l'évaluation de la contractualisation dans le cadre des CTE. En effet, cette dernière se distingue largement de la gestion mathématique des aides publiques françaises ou européennes. Ainsi, des moyens humains qualifiés doivent être mobilisés au niveau des directions départementales, faute de quoi les dérives ne pourront être évitées et l'utilisation des fonds impartis au CTE risquera d'être dévoyée.

Ainsi donc la diversité des sources de financement, l'implication effective des collectivités locales et la consultation des différentes parties intéressées sont, à mon sens et au regard de l'expérience menée dans mon département, des éléments essentiels à la réussite des CTE, qui méritent une attention toute particulière.

Les CTE sont l'avenir de l'agriculture. Ils suscitent de grands espoirs, qu'il nous appartient de concrétiser.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Chazal.

M. Jean-Claude Chazal.

Monsieur le ministre, nous nous félicitons de l'inflexion à long terme de la politique agricole engagée avec les CTE inscrits dans ce projet de loi d'orientation.

Aujourd'hui en effet, on demande à l'agriculture que, certes, elle fournisse d'abord des produits alimentaires et de qualité, vous l'avez vous-même souligné, tant pour la consommation intérieure que pour l'exportation, mais aussi qu'elle contribue à l'entretien de l'espace et à la protection de l'environnement ainsi - c'est très important à nos yeux - qu'à la création d'emplois notamment par une politique active d'installations - nous en reparlerons lorsque nous aborderons la politique des structures - et de valorisation de l'ensemble du territoire, ce qui est primordial pour des zones comme celle que je représente ici.

Les CTE offrent l'opportunité à une large majorité de professionnels de l'agriculture qui le souhaitent à faire prendre en compte par la société l'ensemble des fonctions de l'agriculture et, ainsi, de légitimer véritablement les aides publiques.

Nouveau contrat entre les agriculteurs et la société, les CTE permettront de substituer une gestion contractualisée à une gestion purement administrative des aides publiques.

Nouvel outil proposé aux agriculteurs, ils devront être évolutifs et dynamiques, en lien avec les projets agricoles départementaux. Ils devront accompagner la création d'activités en phase avec la réalité des territoires, en particulier pour les zones défavorisées.

Vous comprendrez que le représentant à l'Assemblée nationale d'une des circonscriptions les plus élevées de France - en altitude - insiste tout particulièrement sur l'absolue nécessité de prendre en compte des handicaps naturels et, en particulier, de maintenir et de développer les ICHN, c'est-à-dire les indemnités compensatoires des handicaps naturels.

Monsieur le ministre, le grand nombre de départements qui, d'ores et déjà, se sont portés candidats pour mener le travail de réflexion et de préfiguration des CTE proposé par votre ministère ne constituent-ils pas la meilleure preuve de leur intérêt pour les agriculteurs de notre pays ?

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel.

Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si le CTE constitue la colonne vertébrale du projet, mais, en tout cas, c'en est une pièce essentielle. Les déclarations de responsables politiques - et nous venons d'en avoir la preuve -, les débats que suscite le CTE au sein des organismes professionnels et l'intérêt qu'il éveille chez les agriculteurs ne laissent planer aucun doute sur ce point.

Le CTE permet une approche globale des exploitations. Il traduit le caractère multi-fonctionnel de ces dernières et permet d'introduire la notion de contractualisation. C'est à l'évidence un bon outil pour rompre avec le système actuel d'aides, qui a conduit à la concentration des exploitations et des productions sur les territoires les


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plus productifs. C'est aussi un outil pour découpler les aides à l'agriculture et pour définir de nouveaux liens entre agriculture et société afin de mieux justifier les aides publiques.

Les débats et les réflexions qui ont accompagné la préparation du projet permettent d'anticiper quelque peu le contenu des textes d'application et d'avoir du contrat une image sinon totalement lisible, tout au moins plus claire.

Cette image est forcément inachevée car il s'agit encore d'une expérimentation.

En premier lieu, il est désormais acquis que le CTE ne se limitera pas à imposer aux agriculteurs une contrainte supplémentaire environnementale. Il devra reposer sur une vision dynamique de l'agriculture et sa finalité sera de mettre en cohérence un projet d'exploitation avec sone nvironnement économique, écologique et territorial.

L'exploitant devra donc définir ses objectifs individuels sur le moyen terme et les harmoniser avec les prescript ions environnementales, territoriales et socio-économiques.

Le CTE vise à accroître la valeur ajoutée et à maintenir et à augmenter l'emploi.

L'établissement du contenu des contrats territoriaux d'exploitation doit se faire, selon le texte, sur la base d'orientations nationales et régionales. Il doit surtout y avoir des adaptations départementales des grandes lignes directrices pour tenir compte des orientations politiques locales contenues dans les PDA, c'est-à-dire les programmes de développement et d'aménagement.

J'insiste sur ce point car certaines régions sont très inégales sur le plan agricole : elles peuvent être riches sur certains points et pauvres sur d'autres. Les départements doivent être considérés comme des territoires aux dimensions raisonnables pour ce qui est de la définition d'une partie des projets territoriaux.

Il apparaît à l'évidence qu'il ne s'agit pas, par le CTE, de faire de l'agriculteur un cantonnier, fût-ce du troisième millénaire. L'entretien des paysages vise la production de paysages par le biais de l'activité agricole et ne peut concerner les prestations d'entretien qu'effectueraient les entrepreneurs ou artisans sur le même territoire. Le contrat pourra donc autoriser la poursuite d'actions d'intérêt général.

J'en viens à la rémunération des contrats, sujet qui a été souvent évoqué. La création de valeur ajoutée, l'incidence en termes d'emploi et l'importance des engagements pris par les exploitants en matière environnementale ou territoriale seront les principaux paramètres en fonction desquels devra être déterminée la contrepartie financière du CTE.

S'il est vrai que les premiers pourfendeurs de l'agriculture administrée sont souvent ceux qui en éprouvent à longueur d'année le confort et les avantages, il n'en reste pas moins que la complication administrative est un risque que font courir les CTE, surtout si leur gestion superpose l'administration nationale et l'administration communautaire.

Le risque serait grand de voir les CTE captés dans leur ensemble par des projets, fussent-ce des projets informatiques, dont les agriculteurs auraient du mal à sortir.

La réussite des CTE dépendra donc largement de la capacité à concilier la rigueur inhérente à la gestion de l'argent public avec des modalités d'instruction et de financement simples, diversifiées, laissant une marge d'autonomie au niveau local afin d'encourager créativité, mutations et conversions.

Je souhaite, monsieur le ministre, que les contrats territoriaux soient des contrats dynamiques, décentralisés,s imples, adaptés aux réalités locales, croisant une démarche de marché et une démarche de territoire, réalisant la synthèse entre économie et environnement, entre l'homme et son territoire, et remettant enfin l'emploi au coeur de la ruralité.

M. le président.

La parole est à M. Maurice Janetti.

M. Maurice Janetti.

Ainsi que le soulignait cet aprèsmidi notre rapporteur, si la loi d'orientation agricole ne se limite pas aux contrats territoriaux d'exploitation, ceux-ci sont tout de même au coeur de ce texte.

Une telle initiative annonce une politique contractuelle novatrice dont le développement sera progressif mais qui a vocation à couvrir une part croissante - j'espère que je ne serai pas contredit sur ce point - des concours publics à l'agriculture. En tout cas, cette initiative va doter le milieu rural d'un outil de développement au service des exploitants agricoles, et qui, je l'espère, sera financé comme tel.

Pour cela, la démarche engagée doit tenir compte de l'évolution des pratiques agricoles en matière de qualité et de gestion des sites, et donner à l'agriculteur les moyens d'être non seulement le concessionnaire, mais surtout le gestionnaire du territoire. Elle devra aussi permettre la mise en place d'un projet global sur l'exploitation, ce qui demandera réflexion, intelligence et mobilisation.

Le projet de loi impulse - et personnellement, je m'en réjouis - une démarche favorisant un nouveau mode de développement, qui devra assurer la cohésion d'un territoire et s'inscrire dans les performances d'une filière, sans pour autant exclure les tentatives individuelles innovantes ou spécifiques.

Sans avoir la prétention d'anticiper ce que seront les décrets d'application à cet égard, je voudrais tout de même vous dire, monsieur le ministre, qu'il sera plus que nécessaire de veiller à une articulation minutieuse entre un projet individuel, un projet global d'exploitation et un projet de territoire.

Le contrat territorial d'exploitation devrait être un contrat pour un projet, mais pour un territoire aussi. Il devrait ouvrir un horizon face à une civilisation urbaine dominante - j'insiste sur ce point - qui a, hélas ! grignoté et abîmé au fil du temps l'espace agraire de production qu'il faut aujourd'hui consolider.

M. Gérard Saumade.

Bravo !

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Je voudrais à mon tour rassurer, à défaut de les convaincre, nos collègues de l'opposition d'ailleurs de moins en moins nombreux sur leurs bancs (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) - en leur montrant ce que peut être le contrat territorial d'exploitation.

Ce contrat, parce qu'il est global, prend en compte toutes les dimensions de l'exploitation et de l'entreprise agricole, et c'est bien là son caractère résolument innovant. Il prend en compte le mode de production et la modernisation des conditions de production, c'est-à-dire la création de richesses. Il prend également en compte la préservation du patrimoine naturel et l'occupation de l'espace, c'est-à-dire la gestion du territoire, et ce sont bien là les « missions qualitatives » confiées à l'agriculture, selon la formule de l'actuel président du CNJA - ce qui montre combien ce mécanisme de contrat est voulu et porté par la majorité de la population agricole, notam-


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ment par les jeunes agriculteurs. Ce contrat, signé pour cinq ans entre l'Etat et l'exploitant, ne fait pas l'impasse sur la dimension collective de l'agriculture. Il peut au contraire favoriser les projets communs à plusieurs exploitants, à une filière locale ou à un territoire, bref contribuer à des actions d'intérêt général.

Le cadre des contrats territoriaux d'exploitation types, élaborés par l'Etat, sera largement débattu au plan départemental et régional, puisque ces contrats devront intégrer les avis des CDOA.

Les CTE seront en outre négociés avec chaque agriculteur en partant du projet d'entreprise, c'est-à-dire d'un projet d'exploitation élaboré par chacun. C'est bien là le changement majeur : le passage d'une logique de guichet à une logique de projet, selon la formule efficace de Mme Lambert.

Pour donner du contenu à ces contrats et pour répondre aux attentes de la très grande majorité des agriculteurs français, lesquels sont favorables au principe du CTE - François Patriat et moi-même avons rencontré 300 agriculteurs de la Nièvre et du Morvan et nous avons bien senti qu'ils étaient extrêmement réceptifs à notre volonté de maintenir des exploitations à taille humaine sur nos territoires -, il faudra, dès le vote de la loi, réunir plusieurs conditions qui permettront le succès des CTE et les rendront crédibles.

Premièrement, ces contrats devront être l'occasion de simplifier l'ensemble des procédures d'aide. Notre agriculture souffre d'une crise de bureaucratisation, entamée depuis les années 60. La sur-administration, mes chers collègues de l'opposition, n'est pas pour demain, elle date d'hier, et elle est peut-être encore en vigueur aujourd'hui.

Le contrat territorial d'exploitation ne doit pas être une couche supplémentaire d'administration, mais l'occasion d'une véritable remise à plat.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

M. Christian Paul.

Deuxième condition : le contrat territorial d'exploitation, s'il est facultatif, doit être ouvert à tous. L'intérêt de notre agriculture, c'est bien que le plus grand nombre des exploitations, sur l'ensemble des territoires, puisse progressivement entrer dans cette logique nouvelle. Notre volonté n'est pas d'exclure, mais de rassembler.

Troisième condition : le CTE doit répondre aux besoins des territoires dans leur diversité, François Patriat l'a très bien expliqué tout à l'heure. Cet enjeu local du CTE est essentiel et le cadre départemental est bien le niveau d'appréciation de ces réalités sur le terrain.

Enfin, quatrième condition de réussite, le CTE doit être progressivement et fortement financé pour avoir un effet de levier réel. Sur ce point, il faut être clair : le financement des CTE montera en charge progressivement. Il se fera pour une part par refonte des aides et par redéploiement, et, pour un autre part qui reste à déterminer, par des crédits européens.

Il faut rappeler une évidence oubliée par l'opposition : le Parlement vote chaque année le budget de l'agriculture.

C'est ainsi que plusieurs centaines de millions de francs sont prévus pour les préfigurations en 1999 et que plusieurs milliards de francs seront alloués les années suivantes. C'est bien chaque année qu'il nous faudra maintenir l'effort national en faveur de l'agriculture.

M. Jean Auclair.

Vous n'avez pas fini de financer !

M. Christian Paul.

Et puisqu'on a souvent cité le fonds de gestion de l'espace rural, je rappelle à mes collègues de l'opposition qu'après avoir été créé peu de temps avant les élections présidentielles par M. Balladur, ce fonds a été réduit de moitié quelques mois plus tard par M. Juppé, avant d'être ramené très près de zéro. Cette réalité, vous devez l'assumer.

M. Jean Auclair.

Vous confondez les millions et les milliards !

M. Christian Paul.

C'est donc chaque année qu'il nous faudra maintenir l'effort national en faveur de l'agriculture, car c'est bien un enjeu d'intérêt général.

Voilà, mes chers collègues, quel est le contenu de l'article 2 et les conséquences concrètes qu'il conviendra de tirer de son adoption. Pour ma part, j'ai la conviction qu'avec les contrats territoriaux d'exploitation, c'est à la fois la légitimité et les performances de l'agriculture des années 2000 que nous sommes en train de construire.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Beaucoup de choses ont été dites lors de la discussion générale sur texte qui, dans ses objectifs économiques, sociaux ou environnementaux, est réellement novateur et moderne. Il devrait être à l'origine d'une évolution de l'agriculture à la hauteur des attentes, non seulement celles des agriculteurs eux-mêmes, mais aussi celles de la société dans son ensemble.

Les agriculteurs devront produire, mais ils devront le faire, d'une part, dans le respect accru de l'environnement et, d'autre part, avec le souci sans cesse renouvelé d'offrir des produits de qualité.

Ce texte, grâce aux contrats territoriaux d'exploitation qui en sont les pivots, permet aux exploitants qui le souhaitent de développer et de pratiquer un modèle d'agriculture de qualité, d'agriculture extensive, durable et viable.

Certains d'entre nous se sont plus particulièrement intéressés aux zones de montagne. Pour ma part, je m'intéresserai aux zones dites écologiquement prioritaires. Ces zones extrêmement riches de diversité, tant humaine qu'économique, sont fragiles : l'agriculture est la clé de leur survie. Or il me semble dommage, monsieur le ministre, que le présent texte ne prenne pas en compte ces zones de façon claire et homogène dans les objectifs de préservation affichés par l'Etat, voire par l'Europe.

J'aurais souhaité que, pour ces zones bien identifiées, le CTE soit mieux qualifié par le texte. Il en va, en effet, de la pérennité de ces quelques territoires français sur lesquels l'agriculture qui y est pratiquée aujourd'hui est trop souvent à l'origine de leur disparition programmée.

Ainsi, dans le marais poitevin, deuxième zone humide de France, qui s'étend sur deux régions et trois départements, il aurait été judicieux que les contrats territoriaux contractés par les exploitants sur les trois départements concernés aient des liens forts et communs entre eux et, de plus, qu'ils aient les mêmes objectifs de préservation, ce qui n'est pas aujourd'hui assuré.

Il aurait également été intéressant de lancer un signal fort en direction des agriculteurs, en particulier en direction des éleveurs qui vivent et travaillent sur ces territoires, quant à l'engagement réel de l'Etat dans la durée et quant à la volonté de s'écarter d'une logique d'aide aux quantités produites pour se ranger à une logique qualita-


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tive de rétribution des fonctions d'intérêt général. Les OGAF, les OLAE ou les PDD ont montré la volonté de ces hommes, mais ils ont aussi révélé leurs limites.

De plus, le fait que soixante-dix-sept départements se soient portés volontaires pour une préfiguration des CTE aboutit à élaborer les contrats types avant même que le décret d'application de la loi ne sorte.

Que deviendront donc les zones écologiquement prioritaires qui seront probablement les oubliées du texte ? J'aurais aimé, monsieur le ministre, que ce texte contribue à un engagement plus fort de l'Etat en faveur de la sauvegarde de ces zones dont la survie n'est pas aujourd'hui assurée, ce qui inquiète les populations.

M. Jean Michel.

Très juste !

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre, les agriculteurs attendaient une loi d'orientation. Ils vont en avoir une, mais, contrairement à ce que vous annoncez - peut-être pour vous sécuriser -, elle ne sera pas celle qu'ils voulaient. Parce qu'ils sont des gens courageux et déterminés, ils espéraient une loi à la hauteur de la foi qu'ils ont pour accomplir un métier difficile.

Comme tout un chacun, ils attendaient une loi ambitieuse qui leur permette d'exercer dans de meilleures conditions le métier qu'ils ont choisi, lequel exige la passion de la terre que leur ont, pour la plupart, léguée leurs parents. C'était hélas sans compter avec l'idéologie socialiste, accommodée à la sauce verte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Arnaud Montebourg.

Nous y voilà !

M. Jean Auclair.

... idéologie spécialisée dans le nivellement des valeurs, non pour les tirer vers le haut mais plutôt vers le bas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg.

Nous y voilà !

M. Christian Jacob.

Et ce n'est qu'un début !

M. Jean Auclair.

Votre loi, monsieur le ministre, en est une brillante démonstration.

Vous évacuez, entre autres, le problème des retraites, celui de la fiscalité ou celui de la transmission. Mais vous traduisez à merveille votre discours du congrès du parti socialiste de Brest et qui peut se résumer en une phrase : casser l'agriculture et sa mission de production au profit d'une agriculture environnementale.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Avec cette loi vous allez, comme pour les 35 heures, exclure l'agriculture française du concert européen, voire international.

(Même mouvement.)

Tous les agriculteurs attendaient vos fameux CTE. Ils pensaient que c'était une carotte supplémentaire venant récompenser leur travail.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Hélas, c'est le bâton qu'ils vont récolter !

M. Christian Paul.

Le bâton et la carotte ! C'est l'humiliation des agriculteurs !

M. Jean Auclair.

Parlez-en à vos amis communistes ! Vous appliquez à merveille la politique de la carotte et du bâton !

M. Félix Leyzour.

Vous, vous connaissez surtout celle du bâton !

M. Jean Auclair.

En effet, soit ces CTE resteront confidentiels et ne seront réservés qu'aux touristes de l'agriculture, et leur signature isolée n'aura aucun effet sur le territoire, soit ils seront imposés à la majorité des agriculteurs s'ils deviennent le passage obligé pour les aides européennes et nationales, par exemple pour bénéficier de la DJA, des PAM ou des droits à produire.

Nous voulons une réponse sur ce point. Car si la deuxième hypothèse se réalise, en raison de la suradministration induite, les CTE deviendront en quelque sorte un RMI rural et agricole se surajoutant aux autres aides.

M. Christian Paul.

Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean Auclair.

Nous en reparlerons.

Vous vous réfugiez derrière la prétendue caution des agriculteurs, mais ces derniers ont désormais changé d'avis, car ils ont compris la supercherie.

M. Arnaud Montebourg.

Ah !

M. Jean Auclair.

Les agriculteurs creusois que j'ai consultés m'ont chargé dans leur majorité de vous le faire savoir : l'espoir d'hier est devenu la désillusion d'aujourd'hui et la crainte de demain.

A cause de leur manque de financement, les CTE se réduiront inévitablement comme une peau de chagrin.

Vous en faites les piliers de votre loi, mais leur financement démarre mal puisque 300 millions de francs sont apportés uniquement par redéploiement - nous en avons parlé hier - et sont prélevés sur les crédits de l'OFIVAL, le FGER, les OGAF et le FIAM.

Cet argent jusque-là utilisé efficacement pour tous...

M. Arnaud Montebourg.

En particulier pour les céréaliers !

M. Jean Auclair.

... va servir à financer les agriculteurs qui auront contractualisé, et son utilité deviendra marginale.

M. Christian Paul.

Vous ne croyez même pas ce que vous dites !

M. Jean Auclair.

Monsieur Paul, vous parlez à un agriculteur. Vous, vous n'avez sans doute jamais vu le derrière d'une vache, alors je vous en prie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous êtes avocat, vous êtes marchand de chansons ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, M. Auclair a seul la parole !

M. Jean Auclair.

Quant au financement prélevé sur l'enveloppe subsidiarité, quelle erreur ! Au lieu de concentrer ces fonds sur la prime à l'herbe ou sur la PMTVA, par exemple, vous allez vous en servir pour financer une agriculture folklorique et créer par rapport à nos partenaires de graves distorsions de concurrence.

A l'occasion d'une réunion d'information à Limoges, l'un de vos conseillers, monsieur le ministre, nous a annoncé que, pour rendre les CTE efficaces, il faudrait 4 milliards de francs. Pouvez-vous nous indiquer où vous allez trouver le financement pour rendre votre loi lisible et utile, comme vous dites ? On parle aussi de l'intervention éventuelle des départements. Allez-vous, comme pour le RMI, imposer aux conseils généraux un pourcentage de dépenses obligatoires ? Les CTE vont-ils corriger les énormes différences de revenus entre les diverses branches qui composent l'agriculture, différences dont vous avez parlé hier ? Assurément non. Ce ne sont pas 20 000 ou 50 000 francs qui suffiront. Vous êtes seulement en train de préparer la baisse des prix induites par le paquet Santer.


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Dans les quinze pages de notes à l'appui de l'élaboration des CTE, on parle et on reparle de la diminution du chargement. Donnez-nous des précisions. Les CTE remplaceront-ils la prime à l'herbe ? Pensez-vous que la petite enveloppe proposée contribuera à compenser la baisse du chiffre d'affaires de l'exploitation qui aura contractualisé ?

M. le président.

Monsieur Auclair, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Jean Auclair.

On m'interrompt sans arrêt !

M. le président.

Je suis désolé mais j'applique le règlement, et un chronométrage est assuré par les services de l'Assemblée.

M. Jean Auclair.

J'en ai pour trente secondes : laissezmoi terminer ! On parle aussi de création de valeur ajoutée. Mais comment allonger le cycle de production de la viande, par exemple, sans toucher au chargement ? C'est là encore un point que nous vous demandons d'éclaircir.

Enfin, je dirai un mot sur votre thème favori, la multifonctionnalité. Que voulez-vous faire de nos artisans et de nos commerçants puisque, avec l'argent public, vous allez détourner les agriculteurs de leur mission première et en faire des restaurateurs, des hôteliers, des bouchers, des garagistes ou des réparateurs de machines agricoles ? En voulant à tout prix diminuer la production, vous allez casser la vocation exportatrice de la France et aider les Américains à être les maîtres absolus de l'arme alimentaire.

M. Arnaud Montebourg.

Ah !

M. Jean Auclair.

En résumé, votre loi en général et les CTE en particulier vont devenir des monuments d'exclusion, de bureaucratie et de suradministration. Vous voulez nous faire croire qu'avec la mise en place des CTE, qui sont annoncés comme les pivots de la loi, ou la recherche de la qualité, qui serait la panacée, vous allez sauver l'agriculture.

M. le président.

Monsieur Auclair, vous avez vraiment débordé à l'excès.

M. Jean Auclair.

A croire qu'avant vous, messieurs, les agriculteurs n'étaient que des saboteurs ! (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Au moment où nous abordons la discussion d'un des titres les plus novateurs, celui des contrats territoriaux entre l'Etat et l'agriculteur pour soutenir l'exploitation, je voudrais dire à M. le ministre combien, outre-mer, beaucoup comptent sur son pragmatisme pour courir au secours des agriculteurs des DOM.

Lucidement, à la fin de l'exposé des motifs de votre projet, vous annoncez : « L'ensemble des dispositions de la loi sera rendu applicable aux départements d'outre-mer, avec les adpatations nécessaires, selon les procédures prévues à cet effet. »

Vous savez mes engagements passés, avec vous d'ailleurs, quand vous aviez la responsabilité de l'outre-mer, quand, de concert avec les élus et les acteurs économiques de nos régions, nous nous battions pour l'OCM-banane.

Le combat se poursuit puisque, en avril dernier encore, dans le cadre des questions orales, nous échangions sur la grande misère de l'agriculture antillaise. Vous comprendrez donc que je veuille insister.

La nuance, en réalité, est fondamentale. Votre objectif, en métropole, est de corriger une agriculture en surproduction. Il s'agit, chez nous, de rompre avec la sousproduction.

Nous consommons 5 011 tonnes de viande porcine, mais n'en produisons que 1 500 ; nous consommons 5 696 tonnes de viande bovine, mais n'en produisons que 2 572 et nous consommons 99 776 tonnes de lait, mais n'en produisons que 2 066.

La cause d'une adaptation profonde me paraissant entendue, comment cibler correctement cette adaptation ? D'abord, en interrogeant les assemblées locales, conseil général, conseil régional, conseil économique et social, mais aussi en descendant avec les élus, sur le terrain, pour interroger toutes les structures agricoles, en s'obligeant à consulter prioritairement les petits et les sans-grade, ces malheureux qui n'en finissent pas de se débattre avec les organismes sociaux, le fisc, les banques, les fournisseurs, les transporteurs. C'est eux qui vous permettront de cerner les justes adaptations, parce qu'ils souffrent dans leur vie quotidienne. C'est eux qui vous permettront de faire la réelle vivisection de la profession agricole, fortement dominée chez nous par les gros propriétaires fonciers. Ces gros propriétaires sont tout à la fois agriculteurs et exportateurs, donc concurrents directs des petits, importateurs d'intrants, donc fournisseurs-créanciers des petits, et proches, au point de se confondre avec eux, des milieux bancaires, hantise des petits.

Ce n'est pas faute de travail ni faute de dévouement de toute leur famille que ces petits agriculteurs sont endettés, jusqu'à redouter de passer de la condition de smicard à celle de RMiste. Des raisons objectives expliquent leurs déboires, que les contrats territoriaux devraient prendre en compte.

Ainsi les calamités naturelles propres aux régions tropicales, que les compagnies d'assurance refusent de couvrir, livrant les planteurs des îles à l'indemnisation par l'Etat, mais une indemnisation lourde à déclencher, lente à venir, dramatiquement limitée à 25 % des dégâts ; en sorte que les petits planteurs, qui n'ont pas de surface foncière suffisante, sont la proie des créanciers publics et privés.

Ainsi encore, du fait de l'éloignement des centres d'échanges, le coût des intrants - engrais, cartons et films d'emballage, produits phytosanitaires - participe pour 25 % aux coûts de production, qui sont affectés d'un coût de fret maritime dont les petits planteurs ne peuvent vérifier la justesse. Et cela alors que la loi du 25 juillet 1994 a créé une conférence paritaire des transports pour assurer le contrôle de tous ces prix, mais une conférence que les élus des DOM ne parviennent pas, depuis quatre ans, à faire mettre en place.

Un plan de désendettement, une retraite plus conséquente, une prime à l'installation des jeunes, des prêts à taux zéro, un soutien volontariste à la SAFER, le renforcement, dans le cadre de la loi foncière, des mesures de mise en culture des terres agricoles à l'abandon, l'encouragement systématique à la diversification des cultures, autant de pistes pour une adaptation efficiente des contrats territoriaux d'exploitation d'outre-mer.

Ces contrats peuvent dynamiser notre économie s'ils reposent sur les réalités de l'outre-mer, mais ils courraient le grand risque de n'avoir aucun effet s'ils étaient la reproduction mimétique des contrats conçus pour la métropole.


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Monsieur le ministre, nous mettons beaucoup d'espoir dans la promesse liminaire de votre exposé des motifs : l'adaptation, dans le respect des normes, tant des institutions régissant l'outre-mer que de la démocratie, étant sous-entendu que la chance de l'agriculture martiniquaise sera toujours l'effort propre de l'agriculteur martiniquais et sa foi en la destinée du pays martiniquais. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Monsieur le ministre, vous avez l ancé une phase expérimentale des CTE, et cette démarche est à nos yeux importante. Elle permet, selon nous, de tester le principe des CTE au plus près des intéressés. L'expérimentation commence à peine et, dans mon département, l'Allier, représentatif du bassin allaitant, nous entamons les premières réunions de terrain.

Préparer son lancement réel, en parallèle au débat parlementaire, mérite que l'on s'y arrête. C'est pourquoi je voudrais porter à la connaissance de notre assemblée des éléments de vécu sans lesquels, à notre sens, une loi ne peut être élaborée.

Tout d'abord, je formule la crainte que les CTE ne se transforment en deuxième prime à l'herbe, et ne soient une innovation uniquement axée sur des mesures agrienvironnementales.

La situation peut provenir d'un manque d'information.

Dans ce cas, si des efforts sont faits dans le sens d'une large information, d'une sensibilisation par vos services et le préfet, associant tous les agriculteurs, alors cette crainte pourra être levée et l'esprit d'initiative pourra se développer.

Le rôle du préfet est délicat. D'après le texte, il élabore les contrats types. Aussi ne doit-il pas faire preuve de rigueur ou de schématisme, mais au contraire d'une grande souplesse pour faire émerger, examiner et débattre des projets individuels proposés par les agriculteurs.

Ce serait l'occasion de lancer de nouvelles pratiques démocratiques en agriculture.

Nous proposons un amendement en ce sens à cet article car il nous semble nécessaire que le texte de loi le précise pour garantir ce droit nouveau dans la construction d'une nouvelle politique agricole.

Sur le fond, globalement, le projet a un grand intérêt.

Les éleveurs apprécient particulièrement que les CTE soient le moyen d'une répartition plus juste des aides entre les exploitations et les productions.

Ils sont exaspérés par l'image qu'on leur attribue : des gens qui attendent que les primes tombent.

Ils veulent être reconnus pour leur métier et leur savoir-faire.

Ils souhaitent que ce projet de CTE, novateur, permette de faire reconnaître sur le sol national et, plus largement, auprès des consommateurs, une qualité de production qu'ils s'efforcent d'obtenir en affinant les modes de production et en économisant les coûts, notamment sur les intrants.

Ils produisent déjà selon des critères de qualité répondant aux attentes de la société et ne comprennent pas qu'il n'y ait pas sur le marché de la consommation des différentiels de prix permettant de distinguer une viande du Charolais d'une viande banalisée par des méthodes de p roduction industrielle. Proposition intéressante qu'il convient d'accompagner d'une augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs.

Ils demandent que la valorisation soit réelle sur le marché car c'est un des chemins obligés pour dégager un revenu décent pour vivre.

Ils soulèvent par ailleurs le délicat et très sérieux problème de l'agrandissement des exploitations, qui se vendent à des prix auxquels les jeunes ne peuvent faire face, à moins d'avoir, ce qui est extrêmement rare, une famille fortunée. Dès lors, ils se demandent comment les CTE pourront contribuer à installer des jeunes.

En conséquence, forts de ce vécu, les parlementaires communistes ont déposé deux amendements qui vont dans ce sens. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que soit reconnu comme objectif des CTE le développement de productions de qualité. Car la qualité et le respect desr essources naturelles comme de l'environnement ne peuvent se concevoir que dans le prolongement de l'acte de production, et non pas à côté de celui-ci.

Par ailleurs, nous souhaitons une prise en compte par le texte des projets à caractère particulier présentés par les agriculteurs au sein des CDOA. La démarche n'en sera que plus riche et plus forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gabriel Montcharmont.

M. Gabriel Montcharmont.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2, qui crée les contrats territoriaux d'exploitation, est une des dispositions essentielles de la loi d'orientation agricole. Il répond immédiatement à l'affirmation de l'article 1er selon laquelle la loi d'orientation agricole prend en compte les fonctions économiques, environnementales et sociales de l'agriculture.

Les lois d'orientation agricoles sont rares. Celle de 1960-1962 a fondé l'agriculture d'aujourd'hui, organisé cette révolution agricole qui a fait de notre pays, jadis à peine autosuffisant, l'un des premiers exportateurs mondiaux de produits agricoles, et nous entendons qu'il le reste. D'un temps où de très nombreux paysans usaient encore de pratiques ancestrales et, selon l'ancien adage, faisaient de tout pour ne manquer de rien, nous sommes passés à une agriculture spécialisée de plus en plus productive. D'un temps où la pression sur le sol était très forte, nous sommes passés à une époque où, selon une formule désormais célèbre, les agriculteurs ont plus besoin de voisins que de terrains.

Bref, le monde agricole de 1998 est fondamentalement différent de celui de 1960, comme sont fondamentalement différentes les attentes de la société à l'égard de l'agriculture.

Les crises de surproduction agricole, l'inélasticité du marché des produits alimentaires, les préoccupations environnementales et la notion de développement durable dessinent un nouveau paysage de l'agriculture française et de ses rapports avec la société globale. Ce sont ces préoccupations que prend en compte le contrat territorial d'exploitation. Celles-ci ne sont pas nouvelles, plusieurs ont déjà des amorces de solution, notamment dans certaines politiques mises en oeuvre dans les parcs naturels régionaux. Mais la profonde originalité du contrat territorial d'exploitation est d'apporter une réponse globale aux nouveaux défis de l'agriculture, d'offrir la synthèse de démarches parcellaires ou expérimentales.

C'est un contrat engageant les parties sur un projet.

Aux engagements de l'exploitant répondent en contrepartie les prestations de l'Etat, dont le contrat définit la


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nature et les modalités. Cette démarche contractuelle répond aux nécessités de fonctionnement d'une société moderne où l'individu tient de plus en plus à ce que ses responsabilités et ses initiatives soient reconnues. Elle répond aussi aux attentes de la société en matière d'environnement, de qualité des produits et d'aménagement du territoire. Répondant aux attentes de la société, elle contribuera à une meilleure insertion de l'agriculture dans la société.

La notion de contrat implique celle de durée. Ainsi, le producteur qui s'est engagé volontairement dans cette procédure aura la certitude, pour autant qu'il respecte ses engagements, de la pérennité des aides de l'Etat, ce qui est une garantie essentielle à l'élaboration de tout projet.

Ce contrat engage-t-il le monde agricole dans la voie d'une agriculture administrée ? Observons tout d'abord que l'agriculture n'évolue pas dans un monde totalement libéral, et je n'en ai aucun regret ; les maires ruraux qui doivent viser et remplir de nombreux états en savent quelque chose. En fait, ce contrat, tel qu'il est prévu à l'article 2, définit de grands principes, fixe quelques obligations, mais se garde bien d'édicter des dispositions tatillonnes ou bureaucratiques. Ainsi, l'objet essentiel du contenu du contrat territorial d'exploitation comporte peu de dispositions fixées par la loi. Certains s'en sont d'ailleurs émus lors de la discussion en commission.

Peut-on, du même mouvement, dénoncer les risques d'une agriculture administrée et s'indigner que l'article consacré à ce contrat ne soit pas suffisamment précis ? A trop vouloir prouver, on ne prouve rien.

Comment s'étonner, s'agissant de contrats, que la loi fixe des objectifs à atteindre sans entrer dans le détail des dispositions ? La procédure précisée témoigne de la volonté d'élaborer des contrats types au niveau départemental, c'est-àdire au plus près du terrain, sans autre contrainte que celle des orientations définies par le ministre de l'agriculture. Il serait certainement bon que l'élaboration du contrat territorial d'exploitation soit précédée d'une phase de concertation au cours de laquelle les structures de coop ération intercommunale du monde rural feraient connaître leurs attentes en termes d'emploi, d'environnement et de développement durable.

M. le président.

Il faudrait conclure, mon cher collègue.

M. Gabriel Montcharmont.

Je termine, monsieur le président.

Cette réserve émise, chacun devrait convenir que le contrat territorial d'exploitation évite les risques d'une agriculture administrée et que le cadre ainsi défini est suffisamment souple pour que ce soient les acteurs de terrain qui définissent les modalités d'accomplissement de ce contrat. Celui-ci a d'ailleurs été très largement adopté par les agriculteurs, puisque plus de soixante-dix départements se sont portés volontaires pour l'expérimenter.

M. Christian Jacob.

Ils ont été désignés d'office ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gabriel Montcharmont.

Je crains que ce ne soit pas tout à fait exact, mon cher collègue !

M. le président.

Monsieur Montcharmont, terminez votre intervention !

M. Gabriel Montcharmont.

Ainsi, avant même que la loi ne soit adoptée, des réflexions ont lieu au sein du monde agricole sur le contenu des futurs contrats. Cette attente, cette mobilisation sont les meilleurs gages de la réussite de ce dispositif essentiel de la loi d'orientation.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Le contrat territorial d'exploitation constitue un volet important du projet de loi, du moins pourrait-on le croire. Il donne une orientation à la politique agricole qui se trouve ainsi centrée sur le territoire.

Mais ce qui peut paraître bon aujourd'hui se révélera rapidement négatif si nous ne sommes pas vigilants.

Le CTE, monsieur le ministre, ne doit pas se borner à consacrer un nouveau mode de relation, une sorte de PACS pour l'agriculture (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , entre les agriculteurs et la puissance publique. Si telle était votre seule intention, il connaîtrait vite un échec.

Le CTE doit être conçu comme un nouvel outil de développement permettant aux agriculteurs de conserver la maîtrise de leur avenir par la mise en oeuvre de vérit ables projets d'exploitation conciliant performance économique et utilité sociale.

Il serait dangereux que la loi d'orientation renforce la suprématie d'une politique de revenu des agriculteurs fondée sur les seules aides publiques. Et avec quel budget redéployer ? Ce sujet a été évoqué. Au détriment de quel autre volet de votre politique agricole ? Je crains d'ailleurs que, dans quelque temps, les collectivités locales ne soient obligées de prendre le relais pour financer des contrats que l'Etat aurait abandonnés. Le métier même de paysan serait alors remis en cause.

De même, monsieur le ministre, il serait dangereux de financer des actions portant sur l'ensemble de la production de services collectifs, qui vont bien au-delà de l'agriculture. Nous devons être vigilants sur ce point et les délimiter. Prenons garde, car l'addition de contrats territoriaux, par nature individuels, ne peut constituer une politique agricole.

Le CTE doit être un outil au service d'une politique agricole, politique qui doit favoriser l'installation, réformer la fiscalité, alléger les charges, assurer des retraites décentes à nos agriculteurs et aux conjoints d'exploitants - nous y reviendrons au cours du débat -, et c'est là que nos attentes sont les plus fortes.

Concrètement, dans chacun de nos terroirs ruraux dont nous sommes les élus et où nous sommes fiers de représenter le monde agricole, le CTE ne doit pas être une simple adhésion à un contrat type établi par le préfet après avis de la CDOA. Faisons du CTE un véritable projet d'entreprise. Si l'avis de la CDOA a été retenu dans l'élaboration des contrats types, le rôle de cette structure doit être beaucoup plus vaste.

Il faut qu'elle soit à même de donner un avis sur chaque contrat afin d'éviter qu'un strict encadrement administratif ne sclérose les initiatives locales qui dérogeraient au contrat type.

Ces contrats doivent simplement être incitatifs. Peutêtre aussi faut-il associer les propriétaires aux exploitants - lorsqu'ils sont différents - dans cette contractualisation afin d'assurer la pérennité des mesures prises.

Défendons, mes chers collègues, l'idée que l'activité agricole est avant tout une activité économique, et c'est sans doute ce qui n'est pas assez dit dans votre projet de loi ; une activité économique dont la fonction première est de produire des denrées de qualité au moindre coût, de les vendre et de les exporter. Mais l'activité agricole ne doit en aucun cas devenir un service public. Et je crains que le CTE, comme votre loi d'ailleurs dans son ensemble, ne soit déjà un rendez-vous manqué. Ce serait


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regrettable pour l'agriculture française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Lamy.

M. Robert Lamy.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma circonscription est essentiellement rurale. Une grande partie est d'ailleurs située en zone de montagne. Chaque fois que je rencontre des agriculteurs, le désir d'indépendance et la volonté de vivre du fruit de leur travail sont au coeur du débat. Aussi, quand je lis les propositions contenues dans l'article 2, j'ai très sincèrement l'impression qu'on ne parle pas des mêmes personnes.

Les contrats territoriaux d'exploitation vont enfermer les agriculteurs dans un carcan bureaucratique et sclérosant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ils vont faire d'eux des pseudo-fonctionnaires, eux qui écartent toute vision technocratique et administrative de l'agriculture.

Certains se détournent de ce métier, mais d'autres veulent encore y croire. Il faut leur donner les moyens de leurs ambitions. Ce n'est pas en redistribuant les soutiens économiques que leur horizon va s'éclaircir. Il est d'ailleurs certain que, faute de financement suffisant, ces contrats territoriaux ne concerneront qu'une part infime de l'activité agricole et donc des agriculteurs.

Cette initiative, inefficace et illusoire, va faire naître des espoirs qui seront inévitablement déçus. Les jeunes qui s'installeront, qui feront l'agriculture de demain - cette agriculture dont la France a besoin - ne doivent pas être trompés ! Leurs aspirations ne s'accommodent pas de ce zèle administratif et bureaucratique qui relève d'une idéologie passéiste. Ils ne veulent pas d'une profession où tout sera régenté, encadré, où leur moindre initiative fera l'objet d'un document administratif soumis à l'approbation de telle ou telle commission de contrôle. Ils ne veulent pas faire les frais d'un système étatisé. Ils ne veulent pas non plus devenir des jardiniers appointés par l'Etat, les jardiniers de luxe de citadins en mal d'air pur.

Ils n'ont pas attendu que des écologistes entrent au Gouvernement pour être respectueux de l'environnement.

Alors, pour être fiers du métier qu'ils ont choisi, ils ont b esoin d'un soutien national, privilégiant l'initiative économique.

Les agriculteurs ne veulent rien d'autre que vivre de leur métier de producteur. Si nous ne prenons pas garde, si nous ne prenons pas en considération les aspirations, les projets de vie de ces hommes et de ces femmes, nous allons précipiter leur disparition.

Ils sont le socle de la vie rurale. Ils ne sont pas des faire-valoir, mais des acteurs indispensables, impatients de jouer un vrai rôle économique et de retrouver leur fierté de producteurs.

Je ne sais pas si ces contrats territoriaux sont faits pour l'agriculture, en aucun cas, ils ne sont faits pour les agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Jacob.

Excellente intervention !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Monsieur le ministre, vous vous rendez compte que le contrat territorial est au coeur de tout votre dispositif. Ce qui veut dire que vous êtes - et que nous sommes - condamné à réussir ! J'en suis persuadé, ces contrats vont réussir. Et ils marquent un tournant considérable dans l'histoire de l'agriculture. Désormais, les agriculteurs sont traités comme des adultes, car on ne peut contracter qu'avec des adultes.

M. Charles de Courson.

Oh !

M. Gérard Saumade.

Ils sont traités comme des entrepreneurs, alors qu'ils avaient eu trop souvent l'habitude, sous la pression féodale, de manifester pour conserver certains privilèges. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

C'est la réalité que nous avons vécue les uns et les autres... Mais heureusement, depuis quelques années, cela a changé.

Personnellement, j'ai assisté, dans ma région, à un phénomène extraordinaire : la révolution de la qualité viticole, dans le domaine qui était le plus productif du monde ! Or cette révolution de la qualité est l'oeuvre des viticulteurs eux-mêmes qui ont fait un effort considérable.

C'est dans ce sens que vous voulez avancer, monsieur le ministre. Personnellement, je vous en félicite et j'essaierai d'y participer.

Le contrat d'exploitation, cependant, repose, en grande partie, sur une relation forte entre l'Etat et les individus.

Et, c'est peut-être la seule critique que je ferai, il est trop lié à l'individu.

Très souvent en agriculture, la fonction d'entrepreneur dépasse de loin le cadre de l'exploitation et se trouve englobée dans un projet collectif. Je rappelle d'ailleurs que c'est la mutualité, le système coopératif qui, il y a déjà de longues années, a permis à l'agriculture d'évoluer et de réaliser de véritables entreprises sur le terrain. Il fut à la base, dans beaucoup de pays, de la social-démocratie.

C'est Jaurès qui a baptisé la première coopérative viticole du département de l'Hérault au début du siècle, et nous en sommes fiers.

Sous prétexte d'individualiser les choses, les CTE seront conclus à des niveaux qui, en tout cas dans ma région, ne permettront pas de réaliser une compensation.

M. Jean Ueberschlag.

Cela va être pire !

M. Gérard Saumade.

En réalité, elle sera réalisée au niveau de la coopérative qui est l'entreprise d'un secteur englobant l'ensemble des coopérateurs. Je souhaiterais que nous en tenions compte, en nous appuyant sur l'exemple de la viticulture, que je connais bien. Le reste, je le connais moins bien, même si, pour reprendre l'expression assez vulgaire d'un de nos collègues, j'ai aussi été

« derrière le cul des vaches » dans ma jeunesse... Quoi qu'il en soit, il me semble que la coopérative et les syndicats de crus qui sont à l'heure actuelle à la pointe de la commercialisation du vin de qualité, devraient être beaucoup plus largement intéressés à ces contrats d'exploitation.

Voilà pourquoi, à l'article 2, après les mots : « Toute personne physique ou morale exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 peut souscrire avec l'autorité administrative... », je proposerai d'ajouter les

mots : « de façon individuelle ou dans le cadre d'une demande groupée. »

Ainsi serait permise l'introduction de ces groupements et, au-delà de ce que disait très bien tout à l'heure mon collègue Janetti, serait reconnue la notion de petite région. Les contrats d'exploitation s'inscriraient dans une politique globale de pays et le système fonctionnerait peut-être mieux qu'en s'appuyant seulement sur les individus.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Voilà ce que je voulais vous indiquer, mes chers collègues. Mais bien entendu, je pense que nous allons voter ce texte et qu'il sera le début d'une belle histoire.

M. Christian Jacob.

On ne sait jamais...

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heure, troisième séance publique : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, no 1017, relatif au conseil supérieur de la magistrature : M. Jacques Floch, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1104) ; Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT