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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6613).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 6613)

MM. Jean-Pierre Balligand, Didier Quentin, Eric Besson, Georges Tron, Dominique Baert.

Clôture de la discussion générale.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rappel au règlement (p. 6625)

MM. François d'Aubert, le ministre.

Reprise de la discussion (p. 6626)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 6628)

Motion de renvoi en commission de M. Rossi : MM. Marc Laffineur, Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre, François d'Aubert, Dominique Baert, Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, Jean-Pierre Brard. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE (p. 6637)

Article 1er (p. 6637)

MM. Gilbert Gantier, Philippe Auberger, le ministre.

Adoption de l'article 1er

Article 2 (p. 6639)

MM. Gilles Carrez, Christian Cuvilliez, Philippe Auberger, François d'Aubert, Mme Dominique Gillot, MM. Marc Laffineur, le ministre.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de propositions de loi (p. 6644).

3. Dépôt d'un rapport (p. 6645).

4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 6645).

5. Dépôt d'un rapport d'information (p. 6645).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6646).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour cinq minutes.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et du budget, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, la discussion de ce projet de loi de finances m'inspire deux réflexions : la première sur le côté quelque peu surréaliste de notre débat par rapport à la crise financière mondiale ; la deuxième sur un sujet susceptible de retenir l'attention de M. le ministre et de M. le secrétaire d'Etat, à savoir la taxe professionnelle.

Cette discussion paraît par moment assez bizarre. Nous sommes en pleine crise financière mondiale et nos collègues de l'opposition se sont contentés d'évoquer le taux de croissance, mettant en doute la prévision de 2,7 % en fait, 2,5 % plus 0,2 % de report de l'année antérieure.

Et pourtant, un de mes collègues du groupe socialiste l'a relevé cet après-midi, nous sommes peut-être à un moment historique de la vie économique mondiale.

En effet, on nous a répété pendant des années que c'en était fini des politiques des Etats en matière économique, qu'il était nécessaire d'homogénéiser l'ensemble des dispositifs, que la fluidité des marchés, conséquence de la mondialisation de l'économie, conduisait à moins d'Etat.

C'était en tout cas l'aspiration de plusieurs de nos partis politiques qui prenaient exemple, bien entendu, sur les

Etats-Unis de M. Reagan, sur l'Angleterre de Mme Thatcher et sur le Japon, archétype de la réussite. Aujourd'hui, regardons les choses en face : avec la crise financière mondiale, nous voyons la fin de l'ultralibéralisme arriver. Pour ne prendre qu'un exemple, l'Etat japonais est en train d'apporter aux banques privées japonaises entre 2 000 et 3 000 milliards de francs, c'est-à-dire l'équivalent, pour dire les choses clairement, de vingt à trente fois ce qu'on a donné pour le Crédit lyonnais ! C omment appelle-t-on cela ? La socialisation des pertes : on fait payer au contribuable japonais les risques pris pendant des années dans la sphère financière mondiale.

Même chose avec la Federal Reserve, qui vient de décider un abondement de 20 milliards de francs pour éviter qu'un hedge fund ne vienne créer un effet systémique sur l'ensemble des dispositifs financiers. On peut y rajouter les 40 milliards de la Banque mondiale, les 15 milliards de subventions accordés au FMI par le gouvernement américain, et plusieurs dizaines de milliards de dollars qui ne suffiront sans doute pas, pour soutenir le Brésil. Aussi, puisque nous entrons dans la période budgétaire, j'incite nos collègues, en particulier de droite, à bien examiner toutes les conséquences de cette situation. Et, monsieur le ministre, comme je l'ai écrit dans un article sur la globalisation, l'Etat et le marché,...

M. Jean-Pierre Brard.

Un excellent article !

M. Jean-Pierre Balligand.

... dans le contexte d'une émergence de l'Euroland, d'une Europe en constitution autour d'une monnaie unique, il va falloir nous préoccuper de mettre au point un système de mixité conjuguant capitaux publics et privés afin de disposer d'institutions qui, au-delà de la seule régulation du marché, au-delà de la simple spéculation financière à court terme, pour travaillent véritablement sur le moyen terme. Nous avons besoin de tels instruments.

Ce n'est pas le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, mais le membre de la commission des finances qui vous le dit : le temps est probablement venu de chercher à disposer au niveau européen, à côté des banques traditionnelles, d'instruments financiers capables de travailler sur le moyen terme. J'espère que nous pourrons réfléchir collectivement et que le Parlement pourra se saisir un jour de cette question dont les effets ne manqueront pas de se faire sentir sur les économies, en particulier sur les économies européennes.

J'en viens à ma deuxième réflexion, à la taxe professionnelle. Votre dispositif est remarquable, monsieur le ministre,...

M. Jean-Pierre Brard.

Ingénieux et pervers !

M. Jean-Pierre Balligand.

... tout comme votre discours aux entreprises, à la différence de celui tenu par certains groupes. Je ne discuterai pas du bien-fondé de retirer un peu plus d'un tiers - plus précisément 35 %, - des bas salaires de l'ensemble des bases de calcul de la taxe professionnelle. Ce genre d'idées est dans l'air, et n'est pas propre à la France : en Angleterre, par exemple, a été mis en place Uniform Business Rate, système assez intéressant mais qui, à mon avis, ne correspond pas à notre conception de la décentralisation.

M. le président.

Acheminez-vous vers votre conclusion, mon cher collègue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Jean-Pierre Balligand.

Ce dispositif très simple de taux national pour l'impôt économique correspond exactement à celui proposé dans le quinzième rapport du conseil des impôts, qui avait soulevé, rappelons-le, un petit tollé auprès de l'ensemble des responsables des collectivités locales, toutes appartenances confondues...

En Allemagne, dans les années quatre-vingt - cela commence à dater - on avait retiré la base des salaires du calcul de l'impôt économique local. Appelons cela l'eurocompatibilité si l'on veut... On nous assure que la France pourrait rester un Etat centralisé tout en ayant des ressources non autonomes au niveau des collectivités, soit.

Mais je vous rappelle qu'en Allemagne, il existe une loio rganique d'aménagement du territoire qui fixe de manière pérenne les règles de répartition des dotations entre l'Etat fédéral et les Lnder, alors que, chez nous, c'est Bercy seul, et sans aucun texte écrit, qui décide.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Michel Bouvard.

Bonne analyse !

M. Jean-Pierre Balligand.

D'où l'interrogation de l'ensemble des élus sur le montant de la compensation pas pour l'année 1999, nous en sommes d'accord...

M. Philippe Auberger.

Mais pour l'avenir ?

M. Jean-Pierre Balligand.

Mais pour la période 19992003, c'est-à-dire au fur et à mesure que nous allons entrer dans le dispositif, nous sommes en droit de nous interroger.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de déposer des amendements. D'abord ceux présentés par notre collègue Migaud et le président de la commission des finances, demandant à tout le moins qu'un rapport soit présenté chaque année sur les effets de votre dispositif. Mais d'autres visent à régler certains points précis, à commencer par le passage du niveau communal au niveau de l'agglomération. Car si vous attendez la fin de la mise en place du dispositif pour le faire, les élus communaux ne seront pas d'accord. Or les distorsions de la taxe professionnelle se rencontrent d'abord entre communes d'une même agglomération, puisque les taux sont communaux.

M. le président.

Monsieur Balligand, vous avez doublé votre temps de parole. Je vous demande de conclure.

M. Jean-Pierre Balligand.

Pour la taxe professionnelle, le passage du taux communal à un taux d'agglomération doit donc avoir lieu dès maintenant. Cela ne contrariera aucun dispositif existant, ni la loi Voynet, ni la loi Chevènement.

Ensuite, il faut délier les taux. Les élus locaux ne sont pas des irresponsables ; ils sont parfaitement capables de mesurer les effets d'une augmentation massive des taux.

Laissez-les donc régler ces affaires-là.

Rappelons, en guise de conclusion, que l'accroissement en volume de la taxe professionnelle correspond à 5,8 % d'augmentation par an pendant dix ans. Votre système permet évidemment une augmentation de la taxe professionnelle, mais loin d'être aussi intéressante ; d'où une perte sèche prévisible en 2003, - 8,5 milliards de francs, d'après nous - lorsque le dispositif montera en puissance.

Aussi, monsieur le ministre, notre demande est simple : assurez en fin de chaque année aux collectivités un système de compensation correct, négocié avec les élus.

Nous ne sommes pas des imbéciles ; si l'économie se ralentit, nous aussi saurons prendre nos responsabilités.

Mais tout cela ne peut se faire sur le dos des collectivités, pas plus qu'en se refusant à moderniser la taxe professionnelle. Nous n'avons pas envie de voir persister immuablement des distorsions aussi énormes au sein même des agglomérations ; nous entendons bien moderniser ce pays. Mais pour ce faire, nous devons passer à la taxe professionnelle d'agglomération.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le président.

Chers collègues, si chacun abuse ainsi de la parole, je serai obligé d'exercer mon pouvoir de président d'une manière plus ferme. Je souhaite que nous restions dans les temps prévus pour nos débats.

M. Dominique Baert.

Il fallait l'expliquer cet aprèsmidi à M. d'Aubert !

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin, pour cinq minutes.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, j'entends dénoncer le nouveau mauvais coup que ce budget porte aux familles sur lesquelles, décidément, vous vous acharnez.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Cela faisait longtemps !

M. Didier Quentin.

Je centrerai mes propos sur ce sujet...

M. Jean-Pierre Balligand.

Qui n'a rien d'idéologique !

M. Didier Quentin.

... car il est essentiel pour l'avenir de notre société, tellement il est vrai, malgré vos velléités de faire passer le PACS pour un progrès de la civilisation, que la famille reste le fondement de la vraie solidarité ; essentiel aussi pour l'avenir de la nation française, tellement il est vrai que le destin de notre pays, comme celui de l'Europe, est inscrit dans sa démographie, à commencer pour le financement des retraites devant lequel votre Gouvernement, d'ordinaire si porté à l'autosatisfaction, risque de se retrouver bien démuni.

Dans le budget de 1998, vous avez divisé l'allocation de garde d'enfant à domicile par deux, réduit ou supprimé les allocations familiales pour des centaines et des milliers de familles et considérablement diminué la réduction d'impôt pour les emplois à domicile, de vrais emplois, eux, contrairement à certains emplois Aubry !

M. Jean-Pierre Brard.

C'était l'allocation-vison !

M. Didier Quentin.

Cette année, vous avez le front de reprendre subrepticement d'une main ce que vous donnez de l'autre. Vous reconnaîtrez qu'il y a là, pour le moins, une certaine dose de duplicité. Après avoir enfin entendu les arguments des parlementaires RPR et UDF dénonçant à juste titre la mise sous condition de ressources des allocations familiales, qui pénalisait fortement les classes moyennes dont a excellemment parlé cet après-midi Mme Michèle Alliot-Marie, vous vous lancez dans une nouvelle mauvaise croisade avec le plafonnement du quotient familial.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est pas nous qui l'avons voulu, c'est vous !

M. Didier Quentin.

Décidément, vous cédez toujours à l'archaïsme et vous en revenez toujours à la lutte des classes...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Jean-Pierre Brard.

Eh ! Eh !

M. Didier Quentin.

... cette idée neuve du

XIXe siècle !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est M. Boutin ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Didier Quentin.

Vous essayez d'introduire la lutte des classes dans les familles, d'opposer les Groseille aux Le Quesnoy.

M. Jean-Pierre Brard.

Eh oui ! Tant que vous aurez les poches pleines, cela restera notre politique !

M. Didier Quentin.

Mais la politique familiale a sa propre logique ; elle ne doit en aucun cas être l'adjuvant d'une politique sociale hasardeuse.

Le Gouvernement de la gauche plurielle veut nous faire croire que dorénavant il soutient la famille. Mais la réalité de cette loi de finances est bien différente : contrairement à ce que pouvait laisser croire le message de M. Jospin à l'issue de la conférence de la famille, c'est bien l'ensemble de la politique familiale qui se voit remis en cause aujourd'hui. Les 5 milliards de francs prélevés en 1998 ne seront pas rendus : bien au contraire, en substituant à la mise sous conditions de ressources des allocations familiales l'abaissement du plafond du quotient familial, que vous faites passer à 11 000 francs au lieu de 16 300 francs, le Gouvernement augmente, pour un montant de 5 milliards de francs, l'impôt sur le revenu de 400 000 familles.

La baisse de l'allocation pour la garde d'enfant à domicile est maintenue, ainsi que la baisse de la réduction fiscale pour l'emploi d'une personne à domicile et du plafond de la demi-part accordé aux personnes ayant élevé seules un ou plusieurs enfants.

Quant au plafonnement du quotient familial, vous essayez de le justifier en prétextant, premièrement que le

« coût des enfants », si l'on peut employer cette expression, a baissé et que le quotient familial est un cadeau fait aux familles,...

M. Michel Bouvard.

C'est inouï !

M. Didier Quentin.

... deuxièmement, qu'il serait une niche fiscale, au motif que les enfants des classes moyennes coûteraient proportionnellement moins cher à leurs parents que les autres.

M. Michel Bouvard.

Les enfant seraient des signes extérieurs de richesse !

M. Didier Quentin.

Tout cela n'est pas exact. En effet, le « coût des enfants » - pardonnez-moi encore l'expression - n'a pas baissé depuis vingt ans. Rien ne permet d'affirmer qu'en attribuant une demi-part à chacun des deux premiers enfants et une part entière à partir du troisième, le fisc fasse des cadeaux aux familles. En fonctionnant selon le principe « à niveau de vie égal, taux d'imposition égal », le quotient familial paraît au contraire un outil de justice fiscale particulièrement performant.

Plafonner le quotient familial revient donc, à niveau de vie égal, à taxer plus lourdement les familles que les célibataires ou les couples sans enfant. Le mécanisme proposé pénalise en outre plus durement les familles nombreuses que les autres.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Didier Quentin.

Cette mesure est d'autant plus perverse qu'elle ne profitera pas aux familles les plus modestes : rien n'est prévu, en effet, pour améliorer le sort des familles qui subsistent grâce aux minima sociaux.

Le plafonnement relève donc de choix idéologiques et budgétaires et non de la recherche de plus de justice.

Voilà bien un domaine où la « stratégie présidentielle » de M. Jospin, pour reprendre la délicate expression de votre camarade Bocquet, conduit à sacrifier la stratégie nationale de la France. Mais je n'irai pas, comme vous avez cru pouvoir le faire, monsieur le ministre, jusqu'à reprendre la citation de Chateaubriand sur « ceux qui mettent le malheur de leur pays au nombre de leurs espérances » !

M. Dominique Baert.

Parlez pour vous !

M. Didier Quentin.

Je préfère, avec le président Jacques Chirac, rappeler que la politique familiale ne saurait être de droite ou de gauche : elle doit être familiale. Elle n'existe pas lorsqu'elle a pour effet de diminuer le revenu relatif des familles, comme nous le déplorons malheureusement dans ce budget. Elle cesse d'être vraiment familiale quand elle commence à dépendre d'une redistribution entre familles ; elle redevient familiale quand elle fait appel à la solidarité nationale. C'est ce vers quoi nous nous efforcerons de tendre, monsieur le ministre, par nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Eric Besson, pour cinq minutes.

M. Eric Besson.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes collègues de la majorité ont expliqué avant moi pourquoi le budget que vous nous proposez nous paraissait être un bon budget, susceptible de soutenir la croissance dont nous avons besoin. Je voudrais, pour ma part, revenir sur un point précis, sur une réforme majeure contenue dans ce projet, celle de la taxe professionnelle, et vous dire pourquoi cette réforme indispensable doit être soutenue avec vigueur et détermination par tous ceux qui font de la lutte contre le chômage la priorité de l'action publique.

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà au moins un soutien ! C'est le premier !

M. Eric Besson.

Tous mes collègues, à gauche et à droite, ont nécessairement déclaré un jour ou l'autre, lors d'une réunion publique, que la taxe professionnelle était un boulet pour l'emploi. Combien de gouvernements, combien de ministres ont annoncé, mais jamais mis en oeuvre, une réforme proclamée urgente et indispensable ? Pour les socialistes, François Mitterrand avait résumé d'un adjectif lapidaire devenu célèbre ce qu'il fallait penser de cette taxe.

M. Philippe Auberger.

En quatorze ans, il a été incapable de la modifier !

M. Alain Barrau.

On se demande qui l'a créée !

M. Eric Besson.

Voici quelques citations, venant des rangs de la droite.

Jean-Pierre Fourcade, septembre 1979 : « Il faudra aller dans le sens d'une moindre prise en considération des salaires. »

Charles Pasqua, 4 mai 1994, ministre de l'aménagement du territoire : « Cette taxe est antiéconomique et antisociale. »

Nicolas Sarkozy, ministre du budget, mars 1994 :...

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'appel aux morts !

M. Eric Besson.

« Notre priorité, c'est la taxe professionnelle, elle pénalise trop l'emploi. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

E nfin, Alain Lamassoure, ministre du budget, 7 février 1996 : « Le dossier sur lequel nous travaillons est celui de la taxe professionnelle. C'est un impôt qui a un effet négatif sur des décisions d'investissement et sur l'embauche. »

Pourtant, la semaine dernière, en commission des finances, quelle ne fut notre surprise d'entendre les membres de l'UDF, contrairement peut-être aux élus de Démocratie libérale, rivaliser de créativité pour essayer de justifier le rejet d'une réforme qu'ils avaient annoncée, espérée, et que la gauche va réaliser aujourd'hui.

M. Alain Barrau.

M. Méhaignerie en particulier !

M. Eric Besson.

L'essentiel est ailleurs. Cette réforme est un outil de plus dont se dote le Gouvernement dans la lutte contre le chômage.

Oui, le mode de calcul actuel constitue un obstacle objectif et un frein psychologique à la création d'emplois.

Oui, votre réforme est une incitation à l'embauche, et notamment pour les PME, pour les artisans et les commerçants qui en seront tout de suite comme à long terme les principaux bénéficiaires, et qui détiennent aussi les principaux gisements d'emplois existants.

M. Dominique Baert.

C'est vrai !

M. Eric Besson.

Enfin, fallait-il, comme le prétend l'opposition, renoncer à la réforme de la taxe professionnelle pour privilégier un effort sur la baisse du coût du travail ? Il est vrai, messieurs les ministres, que nous devrons nous attaquer aussi à la baisse des charges sur les bas salaires si nous voulons que la croissance et nos réformes profitent également au million de chômeurs de longue durée.

Dominique Strauss-Kahn nous a dit en commission des finances qu'il n'aimait pas choisir entre fromage et dessert, qu'il préférait prendre les deux.

M. Michel Bouvard.

C'est pour cela qu'il va baisser la TVA sur la restauration ! (Rires.)

M. Jean-Louis Idiart.

Et qu'il a grossi ! (Rires.)

M. Eric Besson. Non, pas d'allusion malveillante et, en plus, très injuste !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Besson ! M. Eric Besson. Nous attendons donc qu'après avoir réformé la taxe professionnelle, le Gouvernement nous explique, au cours des prochains mois, comment il entend baisser le coût du travail non qualifié.

Mes chers collègues de la majoritié, si la droite avait supprimé la part salaires de la taxe professionnelle, nous aurions été obligés de reconnaître le bien-fondé de cette réforme.

Réjouissons-nous aujourd'hui que la gauche le fasse car, si on a pu entendre ici ou là qu'il s'agissait d'un cadeau aux entreprises, je suis clairement de ceux qui c onsidèrent qu'il s'agit d'abord d'un cadeau pour l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Je vais essayer en cinq minutes de faire passer une seule idée, monsieur le ministre, qui a été sous-jacente à l'ensemble de ce débat, et je reviens sur le problème de la croissance. M. Balligand a déploré que ce soit un thème récurrent dans nos interventions. C'est pourtant le problème essentiel de ce budget, comme de tous les autres. Quelles que soient les questions importantes que l'on peut se poser sur telle ou telle disposition technique, la question fondamentale est bien celle de la croissance, parce que c'est elle qui conditionne tout le reste.

Je ne vous ferai pas le procès selon lequel le taux que vous avez annoncé est impossible à atteindre. Au demeurant, pour faire à mon tour référence à Chateaubriand, je dirai que nul ne pourrait se réjouir que vous ne gagniez pas votre pari. Mais vous reconnaîtrez sans doute avec nous que l'on peut légitimement se poser des questions quand on voit dans quel contexte le budget est aujourd'hui établi.

Sans polémique, on peut également se souvenir - rappelons-nous 1992 - que les prévisions de début d'année ne sont pas forcément celles qui sont avérées en cours d'exécution budgétaire.

Dans quel contexte, monsieur le ministre, est établi ce budget ? La situation internationale est évidemment particulièrement difficile aujourd'hui.

C'est le cas en Russie. Depuis le mois d'août, le rouble a chuté de 60 %, ce qui n'est pas négligeable, on assiste à une forte dégradation des comptes extérieurs, à un défaut de paiement de la dette interne et à un creusement du déficit. Les conséquences ne sont pas simplement internes, je sais que vous en êtes convaincu. Elles peuvent toucher l'Allemagne en particulier, son premier partenaire commercial.

Le Japon va connaître une récession de l'ordre de 2,5 %, cette année.

L'Amérique latine représente entre 15 % et 20 % des exportations américaines. En 1997, la croissance était de 5 %. On prévoit 2,4 % en 1998 et 1,6 % en 1999.

Aux Etats-Unis, la croissance ralentit au deuxième trimestre de 1998. Elle était de 5,5 % au premier trimestre en rythme annuel, de 1,8 % au deuxième trimestre.

En Europe, enfin, le rythme de croissance est passé de 4 % au deuxième trimestre de 1997 à 2,5 % aujourd'hui. Il est vrai qu'à l'époque le dollar montait. Il baisse de façon continue, de l'ordre de 10 %, depuis le début du mois d'août.

Ainsi, qu'il s'agisse de l'Asie, de l'Amérique latine ou des Etats-Unis, on ne peut considérer que la tendance soit à un renforcement ou un affermissement de la croissance, il y a plutôt des doutes.

Quant à la France, je me garderai bien de jouer les Cassandre,...

M. Christian Cuvilliez.

On ne la croyait jamais mais ce qu'elle annoncait arrivait toujours !

M. Georges Tron.

... ce que vous avez dénoncé hier, mais les grandes tendances de l'économie nous permettent-elles d'être rassérénés ? La consommation des ménages ou l'investissement nous donnent sans doute des raisons de nous réjouir.

Cela dit, la production industrielle est tombée de 4,3 % au deuxième semestre de 1997 à 1,8 % au premier semestre de 1998. Nous constatons par ailleurs une stagnation de nos exportations, qui vont même peser négativement sur la croissance pour cette année. Les perspectives d'embauche, selon les chefs d'entreprise, sont étales et, si ce n'est pas le moment d'évoquer les 35 heures, vous comprenez bien que c'est lié. Le mouvement des stocks dans les entreprises semble être aujourd'hui à l'arrêt. Les importations de biens d'équipement, qui sont,


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comme vous le savez, un bon indicateur de l'activité économique, ont tendance à baisser. Les encours de crédit aux entreprises ont également tendance à se contracter aujourd'hui.

Je le disais moi-même, pour vous montrer qu'il ne s'agit pas de noircir le tableau, il y a deux éléments qui, semble-t-il, vous donnent matière à envisager les choses avec plus d'optimisme.

La consommation des ménages et l'investissement sont actuellement le moteur de la croissance, à laquelle elle a contribué à hauteur de 0,6 point au deuxième trimestre, mais vous connaissez comme moi le côté volatil de ce facteur lié à la confiance des ménages, celle-ci étant ellemême dépendante de l'évolution des principaux paramètres économiques. Que le chômage s'envole - comme au mois d'août, mais espérons que c'est ponctuel - et cela peut suffire à entraîner un retournement de croissance. La consommation a également été tirée, au deuxième trimestre, par l'effet du Mondial. Celui-ci n'a pas vocation à se perpétuer.

En matière d'investissement, la vraie reprise depuis le début de l'année, environ 3,8 % au premier semestre, vat-elle résister à la baisse de la demande extérieure, dans le contexte international que nous venons de décrire ? La dépréciation du dollar, plus de 10 % depuis le début du mois d'août, ne fait que renforcer nos inquiétudes.

En conclusion, je ne dis pas que la croissance n'atteindra pas 2,7 % en 1999. Si elle atteint ce chiffre, tant mieux pour notre pays, mais imaginons que nous n'atteignions pas ce chiffre, sur lequel est bâti tout votre budget - je vous ai donné quelques éléments de nature à vous montrer que ces inquiétudes ne sont pas celles d'une Cassandre professionnelle, je me demanderais si vous avez été suffisamment prudents au moment où il fallait l'être.

Ma réponse, vous vous en doutez, sera négative.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Idiart.

Vous avez une chance sur deux de vous tromper.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on ne peut évidemment oublier qu'une crise boursière et financière secoue bon nombre d'économies. Il est de notre devoir, de notre responsabilité d'élus d'en apprécier la portée. Il nous faut savoir, en gestionnaires prudents et responsables, appréhender ses conséquences. A cet égard, je le dis clairement, nous devons tenir pour plus que vraisemblable, toutes les prévisions en attestent, que notre croissance ne devrait pas être remise en cause de manière drastique l'an prochain.

Bien sûr, l'opposition crie, clame l'inverse. Mais franchement, mesdames et messieurs de l'opposition, vous qui vous inspirez des dogmes de la rigueur, de la contrition et de la réduction permanente,...

M. Michel Bouvard.

Qui a fait ratifier Maastricht ? C'était ça, la rigueur !

M. Dominique Baert.

... savez-vous vraiment apercevoir, et même concevoir la croissance, vous qui, il y a plus d'un an, aviez choisi de vous « auto-dissoudre » par désespoir de ne pas la voir arriver à l'horizon ? (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La vérité est simple à dire, et tient en trois idées : la croissance est aujourd'hui réelle, et elle résulte de notre stratégie macroéconomique ; il nous faut continuer à agir pour soutenir cette croissance, et ce budget y contribue ; les conséquences de la crise financière pouvant être contenues, les moteurs de notre connaissance intérieure ne devraient guère s'affaiblir.

Première idée, la croissance est réelle, et elle résulte de notre stratégie macroéconomique.

Oui, mes chers collègues, le choix fait par notre majorité plurielle était le bon. Ce choix de la croissance tirée par la consommation et par l'investissement rend aujourd'hui notre économie nationale moins sensible directement aux ondes de choc extérieures.

Aujourd'hui moins dépendant de nos échanges extérieurs, notre rythme de croissance se tient mieux, mieux qu'avant, mieux qu'ailleurs, car il est alimenté par la demande intérieure.

Et, mes chers collègues, qu'est-ce que la croissance ? C'est de l'emploi. Qu'est-ce que le soutien par la consommation ? Ce sont des revenus et du pouvoir d'achat. Que sont de l'emploi, des revenus et du pouvoir d'achat ? Ce sont de meilleures conditions de vie pour nos concitoyens, de meilleures perspectives de débouchés pour nos entreprises, donc des projets d'investissement, d'extension des capacités de production et donc d'embauche, donc de l'emploi et des revenus supplémentaires.

Telle est notre démarche, vertueuse économiquement et socialement indispensable.

De ce point de vue, et même dans les chiffres économiques, il y a un « avant, avec vous », et un « après, avec nous ». Il y a une différence entre les résultats économiques.

Pardonnez-moi de citer quelques chiffres, mais ils sont utiles au débat.

La consommation des ménages s'est accélérée en France depuis juin 1997. Qu'on en juge ! Elle est de 0,1 % au premier et au deuxième trimestre de 1997, de 1,4 % au troisième trimestre et de 1 % au quatrième trimestre, de 0,7 % au premier trimestre de 1998, de 1 % au deuxième. En termes clairs, elle est de 0,2 % sur les six premiers mois de 1997 mais de 4,1 % sur l'année qui suit. En peu de chiffres, voilà, mes chers collègues, la différence entre avant et après ! Par ailleurs, la consommation des ménages est plus forte en France qu'ailleurs. Qu'on en juge ! Regardons ce qui est déjà acquis en 1998 : elle diminue de 1,6 % au Japon, augmente de 0,8 % en Allemagne, de 0,7 % en Italie, de 1,6 % en moyenne dans le G 5, mais de 2,9 % en France ! Voilà, mes chers collègues, la différence ! Le pouvoir d'achat des revenus des ménages progresse bien plus vite qu'avant, et soutient la demande et donc notre croissance. Qu'on en juge ! Il a progressé de 0,8 % en 1996, de 3,3 % en 1997. En 1998, une hausse de 5,7 % est déjà acquise. Voilà, mes chers collègues, une autre différence entre avant et après ! L'investissement, en panne dans notre pays depuis 1992, se réveille enfin ! Qu'on en juge ! La formation brute de capital fixe totale a baissé de 0,5 % en 1996, est resté stable en 1997, mais, en 1998, une hausse de 3,3 % est d'ores et déjà acquise ! Voilà, mes chers collègues, la différence entre avant et après, entre la défiance et la confiance !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Georges Tron.

Vous n'avez jamais de doutes ?

M. Dominique Baert.

Cette confiance se traduit d'ailleurs dans des chiffres plus récents encore.

Sait-on ainsi qu'en moyenne mensuelle, la consommation par les ménages de produits manufacturés a été de 57 milliards en 1995, de 58 milliards en 1996 et 1997 mais de 62 milliards en juin 1998 ? C'est bien un véritable décrochage à la hausse qui s'est produit.

M. Georges Tron.

Quelle autosatisfaction !

M. Dominique Baert.

Sait-on enfin que l'indice de confiance des consommateurs a atteint ces derniers mois des niveaux jamais atteints depuis 1987 ? Et sait-on surtout, savez-vous surtout, messieurs de l'opposition, que son point le plus bas sur les dix dernières années s'est observé en décembre 1995, soit deux ans et demi après votre retour au pouvoir et six mois après votre captation de tous les pouvoirs ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Alors, où est la défiance et où est la confiance ? C'est notre stratégie qui a permis ce regain de confiance, qui a permis notre croissance, fondée sur le dynamisme de notre demande intérieure,...

M. Georges Tron.

On a entendu le même discours en 1992, monsieur Baert !

M. Dominique Baert.

... ce qui aujourd'hui nous préserve des conséquences directes des crises externes.

Deuxième idée : il nous faut continuer à agir pour soutenir cette croissance et ce budget y contribue.

M. Michel Bouvard.

Quelle autosatisfaction !

M. Georges Tron.

Il y a six ans, c'était déjà ça !

M. Dominique Baert.

La stratégie macroéconomique est efficace socialement et efficiente économiquement. Elle ne doit ni s'infléchir, ni s'affaiblir, car l'emploi a besoin d'une croissance soutenue. Ce qui rend notre croissance autonome doit être préservé. Il l'est de fait dans le budget pour 1999.

M. Michel Bouvard.

Tout va bien !

M. Dominique Baert.

Trois leviers d'action économique sont à privilégier.

D'abord le soutien du pouvoir d'achat et des revenus des ménages. C'est la base de la consommation.

C'est pour cela que, dans ce budget, il y des mesures d'abaissement de la TVA. Tout ce qui pourra être fait pour alléger cet impôt indirect, injustement relevé il y a trois ans, va dans le bon sens.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Dominique Baert.

Il y a une baisse sur les abonnements de gaz et l'électricité,...

M. Michel Bouvard.

Ah !

M. Dominique Baert.

... la fourniture d'énergie,...

M. Michel Bouvard.

Ah !

M. Dominique Baert.

... et des perspectives sur les travaux d'entretien ou la restauration. Ce n'est pas rien ! C'est pour cela qu'il y aura sans doute un crédit d'impôt accru pour les travaux de logement, qu'il y a un accord salarial dans la fonction publique, que M. Carrez dénonçait ici même avec vigueur, mais dont moi je me félicite avec la même vigueur. Cela change, et dans le bon sens, de la politique appliquée hier aux fonctionnaires ! C'est pour cela qu'il y a des allégements d'impôt, avec notamment des suppressions de diverses taxes dont on se demande pourquoi elles n'ont pas été supprimées plus tôt...

M. Michel Bouvard.

Entre 1981 et 1988 ?

M. Dominique Baert.

... ou l'abaissement des frais dits

« de notaire ».

Autre levier : la dépense publique.

Disons-le tout net, la dépense publique peut être un investissement d'avenir, et c'est le cas avec les priorités affichées : emploi, lutte contre l'exclusion à travers les crédits à la solidarité, à la ville et au logement, justice, environnement, éducation et recherche, sécurité. Par ces dépenses, c'est une société qui prépare son avenir et améliore sa cohérence sociale.

Mais la dépense publique soutient aussi la demande, et, de ce point de vue, c'est à bon escient qu'en 1999, elle augmentera de 1 % en volume. C'est inférieur au PIB, donc prudent, mais ce sont surtout 37 milliards de francs supplémentaires injectés dans l'économie et donc utiles à la croissance.

M. Georges Tron.

Et s'il n'y a pas de croissance, que fait-on ?

M. Dominique Baert.

J'ajouterai toutefois deux remarques.

D'abord, cette dépense publique sera d'autant plus efficace qu'elle donnera aux collectivités locales les moyens financiers susceptibles de relayer les initiatives gouvernementales,...

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas ce qu'a dit M. Balligand !

M. Dominique Baert.

... notamment pour l'emploi, surtout pour les communes à faible potentiel fiscal.

M. Michel Bouvard.

C'est la dette plurielle !

M. Dominique Baert.

C'est pourquoi je forme le voeu que le Gouvernement sache écouter les propositions d'amendement de la commission des finances sur la DCTP et la DSU.

Ensuite, notre soutien de la croissance serait d'autant démultiplié qu'il serait relayé par une initiative européenne.

P lus que jamais, dans sa configuration politique actuelle, l'Union européenne doit réfléchir...

M. Michel Bouvard.

Il serait temps !

M. Dominique Baert.

... à la perspective d'un grand emprunt capable de doper son programme d'infrastructures,...

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Dominique Baert.

... de soutenir sa croissance et donc l'emploi.

M. Michel Bouvard.

Cela fait quinze ans que vous dites cela !

M. Dominique Baert.

Enfin, troisième levier, l'investissement. Ses déterminants sont complexes, nous le savons tous, mais je crois sincèrement que la réanimation de la demande, l'allégement de la part salariale de la taxe professionnelle, qui aura des effets dès 1999 sur des centaines de milliers de TPE et de PME, c'est-à-dire, là où l'enjeu de l'emploi est le plus grand - voilà, monsieur Brard, un second soutien très net et très clair à cette démarche - créent un terrain propice à sa stimulation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

En fait, les moteurs réels de notre croissance intérieure ne devraient guère s'affaiblir, ce qui ne nous dispense toutefois pas de contenir les conséquences de la crise financière internationale.

M. Georges Tron.

Ah quand même, il y en a une ! C'est intéressant de vous l'entendre dire.

M. Dominique Baert.

Cela tient en trois mots : contenir, agir, prévenir.

Contenir les incidences, tout d'abord, sur l'économie réelle. Certains secteurs sont évidemment touchés par l'effondrement des débouchés russes ou asiatiques : je pense au textile ou au machinisme agricole. La vigilance des services des finances et de l'industrie doit être en éveil pour accompagner cette période difficile.

Agir, surtout sur les taux d'intérêt. Des marges me paraissent exister de ce point de vue en Europe. Ils doivent baisser pour fournir des liquidités à l'économie et contenir les dépréciations d'actifs financiers, pour aider à la stimulation de la demande et pour contrecarrer la baisse du dollar.

Prévenir, en mettant sans doute en place la taxe sur les capitaux spéculatifs. Sur ce point, oui, une taxe élevée mise en place par un seul pays est une hérésie ; oui, la meilleure des solutions est internationale ; mais oui, une taxe à taux limité, 0,05 % par exemple, sur une zone telle que l'Europe, serait déjà une forte mais première affirmation pour lutter contre la spéculation.

M. le président.

Veuillez conclure, cher collègue.

M. Dominique Baert.

Je conclus, monsieur le président.

Chers collègues, un taux de croissance ne se décrète pas, mais il s'entretient ! Le budget qui est présenté veille à en entretenir les moteurs. Ceux qui feront ou non l'an p rochain cette croissance, ce sont nos concitoyens, consommateurs et investisseurs. Qu'ils espèrent, et la France créera des emplois ! Qu'ils doutent, et la France n'en créera plus ou, pis, en détruira. D'où la responsabilité de nos propos. D'où l'irresponsabilité de certains que j'ai pu entendre ici. A trop jouer les Cassandre, l'opposition prend le risque de jouer la France perdante.

M. Michel Bouvard.

Cassandre avait raison.

M. Dominique Baert.

En vérité, je crains qu'après avoir fait preuve de l'impuissance de sa gestion, l'opposition ne cherche que dans des « coups » parlementaires, dans des aléas de procédure ou le dénigrement je ne sais quel Viagra de sa réanimation politique.

M. Philippe Auberger.

Quelle grossièreté ! On n'a pas besoin de Viagra !

M. Michel Bouvard.

On est en bonne santé !

M. Dominique Baert.

La vérité, c'est que nuages n'impliquent pas automatiquement pluie ou orage. Que souffle une bourrasque de confiance et l'horizon se dégagera. Ce budget, mes chers collègues, y contribue.

La vérité, en conclusion de mes propos, je laisserai Antoine de Saint-Exupéry l'énoncer : « Seul l'inconnu épouvante les hommes. Mais, pour quiconque l'affronte, il n'est déjà plus l'inconnu. » A nous de l'affronter

ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur tous les bancs s'est exprimé le désir que le Gouvernement parle brièvement. Je vais donc me plier aux souhaits de l'Assemblée.

Je répondrai aux orateurs qui se sont exprimés au nom des groupes, et Christian Sautter répondra en notre nom commun à toutes les remarques qui ont pu être faites par ailleurs.

Au début de la discussion générale, M. Auberger a posé la question du dollar à six francs. Le problème, même s'il n'a pas été souvent abordé, est réel. Personne ne sait, c'est vrai, ce que sera le cours du dollar durant l'année 1999. Mais la tradition dans notre pays veut que l'on prenne comme référence pour élaborer le projet de budget le cours du mois d'août. Certes, depuis le mois d'août, il a baissé, pour remonter un peu mais, honnêtement, personne ne sait ce que vaudra le dollar en janvier, en février, en août et encore moins en décembre de l'année prochaine. La convention traditionnelle d'utiliser la valeur du mois d'août pour l'année suivante vaut ce qu'elle vaut, elle n'est pas plus mauvaise qu'une autre.

Bien malin celui qui, ici, est capable de dire si le dollar vaudra 6 francs, 6,20 francs, 5,80 francs ou 5,50 francs dans six mois. Conservons notre convention, même fragile, il faut bien prendre une référence.

D'ailleurs, la plupart des pays font comme nous : ils prennent une valeur à une date donnée et ils font avec.

Si le dollar devait durablement s'établir à une valeur faible, 5,30 francs, 5,20 francs, 5,10 francs, que sais-je, ce ne serait pas sans conséquences, bien sûr, encore que celles-ci soient de moindre ampleur du fait de l'euro. En effet, le commerce extérieur libellé en dollar sera moins important puisque le commerce intracommunautaire, notamment, sera libellé en euro. De toute façon, il fallait bien faire une hypothèse, et nous ne pouvions guère faire autrement que de recourir à la règle habituelle.

Si je partage le souci de M. Auberger sur ce point, je comprends moins sa démonstration selon laquelle il n'y aurait pas de baisse d'impôt. Honnêtement, monsieur Auberger, vous élevez l'erreur à la hauteur d'une institution - j'ai failli dire l'horreur.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous dites : il était prévu une baisse de la taxe professionnelle de 12,5 milliards de francs et vous ne faites que 7,2 milliards. Vous êtes trop expert pour ne pas savoir faire la différence entre la colonne qui chiffre une mesure brute et la colonne qui mesure son effet net. Ces deux colonnes ont été publiées dès le 22 juillet dernier. L'effet brut, c'est 12,5 milliards de francs, et l'effet net, ainsi que cela était prévu dès le début, c'est 7,2 milliards de francs, avec, entre les deux, des mesures de compensation. Mais ces 7,2 milliards, ils sont bien réels comme le sont les 5 milliards de baisse de la TVA, comme le sont les 4 milliards, à peu près, de baisse des droits de mutation.

Il ne sert à rien de vouloir trop démontrer. La baisse d'impôt, vous pouvez la trouver insuffisante, c'est votre droit, mais vous ne pouvez pas dire qu'elle n'existe pas.

D'ailleurs, je le faisais remarquer dans mon discours introductif, elle est sensiblement supérieure, quels que soient les calculs que l'on fait, à celle que vous trouvez si bien venue chez nos voisins allemands - ils n'ont fait pour le moment que l'annoncer, mais j'espère qu'ils la mettront en oeuvre. Notre baisse d'impôt est en effet environ deux fois plus importante que celle qu'annoncent nos partenaires allemands.

Mais, dites-vous, et plusieurs d'entre vous ont repris l'argument, les Allemands opèrent cette baisse sur l'impôt sur le revenu, alors que vous, mauvais gestionnaires, vous la faites porter sur la TVA, les droits de mutation... Vous oubliez que l'impôt sur le revenu en Allemagne rapporte autant que la TVA ; il est deux fois plus lourd, en pourcentage du PIB, qu'il ne l'est dans notre pays. Qu'ils s'at-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

taquent à un tel impôt sur le revenu, c'est leur affaire, et ils ont peut-être raison, mais chez nous, il est logique de faire porter l'effort sur la TVA qui est trop lourde. L'impôt sur le revenu, chacun s'accorde à le reconnaître, rapporte peu en masse - même si certains taux peuvent paraître très élevés - comparativement à d'autres pays.

M. Alain Barrau.

Bien sûr.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je m'étais promis, monsieur Auberger, devant vos remarques sur la croissance, de rappeler - je vais tenir ma promesse - le discours qui était le vôtre l'année dernière.

M. Dominique Baert.

Il lit le journal.

Mme Odette Grzegrzulka.

Un très bon journal du soir !

M. Eric Besson.

Vous pourriez être poli, monsieur Auberger ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Auberger n'aime pas écouter, mais il entend quand même.

M. Eric Besson.

C'est une honte ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non, non, M. Auberger fait semblant de lire.

Je le connais, il écoute. C'est seulement qu'il ne veut pas rougir. (Sourires.)

Il disait l'année dernière, dans cette même salle, à peu près à la même époque, qu'il n'apercevait pas pour l'année prochaine les raisons d'une amélioration significative de la conjoncture et de la croissance. On a vu ce qu'il en était.

Mme Odette Grzegrzulka.

Nul n'est prophète en son pays ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On peut tous se tromper en matière de prévision...

M. Jean-Jacques Jégou.

Comme en 1992 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... mais, à tout le moins, quand on se trompe, l'année suivante, on se tait ou on parle doucement. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Tron.

Et six ans après, qu'est-ce que l'on fait ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Six ans après, on a assumé. Vous parlez sans doute de l'année 1992, à laquelle vous faites référence souvent ?

M. Georges Tron.

C'était une simple question, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

C'est particulièrement intéressant, parce qu'en 1992, tout le monde s'est trompé. Dans tous les pays, la prévision a été fausse et il y a eu récession.

M. Pierre Méhaignerie.

Pas à ce point !

M. Georges Tron.

Quand nous nous trompons, nous sommes les seuls tandis que vous, vous vous trompez avec tout le monde ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pas du tout ! Une erreur a été commise en 1992, vous avez raison. Mais ce n'est pas parce que ceux qui étaient au pouvoir en 1992 se sont trompés et que vous vous êtes trompés l'année dernière, qu'il faut absolument vous précipiter dans l'erreur cette année.

M. Eric Besson.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

Les erreurs ne sont pas du même ordre. Il y a erreur et erreur ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

A vrai dire, je préfère de loin la façon dont M. Tron est intervenu sur la question. Je ne suis pas totalement d'accord sur son analyse, mais il pose bien le problème en disant : je m'interroge. Quoi de plus légitime ? Nous nous interrogeons tous. De là à prendre des airs péremptoires en disant : « Vous n'atteindrez jamais ce taux de croissance », au moment où nombre d'organismes internationaux en annoncent plus encore... Honnêtement, cela n'est pas raisonnable.

M. Tron s'interrogeait également sur la reprise. Je ler assure : une enquête, menée par la chambre de commerce de Paris sur 6 500 entreprises - ce n'est pas rien comme échantillon - confirme la nette amélioration de la situation des entreprises et décrit ensuite la reprise qui a gagné l'ensemble des secteurs d'activité jusqu'aux entreprises de petite taille et qui est désormais bien enracinée. Certes, ce n'est encore que de la prévision, mais quand une enquête réalisée auprès de 6 500 entreprises conclut, au mois de septembre, au moment même où l'environnement international n'est pas très bon, que la reprise est bien enracinée, il est raisonnable de ne pas réduire notre prévision de croissance davantage que nous ne l'avons fait.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Mais, au début du mois d'octobre, un autre sondage indiquait que les entreprises étaient pessimistes.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez raison, madame, les entreprises, au vu de la situation internationale, sont moins optimistes qu'elles ne l'étaient en juillet. Mais l'appréciation des perspectives générales d'avenir, tant par les consommateurs que par les entreprises, se situe à un niveau historique, même si, par rapport à juillet, il est un peu redescendu, ce qui est normal car la crise internationale inquiète. Malgré tout, la confiance reste élevée, et c'est ç a qu'il faut regarder. Si, dans quelques semaines, dans quelques mois, la situation se dégrade de nouveau, il conviendra de réviser nos prévisions. Nous n'avons pas non plus de trébuchet pour peser la croissance à 0,05 % près. En tout cas, personne ne peut légitimement prétendre que nous ne sommes pas en état d'atteindre 2,7 % de croissance.

M. Jean-Pierre Balligand.

Très juste ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Tron, dont l'intervention était largement centrée sur la croissance, évoquait la possibilité d'un budget complètement déséquilibré du fait d'une croissance moins bonne. J'ai évoqué cette question hier au début de notre discussion, mais peut-être n'était-il pas présent. Les recettes ne sont pas indexées linéairement sur la croissance. Si on avait 0 % de croissance, voire une baisse de 2 %, mon calcul serait simpliste. Mais, sur 0,1 % ou 0,2 % de différence, mon calcul tient à peu près. L'effet sur les recettes fiscales d'une telle erreur est relativement limité, et même très limité. Il ne faut pas avoir trop d'inquiétude à ce sujet.

Si, d'aventure, l'ensemble de l'économie mondiale se mettait à plonger et qu'au lieu d'avoir 2,7 %, ou 2,8 %, comme le prévoit le FMI, nous n'avions que 0,5 % de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

croissance, la situation serait différente. Mais rien ne donne à penser que nous en soyons là. Tout le monde s'accorde à reconnaître, même s'il y a des écarts dans les prévisions, que l'Europe est en train d'entrer dans une phase de croissance. J'espère qu'elle durera suffisamment longtemps, mais personne n'en sait trop rien.

En tout cas, même les économistes des instituts de conjoncture, des banques qui, par nature, sont plutôt prudents - à tel point que l'année dernière ils prédisaient 2,5 % pour 1998 quand on va faire 3 % - avancent encore 2,5 % cette année. Il est remarquable qu'ils prévoient pour 1999 le même chiffre que pour 1998. Dès lors, on ne va pas commencer à s'arracher les cheveux.

Bien sûr, rien n'est jamais acquis d'avance mais je continue à penser que la croissance que nous avons prévue sera là. Si d'aventure elle n'était pas là à une décimale, près, le budget ne serait en rien déséquilibré.

M. Bocquet a fait quelques remarques. Selon lui, il faut soutenir la consommation par l'augmentation du pouvoir d'achat. Il a dû apprécier les prévisions que j'annonçais. En effet, nous devrions connaître une augmentation du pouvoir d'achat du revenu disponible de 2,8 % en 1998 - ce qui ne s'est jamais vu depuis le début de la décennie - et en 1999 nous prévoyons un peu moins, 2,5 %, ce qui n'est pas rien ! La consommation est soutenue par le pouvoir d'achat, ce qui explique d'ailleurs que les statistiques sur la consommation, ainsi que vous le rappeliez, monsieur le député, sont plutôt bonnes.

M. Bocquet nous a dit ensuite que si la disparition de la « base salaires » de la taxe professionnelle était une bonne chose, la réforme ne prenait pas suffisamment en compte les plus-values financières. C'est une appréciation subjective. On peut juger que ce n'est pas suffisant, mais on ne peut prétendre que le projet tel qu'il est aujourd'hui soumis au Parlement ne prend pas du tout en compte les plus-values. En effet, vous avez tous noté le triplement - et même plus - de la cotisation minimale.

Or la cotisation minimale est assise sur la valeur ajoutée et la valeur ajoutée, ce sont les salaires et les profits.

L'augmentation sensible de la cotisation minimale prévue, c'est une manière - d'autres auraient pu être envisagées - de faire intervenir dans la taxe professionnelle une fiscalisation des profits, qu'ils soient directement liés à l'activité ou qu'ils soient liés à des plus-values. On peut trouver que ce n'est pas assez, mais, sur le principe, nous avons retenu la remarque formulée par la commission des finances qui était de tenir compte, dans la réforme de la taxe professionnelle, des plus-values financières.

Ensuite, M. Bocquet a abordé, comme beaucoup d'autres intervenants sur tous les bancs, la question de la compensation à terme - la première année, elle est intégrale et simple - de l'indexation sur la base salaires.

Je comprends que les parlementaires, s'ils rencontrent les élus locaux - en tant que parlementaires, ce sont des élus nationaux, qui ne raisonnent que dans l'intérêt national -...

M. Michel Bouvard.

Les collectivités locales contribuent également à l'intérêt national.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... se préoccupent de cette question. Ils se disent qu'à chaque fois que, dans le passé, des opérations ont été conduites sur la taxe professionnelle, en 1987, par exemple, elles se sont mal passées.

M. Michel Bouvard.

En effet ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

En réalité, le mode d'indexation choisi en 1987 n'était pas satisfaisant.

Celui que nous vous proposons est tout à fait satisfaisant pour les collectivités locales. M. Balligand disait tout à l'heure que la base de taxe professionnelle a crû plus vite ces dernières années que si lui avait été appliquée l'indexation que l'on propose. C'est vrai pour la base totale mais pas pour la partie salaires de la taxe professionnelle qui, elle, aurait crû moins vite.

M. Jean-Pierre Balligand.

Bien sûr !

M. François d'Aubert.

Oh !

M. Michel Bouvard.

Cela dépend ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si, monsieur d'Aubert ! La réforme est étalée sur cinq ans. Au cours de ces cinq dernières années, la base salaires a crû moins vite que la base investissements.

M. Marc Laffineur et M. François d'Aubert.

Cela dépend des communes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Bien entendu, je parle en moyenne.

M. Michel Bouvard.

En moyenne, c'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En moyenne nationale, la base salaires de la taxe professionnelle au cours des cinq dernières années a crû moins vite que l'inflation augmentée de la moitié du PIB, c'est-à-dire l'indexation que nous vous proposons.

Si le système n'était pas changé, la partie de la taxe professionnelle assise sur les salaires croîtrait à l'avenir plus vite que l'indexation proposée pour les communes dans lesquelles l'emploi se multiplie facilement, moins vite pour les autres.

Le système que nous proposons prend en compte la solidarité. Les choses vont un peu moins bien que cela n'aurait été, sinon pour les communes dans lesquelles l'emploi est vigoureux, et un peu mieux que cela n'aurait été, sinon pour les communes dans lesquelles l'emploi ne progresse pas vite. Qu'est-ce d'autre que de la péréquation, que par ailleurs tout le monde réclame sur tous les bancs ?

M. Michel Bouvard.

On ne réclame pas tant que cela ! On a déjà donné ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie Une autre remarque de M. Bocquet concernait la TVA et il a fait plusieurs propositions notamment concernant les déchets. Le Gouvernement a entendu les propositions du groupe communiste en matière de TVA puisque, je vous le rappelle, la principale mesure de baisse de la TVA, qui va coûter à l'Etat 5 milliards de francs cette année, porte sur les compteurs EDF. Cette mesure est très bien choisie, parce qu'on est sûr de sa répercussion sur le consommateur, ce qui n'est pas obligatoirement le cas pour d'autres baisses de TVA.

Pour M. Méhaignerie, cette discussion serait vaine si le budget devait être modifié d'un trait de plume dans quelques semaines ou quelques mois. Si tel était le cas, évidemment. Mais il n'y a aucune raison que le budget soit ainsi bouleversé. Je ne reviens pas sur la discussion sur la croissance, mais vous me rendrez au moins justice, que si tous les ans, de 1994 à 1997, il y a eu des gels et des annulations, en 1998 il n'y a pas eu d'annulations.

Reconnaissez que cette nouvelle majorité n'a rien annulé du budget en cours, n'a pas révisé, contrairement à la


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majorité précédente. Ne nous faites pas de procès d'intention. Ne nous accusez pas de prévoir dès janvier, février ou mars des annulations. Il n'y en aura pas.

Sur l'année 1992, je ne reviens pas car la polémique serait interminable. En 1993, je suis d'accord avec vous, monsieur Méhaignerie, la crise était mondiale. Mais en 1994, on a eu 2,7 % de croissance - ce qui est d'ailleurs prévu - mais pour 1999, c'est un hasard. Or, malgré ces 2,7 % de croissance, je n'ai constaté ni baisse sensible du déficit, malgré des cessions d'actifs considérables et qui ont été utilisées pour le budget général...

M. Jean-Pierre Balligand.

Très juste ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... ni baisse de dépenses analogue à celle que

M. d'Aubert évoquait cet après-midi.

M. Pierre Méhaignerie.

Et la baisse des charges sociales sur les bas salaires ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'il est possible de faire 55 milliards d'économies cette année, pourquoi n'était-ce pas possible en 1994 ? Honnêtement, je crois que ce genre de polémique sur le passé n'a pas beaucoup d'intérêt.

Regardons l'année en cours et surtout l'année qui vient. Voyons ce qu'il faut faire. J'accepte tout à fait les critiques à condition qu'elles aient un contenu réel, mais chercher si c'est mieux fait ou moins bien fait par les uns ou par les autres que ce qui a été fait il y a cinq ans, honnêtement, cela n'intéresse personne.

M. Philippe Auberger.

Toujours dans le même sens ! Ensuite, monsieur Méhaignerie, vous nous avez décrit ce que vous feriez. Là, ma foi, je n'ai pas de critique à formuler, ou plutôt pas de commentaire à faire. Vous avez décrit ce que serait un budget de droite. Souffrez que nous ne fassions pas celui-là. Les choix que vous avez indiqués - je ferai ci, je ferai ça, je dépenserai là et pas là, etc. - sont légitimes, mais ce ne sont pas ceux de la majorité. Il n'y a pas de discussion à avoir : par définition, le budget que vous auriez construit n'est pas celui que nous avons construit. Vous pouvez le développer pendant longtemps, ça n'apporte rien au débat. Il est clair que ce n'est pas ce budget-là que nous voulons faire.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ni les Français ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ni les Français, comme vient de le dire Mme Grzegrzulka, qui a sans doute raison car s'il existe une majorité telle que celle qui existe aujourd'hui, c'est parce qu'ils l'ont voulue.

S'agissant de la taxe professionnelle, vous avez regretté la réforme, monsieur Méhaignerie. Oserai-je renvoyer aux remarques ironiques mais justes qu'a faites M. Eric Besson tout à l'heure, qui a rappelé que nombreux, sur les bancs de l'actuelle opposition, étaient ceux qui réclamaient une réforme analogue quand ils étaient au pouvoir. On connaît la musique ! Vous avez donc regretté la réforme en affirmant que ce qu'il fallait faire, ce n'était pas ce que nous faisions et qu'il convenait plutôt de diminuer les cotisations sociales sur le travail non qualifié.

M. Pierre Méhaignerie.

D'autres que moi le disent !

M. Michel Bouvard.

Mme Aubry, par exemple ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je le dis aussi ! Tout le monde le dit ! Qu'il y ait un problème du travail non qualifié dans notre pays, chacun le reconnaît. Qu'il faille, à partir des recettes de sécurité sociale, essayer de faire un effort en ce sens, personne n'est contre. Le problème est que, dans le programme du Parti socialiste, figurait non pas la baisse des cotisations sur le travail non qualifié mais celle de la taxe professionnelle pour la part salariale.

M. Michel Bouvard.

Mme Aubry n'a pas dû lire le programme du Parti socialiste !

M. Philippe Auberger.

Il y avait aussi la baisse du taux normal de la TVA ! Vous êtes sélectif, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Souffrez que ce Gouvernement mette en oeuvre le programme sur lequel il a été élu et non celui sur lequel vous voudriez vous-mêmes l'avoir été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

Votre raisonnement est un peu simpliste ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez ajouté, monsieur Méhaignerie, que la réforme n'était pas bonne car elle profiterait surtout aux secteur des services. Mais c'est pour cela qu'elle est bonne : nous savons tous que c'est dans les services que se crée le plus grand nombre d'emplois.

M. Pierre Méhaignerie.

Et que faitez-vous des petits salaires dans l'industrie ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Servir l'emploi est notre objectif mais si nous ne nous comprenons pas sur l'objectif, ce n'est plus la peine de discuter ! Pour que la réforme serve l'emploi, il faut aider particulièrement les entreprises dans lesquelles l'emploi se crée, c'est-à-dire principalement dans le secteur des services.

Votre intervention sur la taxe professionnelle a été exemplaire car vous avez énuméré toutes les raisons de ne pas bouger. A ce titre, elle a constitué une sorte d'archétype du conservatisme.

M. Pierre Méhaignerie.

J'ai proposé une solution alternative ! Ce n'est donc pas du conservatisme ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pourquoi modifierions-nous la taxe professionnelle alors qu'on peut la conserver telle quelle ? Telle est, en un mot, le sens de votre argumentation,...

M. Philippe Auberger.

Mais non ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... alors même que tout le monde est favorable à une modification...

M. Pierre Méhaignerie.

Vous oubliez Mme Aubry ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Tout le monde sait très bien - et je pense qu'en votre for intérieur vous êtes aussi dans ce cas - que cet impôt est mauvais. D'ailleurs, M. Besson a fait à cet égard quelques citations opportunes.

(Sourires.)

Vous êtes, vous et vos amis, à ce point empêchés de reconnaître que le Gouvernement fait quelque chose de bien que, cédant à une sorte de caricature de ce qu'est une opposition, vous préférez énumérer des raisons pour ne rien changer, alors même que vous avez réclamé une réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Méhaignerie.

Mme Aubry a tort, elle aussi ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Philippe Auberger.

Etiez-vous tellement brillant quand vous étiez dans l'opposition ? Vous dites des sornettes, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ah ! Je vois que M. Auberger s'est réveillé. Il réagit ! (Sourires.)

Monsieur Auberger, vous vous serez sans doute aperçu que, cette fois-ci, je répondais à M. Méhaignerie et que votre tour était passé. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

En ce qui me concerne, je constate, mais je conviens que ce n'est pas une preuve absolue - il s'agit d'un simple indicateur -,...

M. Philippe Auberger.

Quelle modestie ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... que, lorsque vous meniez votre politique, de 1993 à 1997, la croissance française était inférieure à la croissance européenne, alors que, lorsque nous menons la nôtre, la croissance française est, en 1998, supérieure à la croissance européenne.

M. Pierre Méhaignerie.

On ne peut pas juger une politique sur un an ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je suis d'accord, monsieur Méhaignerie, et c'est pourquoi j'ai dit que cette constatation ne valait pas preuve absolue. Attendons l'année prochaine pour en savoir plus ! Reconnaissez tout de même que tout cela va plus dans mon sens que dans le vôtre, car c'est non pas pendant un an mais pendant quatre ans que la croissance française est restée inférieure à la croissance européenne, et ce fut pendant les quatre ans de la législature précédente !

M. Pierre Méhaignerie.

Il y avait du retard à rattraper ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Une croissance française supérieure à la croissance européenne ne s'est constatée que sur un an. Mais j'espère et, si j'ai bien compris, vous l'espérez aussi, que ce sera encore le cas l'année prochaine. C'est en tout cas le voeu qu'a exprimé M. Tron, et je l'en remercie. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Méhaignerie.

Il faudrait remonter à 1981 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

J'ai malheureusement dû m'absenter un moment de l'hémicycle quand s'exprimait M. Crépeau.

M. François Loos.

C'est dommage ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je l'ai prié de m'en excuser.

On m'a rapporté qu'il avait fait des propositions fiscales intéressantes. J'en ai pris connaissance à partir des notes que Christian Sautter avait prises. Nous examinerons bien sûr ces propositions avec un grand intérêt.

M. d'Aubert, qui appartient au nouveau groupe Dérive libérale (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste),...

M. Philippe Auberger.

Voilà qui n'est pas gentil ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... nous a dit un certain nombre de choses qu'il me permettra de ne pas reprendre car elles renvoient à des remarques de l'opposition portant notamment sur la compensation insuffisante de la taxe professionnelle, sujet sur lequel j'ai déjà répondu.

Monsieur d'Aubert, vous avez insisté sur le fait qu'il ne fallait pas considérer la France comme un îlot de croissance. Vous avez raison. La France n'est pas un îlot de croissance et nous ne la considérons pas du tout comme tel. En fait, l'îlot s'étend à l'ensemble de l'Europe. Mais nous prenons en considération le fait que l'environnement international nuira à notre croissance. Sinon, nous n'avancerions pas le chiffre de 2,7 % alors que notre potentiel de croissance pour l'année 1999 s'établit à 3,2 %. Nous prenons en considération, je le répète, l'environnement international. Il ne sert donc à rien de caricaturer en nous reprochant de ne pas avoir cette attitude. C'est absurde ! J'ai sous les yeux les déclarations de M. Madelin de l'année dernière...

M. Philippe Auberger.

Encore ? C'est une idée fixe ! M. Madelin n'est pas là et il ne peut pas vous répondre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'était votre ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vois que nous avons trouvé ensemble un réveille-matin pour M. Auberger.

(Rires.)

M. Philippe Auberger.

Vous avez suffisamment à faire en répondant aux présents ! Laissez M. Madelin tranquille ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il suffit de prononcer le nom de M. Madelin pour que, tel un diable, M. Auberger sorte de sa boîte...

M. Philippe Auberger.

M. Madelin n'est pas le sujet ! Arrêtez de faire le guignol ! (Rires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rendormez-vous, monsieur Auberger ! J'allais rappeler monsieur d'Aubert, que M. Madelin - je le cite car il est le leader de votre mouvement déclarait l'année dernière : « 1998 sera plus mauvais que 1997. Nous allons droit dans le mur. » Sans com-

mentaires !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il parlait sans doute pour lui-même ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez peut-être raison, monsieur le rapporteur général.

M. Madelin ajoutait : « Je donne rendez-vous à

M. Strauss-Kahn à la fin de l'année. » En ce qui me

concerne, j'honore le rendez-vous.

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est pour cela que M. Madelin n'est pas venu aujourd'hui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je voulais dire que j'honorerai le rendez-vous à la fin de l'année.

M. Michel Bouvard.

Vous allez réveillonner ensemble ?

M. Philippe Auberger.

M. Madelin vous a posé un lapin ! Tant pis ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Fort heureusement, ce n'est pas votre genre, monsieur Auberger, puisque vous êtes ici.

Le moment est venu de rappeler le pari que nous avons fait ensemble l'année dernière et que, je l'espère, vous aurez à coeur d'honorer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Philippe Auberger.

C'est vous qui l'avait pris ! Moi, je n'ai rien dit. C'était un pari unilatéral.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je reconnais que c'est moi qui l'ai proposé.

Mais vous l'avez accepté par votre silence. Or chacun sait ici que vous n'avez pas l'habitude de rester silencieux et, si vous l'êtes resté, c'est que vous avez accepté le pari.

(Sourires.)

En quoi consistait ce pari ? Vous souteniez que nous n'atteindrions jamais les 3 % de croissance. Moi, j'affirmais que si. Je vous ai donc dit que, si nous faisions plus de 2,8 %, j'aurais gagné, et que, si nous faisions moins, ce serait vous qui auriez gagné. J'ai ajouté que, si je gagnais, nous distribuerions ensemble dans votre circonscription un tract mentionnant que « M. Auberger s'est trompé » et que, dans le cas contraire, nous distribuerions dans les mêmes conditions dans ma circonscription un tract précisant cette fois que « M. Strauss-Kahn s'est trompé ».

Chacun s'en souvient...

Plusieurs députés sur les bancs du groupe socialiste.

Oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et notre échange figure au Journal officiel

M. Michel Bouvard.

Mais comment doit-on faire quand le ministre n'a plus de circonscription ? (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous affirmez, monsieur Auberger, que vous n'avez pas accepté le pari. Cela me paraît être un aveu suffisant, et je vous tiens quitte.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Ah non !

M. Philippe Auberger.

Quelle générosité, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur d'Aubert, vous avez par ailleurs tiré argument de ce que nous avions diminué les dépenses pour en augmenter d'autres, c'est-à-dire refondu la dépense publique, pour faire valoir que, si l'on peut supprimer des dépenses, puisque nous l'avions fait, nous les avions remplacées par d'autres, ce que nous aurions mieux fait d'éviter. Mais que l'on puisse diminuer un certain nombre de dépenses ne veut pas dire qu'on doive obligatoirement les diminuer...

M. François d'Aubert.

Cela procède d'un choix politique ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est ce que j'allais dire. L'essence même d'un budget, c'est de refléter des priorités et des choix.

Si j'ai bien compris, la majorité souhaite que, dans le projet de loi de finances pour 1999, soient prises en compte plusieurs de ses préoccupations, qui vont des emplois-jeunes à la loi relative à la lutte contre les exclusions, aux minima sociaux, à la politique du logement, au financement de la réduction de la réduction du temps de travail et à certaines mesures ressortissant à la politique de la ville ou à la sécurité, qu'il faut financer.

La différence entre nos deux politiques - je caricature un peu -, c'est que vous auriez carrément supprimé les 30 milliards d'anciennes dépenses.

En ce qui nous concerne, nous les avons « transportés » vers de nouveaux postes dont nous avons besoin aujourd'hui et dont la liste vient de vous être donnée.

Vous avez raison, la différence tient au choix politique.

De ce point de vue, je vous dirai, à vous comme à M. Méhaignerie, que heureusement que vous ne présentez pas la même politique que la nôtre, car alors nous devrions vous accueillir au sein du Parti socialiste.

(Sourires.)

M. François d'Aubert.

Non merci !

M. Jean Pierre Brard.

C'est un hospice ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vois que M. Brard réclame aussi l'honneur de pouvoir vous accueillir. Je vous laisse vous débrouiller ensemble.

(Rires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Je choisis avec qui je chemine ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En outre, monsieur d'Aubert, j'ai relevé dans votre raisonnement une contradiction. Celle-ci est tellement élémentaire que je ne comprends pas que vous ne l'ayez pas évitée. Vous avez déclaré, vous adressant au Gouvernement, que la baisse des prélèvements obligatoires qu'il préconise est facile parce que la croissance est forte. Mais vous aviez auparavant conseillé au Gouvernement de se méfier car, l'année prochaine, la croissance ne serait pas au rendez-vous.

M. François d'Aubert.

Je n'ai pas dit les choses comme cela ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On ne peut avancer dans le même temps les deux arguments.

M. François d'Aubert.

Je parlais pour 1998 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ou bien la croissance est à ce point forte et elle rend facile la baisse des prélèvements obligatoires, dans ce cas, vous ne devez pas vous inquiéter pour la croissance, ou bien elle sera beaucoup moins forte, comme vous le prétendez et, dans ce cas, la baisse des prélèvements obligatoires est particulièrement méritoire.

Dans mon exposé liminaire, j'ai relevé ce qui m'apparaissait comme une contradiction dans des propos rapportés par la presse et tenus par d'éminents membres de l'opposition. A les entendre, quand la croissance est là, il faut en profiter pour diminuer les déficits, mais si la croissance risque de ne pas être au rendez-vous l'année prochaine, nous devons les diminuer davantage.

Il faut savoir ! Si, pour vous, il faut baisser les déficits quelle que soit la croissance, c'est qu'il n'y a pas de lien entre les deux et dans ces conditions, il convient de ne pas le faire. Si, au contraire, un lien entre les deux existe, on ne peut conduire la même politique quand la croissance est forte et quand elle ne l'est pas.

En fait, vous voulez tout le temps diminuer la dépense, vous voulez tout le temps diminuer les déficits ! C'est votre droit, mais vous n'avez pas besoin de relier cela à la croissance puisque, de toute façon, quels que soient les indicateurs de croissance, vous n'avez qu'une seule thérapeutique : la baisse de la dépense !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est idéologique !

M. Georges Tron.

Ne dites pas « vous », monsieur le ministre, car j'ai pour ma part dit l'inverse ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez raison, monsieur Tron : ce « vous » était trop général.

M. Georges Tron.

Je ne me reconnais pas dans votre exposé caricatural !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Reconnaissez que l'attitude que je viens de rappeler est quand même celle de la majorité de l'opposition...

M. Alain Barrau.

C'est en tout cas celle de M. d'Aubert ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Idiart a, de mon point de vue, mis en évidence les contradictions de la droite : dans les circonscriptions, on ne peut pas demander moins de dépenses, moins d'infirmiers et moins d'instituteurs mais à l'Assemblée, on affirme tout autre chose !

M. Jean-Louis Idiart a relevé une autre contradiction, entre ce qui est dit aujourd'hui et la pratique du pouvoir.

De 1994 à 1997, la chronique ne correspond pas du tout à ce que vous dites aujourd'hui, messieurs ! Je ne vous en fais pas le reproche car, eu égard à la situation économique des années 1993 à 1995, vous avez bien fait de ne pas trop diminuer la dépense publique. Mais ne dites pas que telle est votre politique envers et contre tout et qu'à tout moment c'est celle qu'il faut appliquer, car ce n'est justement pas celle que vous avez conduite, et

M. Idiart a été sur ce point très explicite.

M. Idiart a ensuite souligné les avancées qui ont été faites dans le budget qui vous est soumis à partir des propositions de la commission des finances. Je m'engage devant lui, comme il l'a demandé, à continuer d'essayer de convaincre la Commission européenne d'aménager la TVA dans le sens qui nous convient.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons déjà eu quelques succès, mais nous sommes loin du compte. Nous devons poursuivre ce travail.

M. Idiart a aussi affirmé son soutien à la fiscalité écologique, sur laquelle je ne reviendrai pas.

S'agissant de la sortie du pacte de stabilité, qui a étranglé les communes car, durant son application, la croissance des dotations, pour le périmètre normé du moins, a été extrêmement limitée, M. Idiart a proposé que nous allions plus loin que ce que le Gouvernement envisageait pour le moment.

Le Gouvernement a déjà envisagé une sortie de pacte sensiblement plus favorable aux communes que le dispositif que M. Juppé avait mis en oeuvre. En effet, avec M. Juppé, c'était zéro, alors que nous avons proposé 15 % de la croissance pour 1999, 25 % pour l'an 2000 et 33 % pour l'année suivante. M. Idiart nous dit que ce n'est pas suffisant.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous allons, d'ici à la fin de cette discussion, étudier comment nous pourrions améliorer un peu les choses. Mais il faut savoir que tout cela suppose des ressources.

Le Gouvernement est sensible au problème des ressources des collectivités locales et il est prêt à en discuter avec tous les groupes qui l'ont évoqué, dont le groupe communiste.

Pour finir, je répondrai à M. Brard, laissant le soin à M. Sautter de répondre aux orateurs à qui je n'ai pas encore répondu.

Monsieur Brard, bien que je n'aie pas été présent quand vous avez parlé d'un débat sur l'avenir du système financier français, je me permettrai de vous répondre car cette question me concerne directement. J'ai déjà dit que j'étais d'accord pour qu'un débat de cette nature ait lieu.

Vous me direz que cela n'a pas été suivi d'effet. Soit ! Mais il appartient à l'Assemblée d'organiser ses travaux.

Un tel débat doit-il avoir lieu en commission des finances ou en séance publique ? Peut-être intéressera-t-il davantage les spécialistes, qui seront sans doute moins nombreux qu'on peut l'espérer. Dans ces conditions, il serait préférable qu'il ait lieu au sein de la commission des finances. Mais si vous préférez qu'il vienne en séance publique, je n'y verrai strictement aucun inconvénient.

Je n'aurai rien contre le fait qu'un débat sur l'architecture d'ensemble et l'avenir de notre système financier intervienne avant l'examen du projet de loi sur les caisses d'épargne et la sécurité financière. Je confirme ma disponibilité pour un tel débat.

Que la commission des finances réfléchisse aux modalités qui lui semble les plus opportunes ! Nous pourrons peut-être avoir ce débat après la discussion budgétaire - pourquoi pas au mois de janvier ? Ce sera alors bien avant l'examen du projet de loi sur les caisses d'épargne, qui ne pourra malheureusement s'engager, pour des questions de calendrier parlementaire, que sensiblement plus tard. Au mois de janvier, nous aurons le temps, et je suis tout à fait disposé à ce qu'un tel débat ait lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà une avancée ! Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour un rappel au règlement.

M. François d'Aubert.

Monsieur le président, je me fonde sur l'article 19 de notre règlement, lequel traite de l'organisation des groupes au sein de notre assemblée.

Monsieur le ministre, vous avez ironisé sur le nom du groupe parlementaire auquel nous sommes un certain nombre à appartenir. Ce groupe parlementaire fait partie de l'Assemblée nationale, au même titre que d'autres.

Ici, la discussion est libre. Mais il est essentiel de respecter ceux qui font fonctionner cette assemblée au nom de la démocratie : les groupes parlementaires et les parlementaires eux-mêmes.

En vingt ans de vie parlementaire, je n'avais encore jamais entendu un membre d'un gouvernement ironiser sur le nom d'un groupe parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est parce que vous ne venez pas souvent !

M. François d'Aubert.

Je vous demande en conséquence de retirer simplement ce que vous avez dit sur le groupe Démocratie libérale.

M. le président.

Monsieur d'Aubert, la présidence prend acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur d'Aubert, je n'avais pas imaginé une seule seconde que signaler que votre groupe parlementaire voulait dériver vers plus de libéralisme serait considéré par vous comme une insulte ! (Sourires.)

Je suis quoi qu'il en soit ravi de vous accueillir dans le camp de ceux qui ne veulent pas trop de libéralisme.

(Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

Bien entendu, je ferai bien attention à l'avenir : le nom de votre groupe est bien « Démocratie libérale », et non

« dérive libérale ».

Voilà qui devrait vous satisfaire.

J'ai en tout cas parfaitement compris que vous ne vouliez pas dériver vers le libéralisme, et je vous en félicite.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'avais cru comprendre que M. d'Aubert ne souhaitait pas que l'on ironise sur le nom de son groupe.

M. François d'Aubert.

Monsieur le président, je demande la parole !

M. le président.

Pardonnez-moi, monsieur d'Aubert, mais M. le ministre vous a répondu et l'incident est clos.

M. François d'Aubert.

Je voudrais faire un autre rappel au règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Sur un autre sujet ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Présidez, monsieur le président !

M. Gilbert Mitterrand.

Si M. d'Aubert veut intervenir pour un fait personnel, il doit le faire à la fin de la séance !

M. François d'Aubert.

Si je n'ai pas la parole, je demande une suspension de séance !

M. le président.

Monsieur d'Aubert, souhaitez-vous faire un rappel au règlement sur un autre sujet ?

M. François d'Aubert.

Non, monsieur le président ! Sur le même !

M. le président.

Dans ces conditions, je vous redonne la parole pour quelques instants.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. François d'Aubert.

Monsieur le ministre, je sais que vous aimez ironiser. Mais je voudrais que vous retiriez la phrase que vous avez prononcée. Les groupes parlementaires ont leur nom. Je n'ironise pas quant à moi sur le groupe socialiste, sur le groupe RCV ou sur le groupe communiste...

M. Jean-Pierre Brard.

Et apparentés !

M. François d'Aubert.

Personne n'ironise ici sur leurs noms ! Ces noms, nous les avons choisis et ils reflètent une déclaration politique. Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, de faire de l'ironie sur les choix qui ont été faits par les parlementaires eux-mêmes !

M. Dominique Baert.

M. le ministre vous a répondu !

M. François d'Aubert.

Il y va de la dignité de l'Assemblée nationale !

M. Jacques Heuclin.

M. d'Aubert est en plein délire libéral !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si je ne réponds pas à M. d'Aubert, il va se fâcher, affirmant que, quand il fait un rappel au règlement, il convient de lui répondre. Mais, si je lui réponds une deuxième fois, il fera un troisième rappel au règlement en affirmant que je ne lui réponds pas comme il faut ! Arrêtons-nous là !

M. Marc Laffineur.

Oui, arrêtons ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous vous permettez, et vous avez raison, de qualifier de noms d'oiseaux la politique que nous faisons.

Mme Odette Grzegrzulka.

Non, il n'a pas raison ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'entendais quelqu'un tout à l'heure - ce n'était pas vous - dire à l'un des représentants du Gouvernement - je ne sais plus si c'était moi ou Christian Sautter : « Ne faites pas le guignol ! » Je vous en prie, monsieur d'Aubert, ne réagissez pas comme une jeune fille...

M. Jean-Pierre Brard.

Comme une pucelle effarouchée ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... quand on écorche, même ironiquement, le nom de votre groupe ! Cela dit, si cela vous chatouille à ce point, on ne le fera plus !

M. le président.

Bien, nous prenons acte de cet engagement, monsieur le ministre ! Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

A mon tour, je répondrai brièvement à d'autres orateurs.

M. Feurtet a ouvert ce débat avec une expression à la fois belle et profonde puisqu'il a parlé, à propos de la crise financière internationale, de la « férule du réel ». Il a voulu dire que la réalité avait tapé sur les doigts des spéculateurs mais aussi de leurs zélateurs libéraux. Il a évoqué, comme M. Cochet d'ailleurs, la taxe Tobin, c'est-àdire l'idée de soumettre l'ensemble des transactions financières mondiales à une taxe à très faible taux. C'est une idée sympathique, mais qui manque malheureusement de sens pratique. En effet, pour être efficace, il faudrait qu'elle soit appliquée par tous et pas seulement par notre pays ou par l'Union européenne.

M. Cochet a souhaité que l'on parle de « développement soutenable ». Derrière la substitution de cette expression à celle de « croissance durable » se cache un véritable message sur la qualité de la vie, la protection de l'environnement, que le Gouvernement approuve tout à fait. M. Cochet a parlé de l'an I de la fiscalité écologique et j'ai cru comprendre qu'il serait un soldat de l'an II pour poursuivre, l'année prochaine, les réformes dans ce domaine.

M. Dominique Baert.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Parce qu'il nous a prêté des vertus de magicien, M. Dominati a été enchanté par ce budget. Mais cet enchantement a été de courte durée, parce qu'il s'est livré à un jeu de bonneteau assez subtil. Il a comparé les ressources de l'Etat en 1999 à celles de 1998 - il sait faire les divisions - et il a trouvé 4,3 %. Il a dit que c'était plus que la croissance, ce qui est tout à fait exact. Mais, n'ayant pas lu le rapport de votre rapporteur général, il n'a pas tenu compte de deux éléments. D'abord, il y a les ressources fiscales à périmètre constant, comme disent les spécialistes, qui progressent de 3,5 %. C'est moins que le produit intérieur brut, c'est donc bien une baisse de prélèvements obligatoires qui a été soulignée par le Gouvernement. Ensuite,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

il y a 32 milliards de francs de recettes supplémentaires qui ne sortent pas de la poche du contribuable puisqu'elles sortent de la clandestinité. Ce sont des ressources de l'Etat que, dans un souci de transparence, nous avons fait remonter à la lumière. Parmi ces 32 milliards, 14 milliards sont payés par La Poste pour les retraites de ses fonctionnaires.

M. Bouvard a interpellé le Gouvernement sur la TVA et, se souvenant avoir soutenu un gouvernement qui avait donné 100 milliards de francs aux entreprises, au titre de la suppression du décalage d'un mois du remboursement de la TVA, et pris 60 milliards de francs aux ménages, il nous a demandé d'aller plus vite pour arrêter cette casse.

Nous lui avons déjà répondu que nous diminuons la TVA et que nous continuerons à le faire. Mais je comprends qu'il soit impatient de réparer les fautes dont il s'est autrefois rendu complice. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

N'importe quoi !

M. Michel Bouvard.

C'est facile !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Gérard Fuchs a fait circuler un peu d'air frais dans notre débat avec une argumentation solide et parfaitement convaincante.

M. Belviso a souhaité que l'on allège la TVA sur les entreprises de sport. C'est possible, mais cela coûterait 500 millions de francs. Le Gouvernement a préféré affecter ses quelques disponibilités financières à l'augmentation de 3,5 % du budget de la jeunesse et des sports, qui a franchi le cap des 3 milliards de francs. Il s'adresse en effet aux associations, aux clubs, qui jouent un rôle fondamental, alors que les entreprises s'adressent à une clientèle plus fortunée.

Mme Boutin nous a annoncé son divorce d'avec les associations familiales,...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière.

Mme Boutin ne divorce pas !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... puisqu'elle a critiqué un dispositif que nous avons retenu à l'issue d'une l ongue discussion avec les associations familiales.

M. Quentin ayant le même point de vue, je suis sûr que leur rapprochement sera fructueux. (Sourires.)

M. Julien Dray.

Mme Boutin est déjà mariée ! D'ailleurs M. Boutin est très sympathique !

M. Michel Bouvard.

C'est sexiste !

M. Pierre Méhaignerie.

Il faut élever un peu le niveau !

M. Philippe Auberger.

C'est d'un goût très douteux ! Vous avez franchi la ligne jaune !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Roland Carraz a évoqué « la dictature des bigoudis ». Ses suggestions fiscales, parmi lesquelles certaines sont fort audacieuses, méritent d'être prises en considération et soigneusement examinées.

M. Gantier, comme d'autres parlementaires de l'opposition, n'aime pas les emplois-jeunes. C'est son droit.

Nous considérons quant à nous que c'est une dépense utile car ils donnent une véritable chance d'entrer dans la société à des jeunes qui, autrement, resteraient au chômage. M. Gantier nous a interrogés sur les couples modestes. Je lui précise que les familles qui seront pénalisés par la réforme du quotient familial sont les couples avec deux enfants dont les revenus mensuels sont supérieurs à 48 200 francs. Personnellement, je n'ai pas le sentiment qu'il s'agisse de couples modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Barrau a trouvé des mots convaincants pour plaider en faveur d'une action plus résolue du Gouvernement s'agissant de la TVA sur les services d'entretien au logement, mais M. le ministre de l'économie lui a déjà répondu, ainsi d'ailleurs qu'à M. Brard.

M. Hériaud a eu d'heureuses paroles modérées pour parler du projet de budget. Comme M. Tron, il s'est livré à une critique constructive, qui a fait progresser notre débat.

M. Bapt partage le souhait du Gouvernement que le Conseil de l'euro soit un facteur d'équilibre aux côtés de la Banque centrale pour aller vers une plus grande stabilité entre la parité de l'euro et celle du dollar. Il a indiqué une direction dans laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'est déjà engagé.

M. Guyard s'est préoccupé de l'impact de la réforme ambitieuse de la fiscalité sur les villes nouvelles. Chacun connaît le dynamisme des villes nouvelles et je suis sûr que nous trouverons des solutions convenables en la matière.

M. Loos a parlé de l'emprunt européen. Il en a déjà été question dans les réponses de M. Strauss-Kahn. Je me réjouis qu'il ait cette volonté de croissance partagée au niveau français et au niveau européen.

Mme Bricq a eu des expressions très fortes. Elle a dit :

« Il faut parler des faits et pas des fantasmes », ou encore :

« Il faut parler des actions et pas des paroles ». Ces quelques phrases caractérisent bien le débat qui nous rassemble.

M. Lellouche a inventé Jacques Attali comme caution intellectuelle pour son verbe hâtif. Je n'ai rien de plus à dire sur ce point. (Rires.)

M. Douyère a versé au débat toute son expérience en matière de fiscalité. Je suis sûr que les propositions qu'il a faites contribueront à améliorer les réformes fiscales proposées par le Gouvernement. Cela a déjà été le cas en commission des finances, cela sera encore le cas dans le débat.

M. Dray a fustigé les dogmes libéraux,...

M. Julien Dray.

Avec quel talent !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... avec une grande modestie en tout cas. (Rires.)

Il a abordé certains sujets relatifs à la taxe professionnelle. Il a considéré la mesure que nous proposons à l'Assemblée nationale comme relevant d'une politique d'offre. Je tiens à lui préciser que, dans la croissance de l'an prochain, il y a non seulement la croissance de la consommation à laquelle nous sommes tous très attachés - 2,7 % -, mais aussi la demande de biens d'équipement, de bâtiments et de travaux publics de la part des entreprises - 5,7 % l'an prochain. Or, par son impact psychologique, la réforme de la taxe professionnelle, qui est directement ciblée sur les petites et m oyennes entreprises, contribuera à ce que cette demande - je ne parle pas d'offre - d'investissement soit effective et apporte son lot de création d'emplois.

Mme Alliot-Marie a fait, à juste titre, référence aux classes moyennes, qui constituent 80 % de la population française. Elle en a déduit que le Gouvernement devrait


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

faire quelque chose du côté de l'impôt sur le revenu.

Mais il vaux mieux toucher à un impôt payé par la totalité des Français, y compris les plus modestes, qu'à l'impôt sur le revenu, qui n'est payé que par la moitié d'entre eux.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Ça va leur plaire ce que vous dites !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Mitterrand a souligné l'importance d'une évolution de la fiscalité agricole parallèlement au très ambitieux projet de loi d'orientation agricole que l'Assemblée vient de voter en première lecture. Cette réflexion retient évidemment l'attention du Gouvernement.

Monsieur Balligand, M. Strauss-Kahn vous a déjà répondu en partie. Vous refusez, comme le Gouvernement, l'idée d'un taux national, avancée par le Conseil national des impôts. Vous attendez avec impatience la taxe professionnelle d'agglomération. Jean-Pierre Chevènement est, lui aussi, impatient de venir en débattre avec vous. Vous avez parlé de la compensation. Dominique Strauss-Kahn vous a répondu en citant des chiffres sur la période 19921997. Base salariale : 10,5 % ; DGF : 12 % ; base d'investissement : 30 %. C'est bien la preuve que la compensation que nous proposons est correcte.

Comme l'a dit M. Strauss-Kahn, M. Besson a démontré avec talent, à propos de la taxe professionnelle, que

« souvent opposition varie et bien fol est qui s'y fie ». Il a donné des références qui montrent que cette réforme devrait normalement être votée à l'unanimité.

M. Tron s'est inquiété pour la croissance, mais M. Strauss-Kahn lui a répondu après que M. Baert eut développé, dans un raisonnement très précis, les raisons d'être confiant pour la croissance de l'an prochain.

M. Michel Bouvard.

Tout va très bien, madame la marquise !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Voilà, quelques réponses, trop rapides et parfois peut-être trop aiguës, aux interventions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

« La France a longtemps été plus pessimiste que le reste de la planète. La voici plus optimiste. Si le débat parlementaire n'est pas un exercice démocratique de lucidité collective, 1999 sera pour tous l'année des illusions perdues. »

En lisant cette citation on peut se demander à qui en attribuer la paternité. A ceux qui seraient tentés de reconnaître des arguments mis en avant par un membre de l'opposition, il me faut préciser qu'il s'agit en fait d'une citation de Jacques Attali, tirée du journal L'Express , daté du 2 octobre dernier.

M. Gilbert Mitterrand.

Attali, c'est la fine fleur de Démocratie libérale !

M. Jean-Pierre Balligand.

Ils n'ont plus de penseur, alors ils prennent Attali !

M. Marc Laffineur.

Ça vous gêne, hein ?

M. Jean-Pierre Brard.

Attali n'a jamais été un gauchiste !

M. Marc Laffineur.

Je crois savoir qu'il a tout de même passé pas mal d'années à l'Elysée !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas une référence !

M. Marc Laffineur.

C'est vrai ! Surtout quand on sait comment il a géré la banque dont il avait été nommé directeur. On peut dire en effet que ce n'était pas une référence ! Néanmoins, c'est un de vos amis...

M. Jean-Pierre Brard.

Non !

M. Marc Laffineur.

Quoi qu'il en soit, cette lucidité qu'il appelle de ses voeux, le simple usage de notre bon sens, doit nous conduire à renvoyer en commission ce projet de budget pour 1999. En effet, ce texte élaboré par le Gouvernement est irréaliste dans sa conception même pour plusieurs raisons.

En premier lieu, le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis ne correspond plus du tout à la situation et au contexte économique actuels. Préparé au mois de juin sur des hypothèses arrêtées au mois de mars, le texte qui arrive maintenant devant la représentation nationale ne prend absolument pas en compte la crise qui s'est développée depuis. Le Gouvernement se cache derrière des formules rassurantes et invoque l'euro comme un rempart infranchissable...

M. Michel Bouvard.

C'est la nouvelle ligne Maginot ! La ligne Maginot monétaire !

M. Marc Laffineur.

... pour justifier encore les chiffres qu'il a retenus et les estimations de croissance sur lesquelles repose l'équilibre budgétaire. Pourtant, malgré ces incantations, la crise est à nos portes. Il faut en effet avoir le courage de dire que la France et l'Europe ne seront pas épargnées par la tourmente internationale, même si - c'est vrai - la zone euro ne ressentira pas ses conséquences avec la même acuité.

Avant d'entrer dans le vif de mon propos, il faut noter au passage que l'attitude du Fonds monétaire international est en partie responsable de la situation actuelle.

L'organisation s'est révélée incapable de faire des prévisions fiables et incapable, face à la crise, de réagir de façon efficace. L'institution s'est décrédibilisée. Elle n'a su anticiper ni la crise asiatique ni ses conséquences pour le reste du monde. Elle n'a pas prévu son extension et elle a échoué à limiter ses effets. Le FMI a assisté à la propagation de la récession et a même, à certains égards, participé à son développement. Sa politique par rapport à la Russie est emblématique de ses carences et de ses erreurs.

Ainsi, sans s'entourer de garanties suffisantes, elle a engagé des capitaux qui ont transité par la banque centrale russe pour terminer dans les caisses des organisations mafieuses sans même avoir été réinjectés dans le circuit économique.

Le FMI n'a pas vu venir la crise actuelle qui s'est déclarée d'abord au Japon. La crise asiatique provient en effet avant tout de la situation japonaise. L'excès de confiance et les illusions politiques ont poussé les investisseurs asiatiques à prendre, pendant des années, des risques inconsidérés. Une bulle financière s'est développée, alimentée par les opérations hasardeuses des banques japonaises. Ces dernières comptent désormais des créances douteuses qui représentent près de 3 700 milliards de francs. Tokyo connaît une récession d'un niveau sans précédent depuis plus d'un demi-siècle.

En rythme annuel, le PIB nippon a ainsi reculé de 3,3 % et tous les indicateurs économiques sont au rouge.

La production industrielle a diminué en un an de 7,6 %.


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Un processus de déflation inquiétant est à l'oeuvre. Ni l'investissement ni la consommation ne semblent sur le point de repartir. Le vieillissement de la société japonaise est un facteur d'inquiétude supplémentaire et les plans de sauvetage proposés peinent à convaincre.

Cette récession japonaise s'inscrit dans une crise plus globale qui touche l'Asie du Sud-Est dans son entier depuis janvier 1997. L'absence de transparence financière, la spéculation effrénée, le surendettement des entreprises se sont conjugués à un effet de surchauffe, fragilisant la région. Les premiers symptômes de la crise ont fait fuir les capitaux, accélérant l'effondrement des marchés intérieurs. Toute la zone est entrée dans la tourmente : la Thaïlande, puis les Philippines, la Malaisie, l'Indonésie, Hong kong, la Corée et peut-être même demain, si cette spirale se poursuit, les deux Chine.

Or, pendant longtemps, la croissance de l'Asie, notamment de l'Asie du Sud-Est, s'est traduite par une consommation de matières premières importante, particulièrement de pétrole. La crise que connaît cette région s'est donc logiquement accompagnée d'une chute des cours de ces produits. Cette chute s'inscrit d'ailleurs dans un contexte de déflation mondiale qui affecte beaucoup de produits.

Les pays d'Amérique latine, la Russie de façon plus spectaculaire, ont subi cette évolution des cours de plein fouet. La baisse du prix du pétrole a diminué considérablement les recettes des pays producteurs, spécialement celles du Vénézuela et de la Russie.

Les Etats-Unis n'échappent pas à la tourmente. Leurs relations avec les pays sud-américains pénalisent leur croissance. Les enteprises nord-américaines, bien implantées en Amérique latine, commencent à souffrir des conséquences de cette crise financière.

Wall Street perd confiance et accentue les difficultés des Etats-Unis. Leur croissance repose en effet en grande partie sur la consommation intérieure, consommation directement menacée par la chute de la bourse.

Dans ce pays, les plus-values ont stimulé la croissance ces dernières années et il est à craindre que la baisse des cours ne conduise à un effet richesse négatif, préjudiciable à la consommation. Les plus-values ont d'autant plus concouru à la croissance que l'endettement des Américains est très fort et que leur taux d'épargne est très faible. Plus largement, le ralentissement déjà amorcé de l'activité industrielle fragilise les Etats-Unis.

L'économie russe, déjà très fragile, encore très centralisée, marquée par un système où les impôts ne rentrent pas, minée par la corruption et la mafia, a perdu le contrôle de sa monnaie et la dérive du rouble ne laisse pas d'inquiéter. Pour les observateurs, il est évident que la Russie est désormais au bord du défaut de paiement.

A insi, la situation russe menace directement toute l'Europe orientale, toujours très liée économiquement à Moscou.

Mais au-delà, c'est l'Allemagne, très impliquée financièrement dans cette zone, qui risque de se trouver confrontée à cette situation alarmante. Les répercussions pour l'économie hexagonale apparaissent alors plus clairement, conséquences plus prévisibles d'une dégradation de l'économie de notre partenaire allemand.

Si on ajoute à cela les difficultés actuelles de la Grande-Bretagne qui, victime d'une monnaie trop forte, dissuade les investisseurs et qui semble parvenue à la fin d'un cycle de croissance, le constat n'est guère encourageant.

Face à toutes ces prévisions, il semble difficile de continuer à faire comme si la croissance de la France pouvait rester insensible à la conjoncture internationale. C'est pourtant l'attitude que le Gouvernement a choisie, puisqu'il n'a revu que de 0,1 % ses estimations de croissance, malgré l'ampleur des conséquences de la récession asiatique sur l'économie mondiale. Toutes les analyses s'accordent cependant : même protégée par le pôle de stabilité que constitue la zone euro, la France ne saurait être épargnée.

Jacques Attali note ainsi que le budget - je le cite encore, monsieur le ministre, - « se révèle complètement faux avant même que l'on entame son examen. La croissance de la production, la hausse des prix, la valeur du dollar seront de 10 à 30 % inférieures aux hypothèses qui ont servi de base de calcul aux recettes. »

On voit bien déjà que la croissance de notre pays n'atteindra pas les 2,7 % prévus par le Gouvernement. Tous les instituts le confirment. Ils retiennent désormais des chiffres qui se situent plutôt entre 2 et 2,4 %. Quant à l'inflation évoquée également par Jacques Attali, le taux de 1,3 % prévu par le Gouvernement est là encore nettement surévalué. Enfin, le budget échafaudé par Bercy s'appuie sur un dollar à 6 francs, estimation bien peu probable au regard de la conjoncture et de sa prévisible évolution.

Le Gouvernement, malgré toutes ces données avérées, s'enferré dans un optimisme irraisonné pour ne pas remettre en cause le fragile équilibre budgétaire qu'il a déjà eu le plus grand mal à bâtir. D'ores et déjà, il reconnaît, sous la pression de l'évidence, que la demande en provenance de l'étranger diminuera, mais arbore en façade une grande confiance dans la consommation intérieure et dans l'investissement, alors qu'il ne fait rien pour les soutenir.

Les facteurs qui soutiennent aujourd'hui la croissance menacent de s'estomper demain. La crise asiatique permet en effet à nos entreprises de bénéficier d'un prix du pétrole faible et d'une réduction du coût des produits importés. De sucroît, de nombreux achats actuels - automobiles, ameublement ... - sont liés à un effet de « rattrapage », favorisé par la reprise qui s'est manifestée au cours de 1998, ou sont rendues indispensables par l'arrivée de l'euro et le cap de l'an 2000, ce qui est très net dans le secteur informatique. Mais ces éléments positifs sont malheureusement temporaires et des dangers se font jour.

D'abord, la propagation de la crise et son extension ne seront pas sans conséquence sur la demande extérieure, comme nous l'avons vu. En outre, la spirale déflationniste à l'oeuvre en Asie du Sud-Est va rendre la concurrence plus accrue avec ces pays qui bénéficieront de monnaies plus compétitives.

En France, la chute de la Bourse se traduit déjà par l'apparition de moins-values qui ne resteront pas sans impact sur l'économie réelle. Tout cela assombrit les perspectives de croissance, d'autant plus que la confiance des Français s'en trouve également ébranlée.

Les anticipations des entrepreneurs reflétent déjà ce phénomène, puisque ces derniers ont révisé à la baisse leurs commandes étrangères et parallèlement, dans les mêmes proportions, leurs projets d'investissement.

Enfin, la responsabilité du Gouvernement est en cause, puisque ce dernier a engagé des dépenses publiques qu'il ne pourra maîtriser si les fruits de la croissance attendue ne sont pas au rendez-vous. Il s'agit principalement, bien


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entendu, des emplois-jeunes et des 35 heures, dont les mécanismes, et donc le coût, doivent monter en puissance dans l'année à venir.

Nous divergeons profondément sur ce point. Vous avez dit hier, monsieur le ministre, que vous attendiez de ces mesures un fort recul du chômage, Nous croyons le contraire. On ne fait pas reculer le chômage en alourdissant le coût de la main-d'oeuvre. Si ce dispositif de réduction du temps de travail peut porter des fruits dans certains secteurs et auprès de certaines entreprises, il aboutira dans la plupart des domaines à un renchérissement des coûts de production, néfaste pour les entreprises et donc pour l'emploi. La réduction du temps de travail ne doit pas se décréter, elle doit être librement consentie, et librement négociée.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est ça, la dérive libérale !

M. Marc Laffineur.

Il est vrai que, pour vous, discuter librement constitue une dérive. Comme c'est extraordinaire ! Vous n'avez évidemment pas la même conception que nous.

A l'aune de ces considérations, ce projet de loi de finances porte en germes des menaces importantes.

Ainsi, la France risque de ne pas respecter l'objectif européen des 3 % de déficit. Le décalage entre la croissance espérée et la croissance effective sera d'au moins un demi-point, et un demi-point de croissance représente environ 20 milliards pour les caisses publiques, dont 8 pour le seul budget de l'Etat. Il faut encore ajouter à ce manque à gagner une hausse des dépenses d'interventions sociales, qui sera irrémédiablement liée à une dégradation de la situation économique, et l'on mesure les conséquences inquiétantes pour nos finances publiques qu'aura le budget actuel, à moins qu'il ne soit modifié en profondeur.

Si rien n'est fait, ce budget artificiellement gonflé est condamné à déraper lorsque viendra le moment de son exécution. Vous serez alors confronté à un dilemme : soit abandonner certaines dépenses, et vous aurez des problèmes avec votre majorité ; soit laisser filer le déficit budgétaire, et vous aggraverez la position de la France en Europe, où elle fait déjà figure de mauvais élève en matière de finances publiques.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'ai déjà entendu cette phrase. Vous recopiez vos argumentaires ?

M. Marc Laffineur.

Je n'ai rien recopié du tout !

M. le président.

Monsieur Laffineur, ne vous laissez pas interrompre.

M. Marc Laffineur.

Un déficit budgétaire peut être justifié s'il s'accompagne d'une réduction des prélèvements, mais il ne saurait en être question quand ce déficit résulte d'une nouvelle augmentation des dépenses publiques.

Le projet de loi de finances pour 1999 est donc frappé d'un défaut de fabrication originel, dû aux estimations erronées sur lesquelles il se fonde. Mais il souffre d'un autre défaut : en plus d'être déséquilibré, il va aggraver la situation de notre pays.

Le gouvernement de Lionel Jospin réitère la politique menée par celui de Michel Rocard, il y a dix ans, en gaspillant les fruits de la croissance et en gageant des dépenses structurelles, importantes et nouvelles sur des recettes conjoncturelles, temporaires et incertaines.

Dejà en 1997 et 1998, alors qu'elle bénéficiait d'une conjoncture favorable, la majorité n'a pas saisi cette opportunité pour lancer des réformes. Pire, elle a aband onné les réformes amorcées, notamment celle des retraites, dont chacun sait pourtant à quel point elle est nécessaire et urgente. Avec la même insouciance, elle a interrompu la réforme fiscale préparée par le gouvernement précédent afin de faire enfin baisser les impôts dans notre pays.

Elle aborde l'année 1999 avec les mêmes intentions et avec la même frénésie de dépense publique.

La France se trouve pourtant confrontée à de grands enjeux. Elle s'est qualifiée pour l'euro de justesse, grâce aux efforts de nos concitoyens et grâce aux mesures courageuses prises par le gouvernement d'Alain Juppé. Mais elle reste, au sein de la zone euro, la nation qui connaît les plus mauvais résultats en termes de déficit public.

Malheureusement, cette caractéristique va se confirmer en 1999. En effet, sans même considérer les conséquences de la surestimation manifeste de la croissance, la France, avec un déficit budgétaire prévu de 2,7 % et un déficit public attendu de 2,3 %, fera moins bien que ses partenaires.

De surcroît, ces prévisions négligent la conjoncture économique réelle et reposent sur un excédent de la sécurité sociale, qui semble compromis par l'absence de mesures pour y parvenir, et sur un excédent budgétaire des collectivités territoriales, bien improbable quand on considère l'impact qu'aura la réforme de la taxe professionnelle sur ces dernières...

Même si l'on admet toutes ces hypothèses hasardeuses et que l'on retient les chiffres présentés par le Gouvernement, on ne peut que constater le décalage grandissant entre la France et ses partenaires en matière d'assainissement des finances publiques.

Car, à l'inverse de nous, tous nos partenaires ont adopté des politiques de maîtrise drastique des dépenses publiques, avec comme objectif avoué de parvenir à un équilibre des comptes publics à l'orée du

XXIe siècle.

Les autres gouvernements socialistes d'Europe l'ont compris : les périodes de croissance doivent servir à réduire les déficits et le bon sens comme la prudence exigent de ne pas engager de dépenses publiques nouvelles tant que les comptes ne sont pas assainis, en profitant d'une embellie qui peut se révéler éphémère.

C'est pourtant sur cette voie que le Gouvernement de la gauche plurielle conduit la France. La hausse des dépenses publiques pour 1999 est de 2,1 %, ce qui représente le triple de l'inflation probable ! La justification avancée à cette dérive de nos finances est que la dépense publique permet de lutter contre le chômage. Mais, vous me concéderez, monsieur le ministre, que les résultats du mois d'août apportent à cette thèse un démenti ; avec 33 000 chômeurs de plus et une hausse du taux de chômage de 1,1 %, malgré l'importance des moyens consacrés, vous n'avez pas encore fait la démonstration du bien-fondé de cette politique.

La très forte progression de la dépense publique menace ainsi directement l'équilibre budgétaire, si la croissance espérée ne survient pas, et vient surtout grever durablement le budget de notre pays, alors que la conjoncture n'est pas à l'abri d'un retournement de tendance de plus grande ampleur...

Ces dépenses, indépendamment des menaces qu'elles font peser sur nos déficits, vont également à contrecourant de l'attitude que la conjoncture commande. En effet, puisque la consommation intérieure apparaît, du fait de la crise, absolument cruciale pour assurer la croissance de notre pays, la logique voudrait que le Gouverne-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

ment diminue les dépenses afin de pouvoir baisser les impôts sur les ménages et dynamiser l'activité économique...

Il va pourtant faire exactement le contraire, en augmentant la pression fiscale sur les ménages quand il faudrait la diminuer. Car, malgré un habillage habile, il ne faut pas se cacher que cette progression des dépenses publiques aura une conséquence directe : les impôts augmenteront en 1999.

Le Gouvernement affirme que les prélèvements obligatoires baisseront en 1999 et il illustre son propos en s'appuyant sur une illusion d'optique, puisque la croissance entraînera une hausse du PIB plus rapide que la hausse programmée des impôts. Mais ce recul ne sera donc que relatif, alors que la hausse des prélèvements sera, elle, bien réelle.

A insi, le rapport économique et financier qui accompagne le projet de loi de finances pour 1999 évalue l'augmentation de la pression fiscale à 9,5 milliards pour les entreprises et à 5 milliards de francs pour les ménages.

Le Gouvernement masque cette réalité en présentant la réduction de la majoration de l'impôt sur les sociétés comme une baisse d'impôt, mais personne n'est dupe devant cet habile trompe-l'oeil.

Il ne faudrait pas oublier que, depuis juin 1997 déjà, les impôts ont progressé de façon continue. La pression fiscale sur les entreprises s'est alourdie de 58,8 milliards et celle des ménages de 16,8 milliards.

Bien sûr, une partie de l'augmentation des recettes de l'Etat est liée à la croissance attendue. Il n'en reste pas moins vrai que ces recettes sont autant de prélèvements supplémentaires.

Pour l'année 1999, l'augmentation de l'impôt sur le revenu est la hausse la plus significative et la plus évidente. Alors que la réforme engagée par le précédent Premier ministre avait diminué cet impôt de 25 milliards et qu'elle devait aboutir à alléger encore son poids de 50 milliards, Lionel Jospin a suspendu ce programme. Après s'être attaqué l'an dernier aux allocations familiales, le Gouvernement a notamment décidé d'abaisser le plafond de l'avantage fiscal résultant de l'application du quotient familial.

En effet, le Gouvernement abaisse à 11 000 francs le plafond du quotient, alors que ce plafond est aujourd'hui de 16 380 francs. Il diminue également le montant de l'abattement accordé par enfant marié, en le faisant passer de 30 030 francs à 20 370 francs. Ces mesures vont rapporter à elles seules 3,9 milliards prélevés sur les contribuables. Pour plus de 530 000 d'entre eux, le seul abaissement du plafond du quotient familial va entraîner une hausse moyenne de leurs impôts de 6 200 francs pour la seule année 1999.

Les premiers touchés seront les couples avec un seul enfant. Le Gouvernement présente cet aménagement du plafond du quotient familial comme la contrepartie du rétablissement partiel des allocations familiales, remises en cause dans le précédent budget par le même gouvernement qui, aujourd'hui, se félicite de les rétablir. Mais pour les familles qui ne comptent qu'un unique enfant, cette baisse du plafond du quotient est subie de plein fouet, puisqu'elles ne perçoivent pas d'allocations familiales.

L'artifice de présentation utilisé ne résiste donc pas à l'examen des faits. Malgré ses déclarations, la majorité accroît la pression fiscale sur les ménages.

A côté de cette hausse des impôts des particuliers, la progression des impôts sur les entreprises ne doit pas non plus être passée sous silence. Dans ce domaine, le Gouv ernement monopolise l'attention du public par la réforme annoncée de la taxe professionnelle. Mais cette bonne nouvelle est tempérée par les lourdes contreparties qu'il met en oeuvre.

Tout d'abord, il faut souligner que cette réforme sera sans effet pour les commerçants et les artisans qui travaillent seuls.

Pour les entreprises concernées, il faut observer avec attention les mécanismes prévus par ailleurs par le Gouvernement. Ainsi, la cotisation minimale de la taxe professionnelle est substantiellement relevée, puisqu'elle passera de 0,35 % de la valeur ajoutée aujourd'hui à 1,5 % au terme de la réforme. Dès 1999, son taux sera porté à 1 %. Parallèlement, le taux plafond de cotisation subira une hausse déguisée, puisque les taux actuels prévus pour être temporaires seront pérennisés, ce qui revient à une augmentation par rapport à la situation antérieure.

La taxe de péréquation perçue auprès des entreprises installées dans les communes où les taux de taxe professionnelle sont inférieurs à la moyenne vont également subir des correctifs importants à la hausse.

Avant même l'aboutissement de la réforme, et la suppression totale de la part salariale de la base de la taxe professionnelle, la réduction pour emploi et investissement disparaîtra, permettant là encore des recettes non négligeables.

Notons aussi l'augmentation en Ile-de-France de la taxe sur les bureaux qui, si elle retient moins l'attention du grand public, participe de cet alourdissement des prélèvements opérés sur les entreprises.

La diminution de l'avoir fiscal va dans le même sens, tout comme l'augmentation de la taxe sur les activités polluantes, indépendamment de ses finalités.

Tous ces éléments interviennent en plus dans le contexte du passage décrété aux 35 heures, passage qui devrait générer un surcoût de 11 % pour les entreprises.

Aussi, au final, le bilan apparaît bien moins positif que ce que les effets d'annonce veulent accréditer.

Les recettes supplémentaires attendues pour 1999 auraient permis d'éviter cet alourdissement, si les choix de la majorité avaient été différents. En ne consacrant qu'un tiers des 52 milliards attendus à la réduction des déficits, pour financer avec les deux autres tiers des mesures nouvelles, le projet de loi de finances qui nous est soumis ne correspond pas à une utilisation raisonnable des recettes.

Les perspectives budgétaires à court et moyen terme ne sont pas du tout prises en compte par la majorité, qui expose nos finances publiques à des dépenses inscrites dans la durée, alors que les moyens nécessaires pour les supporter ne sont pas garantis dans le futur.

En effet, non seulement les mesures prises par le Gouvernement vont peser lourdement sur le budget de 1999, mais leur coût à venir semble déjà difficilement supportable.

Ainsi, la mise en place des 35 heures va se traduire par une charge de 7 milliards l'année prochaine. Mais le coût brut total du dispositif sur cinq ans est estimé par le Sénat à 183 milliards, en retenant l'hypothèse basse du ministère des affaires sociales. Dans ces conditions, on voit mal comment nous pourrons faire face demain à ces dépenses nouvelles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

Le programme des emplois-jeunes soulève les mêmes questions. Après les 8,5 milliards déjà dégagés en 1998, ce dispositif d'aide à l'embauche va coûter, en 1999, 18 milliards et, lorsque la vitesse de croisière sera atteinte, c'est 35 milliards qu'il faudra trouver.

Cette mise en perspective de vos projets et leur chiffrage mettent en lumière le principal reproche que l'on peut vous faire. Car en cas de retournement de la conjoncture les charges resteront, alors que les moyens manqueront cruellement. Autant de bombes à retardement ! Tous ces chiffres mettent en évidence les nombreuses incertitudes auxquelles le présent budget ne répond pas et soulignent les difficultés auxquelles il ne nous prépare pas. Le projet de loi de finances pour 1999 ne fait que gérer le quotidien, le très court terme, sans s'inscrire dans la durée, sans préparer l'avenir, sans réformer notre pays.

Au manquement grave à une éthique financière minimale que votre projet initial comportait et au manquement moral qu'il constituait, à travers la remise en cause rétroactive de l'exonération attachée aux contrats d'assurance vie, s'ajoute un prélèvement de 5 milliards sur les caisses d'épargne et un véritable tour de passe-passe autour du concept de fiscalité écologique. En effet, sous couvert de fusion des taxes existantes et de simplification, le Gouvernement récupère ici aussi quelque deux milliards pour l'année à venir, au détriment de l'ADEME, dépossédée par le remplacement des produits qu'elle perçevait par une subvention dont chacun sait qu'elle ne sera pas à la hauteur de ce qu'elle aura perdu.

Tout cela remet en cause l'actuelle version du projet de loi de finances qui nous est présenté et doit nous inciter à en demander le renvoi en commission, afin que la représentation nationale n'ait pas à se prononcer sur un « budget virtuel » pour reprendre encore les termes de Jacques Attali.

Le projet de loi de finances pour 1999 devrait reposer sur quelques grands axes, mis en forme par Démocratie libérale : une diminution des dépenses publiques, une baisse significative de la pression fiscale, une réforme de l'Etat, une volonté de sauver les retraites, en créant un dispositif de fonds de pension, enfin un programme de privatisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Vous protestez, mais vous êtes bien en train de privatiser...

En premier lieu, le budget devrait voir les dépenses publiques décroître. La France détient déjà le record des dépenses publiques et de l'emploi public au sein des pays de l'OCDE. En France, l'emploi public représente près de 25 % des actifs alors que ce taux n'est que de 15 % chez nos partenaires.

Or les autres pays l'ont compris, l'efficacité de la dépense publique est toujours inférieure à celle de la dépense privée. Ce credo n'est pas libéral, il repose simplement sur le bon sens. L'argent privé est toujours mieux utilisé par celui qui le détient que lorsqu'on laisse à un tiers déresponsabilisé la charge de l'employer.

M. Christian Cuvilliez.

Et ça, ce n'est pas un credo libéral ?

M. Marc Laffineur.

C'est pour cette raison que l'on doit s'efforcer de mettre en oeuvre dans notre pays un programme ambitieux de réduction des dépenses pour privilégier la consommation et l'investissement.

M. René Dosière.

Que ne l'avez-vous fait avant !

M. Marc Laffineur.

Donc nous proposons de réduire la part des prélèvements publics de 1 % chaque année. Cet objectif est à notre portée et d'autres l'ont déjà réalisé

Pour y parvenir, il faudra accepter un effort d'économies d'environ 55 milliards par rapport aux dépenses publiques dont 30 à 35 sur le budget. D'ailleurs, vous nous avez expliqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous aviez réalisé 33 milliards d'économies que vous avez affectés à d'autres dépenses. C'est donc bien la preuve qu'un tel effort est possible. Il faut redéployer les aides à l'emploi existantes, réformer l'Etat et diminuer les dotations aux entreprises publiques.

Cet effort d'économies aura en plus le mérite de nous offrir une marge de manoeuvre qui nous permettra de faire face à l'écart entre les recettes attendues et les recettes effectivement perçues, ce qui ne manquera pas de se produire si les estimations de croissance ne sont pas corrigées.

En deuxième lieu, la baisse de la pression fiscale est indispensable et urgente. Je ne développerai pas ce thème devant vous maintenant, mais vous savez à quel point nous sommes attachés à une baisse réelle des prélèvements.

Je me permettrai cependant de revenir sur la critique facile que vous développez à propos de la hausse de la TVA décidée par le gouvernement précédent. Cette hausse était nécessaire pour se qualifier pour l'euro, et elle était temporaire. Aujourd'hui, alors que vous en avez les moyens, vous refusez de baisser la TVA, malgré vos propres engagements de campagne sur ce sujet. Nous ne pouvons que le déplorer ! Je reprendrai les termes de M. Fabius, qui déclarait en juin dernier : « La gauche moderne doit savoir baisser les impôts et les charges. » Il semble qu'il n'ait pas été très

entendu...

En troisième lieu, il apparaît indispensable de réformer l'Etat. Cette réforme passe d'abord par une réduction du nombre de fonctionnaires qui pourrait se faire par une politique de non-remplacement systématique des départs à la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.) En remplaçant seulement un fonctionnaire sur deux, on pourrait, en cinq années, réduire de 150 000 les effectifs de la fonction publique.

M. Yves Cochet.

Les effectifs d'enseignants, par exemple !

M. Marc Laffineur.

Cette économie, en plus de ses effets immédiats, aurait des conséquences positives qui se répercuteront d'année en année.

M. René Dosière.

Allez dire cela aux lycéens !

M. Marc Laffineur.

Il faudrait également favoriser les départs volontaires en généralisant ce que le Gouvernement vient d'ailleurs de faire dans le secteur hospitalier, et arrêter le recrutement de quasi-fonctionnaires d'Etat.

Ces mesures permettraient de faire 15 milliards de francs d'économies.

Nous avons en France de très bons fonctionnaires, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) mais une réorganisation des administrations basée sur davantage d'autonomie et une responsabilisation des services semble souhaitable. Nous pensons qu'il faut mettre en place des « contrats de modernisation » permettant de les intéresser à la réforme de l'Etat, de valoriser leurs compétences et leur formation, et de leur offrir des perspectives d'évolution dans leurs carrières.


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Dans un quatrième temps, le budget doit se préoccuper de l'avenir de notre système des retraites, en créant des fonds de pension. C'est une nécessité. Si nous ne le faisons pas, nous irons dans le mur.

Enfin, l'ensemble du secteur concurrentiel doit être privatisé. Air France et Aéroports de Paris doivent en particulier être rapidement cédés aux entreprises et aux ménages. Il ne s'agit pas que de l'intérêt financier de l'Etat, il y va de l'avenir de ces entreprises, puisque aucune autre compagnie ne veut faire d'alliance avec Air France tant qu'elle reste propriété de l'Etat.

M. François Loos.

Tout à fait !

M. Marc Laffineur.

Voilà à mon sens les grandes lignes qui devraient guider le projet de budget pour 1999 et qui seront particulièrement défendues par Démocratie libérale.

Pour résumer, les hypothèses de croissance du Gouvernement, et plus largement l'ensemble des données qui ont servi à la confection du budget, sont désormais clairement irréalistes ; la conjoncture internationale rend son projet caduc ; ce budget ne se contente pas de ne pas soutenir la croissance, il la gaspille ; la majorité privilégie la dépense publique au lieu de favoriser la consommation et l'investissement ; enfin, les options retenues par le Gouvernement sont très éloignées des impératifs libéraux pourtant dictés par des principes de prudence, de logique et de bon sens. Pour toutes ces raisons, je demande au nom de Démocratie libérale et de l'ensemble de l'opposition le renvoi en commission du projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

J'invite évidemment notre assemblée à repousser cette motion de renvoi en commission.

Je rappellerai simplement que nous nous sommes réunis près de quinze heures en commission depuis le début de l'examen du budget pour 1999 et que nous avons examiné 444 amendements - ils sont repris dans le rapport que j'ai l'honneur de vous présenter. Depuis, nous en avons étudié 170 supplémentaires au titre de l'article 88, et plus d'une soixantaine ont été adoptés. Un renvoi en commission du projet de budget serait donc tout à fait inutile. En revanche, il m'apparaît essentiel d'engager sans tarder l'examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pourquoi faut-il toujours que les procédures prévues par le règlement de l'Assemblée donnent lieu à des discours répétitifs sans aucun rapport avec l'objet de la motion ? J'ai le sentiment d'avoir entendu le même discours pour l'exception d'irrecevabilité, pour la question préalable...

M. Gilles Carrez.

Non, vous n'étiez pas là pour la question préalable ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et pour la motion de renvoi en commission, alors qu'à l'évidence les arguments ne peuvent être identiques puisqu'un vote doit intervenir sur chaque point précis. Parfois, des phrases entières ont été reprises mot pour mot. Je fais rechercher des exemples dans les interventions de MM. d'Aubert, Jégou et Méhaignerie et je vous les communiquerai dès que je les aurai. Cela montre au moins que vous avez la même centrale de production d'argumentaires ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François d'Aubert.

C'est injurieux !

Mme Odette Grzegrzulka.

Si vous avez besoin d'aide, créez des emplois-jeunes, messieurs ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela étant, j'ai beaucoup de respect pour M. Laffineur. Et si je fais cette remarque à l'issue de son discours, c'est tout simplement parce qu'il est intervenu le dernier et que, tout ce qu'il nous a dit, nous l'avions déjà entendu des heures durant puisque vous répétez tous la même chose, messieurs.

M. Gilles Carrez.

La vérité mérite d'être répétée ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Bergson disait aussi que le comique naît de la répétition. Vous choisirez entre les deux formules, monsieur Carrez. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ai noté toutefois quelques points nouveaux sur lesquels je voudrais revenir. M. Laffineur prétend que l'on pourrait réduire de 150 000 les effectifs de la fonction publique en cinq ans. Eh bien, voilà ce qui est virtuel, ce sont ces phrases, ces paroles en l'air ! Jamais, lorsqu'elle a été au pouvoir, la majorité conservatrice n'a fait une chose pareille. Et heureusement ! Puisque vos amis ont été aux affaires pendant quatre ans, monsieur Laffineur, il devrait y avoir 120 000 fonctionnaires de moins.

Evidemment, ils n'ont pas diminué les emplois publics de 120 000 unités et encore une fois, tant mieux. Mais alors, n'accusez pas le budget d'être virtuel alors qu'il est très réel et qu'il va être mis en oeuvre.

M. Marc Laffineur.

Attali lui-même a dit qu'il était virtuel ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Apparemment, votre nouveau maître à penser est Jacques Attali. Certes, j'ai beaucoup d'amitié pour lui.

Mais jamais je n'aurais imaginé qu'il deviendrait le héraut de Démocratie libérale - vous aurez remarqué que j'ai bien dit Démocratie libérale...

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous dites au détour d'une phrase, monsieur Laffineur, q u'il faut diminuer les dotations aux entreprises publiques. Puisque vous proposez cela, vous avez certainement des idées en tête. Si donc M. le président veut bien accepter que je m'interrompe, je vous donne la parole pour que vous nous précisiez, à partir de la liste très claire du rapport, quelles dotations vous voulez supprimer. C'est facile, il n'y a que quinze lignes budgétaires entre lesquelles choisir... Le silence est assourdissant ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Souffrez que M. Laffineur le demande lui-même, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez raison, monsieur le président, je retire ma proposition.

(Sourires.)

Je tenais en tout cas à faire observer que dire : il faut diminuer les dotations aux entreprises publiques sans préciser lesquelles on veut supprimer n'avait aucun sens. Au


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d emeurant, monsieur Laffineur, mais ce point est secondaire encore qu'intéressant, une telle mesure n'aurait strictement aucune influence sur le déficit budgétaire puisque celui-ci, vous ne l'ignorez pas, n'est pas calculé à partir des dotations aux entreprises publiques qui font partie d'un compte d'affectation spéciale.

Enfin, vous avez évoqué les privatisations que vous vouliez engager et vous avez cité une longue liste. Là aussi, c'est une politique différente. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire que ceux que j'ai adressés à M. Méhaignerie. C'est une politique différente à ceci près que nous, lorsque nous avons été obligés de privatiser des entreprises parce qu'un engagement avait été pris à l'égard de la Commission européenne - le CIC, par exemple -, nous l'avons fait, alors que vous, quand vous aviez essayé de le faire, vous avez échoué. Donc, même quand il s'agit de privatiser, notre majorité y parvient plus facilement que la vôtre. L'exemple du CIC est assez frappant de ce point de vue.

M. Philippe Auberger.

Mais pas celui du Crédit foncier ou du Crédit lyonnais !

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le ministre, ce débat budgétaire se déroulerait beaucoup mieux si vous arrêtiez de faire de l'autosatisfaction. Très franchement, depuis deux jours, vous ne cessez de répéter : nous sommes les meilleurs,...

M. Jean-Louis Idiart.

Avec Sarkozy, c'était pire !

M. François d'Aubert.

... nous sommes les recordmen,...

M. Jean-Louis Dumont.

Nous sommes les champions du monde ! (Sourires.)

M. François d'Aubert.

... nous sommes les champions d'Europe, les champions du monde, les champions de tout ! Alors, monsieur le ministre, de grâce, un peu de modestie. Il peut y avoir des lendemains moins heureux.

Ayez la bonté d'être plus modeste, et un peu moins condescendant à l'égard d'une opposition qui, après son passage au gouvernement, vous a laissé une situation pas si mauvaise que cela. Car, finalement, vous récoltez aussi les fruits d'une politique qui n'a peut-être pas été appréciée sur le plan électoral, mais qui était une vraie politique.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas ce qu'a dit Juppé !

M. François d'Aubert.

C'est elle qui a permis, notamment, de construire l'euro, ce dont vous vous réjouissez également.

M. Jean-Louis Idiart.

Heureusement que vous étiez là !

M. François d'Aubert.

Pour corroborer l'argumentaire de mon ami Marc Laffineur, j'ajouterai tout d'abord, à propos des prévisions, qu'on a peu parlé de celle concernant l'inflation. Je ne sais pas quelle a été votre date de référence. Peut-être avez-vous pris le mois d'août comme pour le dollar. En tout cas, choisir 1,3 % comme taux d'inflation pour 1999 alors même que, dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances, il est précisé que l'inflation est très calme et qu'en juillet on était plutôt sur une pente de 0,8 %, est pour le moins curieux. C'est la seule prévision pour laquelle vous faites preuve d'une espèce de pessimisme. A moins que la volonté de gonfler un peu les recettes et peut-être aussi de dissimuler l'augmentation réelle des dépenses budgétaires n'explique cette attitude. Ce point mériterait d'être approfondi. Quels éléments vous ont conduit à considérer que le budget pour 1999 peut être fondé sur une inflation de 1,3 %, c'est-à-dire un taux plutôt élevé par rapport à ce qui est observé aujourd'hui en France et dans d'autres pays d'Europe ? Je voudrais par ailleurs répondre à une question que vous avez posée sur les dotations en capital. Vous vous flattez de réussir les privatisations. Mais il est nettement plus facile de réussir les privatisations quand on recapitalise juste avant les entreprises. C'est même enfantin, à ceci près que cela se fait sur le dos des contribuables ! Les dotations en capital sont effectivement sur un compte d'affectation spéciale et nous considérons qu'il y a sans doute des économies à faire. Vous-même d'ailleurs en faites, puisqu'il y a deux milliards de moins sur ce compte d'affectation spéciale en 1999 par rapport à 1998.

Selon nous, la recapitalisation du Crédit lyonnais, par exemple, n'est pas nécessaire.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il n'y aura pas de recapitalisation du Crédit lyonnais !

M. François d'Aubert.

Des injections de capitaux...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non !

M. François d'Aubert.

Mais si, monsieur le ministre, puisque si vous voulez privatiser le Crédit lyonnais, vous serez bien obligé de donner le complément de capitalisation qui a été promis.

Vous prévoyez aussi une recapitalisation pour le Crédit foncier.

Il me semble donc que l'on peut réaliser des économies sur les recapitalisations. Voilà ce que je voulais ajouter à l'occasion de cette explication de vote du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Quel paradoxe constitue la demande de renvoi en commission qu'a défendue M. Laffineur ! En effet, autant qu'il m'en souvienne, jamais, dans l'histoire de la Ve République, une commission des finances n'a été autant associée à la préparation d'une loi de finances.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Vous êtes trop jeune pour être affirmatif !

M. François d'Aubert.

Vous n'êtes là que depuis un an !

M. Dominique Baert.

Je rappelle, en particulier, que trois parlementaires ont été associés, avec la commission des finances elle-même, à la préparation des dispositions relatives à trois grands chapitres : le patrimoine, la fiscalité locale et la fiscalité écologique.

Le budget était connu dès le 21 juillet, et le 9 septembre nous avons obtenu d'autres précisions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Michel Bouvard.

C'est extraordinaire !

M. Dominique Baert.

Des rencontres avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et avec le secrétaire d'Etat au budget ont eu lieu tant en juillet qu'en septembre.

M. Michel Bouvard.

Où allons-nous installer la statue ?

M. le président.

Mes chers collègues, seul M. Baert a la parole.

M. Dominique Baert.

Merci, monsieur le président.

J'ai donc le sentiment que notre commission a été dûment informée et M. le rapporteur général a rappelé qu'elle s'était très souvent réunie.

J'ai donc tendance à penser que cette demande de renvoi en commission est paradoxale, sauf si elle a pour fondement, dans l'esprit de M. Laffineur, de faire en sorte que nous parlions de ses idées et de ses propositions. Sans doute, en effet, aimerait-il que nous traitions à la fois d'un allégement massif de l'imposition pour les revenus les plus élevés, d'une réduction drastique du nombre et des moyens de nos fonctionnaires, de l'arrêt des emploisjeunes, ou d'un audacieux programme de fonds de pension, comme il l'a dit lui-même en reprenant les propos de M. Madelin et une idée chère à M. Auberger. S'il s'agit de cela, monsieur Laffineur, sachez que notre assemblée est majoritairement contre.

Alors non, franchement non, nous ne parlerons pas de cela. Il n'y a donc pas lieu de revenir en commission.

Nos options sont claires ; ce ne sont pas les vôtres. Nous en débattrons maintenant et au cours des jours suivants, ici, dans l'hémicycle, et devant l'opinion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, je veux soutenir la demande de Marc Laffineur en revenant sur trois points.

Le premier est l'évolution des prélèvements obligatoires, sur lequel vous avez été extrêmement discret.

Puisque vous avez gagné un pari et que vous êtes un homme d'esprit magnanime, vous devez admettre que vous en avez perdu un autre, en la matière, celui de la stabilisation des prélèvements obligatoires en 1997. Alors que vous nous aviez annoncé, l'année dernière, qu'ils ne dépasseraient pas 46 %, les statistiques données par Eurostat montrent qu'ils ont atteint 46,3 %. Il y a donc eu augmentation.

Hier, vous nous avez expliqué que cette hausse tenait au fait que les allégements de l'impôt sur le revenu décidés par Alain Juppé n'avaient pas été financés. Pourtant la compensation d'un allégement, même non financé à due concurrence par une augmentation d'impôt, n'accroît pas les prélèvements obligatoires. Votre explication n'est donc qu'un sophisme, rien de plus ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Puis-je vous interrompre, monsieur d'Aubert ?

M. le président.

Monsieur Auberger, M. le ministre demande l'autorisation de vous interrompre.

M. Philippe Auberger.

Je termine ma démonstration. Il avait d'ailleurs tout loisir de me répondre avant sur ce sujet, puisque j'ai déjà présenté cet argument.

M. le président.

Alors poursuivez.

M. Philippe Auberger.

Dans le rapport économique et financier, vous prétendez encore que les prélèvements, n otamment les prélèvements d'Etat, auront baissé en 1998. Seulement, pour fonder votre affirmation, vous ne tenez pas compte des plus-values que vous avez déjà constatées, alors que vous les avez prises en considération pour réviser les prévisions en matière de recettes, notamment pour 1999. Cela n'est pas correct et, sur ce point, votre rapport économique et financier est inexact. En effet mes calculs montrent que les prélèvements obligatoires de l'Etat auront augmenté de 0,2 %. Vos prévisions sont également fausses pour ce qui est de la diminution des prélèvements obligatoires des collectivités locales en 1998. Tous leurs budgets sont votés et l'on sait qu'il était parfaitement illusoire de croire en une réduction. Nous pourrions d'ailleurs formuler la même remarque pour 1999.

Dans ce domaine, vos prévisions sont donc fausses.

Vous le savez ; reconnaissez-le ! La commission des finances pourrait d'ailleurs utilement l'établir.

Le deuxième point a trait à la baisse de la TVA.

En la matière, monsieur le ministre, vous portez au crédit des seuls ménages les 4 milliards de francs d'allégements prévus pour l'année 1999. Pourtant, vous savez bien que les ménages ne sont pas les seuls à payer définitivement la TVA. Toutes les administrations publiques sont également concernées. Ainsi les collectivités locales ont des abonnements à EDF ; elles bénéficieront donc de l'allégement décidé à ce titre comme les ménages. En outre, il y a tous ceux qui, comme les activités financières et les compagnies d'assurances ne peuvent pas récupérer la TVA.

Toutes les études montrent d'ailleurs que les ménages ne supportent jamais plus des deux tiers de la TVA. Cessez donc de prétendre que cet allégement ne profitera qu'aux ménages et de présenter des calculs faux dans ce domaine ! Le troisième point concerne la taxe professionnelle.

A ce propos, vous avez affirmé tout à l'heure qu'il avait été clairement annoncé dès le mois de juillet que les effets pour les entreprises ne seraient que de 7 milliards et non de 12 milliards. Mais cela est parfaitement inexact, vous le savez bien, monsieur le ministre ! L'augmentation de la cotisation minimale, nous ne l'avons découverte que lors de la réunion du comité des finances locales.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous l'aviez proposée l'année dernière !

M. Philippe Auberger.

La hausse de la taxe de péréquation, nous ne l'avons également découverte que lors de la réunion du comité des finances locales.

La suppression de l'écrêtement pour emploi et investissement, nous ne l'avons découverte en comité des finances locales que le 8 septembre, la veille de la présentation du budget au conseil des ministres.

Aucune de ces mesures n'avait donc été annoncée au mois de juillet.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vous qui avez institué la cotisation minimale ! C'est la « cotisation Carrez » !

M. Philippe Auberger.

Au mois de juillet, les entreprises croyaient que la taxe professionnelle serait allégée à concurrence de 12 milliards de francs ; elle ne le sera plus que de 7 milliards. Il aurait été plus honnête de le dire dès le départ.

Ainsi, ces questions fiscales comportent encore beaucoup de points obscurs, sur lesquels vos explications sont insuffisantes, et cela justifie pleinement le renvoi en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. JeanJacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous avons commencé cette discussion hier après-midi et, d'entrée de jeu, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que ce projet de loi de finances était un véritable joyau, que vous étiez content de ce travail préparé de longue date. Aussitôt après, nous sommes rentrés dans nos foyers et nous avons appris par la radio que, dans votre grande sagesse, vous accordiez 2 milliards de francs supplémentaires - nous ne nous en plaignons pas - à tous ceux qui feraient des travaux d'entretien dans leur logement, qu'ils soient propriétaires ou locataires.

Nous sommes revenus ici aujourd'hui pour entendre, de nouveau à la radio que vous aviez changé de position sur l'assurance vie. Alors que, devant la commission des finances, vous vous étiez prononcé contre tout amendement tendant à empêcher la rétroactivité de la mesure proposée dans ce domaine, nous avons appris aujourd'hui que, peut-être touché par la grâce, vous alliez accéder à cette demande, répondant sans doute moins aux députés de l'opposition - ce qui n'est peut-être pas très important à vos yeux d'après ce que nous avons constaté hier et aujourd'hui dans cette discussion - qu'à l'émotion provoquée chez tous ceux qui ont déjà contracté des assurances vie.

Vous revenez donc sur une mesure qui devait rapporter 500 millions de francs.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En 1996, vous étiez moins vertueux sur l'assurance vie !

M. Jean-Jacques Jégou.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, j'ai cru comprendre, au travers de diverses interventions, que votre réforme se heurtait à des oppositions non seulement de notre part, mais aussi parmi les membres de la majorité, et non des moindres. Il est d'ailleurs normal que des divergences apparaissent au sein de la majorité plurielle et même entre les différents courants du Parti socialiste.

Mme Nicole Feidt.

De quoi je me mêle ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous croyons savoir que des tractations se poursuivent qui déboucheront peut-être sur de nouvelles propositions.

M. Jean-Louis Idiart.

On réforme la réforme !

M. Jean-Jacques Jégou.

Contrairement à ce que vous avez dit dans vos réponses à nos interventions, monsieur le ministre, les idées exprimées par les orateurs de l'opposition qui ont défendu les trois motions de procédures se rejoignent. L'opposition aussi est plurielle, mais unie au sein de l'Alliance. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Idiart.

Alliance, cherche-toi !

M. Jean-Jacques Jégou.

Dans cette discussion budgétaire, chacun s'exprime avec son talent et ses convictions propres. Cela est ressorti des interventions que nous avons prononcées les uns et les autres. La mienne, par exemple, a été directement rédigée par moi-même avec l'aide de mes collaborateurs. Je ne suis pas allé chercher mes idées ailleurs.

Il est en tout cas une question à laquelle, curieusement, ni vous, monsieur le ministre, ni M. Sautter, ni M. le président de la commission des finances, ni M. le rapporteur général n'ont répondu. Cela m'inquiète quelque peu au point que je me demande si, là encore, nous n'allons pas avoir une surprise de dernière heure, un peu théâtrale. Je veux parler des professions que vous avez de nouveau privilégiées, alors que le gouvernement précédent avait essayé de prendre une mesure courageuse à cet égard. Je n'ai pas entendu le moindre commentaire sur ce point.

Pour toutes ces raisons, Marc Laffineur a eu parfaitement raison d'affirmer qu'il fallait réexaminer le projet de loi de finances en commission. De nouveaux éléments arrivent tous les jours et nous en aurons peut-être d'autres d'ici à la fin de la semaine.

Monsieur le ministre Strauss-Kahn, je vais vous adresser un reproche avec beaucoup de sympathie.

Vous êtes, chacun le sait, particulièrement brillant.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialistes.)

M. Jean-Pierre Brard.

Pourquoi cette discrimination à l'encontre du secrétaire d'Etat ?

M. Jean-Louis Idiart.

Et nous ?

M. le président.

Laissez conclure M. Jégou, je vous en prie.

M. Jean-Jacques Jégou.

Néanmoins, je commence à avoir suffisamment d'expérience ou de bouteille - si je peux me permettre d'être un peu trivial à cette heure-là pour vous dire, avec simplicité, comme je l'ai fait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, que vous devriez éviter de prendre un ton qui tend à ridiculiser l'opposition.

M. Jean-Pierre Brard.

Il n'y a pas besoin de la ridiculiser. Elle se suffit à elle-même !

M. le président.

Monsieur Brard, je vous en prie, vous allez avoir la parole !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne pense pas que cela corresponde à votre état d'esprit, mais c'est l'impression que vous donnez.

Cette semaine, nous commençons à accomplir l'acte le plus important pour une assemblée dans une démocratie : l'examen du budget. En la matière, nous avons des idées différentes. Elles ne sont peut-être pas toujours bonnes, ce qui explique les alternances. Je souhaite seulement que vous traitiez d'une autre manière tous ceux qui vont travailler sérieusement sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. François d'Aubert.

Et apparentés !

M. Jean-Pierre Brard.

M. d'Aubert vient d'avoir un bon réflexe. Après avoir critiqué le fait qu'on n'appelât point son groupe par son appellation d'origine, il vient de souligner qu'il fallait parler du groupe communiste et apparentés.

M. François d'Aubert.

Vous êtes d'ailleurs l'un des apparentés.

M. le président.

L'oubli sera rectifié au Journal officiel, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je vous remercie, monsieur le président.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

En ce qui concerne la motion présentée par M. Laffineur, je n'ajouterai pas grand-chose aux propos tenus par M. le ministre quant à son contenu. Je développerai un autre argument qui montrera qu'il n'y a pas lieu de retourner en commission.

Entre membres de la majorité plurielle, monsieur Jégou, il ne s'agit pas de tractations. Vous projetez sur les autres des pratiques que vous avez certainement connues.

Nous préférons agir dans la transparence. Ainsi que vous avez pu l'entendre, M. le ministre Strauss-Kahn nous a d'ores et déjà donné satisfaction sur un point extrêmement important qui reste à concrétiser.

M. François d'Aubert.

La TVA sur le chocolat !

M. Jean-Pierre Brard.

Pas du tout ! Nous y reviendrons cependant car cette proposition fait l'objet d'un amendement.

Il s'agit de la tenue d'un débat sur l'avenir du secteur bancaire et financier, question tout à fait cardinale.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Hervé Gaymard.

Elle l'est pour nous aussi !

M. Jean-Pierre Brard.

En effet, nous estimons qu'il n'est pas possible de définir une politique pour l'avenir et d'avoir un levier pour mettre en oeuvre cette politique sans définir clairement ce que doit être la structure du secteur bancaire national et ses finalités, les modalités devant être secondes eu égard aux finalités.

M. Hervé Gaymard.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

Nous avons posé plusieurs fois cette question dans cet hémicycle, y compris dans les questions d'actualité. Pour qui sait persévérer, il y a toujours des fruits à recueillir, puisque, après ces nombreuses interrogations, le ministre s'est engagé et a promis ce débat pour le début de l'année prochaine, lorsque la loi de finances aura été définitivement adoptée.

Pour être tout à fait clair, nous n'opposons pas le débat en commission des finances, de l'économie générale et du Plan et la discussion dans l'hémicycle. Il ne peut y avoir que complémentarité entre les deux. Néanmoins, sur une question aussi importante, on ne peut pas rester dans la confidentialité de la commission des finances et le Gouvernement, dans son souci d'associer la représentation parlementaire à la définition des grands choix de la nation, doit inscrire cette question à l'ordre du jour pour que l'on en débatte dans l'hémicycle.

Sur un tel sujet, il y a d'ailleurs matière à débattre. Si nous voulons sortir de la pensée unique, nous devons nous écouter les uns les autres, en tenant compte de l'échec de ce qui a été expérimenté ici et là auparavant, chacun apportant sa contribution à la réflexion.

Ainsi Jean-Pierre Balligand a repris à la tribune certains des arguments et des analyses qu'il a développés dans un article du Monde daté du 29 septembre. Les prémisses développées dans cet article sont fort intéressantes et même s'il peut y avoir divergence sur les conclusions qu'il tire des postulats mis en avant, cela montre qu'il y a matière à échange, à confrontation, à essai de dégager ensemble des options communes, tant il est vrai qu'une politique gouvernementale ne constitue pas en soi un projet pour une société. Elle a plutôt pour rôle de mettre en oeuvre un projet.

Cependant, les conditions dans lesquelles nous nous sommes retrouvés plus nombreux après le 1er juin 1997 qu'avant, à la suite de cette dissolution que nous n'avions pas souhaitée mais dont nous avons bénéficié, ont été telles que la majorité plurielle est arrivée au pouvoir avant d'avoir eu le temps de finaliser un projet de gouvernement en commun. Par conséquent, ce qui n'a pas pu être réalisé avant doit être fait pendant. Nous devons donc en même temps mettre en oeuvre la politique gouvernementale et construire un projet de société, tant il est vrai que nous avons vocation à gouverner ensemble longtemps.

M. Philippe Auberger.

On s'égare !

M. Jean-Pierre Brard.

Tel sera le cas si nous parvenons à définir les termes d'un projet de société sans nous contenter de nous retrouver sur des propositions ou des projets de loi. Il nous appartient de proposer ensemble un avenir à notre pays afin de répondre à l'espérance qui reste à concrétiser.

M. François d'Aubert.

Voilà un nostalgique du programme commun !

M. le président.

Monsieur Brard, je ne préside pas depuis assez longtemps l'Assemblée nationale pour m'être rendu compte que vous étiez l'un des deux membres apparentés du groupe communiste, excusez-moi !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais vous êtes absous, monsieur le président !

M. le président.

Je ne l'oublierai pas ! Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

PREMIÈRE PARTIE Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier Dispositions relatives aux ressources I. - Impôts et revenus autorisés A. - Dispositions antérieures

« Art. 1er . - I. - La perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 1999 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances.

« II. - Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique :

«

1. A l'impôt sur le revenu dû au titre de 1998 et des années suivantes ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

«

2. A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1998 ;

«

3. A compter du 1er janvier 1999 pour les autres dispositions fiscales. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, inscrit sur l'article.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai hésité entre m'inscrire sur l'article 1er , ce que j'ai finalement fait, et opposer une question préalable car, depuis quelque vingtdeux ans que je participe aux discussions budgétaires, je n'avais jamais vu qu'on oublie, dans le livre « Projet de loi de finances pour 1999 » remis aux parlementaires, d'évaluer les recettes nouvelles ou les charges nouvelles résultant des mesures proposées à chaque article.

Permettez-moi de rappeler l'ordonnance du 2 janvier 1959. Elle stipule, dans son article 1er : « Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent. » et

p récise notamment que : « Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. »

M. Christian Cuvilliez.

Je vais faire un rappel au règlement ! Il ne peut pas y avoir une deuxième question préalable !

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis l'origine de la Ve République, chaque article de la première partie de la loi de finances était assorti d'un exposé des motifs évaluant, soit la charge nouvelle, soit la recette qui en résultait.

Pour la première fois cette année, ce n'est pas le cas.

Aux observations que j'ai faites à ce sujet, on m'a répondu que ces évaluations se trouvaient dans le recueil des voies et moyens.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vrai. J'ai ici le recueil. Vous pouvez vérifier !

M. Gilbert Gantier.

Vous avez parfaitement raison. Je puis certes trouver les évaluations des mesures proposées dans le projet de loi de finances dans le recueil des voies et moyens, mener une petite enquête, téléphoner au ministère à Bercy ou même questionner les journalistes qui sont en général mieux informés que les députés, il n'en reste pas moins qu'une telle pratique n'est conforme ni à l'ordonnance de 1959, qui est notre vade mecum en ce domaine, ni à l'habitude de la Ve République et induit un manque de lisibilité tout à fait regrettable.

Je me suis inscrit sur l'article 1er du projet de loi de finances pour protester contre cette lacune. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Comme nous devons savoir ce que nous allons voter à l'article 1er , qui est très important, je poserai trois questions.

Premièrement, pourquoi l'évaluation des prélèvements obligatoires de l'Etat pour 1998 ne tient-t-elle pas compte de la révision des recettes fiscales de l'Etat, alors que celle-ci figure dans les documents annexés à la loi de finances et est absolument nécessaire pour évaluer les recettes de 1999 ? Peut-on maintenir la prévision qui figure dans le rapport économique et financier ou faut-il en faire une autre ? Deuxièmement, comment pouvez-vous dire que les prélèvements obligatoires de l'Etat pour l'année 1999 vont diminuer alors que l'augmentation des recettes fiscales nettes est de 5,2 %, c'est-à-dire nettement supérieur à celle du PIB ? Il y a là une anomalie qu'il convient d'éclaircir ? Enfin, compte tenu des votes intervenus dans les collectivités locales sur les taux des impôts, peut-on maintenir la prévision d'une diminution des prélèvements obligatoires des collectivités locales pour l'année en cours ? Qu'est-ce qui vous permet de dire qu'il y en aura une d'un dixième de point en 1999 ? S ur ces trois questions précises, je souhaite des réponses précises.

M. René Dosière.

A Joigny, de combien avez-vous augmenté les prélèvements ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Gantier, l'ordonnance organique n'impose pas de fournir l'information dont vous parlez dans l'exposé des motifs des articles du projet de loi de finances.

M. Gilbert Gantier.

C'est l'habitude depuis au moins vingt-deux ans ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur le plan strictement formel, à savoir le respect de l'ordonnance, le fait que l'évaluation figure dans le recueil des voies et moyens distribué en même temps que le projet de loi de finances suffit à l'information de l'Assemblée.

Cela dit, vous avez raison, la pratique la plus courante - encore que cela n'ait pas été le cas chaque année - est de fournir cette information dans l'exposé des motifs de chaque article. C'est en outre plus pratique.

Elle est d'ailleurs respectée à certains articles. Voyez, par exemple, l'article 22, page 56, où il est précisé : « Le coût de cette mesure serait de 200 millions de francs. »

Ou encore l'article 26, page 64, où il est écrit : « En 1999, le produit supplémentaire attendu est de 520 millions de francs... » Mais ce n'est pas le cas pour chaque

article et c'est regrettable, vous avez raison.

C'est donc à tort que l'évaluation ne figure pas dans le projet de loi de finances, conformément à la pratique généralement retenue. Il faudra veiller à faciliter l'accès des lecteurs à cette information plutôt que de leur demander de se reporter au recueil des voies et moyens.

Je vous donne donc très volontiers acte de votre observation, monsieur Gantier.

M. Auberger me demande s'il a été tenu compte des évaluations révisées ? Oui, bien sûr. D'ailleurs, le tableau des prévisions de recettes pour 1999, page 20 du projet de loi de finances, comporte une colonne intitulée « Evaluations révisées ».

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas la question.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dans ce cas-là, je l'aurai mal comprise et je vous demanderai de bien vouloir la répéter.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Philippe Auberger.

J'ai bien entendu remarqué, monsieur le ministre, que vous aviez révisé les prévisions de recettes de la loi de finances initiale de 1998, ce qui est normal pour établir les prévisions de recettes de l'année 1999 et je vous en donne volontiers acte.

Je vous ai demandé si, dans le rapport économique et financier, les prévisions relatives aux prélèvements obligatoires de l'Etat pour l'année 1998 ont été révisées pour tenir compte de la révision des évaluations des recettes.

M. le président.

Poursuivez, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je n'avais pas compris que vous parliez de prévisions pour l'année 1998 dans le rapport économique et financier. La réponse à votre question est oui. Elles ont été révisées et nous attendons une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 %, pour cette année par rapport à 1997, comme je l'ai annoncé dans mon discours liminaire.

Dans votre explication de vote sur la question préalable vous m'avez accusé de ne pas tenir compte des plusvalues en 1999. Si tel était le cas, c'est-à-dire si vous aviez raison, cela pourrait justifier une baisse fallacieuse des prélèvements obligatoires en 1999 par rapport à 1998.

Mais cela ne fait que renforcer la réalité de leur baisse en 1998 par rapport à 1997, celle à laquelle vous venez de faire allusion.

Vous avez posé une autre question sur les collectivités locales. Chaque année, le Gouvernement fait une prévision sur le solde des collectivités locales. Ces dernières années, le fort désendettement auquel ont pu se livrer les collectivités locales, du fait notamment de la baisse des taux, a été à l'origine d'un excédent relativement important car l'excédent tire toujours sa source dans le désendettement.

La prévision pour l'année prochaine vaut autant que celles qui ont été faites les années précédentes, et notamment que celle de l'année dernière pour cette année, laquelle, vous pouvez le constater au vu des résultats de cette année, n'avait pas été mal faite. Je ne vois par pourquoi vous mettriez en doute a priori les services qui ont procédé de la même manière que l'année dernière à la prévision pour l'année prochaine. Elle comprend le même degré de précision.

M. Gilles Carrez.

Ce n'est pas la question.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N'avez-vous pas dit, monsieur Auberger, que vous vous inquiétez de l'évolution des prélèvements obligatoires des collectivités locales à cause des votes qui y étaient intervenus ?

M. Philippe Auberger.

Non ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Encore une fois, j'aurai mal compris mais nous y reviendrons tout à l'heure.

En tout cas, la prévision pour l'année prochaine me paraît avoir le même degré de qualité que les précédentes

Il n'y a donc pas d'inquiétude particulière à avoir.

Je crois avoir fait le tour de vos inquiétudes sur l'article 1er . Celui-ci est très classique. Il autorise l'Etat à continuer à percevoir l'impôt.

Si nous commençons à engager de tels débats sur un tel article, je n'augure pas bien de la fin de nos travaux.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président.

Je donne lecture de l'article 2 : B. - Mesures fiscales

« Art.

2. I.

Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :

« 1o Le 1 est rédigé :

«

1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 100 francs les taux de :

« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 100 francs et inférieure ou égale à 51 340 francs ;

« 24 % pour la fraction supérieure à 51 340 francs et inférieure ou égale à 90 370 francs ;

« 33 % pour la fraction supérieure à 90 370 francs et inférieure ou égale à 146 320 francs ;

« 43 % pour la fraction supérieure à 146 320 francs et inférieure ou égale à 238 080 francs ;

« 48 % pour la fraction supérieure à 238 080 francs et inférieure ou égale à 293 600 francs ;

« 54 % pour la fraction supérieure à 293 600 francs ;

« 2o Au premier aminéa du 2, la somme de : " 16 380 francs" est remplacée par la somme de : "11 000 francs" ;

« 3o Au 4, la somme de : "3 300 francs" est fixée à : "3 330 francs".

« II. Le montant de l'abattement prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B du même code est fixé à 20 370 francs.

« III. Au troisième alinéa de l'article 199 quater F du code général des impôts, avant les mots : "Le bénéfice de la réduction d'impôt", sont insérés les mots : "Lorsque les enfants sont au plus âgés de seize ans révolus au 31 décembre de l'année d'imposition et fréquentent un collège, le bénéfice de la réduction d'impôt est accordé sans justification préalable. Dans les autres cas,".

« IV. Au 1o de l'article 81 du code général des impôts, il est ajouté la phrase suivante : " Les rémunérations des journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux perçues ès qualités constituent de telles allocations à concurrence de 30 000 francs ;". »

La parole est à M. Gilles Carrez, premier orateur inscrit sur l'article.

M. Gilles Carrez.

Mon intervention portera sur la mesure principale de l'article 2, à savoir la baisse du quotient familial. Je ne m'explique pas très bien la présence de cette disposition dans cet article.

M. Michel Bouvard.

Si, c'est pour financer le PACS !

M. Gilles Carrez.

Il y a un an, Mme Aubry a décidé de supprimer les allocations familiales.

M. Yves Cochet.

Pas pour tout le monde !

M. Jean-Louis Idiart.

A partir d'un certain seuil de ressources.

M. Gilles Carrez.

Cette décision a soulevé un tollé et suscité une levée de boucliers. Les associations familiales se sont mises en branle. On a fait remarquer, à juste titre, que toutes les familles devaient être traitées sur un pied d'égalité et Mme Aubry s'est rendu compte, dès le printemps, qu'elle avait fait une erreur.


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M. Dominique Baert.

Elle a provoqué le débat !

Mme Nicole Bricq.

Elle a engagé une concertation !

M. Gilles Carrez.

Il fallait ensuite habiller la marche arrière. Un rapport fut demandé à Mme Gillot qui confirma que la suppression des allocations familiales à quelques centaines de milliers de familles était une erreur et conclut en faveur de leur rétablissement. Mais le Gouvernement se trouvait devant un problème : il lui fallait trouver 4 ou 5 milliards de francs ! Mme Aubry eut alors une excellente idée : puisque les allocations familiales ont été supprimées sous condition de ressources, il n'y avait qu'à récupérer cet argent en abaissant le plafond du quotient familial. Cela reviendrait à peu près au même.

Vous avez eu tort, monsieur le ministre, de vous laisser refiler ce bébé. Vous auriez dû refuser, et ce pour plusieurs raisons.

La première est que cette mesure entraîne une hausse de l'impôt sur le revenu. Vous avez passé toute une partie de l'année 1998 à nous expliquer que la pression fiscale baissait, que les impôts diminuaient et l'on se retrouve en 1999 avec un impôt sur le revenu en augmentation.

Au demeurant, quand on examine l'ensemble des mesures fiscales pesant sur les ménages, après correction, comme l'a excellemment dit tout à l'heure notre collègue Auberger, on se rend compte que les impôts ne diminuent pas du tout en 1999 pour les ménages.

En tout cas, pour les familles, l'impôt sur le revenu augmente de 4 milliards de francs.

M. Maurice Leroy.

Ça, c'est vrai !

M. Gilles Carrez.

Cela, monsieur le ministre, perturbe tellement votre discours que vous l'avez caché.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non, c'est écrit en toutes lettres dans le rapport !

M. Gilles Carrez.

Cela ne figure dans aucun des documents de Bercy ! M. Strauss-Kahn nous expliquait hier que la baisse d'impôt était de 16 milliards de francs. J'ai cherché...

M. Daniel Marcovitch.

Cela m'étonnerait !

M. Gilles Carrez.

... vainement l'incidence de la baisse du plafond du quotient familial. Elle n'est pas dans les 16 milliards. La réalité, la voilà : 16 milliards moins 4 milliards ne font plus que 12 milliards ! Deuxièmement, on mélange deux choses qui n'ont rien à voir : les allocations familiales d'un côté, qui sont des prestations sociales, et le quotient familial, de l'autre, qui est une notion fiscale. La meilleure preuve en est que les deux ne se recouvrent pas.

Prenons l'exemple d'un couple avec un enfant. Il ne percevait pas les allocations familiales, donc les dispositions de l'année dernière ne le concernaient pas. En revanche, il se trouve lésé par la mesure sur le quotient familial.

M. Christian Cuvilliez.

A partir de quel revenu ?

M. Gilles Carrez.

Par ailleurs, les allocations familiales sont versées jusqu'à l'âge de vingt ans alors que le quotient peut jouer jusqu'à vingt-cinq ans. Les deux mesures, vous le voyez bien, n'ont absolument rien à voir.

Troisièmement, vous expliquez aux familles, qu'elles n'y perdent rien. Mettez-vous à la place d'une famille avec plusieurs enfants. Elle se sent doublement pénalisée.

Touchée en 1998 par la suppression des allocations familiales, elle paiera plus d'impôts en 1999 sur ses revenus de 1998 ! La démonstration en a déjà été faite à plusieurs reprises. Une telle mesure, qui ne vise qu'à corriger une erreur faite par votre collègue du ministère des affaires sociales, nuit, monsieur le ministre, à votre discours général de baisse des impôts et ne peut qu'être impopulaire.

Je m'étonne qu'un homme aussi avisé que vous n'ait pas pu l'éviter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous signale, mes chers collègues qu'il y a encore cinq orateurs inscrits sur l'article. Je vous invite donc à respecter votre temps de parole, qui est de cinq minutes.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous féliciter, au contraire de M. Carrez, de la proposition qui nous est faite à l'article 5 de revenir sur la décision prise l'an dernier de soumettre à condition de ressources l'attribution des allocations familiales.

M. Michel Bouvard.

Ça c'est bien !

M. Christian Cuvillez.

Cette disposition, si elle répondait à un souci de justice sociale légitime - que vous contestez, messieurs de la droite - nous était apparue inappropiée. Elle revenait, en effet, à mettre en cause le principe même d'une politique familiale qui doit bénéficier à tous les enfants pour régler un problème de nature fiscale.

Une telle mesure risquait de constituer un précédent dangereux, notamment en matière d'accès au remboursement des soins par la sécurité sociale, en donnant du crédit à ceux éventuellement tentés de préconiser le remplacement pur et simple du principe de solidarité qui fonde notre système de santé, par ceux de l'assurance et de l'assistance ; quelqu'un tout à l'heure n'a-t-il pas réclamé à grands cris l'instauration de fonds de pension ? Nous sommes très satisfaits que le Gouvernement ait pris en compte la préoccupation de cette très large partie de l'opinion, qui ne saurait être assimilée à ceux qui, à droite ou à l'extrême droite, tentent d'utiliser l'attachement légitime de nos concitoyens à une politique de la famille pour tenter de justifier le maintien de privilèges exorbitants.

Nul ne saurait nier, à moins d'établir une différence de nature entre les enfants selon qu'ils naissent dans une famille modeste où dans une famille riche, le caractère disproportionné de l'avantage fiscal actuellement généré par le système du quotient familial, déduction du plafonnement comprise. En effet, cet avantage va bien audelà du souci légitime de permettre, à tout niveau de revenus, d'élever un enfant, sans subir une baisse excessive de niveau de vie, par rapport aux ménages sans enfants de conditions sociale comparable. Je prend exactement le contrepied de ce que vous venez de dire, messieurs. Le plafonnement ne concerne actuellement que les très hauts revenus et opère une correction trop limitée.

Les gains en impôts procurés par le quotient croissent fortement en valeur et ce, même s'ils peuvent représenter une part décroissante de l'impôt correspondant à deux parts.

Ainsi, entre un revenu de 100 000 francs et un revenu de 400 000 francs qui ne donne pas lieu au plafonnement, l'avantage par rapport à l'impôt correspondant à deux parts se voit multiplié dans la plupart des cas par 11,8, soit près de trois fois plus que ne l'est le revenu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

Pour faire disparaître ce différentiel, il faut atteindre un revenu de 1 200 000 francs pour des quotients de deux et demi et trois parts, 1 300 000 francs pour un quotient de quatre et 1 900 000 pour un quotient de cinq ! L'avantage, pour un revenu imposable de 800 000 francs, demeure ainsi douze fois plus élevé que celui concédé dans le cas d'un revenu de 100 000 francs.

Autant dire que ce que vous présentez comme une mesure inacceptable a des limites dans l'action correctrice et que ce plafonnement est bien limité. Il font donc baisser davantage encore le plafond, comme nous le proposons d'ailleurs depuis plusieurs années.

Les économies ainsi réalisées - mais c'est une autre histoire - pourraient être réinvesties dans les actions participant de la politique de la famille, ce qui améliorerait son efficacité et répondrait mieux à l'attente des familles.

Vous disiez que le quotient ne profitait pas aux familles modestes : avec un plafonnement plus bas, ce serait possible.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, je me suis reporté au rapport économique et financier. Les impôts d'Etat sont annoncés à 15 % ; c'est le taux qui nous avait déjà été donné l'année dernière. Or les plus-values qu i ont été constatées représentent 0,2 %. Le taux n'a donc pas été révisé, contrairement à ce qui vient d'être dit.

En ce qui concerne les administrations publiques locales, le rapport économique et financier fait état d'une baisse de la fiscalité. Malheureusement, nous l'avons constaté, ce n'est pas le cas cette année. Votre taux, là encore, n'est donc pas exact.

En conséquence de quoi je suis prêt, monsieur le ministre, à prendre le pari que vos prévisions sur les prélèvements obligatoires ne se réaliseront pas en 1999, pas plus qu'elles n'ont été réalisées en 1997 et 1998.

J'en viens maintenant à l'impôt sur le revenu et plus particulièrement à la diminution du plafond applicable au quotient familial. Remarquons d'abord que c'est incontestablement une augmentation des prélèvements de 4 milliards de francs ; or cela, je l'ai dit hier, n'est pas relaté dans le rapport général parmi les augmentations fiscales.

On nous affirme qu'il s'agit de compenser le rétablissement des allocations familiales. Mais les allocations familiales n'ont jamais été un prélèvement fiscal : c'est une prestation familiale qui ne peut figurer dans les prélèvements obligatoires.

M. Michel Bouvard.

C'est un tour de passe-passe !

M. Philippe Auberger.

Et par cette mesure, vous allez bel et bien accroître de 4 milliards de francs les prélèvements de l'Etat.

M. Michel Bouvard.

Exact !

M. Gilles Carrez.

Incontestable !

M. Philippe Auberger.

Au total, les prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu vont ainsi augmenter de 17 milliards de francs, d'après les estimations faites en 1998.

Cette mesure me paraît particulièrement injuste à l'égard de 250 000 familles, couples avec un enfant, qui, ne bénéficiant pas des allocations familiales, n'étaient donc pas concernées par le plafond. Parmi celles-ci, des f amilles dont le revenu moyen mensuel est de 36 000 francs. Est-on richissime lorsqu'on élève un enfant en gagnant 36 000 francs par mois ? Je ne le crois pas et personne sur ces bancs ne peut soutenir le contraire.

M. Jean-Jacques Jégou.

M. Brard lui-même ne le conteste pas !

M. René Dosière.

Ce ne sont pas non plus des familles modestes !

M. Philippe Auberger.

Enfin, tout comme la mesure inique prise l'année dernière, que le Gouvernement s'est vu obligé de rapporter, la diminution du plafond sur le quotient familial ne saurait se justifier par un problème d'équilibre du régime des allocations familiales.

Certes, ce régime s'est trouvé déséquilibré pendant plusieurs années du fait du succès même de l'allocation parentale d'éducation. Celle-ci a coûté 12 milliards de francs et bénéficie à 450 000 familles. Mais c'est l'honneur de ceux qui l'ont votée, mes chers collègues, d'avoir institué une mesure qui remplit parfaitement son effet.

Toutes les prévisions montrent, y compris les vôtres, monsieur le ministre, que le régime des allocations familiales a retrouvé ou retrouvera l'équilibre l'année prochaine sans qu'il soit besoin de financement supplémentaire. Et comme il serait totalement inique d'utiliser l'argent des allocations familiales pour rétablir l'équilibre de l'assurance-maladie ou de l'assurance-vieillesse, puisque les régimes sont des régimes distincts avec des caisses distinctes, la diminution de plafond du quotient familial apparaît totalement injuste et injustifiée et exige d'être rapportée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le ministre, on ne peut être d'accord avec l'article 2, parce qu'on ne voit pas très bien quelle est votre politique à moyen terme en matière d'impôt sur le revenu à moyen terme.

Certes, vous nous proposez une série de mesures pour 1999, nous aurons l'occasion d'y revenir. Mais les gouvernements des autres pays européens ont désormais pris l'habitude de proposer des perspectives pour les plus grands impôts, les prélèvements obligatoires en général et, naturellement, la dépense publique.

M. Schrder, par exemple, a tracé la perspective d'une baisse programmée de l'impôt sur le revenu en Allemagne. Le gouvernement qui vous a précédé avait, lui aussi, affiché une volonté, qu'il avait d'ailleurs commencé à traduire dans la réalité, de baisser l'impôt sur le revenu.

Mais vous, nous ne savons pas ce que vous voulez faire.

Nous voilà face à un accroissement des recettes au titre de l'impôt sur le revenu de 17 milliards ; une partie tient à l'activité économique, mais 4 milliards au moins proviennent de nouveaux alourdissements, en particulier de plusieurs mesures anti-familles et d'autres, anti-épargne, sans parler des dispositifs appelés à s'éteindre, comme les gros travaux dans les lieux d'habitation, qui représentent autant d'avantages fiscaux perdus par les ménages en 1999.

Si vous nous donniez une explication, si vous traciez une perspective sur l'impôt sur le revenu, monsieur le ministre, nous ne serions peut-être pas rassurés mais, à tout le moins, un peu éclairés. Quelle sera la tendance dans les deux ou trois années à venir en matière d'impôt sur le revenu ? Envisagez-vous de réduire le nombre de tranches, ce qui reviendrait déjà à le simplifier ?

M. Yves Cochet.

Oh non !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. François d'Aubert.

Envisagez-vous une meilleure coordination entre la CSG et l'impôt sur le revenu ? Pour notre part, nous proposons une CSG proportionnelle, comme aujourd'hui, mais intégrée à l'impôt sur le revenu, dont elle constituerait, en réalité, la première tranche. Quelle sera votre politique pour la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu ? C'est un élément psychologiquement et politiquement important au regard de la construction européenne et de l'indispensable harmonisation fiscale européenne. Car, on a beau le nier, des Français quittent la France pour des raisons fiscales ; et ce sont le plus souvent des gens qui ont du talent et qui vont le vendre pas bien loin, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Europe tout simplement, sans même parler des EtatsUnis, ou de la Silicon Valley !

M. Yves Cochet.

Ce sont de mauvais citoyens !

M. François d'Aubert.

Ils sont beaucoup plus nombreux que ne l'imagine M. Cochet. On compte effectivement peu d'écologistes qui choisissent d'habiter en Angleterre ou à Silicon Valley...

M. Yves Cochet.

C'est qu'il n'y a pas beaucoup de riches chez nous !

M. François d'Aubert.

... mais on voit dans ce cas nombre de jeunes talents dans les domaines du sport ou de la culture, des gens qui ont envie de monter leur entreprise...

Mme Catherine Génisson.

Il y en a aussi qui viennent en France !

M. François d'Aubert.

... et puis tout simplement aussi des épargnants, des gens qui ont un peu de fortune et qui pensent plus sage d'aller la mettre ailleurs.

M. Yves Cochet.

Ben voyons !

M. François d'Aubert.

Je ne vous dis pas que je les approuve, mais c'est un fait. Pour tenir compte de cette réalité, il est probablement indispensable de baisser le taux sur la tranche la plus élevée des revenus. Ce n'est pas un problème de morale, ce n'est pas un problème d'équité : c'est tout simplement un problème d'efficacité.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela peut être un problème de morale également !

M. François d'Aubert.

A force de maintenir un taux aussi élevé par rapport à nos partenaires, l'impôt sur le revenu va perdre de son rendement.

M. Christian Cuvilliez.

Ce sont des constructions spéculatives qui ne reposent sur rien !

M. François d'Aubert.

Auquel cas cela n'aura servi à rien. Vous n'aurez même pas la satisfaction morale d'avoir réussi à prélever un impôt supplémentaire sur les gens les plus riches, puisque les gens les plus riches seront partis !

M. Christian Cuvilliez.

Vous voyez, il n'y en a déjà plus beaucoup !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous allez nous faire pleurer !

M. François d'Aubert.

Ce sont là de vraies questions, monsieur le ministre, qui se posent partout ailleurs. Sauf peut-être à l'Assemblée, où persistent les idées surannées et les sujets tabous,...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Parlons-en des sujets tabous !

M. François d'Aubert.

... des idées que l'on retrouve généralement plutôt sur les bancs de la gauche ou de l'extrême gauche, et qui empêchent de discuter au fond du problème. Quelle sera votre politique dans les prochaines années, monsieur le ministre ? Pour 1999, nous la connaissons. Mais pour les années à venir, 2000, 2001, 2002 ?

M. Christian Cuvilliez.

Et au-delà !

M. François d'Aubert.

Qu'envisagez-vous en matière de taux supérieur de l'impôt sur le revenu ?

M. le président.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, si je prends la parole ce soir, c'est pour justifier les propositions que j'ai présentées à la suite d'une longue concertation que j'ai menée dans le courant de l'année, destinée à permettre le meilleur dialogue possible dans l'élaboration d'une politique familiale rénovée et ambitieuse.

Q ue n'avons-nous pas entendu l'année dernière lorsque, pour mettre en place un projet politique assis sur une plus grande justice sociale, une meilleure redistribution en direction des familles les plus démunies, le Premier ministre a annoncé que, dans un souci de solidarité et de garantie de la branche famille, laquelle souffrait d'un déficit de 14 milliards de francs,...

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai !

M. Michel Bouvard.

Avec tous les prélèvements que l'on a instaurés !

Mme Dominique Gillot.

... mettant en péril la pérennité des prestations familiales, les allocations familiales seraient mises sous conditions de ressources, le dialogue et la concertation n'ayant pas permis de parvenir à un accord sur un autre dispositif !

M. Michel Bouvard.

Il n'y a eu ni dialogue ni concertation !

M me Dominique Gillot.

La loi votée le 19 décembre 1997 contenait un article précisant que ces mesures seraient temporaires, le temps d'un réexamen d'ensemble de la politique familiale...

M. Michel Bouvard.

Sur la pression de l'opposition !

M. Philippe Auberger.

Jospin l'avait décidé sans concertation !

M. Michel Bouvard.

Avant de reculer sous la pression des familles !

M. Maurice Leroy.

Et il a bien fait !

Mme Dominique Gillot.

... en vue de la réorganiser de façon à répondre aux aspirations de ses partenaires, de ses bénéficiaires et des acteurs de la politique familiale.

C'est alors que le Premier ministre m'a demandé de mener une concertation, ce que j'ai fait pendant plusieurs mois. J'ai entendu tous les partenaires de la politique familiale et j'ai élargi mes consultations aux acteurs de la politique familiale dans la ville.

M. Michel Bouvard.

Vous leur avez également demandé leur avis sur le PACS ?

Mme Dominique Gillot.

Force a été de relever que le principe de redistribution annoncé très fortement dans la politique du Gouvernement n'était pas contesté.

M. Michel Bouvard.

Ils vous ont dit ce qu'ils pensaient du PACS ?

Mme Dominique Gillot.

Bien au contraire, chacun adhérait à la politique définie par le Premier ministre.

Seul le dispositif mis en oeuvre restait fortement contesté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

Une étude fiscale nous a permis de parvenir à un accord sur un autre dispositif rétablissant l'universalité des allocations familiales que chacun appelait de ses voeux. Je croyais que vous-mêmes faisiez partie de ceux qui souhaitaient le retour à l'universalité des allocations familiales.

M. Michel Bouvard.

Nous n'avons jamais dit autre chose !

M. Gilles Carrez.

C'est grâce à nous que vous avez battu en retraite !

Mme Dominique Gillot.

La modulation de l'impôt c omme outil de redistribution a été retenue par l'ensemble des partenaires de la politique familiale, et la conférence nationale de la famille de juin dernier a accueilli les propositions du Premier ministre dans une belle unanimité...

M. Jean-Louis Idiart.

Voilà !

Mme Dominique Gillot.

Cela vous a bien sûr contrariés, messieurs, car cela contredisait complètement vos pronostics alarmistes, et vous n'avez pas pu garder la famille en otage.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Vous avez oublié de leur dire que vous preniez 5 milliards sur la famille pour le PACS !

Mme Dominique Gillot.

Il est temps maintenant de corriger les désinformations et les mensonges que vous avez répandus. Si, du fait de l'abaissement des avantages du plafond du quotient familial, un couple avec un enfant et des revenus mensuels de 36 000 francs verra sa situation fiscale modifiée, alors qu'il ne récupère pas ses allocations familiales puisqu'il n'y avait pas droit précédemment, il n'en demeure pas moins qu'il ne commencera véritablement à redistribuer qu'à partir d'un revenu mensuel de 40 000 francs, encore cette redistribution ne sera-t-elle que de 280 francs par mois.

M. Jean-Louis Idiart.

Une misère !

Mme Dominique Gillot.

Prenons maintenant le cas d'un couple avec deux enfants. Rappelons que cette famille perdait ses allocations familiales en totalité à partir de 32 000 francs de revenu mensuel, soit une perte de 600 francs chaque mois.

M. Jean-Louis Idiart.

Auberger va payer !

M. Michel Bouvard.

Vous êtes en train de nous dire que vous faites un cadeau avec ce que vous ne faites que rendre !

M. Maurice Leroy.

C'est fantastique !

Mme Dominique Gillot.

C'est pourtant vrai, messieurs ! Cette famille commencera à redistribuer par le biais de l'impôt, à partir de 50 000 francs de revenu net perçu par mois, et cette redistribution sera de 138 francs par mois alors qu'elle aura récupéré ses allocations familiales.

M. Maurice Leroy.

Merveilleux !

Mme Dominique Gillot.

Pour un couple avec trois enfants, c'est à partir de 65 000 francs que la redistribution commencera à se faire sentir dans le revenu de cette famille, alors que précédemment, avec un revenu de seulement 37 000 francs, cette famille perdait 1 500 francs de revenu par mois.

M. Michel Bouvard.

Comment cela peut-il rapporter 5 milliards avec si peu de gens concernés ?

Mme Dominique Gillot.

Voilà pourquoi je remercie le Premier ministre d'avoir fait ce choix et le Gouvernement, y compris M. Strauss-Kahn, d'avoir accepté un arbitrage qui aura permis de reconstituer les conditions d'un dialogue fructueux avec les partenaires de la politique familiale.

M. Michel Bouvard.

Personne n'est concerné, mais cela rapporte 5 milliards !

Mme Dominique Gillot.

Dialogue fructueux, disais-je, seul capable d'entretenir le climat favorable à la rénovation de la politique familiale qui en avait tant besoin pour répondre aux problèmes quotidiens des familles d'aujourd'hui.

M. le président.

Il faut penser à conclure, madame Gillot !

Mme Dominique Gillot.

De grâce, messieurs, cessez de prendre la famille en otage ! Elle ne vous appartient pas.

V ous avez cité tout à l'heure le Président de la République disant que la famille n'était ni de droite ni de gauche. La famille a des besoins, et il nous appartient d'y trouver des réponses sans la prendre en otage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

La famille n'est ni de droite ni de gauche !

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oh non !

M. René Dosière.

Il a déjà parlé suffisamment !

M. Jean-Pierre Brard.

On sait ce qu'il va dire !

M. le président.

Monsieur Brard, ne commencez pas à i nterrompre M. Laffineur avant même qu'il ait commencé de parler !

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne l'interromps pas, monsieur le président, puisqu'il n'a pas encore parlé ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

Pour ma part, je ne vois dans cet article qu'une chose en matière de politique familiale : la diminution du quotient familial, ramené de 16 000 à 11 000 francs. On peut dire tout ce qu'on veut, mais je ne crois pas que ce soit un « plus » pour les familles !

Mme Dominique Gillot.

Nous rendons 6 milliards alors que nous n'en prenons que 4 !

M. Marc Laffineur.

Et cela s'ajoute à ce que vous aviez fait l'année dernière avec l'allocation de garde d'enfant et la réduction d'impôt pour emploi à domicile, qui a provoqué par ailleurs une recrudescence des emplois au noir ! Aujourd'hui, ce sont 3,9 milliards de francs que vous prenez aux familles, soit exactement la même somme que vous comptiez consacrer au PACS ! Et puisque vous parliez d'unanimité des associations familiales...

M. Michel Bouvard.

Il y avait unanimité, oui, mais contre le PACS !

M. Marc Laffineur.

J'ai cru comprendre qu'elles étaient unanimement pour le PACS !

M. Michel Bouvard.

Là, il n'y a pas eu de concertation !

M. Marc Laffineur.

Vous n'avez pas dû rencontrer les mêmes que nous. L'UDAF, notamment, était violemment contre ces mesures. (Exclamations sur divers bancs.)

Ces 4 milliards prévus pour le PACS, vous les prenez aux familles ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Gillot.

Ça n'a rien à voir !

M. Michel Bouvard.

Mais si !

Mme Dominique Gillot.

Quelle mauvaise foi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

M. Marc Laffineur.

Vous comprenez qu'on ne peut pas être de cet avis !

M. Michel Bouvard.

Bien sûr !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il a déjà été beaucoup répondu à tous ces arguments.

M. Jean-Louis Idiart.

Ce sont des assertions ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je n'ai donc pas grand-chose à ajouter, au moins sur ce qui concerne la substitution d'une mesure à une autre. Mme Gillot et M. Cuvilliez ont dit tout ce qu'il fallait dire. On peut être pour, on peut être contre.

Vous êtes contre, nous sommes pour. Pas besoin d'épiloguer ! Il y a un point sur lesquel je veux revenir, c'est la tentative désespérée de l'opposition pour essayer de faire croire qu'il n'y a pas de baisse d'impôt. Je comprends que cela vous gêne beaucoup, messieurs, mais il y en a une.

Lorsque, par un calcul savant, vous tentez de démontrer le contraire en vous fondant sur la modification du quotient familial, vous semblez oublier que les baisses d'impôts qui nous intéressent ne sont pas obligatoirement celles qui concernent toute la population. Dans les 16 milliards, il y a notamment une hausse de 2 milliards de l'ISF. Si l'on considère les ménages qui ne payent pas l'ISF, on retombe sur le chiffre que vous voulez éviter.

L'absence de hausse de la TIPP cette année...

M. Michel Bouvard.

Sauf pour le gazole ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oui ! ...

sur le super équivaut également à une baisse d'impôt, de l'ordre de 3 milliards.

M. Gilles Carrez.

Ce n'est plus de l'arithmétique, c'est de l'algèbre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Chaque année, cette taxe augmentait, pas cette année. Ce sont 3 milliards de moins prélevés sur les ménages.

Prélever moins ou baisser les impôts, c'est la même chose, vous savez ! Ne vous inquiétez pas, les Français savent s'y retrouver ! C'est tellement vrai que ces baisses d'impôts sont bien perçues par la population. Vous avez peut-être regardé les différents indicateurs et sondages parus au cours des semaines qui viennent de s'écouler.

Alors que les mesures fiscales n'apparaissent jamais dans les événements importants de la semaine retenus par les Français - cela m'avait surpris l'année dernière et cela avait dû surprendre également mes prédécesseurs -, l'absence de hausse de la TIPP sur l'essence, la suppression des timbres sur les permis de conduire et sur les cartes d'identité apparaissent cette année tout en haut de la hiérarchie. Les Français ont bien perçu qu'il y avait des baisses d'impôt. Vous pouvez essayer de faire des calculs tordus pour démontrer le contraire, ils l'ont compris.

Vous m'avez proposé un pari, monsieur Auberger.

Comme je n'ai pas l'habitude de me défiler, je l'accepte.

M. Philippe Auberger.

Vous avez perdu celui de l'année dernière ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non. Vous avez expliqué tout à l'heure avec un sourire en parlant de 1997 que le fait d'avoir compensé par l'IS une recette d'impôt sur le revenu ne changait rien pour les prélèvements obligatoires. Mais si ! Le problème, c'est que la loi de finances pour 1997 que vous avez votée était fausse ! Nous l'avons réalisée avec les dépenses et les déficits que vous aviez votés. S'il a fallu reconstituer des recettes par l'impôt sur les sociétés, c'est bien que vos recettes étaient fausses. C'est bien pour cela que vous avez tellement paniqué au printemps ! Nous avons prélevé 24 milliards de plus, vous avez raison, au titre de l'IS et des plus-values sur les entreprises. Pourtant, on arrive avec les mêmes dépenses et les mêmes déficits. C'est bien pour compenser des recettes que vous aviez annoncées et qui n'étaient pas là ! Dans ces conditions, le taux de 46 % prévu dans la loi de finances ne reposait sur aucune réalité. Si la loi de finances initiale était honnête, vous auriez prévu 46,3 %, ce que nous avons eu à la fin de l'année, en respectant au milliard près vos dépenses et votre déficit.

Il y aura donc une baisse de 0,2 % des prélèvements obligatoires entre 1997 et 1998. Je le confirme, et je prend le pari. Il en sera de même entre 1998 et 1999. Je le confirme et je prends le pari.

Prenez-vous le pari que, dans les statistiques officielles de l'INSEE, d'Eurostat ou de tout ce que vous voudrez, il y aura bien une baisse des prélèvements obligatoires en 1998 par rapport à 1997 et en 1999 par rapport à 1998 ? Si vous le tenez, nous verrons à la fin de l'année pour 1998 et à la fin de l'année prochaine pour 1999 qui a gagné. Sinon, cessez de dire qu'il n'y a pas de baisse des prélèvements obligatoires.

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Alain Tourret, une proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Cette proposition de loi, no 1122, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Michel Bouvard, une proposition de loi relative à la réhabilitation de l'immobilier touristique.

Cette proposition de loi, no 1123, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Pierre Hellier et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative au consentement du consommateur dans les contrats de vente et de crédit.

Cette proposition de loi, no 1124, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Bernard Perrut et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à améliorer le régime fiscal des contribuables qui ont à charge un frère ou une soeur.

Cette proposition de loi, no 1125, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de Mme Marie-Jo Zimmermann, une proposition de loi permettant aux contribuables des collectivités territoriales d'agir en justice en leur nom lorsque leur intérêt direct ou indirect est en cause et donnant aux associations de contribuables la possibilité de se constituer partie civile.

Cette proposition de loi, no 1126, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de Mme Marie-Jo Zimmermann, une proposition de loi relative au stationnement des gens du voyage.

Cette proposition de loi, no 1127, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. André Angot, une proposition de loi tendant à relever les retraites agricoles à 75 % du SMIC net pour l'ensemble des retraités agricoles ayant accompli une carrière complète.

Cette proposition de loi, no 1128, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Jacques Myard une proposition de loi déterminant les conditions de pavoisement du drapeau français.

Cette proposition de loi, no 1129, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Jean-Luc Reitzer, une proposition de loi relative à la déductibilité fiscale des frais réels de transport des engins motorisés.

Cette proposition de loi, no 1130, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Jean-Jacques Guillet, une proposition de loi tendant à modifier l'article 17 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Cette proposition de loi, no 1131, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Pierre Albertini et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à modifier certaines dispositions du code général des impôts et à instituer un certificat de vie commune.

Cette proposition de loi, no 1132, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de MM. François Rochebloine, Edouard Landrain et Hubert Grimault, une proposition de loi visant à améliorer les modalités de financement des clubs sportifs professionnels.

Cette proposition de loi, no 1133, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Thierry Mariani, une proposition de loi visant à faciliter la recherche des héritiers dans le cadre du règlement des successions. Cette proposition de loi, no 1134, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de Mme Christine Boutin, M. Dominique Dord et M. Jacques Myard, une proposition de loi portant réforme des droits de succession entre frères et soeurs et entre personnes non parentes.

Cette proposition de loi, no 1135, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Jean-Pierre Brard, une proposition de loi tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Cette proposition, no 1136, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Patrick Devedjian et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à la continuation du contrat de location. Cette proposition de loi, no 1137, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Jean-Pierre Michel, un rapport, no 1138, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur l es propositions de loi de M. Jean-Pierre Michel (no 1118), M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues (no 1119), M. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste (no 1120), M. Guy Hascoët (no 1121) et M. Alain Tourret (no 1122), relatives au pacte civil de solidarité.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. le Premier ministre, en application de l'article 23 de la loi no 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, un rapport sur le bilan et les perspectives de la couverture du territoire par les réseaux de radiotéléphonie.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 14 octobre 1998, de M. Jean-Paul Bacquet, un rapport d'information, no 1139, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en conclusion des travaux de la mission d'information sur l'informatisation du système de santé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1998

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078) : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

A quinze heures, deuxième séance publique : Discussion de l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999 (Evaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes) : M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 2 au rapport no 1111) ; Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 1113, tome I).

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 15 octobre 1998, à zéro heure cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ERRATUM Au compte rendu intégral de la 1re séance du 9 octobre 1998 (Journal officiel, débats de l'Assemblée nationale, no 78 du 10 octobre 1998) Page 6243, 2e colonne, 16e alinéa, 1re ligne : Au lieu de :

« Le pacte civil de solidarité est-il révolutionnaire ? », Lire :

« M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Le pacte civil de solidarité est-il révolutionnaire ? ».