page 06240page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. H ommage aux victimes du naufrage de Catalogne (p. 6241).

2. Pacte civil de solidarité. - Discussion d'une proposition de loi (p. 6241).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.

MM. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, le président.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

Mme la garde des sceaux.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 6256)

Exception d'irrecevabilité de M. Rossi : MM. Jean-François Mattei, le rapporteur.

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux.

Rappel au règlement (p. 6271)

MM. Philippe Séguin, le président.

Reprise de la discussion (p. 6271)

MM. Georges Hage, Jean-Marc Ayrault, Pierre Lellouche, Bernard Perrut, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Guy Hascoët.

MM. Jean-Marc Ayrault, le président.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6277).


page précédente page 06241page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

HOMMAGE AUX VICTIMES DU NAUFRAGE DE CATALOGNE

M. le président.

Je voudrais, en votre nom à tous, exprimer notre émotion pour le drame qui s'est produit hier en Catalogne. Au moins vingt de nos compatriotes ont péri dans le naufrage et beaucoup d'autres sont blessés.

Je veux me faire l'interprète de notre assemblée en disant combien nous pensons aux victimes, bien sûr, aux familles, à leurs amis, à leurs proches. Il s'agissait de personnes âgées, souvent de l'ouest de la France - il y en avait d'ailleurs de mon département.

Je veux aussi remercier les autorités espagnoles, qui nous apportent leur concours, mais dire surtout à quel point tout cela nous touche, et exprimer la compassion et la solidarité de notre assemblée. Je vous demande un instant de recueillement.

(Mmes et MM. les députés et Mme la garde des sceaux se lèvent et observent une minute de silence.)

2 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion d'une proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Le rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, no 1097, porte sur les trois propositions de loi de : M. Jean-Pierre Michel et plusieurs de ses collègues visant à créer un contrat d'union civile et sociale (no 88) ; M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative au contrat d'union sociale (no 94) ; M. Georges Hage et plusieurs de ses collègues relative aux droits des couples non mariés (no 249).

Je rappelle que le bureau de la commission des finances a été saisi, en application de l'article 92, alinéa 2, du règlement, de la proposition de loi adoptée par la commission des lois. Il a décidé que l'article 40 de la Constitution était opposable à l'article 15 de cette proposition.

Je vous signale, par ailleurs, que de l'état d'avancement du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, dont l'examen n'est pas terminé, du nombre des amendements restant en discussion, je réunirai la conférence des présidents à douze heures quarante-cinq pour faire le point.

La parole est à M. le rapporteur des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, mes chers collègues, notre assemblée aborde aujourd'hui un sujet qui a suscité, depuis presque dix ans, en dehors de cette enceinte, un débat riche alimenté par les articles de presse - il faut à cet égard remercier les journalistes d'avoir informé nos concitoyens -...

Mme Christine Boutin.

Heureusement qu'ils étaient là !

M. Jean-Pierre Michel.

rapporteur.

... et les prises de position d'intellectuels de tous bords, des associations, des Eglises. Au bout du compte, on s'aperçoit aujourd'hui qu'une grande majorité de nos concitoyens est favorable au texte dont nous discutons.

M. Pierre Lellouche.

Pas du tout ! Ils ne le connaissent même pas.

Mme Christine Boutin.

Il n'y sont pas favorables !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pour ma part, comme je l'ai dit en commission des lois, je souhaite que s'instaure dans cette assemblée un débat clair et franc entre nous. Il ne l'a pas toujours été.

Mme Christine Boutin.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je ne pense pas que les arrière-pensées enrichissent le débat parlementaire.

Mme Christine Boutin.

Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je souhaite que le débat soit à la hauteur d'un sujet qui le mérite. Ce serait à l'honneur de notre assemblée. Je l'aborde quant à moi de façon très décomplexée,...

M. Yves Fromion.

Ça, c'est sûr !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... sans honte ni gloire, même si j'en suis l'un des initiateurs, sans passion excessive, en tout cas sans hypocrisie.

Nous devons faire un effort pour faire preuve de tolérance...

Mme Christine Boutin.

Elle a bon dos la tolérance !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... et accepter que tous les gens ne vivent pas de la même façon. Je déplore la croisade de tous ceux qui refusent l'évolution des moeurs avec - hélas ! - la bénédiction des plus hautes autorités religieuses, qui ont une vision rétrograde (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ...


page précédente page 06242page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Yves Fromion.

Ça commence bien ! Bravo !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

En effet, parce que je dis ce que je pense et que cela ne vous plaît pas,...

M. Pierre Lellouche.

Tous ceux qui ne sont pas d'accord avec vous sont rétrogrades, dites-le !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... mais je ne suis pas là pour vous plaire ni pour plaire à qui que ce soit. Je déplore donc la croisade de tous ceux qui refusent l'évolution des moeurs avec - hélas ! - la bénédiction des plus hautes autorités religieuses,...

Mme Christine Boutin.

Ne commencez pas, monsieur Michel !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... qui ont une vision rétrograde de l'homosexualité, considérée comme une pathologie.

(Exclamations sur les mêmes bancs. Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Accoyer.

C'est de la provocation !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Au nom de la commission des lois, qui m'a fait l'honneur et le plaisir de me désigner comme rapporteur, je rapporte donc devant vous, mes chers collègues, trois propositions de loi : la proposition no 88 du groupe socialiste, la proposition no 94, du groupe Radical, Citoyen et Vert et la proposition no 249 du groupe communiste.

M. Pierre Lellouche.

Le ton est donné grâce à vous, monsieur Michel ! Vous aurez le débat rétrograde que vous voulez !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je me félicite que nous discutions aujourd'hui d'un texte véritablement d'origine parlementaire.

Nous avons, sur tous ces bancs, largement regretté que l'initiative parlementaire ne se manifeste pas plus.

M. Yves Fromion.

Le Gouvernement n'a pas pris ses responsabilités !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Alors, réjouissonsnous qu'elle se manifeste aujourd'hui sur un sujet important. Je remercie le groupe socialiste, et son président, Jean-Marc Ayrault, d'avoir inscrit ces textes dans la niche parlementaire qui lui est réservée.

A la demande de la présidente de la commission des lois, Catherine Tasca, Patrick Bloche et moi-même avons travaillé depuis le début de cette année, avec l'aide efficace des administrateurs de nos deux commissions, pour préparer le texte que j'ai présenté à la commission des lois. Nous avons, bien sûr, pris en compte pour ce travail les rapports que le professeur Hauser et Irène Théry ont remis à Mme la garde des sceaux. Même si ces hauts spécialistes préconisaient des solutions juridiques différentes, ils reconnaissaient qu'il fallait instituer un statut légal pour les couples non mariés. Ils nous rejoignaient donc très largement dans l'idée qui sous-tend ce texte.

Nous avons procédé à de nombreuses auditions et nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, notamment le ministère de la justice. Je remercie tout particulièrement Elisabeth Guigou pour son engagement politique ancien et constant à nos côtés sur ce sujet.

Certes, le texte qui vous est soumis est issu d'une revendication exprimée par les associations de lutte contre l e sida et les associations homosexuelles dans les années quatre-vingt-dix, à une époque où cette maladie faisait beaucoup plus de ravages qu'aujourd'hui, puisque la thérapeutique a heureusement évolué. Il s'agissait alors de trouver des solutions aux problèmes concrets que rencontraient ces couples au décès de l'un d'eux et de reconnaître le couple homosexuel.

Un groupe de travail animé par Jean-Paul Pouliquen et Gérard Bach-Ignasse, militants infatigables de cette cause, a soumis à quelques députés, dont moi-même, la première proposition de loi déposée en 1992. De quoi s'agitil ? Tout simplement de prendre en compte la réalité sociale d'aujourd'hui et d'élaborer un texte qui s'adresse à tous, sans aucune discrimination, comme le veut notre République universelle. Ce statut nouveau concerne donc tous les couples qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se m arier, qu'il s'agisse de couples homosexuels, de lesbiennes...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout un monde !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... ou qu'il s'agisse de couples hétérosexuels qui, par choix délibéré, n'entrent pas dans l'institution du mariage ou qui, par une paresse de la vie, se laissent aller à rester en union libre...

Mme Christine Boutin.

Par paresse ! On croit rêver !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... et rencontrent ensuite des problèmes matériels, notamment dans la gestion de leur patrimoine commun. Ce texte concerne aussi deux personnes qui vivent ensemble, qui ont un projet de vie en commun et qui veulent simplement partager la solidarité de la vie.

Il s'agit donc de donner à ces couples la possibilité de se stabiliser et de les faire entrer dans le champ du droit dont ils sont pour le moment totalement exclus, pour les couples homosexuels, ou partiellement exclus, pour les couples hétérosexuels qui vivent en union libre. Il s'agit donc de consacrer de nouvelles solidarités. Je suis profondément convaincu que notre société a tout intérêt à renforcer le lien qui existe entre les personnes et l'Etat. C'est d'ailleurs la responsabilité première du législateur, la nôtre, mes chers collègues, et non pas celle de la jurisprudence que de mettre en adéquation le droit avec le fait.

M. René Dosière.

Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est très dangereux ça !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ce serait une faute grave que de rester silencieux face aux évolutions de notre société. Par ce texte, le législateur ouvre donc le choix aux couples et aux duos avec des droits et des devoirs qui vont crescendo suivant la situation dans laquelle on se place.

Mme Christine Boutin.

Il paraît que le législateur est neutre ! Il ne fait pas des choix !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

L'union libre, le concubinage, subsistera, bien entendu. Personne ne peut obliger les gens à passer par un statut pour vivre ensemble.

Mme Christine Boutin.

Heureusement !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

L'union libre subsistera avec les droits qu'elle entraîne aujourd'hui et, bien entendu, les tribunaux devront l'élargir aux couples homosexuels. La Cour de cassation devra, sur ce point, reprendre une jurisprudence ancienne.

Le PACS sera une convention solennelle déposée en préfecture qui entraînera des droits et des devoirs précisés par les partenaires dans la convention. Quant à l'institution du mariage civil, célébrée par un officier d'état civil, elle entraîne des droits et des devoirs...


page précédente page 06243page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Quels devoirs ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... précisés par un régime légal, voilà la différence ! On le comprend, ce texte n'est absolument pas destiné à destructurer la famille traditionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Néanmoins, il y parvient très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Simplement, il prend en compte les modalités différentes de vie de nos concitoyens. Je suis convaincu que ce qui tue la famille aujourd'hui, ce sont les séparations, les divorces, certains parents qui n'assument pas leur rôle, le chômage, les conditions de vie tout simplement.

Mme Laurence Dumont.

Très juste !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Et, de ce point de vue-là, le PACS n'aggravera pas en quoi que ce soit la situation actuelle, au contraire.

M. Pierre Lellouche.

Ben voyons !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Dans une interview donnée à un grand quotidien du matin, le professeur Jean Hauser a même soutenu - j'avoue que je n'aurais pas eu l'outrecuidance d'aller aussi loin que lui - que le PACS renforcerait l'institution du mariage. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

En introduisant en France la répudiation !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je souhaite qu'il dise vrai.

Je souhaite par ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement et vous-même trouviez, dans votre prochain texte sur la famille, des solutions aux problèmes graves que rencontrent les familles, qu'il s'agisse de celles qui sont fondées sur le mariage ou des familles monoparentales dont le texte ne traite pas, et qui rencontrent des problèmes dans notre société.

Mes chers collègues, nous aurons l'occasion, au cours du débat, de nous expliquer longuement sur les différents articles de ce texte, mais au moment où je vais vous demander d'approuver cette proposition de loi...

M. Jean-Yves Fromion.

Pas tout de suite quand même ! N'allons pas trop vite ! Du calme !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je ne sais pas si le sujet réclame ce genre d'esprit ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Yves Fromion.

On fait ce qu'on peut !

M. Yann Galut.

C'est vrai, il ne faut pas vous en demander trop !

M. Pierre Lellouche.

Rétro, rétro et demi, monsieur Michel !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Au moment de vous demander d'approuver cette proposition de loi dans le texte que je vous soumets au nom de votre commission des lois, je ne puis m'empêcher d'avoir devant les yeux les visages ravagés par la souffrance de ceux qui l'espéraient et auxquels le sida n'a pas permis qu'ils en profitent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, de la tolérance à la reconnaissance : tel est le chemin qu'il nous est permis d'emprunter en abordant aujourd'hui le débat sur le pacte civil de solidarité.

Longtemps ignorés, pour reprendre la formule napoléonienne, ceux qui ne veulent pas se marier vont enfin pouvoir donner stabilité et sécurité à leur relation en inscrivant leur projet commun de vie dans un cadre juridique nouveau.

Longtemps proscrits, ceux qui ne peuvent pas se marier (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ...

Mme Françoise de Panafieu.

Mais non, il ne s'agit pas de ceux-là !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... vont enfin pouvoir bénéficier de cette lisibilité sociale à laquelle ils aspirent depuis si longtemps et que même la jurisprudence ne leur avait pas accordée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Pourquoi cet amalgame ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, c'est du couple qu'il s'agit prioritairement.

Mme Françoise de Panafieu.

Oh non ! Quand même !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Car, entre l'individu et la famille, il y a cette relation privilégiée qu'on vit à deux et qu'on ne saurait ignorer sous peine de voir le discours amoureux se fragmenter.

Mme Christine Boutin.

Eh oui, il y a le mariage !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Et même si l'écriture juridique du pacte civil de solidarité a conduit à maintenir l'heureuse tradition de la neutralité de l'Etat à l'égard des rapports entretenus par deux personnes, donc la nette séparation de la sphère privée et de la sphère publique, c'est bien du couple que nous parlons...

M. Yves Nicolin.

Pas du tout !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il serait peutêtre temps, en 1998, de le considérer comme l'un des fondements de notre organisation sociale.

Mme Christine Boutin.

Vous vous fichez du monde ! Le pacte civil de solidarité est-il révolutionnaire ? Peutêtre, si l'on admet que désormais notre code civil considérera, pour citer Jean-Pierre Michel, qu'un couple, c'est un homme et une femme, mais que aussi deux hommes ou deux femmes. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Non !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il est, à cet égard, nécessaire, pour la clarté de nos échanges, de rappeler que le texte dont nous débattons a été initialement porté par des femmes et des hommes homosexuels et les associations qui les représentaient.


page précédente page 06244page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Pierre Lellouche.

Dommage qu'ils n'aient pas eu le courage de le maintenir jusqu'au bout !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Rétrospectivement, si on examine les conditions qui ont conduit à l'émergence d'une telle revendication, il est souhaitable d'évoquer l'action tant législative que réglementaire conduite de 1981 à 1986, qui a permis de faire de l'individu homosexuel dans la société française un citoyen à part entière.

Rappelez-vous : c'est Robert Badinter invitant notre assemblée, il y a seulement seize ans, à dépénaliser l'homosexualité ; c'est Gaston Defferre ordonnant la destruction du fichier des homosexuels de la préfecture de police ;...

M. Pierre Lellouche.

En effet, et vous êtes en train de le rétablir !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... c'est Roger Quilliot faisant disparaître la notion de « bon père de famille » des rapports entre locataires et bailleurs ; c'est la non-discrimination en fonction des moeurs inscrite par le gouvernement de Laurent Fabius, en 1985, dans le code du travail.

M. Bernard Roman.

Il est bon de le rappeler !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Ces préalables étaient indispensables pour que s'engage le combat de la reconnaissance du couple homosexuel. Et ce n'est malheureusement pas un hasard si cette démarche collective s'amorça à un moment où le sida décimait des femmes et surtout des hommes qui n'étaient coupables que de vivre leur sexualité.

En 1991, la notion de contrat d'union civile apparaît, posant les bases d'un statut commun pour les concubinages homosexuels et hétérosexuels, et plus largement les cohabitations. L'année suivante, une proposition de loi s'en inspirant est déposée par huit députés socialistes. Je souhaiterais, deux législatures plus tard, saluer la clairevoyance et le volontarisme politique dont ils ont fait preuve.

Mme Christine Boutin.

Qu'est-ce qu'il est mignon ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen.

On ne peut pas dire ça de tout le monde !

M. Yann Galut.

Lamentable, honteux !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Soyez un peu adultes !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je souhaiterais également rendre un hommage appuyé à Jean-Paul Pouliquen, à Gérard Bach-Ignasse et aux militants du collectif qu'ils animent pour leur apport décisif et la constance de leur engagement, toutes ces dernières années. Je souhaiterais enfin évoquer le souvenir de Vincent Legret et, à travers lui, de toutes celles et de tous ceux que leur mortelle condition n'a pas autorisé à attendre le débat d'aujourd'hui.

M. Pierre Lellouche.

Mais ne meurt pas seulement du sida...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

En 1992, notre assemblée adoptait, avec l'accord de Pierre Bérégovoy, deux dispositions destinées à faire face à des situations urgentes et dramatiques créées par le développement du sida : l'extension de la qualité d'ayant droit d'un assuré social et l'assurance d'un transfert de bail en cas de décès du locataire. Cette seconde mesure fut annulée par le Conseil constitutionnel pour des raisons liées aux limites inhérentes au droit d'amendement. Cette saisine aura été révélatrice du fait que l'homosexualité n'était pas encore parvenue, pour ceux qui en étaient les auteurs, au stade de l'indifférence.

Six ans plus tard et grâce à un changement de majorité, notre assemblée se saisit enfin dans sa globalité d'une question traitée par trois propositions de loi qui ont donné naissance au pacte civil de solidarité.

M. Pierre Lellouche.

Tellement global que vous avez noyé l'homosexualité dans le projet !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Pourquoi ne présentez-vous pas le texte initial ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Ces six années, malgré l'impatience légitime des promoteurs du contrat d'union sociale, n'auront pas été totalement perdues puisqu'il s'est produit quelque chose de tout à fait essentiel : l'approbation par la société d'une revendication homosexuelle, justifiant ainsi l'institution d'un cadre global et unifiant pour les couples, qu'ils soient de même sexe ou de sexes différents. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Est-ce notre tradition de créer des catégories juridiques différentes selon les groupes sociaux visés ? Non. Et c'est bien parce que nous sommes d'abord des républicains que nous sommes attachés au principe d'universalité des droits.

Mme Christine Boutin.

Justement, nous aussi !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Aussi, c'est sans doute un apparent paradoxe qui nous amène à constater aujourd'hui que certains opposants au pacte regrettent publiquement que le texte ne soit pas la seule formalisation d'un statut particulier des couples homosexuels.

M. Pierre Lellouche.

C'est bien ce que vous voulez, pourtant !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Tout texte spécifique transformerait l'homosexualité de mode de vie choisi, personnel et privé en appartenance imposée et publique à une communauté conduisant à une régression vers un ordre corporatiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. -

« C'est ce que vous avez fait ! » sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, le combat contre les discriminations et les inégalités subies, qui est un combat contre l'exclusion, vise précisemment à éviter le repli communautaire qui en est le produit.

M. Yves Nicolin.

Parlez-nous du fichier !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Cette manifestation de l'exclusion qui voit, dans une société sans repères autres qu'éphémères, la communauté devenir un refuge ou un bouclier est à l'opposé de la volonté de défendre le principe d'égalité comme vecteur et comme finalité de l'action publique. Cette égalité des droits recherchée pour les couples, entre les droits de la personne et ceux de la famille, est à l'origine du pacte civil de solidarité.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

En effet !


page précédente page 06245page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Vous n'y croyez même pas !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Un couple de concubins aux droits restreints, un couple d'homosexuels qui n'a pas même le droit de se nommer tel : il convenait de légiférer, c'est-à-dire de passer d'une situation de fait, réglée marginalement, a posteriori et de façon insatisfaite par la jurisprudence, à une situation de droit, réglée globalement et a priori par la loi.

La matérialisation d'un lien social moderne apparaît, en effet, particulièrement nécessaire lorsque l'on analyse l'évolution du couple. Le déclin du mariage est une réalité statistique. Elle n'a pas porté une atteinte substantielle au « modèle » qu'il représente, mais elle implique que cette forme d'union ne soit plus la seule et unique norme : le mariage est un choix de mode de vie à deux, parmi d'autres. L'union libre, la cohabitation, qui peut être le prélude à un mariage ou une manière de vivre provisoire ou encore une union durable, est devenue une réalité.

L'union libre est, sans conteste, un choix qui se généralise. C'est un fait de société. Et il est de notre responsabilité d'en faire un sujet juridique. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

N'exagérons rien !

M. Bernard Accoyer.

Pas besoin d'un PACS pour l'union libre... puisqu'elle est libre !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est tout le sens de la mission qui nous a été confiée à JeanPierre Michel et à moi-même par Catherine Tasca, à la fin de l'année dernière. Qu'il me soit permis, à cet égard, de saluer la détermination et la force de conviction de Mme la présidente de la commission des lois à qui la tenue du débat d'aujourd'hui doit tant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

L'apport de Jean-Pierre Michel a été tout aussi décisif, sa possession du sujet étant incontestable...

M. Yves Nicolin.

C'est sûr, il possède son sujet !

Mme Christine Boutin.

Lui, au moins, dit la vérité !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... et son engagement d'une exemplaire continuité depuis 1992.

Travailler à leurs côtés fait partie de ces trop rares bonheurs parlementaires.

Je tiens également à remercier Mme la garde des sceaux d'avoir accompagné si efficacement notre travail et d'avoir su éclairer si judicieusement le débat public.

Enfin, je ne saurais oublier Jean-Marc Ayrault,...

Mme Christine Boutin.

Qui manque à l'appel...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... premier signataire de la proposition de loi du groupe socialiste, qui a contribué de manière décisive à ce que le débat sur le pacte ait lieu en ce début de session.

En passant du contrat d'union sociale au pacte civil de solidarité, sans doute avons-nous levé quelques ambiguïtés, la volonté d'accroître la lisibilité du pacte et sa

« dématrimonialisation » ayant été nos préoccupations principales.

Le mariage est une institution dont l'attractivité peut être renforcée par une meilleure perception des droits et devoirs qu'il crée par ceux qui continueront à en faire le choix. Le pacte civil de solidarité est un contrat qui s'apparente à une convention solennelle, il est l'expression de la volonté de deux personnes ayant un projet commun de vie.

M. Pierre Lellouche.

Et l'Etat n'a rien à y voir !

M. Richard Cazenave.

Bien sûr c'est la libre décision de chacun !

Mme Christine Boutin.

Et les enfants, que deviennentils, là-dedans ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

L'union libre restera, enfin, la troisième voie ouverte à ceux qui refusent tout formalisme.

L'instance est sans doute nécessaire pour rappeler une nouvelle fois que le pacte n'interfère pas avec le droit de la famille. La non-prise en compte des fratries en est la conséquence directe...

Mme Christine Boutin.

Ah oui, parlons-en !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... et n'est d'ailleurs pas apparue comme un objet de débat, jusqu'à il y a peu. Les perspectives ouvertes par Mme la garde des sceaux, quant à une réforme annoncée du droit de la famille, offrent l'avantage d'offrir, à terme, une réponse adaptée à ce type de préoccupation dont la légitimité ne saurait être contestée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave.

Baratin !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

L'absence de dispositions concernant l'adoption, la filiation ou la procréation médicalement assistée a été un choix réaffirmé de manière constante depuis l'émergence du premier projet de contrat d'union civile. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Faux !

M. Pierre Lellouche.

Demandez donc à M. Michel !

M. Yves Fromion.

Oui écoutez ce qu'il dit M. Michel !

M. Pierre Lellouche.

Dites-le, monsieur Bloche, que vous voulez l'adoption !

M. le président.

Chers collègues, il est neuf heures et demi. Le débat sera long. Je vous suggère de garder un peu d'énergie pour le reste...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Nous en avons, nous sommes motivés !

Mme Christine Boutin.

Nous débordons d'énergie !

M. le président.

Je n'en doute pas, mais j'observe aussi que, dans ce débat, il est souvent question de respect et de tolérance. Je souhaiterais que l'on commence à en faire preuve sur ces bancs.

M. Bernard Roman.

Il ne faut pas trop leur demander !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Quitte à décevoir des femmes et des hommes que je respecte profondément, et tout en condamnant avec la plus grande fermeté les tentatives de diabolisation, je considère que l'ouverture de ces droits - l'adoption, la filiation et la procréation médicalement assistée - aux couples homosexuels nécessite préalablement dans la société un débat qui n'a pas eu lieu.

Mme Christine Boutin.

Certes non ! M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il est donc logique que le pacte ne concerne pas les enfants.

Au-delà d'ailleurs des problèmes d'adoption et de filiation qui focalisent souvent notre attention lors nos échanges, je souhaiterais qu'on n'oublie pas l'exercice de l'autorité parentale, qui est un aspect essentiel de notre vie sociale.


page précédente page 06246page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

J'ai l'intime conviction, mes chers collègues, que la stabilisation du lien à l'intérieur du couple qu'autorise le pacte, renforce l'existence d'un cadre sécurisant pour l'enfant lui-même.

M. Yves Nicolin.

Vous avancez masqué !

M. Patrick Bloche, rapporteeur pour avis.

Tous ces thèmes ont d'ailleurs été franchement abordés lors de nombreuses auditions menées d'abord avec Jean-Pierre Michel, puis avec Dominique Gillot, que je remercie pour son constant soutien et son amicale présence.

M. Yves Nicolin.

Vous allez citer tout le PS ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je tiens ainsi à souligner que des associations familiales, parmi les plus hostiles au pacte, ont été entendues par les rapporteurs.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

Mais pas écoutées !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Dans un environnement où la précarité est encore le lot quotidien d'un trop grand nombre de nos concitoyens, nous allons reconnaître un nouveau lien social qui permettra à deux personnes ayant un projet commun de vie d'établir les bases d'une solidarité active, car le pacte, c'est aussi cela.

Mme Françoise de Panafieu.

On entend des choses invraisemblables !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Cette référence à la notion de solidarité comme le souci de renforcer la protection du plus faible en cas de rupture ont conduit la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à suggérer quelques ajustements.

M. Jacques Myard.

Islamiste !

M. Patrick Bloche, rapporteur.

Monsieur Myard, vous êtes vraiment à la hauteur de votre réputation...

M. Jacques Myard.

N'est-ce pas ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... hélas pour vous ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

Heureux que ce soit vous qui le souligniez !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Je souhaiterais m'arrêter un instant sur les conséquences de la fin du pacte. Beaucoup d'appréciations, frisant parfois la caricature, ont été émises, comme l'évocation, qui n'est évidemment pas acceptable, de la répudiation. La protection du plus faible, qui n'est pas forcément la femme, n'est pas assurée actuellement dans le cadre de l'union libre puique la fin de la communauté de vie ne fait l'objet d'aucun formalisme et n'ouvre pas automatiquement droit à indemnisation.

M. Yves Fromion.

C'est ce qu'on vous reproche !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Le pacte c onstitue à cet égard un évident progrès, puisque l'article 9 prévoit explicitement (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Yves Nicolin.

Vous dites n'importe quoi !

M. le président.

Mes chers collègues, en ce début de débat, je voudrais vous rappeler une règle évidente. Dans notre assemblée, il y a des divergences d'opinions...

M. Jacques Myard.

Ah ça oui !

M. le président.

... mais si chaque fois qu'un des orateurs, quel qu'il soit, dit quelque avec quoi vous n'êtes pas d'accord, vous protestez publiquement, on ne s'entendra absolument plus ! Que vous soyez en accord ou en désaccord, c'est la règle de notre assemblée, ne manifestez pas à chaque instant. Vous pouvez avoir des convictions profondes sans empêchez pour autant les autres de s'exprimer.

Je vous prie de bien vouloir poursuivre, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Le pacte constitue à cet égard un évident progrès...

M. Bernard Accoyer.

Oh non !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... puisque l'article 9 prévoit explicitement que le juge qui est celui du contrat interviendra, en cas de rupture unilatérale, pour régler les conséquences de celle-ci. Sur la base de l'article 1382, il pourra donc décider de dommages et intérêts en cas de rupture abusive.

Afin de reprendre un souci exprimé par notre collègue Roselyne Bachelot-Narquin à propos de cet article 9, un premier amendement prévoit donc un délai de trois mois au moins, entre la notification au partenaire et l'effet de la décision de rupture. La nécessité est ainsi apparue de ne pas faire cesser soudainement les obligations qui bénéficient au partenaire non consentant - obligations dont je me permets de rappeler, avec toute l'insistance souhaitable, le caractère légal.

Deux amendements aux articles 12 et 13 visent à supprimer le délai de deux ans de pacte pour bénéficier du calcul préférentiel des droits de mutation à titre gratuit, pour les donateurs ou les défunts reconnus, atteints d'une pathologie grave. Il a semblé, en effet, particulièrement souhaitable de ne pas opposer un délai à des personnes malades.

Une série d'amendements aux articles 20 et 21, enfin, ont pour objet de supprimer le délai d'un an pour le bénéfice du transfert de bail et, symétriquement, pour l'exercice du droit de reprise par le bailleur.

Les difficultés rencontrées dans l'accès au logement, que nous avons soulignées, il n'y a pas si longtemps, lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, rendent leur adoption particulièrement souhaitable.

Mes chers collègues, la loi peut-elle bloquer les évolutions des modes de vie, doit-elle au contraire tenter de les anticiper, ou bien encore se contenter de les accompagner ?

M. Bernard Accoyer.

La loi ne doit-elle pas protéger les plus faibles ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

La loi peut-elle être par son silence, facteur d'inégalité et de discrimination, en traitant de manière très différente des situations humaines identiques ? Doit-elle, au contraire, rétablir l'égalité pour encourager, ou du moins faciliter, les mutations de la société ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mais quellle égalité ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est bien parce que nous avons considéré qu'il n'était pas possible d'éluder plus longtemps ces problèmatiques essentielles qu'une volonté politique commune de la majorité de notre Assemblée et du Gouvernement de Lionel Jospin a permis l'examen d'une proposition de loi créant le pacte civil de solidarité.

M. Jacques Myard.

En ce qui concerne le Premier ministre, il y est allé à reculons !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Puisse cette initiative parlementaire, qui répond à une demande sociale, indiquer à nos concitoyens que les législateurs que


page précédente page 06247page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

nous sommes ont conservé leur capacité à traiter de faits de société qui sont ici des choix de vie. Un de nos prédécesseurs avait su illustrer cet aspect si passionnant de la fonction politique en prenant le risque de commettre un ouvrage jugé, en 1907, révolutionnaire. Celui-ci traitait du mariage. L'auteur s'appelait Léon Blum. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radicale, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Tasca, président de la commission des lois.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous dire combien je me réjouis personnellement que la discussion sur le pacte civil de solidarité s'engage à partir d'une initiative parlementaire et dans le cadre d'une séance réservée à un ordre du jour fixé par notre assemblée.

Combien de fois avons nous déploré que le Gouvernement - les gouvernements successifs - ne laisse pas davantage les assemblées prendre l'initiative en matière législative ? Dois-je rappeler que c'est sous la présidence de M. Philippe Séguin que notre séance mensuelle a été instituée et grâce à vous, monsieur le président, que sa durée a été doublée ? D'où mon étonnement lorsque certains disent regretter que ce texte n'émane pas du Gouvernement. A vrai dire, j'ai peine à les croire...

La proposition de loi qui nous est soumise n'est pas un projet de loi déguisé. Elle n'est pas davantage une initiative hâtive et mal préparée (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Depuis le début de la législature, comme Lionel Jospin et la majorité actuelle en avaient pris l'engagement, nous avons commencé à travailler sur des propositions, qui avaient été déposées pour la première fois en 1992. Dès décembre 1997, j'ai demandé à M. Jean-Pierre Michel et à M. Patrick Bloche d'engager un travail approfondi pour rapprocher les propositions. Grâce à leur excellent travail j'ai pu adresser un nouveau texte à tous les groupes de notre assemblée avant l'été. Le président du groupe socialiste, M. Jean-Marc Ayrault a alors demandé l'inscription de ce texte à notre ordre du jour. La commission des lois l'a examiné le 23 septembre. C'est dire combien il est difficile de prétendre que nous avons travaillé dans la précipitation.

M. Pierre Lellouche.

Si ce n'est que le texte nous est parvenu le 23 septembre !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous examinons un texte mûrement réléchi. Je tiens d'ailleurs à dire combien il a été utile pour les parlementaires de pouvoir bénéficier de l'appui politique et technique du Gouvernement, et plus particulièrement du vôtre, madame la ministre. Soyez-en remerciée.

Si je me réjouis autant de la place accordée aujourd'hui au travail parlementaire, c'est parce qu'elle l'est, en l'occurence, pour un texte d'importance.

Le PACS suscite un drôle de débat : du côté des opposants on s'ingénie à débusquer en dehors du texte tout ce que celui-ci pourrait être, ou cacherait, ou préparerait sournoisement.

M. Jacques Myard.

Il ne cache rien, il est clair !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

En réponse, les partisans sont souvent acculés à dire surtout ce que le PACS n'est pas ! Il n'est pas un mariage bis, il n'est pas le mariage des homosexuels, il n'est pas une attaque contre la famille, entre autres. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Thierry Mariani. Ecoutez M. Michel !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

La vraie question est : à quoi, à qui, doit-il servir ?

M. Richard Cazenave.

Effectivement, on se le demande !

Mme Françoise de Panafieu.

Mais M. Michel a répondu !

M. Bernard Accoyer.

Il a eu au moins la franchise de le dire !

M. Thierry Mariani.

N'avez-vous pas écouté le rapporteur ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

La vie a considérablement changé, plus personne ne le nie, depuis un demi-siècle et même en trente ans.

Certes, tous nos concitoyens aspirent comme autrefois au bonheur et à la paix sociale, mais ils n'empruntent plus les mêmes voies. Regardons autour de nous.

En premier lieu, on ne peut plus confondre mariage et famille.

M. Yves Nicolin.

Pas une ne souscrira un PACS.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Le mariage, tel qu'il a été conçu il y a deux siècles, avait et a toujours un objectif bien précis : réunir deux lignées, deux noms, avoir des enfants, fonder une famille.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

L'enfant en est le but principal. Aujourd'hui, le mariage est bien plus un choix de couple dont les familles ne se mêlent guère. Quels sont les parents qui se rapprochent et se concertent pour marier leurs enfants et quels sont les enfants qui demandent l'autorisation de leur famille pour se marier ?

M. Thierry Mariani.

Cela n'a rien à voir !

M. Pierre Lellouche.

Oui, c'est hors sujet !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

En général, ils décident cela à deux. Quant aux enfants nés de cette union, ils viennent ou ne viennent pas selon un calendrier qui n'a pas grand-chose à voir avec la date du mariage.

Mme Françoise de Panafieu.

C'est l'agence matrimoniale du PS qui pense cela ! ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Et m ême dans le mariage, beaucoup de familles se composent, se défont et se recomposent. Les enfants doivent s'y adapter.

Mme Christine Boutin.

On peut divorcer et se remarier !

M. Yves Fromion.

C'est une institution à géométrie variable !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Enfin, beaucoup de familles se fondent et s'installent durablement hors du mariage. C'est une réalité sociale que plus personne ne peut ignorer ni mépriser et que d'ailleurs, par touches successives, notre droit aménage.

On ne peut pas non plus confondre couple et famille.

Beaucoup de nos concitoyens ne peuvent ou ne veulent pas avoir des enfants, et cependant vivent à deux, s'installent ensemble.

M. Yves Fromion.

On n'a rien contre !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

On voit bien que les couples sont divers et ils varient d'ailleurs selon les différents âges de la vie. On entre plus


page précédente page 06248page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

jeune qu'autrefois dans les relations affectives et sexuelles alors qu'on entre plus tard dans la vie professionnelle et donc dans l'indépendance économique. Si bien que beaucoup de jeunes « se mettent en ménage », comme on dit, bien avant de souhaiter et de pouvoir assumer les responsabilités d'une famille.

M. Jacques Myard.

Et alors ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ils savent d'ailleurs faire ce qu'il faut pour ne pas avoir d'enfants.

A d'autres moments de la vie, et notamment dans la deuxième moitié puisque la vie s'allonge, après la séparation par le divorce ou par la mort d'un des époux, beaucoup de gens rencontrent un nouveau compagnon, une nouvelle compagne, et décident de vivre ensemble. Ils ne veulent pas forcément « refaire leur vie » dans le mariage, surtout si le premier s'est mal terminé, mais aussi si l'un et l'autre ayant eu des enfants auparavant, ils ne cherchent nullement à refonder une famille et n'envisagent pas d'avoir des enfants.

Pour eux, il s'agit simplement de vivre à deux, de s'engager, de se protéger l'un l'autre...

M. Richard Cazenave.

Cela s'appelle l'union libre !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... et de faire reconnaître leur union. Devrait-on les condamner à l'union libre ?

Mme Christine Boutin.

On choisit l'union libre et voilà !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il y a aussi les couples homosexuels. Plus que d'autres sans doute, ils sont en quête de sécurité, de reconnaissance et de dignité, parce que, plus que les autres, ils ont souffert socialement de leur différence,...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... et parce que, comme les autres non-mariés, ils appréhendent chacun pour l'autre les conséquences morales et matérielles de leur situation de non-droit en cas de disparition de l'un des deux. A ceux-là le PACS offre un cadre juridique qui met un terme à la dissimulation, à la négation par autrui, à l'état de non-droit.

Enfin, le PACS pourra réunir deux personnes qui vivront ensemble tout simplement pour échapper à la solitude.

Toutes ces réalités prouvent bien qu'il n'est pas sérieux de ramener tout le débat sur le PACS à un débat sur la famille.

M. Yves Nicolin.

Bien sûr que si !

Mme Christine Boutin.

Accordez vos violons !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est à la fois irréaliste et trompeur.

Il faut offrir aux situations d'aujourd'hui une solution légale d'aujourd'hui. La loi est faite pour l'homme, et non l'homme pour la loi.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous devons donc légiférer. Mais de simples aménagements de notre droit, et notamment le renforcement et l'extension du concubinage, ne suffisent pas.

Le concubinage, simple état de fait, est certes producteur de droits, mais il est à prouver constamment. Le renforcer de manière excessive...

M. Yves Fromion.

Pourquoi excessive ? Il s'agit simplement de l'améliorer.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... reviendrait de plus à nier ce qu'il est profondément, c'est-à-dire une union libre, qui doit pouvoir le rester réellement.

Les avantages de la solution juridique globale que constitue la création du pacte civil de solidarité sont nombreux.

Elle permet d'abord, et nous y tenons beaucoup, de lier aux droits nouveaux qui seront accordés des devoirs : l'engagement de « s'apporter une aide mutuelle et matérielle », l'engagement « à l'égard des tiers des dettes contractées » par l'autre « pour les besoins de la vie courante ». Le PACS assure ainsi la lisibilité de l'engagement à deux comme celle des droits nouveaux qui en découleront.

Mais il permet aussi, et ce n'est pas accessoire, d'accorder une véritable reconnaissance aux couples qui ne veulent ou ne peuvent pas se marier.

M. Yves Fromion.

Nous y voilà !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Comment peut-on souhaiter prendre en compte juridiquement leur situation et leurs problèmes par une collection de mesures ponctuelles et refuser en même temps de les voir explicitement reconnus par notre ordre juridique ?

M. Richard Cazenave.

Le beurre et l'argent du beurre !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Admettre sans reconnaître ? Non. Nous voulons que notre droit reconnaisse clairement ces unions qui, contrairement à ce que prétend un adage bien connu, n'ont jamais voulu ignorer le droit.

A travers ce texte, nous ne l'avons jamais caché, nous souhaitons aussi mettre un terme à une discrimination, reconnaître un droit de cité aux couples homosexuels.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la R épublique.) Cette reconnaissance, l'esprit de notre République exige de l'inscrire dans un cadre juridique ouvert à tous les concubins, quel que soit leur sexe, et non dans un statut réservé aux couples homosexuels.

M. Pierre Lellouche.

C'est le prétexte !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous ne voulons pas de solution communautariste. Ce que veulent les homosexuels, c'est bien, selon la belle formule de Dominique Fernandez, « s'agréger à la maison commune ». La République n'a rien à gagner à les laisser en dehors.

L'impératif de protection des plus faibles - l'enfant, le ou la partenaire délaissé - ne peut pas être invoqué contre le PACS. Certes, le PACS ne parle pas des enfants. C'est parce que, concrètement, le statut de l'enfant dont les parents seront liés par un PACS sera exactement le même que celui de l'enfant naturel né de parents vivant dans l'union libre.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est faux !

M. Pierre Lellouche.

Ou alors, écrivez-le dans la loi !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Fort heureusement, notre droit assure désormais aux enfants une protection égale quel que soit le statut des parents. Il traite de plus en plus l'enfant comme personne autonome avec un intérêt et des droits fondamentaux propres. Le PACS ne peut donc pas léser l'enfant. Il ne modifie en


page précédente page 06249page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

rien ses droits. S'il le concerne indirectement, ce ne peut être que de façon positive en contribuant à stabiliser la relation de ses parents.

M. Michel Herbillon.

C'est inexact !

M. Yves Fromion.

Si le texte ignore les enfants, il ignore aussi les parents !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Par ailleurs, je veux lever le soupçon principal. Le PACS ne traite ni d'adoption, ni de réforme de l'autorité parentale.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il ne sera pas, pour les couples homosexuels, une étape possible vers l'adoption ou la procréation médicalement assistée.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ils n'attendent que cela !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous avons choisi d'exclure cette perspective. Notre choix est clair. Il est sans arrière-pensées.

M. Michel Herbillon.

Vous n'avez pas écouté ce qu'a dit le rapporteur !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Enfin, le PACS, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, ne permet pas la répudiation. (« Oh si ! » sur les mêmes bancs.)

M. Yves Fromion.

C'est un instrument de répudiation !

M. Thierry Mariani.

Il suffira d'une lettre recommandée !

M. Pierre Lellouche.

On abandonnera les conjoints dans les stations-service !

M. Didier Quentin.

C'est le système Kleenex !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Lisez le texte ! Le PACS prévoit deux possibilités : sa dissolution par décision de l'un ou de l'autre et accord amiable avec déclaration au lieu même de l'enregistrement, ou bien sa dissolution par le juge. Au juge revient naturellement de protéger le plus faible.

M. Pierre Lellouche.

Le droit du travail est plus protecteur par les salariés que le PACS pour les conjoints ! Essayez de virer un salarié !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Le débat s'ouvre. Je lui souhaite plus de sérénité que dans ses premières minutes. Pour ma part, j'aimerais que l'on n'agite pas des menaces qui ne sont ni inscrites ni en germe dans ce texte.

Pensons plutôt à ce qu'il représente pour ceux qui l'attendent depuis longtemps et pour les jeunes générations : plus de paix avec soi-même et avec les autres quelle que soit la manière de vivre sa sexualité, plus d'engagement, plus de solidarité.

Elaborer un droit en accord avec la société, c'est bien la mission du législateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement approuve l'initiative prise par les députés de la majorité de discuter la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Sans enthousiasme !

Mme la garde des sceaux.

Elle répond en effet à un véritable besoin social. Le nombre de personnes qui ont une vie commune sans être mariées est très important et ces couples ou ces personnes qui vivent sous le même toit se heurtent souvent à des difficultés graves.

Plus de deux millions de couples non mariés ont été recensés en 1997.

M. Pierre Lellouche.

Les chômeurs sont plus nombreux !

Mme la garde des sceaux.

Aujourd'hui, un couple sur six vit ensemble sans être marié.

M. Jacques Myard.

Cela ne nous dérange pas !

Mme la garde des sceaux.

La progression des couples n on mariés est aujourd'hui importante puisque, depuis 1990, il y a eu une augmentation de 1,5 % des mariages et de 31,4 % des unions libres.

M. Dominique Dord.

C'est bien pourquoi il faut renforcer le mariage !

Mme la garde des sceaux.

La cohabitation sans le mariage devient un mode de vie autonome qui se répand dans tous les milieux et dans tous les âges.

Dans le rapport qu'elle m'a remis, Irène Théry constate à juste titre...

Mme Christine Boutin.

Elle est contre le PACS, Irène Théry !

Mme la garde des sceaux.

... qu'il y a aujourd'hui des concubinages de jeunes, des concubinages du milieu de la vie, des concubinages de toute la vie et des concubinages de personnes âgées.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Et alors ?

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas le problème !

Mme la garde des sceaux.

Jusqu'à la fin des années 60, l'union libre était une alternative au remariage après une séparation souvent vécue douloureusement.

M. Jacques Myard.

C'est l'arbre qui cache la forêt !

Mme la garde des sceaux.

Elle devient une forme d'anticipation sur le mariage et un mode de vie autonome pour les célibataires dans les années 80. Si bien qu'en 1996, l'INSEE nous apprend qu'un couple sur dix seulement se mariait sans avoir cohabité dans l'année précédant le mariage.

Mme Françoise de Panafieu.

Et alors ?

Mme la garde des sceaux.

Enfin, on constate que de nouvelles formes de solidarité et d'entraide sont apparues, notamment entre des personnes âgées isolées qui ne veulent pas finir leurs jours de façon solitaire.

M. Richard Cazenave.

D'accord, mais cela ne justifie pas le PACS !

Mme la garde des sceaux.

Une fois le constat fait qu'un grand nombre de nos concitoyens vivent ensemble sans être mariés, il faut bien reconnaître que ces couples se heurtent à des difficultés.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et alors ?

Mme la garde des sceaux.

Il n'y a pas à le cacher, ce sont bien les homosexuels (« Voilà ! » sur plusieurs bancs des mêmes groupes) et les épreuves auxquelles ils ont été


page précédente page 06250page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

confrontés en cas de rupture brutale par décès qui sont à l'origine d'une nouvelle approche de la question de l'union libre.

M. Pierre Lellouche.

Faites donc un texte pour les homosexuels !

Mme la garde des sceaux.

Le besoin de stabilité s'est accru avec le drame du sida. Et on ne peut ni ne doit ignorer le besoin légitime de sécurité juridique exprimé par les couples homosexuels.

Je voudrais rappeler ici le rôle des associations...

Mme Françoise de Panafieu.

Des lobbies, disons-le !

Mme la garde des sceaux.

... qui, dès 1989, ont agi pour défendre l'idée d'un partenariat en s'indignant, à juste titre de certaines situations.

M. François Rochebloine.

Et la famille ?

Mme la garde des sceaux.

Est-il normal que lorsqu'un membre d'un couple décède, l'autre ne puisse même pas obtenir un jour de congé à cette occasion ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Françoise de Panafieu.

Aménagez le code du travail !

Mme la garde des sceaux.

Est-il normal que si le bail n'est pas à son nom, il doive quitter brutalement les lieux ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Françoise de Panafieu.

A-t-on besoin d'une loi pour remédier à cela ?

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues !

Mme la garde des sceaux.

Est-il normal qu'il ne puisse percevoir du défunt rien de plus que ce qu'un étranger pourrait obtenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'ai lu avec émotion ce que le père Bénéteau, curé de la paroisse de Saint-Eustache à Paris, a écrit dans Le Monde du 25 septembre dernier : ...

Mme Christine Boutin.

Je pourrais vous lire aussi ce qu'a écrit Mgr Billé !

Mme la garde des sceaux.

...

« Au coeur d'un quartier où, avant les progrès de la trithérapie, le sida était pratiquement à l'origine d'un enterrement par jour... »

M. Jacques Myard.

Et alors ? Et le cancer ? Faut-il légaliser le sida ?

Mme la garde des sceaux.

« ... j'ai plusieurs fois appelé des familles qui, au nom de leurs convictions religieuses, avaient rompu toute relation avec leur fils homosexuel, les suppliant de venir se réconcilier avec lui, près de son lit d'hôpital. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Quel rapport ?

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas la question !

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas le PACS qui va supprimer le sida !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Arrêtez un peu ! Vous êtes grotesques !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues.

Mme la garde des sceaux.

« Je n'ai pas oublié celles de ces familles qui ont choisi de n'arriver qu'après le décès (« C'est de l'intolérance ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) pour mettre immédiatement à la porte le compagnon qui, depuis des mois ou des années, partageait avec leur fils tout autre chose qu'une partie de plaisir. »

M. Yves Nicolin.

Réglez le problème différemment !

M. Thierry Mariani.

Eh oui, cela n'a rien à voir avec le PACS !

Mme la garde des sceaux.

« Beaucoup de ces couples non "labellisés" ont des qualités de relation, des dévouements, des fidélités dont des aumôniers des hôpitaux sont venus témoigner à Saint-Eustache et qui ont sans doute modifié nos paroles dans le secret des confessionnaux. »

Mme Françoise de Panafieu.

On a connu le Père Bénéteau bien avant vous ! Un homme épatant, mais cela n'a rien à voir avec le PACS !

Mme la garde des sceaux.

Mais si ces questions ont été posées par les homosexuels, bien plus nombreux encore sont les couples hétérosexuels qui ont souffert d'une séparation, d'une absence de dispositions leur conférant des droits, notamment pour le logement.

M. Richard Cazenave.

C'est facile à régler !

Mme Françoise de Panafieu.

Le droit au bail existe !

Mme la garde des sceaux.

Voilà pourquoi il faut aider ces personnes qui vivent ensemble et ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier. Il faut les aider à organiser leur vie commune sans que la loi ait à juger de comportements qui relèvent de la vie privée et de la stricte intimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le droit ne peut ignorer ces couples et l'Etat ne doit pas se désintéresser d'eux. Le droit ne peut ignorer les faits et l'Etat se refuser à résoudre les problèmes qui se posent à ces personnes dans leur vie quotidienne.

Je vais vous dire pourquoi le Gouvernement approuve le choix fait par le Parlement de légiférer par un texte spécifique.

M. Bernard Accoyer.

Il n'est pas fait, le choix !

Mme Christine Boutin.

On ne sait pas encore ce qui sortira du chapeau !

M. Thierry Mariani.

C'est un choix des socialistes, pas du Parlement !

Mme la garde des sceaux.

Je vous dirai ensuite pourquoi le Gouvernement pense que le PACS est une bonne réponse aux problèmes des couples qui vivent ensemble mais ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier. Enfin, je vous dirai pourquoi il est essentiel de distinguer le PACS de la famille.

Le Gouvernement approuve la proposition des députés de légiférer par un texte spécifique et par un seul texte. Je n'ignore pas que certains soutiennent qu'il était possible de ne rien faire car, selon eux, les lois existantes réglaient déjà les problèmes. C'est inexact.

M. François Rochebloine.

Caricature !

Mme Françoise de Panafieu.

Nous n'avons jamais dit ça ! Nous avons dit qu'il fallait amender les lois existantes !


page précédente page 06251page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Mme la garde des sceaux.

Actuellement, les concubins, fussent-ils hétérosexuels, ne se doivent aucun soutien. De même, pour les dettes de la vie courante, chacun n'est engagé que pour celles qu'il a individuellement contractées. Chacun reste seul propriétaire des biens dont il s'est porté acquéreur, la jouissance en serait-elle même partagée entre eux.

La possibilité qui existe aujourd'hui de permettre l'attribution préférentielle d'un bien indivis entre concubins constitue un autre problème, qui peut provoquer des drames. Par exemple, ce dossier réel dont je ne fais que changer les noms : Françoise, divorcée, ayant des enfants majeurs, Martin, qui n'a pas de charge de famille. Ces deux-là vivent en concubinage. Ils ont soixante et soixante-cinq ans. Elle n'a pas voulu se remarier car elle est catholique pratiquante. (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mais taisez-vous !

Mme Christine Boutin.

C'est de la provocation !

M. Bernard Roman.

A genoux, Boutin !

Mme Nicole Bricq.

Vatican I !

Mme Christine Boutin.

Jospin parle de secte en évoquant les catholiques, alors...

Mme la garde des sceaux.

Françoise et Martin ont acheté un appartement en indivision. Pensant qu'il partirait avant elle et pour ne pas défavoriser ses enfants, elle n'a pas pris de dispositions particulières. (Vives exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de calme, s'il vous plaît !

Mme la garde des sceaux.

Françoise décède, ses enfants, qui n'ont jamais accepté qu'elle ait demandé et obtenu le divorce, refusent de vendre à Martin leur quote-part du bien indivis. Faute d'attribution préférentielle du bien, les parties vont se retrouver à l'audience du tribunal pour la vente aux enchères.

S'agissant des impôts, les concubins sont tenus par le code général des impôts de faire des déclarations de revenus séparées. Même du fait de leur vie en commun les concubins ne constituent pas un seul et même foyer fiscal.

M. Thierry Mariani.

C'est un choix !

M. Bernard Accoyer.

Respectez leur liberté !

Mme la garde des sceaux.

Certes, des avancées jurisprudentielles existent mais elles restent fragiles, comme toute solution jurisprudentielle, et elles ne concernent que les hétérosexuels. La Cour de cassation a maintenu récemment la définition traditionnelle du concubinage qui « ne peut résulter que d'une union stable et continue entre un homme et une femme, ayant l'apparence d'un mariage ».

M. Pierre Lellouche.

Entre un homme et une femme seulement !

Mme la garde des sceaux.

Or il existe, je l'ai dit, des situations douloureuses, notamment en matière de logement. Le 20 mars, le tribunal d'instance de Paris a accordé un délai de six mois à un homme pour libérer l'appartement de l'Office public d'aménagement et de construction dans lequel il vivait depuis plus de cinq ans avec son compagnon décédé. Le bail en avait été consenti, comme le rappelle le tribunal, « exclusivement à son ami ».

M. Yves Nicolin.

C'est le café du commerce !

Mme la garde des sceaux.

Ni l'article 5 de la loi de 1958, qui permet le transfert du bail au conjoint, ni la jurisprudence, qui admet le transfert au concubin notoire, ne lui permettaient de rester dans les lieux.

M me Françoise de Panafieu.

Faux, les HLM admettent les deux signatures sur le bail, il suffit de faire la démarche. Allez un peu sur le terrain !

Mme la garde des sceaux.

Il est donc totalement inexact de considérer que le problème peut être réglé à droit constant. Il faut légiférer.

M. Jacques Myard.

Relisez le code civil !

Mme la garde des sceaux.

Beaucoup en sont convaincus, mais certains estiment qu'il fallait le faire en plusieurs fois. A ces derniers, je répète que si l'on avait choisi de légiférer par petits bouts, c'eût été difficile, long, sa ns visibilité, et de surcroît hypocrite.

M. Monique Collange.

Exactement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Cela aurait été difficile parce que les textes sont épars, dans le code civil, dans le code de la sécurité sociale, dans le code du travail, notamment. Il aurait alors fallu modifier toutes sortes de textes au gré de leur inscription au calendrier parlementaire. Il aurait fallu combler des vides dans des domaines sectoriels où les besoins s'avèrent les plus pressants en agissant ponctuellement, tout en refusant une visibilité de l'ensemble.

En outre, cette réponse risquait d'être lacunaire, car elle ne réglait pas les problèmes quotidiens de ceux qui sont liés par un projet de vie commune, et de produire des effets de droit à des situations de pur fait que ne caractérise aucune volonté commune. Or il n'y a aucune raison, absolument aucune, de traiter pareillement ceux qui veulent s'engager et ceux qui ne le désirent pas.

Mme Christine Boutin.

On est bien d'accord !

Mme la garde des sceaux.

Ce serait sans visibilité. Au coup par coup, les couples non mariés se sont vusr econnaître certains droits, en particulier dans les domaines touchant à la vie quotidienne, droit au bail, droit à la protection sociale.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh bien alors ?

Mme la garde des sceaux.

Mais ces droits, résultant tantôt de la jurisprudence, tantôt de la loi, n'entrent pas dans une vision d'ensemble des problèmes juridiques rencontrés par les concubins.

Là encore, ce sont les plus pauvres et les plus démunis qui auront le plus de difficultés à accéder à ces droits...

M. Dominique Dord.

C'est l'inverse !

Mme la garde des sceaux.

... car ils ne les connaissent pas et n'ont pas les moyens de s'offrir les services d'un avocat ou d'un notaire pour les éclairer sur leurs droits.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Enfin, une telle démarche serait hypocrite, car ce serait ne pas répondre de façon claire aux problèmes que rencontrent quotidiennement ceux, hétérosexuels ou homosexuels, qui ont fait le choix d'avoir un projet de vie commun.


page précédente page 06252page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Le Gouvernement, en soutenant la proposition de loi, a fait le choix de la simplicité, de la rapidité, de la clarté et de la sincérité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Tartuffe !

Mme la garde des sceaux.

A partir du moment où la nécessité de légiférer dans un seul texte s'impose, la question se pose de savoir comment.

Une première solution consisterait à conférer une cert aine force juridique à l'engagement de ceux qui entendent vivre en commun sans se marier, en aménageant un régime de la seule gestion de biens, à michemin entre l'indivision et la société, pour deux personnes, qui cohabitent.

C'est la proposition du pacte d'intérêt commun formulée par le professeur Hauser, auquel mon prédécesseur avait commandé un rapport sur ces problèmes, ce qui montre bien que le gouvernement précédent entendait traiter la question que nous examinons.

Mais cette proposition, très intéressante sur le plan matériel, ne répond pas, je crois, au souci d'organiser la vie commune des personnes. Elle porte en elle le germe de dérives frauduleuses, la liste des personnes pouvant conclure un pacte d'intérêt commun avec une autre étant indéfinie.

M. Thierry Mariani.

Avec votre texte, ce sera pareil !

Mme la garde des sceaux.

Une deuxième solution consisterait à poser la reconnaissance législative de la situation de fait que constitue le concubinage, quel que soit le sexe de ses membres, en lui faisant produire la plupart des effets du mariage, hors la relation de parenté.

C'est la solution d'Irène Théry dans son rapport Couple, filiation et parenté aujourd'hui.

Mais cette solution pose la question de savoir pourquoi se marier si les mêmes résultats peuvent être obtenus sans le faire. C'est ce que le professeur Hauser appelle fort justement la « phagocytation » du mariage par l'absorption du droit dans le fait.

Ces deux propositions, celle du professeur Hauser et celle d'Irène Théry, ont eu le grand mérite d'avoir beaucoup contribué à faire avancer la réflexion et le débat.

Mais aucune de ces propositions n'était satisfaisante, et les rapporteurs ont, à juste titre, proposé une autre voie : le choix du PACS.

A la différence du pacte d'intérêt commun, le PACS organise la vie commune des personnes, et va bien audelà des intérêts purement matériels.

Il valorise la vie commune à deux reposant sur la solidarité. On ne peut pas se désoler des risques de l'égoïsme et de l'individualisme, de la solitude de nos sociétés et refuser des avantages aux personnes qui s'engagent l'une envers l'autre.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Quel engagement ? Quelle solidarité ?

Mme Christine Boutin.

Devant qui ?

Mme la garde des sceaux.

A sa manière le PACS contribue au maintien et au renouvellement des liens entre les personnes. Il apparaît comme une nouvelle forme de solidarité et d'entraide entre les individus.

M. Thierry Mariani et M. Pierre Lellouche.

Il n'y a rien de tout cela !

Mme la garde des sceaux.

Parce qu'il crée du lien social, il est de l'intérêt même de la société d'offrir au couple ce minimum d'encadrement juridique.

M. Yves Fromion.

Encadrement préfectoral !

Mme la garde des sceaux.

A ce titre, il doit être reconnu comme une valeur en soi, indépendamment des enfants. Sa consécration juridique est un moyen de lutter contre l'exclusion liée à l'isolement. C'est un facteur de paix sociale et d'économie des coûts.

A la différence de la solution préconisée par Irène Théry, le PACS ne crée pas un statut du concubinage qui aurait nécessité de régler les problèmes familiaux des couples hétérosexuels ayant des enfants. Le Gouvernement a tenu - et il l'a fait savoir aux députés - à ce que la réforme du droit de la famille soit dissociée du PACS qui ne concerne que le couple.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Patrick Ollier.

Pour la famille, ce n'est pas un exemple !

M. Bernard Accoyer.

Il est vrai que la famille, c'est moins urgent pour le Gouvernement !

Mme la garde des sceaux.

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas déposé un projet de loi et pourquoi a-t-il accepté de discuter d'une proposition de loi parlementaire ?

M. Pierre Lellouche.

C'est un mystère !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

On se demande...

!

Mme la garde des sceaux.

Mais tout simplement parce que les textes ont une histoire et que l'histoire de ce texte est déjà ancienne puisqu'elle remonte à presque dix ans et au fait que sept propositions de loi différentes, allant toutes dans le même sens, ont été déposées par la gauche depuis 1989 : Au Sénat, en mai 1989, une proposition relative à l'union de fait par le groupe communiste ; Au Sénat, en juin 1990 et juillet 1992, une proposition relative au partenariat civil et instituant un contrat d'union civile par le groupe socialiste ; A l'Assemblée nationale, une proposition instituant un contrat d'union civile par MM. Autexier, Michel et Belorgey ;

M. Pierre Lellouche.

Pierre Belorgey qui est contre le PACS !

Mme la garde des sceaux.

A l'Assemblée nationale, en 1993, une proposition tendant à créer un contrat d'union civile, par MM. Michel, Chevènement et Sarre ; A l'Assemblée nationale, en 1997, une propositionr elative au contrat d'union sociale par Jean-Marc Ayrault ; En 1997, une proposition relative aux droits des couples non mariés par M. Hage ; A l'Assemblée nationale, en 1997, une proposition relative au contrat d'union civile et sociale par M. JeanPierre Michel.

Le mérite de l'ensemble de ces propositions est qu'elles procèdent d'une démarche globale en visant les seuls couples qui ont un projet de vie commune mais tous ces couples sans exception, qu'ils soient hétéro ou homosexuels. Car, comme Roselyne Bachelot qui s'exprimait dans une tribune le 18 septembre dernier, je suis contre les solutions communautaristes. Un texte qui n'aurait été conçu que pour les homosexuels aurait été à l'inverse de notre tradition républicaine et universaliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


page précédente page 06253page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Pierre Lellouche.

Non, il aurait été honnête et cohérent intellectuellement !

Mme la garde des sceaux.

Le mérite de ces textes est également de tendre à une véritable organisation de la vie commune et pas seulement à la gestion des biens communs.

Par la suite, les parlementaires ont travaillé à l'amélioration des trois dernières propositions déposées à l'Assemblée nationale et le Gouvernement a estimé logique, salutaire et normal que cette question qui concerne un fait de société fasse enfin l'objet d'un débat public et il a choisi de travailler à partir du texte élaboré en étroite concertation avec Catherine Tasca, présidente de votre commission des lois et par les députés Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche. Je voudrais ici saluer leur détermination et leur esprit de coopération.

D'ailleurs, ce choix du Gouvernement, d'accepter la discussion sur une proposition de loi, n'est pas une exception. Je vous rappelle que j'ai procédé de la même façon pour une proposition de loi d'origine sénatoriale sur la prestation compensatoire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

C'est ainsi que le PACS a vu le jour. Qu'est-ce que le PACS ? C'est un contrat qui apporte une réponse pragmatique et équilibrée, sans bouleverser l'ordre juridique et social, à ceux qui entendent assumer un engagement de vivre ensemble en dehors du mariage.

M. Yves Fromion.

Alors pourquoi cela ne figure-t-il pas dans la partie contrat du code civil ?

Mme la garde des sceaux.

Le PACS, concrètement, a pour objet d'organiser la vie commune de ces deux personnes qui veulent partager le poids de cette communauté. Il s'agira, le plus souvent, de personnes qui seront présumées avoir une « communauté de toit et de lit ».

Mais, d'une part, il n'est pas nécessaire de le préciser, car il n'appartient pas au législateur de...

Mme Christine Boutin.

De tenir la chandelle ! (Rires.)

Mme la garde des sceaux.

... s'insérer dans la vie privée des couples et, d'autre part, les personnes n'ayant pas de liens sexuels mais seulement affectifs pourront signer un PACS.

Si la communauté de toit présume la communauté de lit, il faut cependant exclure du PACS toutes les relations potentiellement incestueuses. C'est ce que fait la proposition de loi. Mais cette relation fait l'objet d'une simple présomption. C'est la raison pour laquelle deux personnes âgées de sexe différent ou de même sexe qui ne seraient unies que par des liens d'amitié ou de solidarité pourront, si elles le désirent, signer un PCAS.

Mme Christine Boutin.

Encore heureux !

Mme la garde des sceaux.

De ces deux idées découle très logiquement dans la proposition de loi la détermination des personnes à qui s'adresse le PACS. Parce qu'il y a présomption de lit, mais présomption simple, le PACS doit être interdit aux membres proches de la famille, c'est la prohibition de l'inceste, et aux personnes déjà mariées, c'est la prohibition de bigamie et le respect du devoir de fidélité du mariage. Parce qu'il repose sur un engagement d'organisation de la vie commune, il doit engendrer tout autant de droits que d'obligations et être ouvert à tous ceux qui sont prêts à les assumer.

Il n'y a donc ni contradiction ni confusion dans le champ d'application du PACS.

M. Richard Cazenave.

Il n'y a que contradiction et confusion, que cela !

Mme la garde des sceaux.

Il n'y a pas non plus de dérive possible. Il n'y a pas de risque de fraude ou d'usage abusif par ceux qui voudraient y recourir à leur seul profit.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Qui voudrait, en effet, se lier fictivement par un PACS alors que celui-ci engendre solidarité dans les dettes contractées pour les besoins de la vie courante et, en principe, indivision pour les biens acquis postérieurement à la conclusion du pacte ainsi que droit à attribution préférentielle ? Les membres du PACS se doivent mutuellement soutien dans les conditions prévues par l'acte. Ils sont imposés ensemble au titre de l'impôt de la solidarité sur la fortune.

Qui pourrait dans un couple vouloir duper l'autre en recourant au PACS alors qu'une même personne ne peut être engagée dans plus d'un PACS et que le régime de publicité instauré permet d'opérer toutes les vérifications ? Il n'y a donc pas de risque d'irresponsabilité. Qui pourrait soutenir de bonne foi que le PACS crée des droits sans les devoirs ?

M. Yves Fromion.

Bien sûr que si !

M. Thierry Mariani.

C'est l'évidence !

Mme la garde des sceaux.

Le PACS n'est pas un instrument de facilité pour ceux qui voudraient des avantages sans contrepartie.

Il n'y a pas non plus de risque de précarité. Qui pourrait prétendre qu'on se lie sans s'engager alors que le PACS n'ouvre bon nombre de droits qu'après plusieurs années ? Entre deux et trois ans pour la déclaration commune de l'impôt sur le revenu et pour bénéficier d'un abattement avantageux sur les droits de mutation à titre gratuit ; un an pour la couverture sociale à titre d'ayant droit, pour la continuation du bail en cas d'abandon du domicile pour le locataire ou du décès de celui-ci et pour les affectations géographiques dans la fonction publique.

M. Yves Fromion.

Et pour les étrangers, quel est le délai ?

Mme la garde des sceaux.

Le PACS couvre les aspects essentiels de la communauté de vie : les actes de la vie courante, la gestion des biens du couple - le logement, les meubles qui le garnissent. Nous savons en particulier que les jeunes qui s'installent s'endettent et il est donc particulièrement important qu'ils soient solidaires de ces dettes.

Le PACS concerne également le sort dudit logement en cas de dissolution du pacte - attribution préférentielle du logement ou continuation du bail. Il concerne l'imposition commune, la reconnaissance de la qualité d'ayant droit social, les congés pour événements familiaux, le droit de ne pas être séparé dans le travail - je fais allusion aux affectations géographiques dans la fonction publique comme dans les loisirs.

M. Thierry Mariani, et plusieurs députés sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.

Les célibataires apprécieront !

Mme la garde des sceaux.

L'objet du PACS est donc à la fois vaste, puisqu'il recouvre les rapports au quotidien, et limité puisqu'il concerne les conditions d'organisation


page précédente page 06254page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

matérielle de la vie commune et donc le domaine patrimonial. Il est un contrat qui repose sur la volonté de ses signataires et ce, aussi bien dans sa conclusion, que dans ses effets et sa rupture.

Parce qu'il y a volonté de s'engager ensemble, il est légitime que l'Etat, tout en reconnaissant le principe de cette contractualisation de la vie à deux, respecte la liberté de ses membres et en organise les modalités.

Mme Christine Boutin.

L'Etat doit être neutre ! (M. Patrick Ollier remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRE SIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

Mme la garde des sceaux.

Dans sa conclusion, le PACS résulte de la seule volonté concordante des parties et l'organisme qui le reçoit n'a qu'un rôle d'enregistrement passif.

C'est pourquoi le Gouvernement avait choisi et préconisé un enregistrement au greffe du tribunal. Les auteurs de la proposition préfèrent la préfecture. Pourquoi pas ? Dans ses effets, les parties déterminent librement dans le pacte les droits et les obligations qu'elles entendent lui faire produire : savoir si les biens seront communs ou resteront en tout ou partie personnels à l'un ou l'autre membre du PACS, déterminer comment ils seront gérés, comment seront réglés les engagements vis-à-vis des tiers.

A ce titre, la loi prévoit une base minimale d'engagement pour les besoins de la vie courante.

Dans sa rupture, enfin, le PACS peut, comme tous les contrats à durée indéterminée, être rompu par la volonté unilatérale de chacun de ses membres...

M. Thierry Mariani.

Par répudiation !

Mme la garde des sceaux.

... et il appartient aux parties d'en organiser les conséquences. Toutefois, en cas de désaccord sur celles-ci, chacun des deux pourra saisir le juge de grande instance.

Voilà ce qu'est le PACS. Venons-en maintenant à ce qu'il n'est pas. Eh bien, il n'est pas le mariage. Ce n'est ni un mariage bis , ni un quasi-mariage.

Comme l'a souligné votre rapporteur, le PACS se distinguera de l'union libre comme du mariage, car rien ne vaudra le statut de conjoint pour ceux qui recherchent le maximum de sécurité juridique et de stabilité, qui sont le c orollaire de l'engagement de deux personnes de construire un foyer et d'avoir des enfants. A ceux-là, je dis que la société leur doit une reconnaissance dans tous les sens du terme : une célébration par l'officier d'Etat civil et des droits et des devoirs supérieurs à toute autre forme d'engagement. C'est parce que le mariage est à la fois un idéal affectif et une institution républicaine qu'il est célébré à la mairie.

Le PACS n'est pas un acte solennel comme le mariage qui tire sa force de l'intervention d'un représentant des pouvoirs publics à qui incombe la fonction d'unir les intéressés. C'est pourquoi le Gouvernement s'est montré particulièrement attaché à ce que l'officier de l'état civil n'ait aucun rôle à jouer à l'égard des signataires d'un PACS, et que le PACS ne se signe pas en mairie.

Le PACS est radicalement différent du mariage parce qu'il n'est pas question, ni aujourd'hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe, quel que soit leur sexe, puissent se marier. Comme l'a dit la Commission européenne des droits de l'homme de Strasbourg,

« ce serait une dénaturation du mariage et de sa fin sociale que des personnes dont la catégorie sexuelle emporte par elle-même la constatation d'une inaptitude physique à procréer puissent se marier ».

Mais même entre les seuls membres du PACS, il n'y a aucun statut institutionnel comme dans le mariage qui appellerait une prédétermination législative et un contrôle dans la mise en oeuvre. Il ne peut y avoir, comme dans le mariage, de dimension extra-patrimoniale qui s'imposerait aux signataires du PACS comparable au devoir de fidélité et de cohabitation charnelle. Il n'y a pas de régime matrimonial pour la gestion globale du patrimoine familial.

Il n'y a même pas de régime dit « primaire », c'est-àdire de base, pour la gestion quotidienne, qu'il s'agisse de l'obligation de contribuer aux charges de la vie commune, du fonctionnement des comptes bancaires ou du sort des revenus professionnels.

Mme Christine Boutin.

Alors, qu'y a-t-il dedans ?

Mme la garde des sceaux.

Il n'y a pas de réglementation de divorce parce que le PACS n'est pas le mariage et qu'il est important, sur ce plan-là aussi, de bien les distinguer.

Il n'y a pas de droit successoral.

Le PACS ne génère aucun statut familial parce que, quand on signe un PACS, on ne se dote pas de beauxparents et on ne s'engage à aucune obligation de fidélité ni obligation alimentaire...

M. Jacques Myard.

A quoi cela sert-il alors ?

Mme la garde des sceaux.

... non seulement vis-à-vis de l'autre membre du couple...

Mme Christine Boutin.

Qu'est-ce que c'est que cette invention ?

Mme la garde ses sceaux.

... mais aussi à l'égard de l'ensemble de la famille.

M. Jacques Myard.

Tout ça est bâtard.

Mme Christine Boutin.

Incompréhensible.

Mme la garde des sceaux.

Il est important de bien distinguer ce qui est organisation du couple et ce qui est du domaine de la famille.

M. Jacques Myard.

Voilà un bon mot !

Mme la garde des sceaux.

Je vais maintenant, pour terminer, vous expliquer pourquoi il est important à mes yeux de ne pas mélanger le PACS et la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Rochebloine.

C'est vous qui mélangez les deux !

M. Thierry Mariani.

Vous bafouez le droit de la famille dans le texte.

Mme la garde des sceaux.

Le PACS ne concerne pas le droit de la famille. En pratique, d'ailleurs, son enregistrement ne donne pas lieu à la remise d'un livret de famille.

(Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Thierry Mariani.

C'est le gag !

M. Jacques Myard.

Confusion mentale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 06255page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Jean-Pierre Blazy.

Bande de réactionnaires !

M. Jacques Myard.

Décadents !

Mme la garde des sceaux.

A cet égard, la proposition de loi qui exclut radicalement que les rapports entre deux pactisants puissent à eux seuls constituer une famille est totalement en accord avec la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour européenne des droits de l'homme.

La Cour européenne rappelle que, pour analyser le concept de « vie familiale » visé par l'article 8 de la Convention, il faut tenir compte d'un certain nombre d'éléments. Y a-t-il preuve de l'engagement de l'un envers l'autre ?

M. Maurice Leroy.

Il faut dire qu'il n'y a pas foule dans les rangs socialistes pour soutenir le texte.

Mme Christine Boutin.

Tiens, où sont donc les socialistes ?

M. Jacques Myard.

Où est la gauche plurielle ?

Mme la garde des sceaux.

Les membres du couple vivent-ils ensemble et depuis combien de temps ? Ont-ils eu des enfants ensemble de manière naturelle ou autre ? La famille ne se résume pas à deux personnes qui cohabitent. Elle inclut une dimension temporelle, celle des générations, par l'existence d'une descendance ou par la potientalité de celle-ci.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Fromion.

Parlons-en !

M. Thierry Mariani.

C'est pour cela que vous baissez les prestations familiales !

Mme la garde des sceaux.

La famille a une dimension procréatrice et parentale que n'a pas le PACS et c'est pour cela que celui-ci n'autorise pas l'adoption d'enfants.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Pas encore !

Mme la garde des sceaux.

Il ne permet pas la procréation médicalement assistée. Il n'a aucune incidence sur les règles de l'autorité parentale à l'égard des enfants vivant avec les membres signataires du PACS.

M. Maurice Leroy.

Cela viendra !

M. Thierry Mariani.

C'est une première étape.

Mme la garde des sceaux.

Il n'a aucune incidence sur le nom de ceux-ci. Il n'engendre pour l'un des membres du PACS aucune obligation alimentaire à l'égard des ascendants de l'autre. Il n'y a pas de beaux-parents dans le PACS.

Que les choses soient claires : le PACS n'influera pas sur les règles de la filiation et de l'autorité parentale ni sur les droits des enfants.

M. Bernard Accoyer.

C'est bien ce qui nous inquiète !

Mme Christine Boutin.

C'est absurde.

Mme la garde des sceaux.

Le gouvernement dont je fais partie ne proposera jamais l'adoption ni la procréation médicalement assistée pour les concubins homosexuels.

M. Christian Estrosi.

Mensonges !

M. Maurice Leroy.

Ça viendra !

M. Thierry Mariani.

On verra plus tard !

Mme Christine Boutin.

Alors, à quoi sert-il le PACS ?

Mme la garde des sceaux.

Et je pense que cette majorité n'adoptera pas un tel texte.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Quelle imposture !

M me la garde des sceaux.

« Et les enfants ? » demande-t-on souvent. Et il est vrai que la question des droits de l'enfant des couples non mariés est primordiale.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Thierry Mariani.

Il n'y a rien à ce sujet dans le texte.

M. Bernard Accoyer.

Il n'en est absolument pas question !

Mme la garde des sceaux.

Un enfant a droit à un père et à une mère et ce droit pour l'enfant ne doit pas dépendre du statut juridique de ses parents ou varier encore au gré de l'instabilité de leurs relations.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Ah bon ?

Mme la garde des sceaux.

Or, vous le savez, trop souvent actuellement les pratiques sociales sont inadaptées et elles ont tendance à marginaliser les pères. Il faut donc protéger les relations de l'enfant avec ses deux parents...

M. Richard Cazenave.

Justement !

Mme la garde des sceaux.

... et assurer, quelles que soient les vicissitudes du parcours des adultes, la permanence de la fonction de la famille pour l'enfant.

M. Bernard Accoyer.

Mme Tasca a dit qu'il fallait que les enfants s'adaptent !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Non ! Elle a dit le contraire.

M. Didier Quentin.

Bravo !

Mme la garde des sceaux.

Et, pour lui, la famille c'est le droit d'avoir une identité, une filiation, un père et une mère de sexes différents, (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce que dit M. Michel !

Mme la garde des sceaux.

... des grands-parents, des oncles et des tantes. Par cette filiation, l'enfant sait que le monde ne commence pas avec lui et ne finira pas avec lui.

Mme Christine Boutin.

Pour ceux dont les parents seront « pacsés », comment ça se passera ?

Mme la garde des sceaux.

La famille doit être et rester pour l'enfant, au-delà de l'instabilité des couples, le lieu symbolique où se construisent les rapports entre les sexes, et les générations, et où s'apprennent les rapports entre l'autorité et la liberté.

M. Bernard Accoyer.

On est mal partis !

M. Maurice Leroy.

Oui, il y a du boulot !

Mme la garde des sceaux.

Je voudrais le redire nettement : le PACS n'a rien à voir avec la famille qui est beaucoup plus que le simple contrat entre deux personnes. Il permet seulement d'organiser la vie commune de deux personnes physiques.

M. Didier Quentin.

Apprentis sorciers !


page précédente page 06256page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Maurice Leroy.

Il faut trouver autre chose ! Quelques députés du groupe socialiste.

Conservateurs !

Mme la garde des sceaux.

Lors de la conférence de la famille, qui s'est tenue au mois de juin dernier, j'ai annoncé la mise en place d'une commission pour aborder de manière distincte le droit de la famille.

M. Thierry Mariani.

C'est pour ça que vous baissez les prestations !

Mme la garde des sceaux.

Je souhaite que ce soit fait sous un angle fondamental, celui du droit des enfants et celui de la relation des enfants avec leurs parents.

(

«Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave.

Baratin !

M. Thierry Mariani.

Il n'y a rien dans le texte concernant les enfants !

Mme la garde des sceaux.

J'ai installé cette commission le 31 août. Je lui ai donné pour mission de réfléchir principalement à partir de l'enfant et de la filiation qui fondent - Lévi-Strauss nous l'a appris - les structures élémentaires de la parenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La mission de ce groupe prendra en compte la dimension éthique et morale de la famille dont j'ai dit qu'elle constituait un des piliers de notre société.

M. Richard Cazenave.

Il ne suffit pas de dire !

M. Maurice Leroy.

Hors sujet si on lit le texte !

Mme la garde des sceaux.

Les conclusions de leurs travaux devront m'être remises avant la fin du deuxième trimestre 1999.

M. Thierry Mariani.

Il fallait attendre ces conclusions avant de proposer le PACS !

Mme la garde des sceaux.

Le PACS est neutre vis-àvis de la famille...

Mme Christine Boutin.

Neutralité, neutralité, quand tu nous tiens !

Mme la garde des sceaux.

... mais le Gouvernement, vous l'avez compris, se préoccupe d'améliorer les droits des enfants et de la famille.

En conclusion, j'estime que le pacte civil de solidarité mérite un vrai débat, sérieux et honnête... (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Ça c'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Pas la nuit et surtout pas le dimanche !

M. Bernard Accoyer.

Pas à la sauvette !

Mme la garde des sceaux.

... un débat si possible serein.

Que ce projet soulève des interrogations est légitime, mais je veux vous dire que le Gouvernement approuve cette proposition de loi car elle constitue à la fois une avancée sociale et morale. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Christian Estrosi.

Parlons-en, de la moralité !

Mme la garde des sceaux.

C'est un texte qui ouvre des droits nouveaux sans en supprimer.

M. Maurice Leroy.

Vous n'y croyez pas vous-même !

Mme la garde des sceaux.

Il est une avancée sociale parce qu'il encourage la stabilité. Il est une avancée morale parce qu'il encourage la solidarité.

M. Bernard Accoyer.

Vous n'y croyez pas vous-même !

Mme la garde des sceaux.

Et c'est parce qu'il faut respecter la dignité de l'homme, ne pas le marginaliser dans une logique de ségrégation...

M. Maurice Leroy.

Ça, c'est vrai !

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

... que cet engagement doit être possible sans distinction de sexe.

M. Maurice Leroy.

A la préfecture !

Mme la garde des sceaux.

Loin de pertuber notre droit, le PACS, je crois, l'enrichit et le rend plus humain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président Merci, madame la ministre.

Chers collègues, le débat est suffisamment important pour que chaque orateur puisse s'exprimer et faire valoir ses arguments dans le calme et la sérénité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Gillot.

C'est à eux qu'il faut le dire !

M. le président.

Je vous demande d'écouter les orateurs et de les laisser s'exprimer.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la vie parlementaire est parfois décevante quand elle se perd dans des débats politiciens dont l'utilité n'apparaît pas évidente. Il arrive que l'opinion publique mette en doute la qualité du travail du Parlement, et, parfois, les parlementaires eux-mêmes en viennent à s'interroger sur l'importance de leur rôle.

C'est dans des débats touchant à l'évolution de notre société, lorsqu'il s'agit de déplacer des repères, d'ouvrir de nouveaux espaces de liberté et de rappeler aussi la force des interdits que resurgit la nécessité évidente de la Démocratie.

M. René Dosière.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

C'est alors que la responsabilité des parlementaires représentants du peuple dans sa diversité s'affirme et que la richesse née de la confrontation loyale...

M. René Dosière.

Loyale !

M. Jean-François Mattei.

... des convictions apparaît puisqu'une fois que chacun s'est exprimé, le choix de la majorité s'impose.


page précédente page 06257page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

C'est dans cet état d'esprit que je veux m'exprimer aujourd'hui dans un débat dont l'enjeu me paraît important pour notre société.

Le monde change autour de nous. L'évidence s'impose.

En un siècle, la femme est sortie de sa dépendance pour conquérir la place qui lui revient.

Mme Monique Collange.

Heureusement !

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce n'est pas grâce à la droite !

M. Jean-François Mattei.

Le mariage arrangé en fonction des seuls intérêts patrimoniaux, s'est effacé devant les sentiments. Le divorce organise la séparation éventuelle en protégeant les intérêts de chacun, notamment des enfants. L'union libre est devenue un mode de vie commune choisi par un nombre croissant de couples.

Ce ne sont là que quelques éléments qui soulignent la nécessité d'évoluer nous-mêmes, sauf à nous couper de la réalité et des autres. Aucun d'entre nous ne peut prétendre aujourd'hui se poser en donneur de leçons de modernisme aux autres.

M. Bernard Roman.

Ni de ringardisme !

M. Jean-François Mattei.

Droit de vote des femmes, création de la sécurité sociale, contraception, détresse de certaines grossesses, vote des jeunes à 18 ans, abolition de la peine de mort ou lois de « bioéthique » pour ne citer que quelques exemples parmi les plus marquants, nous avons toujours, sur ces sujets, pris nos responsabilités...

M. Bernard Roman.

Qui les a prises ?

M. Jean-Marc Ayrault.

En votant contre !

M. Jean-François Mattei.

... parfois même ensemble, en décalage avec l'opinion.

Vous savez bien que, par référendum, la peine capitale n'aurait jamais été abrogée et je ne suis pas sûr qu'il faille trop s'appuyer sur les sondages pour déterminer ou justifier ses convictions, même s'ils constituent de précieux i ndicateurs pour la pédagogie et la méthodologie.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Nous avons su nous engager, partager les mêmes préoccupations et privilégier l'intérêt général au-delà de nos philosophies différentes.

M. Bernard Roman.

L'abolition de la peine de mort c'est la gauche qui l'a fait voter. Une partie de la droite s'y opposait.

M. Patrick Devedjian.

Et le droit de vote des femmes, c'est la gauche peut-être qui l'a fait adopter ? C'est de Gaulle !

M. Bernard Roman.

Mais que n'a-t-on entendu sur vos bancs à l'époque !

M. Richard Cazenave.

Vous n'étiez pas là, cher collègue !

M. le président.

Mes chers collègues, M. Mattei a seul la parole. Poursuivez, monsieur Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président, mon état d'esprit est tel que je suis prêt à me laisser interrompre et à répondre sur l'instant.

Il me semblait, monsieur Roman, que vous aviez saisi que j'avais volontairement associé, d'une part, l'abolition de la peine de mort et, d'autre part, la contraception et la loi de 1975. Vous auriez pu, dans un esprit d'objectivité, remarquer que je n'avais pas seulement cité des réformes que nous avions proposées mais également un certain nombre que vous aviez proposées.

(Applaudissements sur de nombreux bancs des mêmes groupe.) J'aurais préféré que vous restiez impartial au moment où je le suis.

M. Bernard Roman.

Les réformes dont vous avez parlé, toute la gauche les a votées, une partie de la droite s'y est opposée ! (Exclamations sur de nombreux bancs des mêmes groupes.) Vous les avez proposées mais nous les avons votés !

M. Jean-François Mattei.

De tels sujets de société ne doivent pas donner lieu à débats partisans. Les échanges doivent être l'expression de nos convictions authentiques sans polémique ni formule blessante.

(« Très bien » sur de nombreux bancs des mêmes groupes.)

C'est notre difficulté, mais c'est aussi notre responsabilité et ce qui fait parfois la grandeur de notre mission politique.

Durant le temps qui nous est donné au cours de nos mandats pour assumer nos responsabilités, nous sommes en charge de guider et d'accompagner l'histoire des hommes. Celle-ci, depuis son origine, se construit en un long cheminement vers la conquête d'une plus grande liberté.

C'est dans ce contexte que se pose le débat sur de nouveaux modes de vie en commun, notamment pour les homosexuels. Le sujet a longtemps été tabou, et la discussion est utile. La survenue du sida a révélé la réalité d'une communauté particulièrement exposée, longtemps ignorée et même considérée comme délinquante. Il n'était pas possible de l'abandonner. Il demeure inacceptable de l'exclure ou de la condamner. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

La conquête de la liberté impose le respect de l'autre dans ses choix et ses différences. Mieux ! Elle exige de venir en aide à celui dont la liberté est menacée. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Mme Monique Collange.

C'est ce qu'on fait !

M. Jean-François Mattei.

Voilà pourquoi je regrette que le débat n'ait pu éviter une première confusion entre l ibertés individuelles et organisation sociale. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.) Elle est suffisamment grave pour fausser radicalement la discussion.

Chacun a le droit de choisir librement son mode de vie pour autant qu'il n'attente pas à la liberté d'autrui. Il en va de l'indispensable liberté de la personne humaine et de sa dignité.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Personne ne peut ignorer que l'union libre est devenue un mode de vie commune choisie par un nombre croissant de couples et concerne plus de 4 millions de personnes. S'agissant de la vie privée, personne ne peut prétendre s'immiscer dans ce qui relève d'un choix individuel.

Et, à cet égard, je n'accepte ni qu'on juge ni qu'on rejette ceux qui feraient des choix différents des miens. Je n'accepte pas davantage l'hypocrisie qui consisterait à maintenir volontairement dans notre société des différences de traitement telles entre les uns et les autres qu'elles inclineraient nécessairement le choix des gens dans le sens voulu par le politique. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)


page précédente page 06258page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Qu'il s'agisse du logement, de la transmission patrimoniale, ou de la solidarité d'une façon plus générale, certaines situations dramatiques rencontrées par les couples homosexuels, mais aussi par les couples non mariés, sont apparues insupportables au cours des vingt dernières années.

Ce sont notamment les conséquences liées au décès de l'un des membres du couple qui ont alimenté les campagnes de revendication d'un statut pour les homosexuels : exclusion du logement commun, dépossession de tout pouvoir de décision lors des funérailles, exclusion de la succession s'il existe une famille, paiement de 60 % des droits sur la part de l'héritage éventuellement reçue.

Ainsi, la loi de 1989 sur les relations entre le bailleur et le propriétaire organise le transfert du bail au profit du conjoint ou du concubin en cas de décès ou d'abandon du logement. Mais comment ne pas être réellement choqués de voir que la Cour de cassation, par deux fois et tout récemment lors d'une décision du 17 décembre 1997, refuse d'étendre ce droit aux homosexuels ? Elle a en effet refusé d'étendre la notion de concubinage aux couples homosexuels, jugeant que le concubinage « ne peut résulter que d'une relation stable et continue ayant l'apparence du mariage, donc entre un homme et une femme ».

Cette affaire a illustré dans toute son ampleur la douloureuse question des droits des membres d'un couple homosexuel en cas de décès de l'un des deux atteint du sida. A la mort de son compagnon, Guillermo Villa, homosexuel et malade du sida, s'était fait expulser du logement qu'il partageait avec lui. D'ailleurs le tribunal d'instance du IVe arrondissement de Paris lui avait accordé le droit au transfert du bail.

S'agissant des droits de succession qui constituent une deuxième situation mise en avant pour légitimer les revendications, les situations sont plus nuancées. Il n'est en effet pas exact d'affirmer que les concubins homosexuels ne peuvent hériter l'un de l'autre. En réalité, ils peuvent le faire à condition de respecter les dispositions sur la réserve des enfants et les priorités accordées aux descendants et aux ascendants dans le cas où le partenaire concerné laisse derrière lui une famille.

Mais, il est vrai que le concubin homosexuel ou hétérosexuel est considéré comme un tiers dans la succession et se voit donc appliquer un régime fiscal défavorable. Il existe donc une certaine forme d'injustice.

Mais prenons la peine de considérer ces situations pour tenter d'en tirer les leçons.

Dans le premier exemple, celui du droit au bail, la Cour de cassation, en rendant un arrêt défavorable au concubin homosexuel, a visiblement voulu attirer l'attention du législateur sur une lacune du droit conduisant à une anomalie. Il aurait donc suffit de modifier la loi de 1989 sur ce point en étendant le droit de transfert de bail aux compagnons homosexuels sous une certaine condition de durée et de stabilité de la relation.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Christian Estrosi.

Très juste !

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Jean-François Mattei.

Dans le second exemple, le problème relève d'une réforme du droit fiscal et non du code civil. Ce qu'il faut, c'est diminuer les droits de mutation spoliateurs et contraires à la liberté de choix des donateurs. La réforme des droits de mutation devrait d'ailleurs concerner tout le monde, et pas seulement la catégorie des concubins.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Tout le monde doit vouloir des réformes de justice et d'équité.

Mme Nicole Bricq.

Il y en aura !

M. Jean-François Mattei.

Mais pour répondre à ces problèmes d'ordre privé, il faut des solutions de droit privé. Le seul vrai débat est là.

M. Richard Cazenave et

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

La question des choix individuels ne relève que des libertés individuelles. Face à celles-ci, l'Etat doit effectivement rester neutre. Tout à fait conscients des problèmes matériels rencontrés quotidiennement par des personnes vivant dans des situations non matrimoniales, nous sommes opposés à ce que la réponse passe nécessairement par une reconnaissance sociale entérinée par l'autorité de l'Etat, qu'il s'agisse du maire, du juge, ou, symbole encore plus fort de la tradition étatique de notre pays, le préfet.

M. Yves Fromion.

Exactement !

M. Jean-François Mattei.

Nous proposons une solution plus libérale, plus respectueuse de la liberté et de la responsabilité de chacun dans ce qu'il est convenu de dénommer sa « sphère privée ».

Ainsi, des droits fiscaux et sociaux pourraient être accordés à des personnes qui auraient signé une attestation de vie commune...

Mme Christine Boutin.

Très juste !

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

... enregistrée sous seing privé devant le notaire,...

Mme Christine Boutin.

Bien sûr.

M. Jean-François Mattei.

... dont il faut rappeler qu'il est officier ministériel et se trouve souvent sollicité dans des situations directement liées à des contrats entre des personnes. (Applaudissements sur de nombreux bancs des mêmes groupes.) Il suffit de modifier les droits d'enregistrement pour que l'obstacle financier s'efface.

M. Yves Nicolin.

C'était trop simple pour qu'ils y pensent !

M. Jean-François Mattei.

De telles conventions, exclusives de toute référence à la sexualité des individus, organiseraient des droits en contrepartie d'obligations de solidarité. Un tel mécanisme prendrait parfaitement en compte les évolutions contemporaines démographiques et sociologiques, notamment les phénomènes de vieillissement, d'isolement, d'exclusion, de difficultés d'insertion de jeunes, de cohabitation tardive des jeunes avec leurs parents, ou encore, évidemment, l'union libre.

M. Richard Cazenave.

Voilà un discours clair, enfin !

M. Jean-François Mattei.

Le rapport de la mission droit et justice, conduite par le professeur Hauser, nous semblait aller dans une meilleure direction que ne le fait ce texte aux conséquences juridiques imprévisibles. Il s'affranchissait volontairement de la charge idéologique que représente tout modèle de contrat proche du mariage et favorisait le recours au procédé traditionnel de la liberté de conventions. Selon ce rapport, « les droits accordés à la vie matrimoniale le sont en contrepartie d'obligations


page précédente page 06259page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

importantes qui se vérifient notamment en cas de séparation ». Il critique l'octroi de droits copiés de ceux du mariage à une structure non définissable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le rapport Hauser proposait donc de travailler sur un modèle autonome, reposant uniquement sur la communauté de vie et la mise en commun de moyens et de biens. Un pacte d'intérêt commun devait régir les situations patrimoniales des individus concernés. C'était un contrat de droit privé qui s'intégrait dans le code civil entre le titre sur les sociétés et celui sur l'indivision.

(Applaudissement sur les mêmes bancs.)

Il est remarquable que, dans la proposition qui nous est faite aujourd'hui, le PACS doive s'inscrire dans le titre relatif aux personnes ; il devrait concerner un état et non un type de relations.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Ce projet défendu par le professeur Hauser a rencontré une vive hostilité d'une partie de la communauté homosexuelle, dans la mesure où c'était le modèle qui s'éloignait le plus du mariage. Il s'agissait d'un pacte de constatation et non de consécration. Or c'est justement la consécration que désirent les initiateurs de cette proposition de loi.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

Nous pensons au contraire qu'un processus de constatation est plus efficace, car moins ambigu et donc plus respectueux des libertés de chacun.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Les réformes indispensables sont à ce niveau et ne justifient pas l'intervention du corps social pour modifier les fondements de la société.

Aller au-delà, c'est souligner d'autres confusions entretenues par le PACS à propos de la solidarité et du mariage.

Qui ne voit que derrière l'alibi de la solidarité se profile la légitimation sociale de l'homosexualité ?

M. Richard Cazenave.

Evidemment ! C'est l'enjeu !

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas un alibi !

M. Jean-François Mattei.

A l'origine du texte, et le rapporteur l'a lui-même reconnu, il y a la revendication partie des milieux homosexuels dont le sentiment d'exclusion s'est trouvé dramatiquement accru par l'épreuve du sida. Puis, peu à peu, l'idée d'un contrat non spécifique, ouvert à tous, a émergé et s'est inscrite dans la logique de la sensibilité républicaine. C'est ainsi que votre rapporteur, M. Michel, écrit : « Si le pacte civil de solidarité trouve ses origines dans les revendications de la communauté homosexuelle, il a cependant une portée universelle. Conformément à notre tradition républicaine, fondée sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui refuse d'appréhender l'individu à travers une communauté et garantit l'égalité des droits ainsi que le respect de la vie privée, il est exclu de construire un statut propre aux concubins homosexuels. »

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Le PACS nous est donc présenté comme un outil universel qui va à l'encontre de la tentation de repli communautaire.

Mme Nicole Bricq.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

La proposition de loi serait consensuelle et modérée dans la mesure, justement, où elle concerne tous ceux qui désirent organiser leur vie commune.

Mme Nicole Bricq.

Et c'est bien leur droit !

M. Jean-François Mattei.

Cette logique républicaine ne résiste guère aux évidences et je ne suis même pas sûr qu'elle satisfasse la communauté homosexuelle...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument !

M. Jean-François Mattei.

... car, au lieu d'aborder le débat dans la clarté, elle l'esquive et tente de le faire aboutir, sans l'avouer, derrière l'alibi de la solidarité.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Le PACS serait, d'après ses auteurs, créateur de nouvelles solidarités, en dehors de toute référence à la sexualité. Dans les exposés des motifs successifs des différentes propositions de loi, on trouve en effet des références aux nouvelles formes de vie et de cohabitation qu'il s'agirait de prendre en compte.

Pourtant l'ensemble du texte est fortement marqué par une dimension sexuelle qui ne peut cacher l'ambition premières de ses auteurs.

M. Jean-Louis Debré.

C'est évident !

Mme Monique Collange.

Pourquoi ne parlez-vous jamais d'amour ?

M. Jean-François Mattei.

Le régime d'interdiction du PACS est à l'évidence fortement influencé par les dispositions concernant le mariage et deux dispositions de la proposition de loi montrent bien que le PACS n'est pas tant l'organisation d'une solidarité que d'une sexualité.

(« Tout à fait ! » sur les mêmes bancs.)

En premier lieu, le texte exclut de son dispositif les ascendants, descendants et collatéraux jusqu'au troisième degré, comme pour le mariage.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est clair !

M. Jean-François Mattei.

A l'évidence, la seule raison en est le refus d'un tabou encore infranchissable, le tabou de l'inceste. Sinon, pourquoi interdire à deux frères ou soeurs ou une veuve et ses enfants de contracter un PACS pour y trouver les avantages promis à d'autres, au titre de la solidarité ?

Mme Nicole Bricq.

Parce qu'ils relèvent du code de la famille !

M. Jean-François Mattei.

N'était-ce pas aussi le moyen de faciliter la vie en commun entre une mère âgée et son enfant devenu adulte, parfois handicapé ? De fait, on écarte du dispositif des mécanismes pourtant naturels de la solidarité familiale, alors même que notre société souffre de tous les phénomènes de désagrégation de la famille. Quand la première cause de la délinquance juvénile, de l'errance, de l'exclusion est une rupture familiale, j'avoue ne pas bien comprendre ni la réalité, ni la logique de cette solidarité limitée. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) En outre, le texte limite son dispositif à deux personnes : il bute encore sur un autre tabou, celui de la relation sexuelle fondatrice duale entre un homme et une femme.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

S'il s'agit vraiment de solidarité, pourquoi interdire le PACS à plus de deux personnes qui décideraient de mettre en commun leurs moyens pour mieux affronter la vie ?


page précédente page 06260page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Yves Fromion.

Et voilà !

M. Jean-François Mattei.

Dans un monde de solitudes, et vous l'avez rappelé les uns et les autres, souvent pour des personnes âgées, n'était-ce pas l'occasion d'ouvrir d'autres moyens pour faciliter de nouvelles formes de solidarité ? Mais bien sûr, c'est la bigamie et le refus de la polygamie qui ont servi de référence.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Bien entendu !

M. Jean-François Mattei.

On voit donc bien la limite de l'exercice qui présente un texte de solidarité ouvert à tous pour éviter de répondre clairement sur la question de l'homosexualité, mais qui bute sur les interdits sexuels fondamentaux de notre société.

Cette confusion entre solidarité et sexualité me semble à elle seule disqualifier le texte dans sa présentation.

(Applaudissements sur de nombreux bancs des mêmes groupes.)

Il ne s'agit pas d'un pacte de solidarité mais d'un pacte de sexualité.

M. Maurice Leroy.

Exactement !

M. Jean-François Mattei.

Cette confusion nous conduit donc à parler du mariage. Sur ce sujet, est-il légitime d'opposer, souvent de manière simpliste, le mariage, l'union libre et le PACS, les conservateurs et les libéraux, les anciens et les modernes, dans une sorte de raisonnement manichéen d'où il ressortirait que les pro-PACS seraient les gentils et les autres, souvent plus mesurés qu'on ne le dit, les méchants ?

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Pour tenter d'y voir un peu plus clair, il faut s'interroger sur le rôle qui devrait être celui de la société dans cette affaire.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Jean-François Mattei.

C'est parce que le mariage religieux reste dépendant du mariage civil que la défense du mariage religieux par les croyants ne peut faire l'économie de la défense du mariage civil. Cette attitude, qui peut sembler contraire à la laïcité, est pourtant légitime, tout comme l'est donc la prise de position de l'épiscopat français et d'autres responsables religieux, y compris les protestants dont les avis sont plus difficiles à caricaturer.

M. Hervé Gaymard.

Et Delors !

M. Jean-François Mattei.

Mais si être croyant dans notre pays n'est pas obligatoire, cela n'est pas non plus interdit. Respecter et entendre le point de vue religieux fait partie de la tolérance au nom de laquelle nous discutons de ce texte aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. René Dosière.

Vous n'avez pas le monopole de la foi !

M. Jean-François Mattei.

Contrairement à ce qu'ont laissé croire certaines critiques excessives, les évêques n'ont pas défendu un modèle intégriste du mariage. Ils considèrent seulement que « le mariage fixe le cadre juridique qui favorise la stabilité de la famille. Il permet le renouvellement des générations. Il n'est pas un simple contrat ou une affaire privée, mais constitue l'une des structures fondamentales de la société dont il maintient la cohérence ». Selon eux encore, « la société n'a pas à reconnaître toutes les associations affectives qui relèvent de l'expérience singulière de chacun et du domaine privé.

La loi ne peut s'édifier que sur des réalités universelles et non pas sur des désirs, voire des représentations affectives singulières ».

Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Ils disent encore : « Il n'y a pas d'équivalence entre la relation de deux personnes du même sexe et celle formée par un homme et une femme.

Seule cette dernière peut être qualifiée de couple, car elle implique la différence sexuelle, la dimension conjugale, la capacité d'exercer la paternité et la maternité ».

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-François Mattei.

Ecrivant cela, l'épiscopat ne fait que rappeler des données d'anthropologie sociale historique que personne ne peut nier car elles s'inscrivent dans l'histoire naturelle du monde vivant. Mais il est vrai que l'amalgame fausse la discussion, ce que je déplore. Ce n'est évidemment pas le mariage religieux qui doit être au coeur du débat mais le mariage civil qui entérine le c ontrat souscrit librement par deux personnes qui s'engagent à vivre ensemble en assumant leurs responsabilités réciproques.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Or il y a manifestement une grave distorsion entre l'équilibre des droits et des devoirs dans le cadre du mariage et les faibles exigences en contrepartie des droits apportés par le PACS. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Les droits accordés aux couples mariés correspondent d'abord à des devoirs. Beaucoup dans cette assemblée, du fait de leur mandat municipal, les ont maintes fois rappelés.

M. Christophe Caresche.

Il ne s'agit pas du mariage, mais du PACS !

M. Jean-François Mattei.

Article 203 du code civil :

« Les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »

(Sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste, les députés répètent en choeur, en écho à l'orateur, les articles du code civil cités.)

Article 212 : « Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. »

Article 213 : « Les époux assument ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir. »

Article 214 : « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

Article 215 : « Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ». (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Pierre Brard.

Amen !

M. Jean-François Mattei.

Bel hommage de l'Assemblée au mariage ! Ce contrat de mariage, comme tout contrat, procure certes des droits mais il impose en contrepartie des devoirs. Or, il ne peut y avoir de droits sans justification par des obligations.

Or, le pacte qui nous est proposé...


page précédente page 06261page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Jacques Floch.

... n'est pas le mariage !

M. Jean-François Mattei.

... entraîne beaucoup de droits proches de ceux accordés aux personnes mariées pour ce qui est des droits fiscaux, des droits sociaux...

M. Bernard Birsinger.

Qui vous gênent tant !

M. Jean-François Mattei.

... jusqu'au rapprochement des fonctionnaires, le transfert de bail et la carte de séjour. En contrepartie, il oblige à peu de chose : une aide mutuelle et matérielle dont les modalités sont fixées par le PACS, la solidarité financière à l'égard des tiers et un régime d'indivision. Mais pas de fidélité, ni de secours - je reprends les termes employés par Mme la garde des sceaux -, ni d'assistance, ni même de cohabitation.

M. Jacques Floch et Mme Nicole Bricq.

Et les concubins ?

M. Jean-François Mattei.

Alors, pardonnez-moi, mais s'il n'est pas nécessaire d'avoir un foyer commun pour bénéficer d'avantages fiscaux ou de rapprochement d'affectation, sans parler des multiples fraudes que cela nous laisse présager, on peut augurer que le PACS connaîtra effectivement un franc succès ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais dans le même temps, on peut craindre que la hiérarchie des situations ne se brouille dans un maquis inextricable.

Il incombe à la société d'intervenir pour préserver le respect d'un contrat qu'elle entérine et elle doit garantir les droits du plus faible s'il venait à être en difficulté.

C'est pourquoi le mariage a un statut très protecteur, notamment en cas de séparation.

Mme Monique Collange.

N'y-a-t-il pas des hommes qui battent leur femme !

M. Jean-François Mattei.

Il assure l'intervention d'un tiers, l'autorité judiciaire, qui garantit les droits de chacun et notamment de l'enfant.

Or, bien que vous ayez prétendu le contraire, le PACS, c'est la loi du plus fort qui est instituée dans le code civil.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

La proposition de loi met en place, en effet, un dispositif de rupture pour le moins étonnant, qui rappelle sur bien des des points, même si le mot peut paraître choquant - pardon de le citer -, le droit à la répudiation.

(Applaudissements sur de nombreux bancs des mêmes groupes.)

M. Yves Fromion.

Exactement !

M. Jean-François Mattei.

L'article 8 dispose en effet que le PACS prend fin par la volonté, le décès ou le mariage de l'un des contractants.

Mme Nicole Bricq.

Et dans le concubinage, comment ça se passe ?

M. Jean-François Mattei.

Je vais y venir, madame ! L'article 9 sur la procédure est encore plus édifiant : lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au PACS, il notifie à l'autre sa décision, c'est-à-dire qu'il lui envoie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception ! Même chose s'il se marie. Il n'existe aucun préavis peut-être des amendements vont-ils modifier cela -, aucune motivation. Je le dis clairement : c'est l'institutionnalisation d'un droit conforme au droit du travail du dix-neuvième siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il n'existe, aujourd'hui, en droit français, aucun contrat dans lequel un tel droit unilatéral de rupture peut s'exercer sans motivation ni justification. Ici, le plus faible des deux peut se trouver abandonné du jour au lendemain.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Pierre Brard.

Vous avez le soutien de Mme Boutin. C'est un critère !

M. Jean-François Mattei.

Les seules dispositions prévues précisent que les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du PACS entraîne à leur égard. Tous ceux qui ont connu, de près ou de loin, des ruptures sentimentales, mais aussi des ruptures de contrat de travail ou de sous-traitance, savent que rien n'est plus difficile que d'aboutir raisonnablement à un accord entre les deux parties déchirées.

Mme Christine Boutin.

C'est cela, la réalité !

M. Jean-François Mattei.

En vérité, en l'absence d'un tiers, ce ne sont pas les parties qui déterminent, mais le plus fort des deux.

Le texte n'indique pas quel juge est compétent dans le cas où il faudrait le saisir. Les auteurs du texte nous ont affirmé en commission que ce sera le juge des contrats qui pourra allouer les dommages et intérêts en cas der upture abusive - mais quelle réalité cette notion recouvre-t-elle ? - et de préjudice pour une partie - là encore, comment l'apprécier ? -, mais sans pour autant ouvrir le devoir de pension alimentaire. Bref, les responsabilités sont très limitées et le dispositif nettement insuffisant. Le juge, quel qu'il soit, ne pourra pas faire grand chose d'autre que de gérer les conséquences sur les biens, et en fonction de quoi ? Le PACS entretient donc une illusion de protection. Il est exact qu'aujourd'hui les concubins évoluent dans le non-droit, notamment en cas de séparation et le juge a dû pallier les silences de la loi.

Toutefois, les couples en concubinage connaissent les risques de leur liberté et savent, parce que c'est ce qui fonde le refus de leur engagement, la précarité de leur union. Au contraire, le PACS donne l'illusion d'un statut protecteur qui garantit leurs droits. Il y a tromperie, car il peut accroître au contraire les risques de précarité et d'inégalité.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Ce n'est, bien entendu, pas l'intention du législateur, mais ces effets pervers sont la conséquence à mon sens inéluctable de ces dispositions intermédiaires : le PACS, ce n'est plus tout à fait la liberté, ce n'est pas encore le lien qui engage et contraint.

Sur ce point, le texte apparaît contraire à l'exigence du développement et de la stabilité de la famille.

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Le PACS ne remplit pas les conditions du préambule de la Constitution de 1946.

Ce préambule dispose en effet que la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur d éveloppement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant et à la mère, la protection de la santé et la sécurité matérielle.

En ne prévoyant pas suffisamment les modalités et les conséquence de la rupture, en instituant la loi du plus fort au sein du code civil, le PACS, qui est aussi destiné à des couples hétérosexuels avec d'éventuels descendants, entretient la fragilité de la famille et des enfants. Il semble donc incompatible avec le préambule de 1946.

(Applaudissements les mêmes bancs.)

Mais, à ce point de la discussion, il faut se poser la question de savoir si la société est fondée à institutionnaliser toutes les formes de vie affective et à s'y impliquer.


page précédente page 06262page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Si la société institutionnalise le mariage et aide les couples mariés, ce n'est pas parce qu'ils entretiennent des relations affectives et sentimentales.

(« Absolument ! » sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

On entend bien les mouvements homosexuels qui revendiquent une reconnaissance sociale de leur droit de s'aimer et de vivre ensemble.

M. Jacques Myard.

Mais qu'ils s'aiment !

M. Jean-François Mattei.

Ce débat est artificiel : tout un chacun a le droit d'aimer son prochain et l'Etat n'a aucune raison d'intervenir dans la logique des sentiments.

(Applaudissements sur de nombreux bancs des mêmes groupes.)

M. Bernard Roman.

C'est à l'Etat d'instituer le cadre ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-François Mattei.

L'Etat n'aide pas les couples mariés au seul motif qu'ils s'aiment...

Mme Nicole Bricq.

Nous n'avons jamais dit cela !

M. Jean-François Mattei.

... mais en raison de leur potentialité à devenir parents et à assumer une famille.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Pierre Lellouche.

C'est le b.a.-ba de l'organisation de la société !

M. Jean-François Mattei.

Au-delà du mariage, ce sont les enfants que l'Etat veut aider et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il intervient également lors de la naissance d'enfants dans des couples concubins.

M. Laurent Dominati.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

Les droits accordés aux couples avec enfants, mariés ou non, sont la compensation de ces charges de famille qu'ils doivent assurer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

L'Etat, quand il réglemente le mariage et appréhende les concubins, ne réglemente donc pas arbitrairement et inégalement des relations relevant de la sphère privée, il se préoccupe simplement de la pérennité de la société.

M. Pierre Lellouche.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

La responsabilité d'une société est bien d'abord d'assurer la transmission de la vie d'une génération à l'autre, et seuls les couples hétérosexuels sont en mesure de le faire, mariés ou pas. C'est pourquoi l'Etat s'intéresse également aux couples concubins dès lors qu'il y a présence d'enfants, notamment par le biais de la politique familiale.

Au sujet de la politique familiale, il est vrai que nos philosophies divergent. Alors que, pour vous, la politique familiale s'apparente davantage à une politique de solidarité et de redistribution, pour nous, elle en est totalement indépendante car elle ne concerne que l'enfant dans une action qui procède d'une nature bien différente.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.) Cette politique familiale telle que nous l'envisageons a pour but d'aider les familles en soi, c'est-à-dire la promesse de survie d'une société.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est ainsi que les pauvres paient pour les enfants des riches !

M. Jean-François Mattei.

Les familles sont donc des ayants droit sociaux, tandis que la société, à moins de s'éteindre, a des ayants droit familiaux. Il s'agit réellement d'un contrat social entre la société et les familles. On comprend parfaitement dès lors l'intervention légitime de l'Etat.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Les actes n'ont pas beaucoup suivi !

M. Jean-François Mattei.

En revanche, quelle pourrait être la justification d'un tel contrat social entériné, garanti et accompagné par l'Etat dans le cas de couples homoxexuels ?

M. Christophe Caresche.

Ce sont des couples comme les autres !

M. Jean-François Mattei.

Quelle serait la contrepartie attendue par l'ensemble de la société de cette reconnaissance sociale ? Cette constatation ne procède d'aucune considération morale ni d'aucun jugement de valeur. Je ne veux pas blesser et, si je le fais involontairement, c'est probablement parce qu'il est difficile d'aborder ces sujets qui mêlent tout à la fois la souffrance, l'aspiration au bonheur, mais aussi les exigences anthropologiques et les fondements vitaux d'une société.

M. Hervé Gaymard.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Pour la première fois entrerait dans le code civil la notion de partenaire, avec toutes ses ambiguïtés, pour la première fois aussi, ce n'est plus l'identité des personnes qui serait considérée mais la notion de tendance sexuelle dont on voit mal pourquoi elle ne conduirait pas à des extensions ultérieures car, sur ce registre, les déclinaisons sont multiples.

Mme Christine Boutin et M. Maurice Leroy.

Evidemment !

M. Jean-François Mattei.

Il n'échappe évidemment pas que les auteurs de la proposition de loi revendiquent le PACS au nom de l'égalité et de l'absence de discrimination. Or, si, d'un point de vue privé, je le répète pour éviter les procès d'intention, personne ne doit trouver à y redire, du point de vue de la société, il ne peut y avoir aucune équivalence entre couples hétérosexuels et couples homosexuels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Lellouche.

Voilà le point fondamental !

M. Jean-François Mattei.

Cette évidence ne s'inspire d'aucune considération morale. Il semble même qu'elle ait été longtemps partagée par certains membres de la majorité actuelle, et non des moindres. Ainsi, pour n'en citer qu'un, Alain Richard, député du Val-d'Oise, écrivait au président du collectif pour le CUS : « Ma conception de la famille me dissuade d'établir un parallélisme total entre l'union d'un homme et d'une femme et celle de d eux homosexuels. »

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Hervé Gaymard.

Et Delors !

M. Jean-François Mattei.

Il ne peut y avoir d'égalité entre des situations qui ne peuvent se ressembler, pas plus que l'on ne peut raisonnablement considérer que la différence de traitement des couples hétérosexuels et homosexuels constitue une discrimination.


page précédente page 06263page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Jean-Pierre Brard.

Sophisme !

M. Jean-François Mattei.

Aux yeux de la Cour européenne des droits de l'homme, un saut qualitatif sépare la protection de l'individu homosexuel contre les discriminations qui ne pourraient être liées à ses moeurs et à la reconnaissance légale du couple homosexuel en tant que tel. Sa jurisprudence est très claire sur la défense de l'individu homosexuel, et il est vrai que le traité d'Amsterdam inscrit l'orientation sexuelle au titre des discriminations susceptibles d'être combattues par les institutions de l'Union. En revanche, la Cour n'a jamais admis que le couple homosexuel puisse être protégé au titre du droit à la famille (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) ... Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ce n'est pas ce qu'on fait !

Mme Véronique Neiertz.

C'est un amalgame ! Je vous ai connu mieux inspiré, monsieur Mattei.

M. Jean-Pierre Brard.

Dialectique stalinienne !

M. Jean-François Mattei.

... ou que le non-accès des homosexuels au mariage soit une discrimination.

De la même manière, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé dans un arrêt du 17 février 1998 que le refus par un employeur d'octroyer une réduction sur le prix des transports en faveur de la personne, de même sexe, avec laquelle un travailleur entreprend une relation stable, lorsqu'une réduction est accordée en faveur du conjoint du travailleur ou de la personne, de sexe opposé, avec laquelle celui-ci entretient une relation stable hors mariage, ne constitue pas une discrimination prohibée par le traité de Rome.

Le traitement équitable et respectueux des homosexuels, digne d'une société moderne comme la France, relève du droit à la protection de la vie privée et non du principe d'égalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Roman.

Théorie très dangereuse !

M. Jean-François Mattei.

C'est pourquoi il est tout à fait justifié, au nom de la justice distributive, qu'il puisse y avoir une différence de droits entre le couple homosexuel et le couple hétérosexuel.

C'est d'ailleurs dans ce cadre que la proposition de loi contient un autre motif d'inconstitutionnalité. Ce texte est en effet contraire au principe d'égalité, principe à valeur constitutionnelle garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce principe d'égalité est au coeur de toute la tradition juridique française. Il a une signification bien précise et ne concerne que ceux qui se trouvent dans une situation comparable.

M. Henri Plagnol.

Bravo !

M. Jean-François Mattei.

Ainsi, le juge constitutionnel a souvent affirmé que le principe d'égalité ne s'opposait ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général.

A contrario, il apparaît que des situations totalement différentes, comme le sont celles des couples hétérosexuels et homosexuels, n'ont pas à être traitées de la même manière.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Il n'est donc pas équitable que des couples n'ayant par définition aucune vocation à avoir des enfants soient traités par la société sur le même plan que des couples ayant une potentialité de charge de famille.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

C'est pour cette raison qu'il est nécessaire d'aborder tout de même le problème des enfants.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Eh oui !

M. Jean-François Mattei.

Si la société s'intéresse aux couples hétérosexuels, mariés ou non, c'est toujours en raison de l'enfant potentiel. C'est l'enfant, et lui seul, qui justifie l'intervention de la société au travers d'une politique familiale. Il y a là un contrat entre la société et les familles. Il y va de son intérêt vital.

La situation est bien différente pour l'homosexualité. Il n'y a pas matière à contrat social puisque celui-ci ne peut se justifier qu'au travers de l'enfant, en l'occurrence impossible.

C'est là qu'intervient un troisième élément inquiétant du débat car le texte avalise par avance un contrat auquel il ne manquera plus que son objet pour lui donner toute sa légitimité. Or l'objet de ce contrat, c'est l'enfant.

Référons-nous aux discours des mouvements qui sont à l'origine de la revendication constante exprimée dans les projets successifs, du CUS au PACS. Les associations diverses revendiquent depuis le début l'accès « égalitaire » des homosexuels aux droits à l'adoption et aux techniques d'assistance médicale à la procréation. Elles se fondent aujourd'hui sur une résolution votée par le Parlement européen en 1994 qui invitait la Commission à présenter un projet de recommandation garantissant aux couples de même sexe l'ensemble des droits et avantages du mariage, ainsi que le droit d'être parents, d'adopter ou d'élever des enfants.

De façon tout à fait raisonnable eu égard à l'opinion de la majorité des Français totalement réfractaires à cette idée, les propositions de loi successives ont toujours soigneusement évité d'ouvrir cette possibilité dans le texte, entretenant le flou sur l'évolution ultérieure. Au fil des textes, on a pu apercevoir une volonté très claire de

« dématrimonialiser » les dispositions, mais ces précautions ne peuvent masquer le but ultime de cette proposition.

Il suffit encore de se référer aux expériences étrangères en la matière, et notamment celle des Pays-Bas. Ce pays semble bien nous montrer l'évolution inévitable du PACS vers la parentalité des couples homosexuels. Dans ce pays, un « partenariat enregistré », comparable au PACS, a été créé en 1998. Les intéressés signent un acte officiel, célé bré à la mairie en présence d'un fonctionnaire et de témoins. Ils sont soumis aux mêmes obligations qu'un couple marié, communauté de biens, héritage, soutien mutuel. En cas de rupture, la séparation doit être scellée par le juge et les deux parties peuvent être soumises au versement de pensions alimentaires.

S elon l'Office central des statistiques néerlandais, 2 655 partenariats ont été enregistrés dans les six premiers mois de l'année 1998, 1 245 entre hommes, 769 entre femmes et 841 pour des couples hétérosexuels. Ce sont donc bien les couples homosexuels qui ont majoritairement investi le dispositif.

Mme Véronique Neiertz.

Et alors ?

M. Jean-François Mattei.

Je n'ai rien à y redire.

J'énonce des faits.


page précédente page 06264page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Celui-ci est apparu très vite insuffisant, et le nouveau gouvernement a déjà promis, dans l'intérêt du renforcement du traitement des couples homosexuels, de présenter deux nouveaux projets de loi, l'un ouvrant le mariage civil aux homosexuels, l'autre leur donnant la possibilité d'adopter des enfants.

Par nature, le PACS ne peut être qu'une étape. Après la reconnaissance du couple, viendra la revendication de l'enfant (Exclamations sur divers bancs)...

M. Pierre Lellouche.

C'est évident !

M. Jean-François Mattei.

... au moyen de l'adoption ou de la procréation médicalement assistée. Il est en effet totalement illusoire et trompeur d'imaginer qu'un statut quasi matrimonial imposé à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, puisse ne pas ouvrir à terme la possibilité de l'adoption.

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle mauvaise foi !

M. Jean-François Mattei.

Au cas où cette proposition de loi serait votée, il ne faudrait que quelques mois pour que ceux qui auront choisi ce contrat demandent le droit d'adopter.

(« Bien sûr ! », sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Monique Collange.

Pourquoi toujours la suspicion ?

M. Jean-François Mattei.

Madame Neiertz, nous avions beaucoup débattu, avec loyauté, je crois, au moment de la loi sur l'adoption. Nous nous étions séparés car vous défendiez le droit à l'adoption pour les couples concubins et je m'y opposais.

Mme Véronique Neiertz.

Exact ! C'est bien ce qui nous sépare !

M. Jean-François Mattei.

Imaginez que des couples hétérosexuels ayant souscrit un PACS demandent le droit à l'adoption.

M. Jean-Pierre Brard.

Où est le problème ?

M. Jean-François Mattei.

Je ne pourrais plus m'opposer à vous avec les mêmes arguments que j'avais pu utiliser à ce moment-là. Il est inscrit dans la logique des choses que les couples hétérosexuels ayant souscrit un PACS accèdent à l'adoption.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est déjà le cas puisque les célibataires ont le droit à l'adoption !

M. Jean-François Mattei.

Les couples homosexuels ayant le même statut juridique seraient alors évidemment fondés à réclamer l'égalité de droit correspondant à la même situation juridique ! (« Bien sûr », sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-François Mattei.

Dès lors, l'argument de la discrimination entre les personnes se trouvant dans une situation comparable servirait largement à faire ouvrir cette possibilité aux couples homosexuels.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'illustration étymologique de réactionnaire !

M. Jean-François Mattei.

Il n'y a là aucun fantasme et votre rapporteur lui-même en est convaincu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut lui reconnaître la constance et la clarté de son intention. Il l'a écrit et déclaré : « A partir du moment où le PACS sera voté, je pense que l'Etat devra ouvrir l'adoption à ces couples-là. Les gens qui vivent en union libre pourront alors rentrer dans un statut reconnu qui devrait pouvoir leur offrir, par exemple après un délai de deux ans, le droit d'adopter puisqu'une certaine stabilité serait garantie. On ne voit pas pourquoi on ne pourrait ouvrir un tel droit aux couples homosexuels... » Et il ajoutait le 1

er octobre : « Ce texte ouvrira donc l'adoption plénière à tous les couples ayant choisi un tel statut. »

M. Daniel Marcovitch.

Elle est déjà ouverte aux célibataires.

M. Jean-François Mattei.

Le débat change alors de nature (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), car la société à le devoir de protéger l'enfant.

Le droit de l'enfant, auquel vous faisiez référence très justement, madame la ministre, tel qu'il est défini dans l'article 7 de la convention internationale des droits de l'enfant, est bien d'avoir un père et une mère et d'être élevé par eux. Les travaux des pédiatres, des pédopsychiatres comme des psychologues sont unanimes sur le sujet : l'enfant a besoin pour son épanouissement de la double référence que représentent les deux parents de sexe opposé. Nous mesurons suffisamment les effets des relations monoparentales, de l'absence de l'image paternelle et des divorces...

M. Jean-Pierre Brard.

Vous voulez interdire le divorce ?

M. Jean-François Mattei.

... sur la psychologie des adolescents sans avoir à créer de nouveaux problèmes en validant comme modèle social des situations subjectives qui s'écartent de tous les modèles naturels de l'anthropologie.

(Applaudissements sur de nombreux bancs des mêmes groupes.)

M. Jean-Pierre Brard.

Quel fossile !

M. Daniel Marcovitch.

Mettez en prison les femmes sans mari !

M. Jean-François Mattei.

On pourrait bien sûr longuement argumenter cet aspect du problème, je ne vais pas le développer et je souhaite que nous n'ayons jamais à le faire, mais je vous mets en garde.

Avec les intentions les plus généreuses du monde, on défend des lois, on s'y assimile avec bonne volonté, avec authenticité. On pense qu'elles sont bien fixées dans des limites bien définies. Je ne conteste pas que la majorité de la majorité qui va voter ce texte soit opposée à l'adoption d'enfants par les couples homosexuels.

M. Jean-Pierre Brard.

Alors arrêtez de fantasmer !

M. Jean-François Mattei.

Simplement, une fois votées, les lois vivent leur vie,...

Mme Véronique Neiertz.

Et la société aussi, monsieur Mattei ! Elle n'est pas figée !

M. Jean-François Mattei.

... leur fil juridique, et elles peuvent échapper. Pesez donc bien les conséquences éventuelles de vos choix aujourd'hui...

M. Richard Cazenave.

Réfléchissez bien !

M. Jean-François Mattei.

... car demain, vous ne serez plus maîtres de ces textes.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)


page précédente page 06265page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est ce que vous disiez pour le divorce !

M. le président.

Monsieur Le Guen, vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure. Laissez parler

M. Mattei.

M. Jean-Pierre Brard.

Mieux vaut être sourd que d'entendre des choses pareilles !

M. le président.

Vous aussi, monsieur Brard, vous parlerez tout à l'heure ! Monsieur Mattei, poursuivez.

M. Jean-François Mattei.

C'est pourquoi, quand bien même ce texte, en l'état, ne se réfère pas à l'enfant, il n'évite pas cette perspective. Il me semble donc contraire au préambule de 1946, ainsi qu'à la Convention des droits de l'enfant.

Disant cela, sincèrement, je souhaite m'écarter de toute considération partisane.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela se voit !

M. Jean-François Mattei.

Je veux simplement exprimer un choix personnel correspondant à l'idée que certains d'entre nous se font des rapports humains, à la recherche du difficile équilibre entre la liberté des personnes et la responsabilité collective.

Oui, nous devons continuer de construire une société plus juste et plus humaine.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Bravo !

M. Jean-François Mattei..

... en allant vers davantage de respect et de liberté. Oui, il faut supprimer toute une série de situations injustes et moderniser les rapports entre les personnes, quel que soit leur choix.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Bravo !

M. Jean-François Mattei.

Ces dispositions relèvent du droit privé. Aménageons-le. Faisons ensemble des propositions pour aller de l'avant.

Mais non, notre société n'a aucune raison de s'engager dans l'institutionnalisation d'un nouveau mode de vie commune par un contrat qu'il ne lui appartient ni d'entériner ni de protéger.

Non, il n'est évidemment pas possible d'ouvrir la voie permettant de confier des enfants, dont le droit essentiel est d'avoir un père et une mère, à des couples qui ne peuvent y satisfaire.

M. Daniel Marcovitch.

La question n'a pas été posée !

M. Jean-François Mattei.

Or, c'est bien le processus que vous engagez aujourd'hui au moyen d'un texte qui devient au fil des jours de plus en plus insaisissable, pour ne pas dire incompréhensible. Si le sujet se prêtait à dérision, le seul énoncé de l'enchevêtrement des différentes situations possibles soulignerait l'aspect inextricable des dispositions.

Plutôt que de se livrer à de véritables acrobaties juridiques, il eût été tellement plus simple de clairement définir les choses. A côté du mariage civil, première situation, organiser et conforter le statut des concubins hétérosexuels, deuxième situation,...

M. Maurice Leroy.

Voilà !

M. Jean-François Mattei.

... et reconnaître une attestation de vie commune aux couples homosexuels, troisième situation. Je suis convaincu qu'il y a une place pour une solution raisonnable, préservant les références fondatrices, supprimant les injustices et prenant en compte les évolutions sociétales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Véronique Neiertz.

Vous ne seriez pas suivi par vos propres amis !

M. Richard Cazenave.

Chiche !

M. Jean-François Mattei.

Nous ne pouvons pas accepter le texte que vous nous soumettez. Nous demandons donc que soit votée l'exception d'irrecevabilité en raison des points invoqués, qui ne paraissent pas conformes aux principes contenus dans le préambule de notre Constitution.

(Les députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe du Rassemblement pour la République se lèvent et applaudissent longuement.)

M. Jean-Pierre Brard.

Regardez flotter ici l'âme de Mgr Escriva de Balaguer ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je pense, mes chers collègues de l'opposition, que vous avez eu raison d'applaudir debout Jean-François Mattei, auquel je veux rendre hommage car il a fait une intervention...

M. Maurice Leroy.

Remarquable !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... qui, j'en suis sûr, ne recueille pas l'approbation de tous ceux qui siègent sur vos bancs. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

C'est cela votre réponse ?

M. Maurice Leroy.

Vous n'êtes pas au même niveau que M. Mattei, monsieur Michel !

Mme Françoise de Panafieu.

Essayez d'élever le débat, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Les propos que j'ai entendus dans la bouche de Jean-François Mattei - et d'ailleurs je n'attendais à un tel discours de sa part - ne sont absolument pas en adéquation avec d'autres qui ont été tenus, écrits ou proférés par des membres de l'opposition.

Mme Nicole Bricq.

Absolument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Alors je voudrais tout de suite évacuer...

M. Dominique Dord.

Le PACS !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... l'objet de son intervention, qui était la défense d'une exception d'irrecevabilité, puisqu'il n'a pas soulevé, à l'évidence, sauf par deux fois,...

M. Maurice Leroy.

C'est une fois de trop ! Une fois suffit !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... d'éléments qui pouvaient faire apparaître cette proposition de loi comme contraire à la Constitution. Mais il le sait aussi bien que moi.

Défendre cette exception lui permettait d'intervenir comme premier orateur dans la discussion générale, après les rapporteurs et après Mme la ministre. Je crois d'ail-


page précédente page 06266page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

leurs que c'est un bon choix de la part de l'opposition que d'avoir fait intervenir comme premier orateur un parlementaire aussi prestigieux que M. Mattei (Applaudissements sur les mêmes bancs), lequel a tenu un discours assez modéré.

M. Jacques Myard.

C'est ça l'exception !

M. Maurice Leroy.

Alors, votez l'exception, monsieur Jean-Pierre Michel !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

L'intervention de M. Mattei disqualifie à l'avance tous les discours excessifs qui seront proférés sur ces bancs (exclamations sur les mêmes bancs), notamment, je le crains, à la fin de la discussion générale.

M. Dominique Dord.

Attendez au moins de nous entendre !

M me Françoise de Panafieu.

C'est un procès d'intention !

M. Jacques Myard.

Vous allez voter l'exception, monsieur Michel ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Non ! Je pense que

M. Mattei ne votera pas contre la proposition de loi.

(Rires sur les mêmes bancs.)

M. Dominique Dord.

Vous n'avez rien compris !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est ma conviction, sinon il aurait tenu un autre discours. D'ailleurs, comment pourrait-il voter contre le texte alors que celui qui préside aux destinées de sa formation politique, Alain Madelin, a déclaré lui-même il y a un an, dans une interview à Libération, qu'il était pour le contrat d'union civile et sociale - à l'époque, il ne s'agissait pas encore du PACS - ...

M. Dominique Dord.

Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... au nom d'un libéralisme, qui, si j'ai bien compris, n'est pas seulement économique.

Mme Frédérique Bredin.

Absolument !

M. Yves Fromion.

C'est le libéralisme sexuel !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pour ma part, c'est une doctrine à laquelle je n'adhère pas, mais qui consiste aussi à placer l'homme, dans sa liberté individuelle et dans ses choix fondamentaux, au coeur de la société.

M. Maurice Leroy.

Vous devenez libéral ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pour faire respecter ces choix et supprimer toutes les discriminations, les intolérances et, en l'occurrence, l'homophobie - Alain Madelin en parlait également -, M. Madelin considérait qu'il fallait bien régler les problèmes qui se posaient et prévoir un statut.

M. Richard Cazenave.

Pas comme cela !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Bien entendu, les solutions que vous proposez, monsieur Mattei, sont différentes des nôtres...

M. Dominique Dord.

Elles sont meilleures !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... et je vais y revenir un moment car votre intervention réclame, à mon avis, un petit débat de fond entre nous.

M. Maurice Leroy.

Tout petit ! A la sauvette !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mon cher collègue, peut-être êtes-vous un député trop récent pour savoir que le règlement ne prévoit absolument aucune limitation de mon temps de parole en tant que rapporteur au fond.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jacques Myard.

C'est très bien !

M. le président.

Chers collègues, je pense qu'il faut écouter le rapporteur de la commission des lois. Toutefois, monsieur le rapporteur, si vous ne voulez pas être interrompus, ne cédez pas à la provocation.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Poursuivez, monsieur Jean-Pierre Michel.

M. Bernard Roman.

D'où vient la provocation ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je vous remercie de votre précieux conseil, monsieur le président. Les quelques personnes qui me connaissent un peu ici savent ce que je pense : c'est souvent la provocation qui permet de faire avancer le débat !

M. Jacques Myard.

C'est une avancée à reculons !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Monsieur Mattei, j'aimerais vous donner mon point de vue.

Vous avez remarqué, mes chers collègues, que mon exposé de rapporteur a été volontairement très court. J'ai fait ce choix pour répondre par la suite aux différents arguments qui seraient avancés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce texte étant voté, trois possibilités s'offriront aux couples.

La première est l'union libre, le concubinage, qui restera ce qu'il est. Comme vous, monsieur Mattei, j'ai toujours critiqué la jurisprudence de la Cour de cassation. Il ne faut pas oublier que, pour refuser les droits du concubinage à des couples homosexuels, elle a fait valoir que la notion de couple renvoyait implicitement au mariage, le mariage s'entendant - même si le code civil ne le précise pas - comme l'union d'un homme et d'une femme.

Donc, le couple étant constitué d'un homme et d'une femme, la Cour refusait, en conséquence, l'ouverture du droit du concubinage aux couples homosexuels.

Pourtant, dans ses premiers arrêts, la Cour de cassation avait renvoyé au législateur en lui demandant de trouver une autre définition juridique du couple. Eh bien, aujourd'hui, avec cette proposition de loi, le législateur propose une autre définition juridique du couple : celui-ci n'est plus uniquement formé par un homme et une femme - même s'il l'est à titre principal, je n'ai jamais dit le contraire -, il peut l'être aussi par deux hommes ou par deux femmes. Après le vote de cette proposition de loi, il n'y aura plus de discrimination, puisque les droits attachés au concubinage - droits limités, qui, à mon avis, n'auront pas tendance à être étendus par la jurisprudence - seront ouverts aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels.

Autre possibilité : le mariage. Le présent texte maintient une discrimination. J'ai toujours proclamé que je n'étais pas défavorable à cette discrimination-là : le mariage n'est pas ouvert aux couples homosexuels. J'ai toujours dit, y compris dans des réunions organisées par des associations homosexuelles, à Paris ou ailleurs, que j'étais hostile à ce que l'on appelle le mariage homosexuel car, aujourd'hui encore, je n'ai pas compris ce que cela signifiait. Je pense fondamentalement qu'il y a dans le couple homosexuel une singularité et qu'il ne lui servirait à rien de singer le couple hétérosexuel qui, pour moi,


page précédente page 06267page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

reste fondé sur l'altérité des sexes et auquel, seul, le mariage doit être ouvert. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Voilà ma conviction.

(M. Laurent Fabius remplace M. Patrick Ollier au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Tout à l'heure, l'opposition a beaucoup manifesté lorsque j'ai dit que les autorités religieuses peuvent faire valoir leur point de vue mais que ce texte ne porte en rien atteinte au mariage religieux, quel qu'il soit. Pour se marier religieusement en France, il faut obligatoirement se marier civilement. Si donc les Eglises veulent faire en sorte que les gens se marient de plus en plus religieusement, elles feront du bon travail pour le mariage civil...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le problème n'est pas là !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... puisque les couples doivent obligatoirement se marier civilement avant de se marier religieusement. Le PACS est totalement neutre vis-à-vis du mariage civil.

M. Patrice Martin-Lalande.

Quel argument !

M. Yves Nicolin.

Vous ne convaincrez personne, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Dernière possibilité le PACS.

Là où je ne vous suis pas, monsieur Mattei, c'est lorsque vous dites : « La situation est différente parce que l'objet du contrat de mariage c'est l'enfant. » Non

! Là, nous divergeons totalement. Je crois que votre raisonnement procède par sophismes. L'objet du contrat, c'est la relation entre les deux partenaires. La conséquence du contrat peut être l'enfant, mais il n'en est pas la cause.

C'est bien en cela que je maintiens que si le concubinage ou le PACS doivent être ouverts à tout le monde, le mariage ne peut être ouvert qu'aux couples hétérosexuels.

Le PACS, qu'est-ce ? A cet égard, je veux répondre aux arguments que vous avez développés sur la rupture car, à mon avis, ils étaient tout de même un peu excessifs. J'ai toujours dit que je parlerais franchement : c'est vrai que la rupture nous a posé problème. C'est vrai - et je parle sous le contrôle de Catherine Tasca et de Patrick Bloche que, quand nous avons rédigé les articles sur la rupture dans les premières propositions de loi, nous avons été confrontés à quelques difficultés. S'est posé le problème, que vous avez noté, de la protection de celui qui serait abandonné, délaissé.

M. Dominique Dord.

Qu'en fait-on ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mais vous le savez comme moi, monsieur Mattei, et vous l'avez dit, la philosophie, si j'ose dire,...

M. Dominique Dord.

N'exagérons pas !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... l'idée qui soustend le PACS - et un libéral comme vous doit y être sensible -, c'est tout de même l'accord de volonté au départ.

M. Yves Nicolin.

Vous voulez régler des problèmes matériels, pas philosophiques !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mon cher collègue, si vous voulez m'interrompre, faites en sorte de rester dans le sujet, sinon cela n'a aucun intérêt. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Yves Fromion.

C'est pitoyable !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Non. J'essaie de répondre aux arguments de M. Mattei...

M. Dominique Dord.

Et vous n'y arrivez pas !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est assez compliqué, car le fil du raisonnement doit être soutenu. Or, plus vous m'interromprez, plus je "patinerai dans la semoule". Ça, c'est clair !

M. Yves Fromion.

C'est calamiteux !

M. le président.

Sur ce point, M. Michel a raison. Que chacun essaie de garder un peu de calme, et, vous, mon-s ieur Michel, acheminez-vous vers la fin de votre démonstration.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je m'achemine, monsieur le président. Encore faut-il me laisser parler.

Dans le mariage, l'accord de volonté est chapeauté par la célébration par l'officier d'état civil, par l'intervention de l'Etat. De la même manière, la rupture, donc le désaccord de volonté, est chapeauté par le juge qui l'apprécie.

Dans le PACS, l'accord de volonté, au départ, n'est chapeauté par personne. Et donc, à la sortie, il faut bien penser que le simple désaccord de volonté pourra défaire le PACS. Ce n'est pas pour cette raison qu'on ne va pas protéger la personne qui ne voudra pas se « dépacser ». Il y a une jurisprudence à cet égard, fondée sur l'article 1382 du code civil : eh bien, cette personne obtiendra éventuellement un dédommagement.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Enfin, je voudrais dire un mot, monsieur Mattei,...

M. Yves Fromion.

Un seul !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... de la question des enfants.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence, sinon on ne s'entend absolument pas !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous savez très bien, puisque vous étiez rapporteur du texte, que j'ai voté contre les dispositions relatives à la PMA pour les couples hétérosexuels lors de la discussion de la loi « bio-éthique » - je suis même intervenu à la tribune sur ce point. Donc je ne peux pas être suspect de la vouloir pour les couples homosexuels, a fortiori.

Je considère que le droit essentiel de la personne humaine, c'est de connaître ses origines.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

De la même manière que je suis hostile à toute mise au monde d'enfant à qui on refusera de connaître ses deux origines, je suis hostile, et je l'ai dit lors du débat sur l'adoption - là encore, vous étiez rapporteur du texte, monsieur Mattei - à l'accouchement sous X, ou tout au moins au fait que l'enfant adopté ne puisse pas, selon certaines procédures, connaître ses origines.

Mme Véronique Neiertz.

Ça ne veut pas dire que tu es hostile à l'accouchement sous X !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

En ce qui concerne l'adoption, nous avons entendu au sein de la commission spéciale dont vous étiez le rapporteur, monsieur Mattei, et dont je faisais également partie, deux pédopsychiatres.

J'ai relu le compte rendu de leurs auditions. La question était posée de savoir si, éventuellement, des couples non mariés pouvaient adopter - Mme Neiertz avait déposé un amendement qui tendait à donner cette possibilité aux


page précédente page 06268page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

couples non mariés hétérosexuels ; moi j'en avais déposé un autre dont le champ était plus large et laissait présager le PACS. Les deux psychiatres nous ont expliqué qu'elles ne pouvaient pas faire de réponse d'ordre général. En effet, pour certains enfants adoptés par des couples hétérosexuels, c'est la catastrophe, alors que pour d'autres enfants adoptés par des célibataires ou par des couples homosexuels, soit parce que ceux-ci ont caché le fait qu'ils vivent en couple - il s'agit le plus souvent de femmes - soit parce que le tribunal ou la personne chargée de l'enquête sociale ont fermé les yeux, cela se passe très bien... ou peut aussi se passer très mal.

Il est vrai - je l'ai dit dans la presse - qu'un problème se pose. Mme la garde des sceaux vient de nous dire que jamais ce Gouvernement ne le réglerait. Très bien, nous en prenons acte. Mais nous savons qu'il se pose. Pour ma part, je n'ai jamais entendu un seul argument convaincant selon lequel l'intérêt de l'enfant, c'est d'avoir absolument comme modèle un homme et une femme. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Pierre Lellouche.

Non, un père et une mère !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Que l'enfant doive, biologiquement, avoir un père et une mère, cela va de soi, mais que, pour son éducation, cette altérité de l'image doive se poursuivre, personne ne l'a jamais démontré.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas le rapporteur qui s'exprime ! C'est un point de vue personnel !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Brard.

Il n'a donc pas de légitimité !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Finalement, monsieur Mattei, vous rejoignez le rapporteur et la majorité...

M. Pierre Lellouche.

Ah bon ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... puisque vous avez convenu que le problème abordé se posait et qu'il fallait y apporter des solutions.

Vous proposez quant à vous une solution qui est une combinaison entre la proposition du professeur Hauser et celle d'Irène Théry. Vous proposez de garder le mariage, avec une politique familiale qui l'accompagne et qui le rende encore plus attractif qu'il ne l'est. J'ai toujours dit que j'étais d'accord avec cela. J'ajoute même que, dans la formation politique dont je fais partie, j'ai adhéré à des déclarations que d'autres ont jugées trop familiales ou trop natalistes.

A côté de cela, suivant Irène Théry, vous proposez de légaliser le concubinage pour l'étendre aux homosexuels, et je pense que la jurisprudence le fera après le PACS.

Vous proposez cependant quelque chose de spécifique pour les homosexuels, et c'est là que je ne suis pas d'accord avec vous. J'estime que notre solution est plus simple. Certes, un amendement a été déposé par M. Plagnol, modifié, et accepté par la commission des lois. L'office parlementaire procédera à une évaluation de ce texte et, dans les cinq ans, on nous dira comment il est appliqué, et par qui. On pourra alors lui apporter éventuellement quelques modifications.

M. Pierre Lellouche.

Sûrement ! Comptez sur nous pour le faire !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Quand on élabore un texte de cette nature, on n'a aucune certitude que ce soit le seul texte possible. Simplement, je pense, comme vous, et avec modestie, que nous avons essayé de trouver un statut juridique convenant à des situations certes différentes, mais qui peuvent être traitées dans un cadre juridique unique, un statut s'appliquant aussi bien aux couples homosexuels qu'aux couples hétérosexuels et aux simples duos.

Telles sont les quelques réponses que je souhaitais vous apporter, mon cher collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je veux moi aussi répondre à l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Mattei.

Au début de son intervention, celui-ci a eu l'honnêteté intellectuelle de reconnaître l'existence de situations dramatiques que notre droit ne pouvait plus supporter sans réagir.

Il a, comme moi, évoqué la situation dramatique de ces homosexuels qui vivent en couple, dont l'un décède et l'autre se retrouve expulsé du logement.

M. Jacques Myard.

Cela n'a rien à voir !

Mme la garde des sceaux.

Il a reconnu que ces situations ne pouvaient être tolérées dans un Etat de droit comme le nôtre. J'ai même cru un moment, à vrai dire, qu'il allait se prononcer pour le PACS.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Vous n'avez rien compris !

M. Jacques Floch.

C'était totalement exclu !

Mme la garde des sceaux.

M. Mattei a également dit que, vis-à-vis des homosexuels, il fallait faire preuve de tolérance. Voilà une belle intention...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

La reconnaissance, c'est mieux !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est Mme Boutin qui lui a soufflé ça !

Mme la garde des sceaux.

... mais elle ne me paraît pas faire l'unanimité sur les bancs de la droite. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Je félicite en tout cas M. Mattei de l'avoir eue !

M. Yves Nicolin.

Vous jouez au professeur de morale, maintenant ?

Mme la garde des sceaux.

Tout en félicitant M. Mattei de la tolérance dont il fait preuve vis-à-vis des homosexuels, je lui dirai néanmoins qu'il serait dans la logique de ses propos d'aller un peu plus loin. Je ne comprends pas pourquoi il refuse la reconnaissance de droits par un texte permettant justement que soient reconnus les engagements que prennent l'une vis-à-vis de l'autre des personnes qui vivent ensemble et ne peuvent pas ou ne veulent pas se marier.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

La tolérance, c'est bien, sans doute, mais ce n'est pas assez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Car elle est souvent octroyée comme une aumône, une sorte de charité.

M. Bernard Roman.

Tout à fait !


page précédente page 06269page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Mme la garde des sceaux.

La tolérance est fragile. Ce que nous devons faire, c'est reconnaître les droits des personnes qui vivent ensemble,...

M. Jean Le Garrec.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

... qui veulent organiser leur vie en commun, manifester un engagement de stabilité et de solidarité.

M. Jean Le Garrec.

Exactement !

M me la garde des sceaux.

Nous devons leur reconnaître ces droits. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Mattei, tout en reconnaissant des difficultés graves, recommande des solutions ponctuelles. Légiférer, dit-il ? Oui, peut-être. Il reconnaît la nécessité de légiférer po ur faire obstacle à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Il dit qu'il faut légiférer pour modifier le code de la sécurité sociale, le code général des impôts et le code du travail. Je lui réponds, comme je l'ai déjà dit dans mon discours d'introduction, que ce serait long, et peu visible, surtout pour ceux qui sont confrontés à des situations de précarité, qui ont du mal à reconnaître leurs droits. Ce serait surtout bien hypocrite.

M. Yves Nicolin.

Vous préférez les effets d'annonce !

Mme la garde des sceaux.

A un moment donné, il faut bien réunir les différentes parties du puzzle.

Lorsqu'on analyse un texte de loi, on ne peut pas prétendre que tout est dans tout, on ne peut pas vouloir tout réinventer à la fois : le couple, la loi de 1901 sur les associations, la société civile, le groupe familial.

Il existe évidemment des modes d'organisation collective de la vie privée ; ce n'est pas ce qui est en débat.

Aujourd'hui, nous travaillons à établir une relation stable, équilibrée, entre deux personnes.

M. Richard Cazenave.

Quel équilibre ?

Mme Christine Boutin.

Cela relève de la vie privée !

Mme la garde des sceaux.

Ne mélangeons pas toutes les formes de solidarité.

Pourquoi, en effet, reconnaître par la loi ce qui est un contrat de droit privé et non un contrat de droit public ? La contrepartie que l'Etat attend de la reconnaissance de ce nouveau type de contrat, c'est la solidarité,...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Quelle solidarité ?

Mme la garde des sceaux.

... la force de l'engagement, la construction du lien social. Ce n'est pas une considération morale, ce n'est pas un souci de tolérance, je viens de le dire, c'est un intérêt social bien compris qui conduit à reconnaître tout ce qui reconstruit le tissu social dans une société de plus en plus atomisée, de plus en plus livrée aux égoïsmes individuels, dans une société où la solitude est de plus en plus importante, où, dans la région parisienne, une personne sur deux vit seule.

Mme Christine Boutin.

Votre discours est totalement incohérent !

Mme la garde des sceaux.

Il est important qu'un texte de loi reconnaisse ces droits-là.

Et ce n'est pas parce que la Cour de justice des Communautés européennes refuse un avantage à un partenaire homosexuel que sa décision peut être invoquée à l'encontre du texte. Comme la jurisprudence du 17 décembre 1997 de la Cour de cassation, citée par

M. Mattei, la jurisprudence européenne n'interdit pas, bien au contraire, de progresser vers plus de solidarité, plus d'engagement, plus de durée, aussi.

M. Mattei nous reproche de tout mettre sur le même plan. Ce n'est pas vrai ! Nous ne mettons pas sur le même plan le PACS et le mariage.

M. Richard Cazenave.

Dans le PACS, il n'y a pas d'équilibre entre les devoirs et les droits !

Mme la garde des sceaux.

Le PACS est un contrat, le mariage une institution. Dans un cas il y a enregistrement, dans l'autre célébration.

Il doit être très clair, en effet, que l'institution du mariage, telle qu'elle est régie par le code civil, n'est en rien affectée par le pacte de solidarité, car la proposition qui vous est soumise exclut la conclusion d'un pacte civil de solidarité par les personnes mariées, et prévoit sa dissolution automatique en cas de mariage de l'un des partenaires.

Par ailleurs, la proposition de loi respecte bien évidemment la liberté du mariage, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993.

En outre, le pacte civil de solidarité n'a ni le même objet ni la même portée que le mariage. Il comporte des droits et des obligations matérielles. Mais il s'agit d'un simple contrat entre deux adultes souhaitant organiser leur vie commune. Chacun demeure libre d'y mettre fin à tout moment. La proposition n'entend pas régir un nouveau type de vie familiale. Elle n'a d'ailleurs aucune sorte de conséquence sur la situation des enfants intéressés. En effet, les règles qui régissent l'éducation, l'entretien des enfants et leur filiation ne sont pas modifiées.

C'est ainsi que les enfants nés d'un couple ayant conclu un pacte civil de solidarité sont placés dans la même situation que ceux issus d'une union libre.

Enfin, le texte qui vous est soumis ne change rien aux règles relatives à l'adoption et à la procréation médicalement assistée.

C'est pourquoi la famille issue du mariage, qui dispose d'un statut juridique durable, ne peut en aucun cas être fragilisée par l'adoption de la loi sur le PACS, qui régit uniquement les relations entre les partenaires du pacte.

Voter ce texte, ce sera proposer une sécurité juridique minimale pour que chacun, quels que soient les choix qu'il effectue dans sa vie privée, et qui relèvent de sa propre responsabilité, ait un socle de droits juridiques communs.

La liberté individuelle est ainsi pleinement protégée, grâce au libre choix laissé à chacun de conclure ou non un pacte. La neutralité de l'Etat, sur laquelle repose le texte, assure le respect de la vie privée de chacun.

Le pacte civil de solidarité exige une communauté de résidence, mais ne préjuge pas des relations entre les intéressés.

Loin de porter atteinte à la liberté individuelle, la proposition tend au contraire à accroître les garanties, dans la mesure où elle appréhende des situations personnelles jusque-là ignorées par le législateur.

Assurant la liberté individuelle de chacun, la proposition respecte aussi le principe constitutionnel d'égalité.

Bien sûr, la loi comportera des dispositions juridiques et fiscales spécifiques aux partenaires du pacte civil de solidarité. En effet, les partenaires seront placés, volontairement ou non, en dehors des obligations nées du mariage, et ne bénéficieront donc pas des droits correspondants.

Mme Françoise de Panafieu.

Vous avez déjà lu cela tout à l'heure !


page précédente page 06270page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Mme la garde des sceaux.

Mais ils auront souhaité sortir de la simple cohabitation pour (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Yves Fromion.

Les socialistes sont capables de tout, y compris minables !

Mme Françoise de Panafieu.

Mme le ministre cherche a gagner du temps parce que les socialistes ne sont pas assez nombreux ! Le débat est truqué !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plait ! Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme la garde des sceaux. En effet, les partenaires seront placés, volontairement ou non, en dehors des obligations nées du mariage et ne bénéficieront donc pas des droits qui y correspondent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais ils auront souhaité sortir d e la simple cohabitation pour organiser leur vie commune et ils jouiront des droits adaptés à l'étendue de leurs engagements.

Mme Christine Boutin (montrant un livre à l'assemblée).

Vous feriez mieux de lire la Bible ! Ça vous changerait !

M. le président.

Un peu de silence !

Mme la garde des sceaux.

Ils constitueront donc bien une nouvelle catégorie, justifiant un régime juridique propre.

Je souligne en outre que toutes les personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité seront soumises aux mêmes obligations et aux mêmes droits, dans le cadre du contrat qu'elles auront choisi.

Voilà pourquoi, monsieur Mattei, vous ne pouvez pas dire que nous mettons sur le même plan le PACS et le mariage.

Mais vous avez agité d'autres fantasmes (« Ah ! » sur les mêmes bancs) , en particulier celui du droit des homosexuels à avoir, en couple, des enfants.

Mme Christine Boutin.

Lisez plutôt ce que dit Le Figaro d'aujourd'hui !

M. Daniel Marcovitch.

Pourquoi pas Charlie-Hebdo ?

M. Jean-Pierre Brard.

Madame Boutin, vous n'êtes pas Monica Lewinsky !

M. Daniel Marcovitch.

La tache sur la robe !

Mme la garde des sceaux.

Je répète qu'il ne peut pas être question, ni pour ce gouvernement, ni pour cette majorité,...

M. Maurice Leroy.

Elle a du mal à venir dans l'hémicycle !

Mme la garde des sceaux.

... d'accorder aux couples homosexuels la possibilité d'adopter des enfants ou de recourir à la procréation médicalement assistée. Je considère en effet, et la majorité de cette assemblée avec moi, que pour qu'un enfant structure son identité, sa personnalité, il est important qu'il ait un père et une mère, et que ce père et cette mère soient de sexes différents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maurice Leroy.

Bravo !

Mme la garde des sceaux.

Jamais il ne sera possible, à partir de ce texte de loi - comment pourrait-il en être autrement ? -, d'autoriser l'adoption ou la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels.

Mme Christine Boutin.

Ce que vous dites est honteux !

Mme la garde des sceaux.

Ceux qui prétendent le contraire sont bien ignorants des règles de notre démocratie. On ne peut pas faire dire à un texte de loi autre chose que ce qu'il dit et le PACS ne touche pas au droit de la filiation. Il ne touche d'ailleurs pas non plus au droit de la famille. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Le droit de la famille, c'est autre chose. Le PACS vise les droits des couples qui ne veulent pas et ne peuvent pas se marier. La famille, c'est l'enfant et, lors des travaux que j'ai engagés au nom du Gouvernement et auxquels je souhaite que beaucoup d'entre vous - toutes celles et ceux qui le souhaitent - puissent être associés, il faudra en effet se demander si notre droit accorde à chaque enfant, quelle que soit la situation juridique du couple de ses parents, le droit à une filiation stable, à une filiation sûre, le droit à l'autorité conjointe de ses deux parents.

C'est parce qu'il existe, dans notre droit, des incohérences à ce sujet...

M. Yves Fromion.

Cela ne va pas s'arranger !

Mme la garde des sceaux.

... et parce que nos pratiques sociales ont - hélas ! - tendance à éliminer les pères, nous devons avoir une réflexion profonde.

M. Richard Cazenave.

Attention, il ne va pas falloir nous reprocher d'être longs dans la suite du débat !

Mme la garde des sceaux.

En effet, chaque enfant a le droit de ne pas changer de nom, de ne pas changer de grands-parents, d'oncle et de tante, de ne pas changer de filiation au gré des vicissitudes du couple de ses parents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Françoise de Panafieu.

Et si on revenait au sujet !

Mme la garde des sceaux.

J'insiste sur ce sujet car M. Mattei a prétendu que le PACS menaçait le droit de la famille.

Mme Christine Boutin et M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

Je dis, quant à moi, que le Gouvernement, cette majorité n'ont pas voulu - c'est un choix conscient et délibéré - mêler le PACS et le droit de la famille.

M. Maurice Leroy.

Alors, que la majorité vienne défendre ce texte ! Où est-elle ?

Mme la garde des sceaux.

Ce n'est pas parce que l'on reconnaît des droits à des couples qui, de toute façon, ne se marieront pas parce qu'ils ne le veulent pas, ou ne le peuvent pas, que l'on fragilise et le mariage et la famille.

Je considère en effet qu'il y a une fonction anthropologique de la famille...

M. Pierre Lellouche.

Tiens, tout de même !

Mme la garde des sceaux.

... que nous devons préserver davantage et que notre droit - hélas ! - ne préserve plus tout à fait. Parce que, c'est vrai, il est important qu'un enfant ait, toute sa vie, droit à son père, à sa mère,...

Mme Christine Boutin.

C'est affligeant !

Mme la garde des sceaux.

... à la même famille, que l'on ne puisse pas remettre en cause aussi facilement qu'aujourd'hui la reconnaissance de paternité, et même la reconnaissance de maternité. (« Il faut tenir la montre, hein ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


page précédente page 06271page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

C'est une mascarade de débat !

Mme la garde des sceaux.

Aucun enfant dans notre pays n'est responsable des vicissitudes du couple que forment ses parents.

M onsieur Mattei, vous aviez bien commencé en reconnaissant la réalité, en prônant la tolérance, et je vous en félicite, en affirmant la nécessité d'assurer aux enfants le droit à un père et une mère et que ce père et cette mère soient un homme et une femme.

Mme Françoise de Panafieu.

Quelle nouvelle !

Mme la garde des sceaux.

Malheureusement, vous avez dérapé assez vite hélas, en prêtant au PACS des dispositions qu'il ne contient pas et en cédant à la tentation d'agiter des fantasmes.

M. Jean-Pierre Brard.

Céder à la tentation, c'est le mot juste !

Mme la garde des sceaux.

Ce débat mérite mieux que des procès d'intention.

M. Maurice Leroy.

Il mérite l'obstruction !

Mme la garde des sceaux.

Il mérite mieux que l'agitation de fantasmes qui n'ont rien à voir avec la réalité d'une proposition de loi pleinement respectueuse des droits de la famille, de la liberté individuelle, de la vie privée et du principe d'égalité.

M. Jacques Myard.

Continuez ! Les bancs socialistes ne se remplissent pas assez vite, sans doute à cause de la grève des transports en commun ! (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la garde des sceaux.

Voilà pourquoi, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la présente proposition de loi est incontestablement conforme à la Constitution.

M. Maurice Leroy.

Il y a des problèmes de transports en commun pour les députés de la majorité !

Mme la garde des sceaux.

Vous ne pouvez donc que rejeter l'exception d'irrecevabilité qui est soulevée devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyens et Vert).

Mme Christine Boutin.

C'est affligeant ! Rappel au règlement

M. Philippe Séguin.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Séguin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Séguin.

Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 90, 91 et suivants, en particulier sur les alinéas relatifs à l'organisation de la discussion des exceptions d'irrecevabilité.

Nous sommes très sensibles à l'intérêt tout à fait exceptionnel prêté à nos analyses et à l'argumentation de M. Mattei. Les longues et inhabituelles réponses du rapporteur et de Mme la ministre sont là pour le démontrer.

Nous nous demandons néanmoins si cet intérêt ne serait pas moins lié au fond de notre argumentation qu'au problème de désertion par le groupe socialiste de ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), donc à la volonté de différer le vote de notre assemblée, ce que je comprends tout à fait.

Mais, dans ce cas, plutôt que de tirer à la ligne, il serait sans doute plus conforme à la dignité de notre assemblée de suspendre ses travaux en attendant que le groupe socialiste soit en mesure d'assumer ses prérogatives de groupe majoritaire. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur le président Séguin, dois-je interpréter votre intervention comme une demande de suspension de séance ? (Rires sur les mêmes bancs.)

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, convaincu de la sincérité de l'orateur commis au soin de défendre cette étonnante exception d'irrecevabilité, car c'est bien d'une exception d'irrecevabilité qu'il s'agissait,...

M. Germain Gengenwin.

Et justifiée !

M. Georges Hage.

... fort intéressé par sa rhétorique qui eût pu, comme l'a remarqué Mme la garde des scaux, le conduire à une conclusion contraire,...

M. Jean-Pierre Brard.

Eh oui !

M. Georges Hage.

... attentif à ses arguments sans y avoir perçu la démonstration de la non-constitutionnalité du texte en discussion, ce qu'il était prévu qu'il fît,...

M. Jean-Pierre Brard.

Les imparfaits du subjonctif sont toujours excellents !

M. Georges Hage.

... l'ayant trouvé plus intéressé à entretenir la confusion entre le PACS et un mariage bis ,...

M. Jean-Pierre Brard et M. Jacques Brunhes.

M. Mattei n'écoute pas !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. Georges Hage.

... je voudrais modestement contribuer, par mon intervention, à préciser l'enjeu exact de notre débat,...

M. Maurice Leroy.

Mme la ministre ne l'a donc pas fait ?

M. Georges Hage.

... et à le dépassionner, fût-ce en le désacralisant.

M. François Colcombet.

Excellent !

M. Georges Hage.

S'agissant d'une exception d'irrecevabilité, il nous faut remonter à la philosophie et aux principes fondateurs de notre Constitution.

M. François Colcombet.

Très juste !

M. Jean-Pierre Brard.

Même avant !

M. Georges Hage.

J'invoquerai donc un jurisconsulte éminent, Cambacérès (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union


page précédente page 06272page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , Jean-Jacques de son prénom, duc de Parme,...

Mme Christine Boutin.

Où est-il né ?

M. Jean-Pierre Brard.

Ecoutez, vous allez vous instruire !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler Cambacérès ! (Sourires.)

M. Georges Hage.

... qui soupçonné, sans doute à raison, de bien des compromissions, ne fit en tout cas jamais mystère de ce que j'appellerai pudiquement ses

« affinités électives »,...

Mme Nicole Bricq.

Très bonne référence !

M. Maurice Leroy.

C'est la modernité !

M. Georges Hage.

... et se serait impliqué à plus d'un titre dans le débat d'aujourd'hui. Cambacérès, dis-je, affirmait, en 1793, au Comité de législation civile et criminelle, qu'il fallait...

M. Yves Fromion.

« Pacser » !

M. Georges Hage.

...

« élever le grand édifice de la législation civile non sur le sable mouvant des systèmes...

M. Maurice Leroy.

C'est vrai que c'est mouvant !

M. Georges Hage.

... mais sur la terre ferme des lois de la nature. »

M. Jacques Myard.

Voilà qui était bien parlé !

M. Charles Cova.

Et la nature c'est l'homme et la femme. Point !

M. Georges Hage.

Il est bon de savoir que, sous son impulsion, la législation révolutionnaire défendit, avant que ne s'impose le code Napoléon...

M. Germain Gengenwin.

C'est loin du sujet !

M. Georges Hage.

... dont il nous arrive de découvrir aujourd'hui encore l'aspect retors au point de vue réactionnaire, la stricte égalité de l'homme et de la femme dans la conduite du ménage, soit 180 ans avant que notre législatioin l'établisse.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. Georges Hage.

Faut-il l'invoquer pour rappeler que nous ne sommes pas en Allemagne, en Hollande ou aux

Etats-Unis, où les gens ont le choix entre le mariage civil ou le mariage religieux, mais en France où, il y a deuxs iècles déjà, la Révolution a profondément laïcisé l'approche de toutes les réalités sociales et dépassé historiquement les considérations métaphysiques et religieuses qui avaient cours en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Allez, c'est l'heure ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Il faut le rappeler à Mme Boutin !

M. Georges Hage.

La Révolution ouvrait de la sorte un champ sans précédent à la liberté individuelle, donc à la vie privée, en excluant toute inquisition d'ordre institutionnel. De la sorte, le code civil qui définit les droits et obligations de la société civile le fait donc d'un point de vue laïc,...

M. Maurice Leroy.

Cinq minutes !

M. Georges Hage.

... point de vue attentif aux vérités démontrées et à l'objectivité des faits, mais respectueux des croyances révélées,...

Mme Christine Boutin.

Allez, monsieur Hage !

M. Maurice Leroy.

Il est l'heure !

M. Georges Hage.

... exempt de toute idéologie, de toute métaphysique comme de tout ostracisme.

M. Maurice Leroy.

C'est une course contre la montre !

M. Georges Hage.

Est-il nécessaire de préciser que, laïc convaincu, je respecte la conception catholique de la famille...

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas seulement la conception catholique !

M. Georges Hage.

... et que ce serait à mes yeux une atteinte intolérable à la liberté que de mettre en cause ce droit éminemment respectable. (« C'est l'heure, monsieur le

président

! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie, M. Hage va s'acheminer vers sa conclusion ! (Exclamations sur les bancs des mêmes groupes.)

M. Maurice Leroy.

Il faut appliquer le règlement !

M. Georges Hage.

La société civile est fondée sur deux principes essentiels : la liberté individuelle et la propriété privée. C'est seulement en fonction de ceux-ci qu'elle aborde les problèmes sociaux, entendant qu'à la liberté, s'associe la notion de bonnes moeurs, dont le contenu varie au fil des décennies.

En tout état de cause, toute société ne peut exister que par le travail et se perpétuer qu'en assurant en permanence le renouvellement des hommes et des femmes à travers la famille, qu'il y ait mariage ou pas, cette famille fût-elle monoparentale.

M. Maurice Leroy.

Cela fait dix minutes qu'il parle !

M. Georges Hage.

S'avise-t-on d'ailleurs suffisamment de l'émergence triomphante de ce néologisme paradoxal et antinomique ? Le mariage légal, en France, n'a aucun caractère religieux.

M. Maurice Leroy.

La pendule, monsieur le président !

M. Georges Hage.

En même temps, et c'est pourquoi nous sommes hostiles à tout mariage bis , la société n'a pas à légitimer, à reconnaître, voire à bénir civilement la relation entre deux personnes. C'est une affaire privée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

La société n'a pas à leur donner un statut légal par amalgame au mariage, là encore parce que notre pays a fait la révolution sur la base de la liberté individuelle et de la propriété privée,...

M. Maurice Leroy.

C'est une conférence ou une explication de vote !

M. Georges Hage.

... propriété privée à laquelle se rattachent aujourd'hui des droits sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Le silence va être rétabli et M. Hage va s'acheminer vers sa conclusion, s'il le veut bien !


page précédente page 06273page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Georges Hage.

Mais monsieur le président, j'ai été interrompu !

M. le président.

Bien sûr, mais il faut tout de même respecter un certain temps !

M. Georges Hage.

Anachronique, l'exception d'irrecevabilité me paraît d'autant plus injustifiée que notre Constitution dans son préambule se réfère à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la Constitution de 1946, ces deux textes proclamant la valeur concordante de la liberté individuelle et de la famille, ce que ne contredit point, tant s'en faut, la Déclaration universelle des droits de l'homme dont nous allons célébrer le cinquantenaire.

M. Maurice Leroy.

Allez courage !

M. Georges Hage.

Monsieur le président, je ne voudrais pas terminer (« Ah ! » Sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sur une flèche de Parthes, mais évoquer - c'est vous, chère Christine Boutin,...

Mme Christine Boutin.

Je suis donc votre égérie, monsieur Hage, merci !

M. Georges Hage.

... qui, en brandissant votre Bible, me l'avez suggéré - un texte ancien, aux origines de notre culture commune.

M. Pierre Lellouche.

Il y avait l'homme et la femme, monsieur Hage !

M. Georges Hage.

« Il vaut donc mieux être deux ensemble que d'être seul ; » (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance) ...

Mme Christine Boutin.

Ça c'est vrai !

M. Yves Nicolin.

Et il vaut mieux être seul que mal accompagné ! (Sourires.)

M. Georges Hage.

« ... car ils tirent avantage de leur société.

« Si l'un tombe, l'autre le soutient. Malheur à l'homme seul. Car lorsqu'il est tombé, il n'aura personne pour le relever. »

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est ce qui arrive aux socialistes !

M. Georges Hage.

« Si deux dorment ensemble, ils s'échauffent l'un l'autre, mais comment un seul s'échauffera-t-il ? » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. le président.

Monsieur Hage !

M. Georges Hage.

Je termine, monsieur le président !

M. le président.

L'essentiel de votre propos a été compris !

M. Pierre Lellouche.

C'est l'essence du marxisme !

M. Georges Hage.

« Si quelqu'un a de l'avantage sur l'un des deux, tous deux lui résistent... »

M. Maurice Leroy.

Lénine, réveille-toi !

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît !

M. Georges Hage.

Vous aurez reconnu les versets célèbres de l'Ecclésiaste, dont la traduction que je vous ai livrée ici est la plus prisée, car elle est de Lemaistre de Sacy. Je ne vous apprendrai pas que, en grec, ecclésiaste signifie : homme de l'Assemblée. Ces propos ici et à cette heure ne sont sûrement pas déplacés. Mais si vous relisez la Bible (Vives exclamations sur les mêmes bancs)...

M. le président.

Monsieur Hage, il faut conclure maintenant !

M. Pierre Lellouche.

Mascarade !

M. Thierry Mariani.

Il avait cinq minutes !

M. Bernard Accoyer.

Faite-le taire, monsieur le président !

M. Georges Hage.

... vous retrouverez le livre qui s'appelle Le Cantique des cantiques où se lisent des poèmes célèbres et superbes qui célèbrent ouvertement la joie des fiançailles, les recherches inquiètes et le bonheur des rencontres amoureuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

C'était une bonne conclusion ! La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Pierre Lellouche.

Pour cinq minutes, article 91, alinéa 4, du Règlement !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes jaloux, parce que vous ê tes ignorants. Vous n'avez pas de lettres comme M. Hage !

M. le président.

Seul M. Ayrault a la parole ! M. Jean-Marc Ayrault Je voudrais dire à l'opposition que son attitude me surprend (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), car elle interpelle les signataires du texte ,...

M. Yves Nicolin.

Mobilisez vos troupes !

M. Jean-Marc Ayrault.

... elle pose des questions au Gouvernement, mais elle vocifère quand on lui répond.

Nous ne sommes pas là pour çà. Nous sommes là aussi pour nous écouter. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Laurent Dominati.

Vous n'avez pas honte ! Cela fait une heure que vous jouez la montre !

M. Jean-Marc Ayrault.

M. Mattei vient d'argumenter en faveur de l'exception d'irrecevabilité.

M. Patrice Martin-Lalande.

Remarquablement !

M. Jean-Marc Ayrault.

En fait, il n'en a quasiment pas parlé,...

M. Maurice Leroy.

Vous n'avez pas écouté alors !

M. Jean-Marc Ayrault.

... car il sait très bien que le pacte civil de solidarité ne comprend pas de dispositions anticonstitutionnelles.

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas à vous d'en juger !

M. Jean-Marc Ayrault.

Créer un nouveau type de contrat est tout à fait conforme aux règles de notre loi fondamentale. Rien dans ce contrat ne porte atteinte à la liberté ou à l'égalité des citoyens et je ne vous ferai pas l'affront de vous lire le préambule de la Constitution, ni celui de 1946, ni la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni non plus l'article 34 de la Constitution ; j'imagine que vous le connaissez bien.

M. Yves Nicolin.

Quelle honte pour l'Assemblée !


page précédente page 06274page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Jean-Marc Ayrault.

Dans ces conditions, cette motion de procédure est tout à fait inopportune et, pour faire court, mes chers collègues, inutile. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Une fois de plus cette motion de procédure a un autre objet, moins noble que ce que vous avez tenté de nous dire, monsieur Mattei, non sans habileté, je le reconnais (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Yves Fromion.

Et là que faites-vous, sinon gagner du temps ?

M. Bernard Accoyer.

Avec hypocrisie !

M. Jean-Marc Ayrault.

... en brouillant les pistes par des développements étrangers à la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité et en faisant comme si Mme la ministre et nos rapporteurs ne s'étaient pas exprimés clairement. Vous recourez à la vieille pratique de l'amalgame, que dénonçait tout à l'heure M. Brard.

M. Maurice Leroy.

Et vous essayez de tenir en l'absence de vos députés !

M. Jean-Marc Ayrault.

Cette méthode révèle au fond les intentions de l'opposition, qui commence mal cette session ! (Rires sur les mêmes bancs.)

Nous avons déjà eu droit à la litanie des motions de procédure sur la loi d'orientation agricole. Allons-nous la connaître sur tous les textes ?

M. Maurice Leroy.

Vous ne le faisiez peut-être pas ?

M. Jean-Marc Ayrault.

L'an dernier, sur de nombreux projets, l'opposition, de façon quasi systématique, a déposé exceptions d'irrecevabilité, questions préalables, renvois en commission, quelquefois même en deuxième lecture, ce qui est surréaliste. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

C'était le moment où le Sénat s'offusquait du fait que le Gouvernement déclarait l'urgence sur quelques textes importants. Mais c'était méconnaître avec la plus parfaite mauvaise foi que l'urgence ne prive le Sénat d'aucun de ses droits et qu'elle ne fait que limiter le nombre des navettes.

M. Robert Lamy.

Vous faites durer le plaisir ! Mais il ne vous reste que deux minutes !

M. Jean-Marc Ayrault.

Et ces reproches, relayés sur ces bancs, étaient d'autant moins bienvenus que le Sénat, qui s'offusquait d'une prétendue atteinte à ses prérogatives, décidait dans le même temps de rejeter les textes en question par une question préalable, sans même vouloir les discuter.

M. Jacques Myard.

Nous avons lu le projet, tout de même !

M. Jean-Marc Ayrault.

C'est une véritable extravagance que ces motions de procédure.

Mme Françoise de Panafieu.

Donnez-nous votre avis ! Le reste, on s'en passe !

M. Jean-Marc Ayrault.

De la même façon, peut-on considérer comme normales ces pluies d'amendements qui brouillent la compréhension et n'ont pour but que d'embouteiller l'ordre du jour ? C'est une ficelle bien connue, mes chers collègues : après avoir fait traîner les débats, l'opposition dénonce le fait que l'Assemblée nationale siège trop, y compris les week-ends, alors même qu'elle est responsable de cet état de fait.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-Marc Ayrault.

Les indignations convenues donnent alors lieu à quelques petits morceaux de bravoure sans aucun intérêt.

M. Maurice Leroy.

Alors, soyez plus bref !

M. Jean-Marc Ayrault.

Je me tourne donc vers vous, mesdames, messieurs de l'opposition, en vous disant que recourir systématiquement à de tels procédés, à de tels arguments ne sert à rien...

Mme Christine Boutin.

Cela sonne faux !

M. Jean-Marc Ayrault.

... à rien d'autre qu'à rendre p lus confus les débats de notre assemblée, plus ennuyeuses nos séances et plus obscur le rôle du Parlement.

Mme Christine Boutin.

Vous n'avez pas d'arguments !

M. Jean-Marc Ayrault.

Compte tenu de cette attitude déraisonnable, la tentation est donc grande de polémiquer avec l'opposition pour lui rendre en quelque sorte la monnaie de sa pièce.

Mme Christine Boutin.

C'est scandaleux, le PACS est un grand débat et représente un grand enjeu !

M. Jean-Marc Ayrault.

Devant cette hostilité au front bas, il est bien difficile cependant de ne pas rappeler ces combats d'arrière-garde d'hier ou d'avant-hier contre la contraception, contre l'IVG, contre la majorité à dix-huit ans, ces combats pour la peine de mort et aujourd'hui contre le PACS (Exclamations sur les mêmes bancs)...

même si je reconnais qu'un certain nombre d'hommes et de femmes de droite ont voté certaines de ces réformes.

Mais n'oubliez pas que ceux qui combattaient ces textes utilisaient les mêmes arguments que ceux que nous entendons aujourd'hui pour essayer de caricaturer ces projets de réformes, très importantes dans notre droit.

Cela dit, ils n'ont pas pu empêcher leur vote, souvent acquis grâce aux voix des députés des bancs de la gauche, même lorsque celle-ci était dans l'opposition. Je tenais à le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste.) Sur le fond du débat, je crois qu'il est légitime, si on veut revenir à l'essentiel, d'examiner au fond les questions qui concernent notre société... (« Cinq minutes ! », sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ... comme l'institution du mariage, mais aussi s'interroger sur les préjugés concernant les moeurs et la sexualité, s'interroger sur la séparation entre la sphère privée et la sphère publique...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Cinq minutes !

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président !

M. Jean-Marc Ayrault.

... et sur le rôle de la loi dans l'évolution de la société.

Ces sujets et les débats qu'ils suscitent méritent qu'on les aborde avec sérieux, sereinement, dans le respect mutuel des croyances et des convictions.

M. le président.

Cela dit, monsieur Ayrault, il faut que vous alliez vite parce que nous sommes limités en temps.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Marc Ayrault.

Je pensais qu'un signataire du texte, et j'en suis le premier signataire, pouvait intervenir.

(« Et alors ? » et vives protestations sur les mêmes bancs.) Je revendique ce droit qui est prévu à notre règlement.


page précédente page 06275page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Vous osez encore revendiquer le règlement !

M. Jean-Marc Ayrault.

Puisqu'il s'agit d'une motion d'irrecevabilité, mes chers collègues, ce qui serait anticonstitutionnel serait justement de ne pas parler de ces questions et de ces sujets ici, à l'Assemblée nationale.

(Claquements de pupitres.)

M. Pierre Lellouche.

Mais il y a un règlement !

M. Jean-Marc Ayrault.

Et l'essentiel, ce serait effectivement d'examiner les articles et je voudrais dans quelques instants et très brièvement...

(« Non ! C'est fini ! », sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît ! Veuillez vous acheminer vers votre conclusion. (« Partialité ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, si je ne peux pas m'exprimer en tant que premier signataire de ce texte, je préfère renoncer à mon intervention et j'appelle à voter contre cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur le bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Monsieur Ayrault, respectez le règlement !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

(« Cinq minutes ! », sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Je vous rassure, monsieur le président, je resterai dans les cinq minutes prévues par le règlement, article 91 alinéa 4.

Le groupe du Rassemblement pour la République votera naturellement l'exception d'irrecevabilité brillamment posée par M. Mattei tout à l'heure.

D'abord, les conditions du débat ne sont pas convenables.

M. Bernard Roman.

A cause de qui ? (« Oui, à cause de qui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lellouche.

Ce texte nous a été proposé le 23 septembre, le rapport est arrivé le 30 septembre, nous sommes le 9 octobre. Que l'on soit pour ou contre le PACS, tout le monde reconnaît que c'est un texte fondamental pour notre société. Il est dommage de devoir l'examiner à toute vitesse, entre la loi d'orientation agricole et le vote du budget.

Mme Nicole Bricq.

C'est une niche parlementaire !

M. Pierre Lellouche, Ensuite, ce texte est irrecevable en raison du climat d'intolérance qui l'a entouré.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dès neuf heures cinq, ce matin, le rapporteur M. Michel nous a traité de rétrogrades. Tout ceux qui ne sont pas d'accord avec vous sont soit des rétrogrades, soit des ringards, soit en voie de « lepénisation ». Votre terrorisme de la modernité ne nous intéresse pas ! (« Réactionnaires ! », sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Enfin, votre texte est irrecevable parce qu'il crée une confusion totale entre le régime du mariage, celui de l'union libre et celui que vous voulez créer,...

M. Jean-Pierre Blazy.

Menteur !

M. Pierre Lellouche.

... entre l'institution de la famille et le couple.

Pour toutes ces raisons, le Rassemblement pour la République votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Les conditions de ce débat ne sont pas bonnes. Nous ne pouvons donc que voter pour l'irrecevabilité de ce texte, mauvais tant dans le fond que dans la forme, comme l'a très bien exprimé notre collègue Jean-François Mattei. Il est gros de trop de dangers, de trop d'incertitudes, de trop de confusion entre les libertés individuelles et l'organisation sociale, de trop de confusion entre la sexualité et la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Etant parfaitement en accord avec les propos de Jean-François Mattei et ne voulant pas entrer dans le jeu dilatoire d'une majorité absente de ce grand débat de société, je me contenterai de dire que le groupe UDF, bien sûr, votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, depuis ce matin, en raison de la difficulté qui a parfois été la mienne d'écouter attentivement certains débats, je me suis demandé si, bien que n'étant pas en marge de la majorité, mais à sa frontière dans l'hémicycle, le concept de casque bleu ne s'était pas transformé en concept de casque vert. (Sourires. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

J'aurais pu bien sûr m'éloigner, mais je considère que dans ce genre de débats, il ne faut céder aucun pouce de terrain. (Applaudissements et « Très bien ! » sur les mêmes bancs.) Je voudrais m'adresser à Mme Boutin, dont j'ai l'honneur de profiter du voisinage ces temps-ci.

M. Jean-Pierre Brard.

Attention !

M. Guy Hascoët.

Quand soudainement elle fait jaillir de son sac à main une Bible, pour la tendre en direction de Mme la ministre,...

Mme Christine Boutin.

J'ai quand même le droit d'avoir une Bible dans mon sac !


page précédente page 06276page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

M. Guy Hascoët.

Mais certainement...

M. Daniel Marcovitch.

Ici, le règlement intérieur remplace la Bible !

Mme Françoise de Panafieu.

Voilà déjà trois minutes pour vous parlez !

M. Guy Hascoët.

... je voudrais lui dire simplement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

I nterrompez-moi autant que vous voudrez, mais, comme au football, on décomptera le temps ! Donc, et très simplement, je voudrais lui dire qu'il est à l'honneur de la République de protéger la liberté de penser, la liberté spirituelle et la liberté des cultes. Tout aussi simplement, je lui demanderai, eu égard à l'actualité, de jeter un regard circulaire de par le monde pour constater l'impasse dans laquelle se trouvent tous les régimes qui, parce qu'ils sont une théocratie, deviennent incapables de faire la différence entre l'éthique et la morale (Protestations sur les mêmes bancs) et s'engagent dans des impasses politiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Nicole Bricq.

C'est l'ordre moral en marche !

M. Jean-Pierre Blazy.

Vive la République !

M. Yann Galut.

Vive la laïcité !

M. Guy Hascoët.

J'en viens maintenant au sujet (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépentants) ... Coupez-moi ! Allez-y !

M. Yves Fromion.

Mais non ! Vous ne pouvez pas déjà faire ça ! (Sourires.)

Mme Françoise de Panafieu.

Il ne vous reste plus qu'une minute et demie !

M. Guy Hascoët.

J'en viens donc au sujet. Pour ma part, j'ai écouté attentivement M. Mattei. Evidemment, cet orateur a été très respecté - n'est-ce-pas ? - par vous.

M. Robert Lamy.

Il était brillant, lui !

M. Guy Hascoët.

Moi, je l'avais lu cette semaine dans Le Monde. Et je l'avais lu, qu'il me permette de lui dire, avec intérêt. Car si certaines de ses analyses m'ont intéressé, je n'en ai pas tiré les mêmes conclusions.

M. Mattei m'a intéressé quand il a insisté sur la nécessité de ne pas faire dans ce débat de confusion entre pacte de sexualité et pacte de solidarité.

Il ne faut pas confondre le couple et la paire. A partir du moment où on introduit la notion de paire, donc de - deux - personnes sans considération de sexe, pourquoi ne pas prendre en compte une triplette ? ou une quadruplette ? Et pourquoi pas, au sein d'une fratrie, plusieurs paires de couples !

M. Maurice Leroy.

C'est vraiment élégant !

M. Guy Hascoët.

Donc, j'ai bien compris le message.

Et je dois dire que je partage une partie de cette analyse.

Je me situe dans le débat sur les couples non mariés. Je pense que le débat des « paires » ou plus peut trouver sa place ailleurs, pas ici. Nous y reviendrons au fil des heures et des journées...

Ainsi, monsieur Mattei, vous faites des constats et vous reconnaissez vous-même les carences du droit actuel et la nécessité de le faire évoluer. Mais vous voulez procéder de manière éparpillée, « saucissonnée », tronçonnée.

Pour ma part, je ne comprends pas pourquoi, dans cet hémicycle, pour parler de la chose, il faut parler de tout autre chose. Pourquoi plaider l'hypocrisie ? Ce débat porte sur quelque chose d'essentiel, qui concerne des millions de personnes dans ce pays ; il doit répondre à des souffrances, à des impasses dans le quotidien et permettre des progrès fiscaux et sociaux.

Je ne comprends pas que l'on ne puisse pas imaginer qu'un texte ambitionne de ramasser l'ensemble de ces mesures, d'ouvrir un espace, de répondre aux aspirations de ces quelques millions de personnes à partir du moment où il ne contredit en rien le droit des autres.

Vous soulevez une exception d'irrecevabilité. Nous nous apprêtons à écouter attentivement, pendant de longues heures (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ... tout ce que notre règlement permet juridiquement de faire. C'est de bonne guerre : vous êtes l'opposition.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mais ne demandez pas cinq heures de débats inutiles, au cours desquels vous comptez utiliser le droit dévolu à l'opposition,...

M. Maurice Leroy.

Qui est la majorité pour le moment !

M. Guy Hascoët.

... pour me reprocher, ensuite, de perdre un petit peu de temps - une minute, trente secondes -, alors même que vous m'interrompez !

M. Maurice Leroy.

Votre problème, c'est que nous sommes majoritaires !

M. Guy Hascoët.

En conclusion, j'espère qu'au cours de ce débat, il n'y aura qu'un message : baissons le masque et pas de feuille de vigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Marc Ayrault.

Suspension ! Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La demande est de droit. (« Au vote ! Au vote ! » et protestations sur les mêmes bancs.) S'il vous plaît, mes chers collègues ! Vous avez la parole, monsieur le président Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, en vertu de l'article 58, alinéa 3, je demande une suspension de séance. (« Scandaleux ! » et vives protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

S'il vous plaît !

M. Maurice Leroy.

Vous n'êtes pas assez nombreux !

M. le président.

S'il vous plaît ! (Mêmes protestations sur les mêmes bancs.) De combien de temps ?

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, compte tenu de l'attitude de l'opposition (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et de son obstruction systématique dans ce débat (Vives protestations sur les mêmes bancs.), je demande une heure de suspension de séance pour réunir le groupe socialiste.

(Applaudissements


page précédente page 06277

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1998

sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. Richard Cazenave.

Voyou !

M. Maurice Leroy.

Mascarade !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que j'ai annoncé, ce matin, en commençant la séance, que je souhaitais réunir la conférence des présidents, en tout état de cause, à douze heures quarante-cinq. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Pendant les explications de vote, cela ne s'est jamais fait !

M. le président.

M. le président Ayrault me demande, et il est tout à fait dans son droit, en tant que président de groupe, une suspension de séance.

M. Richard Cazenave.

Jamais pendant les explications de vote !

M. le président.

Je vais donc réunir la conférence des présidents et la prochaine séance aura lieu à quinze heures.

(Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (nos 88, 94, 249) : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1097) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1102).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT