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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

1. Loi d'orientation agricole. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 6118).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 6118)

Après l'article 12 (suite) (p. 6118)

Amendement no 96 de la commission de la production, avec les sous-amendements nos 850 de M. Doutin et 327 de M. Mariani, et amendement no 556 de M. Cahuzac : MM. Félix Leyzour, François Patriat, rapporteur de la commission de la production ; Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Christian Jacob. - Adoption du sous-amendement no 850 ; rejet du sous-amendement no 327 ; adoption de l'amendement no 96 modifié ; l'amendement no 556 n'a plus d'objet.

Amendement no 663 de M. Proriol : MM. Jean Proriol, le rapporteur, le ministre. - Réserve.

Amendement no 662 de M. Proriol : M. Jean Proriol. Réserve.

Amendement no 804 de M. Poignant et amendements identiques nos 246 de M. Micaux et 660 de M. Proriol : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre, François Sauvadet, Jean Proriol. - Rejets.

Article 13 (p. 6121)

MM. Claude Desbons, François Sauvadet, le ministre.

Amendement no 330 de M. Guillaume : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 329 de M. Guillaume : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements identiques no 98 de la commission et 840 de M. Leyzour : MM. le rapporteur, le ministre, Félix Leyzour. - Retrait de l'amendement no 840 ; adoption de l'amendement no

98. Amendement no 99 corrigé de la commission, avec le sousamendement no 743 corrigé de M. Marchand, et amendement no 722 de M. Dutreil : MM. le rapporteur, Jean Proriol, le ministre, Christian Jacob, Joseph Parrenin, F rançois Sauvadet, Jean-Michel Marchand, Germain Gengenwin, Félix Leyzour. - Rejet du sous-amendement no 743 corrigé ; adoption de l'amendement no 99 corrigé ; l'amendement no 722 n'a plus d'objet, non plus que les amendements nos 615 de M. Adevah-Poeuf, 664 de M. Proriol et 767 corrigé de M. Jacob.

Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 (p. 6125)

A mendement de suppression no 331 de M. Jacob : MM. Christian Jacob, le rapporteur, le ministre, François Sauvadet, Joseph Parrenin, Félix Leyzour. - Rejet.

Amendement no 100 de la commission, avec les sousamendements nos 601 et 602 de M. Ollier, et amendement identique no 558 de M. Parrenin : MM. le rapporteur, le ministre, Joseph Parrenin. - Retrait de l'amendement no 558.

MM. Christian Jacob, françois Sauvadet, Germain Gengenwin.

Sous-amendement oral de M. Sauvadet à l'amendement no 100 : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

MM. Jean Auclair, le rapporteur, le ministre. - Rejet du sous-amendement no 601.

M. Jean Auclair. - Retrait du sous-amendement no 602 ; adoption de l'amendement no 100.

Amendement no 665 de M. Proriol : MM. Jean Proriol, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 101 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 332 de M. Jacob, 453 de M. Micaux et 723 de M. Dutreil : MM. Germain G engenwin, le rapporteur, le ministre, Jean-Claude Lemoine. - Rejet.

Adoption de l'article 14 modifié.

Article 15 (p. 6128)

A mendement de suppression no 333 de M. Jacob : MM. Jean Auclair, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 334 de M. Guillaume : MM. François Sauvadet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 102 de la commission et 559 de M. Gouriou : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 103 de la commission, avec le sousamendement no 744 de M. Marchand : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Michel Marchand, François Sauvadet. - Rejet du sous-amendement no 744 ; adoption de l'amendement no 103.

Amendement no 454 corrigé de M. Micaux : M. Germain Gengenwin. - Retrait.

Adoption de l'article 15 modifié.

Article 16 (p. 6129)

MM. Yvon Abiven, François Colcombet, Jean Launay, Didier Quentin, Maurice Adevah-Poeuf, Jean Auclair, Léonce Deprez, Jean-Michel Marchand, Christian Jacob, François Sauvadet, Thierry Mariani, le ministre.

2. Rappels au règlement (p. 6140).

MM. François Goulard, Jean Proriol, le président, Philippe Vasseur, André Lajoinie, président de la commission de la production.

Suspension et reprise de la séance (p. 6141)

MM. le président, François Goulard, François Sauvadet.

3. Loi d'orientation agricole. - Reprise de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 6141).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 6141)

Article 16 (suite) (p. 6142)

Amendement de suppression no 356 de M. Mariani : MM. Christian Jacob, François Patriat, rapporteur de la commission de la production ; Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; François Guillaume, Joseph Parrenin, Félix Leyzour, François Sauvadet. Rejet.

Amendement no 104 de la commission de la production : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.


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ARTICLE L. 331-1 DU CODE RURAL (p. 6144)

Amendement no 841 de M. Leyzour : MM. Félix Leyzour, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 740 de M. Marchand : M. Jean-Michel Marchand. - Retrait.

Amendements identiques nos 235 de M. Estrosi, 247 de M. Micaux, 267 de M. Nicolin, 358 de M. Mignon et 500 de M. Gérard Voisin : MM. Christian Jacob, JeanC laude Lemoine, Paul Patriarche, le rapporteur, le ministre, Germain Gengenwin, FrançoisGuillaume, Félix Leyzour. - Rejet.

L'amendement no 105 de la commission, le sous-amendement no 745 de M. Marchand et l'amendement no 560 de M. Parrenin n'ont plus d'objet.

Amendement no 106 de la commission : MM. le rapporteur, Félix Leyzour, le ministre, Christian Jacob, François Sauvadet, Jean Auclair. - Retrait.

ARTICLE L. 331-2 DU CODE RURAL (p. 6147)

Amendement no 366 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre, Germain Gengenwin, Christian Jacob, Joseph Parrenin. - Rejet.

Amendement no 361 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre, François Sauvadet. Rejet.

Amendement no 457 de M. Deprez : MM. Léonce Deprez, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 458 de M. Deprez : MM. Léonce Deprez, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 459 de M. Deprez : MM. Léonce Deprez, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6149).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi M. le président L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1058).

Discussion des articles (suite) M. le président Hier, l'Assemblée a pousuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 96 portant article additionnel après l'article 12.

Après l'article 12 (suite) M. le président Je suis saisi de deux amendements, nos 96 et 556, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 96, présenté par M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges, M. Leyzour et les commissaires membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« En cas de faillite, le lieu d'habitation principal de l'exploitation agricole, en-deçà d'un seuil fixé par décret, ne peut être saisi. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 850 et 327.

Le sous-amendement no 850, présenté par MM. Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 96, substituer au mot : "faillite", les mots : "liquidation judiciaire ou de redressement de l'exploitation agricole". »

Le sous-amendement no 327, présenté par M. Mariani et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, appartenant à la commission de la production, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 96, substituer aux mots : "de l'exploitation agricole", les mots : "de l'exploitant ou des exploitants dans le cas d'une structure d'exploitation agricole de forme sociétaire". »

L'amendement no 556, présenté par MM. Cahuzac, Parrenin, Patriat, Bataille et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant : "Il ne peut être procédé à la vente sur saisie des droits par lesquels est assuré le logement d'un agriculteur". »

La parole est à M. Félix Leyzour, pour soutenir l'amendement no

96.

M. Félix Leyzour.

L'amendement no 96, dont le groupe communiste est à l'origine, a été adopté par la commission.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

La commission a été sensible à l'argumentaton de M. Leyzour.

Elle a donc adopté l'amendement no

96. En revanche, elle a rejeté l'amendement no 556.

monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 96 et 556.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable aux deux amendements !

M. le président.

Le sous-amendement no 850 est-il défendu ?

M. Félix Leyzour.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

On peut également considérer le sousamendement no 327 comme défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 850 et 327 ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission est favorable au sous-amendement no 850 et défavorable au sous-amendement no 327.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable aux deux !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Si nous avons voté sans difficulté les amendements portant sur le revenu des agriculteurs, je m'interroge sur le bien-fondé des amendements nos 96 et 556. En effet, dès lors qu'il y a une liquidation judiciaire, ou une faillite, le propriétaire ne pourra pas reprendre son bien.

Je soutiendrai donc la position du Gouvernement sur ce sujet en votant contre ces amendements, notamment parce que nous avons adopté celui sur la saisie des revenus.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 850.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 327.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 96, modifié par le sous-amendement no 850.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 556 n'a plus d'objet.

MM. Proriol, Perrut, Kergueris et Goulard ont présenté un amendement, no 663, ainsi libellé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« I. Après le premier alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts, il est inséré huit alinéas ainsi rédigés :

« Les plus-values réalisées lors de la cession sont exonérées si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole est inférieur à 1 million de francs.

« Les plus-values sont imposables à hauteur de :

« 10 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole se situe entre 1 et 1,2 million de francs ;

« - 20 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole se situe entre 1,2 et 1,4 million de francs ;

« 40 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole se situe entre 1,4 et 1,6 million de francs ;

« 60 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole se situe entre 1,6 et 1,8 million de francs ;

« 80 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole se situe entre 1,8 et 2 millions de francs ;

« 100 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation agricole est supérieur à 2 millions de francs. »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

L'amendement no 663 veut donner un signal fort en matière de fiscalité et notamment de fiscalité des transmissions.

Nous l'avons dit et répété, nous regrettons que ce projet de loi, qui donne l'orientation de notre agriculture pour les années à venir, ne contienne pas de volet fiscal.

Nous considérons, étant donné l'importance du capital dans les exploitations agricoles, qu'il faut améliorer le système d'exonération des plus-values pour encourager les cédants à transmettre leur exploitation à un jeune agriculteur.

Tout le monde n'a que le mot « installation » à la bouche. Essayons d'introduire dans le projet de loi quelques dispositions favorables à cette installation.

A l'heure actuelle, l'exonération s'applique seulement lorsque le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million de francs. Il faut aller au-delà de ce seuil et mettre en place un système de taxation progressive.

Nous vous proposons que les plus-values soient imposables à hauteur de 10 % de leur valeur si le chiffre d'affaires de l'exploitation se situe entre 1 et 1,2 million de francs ; 20 % si le chiffre d'affaires se situe entre 1,2 et 1,4 million de francs ; 40 % si le chiffre d'affaires se situe entre 1,4 et 1,6 million de francs, etc. pour arriver à 100 % de leur valeur lorsque le chiffre d'affaires est de 2 milions de francs.

Le seuil actuel est loin d'être jugé suffisant pour l'agriculture, secteur où le chiffre d'affaires est très élevé par rapport au revenu dégagé. L'objectif de cette mesure est de favoriser l'installation des jeunes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

De nombreux amendements à caractère fiscal ont été déposés.

La majorité d'entre eux visent à introduire un article additionnel après l'article 64. Les questions qu'ils soulèvent mais aussi les réponses que le Gouvernement leur fera se recoupent largement. Dans ces conditions, et afin de clarifier le débat sur des questions particulièrement complexes, je propose de réserver la discussion de ces amendements jusqu'à ce que nous abordions les problèmes de fiscalité à la fin du texte.

M. le président.

La réserve est de droit.

MM. Proriol, Perrut, Kergueris et Goulard ont présenté un amendement, no 662, ainsi libellé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« I. Le 1 de l'article 793 du code général des impôts est complété par un alinéa (7o ) ainsi rédigé :

« La transmission d'exploitations agricoles à hauteur de 50 % de leur valeur. »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Je remercie M. le ministre pour son attitude pour l'instant réservée. J'espère que cette réserve évoluera favorablement tout à l'heure pour faire progresser la cause de l'installation des jeunes.

L'amendement no 662 vise également la transmission d'exploitations agricoles. Il propose d'améliorer les règles fiscales de cette transmission.

La volonté de transfert du capital entre générations et de maintien de structures viables se heurte en effet en France à des prélèvements qui sont les plus pénalisants d'Europe. Il convient donc de mettre en place un véritable droit de transmission des entreprises qui allège la taxation des transferts pour préserver l'existence des outils de production qui sont source de richesses et d'emplois.

M. Christian Jacob.

Très bon amendement !

M. le président.

A la demande du Gouvernement, l'amendement no 662 est réservé.

Je suis saisi de trois amendements, nos 804, 246 et 660, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 804, présenté par M. Poignant, est ainsi rédigé :

« Après l'article 12 insérer l'article suivant :

« Avant le 31 mars 1999, le Gouvernement déposera un rapport portant sur la réforme de la fiscalité agricole. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

Les amendements nos 246 et 660 sont identiques.

L'amendement no 246 est présenté par M. Micaux ; l'amendement no 660 est présenté par MM. Proriol, Giscard d'Estaing, Perrut, Kergueris et Goulard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« Dans le cadre de la réforme générale de la fiscalité, le Gouvernement étudiera les mesures nécessaires pour :

« favoriser la mutation fiscale des exploitations a gricoles, notamment par une redéfinition des régimes simplifiés et transitoires d'imposition ;

« faciliter une transmission progressive des exploitations ;

« alléger le poids des prélèvements fiscaux opérés sur les bénéfices réinvestis dans les entreprises. »

La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement no 804.

M. Christian Jacob.

J'ai cru comprendre que le ministre ne souhaitait pas introduire un grand volet fiscal dans ce projet de loi. A défaut, il faudrait que très rapidement, et le rapporteur s'est montré sensible à cette proposition, nous puissions disposer d'un rapport sur la réforme de la fiscalité d'ici au 31 mars 1999. Celui-ci pourrait aborder à la fois la transmission, l'assiette fiscale, l'assiette des cotisations sociales, toutes les mesures en faveur de l'installation des jeunes. Cela ne vous empêche p as d'accepter dès aujourd'hui un certain nombre d'amendements fiscaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 804 ?

M. François Patriat, rapporteur.

MM. Poignant, Micaux et Proriol auront gain de cause puisqu'un amendement de la commission un peu plus complet, l'amendement no 226, a été déposé après l'article 64, qui leur donnera satisfaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 804 ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, la commission a adopté un amendement portant article additionnel l'article 64 qui prévoit la présentation par le Gouvernement, avant le 1er octobre 1999, d'un rapport au Parlement portant sur l'adaptation de la fiscalité, les charges sociales et la transmission des exploitations.

Le Gouvernement donnera un avis favorable à cet amendement lorsqu'il arrivera en discussion.

Les questions posées par M. Jacob et qu'il souhaite faire étudier trouveront naturellement leur place dans ce rapport à venir.

L'amendement de la commission me semblant donner satisfaction aux auteurs des amendements, je souhaiterais qu'ils les retirent.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour défendre l'amendement no 246.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, nous regrettons que dans une loi d'orientation, qui marque la direction que nous voulons prendre, vous n'ayez inscrit aucune disposition fiscale. De telles dispositions constituent pourtant des éléments majeurs de la transmission du patrimoine et du fonds, mais aussi de l'installation.

Faute d'aller plus loin en matière de fiscalité - nous aurons ce débat plus tard -, disposer d'un rapport sur la réforme de la fiscalité agricole est déjà un premier pas.

Ce ne sera bien sûr pas suffisant. Nous ne pouvons nous contenter du dépôt d'un rapport. Il faudra aussi engager, monsieur le ministre, une vraie réforme ficale.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement no 660.

M. Jean Proriol.

Nous avons la faiblesse de penser, monsieur le ministre, que ces amendements qui sont déposés à l'article 12 ne sont pas étrangers aux quelques propositions d'orientation fiscale que la commission et son rapporteur souhaitent introduire à la fin du texte.

Nous voudrions en récupérer la paternité.

Nous sommes accompagnés dans notre démarche par le président Giscard d'Estaing - qui a beaucoup insisté sur ce point -, par M. Perrut, M. Kergueris et M. Goulard. Et je ne cite là que les signataires de l'amendement, car nombreux sont ceux qui, comme vous-même, monsieur le président, portant un intérêt un intérêt certain à la fiscalité agricole.

Nous souhaitons agir concrètement. L'amendement no 660 se propose donc de favoriser la mutation fiscale des exploitations, notamment par une redéfinition des régimes simplifiés et transitoires d'imposition. Il vise à faciliter une transmission progressive. Des dispositions imaginatives pourraient être prises dans ce domaine. Il tend aussi à alléger le poids des prélèvements fiscaux opérés sur les bénéfices réinvestis dans les entreprises d'autres collègues sont intervenus dans ce sens.

Je souhaite, monsieur le ministre, lorsque nous reviendrons sur cette question, qu'au-delà du rapport, nous obtenions de la part du Gouvernement, et notamment de Bercy, des engagements forts en matière fiscale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements no 246 et 660 ?

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Proriol, seule la maternité est une certitude. La paternité est un acte de foi. (Sourires.) Croyons ensemble !

M. Jean Proriol.

En quelle matière vous situez-vous ?

M. Paul Patriarche.

Dans celle du PACS ?

M. François Patriat, rapporteur.

Votre amendement anticipe sur contenu de ce rapport. Il est évident que les grands problèmes que vous évoquez - transmission, investissements, revenus différenciés - y seront pris en compte.

C'est la raison pour laquelle la commission a préféré son amendement et propose que le vôtre soit rejeté.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements no 246 et 660 ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même réponse que pour « l'amendement précédent ».

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, vous prévoyez le dépôt d'un rapport au mois d'octobre. Or on sait très bien que si un rapport est déposé au mois d'octobre 1999, celui-ci n'aura pas de traduction législative dès l'automne. C'est une évidence. D'où l'intérêt de déposer un rapport dès le 31 mars 1999.

Tout cela va dans le même sens que l'amendement de M. Micaux, défendu par M. Proriol : il s'agit d'inscrire concrètement lesdites priorités fiscales dans cette loi. C'est pour cela que je ne retirerai pas l'amendement no 804.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 804.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 246 et 660.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 13

M. le président.

Je donne lecture de l'article 13 : C HAPITRE II L'orientation des structures des exploitations agricoles Section 1 Les éléments de référence et la politique d'installation

« Art. 13. - I. - L'article L. 312-6 du code rural est abrogé.

« II. Au premier alinéa de l'article L. 312-5 du code rural, les mots : « et les surfaces prévues aux articles L. 331-2 à L. 331-5 sont fixées » sont remplacés par les mots : « est fixée », et les mots : « Elles sont révisées périodiquement » sont remplacés par les mots : « Elle est révisée périodiquement ».

« III. L'article L. 312-5 du code rural modifié ainsi qu'il vient d'être dit devient l'article L. 312-6 du code rural.

« IV. La section IV du chapitre II du titre Ier du livre troisième du code rural est remplacée par les dispositions suivantes :

« Section IV

« L'unité de référence

« Art. L. 312-5 . - L'unité de référence est la surface qui permet d'assurer la viabilité de l'exploitation compte tenu de la nature des cultures et des ateliers de production hors sol ainsi que des autres activités.

« Elle est fixée par l'autorité administrative par référence à la moyenne départementale des installations encouragées au titre de l'article L. 330-1 au cours des cinq dernières années.

« Elle peut être fixée par région naturelle. Elle est révisée dans les mêmes conditions. »

« V. - L'intitulé de la section V du chapitre II du titre Ier du livre troisième du code rural est remplacé par l'intitulé suivant : « La surface minimum d'installation ».

« VI. A l'article L. 314-2 du code rural, les mots :

« et L. 312-4 » sont remplacés par les mots : « L. 312-4 et L. 312-5. »

Sur l'article 13, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Claude Desbons.

M. Claude Desbons.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant la politique d'installation, le chapitre II rappelle bien que la première fonction de l'agriculture est économique et souligne parallèlement son rôle essentiel d'aménagement du territoire.

Il existe une politique d'aide publique à l'installation fondée sur différents critères, dont le plus important est celui de la viabilité économique de l'exploitation. En remplaçant le critère de surface minimum d'installation par celui d'unité de référence, l'article 13 renforce la pertinence des conditions d'attribution de ces aides. L'encouragement à l'installation répond ainsi de manière plus efficace à sa finalité : inciter les agriculteurs à établir un projet d'exploitation viable et cohérent.

L'intérêt de cette nouvelle référence ne fait pas de doute, puisqu'elle va totalement dans le sens de la pérennité des exploitations et du maintien des agriculteurs dans des activités rentables. En revanche, nous devrions nous étonner du fait qu'un tiers des installations se fait aujourd'hui hors aides publiques, alors que le cadre incitatif mis en place est censé avantager l'agriculteur. L'objectif, bien sûr, n'est pas d'atteindre 100 % d'installations aidées à n'importe quelle condition. Il faut rester ferme sur le principe des critères exigeants, car l'on ne gagne jamais rien à tirer une situation vers le bas.

Mais tout le monde gagnerait à ce qu'un plus grand nombre d'installations atteigne les niveaux suffisants d'obtention des aides. Formation, information, conseil : sans doute faut-il agir sur plusieurs leviers afin de réussir l'application d'une loi qui va dans le bon sens.

Chers collègues, les agriculteurs attendaient avec impatience et à juste titre une nouvelle orientation. Dans ce projet de loi, chaque article participe pleinement à l'élaboration d'une agriculture qui se met au service de tous, et surtout au service de ceux qui la font. Toutefois, malgré un accueil globalement favorable de ce texte, il subsiste sur le terrain quelques craintes quant à sa réelle capacité à structurer une agriculture moderne, viable, apte à relever tous les défis qui se présenteront. Je tiens à le souligner en toute honnêteté car, comme mes collègues de l'opposition, j'en suis le témoin dans mon département. Mais, contrairement à eux, ces réactions n'ont fait que conforter mon opinion positive sur le bien-fondé des propositions du Gouvernement. Car loin de manifester le rejet massif dont l'opposition prétend se faire l'écho, les craintes exprimées témoignent surtout des formidables espoirs que toutes ces propositions suscitent. Les agriculteurs n'ont pas peur que ces mesures soient appliquées.

Bien au contraire, ils craignent qu'elles ne le soient pas réellement.

M. Joseph Parrenin.

Voilà !

M. Claude Desbons.

L'utilité et la nécessité de cette loi sont tellement évidentes que nous devons veiller à ce que le monde agricole en tire pleinement parti. Notre optimisme sera d'autant plus justifié que nous saurons rester attentifs. Ce projet est un signe fort lancé à nos agriculteurs. La confiance qu'ils nous accordent mérite aujourd'hui d'être récompensée.

Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que dans le Gers, qui est présenté comme le département le plus rural de France et où votre projet a recueilli un accueil favorable lors du dernier congrès des jeunes agriculteurs, nous veillerons particulièrement à ce que toutes les mesures qui touchent à la transmission, à l'installation et au maintien d'exploitations rentables produisent de réels effets sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Je rejoins certaines des préoccupations qui viennent d'être exprimées par M. Desbons.

La première fonction de l'agriculture, l'article 13 le rappelle, est économique, l'unité de référence étant la surface qui permet d'assurer la viabilité de l'exploitation.

Nous nous réjouissons que la vocation économique des exploitations soit reconnue comme un élément fondamental.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

L'expression « unité de référence » me semble assez moderne, assez dynamique et meilleure que celle de surface minimum d'installation. Cela dit, nous regrettons que cette unité de référence soit fixée par référence à la moyenne départementale des installations encouragées au cours des cinq dernières années. En effet, un tiers seulement des exploitations sont aidées. A cet égard, il conviendrait de s'interroger sur la complexité des conditions d'installation et d'accès à l'aide publique.

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'en ne retenant que les cinq dernières années, votre vision de l'agriculture se limite à celle que l'on peut avoir en regardant dans un rétroviseur, mais j'aurais aimé une vision beaucoup plus dynamique.

L'installation aidée, c'est un temps de la vie d'une exploitation. Souvent l'installation se fait dans des conditions de viabilité qui sont limites, mais, par la suite, l'exploitation prend sa pleine dimension. Le fait de prévoir une révision est plutôt une bonne chose.

La commission a déposé un amendement pour que la commission départementale d'orientation de l'agriculture soit consultée, ce qui est, à tout le moins, une nécessité puisqu'il existe des schémas départementaux.

Le fait d'avoir retenu le cadre de la région naturelle est aussi une bonne chose.

Nous aurions souhaité que la référence ne soit pas seulement limitée à l'installation encouragée au cours des cinq dernières années, mais qu'on tienne également compte des exploitations déjà existantes et qu'on fasse référence aux schémas départementaux pour lesquels, d'ailleurs, les agriculteurs et les CDOA ont fixé des unités de référence permettant d'assurer l'existence d'une exploitation.

Bref, l'idée est plutôt bonne mais la référence n'est pas suffisante.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je voudrais très succinctement rappeler les objectifs du chapitre II et répondre à M. Desbons et à M. Sauvadet.

Le chapitre II est consacré à l'orientation des structures des exploitations agricoles. Les dispositions qui y figurent me sont apparues indispensables pour mettre réellement un frein à l'agrandissement sans limite des exploitations et donner la priorité à l'installation dans les faits et pas seulement dans les mots.

Les éléments principaux du dispositif que je propose peuvent s'énoncer assez facilement.

Premièrement, modernisation du contrôle des structures en appuyant sur la notion d'unité de référence qui prendra en compte la réalité économique des départements.

Deuxièmement, information et transparence pour que tous les agriculteurs sachent quelles sont les possibilités d'installation. Mais transparence également à travers le rapport annuel sur l'installation, qui établira la comparaison entre les objectifs des plans départementaux et ce qui se passe effectivement.

Enfin, extension du contrôle aux formes sociétaires pour que le contrôle ait tout simplement un sens. En effet, limiter la portée des contrôles des structures aux personnes physiques alors que les formes sociétaires deviennent dominantes reviendrait à priver de toute portée les dispositions que nous envisageons de prendre.

Bien évidemment, je pourrai, à l'occasion de l'examen des amendements, faire écho à telle ou telle interrogation qui pourrait se faire jour.

M. le président.

M. Guillaume et les membres du groupe Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 330, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa du IV de l'article 13, substituer au mot : "cultures", le mot : "productions". »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Par cet amendement, M. Guillaume souhaite remplacer le mot « cultures » par celui de

« productions », qui est beaucoup plus large. Dans l'exposé des motifs de son amendement, mon collègue écrit qu'il est dangereux de fonder des installations sur des ateliers hors sol, compte tenu des risques importants qui leur sont liés.

Pour ma part, je pense qu'il faut avoir une vision globale de l'ensemble des productions et ne pas s'arrêter aux cultures et aux productions, qu'elles soient ou non liées au sol.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Si l'argumentation de M. Jacob est bonne, elle ne correspond absolument pas à ce qui est écrit dans l'exposé des motifs ou dans le texte de l'amendement, puisque l'amendement n'exclut pas les ateliers hors sol. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouverment ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis défavorable, pour le même motif.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 330.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 329, ainsi rédigé :

« A la fin du quatrième alinéa du IV de l'article 13, supprimer les mots : « et des ateliers de production hors sol ainsi que des autres activités. »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Pour établir une unité de référence, il paraît préférable de prendre en compte tous les types de productions et la globalité de l'exploitation. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé l'amendement no 329.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Parce que l'amendement est trop limitatif, j'en demande le rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 329.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 98 et 840.

L'amendement no 98 est présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Leyzour et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 840 est présenté par MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le quatrième alinéa du IV de l'article 13 par le mot : "agricoles". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

98.

M. François Patriat, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de pêche.

Favorable !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour soutenir l'amendement no 840.

M. Félix Leyzour.

Il est satisfait pour l'amendement no 98 ; donc, je le retire.

M. le président.

L'amendement no 840 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no

98. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 99 corrigé et 722, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 99 corrigé, présenté par M. Patriat, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Substituer aux deux derniers alinéas du IV de l'article 13 l'alinéa suivant :

« Elle est fixée par l'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, pour chaque région naturelle du département par référence à la moyenne des installations encouragées au titre de l'article L.

330-1 au cours des cinq dernières années. Elle est révisée dans les mêmes conditions. »

Sur cet amendement, MM. Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un sous-amendement, no 743 corrigé, ainsi libellé :

« Après les mots : "à la moyenne des", rédiger ainsi la fin de la première phrase de l'amendement no 99 corrigé : "exploitations du territoire concerné". »

L'amendement no 722, présenté par M. Dutreil, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier et le dernier alinéas du IV de l'article 13 :

« Elle est fixée par l'autorité administrative après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture en prenant notamment en compte la moyenne départementale des installations encouragées au titre de l'article L.

330-1 au cours des cinq dernières années.

« Elle peut être fixée par régions naturelles et par nature de culture. Elle est révisée tous les deux ans dans les mêmes conditions. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 99 corrigé.

M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement propose une réécriture des deux derniers alinéas du texte proposé pour l'article L.

312-5 du code rural relatif à l'unité de référence. J'espère qu'elle donnera satisfaction à nos collègues de l'opposition. Elle introduit dans le dispositif l'avis de la CDOA et précise que l'unité de référence sera fixée pour chaque région naturelle du département par référence à la moyenne des installations des cinq dernières années dans la zone concernée.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement no 722.

M. Jean Proriol.

L'amendement de M. Dutreil est en partie satisfait par l'amendement précédent. Toutefois, notre collègue insiste sur le fait qu'il faut laisser à la commission départementale d'orientation de l'agriculture une plus grande liberté d'appréciation pour la fixation de l'unité de référence.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 722 ?

M. François Patriat, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même avis !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

La référence aux installations encouragées au cours des cinq dernières années me semble trop restrictive.

D'une part, en cinq ans, il a pu y avoir des évolutions.

D'autre part, il est fait uniquement référence à l'installation. Or, dans la très grande majorité des cas, les installations se font selon un système progressif, 97 % d'entre elles résultant d'une succession directe père-fils ou pèrefille. Souvent, on retrouve des formules soit de type société civile, EARL ou GAEC. Donc, le faible nombre de parts des jeunes au moment de leur installation conduit évidemment à abaisser le seuil de l'unité référence.

La référence à la région naturelle me semble une bonne chose, mais celle relative à la moyenne départementale des installations encouragées au cours des cinq dernières années me paraît totalement restrictive car elle ne correspond pas à la moyenne des exploitations d'un département, la moyenne des installations étant forcément bien en deçà de celle des exploitations.

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Fixer par référence à la moyenne ne veut pas dire que ce sera arbitrairement la moyenne d'installation au cours des cinq dernières années qui donnera l'unité de référence. Sinon, il suffirait d'écrire que l'ordinateur donnera la référence moyenne d'installation.

De plus, la CDOA émettra un avis. Je crois qu'on peut compter sur la sagesse des uns et des autres pour que cette unité de référence soit fixée en tenant compte des installations réelles.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je souscris pleinement à l'argumentation qui vient d'être développée par M. Parrenin.

M. Germain Gengenwin.

Il faut décentraliser davantage !

M. François Patriat, rapporteur.

Vous avez voté contre la décentralisation !

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Cette discussion n'est pas du tout anodine. En effet, l'unité de référence sera un élément important - vous l'avez rappelé vous-même monsieur le ministre - dans le contrôle des structures.

J'ai bien entendu tout ce qui a été dit mais la référence aux installations nous paraît trop restrictive. Prenons un cas concret et imaginons qu'il n'y ait pas d'accord au sein d'une CDOA, eu égard à la complexité de ce type de problème. Quelle référence s'appliquera ? Celle qui est prévue dans le texte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

Si vous pouviez, monsieur le ministre, prendre en compte nos remarques et élargir le champ de la référence aux installations, mais aussi aux exploitations existantes, nous ferions un pas. Ce ne serait pas énorme, mais cela tiendrait davantage compte des réalités.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour soutenir le sous-amendement no 743 corrigé.

M. Jean-Michel Marchand.

J'ai le sentiment que ce sous-amendement peut apporter des réponses aux questions posées.

Je comprends parfaitement ce qu'on nous dit et l'esprit de ce texte. L'unité de référence est un élément essentiel qui va participer à l'aménagement du territoire, mais aussi permettre la pérennisation de l'entreprise agricole et le maintien, voire le développement de l'emploi.

Que l'on prenne en compte l'avis de la CDOA est une bonne chose, et que l'on détermine l'unité de référence par rapport aux régions naturelles est une excellente chose. Mais sans doute n'avons-nous pas les mêmes exemples en tête. Nous, nous pensons que faire référence aux installations aidées et effectuer un retour en arrière de cinq ans augmentera l'unité de référence.

M. Christian Jacob.

Vous êtes un rêveur !

M. Jean-Michel Marchand.

Nous parlons sans doute de départements différents ! Dans l'esprit qui a été indiqué, je propose donc que l'unité de référence prenne en considération la moyenne des installations du territoire concerné. A mon avis, tout le monde devrait y trouver son compte.

M. le président.

Quel est l'avis de commission sur ce sous-amendement ?

M. François Patriat, rapporteur.

Nous avons débattu pendant des heures de ce point en commission et sommes parvenus à un point d'équilibre ; il est donc difficile d'aller au-delà en séance publique, d'autant que j'ai le sentiment que nous avons fait un travail constructif ensemble.

M. François Sauvadet.

Nous ne disons pas le contraire ! Mais si nous pouvons améliorer le texte en séance publique, nous sommes là pour ça !

M. François Patriat, rapporteur.

Monsieur Marchand, i ntroduire la notion de territoire aboutira à une complexité extraordinaire. Il faudra recenser toutes les exploitations et ce sera très difficile. Je préfère l'intervention d'une commission de synthèse, dont la composition est suffisamment large et le rôle suffisamment consultatif pour donner satisfaction à l'ensemble des intervenants.

La commission de la production a donc rejeté ce sousamendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, nous n'enfermons personne dans un cadre strict. L'article 13 prévoit que le calcul de l'unité de référence se fait à partir d'un échantillon représentatif d'exploitations viables. Mais il ne vous a pas échappé que l'article 16 prévoit que les CDOA peuvent déclencher le contrôle des structures, le seuil étant fixé entre 0,8 et 1,5 fois l'unité de référence, ce qui apporte un correctif répondant au souci exprimé par M. Parrenin.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Contre le sous-amendement no 743 corrigé.

Dans cette affaire, la sagesse commande d'être le plus près possible du terrain car la situation peut varier d'une région à l'autre, voire d'un endroit d'une région à l'autre.

L'amendement adopté par la commission répond à cette inquiétude en prévoyant un avis de la CDOA tenant compte de la spécificité des petites régions et des terroirs.

Il faut appliquer ce texte avec beaucoup de sagesse car, dans 90 % des cas, lorsqu'un exploitant cesse son activité, on est content de trouver un repreneur qui valorise les terres.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Je comprends bien que

M. le rapporteur s'interroge sur la notion de territoire.

Mais la loi d'orientation agricole est la première d'une série de lois d'aménagement du territoire. J'espère que la notion de territoire sera dans la plus étroite relation avec celle de pays, qui sera reprise dans la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire. Cette référence ne devrait pas nous inquiéter outre mesure, elle permettra au contraire d'établir une relation entre les deux notions.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

L'objectif que nous visons est-il de relever la moyenne départementale ou de l'abaisser ?

M. François Sauvadet.

C'est d'avoir une bonne moyenne !

M. Félix Leyzour.

A l'origine, j'avais également déposé un amendement tendant à supprimer les mots « installations encouragées ». A la réflexion, et après en avoir discuté au sein de la commission, j'y ai renoncé, parce que nous aurions pu aboutir au résultat inverse de celui que nous visions. Je suis donc favorable à l'amendement de la commission.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Le problème n'est pas de savoir si l'on doit baisser ou relever la moyenne. Il s'agit avant tout de fixer un seuil pivot permettant d'avoir des exploitations viables, et qui le restent pendant les dix ou quinze années suivant l'installation. Et relever l'unité de référence offrira une fourchette plus large permettant une plus grande souplesse.

M. le ministre a rappelé qu'il était possible de moduler entre 0,8 et 1,5 de l'unité de référence et -, des amendements ont d'ailleurs été déposés sur ce point -, mais le pivot reste le même ; nous souhaitons pour notre part qu'il soit plus élevé. C'est la raison pour laquelle nous ne voulions pas faire référence uniquement à l'installation, sachant que celle-ci est dans la majorité des cas progressive, puisque l'exploitation de départ est souvent modifiée dans les dix ans qui suivent, soit par élargissement, soit par agrandissement, soit du fait du développement d'autres ateliers.

Prenons donc comme référence les exploitations parvenues à leur rythme de croisière, et non le moment de l'installation, car l'exploitation peut subir ensuite des modifications de consistance.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 743 corrigé.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 99 corrigé.

(L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. le président. En conséquence, l'amendement no 722 n'a plus d'objet.

Il en est de même des amendements nos 615 de M. Adevah-Poeuf, 664 de M. Prorol et 767 corrigé de M. Jacob.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président.

« Art. 14. - Le deuxième alinéa de l'article L. 330-1 du code rural est ainsi modifié :

« L'autorité administrative établit chaque année un rapport sur l'installation en agriculture dans le département.

Ce rapport est rendu public.

« Les services et organismes chargés de gérer les retraites informent individuellement chaque agriculteur sur l'obligation instaurée à l'article L. 330-2 trois ans avant qu'il atteigne l'âge requis pour pouvoir bénéficier de la retraite. »

M. Jacob, M. Baroin et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 331, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 14. »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Cet amendement de suppression vise à éviter les redondances et la multiplication des rapports et contrôles en tout genre. Le CNASEA remet déjà chaque année un rapport, qui est rendu public, sur la politique d'installation ; je ne vois donc pas ce que cet article apportera de plus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement pour deux raisons.

L'article 14 prévoit la publication d'un rapport annuel sur l'installation dans chaque département. Il prévoit aussi d'assurer très en amont l'information de chaque agriculteur sur l'obligation qui lui incombe, en vertu de l'article L.

330 du code rural, de faire savoir à l'administration s'il a l'intention de cesser son activité.

Cette procédure est essentielle car elle permet de connaître à l'avance les exploitations qui vont se libérer, notamment celles pour lesquelles il n'y a pas de successeur. C'est le B.A.-BA de la politique d'installation que nous voulons mettre en oeuvre. Plus l'information est en amont, plus la possibilité de réaliser l'installation est réelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai dit tout à l'heure, en précisant l'esprit qui avait conduit le Gouvernement à prévoir toutes ces dispositions, qu'il convenait de répondre à un impératif prioritaire de transparence et d'information. J'aurais peine à penser qu'il puisse se trouver dans cette assemblée des parlementaires opposés à cette idée.

Je suis donc défavorable à l'amendement de M. Jacob.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je trouve que vous employez un ton un peu polémique tôt le matin ! Cela laisse présager de bons moments pour l'après-midi et pour la soirée...

Puisque vous faites allusion à la transparence, je vous renverrai aux discussions que nous avons eues hier.

Lorsque nous vous avons demandé un rapport sur les conditions d'application et les résultats des CTE, qui constituent le coeur de la politique que vous voulez conduire, vous avez refusé. Ne venez donc pas maintenant nous donner des leçons de transparence !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

J'ajouterai un argument à ceux qu'a développés M. Sauvadet. On a parlé de transparence. Mais le CNASEA établit un rapport qui est accessible à tous ceux qui le souhaitent. Par ailleurs, les ADASEA sont un excellent relais sur le terrain, permettant d'informer les agriculteurs aussi largement qu'ils le souhaitent.

Je rappelle moi aussi que vous avez refusé qu'un rapport établisse le bilan des CTE après un an d'application, ce qui me paraît choquant.

L'article 14 prévoit en fait un rapport qui existe déjà.

On nous dit qu'il faut une grande transparence, mais celle-ci existe déjà puisque tout le monde a accès aux services de l'ADASEA ; il suffit d'un simple coup de téléphone pour obtenir un rendez-vous et disposer de toutes ces informations. Alors, pourquoi créer une structure supplémentaire ?

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Je répondrai au rapporteur et je défendrai en même temps l'amendement no 100, pour gagner un peu de temps.

Nous avons besoin d'un rapport, et je fais le lien avec notre débat d'hier soir sur le registre de l'agriculture.

Les rapports des ADASEA portent surtout sur les installations aidées, mais nous sommes complètement dans le brouillard en ce qui concerne les installations non aidées. Or nous avons besoin de savoir dans quelles conditions celles-ci se sont développées et quel est leur avenir. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement prenant en compte l'installation progressive. Nous devons rester dans l'esprit de la loi. Si nous voulons maintenir des agriculteurs sur l'ensemble du territoire, il faut prévoir une certaine souplesse pour leur installation.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. Joseph Parrenin.

Sinon, c'est le « déménagement » du territoire que nous organiserons, et ce n'est vraiment pas l'esprit de la loi.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Il serait dommage de suivre M. Jacob et de supprimer cet article.

Le premier alinéa traite de ce qui s'est fait, de la manière dont cela s'est fait, mais le deuxième alinéa traite de l'avenir. Cela permet de prévoir l'évolution en ce qui concerne les retraites et permet à tout le monde de savoir, dans la transparence, quelles terres vont se libérer ; ainsi, ce ne sera pas l'amitié de tel ou tel qui permettra à des jeunes de s'installer. La transparence est extrêmement importante en ce domaine.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur Leyzour, sauf erreur de ma part, pour la quasi-totalité des aides ADASEA, il y a un répertoire à l'installation indiquant les noms des cédants qui n'ont pas de successeur potentiel et celui des jeunes candidats à l'installation. Tout cela existe donc déjà.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 331.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 100 et 558.

L'amendement no 100 est présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Parrenin et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 558 est présenté par MM. Parrenin, Patriat, Bataille et les membres du groupe socialiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Au début de l'article 14, insérer le paragraphe suivant :

« I. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article L.

330-1 du code rural, un alinéa ainsi rédigé :

« Dans ce cadre, elle prévoit des formes d'installation progressive, permettant d'organiser, dans des conditions précisées par décret, des parcours d'accès aux responsabilités de chef d'exploitation agricole, notamment pour les candidats non originaires du milieu agricole. »

Sur l'amendement no 100, je suis saisi de deux sousamendements, nos 601 et 602, présentés par MM. Ollier, Marleix, Auclair, Charroppin, Guichon, Pélissard, Vannson, Vuillaume, Estrosi, Gaymard et Michel Bonrard.

Le sous-amendement no 601 est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'amendement no 100 par la phrase suivante : " En zone de montagne, l'installation sous forme de GAEC est dispensée de l'obligation d'apport minimal de dix hectares au capital social ". »

Le sous-amendement no 602 est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'amendement no 100 par la phrase suivante : " Les modalités de l'installation progressive en zone de montagne sous forme de GAEC prennent en compte la pression foncière en allégeant en tant que de besoin l'obligation d'apport au capital social en surfaces nouvelles ". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 100.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est un amendement essentiel, très demandé par la profession. Il s'agit de mettre en place une installation progressive et de la faciliter dans les textes et dans les moyens. Certains agriculteurs ne peuvent pas s'installer du premier jet, pour des raisons financières ou techniques. On permet ainsi, dans le temps, à ceux qui souhaitent devenir agriculteurs de réaliser leur projet et d'avoir une unité viable.

Je serais également favorable à l'institution d'une retraite progressive et d'une forme de tutorat permettant l'installation des jeunes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis très favorable.

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin, pour soutenir l'amendement no 558.

M. Joseph Parrenin.

Il est identique ; je le retire.

M. le président.

L'amendement no 558 est retiré.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je suis favorable à l'amendement de la commission,...

M. Joseph Parrenin.

Bravo !

M. Christian Jacob.

... sinon on va me dire que nous sommes contre l'installation progressive, mais, sur le fond, il n'apporte strictement rien.

L'installation progressive ne se décrète pas par la loi. Et dans la mesure où elle ne s'accompagne pas de mesures concrètes, cela ne changera absolument rien à la situation.

Mais, je le répète, nous sommes tous d'accord sur le principe d'une installation progressive en dehors du cadre familial.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Nous sommes très favorables à cet amendement. Comme quoi, monsieur le ministre, les articles se suivent et ne se rassemblent pas. (Sourires.)

Il est en effet souhaitable d'introduire un peu de souplesse dans le processus de l'installation, car il est lourd.

Il faut aussi tenir compte de la faiblesse des retraites agricoles, en faveur desquelles un rattrapage a été entrepris dès 1993, et ne pas oublier qu'un certain nombre d'exploitants continuent d'exploiter, eu égard aux moyens dont ils disposent.

Néanmoins, monsieur Parrenin, la précision : « notamment pour les candidats non originaires du milieu agricole » me paraît superflue. Le dispositif doit s'appliquer à tous de la même manière.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Il arrive déjà qu'un jeune prenne une part de l'exploitation et que le père continue.

Adopter cet amendement compliquerait les choses, alourdirait le texte. Bien sûr, nous sommes favorables à l'installation progressive, mais il est inutile de le répéter.

M. le président.

M. Sauvadet a présenté un sousamendement oral à l'amendement no 100, qui vise à supprimer les mots « , notamment pour les candidats non originaires du milieu agricole ».

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. François Patriat, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable.

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Patriat, rapporteur.

Nous avons adopté l'amendement no 100 en commission et maintenant vous voulez revenir dessus !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement oral de M. Sauvadet.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair, pour défendre le sous-amendement no 601.

M. Jean Auclair.

Suite à la pression foncière existant dans les départements difficiles, de montagne ou de piémont, les jeunes agriculteurs ont beaucoup de mal à apporter les hectares supplémentaires pour contribuer au capital social d'un GAEC. Une modification est donc à envisager, qu'il faudrait étendre aux zones de piémont et aux zones difficiles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a repoussé ce sous-amendement, ainsi que le sous-amendement no 602, car elle a estimé qu'il était trop précis et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

qu'il s'insérait mal dans l'article 330-1 du code rural relatif à la politique d'installation rédigé en termes généraux dont les conditions d'application sont fixées par décret.

En outre, le décret du ministre règle la question.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le sousamendement no 601 vise à supprimer l'obligation d'un apport minimal de dix hectares au capital social pour s'installer sous forme de GAEC en zone de montagne.

Or, en réalité, une telle obligation n'existe pas. Ce sousamendement est donc sans objet. Au demeurant, la circulaire relative à la modification de consistance que j'ai récemment prise répond pleinement à l'interrogation de M. Auclair.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 601.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair, pour soutenir le sous-amendement no 602.

M. Jean Auclair.

Ce sous-amendement poursuit exactement le même objectif que le précédent et, suite à la déclaration de M. le ministre, je le retire.

M. le président.

Le sous-amendement no 602 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Proriol et M. Kergueris ont présenté un amendement, no 665, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 14, substituer aux mots : "rapport sur l'installation en agriculture dans le département", les mots : "bilan global de l'application de la réglementation relative au contrôle des structures, au regard des orientations définies par le SDDS et le projet agricole départemental, et notamment de l'installation". ».

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Le principe de l'élaboration d'un rapport a été admis et nous voudrions en fixer les règles d'établissement. Nous souhaitons en particulier l'élargir.

Nous considérons en effet que la seule publication d'un rapport sur l'installation en agriculture dans le département, comme le préconise le projet de loi, est insuffisante ! Il faut améliorer davantage encore la transparence dans ce domaine et évaluer l'écart entre les objectifs affichés dans le plan de développement et les résultats atteints.

En réalisant chaque année un bilan global de l'application de la réglementation relative au contrôle des structures, au regard des orientations définies par le schéma départemental et le projet agricole départemental, l'autorité administrative départementale permettra aux acteurs locaux de mieux appréhender les enjeux de la politique des structures et de se recentrer, si nécessaire, sur les orientations arrêtées préalablement. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission n'a pas accepté l'amendement de M. Proriol non pas parce qu'elle est contre sur le principe, mais parce qu'elle a adopté un amendement no 101 qui lui donne satisfaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même argumentation. Cet amendement est sans objet. J'y suis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 665.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, a présenté un amendement, no 101, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 14 par les mots : "et sert de base à la modification du projet agricole départemental ou du schéma directeur départemental des structures en cas d'inadaptation de leurs objectifs". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Il s'agit de renforcer l'utilité du rapport annuel sur l'installation en agriculture élaboré dans les départements. Si l'on constate un décalage entre les objectifs du schéma des structures et les résultats en matière d'installation, il faudra engager une révision du schéma. J'ai compris que vous souhaitiez une information aussi complète que possible, exhaustive, pour réussir l'installation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 332, 453 et 723.

L'amendement no 332 est présenté par M. Jacob et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 453 est présenté par M. Micaux ; l'amendement no 723 est présenté par M. Dutreil.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 14 par la phrase suivante :

« Ces organismes de retraite informent, dans le même délai, les propriétaires des biens sur lesquels l'agriculteur exerce son activité. »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

J'avais prévu de ne défendre que l'amendement de M. Micaux, mais Christian Jacob ayant été obligé de s'absenter, je soutiendrai également le sien puisque c'est exactement le même.

M. François Patriat, rapporteur.

Il fallait n'en faire qu'un !

M. Germain Gengenwin.

Le dernier alinéa de l'article 14 prévoit que les services et organismes chargés de gérer les retraites informent chaque agriculteur de l'obligation de faire connaître à l'autorité administrative son intention de cesser l'exploitation trois ans avant qu'il n'atteigne l'âge requis pour pouvoir bénéficier de la retraite, afin qu'il puisse prendre ses dispositions. Par cet amendement, nous préconisons que le propriétaire soit en même temps informé de la retraite de l'exploitant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a rejeté ces trois amendements. Ils sont en effet inutiles dans la mesure où le code rural impose un préavis de dix-huit mois dans les relations preneur-bailleur.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis défavorable, au nom de la même argumentation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Je sais très bien qu'il doit y avoir des relations entre bailleur et preneur, mais on ne les connaît pas toujours. S'opposer à la disposition proposée risque de rendre plus difficile l'installation des jeunes.

En revanche, l'adoption d'un tel amendement permettrait au propriétaire de disposer d'un laps de temps suffisant pour retrouver un locataire et peut-être d'éviter une nouvelle concentration au cas où il n'aurait pas trouvé preneur.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 332, 453 et 723.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Article 15

M. le président.

« Art. 15. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 330-2 du code rural est remplacé par l'alinéa suivant :

« Sauf en cas de force majeure, 18 mois au moins avant leur départ en retraite, les exploitants font connaître à l'autorité administrative leur intention de cesser leur exploitation et les caractéristiques de celle-ci, et indiquent si elle va devenir disponible. Cette notification est nécessaire pour bénéficier, éventuellement, à la date prévue, de l'autorisation de poursuivre la mise en valeur de l'exploitation ou d'une partie de celle-ci dans les conditions prévues aux articles L. 353-1 et L. 353-2. »

« II. Les dispositions du I ci-dessus sont applicables un an après la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française. »

M. Jacob et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 333, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 15. »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

L'article 15 contient des éléments importants qui permettront de mieux connaître les mutations : l'ensemble des informations requises et le délai imparti pour les communiquer. La commission a donc repoussé cet amendement de suppression de l'article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable. Je note que la commission de la production propose, par l'amendement no 102, de porter à deux ans le délai dont dispose l'agriculteur pour informer l'administration de son intention de cesser son exploitation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 333.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 334, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du I de l'article 15 :

« Un an avant que les exploitants n'atteignent l'âge de la retraite, les services administratifs compétents interrogeront ces exploitants sur leur intention de cesser leur activité. Ils sont tenus d'y répondre sauf en cas de force majeure. »

La parole est à M. Sauvadet, pour défendre cet amendement.

M. François Sauvadet.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Avis très défavorable, car cet amendement est incompatible avec le dispositif retenu par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 334.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 102 et 559.

L'amendement no 102 est présenté par M. Patriat, rapporteur, M. Gouriou et les commissaires membres du groupe socialiste ; l'amendement no 559 est présenté par

M. Gouriou, Mme Lazard, MM. Abiven, Cuillandre, Kerdraon, Le Bris, et les membres du groupe socialiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 15, substituer aux mots : "18 mois", les mots : "deux ans". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Ces deux amendements identiques visent à faire passer à deux ans le délai dont dispose l'agriculteur pour informer le préfet de son intention de cesser son exploitation. Actuellement, ce délai est de six mois et le projet de loi l'a porté à dix-huit mois.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 102 et 559.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, et M. Marchand ont présenté un amendement no 103, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 15, insérer la phrase suivante : "Ces informations peuvent être portées à la connaissance du public." » Sur cet amendement, M. Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un sous-amendement, no 744, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 103, subtituer aux mots : "peuvent être", le mot : "sont". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 103.


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M. François Patriat, rapporteur.

Cet amendement a été adopté par la commission à l'initiative de M. Marchand.

Dans un souci de transparence, les candidats à l'installation pourront ainsi savoir quelles exploitations seront disponibles deux ans avant le départ à la retraite de l'exploitant. Il est en effet important que l'information soit rendue publique suffisamment tôt pour les nombreux jeunes qui souhaitent s'installer, souvent hors cadre familial.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Excellent amendement !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour soutenir le sous-amendement no 744.

M. Jean-Michel Marchand.

Ce sous-amendement vise à clarifier les choses. En effet, si l'on écrit « peuvent être », on laisse la possibilité que cela ne le soit pas. En écrivant

« sont », on affirme les choses très nettement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a accepté l'amendement, mais pas ce sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je partage l'avis de la commission. Il faut en rester là.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Mon observation porte sur ce sous-amendement, mais aussi sur l'amendement no 103 qui vise à porter des informations à la connaissance du public. Monsieur le ministre, nous avons déjà eu ce débat hier à propos du registre. Il faut se garder de cette volonté que vous affichez de transparence sur certains points et de non-transparence sur d'autres. Cette transparence que vous souhaitez risque de poser un problème.

Je vous rappelle d'ailleurs qu'elle existe déjà sur un certain nombre d'exploitations, notamment dans le cas de préemption par les SAFER. Mais je ne vois pas pourquoi vous voulez sans cesse porter tous les problèmes de structure sur la place publique. Il y a des lieux d'arbitrage au sein des CDOA, par exemple, et, lorsque c'est nécessaire, l'information est forcément rendue publique, notamment pour les interventions des SAFER. Je crains qu'une telle disposition ne soit de nature à jeter le trouble et à mettre le feu dans les campagnes. Personnellement, mais je crois que c'est un avis partagé, je suis donc tout a fait réservé sur cet amendement visant à porter les informations à la connaissance du public.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 744.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 103.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Micaux a présenté un amendement, no 454 corrigé, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 15 par l'alinéa suivant :

« Sauf en cas de force majeure, dix-huit mois au moins avant leur départ en retraite, les exploitants font connaître à leurs propriétaires leur intention de cesser leur exploitation. »

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour défendre cet amendement.

M. Germain Gengenwin.

Il est retiré.

M. le président.

L'amendement no 454 corrigé est retiré.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16

M. le président.

Je donne lecture de l'article 16 : Section 2 Le contrôle des structures des exploitations agricoles

« Art. 16. - Le chapitre Ier du titre troisième du livre troisième du code rural est remplacé par les dispositions suivantes :

« C HAPITRE Ier

« Le contrôle des structures des exploitations agricoles

« Art. L. 331-1 . - Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des biens fonciers ruraux au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée.

« Est qualifiée d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, toute unité de production, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont l'activité est mentionnée à l'article L. 311-1.

« L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs.

« En outre, il vise :

« soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ;

« soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ;

« soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient. »

« Art. L. 331-2 . - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :

« 1o Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole détenue par une personne physique ou morale, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.

« Ce seuil doit être fixé entre 0,8 et 1,5 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5.

« Toute diminution du nombre total des associés exploitants au sein d'une exploitation est assimilée à un agrandissement au bénéfice des autres associés et entraîne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

pour ceux-ci l'obligation de solliciter une autorisation préalable pour continuer d'exploiter dès lors que l'exploitation en cause a une superficie supérieure au seuil visé ci-dessus. Dans ce cas, l'autorisation peut être accordée à titre provisoire pour une durée qui ne saurait excéder deux ans, afin de leur permettre, le cas échéant, de remettre leur exploitation en conformité avec les prescriptions du schéma directeur départemental des structures.

« 2o Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence :

« a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre la moitié et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, ou de ramener la superficie d'une exploitation en-deçà de ce seuil ;

« b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ;

« 3o Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle ou a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole ;

« 4o Toute participation nouvelle en qualité d'exploitant dans une exploitation agricole, soit directe, en tant que membre, associé ou usufruitier de droits sociaux, soit par personne morale interposée, de toute personne physique ou morale, dès lors qu'elle participe déjà en qualité d'exploitant à une autre exploitation agricole, ainsi que toute modification dans la répartition des parts ou actions d'une telle personne morale qui a pour effet de faire franchir à l'un des membres, seul ou avec son conjoint et ses ayants droit le seuil de 50 % du capital ;

« Dans le cas où le franchissement de ce seuil ne résulte pas d'une décision de l'intéressé, l'autorisation peut être accordée à titre provisoire, pour une durée qui ne saurait excéder deux ans, afin de permettre aux associés de rétablir une situation conforme au schéma directeur départemental des structures.

« 5o Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à 5 kilomètres ;

« 6o A titre transitoire et jusqu'au 30 juin 2005, les créations ou extensions de capacité des ateliers hors-sol, au-delà d'un seuil de capacité de production fixé par décret.

« Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte des superficies exploitées par le demandeur sous quelque forme que ce soit ainsi que des ateliers de production hors-sol évalués par application des coefficients mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 312-6.

En sont exclus les bois, landes, taillis et friches, sauf les terres situées dans les départements d'outre-mer et mentionnées par l'article L. 128-3 ; en sont également exclus les étangs autres que ceux servant à l'élevage piscicole.

« Les opérations réalisées par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural, ayant pour conséquence la suppression d'une unité économique égale ou supérieure au seuil fixé en application du 2o ci-dessus, ou l'agrandissement, par attribution d'un bien préempté par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, d'une exploitation dont la surface totale après cette cession excède deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-6, sont soumises à autorisation dans les conditions de droit commun. Les autres opérations réalisées par ces sociétés font l'objet d'une simple information du préfet du département où est situé le fonds. »

« Art. L. 331-3 . - L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment :

« 1o Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ;

« 2o S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ;

« 3o Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ;

« 4o Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ;

« 5o Prendre en compte la participation du demandeur à l'exploitation directe des biens objets de la demande ;

« 6o Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ;

« 7o Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics.

« L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. »

« Art. L. 331-4 . - L'autorisation est périmée si le fonds n'a pas été mis en culture avant l'expiration de l'année culturale qui suit la date de l'enregistrement de la demande. Si le fonds est loué, l'année culturale à prendre en considération est celle qui suit le départ effectif du preneur, sauf si la situation personnelle du demandeur au regard des dispositions du présent chapitre est modifiée. »

« Art. L. 331-5 . - Les informations concernant les structures des exploitations agricoles figurant dans les fichiers des caisses de mutualité sociale agricole ou les organismes qui en tiennent lieu dans les départements d'outre-mer, dans les centres de formalités des entreprises tenus par les chambres d'agriculture, dans le registre de l'agriculture, ou dans le système intégré de gestion et de contrôle mis en place pour l'application de la réglementation communautaire sont communiquées, sur sa demande, à l'autorité administrative lorsqu'elles sont nécessaires à l'exercice du contrôle des structures. »

« Art. L. 331-6 . - Tout preneur, lors de la conclusion d'un bail, doit faire connaître au bailleur la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est


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faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une a utorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, le bail est conclu sous réserve de l'octroi de ladite autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331 2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux. »

« Art. L. 331-7 . - Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois.

« La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.

« Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée.

« Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire.

« Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 2 000 F et 6 000 F par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après le cas échéant application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application du premier alinéa de l'article L. 312-6.

« Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause. »

« Art. L. 331-8 . - La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

« Les recours devant cette commission sont suspensifs.

Leur instruction est contradictoire.

« La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée, il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant q u'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre, il n'y a pas lieu à sanction. Dans les deux premiers cas, la pénalité devient recouvrable dès notification de sa décision.

« La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. »

« Art. L. 331-9 . - Celui qui exploite un fonds en dépit d'un refus d'autorisation d'exploiter devenu définitif ne peut bénéficier d'aucune aide publique à caractère économique accordée en matière agricole. »

« Art. L. 331-10 . - Si à l'expiration de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de l'intéressé de cesser son exploitation est devenue définitive, un nouveau titulaire du droit d'exploiter n'a pas été désigné, toute personne intéressée par la mise en valeur du fonds peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux que lui soit accordé le droit d'exploiter ledit fonds. En cas de pluralité de candidatures, le tribunal paritaire des baux ruraux statue en fonction de l'intérêt, au regard des priorités définies par le schéma directeur départemental des structures, de chacune des opérations envisagées.

« Lorsque le tribunal paritaire des baux ruraux accorde l'autorisation d'exploiter le fonds, il fixe les conditions de jouissance et le montant du fermage conformément aux dispositions du titre 1er du livre IV du présent code. »

« Art. L. 331-11 . - Les conditions d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Sur l'article 16, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Yvon Abiven.

M. Yvon Abiven.

L'article 16 rappelle de manière forte que l'agriculture, c'est d'abord des hommes et des femmes et pas seulement des entreprises sociétaires et des exploitations agricoles.

Il faut préserver et conforter les installations existantes en leur donnant les moyens de la pérennisation. Il s'agit de répondre au problème de la concentration. Mais éviter que l'espace agricole ne se concentre nécessite de clarifier la manière dont s'effectue la transmission des terres ou le droit à l'exercice du métier.

La législation actuelle répond de plus en plus mal au souci de la constitution et de la préservation d'exploitations familiales. Il est donc urgent d'actualiser la loi.

Force est de constater depuis une vingtaine d'années que la concentration agricole s'intensifie, et ce dans les pires conditions, tant pour l'installation des jeunes que pour le respect de l'environnement. Elle continue si bien que, p our contourner une législation imparfaite, certains exploitants ou associés se trouvant par exemple en zone d'excédents structurels n'hésitent pas, pour régulariser leur situation, à racheter ou à associer au prix fort les terres d'agriculteurs en difficulté, qui croient trouver là une issue à leurs problèmes financiers. Hier matin encore, la presse locale de ma circonscription se faisait l'écho d'une forte mobilisation de riverains et de paysans inquiets face à la perspective de l'installation d'une porcherie industrielle, dont le montage sociétaire est quelque peu opaque.

Ces situations ne sont pas isolées. Elles prouvent l'urgence de ce texte qui définira mieux les règles du jeu. La trop faible portée des règles ou la faible sanction pour ceux qui les enfreignent contribuent de fait aujourd'hui à la mise en place d'un libéralisme effréné, au détriment des plus petits exploitants. Cela contribue également, au nom d'une logique de marché poussée à son terme, à vider nos campagnes et cela handicape l'installation de jeunes exploitants.

L'enjeu est de taille. La chambre régionale de l'agriculture de Bretagne annonce, pour le seul département du Finistère, une diminution de plus de 1 300 exploitations d'ici à l'an 2001. Dans plusieurs secteurs de notre département, monsieur le ministre, là où l'emploi agricole représente encore plus de 35 % des actifs, la situation est préoccupante.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

Il faut une agriculture à taille humaine, respectueuse des hommes et des espaces, une agriculture soucieuse de l'emploi et des équilibres naturels. A côté du CTE, les dispositions visant à renforcer le contrôle des structures constituent un second volet, essentiel et concret, qui permettra la réussite de la nouvelle orientation que ce projet de loi entend consacrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

A propos de l'article 16, je voudrais dire quelques mots sur un problème qui prend les allures d'une jacquerie à rebours, celui des porcheries industrielles. En réalité, le phénomène n'est pas limité aux porcheries. Mais c'est l'un de ses aspects les plus intéressants, dans la mesure où il est très révélateur de déviations sur lesquelles il est nécessaire de réfléchir. Le moment est certainement venu de réconcilier les agriculteurs avec le reste de la population rurale, et nous en avons là une bonne occasion.

Ce problème présente un double aspect. D'un côté, vous avez des gens qui protestent contre les nuisances créées par les exploitations de ce type et, de l'autre, comme la crise est arrivée, les éleveurs de cochons se tournent vers M. le ministre pour lui demander des subventions. Et l'on arrive à un point de cristallisation extraordinaire, où ceux-là mêmes qui protestent contre les nuisances sont appelés à mettre la main à la poche pour indemniser ceux qui les ont créées. Je pense qu'il faut dépasser cette contradiction et en profiter pour essayer d'y voir un peu plus clair.

Tout d'abord, c'est visiblement le développement de l'élevage sur caillebotis, c'est-à-dire coupé du sol, qui est en grande partie responsable de cette situation. La présente loi y répond dans sa conception d'ensemble puisqu'elle traduit une orientation qui fait l'objet d'un accord assez général, à savoir la nécessité de rattacher l'agriculture à une certaine occupation du sol. Les CTE permettent également d'apporter partiellement des réponses.

Néanmoins, il nous faut dès aujourd'hui proposer des solutions concrètes au problème des nuisances de voisinage. C'était une chose pour les ruraux de tolérer ou même d'accepter l'odeur des lisiers quand elle n'était qu'occasionnelle et qu'ils pouvaient encore penser qu'elle venait, après tout, rythmer les saisons. C'en est une autre de devoir la supporter en permanence. Il est indispensable que les agriculteurs en prennent conscience, que leur voisins soient tolérants et que les pouvoirs publics s'efforcent de tenir équitablement les plateaux de la balance.

Nous voyons d'ores et déjà se développer massivement devant les tribunaux les procès concernant les nuisances de voisinage. Les décisions dont j'ai eu connaissance sont très inquiétantes pour le monde agricole lui-même, car la tendance des juges est de dire qu'on tolère ce qui existait, mais qu'on ne tolère pas des changements complets de nature. Sur ce point, les agriculteurs ont intérêt à être prudents.

Deuxième aspect : il est incompatible et même déraisonnable de prétendre développer le tourisme dans certaines régions tout en conservant une agriculture dévastatrice de l'environnement.

Enfin et surtout, le problème central est probablement celui de la conservation des réserves en eau. La pollution des eaux de surface est un phénomène bien connu sur lequel je n'insiste pas, mais celle des eaux profondes prend actuellement un tour très préoccupant. La Bretagne étant particulièrement concernée, j'ai consulté les dossiers de l'agence de bassin Loire-Bretagne. Si l'on rendait publiques les sommes que nous dépensons et que nous aurons à dépenser collectivement pour remettre aux normes sanitaires les eaux de cette région, la collectivité ne l'accepterait pas. Elles sont prohibitives et ce n'est pas parce que l'argent donné aux agences de bassin est perçu de façon indolore sur la facture de l'eau et qu'on ne sait pas très bien où il va que les choses s'en trouvent simplifiées. Qui, en effet, règle cette facture ? Essentiellement les urbains et, dans le monde rural, plus fortement les usagers qui ne sont pas agriculteurs. Nous devons donc, là aussi, consentir un effort important.

La meilleure approche consister à limiter le plus possible les élevages sur caillebotis, à encourager dans le cadre de programmes départementaux, régionaux ou nationaux, le développement ou le retour à des techniques moins perturbatrices de l'environnement. C'est un travail de longue haleine. Mais, je crois que nous devons dès à présent adresser un signal fort à l'ensemble de la population. C'est l'objet de deux amendements que je soutiendrai tout à l'heure, en ayant bien conscience qu'ils seront insuffisants.

Le premier consiste à généraliser à l'ensemble du territoire une disposition des circulaires de janvier 1998 et juillet 1998, imposant, dans les zones d'excédents structurels, la création d'une station d'épuration ou, dans certains cas, d'équipements équivalents. En clair, l'idée est d'empêcher que la situation de la Bretagne, qu'on colmatera, qu'on réparera, ne se répande ailleurs. Pour prévenir ce risque, il faut d'ores et déjà prendre des précautions.

Mon second amendement recourt à une solution classique, déjà bien expérimentée. Vous savez qu'il existe trois types d'exploitations : les installations libres, celles qui sont soumises à déclaration et celles qui sont soumises à autorisation. Ma proposition consiste à baisser le seuil des installations soumises à autorisation, de façon qu'il y ait un contrôle a priori et que l'agriculteur luimême sache ce qu'il doit faire.

M. le président.

Monsieur Colcombet, vous pourrez défendre vos amendements le moment venu.

M. François Colcombet.

J'en ai terminé, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay.

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, produire pour le volet économie, employer pour le volet social, préserver pour le volet environnement, voilà les trois objectifs majeurs poursuivis dans la loi d'orientation.

A travers les modes de production agricole, à travers les activités de diversification dans l'agriculture, le projet dont nous débattons vise, entre autres, à la consolidation de la valeur ajoutée au service de l'emploi dans la production agricole.

La détermination d'objectifs et de critères d'emploi ainsi que l'attribution des aides en fonction du nombre d'actifs présents dans l'exploitation entraînent de fait l'impérieuse nécessité de se pencher de manière précise et volontariste sur le contrôle des structures.

L'article 16, tel qu'il est rédigé, affirme cette nécessité et il y répond bien, de même qu'il répond au souci de transparence indispensable en la matière.

La réglementation de 1962 qui avait été conçue pour éviter la concentration des terres entre les mains des plus puissants est apparue, au fil du temps, incomplète, injuste et inefficace.


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Incomplète parce que les installations libres et les cumuls ont été rarement contrôlés.

Injuste parce que la personnalité des demandeurs pesait plus - il faut en convenir - que la réalité de l'impact structurel des opérations envisagées.

Inefficace car il y avait fort peu de sanctions, et s'il en existait, elles n'étaient pas dissuasives.

De plus, la politique agricole commune, à travers ses réformes successives, a produit elle-même des effets sur l'évolution des structures agricoles et, incontestablement, le système de contrôle devait être rénové.

A ce moment de mon propos, je souhaite évoquer le problème des seuils, et en particulier l'abaissement du seuil de déclenchement du contrôle des structures : fixé à 0,5 de l'unité de référence en seuil inférieur, il est quand même fixé à 1,5 en seuil supérieur. Il faut souligner à cet égard les disparités dans la taille moyenne des exploitations. Si, dans certains départements, elle apparaît raisonnable, dans d'autres, où elle atteint déjà 120 hectares, le seuil supérieur prévu dans le texte à 1,5 porterait le déclenchement de l'autorisation préalable à 180 hectares pour un agrandissement.

De plus, la révision, telle qu'elle est prévue, de l'unité de référence, peut induire une auto-indexation très forte sur les seules installations aidées, ce qui risque d'aller à l'encontre de l'objectif recherché sur le nombre d'installations. Je voulais attirer l'attention de l'Assemblée sur ce point.

Enfin, monsieur le ministre, je me félicite que votre texte, qui sera bientôt le nôtre, précise que le contrôle des structures s'appliquera désormais aux pratiques sociétaires.

Tout changement du nombre d'associés fera logiquement l'objet d'un contrôle.

Mais n'oublions pas, mes chers collègues, que la loi que nous examinons est une loi d'orientation. Les décrets qui seront pris ensuite en sont la condition d'application et en feront la force. Il nous faut donc, d'ores et déjà, avoir pleinement conscience de plusieurs nécessités : fixer le seuil de contrôle pour les créations ou les extensions de capacité des ateliers hors sol ; renforcer la cohérence et la crédibilité du texte en précisant les conditions de publicité dans les journaux locaux - au moins quinze jours avant chaque CDOA - de la liste des opérations soumises à autorisation dès lors qu'elles excèdent 10 % de l'unité de référence ou 3 hectares.

Car le risque existe que le coefficient retenu pour le seuil supérieur entraîne des effets pervers. Il faut que nous en ayons pleinement conscience. Et c'est pourquoi, je me demande si nous n'aurions pas dû aller plus loin en abaissant à 1 le seuil supérieur de déclenchement de l'autorisation préalable.

M. Germain Gengenwin et M. Philippe Vasseur.

Eh bien !

M. Jean Launay.

De même, cette unité de référence aurait pu être calculée sur la moyenne de toutes les exploitations d'une région, et non pas seulement sur celle des installations aidées, ce qui aurait donné une image plus proche de la réalité économique de nos agricultures.

Mais pour conclure, je tiens avant tout à acter les objectifs de la loi et les dispositions d'ores et déjà prévues dans cet article de progrès et de raison.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 16 est au coeur de ce projet de loi d'orientation agricole. Il traite en effet du contrôle des structures et conditionne les évolutions en termes d'activités et de superficie des exploitations, leur transmission, leur cession, l'installation des jeunes agriculteurs et aussi - ce qui est important - la liberté des propriétaires.

Les agriculteurs, les responsables des organisations professionnelles, les élus sont tous favorables à un contrôle des structures, afin de favoriser une évolution harmonieuse des exploitations et surtout de permettre l'installation des jeunes dans les meilleures conditions.

Néanmoins, la formule que vous avez retenue, par sa lourdeur et sa complexité, s'inscrit dans un renforcement excessif des procédures bureaucratiques, que mes amis n'ont cessé de dénoncer depuis le début de ce débat.

Vous allez jusqu'à mettre en place une autorisation provisoire d'exploiter de deux ans pour un fils qui reprend l'exploitation de ses parents, afin de s'assurer, pendant ce délai, qu'il n'y a pas d'autres candidats considérés comme plus prioritaires.

Donner une autorisation provisoire d'exploitation, c'est risquer le développement d'un contentieux lourd et de situations personnelles difficiles.

M. François Patriat, rapporteur.

Mais c'est parfois nécessaire.

M. Didier Quentin.

Généraliser l'autorisation préalable, c'est compliquer les procédures, les allonger et donc mettre un frein au dynamisme des exploitants.

Des agriculteurs pourront se voir interdire d'activité au bout de deux ans, alors qu'ils auront effectué des investissements lourds dont la durée d'amortissement varie de douze à quinze ans.

On imagine la situation financière qui sera la leur.

Nous ne pouvons pas cautionner un dispositif qui, immanquablement, aura de telles incidences, surtout quand il s'agit de jeunes reprenant l'exploitation familiale.

L'article 16 se rajoute à tous ceux qui placent les exploitants sous un contrôle administratif permanent et rigide. Or une agriculture performante a besoin d'un cadre législatif et réglementaire qui libère les énergies, favorise les initiatives, encourage l'investissement, et non d'un carcan. Pour reprendre les propos du Président de la République, le 3 octobre dernier dans le Cantal, « trop souvent, les initiatives des exploitants sont bridées, étouffées par la complexité des procédures et l'omniprésence des administrations ».

Il y a donc, à nos yeux, dans cet article, une contradiction flagrante entre l'objectif principal du contrôle des structures - l'installation des jeunes - et un dispositif qui renforce la contrainte et tend plus à décourager les bonnes volontés qu'à les stimuler.

Ainsi, l'on voit bien que les deux principaux risques qui pèsent sur l'agriculture française sont, à l'extérieur, sa renationalisation - nous en avons beaucoup parlé - et, à l'intérieur, son étatisation.

Pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, il existe d'autres solutions qui comporteraient moins d'inconvénients. A titre d'exemple, vous auriez pu proposer aux agriculteurs de plus de cinquante-cinq ans qui n'auraient pas de repreneur de salarier un jeune candidat à l'installation avec prise en charge totale des cotisations sociales. Cela permettrait de soulager le travail de l'agriculteur en place, de créer une relation entre eux et de prolonger le processus par un abaissement des coûts fiscaux de transmission en faveur de ce jeune. Cette proposition libérerait les initiatives, créerait des vocations, et surtout laisserait à l'agriculteur le choix d'un successeur connaissant l'exploitation.


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Une telle formule, que je cite à titre d'exemple, me paraîtrait plus réaliste que les dispositions actuelles de l'article 16, qui me semblent consacrer ce que mon ami Christian Jacob appelle « l'agriculture de préfecture ».

C'est pourquoi nous sommes très réservés sur cet article.

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Pour ma part, je ne parlerai pas d'« agriculture de préfecture ». Je ne sais d'ailleurs pas s'il s'agit d'un compliment ou d'un reproche, car je connais beaucoup d'agriculteurs qui fréquentent assidûment les préfectures, tant il est vrai que les directions départementales de l'agriculture et de la forêt sont proches d'eux.

S ur le fond, nous abordons effectivement, avec l'article 16, un sujet essentiel, et je ne souscris pas aux logiques qui inspirent certaines interventions que nous venons d'entendre.

De quoi s'agit-il ? Excepté sur l'aspect « cochons » avec un «s » (Sourires) - je veux parler des porcheries industrielles - qui est perceptible par tout le monde, y compris de manière olfactive, il s'agit d'un débat qui, vu de l'extérieur, doit paraître assez abscons. Pourtant, la problématique est simple : il existe depuis longtemps, en France, une politique des structures, mais elle n'a pas donné les résultats que l'on pouvait en attendre.

Comment en est-on certain ? Il suffit de regarder l'évolution du nombre et de la taille des exploitations agricoles depuis une trentaine d'années pour se rendre compte qu'un des objectifs de la politique des structures, qui était d'assurer le renouvellement des chefs d'exploitation et du potentiel de production agricole sur l'ensemble du territoire, n'a pas été atteint. On a constaté une véritable hémorragie des chefs d'exploitation, qui s'est accompag née d'un accroissement considérable de la surface moyenne des terres, avec, quand des problèmes de foncier se posaient, des compensations par le hors-sol. Dans des structures progressivement intégrées, le hors-sol lui-même a fini par générer des augmentations de superficie, des saturations de marché, des problèmes d'environnement, tout le monde le sait.

Je ne souhaite pas pour autant que l'on se dispense de parler des porcheries, mais ce n'est pas le seul problème.

Les ateliers industriels d'élevage porcin ne doivent pas masquer la totalité du paysage rural ; le problème de la politique des structures ne se limite pas à cet aspect, même s'il en est une des composantes.

Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, a été étudié abondamment par la commission et me paraît constituer une réelle avancée. J'en approuve sans réserve la logique d'ensemble. Et c'est pourquoi je ne puis accepter l'argumentation selon laquelle il devrait aboutir à une suradministration des procédures.

M. François Sauvadet.

Et pourtant...

M. Léonce Deprez.

C'est tout à fait cela !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

A l'Assemblée nationale, chacun d'entre nous représente 1/577e du pouvoir législatif. Mais nous sommes tous issus du scrutin majoritaire, nous sommes tous les élus de circonscriptions territoriales et, connaissant bien la campagne ou la connaissant moins - pour ma part, je la connais un peu ...

M. Christian Jacob.

Nous aussi !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

... nous savons tous qu'il existe des cas de violation manifeste des lois sur les structures, qui se pérennisent sans que soit prise l'ombre d'une sanction. Nous pourrions tous citer des exemples d'abus flagrants qui aboutissent à ces situations aberrantes, dans un pays qui, pour être agricole, n'en est pas moins un

Etat de droit, où l'on voit des individus empêcher des jeunes de s'installer pour pouvoir s'étendre encore...

M. Philippe Vasseur.

C'est vrai !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

... puis exploiter en totale infraction des superficies parfois très importantes et bénéficier d'une prime à l'illégalité en percevant les aides publiques qui s'attachent aux productions obtenues sur ce foncier. Ces situations sont pour le moins insolites et il serait bon que nous y mettions un terme.

Il s'agit simplement de rappeler qu'il existe des règles et non pas, bien sûr, d'organiser une espèce de « guépéou » dans les campagnes ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Vasseur.

C'est toute la question !

M. François Sauvadet.

Et c'est même tout à fait cela !

M. Michel Meylan.

Vous voulez des kolkhozes !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Si « guépéou » il y avait, messieurs, je ne crois pas que ce serait de ce côté-ci de l'hémicycle qu'il serait le mieux représenté ! Ces règles, je crois qu'il faut les redéfinir en les précisant, se donner ensuite les moyens de les faire respecter et enfin les mettre en application, faute de quoi nous aurons pris part à un débat très intéressant et défini la politique de structures que nous souhaitons, mais les jeunes qui veulent s'installer ne trouveront toujours pas de foncier.

D'autres auront mis le grappin dessus en toute impunité, et de surcroît avec le soutien des fonds publics.

C'est dans cet esprit que j'ai déposé une dizaine d'amendements sur l'article 16.

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair.

Monsieur le ministre, je siège tous les mois dans la CDOA de mon département et je peux vous dire que la gestion des dossiers n'est pas toujours très simple.

M. François Goulard.

C'est bien vrai !

M. Jean Auclair.

Elle demande beaucoup de conscience professionnelle et morale pour parvenir à un équilibre fragile.

Vouloir intégrer dans ces commissions des non-agriculteurs - je pense aux associations de consommateurs et aux écologistes - est une erreur magistrale qui va compliquer sérieusement la tâche des participants. Il serait d'ailleurs inadmissible de ne pas prévoir la présence de représentants de la propriété foncière. En augmentant les pouvoirs des CDOA, c'est une véritable révolution que vous nous proposez. Compte tenu des risques de représailles, il faudra d'ailleurs être courageux pour siéger demain en leur sein - je pourrais vous citer quelques exemples dans mon département.

Comme beaucoup, je suis attaché à l'exploitation à taille humaine, mais il faut respecter le droit de propriété.

En effet, avec cet article, les propriétaires ne pourront plus louer leurs terres à l'agriculteur de leur choix ; ce sera désormais la CDOA qui choisira le futur exploitant, avec tous les risques que cela comporte au niveau de la solvabilité, du manque de compétence et de sérieux et du relationnel qu'il y a entre un bailleur et son preneur.

J'imagine d'ici les conflits !


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Il n'est pas non plus réaliste de vouloir s'attaquer aux formes sociétaires. Alors que tout a été fait par le passé pour les encourager, aujourd'hui vous allez dans le sens contraire. Que faites-vous du droit de propriété ? Que faites-vous du travail de plusieurs générations de paysans qui se sont attachés à construire un patrimoine foncier constitué aussi de références ? Par exemple, vouloir accorder temporairement le droit d'exploiter à un fils qui sortira d'une forme d'exploitation sociétaire avec son père est tout à fait irréaliste. Que deviendra un jeune agriculteur qui aura monté un projet, acquis du matériel, des animaux, contracté des prêts, si la CDOA lui refuse, au bout de deux ans, l'autorisation d'exploiter ? Sa famille devra-t-elle accepter de voir ses terres exploitées par d'autres ? Monsieur le ministre, ditesnous clairement si vous voulez collectiviser les terres ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bans du groupe socialiste.)

M. François Patriat, rapporteur.

Ça y est, le mot est lâché ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est bien ce dont il s'agit !

M. Jean Auclair.

Après nous avoir annoncé hier que les CTE conditionneraient l'attribution des aides publiques et qu'ils seraient le passage obligé pour bénéficier de la DJA et des prêts bonifiés, vous rallumez la lutte des classes et vous accompagnez à travers cet article les douces rêveries de votre syndicat maison.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est la « soviétisation » ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est incroyable d'entendre de tels propos !

M. le président.

Monsieur Adevah-Poeuf, laissez M. Auclair s'exprimer !

M. Jean Auclair.

Il y a, dans notre pays, de vrais agriculteurs qui sont de vrais travailleurs et de vrais producteurs, qui veulent vivre décemment de leur travail sur leurs terres. Alors, de grâce, monsieur le ministre, ne cassez pas ce qui marche ! A cause de votre loi, il y aura bientôt plus de bureaucrates de l'agriculture que de vrais agriculteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Comme l'ont souligné mes collègues, l'article 16 est au coeur de ce projet de loi et justifie tout à fait nos appréhensions. A travers lui, en effet, le texte prévoit un certain nombre de modifications du code rural qui engendreront un contrôle renforcé des transmissions des entreprises agricoles. A ce titre, le risque de mainmise d'une bureaucratie étatique sur l'évolution des structures d'exploitations agricoles est bien réel.

Les modifications prévues auront des conséquences qui ne semblent pas avoir été suffisamment prises en considération.

D es conséquences d'abord pour les propriétaires : manifestement, ce projet remet en cause le droit de propriété. Nous sommes pour le contrôle des structures, mais le renforcement de ce contrôle est tel que le propriétaire n'aura plus le libre choix de son locataire. Il en résultera que le propriétaire se verra imposer un candidat à la reprise de ses terres qui ne remplira pas forcément les conditions d'agrément qu'il souhaite voir remplies.

Or, nous en avons l'expérience, lorsqu'un propriétaire choisit un locataire, plusieurs paramètres entrent en ligne de compte : des éléments affectifs, des considérations de solvabilité, d'honorabilité, des éléments financiers, la durée du bail, le montant de la location... Le risque est alors de voir les propriétaires reprendre en fin de bail leurs terres pour les exploiter eux-mêmes. On en a l'exemple tout près du Nord-Pas-de-Calais, en Belgique, où de plus en plus de propriétaires reprennent possession de leurs terres et les font exploiter par des entreprises de travaux agricoles, afin de conserver la pleine propriété de leur bien, et d'en disposer comme bon leur semble. C'est un danger. Et, sur le plan social, une telle évolution n'est pas bonne.

Des conséquences ensuite pour les cédants : les exploitants qui souhaitent cesser leur activité décident de leur successeur en prenant en considération les mêmes éléments que les propriétaires. On ne transmet pas une entreprise à forte valeur affective, dans laquelle ses parents, ses grands-parents, voire arrière-grands-parents, se sont investis, à n'importe qui, et dans n'importe quelles conditions, notamment financières. Or toute cession est interdite, en dehors des descendants et de l'épouse, sans l'accord du propriétaire. Il est très important pour le cédant d'avoir le choix de son successeur. Celui-ci ne risquera pas de remette en cause la cession, car elle s'effectuera dans la plus parfaite transparence.

Des conséquences, enfin, pour le repreneur : un exploitant agricole est aujourd'hui un chef d'entreprise, nous le constatons dans nos départements respectifs. Dans le Nord-Pas-de-Calais, quand on se trouve, comme l'a été le ministre de l'agriculture précédent, devant les jeunes agriculteurs, on se rend compte qu'on a affaire à de vrais chefs d'entreprise. J'ai pu m'en rendre compte, moi qui ai cinq neveux ingénieurs agricoles...

M. François Patriat, rapporteur.

Félicitations, monsieur Deprez ! (Sourires.)

M. Léonce Deprez.

Eh bien, il faut que ces chefs d'entreprise puissent développer leur exploitation pour leur assurer une pérennité, sans autres contraintes que celles inhérentes à toute entreprise. Un développement freiné ou retardé peut avoir des conséquences graves pour cet outil de travail.

Dans l'industrie, il serait catastrophique de ne pas pouvoir développer l'outil industriel. Les entreprises agricoles sur le marché sont actuellement une denrée assez rare.

Refuser à un agriculteur une opportunité peut condamner l'exploitation agricole. Il doit donc bénéficier d'une liberté d'entreprendre pour assurer son développement.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons d'accepter les amendements qu'un certain nombre d'entre nous avons présentés pour corriger les effets négatifs de l'article 16 sur le plan économique et sur le plan social.

Il faut, bien entendu, alléger le contrôle des structures et permettre aux propriétaires et aux cédants de choisir librement leur successeur, moyennant quelques critères définis.

En outre, le non-rétablissement du cumul provisoire présenterait un danger. Il faut permettre à un ménage déjà exploitant de reprendre une seconde exploitation agricole en vue d'installer l'un de ses descendants dans le délai de cinq ans, tel que le prévoyait la loi de 1962. Le


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but est de permettre de restructurer l'outil de travail repris, de le moderniser et de transmettre au descendant une entreprise viable en échelonnant la reprise dans le temps.

En ce qui concerne les cessions de parts, il faut laisser la possibilité de céder les parts de société librement comme le prévoit, pour le moment, le code rural. En effet, le rachat comme la prise de participation dans une entreprise agricole ne doivent pas être soumis à des règles différentes de celles qui régissent le reste du monde des entreprises.

Toute cession d'exploitation agricole soit au conjoint, soit aux descendants, ne devrait faire l'objet d'aucune demande de cumul. Dans le cadre de l'installation du conjoint, si le mari est déjà exploitant, il devrait avoir le droit, d'office, de reprendre sa propre exploitation pour la faire valoir directement sans devoir faire aucune demande à la commission départementale d'orientation agricole.

M. le président.

Monsieur Deprez, il est temps de songer à votre conclusion.

M. Léonce Deprez.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la révision de l'article 16. Il y va de l'avenir de notre agriculture. C'est indispensable si nous voulons qu'elle reste performante comme elle a pu l'être jusqu'à ce jour, avec le niveau de réussite que nous connaissons aujourd'hui. C'est l'intérêt de la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre, l'article 16 est un article essentiel de votre loi d'orientation agricole. Les discours que l'on entend de part et d'autre le montrent bien.

Ce contrôle des structures va empêcher le démembrement d'exploitations viables, favoriser l'agrandissement de celles qui ne le sont pas et permettre l'installation de pluriactifs. Surtout, cet article est essentiel parce que c'est l'humain qui est ici concerné, c'est-à-dire les femmes et les hommes qui travaillent dans le milieu agricole, qu'ils soient chefs d'exploitation ou ouvriers agricoles.

Le contrôle des structures doit permettre l'installation de jeunes, mais aussi de moins jeunes issus de familles agricoles ou non. Vous savez combien je tiens à ce que l'on puisse dépasser cette notion de jeunes en matière d'installation d'exploitants agricoles. Or là se pose l'important problème des seuils. Nous ne pensons pas qu'il soit souhaitable de dépasser le coefficient 1 car, comme cela a été dit, appliquer dans certaines régions de France - et je ne veux pas parler de taille en hectares mais en valeur ajoutée, qu'on soit dans un milieu vinicole, comme ma circonscription, ou dans un autre - le coefficient de 1,5 empêchera l'installation d'un nouvel agriculteur.

Le deuxième point sur lequel nous aurons à débattre porte sur l'agriculture biologique. Monsieur le ministre, il faudra prendre en compte que les délais techniques pour permettre au sol d'arriver à la plénitude de ses possibilités sont bien plus longs en agriculture biologique que pour l'autre agriculture.

Troisième point, le contrôle des structures doit assurer aussi une protection de l'environnement et des paysages.

Cette réglementation doit permettre de vivre en bonne harmonie dans le milieu rural, c'est-à-dire en respectant les droits et les devoirs de chacun. Les exploitants agricoles doivent pouvoir vivre de leur travail, mais sans transgresser la réglementation. A cet égard, la disposition que nous avons votée précédemment concernant l'unité de référence constituera un outil important. Quant à ceux qui résident en milieu rural, ils ne doivent pas subir des bouleversements sauvages de leur environnement, avec des conséquences visuelles et olfactives parfois violentes.

La nouvelle réglementation permettra, enfin, une meilleure prise en compte des ressources naturelles, je fais plus particulièrement allusion à l'eau.

Je conclurai sur les CDOA. Il est important que ces commissions s'ouvrent aux associations de consommateurs et de protection de l'environnement. En effet, c'est en se frottant aux responsabilités et aux difficultés, c'est dans le dialogue et dans la transparence, et donc en faisant vivre la démocratie, que l'on avance.

Ne doutant pas qu'un certain nombre de nos amendements seront pris en compte, nous voterons l'article 16.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Cet article 16...

M. François Goulard.

Symbolique !

M. Christian Jacob.

... est hautement symbolique, en effet. Et c'est bien ce qui nous inquiète ! En fait, c'est la même logique que celle des trente-cinq heures.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très juste !

M. Christian Jacob.

On ne cherche pas à comprendre comment se créent des parts de marché supplémentaires : on prend le gâteau et on fait des parts supplémentaires.

C'est la logique collectiviste. En cela, vous êtes en parfaite cohérence avec votre pensée.

Ainsi, la question de savoir comment on accède au marché n'a jamais été évoquée. Or, pour un jeune ou un moins jeune candidat à l'installation, c'est bien celle qui se pose en premier, avant l'accès au foncier. Il doit savoir ce qu'il va produire et comment il va le vendre, dans quelles conditions, à quel prix, pour quel revenu. Voilà le souci premier ! Vous, vous avez choisi de vous enfermer dans la logique du foncier en durcissant largement les dispositifs mis en place en 1960-1962 et qui étaient alors justifiés car il y avait un vrai problème de répartition du foncier.

Aujourd'hui, il faut favoriser l'accès au marché, les droits à produire et donc la possibilité de faire un résultat sur l'exploitation. Il ne s'agit pas de distribuer ici ou là du foncier en renforçant les systèmes de contrôle à tous les niveaux.

A cet égard, je veux redire que l'article 15, avec le placardage qu'il prévoit en mairie, est parfaitement scandaleux. Monsieur le rapporteur, on ne vous a jamais demandé d'afficher sur la porte de la mairie le nombre de vaches que vous aviez soignées dans la journée et le montant de vos honoraires ! On bafoue également complètement le droit des propriétaires, les seuls auxquels on ne demande jamais leur avis ! Pourtant, et on a déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises dans cette discussion, si l'on veut des agriculteurs, si l'on veut que des jeunes s'installent, on a besoin de propriétaires et de bailleurs de fonds. Si vous interdisez au propriétaire de choisir son exploitant vous n'en trouverez plus aucun pour proposer ses terres. Le propriétaire agricole ne vit pas de ses rentes. Avec l'impôt foncier, voire l'impôt sur les grandes fortunes, sa situation


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

n'est pas des plus rentables et s'apparente davantage à un sacerdoce. Efforçons-nous donc de les favoriser et de faire en sorte qu'ils soient toujours prêts à mettre à bail un jeune. Evitons de les contraindre à tous les niveaux avec l'instauration de commissions et de contrôles en tous genres.

Avec votre texte, tout le monde pourra donner son avis, les amis de M. Marchand, les consommateurs, sauf les propriétaires. Vous ne voulez pas d'eux. C'est une race à part, selon vous. Ils vous font peur et vous ne les aimez pas. C'est un peu comme la famille ou d'autres catégories sociales...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Vous oubliez la patrie !

M. Christian Jacob.

En effet. Moi, cela ne me choque de dire que j'aime la patrie et que je suis patriote et fier de l'être !

M. Philippe Vasseur.

Vous et vos amis êtes-vous patriotes, monsieur Adevah-Poeuf ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Nous aussi, nous sommes patriotes !

M. Jean Auclair.

Nous attendons une réponse...

M. Christian Jacob.

Autre aspect très dangereux : il n'y a pas de volet incitatif. Comme s'il était inimaginable qu'on puisse favoriser l'installation par un système d'incitation, c'est-à-dire en faisant en sorte que les cédants en place aient à coeur, à la suite d'aménagements fiscaux, de céder à un jeune plutôt qu'à un autre. En fait, tout ce qui est incitatif et volontaire, vous déplaît. Vous voulez des contrôles partout. C'est la politique du bâton en permanence ; vous tapez tantôt sur le cédant, tantôt sur le bailleur.

M. Jacques Fleury.

Vous voulez augmenter les dessous de table ?

M. Christian Jacob.

On a bien compris sur quel terrain vous vouliez placer le débat : celui de la lutte des classes, des petits contre les gros. A vous entendre, on va faire la deuxième révolution ! En fait, par vos mesures, ce sont les agriculteurs des zones intermédiaires que vous êtes en train de condamner, ceux des zones les plus difficiles, en Poitou-Charentes, en Lorraine, dans le Centre, ou ailleurs. Il s'agit de structures d'exploitation où il y a eu un agrandissement important. Sur ce point, je vais aller audevant des erreurs que pourraient faire M. Parrenin, M. Patriat ou peut-être même M. le ministre en prenant l'exemple de la Seine-et-Marne.

La Seine-et-Marne est loin, très loin d'être le département qui a les plus grandes moyennes d'exploitation. Ces dernières sont dans les zones intermédiaires car c'est l'agrandissement des exploitations qui a permis une meilleure rentabilité. Et ce n'est pas avec les CTE et leurs 20 000 francs aléatoires par an que vous allez conforter le revenu des agriculteurs concernés ! Expliquez-moi comment en Haute-Marne, comment en Côte-d'Or, sur certaines zones intermédiaires - parce que vous avez aussi des zones intermédiaires dans votre région, monsieur le rapporteur...

M. François Sauvadet.

Dans l'Yonne !

M. Christian Jacob.

Heureusement que M. Sauvadet est là pour nous éclairer sur cette région ! (Sourires.)

Expliquez-moi donc, monsieur le rapporteur, comment vous procéderez avec les zones intermédiaires alors que, après le vote de ce texte, tout sera bloqué ! Des agrandissements importants ont déjà été nécessaires dans l'Yonne.

M. François Patriat, rapporteur.

1 200 hectares !

M. Christian Jacob.

Je ne pense pas que ce soit la moyenne de votre département !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

Je m'apprête à le faire, monsieur le président. Mais ce sujet extrêmement important soulève un peu de passion.

Vous allez donc, monsieur le rapporteur, reprendre les mêmes exemples : 2 000, 3 000 hectares ou 1 200. Eh bien, je vous ferai remarquer que, dans votre rapport, rien ne le bloque ! Le problème essentiel posé par ces grandes superficies tient au fait qu'elles sont bien souvent détenues par des structures financières qui n'ont plus rien à voir avec une exploitation agricole et qui, au lieu de donner les terres à bail à un jeune, préférent faire accomplir le travail par des entreprises et récupérer les primes compensatoires.

M. Léonce Deprez.

Absolument !

M. François Patriat, rapporteur.

Mais vous les défendez !

M. Christian Jacob.

Le projet ne prévoit rien pour remédier à cette situation alors qu'il serait possible de mettre en place un système incitant les agriculteurs en place à céder leurs terres à des jeunes. Cela permettrait de lutter efficacement contre l'emprise des sociétés financières, qui n'ont rien à voir, je le répète, avec le métier d'agriculteur.

Vous pensez seulement à multiplier les contrôles en oubliant une fois de plus l'essentiel, c'est-à-dire le seul sujet à propos duquel il fallait corriger le tir.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le président, M. Sauvadet est très content de pouvoir parler pour lui-même, après avoir entendu François Patriat me prendre à témoin à propos des exploitations de 1 000 hectares. Je vais en effet pouvoir lui donner mon sentiment sur l'article 16.

Cet article a incontestablement une importance considérable puisqu'il propose une refonte du dispositif de contrôle des structures. Nous sommes évidemment d'accord sur les objectifs visés puisque le texte tend à favoriser l'installation, à limiter les agrandissements excessifs, à imposer des sanctions. Pour autant, nous avons le même problème avec cet article que pour le reste de la loi, car, si nous approuvons les objectifs, nous estimons que les outils que vous voulez mettre en place ne sont pas du tout de nature à les satisfaire.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. François Sauvadet.

Je vais prendre un exemple pour illustrer mon propos, afin que chacun s'y retrouve dans ce débat.

Avec l'article 15, nous venons d'avoir une discussion sur les unités de référence. Auparavant, nous avions eu un débat sur la transparence. A cet égard, vous avez fixé une unité de référence pour les installations aidées en abaissant volontairement le seuil retenu. Vous avez refusé tous les amendements que nous avons proposés afin de donner une vision plus exacte de cette unité de référence.

Parallèlement, vous voulez aussi abaisser le seuil de déclenchement par rapport à ce pivot, renvoyant la décision à une CDOA dans laquelle vous refusez la présence des propriétaires. Pourtant, nous vous demandons, depuis le début de l'examen de ce texte, de ne pas opposer les acteurs sociaux entre eux, les propriétaires et leurs fermiers notamment.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

De surcroît, vous introduisez dans les CDOA des personnes supposées aider à la réflexion sur les structures mais qui n'ont rien à voir avec ce sujet. Je pense notamment aux associations d'écologistes ou de consommateurs.

Je me demande bien quelle peut être leur préoccupation en matière de gestion de droit de produire et de structures ! Quel sera leur apport, sinon de compliquer un peu plus le jeu ? Par ailleurs, vous voulez assimiler tout départ d'un associé à un agrandissement. M. Leyzour va être très intéressé par la question, lui qui a proposé, au début de l'examen du texte, un amendement visant à y introduire le caractère familial de l'exploitation.

Vous savez, en effet, que, dans le cadre d'un GAEC, père-fils par exemple, l'installation ne se fait pas du tout dans les mêmes conditions que lorsqu'elle intervient entre des associés, tout simplement parce qu'ils sont prêts à faire des sacrifices pour transmettre ce qui est un bien familial. Or, en application des dispositions que vous proposez, un père qui quittera le GAEC devra repasser en CDOA et attendre deux ans une autorisation préalable.

Cela démontre que, si l'objectif poursuivi est bon, vous mettez en place une mécanique infernale.

Votre façon d'agir me rappelle l'expression selon laquelle l'enfer peut être pavé de bonnes intentions : vous avez de bonnes intentions, mais vous êtes en train de créer une situation qui sera intenable.

Ainsi que Léonce Deprez et Christian Jacob l'ont bien expliqué, en mettant en place un système trop contraignant, en démantelant un certain nombre d'exploitations, en lançant la réflexion sur la place publique, en associant à la décision des acteurs qui n'ont rien à voir avec la politique des structures, en écartant volontairement de cette réflexion sur les structures toute la gestion des droits de produire - alors que nous avons demandé de l'inclure dans le débat -, vous mettez en place tous les ingrédients d'une situation explosive.

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

Le système que vous instaurez n'aura pas l'efficacité souhaitée. Il favorisera au contraire les investisseurs financiers et n'empêchera en rien le développement de fermes de 1000 à 2000 hectares, car les sociétés en cause y installeront tout simplement des gens pour travailler, afin d'échapper à tout contrôle.

N'oubliez pas non plus, monsieur le ministre, que lorsqu'un système est trop compliqué, il n'est pas utilisé.

Ainsi, un tiers seulement des installations se fait aujourd'hui au travers du mécanisme d'aide.

La question des zones intermédiaires ayant déjà été évoquée, je n'y reviens pas, mais je tiens à en appeler à la sagesse du Gouvernement dans ce débat : ne mettez pas en place des systèmes dont nous regretterons la création car les exploitants agricoles qui exercent leur activité dans des structures familiales seront les premiers à en payer le prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, je vous rassure, je serai bref car l'essentiel a été dit et fort bien dit par les précédents orateurs.

Monsieur le ministre, nous partageons votre objectif : nous sommes favorables à la maîtrise des structures agricoles, mais, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, nous ne sommes d'accord ni sur la méthode que vous avez choisie, ni sur les moyens envisagés, ni - et ce sera ma touche personnelle inspirée par les hasards du calendrier parlementaire - sur les valeurs que vos choix sous-tendent.

En ce qui concerne la méthode, je répète après d'autres que vous accroissez les contrôles et que vous mettez en place des mécaniques infernales en introduisant des associations qui n'ont rien à voir avec l'agriculture, dans les structures de décision, ce qui alourdira le système. Vous allez ainsi instaurer un climat malsain car le propriétaire se retrouvera presque systématiquement en position d'accusé. Nous ne pouvons donc pas accepter une telle méthode.

Il ne nous est pas davantage possible d'admettre le recours à certains moyens - Christian Jacob a déjà ironisé sur les questions d'affichage - car ils privilégient davantage un collectivisme dépassé que la liberté nécessaire à toute économie moderne.

Je conclurai en traitant des valeurs que sous-tendent vos choix.

Alors que, demain, dans cet hémicycle, seront votées des dispositions visant à favoriser les transmissions entre homosexuels - non mariés, par définition -, ...

M. François Patriat, rapporteur.

Vous allez les voter ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

... ce qui me choque et choque une bonne partie de la majorité silencieuse française, vous remettez aujourd'hui en cause la tradition familiale, l'héritage séculaire selon lequel un agriculteur peut transmettre librement son exploitation à son fils.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Joseph Parrenin.

Pas du tout ! (« Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Si ! C'est exactement ce que vous faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il y a tout de même des coïncidences de valeurs et de dates surprenantes !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Quel amalgame !

M. Joseph Parrenin.

Vos propos sont déplacés !

M. Thierry Mariani.

Vous pouvez crier ; cela ne change rien. Les gens s'en rendent bien compte. Au moment où vous remettez en cause l'héritage dans le milieu agricole, au moment où vous voulez empêcher des pratiques séculaires permettant à un fils de reprendre l'exploitation de son père, vous vous apprêtez à adopter des dispositions favorisant la transmission entre homosexuels.

Cela démontre que, au-delà des dispositions pratiques, nous ne défendons pas les mêmes valeurs dans cet hémicycle. Nous avons des conceptions différentes de la société et c'est pourquoi nous ne pouvons pas souscrire à l'article 16 (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant l'examen des amendements, je souhaite faire écho aux différentes interventions qui ont eu lieu sur ce thème important du contrôle des structures. J'ai entendu plusieurs critiques, qui peuvent schématiquement être résumées en trois chapitres.

Le projet porterait atteinte au droit de propriété.

M. Thierry Mariani.

Bien sûr !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il ne serait pas conforme au droit des sociétés.

M. Thierry Mariani.

C'est exact !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Enfin, il constituerait une entrave au droit de transmission.

M. François Goulard.

Excellente analyse.

M. Léonce Deprez.

C'est fort bien résumé !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je veux d'abord répondre que l'instauration de ce contrôle, appelé antérieurement « loi sur les cumuls », remonte à 1962 et a fait l'objet d'une très riche jurisprudence du Conseil d'Etat. Il a été réformé dans le cadre de la loi d'orientation de 1980 puis de la loi complémentaire à la loi d'adaptation de 1990. La loi de 1984 relative au contrôle des structures et au statut du fermage a été soumise au Conseil constitutionnel. Enfin, le présent projet de loi a bien évidemment été soumis à l'avis du Conseil d'Etat.

Or ni le législateur, ni le juge constitutionnel, ni le juge administratif n'ont estimé que le contrôle des structures portait atteinte au droit de propriété, à la transmission, ou au statut des sociétés.

S'agissant du droit de propriété, vous savez qu'il est protégé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui est intégrée à notre droit constitutionnel.

Aucune observation n'a été faite à cet égard lors de l'examen par le Conseil constitutionnel de la loi de 1984.

Sur le projet en discussion, le Conseil d'Etat a limité ses observations au caractère réglementaire de certains éléments de la procédure.

Le contrôle des structures réglemente le droit d'exploiter et ne peut imposer un fermier à un propriétaire.

Celui-ci demeure libre du choix de son locataire. Tous les juristes connaissent bien cet aspect du contrôle des structures, qui constitue une partie tout à fait stabilisée du droit rural, source de sécurité juridique pour les bailleurs et les preneurs.

En ce qui concerne le droit des sociétés, il convient de pouvoir appliquer le contrôle des structures aux montages sociétaires qui se développent dans le monde agricole. Or cela s'avère pratiquement impossible aujourd'hui. Avec le développement du recours à ces formes sociétaires GAEC, EARL en particulier -, il convient de mettre sur un pied d'égalité les exploitants personnes physiques et ceux qui exploitent dans un cadre sociétaire. C'est pourquoi la société est considérée comme un exploitant au regard du contrôle des structures.

Le projet permet aussi de contrôler les agrandissements réalisés par la voie sociétaire. Comme vous le savez, il s'agit d'une procédure avec avis et qui ne donne pas forcément lieu à refus. Les différents critères de motivation du schéma directeur départemental des structures doivent être aussi examinés par la commission des structures.

Par ailleurs, il a été prévu un aménagement accordant un délai de deux ans à l'associé pour se mettre en conformité, ce qui apparaît suffisant. Il n'y a donc pas atteinte au droit des sociétés. J'ajoute, sur ce point, que la rédaction proposée tient bien évidemment compte des observations de la chancellerie.

Enfin, sur le droit des transmissions, il n'y a pas de renforcement du contrôle par rapport à un dispositif qui a plus de trente ans maintenant.

M. François Sauvadet.

Si !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Par contre, certains amendements déposés par l'opposition, visant à exclure du contrôle certaines transmissions familiales, présentent un caractère inégalitaire et inéquitable.

M. François Sauvadet.

Oui, parce que nous sommes attachés à la famille !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne vois pas pourquoi l'exploitant âgé qui n'a pas de successeur assuré - cela est très fréquent pour les exploitants âgés de plus de cinquante-cinq ans - serait soumis au contrôle alors que les transmissions familiales ne le seraient pas.

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Charles de Courson.

C'est normal !

M. Thierry Mariani.

Il faut respecter la famille !

M. Marc Laffineur.

Les socialistes sont contre la famille !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Dans les deux cas, et s'il y a un dépassement des seuils de contrôle, les transmissions seront examinées au regard des critères approuvés par la CDOA. Il convient donc de faire confiance à cette procédure déconcentrée. Les arguments avancés par l'opposition n'apparaissent donc pas pertinents en droit et ils sont contestables au plan politique.

Cette réforme du contrôle des structures s'avère nécessaire. D'ailleurs, plusieurs des éléments qu'elle comporte figuraient déjà dans le projet préparé par mon prédécesseur.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas le même esprit !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous les avons améliorés en discutant de ces différents aspects avec les représentants des organisations professionnelles. Je précise que les dispositions en cause ont fait l'objet d'un accord unanime des organisations syndicales.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je le dis à l'intention de M. Jacob, qui semble avoir pris quelques distance avec ces organisations. Sinon il n'aurait pas tenu de tels propos.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. François Sauvadet.

C'est vous qui prenez de la distance avec ses propos !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les représentants des organisations professionnelles, lors des auditions réalisées par la commission de la production et des échanges, se sont déclarés favorables à cette réforme et aux dispositions proposées.

M. Philippe Vasseur.

Ah oui ? Le réveil va être douloureux, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne pense pas qu'il faille laisser une liberté totale pour les mouvements fonciers en agriculture et les laisser s'opérer selon les seuls principes du libéralisme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

Tel est l'esprit de cet important article 16. Il n'est pas simplement symbolique. Il est pleinement cohérent avec les orientations que je vous ai déjà présentées et il ne mérite pas, selon moi, les nombreux procès d'intention que l'opposition lui intente. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2 RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. François Goulard.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour un rappel au règlement.

M. François Goulard.

Mon rappel au règlement est fondé sur les articles 58 et 89 de notre règlement.

Je dois d'abord souligner que je suis désolé d'interrompre ainsi le débat sur un texte extrêmement important, sur un sujet auquel nous sommes les uns et les autres extrêmement attachés et qui se déroule dans de bonnes conditions avec des discussions de très grande qualité, mais l'actualité et l'urgence me conduisent malheureusement à le faire.

En effet, l'ordre du jour de notre assemblée prévoit, dès demain matin, l'examen d'une proposition de loi sur le pacte civil de solidarité. Ce débat requiert à l'évidence temps et sérénité afin que les sujets difficiles qu'il doit permettre d'aborder soient traités convenablement. Or des rumeurs persistantes, émanant de membres éminents de la majorité, voire de membres du Gouvernement, laissent entendre que nous serions amenés à siéger dimanche.

M. Germain Gengenwin.

Il ne manquerait plus que ça !

M. François Goulard.

Il se trouve que, dimanche prochain, l'un des groupes de cette assemblée tiendra ses journées parlementaires. Il serait contraire à tous les usages, à toutes les traditions parlementaires de faire siéger l'Assemblée nationale alors même qu'un de ses groupes a prévu de longue date de tenir ses journées parlementaires. Au demeurant, nous savons tous combien il est difficile pour nous de siéger un dimanche.

Il est donc impensable que, sur un tel sujet qui, je le répète, requiert de la sérénité et exige des travaux constructifs, l'on songe un seul instant à nous faire siéger dans de telles conditions.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande instamment de nous rassurer sur ce point en nous donnant la garantie que nous ne siégerons pas sur le PACS dimanche.

M. François Sauvadet.

Ni sur la loi d'orientation agricole.

M. François Goulard.

Bien sûr ! Si vous n'êtes pas en mesure de nous donner cette garantie, je voudrais, monsieur le président, que vous vous rapprochiez immédiatement de M. le président de l'Assemblée nationale, dont je rappelle qu'il a fait récemment des déclarations, d'ailleurs fort intéressantes, sur le renforcement des pouvoirs du Parlement et sur les droits de l'opposition. Il l'a fait avec beaucoup de force et avec un certain courage. C'est le moment de le prendre au mot et de voir si les droits de l'opposition et les droits du Parlement sont vraiment respectés dans ce pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le président, compte tenu des informations que vient de donner M. Goulard, au nom du groupe Démocratie libérale, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour parer au plus pressé.

M. Félix Leyzour.

Qu'est-ce qui est le « plus pressé » ?

M. le président.

Pour répondre à M. Goulard, j'indique que l'ordre du jour de notre assemblée, tel qu'il a été fixé par la conférence des présidents le jeudi 1er octobre, prévoit que l'Assemblée tiendra séance vendredi prochain matin, midi et soir, ne prévoit pas de séance pour samedi et n'a pas pris de position concernant la journée de dimanche.

M. Thierry Mariani.

Voilà !

M. François Goulard.

C'est une confirmation !

M. le président.

Je vais donc, ainsi que vous le souhaitez, m'enquérir auprès de M. le président de son éventuelle intention de réunir une conférence des présidents qui pourrait modifier éventuellement l'ordre du jour pour la fin de semaine.

La parole est à M. Philippe Vasseur, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le président, j'interviens au titre des articles 58 et 89 du règlement. Compte tenu du fait que vous allez vous enquérir auprès du président de l'Assemblée nationale de la suite de nos débats, je voudrais appeler l'attention avec une certaine solennité sur les conditions dans lesquelles on fait travailler le Parlement.

M. François Patriat.

Vous n'êtes pas crédible, monsieur Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

C'est un problème qui nous concerne tous, monsieur Patriat. En tant qu'élus d'une circonscription, nous sommes tous amenés à rendre des comptes à nos électeurs et à vivre parmi eux. Nous ne vivons pas coupés de la population. Nous avons tous pris des engagements pour le samedi et pour le dimanche. Si nous ne pouvons nous rendre dans nos circonscriptions ces jours-là, quand pourrons-nous le faire ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Vous êtes un député hors sol !

M. Philippe Vasseur.

Il y a peut-être des députés par accident qui méprisent leurs électeurs, monsieur AdevahPoeuf. Ce n'est pas le cas de la plupart des députés qui siègent sur les bancs de cette assemblée.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

J'ai été élu avant vous, monsieur Vasseur !

M. le président.

Monsieur Adevah-Poeuf, je vous en prie !

M. Philippe Vasseur.

Je m'étonne que vous puissiez protester contre une réflexion de bon sens. S'il vous semble normal que l'on puisse un jeudi matin, en fin de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

matinée, ne pas savoir si l'on va siéger le dimanche suivant, vous avez une conception de la démocratie et du travail parlementaire que nous ne partageons pas ! Je trouve proprement scandaleux que nous ne sachions pas deux jours à l'avance si nous allons siéger ou non un dimanche. C'est tout à fait anormal et nous devons émettre une protestation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur Goulard, je trouve tout à fait inconvenants les incidents que vous provoquez.

M. François Goulard.

Nous siégeons dans une assemblée démocratique !

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Laissez-moi parler ! Je ne vous ai pas interrompu ! Nous devons nous respecter ! Je trouve qu'il y a là une manoeuvre politique.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Il y a une interrogation !

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Votre question n'a rien à voir avec la loi d'orientation. Vous voulez empêcher l'adoption de cette loi, tant attendue par le pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Nous voulons seulement une réponse.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Le problème que vous soulevez n'a rien à voir avec notre débat.

M. Thierry Mariani.

Si !

M. François Goulard.

Nous voulons savoir si nous siégerons dans deux jours !

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Par ailleurs, je trouve inconvenants et insultants les propos de M. Vasseur quand il a parlé de

« députés » élus par accident. Il n'y a pas de hiérarchie parmi les élus, monsieur Vasseur. Vous devriez le savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

M. le président de l'Assemblée nationale a été tenu informé des observations formulées, avant la suspension de séance, lors du rappel au règlement de M. Goulard, au sujet de l'organisation de nos travaux pour la fin de la semaine.

Je rappelle qu'en tout état de cause, la tenue de séances supplémentaires implique la réunion de la conférence des présidents.

M. François Goulard.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour un rappel au règlement.

M. François Goulard.

Monsieur le président, votre réponse - ou, plus précisement, la réponse de M. le président de l'Assemblée nationale - ne nous apprend rien.

Elle se borne à nous rappeler les termes du règlement de notre Assemblée ; mais sur la tenue ou non d'une séance dimanche prochain, nous ne sommes pas plus avancés.

Vous me permettrez de m'étonner de la teneur de la réponse que vous nous donnez.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet.

En vertu de l'article 58, monsieur le président.

Il faut bien comprendre l'état d'esprit dans lequel nous abordons ce débat. J'ai entendu les propos du président de la commission de la production et des échanges. Nous ne souhaitons en aucune manière faire un incident ; nous exprimons seulement le voeu d'avoir le temps de travailler sur les textes d'importance, comme c'est le cas de cette loi d'orientation. Depuis le début de l'examen de ce texte, un débat nous oppose, certes. Mais c'est notre vocation de proposer en nous opposant, ce que nous faisons, et cette discussion est extrêmement instructive. Or voilà que, depuis le début, celle-ci se voit entravée par l'irruption de textes, parfois mineurs, qui viennent la hacher. Nous n'avons fait que poser le problème de l'organisation de nos travaux, souhaitant simplement que nous ayons le temps de poursuivre sérieusement l'examen des articles, comme nous l'avons fait jusqu'à présent.

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. le président.

Je vous rappelle simplement que le programme de travail de l'Assemblée nationale, tel qu'il a été fixé par la conférence des présidents du 1er octobre, prévoit que, vendredi 9, sera discutée la proposition de loi relative au PACS à neuf heures, quinze heures et vingt et une heures. Aucune séance n'est prévue pour samedi, compte tenu des journées parlementaires du groupe RPR.

Pour dimanche, aucune décision n'a été prise lors de la conférence des présidents du 1er octobre.

L'éventuelle tenue de séances dimanche est liée à une décision de la conférence des présidents. Personne ne peut dire quand elle sera prise puisque la conférence des présidents, qui est convoquée par le président de l'Assemblée nationale, n'a pas encore été convoquée à cet effet.

3

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Reprise de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

Nous reprenons la discussion du projet de loi d'orientation agricole (nos 977, 1058).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Nous abordons les amendements à l'article 16.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

Article 16 (suite)

M. le président.

M. Mariani, M. Didier Quentin et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 356, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 16. »

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

L'amendement de M. Mariani vise à supprimer l'article 16. Il ne s'agit pas, comme l'ont prétendu à plusieurs reprises nos collègues de la majorité, de faire disparaître tout contrôle des structures, mais simplement de revenir au système antérieur, quitte à lui apporter au besoin - sur ce point, nous sommes tous d'accord quelques petites améliorations. Mais nous ne pouvons en aucun cas accepter les propositions contenues dans l'article 16, qui n'ont d'autre but que de rigidifier à l'extrême tout le dispositif et de le rendre beaucoup plus administratif et contraignant.

Il peut effectivement se poser un problème pour certaines sociétés ; je l'ai évoqué tout à l'heure. Mais votre proposition n'y apporte aucune réponse et se borne à renforcer les contrôles en tout genre. Nous ne cherchons pas à nier ou à remettre en cause la nécessité d'un contrôle des structures ; mais la législation en vigueur, mis à part un ou deux points à améliorer, suffisait largement, sans qu'il soit besoin d'entrer dans le carcan que vous nous proposez.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 356.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche a, par avance et de façon complète et structurée, répondu à l'ensemble des objections ayant spécifiquement trait au contrôle des structures. Par souci de cohérence, le rapporteur et la commission ont suivi, par les amendements qu'ils ont adoptés et ceux qu'ils ont refusés, les arguments qu'il a développés.

L'article 16 tend à adapter la politique de contrôle des structures aux évolutions les plus récentes, en particulier au développement des formes sociétaires.

Ce texte apporte trois innovations qui, contrairement à ce que vous affirmez, ne portent aucunement préjudice à l'exploitation familiale ni aux formes classiques : l'égalité de traitement entre les formes d'exploitation individuelle et les formes sociétaires, l'unification du contrôle par la création d'un seul régime d'autorisation et le remplacement des sanctions pénales, rarement mises en oeuvre, par des sanctions administratives plus dissuasives. Voilà comment il faut interpréter le texte, en ayant évacué tous les problèmes ou dérapages que vous avez évoqués. Cet article, strictement de cohérence, répond à la demande du monde agricole et permettra d'uniformiser et de clarifier les choses. Aussi la commission a-t-elle repoussé l'amendement de M. Mariani.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 356.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre, je me suis demandé à quoi tenaient les raisons de cette surenchère sur le plan du contrôle des structures. Vous ne pouvez me suspecter d'être hostile à un contrôle de la politique des structures. Rappelons que le principe du contrôle des structures et de la modernisation de l'agriculture, avec toutes ses conséquences sur le plan économique et social, a été initié par la loi d'orientation de 1960. Auparavant, rien n'avait été fait, hormis le statut du fermage, mis en place, comme chacun sait, par le général de Gaulle. Vos frères aînés, monsieur le ministre, avaient pourtant eu, au cours de la IVe République, de nombreuses occasions de mettre en place une politique agricole permettant d'assurer le développement de l'agriculture dans un contexte radicalement nouveau de mécanisation, de motorisation et d'élargissement des structures d'exploitation mais personne n'avaient rien fait, pas plus les radicaux que la SFIO ou le parti communiste qui n'avait de louanges que pour les sovkhozes et les kolkhozes. De nombreuses délégations s'étaient d'ailleurs rendues à Moscou pour voir ce qui s'y passait et en étaient revenues enthousiastes, génuflexion faite devant le mausolée de Lénine ! M. Jean Auclair, M. Gilbert Gantier et M. François Goulard.

Très bien !

M. Michel Vergnier.

C'est ce qu'on appelle être primaire !

M. François Guillaume.

Le contrôle de la politique des structures a été mis en oeuvre à partir de 1960. Les dérives qui ont pu apparaître depuis sont essentiellement dues à un défaut d'application et non à une insuffisance de la législation.

M. Christian Paul.

La faute à qui ?

M. François Guillaume.

Aujourd'hui, non seulement vous voulez multiplier les contraintes mais, qui plus est, je l'ai bien compris, vous voulez essayer de rectifier une erreur fondamentale commise par votre prédécesseur et contre laquelle je m'étais à l'époque élevé : la mise en place des EARL.

En 1985 en effet, alors que nous discutions ici même des sociétés unipersonnelles, M. Nallet, un de vos prédesseurs, a voulu à toute force introduire la possibilité pour les agriculteurs de créer de telles sociétés. Or c'est précisé ment de là que sont venues les dérives.

Je m'étais opposé aux EARL. Pourquoi ? Tout simplement parce que, le système permettant à des capitaux extérieurs de venir conforter, éventuellement agrandir une entreprise agricole conduite par un seul exploitant, en l'occurrence le gérant de l'EARL, les actionnaires étaient bien sûr tentés de le pressurer au maximum pour obtenir les meilleurs résultats, les meilleurs dividendes.

Après avoir commis une telle erreur, vous cherchez à mettre un frein aux dérives des EARL. Je ne vous le reproche pas ; mais de là à remettre en cause l'agriculture de groupe, c'est-à-dire essentiellement les GAEC dans lesquelles s'appliquait jusqu'ici la plus grande transparence, c'est tout de même un comble ! Si l'on va au bout de votre logique, un jour viendra, et il est très proche, où l'on mettra fin à la transparence des GAEC. Or ces GAEC, ce sont des agriculteurs qui réunissent leurs moyens, leurs capacités, leurs efforts au sein d'une entreprise où ils restent tous agriculteurs au même titre et sans hiérarchie, pour la gérer le mieux possible et en tirer les meilleurs résultats pour leurs familles.

Voilà pourquoi je considère que l'amendement de M. Mariani, qui porte suppression de l'ensemble de l'article 16, serait sans doute la meilleure solution, en revenant, comme l'a dit très justement M. Jacob, non pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

au néant, mais à la législation actuelle, laquelle répond parfaitement aux besoins que vous soulignez vous-même, pour peu que l'on veille à sa bonne application. Il est relativement facile de corriger les rares dérives qui ont pu s'introduire dans le dispositif des GAEC, et cela ne nécessite pas tout le chambardement que vous avez prévu.

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Nous avions abordé ce débat dans un esprit de sérieux. Nous devrions continuer à l'occasion de cet article 16.

M. Christian Jacob.

Tout à fait !

M. Jean Auclair.

On vous renvoie la balle !

M. Joseph Parrenin.

En fait de génuflexion devant le mausolée, M. Guillaume est en train de faire la génuflexion devant l'ultralibéralisme. Ce n'est pas ce qu'attendaient les agriculteurs. Ils ont bien compris le sens de ce projet, qui doit contenir des dispositions et offrir les moyens pour que soient maintenues les exploitations agricoles. La défense des agriculteurs passe par l'existence des exploitations agricoles. Pour que celles-ci soient à taille humaine, il faut - et les organisations agricoles l'ont dit au Gouvernement et à nous-mêmes - revoir les dispositifs de contrôle des structures. J'ai relu les notes que j'ai prises à l'occasion de rencontres avec certains dirigeants régionaux ou nationaux, je peux dire que nous sommes tout à fait en phase avec les demandes des organisations agricoles.

M. François Guillaume.

Vous êtes des apprentis sorciers !

M. Joseph Parrenin.

Tout à l'heure, M. le ministre considérait que notre collègue Jacob avait oublié les organisations agricoles. Je crois que c'est le contraire. Ce sont les organisations agricoles qui sont en train d'oublier

M. Jacob et M. Guillaume.

M. Christian Paul.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

J'écoute avec beaucoup d'attention ce débat et j'observe ce qui se passe sur tous les bancs de cette assemblée, en particulier ceux situés en face de moi.

D'un côté, nos collègues de l'opposition s'en prennent sur le fond au projet, en demandant la suppression de chaque article.

M. François Guillaume.

Tout à fait.

M. Félix Leyzour.

Et puis, comme ils savent que des choses ne vont pas très bien dans le monde de l'agriculture, comme ils savent qu'il y a une attente chez les agriculteurs, ils utilisent tel ou tel amendement pour essayer d'accréditer l'idée que les propositions positives leur seraient dues tandis que les éléments négatifs seraient la faute du projet.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas faux.

M. Christian Jacob.

C'est frappé au coin du bon sens !

M. Félix Leyzour.

Il y a une répartition des rôles :

M. Jacob tient un rôle, M. Sauvadet couvre l'autre aile, mais personne n'est dupe.

M. Germain Gengenwin.

Arrêtez de nous faire la leçon !

M. Christian Jacob.

Il faut deux ailes pour voler !

M. Félix Leyzour.

Il est clair que vous ne voulez pas que l'on améliore ce qui ne fonctionne pas très bien aujourd'hui. Vous savez très bien qu'il y a beaucoup à faire en matière de contrôle des structures.

Je ne sais pas où M. Guillaume, que j'ai vu parfois mieux inspiré, va faire ses génuflexions ; c'est son problème. Mais je sais que nous ne plierons pas les genoux devant vous.

Le contrôle proposé dans l'article 16 est destiné à permettre l'installation de jeunes, l'agrandissement des plus petites exploitations. Vous voulez donner l'impression que vous êtes les défenseurs du monde agricole, les défenseurs des agriculteurs en général.

M. Christian Jacob.

Oui !

M. Félix Leyzour.

Tel n'est pas le cas. Vous êtes les défenseurs de certains agriculteurs.

M. Christian Jacob.

Comme vous !

M. Félix Leyzour.

Alors, restez dans votre rôle, et n'ayez pas la prétention de représenter le monde agricole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Je ne demanderai pas à M. Leyzour une explication de texte mais je n'ai pas très bien compris ce que je couvrais.

M. Félix Leyzour.

Vous vous répartissez les rôles.

M. François Sauvadet.

Ce que j'essaie de découvrir, en revanche, ce sont les intentions réelles du texte. Il est pleinement de notre rôle d'éclairer la représentation nationale, et, au-delà, la profession agricole, sur ces intentions.

Nous ne rejetons pas le contrôle des structures, comme vous le laissez entendre en caricaturant - nous serions les tenants de l'ultralibéralisme, de l'agrandissement à tout va.

M. Jacques Fleury.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas du tout le cas.

Nous entendons défendre une position équilibrée. Nous disons que les contrôles renforcés que vous préconisez, s'ils sont bons dans les intentions, risquent d'avoir sur le terrain un effet contraire à celui escompté.

J'ai posé des questions concrètes, notamment à propos des GAEC père-fils. Le départ d'un associé se traduira-t-il par un agrandissement indépendamment des structures et de l'histoire même de l'exploitation ? Vous avez invoqué l'argument de l'iniquité pour un exploitant qui n'aurait pas d'héritier ou de coexploitant familial. Nous voulons faire en sorte que les exploitants familiaux puissent transmettre leurs biens. Nous n'obtenons pas de réponses à ces questions toutes simples.

De même, nous n'avons pas reçu d'assurance sur la composition des CDOA, sur leur élargissement. Vous nous avez renvoyés à des principes constitutionnels qui s'appliquent à tous. On aurait pu parler aussi des traités qui s'appliquent à nous.

Vous n'avez pas apporté d'apaisement sur les craintes que nous avons exprimées quant aux risques de démembrements d'exploitations. D'autant que vous avez fixé un autre objectif, qui est de renforcer les pluriactifs.

Monsieur Leyzour, je partage votre sentiment sur la nécessité de conforter certaines exploitations pour permettre à des jeunes de s'installer et à ceux qui sont installés de continuer à vivre de leur métier. Il ne s'agit pas cependant de mettre en oeuvre, par le biais des CDOA élargies, à une autre conception de l'agriculture qui démembrerait des exploitations viables ou familiales au profit de pluriactifs dont je vous laisse deviner le dessein.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

M. Félix Leyzour.

Ce n'est pas ce qui est prévu, monsieur Sauvadet !

M. Christian Jacob.

Monsieur le président, je demande la parole !

M. le président.

Mon cher collègue, l'Assemblée me paraît suffisamment éclairée sur cet amendement de suppression de l'article 16.

Je mets aux voix l'amendement no 356.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Patriat, rapporteur, a présenté un amendement, no 104, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 16, substituer aux mots : "livre troisième", les mots : "livre III (nouveau)". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a adopté et amendement de pure forme.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 104.

(L'amendement est adopté.)

ARTICLE L. 331-1 DU CODE RURAL

M. le président.

MM. Leyzour, Dutin, Goldberg, Sandrier, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 841, ainsi rédigé :

« Compléter le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 331-1 du code rural par les mots : ", y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive". »

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

L'amendement no 841 complète le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 331-1 du code rural pour tenir compte des préoccupations des futurs agriculteurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission vous propose d'accepter l'amendement no 841 de M. Leyzour, qui a les mêmes effets mais qui est mieux situé dans le projet que les amendements nos 105 et 560 qui devraient être examinés plus tard.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 841.

(L'amendement est adopté.)

M. François Sauvadet.

Vous voyez, monsieur Leyzour, quand vous dites des choses justes, on le reconnaît !

M. le président.

M. Jean-Michel Marchand, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère ont présenté un amendement, no 740, ainsi rédigé :

« Après le quatrième alinéa du texte proposé pour l'article L. 331-1 du code rural, insérer l'alinéa suivant :

« Soit à permettre la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique. »

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le président, nous retirons l'amendement no 740 au profit de l'amendement no 771, dont la place est plus judicieuse.

M. le président.

L'amendement no 740 est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 235, 247, 267, 358 et 500.

L'amendement no 235 est présenté par M. Estrosi ; l'amendement no 247 est présenté par M. Micaux ; l'amendement no 267 est présenté par M. Nicolin ; l'amendement no 358 est présenté par M. Mignon et M. Jean-Claude Lemoine ; l'amendement no 500 est présenté par M. Gérard Voisin.

Les amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 331-1 du code rural. »

La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement no 235.

M. Christian Jacob.

Il est défendu.

M. le président.

L'amendement no 247 est-il défendu ?

M. Jean-Claude Lemoine.

Oui, monsieur le président !

M. le président.

Et l'amendement no 267 ?

M. Paul Patriarche.

Oui !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, pour soutenir l'amendement no 358.

M. Jean-Claude Lemoine.

Nous voulons maintenir un cadre équilibré et respectueux des conditions de concurrence à l'exercice de la pluriactivité. En effet, le phénomène de la pluriactivité a pris une ampleur très nette ces dernières années, particulièrement dans le domaine agricole. Cette tendance ne se fait pas sans difficultés, loin de là.

Nous souhaiterions dès lors que s'applique la règle : même statut, mêmes droits et mêmes devoirs. Voilà pourquoi nous demandons la suppression du dernier alinéa de l'article L.

331-1 du code rural. Il nous paraît dangereux car il risque de créer certaines difficultés dans le monde rural en favorisant une concurrence à armes inégales entre différentes professions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements parce qu'ils visent purement et simplement à supprimer la pluriactivité. Or, dans beaucoup de régions françaises, la démographie, la déprise rurale permettent à des gens de s'installer dans des conditions décentes et d'être pluriactifs. A regarder ce qui se passe dans d'autres pays, on constate que la France n'a pas à rougir de laisser ce type d'activité s'exercer pour occuper son territoire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

S'agissant d'amendements visant à supprimer l'encouragement à la pluriactivité, je ne peux qu'être défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Une fois de plus, monsieur le ministre, il faut laisser aux comités départementaux le pouvoir de décision. Je suis d'accord avec vous, monsieur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

le rapporteur, monsieur le ministre : si je supprimais la pluriactivité dans ma commune, il ne resterait pas grandchose. Mais cela n'est peut-être pas vrai dans d'autres régions. Alors, ne légiférons pas sur ce point et laissons au comité départemental le soin d'apprécier au cas par cas.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est ce qui est fait !

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Je suis favorable à la suppression de cet alinéa pour les raisons suivantes.

D'abord, monsieur le ministre, on n'a jamais interdit la pluriactivité. Toute personne qui dispose de terres disponibles et qui veut développer une production agricole peut le faire, même s'il n'est pas agriculteur - il peut être pharmacien, salarié, employé. Il n'en reste pas moins que cela peut rendre les relations difficiles dans les villages.

Prenons l'exemple du pharmacien : celui-ci dispose généralement de capitaux, qu'il peut investir dans une production agricole, concurrençant en quelque sorte l'agriculteur dans l'acquisition de terres que, peut-être, il ne pourra pas exploiter dans l'immédiat mais qu'il finira par exploiter. Les agriculteurs considèrent que la concurrence est faussée parce que c'est grâce à des capitaux extérieurs que ces gens peuvent investir dans l'agriculture alors que les agriculteurs ne peuvent pas le faire parce que leurs revenus sont insuffisants.

Ensuite, comment va-t-on accorder à ces pluriactifs les aides diverses, économiques, sociales, d'installation, aides à l'équipement, etc., auxquelles ont droit les agriculteurs ? Maintenir cet alinéa dans la loi incitera tous ces pluriactifs à réclamer des avantages équivalents.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Je suis un peu surpris par la tournure que prend la discussion parce que l'installation d'agriculteurs pluriactifs n'est pas l'objet principal de l'alinéa.

Que dit l'article L. 331-1 ? L'objectif prioritaire du contrôle des structures vise en outre :

« soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ;

« soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ;

« soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient. »

Il me semble donc que le troisième point ne constitue pas l'essentiel de l'article mais permet de favoriser l'installation d'agriculteurs dans des zones difficiles. N'en faites pas le pivot de l'article pour mieux pouvoir le combattre.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Je voudrais rappeler à

M. Guillaume les propos de Patrick Ollier hier.

C elui-ci est intervenu à plusieurs reprises pour défendre la montagne et la pluriactivité. Imaginez la montagne sans pluriactivité ! Imaginez la Corse sans pluriactivité ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Absolument !

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai dans ma commune des agriculteurs qui exploitent trente hectares en bovins allaitants, et qui, à côté, travaillent dans des entreprises, ou dans des fermes voisines.

Comment pourrait-il en être autrement ? Nous avons en outre déposé des amendements, qui ont été acceptés par la commission, qui traitent le cas des apporteurs de capitaux qui ne sont que des prête-noms dans les exploitations ou qui tendent à vouloir faire ce que vous craignez.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Nous ne sommes pas du tout opposés à la pluriactivité dans nos zones rurales.

M. Félix Leyzour.

Il ne faut donc pas demander la suppression de l'alinéa la concernant, alors !

M. Joseph Parrenin.

Il faut retirer l'amendement.

M. Jean-Claude Lemoine.

Moi aussi, je représente une zone rurale où, heureusement, il y a des pluriactifs. Nous aidons même certains pluriactifs à s'installer.

Simplement, nous sommes soucieux des règles d'égale concurrence. En 1996, un groupe de travail interministériel avait été mis en place à la demande du Premier ministre de l'époque pour travailler sur ce sujet.

Pour des raisons diverses, ce groupe de travail n'a pu aboutir dans sa réflexion. Nous souhaitons que ce groupe soit réactivé.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 235, 247, 267, 358 et 500.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

En conséquence de l'adoption de l'amendement no 841, l'amendement no 105 de la commission, le sous-amendement no 745 de M. JeanMichel Marchand et l'amendement no 560 de M. Parrenin n'ont plus d'objet.

M. Patriat, rapporteur, M. Leyzour et les commissaires membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 106, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article L. 331-1 du code rural par l'alinéa suivant :

« Dans ces buts, le statut des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural est modifié pour y intégrer le principe de location et de location-vente ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

A l'initiative de M. Leyzour, et bien que le rapporteur eût émis des réserves sur l'insertion d'une telle disposition dans l'article définissant l'objectif du contrôle des structures, la commission a adopté l'amendement no 106.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Chacun le sait, le code rural traite des SAFER en son titre quatrième, aux articles 141 et 142. L'amendement no 106 se rapporte à l'article L. 331-1 dudit code, qui traite du contrôle des structures des exploitations afin de favoriser l'installation des jeunes et l'agrandissement des petites exploitations, et de conforter l'exploitation par des agriculteurs pluriactifs.

Une fois ces objectifs fixés, nous proposons des moyens, ou l'un des moyens qui permettraient de les atteindre. On connaît aujourd'hui le poids du foncier


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

dans le coût de l'installation des jeunes. Cela nous incite à penser qu'il faudrait modifier le statut des SAFER, pour que ces organismes puissent rétrocéder les terres aux jeunes agriculteurs sous forme de location-vente.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cet amendement vise à modifier le statut des SAFER pour y intégrer le principe de la location ou de la location-vente.

D'ores et déjà, les SAFER peuvent, sous certaines conditions, procéder à des mises à disposition de biens fonciers. Il est vrai qu'au fil des ans leur expérience leur a permis de rendre des services qui vont bien au-delà de ce qu'étaient les objectifs initiaux.

Il convient donc de réexaminer les missions des SAFER. Il ne vous a pas échappé qu'un amendement a été déposé en ce sens après l'article 49. Il répond aux préoccupations des auteurs de l'amendement. J'apprécierais en conséquence qu'ils puissent retirer celui-ci, faute de quoi j'inviterai l'Assemblée à se prononcer défavorablement.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Il existe en effet des systèmes de location, notamment à titre précaire, sur des biens en attente d'affectation. Simplement, l'amendement sousentend tout autre chose.

En agriculture, le régime des locations est soumis au statut du fermage, ce qui implique des baux. Donc, si cet amendement était adopté, les SAFER deviendraient bailleurs. C'est extrêmement dangereux. Pour le coup, et sans faire de caricature, on rentrerait dans un vrai système de nationalisation des sols.

M. Joseph Parrenin.

Non !

M. Christian Jacob.

Mais si ! Les SAFER, organismes publics, bénéficiant de fonds d'Etat, n'ont pas vocation à devenir bailleurs de fonds. Leur vocation, c'est l'aménagement foncier. D'ailleurs, les SAFER ont de moins en moins la possibilité de le faire, en raison d'un désengagement des fonds publics ; elles ne peuvent plus faire de la restructuration comme cela était le cas il y a quelques années.

Cet amendement n'est absolument pas acceptable car on rentrerait dans le régime de location pure. Certes, pour du précaire, dans un certain nombre de cas, s'il y a plusieurs candidats, ce n'est pas inutile, car cela donne au comité technique et au conseil d'administration de la SAFER le temps de délibérer. Mais en aucun cas on ne peut rentrer dans un système de location.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Votre remarque à M. Leyzour, monsieur le ministre, était de bon sens, et je rejoins tout à fait les préoccupations qui viennent d'être exprimées par M. Jacob.

En effet, il n'est pas possible aujourd'hui de s'exonérer d'une réflexion sur le rôle des SAFER. On voit bien qu'elles interviennent parfois sur des surfaces extrêmement faibles.

M. Germain Gengenwin.

Oui !

M. François Sauvadet.

On voit bien aussi qu'elles ne sont pas tout à fait dans leur rôle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous inquiétions tout à l'heure sur les démembrements d'exploitation, y compris sur des parcelles très faibles, ce qui ne signifie pas pour autant que nous soyons défavorables à la pluriactivité.

Nous devrions également engager une réflexion sur le coût des terres que rétrocèdent les SAFER. Il s'agit d'un facteur extrêmement important sur le marché foncier. Le coût de rétrocession des terres est une vraie préoccupation pour les SAFER elles-mêmes, qui ont à faire face à des charges financières extrêmement lourdes.

Avant même de parler de l'extension des possibilités d'intervention des SAFER en matière de location - ce qui reviendrait à remettre en cause les fondements mêmes des SAFER rappelés par Christian Jacob et à procéder à une sorte de nationalisation des sols -, il faut engager une réflexion de fond sur leur fonctionnement, leur possibilité d'intervention et les moyens financiers dont elles disposent. En tout cas, ce ne sont pas des éléments de régulation des prix des marchés fonciers.

M. le président.

La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair.

Sur cet amendement, nous apportons notre soutien à M. le ministre, qui a totalement raison.

Si cet amendement était adopté, les SAFER pourraient, avec de l'argent public, acquérir des exploitations et les rétrocéder comme elles l'entendraient,...

M. François Patriat, rapporteur.

Non !

M. Jean Auclair.

... voire les louer.

Un tel amendement risque de créer une distorsion de concurrence et de porter atteinte au droit de propriété : il est impossible de l'adopter !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

Personnellement. j'avais émis des réserves sur cet amendement. Cela dit, la commission, réunie au titre de l'article 88, a adopté un amendement qui tend à redéfinir le rôle des SAFER et à clarifier les choses, ce qui devrait donner satisfaction à M. Leyzour. C'est pourquoi je propose le retrait de l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Notre objectif est d'élargir le rôle des SAFER.

M. François Sauvadet.

Avec de l'argent public.

M. Félix Leyzour.

Chacun ici sait très bien que le problème de la location-vente préoccupe beaucoup de jeunes agriculteurs. On connaît le poids du foncier.

Ce qui m'importe, ce n'est pas de savoir à quel endroit du texte cette idée sera reprise, c'est que l'idée soit reprise. Or, comme il vient d'être précisé que l'on retrouve la même idée après l'article 49...

M. François Sauvadet.

Qui aura intérêt demain à être propriétaire ? Plus personne !

M. Félix Leyzour.

... dans un article additionnel qui dispose que les SAFER peuvent concourir à la transmission de biens sous forme locative dans le cadre du statut du fermage, je suis prêt à accepter le retrait de l'amendement. L'essentiel est que nous ayons satisfaction sur le principe.

Nul besoin de brandir la menace de la nationalisation des terres ! (« Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Nul besoin de crier « au loup », car de loup, il n'y en a point !

M. François Sauvadet.

Qui aura intérêt à acheter des terres ?

M. le président.

L'amendement no 106 est retiré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

ARTICLE L. 331-2 DU CODE RURAL

M. le président.

M. Guillaume et les membres du groupe en Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ont présenté un amendement, no 366, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 331-2 du code rural : "Toute diminuation du nombre total des associés exploitants au sein d'une exploitation est assimilée à un agrandissement au bénéfice des autres associés et entraîne pour ceux-ci l'obligation de déposer une déclaration préalable". »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

La disparition d'un associé au sein d'une société, GAEC ou EARL, doit être assimilée à un agrandissement au bénéfice des autres associés. Par cet amendement, je demande que cela entraîne l'obligation pour ces derniers de déposer une déclaration préalable.

Une exploitation agricole ne peut pas, du jour au lendemain, être amputée d'une partie de ses superficies, donc d'une partie de son potentiel. De plus, c'est une société qui a pris des engagements auprès des coopératives, auprès des banques. Il faut donc faire très attention.

La rédaction du texte proposé pour l'article L. 331-2 du code rural étant extrêmement dangereuse, je propose donc de la remplacer par une autre.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

M. François Guillaume propose de maintenir le système de la déclaration plutôt que de retenir celui de l'autorisation. Or le contrôle des structures dans la procédure unique prend en compte un dispositif d'autorisation. Donc, avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Nous abordons là un sujet délicat.

Cet amendement prévoit l'obligation de déposer une déclaration préalable en cas de diminution du nombre des associés. Une déclaration, ce n'est pas une autorisation. Au reste, nous avons déposé un amendement destiné à éviter des démembrements d'exploitation, en particulier d'un GAEC père-fils au moment où le père part en retraite et que le fils continue tout seul l'exploitation : pour cela, nous proposons que ce dernier ne passe plus devant la commission.

Cela dit, il est bon qu'il y ait une obligation de déclaration lors d'une diminution du nombre total des associés d'une exploitation afin d'éviter le démembrement de celle-ci.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Les arguments qui nous sont opposés par le rapporteur et par le ministre vont complètement à l'encontre de ce que nous avons voté tout à l'heure en matière d'installation progressive. L'intérêt d'une installation progressive, c'est que le jeune qui rentre dans un GAEC ou une EARL ou une SCEA ait la perspective de pouvoir s'agrandir un peu plus tard au moment où l'un des associés se retire. Or l'obliger à repasser devant la commission, comme le veulent le Gouvernement et la commission, cela revient à donner la possibilité de considérer que la reprise des parts de son père - ou d'un autre associé - par un jeune constitue un agrandissement, voire un agrandissement illicite. C'est aller complètement à l'encontre de la notion d'installation progressive, laquelle sous-tend, par définition, une possibilité d'accroître ses biens propres.

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Il me paraît nécessaire de préciser que cet article n'a pas pour objet d'interdire, automatiquement, dans le cas d'un GAEC père-fils, l'exploitation de l'installation par le fils si le père se retire.

M. Jean Auclair.

Mais vous ouvrez la porte !

M. Joseph Parrenin.

Les responsables professionnels nous ont dit - et nous, nous les avons écoutés - qu'il y avait des abus.

M. François Sauvadet.

C'est quoi les abus dans les GAEC père-fils ?

M. Joseph Parrenin.

Ces abus ont lieu dans la quasitotalité des départements. Un jeune se met en GAEC, il prend une exploitation avec les références qui vont avec, et lorsque le papa part en retraite il garde la même exploitation.

M. Christian Jacob.

Votre argumentation ne tient pas !

M. Joseph Parrenin.

Si, ça tient !

M. Christian Jacob.

Vous ne pouvez pas être à la fois en GAEC et à titre personnel !

M. Joseph Parrenin.

Je parle des GAEC et non des exploitations à titre personnel. Dans un GAEC père-fils, lorsque le père part à la retraite, il y a automatiquement agrandissement. Convient-il de refuser automatiquement l'autorisation de continuer à exploiter ? C'est la CDOA qui devra trancher. Faisons confiance aux partenaires de l'agriculture et à l'administration.

M. François Sauvadet.

Alors ça va être infernal !

M. Jean Auclair.

Vous ne savez pas ce que c'est que siéger dans une CDOA, monsieur Parrenin !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Contrairement à ce que M. Parrenin vient de dire, ce problème ne se pose pas dans les GAEC. Quelle est l'origine d'un GAEC père-fils ? Au départ, c'est une entité unique, avec un chef d'exploitation ; mais, pour favoriser l'installation progressive de son fils, le père lui cède une partie de cette exploitation en ayant à l'esprit que son fils la reprendra plus tard. Ne dites pas qu'il y a des dérives dans les GAEC père-fils, c'est exactement le contraire ! Si on a mis en place le GAEC père-fils, c'est pour favoriser l'installation, et l'installation progressive. Il n'y a aucun détournement possible dans un GAEC, surtout dans un GAEC père-fils !

M. François Sauvadet.

Bien sûr !

M. Joseph Parrenin.

Mais si !

M. Jean Auclair.

Non !

M. le président.

Je mets au voix l'amendement n O 366.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. François Sauvadet.

C'est bien dommage !

M. le président.

MM. Guillaume, M. Quentin et les membres du groupe Rassemblement pour la République appartenant à la commisssion de la production ont présenté un amendement, no 361, ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1998

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

331-2 du code rural, substituer au mot : "autorisation" le mot : "déclaration". »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Par cet amendement, je propose de remplacer le terme « autorisation » par celui de

« déclaration ».

Certains départements ayant considéré qu'il fallait contrôler toutes les structures, c'est-à-dire toutes les superficies, les préfectures de ces départements se sont retrouvées encombrées par un tas de demandes d'autorisation. Finalement, quand on veut tout contrôler, on ne contrôle rien du tout ! Au contraire, la simple déclaration permet au préfet de faire l'inventaire rapide des dossiers et de ne saisir la c ommission départementale des structures que des demandes contestables.

M. Joseph Parrenin.

Sur quels critères ?

M. François Guillaume.

Cette procédure me semble beaucoup plus raisonnable.

Vous, vous voulez tout contrôler, mais vous ne contrôlerez rien du tout ! Des députés de la majorité ont fait état de dérives.

Mais des fraudes il y en a toujours. Bien entendu, il faut tenter de les supprimer, ou, tout au moins de les limiter.

Mais, de grâce, ne prenez pas un pilon pour écraser une mouche ! Vous êtes en train de proposer un remède de cheval qui donnera un résultat exactement à l'opposé de celui que vous recherchez.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

C'est parce que le régime de la déclaration s'est révélé inopérant que nous préférons celui de l'autorisation. L'exemple des GAEC père-fils n'est pas, en l'occurrence, le bon exemple. Mais dans d'autres types de GAEC il y a eu des dérives et de vrais agrandissements à la suite de départs d'associés.

Bref, monsieur Guillaume, nous préférons le régime de l'autorisation à celui de la déclaration, car ce dernier ne marche pas : les dérives sont trop nombreuses et pas aussi ponctuelles que vous le prétendez. Tout cela répond à la même logique, à la même démarche : l'installation des jeunes et le maintien d'unités viables.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le régime de déclaration a prouvé son inefficacité. Je suis donc opposé à l'amendement de M. Guillaume.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, vous n'avez toujours pas répondu à la question s'agissant des GAEC père-fils. Je salue d'ailleurs l'attitude du rapporteur, qui a bien compris qu'il y avait là un problème.

Il ne s'agit pas de ne pas contrôler. Nous sommes d'ailleurs de ceux qui souhaitons qu'un contrôle s'exerce, mais nous voulons qu'il ait lieu dans des conditions qui le rendent efficace et qu'il ne contribue pas au démembrement de certaines exploitations.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur le fait que l'autorisation sera provisoire pour une durée de deux années. Quand on sait les restructurations qu'entraîne le départ d'un des associés d'une exploitation et les investissements que cela peut entraîner, il paraît nécessaire de ne pas geler des situations pendant deux ans.

Notre préoccupation est double : ne pas démembrer les exploitations familiales et éviter de les placer dans des situations d'incertitude pendant deux ans.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 361.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Deprez et M. Daubresse ont présenté un amendement, no 457, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé par l'article L. 331-2 du code rural par les mots : "sauf en ce qui concerne la transmission des biens entre parents et enfants jusqu'au quatrième degré." » La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Dans le même esprit que précédemment, il s'agit de favoriser l'émergence de jeunes agriculteurs en facilitant la transmission de biens entre générations. Il est très important de permettre la continuité d'une tradition familiale et d'inciter les jeunes générations à s'insérer dans le sillon tracé par les générations précédentes d'exploitants agricoles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Défavorable. Il va de soi, monsieur Deprez, que les considérations familiales seront prises en compte dans le cadre des successions, et vous n'avez par conséquent aucune crainte à nourrir.

Mais ce n'est qu'exceptionnellement qu'on devrait rencontrer des problèmes.

L'amendement a donc été repoussé par la commission.

M. François Sauvadet.

Vous le repoussez tout en n'y étant pas défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Deprez a présenté un amendement, no 458, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article L.

331-2 du code rural par la phrase suivante : "En outre, aucune autorisation ne sera demandée lors de l'installation d'une exploitation de moins de 10 fois la surface de référence". »

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le but est de laisser les petites structures suffisamment libres pour assurer leur développement et éviter - ce que nous craignons tous - une congestion administrative due à des contrôles trop importants.

Oui aux contrôles, mais n'alourdissons pas le poids de la bureaucratie et ne décourageons pas le développement des entreprises agricoles. Les jeunes agriculteurs sont aussi capables que les jeunes industriels d'établir un plan de développement. Il faut favoriser de tels plans au lieu de les décourager par des contraintes administratives trop lourdes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Je ne comprends pas très bien qu'on nous propose de fixer le seuil à 10 fois la

« surface de référence » et je précise au passage qu'il s'agit


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de l'unité de référence. Ce ne sont pas de petites structures qui sont concernées et cet amendement n'est pas compatible avec la position de la commission. C'est la raison pour laquelle celle-ci l'a repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Une telle proposition viderait de son contenu toutes nos propositions en matière de contrôle des structures. Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 458.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Deprez et M. Dambresse ont présenté un amendement, no 459, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article L.

331-2 du code rural par la phrase suivante : "En outre, un exploitant peut avoir la possibilité de faire valoir une seconde exploitation dans le but de transmettre celle-ci à l'un de ses descendants dans le délai de 5 ans tel que prévu par la loi no 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole". »

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Toujours dans le même esprit, je propose de restaurer le principe du cumul provisoire car il facilite l'installation de jeunes agriculteurs grâce à l'aide de leurs parents.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur.

Si je comprends bien, M. Deprez veut revenir au cumul. Ce n'est pas du tout conforme à l'esprit de la commission et du texte de loi : avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La disposition qui est proposée y figurait auparavant dans le code rural. Elle a fait l'objet de vives critiques de la part des organisations professionnelles. Elle a, depuis, été supprimée et je n'envisage pas de la rétablir.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 459.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Nous en arrivons à neuf amendements soumis à une discussion commune. Compte tenu de l'heure, il me paraît déraisonnable de commencer maintenant leur examen.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous pouvons aller très vite !

M. le président.

Cela me paraît difficile, monsieur le ministre.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion de la proposition de loi, no 1080, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à la création d'un office des produits de la mer et de l'aquaculture et étendant à la collectivité territoriale de Mayotte les offices d'intervention prévus au livre VI du code rural : M. Dominique Dupilet, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1101).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 977, d'orientation agricole : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1058).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT