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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 6463).

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE (p. 6463)

MM. Dominique Paillé, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

MALTRAITANCE DES ENFANTS (p. 6463)

M. Jean-Antoine Leonetti, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT (p. 6464)

MM. Yves Cochet, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

SÉCURITÉ SANITAIRE DANS LES HÔPITAUX (p. 6465)

MM. Jean Rigal, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

CAMPAGNE PUBLICITAIRE POUR LES 35 HEURES (p. 6465)

M. Robert Pandraud, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

35 HEURES ET RÉDUCTION DES SALAIRES (p. 6466)

M. Hervé Gaymard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE (p. 6467)

MM. Thierry Mariani, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

MOUVEMENT DES LYCÉENS (p. 6467)

MM. Guy Hermier, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

KOSOVO (p. 6468)

MM. Pierre Brana, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

MATERNITÉS (p. 6469)

MM. Maurice Adevah-Poeuf, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

MOUVEMENT DES LYCÉENS (p. 6470)

MM. Yves Durand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

PACS (p. 6471)

M. Dominique Dord, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

BUDGET DE LA FRANCOPHONIE (p. 6472)

Mme Odette Trupin, M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

2. Loi d'orientation agricole. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 6473).

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 6476)

MM. Joseph Parrenin, Christian Jacob, Félix Leyzour, François Sauvadet, Mme Marie-Hélène Aubert,

M.

Philippe Vasseur.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 6483)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 6483)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 6483).

4. R equête en contestation d'opérations électorales (p. 6483).

5. Saisine pour avis d'une commission (p. 6483).

6. Loi de finances pour 1999. Discussion d'un projet de loi (p. 6484).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

7. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6501).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent qu'il n'y aura pas de suspension de séance à la fin des questions au Gouvernement.

Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote par scrutin public sur le projet de loi d'orientation agricole.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

La parole est à M. Dominique Paillé.

M. Dominique Paillé.

Monsieur le Premier ministre, cette assemblée a vécu, vendredi, un événement marquant de son histoire. Sans esprit polémique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), les Français en ont, me semble-t-il, tiré la conclusion qui s'imposait, celle du dysfonctionnement de cette assemblée. Ce dysfonctionnement n'est en fait dû qu'à la non-application du règlement intérieur, qui devrait régir nos travaux et nos débats. Or, si mes informations sont exactes, et je crains qu'elles ne le soient, sur le PACS, vous vous apprêtez à solliciter à nouveau l'Assemblée en la faisant discuter et délibérer durant le week-end des 7 et 8 novembre, au mépris de plusieurs articles du règlement.

Monsieur le Premier ministre, ce sujet de société important mérite d'être travaillé dans la sérénité,...

M. Bernard Accoyer.

... Tout à fait !

M. Dominique Paillé.

... au cours de discussions suffisamment longues pour que tous ses aspects soient analysés, pesés et pour que l'avenir qu'il ouvre soit très largement brossé. C'est pourquoi je voudrais très simplement que vous nous indiquiez quelle est l'urgence qui vous guide ? Pourquoi une telle précipitation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

M. le Premier ministre nous a fait savoir qu'il était à Bruxelles aujourd'hui devant la Commission. C'est donc M. le ministre des relations avec le Parlement qui va vous répondre.

(Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Le fait de siéger le samedi 7 et le dimanche 8 novembre, en plus du mardi 3 novembre, pour terminer l'examen de la proposition de loi sur le PACS correspond à une application normale de l'article 48 de la Constitution.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Non !

M. Arnaud Lepercq.

C'est scandaleux !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cet article confère au Gouvernement la prérogative de définir l'ordre du jour prioritaire des assemblées.

M. Jean-Claude Thomas.

C'est intolérable !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

L'article 50, alinéa 2, du règlement de l'Assemblée nationale en tire la conséquence en prévoyant que les séances supplémentaires sont de droit à la demande du Gouvernement. L'opposition ne peut déposer 900 amendements sur vingt articles et s'étonner de devoir siéger des jours supplémentaires ! (Applaudissments sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Quand on fait de l'obstruction, il faut en assumer les conséquences !

M. Charles Cova.

C'est minable comme défense !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je me permets, monsieur le député, de vous renvoyer au discours de M. Michel Debré présentant la Constitution devant le Conseil d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

MALTRAITANCE DES ENFANTS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ma question s'adressait à

M. le Premier ministre.

Selon le rapport de l'ODAS qui a attiré l'attention de nombreux parlementaires, le nombre d'enfants en danger en France a augmenté de 10 % l'année dernière. Ce chiffre est qualifié d'alarmant par le secrétaire général de l'ODAS, qui n'hésite pas à dire que ces enfants sont livrés à eux-mêmes.

Le rapport précise : « Nous avons cette fois confirmation que la fragilisation, l'effritement de la société et de la famille jouent un rôle aigu dans l'atteinte portée à ce qui est le plus sacré : l'enfant. Il semble donc nécessaire d'agir rapidement afin de préserver la cellule familiale, consolidée dans des solidarités de proximité. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Ma question est la suivante : dans le contexte actuel et au vu de ce rapport, ne serait-il pas plus judicieux et plus urgent de consacrer une enveloppe budgétaire d'urgence aux enfants et aux familles en difficulté, aux enfants pauvres, plutôt que de s'acharner à imposer au pays et à l'Assemblée nationale un pacte dont la solidarité n'est qu'un mot et qui ne servira qu'à permettre aux couples les plus fortunés d'échapper à une part d'impôt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Daniel Marcovitch.

Démago !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je partage votre analyse lorsque vous dites que la famille est le lieu majeur et irremplaçable où se construit l'enfant (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Thierry Mariani.

Vous vous attaquez aux allocations familiales !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... à la fois sur le plan affectif, sur le plan de la connaissance des repères nécessaires pour vivre en société, sur le plan de l'appréhension de la vie collective et sur le plan des valeurs.

Je vous rappelle d'ailleurs que le Premier ministre a présidé une conférence de la famille qui nous a permis d'avancer, avec l'accord unanime des organisations syndicales et des associations familiales, sur une politique familiale que je crois ambitieuse. Cette politique permet de prendre en compte les évolutions de la famille dans leurs aspects les plus néfastes, par exemple lorsque des familles n'arrivent pas à remplir leurs responsabilités et font subir à leurs enfants des violences.

Dans quelques jours, nous aborderons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je pense que vous serez heureux d'apprendre, monsieur le député, qu'il est prévu de consacrer un milliard de plus à l'action sociale de la CNAF justement pour aider ces familles, pour aider au placement et au mode de garde des enfants des familles les plus en difficulté, ainsi que pour mettre en place des lieux d'accueil des familles et de rencontre parents-enfants là où existent aujourd'hui les difficultés que vous relevez. Il ne sert à rien de montrer ces familles du doigt. Il faut les aider, les accompagner pour les amener à se responsabiliser et à valoriser leur rôle de père et de mère de famille.

Mme Christine Boutin.

Et le PACS ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce que fait l'école par ailleurs en ouvrant cette semaine ses portes à tous les parents pour que l'on reconnaisse leur rôle éducatif. C'est ce que nous faisons de manière beaucoup plus globale avec les mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le travail accompli en même temps dans la délégation interministérielle à la famille. Il doit être difficile pour vous d'entendre que l'ensemble des associations familiales ont accepté notre programme, mais il en est ainsi !

M. Charles Cova.

Vous avez reculé sur les allocations familiales !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant au PACS, mesdames, messieurs les députés, je crois l'avoir déjà dit et nous le pensons tous, personne dans ce pays ne doit dire aux gens comment ils doivent vivre et aimer. Quand on fait de la politique, on doit les aider à mieux vivre pour mieux aimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

(Exclamations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, il n'y a pas lieu de manifester ! M. Cochet, et lui seul, a la parole !

M. Yves Cochet.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le projet d'accord multilatéral sur l'investissement.

Le 13 février dernier, par voie de communiqué, le Premier ministre a énoncé quatre conditions à remplir pour que la France s'engage à cosigner ce projet. Le 28 avril, lors de la réunion des ministres de l'OCDE, la France n'a pas signé, sans doute parce qu'à cette époque les quatre conditions, ou du moins certaines d'entre elles, n'étaient pas remplies. A la suite de quoi, le Gouvernement s'est engagé à informer les parlementaires que nous sommes et l'opinion publique de la suite des négociations sur l'AMI.

Je regrette que nous n'ayons jusqu'à présent lu ou entendu aucune information à ce sujet.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est scandaleux !

M. Yves Cochet.

Nous sommes à une semaine de la reprise des négociations au niveau ministériel et de la réunion de l'OCDE, qui doit se tenir mardi prochain exactement. De nombreuses associations, syndicats et formations politiques, notamment de la majorité, sont opposés au projet d'accord actuel.

Ma question est très claire : monsieur le Premier ministre, les quatre conditions que vous avez énoncées le 1 3 février sont-elles réunies, auquel cas la France s'apprêterait à signer le projet d'AMI, ou bien ne le sontelles pas et la France ne signera pas l'AMI la semaine prochaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, lors de la réunion des ministres de l'OCDE, en avril dernier, le Gouvernement a demandé et obtenu une suspension des négociations pour six mois afin de procéder à une consultation de la société civile et d'évaluer ces négociations.

Mme Lalumière, députée au Parlement européen, assistée par M. Landau, ancien directeur des relations économiques extérieures, a procédé à cette consultation à la demande du Premier ministre. Ils ont rencontré et interrogé longuement les associations dont vous dites, à juste titre, qu'elles sont intéressées au débat sur l'AMI, les milieux culturels, les organisations syndicales, les mouvements écologiques, les représentants des associations professionnelles et des entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Mme Lalumière a rencontré hier le Premier ministre et lui a fait part du résultat de ses consultations et de ses conclusions. Celui-ci est ajourd'hui à Bruxelles. Il arrêtera prochainement la position du Gouvernement français et la portera à la connaissance du Parlement, ainsi que de nos partenaires dans cette négociation, au premier rang desquels les membres de l'Union européenne. Vous le voyez, monsieur le député, votre impatience sera prochainement satisfaite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

SÉCURITÉ SANITAIRE DANS LES HÔPITAUX

M. le président.

La parole est à M. Jean Rigal.

M. Jean Rigal.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé. Elle concerne la sécurité sanitaire dans les hôpitaux.

Dans la nuit du 25 au 26 septembre dernier, à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, une défaillance de l'alimentation électrique a provoqué le décès de plusieurs malades hospitalisés dans un service de soins intensifs.

Cette affaire dramatique fait l'objet d'une enquête administrative et le parquet de Lyon a ouvert une information judiciaire. Je ne doute pas un seul instant que si un tel accident s'était produit au centre hospitalier d'une quelconque petite ville moyenne, le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation, véritable proconsul sanitaire, aurait immédiatement fermé le service concerné, voire l'hôpital tout entier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mon propos n'est certes pas de demander la fermeture d'une unité d'un grand établissement sanitaire public,...

M. Michel Bouvard.

Pourtant, il le faudrait peut-être !

M. Jean Rigal.

... il consiste à vous interroger sur la fragilité et la relativité de la notion de sécurité sanitaire tant dans les grands hôpitaux que dans les hôpitaux de proximité. D'autant qu'un autre incident, cette fois d'ordre infectieux, a frappé depuis lors le centre hospitalier d'une importante ville-préfecture de la région MidiPyrénées.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la survenue de ces accidents, aussi douloureux que regrettables, pourrait-elle tempérer les certitudes de ces statisticiens péremptoires qui s'acharnent à décrédibiliser les hôpitaux de proximité pour pouvoir liquider plus facilement l'ensemble de leurs services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le député, j'ai cru comprendre que vous opposiez la sécurité dans les petits établissements à celle dans les grands.

M. Jean Rigal.

Pas du tout !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

La sécurité sanitaire ne se répartit pas ainsi, monsieur le député, ni les dangers d'ailleurs.

Dans la nuit du 25 au 26 septembre, à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, une panne d'électricité, sur laquelle nous continuons effectivement d'enquêter, est intervenue entre deux grands postes de raccordement à Electricité de France. Cette panne a entraîné l'évacuation de plusieurs malades.

Je ne peux pas souscrire à votre propos, monsieur le député. Le rapport entre la panne d'électricité et le décès de certains malades n'a été établi pour aucun des cas et, à votre place, je ne conclurais pas. Si j'avais à m'exprimer personnellement, je dirais qu'il y a bien peu de rapport entre les deux événements. Aussitôt après, nous avons envoyé une circulaire à tous les hôpitaux pour leur rappeler leurs devoirs en termes de sécurité électrique.

Vous faites également allusion à un incident survenu à l'hôpital de Tarbes. Cinq cas de légionellose ont été recensés dans la région, dont trois dans cet hôpital. Dans tous les cas, il a été procédé à des inspections. Des déc isions ont été prises. La chloration du système a été pratiquée à deux reprises, et nous continuons d'enquêter.

D'une manière plus générale, monsieur le député, je l'ai dit à plusieurs reprises ici, il n'est pas question de stigmatiser une structure hospitalière en raison de sa taille, quelle que soit celle-ci. J'aurai l'occasion de préciser, au cours de cette séance, à propos des maternités, qu'il est question non pas de sanctionner, mais de mettre en réseau pour des raisons de sécurité sanitaire qui concernent là les femmes et les enfants, ce qui est plus respectable, me semble-t-il, que le circuit électrique.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

CAMPAGNE PUBLICITAIRE POUR LES 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, il a plusieurs fois été question, la semaine dernière, d'un marché de communication de 25 millions à la gloire des 35 heures que vous avez cru devoir passer. C'est effectivement votre responsabilité ministérielle. Vous nous avez indiqué que la procédure légale avait été parfaitement respectée. Dont acte. Il n'en d emeure pas moins une interrogation sérieuse. La commission des marchés a donné un avis défavorable et, en conséquence, le contrôleur financier a refusé son visa.

Vous avez cru devoir alors passer outre. C'était entièrement votre droit. A ce détail près que ce n'est pas vous, autorité politique, ministérielle, mais votre directeur adjoint de cabinet, un fonctionnaire, qui a signé la décision de passer outre.

Certains malintentionnés, dont je ne suis pas, pourraient dire que ce n'est pas très courageux. Quant à moi, je dirai simplement que c'est très imprudent et je me plais à espérer que vous porterez à ce fonctionnaire aide administrative et assistance juridique, s'il est amené à comparaître devant la cour de discipline budgétaire, ce qui, évidemment, n'aurait pas été votre cas si vous aviez signé vous-même ce document. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je me contenterai de répéter mes propos de tout à l'heure.

Monsieur Pandraud, pour être plus complet - car d'habitude, vous l'êtes - vous auriez dû dire que la commission des marchés avait donné un avis négatif, non pas sur la procédure elle-même, mais sur son caractère d'urgence - justifiée par notre souci de faire débuter la campagne avant l'été.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Il ne s'agit donc pas d'un problème d'illégalité. L'appel d'offres s'est fait dans les délais. Il y a eu ouverture totale, puis choix des premières agences, puis choix des secondes agences.

L'avis négatif de la commission des marchés est d'ailleurs quasi systématique lorsqu'on demande la procédure d'urgence. Mon prédécesseur y a eu droit à chaque fois.

Le problème est que nous avons demandé de passer outre pour que l'envoi de la brochure aux chefs d'entreprise et aux organisations syndicales puisse être effectué dès le mois de juillet, sans attendre le mois de septembre.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et pendant que j'étais en vacances - je suis désolée de prendre quelques jours de vacances -, mon directeur adjoint de cabinet, parce cela ne posait aucun problème juridique, a signé ce passage à l'urgence pour aller plus vite et faire en sorte que les entreprises soient bien informées.

Mais croyez bien, monsieur le député, que là-dessus comme sur le reste, quand un problème surgit dans mon administration, je n'ai pas l'habitude d'en rejeter la responsabilité sur d'autres. Lorsqu'une erreur est commise, je l'assume complètement. Et je continuerai toujours à le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

35 HEURES ET RÉDUCTION DE SALAIRES

M. le président.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, lors du débat sur la réduction du temps de travail et au cours de la campagne de publicité dont nous parlions, vous nous avez dit que les 35 heures créeraient des emplois sans baisse des salaires.

Or, lors d'une interview parue dans la presse américaine, un de vos collègues du Gouvernement a déclaré ceci : « Les salariés devront accepter des restrictions salariales. Bien que le Premier ministre ait dit que les salaires ne doivent pas être baissés, il a dit aussi que les augmentations devraient être contrôlées. Un gel des salaires nominaux pour une période donnée et un gel des salaires réels pour une période plus longue sont des possibilités. »

Cet article, que je tiens à votre disposition, est long et argumenté. Il émane de M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République)...

M. Hervé Gaymard.

... et se trouve dans la revue Leaders - volume 21, no

3.

M. Jacques Myard.

C'est de l'intox !

M. Hervé Gaymard.

Première question, madame la ministre : êtes-vous d'accord avec ce que dit M. StraussKahn sur les réductions salariales ? Seconde question : ne pensez-vous pas que les restrictions salariales qu'entraîneront les 35 heures auront pour effet de diminuer la demande interne dans le contexte de crise internationale dans laquelle nous sommes, et que le Gouvernement ignore superbement ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, une fois de plus, je suis d'accord avec le ministre de l'économie et des finances.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, et si vous aviez suivi les débats longs, très longs, que nous avons eus sur la durée du travail, vous sauriez que j'ai toujours dit - c'est d'ailleurs écrit dans la brochure de cette magnifique campagne qui vous gêne décidément beaucoup -...

M. Arnaud Lepercq.

Mais non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que la loi sur le passage aux 35 heures créera d'autant plus d'emplois qu'elle n'accroîtra pas le coût du travail et qu'elle permettra aux entreprises de gagner en compétitivité.

M. Hervé Gaymard.

Et la baisse des salaires ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un des moyens de le faire - et c'est ce que 90 % des 340 entreprises qui ont déjà signé des accords ont fait -, c'est de maintenir les salaires et de prévoir pour l'avenir une modération salariale.

Puis-je vous rappeler, monsieur le député, qu'en 1996 le pouvoir d'achat des salariés a baissé de 1,6 % à la suite des prélèvements opérés par le Gouvernement que vous souteniez ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Philippe Auberger.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Répondez à la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qu'en 1997, ce pouvoir d'achat n'a augmenté que de 1 %, qu'en 1998, il augmentera de 2,5 % malgré la réduction de la durée du travail et que, surtout, l'ensemble de la m asse salariale distribuée - puisqu'aujourd'hui nous créons 8 % d'emplois dans les entreprises qui signent des accords - va s'accroître en France. Et nous savons bien que les chômeurs qui rentrent dans l'entreprise vont consommer, car ils en ont grand besoin.

Voilà les chiffres. Les Français apprécieront. Mais peutêtre dois-je ajouter, parce que c'est intéressant, que la CFDT vient de publier une enquête menée auprès de 6 000 salariés dont la durée du travail a été abaissée à 35 heures.

M. Hervé Gaymard.

Etes-vous d'accord avec M. StraussKahn, oui ou non ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Selon cette enquête, 95 % des salariés concernés se sont déclarés très satisfaits.

L'Usine nouvelle, de son côté, a sorti ce matin un sondage qui montre que 18 % des entreprises sont déjà en train de négocier et que 20 % vont commencer à le faire dans les prochaines semaines.

M. Pierre Lellouche.

Cela n'a rien à voir !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout cela ne vous engage-t-il pas à éprouver plus d'optimisme pour la réduction de la durée du travail et pour l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur par intérim.

Ils sont toujours près de 60 000 clandestins hors la loi.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je sais que, malgré vos soupirs, vous préférez les appeler pudiquement des « sans papiers ». Il n'empêche qu'ils sont toujours 60 000 à demeurer en toute impunité sur notre territoire. Vous le savez et vous ne faites rien.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Après pas moins de deux circulaires, pour tenter de résoudre - en vain - ce problème, après le vote de la loi Chevènement qui illustre votre renoncement à maîtriser les flux migratoires, on en est à se demander si vous n'attendez pas, pour réagir, que les intéressés puissent conclure un « PACS blanc » afin d'obtenir leur régularisation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) - c'est ce qui figure dans votre proposition de loi -, à moins que vous n'attendiez, tout simplement, une nouvelle circulaire de régularisation.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence ! M. Mariani vous tend une perche, mais vous n'êtes pas obligés de la saisir ! Monsieur Mariani, concluez !

M. Thierry Mariani.

Sur les clandestins, vous êtes plus prompts à crier qu'à réagir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quoi qu'il en soit, je vous rappelle que nous sommes encore dans un Etat de droit et que les lois de la République doivent s'appliquer.

Ma question est très simple, monsieur le ministre de l'intérieur par intérim : allez-vous, oui ou non, faire respecter les lois de la République ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Allez-vous, oui ou non, faire procéder enfin à l'expulsion des clandestins restant encore sur notre territoire ? (« Non ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Et si oui, dans quels délais ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, je voudrais d'abord vous répondre à propos de l'opération de régularisation des étrangers en situation irrégulière.

Nous en avons trouvé, à notre arrivée aux affaires, en juin 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), environ 143 000, si l'on se fonde sur les demandes.

Sur la base des critères qui ont été définis par la circulaire du ministre de l'intérieur, dès le mois de juin, 77 000 ont été régularisés.

M. Arnaud Lepercq.

Pour commencer ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Des voies de recours sont ouvertes.

Certains de ceux qui n'ont pas été régularisés ont formé a uprès des préfets 35 000 recours gracieux et 30 000 recours hiérarchiques - d'aucuns faisant les deux types de recours.

M. Arnaud Lepercq.

En plus ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Une telle opération a été menée avec le souci de traiter les cas humains en tenant compte de l'intégration des étrangers qui étaient depuis un certain nombre d'années sur notre sol, mais aussi avec fermeté, sans que la régularisation soit accordée à tous.

Concernant les étrangers qui sont en situation irrégulière, dans le cadre de la loi RESEDA sur l'entrée et le séjour des étrangers, les mesures de reconduite à la frontière existent. Et je tiens à vous préciser qu'elles sont exécutées dans le strict cadre de la loi.

(« Combien ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le Gouvernement, en matière d'immigration, entend bien continuer d'agir avec la volonté d'intégrer les étrangers qui sont sur notre sol et qui sont en situation régulière...

M. Guy Teissier.

Et les autres ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... en leur donnant la possibilité d'éduquer leurs enfants et de vivre dans notre société dans des conditions de droit normal, et de conduire ceux qui sont en situation irrégulière à quitter le territoire national, soit volontairement, soit par des mesures de reconduite à la frontière. Rien n'a changé sur ce plan-là. Telle est la politique que nous appliquons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

MOUVEMENT DES LYCÉENS

M. le président.

La parole est à M. Guy Hermier.

M. Guy Hermier.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Monsieur le ministre, depuis plusieurs jours, des lycéens, des collégiens, avec le soutien de parents d'élèves, d'enseignants et de personnels non enseignants, manifestent par milliers dans tout le pays.

Ils sont mécontents du manque de professeurs, des effectifs surchargés, de l'insuffisance des personnels enseignants, non enseignants et de surveillance et de leurs conditions de travail, souvent détestables.

Parce que leur avenir est en jeu, ils veulent étudier dans de bonnes conditions. Ils ont raison et peuvent compter sur le plein soutien de notre groupe (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)... N'en doutez pas, messieurs de la droite ! D'ailleurs, quand vous avez engagé la politique qui est à l'origine de la situation actuelle, nous étions déjà aux côtés des lycéens ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur le ministre, quels moyens exceptionnels comptez-vous dégager sans attendre, puis dans le budget 1999, pour recruter les enseignants, les personnels non


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

enseignants et de surveillance dont les lycées ont un urgent besoin et pour améliorer les conditions de travail des lycéens ? Par ailleurs, les conclusions que vous avez personnellement tirées de la consultation nationale organisée l'an dernier sur les lycées méritent d'être débattues, qu'il s'agisse des contenus d'enseignement, de la préservation de la diversité des filières et des options - auxquelles les lycéens sont profondément attachés -, qu'il s'agisse des horaires, des effectifs et, naturellement, des moyens nouveaux à mettre en oeuvre.

Au mois de juillet, devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vous avez pris l'engagement que ces questions seraient discutées avec les intéressés, et ici, à l'Assemblée nationale. Je vous demande de confirmer cet engagement et souhaite que le Gouvernement inscrive dans les meilleurs délais à l'ordre du jour de notre assemblée ce débat sur la réforme des lycées, un débat essentiel pour l'avenir des jeunes et du pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, vous avez mis en évidence le fait que les lycées sont un problème sensible de notre enseignement.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

C'est d'ailleurs pourquoi nous avions commencé notre consultation sur le problème des lycées. Je me souviens d'ailleurs de cette époque où certains nous avaient reproché d'interroger les lycéens.

Vous posez deux questions : l'une concerne les moyens, l'autre la réforme des lycées. J'y répondrai très nettement.

Je vous rappellerai d'abord quelques chiffres. Entre 1988 et 1998, le budget de l'éducation nationale est passé de 198 à 345 milliards.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

On voit le résultat !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Un effort considérable a été fait en faveur de l'éducation nationale.

Par ailleurs, le taux d'encadrement, dans l'enseignement secondaire, est de 1 professeur pour 11 élèves. Le problème qui se pose est donc un problème de répartition des moyens.

(« Bravo ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Messieurs, vous auriez pu le résoudre à ma place ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Pour la première fois, on s'est attaqué à la déconcentration. Demain, le décret déconcentrant le mouvement des personnels paraîtra.

Car il y a aujourd'hui en France des établissements où les classes sont surchargées, où des professeurs manquent et d'autres où les professeurs sont sans classe.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Mais que fait le ministre ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Je ferai ce qu'il est dans mon pouvoir pour que les professeurs soient mis en face des élèves et que tous les élèves aient les professeurs auxquels ils ont droit.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Simplement, je suis confronté à une gestion archaïque (Applaudissements sur les mêmes bancs), que nous sommes en train de moderniser.

Ensuite, la réforme des lycées. Après un débat au sein de la commission des affaires culturelles, la discussion s'est engagée avec l'ensemble des partenaires du système éducatif...

M. François Vannson.

Et avec les syndicats !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... sur le plan technique.

Il ne faut pas confondre en effet le débat de principe qui doit avoir lieu à l'Assemblée et qui a déjà eu lieu à la commission des affaires culturelles et les débats techniques qui doivent se tenir avec les spécialistes.

Nous en reparlerons le moment venu, notamment au moment du vote du budget. Pour le reste, malheureusement, l'emploi du temps de l'Assemblée nationale ne dépend pas de moi seul.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Pierre Brana.

M. Pierre Brana.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Apparemment, Slobodan Milosevic a donné des assurances pour éviter que s'engage, à court terme, une intervention armée en Yougoslavie.

L'OTAN accorde quatre jours aux autorités de Belgrade pour traduire en actes leurs engagements.

La France a donné son accord à l'adoption des ordres d'activation décidés par le Conseil atlantique et a rappelé ses objectifs au Kosovo : mettre fin aux massacres, aux destructions et aux déplacements de personnes et obtenir la mise en place d'une autonomie substantielle dans le cadre des frontières existantes.

Sous la menace, Slobodan Milosevic aurait concédé quelques avancées. Mais sont-elles suffisantes ? Depuis des mois, il a fait des promesses, abusant la Communauté internationale tout en poursuivant ses actes de répression et de discrimination.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer les éléments en votre possession, qui ont conduit la France à adopter la position qu'elle a prise dans la crise actuelle ? Quelle serait l'implication concrète de notre pays dans le cadre du processus de surveillance de l'OSCE qui a été annoncé ? Et dans l'hypothèse d'une intervention armée de l'OTAN, le Gouvernement envisage-t-il d'informer et de consulter le Parlement sur l'engagement des forces militaires françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, un élément nouveau est en effet intervenu après sept


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mois de pression continue du groupe de contact. Et je voudrais rappeler devant cette assemblée que, si M. Holbrooke est un éminent diplomate américain, qui a fait un excellent travail, il a agi en tant qu'émissaire du groupe de contact. C'est à l'occasion de la réunion de Londres, jeudi dernier, que nous avons entendu son rapport et que nous l'avons remandaté pour la suite de sa mission.

A la suite de quoi des engagements ont été pris par le président Milosevic, qui portent sur l'organisation d'un contrôle au sol, sous l'égide de l'OSCE. Des contacts sont en cours avec M. Geremek, qui en est à l'heure actuelle le président, et la France participera, dans des conditions que nous sommes en train d'examiner avec le ministre de la défense, à cette surveillance au sol. Elle sera complétée par une surveillance aérienne, organisée par l'OTAN et qui devra faire l'objet d'un accord entre l'OTAN et les autorités yougoslaves.

Ceci devra être également complété par une déclaration unilatérale du président Milosevic sur l'engagement de la Yougoslavie dans un processus de solution politique, par la négociation, du problème du Kosovo, dans le sens que vous rappeliez, monsieur le député, c'est-à-dire l'autonomie substantielle que nous exigeons depuis des semaines.

Un élément de cette négociation devra être la perspective d'élections.

Voilà où nous en sommes, et c'est la raison pour laquelle nous considérons qu'un pas très important a été franchi, en partie grâce à la pression que nous avons su collectivement maintenir jusqu'à cette nuit. C'est cette nuit, en effet, vers une heure du matin, qu'a été confirmée, sur décision prise par les gouvernements concernés, la détermination de l'OTAN de ne pas relâcher la pression jusqu'à la dernière minute de l'accord.

Cet accord reste à concrétiser. C'est pourquoi, dans les heures et les jours qui viennent, jusqu'au terme des quatre jours annoncés, nous devons rester exigeants, vigilants et unis au sein du groupe de contact. L'OTAN doit rester prête. Le Conseil de sécurité devra entériner cet accord. Enfin, j'ai demandé une réunion rapide du groupe de contact, dans les jours qui viennent, immédiatement, pour que nous continuions à conserver tous ensemble - la France sur le même plan que les autres pays - le contrôle de la solution de ce problème. Cette solution n'est pas encore devant nous, mais nous tenons enfin une piste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe du Rassemblement pour la République.) MATERNITÉS

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, ceux d'entre nous qui ont lu le Journal officiel du 10 octobre ont eu la surprise, que je m'abstiendrai de qualifier, d'y trouver un décret qui modifie substantiellement le titre Ier du livre VII du code de la santé publique, en fixant un seuil de 300 accouchements pour le maintien des maternités dans les centres hospitaliers généraux et les centres hospitaliers de secteur.

Un député du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.

Vive la gauche !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il y a environ six mois, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré : « Nul ne prétend qu'une maternité serait bonne à 301 accouchements, mauvaise à 299. »

M. Patrick Ollier.

Est-ce que ça change pour 250 ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Nous vous connaissons suffisamment pour savoir que vous n'avez pas changé d'avis depuis. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma question porte sur les critères que vous accepterez d'intégrer dans les dérogations prévues à l'article R. 712-88 de ce décret. C'est au nom de nombreux collègues que je vous interrogerai sur deux points en particulier.

Premièrement, ces dérogations seront-elles seulement accordées pour des raisons d'éloignement géographique ou prendront-elles également en compte les critères de qualité ? Deuxièmement, les moyens budgétaires pour les maternités maintenues, en dérogation ou non, dans les CHS et les CHG seront-ils suffisants pour qu'elles puissent se mettre aux normes et assurer les soins, bien entendu, mais aussi la sécurité sanitaire que l'on est en droit d'attendre sur l'ensemble du territoire ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le député, il ne vous a pas échappé que les décrets ont été présentés samedi aux professionnels, obstétriciens et gynécologues, qui attendaient des précisions, non pas tant sur le nombre de 300 que sur le plan d'ensemble concernant la maternité, la grossesse et l'accouchement dans notre pays.

Nous avons des chiffres de mortalité infantile et maternelle qui sont regrettables, face en particulier aux pays européens. Il fallait faire en sorte que ces chiffres s'améliorent en proposant un plan d'ensemble. Celui-ci prend en compte la surveillance de la grossesse avant l'accouchement, avec des facilités pour que les sages-femmes puissent suivre les grossesses si elles l'estiment nécessaire, avec des modalités d'accouchement tenant compte du risque.

Il y a en effet 9 000 grands prématurés chaque année en France, dont 40 % ne naissent pas dans des maternités disposant d'un service de néonatalogie capable de les recevoir. Ceux-là, c'est-à-dire près de 4 000, doivent être transportés, et l'on sait que les risques les plus grands surviennent au moment du transport. Je ne parle même pas de la séparation entre la mère et l'enfant. On estime que 30 % de ces grands prématurés transportés souffrent de séquelles physiques graves. On peut donc penser que ce plan d'ensemble permettra de sauver ou de mieux traiter plus de 1 000 enfants chaque année.

C'est ce plan d'ensemble que nous avons présenté, ainsi que d'autres mesures qui, en effet, tiennent au niveau des maternités, car 15 % des accouchements à risque sont pratiqués dans des maternités qui ne sont pas en mesure d'y faire face.

Mais, rassurez-vous, monsieur le député, je ne reprends pas ma parole : je confirme au contraire qu'une maternité n'est pas forcément bonne à 301 accouchements et mauvaise à 299. Il s'agit simplement de réorganiser les maternités autour du chiffre de 300. C'est d'ailleurs un vieux chiffre que nous n'avons pas inventé, loin de là. J'ai même retrouvé une directive de 1972 où, déjà, il figurait,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

signée de Mme Marie-Madeleine Dienesch. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De plus, il n'est pas question, autour du chiffre de 300, de procéder à des fermetures brutales. Nous avons prévu un délai d'un an pour que les SDROSS concernant les maternités soient mis en oeuvre dans les régions, et ils le seront. Et nous nous sommes donné trois ans pour adapter les maternités à quoi ? A un travail en réseau permettant à celles qui pratiquent moins d'accouchements de coopérer avec celles qui en pratiquent plus, de façon à améliorer la qualité des soins. C'est très possible et, dans beaucoup de régions, c'est déjà fait.

Le plancher de 300 souffrira bien entendu des dérogations géographiques. Il est évident que lorsque le temps de transport est trop long, l'hiver en particulier, pour gagner un centre d'accouchement, il en sera tenu compte.

Mais ce que vous constaterez surtout, c'est que cette réorganisation permettra d'améliorer les performances en matière de prise en charge de la mère et de l'enfant, en mettant en résonance, en réseau, des maternités qui ne travaillaient pas assez ensemble. Ainsi, dans votre région, la maternité à laquelle nous pensons pratique actuellement 320 accouchements par an ; elle en pratiquera de 400 à 500 dans un délai très rapproché, lorsque le réseau aura été mis en place.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

MOUVEMENT DES LYCÉENS

M. le président.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je voudrais à mon tour vous poser une question sur le mouvement des lycéens. Il est tout à fait normal qu'il nous préoccupe, comme il préoccupe les parents qui voient leurs enfants manifester dans les rues.

Les revendications des lycéens, certes, sont souvent confuses, quelquefois contradictoires. Mais, au-delà des problèmes de moyens dont il a été question tout à l'heure, il nous apparaît surtout qu'elles mettent en avant un certain mal de vivre dans les lycées, qu'ils soient d'enseignement général, d'enseignement technique ou, plus encore, d'enseignement professionnel.

Bien sûr, il y a aussi, et peut-être même surtout, chez ces jeunes gens, la volonté d'obtenir une véritable reconnaissance du lycéen en tant que citoyen.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

On s'en aperçoit seulement ?

M. Yves Durand.

On ne peut que déplorer, effectivement, une certaine cécité, quand on voit maintenant les conséquences de cette non-reconnaissance, alors que les lycéens sont des citoyens, notamment ceux des classes de première et de terminale.

Monsieur le ministre, ces préoccupations rejoignent les résultats de la consultation (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) que vous avez eu le courage d'organiser et qui a débouché sur des résultats concrets, notamment lors du colloque de Lyon.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

La question !

M. Yves Durand.

Aujourd'hui, les lycéens veulent voir s'inscrire dans les faits ce qu'ils ont eux-mêmes mis en avant au moment de cette consultation.

Ma question (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sera double.

Quelles mesures souhaitez-vous prendre (« Aucune » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et selon quel calendrier - sachant qu'une accélération est nécessaire par rapport à vos prévisions - afin de répondre aux préoccupations des lycéens ? N'est-il pas possible, voire indispensable, de mettre à jour et de renforcer le partenariat avec les régions (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui ont la charge des bâtiments et des locaux et qui, dans certains cas, n'ont pas su prendre toutes leurs responsabilités ? (Protestations sur les mêmes bancs.)

On constate en effet qu'une grande partie des revendications portent sur le caractère totalement inadaptés des locaux.

Au-delà, monsieur le ministre, quel message voulezvous lancer à ces lycéens qui veulent travailler mieux, plus et dans de bonnes conditions, et dont les revendications sont, vous l'avez vous-même reconnu, parfaitement légitimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, vous êtes soucieux de connaître les mesures immédiates.

M. Pierre Lellouche.

On peut le dire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Ces mesures immédiates sont destinées à faire avancer les choses, mais elles ne doivent, en aucun cas, être démagogiques. Ne soyons pas des marchands d'illusions ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Séguin.

Oh...

M. René André.

Kouchner n'a pourtant rien à voir làdedans !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Premièrement, nous avons arrêté cette semaine l'ensemble des mesures relatives à la vie lycéenne. Elles concernent les conseils de la vie lycéenne et les droits des lycéens dans les établissements ; elles leur donnent les moyens de se réunir et de faire valoir leur droit à la citoyenneté. Elles seront mises en place.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Le deuxième problème touche à l'emploi du temps. Parmi les élèves que j'ai rencontrés ces derniers jours, certains ont revendiqué les trente-neuf heures.

(« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

M. Pierre Lellouche.

Bel exemple !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Leur horaire hebdomadaire atteignait quarante-cinq heures ! Les allégements d'horaires et de programmes seront appliqués après la Toussaint.

Troisièmement, enfin, il y a des problèmes de locaux, que vous avez raison de souligner, mais je ne veux pas incriminer les régions, qui, dans la plupart des cas, ont fait des efforts importants.

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Reste la question de l'entretien des bâtiments. J'ai écrit au président des présidents de région, M. Giscard d'Estaing, pour que nous puissions nons rencontrer à ce sujet.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je pense que c'est un problème très important.

(Vives exclamations sur les mêmes bancs.)

En tout cas (Bruit)...

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît ! La question concernant les lycéens est suffisamment importante pour que l'on écoute la réponse.

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

En tout cas, je veux vous dire que le travail de rénovation et de gestion de l'éducation nationale sera effectué dans le calme et la détermination.

M. le président.

Je vais donner la parole à M. Dominique Dord, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants. Après quoi nous reviendrons au groupe socialiste, pour la dernière question.

PACS

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, l'échec que vous avez subi vendredi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance)...

M. Bernard Outin.

Echec et PACS !

M. Dominique Dord.

... et cela malgré la présidence complaisante de M. Cochet (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. Huées sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), au-delà du fait politique rarissime qu'il constitue, montre le désarroi, pour ne pas dire plus, de l'ensemble de la représentation nationale.

Mais, au-delà de notre assemblée, c'est le pays tout entier qui s'interroge et qui refuse de vous suivre dans cette affaire. Juristes, fiscalistes, praticiens du droit, sociologues, philosophes, psychologues, pédiatres, plusieurs milliers d'élus locaux, la plupart des associations familiales, l'ensemble des confessions religieuses...

M. Didier Boulaud.

Et Mme Boutin !

M. Dominique Dord.

... ont exprimé leurs réserves sur cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Dans son intervention mesurée, pragmatique et équilibrée, notre collègue de Démocratie libérale, Jean-François Mattei, a su trouver les mots pour faire valoir, au nom de l'opposition rassemblée...

M. Albert Facon.

Avec de Villiers, Soisson et Blanc !

M. Dominique Dord.

... notre position contre le PACS mais en faveur d'aménagements de nos différentes réglementations, sans idéologie, permettant ainsi de répondre clairement et précisément aux problèmes qui se posent a ux concubins hétérosexuels et homosexuels vivant ensemble.

Monsieur le Premier ministre, toutes ces interrogations vous laisseraient-elles de marbre ? Sur un sujet aussi essentiel, face à tant de doutes, tant d'hésitations, vous aviez matière à un grand débat national, dans un esprit de tolérance et d'ouverture. Au lieu de cela, les Français viennent d'apprendre que ce texte reviendra en urgence devant l'Assemblée dans quelques jours, sans doute un peu modifié.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe communiste.) Mes chers collègues, vous étiez moins optimistes vendredi dernier ! Cet acharnement, cette crispation, cette volonté de passer en force nous semble la plus mauvaise réponse possible aux questions légitimes des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Un peu de silence !

M. Dominique Dord.

Par ailleurs, monsieur le Premier ministre, cette décision viole délibérément, quoi que vous en disiez, les dispositions de l'article 84, alinéa 3, de notre règlement, que je vous livre puisque vous ne les connaissez pas : « Les propositions repoussées par l'Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an. »

On ne saurait être plus clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Votre manoeuvre, car c'est d'une manoeuvre qu'il s'agit, constitue donc un véritable détournement de procédure ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Grâce à un petit bricolage supplémentaire sur ce texte qui devient le plus grand mécano de la Ve République, vous fragilisez encore un peu plus le PACS en l'exposant désormais à la censure éventuelle du Conseil constitutionnel.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Dominique Dord.

Mes questions sont donc très simples.

Pourquoi violez-vous notre règlement ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Dord ?

M. Dominique Dord.

Compte tenu de la gravité des circonstances politiques et de l'importance que vous accordez à ce texte, pourquoi ne le reprenez-vous pas à votre compte ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Pourquoi vous dérobez-vous ainsi au circuit normal, traditionnel, des projets de loi de cette importance, qui ferait passer ce texte d'abord en conseil des ministres, puis en Conseil d'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et de nombreux députés du groupe communiste se lèvent et applaudissent.)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous pouvons constater que la majorité existe bel et bien, que la majorité a bien l'intention d'adopter le pacte civil de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Claquements de pupitres et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Voyez-vous, monsieur le député, ce projet mérite mieux que des petites polémiques (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Philippe Séguin.

Il mérite surtout de la présence !

Mme la garde des sceaux.

... et nous aurions besoin d'un débat serein.

Ce dont il est question, c'est de permettre à près de cinq millions de nos concitoyens de vivre dans la dignité, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, ou encore qu'ils éprouvent tout simplement, sans être liés par des liens charnels, le besoin d'organiser leur vie commune et de bénéficier, à ce titre, d'un minimum de sécurité juridique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Quant à l'initiative parlementaire, j'estime qu'elle est particulièrement justifiée sur ce texte, qui a toute une histoire parlementaire derrière lui, puisque sept propositions de loi à ce sujet ont été déposées à l'Assemblée natio nale ou au Sénat depuis dix ans. Je m'étonne qu'à droite de cette assemblée on s'insurge lorsque la représentation nationale prend des initiatives, conformément à l'article 39 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Répondez à la question !

Mme la garde des sceaux.

Je puis vous dire une chose, c'est que le Gouvernement, depuis le début, soutient cette initiative. Les premières réunions ont eu lieu à la chancellerie, avec les rapporteurs et les initiateurs du projet, en juillet 1997.

M. Dominique Dord (brandissant le règlement).

Je vous ai interrogée sur le règlement !

Mme la garde des sceaux.

A chaque étape, j'ai dit, au nom du Gouvernement, quelle était mon opinion à ce sujet. J'ai dit aussi ce que je ne voulais pas, car il était important de poser des repères et des balises.

Je puis vous dire, en tout cas, que l'incident de vendredi ne nous servira qu'à mieux montrer encore, le 3 novembre, à quel point nous tenons à ce projet, à quel point toute la gauche est réunie autour de lui. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en revenons à une question du groupe socialiste.

BUDGET DE LA FRANCOPHONIE

M. le président.

La parole est à Mme Odette Trupin.

Mme Odette Trupin.

Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, et je remercie d'avance le ministre délégué à la coopération et à la francophonie de bien vouloir y répondre.

Monsieur le ministre, dans un discours prononcé en novembre dernier, au Cercle Richelieu, vous vous étiez attaché à expliquer ce que représentait la francophonie pour la France. Vous aviez en particulier rappelé les intérêts politiques plus larges que notre pays peut trouver, au-delà des aspects culturels et linguistiques, dans cette communauté d'Etats réunissant déjà le quart des pays du monde et appelée à s'élargir. C'est une réponse à l'expansion des valeurs anglo-saxonnes, facteur d'uniformisation du monde, un espace de dialogue propice à l'apaisement des tensions, un forum privilégié pour une coopération Nord-Sud plus vaste et plus dynamique, enfin, un outil a lternatif du développement des technologies de la communication et de l'information.

Aussi, au moment où s'engage le débat sur le projet de loi de finances pour 1999, je vous demande, monsieur le ministre, si les choix budgétaires seront à la mesure de ces enjeux politiques et, plus concrètement, si les crédits d'intervention mis à la disposition du ministre délégué traduiront l'importance que le Gouvernement attache à la dimension francophone de notre présence dans le monde.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Madame la députée, vous venez de vous référer à un discours important prononcé devant le Cercle Richelieu et dans lequel j'ai défini la francophonie comme une grande ambition pour la France et comme un défi mondial.

Pour être à la hauteur de ce défi et de cette ambition, le Gouvernement français a pris un certain nombre de mesures qui vont se refléter dès les choix budgétaires pour 1999. En voici la preuve. Dans le contexte budgétaire que vous savez, au moment où sur tous les bancs de cette Assemblée des voix vont s'élever pour contenir sinon réduire le taux de prélèvement obligatoires - nous en aurons la preuve dans quelques heures -, le budget consacré à la francophonie dans le budget du ministère des affaires étrangères augmente.

Nous inscrivant dans la perspective du sommet de la francophonie de Hanoï, nous avons fait le choix d'augmenter de 43 millions notre participation à la francophonie multilatérale : 22 millions pour les inforoutes - il s'agit de meubler Internet de contenus en français élabo-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

rés par les pays du Sud - 15 millions afin de renforcer de façon significative la présence du français dans les grandes instances multilatérales, et nous en avons besoin, et 6 millions pour créer un observatoire de la démocratie.

La réorganisation de TV 5 est un autre exemple des priorités que nous entendons donner à la francophonie.

En effet, sur les 130 millions consacrés à l'audiovisuel extérieur, 80 iront à TV 5 pour lui permettre de se réorganiser et d'exister comme une chaîne authentique avec une image et pas seulement comme une simple juxtaposition de programmes nationaux.

Mais la modernisation de la francophonie, c'est aussi la réorganisation des opérateurs de la francophonie. A cet égard, la réforme de l'agence de la francophonie est en route et l'évaluation de l'agence universitaire de la francophonie AUPELF-UREF a également commencé.

Madame la députée, le besoin de francophonie augmente. Pour en donner une preuve supplémentaire, je citerai simplement l'exemple de l'installation, grâce à nous, d'enseignants de français béninois au Nigeria.

Premier partenaire de la francophonie, la France est attentive à tous les développements qu'elle peut permettre pour affranchir le concept de la francophonie des pesanteurs de l'histoire, en retenir la fidélité et la solidarité des peuples, mais aussi pour s'enrichir elle-même de la vitalité d'un espace pour lequel elle a beaucoup fait et qui lui rapporte d'autant plus qu'elle fait l'effort de l'ouvrir au reste du monde.

Merci de cette question, madame la députée. Les Français aussi ont besoin de se mobiliser pour la francophonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1058).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au terme de cette première lecture du projet de loi d'orientation agricole qui nous a retenus plus d'une semaine, je veux souligner la très grande qualité des travaux qui ont été conduits. Le débat a toujours été courtois et sérieux. Après le remarquable travail réalisé par la commission de la production et des échanges, nous avons, en séance plénière, discuté près de 1 000 amendements portant sur les 64 articles du projet qui vous était présenté.

Le texte en sort très enrichi, et je m'en réjouis. Que tous ceux qui ont participé à ce travail en soient remerciés et, tout particulièrement, votre excellent rapporteur,

M. Patriat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Le texte sur lequel l'Assemblée est appelée à se prononcer à présent mérite réell ement d'être qualifié de « loi d'orientation agricole ».

Le champ couvert par ce projet de loi est considérable.

Il suffit d'en mentionner les principaux titres pour s'en rendre compte.

En reconnaissant la multifonctionnalité de l'agriculture, cette loi jette les bases d'une politique agricole rénovée et équitable et, de ce fait, légitime.

Elle modernise l'action publique en passant de l'administration à la contractualisation de la politique agricole, grâce au contrat territorial d'exploitation.

D'ores et déjà, elle fixe le cadre d'une reconnaissance effective du pluralisme syndical.

Elle redonne un élan à l'installation des jeunes en renforçant l'efficacité du contrôle de l'agrandissement des structures agricoles, et en le rendant plus transparent.

Elle contribue à conforter le pouvoir économique des agriculteurs, en clarifiant la définition des signes de qualité, et en renforçant le rôle des producteurs dans leur gestion.

Elle donne aux pouvoirs publics les moyens d'une mise en oeuvre effective du principe de précaution dans leurs actes d'autorisation de dissémination des organismes génétiquement modifiés.

Elle permet un pas supplémentaire vers la réalisation de la parité entre les agriculteurs et les autres catégories sociales, en améliorant le statut des conjoints d'exploitants.

Elle favorise l'emploi et améliore les garanties sociales des salariés.

Enfin, elle précise la place de l'agriculture dans la gestion du territoire, et fixe le cadre de la modernisation de notre appareil de formation et de recherche.

Mais réorienter ne signifie pas rebrousser chemin, passer par pertes et profits ce qui a été acquis, administrer plus encore un secteur soumis à une réglementation communautaire foisonnante, oublier la fonction première des agriculteurs qui est de produire.

M. Philippe Auberger.

Ah !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Réorienter, c'est avoir le courage et la lucidité de tirer toutes les conséquences de certains effets pervers de politiques fondées exclusivement sur l'obtention des quantités.

Infléchir le cours de notre politique agricole en la recentrant sur les hommes et les territoires, c'est préparer l'avenir.

Faire en sorte que le noyau dur de notre agriculture soit, plus encore que par le passé, une agriculture de produits identifiés à haute valeur ajoutée m'apparaît le plus sûr moyen de garder nos parts de marché en Europe et d'en conquérir de nouvelles sur les marchés tiers solvables.

Affirmer cette priorité n'est pas faire le sacrifice de nos parts de marché dans la furieuse foire d'empoigne des prix des grandes matières premières - le blé pour ce qui nous concerne -, c'est replacer le débat à son juste niveau. Regardons les choses en face et tirons le bilan d'une politique qui fait du couple baisse des prix/aides directes la clé de voûte de la compétitivité de l'agriculture.


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Si vous souhaitez, comme moi, que les politiques de soutien aux agriculteurs soient mieux comprises, légitimées dans l'esprit de nos concitoyens, il est capital qu'elles trouvent d'autres justifications que celles de compenser des baisses de prix pour que certains produits puissent s'écouler sur les marchés mondiaux.

Il est paradoxal que les tenants d'une agriculture d'entreprise, fondée sur le dynamisme d'"agrimanagers", fondent l'expansion de leur production sur une baisse des prix compensée par des aides directes. Il est simple de prôner la compétition lorsque son coût est intégralement assuré par la collectivité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je l'ai dit, cette politique dite « réaliste » est à courte vue. On baisse aujourd'hui les prix garantis et, demain, on acceptera une nouvelle réduction de la protection communautaire, et les contraintes budgétaires et les négociations de l'Organisation mondiale du commerce parachèveront la besogne en réduisant les aides directes aux agriculteurs.

Partager le constat, mais refuser d'agir sur les causes des inégalités économiques et sociales, des déséquilibres territoriaux, des évolutions incontrôlées en se contentant d'alimenter des controverses vides de sens, c'est subir.

La principale inflexion de notre politique agricole se situe à ce niveau.

Il nous faut fixer de nouvelles règles pour que la répartition des soutiens publics entre les agriculteurs se fasse d'une manière plus juste et plus équitable.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard et M. Michel Lefait.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Aussi, ils pourront produire et vivre sur l'ensemble du territoire, créer des emplois, participer à la préservation de ressources naturelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

A la juste revendication des années 60, celle de la parité des revenus entre les agriculteurs et le reste de la société, il faut aujourd'hui substituer l'ardente obligation de réduire significativement les écarts de revenus entre les agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gérard Saumade et M. Jean Rigal.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Aucun de nos concitoyens ne pourrait durablement comprendre que l'intervention publique ne permette que de garantir les revenus les plus élevés alors que le déséquilibre territorial et social s'accentuerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour être légitimes et pérennes, les politiques publiques se doivent aussi, au-delà du seul soutien à la production, d'infléchir les prétendues tendances lourdes en incitant les agriculteurs à prendre en compte toutes les dimensions de leur métier.

Pourquoi, comme certains l'ont fait, s'inquiéter ou railler devant l'enrichissement des tâches du métier d'agriculteur ? A qui fera-t-on croire que l'instauration du contrat territorial d'exploitation comporte le plus petit risque d'amener les agriculteurs à négliger ce qui constitue et constituera toujours le centre de leur activité : la production ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ces producteurs d'un nouveau type existent déjà. Ils participent tout autant que les autres à la création de richesse et il s'agit au travers des contrats territoriaux de toucher le plus grand nombre.

Dans ce pays, il est de bon ton d'être sceptique. L'innovation fait peur. Dès qu'une idée nouvelle est mise en avant, on se récrie : « Ça ne marchera jamais ! » Il faudrait donner des garanties que les changements impulsés ne viendront pas bouleverser les relations entre l'Etat et les agriculteurs. On brocarde la suradministration mais on ferraille contre une mécanique contractuelle qui vise à regrouper l'ensemble des aides dans un cadre global et cohérent.

Si l'on veut que les agriculteurs adhèrent à une logique de projet plutôt qu'à une logique de guichet, il faut leur donner un cadre et des orientations. Les CTE sont d'abord une démarche dont il faudra élaborer les règles avec les agriculteurs eux-mêmes.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, une politique faite pour les hommes doit réellement privilégier l'installation, en particulier celle des jeunes, sur l'agrandissement des exploitations. J'ai la volonté de limiter la restructuration sauvage qui, depuis 1990, s'est accélérée, en améliorant le contrôle des structures.

Je ne peux pas accepter l'approche exclusivement libérale de ceux qui revendiquent le laisser-faire lorsqu'il s'exerce dans le cadre national et proclament leur attachement aux aides compensatoires lorsqu'il s'agit d'affronter la concurrence sauvage qui joue sur les marchés internationaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

N'oublions pas qu'en 1962, lors du vote de la loi complémentaire, le droit de préemption accordé aux SAFER fit l'objet de qualificatifs parfois du même ordre que ceux qui ont pu être lancés à propos de l'article 16 de notre projet de loi. Il m'a semblé que l'outrance n'apportait rien au débat. Ce qui compte, en définitive, c'est de mettre notre législation en harmonie avec notre objectif de partage de l'emploi. Seule une politique active d'installation, qui suppose une maîtrise de la concentration des exploitations, peut y contribuer.

Si nous souhaitons vraiment atteindre l'objectif d'une occupation équilibrée du territoire, il nous faudra plus résolument encore que par le passé conforter nos points forts en jouant mieux de l'extrême diversité de nos terroirs et en tirant un meilleur parti des savoir-faire de nos agriculteurs.

L'originalité de notre modèle agricole trouve dans cette approche, fondée sur des produits diversifés créateurs de valeur ajoutée, sa pleine justification. Si nous avons une viticulture prospère et conquérante, c'est que nous avons su garder la maîtrise du produit entre les mains de producteurs nombreux. Le partage de la valeur ajoutée est une tâche plus aisée lorsque les agriculteurs disposent d'instruments qui leur permettent d'en conserver une part significative.

Restaurer le lien entre l'agriculteur et son produit n'est pas un slogan mais l'un des moyens les plus efficaces pour lui permettre de tirer un revenu normal de son activité.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

On a trop souvent tendance dans notre pays à sous-estimer les petits produits, les créneaux nouveaux, les demandes de consommateurs à la recherche d'une alimentation plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

naturelle. L'agriculture biologique a été trop longtemps ignorée. Les produits d'origine, en dehors des vins, ont été trop souvent considérés comme des produits sans avenir par les tenants d'une alimentation standardisée. Les ventes directes de produits réellement fermiers n'ont pas été favorisées par des réglementations tournées vers la production industrielle.

Bien sûr, il ne s'agit là que de l'une des facettes de notre agriculture. Mon souci est de faire en sorte qu'elle occupe une part plus importante de notre production et que des moyens nouveaux soient mis à sa disposition pour qu'elle prenne un essor plus grand. Un tel objectif vaut mieux que des sourires de commisération. Cette agriculture-là n'est pas marginale. Elle constitue l'un de nos atouts majeurs pour l'avenir.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le texte de la loi dont nous achevons l'examen en première lecture, en reconnaissant la multifonctionnalité des agriculteurs, définit une nouvelle conception de ce métier. Parce qu'elle correspond à une activité, qui contribue tout à la fois à la production, au développement de l'emploi, mais aussi à la protection et au renouvellement des ressources naturelles et à l'équilibre du territoire, cette agriculture-là mérite l'appui et le soutien des pouvoirs publics.

Le texte sur lequel vous avez beaucoup travaillé, et que vous allez, je l'espère, adopter, est un projet qui prépare l'avenir parce qu'il fait se rejoindre les intérêts légitimes des agriculteurs et les attentes de la société ; parce qu'il offre une voie à la rénovation de la politique agricole européenne, et parce qu'il est innovant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après cinq jours et cinq nuits de débats dans la sérénité et la courtoisie, notre assemblée a terminé, ce matin, l'examen du projet de loi d'orientation agricole après avoir examiné presque un million d'amendements, en avoir adopté 265, dont près du quart émanant de l'opposition. Ce travail, certes long, mais fructueux a permis des échanges constructifs sur l'avenir de l'agriculture française.

Ce texte répond à l'engagement du Gouvernement pris en juin 1997 et marque, par son caractère d'urgence, l'attachement du Premier ministre et du Gouvernement à l'agriculture française. Il est dense et cohérent. Il ouvre des perspectives nouvelles à l'agriculture, en prenant en compte, à côté de l'aspect économique, les dimensions sociétale et environnementale. Personne aujourd'hui ne conteste que la fonction agricole est d'abord une fonction productive, mais chacun sait aussi que l'attente de la société est faite autour des autres dimensions de l'agriculture que vous venez d'exposer avec brio, monsieur le ministre.

La fonction première est économique, c'est vrai, et nous savons que les agriculteurs doivent produire des produits bruts, non transformés, pour alimenter le marché.

Cependant, la vocation exportatrice de la France, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours, exige avant tout la mise sur les marchés français, européen, mondial, de produits élaborés, identifiés, accrochés au territoire et pesant chaque jour de plus en plus, et positivement, dans la balance commerciale de la France.

M. Jean-Pierre Soisson.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur.

Ces produits élaborés sont le fait de tous les types d'agriculture.

Notre objectif n'a jamais été d'opposer les deux agricultures. Il s'agit, au contraire, d'affirmer leur complémentarité, démontrée par les fonctions différentes qu'elles remplissent sur le territoire français. Néanmoins, l'examen de ce texte nous a conduits à réfléchir sur le modèle agricole le plus apte à préparer notre pays à affronter les échéances économiques et politiques de demain.

Il me semble, mes chers collègues, que si, au cours de ce débat, nous nous sommes retrouvés sur les objectifs, nous avons divergé sur les outils et sur les moyens.

M. Jacques Blanc.

C'est clair !

M. François Patriat, rapporteur.

Quels sont ces objectifs ? Redonner un sens à l'agriculture, construire un secteur riche en hommes, accroché au territoire et capable de produire des biens alimentaires et des biens transformables de qualité et identifiés, enfin respecter l'environnement. Tout le monde en est d'accord.

Les mots clés de ce texte, qui traduisent notre volonté, sont l'emploi, l'économie, la qualité, l'environnement. Ils disent tous quelque chose aux Français et c'est autour d'eux que les agriculteurs se mobilisent pour légitimer les soutiens publics qui leur sont réellement dus.

Parmi les outils figurent les CTE, sur lesquels je n'insiste pas, car mon collègue Joseph Parrenin en traitera. Je veux cependant souligner que leur création répond à une double exigence.

A l'égard de ceux qui sont plutôt productivistes, il s'agit de faire en sorte que soient maîtrisés les intrants, mieux protégés les nappes et l'environnement en tempérant leur productivisme.

M. Jean-Paul Bacquet.

Très juste !

M. François Patriat, rapporteur.

Cet outil s'adresse aussi aux agriculteurs de montagne et des zones intermédiaires, qui pourront obtenir, au travers du CTE, un revenu juste leur permettant de continuer à occuper le territoire.

Mes chers collègues, nous avons évité la caricature.

Non, cette loi ne conduira pas à une suradministration ou à une nationalisation rampante. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Non, chers collègues ! Les outils que nous avons mis en place permettront non seulement de tempérer le productivisme, mais aussi d'éviter la course à la surface, la course aux hectares destructrice d'emplois et destructrice de produits de qualité.

M. Jacques Blanc.

Où allez-vous trouver l'argent ?

M. François Patriat, rapporteur.

L'argent est dans le texte de loi, monsieur Blanc, rassurez-vous ! Avant de conclure, je tiens à souligner que cette loi d'orientation agricole s'adresse aux agriculteurs et à la société. Certains auraient voulu une autre loi. D'autres demandent une loi forestière ; elle viendra à la suite de l'excellent rapport de notre collègue M. Bianco. D'autres encore attendent une loi fiscale ; elle viendra à la suite du rapport que la commission a accepté avec le Gouvernement, afin que soient engagées, dans les prochaines années, les réformes fiscales qui s'imposent.

Cette loi est un texte équilibré et dynamique. Nul d'entre nous, sur ces bancs, n'a le monopole du coeur à l'égard des propriétaires, des fermiers, des artisans, des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

commerçants, des employés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous sommes tous soucieux d'avoir un milieu rural équilibré dans lequel toutes les composantes économiques puissent se retrouver. Par l'adoption de certains de leurs amendements, des parlementaires de l'opposition nous ont rejoints. Nous nous sommes retrouvés sur les interprofessions, la qualité, la reconnaissance de la montagne, la biovigilance. Ensemble, nous allons faire face aux nouvelles technologies et aux défis qu'elles nous imposent.

Monsieur le ministre, ce texte audacieux est porteur d'avenir pour l'agriculteur de demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est pour cette raison que le rapporteur invite l'ensemble des parlementaires à le soutenir dans le vote qui va intervenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l'issue de ce débat sur la loi d'orientation agricole, je veux exprimer quelques courtes remarques que m'a inspirées notre discussion.

Je souhaite d'abord souligner la qualité du travail effectué par nous tous, aussi bien en commission que dans cet hémicycle et la démarche d'ouverture du ministre de l'agriculture à l'égard des amendements parlementaires. Si les échanges ont été parfois vifs, reflétant des divergences de fond, ils n'ont pas empêché un travail constructif.

La société française a - comme celle de tous les pays développés - de nouvelles exigences envers son agriculture. La loi du marché ne peut pas être la force qui décide de la forme et de la nature de l'agriculture future.

En souhaitant faire converger les aspirations renouvelées à des produits de qualité ancrés dans les territoires et la volonté des agriculteurs de vivre de leur activité, ce texte valorise les dimensions productives, environnementales et d'aménagement du territoire, de l'agriculture.

Toutefois, pour que le contrat territorial d'exploitation, pierre angulaire de cette loi - nouveauté nationale et j'espère, demain, nouveauté européenne - nourrisse une réelle rupture avec les démarches antérieures qui enserraient l'agriculture dans une course productiviste effrénée, au mépris de l'aménagement du territoire, de l'environnement et du sort de ses travailleurs, il faudra que des moyens importants soient mis à la disposition de cette nouvelle orientation.

C'est également dans cet esprit que la majorité de l'Assemblée a souhaité que ce texte soit un point d'appui pour les négociations européennes et mondiales à venir.

La volonté affichée dans cette loi de défendre la préférence communautaire est une bonne base. Il faudra cert ainement aller plus loin pour que les prochaines échéances ne constituent pas une nouvelle étape dans le libéralisme économique débridé, car cela mettrait à mal l es nouvelles orientations agricoles que nous allons décider.

Pour conclure, je veux souligner que la capacité de la loi à encourager une agriculture maintenant l'emploi sur des territoires respectés et valorisés sera fonction de la capacité des acteurs du monde rural à se saisir des possibilités qu'elle offre. Il appartiendra au Gouvernement, par ses décrets d'application, de faire respecter l'esprit de cette loi. Notre commission, elle-même, devra se soucier également des conditions de mise en oeuvre de cet important texte, car l'expérience montre que des lois peuvent être détournées de leur objectif.

C'est dans ce souci que notre assemblée a adopté des amendements visant au respect de la pluralité syndicale et à la prise en compte des projets et initiatives individuels des agriculteurs dans les contrats territoriaux d'exploitation.

La commission de la production et des échanges, dans sa majorité, approuve ce projet de loi qu'elle a contribué à amender et vous demande de lui apporter vos suffrages.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Explications de vote

M. le président.

Nous allons procéder aux explications de vote.

Je vais donner la parole à un orateur par groupe pour cinq minutes au maximum.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce mardi 13 octobre 1998 est à marquer d'une pierre blanche pour l'agriculture française.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La politique agricole ne pouvait plus limiter son ambition à encourager l'augmentation de la production. Elle devait élargir ses objectifs, permettre aux agriculteurs d'exercer, certes leur fonction économique, mais aussi leur fonction sociale et environnementale. Ce projet de loi cohérent et équilibré redonne l'espoir aux agriculteurs et au monde rural en général.

Depuis lundi dernier, nous avons été nombreux dans cet hémicycle à participer aux cinquante et une heures de débat sur ce projet de loi dans un esprit d'ouverture. Je tiens à rendre hommage non seulement à vous, monsieur le ministre, mais aussi à M. François Patriat, rapporteur, au président Lajoinie et à tous mes collègues qui ont participé à ces débats et les ont enrichis. L'agriculture française, qui, depuis des dizaines d'années, connaît des révol utions et des restructurations importantes, méritait pleinement un grand respect et une grande objectivité.

Ce projet de loi contient d'importantes innovations.

M. Jacques Blanc.

Lesquelles ?

M. Joseph Parrenin.

Il constitue un progrès réel pour l'agriculture et donne une assurance pour l'avenir, surtout dans les régions les plus défavorisées.

Les contrats territoriaux d'exploitation constituent la base de ce projet.

M. Arnaud Lepercq.

L'avenir le dira !

M. Joseph Parrenin.

Ce pacte, à la fois économique et territorial, conclu entre l'agriculteur et l'Etat redonnera tout son sens à une intervention financière publique plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

équitable en direction de l'agriculture. Le contrat territorial d'exploitation aura bien sûr une vocation économique, mais il prendra enfin en compte la multifonctionnalité de l'agriculture.

M. Arnaud Lepercq.

Baratin !

M. Joseph Parrenin.

Il encouragera aussi l'amélioration de la qualité des produits. A cet égard, je ne veux pas revenir sur tous les débats relatifs à la notion de qualité.

Ils ont été très longs et ont permis de souligner l'intérêt des différents signes de qualité, qu'il s'agisse des AOC, des labels, des certifications, des IGP, des produits de montagne ou des produits fermiers. Ils constituent tous des armes importantes, surtout pour les régions les plus défavorisées.

En encourageant l'amélioration qualitative des produits, le CET permettra aux agriculteurs de répondre aux consommateurs, aujourd'hui demandeurs de produits de qualité conçus dans le respect de l'environnement et de la santé.

En incitant non seulement à la diversification mais aussi à l'augmentation du niveau de l'emploi dans les régions rurales, il favorisera le maintien et le développement des petites et moyennes exploitations.

Ce contrat aura aussi des objectifs environnementaux et territoriaux, en revalorisant l'espace, en préservant les ressources naturelles et les paysages, en encourageant les agriculteurs à défendre - avec les autres acteurs du monde rural - et à faire connaître leur territoire.

Le contrat territorial d'exploitation a pour objectif nécessaire et indispensable de fixer les agriculteurs sur l'ensemble du territoire en prenant en compte les forces et les faiblesses de chaque région. Christiane Lambert, présidente du CNJA, avait dit : « des voisins plutôt que des hectares ». J'ajoute : « pas de villages sans paysans».

Ce contrat valorisera enfin la fonction des agriculteurs.

Ses ambitions sont fortes mais justifiées ; elles sont attendues par les agriculteurs, par le monde rural et par les citoyens en général.

Une autre avancée majeure du projet de loi est la création d'un statut pour les collaborateurs d'exploitation, pour les conjoints. Les dispositions prévues permettront d'améliorer les droits sociaux de ces derniers.

Une revalorisation sans précédent des plus faibles retraites amorcées en 1998, revalorisée pour 1999, sera confirmée d'ici à la fin de cette législature, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre.

L'emploi salarié agricole, souvent oublié, obtient une reconnaissance publique par la mise en place du titre emploi simplifié agricole, par la création des comités d'oeuvres sociales et culturelles. De plus, la possibilité sera enfin donnée aux salariés agricoles de participer aux commissions paritaires d'hygiènes et de sécurité.

Je n'énumérerai pas tous les articles, me contentant d'ajouter que le projet de loi d'orientation agricole est un véritable acte d'espoir en l'agriculture française. C'est un message de confiance adressé aux agriculteurs par les représentants de la nation.

Les députés du groupe socialiste voteront ce texte pour les raisons que j'ai évoquées. Mais ils souhaitent aussi, par l'adhésion sans faille à ce projet, adresser un message d'exigence très forte à l'Europe, afin que la réforme de la PAC tienne compte des attentes des agriculteurs français. Nous sommes totalement solidaires du Gouvernement et des responsables agricoles de notre pays pour défendre l'avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe RPR.

M. Christian Jacob.

Avant d'expliquer notre vote, vous me permettrez, monsieur le président, de me tourner vers M. le rapporteur pour le remercier. En effet, si nous nous sommes beaucoup opposés sur le fond au cours de ces débats, je lui donne acte de son souci de garder une certaine objectivité. Ainsi, il a permis de faire adopter des amendements de l'opposition, qui étaient des amendements de bon sens, contre sa propre majorité et contre le Gouvernement.

Merci à vous, monsieur le rapporteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous avez refusé, monsieur le ministre, que l'on inscrive, comme objectifs de la loi, la si nécessaire baisse des charges pour les exploitations agricoles, ainsi que l'indispensable réforme des cotisations sociales et de la fiscalité. Cela veut bien dire que vous n'avez absolument pas l'intention de faire quoi que ce soit dans ce domaine ! Nous avons tout de même réussi - le rapporteur y a fait allusion - à faire adopter quelques amendements, notamment sur le renforcement de la vocation exportatrice, qui étaient contraire, à la position du ministre.

D'ailleurs, dans l'exposé des motifs, il apparaissait que l'exportation était plutôt fortuite. Nous avons également réussi, grâce aux divisions de la majorité, à faire inscrire la nécessité de développer les biocarburants. Je remercie les parlementaires de la majorité qui ont eu le courage de soutenir nos amendements.

S'agissant du contrat territorial d'exploitation, dont le caractère administratif a été à maintes reprises dénoncé, le principal problème réside dans le fait qu'il n'est financé que par des transferts de fonds pris sur les régions difficiles. Ce sont les régions défavorisées qui supportent l'intégralité de ce financement...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh oui !

M. Christian Jacob.

... puisque vous avez pris les crédits sur le fonds de gestion de l'espace, sur le fonds d'installation, sur les OGAF et sur les actions « qualité » des offices. Ce sont les régions les plus défavorisées qui vont payer la note ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Blanc.

Eh oui ! La Lozère, par exemple !

M. Christian Jacob.

Au détour de l'article 16, sur ce point important qu'est le contrôle des structures, vous avez encore refusé quelques amendements de bon sens, tendant à ce que les biens transmis par donation ou par héritage ne soient pas soumis à autorisation, pas plus que l es exploitations agricoles nées de la réunion de deux exploitations dans le cadre d'un mariage. Désormais, avant de faire son testament, il faudra aller demander l'autorisation à la commission qui, grâce à vous, sera élargie aux associations de défense de la nature. Et, lorsque deux jeunes agriculteurs voudront se marier - de sexe différent car on est très attaché aux traditions dans le monde agricole (Sourires) -, ils devront aussi aller demander l'autorisation.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous tiendrez la chandelle !


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M. Christian Jacob.

En matière de contrôles en tout genre, c'est le comble ! Sans compter les dérives auxquelles on devra faire face avec les amis de Mme Voynet qui siégeront dans ces commissions ! Mais je veux vous féliciter aussi, monsieur le ministre : la discussion qui a duré cinq jours et cinq nuits a permis de lever le voile sur un certain nombre de choses, notamment sur votre budget. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans quelques jours à l'occasion de la discussion budgétaire. Le budget de l'agriculture a été massacré ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Pas un seul ministère ne connaît une diminution de son budget de cette importance : 6 % !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est faux !

M. Christian Jacob.

Vous avez été incapable de nous faire la démonstration contraire.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il augmente de 3 % !

M. Christian Jacob.

Votre seul argument a été de prétendre que les documents de M. Strauss-Kahn n'étaient pas suffisamment précis. Mais si les documents, qui nous ont été fournis par M. Strauss-Kahn, validés par le Premier ministre, sont des faux, je n'y peux rien ! C'est votre problème, pas le nôtre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous avez également levé le voile sur un autre point important en annonçant qu'à présent, les aides à l'installation - DJA, prêts JA - seraient subordonnées au CTE.

C'est même votre objectif. C'est un souhait que vous avez exprimé très clairement et qui figurera au Journal officiel.

Expliquez-moi donc comment vous allez faire ! Les aides à l'installation sont de droit dès lors qu'on remplit les conditions de capacité professionnelle, alors que le CTE est facultatif. Je pense que les jeunes agriculteurs vont être très sensibles à cette perspective : sans passer par un CTE, on ne pourra pas en bénéficier. C'est la remise en cause de ces aides qui existent depuis plus de trente ans ! (« Hou ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Ils sont contre les jeunes !

M. Joseph Parrenin.

Contrevérités !

M. Christian Jacob.

Certaines de vos déclarations, monsieur le ministre, et certains des amendements de la majorité et de l'opposition ont donné lieu à quelques réactions de la part des organisations agricoles. Et puisque vous avez utilisé l'artifice de la deuxième délibération pour supprimer des amendements défendus par l'opposition qui avaient été adoptés, vous serez donc seul avec votre majorité à assumer l'entière paternité de cette loi.

Vous n'avez mis dans votre texte, monsieur le ministre, aucune vision d'avenir pour les jeunes agriculteurs, vous ne leur avez ouvert aucune perspective. Pourtant lorsque l'on s'installe dans ce métier, c'est pour aller de l'avant et mobiliser les énergies. Il fallait encourager les jeunes à s'installer, et non pas les enfermer dans l'archaïsme et l'idéologie qui sont les vôtres.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le groupe RPR votera contre ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion de ce texte de loi, qui vaudra nouvelle orientation pour l'agriculture. La discussion a certes été longue, parfois vive, passionnée, mais elle a été sérieuse et approfondie. Le sujet méritait bien qu'on lui consacre du temps.

M. Arnaud Lepercq.

Et des moyens !

M. Félix Leyzour.

Le groupe communiste a participé au débat, tant en commission que dans l'hémicycle, avec sa sensibilité politique et son approche des problèmes, en exposant ses analyses et en présentant ses propositions.

Les parlementaires communistes ont toujours accordé beaucoup d'importance...

M. Arnaud Lepercq.

Aux kolkhozes !

M. Félix Leyzour.

... aux problèmes de l'agriculture et des agriculteurs. C'est toujours le cas aujourd'hui car, même si le nombre des agriculteurs a considérablement diminué, l'agriculture joue un rôle important sur le plan économique par l'emploi qu'elle représente et les activités qu'elle génère, sur le plan social, sur le plan de l'environnement, pour le respect des grands équilibres écologiques.

Le débat qui s'achèvera avec notre vote a été sans complaisance, mais il est resté ouvert. A cet égard, je salue l'attitude du président de la commission et du rapporteur, qui, l'un et l'autre, dans leur rôle respectif, ont été à l'écoute de tout ce qu'ont pu dire nos interlocuteurs extérieurs, ainsi que de ce que nous avons nous-mêmes exprimé à travers nos diversités.

Je voudrais aussi saluer la démarche du ministre, qui, s'il a repoussé, en argumentant, toutes les propositions tendant à dénaturer son projet ou à le vider de sa substance, a accepté d'y intégrer des amendements de nature à l'enrichir, à le compléter ou à le préciser.

Dès le départ, nous avions un préjugé favorable sur le projet. Nous l'avons apprécié sur son contenu et en fonction du contexte européen et mondial, dans lequel il s'inscrit et sur lequel il devrait permettre d'agir. Nous en avons souligné les aspects qui en font bien un texte d'orientation, fixant comme objectif un mode de développement plus durable, permettant de relever les défis auxquels est confrontée aujourd'hui l'agriculture.

Il vise une production qui n'abandonne pas la quantité, mais cible davantage la qualité. Il propose de lutter contre les concentrations excessives, de favoriser les plus modestes qui ont besoin de terres, d'installer des jeunes pour assurer la relève des exploitants. Il s'appuie sur la nécessité de promouvoir plus de justice dans la répartition des aides publiques.

Ainsi, il dessine ce que pourrait être une agriculture vivante, résistant aux pressions du libéralisme, il montre ce que pourrait être aussi une agriculture européenne, différente du modèle américain qui est celui du libéralisme à tous crins. En ce sens, la loi pourra servir demain de point d'appui à la France pour réorienter les politiques européennes.

C'est sur tous ces points que nous avons proposé des améliorations aux dispositions du texte. Nous ne sommes pas de ceux qui prétendent que tout ce qui est bien dans


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le texte est de notre fait et que tout ce qui est moins bien de la faute des autres. Nous avons adopté divers amendements qui allaient dans le sens de notre conception. Nous en avons fait adopter d'autres. Nous avons, par exemple, contribué à faire en sorte que le projet précise que, si la loi se met en oeuvre dans le cadre de la politique agricole commune, cette dernière doit s'articuler sur la préférence communautaire. C'est un point d'appui essentiel pour agir aujourd'hui et demain au niveau européen.

Nous avons insisté pour que le contrat territorial d'exploitation intègre mieux l'acte de production qui est fondateur de l'agriculture, et pour que les contrats types, certes nécessaires, n'excluent pas les initiatives personnelles ou locales.

Nous avons souhaité que les aides publiques soient modulées en fonction des exploitations et nous avons accepté qu'elles soient plafonnées.

Pour ce qui concerne les SAFER, nous aurions souhaité faire admettre le principe de la location-vente afin d'alléger le poids du foncier sur les jeunes qui s'installent.

Le débat a permis de mettre l'accent sur la possibilité qu'ont déjà ces sociétés de louer. Il restera, comme l'a i ndiqué le ministre, à en préciser les conditions financières.

L'adoption de notre amendement tendant à permettre au ministre, en cas de chute anormale des prix à la production, de faire procéder à l'affichage des prix à la production et à la consommation, est de nature à contribuer à la lutte contre certaines pratiques de la grande distribution.

Sur le plan social et compte tenu qu'il ne s'agissait pas d'une loi de finances mais d'une loi d'orientation, nous considérons comme positif que notre proposition d'accélérer la revalorisation des retraites dès les premières années de l'échéancier ait été adoptée.

Tous ceux qui ont participé au débat ont pu constater l'insistance avec laquelle nous avons traité des problèmes des salariés de l'agriculture. Les avancées sociales du projet ont été confortées pour mieux lutter contre la précarisation de l'emploi et permettre à ces salariés disséminés sur nos territoires d'avoir des lieux pour s'exprimer collectivement.

Enfin, nous avons apporté notre contribution pour que l'enseignement agricole, mis en avant dans le projet, soit modernisé dans ses structures et en fonction des objectifs qu'on lui assigne.

Sur la base de l'appréciation positive portée dès le départ sur le projet, et en prenant en compte toutes les améliorations qui lui ont été apportées dans le débat, améliorations auxquelles nous avons pris part, le groupe communiste et apparentés votera ce projet. Je ne doute pas qu'il soit adopté. Une fois adopté définitivement, après les navettes, il nous restera à nous impliquer pour qu'il s'applique demain sur le terrain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

M. François Sauvadet.

Je tiens à rappeler à l'ensemble de la profession agricole que nous avons abordé la discussion de ce projet de loi d'orientation, qui constitue un grand rendez-vous entre l'agriculture et la nation - il n'y en avait pas eu depuis trente-cinq ans - avec beaucoup de sérieux. Et c'est parce que nous l'avons abordé avec sérieux que nous avons déploré les conditions dans lesquelles ce texte a été examiné. La discussion a été interrompue à plusieurs reprises pour examiner d'autres textes. En outre, vous avez, monsieur le ministre - et je le dis sans esprit polémique -, déposé au dernier moment...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), Je m'adresse à ceux qui étaient en séance à deux heures ce matin ! Vous avez déposé au dernier moment, disais-je, des amendements très importants sur des sujets essentiels, que nous avions d'ailleurs souhaité voir abordés, tels que les OGM, la biovigilance, la traçabilité des produits ou la qualité sanitaire. Parce qu'ils ont été déposés au début de la semaine, nous n'avons pas pu les examiner à fond en commission, et conduire les auditions souhaitables.

Il en va de même sur le fonds de valorisation, assis sur des cotisations professionnelles dont nous ne connaissons ni le contour ni l'origine, que nous avons vu surgir au dernier moment. Nous aurions aimé un véritable débat de fond - nous vous l'avions d'ailleurs demandé au moment de l'examen du précédent budget de l'agriculture - sur la SOPEXA, sur le Centre français du commerce extérieur, sur l'articulation des différents soutiens que nous devrons apporter aux PME du secteur alimentaire, d'une façon générale, sur la promotion des produits agricoles.

Nous regrettons, une nouvelle fois, comme nous l'avons fait tout au long de la discussion, qu'il n'ait pas eu lieu.

Vous avez évoqué, et encore à l'instant à la tribune, l'ambition de ce projet de loi. Nous aussi, nous désirions qu'il réaffirme clairement, d'abord, une des fonctions essentielles de l'agriculture, qui est la fonction économique et de production.

Nous avons, comme vous, insisté sur le fait que cette exigence devait s'inscrire, plus encore que par le passé, dans le cadre de préoccupations environnementales et répondre au souhait exprimé par les consommateurs, d'avoir des assurances en termes de sécurité et de qualité alimentaires. Mais nous avons eu le sentiment que, plutôt qu'à définir une véritable ambition qui rassemble toutes les vocations de l'agriculture française, vous avez sans cesse cherché à opposer entre elles la vocation environnementale, la vocation territoriale et la vocation de production. De même que vous avez opposé les propriétaires et les fermiers, et parfois aussi les territoires entre eux.

Mes chers collègues, c'est seulement - j'insiste sur ce point - par voie d'amendement qu'a été clairement réaffirmée la vocation exportatrice et de production agroalimentaire et agricole de la France. Par voie d'amendement ! Alors qu'elle est une grande puissance agricole, qui a un rôle à jouer dans le monde, parce qu'elle fait pratiquement jeu égal en Europe avec les Etats-Unis ! Bien évidemment, nous avons voulu améliorer le texte.

Nous avons veillé à l'équilibre entre les acteurs du monde rural, en faisant adopter des amendements précisant la définition du « caractère accessoire » des activités agricoles. Nous avons également travaillé à renforcer le chapitre consacré à l'organisation des producteurs. Nous vous avons aussi demandé, monsieur le ministre, de vous donner les moyens de vos ambitions en matière de protection de l'environnement, moyens qui font pour l'instant cruellement défaut. Plusieurs de nos amendements ont été acceptés.

Le texte comporte des avancées - pourquoi ne pas le reconnaître ? -, notamment en ce qui concerne le statut des conjoints, sur lequel avait travaillé Philippe Vasseur.

Il franchit également une étape supplémentaire dans la


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revalorisation des retraites agricoles. J'observe d'ailleurs que vous avez tout simplement poursuivi le travail entrepris par la précédente majorité.

Je crois, mes chers collègues, que le débat est suffisamment important pour que nous prenions l'habitude de nous écouter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le débat a été tonique et nous a opposés, mais nous avons surtout cherché à répondre aux préoccupations des agriculteurs. Je souhaiterais donc que vous nous écoutiez.

Au total, les inquiétudes n'ont pas été levées, et je voudrais en quelques mots les résumer.

Le contrat territorial d'exploitation est en soi une idée intéressante, nous l'avons dit depuis le début, mais je crains que, tel que vous l'avez conçu, les espoirs ne conduisent à de nombreuses désillusions. D'abord, les contours sont restés extrêmement flous, alors que les ambitions affichées sont très grandes. Les moyens financiers proviennent pour l'essentiel de redéploiements qui ne seront pas à la hauteur des attentes. Vous avez d'ailleurs reconnu le chiffre de 300 millions de francs, alors q ue 400 000 exploitants pourraient prétendre à ce contrat.

M. Arnaud Lepercq Cela fait 150 francs par agriculteur !

M. François Sauvadet.

Vous n'avez pas contesté ce chiffre de 300 millions, monsieur le ministre,...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pour la première année !

M. François Sauvadet.

... mais simplement celui de 12 000 contrats. En tout cas, il faudra nous expliquer comment vous allez sélectionner les heureux gagnants.

Quant au financement européen que vous espérez, il dépend de résultats de négociations européennes qui concernent à la fois la politique agricole commune et les fonds structurels européens. Le sort de l'essentiel de votre loi, il faut le dire, se jouera non pas à Paris mais à Bruxelles.

Ce que nous craignons surtout, c'est une véritable recentralisation de la politique agricole et, risque tout aussi préoccupant, une renationalisation des concours européens, dans laquelle notre agriculture a sans doute beaucoup plus à perdre qu'à gagner.

Vous avez refusé nos propositions qui auraient pu faire du CTE un outil moderne et dynamique, et je crains que vous ne renvoyiez les agriculteurs à eux-mêmes avec un contrat sans moyens, comme ce fut le cas pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.

On retrouve cette même vision étatique dans le contrôle des structures. Nous sommes bien sûr d'accord pour limiter les agrandissements et favoriser les installations, mais, en mettant en place un système trop contraignant, excessivement rigide, notamment dans la définition des unités de référence, vous prenez le risque de démanteler un certain nombre d'exploitations, notamment familiales.

Vous avez esquivé dans ce débat toute réflexion sur la gestion des droits à produire, qui est pourtant une réflexion essentielle dans un contexte de maîtrise des productions. Vous avez une nouvelle fois manqué une occasion.

Nous avons dénoncé cette nuit encore, avec Charles de Courson et Germain Gengenwin, l'absence totale de mesures fiscales pour assurer non seulement la transmission, mais aussi l'investissement en aval, et permettre ainsi aux agriculteurs de mieux maîtriser leur outil. Vous avez renvoyé tout cela à un rapport. Comment une loi d'orientation peut-elle renvoyer à un rapport sur un sujet aussi essentiel ? Quant à la qualité, qui constitue l'un des grands enjeux, vous avez fait de l'indication géographique protégée un signe de qualité supplémentaire, sans l'assurance d'un cahier des charges, avec le risque d'introduire une nouvelle confusion dans l'esprit des consommateurs.

Ainsi que l'a rappelé Jacques Barrot, il faudra également donner à l'enseignement agricole les moyens de faire face à ses vocations. Nous sommes très attachés à sa spécificité tout autant qu'à l'équilibre entre enseignement public et enseignement privé, dont les performances sont à saluer.

Une loi d'orientation ne se vote pas seulement pour l'immédiat, mais pour les années qui viennent. La seule question que nous devons nous poser aujourd'hui : votre loi prépare-t-elle cet avenir ? Nous ne le pensons pas, car vous n'avez pas eu le courage d'aborder au fond chacune des questions qui préoccupent à la fois la société et les agriculteurs.

Pour toutes ces raisons et en prenant date, monsieur le ministre, le groupe UDF-Alliance votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, pour le groupe RCV.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais avant tout me réjouir, avec l'ensemble de mes collègues du groupe Radical, Citoyen et Vert, de l'engagement du Gouvernement vers une réelle réorientation de l'agriculture exprimée par la loi d'orientation agricole que nous voterons aujourd'hui, sans hésitation, mais avec tout de même quelques questions.

Cette loi constitue un progrès incontestable. Elle exprime enfin une vision globale de l'agriculture dans sa multifonctionnalité, ce que nous réclamons depuis des années : la production bien sûr, mais aussi l'emploi, l'environnement, l'aménagement du territoire, la qualité, la sécurité sanitaire des produits. Elle propose des progrès notables sur tous ces points, mais aussi sur les aspects sociaux : le statut des conjoints et collaborateurs, les retraites, la prise en compte des salariés.

Notre groupe a contribué à l'amélioration du texte par de nombreux amendements plus ou moins couronnés de succès. Néanmoins, je voudrais faire deux commentaires au sujet de l'examen de ce projet.

Sur la forme, tout d'abord. Il faut bien reconnaître que la procédure parlementaire a souvent fait preuve d'une réelle confusion : règlement appliqué de façon élastique quant aux prises de parole sur les amendements, dépôt d'amendements de dernière minute, amendements retenus en commission et finalement non soutenus au dernier moment. Ce qui s'est passé cette nuit à propos des organismes génétiquement modifiés en témoigne. Comment un tel sujet, sur lequel nous avions présenté nousmêmes des amendements, a-t-il pu faire l'objet d'amende-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

ments déposés en dernière minute, sans même que tous les groupes aient été prévenus et sans que ces amendements soient discutés ?

M. Charles Cova.

Tout à fait !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Sur le fond, l'exemple de votre amendement sur la traçabilité des organismes génétiquement modifiés montre plus généralement l'ambiguïté qui subsiste,...

M. Patrick Ollier et M. Charles Cova.

Très bien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

... même à l'issue du débat, quant au modèle agricole que nous voulons vraiment défendre, ambiguïté sur la notion de qualité. Notre amendement interdisait les OGM dans les produits de qualité labellisés. Vous voulez en organiser l'étiquetage et la traçabilité, certes, mais cela suffit-il à régler la questio n au fond ? Certes non.

Plus globalement, à force d'équilibrisme entre une option industrielle, y compris biotechnologique, très centrée sur le quantitatif et les marchés financiers, et une option plus globale, incluant les préoccupations sociales et environnementales, ne risque-t-on pas de conforter toujours la première qui constitue une tendance lourde aujourd'hui ? Ce débat a aussi des incidences financières. La modulation et le plafonnement des aides, que ce soit dans le cadre du CTE ou dans celui de la PAC, sont pour nous des outils indispensables de mise en oeuvre effective des objectifs que nous nous fixons. A ce titre, les jeunes agriculteurs devraient plutôt se réjouir de ces mesures. Ce n'est pas nous, monsieur Jacob, qui enfermons les jeunes agriculteurs, ce sont eux qui nous emmurent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Guy Hascoët.

Tout à fait !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Toutes ces questions sur la nature du modèle agricole que nous voulons défendre demeurent, même après une longue discussion, et nous sommes bien conscients que le plus dur reste à venir. Je ne parle pas du débat au Sénat, mais de la réforme de la PAC.

Les propositions de la Commission européenne à cet égard sont particulièrement inquiétantes. Elles restent uniquement centrées sur une logique de marché libéralisé et demandent à présent aux Etats de supporter les coûts sociaux et environnementaux très lourds de cette politique. C'est irresponsable et c'est inacceptable.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour lever ces ambiguïtés et clarifier la position française, qui a d'ailleurs beaucoup tergiversé ces dernières années, dans un contexte certes difficile de cohabitation. C'est toutefois bien le Conseil des ministres européens qui décidera des orientations futures.

En attendant, nous tenons à rappeler que nous restons et resterons très attentifs au devenir de ce texte important, autant pour nos contitoyens que pour les agriculteurs, tant dans ses concrétisations réglementaires que lors de son deuxième passage devant notre assemblée.

Cette première lecture constitue un pas essentiel, mais le formidable travail que vous avez entrepris, que nous avons entrepris, ne fait que commencer, pour une agriculture qui mérite vraiment le terme de durable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

....................................................................

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le redoutable honneur d'intervenir le dernier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avant le vote qui va avoir lieu sur cette loi d'orientation, redoutable non pour moi, mais pour vous, monsieur le ministre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence ! Laissez M. Vasseur apporter la démonstration de ce qu'il avance ! Il n'a que cinq minutes.

M. Philippe Vasseur.

Je vous remercie, monsieur le président, de faire respecter l'orateur comme vous l'avez fait pour les précédents. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis le début du débat, monsieur le ministre, et dès le début, nous vous avons mis en garde. Loin de nous rassurer, il a confirmé nos craintes, qui, aujourd'hui, se progagent dans les campagnes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, vous pourriez peut-être écouter, puisque, pour une fois, vous êtes en séance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Alain Néri.

Provocateur !

M. le président.

Allez-y, monsieur Vasseur. Au fait !

M. Philippe Vasseur.

Je conçois, monsieur le président, qu'ils souhaitent me faire taire...

M. le président.

Je m'occuperai de la police de la séance. Occupez-vous de l'agriculture. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon.

C'est plus difficile !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues, sinon ça va durer plus longtemps. Monsieur Vasseur, allez-y...

M. Philippe Vasseur.

Je ne demande que cela, monsieur le président ! Monsieur le ministre, tout au long de ce débat, vous vous êtes abrité, comme si vous aviez eu besoin en quelque sorte d'un alibi, derrière l'avis que vous auraient donné la profession et les organisations professionnelles agricoles. A vous entendre, vous auriez bénéficié de leur part d'une approbation unanime.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Force est de constater aujourd'hui que la réalité est tout autre, notamment sur le terrain.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) En voulez-vous un exemple ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez publié, le 10 octobre, un communiqué adressé à Mmes et MM. les parlementaires, dans lequel vous donniez votre interprétation sur les manifestations qui ont eu lieu, à la suite desquelles un certain nombre de députés ont vu leur permanence murée par de jeunes agriculteurs.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Albert Facon.

C'est de la provocation !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues ! Respectez-vous les uns les autres ! Monsieur Vasseur, vous avez la parole, et vous seul.

M. Philippe Vasseur.

Vous expliquiez que, par ces actions, les jeunes agriculteurs avaient voulu manifester leur mécontentement face à l'adoption de trois amendements, deux de l'opposition, comme par hasard, et un de la majorité défendu par Marie-Hélène Aubert, avec le soutien de la commission et du Gouvernement.

M. Arnaud Lepercq.

Eh oui !

M. Philippe Vasseur.

J'ai eu la curiosité d'aller vérifier la véracité, l'authenticité de votre communiqué. La réalité est tout autre.

M. Didier Boulaud.

On la connaît, la vérité du Figaro.

M. Philippe Vasseur.

J'ai en main la note adressée par le CNJA aux centres départementaux des jeunes agriculteurs. Ils invitent les jeunes agriculteurs à aller manifester devant les permanences des élus pour protester non pas contre trois mais contre cinq amendements et, surtout, contre une déclaration que vous avez faite concernant les aides à l'installation : « Les aides à l'installation ne sauraient être tenues à l'écart du mouvement progressif d'intégration des aides publiques dans les CTE. »

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Oui !

M. Philippe Vasseur.

Vous approuvez, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bien sûr ! Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est scandaleux !

M. Philippe Vasseur.

« Cette position résulte d'une sérieuse concertation avec les organisations agricoles », ajoutiez-vous.

Voici ce que dit la note du CNJA : « Le CNJA tient à a pporter un démenti formel à cette déclaration. »

(« Hou ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

« Il ne s'est jamais prononcé pour une intégration des aides à l'installation dans les CTE. » Je tiens ce document à votre dis-

position ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Vasseur, acheminez-vous vers votre argumentation.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le président, encore une fois, je ne demande que cela.

Voulez-vous, monsieur le ministre, un autre exemple ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - « Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ce matin, en ouvrant mon quotidien régional..., Plusieurs députés du groupe socialiste.

Le Figaro !

M. Philippe Vasseur.

... La Voix du Nord, j'ai lu une déclaration du président départemental des syndicats d'exploitants agricoles membres de la FNSEA : « Cette loi est sans grande ambition, aucun financement n'y est prévu et cela m'inquiète. J'ai l'impression que nous sommes en train de nous faire berner ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Si vous appelez cela bénéficier de l'approbation unanime des professionnels agricoles, monsieur le ministre, nous avons effectivement une différence d'appréciation !

« Bernés », le mot est lâché ! Je pense que, de plus en plus, un certain nombre d'agriculteurs se rendent compte, après avoir assisté à ce débat, après avoir pris connaissance des argumentations et des projets, qu'ils ont été bernés.

Il y avait, et il y a, dans votre projet de loi, de bonnes idées. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Le contrat territorial d'exploitation peut être considéré comme une bonne idée, mais, une fois de plus, nous assistons à la démonstration selon laquelle, quand vous confiez une bonne idée aux socialistes, ils la transforment en mauvaise mesure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. Vasseur va s'acheminer vers sa conclusion.

M. Philippe Vasseur.

Tout n'est pas mauvais dans cette loi, et, Dieu merci, il y a eu des progrès grâce à la discussion et grâce à un certain nombre d'amendements, mais nous n'y trouvons rien de concret sur le financement des mesures annoncées, et notamment le contrat territorial d'exploitation. Nous y trouvons, en revanche, des lacunes gigantesques sur des éléments aussi importants que la fiscalité. Nous n'y trouvons aucune orientation volontariste et dynamique pour assurer l'avenir d'un secteur aussi important que l'agriculture. Enfin et surtout, cette loi met la France en situation de faiblesse à l'approche des négociations sur la réforme de la politique agricole commune. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Arnaud Lepercq.

Eh oui !

M. le président.

Concluez, monsieur Vasseur, s'il vous plaît.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le président, j'ai chronométré les précédents orateurs. Je tiens le résultat de ce chronométrage à votre disposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Vous disposez du même temps de parole que tout le monde.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

M. Philippe Vasseur.

Je vais conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je constate simplement, mes chers collègues, que vous avez écouté les précédents orateurs avec un intérêt poli mais que, manifestement, l'argumentation que je développe aujourd'hui vous fait mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie.

M. Vasseur va conclure.

M. Philippe Vasseur.

Vous avez raison, monsieur le ministre, parce que vous porterez une lourde responsabilité à l'égard de l'agriculture française. Nous le verrons rapidement, dès l'année prochaine. Je vous donne rendezvous, monsieur le ministre,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Il ne sera pas là !

M. Arnaud Lepercq.

Il sera au Sénat !

M. Philippe Vasseur.

... au moment où vous aurez à négocier la réforme de la politique agricole commune avec nos partenaires européens.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Nous vous avons averti. Nous prenons date aujourd'hui de l'état dans lequel vous mettez la France et son agriculture face à l'Europe, et, parce que nous sommes convaincus que vous engagez l'agriculture dans une impasse, le groupe Démocratie libérale, comme le groupe RPR et le groupe UDF, votera contre votre projet de loi d'orientation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi d'orientation agricole.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle, sans faire référence à un passé récent, que le vote est personnel (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

567 Nombre de suffrages exprimés .................

558 Majorité absolue .......................................

280 Pour l'adoption .........................

316 Contre .......................................

242 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente sous la présidence de M. François d'Aubert.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 30 octobre 1998 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du règlement, que le vote sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 donnera lieu à un scrutin public le 3 novembre 1998 après les questions au Gouvernement.

Enfin, je vous informe que, par décision du Bureau,

M. Abdou Diouf, président de la République du Sénégal, sera reçu dans l'hémicycle le mercredi 21 octobre après les questions au Gouvernement.

4

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le président.

En application de l'article L.O.

181 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une requête en contestation d'opérations électorales.

C onformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

5 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (no 1106).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

6 LOI DE FINANCES POUR 1999 Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion générale du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais commencer par remercier les parlementaires présents de l'intérêt qu'ils portent à ce débat.

M. Charles de Courson.

Ils sont tellement rares ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne doute pas qu'ils auront à coeur de rapporter le contenu de ce que nous dirons à leurs collègues.

M. Pierre Méhaignerie.

Tout a été fait dans les couloirs ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a un an, Christian Sautter et moi-même vous présentions le premier budget de cette législature, le premier budget du gouvernement dirigé par M. Lionel Jospin.

Il y a un an, l'économie française n'était pas sortie de la longue période d'atonie qui a été la sienne, depuis 1992 sans doute, marquée par la montée inexorable du chômage et la multiplication des exclusions.

Il y a un an, la France n'était pas qualifiée pour l'euro, et certains mauvais esprits ont même prétendu que la crainte de voir échouer cette qualification délicate n'était pas sans lien avec la dissolution de l'Assemblée nationale intervenue au printemps 1997.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Certes, en un an, on ne peut pas tout faire, loin de là, et personne ne le prétend. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir, un chemin particulièrement difficile pour tous ceux qui, aujourd'hui encore, sont exclus, chômeurs ou ont un emploi précaire, pour tous ceux qui vivent dans un environnement difficile, dans des cités, bref, pour tous ceux qui trouvent que le changement ne va pas assez vite et, à vrai dire, je pense que, sur les bancs de cette assemblée, nombreux sont ceux qui, comme moi, partagent leur sentiment. Les choses vont mieux, je vais en dire quelques mots, mais elles ne vont pas mieux pour tout le monde, pas encore pour tout le monde.

Il y a donc quelque difficulté à se réjouir lorsque certains indicateurs économiques s'améliorent, parce que l'on a aussitôt à l'esprit le fait que pour des millions d'hommes et de femmes qui vivent sur notre territoire, cette situation est encore loin d'être simplement vivable.

Pourtant, empêchera-t-on le Gouvernement de faire le bilan et de prétendre que, même si nous sommes loin du compte, nous sommes sur le bon chemin ? Il y a un an, en vous présentant le budget, je vous proposais de nous fonder sur une prévision de croissance de 3 %.

M. Pierre Forgues.

C'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne reviendrai pas maintenant sur les discours divers qui ont entouré cette prévision, nous aurons l'occasion d'en reparler. Il reste que non seulement nous ferons ces 3 %, mais que probablement nous atteindrons 3,1 %.

M. Pierre Forgues.

Bravo ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a un an, je prévoyais pour 1998 la création de 200 000 emplois marchands dans l'économie ; l'INSEE vient de nous donner sa prévision pour 1998 : elle est de 280 000 emplois marchands.

M. Pierre Forgues.

Bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a un an, j'annonçais la baisse du chômage ; en un an, nos statistiques ont enregistré près de 2 00 000 chômeurs de moins, même s'il est clair que 200 000, ce n'est pas suffisant.

Mme Béatrice Marre et M. Pierre Forgues.

C'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a un an, je comptais sur une augmentation du pouvoir d'achat des ménages de 2,3 % ; l'augmentation du pouvoir d'achat devrait atteindre 2,8 %. Il y a un an, j'affirmais que le déficit des finances publiques serait de 3 % ; nous aurons à la fin de l'année un déficit de 2,9 %.

M. Pierre Forgues.

Remarquable ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a un an, je m'engageais, conformément à l'annonce du Premier ministre dans son discours de politique générale, à stabiliser, après une longue période de montée, les prélèvements obligatoires ; aujourd'hui, nous savons que nous aurons une baisse de 0,2 % des prélèvements obligatoires à la fin de l'année 1998.

M. Pierre Forgues.

Ils sont silencieux !

M. Philippe Auberger et M. Jean-Jacques Jégou.

Oh ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il y a un an, je me fixais comme objectif la maîtrise des dépenses publiques ; nous savons aujourd'hui que la part des dépenses publiques dans le PIB aura baissé de 1 % à la fin de l'année.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Tout à fait ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce sont des faits. Chacun des objectifs de la loi de finances pour 1998 a été, est en passe d'être atteint ou est en passe d'être dépassé.

M. Raymond Douyère.

Prenez-en de la graine, messieurs !

M. Pierre Forgues.

Voilà un ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Alors nous direz-vous, et certains d'entre vous dans leurs interventions futures ne s'en priveront sans doute pas, le Gouvernement a eu de la chance.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas du tout !

M. Raymond Douyère.

Du talent tout simplement !

Mme Nicole Bricq.

Il n'est pas interdit d'avoir de la chance ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sans vouloir vous rappeler ce que Napoléon disait de ceux qui n'ont pas de chance, je reconnaîtrai volontiers avec vous que l'environnement économique international a été porteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

M. Philippe Auberger.

Alors M. Bérégovoy, lui, n'avait pas eu de chance ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pourtant, il y a un an, vous nous disiez, entre autres critiques, que jamais nous n'atteindrions les 3 % de croissance, et que nous ne ferions pas plus que 2,5 %. Selon vous, nous ne tenions pas suffisamment compte de la crise asiatique. C'est donc bien que vous ne trouviez pas il y a un an cet environnement économique international tellement porteur.

Vous vous trompiez. Le Gouvernement vous disait :

« L'environnement sera bon, nous ferons 3 %. » Nous avons fait 3 %. J'aurais mauvaise grâce à prétendre aujourd'hui que l'environnement n'était pas porteur. Il l'était.

Il l'était, mais ça ne suffit pas, et je revendique les choix qui ont été ceux de la majorité, notamment par le biais du projet de loi de finances qui vous a été présenté il y a un an.

Depuis 1993, l'environnement international était le même pour tout le monde, mais la politique menée en France était telle que la croissance française était inférieure à la croissance européenne.

M. Charles de Courson.

Parce que nous avons assaini.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Au total, 1,7 point de croissance de retard a été accumulé de 1993 à 1997 par rapport à la moyenne européenne, ce qui représente 300 000 emplois perdus.

En 1988, notre croissance sera supérieure de 0,2 point à la moyenne européenne.

M. Richard Cazenave.

Merci Juppé ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et là, ce n'est pas dû à l'environnement international, car celui-ci est le même pour tous. Si notre croissance est supérieure à la croissance européenne en 1998, c'est parce que la politique que nous conduisons est une politique qui soutient la croissance...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il faut le dire ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

... alors que la politique qui avait été conduite au cours des années précédentes était une politique qui avait effectivement nui à la croissance, et je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est un pur fantasme ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces choix de politique économique, la majorité les a voulus. Les différents partis qui la composent les avait annoncés lors de la campagne électorale : il s'agissait de relancer la consommation pour relancer la production et l'investissement. La majorité a mis ces choix en oeuvre en dépit des critiques dont elle était l'objet à ce moment-là. Elle atteint aujourd'hui les objectifs qu'elle s'était fixés.

Voilà où nous en sommes un an après.

Pendant cette année, le travail budgétaire pour préparer le budget pour 1999 a été ardu, et le budget que Christian Sautter et moi-même vous présentons aujourd'hui a été longuement travaillé et longuement réfléchi. Vous me répondrez : chaque année, il est longuement travaillé et il est longuement réfléchi.

M. Charles de Courson.

Il faut l'espérer ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais cela a été particulièrement le cas cette année, car, plus que les autres années, nous avons tenu à associer les parlementaires à ce travail.

Dès la fin de la discussion budgétaire de l'an dernier, vous vous en souvenez certainement, le Gouvernement a dit qu'il y avait trois sujets fiscaux sur lesquels il souhaitait, si la commission des finances de l'Assemblée le voulait bien, qu'un travail soit conduit : le chantier de la fiscalité patrimoniale, qui a été traité par Didier Migaud ; celui de la fiscalité locale, qui a été traité par Edmond Hervé ; celui de la fiscalité écologique, qui a été traité par Nicole Bricq.

Ces trois parlementaires ont, au cours de l'année, travaillé, rencontré beaucoup de monde, produit des rapports, dont je souligne volontiers que les deux tiers sinon les trois quarts ont été repris dans le projet de loi de finances. Si bien qu'au printemps, lors du débat d'orientation, nous avons pu débattre des grandes orientations des finances publiques en commission des finances et devant l'Assemblée nationale et le Sénat. Puisque ce débat n'avait pas eu lieu l'année précédente pour des raisons liées à la dissolution, c'était donc, de fait, la première fois qu'un tel débat, fondé sur des raports préparés par la commission des finances, pouvait avoir lieu à la fois en commission et en séance publique.

Autre élément de cette information et de cette concertation : Christian Sautter et moi avons tenu à ce que le rapport économique, social et financier qui vous est distribué soit profondément remanié et comporte, beaucoup plus que par le passé, un ensemble d'analyses de la situation internationale et nationale, ainsi qu'un certain nombre de décryptages des mécanismes économiques qui fondent la politique du Gouvernement. Je crois, et je le dis facilement puisque beaucoup d'entre vous, sur tous les bancs, m'en ont fait la remarque, que c'est un outil qui est aujourd'hui bien adapté, même s'il peut évidemment être amélioré, et qui est sensiblement plus utile sous sa forme actuelle que sous sa forme précédente. Je veux devant vous remercier les fonctionnaires du ministère des finances qui en ont eu la charge.

Tout cela mis bout à bout - les travaux de la commission des finances, la concertation que le Gouvernement a menée avec les partenaires sociaux, syndicaux et patronaux, le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat - a conduit à une année 1998 fortement empreinte d'une réflexion sur la préparation du budget. C'est à bon droit que l'on peut dire que pour la première fois, ou en tout cas plus que par le passé, ce budget a été élaboré en concertation avec les parlementaires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

L'autre innovation pendant l'année, c'est la dégradation du climat international. Et c'est dans un climat international passablement perturbé par rapport à celui que nous avions connu il y a un an, que se présente la discussion de la loi de finances cette année.

Le ciel s'est assombri, et je voudrais m'arrêter un instant sur les mécanismes qui ont conduit à cette situation nouvelle.

Lorsque nous débattions il y a un an, nous nous inquiétions ensemble de la situation asiatique et du fait que trois pays, la Thaïlande, la Corée, l'Indonésie, voyaient leurs balances des paiements soumises à de très fortes pressions, que le FMI se voyait obligé d'intervenir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

pour redresser les comptes, et qu'en conséquence on pouvait craindre un ralentissement fort pour ces pays, donc un ralentissement dans l'ensemble de la zone.

Par la suite, l'action qui a été conduite dans ces pays-là par les institutions internationales a eu plutôt tendance à contribuer à rétablir la situation, au prix, certes, d'un coût social et humain élevé, mais avec pour résultat de tendre vers un nouvel équilibre sur le plan financier.

Mais, dans le même temps, une crainte forte s'est emparée de tous les investisseurs qui avaient placé de l'argent en Asie, notamment les investisseurs à court terme, et, peu à peu, au cours de l'année 1998, les capitaux ont fui cette zone de pays émergeants, se reportant sur les bourses des pays développés, notamment européennes, mais aussi américaines, ce qui explique par là même les hausses considérables qu'a pu observer. Ce que les spécialistes appellent la fuite vers la qualité a consisté à se débarrasser de titres que l'on trouvait trop risqués pour aller vers des titres que l'on trouvait moins risqués.

Puis, avec la crise russe et le défaut de paiement de la Russie fin août, est apparu un nouveau phénomène, une nouvelle étape de fuite vers la qualité, qui a consisté à essayer de partir des marchés d'actions, même européens ou américains, pour aller vers les marchés de taux, les marchés d'emprunts d'Etat. Et nous avons vu ces bourses s'écrouler. A l'inverse, beaucoup d'argent est arrivé sur les marchés obligataires et les marchés d'emprunts, ce qui d'ailleurs n'est évidemment pas sans lien avec la forte baisse des taux qu'on a constatée sur ces marchés.

Cette crise, débutée fin août, qui se poursuit même si elle s'apaise, a touché évidemment les pays occidentaux, mais aussi les marchés financiers d'Asie et ceux d'Amérique latine. Les craintes ont été grandes, j'y reviendrai tout à l'heure, de voir de grands pays, notamment le Brésil, s'engager dans des situations de défaut de paiement.

C'est dans ce contexte que s'est tenue, voilà une dizaine de jours, à Washington, à la fois une réunion du G7, c'est-à-dire des ministres des finances des sept pays les plus industrialisés, et une réunion du FMI et de la Banque mondiale. J'ai indiqué au retour de ce voyage que, contrairement à l'impression mitigée que souvent la presse avait tendance à donner, mon sentiment était que ces réunions avaient été extrêmement utiles.

Pourquoi ? D'abord parce que l'ensemble des pays s'est mis d'accord sur le fait qu'il fallait mettre l'accent sur la croissance. Cela peut sembler à beaucoup d'entre nous, sur tous les bancs, comme bien banal que de se mettre d'accord sur l'idée qu'il faut soutenir la croissance, mais il faut se souvenir que, au cours de réunions précédentes, prévalait l'idée que les risques d'inflation étaient toujours présents, qu'il fallait donc faire attention à ne pas trop soutenir la croissance et que, éventuellement même, il fallait, par endroits, la freiner.

La crise débutée au mois d'août, la situation en Russie et les dangers en Amérique latine ont tranformé tous les pusillanimes en entreprenants, et tous les pays, en tout cas les sept pays les plus industrialisés, se sont mis d'accord sur l'idée que, dans la situation actuelle, l'accent devait être mis sur la croissance, avec, bien entendu, la crainte majeure que nous avons tous et que nous continuons d'avoir sur la situation japonaise. Celle-ci reste particulièrement tendue, puisque, en dépit des déclarations répétées du Gouvernement japonais, ni la situation bancaire, ni la situation macroéconomique, ni la croissance n e semblent véritablement s'améliorer. Donc, nous sommes en présence d'une situation nouvelle, puisque l'accent a été mis sur la croissance.

Autre résultat de ces réunions d'il y a dix jours : la volonté commune d'organiser une surveillance moderne des institutions financières et des marchés financiers. Surveillance moderne, cela veut dire transparence, information, pour éviter la situation qui a été à l'origine de la crise coréenne, et celle que nous avons connue il y a quelques jours avec la faillite d'un fameux hedge fund, le fonds de couverture LTCM, qui, engagé pour des centaines de milliards de dollars, a mis en péril l'ensemble du système à partir d'une initiative privée.

Quand, en avril dernier, je disais au G7, en tant que représentant de la France, qu'il fallait mettre en oeuvre des procédures de contrôle des hedge funds, nombre de nos partenaires, notamment les Anglo-Saxons, considéraient alors que c'était une idée de socialiste français - double critique ! -, toujours soucieux de tout vouloir contrôler ! Depuis, le climat a complètement changé. Lors de la réunion qui s'est tenue il y a dix jours, tous nos partenaires, y compris les Américains, étaient d'accord avec l'idée selon laquelle il fallait maintenant mettre en oeuvre des dispositifs de contrôle de ces fonds de couverture, qu'on ne pouvait pas laisser les marchés continuer à fonctionner de façon indiscriminée.

Deuxième progrès donc : l'idée selon laquelle on ne peut pas laisser les marchés tels quels, et qu'il faut trouver des modalités de régulation et d'encadrement.

Le troisième progrès découlant de cette réunion touche aux nouvelles facilités de crédit, lesquelles sont pour la première fois mises en oeuvre au profit du Brésil. L'idée est simple, et je pense que beaucoup d'entre vous la soutiendront : il ne faut pas que les organismes internationaux, notamment le FMI, interviennent uniquement lorsque les pays sont en crise. Ces organismes doivent intervenir en amont, surtout lorsque ces pays mènent de bonnes politiques - et c'est le cas du Brésil.

C'est la raison pour laquelle la mise en oeuvre d'une facilité de crédit nouvelle, d'un soutien réorganisé, redéfini, à des pays qui ne sont pas encore en état de situation de crise grave nécessitant l'intervention du FMI, constitue un progrès dans l'intervention et donc, dans une certaine mesure, un recul de la pensée libérale, sur ce sujet-là aussi.

Enfin, dernier progrès : la mise en oeuvre de ce que l'on appelle la nouvelle architecture du système monétaire international.

Le système monétaire international a été construit il y a cinquante ans. Depuis, l'environnement économique a beaucoup changé. Nous parlons tous les jours de mondialisation, de globalisation financière ; or il est évident que les institutions internationales actuelles ne sont pas en état de relever les défis de la mondialisation. D'où la nécessité d'adapter les organismes qui sont censés organiser le paysage à l'évolution même des techniques et de la réalité ; c'est de nouveau un pas en avant fait en faveur de la régulation.

Si bien que je suis rentré de ces réunions - et c'est l'état d'esprit de tout le Gouvernement comme de l'ensemble des autorités publiques françaises - en ayant à l'esprit trois remarques.

La première, c'est une forte préoccupation : en effet, si l'économie européenne va bien - chacun le reconnaît au niveau mondial -, l'économie américaine ralentit et il n'y a rien de nouveau du côté de l'économie japonaise - la préoccupation reste forte quant à la partie asiatique de notre planète.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Préoccupation, mais aussi mobilisation, puisque la volonté d'agir sur la croissance, de réformer les règles prudentielles, c'est-à-dire d'intervenir sur le contrôle du système financier, est manifeste. Ces concepts de surveillance, qui faisaient peur il y a encore six mois, sont aujourd'hui non seulement acceptés, mais probablement seront mis en oeuvre d'ici à quelques semaines, quand les études et les concertations qui ont été lancées aboutiront.

Je n'écarte donc pas l'idée qu'avant la fin de l'année ou dans les toutes premières semaines de l'année 1999, des modalités nouvelles de surveillance du système financier international soient mises en place, ce qui témoigne, encore une fois, d'une mobilisation forte et presque inconnue dans le passé de l'ensemble des gouvernements sur ce sujet.

Préoccupation sur l'Asie, mobilisation sur la réforme, mais aussi espoir. Cet espoir découle du fait que nous avons peut-être là une des premières chances de maîtriser ou de contribuer à maîtriser les effets de la mondialisation. Il apparaît clairement aux yeux de tous qu'un mécanisme reposant intégralement sur le marché se révèle impuissant à faire fonctionner l'économie planétaire. Les partisans de la régulation, de l'organisation des marchés ont marqué des points : le choix ne se situe plus aujourd'hui entre une économie de marché ou une économie administrée - il a vingt ans d'âge - mais entre une économie de marché avec des règles de fonctionnement pour éviter qu'elle ne dérape ou une libéralisation non contrôlée, qui ne pourra que conduire la plupart des peuples à la repousser parce qu'elle est à l'origine des crises que nous vivons aujourd'hui en Asie, comme en Russie.

De ce point de vue, les propositions de la France ont été largement entendues - et je dis bien les propositions de la France et pas simplement celles du Gouvernement.

Elles ont été entendues par nos partenaires européens à Vienne, il y a trois semaines, qui les ont endossées.

L'oeuvre de longue haleine qui consistera maintenant à faire entrer dans les faits les douze propositions que nous avons avancées pour réformer véritablement le système monétaire international est une oeuvre de laquelle aucun Français n'aura à rougir. Comme c'est le cas depuis peutêtre une quarantaine d'années, la France continue d'être au premier rang de ceux qui proposent des réformes et des évolutions de notre système mondial.

Mais ce qui réjouira au moins une partie de cette assemblée, et, au-delà d'elle, les hommes et les femmes qui pensent qu'on ne peut pas laisser les marchés fonctionner tout seuls, c'est de constater que, pour maîtriser les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, pour garantir la croissance, pour inventer de nouvelles régulations, le libéralisme exagéré de la fin des années 70, des années 80 et peut-être encore, du début des années 90 se révèle impuissant. C'est un combat auquel tient beaucoup le Premier ministre et que je conduis en son nom. Il me semble que la nouvelle cordée franco-allemande qui est en train de se mettre en place avec le résultat récent des élections outre-Rhin saura largement ouvrir la voie sur des propositions nouvelles, d'intervention et de régulation.

De cette analyse un peu trop longue - mais pourtant nécessaire, car nous aurons à reparler de l'environnement international -, quelles conclusions tirer ? Pour ma part, j'en tirerai trois.

La première doit être évidente pour tous : ce qui se passe depuis quelques mois, et a fortiori depuis quelques semaines, valide le choix européen du Gouvernement. On a beaucoup dit que l'euro nous protégeait. Avec d'autres, j'ai repris cette formule d'un euro qui était notre bouclier, notre paratonnerre ; chacun peut inventer les qualificatifs qui lui conviennent. Evidemment, un bouclier ne dispense pas de mener bataille, mais il doit être évident pour tous qu'il y a là une réalité qu'il ne convient même plus de contester.

On peut trouver qu'il a coûté trop cher à l'Europe et à la France de construire l'euro, c'est un vieux débat. Mais ce que l'on ne peut pas contester aujourd'hui, c'est que l'euro apporte ses effets bénéfiques. Je vais vous en donner juste une illustration qui me paraît très frappante, car elle concerne deux phénomènes qui se sont pratiquement déroulés au même moment. Entre le 7 et le 8 octobre, le rapport entre le yen et le dollar est passé de 135 yens pour un dollar à 112 yens pour un dollar, soit un mouvement de fluctuation extrêmement important puisqu'il a atteint 20 % en trente-six heures. Durant la même période, ou presque, se nouait la crise italienne, et l'on sait que les crises politiques sont traditionnellement à l'origine de fluctuations très importantes sur les monnaies. Or le cours de la lire italienne a varié de 1 : 20 % de fluctuation d'un côté, 1 de l'autre ! C'est une illustration, parmi beaucoup d'autres, de ce que permet l'euro.

Ceux d'entre vous qui ont encore à l'esprit la crise mexicaine de 1994, les fluctuations sur les parités comme sur les taux ou la crise de 1992 constatent que nous ne voyons aujourd'hui rien de tel en Europe : les parités n'y bougent absolument pas ; les taux d'intérêt y sont les plus faibles au monde, le Japon mis à part. Voilà le résultat de l'effort - car cela a bien été un effort, lequel n'a pas été sans coût - que les peuples européens, y compris le peuple français, ont consenti pour mettre en place la monnaie unique.

Première conclusion : la crise que nous venons de vivre - nous nous en serions bien volontiers passés valide ce choix européen. La zone euro n'est certes pas à l'abri des péripéties qui peuvent se produire à l'extérieur, mais elle les ressent avec moins de force dans la mesure où les planches du radeau ayant été resserrées fortement, la mer démontée a moins tendance à le disloquer.

M. Alain Barrau.

Très belle image ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Deuxième conclusion : nous avons bien fait, notamment vous, mesdames, messieurs de la majorité qui avez soutenu cette politique, de miser sur la demande interne. Car s'il y a bien quelque chose qui caractérise la politique conduite depuis seize mois, c'est le fait d'avoir fait le pari d'une croissance tirée par la demande interne.

En 1997 encore, la croissance, certes faible mais tout de même présente, était largement tirée par les exportations.

Aujourd'hui, elle l'est totalement par la demande interne : consommation et investissement. Bien entendu, chacun comprend que, dans ces conditions, les fluctuations qui peuvent intervenir sur la demande extérieure, le ralentissement d'économies extérieures nous portent moins préjudice puisque notre croissance ne repose pas sur les exportations.

Pour illustrer mon propos, je citerai deux chiffres. Au deuxième trimestre 1997, lorsque nous courions les meetings en vue des élections à venir, la croissance des exportations était de l'ordre de 15 % par an, ce qui est considérable. A la fin de cette année, selon les meilleures prévisions, elle ne sera plus que de 2 %, ce qui est un ralentissement énorme. Si nous avions continué à avoir une croissance tirée par les exportations, d'abord sans doute celle-ci ne serait-elle pas cette année de 3,1 %, mais au-delà nous serions extrêmement exposés à ce ralentisse-


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ment de la demande mondiale. Or c'est le contraire qui s'est passé car, dans le même temps, la croissance de la demande interne, qui n'était que de 0,5 % pendant ce deuxième trimestre 1997, est aujourd'hui de 4 %. Dans les contributions à la croissance, nous avons totalement substitué la demande interne aux exportations. Bien nous en a pris ! Nous avons ainsi mis l'économie française, plus que d'autres, à l'abri des fluctuations internationales.

C'est l'une des raisons, et peut-être la principale, qui fait que nous sommes en avance sur la croissance européenne en 1998, alors que nous étions en retard sur cette même croissance de 1993 à 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Si bien que, lorsque j'entends certains parlementaires de l'opposition considérer que je suis exagérément optimiste, je leur réponds volontiers : oui, je suis optimiste parce que la croissance française est robuste ; elle est fondée sur la demande interne et elle a prouvé pendant cette année ce qu'elle était capable de faire.

Nous sommes probablement encore en dessous de notre croissance potentielle. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison véritable de craindre des affaissements. On peut aller plus ou moins vite, selon que l'environnement sera plus ou moins porteur. Si, en plus de la demande interne, l'environnement international était favorable, nous irions encore plus vite, cela va sans dire. Mais pour autant, il n'y a aucune raison de jouer les Cassandre et de se croire toujours il y a quelques années, lorsque la politique économique conduite n'était pas celle d'aujourd'hui.

La troisième conclusion à tirer, c'est qu'il faut garder le cap sur le moyen terme. Ce qui compte, c'est d'avoir une croissance durable, et non une croissance limitée à un ou deux ans. J'ai déjà eu l'occasion de souligner, devant l'Assemblée nationale, qu'une augmentation d'un demipoint seulement des rythmes de croissance, mais qui se reproduit pendant plusieurs années, fait des différences considérables à l'arrivée. Ce qui est important pour notre pays, ce n'est donc pas seulement la croissance de 1998 ou celle de 1999, c'est d'assurer déjà la croissance de 2000, voire de réfléchir à celle de 2001. D'ailleurs, les publications de prévisions de croissance d'organismes internationaux dont vous aurez connaissance dans quelques jours, non seulement confortent la prévision de croissance française pour 1999, mais aussi donnent des prévisions encore meilleures pour l'an 2000. Ce qui compte, et ce que nous faisons, c'est préparer une croissance longue, qui durera trois ans, voire quatre ans, contrairement à l'habitude française qui consiste à avoir deux ans de croissance et quatre ans de faible croissance, ce qui explique largement l'importance du chômage dans notre pays. Nous devons inverser cette mécanique afin d'avoir engrangé trois, quatre, cinq ans de croissance même, si possible, avant que le cycle ne se retourne un jour, car il se retournera bien sûr. Pour cela, à côté de la demande et de la consommation dont j'ai parlé, nous devons aussi travailler sur l'offre, notamment en matière d'innovation, de modernisation. J'invite les chefs d'entreprise à se préparer dès aujourd'hui à affronter la concurrence asiatique qu'ils devront subir lorsque les économies asiatiques auront retrouvé leur rythme de croissance. L'investissement d'aujourd'hui dans l'économie française, c'est la compétitivité dont nous aurons besoin dans un ou deux ans, lorsque les économies asiatiques, de retour à la croissance, viendront nous contester des parts de marché.

Mais pour que cela soit durable, il faut aussi assainir nos finances publiques et je confirme ce que je vous avais annoncé il y a un an : pour la première fois depuis des decennies, le rapport de la dette publique au PIB décroîtra dans notre pays en l'an 2000. C'est le résultat d'une politique engagée dès 1997, que nous continuons cette année et qui se poursuivra en 1999. En l'an 2000, le sommet aura été dépassé, le rapport de la dette publique au PIB décroîtra. Tout le monde s'en réjouira et force sera de constater que ce sera la première fois depuis plus d'un quart de siècle, après de fortes hausses au cours des années quatre-vingt-dix.

M. Philippe Auberger.

On n'en prend pas le chemin ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oh si, monsieur le député, on en prend le chemin !

M. Philippe Auberger.

Le ratio de la dette augmentera encore en 1999 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Auberger, il ne vous a pas échappé que l'année 1999 venait avant l'année 2000. Si je dis que le rapport de la dette publique au PIB commencera à baisser pendant l'année 2000, c'est qu'il augmentera encore en 1999.

M. Philippe Auberger.

Ne soyez pas piqué au vif, monsieur le ministre ! Vous aurez besoin de votre calme pendant toute la semaine ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je confirme donc pour M. Auberger que le ratio de la dette au PIB continuera à augmenter faiblement - il sera au sommet de la courbe, ce sera presque plat - en 1999 par rapport à 1998 et qu'il baissera à partir de l'an 2000.

J'en viens maintenant à un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre : la prévision de croissance pour 1999.

J'espère que nous aurons droit à de longs développements de la part des intervenants de l'opposition, qui auront à nous donner les arguments justifiant leur mise en cause de cette prévision, puisque l'un des principaux arguments qui les fait douter de la qualité du budget que le Gouvernement vous présente, c'est leur appréciation de la prévision de croissance. Il convient en effet que leur discours ne soit pas purement électoraliste et qu'ils justifient leurs commentaires.

M. Charles de Courson.

Absolument ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'entends plusieurs remarques.

La première consiste à dire que la prévision est a ncienne et que l'environnement a changé. Cette remarque est factuellement erronée. La prévision de croissance a été fixée fin août, ce qui est le cas chaque année.

Il n'y a pas d'autres moyens. D'ailleurs, aucun gouvernement n'a fait autrement, puisque le projet de budget doit être déposé au conseil des ministres en septembre. Cette critique n'a donc pas de sens. Elle est tout simplement contraire à la réalité.

L'on prétend aussi que cette prévision ne tiendrait pas c ompte d'un environnement international qui s'est dégradé. C'est encore une erreur. En effet, cette prévision tient fortement compte de la dégradation de l'environnement international. La dernière prévision de croissance que nous avions réalisée datait du mois d'avril dernier et elle était alors de 2,8. Celle que nous avons finalement retenue n'est que de 2,7 %, mais l'environnement international ne compte pas que pour 0,1 %, ce serait une lecture infantile de l'évolution. La prévision a été diminuée de près d'un demi-point - 0,4 % - à cause de


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l'environnement. Pourtant, en avril, l'environnement international était en effet déjà très gris, presque noir.

Malgré tout, de 2,8 %, la prévision de croissance est passée à 2,4 %. Mais, dans le même temps, les informations données par l'INSEE, et par tous les organismes qui mesurent la consommation et l'investissement, ont fait apparaître que les projections de consommation et d'investissement pour 1999 étaient meilleures que prévu. On a donc ajouté 0,3 point. Je résume : 2,8 % moins 0,4 % plus 0,3 % donnent 2,7 %, à savoir notre prévision actuelle, qui intègre une dégradation très sensible de l'environnement international à partir du mois d'avril, alors que celui-ci était déjà, à l'époque, peu satisfaisant.

La critique selon laquelle cette prévision de croissance de 2,7 % pour l'année prochaine ne tient pas compte de la dégradation de l'environnement international, n'est tout bonnement pas fondée.

Alors, on me dira sans doute que, malgré tout cela, je reste trop optimiste. Je l'ai beaucoup entendu. Eh bien non ! Je suis désolé d'avoir à vous contredire, mais je ne suis pas d'un naturel particulièrement optimiste, pas particulièrement pessimiste non plus d'ailleurs, et la prévision que je propose avec Christian Sautter n'est en rien optimiste. D'ailleurs, le FMI, qui n'est généralement pas considéré comme composé de joyeux drilles particulièrement euphoriques...

M. Philippe Auberger.

Malheureusement, le FMI s'est bien trompé ces derniers mois ! Si seulement il était infaillible, cela se saurait ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Auberger, vous prenez des risques inconsidérés ! Pour 1998, les prévisions du FMI étaient justes quand les vôtres étaient totalement fausses. L'année dernière à la même époque, vous avez aligné ici même un ensemble de sornettes que j'aurai à coeur de ne pas rappeler pour le moment - mais je ne résisterai sans doute pas au plaisir de le faire lorsque je répondrai aux orateurs.

M. Alain Barrau.

Personne n'y résisterait ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Donc, s'il vous plaît, un peu de réserve ! Le FMI, qui n'est pas composé de gens particulièrement optimistes, prévoit, pour la France, pour l'année prochaine, une croissance de 2,8 %. La Commission européenne, qui révise ses projections en ce moment et les rendra publiques dans quelques jours, sera très proche de la projection française - il ne m'appartient pas de révéler les chiffres, mais elle le fera dans quelques jours.

Même chose pour l'OCDE. Quant à ce que l'on appelle le consensus des économistes - les économistes qui travaillent dans les instituts privés sur la place de Paris, les banques, les grandes entreprises, les centres de recherche il est un peu en dessous, c'est exact : à 2,5 %. L'année dernière, il était aussi à 2,5 %. Nous avions dit que nous ferions 3 % et nous serons à 3,1 %. Aujourd'hui, le consensus des économistes est à 2,5 %, l'écart entre leur prévision et celle du ministère des finances s'est donc réduit. Soit les économistes se sont améliorés dans leur manière d'apprécier la conjoncture, soit c'est nous qui nous sommes améliorés. Je considère en tout cas qu'un consensus des économistes, qui est généralement pessimiste, à 2,5 % conforte tout à fait notre prévision à 2,7 %. Bien sûr, on peut toujours élaborer des scénarios catastrophes. Je ne crois pas pour autant que la dramatisation soit un mode sérieux de conduite des affaires du pays. La responsabilité des décideurs politiques, c'est d'être lucides dans l'analyse et sereins dans l'action. Cela vaut quand on est dans la majorité, comme quand on est dans l'opposition. Alors, pourquoi l'opposition déclaret-elle si volontiers que l'on ne pourra pas tenir 2,7 % de croissance ?

M. Philippe Auberger.

Vous défendez la politique du Gouvernement ou vous répondez à l'opposition ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Certains me glissent à l'oreille qu'elle lance le débat sur 1999 pour masquer ses erreurs de 1998. En effet, messieurs de l'opposition, lorsque, dans vos interventions, vous critiquerez cette prévision de croissance en disant qu'elle est trop optimiste, en fait vous ne ferez rien d'autre que reprendre votre discours de l'année dernière sur un papier qui aura à peine jauni. Je me rappelle M. Alain Madelin disant sans rire l'année dernière à cette tribune : « Le Gouvernement va dans le mur en matière de croissance. » Des murs comme cela, on en redemande

! (Sourires.) Evidemment, avoir eu raison pour 1998 ne signifie pas que l'on aura raison pour 1999.

M. Gilles Carrez.

Enfin un peu de modestie ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Absolument, soyons modestes !

M. Yves Deniaud.

Cela serait bien la première fois ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais s'être trompé en 1998 ne garantit pas plus que l'on aura raison dans ses critiques pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Dans ces conditions, je dis, avec l'humilité qui sied aux prévisionnistes (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), que 2,7 % n'est qu'une prévision. Je la pense la plus réaliste, mais ce n'est jamais qu'une prévision, et j'invite tous ceux qui se sont beaucoup plus trompés que le Gouvernement l'année dernière à plus de réserve dans leur jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela dit, tout le monde n'invoque pas cet argument.

Ce sont seulement les mauvais esprits qui le font.

D'autres me disent : « Non, ce n'est pas du tout pour masquer son erreur de l'année dernière que l'opposition engage le combat sur le taux de croissance, c'est parce qu'il y a une sorte de plaisir malsain à dénigrer la France. »

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) On ne peut pas y croire, je suis d'accord avec vous !

M. Jean-Jacques Jégou.

Pas vous ! Pas ça ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce ne peut pas être vrai, n'est-ce pas, monsieur de Courson ! Ceux qui disent cela sont médisants, en effet. Vous voyez que nous avons des points d'accord ! En fait, il ne vous viendrait jamais à l'esprit de vous délecter des malheurs supposés du pays. Je lisais, dans un quotidien du soir paru aujourd'hui, une phrase de Chateaubriand - peut-être l'avez-vous lue aussi, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson.

Oui, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Elle vous gêne peut-être !

M. Charles de Courson.

Non, pas du tout ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dans ce cas, permettez-moi de la citer. Chateaubriand disait à Charles X qu'il avait tort « de mettre


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les malheurs de son pays au rang de ses espérances. » Je

ne peux croire que vous fassiez cela. Ce n'est donc pas l'explication.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

D'aucuns fournissent alors une troisième explication de la raison pour laquelle vous voudriez absolument critiquer la prévision de croissance avec un acharnement que personne ne comprend car il a été démenti par les faits l'année dernière. L'idée est simple - on me l'a soufflée à l'oreille : il est plus facile de critiquer la prévision de croissance que de faire des propositions.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Ce sont des préjugés ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais je ne pense pas que ce soit cela non plus, car vous en faites, des propositions.

M. Philippe Auberger.

Revenez au sujet ! Défendez votre budget ! Ne répondez pas à l'opposition ; elle ne s'est pas encore exprimée ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous en faites des propositions, avec un peu d'amnésie, certes, mais vous en faites. Par exemple, certains d'entre vous proposent de baisser les impôts, oubliant par là même que les prélèvements obligatoires n'ont jamais autant augmenté qu'entre 1993 et 1997.

M. Marc Laffineur.

Et les déficits, qu'est-ce que vous en faites ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je croyais, monsieur Laffineur, que votre thèse pour diminuer le déficit, c'était baisser la dépense, pas augmenter les impôts. Alors, quand vous dites, maintenant, qu'il faut baisser les impôts, vous êtes un peu amnésiques. D'ailleurs, je vais proposer au président de l'Assemblée nationale de faire disparaître cette magnifique tapisserie qui, comme vous le savez, représente l'Ecole d'Athènes, et d'afficher en permanence la courbe des prélèvements obligatoires dans notre pays.

M. Charles de Courson.

Et celle des déficits ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous constaterons ainsi qu'elle monte quand la droite est au pouvoir et qu'elle descend lorsque c'est la gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il est bon que les Français qui nous regardent lors des questions d'actualité et qui, parfois, vous en conviendrez, assistent à un spectacle que nous regrettons les uns comme les autres, puissent voir, lorsque la caméra se tournera vers cette courbe affichée sur un tableau, qui fait monter les prélèvements obligatoires et qui les fait baisser.

M. Charles de Courson.

Il faut montrer les déficits en même temps ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous montrerons aussi les déficits. Cela dit, vous n'êtes pas très charitable, monsieur de Courson, car si l'on montrait aussi la courbe des déficits, on verrait que le plus grand déficit jamais atteint dans l'histoire de France depuis Charlemagne a été enregistré en 1994, sous M. Balladur. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Charles de Courson.

C'est absolument faux !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Et la récession de 1992 ? Enfin, quand même !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de calme ! Ne vous laissez pas troubler par l'Ecole d'Athènes, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne me laisse pas troubler, mais je partage avec eux le refus de cette affirmation sans nom qui laisserait penser qu'ils discutent la prévision de croissance parce qu'ils ne seraient pas capables de faire des propositions. D'ailleurs, j'entends des propositions depuis quelques jours, depuis que nos camarades sociaux-démocrates allemands ont gagné et qu'ils ont annoncé qu'ils allaient organiser une baisse d'impôts. Certains d'entre vous, mesdames, messieurs de l'opposition, ont alors dit : « Ah, voilà des bons socialistes ! » Il est vrai qu'en France, à droite, on n'aime les socialistes que quand ils sont étrangers ! C'était Tony Blair l'année dernière, c'est Gerhard Schro der cette année.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Et qu'est-ce qu'on dit ? Qu'est-ce que je lis ? Je lis : « Voilà ! Eux, au moins, ils baissent les impôts ! »

M. Maurice Leroy.

Ils sont étrangers, mais pas socialistes ! (Rires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, je vous reconnais une compétence, que je n'ai pas et que je ne veux pas avoir, pour distinguer les Français des étrangers. Laissez-moi la compétence pour distinguer ceux qui sont socialistes de ceux qui ne le sont pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

En tout cas, nos camarades allemands ont annoncé - vous vous en réjouissez, tant mieux, moi aussi - une baisse d'impôts de 10 milliards de deutschemarks en quatre ans ! Dix milliards de deutschemarks, ce sont 33 milliards de francs. En quatre ans, c'est 8 milliards par an !

M. Philippe Auberger.

Sur l'impôt sur le revenu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est pas mal, mais nous en faisons 16 cette année. Nos amis allemands sont donc à mi-chemin de la baisse d'impôts que nous organisons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas sérieux !

M. Francis Delattre.

On a vu où ça a conduit ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne sais pas qui cela a conduit où ; la seule chose que je sais, c'est que nous baissons les impôts de 16 milliards cette année,...

M. Gilles Carrez.

C'est faux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... ce qui est deux fois plus que la moyenne prévue par nos amis allemands.

M. Philippe Auberger.

C'est truqué ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'ailleurs, dans une certaine mesure, la baisse d'impôt est une spécialité socialiste. En effet, la dernière baisse d'impôts importante a été la baisse de 25 milliards de l'impôt sur le revenu en 1997. Certes, elle a été votée par votre majorité, mais vous savez comme nous tous qu'elle n'était pas financée et qu'il a fallu un prélèvement supplémentaire sur les sociétés pour arriver au bout de


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l'année avec le déficit prévu. C'est même la raison qui vous a conduit à dire que vous ne pourriez pas boucler votre budget puisque vous aviez annoncé une baisse d'impôts mais que vous n'aviez pas les moyens de la faire.

Alors, finalement, ceux auxquels les Français doivent être le plus redevables, sont-ils ceux qui ont annoncé la baisse d'impôts ou ceux qui l'ont financée ? J'ai tendance à croire, parce que ma fonction m'y conduit, que ce sont ceux qui la financent. Or, c'est la majorité actuelle qui a financé la baisse d'impôts de 1997 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous faites aussi des propositions sur les déficits.

Contrairement à ce que vous prétendez, l'effort que fait la France en 1999 est important. Il représente 0,7 point de PIB puisque les déficits vont passer de 3 % à 2,3 %. C'est même l'un des plus gros efforts réalisés en Europe. Certes, nos niveaux de déficits sont plutôt supérieurs à ceux de nos voisins.

M. Philippe Auberger.

Ce sont les plus mauvais ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ils sont plus mauvais en raison d'un passé particulièrement grave. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Néanmoins, je le répète : l'effort qui est projeté en France pour l'année 1999 correspond à 0,7 point de PIB.

C'est le premier - ou le deuxième, tout dépend comment on compte - des pays européens. Mais j'y reviendrai tout à l'heure.

Que chacun, sur tous les bancs, en soit assuré : la politique du Gouvernement doit être de continuer cet effort.

Car faire baisser le déficit, c'est faire baisser les intérêts que le budget est amené à payer au titre de la dette. Or, vous le savez comme moi, ces intérêts, qui représentaient en 1980 5 % de la dépense publique, représentent aujourd'hui 20 %. Les marges de manoeuvre dont l'Etat pouvait espérer disposer pour intervenir ont fondu à mesure que les remboursements d'emprunts prenaient plus de place. Tous ceux qui, à gauche comme à droite, voient dans le budget de l'Etat un instrument d'intervention, doivent donc avoir à coeur de faire baisser ces remboursements, et donc de faire baisser le déficit.

M. Charles de Courson.

Et donc les dépenses ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les libéraux convaincus qui, de leur côté, pensent que moins l'Etat intervient, mieux on se porte, et considèrent que l'Etat ne doit surtout pas disposer d'une marge de manoeuvre, accepteront des intérêts d'emprunts importants.

Mais ceux qui, comme moi, et sans doute comme beaucoup parmi vous, pensent que l'Etat doit avoir la possibilité d'intervenir sur les écoles comme sur les routes, sur la défense comme sur la recherche, ne peuvent que désirer voir se reconstituer les marges de manoeuvre et d'intervention de l'Etat, et donc les intérêts payés diminuer. Aujourd'hui, 20 % de ce que nous déboursons sont consacrés à payer ces intérêts, et c'est pour cela qu'il faut faire baisser les déficits.

Autre raison à cela, que j'ai abordée tout à l'heure : le déficit, c'est de la dette, et ce sont nos enfants qui vont la payer. Or il n'y a pas de légitimité morale à ce qu'une société comme la nôtre reporte sur les générations futures les dépenses d'aujourd'hui.

En 2000, pour le première fois depuis des décennies, notre budget va connaître une diminution de la dette par rapport au PIB. Cette diminution de la dette que nous léguons à nos enfants correspond, de la part d'un gouvernement, à un devoir moral. Et l'on peut regretter que, dans le passé, qu'elle qu'ait été la couleur politique du Gouvernement, cette préoccupation n'ait pas été suffisamment forte pour que cette diminution ait lieu.

Faire décroître la dette par rapport au PIB, c'est donc réduire les déficits.

Dernière raison, à laquelle certains d'entre vous seront peut-être plus sensibles que d'autres : les intérêts que nous versons, par centaines de milliards, ne se retrouvent pas dans la poche de tout un chacun. Car les Français qui touchent ces intérêts ne font généralement pas partie des couches les plus modestes de la population. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons c'est que plus il y a d'intérêts versés, plus le budget est antiredistributif. Que l'on passe de 5 % à 20 % d'intérêts versés et voilà 20 % du budget qui est, par essence, antiredistributif. Car la redistribution se fait massivement vers les hauts revenus plutôt que vers les bas revenus.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais à qui parlez-vous ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ce n'est pas pour nous ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je regrette que ce ne soit pas pour vous. Je croyais que tout le monde, ici, était intéressé par la justice sociale. Si ce n'est pas le cas, je me tournerai vers la partie de l'hémicycle qui se sent concernée. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais puisque vous, mesdames et messieurs les députés, êtes intéressés à la justice sociale,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

En effet, c'est intéressant ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... vous devez avoir à coeur de faire en sorte que les intérêts versés diminuent. Encore une fois, il faut diminuer le déficit.

Néanmoins, il faut en fixer le niveau chaque année.

On peut en faire plus ou moins, selon les possibilités de l'économie.

J'entends l'opposition affirmer qu'il faudrait baisser davantage le déficit. Cela ne me semble pas très cohérent, alors que la croissance se ralentit - 2,7 % l'année prochaine, contre 3,1 % cette année. Cela relève même d'une curieuse analyse économique ! Généralement, les économistes considèrent que ce n'est pas à ce moment qu'il faut faire un budget déflationniste.

Certains vont encore plus loin et tiennent un raisonnement dont j'ai du mal à sentir la logique. Première partie : la baisse de 0,7 % du déficit à laquelle nous comptons parvenir sera facilitée par la croissance - vous l'avez entendu cent fois comme moi. Deuxième partie : comme il y aura moins de croissance, il faudra baisser encore davantage le déficit.

C'est curieux. Si c'est grâce à la croissance que l'on baisse le déficit, on ne peut pas, en même temps, affirmer que lorsque la croissance est moins forte, il faut en profiter pour baisser encore plus le déficit. (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mais la contradiction régit parfois les propos d'une opposition...

M. Yves Deniaud.

Surtout quand c'est vous qui les inventez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et il faut que nous acceptions des discours dont la logique n'est pas toujours apparente.

Aujourd'hui, si l'on tient compte des perspectives de croissance qui sont les nôtres, et qui sont fortes, prévoir une diminution de notre déficit de 0,7 %, la plus importante parmi les pays européens, c'est ambitieux sans être exagéré.

Evidemment, quand on suggère de baisser à la fois les impôts et le déficit, la seule sortie possible, c'est de baisser les dépenses. Or vous constaterez comme moi que, généralement, on ne dit pas lesquelles ! Certes, c'est un argument qu'il est facile de retourner à l'opposition lorsqu'elle dit qu'il faut baisser les dépenses.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Il est indispensable de le savoir ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Celles destinées aux infirmiers ou aux instituteurs ? Mais le fait que l'argument soit facile n'en change pas la réalité. Même s'il est aisé de poser pareille question à l'opposition, il lui faut répondre et dire quelles dépenses elle vise.

M. Charles de Courson.

Vous ne l'avez jamais fait ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Méhaignerie, que je salue, préconise une croissance zéro de la dépense. Cela signifie qu'il faut maintenir la dépense au même niveau, en francs courants.

M. Pierre Méhaignerie.

Non, en francs constants ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

En francs constants, cela correspond à vingt milliards de moins que ce nous envisageons.

M. Jean-Jacques Jégou et M. Charles de Courson.

Non, 18 !

M. Philippe Auberger.

18, c'est déjà un progrès.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela signifie aussi qu'il faut, par exemple, supprimer le programme des emplois jeunes, les dépenses prévues pour l'exclusion ou geler les minima sociaux...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Facile ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et encore, je crois que cela ne suffirait pas pour atteindre ces 18 ou 20 milliards en francs constants.

Mais surtout, cette proposition de Pierre Méhaignerie signifie qu'il faut revenir sur tous les choix qu'a faits la majorité depuis seize mois en matière de politique économique - emplois jeunes, loi sur l'exclusion, indexation des minima sociaux.

L'honorable parlementaire nous suggère en réalité de faire comme si les Français ne s'étaient pas exprimés l'année dernière au printemps 1997 en faveur d'un changement de politique...

M. Jean-Jacques Jégou.

Pas ça ! Changez de registre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et de revenir sur tous les choix que nous avons faits et qui sont à l'origine de ces dépenses. Eh bien ! je lui réponds tout simplement non ! Les Français se sont exprimés. Ils ont souhaité une autre politique.

C'est celle-là que nous mettons en oeuvre. Qu'elle ne vous convienne pas me paraît légitime. Car si elle vous convenait, vous auriez voté pour nous. Cela se saurait.

(Sourires.)

Que vous critiquiez notre politique est normal. Mais il faut bien avoir à l'esprit que lorsqu'on dit qu'il faut dépenser 20 milliards de moins ce n'est pas neutre et que les 20 milliards visés sont ceux que nous engageons pour mettre en oeuvre la politique du Gouvernement.

M. Madelin, d'ailleurs, fait encore plus fort, puisqu'il propose de diminuer la dépense de 55 milliards.

M. Philippe Auberger.

Laissez Madelin tranquille ! Ce n'est pas notre maître à penser ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je note avec plaisir la réaction de M. Auberger.

M. Jean-Claude Lefort.

On ne tire pas sur une ambulance ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vous suis. Je n'en dirai rien d'autre. Votre seule remarque a été suffisamment « assassine » : vous avez ainsi rappelé à tous ceux qui sont dans cet hémicycle qu'il fut le ministre des finances à l'origine de la hausse de 2 points de TVA et des 60 milliards de prélèvements qui ont cassé la croissance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'est pas resté.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez raison, il est parti. Jamais, mes chers collègues, je n'arriverai à être aussi sévère que vous avec lui. Je m'arrête donc.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Je constate que vous êtes sensiblement plus créatifs lorsque vous êtes dans l'opposition que lorsque vous étiez au pouvoir.

(« Comme vous ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Et les budgets que vous avez réalisés de 1993 à 1996 sont très différents des voeux que vous exprimez aujourd'hui.

En un mot, vous nous demandez de défaire aujourd'hui ce que vous avez fait quand vous étiez au pouvoir : croissance de la dépense et des impôts. Nous devrions même être d'accord, puisque nous faisons exactement ce que vous nous demandez, à savoir contrebattre ce que vous avez fait pendant quatre ans ! Car nous limitons la croissance des dépenses, et nous faisons baisser les impôts.

M. Charles de Courson.

N'en faites pas trop, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

En tout cas, très sincèrement et très sérieusement...

M. Philippe Auberger.

C'est vraiment du guignol ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Auberger, vous avez le droit de considérer que la politique que vous avez conduite est une politique de guignol. Personnellement, je ne me permettrai pas un tel qualificatif...

M. Philippe Auberger.

C'est de votre discours que je parlais, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur les discours...

M. Philippe Auberger.

Vous avez à défendre votre budget !

M. Yves Deniaud.

C'est une caricature ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne caricature pas l'opposition, monsieur le député, je la décris. Cela suffit à mon bonheur.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Quoi qu'il en soit, la politique de baisse des dépenses - sensiblement accentuée chez M. Madelin par rapport à la proposition de M. Méhaignerie - que vous préconisez serait déflationniste dans la conjoncture actuelle.

C'est une politique que la France a connue. Vous allez encore crier à la caricature, mais je ne fais qu'illustrer mon propos. Souvenez-vous, il y a de cela plus de soixante ans, des fameux décrets Laval ; il s'agissait de diminuer à tout prix la dépense publique. On en connaît la conséquence !

M. Charles de Courson.

Et celle du Front populaire, vous voulez en parler aussi ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On n'a jamais connu de politique, dans aucun pays, qui ait réussi à soutenir la croissance en faisant tomber la dépense.

Vous avez le droit de dire que la croissance est trop forte et que c'est le moment de faire tomber la dépense.

Mais vous ne dites pas cela. Vous dites que la croissance n'est pas assez forte. Dans ces conditions, soyez cohérents jusqu'au bout et « remballez », pour des années meilleures, vos propositions de baisse des dépenses.

Voyez-vous, j'ai plus confiance en vous que vous n'en avez vous-même.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Si vous critiquez la prévision de croissance, c'est parce que vous craignez que celle-ci ne soit pas au rendez-vous et que cela pose des problèmes d'exécution du budget. Vous mettez donc le Gouvernement en garde en lui disant : si la croissance n'atteint pas 2,7 %, comment le budget s'équilibrera-t-il ? J'ai entendu ce matin, sur une radio nationale, un parlementaire de l'opposition dire, en dramatisant évidemment la situation : si la croissance n'est pas au rendezvous, comme on ne pourra pas réduire les dépenses, il faudra augmenter les impôts ; et de vouloir faire peur aux Français.

Rassurez-vous ! Très honnêtement et très « comptablement », cette remarque n'a pas de sens. Imaginons que la croissance n'atteigne que 2,6 %, ou même 2,5 % - ce que je ne crois pas une seule seconde. Elle serait de 0,2 point de moins que prévu. Or, 0,2 point de PIB, c'est 16 milliards de richesse nationale produite en moins.

Le prélèvement d'Etat étant de l'ordre de 15 %, le manque à gagner fiscal serait de 2,5 milliards. Sur 1 500 milliards, vous voyez que l'équilibre n'est pas en péril. Il ne nous manquerait d'ailleurs pas 2,5 milliards, mais plus vraisemblablement 1,5 milliard seulement. En effet, une grande part des recettes fiscales est assise sur l'impôt sur le revenu de 1998 et sur l'impôt sur les sociétés de 1998. Or celles-ci sont acquises, quelle que soit la croissance de 1999.

On essaierait de nous faire croire que notre pays est exposé à un grand péril parce que, sur plus de 1 500 milliards de recettes, il pourrait manquer 1,5 milliard ? Sans compter que les prévisions, les vôtres comme les nôtres, ne sont pas précises à ce point ; elles ne sont pas au millième près. Et même si nous essayons de faire de notre mieux, nous ne connaissons pas, à un milliard près, de combien seront les recettes.

Encore une fois, je tiens à rassurer ceux qui parmi vous, honnêtement, craignant un déséquilibre de la loi de finances à cause d'une anticipation de croissance exagérée.

M. Charles de Courson.

Tout va très bien, madame la marquise...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même si la croissance était plus faible que celle qui est prévue, la difficulté que vous escomptez - je n'ose pas dire que vous espérez - ne serait pas au rendez-vous.

M. Marc Laffineur.

On croirait la discussion budgétaire de 1992 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quelqu'un, du côté de l'opposition, vient de dire : « On croirait la discussion budgétaire de 1998. »

De nombreux députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

1992 !

M. Jean-Jacques Jégou.

Là où ça fait mal ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pardon, j'avais compris 1998 ! Celle du budget pour 1998, vous en conviendrez, ne m'a pas laissé un mauvais souvenir.

Le budget que nous vous présentons est totalement orienté vers la croissance. Car, et c'est le dernier point que je voudrais souligner, la croissance n'est pas seulement une prévision, c'est un objectif de politique économique.

La croissance ne tombe pas du ciel, elle se construit.

Ce sont les choix budgétaires et fiscaux, dans un environnement international donné, avec une économie donnée, qui permettent de la pousser vers le haut ou qui, au contraire, la tirent vers le bas.

Le contexte, vous l'avez dans le rapport économique et financier : création, l'année prochaine, de 230 000 emplois marchands, plus quelques 70 000 emplois-jeunes, soit au total 300 000 emplois, exactement le même nombre d'emplois nouveaux qu'en 1998.

Comment se fait-il, me demanderez-vous, que l'on puisse créer autant d'emplois en 1999 par rapport à 1998 alors que la croissance sera un peu plus faible ?

M. Jean-Jacques Jégou.

En effet ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est que la croissance de 1999 sera plus riche en emplois, comme disent les économistes, grâce notamment à la réduction du temps de travail, qui fait que pour la même croissance, il y aura plus d'emplois créés.

Le pouvoir d'achat croîtra l'année prochaine de 2,5 % contre 2,8 % cette année. Ce sont les deux chiffres les plus élevés depuis le début des années quatre-vingt dix.

L'investissement croîtra de 6 % à peu près, comme en 1998, alors qu'en 1997 il avait baissé de 0,1 point.

Le déficit des comptes publics sera ramené à 2,3 %, ce qui représente, pour l'ensemble des comptes publics, un effort très élevé, de l'ordre de 50 milliards de francs. Et tous les membres de l'Assemblée nationale auront à coeur de souligner deux autres phénomènes : l'équilibre des comptes sociaux - moins 37 milliards en 1997, moins 12 milliards en 1998, équilibre en 1999 - et ce qu'on appelle l'équilibre primaire pour le budget de l'Etat, c'està-dire l'équilibre avant paiement des intérêts. Or cet équilibre primaire avait été perdu en France depuis 1991.

Ainsi, en 1999, nous retrouverons l'équilibre primaire pour le budget de l'Etat et l'équilibre absolu pour le budget de la sécurité sociale.

M. Philippe Auberger.

C'est vous qui l'aviez perdu, en 1991 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les prélèvements obligatoires baisseront de 0,2 point, comme en 1998. La promesse faite par le Premier ministre entre dans les faits.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

M. Philippe Auberger.

Et en 1997 ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'année 1997, monsieur Auberger, connut une augmentation des prélèvements obligatoires. C'est que, peut-être vous en souvenez-vous, il avait fallu augmenter l'impôt sur les sociétés pour financer la baisse de l'impôt sur le revenu.

M. Philippe Auberger.

Mais non !

M. Yves Deniaud.

Ce sont vos dépenses ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je voulais le rappeler à ceux qui peut-être l'avaient oublié.

Le plus significatif peut-être est que la part qui sera prélevée en 1999 par le secteur public sur la croissance, sur la richesse nouvellement créée ne sera que de 40 %.

M. Gilles Carrez.

Des deux tiers, en vérité ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les deux tiers, monsieur Carrez, c'était la situation jusqu'en 1997. En effet, de 1990 à 1997, la sphère publique - sécurité sociale, collectivités locales,

Etat - prélevait en moyenne quelque 60 % de la croissance de chaque année, avec un pic extraordinaire en 1996, l'année des fameux deux points de TVA !

M. Jacques Rigal.

L'année terrible ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette année-là, la sphère publique a prélevé 87 % de la richesse nouvellement créée. Rien ou presque n'est resté dans la poche des consommateurs. Est-on surpris que la consommation se soit à ce point affaissée ? En 1998, ce pourcentage est retombé à 40 %, ce qui explique la baisse des prélèvements obligatoires. En effet, q uand le prélèvement marginal est inférieur à la moyenne, la part des prélèvements obligatoires dans le PIB diminue.

En 1999, il sera aussi de 40 %. En maintenant ce taux, nous garantissons la baisse des prélèvements obligatoires. Elles est d'ores et déjà acquise pour 1998. Elle est prévue dans le projet de budget pour 1999.

M. Gilles Carrez.

Où ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Finalement, ce que la croissance permet par l'augmentation de recettes que spontanément elle génére, c'est de dégager 16 milliards pour la dépense publique, 1 % de progression en termes réels comme nous l'avions annoncé, afin de financer les priorités qui sont celles de la majorité ; 16 milliards également pour la baisse des impôts et 21 milliards - c'est le même ordre de grandeur - pour la réduction du déficit. Le gain procuré par la croissance est donc réparti en trois tiers à peu près égaux.

C'est un choix qui aurait pu se faire différemment : plus de baisse d'impôts, moins de baisse du déficit, ou le contraire. Le Gouvernement vous propose cet équilibre qui lui semble être le plus adapté à la fois aux attentes des Français et à la poursuite d'une diminution du déficit public sur un rythme dont nous aurons l'occasion de reparler, mesdames, messieurs les députés, puisque Chritian Sautter et moi-même viendrons vous présenter dans quelques semaines des projections de finances publiques sur trois ans : 2000, 2001 et 2002. Nous verrons à cette occasion comment ces projections triennales organisent à la fois les prélèvements obligatoires et le déficit.

Ce budget est aussi un budget de réformes : réforme de la taxe professionnelle, réforme de la taxation du gazole, réforme de la TVA, qui baisse sensiblement, notamment la TVA sur les compteurs EDF et GDF, réforme des droits de mutation.

Parmi toutes ces réformes, auxquelles il faut ajouter celle de la taxe d'habitation qui prendra place dans le collectif, car il n'était pas possible, compte tenu des délais constitutionnels, de l'intégrer à la loi de finances, chacune, à elle seule, aurait suffi à remplir une loi de finances des années passées. Toutes ces réformes fiscales dans une seule loi, c'est plus qu'il n'en n'a jamais existé dans notre pays, c'est deux fois plus d'articles fiscaux qu'il n'y en a d'habitude.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

On va changer de tenture !

M. Jean-Yves Gateaud.

Cela vous dérange, messieurs ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous pouvez certes vous en plaindre, car les réformes fiscales que conduit la majorité ne sont pas celles qui plaisent à l'opposition. Mais ce sont des réformes qui servent l'emploi : la taxe professionnelle ; qui servent la justice fiscale : la taxe d'habitation ; qui servent l'écologie : la taxe sur le gazole ; qui servent la consommation : la baisse de la TVA. Et chacune prise séparément, je le répète, aurait suffi à vous satisfaire dans une des lois de finances passées.

M. Jean-Jacques Jégou.

Encore !

M. Francis Delattre.

Attention les chevilles !

M. Jean-Yves Gateaud.

Ça les dérange vraiment !

M. Gérard Fuchs.

Pure jalousie ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Enfin, c'est un budget...

M. Maurice Leroy.

On en veut d'autres ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous en aurez d'autres pendant de nombreuses années ! Enfin, ce budget est à l'écoute des préoccupations de nos concitoyens ou du moins, essaye d'en tenir compte.

La réforme mettant fin au régime de TVA pour les m icro-entreprises, jusqu'à un chiffre d'affaires de 500 000 francs, concernera 500 000 entreprises et permettra la disparition de quinze millions de formulaires qui auraient dû être remplis pendant l'année 1999 et ne le seront pas.

Les Français pensent que les impôts sont trop lourds : ils baissent de 16 milliards.

Les Français pensent que les prélèvements obligatoires sont trop élevés : ils diminuent de 0,2 point.

Les Français pensent que les impôts sont trop nombreux : huit d'entre eux disparaissent. Sans doute, messieurs, avez-vous encore en mémoire la dernière fois où sous un gouvernement conservateur, huit impôts ont disparu, et vous ne manquerez pas de nous le rappeler...

Nous supprimons de petits impôts, certes, pour beaucoup d'entre eux : carte d'identité, permis de conduire, etc.

Mais huit impôts disparaissent cette année, et c'est comme ça qu'on simplifie le système fiscal.

M. Philippe Auberger.

C'est formidable : il y a du Poincaré dans cet homme !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

M. Francis Delattre.

Ce n'est plus une photo, c'est une statue ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Enfin, ce budget se veut un budget de justice.

Là encore, je ne vous rappellerai qu'un chiffre : entre 1997, donc le budget pour 1998, et maintenant, 1998, donc le budget pour 1999, les transferts opérés sont limpides ; ils figurent dans le rapport économique et financier : plus 28 milliards d'imposition des revenus du capital, moins 20 milliards d'imposition des revenus du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

On peut être pour, on peut être contre ! Mais c'est la traduction fiscale très claire d'une orientation politique.

Traditionnellement, dans notre pays, la fiscalité des revenus du capital était beaucoup plus faible que celle des revenus du travail ; il fallait corriger cela.

Sous l'angle de la hiérarchie des revenus, on constate que, tous effets confondus, les réformes fiscales de l'année dernière - suppression des niches, etc. - et celles de cette année conduisent à un alourdissement de la fiscalité pour les 10 % de ménages les plus riches : 12 milliards de plus, et à un allègement de la fiscalité pour 90 % des ménages : 8 milliards de moins.

Transfert de prélèvements sur les revenus du travail vers les revenus du capital et transfert d'une partie de la charge de l'impôt pesant sur 90 % des ménages vers les 10 % disposant des revenus les plus élevés : dans ces deux mouvements, c'est bien la justice sociale qui est à l'oeuvre, ce sont bien les orientations de la majorité qui s'expriment. A mesure que le temps passe et que cette politique s'ancre dans les faits, nos concitoyens s'en rendent compte.

Ce budget est celui du Gouvernement, c'est aussi celui de toute la majorité et c'est logique, puisqu'il a été construit en concertation avec elle. Je voudrais remercier ceux qui, avec Christian Sautter et moi-même, se sont tout particulièrement consacrés à cette tâche. Je pense à Augustin Bonrepaux, le président de la commission des finances, à Didier Migaud, son rapporteur général, et plus généralement à tous les commissaires, non seulement les trois rapporteurs mais aussi les autres, qui ont participé activement à la discussion avec le Gouvernement.

Bien entendu, Christian Sautter et moi-même assumons entièrement la responsabilité de ce budget. Mais je tenais à souligner tout ce qui revient à chacun, avant que nous ne commencions à examiner les amendements.

Ceux que vous présenterez recevront du Gouvernement le meilleur accueil possible, pour peu qu'ils ne changent pas l'équilibre général de la loi de finances. Par ses propositions, la commission des finances a déjà entrepris d'améliorer le projet de budget et c'est bien la finalité de la discussion parlementaire.

M. Alain Barrau.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ensemble, plus ensemble que par le passé, nous avons construit un bon budget, le budget dont la France a besoin. Ensemble, nous allons encore le faire bouger, l'améliorer. Ainsi, la majorité - et si l'opposition veut s'associer à ce travail, elle sera, bien sûr, la bienvenue - aura toutes les raisons d'être fière du projet de budget pour 1999, comme elle constate aujourd'hui, dans la façon dont fonctionne notre économie, qu'elle peut être fière du budget qu'elle a voté pour 1998. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, Dominique Strauss-Kahn vient de le souligner, le projet de budget que nous vous présentons pour l'année prochaine est adapté au contexte macro-économique de la France et il traduit fidèlement les priorités du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.

Ce budget contribue à soutenir la croissance, à la consolider par la demande intérieure, grâce à une politique fiscale tournée vers l'emploi et vers la consommation des ménages.

Ce budget traduit nos priorités, aussi bien du côté des recettes que du côté des dépenses. Il s'agit de développer l'emploi, de renforcer la justice sociale, d'améliorer les missions de service public, de perfectionner le cadre de vie de nos concitoyens.

Comme le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a rappelé, les marges de manoeuvre ont été réparties en trois tiers à peu près égaux : 16 milliards de francs pour la baisse des impôts, 16 milliards pour le financement des priorités et 21 milliards pour la baisse du déficit.

Sur ce dernier point, je voudrais citer quelques chiffres complémentaires, pour montrer à quel point il est important d'avoir retrouvé l'équilibre primaire. Cela veut dire, en clair, qu'en 1999, pour la première fois depuis 1991, l'Etat ne sera plus obligé d'emprunter pour payer les intérêts de sa dette. Grâce à la réduction du déficit, grâce à des taux d'intérêt favorables en raison du choix de l'euro, la charge de la dette va plafonner, l'an prochain, puisqu'elle ne progressera que de 2,4 milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1998. Il y a quelques années à peine, le service de la dette augmentait de 20 milliards de francs par an. Le contraste entre ces deux chiffres montre l'ampleur des marges de manoeuvre que l'on peut dégager par ce moyen.

En ce qui concerne les dépenses, la progression est fixée à 1 % en volume, et je donnerai tout à l'heure le détail de son affectation. J'ajoute que ces 16 milliards sont complétés, vous aurez l'occasion de le constater en discutant de chacun des budgets, par un effort de réexamen systématique des dépenses, de façon à dégager des marges de manoeuvre supplémentaires. Ce redéploiement, comme disent les spécialistes, s'élève à plus de 30 milliards de francs et contribue à ce que l'Etat, en 1999 comme en 1998, dépense mieux.

Les recettes fiscales traduisent un effort de redistribution que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a souligné : redistribution des ménages aisés vers les ménages les plus modestes et des revenus du capital vers les revenus d'activité, je n'y reviens pas.

Avant de vous présenter dans le détail les recettes et les dépenses, je voudrais insister sur un point qui est à la fois de fond et de méthode : le budget que Dominique Strauss-Kahn et moi-même vous présentons est plus transparent que dans le passé. En effet, vous l'aurez noté, le Gouvernement a procédé à une opération, que je crois sans précédent, de budgétisations et même, dans un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

certain nombre de cas, de rebudgétisations, qui s'inscrit clairement en rupture par rapport à certaines traditions anciennes.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Plus de 45 milliards de francs de dépenses sont réintégrés au sein du budget général, mettant celui-ci en conformité avec des décisions récentes du Conseil constitutionnel, qui s'inspirent pour une part des réflexions de certains spécialistes des finances publiques présents parmi vous.

Récemment encore, il n'était pas rare de masquer la réalité des dépenses en débudgétisant certaines d'entre elles. J'en veux pour exemple le financement du prêt à taux zéro, que le précédent gouvernement avait sorti du budget général...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Tricheurs !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et que nous y réintégrons.

M. Raymond Douyère et

Mme Béatrice Marre.

Eh oui !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

De même un certain nombre de dépenses, qui étaient financées par des fonds de concours et qui n'apparaissaient pas dans la loi de finances initiale, sont explicites dans le texte qui vous est soumis.

M. Didier Migaud rapporteur général.

Il faut le noter.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

De même encore, certaines procédures d'affectation de dépenses dans le cadre de comptes spéciaux du Trésor sont supprimées, afin que le budget présenté à la représentation nationale, et, à travers elle, aux Français, soit plus lisible. Nous avons consenti, en la matière, un effort de sincérité qui, je crois, est important pour la démocratie.

Je vais maintenant présenter rapidement les réformes fiscales dont le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déjà décrit les principes. Ensuite, j'exposerai nos grandes priorités en matière de dépenses.

Nous sommes devant une réforme progressive et profonde de notre fiscalité, qui est critiquée pour son injustice, sa lourdeur, sa complexité. Le Premier ministre a f ixé, dans sa déclaration de politique générale, en juin 1997, les objectifs que devait atteindre cette indispensable réforme. Le projet de budget pour 1999 en constitue une étape importante. Pour vous donner un exemple, aucun gouvernement, depuis vingt ans, n'avait osé entreprendre une réforme de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. Certains l'avaient souhaitée, nous la faisons.

Vous connaissez les objectifs de la réforme fiscale.

L'emploi d'abord, grâce à la suppression de la taxe professionnelle assise sur les salaires et à une série de mesures qui favorisent ceux qui produisent, qui bougent, qui créent, qui innovent. C'est une fiscalité en faveur du mouvement et non plus au bénéfice de la rente.

La justice fiscale ensuite, grâce à une augmentation de près de 30 % du rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune, avec des mesures importantes de lutte contre l'évasion fiscale et la délocalisation ; grâce à la révision des bases locatives des impôts locaux - qui ne figure pas dans le projet de loi de finances, mais vous sera présentée dans le prochain collectif budgétaire ; grâce à des baisses ciblées de TVA et, pour la première fois depuis vingt ans, grâce au gel de la fiscalité sur l'essence sans plomb.

L'environnement encore, grâce à l'alignement progressif de la fiscalité sur le gazole sur l'écart européen moyen.

La simplification, enfin, car le Gouvernement et sa majorité sont persuadés que la complexité de la fiscalité avantage les puissants et que la simplification est un mouvement en direction de la justice fiscale. Nous vous proposons ainsi la suppression pure et simple de plusieurs taxes et l'allégement considérable des formalités administratives.

Au total, il s'agit d'une vraie réforme en profondeur de la fiscalité autour de cinq objectifs : l'emploi, la justice fiscale, l'écologie, l'innovation et la simplification.

Premier objectif : une fiscalité plus favorable à l'emploi.

Dès la loi de finances pour 1998, certaines mesures fiscales ont été arrêtées en vue de favoriser l'emploi. Vous vous souvenez du crédit d'impôt-emploi et du crédit d'impôt pour la réalisation de dépenses d'entretien de l'habitation principale. Nous aurons certainement l'occasion de revenir à ce dispositif au cours du débat budgétaire.

L'effort consenti l'an dernier pour l'emploi est considérablement amplifié cette année.

D'abord par la suppression de la taxe professionnelle sur les salaires, qui doit beaucoup à la réflexion parlementaire animée par Edmond Hervé et sur laquelle je donnerai des informations précises que je souhaite aussi claires et aussi rassurantes que possible.

La taxe professionnelle, créée en 1975, a donné lieu très rapidement à des critiques et à des rapports suggérant sa réforme. C'est effectivement un impôt très critiquable, parce que plus une entreprise embauche, plus elle paie.

C'est un frein à l'emploi souvent dénoncé.

Jusqu'à présent, aucune réforme en profondeur n'avait été entreprise. Un récent rapport du Conseil des impôts a proposé de « nationaliser » cette taxe en instaurant un taux unique national. Le Gouvernement a écarté une voie aussi radicale, mais il engage, au nom de l'emploi, une réforme essentielle en supprimant, sur cinq ans, la taxe professionnelle assise sur les salaires.

Je sais que cette réforme a suscité des controverses en ce qui concerne ses effets sur l'emploi et des préoccupations chez les élus locaux au sujet de sa compensation. Je voudrais apporter des réponses claires sur ces deux points.

Premièrement, l'effet sur l'emploi sera important parce que la suppression de la part salaires profitera d'abord aux petites entreprises et aux secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre. La réforme bénéficiera avant tout au secteur tertiaire : la taxe professionnelle baissera de près de 50 % dans le bâtiment et les travaux publics, de plus de 40 % dans le commerce, de plus de 50 % dans les services en général, de près de 60 % dans l'artisanat, alors que dans l'industrie manufacturière la réduction ne sera que de l'ordre de 20 %.

Or, l'expérience du passé le montre, ce sont ces secteurs qui créent de l'emploi. Les 280 000 emplois créés depuis juin 1997 l'ont été presque exclusivement dans le secteur tertiaire, y compris le bâtiment, tandis que l'emploi dans le secteur manufacturier demeurait à peu près stable. Nous savons aussi que, dans le secteur tertiaire, la densité d'emplois est inférieure en France à ce qu'elle est dans les pays comparables. C'est pourquoi tout doit être fait, en termes d'impôts et de cotisations sociales, pour inciter à la création d'emplois dans les services.

Sortant de cette approche sectorielle, je souhaite vous montrer que cette réforme favorise les petites et les moyennes entreprises.


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Dans ses effets, car la baisse de la taxe professionnelle sera en moyenne de 40 % dans les entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et de 25 % dans celles qui dépassent 500 millions. L'avantage est donc très net pour les PME, que les mesures fiscales de 1997 avaient d'ailleurs déjà épargnées.

Dans ses modalités car, dès 1999, les petites entreprises dont la masse salariale est inférieure à 550 000 francs bénéficieront de la suppression totale de la taxe professionnelle sur les salaires. Ainsi, 80 % de la baisse de la taxe professionnelle profitera aux entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires. Or ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent des emplois. Quelques chiffres le montrent à l'évidence : depuis 1981, les entreprises de moins de 200 salariés ont créé 1,3 million d'emplois, tandis que celles de plus de 200 salariés en supprimaient un million. Cette mesure, ciblée dès sa première étape sur les petites et moyennes entreprises, va donc dans le sens de l'emploi.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Toutefois, et en dépit de la très importante concertation qui a eu lieu, certains élus locaux ont exprimé des inquiétudes. Tout d'abord, je tiens à leur dire que cette réforme n'entrave en rien la libre administration des collectivités locales.

En 1996, les dotations de l'Etat représentaient globalement 30 % des recettes totales des communes. Eh bien, au terme de la réforme qui vous est proposée, ce chiffre passera à 36 %. Il me semble difficile de voir dans ce changement quantitatif une inflexion qualitative,...

M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jégou.

Si !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... surtout si l'on regarde ce qui se passe à l'étranger. En Grande-Bretagne, 80 % des dépenses nettes des collectivités locales sont financés par l'Etat. En Allemagne et aux Pays-Bas, les recettes viennent pour l'essentiel de l'Etat. Mais le fait de se référer aux exemples étrangers ne signifie pas qu'il faille s'aligner sur eux.

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous essayez !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avec ce chiffre de 36 %, monsieur Jégou, nous restons pleinement dans la tradition française d'autonomie réelle des collectivités locales en matière de fiscalité. Je rappellerai, par ailleurs, que le Gouvernement, comme la majorité qui le soutient, est attaché à la péréquation. Et je ne soumettrai qu'un seul chiffre à votre méditation : 5 % des collectivités locales perçoivent 95 % du produit de la taxe professionnelle...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est inadmissible !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

S'agissant précisément du mécanisme de compensation que Dominique Strauss-Kahn, Jean-Pierre Chevènement et moi-même avons mis en place après plusieurs réunions de concertation avec les élus locaux, je veux vous montrer qu'il est clairement favorable aux collectivités locales, et particulièrement aux plus défavorisées d'entre elles.

Nous avons écarté l'option retenue en 1982, lorsque la part salaires avait fait l'objet d'un abattement de 10 %, ou celle de 1987, lorsque avait été institué un abattement général de 16 % à la base, consistant à utiliser la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

Du reste, du fait des mécanismes qui avaient été mis en place par le gouvernement Juppé, cette dotation, et cert ains d'entre vous le déplorent, est en régression constante. Nous avons donc, et je dois dire que JeanPierre Chevènement y a beaucoup insisté, écarté ce schéma, car il n'est pas bon pour les collectivités locales.

Le système que nous avons adopté est le plus sûr et le plus favorable aux collectivités locales. La compensation sera intégrale en 1999, franc pour franc ; ensuite, elle évoluera comme la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire comme le transfert le plus favorable de l'Etat vers les collectivités locales, soit l'inflation plus la moitié du taux de croissance du PIB. Au terme de la réforme, en 2004, cette compensation sera « sanctuarisée » au sein de la dotation globale de fonctionnement.

Si l'on regarde comment le mécanisme proposé aurait fonctionné au cours des cinq dernières années, soit entre 1992 et 1997, on constate que les bases salaires de la taxe professionnelle ont progressé de 10,5 %, alors que la DGF a connu une évolution plus dynamique : 12 %. Si le système que le Gouvernement vous propose avait été appliqué depuis 1992, l'ensemble des collectivités locales aurait donc été avantagé. N'oublions pas que la part salaires représentait 50 % des bases de la taxe professionnelle en 1980, 40 % seulement en 1990 et 34 % aujourd'hui.

La compensation proposée non seulement est plus juste pour l'ensemble des collectivités locales, mais elle avantage celles qui ont le plus de difficultés. Elle contribue, par une sorte de péréquation implicite, à réduire les inégalités entre collectivités.

M. Francis Delattre. C'est une réforme sarcelloise !

M. le secrétaire d'Etat au budget. Ainsi, des communes confrontées à des restructurations industrielles - certains d'entre vous vivent cette réalité - et qui perdent des emplois, ce qui est tout à fait regrettable, cesseront désormais de perdre de la taxe professionnelle.

Elles n'auront plus à courir après les compensations, d'ailleurs partielles et provisoires, offertes par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle.

Avec cette réforme, il restera aux collectivités locales le meilleur de la taxe professionnelle, c'est-à-dire la part investissement qui constitue les deux tiers les plus dynamiques de l'assiette. Cette part a ainsi évolué de 30 % de 1992 à 1997, contre 10 % pour la part salaires, alors même que cette période était particulièrement atone en matière d'investissement - Dominique Strauss-Kahn l'a souligné. Donc, la part de la taxe professionnelle majoritaire en masse et la plus dynamique en évolution reste à l'entière disposition des collectivités locales.

En outre, la suppression totale de la réduction pour embauche et investissement - la REI, comme disent les spécialistes - à compter de 2000 procurera des recettes complémentaires aux collectivités locales en contrepartie de la suppression d'une compensation - 3,2 milliards de francs en 1998 - peu dynamique qui a été progressivement rognée avec le temps. La proposition financière qui vous est faite est donc bonne.

Dernière remarque pour calmer les inquiétudes qui se sont manifestées ici ou là. La réforme de la taxe professionnelle n'entrave en rien le projet de mise en place d'une taxe professionnelle unique d'agglomération, qui conserve toute sa pertinence pour les collectivités locales, puisqu'elle permettra une efficacité accrue des services publics avec des financements garantis, et pour les entreprises qui auront, enfin, un taux unique de taxe professionnelle dans un espace économique cohérent d'agglomération. En effet, les groupements futurs bénéficieront,


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dans le cadre de la taxe professionnelle d'agglomération, de la compensation des bases salaires exactement comme les groupements qui sont déjà constitués.

Au total, je le dis franchement, il s'agit d'une bonne réforme de la taxe professionnelle : elle est juste, équilibrée et efficace pour l'emploi.

Ce n'est pas la seule mesure pour l'emploi. Le développement de l'emploi passe aussi par le développement de l'activité du logement et du bâtiment. C'est un avis partagé par de nombreux parlementaires et évidemment par le Gouvernement. En effet, le soutien de cette activité est particulièrement nécessaire au maintien du dynamisme de notre demande intérieure. Outre la suppression de la taxe professionnelle sur les salaires, qui bénéficiera dans des proportions importantes au secteur du bâtiment, plusieurs mesures du projet de loi de finances ont pour effet de soutenir l'activité de ce secteur.

Il y a d'abord la baisse des droits de mutation à titre onéreux à la fois sur les ventes de locaux d'habitation et sur les cessions de locaux professionnels. Les droits sur les immeubles d'habitation, que l'on appelle familièrement les « frais de notaire » alors que ce sont des impôts, sont particulièrement élevés en France. Désormais, ils passeront en moyenne à 6 % - ce qui représente une baisse d'un cinquième -, par la suppression de la part régionale qui sera évidemment compensée. Il y a là une incitation à la mobilité de l'immobilier et au développement du bâtiment.

Quant aux droits de mutation à titre onéreux applicables en cas de cession d'immeubles industriels et commerciaux, ils seront réduits de 18,2 à 4,8 %, cette réforme s'effectuant là encore à ressource constante pour les collectivités locales.

Ces deux réformes, qui vont dans le sens du soutien au bâtiment, seront complétées - Louis Besson vous en parlera - par l'institution d'avantages fiscaux en faveur des bailleurs privés de logements intermédiaires, qui combinera l'efficacité économique et la justice sociale.

La bonne transmission des entreprises est également un élément essentiel au maintien de l'emploi dans notre pays. Or, toutes les études le montrent, ces transmissions sont plus efficaces lorsqu'elles sont anticipées. C'est pourquoi le Gouvernement vous propose que les droits de mutation dus en cas de donations soient dorénavant réduits de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et et 30 % lorsque le donateur a entre soixante-cinq et soixante-quinze ans. Votre commission des finances a, je crois, adopté un amendement supprimant cette deuxième limite pour une période d'un an. Je pense pouvoir vous dire que le Gouvernement apportera son appui à cette amélioration.

Deuxième objectif : une fiscalité plus favorable à la justice sociale. La recherche de la justice fiscale doit se poursuivre en modernisant la taxe d'habitation, en durcissant la fiscalité pour les gros patrimoines, et en allégeant les impôts indirects pesant sur les ménages.

Je n'insisterai pas sur la modernisation de la taxe d'habitation et de la taxe foncière qui résultera d'une actualisation des valeurs locatives. Cette réforme sera soumise au Parlement dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998.

C'est une réforme fondamentale qui se traduira à l'automne 2000 par des transferts de charges substantiels entre contribuables dans le sens de plus de justice et d'une meilleure correspondance entre les facultés contributives et l'impôt acquitté. Je précise, pour rassurer les p arlementaires, que les transitions nécessaires seront ménagées afin que les évolutions soient bien étalées dans le temps.

Il faut également aménager la fiscalité du patrimoine afin d'empêcher une évasion fiscale que les imprécisions de la loi permettent aujourd'hui. Ce point doit beaucoup aux travaux animés par votre rapporteur général, Didier Migaud. Il convient aussi de poursuivre le rééquilibrage entre la fiscalité du travail et celle du capital.

C'est pourquoi le Gouvernement propose, d'une part, une série de mesures destinées à la fois à lutter contre l'évasion fiscale et les délocalisations de personnes physiques et, d'autre part, la création d'une nouvelle tranche de 1,8 % pour les 800 patrimoines supérieurs à 100 millions de francs.

L'ensemble de ces mesures contribuera à augmenter de 30 % le rendement de l'ISF, qui pourrait être porté de 11 milliards en 1998 à environ 14,5 milliards en 1999,...

M. Philippe Auberger.

Si la Bourse le permet.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... sous réserve, évidemment, monsieur Auberger, de l'évolution des cours des placements financiers.

Dans la même logique, le Gouvernement souhaite adapter l'exonération des droits de succession applicables aux produits d'assurance-vie et qui profite essentiellement aux plus gros patrimoines. Le dispositif initialement envisagé par le Gouvernement a été rejeté par la commission des finances, qui s'est montrée préoccupée sur la constitutionnalité de la mesure. Le Gouvernement se rend aux raisons de la commission et un nouveau système, qui poursuit des objectifs analogues, vous sera soumis dans le cadre de la discussion budgétaire à l'initiative du rapporteur général.

M. Dominique Baert.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Enfin, afin que la fiscalité ne favorise pas les placements financiers des entreprises, il est proposé de réduire en 1999 le taux de l'avoir fiscal dont elles bénéficient de 50 % à 45 %. Il s'agit de réduire l'avoir fiscal que les entreprises se versent entre elles, et en aucun cas de toucher à celui dont bénéficient les particuliers.

D'autres mesures pourront peut-être venir compléter, au cours du débat parlementaire, ce durcissement de la fiscalité des placements des entreprises.

Dernier point, la TVA. La majorité s'était engagée, pendant la campagne électorale, puis le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, à baisser la TVA. Une première étape a été accomplie en ce sens lors de la loi de finances pour 1998, qui a prévu une baisse de 20,6 % à 5,5 % de la TVA applicable aux travaux de rénovation dans le logement social.

Cette mesure importante sera amplifiée en 1999. Je rappelle que l'ancienne majorité avait relevé par deux fois, en 1994 et 1995, le taux de la TVA sur les abonnements à l'électricité et au gaz. Nous proposons, quant à nous, de revenir au taux de 5,5 %, ce qui bénéficiera particulièrement aux ménages modestes.

Cette mesure sera accompagnée d'une diminution à 5,5 % de la TVA applicable à certains appareillages pour les personnes handicapées, de la TVA applicable sur la collecte, le traitement et l'élimination des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif et, de la TVA applicable aux travaux d'amélioration des logements sociaux privés. Peutêtre souhaiterez-vous aller plus loin ? Le Gouvernement est ouvert aux initiatives parlementaires sur ce sujet, mais


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dans le respect des contraintes budgétaires et communautaires. Je rappelle néanmoins que, depuis l'été 1997, le Gouvernement a allégé la TVA de près de dix milliards de francs.

Ces mesures d'allégement de la TVA seront complétées par d'autres baisses de la fiscalité indirecte. En effet, certaines taxes, comme le droit de timbre sur les cartes nationales d'identité ou encore le droit d'examen pour les permis de conduire, qui pénalisent avant tout les ménages modestes et les jeunes contribuables, ont été abolies au 1er septembre de cette année, ce qui bénéficiera à plus de quatre millions de ménages.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Troisième objectif : une fiscalité plus favorable à l'écologie. Sur ce point, et comme l'a souligné Dominique Strauss-Kahn, le Gouvernement s'est fortement appuyé sur le rapport rédigé par

Mme Bricq.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bon rapport !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La volonté de Dominique Voynet, de Dominique Strauss-Kahn et de moi-même de pénaliser les activités polluantes et d'encourager les comportements protecteurs de l'environnement inspire ce que certains ont appelé les mesures fiscales de l'« an I de la fiscalité écologique ». Cela signifie bien qu'il y a une rupture par rapport au passé. Et l'effort amorcé cette année sera poursuivi.

Il est d'abord indispensable de mettre fin à une singularité fâcheuse de la France en Europe en ce qui concerne l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sans plomb : 1,43 franc par litre contre 0,93 franc en moyenne dans l'Union européenne. Le Gouvernement vous propose donc de supprimer la différence par rapport à l'écart moyen communautaire en sept ans.

Concrètement, cela signifie qu'en 1999 la première étape de ce rattrapage, qui sera d'un montant de sept centimes, s'accompagnera, pour la première fois depuis vingt ans, d'une stabilité de la taxe intérieure sur les produits pétroliers sur l'essence sans plomb, carburant moins polluant.

Le deuxième volet de la fiscalité écologique sera constitué de dispositions favorables aux véhicules propres, notamment aux véhicules bicarburés, que le débat parlementaire contribuera peut-être à développer encore.

Enfin, il est important de rationaliser les taxes sur la pollution. Leur multitude et leur affectation à des organismes très divers rendent la politique fiscale de lutte contre la pollution complètement illisible et difficile à gérer.

C'est pourquoi le Gouvernement proposera de substituer, dès l'année 1999, aux taxes sur la pollution existantes une taxe unique, appelée taxe générale sur les activités polluantes, qui sera affectée au budget de l'Etat et redistribuée aux acteurs de la lutte contre la pollution.

Cette fiscalité sera également plus favorable à l'innovation.

En effet, le Gouvernement entend favoriser le capital de proximité investi dans les entreprises de croissance.

Ainsi, le dispositif actuel de déduction fiscale pour les personnes physiques qui investissent dans des PME nouvelles sera pérennisé - les FCPI - et le régime des fonds communs de placements dans l'innovation, sera assoupli.

Nous allons parallèlement mettre en place un nouvel avantage fiscal au titre des dons faits par les particuliers aux associations de soutien à la création d'entreprise.

Enfin, nous allons proposer d'améliorer sensiblement le mécanisme de déduction du revenu global en cas de pertes en capital subies par les investisseurs qui n'hésitent pas à prendre des risques.

Un autre volet de cette fiscalité est constitué par le crédit d'impôt recherche, dont le passé a montré l'efficacité p our encourager les entreprises à investir dans lar echerche et dans le développement. Il sera donc reconduit pour cinq ans, et, surtout, amélioré et réorienté en direction des petites et moyennes entreprises.

Nous avons aussi décidé d'élargir le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises et le dispositif de report d'imposition des plus-values réinvesties dans les entreprises nouvelles à toutes les entreprises à fort potentiel de croissance de moins de quinze ans. Vous constatez que le Gouvernement vous propose un effort justifié et considérable en faveur des nouvelles entreprises, qu'elles soient de haute technologie ou non, car elles constituent des moteurs de l'emploi.

Enfin, nous faisons en sorte de simplifier la fiscalité. Le Gouvernement a déjà mené, sous l'impulsion de Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, un important effort de simplification des relations entre l'administration et les petites entreprises, inspiré par un rapport parlementaire de M. Dominique Baert. Cette démarche de simplification des obligations des petites entreprises est confirmée par plusieurs dispositions essentielles de ce projet de loi et étendue à certaines obligations des particuliers.

D'abord - Dominique Strauss-Kahn en a parlé - une simplification radicale des obligations au titre de la TVA pour plus de 500 000 très petites entreprises sera mise en oeuvre en 1999. Il s'agit d'exonérer de TVA les biens livrés et les prestations facturées par des entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas, selon les professions, 175 000 francs ou 500 000 francs. Je rappelle que le seuil actuel est de 100 000 francs.

Ces très nombreuses entreprises n'auront plus à souscrire de déclarations de TVA, ce qui conduira à la suppression de plusieurs millions de formulaires fastidieux à remplir pour les dirigeants de ces très petites entreprises.

Ainsi, le Gouvernement vous propose non seulement un allégement des impôts, mais, très spécifiquement, une réduction de l'impôt papier, qui pénalise particulièrement les petites entreprises. Cette mesure sera accompagnée d'un allégement sensible des obligations déclaratives pour plus de 800 000 entreprises qui réalisent moins de 5 millions de francs de chiffre d'affaires et qui sont soumises au régime réel simplifié d'imposition. En conséquence, elles auront sept millions de déclarations de moins à remplir l'année prochaine.

Ce qui vaut pour les entreprises sera également valable pour les particuliers, auxquels il faut aussi simplifier la vie.

Ainsi, il ne sera plus exigé de certificat de scolarité pour obtenir la réduction d'impôts pour frais de scolarisation des enfants. Plus d'une famille sur deux bénéficiera de cette mesure de simplification.

Enfin, le mouvement de suppression des petits impôts sera poursuivi. J'ai déjà mentionné le droit de timbre sur les cartes d'identité, le droit d'examen pour l'obtention du permis de conduire. Après l'abrogation de la taxe sur les aéronefs et du droit de timbre sur les contrats de transport que vous avez décidée l'an dernier, six suppressions d'impôt interviendront en 1999, dont celle de la fameuse taxe sur les briquets et les allumettes.


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Le débat sur la fiscalité sera peut-être long, mais nous vous proposons clairement l'abrogation de cinquante-huit articles du code général des impôts et la suppression de dix procédures déclaratives qui concernent plus d'un million de petites entreprises et plus de trois millions de particuliers. Ainsi, près de quinze millions de formulaires par an vont disparaître. Voilà des indications concrètes de la volonté simplificatrice du Gouvernement.

J'en viens à une présentation rapide, puisque vous les connaissez bien, des grandes priorités du Gouvernement en matière de dépenses.

Pour les dépenses, nous avons mobilisé, en fonction des priorités du Gouvernement, non seulement les 16 milliards de francs de recettes fiscales générées par la croissance, mais aussi 30 milliards de francs venant de redéploiements pas toujours faciles à opérer.

Les priorités du Gouvernement sont donc l'emploi et la justice sociale, d'une part, l'amélioration du service public et de la vie quotidienne de nos concitoyens, d'autre part. Elles ne diffèrent pas de celles retenues l'an dernier. Qu'il s'agisse de l'emploi, de la santé, de la solidarité, de la justice, de la sécurité publique, de la culture, de l'enseignement, de la recherche, de l'environnement, le Gouvernement poursuit une action obstinée, une action en profondeur, inscrite dans la durée, selon le plan de route tracé dans la déclaration de politique générale du Premier ministre.

La priorité numéro un accordée à l'emploi a donné des résultats, puisque nous comptons 120 000 chômeurs de moins depuis l'été de 1997. Nous devons poursuivre dans cette voie. C'est pourquoi le budget de l'emploi progressera de 3,9 % l'an prochain, c'est-à-dire de 6,1 milliards de francs. Quant au budget de l'emploi, il poursuit deux ambitions : d'une part, rendre la croissance plus riche en emplois, grâce à la réduction du temps de travail et à l'allégement des charges sociales sur les bas salaires ; d'autre part, réintégrer les exclus ou ceux qui ont des difficultés à entrer dans le monde du travail.

Ainsi, 100 000 nouveaux postes seront créés l'an prochain au profit des emplois-jeunes, portant le total des bénéficiaires à 250 000 depuis la création de la mesure.

De même, le volume d'entrées nouvelles en contrats emploi consolidés, sera doublé pour atteindre 60 000 en 1999.

Une autre des priorités du Gouvernement va à la santé et à la solidarité, dont le budget progressera de 4,5 %, notamment pour créer 2 000 places en centres d'aide par le travail en faveur des handicapés et renforcer les moyens de lutte contre la toxicomanie et le sida.

L a politique de la ville sera également relevée. Avec 1 milliard de francs de crédits, ce budget connaîtra la progression la plus forte : 32 %. Cela permettra de majorer les dépenses d'intervention de 50 %, en particulier au profit des contrats de ville et des grands projets u rbains, pour lesquels une enveloppe spécifique sera créée.

Le logement connaîtra également une progression importante - 4 % -, essentiellement consacrée à l'accès au logement des plus modestes et à la poursuite de l'effort de rénovation du parc de logements.

Il convient d'ajouter à cela que les crédits en faveur de la lutte contre les exclusions tripleront entre 1998 et 1999, passant de 2,4 milliards à 7,7 milliards. Cela montre que le Gouvernement se donne les moyens financiers de mettre en oeuvre les lois que vous avez votées.

En matière d'éducation, les dotations consacrées à l'enseignement scolaire progressent de 4,1 % pour atteindre 12 milliards de francs. J'attends avec curiosité les suggestions de l'opposition de réduire ce budget compte tenu de ce qui se passe dans nos lycées et dans nos rues actuellement.

C es crédits permettront notamment d'accueillir 60 000 emplois-jeunes supplémentaires, aux côtés des enseignants, pour encadrer les élèves. Par ailleurs, les redéploiements internes aboutiront à la création, dès la rentrée scolaire de 1999, dans les établissements scolaires, de 3 300 emplois d'enseignant du second degré et de 616 emplois de personnel non enseignant.

La santé scolaire bénéficiera d'une priorité particulière, avec 600 emplois supplémentaires. Le projet de budget qui vous est proposé envisage la création de 400 emplois de médecin, d'infirmier et d'assistante sociale afin de renforcer les moyens médicaux et de suivi social des élèves.

Par ailleurs, afin de développer l'apprentissage des langues vivantes dans le premier degré, 1 000 assistants étrangers supplémentaires sont recrutés à la rentrée de 1998, soit un quasi-doublement des effectifs.

L es moyens consacrés à l'enseignement supérieur connaissent une évolution encore plus forte, 5,5 %, compte tenu des besoins démographiques et sociaux : 650 emplois budgétaires de personnel non-enseignant - dont 40 affectés au développement des nouvelles technologies dans les IUFM - et 150 emplois budgétaires de personnel de bibliothèque seront créés dans les universités à compter du 1er septembre 1999.

En deux ans, près de 2 000 emplois de personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service auront été mis en place. De plus, afin de permettre aux universités d'assurer la formation des étudiants dans de meilleures conditions, 1 500 enseignants chercheurs supplémentaires seront recrutés à la rentrée de 1999.

Voilà des chiffres concrets qui témoignent d'une activité résolue en faveur de l'avenir.

Par ailleurs, des moyens importants sont prévus au titre du futur plan social étudiant, qui était très attendu.

La deuxième priorité en matière de dépenses est l'amélioration des conditions de la vie quotidienne. En effet, l'Etat doit assurer pleinement ses missions régaliennes et garantir un égal accès de tous au service public. La qualité et la facilité de cet accès sont, en effet, des valeurs fortes tant pour le Gouvernement que pour la majorité qui le soutient.

C'est pourquoi la priorité donnée à la justice en 1998 sera renforcée en 1999. Avec une progression de 5,6 % de ses crédits, ce ministère disposera de 26,3 milliards de francs, soit une progression de 1,4 milliard de francs par rapport à 1998.

Cela permettra de faire progresser de front de nombreux chantiers, afin de mieux répondre aux besoins des usagers et de renforcer les libertés.

L'accélération des procédures pénales, le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, ou encore le développement des maisons de justice, sont autant d'exemples concrets des efforts que nous menons avec Elisabeth Guigou pour rapprocher la justice de nos concitoyens. Dans ce cadre, 930 emplois sont créés, qui devraient avoir des retombées immédiates et concrètes pour nos concitoyens.


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Dans le même temps, les moyens alloués à la sécurité publique sont accrus de 3 %, pour atteindre 53,2 milliards. Cet effort portera surtout sur le fonctionnement de la police et sur les crédits d'investissement du ministère de l'intérieur.

Pour prolonger l'effort de 1998 et répondre aux attentes exprimées par la population en matière de sécurité de proximité, les effectifs totaux de la police atteindront 133 100 agents, soit une hausse de 2,6 % par rapport à 1998. En particulier, 7 600 adjoints de sécurité supplémentaires seront recrutés et affectés en priorité dans les zones sensibles. Cela témoigne d'une volonté concrète de mettre en oeuvre les orientations définies récemment par le Premier ministre en ce qui concerne l'ordre dans notre pays.

Le budget de la culture connaîtra également une progression dynamique de ses crédits qui lui permettra d'atteindre 0,97 % du montant total des dépenses de l'Etat en 1999, soit 15,7 milliards de francs.

Quant au secteur audiovisuel public, son budget s'élèvera à 18,5 milliards de francs, en progression de 2,6 % par rapport à 1998. La hausse du tarif de la redevance sera limitée à celle des prix. De plus, dans la perspective de la réforme de l'audiovisuel public annoncée récemment par le Premier ministre, mais qui n'entrera en vigueur qu'à partir de l'an 2000, la part des recettes publicitaires dans le budget de France 2 sera ramenée, à titre symbolique, en dessous de 50 % dès cette année, réduisant ainsi la dépendance des chaînes publiques et de la création publique vis-à-vis de la publicité.

L'environnement constitue enfin une composante essentielle de notre cadre de vie. Compte tenu du nombre croissant de ses missions, les moyens de ce ministère connaissent une progression sans précédent de 15,1 % à structure constante, soit 2,2 milliards de francs, auxquels s'ajoutera le produit de la nouvelle taxe générale sur les activités polluantes, soit 1,9 milliard de francs.

Parmi les priorités de ce ministère, la protection de la nature et la prévention des risques bénéficieront de la création d'un fonds de gestion des milieux naturels. L'information du public et la protection des personnes seront renforcées, notamment dans le domaine de l'eau et des risques industriels. Enfin, la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables recevront une impulsion dans le cadre de la mise en place de la nouvelle fiscalité écologique.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai souhaité, à travers cette fresque du projet de budget pour 1999, vous montrer la volonté et la cohérence de nos choix. Toutes les mesures que je vous ai présentées, qu'il s'agisse des mesures fiscales, des priorités budgétaires, ou encore de notre politique de réduction du déficit, vont dans le même sens : favoriser une croissance plus forte et plus riche en emplois ; assurer la justice sociale et le partage des fruits de la croissance au profit du plus grand nombre de nos concitoyens, particulièrement de ceux qui en ont le plus besoin.

La confiance retrouvée de nos concitoyens, mais aussi de nos entreprises, les bons résultats enregistrés par la France depuis l'été 1997 montrent que nous avons choisi la bonne voie : la réussite économique et la solidarité, loin de se combattre, peuvent aller de pair et se renforcer mutuellement. Grâce à ce budget et à l'action du Gouvernement, notre pays pourra entrer dans le

XXIe siècle plus fort, plus juste et plus rayonnant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 13 octobre 1998) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 30 octobre 1998 inclus a été ainsi fixé : Mardi 13 octobre 1998 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi d'orientation agricole (nos 977 et 1058).

Discussion générale du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116).

Mercredi 14 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures, jeudi 15 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'aprèsmidi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, vendredi 16 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et, éventuellement, samedi 17 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116).

(Le débat sur l'article 42 relatif à la participation de la France au budget des Communautés européennes aura lieu le jeudi 15 octobre 1998, à 15 heures.) Mardi 20 octobre 1998 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116).

Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078 et 1111 à 1116).

Enseignement supérieur, recherche et technologie.

Le mercredi 21 octobre 1998, à 16 h 30, M. Abdou Diouf, Président de la République du Sénégal, sera reçu dans l'Hémicycle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Mercredi 21 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures : Culture.

L'après-midi, à 15 heures : Questions au Gouvernement.

A 17 h 30 et le soir, à 21 heures : Enseignement scolaire.

Jeudi 22 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures : Environnement.

L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Equipement et transports.

Vendredi 23 octobre 1998 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et, éventuellement, le soir, à 21 heures : Outre-mer.

Lundi 26 octobre 1998 : Le matin, à 10 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (no 1106).

Mardi 27 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures, mercredi 28 octobre 1998, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures, jeudi 29 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et vendredi 30 octobre 1998, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (no 1106).

Les explications de vote et le vote sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale auront lieu le mardi 3 novembre 1998, à 16 heures, après les questions au Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mardi 13 octobre 1998 SCRUTIN PUBLIC (no 125) sur l'ensemble du projet de loi d'orientation agricole Nombre de votants .....................................

567 Nombre de suffrages exprimés ....................

558 Majorité absolue ..........................................

280 Pour l'adoption ...................

316 Contre ..................................

242 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 246. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude B eauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , A ndré Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul B ret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , G uy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme MarieFrançoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , F rançois Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky D arne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique D enise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre D ucout , Jean-Pierre Dufau , Jean-Louis Dumont , Mme Laurence Dumont , MM. Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain F abre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt ,

M M. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel F rançaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , G érard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland G arrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. Jean Glavany , André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , G érard Gouzes , Joël Goyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André L abarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou , MM. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , JeanPaul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon ,

M M. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Henri Nallet , P hilippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogem ont , Bernard Roman , Yves Rome , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , René Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votant : M. Laurent Fabius , (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : C ontre : 137. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc ,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 13 OCTOBRE 1998

Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , JeanMichel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre D elalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric D oligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Marc D umoulin , Jean-Pierre Dupont , Nicolas DupontAignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , F rançois Guillaume , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , J acques Lafleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , A rnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , J acques Masdeu-Arus , Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Renaud Muselier , Jacques Myard , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Michel Péricard , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Q uentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , JeanClaude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Emile Vernaudon , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (68) : Pour : 1. - M. Maurice Ligot

Contre : 59. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Jean-Louis B orloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , H ervé de Charette , Jean-François Chossy , Charles de Courson , Marc-Philippe Daubresse , Jean-Claude D ecagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Pierre Hériaud , P atrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jean-Antoine L eonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , François Loos , Christian Martin , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Abstentions : 8. - Mme Marie-Thérèse Boisseau , MM. Loïc Bouvard , René Couanau , Yves Coussain , Hubert Grimault , Jacques Le Nay , Pierre Méhaignerie et Marc Reymann

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 43. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Renaud Dutreil , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin

Abstention : 1. - M. Paul Patriarche

Groupe communiste (36) : Pour : 36. - MM. François Asensi , Alain Belviso , Gilbert Biessy , Claude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques B runhes , Patrice Carvalho , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Georges Hage , Guy Hermier , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu , MM. André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 33. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves C ochet , Michel Crépeau , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Elie Hoarau , Claude Hoarau , Robert Honde , François Huwart , Guy Lengagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte MarinMoskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver

Non-inscrits (4).

Contre : 3. - MM. Charles Millon , Jean-Pierre Soisson et Philippe de Villiers

Mise au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) M. Maurice Ligot , qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'il avait vou lu

« s'abstenir volontairement ».