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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Rappel au règlement (p. 6724).

MM. Christian Cuvilliez, le président.

2. Loi de finances pour 1999 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6724).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 6724)

M. le président.

Article 4. - Adoption (p. 6724)

Après l'article 4 (p. 6724)

Amendement no 318 de M. Martin-Lalande : MM. Michel B ouvard, Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Rejet.

Amendement no 317 de M. Martin-Lalande : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 66 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 542 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Jacques Jégou, Gilbert Gantier. - Adoption.

Amendement no 85 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 320 de M. Martin-Lalande : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Article 5 (p. 6728)

MM. Maurice Adevah-Poeuf, Jean-Pierre Brard, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Cuvilliez.

Suspension et reprise de la séance (p. 6734)

MM. le ministre, Jean-Pierre Brard, Maurice Adevah-Poeuf.

Amendement no 344 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 367 de M. Meylan : MM. Marc Laffineur, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 3 de la commission des finances : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 4 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 547 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur général. - Adoption.

Amendement no 92 de M. Deprez : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 5 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 403 de M. Jégou : M. Jean-Jacques Jégou. Retrait.

Amendement no 548 du Gouvernement. - Adoption.

Amendement no 453 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le ministre. - Adoption de l'amendement no 453 rectifié.

Amendement no 549 du Gouvernement. - Adoption.

Amendement no 345 de M. Gantier : M. Gilbert Gantier. Retrait.

Amendements nos 550 à 552 du Gouvernement. - Adoption.

Amendement no 6 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 346 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 7 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 553 du Gouvernement. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Amendement no 9 de la commission : MM. le rapporteur général, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Après l'article 5 (p. 6740)

Amendement no 119 corrigé de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le ministre. Retrait.

Amendement no 155 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le ministre. - Retrait.

Amendement no 155 repris par M. Auberger : MM. Philippe Auberger, Marc Laffineur. - Rejet de l'amendement no 155 rectifié.

Article 6 (p. 6742)

Amendements nos 10 et 11 de la commission : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Après l'article 6 (p. 6743)

Amendement no 122 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 120 de M. Brard : M. Jean-Pierre Brard.

Amendement no 121 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements nos 120 et 121.

Amendement no 120 repris par M. Auberger : MM. Philippe A uberger, Jean-Pierre Brard. - Rejet de l'amendement no 120 rectifié.

Amendements nos 12 de la commission, 203 de M. Michel Bouvard et 504 de M. de Courson : MM. Gilbert Mitterrand, Michel Bouvard, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement no 12 ; les amendements nos 203 et 504 n'ont plus d'objet.


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Article 7. - Adoption (p. 6745)

Après l'article 7 (p. 6745)

Amendement no 124 de M. Cuvilliez : M. Christian Cuvilliez. - Retrait.

Amendements nos 123 de M. Cuvilliez, 552 de M. Dray et 168 corrigé de M. Yves Cochet : MM. Christian Cuvilliez, Julien Dray, Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le ministre, François d'Aubert, Philippe Auberger, Jean-Pierre Balligand, Daniel Feurtet, Michel Bouvard.

Suspension et reprise de la séance (p. 6750)

M. Jean-Louis Idiart. - Retrait de l'amendement no 522.

M. Jean-Pierre Brard. - Retrait des amendements nos 123 et 168 corrigé.

Amendement no 68 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Article 8 (p. 6751)

MM. Jean-Pierre Brard, Philippe Auberger, Gilbert Gantier, François d'Aubert, le ministre.

Amendements nos 69 de M. Auberger et 255 de M. Gantier : MM. Philippe Auberger, Gilbert Gantier, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.

Amendement no 254 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le ministre, Jean-Pierre Brard. Rejet.

Adoption de l'article 8.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6757).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE SIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1 RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, en vertu de l'article 58 de notre règlement, je demande la parole pour faire un rappel au règlement.

M. Michel Bouvard.

Déjà ?

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour un rappel au règlement.

M. Christian Cuvilliez.

Aujourd'hui, dans de très nombreuses villes de France, et pas seulement dans les grandes, les lycéens ont à nouveau manifesté. Déterminés, faisant preuve de beaucoup de responsabilité et fiers de leur mouvement, ils réaffirment l'urgence qu'il y a à satisfaire leurs revendications.

M. Michel Bouvard.

Les éleveurs de moutons aussi !

M. Christian Cuvilliez.

Dans leur grande majorité, les manifestants désapprouvent les exactions qui ont été commises par des éléments non encore identifiés.

Nous nous réjouissons qu'une délégation ait été reçue par le ministre de l'éducation nationale. Nous lui demandons quelles mesures il entend prendre pour répondre positivement à l'attente justifiée des lycéens.

Nous rappelons que les revendications des enseignants rejoignent celles des lycéens pour un véritable service public de l'éducation nationale.

M. le président.

Je prends acte de votre intervention, monsieur Cuvilliez, mais elle n'avait rien à voir avec un rappel au règlement.

M. Christian Cuvilliez.

Si, elle était fondée sur l'article 58.

2 LOI DE FINANCES POUR 1999 (PREMIÈRE PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 4.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, mes chers collègues, la discussion n'avance pas très vite. A ce rythme, nous serons encore là samedi, voire dimanche. Je vous propose donc que, conformément à l'article 100, alinéa 7 du règlement, n'interviennent sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le rapporteur, le ministre et un orateur d'opinion contraire. Evidemment, pour les sujets importants, je conçois que l'on puisse faire preuve de davantage de souplesse. Cela dit, je crois que chacun saura être raisonnable.

M. Jean-Jacques Jégou.

Compte tenu du faible nombre des présents dans l'hémicycle, le débat ne devrait pas durer trop longtemps ! (Rires.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. I. Au b du 3 de l'article 92 B decies du code général des impôts, les mots : "sept ans" sont remplacés par les mots : "quinze ans" ».

« II. Au II et au V de l'article 163 bis G du même code, les mots : "sept ans" sont remplacés par les mots : "quinze ans" ».

« III. 1.

Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er septembre 1998.

«

2. Les dispositions du II s'appliquent aux bons de souscription de parts de créateur d'entreprise attribués à compter du 1er septembre 1998 ».

Je le mets aux voix.

(L'article 4 est adopté.)

Après l'article 4

M. le président.

MM. Martin-Lalande, Besson, Birraux, Fromion, Guillet, Lasbordes et Quentin ont présenté un amendement, no 318, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. L'article 38 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«

11. La plus-value de cession d'éléments d'actif constitués de matériels informatiques n'est pas imposable lorsque la cession est réalisée au profit d'un établissement d'enseignement dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat.

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. »

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir cet amendement.

M. Michel Bouvard.

L'amendement déposé par Patrice Martin-Lalande tend à inciter les entreprises à céder leur matériel informatique lors de son renouvellement - on


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sait qu'il s'agit d'un matériel qui devient assez vite obsolète - à des établissements d'enseignement. Pour cela, il est proposé de mettre en place un système d'incitation fiscale comme il en existe actuellement un aux Pays-Bas.

Un tel dispositif permettrait de compléter les efforts déjà consentis les collectivités locales ou par l'Etat en faveur des établissements d'enseignement.

Le matériel informatique, sans être vétuste, peut devenir rapidement obsolète en milieu industriel alors qu'il peut s'avérer fort utile pour l'enseignement.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 318.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Défavorable. Ce type de matériel se dépréciant extrêmement vite, il est assez difficile de réaliser des plus-values sur celui-ci.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 318.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Même avis que le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 318.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Martin-Lalande, Besson, Birraux, Fromion, Guillet, Lasbordes et Quentin ont présenté un amendement, no 317, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. Après le I de l'article 39 bis A du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« Les dispositions du I sont également applicables aux agences de presse dont l'activité est principalement consacrée à l'information politique et générale en vue de faire face aux dépenses visées au b du 1. »

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. »

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir cet amendement.

M. Michel Bouvard.

L'amendement no 317, également déposé par des parlementaires appartenant au groupe d'étude sur les nouvelles technologies de l'information et des communications, relève du même esprit que le précédent.

Les agences de presse constituent la source principale des informations de base utilisées notamment par les éditeurs de presse. Un travail de numérisation est actuellement mis en oeuvre par les grandes agences ainsi que par les petites agences récemment créées qui misent sur les nouvelles technologies. La valorisation des fonds des agences passe nécessairement par l'exploitation de leurs archives. En conséquence, il conviendrait d'inciter les agences de presse à numériser leurs fonds. Pour cela, il pourrait être envisagé de mettre en place un système comparable à celui de l'article 39 bis du code général des impôts permettant aux entreprises de presse de réaliser des provisions sur investissements.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 317.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Auberger a présenté un amendement, no 66, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. 1.

Dans le premier alinéa (1) de l'article 92 B decies du code général des impôts, le mot "transmission" est remplacé par le mot "cession".

«

2. Il est procédé à la même substitution dans l'avant-dernier alinéa (6) du même article.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Il ne s'agit nullement d'un amendement historique.

On a constaté que l'application de l'article 79 de la loi de finances pour 1998 instituant un report d'une imposition des plus-values de cession de droits sociaux réalisées par les créateurs d'entreprises en cas de réemploi au capital d'une PME posait problème. Sans doute la plume du rédacteur de l'article avait-elle flanché, mais, dans celui-ci, il n'est fait référence qu'à la « transmission » des droits sociaux alors qu'il aurait fallu parler de « transmission à titre onéreux », c'est-à-dire de « cession ». Il est bien certain que le réemploi ne peut pas être exigé dans les mêmes conditions s'il s'agit simplement d'un échange de titres. Cet amendement de précision ne devrait pas poser de grandes difficultés.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Si cet amendement était adopté, les plus-values en report d'imposition ne feraient l'objet d'aucune taxation lors d'une donation ou d'une succession. Pour cette raison, comme pour un certain nombre d'autres que je peux développer si notre collègue le souhaite, la commission des finances a exprimé un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

66. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Brard, Cuvilliez, Feurtet, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 542, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Au 2o du II de l'article 125-0 A du code général des impôts et aux 6o et 9o du III bis de l'article 125 A du même code, le taux "50 % " est remplacé par le taux "60 %". »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je vais faire un lot de tous mes amendements portant sur les bons anonymes et les défendre en même temps, monsieur le président.

De plus, je vais répondre par avance à ce que n'a pas encore dit notre collègue Jean-Jacques Jégou.


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M. Jean-Jacques Jégou.

Vous avez don de voyance !

M. Jean-Pierre Brard.

Hier, quand il a parlé de tractations, je lui ai expliqué que nous, dans la majorité, nous discutons les portes ouvertes. Il est vrai que, à droite, vous n'êtes pas habitués à cela, même dans l'Alliance !

M. Philippe Auberger.

Qu'est-ce que vous en savez ? Vous êtes un provocateur !

M. Pierre Bourguignon.

Visé, touché !

M. Michel Bouvard.

J'ai lu dans Le Monde qu'il y avait des divisions à gauche, que ça tanguait !

M. le président.

Continuez votre propos, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je reviens à mon propos...

M. Philippe Auberger.

Un membre simplement apparenté devrait se taire !

M. Jean-Pierre Brard.

Je constate que, dès que l'on évoque l'Alliance, ceux qui en font partie commencent à se chamailler.

M. Michel Bouvard.

Mais non !

M. Jean-Pierre Brard.

L'existence des bons anonymes heurte notre volonté tout au moins à gauche de l'hémicycle - d'aller vers plus de transparence et de justice en matière fiscale, transparence et justice qui sont indispensables si l'on veut que les citoyens adhèrent à la fiscalité.

Les bons anonymes recèlent des possibilités de dissimulation pouvant être propices à des opérations de blanchiment de capitaux, et ce serait une raison suffisante pour souhaiter leur suppression.

Mais en discutant avec le Gouvernement,...

M. Jean-Jacques Jégou.

Ah, voilà !

M. Jean-Pierre Brard.

... en confrontant nos opinions, il semblerait que nous puissions nous orienter vers une solution intermédiaire, propice à davantage de moralisation sans supprimer complètement ces bons, ce qui, selon le Gouvernement, serait difficile.

Mais M. le ministre expliquera certainement mieux sa position que je ne pourrais le faire. Je lui laisse donc le soin d'exposer la solution qu'il souhaite adopter pour aller vers plus de transparence sans pour autant aller jusqu'au bout de la démarche, qui aurait consisté à supprimer les bons anonymes. Pour notre part, nous sommes prêts à accepter le compromis que nous avons discuté.

M. le président.

Monsieur Brard, je considère donc que vos explications valent également pour les amendements nos 87 et 83, que j'appellerai ultérieuremnt.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Les bons anonymes existent toujours. La commission a adopté cet amendement. J'ajoute que le produit attendu de cette mesure devrait être de l'ordre de 250 millions de francs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement approuve l'amendement qui a été défendu par M. Brard, pour deux raisons.

La première tient au fait qu'il est juste que la solidarité nationale bénéficie du concours des détenteurs et des bénéficiaires de bons anonymes. C'est une raison tout à fait conforme à l'éthique du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.

La deuxième raison - et cela ne surprendra pas M. Brard - est de nature européenne. Nous pensons que l'anonymat est un vecteur important de fraude fiscale, non seulement en France, mais aussi en Europe. C'est p ourquoi le Gouvernement, c'est-à-dire Dominique Strauss-Kahn et moi-même, a proposé une taxation forfaitaire de l'épargne anonyme, y compris dans les pays à secret bancaire dont vous savez qu'ils sont relativement nombreux en Europe.

Il est évident qu'il y a une heureuse conjonction entre la proposition faite par M. Brard à l'échelon national et la volonté affichée par le Gouvernement à l'échelon européen de soumettre l'épargne anonyme à un minimum de fiscalité.

C'est pour ces deux raisons, l'une de nature morale et nationale, l'autre inspirée par un souci d'harmonisation entre la fiscalité du travail et celle du capital au plan européen, que le Gouvernement donne son accord à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Contrairement à ce que peut imaginer notre collègue Brard, je n'apprécie guère le principe même des bons anonymes. En revanche, je trouve que le Gouvernement et lui-même ont un comportement cynique. Notre rapporteur général ayant indiqué que cet amendement allait rapporter 250 millions de francs, cela signifie que le Gouvernement profite d'argent qui n'est pas gagné honnêtement. Il s'agit d'une sorte de blanchiment, et c'est tout de même un peu ennuyeux.

Je suis d'autant plus à l'aise pour dire cela que, lors des débats de 1996 et de 1997, j'ai essayé, avec mon collègue de Courson, de supprimer purement et simplement les bons anonymes car je pense que ce n'est pas une bonne chose. Je ne comprends donc pas que certains partagent ce sentiment, mais salivent et veuillent quand même ramasser la mise.

Je rappelle que cet amendement a été adopté aujourd'hui au titre de l'article 91 du règlement. Je n'ai pu participer à la réunion de la commission des finances, qui s'est tenue à douze heures trente, mais on nous affirme que cette mesure rapportera 250 millions de francs, et le Gouvernement l'a confirmé. Dans la situation actuelle, je ne suis cependant pas sûr que le Gouvernement ne fasse pas une mauvaise affaire et, d'après les renseignements que j'ai pu obtenir cet après-midi, certains étaient favorables à l'idée d'opposer l'article 40 de la Constitution à cet amendement.

Je demande donc qu'on vérifie ce point. Le Gouvernement et M. Brard pensent tant de mal des bons anonymes qu'il faudrait peut-être envisager de mettre un frein à leur développement, et même avoir le courage d'aller jusqu'au bout et de les supprimer, car ils suscitent des fantasmes dus à leur lien avéré avec la nécessité de discrétion.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je dois dire que j'ai été ému par les sentiments moraux exprimés par notre collègue JeanPierre Brard, par M. le rapporteur général du budget et par le Gouvernement. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt et je suis maintenant convaincu. Mais pourquoi, alors, ne supprimez-vous pas totalement les bons anonymes ? Ce serait plus clair.

Vous avez dit que c'était très mal, que cette formule permettait le blanchiment et présentait beaucoup d'inconvénients. Pourquoi, alors, je le répète, ne pas les supprimer ? Répondez, je vous prie, à ma question.

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'amendement no 542.


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M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, nous voulons une réponse !

M. le président.

Je vois que M. le secrétaire d'Etat au budget va vous répondre.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Jégou et M. Gantier se sont livrés à une surenchère bienvenue dans le domaine de la moralité publique. Les bons anonymes ne sont pas utilisés uniquement par les gens malhonnêtes, il y a aussi des gens honnêtes qui peuvent souhaiter garder leur épargne de façon anonyme. Mais cette liberté est coûteuse et, grâce à l'amendement proposé par

M. Brard, le sera encore plus à l'avenir.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, si cet amendement est adopté, je retirerai les amendements nos 87 et 83.

Nos collègues de droite ne manquent pas d'audace et j'espère qu'ils vont conserver cette indignation vertueuse jusqu'à l'article 8, relatif à l'ISF. Vont-ils nous proposer, par exemple, que le prince d'Arenberg, dont les noces ont coûté 160 années de SMIC, paie davantage d'impôts.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.).

M. Michel Bouvard.

Qui est ce prince ? Chez moi, on ne le connaît pas !

M. Gilbert Gantier.

Ne mélangez pas tout, monsieur Brard !

M. Philippe Auberger.

M. Brard a le temps de lire Point de vue, images du Monde

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous avez de mauvaises lectures ! Reprenez-donc votre abonnement à L'Humanité.

M. Philippe Auberger.

Vous lisez trop Gala et Holà !

M. Jean-Pierre Brard.

Ah ! Votre vertueuse indignation aura été de courte durée ! Dès qu'on touche là où ça fait m al, M. Gantier sort, non pas sa Bible, comme

Mme Boutin,...

M. le président.

Monsieur Brard, terminez votre propos.

M. Jean-Pierre Brard.

Oui, mais on m'interrompt, monsieur le président.

Le souci de lutter contre la fraude est incontestable et n ous sommes satisfaits que le Gouvernement nous accompagne dans cette voie, mais vous savez aussi que certaines familles souhaitent acquérir des bons anonymes.

Même si ce n'est pas mon cas, je sais qu'on ne peut pas dire, en tombant dans l'excès inverse, que les possesseurs de bons anonymes sont tous des voyous, même s'il y en a incontestablement parmi eux.

La mesure que nous avons proposée et que le Gouvernement a acceptée rend les bons anonymes plus chers pour les honnêtes gens et, pour les autres, nous allons dans le sens d'une plus grande moralisation.

Je suis sûr que, dans les années qui viennent, nous continuerons de bénéficier de l'appui de nos collègues de droite ! Leur attitude ne manque pas de nous étonner mais nous allons pouvoir juger de leur sincérité lorsqu'il s'agira de sanctionner l'argent mal acquis,...

M. Marc Laffineur.

Cessez de nous parler de ça !

M. Jean-Pierre Brard.

... et pas seulement par le prince Pierre d'Arenberg.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 542.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé.

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts est supprimé. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Il s'agit d'éviter l'accumulation excessive d'avantages fiscaux. Il nous paraît injuste que le crédit d'impôt correspondant à l'avoir fiscal puisse être restitué aux contribuables dans le cas où son montant est supérieur à l'impôt dont ils sont redevables.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Martin-Lalande, Birraux, Fromion, Lasbordes et Quentin ont présenté un amendement, no 320, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. L'article 236 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par l'augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

« III. Les dispositions du II sont également applicables aux investissements en matériel informatique et en réseaux de télécommunications, nécessaires à la mise en oeuvre de postes de télétravail au domicile des salariés de l'entreprise ou dans des télécentres. »

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir cet amendement.

M. Michel Bouvard.

Nous voulons encourager le développement en France des nouvelles technologies de l'information et du télétravail. Cet amendement suggère que les investissements nécessaires à la mise en oeuvre de postes de télétravail puissent faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois.

Il vise non seulement les investissements en matériel informatique mais aussi en réseaux de télécommunications, car certaines entreprises développent des réseaux propres.

Un tel amendement me paraît aussi de nature à répondre à des préoccupations d'aménagement du territoire. Le développement du télétravail se fait assez naturellement dans les grands pôles urbains, mais il faut également développer ces activités nouvelles dans les territoires ruraux, où il est plus difficile d'inciter les entreprises à venir.

Un dispositif d'amortissement accéléré, en particulier pour les investissements souvent importants nécessaires pour les réseaux internes de télécommunications, permett rait de mieux diffuser ces nouveaux métiers sur l'ensemble du territoire national. Il n'y a pas de raison pour que les territoires ruraux, ceux de montagne, par exemple, soient exclus des emplois du XXe siècle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas été pleinement convaincue.

M. Michel Bouvard.

Dommage !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle a exprimé un avis défavorable, estimant qu'il s'agissait de saupoudrage et que, en outre, se posait un problème de contrôle du champ de la mesure proposée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 320.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Les amendements nos 87 et 83 ont été retirés du fait de l'adoption de l'amendement no 542.

M. Jean-Pierre Brard.

Tout à fait, monsieur le président. Mais je n'ai pas retiré les amendements suivants ! Article 5

M. le président.

« Art. 5. - I. - 1. Les articles 50 à 52 ter, 101 à 102, 265, 282 à 282 ter, 302 ter à 302 septies et 1694 du code général des impôts, le 6 de l'article 271 A et le 2o de l'article 296 du même code sont abrogés.

«

2. Les articles L. 5 à L. 9 du livre des procédures fiscales sont abrogés.

« II. - Le code général des impôts est modifié comme suit :

«

1. Au deuxième alinéa de l'article 1, les mots : "et 302 ter à 302 septies " sont supprimés.

«

2. Au deuxième alinéa du II de l'article 35 bis, les mots : "52 ter " sont remplacés par les mots : "50-0".

«

3. Au premier alinéa du II de l'article 44 octies, les mots : "ou fixé conformément à l'article 50, ou évalué conformément aux articles 101, 101 bis et 102," sont supprimés.

«

4. Au II de l'article 44 decies, les mots : "à l'article 50 ou" sont supprimés.

«

5. L'article 50-0 est ainsi rédigé :

«

1. Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 500 000 francs hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, ou 175 000 francs hors taxes s'il s'agit d'autres entreprises, sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices.

« Lorsque l'activité d'une entreprise se rattache aux deux catégories définies au premier alinéa, le régime défini au présent article n'est applicable que si son chiffre d'affaires hors taxes global annuel n'excède pas 500 000 francs et si le chiffre d'affaires hors taxes annuel afférent aux activités de la deuxième catégorie ne dépasse pas 175 000 francs.

« Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation, est égal au montant du chiffre d'affaires hors taxes diminué d'un abattement de 70 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la première catégorie ou de 50 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la deuxième catégorie. Ces abattements ne peuvent être inférieurs à 2 000 francs.

« Les plus ou moins-values mentionnées au troisième alinéa sont déterminées et imposées dans les conditions prévues aux articles 39 duodecies à 39 quinquies , sous réserve des dispositions de l'article 151 septies.

Pour l'application de la phrase précédente, les abattements mentionnés au troisième alinéa sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire.

« Sous réserve des dispositions du b du 2, ce régime demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les chiffres d'affaires limites mentionnés au premier alinéa sont dépassés. En ce cas, le montant de chiffre d'affaires excédant ces limites ne fait l'objet d'aucun abattement.

« Les dispositions du quatrième alinéa ne sont pas applicables en cas de changement d'activité.

«

2. Sont exclus de ce régime :

« a) les membres du foyer fiscal qui exploitent plusieurs entreprises dont le total des chiffres d'affaires excède les limites mentionnées au premier alinéa du 1, appréciées, s'il y a lieu, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de ce même 1 ;

« b) les contribuables qui ne bénéficient pas des dispositions des I et II de l'article 293 B. Cette exclusion prend effet à compter du 1er janvier de l'année de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

« c) les sociétés ou organismes dont les résultats sont imposés selon le régime des sociétés de personnes défini à l'article 8 ;

« d) les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés ;

« e) les opérations portant sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

« f) les opérations de location de matériels ou de biens de consommation durable, sauf lorsqu'elles présentent un caractère accessoire et connexe pour une entreprise industrielle et commerciale ;

« g) les opérations visées au 8o du I de l'article 35.

«

3. Les contribuables concernés portent directement le montant du chiffre d'affaires annuel et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de cette même année sur la déclaration prévue à l'article 170. Ils joignent à cette déclaration un état conforme au modèle fourni par l'administration. Un décret en Conseil d'Etat précise le contenu de cet état.

«

4. Les entreprises placées dans le champ d'application du présent article ou soumises au titre de l'année 1998 à un régime forfaitaire d'imposition peuvent opter pour un régime réel d'imposition. Cette option doit être exercée avant le 1er février de la première année au titre de laquelle le contribuable souhaite bénéficier de ce régime.

Toutefois, les entreprises soumises de plein droit à un régime réel d'imposition l'année précédant celle au titre de laquelle elles sont placées dans le champ d'application du présent article, exercent leur option l'année suivante, avant le 1er février. Cette dernière option est valable pour l'année précédant celle au cours de laquelle elle est exercée. En cas de création, l'option peut être exercée sur la déclaration visée au 1o de l'article 286.

« Les options mentionnées au premier alinéa sont irrévocables tant que l'entreprise reste de manière continue dans le champ d'application du présent article.


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«

5. Les entreprises qui n'ont pas exercé l'option visée au 4 doivent tenir et présenter, sur demande de l'administration, un registre récapitulé par année, présentant le détail de leurs achats, et un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes professionnelles, appuyés des factures et de toutes autres pièces justificatives.

«

6. Le premier alinéa de l'article 53 A est ainsi modifié :

« a) les mots : "du 1 bis de l'article 302 ter et" sont supprimés ;

« b) les mots : "visés aux articles 50-0 et 50" sont remp lacés par les mots : "soumis au régime défini à l'article 50-0".

«

7. Au premier alinéa de l'article 60, les mots : "et, en outre, suivant des modalités particulières fixées par décret pour celles de ces sociétés qui sont admises au régime du forfait" sont supprimés.

«

8. A l'article 95, les mots : "soit sous le régime de l'évaluation administrative du bénéfice imposable" sont remplacés par les mots : "soit sous le régime déclaratif spécial".

«

9. A la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 100, les mots : "le régime de l'évaluation administrative" sont remplacés par les mots : "le régime déclaratif spécial".

«

10. L'article 102 ter est ainsi rédigé :

« 1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 175 000 francs hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 35 % avec un minimum de 2 000 francs.

« 2. Les contribuables visés au 1 portent directement sur la déclaration prévue à l'article 170 le montant des recettes annuelles et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de cette même année. Ils joignent à cette déclaration un état conforme au modèle fourni par l'administration. Un décret en Conseil d'Etat précise le contenu de cet état.

« 3. Sous réserve des dispositions du 6, les dispositions prévues aux 1 et 2 demeurent applicables pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle la limite définie au 1 est dépassée. En ce cas, le montant des recettes excédant cette limite ne fait l'objet d'aucun abattement.

« 4. Les contribuables visés au 1 doivent tenir et, sur demande du service des impôts, présenter un document donnant le détail journalier de leurs recettes professionnelles.

« 5. Les contribuables qui souhaitent renoncer au bénéfice du présent article peuvent opter pour le régime visé à l'article 97.

« Cette option doit être exercée dans les délais prévus pour le dépôt de la déclaration visée à l'article 97. Ellle est irrévocable tant que le contribuable reste de manière continue dans le champ d'application du présent article.

« 6. Les contribuables qui ne bénéficient pas des dispositions des I et II de l'article 293 B sont exclus du bénéfice du présent article à compter du 1er janvier de l'année de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

« 11. A l'article 103, les mots : " des articles 96 à 102 et des articles L. 7, L. 8, L. 53 et L. 191 du livre des procédures fiscales " sont remplacés par les mots : " des articles 96 à 100 bis et de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales ".

« 12. Au premier alinéa de l'article 151 septies, les mots : " ou de l'évaluation administrative " sont remplacés par les mots : " prévue aux articles 64 à 65 A ou des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter, appréciée toutes taxes comprises ".

« 13. Au premier alinéa du 4 de l'article 158, les mots : " , 302 ter à 302 septies " et les mots : " et des articles L. 5, L. 6 et L. 8 du livre des procédures fiscales " et les mots : " et des articles L. 7 et L. 8 du livre des procédures fiscales " sont supprimés.

« 14. Au deuxième alinéa du 1 de l'article 167, le membre de phrase commençant par les mots : " ; toutefois, en ce qui concerne " et qui se termine par les mots : " et la date du départ " est supprimé.

« 15. Au 1 de l'article 172, les mots : ", 101, 302 sexies " sont supprimés.

« 16. Au premier alinéa de l'article 175, les mots : " Exception faite de la déclaration prévue à l'article 302 sexies qui doit être souscrite avant le 16 février, " sont supprimés.

« 17. Au premier alinéa de l'article 199 quater B, les mots : " ou de l'évaluation administrative " sont remplacés par les mots : " prévu aux articles 64 à 65 A ou des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter ".

« 18. L'article 201 est ainsi modifié :

« a) le 2 est abrogé ;

« b) au premier alinéa du 3, les mots : " non assujettis au forfait ", sont remplacés par les mots : " assujettis à un régime réel d'imposition " ;

« c) il est inséré un 3 bis ainsi rédigé :

« 3 bis. Les contribuables soumis au régime défini à l'article 50-0 qui cessent leur activité en cours d'année sont tenus de faire parvenir à l'administration, dans le délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration et l'état mentionnés au 3 de l'article 50-0. »

;

« d) au 4, les mots : " A l'exception des troisième et quatrième alinéas du 2, " sont supprimés.

« 19. Au premier alinéa du 2 de l'article 202, les mots : " ou à l'article 101 " sont remplacés par les mots : " ou au 2 de l'article 102 ter ".

« 20. A l'article 202 bis, les mots : " de l'évaluation administrative ou du forfait " sont remplacés par les mots : " du forfait prévu aux articles 64 à 65 A ou des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter, appréciées toutes taxes comprises ".

« 21. La dernière phrase du premier alinéa du 1 de l'article 204 est supprimée.

« 22. Au deuxième alinéa du 2 de l'article 206, après le mot : " forfait " sont insérés les mots : " prévu aux articles 64 à 65 A ".

« 23. Au deuxième alinéa de l'article 221 bis, les mots : " ou de l'évaluation administrative " sont remplacés par les mots : " prévu aux articles 64 à 65 A ou des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter, appréciée toutes taxes comprises ".

« 24. Au deuxième alinéa du I de l'article 238 bis K, après les mots : " du forfait " sont ajoutés les mots : " prévu aux articles 64 à 65 A ".


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« 25. L'article 286 est ainsi modifié :

« a) les dispositions du premier alinéa constituent le I ;

« b) il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. Les assujettis bénéficiant de la franchise de taxe mentionnée au I de l'article 293 B sont dispensés des obligations mentionnées au 3o du I. Ils doivent toutefois tenir et, sur demande du service des impôts, présenter un registre récapitulé par année, présentant le délai de leurs achats, ainsi qu'un livre journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes professionnelles afférentes à ces opérations ; appuyés des factures et de toutes autres pièces justificatives ».

« 26. l'article 293 B est ainsi rédigé :

« I. 1. Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils n'ont pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires supérieur à :

« a) 500 000 francs s'ils réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement ;

« b) 175 000 francs s'ils réalisent d'autres prestations de services.

« 2. Lorsqu'un assujetti réalise des opérations relevant des deux limites définies au 1, le régime de la franchise ne lui est applicable que s'il n'a pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires global supérieur à 500 000 francs et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services autres que des ventes à consommer sur place et des prestations d'hébergement supérieur à 175 000 francs.

« II. 1.

Les dispositions du I cessent de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse le montant de 550 000 francs s'ils réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement, ou 200 000 francs s'ils réalisent d'autres prestations de services.

«

1. Pour les opérations réalisées par les avocats, un travail d'Etat et à la Cour de cassation et les avancés dans le cadre de l'activité définie par la réglementation applicable à leur protection ;

«

2. Pour les assujettis visés au 2 du I, le régime de la franchise cesse de s'appliquer lorsque le chiffre d'affaires g lobal de l'année en cours dépasse le montant de 550 000 francs ou lorsque le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement dépasse le montant de 200 000 francs.

«

3. Les assujettis visés aux 1 et 2 deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres sont dépassés.

« III. Le chiffre d'affaires limite de la franchise prévue au I est fixé à 245 000 francs :

«

1. Pour les opérations réalisées par les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués, dans le cadre de l'activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;

«

2. Pour la livraison de leurs oeuvres désignées aux 1o à 12o de l'article L.

112-2 du code de la propriété intellectuelle et la cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi par les auteurs d'oeuvres de l'esprit, à l'exception des architectes.

« Ces dispositions s'appliquent également aux artistesinterprètes visés à l'article L.

212-1 du code de la propriété intellectuelle pour l'exploitation des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi.

« IV. Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services qui n'ont pas bénéficié de l'application de la franchise prévue au III, ces assujettis bénéficient également d'une franchise lorsque le chiffre d'affaires correspondant réalisé au cours de l'année civile précédente n'excède pas 100 000 francs.

« Cette disposition ne peut pas avoir pour effet d'augmenter le chiffre d'affaires limite de la franchise afférente aux opérations mentionnées au 1 ou au 2 du III.

« V. Les dispositions du III et du IV cessent de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse respectivement 300 000 francs et 120 000 francs. Ils deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et pour les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés. ».

«

27. L'article 293 C est ainsi modifié :

« a) les mots : "I et II" sont remplacés par les mots : "I, II et IV" ;

« b) au 1o , après les mots : "visées au 7o " sont ajoutés les mots : ", au 7o bis et au 7o ter ".

«

28. L'article 293 D est ainsi modifié :

« a) au I, les mots : "Le chiffre d'affaires mentionné aux I et II de l'article 293 B est constitué" sont remplacés par les mots : "Les chiffres d'affaires mentionnés aux I, II et IV de l'article 293 B sont constitués" ; le dernier alinéa est supprimé ;

« b) au III, les mots : "les limites de 100 000 francs et 245 000 francs" sont remplacés par les mots : "les limites mentionnées au I, au III et au IV du même article". »

«

29. L'article 293 E est ainsi rédigé :

« Les assujettis bénéficiant d'une franchise de taxe mentionnée à l'article 293 B ne peuvent opérer aucune déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ni faire apparaître la taxe sur leurs factures, notes d'honoraires ou sur tout autre document en tenant lieu.

« En cas de délivrance d'une facture, d'une note d'honoraires ou de tout autre document en tenant lieu par ces assujettis pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, la facture, la note d'honoraires ou le document doit comporter la mention : "TVA non applicable, article 293 B du code général des impôts." ».

«

30. L'article 293 G est ainsi modifié :

« a) les dispositions des premier et deuxième alinéas constituent désormais le I ;

« b) au deuxième alinéa du I, les mots : "au I" sont remplacés par les mots : "au IV" ;

« c) il est ajouté un II et un III ainsi rédigés :

« II. Les assujettis visés au I peuvent, le cas échéant, bénéficier de la franchise prévue au I de l'article 293 B pour l'ensemble de leurs opérations.

« III. Les franchises prévues au I de l'article 293 B, d'une part, et aux III et IV du même article, d'autre part, ne peuvent pas se cumuler. ».

«

31. Au 4o du I de l'article 298 bis, la deuxième phrase est ainsi rédigée : "Toutefois, l'article 302 septies A ne leur est pas applicable. ».


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«

32. L'article 302 septies A est ainsi modifié :

« a) au I, les mots : "qui ne sont pas placées sous le régime du forfait et" sont supprimés ;

« b) au III, les mots : "qui bénéficient de la franchise et de la décote et pour celles" sont supprimés.

«

33. L'article 302 septies A bis est ainsi modifié :

« a. au a du III, les mots : "du forfait" sont remplacés par les mots : "défini à l'article 50-0" ;

« b) le VI est ainsi modifié :

« au quatrième alinéa, les montants : "1 000 000 francs" et "300 000 francs" sont respectivement remplacés par les montants : "1 000 000 francs hors taxes" et "350 000 francs hors taxes" ;

« au cinquième alinéa, les mots : "à l'article 302 ter " sont remplacés par les mots : "au 1 de l'article 50-0".

«

34. L'article 302 septies A ter est ainsi modifié :

« a) au premier alinéa, les mots : "L'option pour les régimes simplifiés de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires et" sont remplacés par les mots : "L'option pour le régime simplifié" et les mots : " ; si elle est formulée au début de la seconde année d'une période biennale, le forfait est établi pour un an" sont supprimés ;

« b) au deuxième alinéa, les mots : "du bénéfice et du chiffre d'affaires réels" sont remplacés par les mots : "du bénéfice réel".

«

35. L'article 302 septies A quater est ainsi modifié :

« a. les premier et quatrième alinéas sont supprimés ;

« b. la troisième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : "Dans le cas contraire, le bénéfice est déterminé dans les conditions prévues à l'article 50-0 ou à l'article 102 ter, selon le cas". »

«

36. Le 5 du II de l'article 1647 B sexies est ainsi rédigé :

« En ce qui concerne les contribuables soumis à un régime d'imposition défini au 1 de l'article 50-0 ou à l'article 102 ter, la valeur ajoutée est égale à 80 % de la différence entre le montant des recettes et, le cas échéant, celui des achats. »

«

37. Au premier alinéa de l'article 1649 bis A, les mots : ", non soumis au régime du forfait," sont supprimés.

«

38. Au premier alinéa de l'article 1649 quater G, les mots : "ou 101 bis » sont supprimés.

«

39. Au 2 de l'article 1763, les mots : ", 100 et 302 sexies " sont remplacés par les mots : "et 100".

«

40. A l'article 1784, les mots : ", 293 E et 302 sexies " sont remplacés par les mots : "et 293 E".

« III. Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

«

1. Au deuxième alinéa du 3o de l'article L.

66, les mots : "ou de la déclaration prévue à l'article 302 sexies du même code" sont supprimés.

«

2. L'article L.

73 est ainsi modifié :

« a) au 1o , les mots : "imposables selon le régime du forfait ou un régime de bénéfice réel" et les mots : "ou à l'article 302 sexies du code général des impôts" sont supprimés ;

« b) le 2o est ainsi rédigé :

« Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus a ssimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal » ;

« c) il est inséré un 1o bis ainsi rédigé :

« 1o bis Les résultats imposables selon le régime d'imposition défini à l'article 50-0 du code général des impôts dès lors :

« a) qu'un des éléments déclaratifs visé au 3 de l'article précité n'a pas été indiqué ;

« b) ou que la différence entre le montant du chiffre d'affaires déclaré et celui du chiffre d'affaires réel est supérieure à 10 % du premier chiffre ;

« c) ou que la différence entre le montant des achats figurant sur le registre prévu au même texte et le montant des achats réels est supérieure de 10 % au premier chiffre ;

« d) ou qu'il a été constaté l'emploi de travailleurs clandestins dans l'exercice de cette activité. »

« d) il est inséré un 2o bis ainsi rédigé :

« 2o bis Les résultats imposables selon le régime d'imposition défini à l'article 102 ter du code général des impôts dès lors :

« a) qu'un des éléments déclaratifs visés au 2 de l'article précité n'a pas été indiqué ;

« b) ou que la différence entre le montant des recettes déclarées et celui du montant des recettes réelles est supérieure à 10 % du premier montant ;

« c) ou qu'il a été constaté l'emploi de travailleurs clandestins dans l'exercice de cette activité. »

«

3. A l'article L.

191, les mots : "ou de l'évaluation administrative" sont supprimés.

« IV. Les dispositions des I, II et III sont applicables pour la détermination des résultats des années 1999 et suivantes. »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf, inscrit sur l'article.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Les bons anonymes ne m'intéressent pas du tout ; si j'ai bien compris, on les achète avec de l'argent liquide et, deux ans, cinq ans ou dix ans plus tard, on récupère de l'argent liquide en échange. Je ne comprends pas très bien le mécanisme du blanchiment, mais la question me semble réglée.

L'article 5 me paraît d'une portée beaucoup plus considérable ; il concerne le régime et l'extension très importante du régime fiscal de la micro-entreprise. Cet article est d'une complexité sans nom, il couvre sept pages du bleu, écrites fin, comme on dit dans nos campagnes, et chaque mot compte.

Il réforme à la fois le code général des impôts et le livre des procédures fiscales mais ne touche pas au code du commerce. Il est donc difficile à analyser, non que le temps nous ait manqué, mais parce que la matière est très complexe, et, en ce qui me concerne, je ne suis pas sûr d'avoir saisi tous les tenants et aboutissants de cette mesure.

Cet article vise donc à simplifier et, en France, lorsqu'on parle de simplification administrative, tout le monde applaudit car cela suscite immédiatement un enthousiasme plus ou moins mesuré ; celui-ci, en l'occurrence, me semble démesuré. En tout cas, cette disposition soulève un certain nombre de problèmes, et toutes ses conséquences ne me semblent pas avoir été parfaitement évaluées.

La commission en a discuté très longtemps. Je trouve l'idée séduisante, mais le dispositif proposé, je le répète, soulève un assez grand nombre d'interrogations portant sur l'impact des mesures qu'il contient. Impact sur les entreprises, sur l'ensemble de l'économie française et - ce qui ne me paraît pas subsidiaire - sur l'administration fiscale.


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Impact sur les entreprises, d'abord. Un effet de masse est à attendre dans la mesure où nous allons créer un effet de seuil puissant. Il s'agit, je le rappelle, de porter à 500 000 francs, pour les entreprises faisant de l'achatrevente, le seuil d'application du statut fiscal de la microentreprise. Ce n'est pas rien ! Quid, d'abord, des outils et de l'adéquation de cette norme avec le code du commerce ? Pour toutes les entreprises qui entreront dans le champ de l'article 5, plus de forfait, plus d'outils d'analyse de ces entreprises, plus de bilan sérieux et fiable, à moins que cette obligation ne soit maintenue par le code du commerce, ce qui me semble être le cas. Le code du commerce continuant de s'appliquer et n'étant pas réformé par le dispositif de l'article 5, les obligations déclaratives demeurent, même si elles sont simplifiées.

En second lieu, la simplification est relative. Certes, de nombreuses formalités disparaissent, mais de nouvelles obligations déclaratives apparaissent, l'administration fiscale dispose de nouvelles possibilités pour procéder à des évaluations d'office, et une suppression de la décote et de la franchise de taxe qui découlent des articles 282, 282 bis et 282 ter du code général des impôts interviendra.

Simplification, donc, mais tempérée par certaines obligations nouvelles, et par quelques risques de « redressement », comme on dit au fin fond de la République française, chacun comprenant de quoi il s'agit.

J'ajoute qu'il serait bon de s'interroger sur la moralité de cette réforme. Je ne citerai qu'un seul exemple, mais mes sources sont réputées bonnes. Les entreprises d'achatrevente font un bénéfice net moyen de 10,6 %. Par un simple changement de disposition fiscale, avec le système des abattements, la mesure prévue à l'article 5 aura pour effet de faire monter ce bénéfice moyen à 30 %. Or ce serait le rêve pour de nombreux chefs d'entreprise de voir leur bénéfice s'accroître de près de 20 % par un simple changement de régime fiscal. Cet avantage doit donc nous conduire à nous interroger.

J'en viens aux effets pervers potentiels. Nous connaissons tous les effets de seuil et leurs incidences. Or l'effet de seuil que nous allons créer sera puissant. Nous connaissons tous la manière dont sont gérées les petites entreprises qui vont devenir des micro-entreprises, et nous savons comment le comportement du chef d'entreprise s'adapte.

Porter le seuil à 500 000 francs, avec toutes les simplifications réelles et les avantages fiscaux qui s'attachent à la disposition, va faire s'arc-bouter en dessous de ce seuil, c'est-à-dire à 499 000 francs de chiffre d'affaires annuel, de toutes les entreprises. Il y a donc un risque très important d'extension massive du travail dissimulé et un risque de distorsion de concurrence entre les entreprises qui continueront à facturer la TVA et celles qui n'y seront plus astreintes. Disant cela, j'anticipe un peu sur l'article 6 et je vous prie de m'en excuser, monsieur le président, mais je n'interviendrai pas sur cet article.

Je vois également dans cette disposition un risque pour l'emploi. Nous avons vu il y a quelques années dans d'autres professions, par exemple chez les exploitants f orestiers, le développement d'un phénomène qu'on appelle dans les grands groupes l'externalisation. On indique la sortie à l'unique salarié de l'entreprise, avec les moyens adéquats, juridiquement fondés ou non, et il y a création d'une entreprise : on achète une tronçonneuse, des chaussures de sécurité, et le salarié est à son compte avec un employeur unique. Ce risque d'externalisation me paraît réel si les entreprises veulent rester en dessous du seuil de 500 000 francs de chiffre d'affaires annuel, et il y aura en fin de compte des suppressions d'emplois.

Cet article me semble donc receler des effets pervers importants, tant le seuil est déplacé vers le haut.

Je poserai pour finir une question dont j'ai dit en préambule qu'elle ne me paraissait pas subsidiaire. Beaucoup de simplification veut dire du travail administratif en moins. Nous sommes donc en droit de vous demander quelle sera l'incidence de cette mesure sur l'emploi dans votre administration. Cette question n'est pas scandaleuse. Si une simplification administrative peut permettre une optimisation des moyens de l'Etat, aucune personne raisonnable ne peut être contre, et je ne suis évidemment pas contre. Mais nous aimerions en savoir un peu plus quant à l'incidence de cette disposition sur les effectifs de l'administration centrale ou des administrations déconcentrées.

Certaines de ces questions ont trouvé un commencement de réponse lors des débats de la commission, qui ont été très longs. Une simplification administrative est toujours bienvenue. L'article 5 sera adopté par l'Assemblée et je le voterai. Je souhaite cependant que nous nous penchions pendant la navette sur l'analyse de tous ces points, et que nous puissions obtenir des réponses aux questions que nous nous posons ou qu'on nous pose, afin que le dispositif soit adapté et permette une véritable simplification, conforme à l'intérêt général.

M. le président.

Vous avez parlé fort longtemps monsieur Adevah-Poeuf, mais M. Brard, dont la pensée este xtrêmement concise, ne parlera pas plus de cinq minutes.

M. Jean-Pierre Brard.

Il y a au moins une différence entre notre collègue Maurice Adevah-Poeuf et nous, c'est que, quand nous ne sommes pas d'accord, nous avons du mal à voter pour !

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oh !

M. Jean-Pierre Brard.

Je vois que M. le ministre est étonné d'une telle logique, que Descartes ne désavouerait pourtant point !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je suis plutôt cartésien !

M. Jean-Pierre Brard.

Je n'ai pas dit que vous étiez un mystique ! (Sourires.)

Mais je pense que vous êtes plutôt un adepte du tiers exclu.

(Nouveaux sourires.)

Nous sommes très réservés sur l'article 5, qui tend à relever le seuil d'application du régime des microentreprises à 500 000 francs pour les entreprises d'achatrevente de marchandises ou de fourniture de logements, et à 175 000 francs pour les autres entreprises prestataires de services et les titulaires de revenus non commerciaux.

En vertu des dispositions de cet article, le bénéfices erait fixé directement à partir de la déclaration d'ensemble des revenus, par application au montant des recettes déclarées d'un taux forfaitaire d'abattement fixé à 70 % pour les activités d'achat-revente, à 50 % pour les prestataires de services et à 35 % pour les professions non commerciales.

En matière de TVA, tous les redevables concernés par le régime de la micro-entreprise seraient dispensés de la taxe due.

Ce nouveau régime supprime le régime du forfait ainsi que celui de l'évaluation administrative.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Nous ne pouvons que prendre au sérieux les interrogations, si ce n'est les inquiétudes, qui s'expriment aujourd'hui sur les effets pervers de la modification proposée.

Le syndicat unifié des impôts, dont on connaît la pertinence, ainsi que celle, d'une manière générale, des autres syndicats des impôts, qui ont le sens de l'Etat comme des intérêts et des finances publiques, estime que l'article 5 constitue une trappe à fraude fiscale, quelque 500 000 entreprises, soit de 15 à 20 % des entreprises et professions libérales, sortant du régime déclaratif professionnel et étant dispensées du dépôt d'une déclaration annuelle autre que la déclaration d'ensemble des revenus.

La dispense d'un reversement de la TVA présente le risque de voir des entreprises attirées par l'effet d'aubaine choisir abusivement ce régime et faciliter la création de montages frauduleux afin d'échapper à l'impôt.

Le même syndicat craint que l'absence de déclarations professionnelles ne constituent également un encouragement implicite pour le recours au travail clandestin et soutient que le coût budgétaire de la mesure, estimé à 500 millions de francs, est manifestement sous-évalué.

Il évoque, enfin, le risque de distorsion de concurrence, les entreprises bénéficiant du nouveau régime étant dans la capacité de baisser leurs prix du montant de la TVA, ce que ne pourront pas faire leurs concurrentes soumises au régime simplifié d'imposition.

Ces arguments méritent d'être pris au sérieux. S'il convient d'avancer sur la voie de la simplification administrative - il est vrai qu'il y a trop de complexité -, cela ne saurait se traduire par un encouragement à une fraude fiscale qu'il convient au contraire de mieux combattre.

Nous ne pouvons que juger recevable la proposition avancée par le syndicat unifié des impôts, qui prend en compte les deux préoccupations suivantes : maintenir le régime actuel des micro-entreprises dont le chiffre d'affaires annuel n'excéderait pas 100 000 francs hors taxes pour les activités accessoires et non professionnelles ; appliquer au-delà de ce seuil le régime simplifié d'imposition, dont les modalités sont allégées par l'article 6 du projet de loi de finances, qui tend à réduire à une déclaration annuelle les formalités déclaratives.

Des formalités qui se limiteraient dans les faits à deux déclarations professionnelles par an en matière de TVA, et à une en matière de bénéfices seraient tout à fait compatibles avec le souci légitime d'une simplification administrative, tout en évitant les effets pervers dont nous paraît porteur l'article 5 dans sa rédaction actuelle.

J'ajoute que, si le Gouvernement tenait absolument à sa proposition - mais nous savons qu'il accepte la discussion et qu'il ne peut donc être acharné à tenir à une disposition uniquement parce que c'est la sienne,...

M. Jean-Jacques Jégou.

Méfiez-vous parce que ça va vous coûter quelque chose !

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, je suis interrompu ! (Sourires.)

On pourrait, allais-je dire, procéder autrement en relevant d'une manière très progressive le seuil de départ pour évaluer les conséquences, en particulier en termes de fraude - un peu dans le même esprit que la proposition de notre président de commission sur un autre sujet -, avec une remontée, très modeste pour commencer, du plafond, suivie d'une évaluation au bout d'une année pour apprécier l'opportunité d'aller plus loin. On pourrait donc procéder ainsi même si la proposition du syndicat unifié des impôts nous semble meilleure parce qu'elle tient compte de la diversité des situations.

M. Christian Cuvilliez.

Voilà qui est très convaincant !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je voudrais dire à M. Adevah-Poeuf et à M. Brard que les questions qu'ils ont posées sont évidemment bonnes. Nous allons essayer d'y répondre.

Dans l'ensemble, les aspects évoqués ont été beaucoup débattus avant même que le projet de loi ne soit élaboré.

Ils l'ont été ensuite au sein de la commission des finances. Ils laissent peser des interrogations sur l'ampleur des conséquences de la mesure. Mais ils font au total apparaître ses formidables avantages.

Il s'agit bien d'une simplification, dont 500 000 entreprises vont bénéficier. Ainsi, ce sont 7 millions de formulaires existant en 1998 qui ne seront plus nécessaires en 1999.

On veut de la simplification ou l'on n'en veut pas ! En l'occurrence, celle que le Gouvernement vous propose est massive.

Quel est l'avantage de la simplification ? Il est, cela va sans dire, majeur pour les entreprises. Mais il est aussi très important pour l'administration car nous pourrons grâce à elle dégager un nombre important d'agents pour les concentrer sur le contrôle fiscal, dont M. Brard a appelé de ses voeux le renforcement.

Plusieurs sujets d'inquiétude ont été évoqués.

M. Adevah-Poeuf et M. Brard craignent une distorsion de concurrence. Elle sera beaucoup moins grande qu'on peut le penser. En effet, il ne leur aura pas échappé que la micro-entreprise qui ne sera plus soumise au régime de la TVA ne récupérera pas de TVA. Dans ces conditions, l'avantage qu'elle en tirera en termes de simplification sera grand, mais il pourra, en termes financier, être extrêmement limité. Pour beaucoup d'entreprises, les investissements qui peuvent être nécessaires à leur démarrage ne généreront plus de TVA déductible et c'est pourquoi la distorsion de concurrence sera relativement faible.

D'ailleurs, dans un pays qui pratique un système analogue à celui qui vous est proposé et avec un seuil comparable - je veux parler du Royaume-Uni -, aucune critique n'a été formulée et aucune distorsion de concurrence massive n'est apparue.

En revanche, la disposition proposée facilitera la création d'entreprises. Elle lèvera en effet l'un des obstacles - il est loin d'être le seul - à la création d'entreprises : la difficulté de fournir les fameux sept millions de formulaires.

L'emploi s'en trouvera favorisé, dans la mesure où l'on c onsidère que toute création d'entreprise favorise l'emploi. Mais je pense que nous pouvons tous être d'accord là-dessus.

S'agissant donc de la concurrence, l'avantage pour l'entreprise n'est pas financier, mais de simplification.

L'avantage financier, s'il existe, est extrêmement modeste en raison même de l'impossibilité de déduire la TVA à payer. Le risque de distorsion de concurrence, qu'on ne peut écarter sur le plan théorique, même si les arguments que je viens d'énoncer viennent le limiter, n'a pas posé de problème dans un pays qui expérimente le même régime depuis un certain temps.

Les taux de bénéfices ont-ils été opportunément choisis ? Evidemment, il s'agit de moyennes, d'approximations. Pour coller au plus près de la réalité, trois taux dif-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

férents ont été fixés : un taux pour l'achat et la revente, un deuxième pour les prestations de services et un troisième pour les bénéfices non commerciaux.

Il sera toujours loisible à l'entreprise ou à l'entrepreneur qui considèrent que leur situation ne correspond pas à cette moyenne, de revenir au système de la TVA en termes réels, c'est-à-dire au droit commun. Personne ne sera donc pénalisé par la procédure proposée puisque le choix du droit commun sera toujours possible.

Imaginons une entreprise qui aurait, malgré sa petite taille et son chiffre d'affaires peu élevé, réalisé des investissements importants qui la conduiraient à regretter de ne pouvoir déduire la TVA payée ! Elle pourra toujours revenir, si elle le souhaite, au régime du réel, tel qu'il s'applique actuellement à toutes les entreprises.

La question des règles comptables a été évoquée par

M. Adevah-Poeuf. Je dois le rassurer : les règles comptables qui seront mises en oeuvre seront les mêmes que celles qui existaient auparavant. Bien sûr, la microentreprise devra tenir un livre des achats et des recettes, délivrer des factures et en conserver les doubles. Mais le reste des obligations comptables seront les mêmes qu'auparavant, je le répète.

Il n'y a donc ni plus ni moins de risques de fraude. De toute façon, ce genre de risque existe toujours. Cela dit, comme les moyens dégagés permettront de renforcer le contrôle fiscal, il n'y aura sans doute pas moins de risques de fraude, mais il y aura moins de fraudes non sanctionnées.

Je ne pense donc pas que, de ce point de vue, il faille avoir de l'inquiétude.

L'un d'entre vous a évoqué le problème dû aux effets de seuil.

Toute mesure qui prévoit un seuil provoque un effet de seuil. Mais comme la mesure existe déjà sous une autre forme - un régime concerne les micro-entreprises proposées dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 100 000 francs - un effet de seuil se faisait déjà sentir. Il sera déplacé, voilà tout. On n'accroîtra pas pour autant son importance et j'aurais même tendance à penser qu'on la diminuera.

Actuellement, toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 000 francs profitent du régime de micro-entreprise et aucune d'entre elles n'a intérêt à passer au réel. Avec la taxation du nouveau seuil de 500 000 francs les entreprises qui s'en rapprocheront passeront en plus grand nombre au réel. De ce point de vue, l'effet de seuil sera moins fort qu'il ne l'était auparavant puisqu'un pourcentage plus élevé d'entreprises se situant sous le seuil choisiront néanmoins le réel pour la raison que j'ai avancée tout à l'heure, notamment dans le cas où les investissements seront relativement importants.

Pour certains, il faudrait mettre en oeuvre la mesure progressivement. Mais il y aurait un inconvénient à procéder de la sorte car on ne dégagerait pas d'effectifs suffisants pour renforcer les services du contrôle fiscal. Pour dégager des effectifs significatifs, il faut que la mesure elle-même soit significative et elle ne le sera pas si son application est étalée sur un grand nombre d'années. Or nous partageons tous le souci qu'avait exprimé M. Brard dans son rapport sur le contrôle fiscal : augmenter les moyens du contrôle.

Au total, il s'agit donc d'une mesure, tout le monde l'a reconnu, de grande simplification, d'une mesure qui facilitera la création d'entreprises, et donc l'emploi, d'une mesure qui permettra à l'administration de dégager des moyens et donc d'accroître le contrôle fiscal.

Les syndicats auxquels vous avez fait allusion, monsieur Brard, n'avaient sans doute pas à l'esprit que Christian Sautter et moi-même avions l'intention d'utiliser les moyens ainsi dégagés pour augmenter le contrôle fiscal.

D'où leurs craintes de voir apparaître, avec le nouveau système, des risques de fraude supplémentaires. Mais dès lors que les moyens dégagés seront concentrés sur le contrôle fiscal, ce à quoi je m'engage, les risques redoutés par les syndicats n'ont plus lieu d'être.

Voilà un ensemble de dispositions qui me semblent bien adaptées pour les entreprises, pour l'administration et pour l'emploi. Quant à moi, je ne perçois pas de risques d'effets pervers aussi massifs que ceux que vous avez évoqués.

Mettons en oeuvre le nouveau système, et nous verrons ensemble comment les choses se seront passées pendant la première année de son application.

Personne ne doit être têtu, monsieur Brard ! Vous reconnaissiez tout à l'heure que le Gouvernement écoute.

Soyez assuré qu'il vous écoute ! En conséquence, si l'on constatait, après un an d'application, que certains des effets pervers que vous avez craints et auxquels je ne crois pas trop, se faisaient sentir, il faudrait apporter les corrections qui s'imposent.

Je suis pour ma part convaincu que le nouveau système simplifiera la vie d'un nombre considérable d'entreprises et qu'il suscitera des vocations de création de petites entreprises, dont nous avons, c'est clair, grand besoin.

M. Adevah-Poeuf, vous avez annoncé que vous voteriez l'article en dépit de vos réserves. Je voudrais lever vos réserves et vous dire de ne pas trop vous inquiéter...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je continue pourtant de m'inquiéter ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Brard a dit que, lorsqu'on n'est pas d'accord, on le dit. La logique est imparable. (Sourires.)

J'aimerais quant à moi qu'il soit un peu moins en désaccord qu'il ne l'était tout à l'heure et qu'il accepte que nous tentions l'expérience.

Enfin, que diable ! cette majorité est une majorité qui réforme ! Elle doit donc tenter des choses ! En l'occurrence, nous ne prenons pas de grands risques.

Tentons l'expérience et regardons comment cela fonctionne. Je suis persuadé que le résultat sera très positif. Si, d'aventure, des problèmes survenaient, nous les étudierions.

Laissez aller la réforme, monsieur Brard ! Laissez-nous avancer vers des changements ! Si nous avons toujours peur des effets pervers, nous risquons de ne plus rien réformer ! Or il faut que l'on réforme, il faut que l'on avance, il faut que l'on simplifie, il faut que l'on facilite la création et les pousses nouvelles ! Nous verrons au bout d'un an comment les choses se seront passées.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance. Elle est de droit.

M. le président.

En effet, mon cher collègue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, tout à l'heure, j'ai sans doute été à la fois trop long et insuffisamment clair.

M. Michel Bouvard et M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas possible ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais si !

M. Michel Bouvard.

Vous avez été mal compris ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je souhaiterais revenir sur un point très important : le contrôle fiscal dans les micro-entreprises et, à vrai dire, celui du contrôle fiscal en général.

Le contrôle fiscal peut être renforcé grâce aux effectifs dégagés par la mesure de simplification soumise à votre approbation. Pour le Gouvernement, il est clair, et il s'y engage devant l'Assemblée, que les effectifs en question devront être affectés au contrôle fiscal et qu'un contrôle particulier devra être effectué sur les entreprises qui bénéficieront de cette nouvelle mesure, de façon que nous voyions ensemble si les effets pervers - dont l'effet pervers fiscal, évoqué par certains d'entre vous - se matérialisent ou non.

Mais il faudra qu'à l'occasion de la seconde partie nous puissions reprendre la discussion sur le contrôle fiscal, auquel le Gouvernement a dit l'année dernière qu'il était attaché. Le Gouvernement a fait des efforts en ce sens pendant l'année et il entend les poursuivre.

A cet effet, il compte reprendre nombre de propositions qui émanent des parlementaires, notamment celles qui figurent dans le rapport de M. Brard.

Enfin, et c'est un autre aspect que je voulais évoquer à la suite de cette suspension de séance, les interrogations, que je comprends, ne doivent pas nous empêcher d'avancer. Comment ? La solution consiste à voir si les risques qui ont été évoqués se matérialisent. Si ce n'est pas le cas , et je privilégie plutôt cette hypothèse, tant mieux. Mais s'ils se matérialisent, il faudra apporter des corrections.

Il conviendra de suivre les effets de la mesure nouvelle sur plusieurs années, car un an ne suffira pas pour se prononcer.

Je vous propose donc que pendant les trois années à venir, le Gouvernement rende compe à l'Assemblée sur des résultats obtenus, des risques éventuels et de leur possible traduction dans la réalité.

Bien entendu, si certains des effets pervers évoqués devaient se matérialiser d'une manière ou d'une autre, que ce soit l'année prochaine, dans deux ans ou trois ans, il faudrait apporter des corrections.

Ainsi, la discussion parlementaire a permis d'améliorer la proposition faite par le Gouvernement. Nous avons bien balisé ce que nous voulons faire et cerné les risques éventuels. Cela vaut la peine de nous engager dans cette voie.

M. Marc Laffineur.

Un rapport de plus !

M. le président.

La parole est M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Nous donnons l'image de gens qui savent travailler ensemble,...

M. Marc Laffineur.

Il est convaincu !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous avez gagné un rapport !

M. Jean-Pierre Brard.

... ce à quoi nous n'avions pas été habitués dans le passé. Si j'ose dire, nous tricotons notre diversité pour avancer.

Mme Nicole Bricq.

Un point à l'endroit, un point à l'envers.

M. Jean-Pierre Brard.

Non, madame Bricq : tous les points à l'endroit, ce qui est différent ! Et ce n'est pas du point de croix, car il est réservé à l'opposition.

(Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est de la broderie !

M. Michel Bouvard.

C'est la toile de Pénélope !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce qui est très important dans ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, c'est que les effectifs dégagés seront réservés au contrôle fiscal et qu'on poursuivra nos efforts pour conjuguer éthique et fiscalité.

Par ailleurs, vous avez ouvert la voie pour qu'on discute en deuxième partie de mesures, qui seront évidemment examinées avec la commission des finances, et qui visent à intensifier la lutte contre la fraude.

Enfin, vous acceptez de suivre le principe de précaution, dans la mesure où vous êtes conscient qu'une disposition peut toujours générer des effets pervers. Et les dispositions fiscales, au fil des ans, en ont hélas ! généré beaucoup. L'engagement que vous prenez de produire un rapport pendant trois années est pour nous extrêmement satisfaisant.

Les trois dispositions que vous avez énoncées sont de nature à constituer des balises, qui permettent d'envisager cet article 5 autrement que je ne l'avais fait dans mon propos liminaire.

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou.

La vision de M. Brard s'est éclaircie !

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Les réponses du Gouvernement me semblent satisfaisantes. Je ne suis pas un fanatique du contrôle fiscal, mais je conviens qu'il en faut.

Pourriez-vous tout de même nous confirmer, monsieur le ministre, que les trois rapports annuels seront déposés à l'ouverture de la session parlementaire, le 1er octobre, de façon que leurs conclusions puissent être exploitées pour la préparation de la loi de finances ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est bien ainsi que je l'entendais.

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 344, ainsi rédigé :

« Substituer aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du 5 du II de l'article 5 les deux alinéas suivants :

« Les dispositions de l'article 93 du code général des impôts sont applicables aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 500 000 francs hors taxes s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de v endre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 175 000 francs hors taxes s'il s'agit d'autres entreprises, pour l'imposition de leurs bénéfices.

« Lorsque l'activité d'une entreprise se rattache aux deux catégories définies au précédent alinéa, le régime défini au présent article n'est applicable que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

si son chiffre d'affaires hors taxes global sur l'année n'excède pas 500 000 francs et si le chiffre d'affaires hors taxes annuel afférent aux activités de la seconde catégorie ne dépasse pas 175 000 francs. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Nous avons assisté ce soir à un...

M. Philippe Auberger.

Festival !

M. Gilbert Gantier.

... une discussion très intéressante.

Pendant la suspension de séance, la majorité plurielle a fait un effort pour se mettre au singulier.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'avez rien compris à la conjugaison, monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier.

Il y a eu conclusion d'un contrat entre le Gouvernement et M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

On a « pacsé » !

M. Gilbert Gantier.

Le Gouvernement a fourni les éléments du contrat et M. Brard a dit : « Ça marche sous telle et telle condition ! » Votre discussion budgétaire est assez cocasse. Il faudra, mes chers collègues, que vous vous en souveniez.

M. Jean-Pierre Brard.

Profitez de la leçon !

M. Gilbert Gantier.

L'article 5 concerne les microentreprises, celles qui n'ont ni direction juridique, ni direction fiscale et qui n'ont peut-être même pas les moyens de prendre un conseiller fiscal ou un avocat chez Francis Lefebvre ou ailleurs. Ce sont donc des gens simples et sans doute, monsieur le ministre, avez-vous pensé à leur envoyer, pour leur bonne information, les huit pages serrées de cet article, plus un exemplaire du code général des impôts, abondamment cité dans le petit 1 du grand I, plus, pour faire bon compte, le livre des procédures fiscales... Tout cela contribuera utilement à leur formation et à leur éducation.

On voit que cette simplification fiscale reste assez compliquée. Et c'est la raison pour laquelle, avec l'amendement no 344, je propose de simplifier la simplification.

Jusqu'à présent, les micro-entreprises étaient assujetties au régime des bénéfices industriels et commerciaux, le BIC de l'impôt sur le revenu. La méthode d'évaluation du bénéfice était celle du forfait : on retenait comme bénéfice imposable 50 % du chiffre d'affaires annuel.

Ce régime était destiné à des entreprises qui, on le présumait, n'avaient pas les moyens de tenir une comptabilité détaillée. Mais s'il reste viable pour de très petites structures dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 100 000 francs, il pose quelques problèmes quand on porte le seuil à 500 000 francs pour les entreprises d'achat-revente, et à 175 000 francs pour les autres.

Avec un taux d'abattement de 70 % sur le chiffre d'affaires annuel, l'administration fiscale estime le bénéfice retiré d'une opération d'achat-revente à 30 %. On peut se demander si ce chiffre de 30 % est acceptable. Pour ma part, j'ai consulté un grand nombre de centres de gestion et ils estiment que la moyenne statistique du bénéfice réellement perçu par les entreprises concernées ne dépasse guère 10 %. L'évaluation forfaitaire de leur bénéfice semble donc critiquable. Elle risque d'obérer la situation financière d'un grand nombre d'entre elles : 400 000 seraient visées par ces contrôles que M. Brard, d'ailleurs, veut accentuer et multiplier.

La modification que je propose vise à appliquer à ces entreprises l'article 93 du code général des impôts, qui préconise la méthode d'évaluation du bénéfice net, c'està-dire le chiffre d'affaires amputé des charges nécessaires au fonctionnement de l'entreprise. Je pense en effet que l'article 5 aurait dû laisser le choix de la méthode d'évaluation.

Telle est l'économie de l'amendement no 344.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il est vrai que l'article 5 a suscité quelques interrogations, mais je pense que le débat que nous venons d'avoir y répond en grande partie. Les rapports et le suivi de cette réforme devraient nous permettre, au fil de son application, de remédier à d'éventuels effets pervers.

M. Gantier propose de supprimer le régime du BIC pour les micro-entreprises et de lui substituer le régime du BNC.

M. Gilbert Gantier.

Non, c'est une option.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a estimé que cette proposition n'était ni complètement cohérente ni complètement pertinente. Elle a donc formulé un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Gantier, vous fondez votre argumentation sur des informations - nombreuses, j'en suis sûr - que vous avez recueillies auprès des centres de gestion. Il n'est pas très surprenant qu'ils soient opposés à une mesure qui vise à supprimer les obligations déclaratives, puisque c'est une partie de leur activité.

M. Philippe Auberger.

C'est leur fonds de commerce ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La source d'information que vous avez choisie obère beaucoup la réalité des chiffres que vous évoquez.

Je pense donc qu'il faut en rester au texte du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 344.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Meylan, Laffineur et Proriol ont présenté un amendement, no 367, ainsi rédigé :

« Compléter le troisième alinéa du 5 du II de l'article 5 par la phrase suivante : "Les entreprises du bâtiment relèvent, quel que soit le montant des matériaux mis en oeuvre, de la deuxième catégorie visée au premier alinéa, c'est-à-dire du seuil de 175 000 francs". »

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Une question pour commencer, monsieur le ministre : vous annoncez 7 millions de formulaires en moins ; combien de postes de fonctionnaires allez-vous pouvoir ainsi libérer pour effectuer les contrôles fiscaux nécessaires ? Il serait intéressant que vous puissiez donner ce chiffre à la représentation nationale. Il serait intéressant aussi de voir combien de rapports ont été demandés, depuis que je suis député, lors de la discussion de la loi de finances.

M. Michel Bouvard.

Et surtout ce qui en a été fait !

M. Marc Laffineur.

Je crois que l'on serait impressionné par le nombre et de ceux qui ont été demandés, et de ceux qui ont été réalisés, sans même parler de ce qui en a été fait ensuite.

M. Philippe Auberger.

Qui les lit ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Marc Laffineur.

L'extension du régime du BIC permet une réelle simplification des charges administratives pour de nombreuses entreprises. Toutefois, l'application du seuil de 500 000 francs, dont relèvent grand nombre d'entreprises du bâtiment, comporte pour ce secteur d'activité des risques majeurs, tels que le développement du tâcheronnage et l'apparition de distorsions de concurrence au détriment des PME de cinq ou six personnes, sachant que ces 500 000 francs correspondent au chiffre d'affaires d'un artisan avec un apprenti.

C'est pourquoi nous demandons que le seuil de 175 000 francs soit applicable aux entreprises du bâtiment.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis défavorable.

Ce que vous dites, monsieur Laffineur peut se vérifier, d'où l'intérêt du suivi et des rapports demandés. Mais l'adoption de votre amendement pourrait avoir pour conséquence de créer un véritable choc fiscal pour les actuels forfaitaires du bâtiment, notamment ceux dont le c hiffre d'affaires est compris entre 100 000 et 500 000 francs, qui seraient brutalement précipités dans le champ du régime réel simplifié d'imposition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 367.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement no 3, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du quatrième alinéa du 5. du II de l'article 5, après les mots : "d'activités de la première catégorie", substituer au mot : "ou", les mots : "et d'un abattement". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du cinquième alinéa du 5 du II de l'article 5, substituer au mot : " quinquies ", le mot : " quindecies ". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Correction d'une erreur de référence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 547, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du sixième alinéa du 5 du II de l'article 5, substituer aux mots : "au premier alinéa", les mots : "aux premier et deuxième alinéas". »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je présenterai dès à présent l'ensemble des amendements nos 547 à 553.

Les amendements no 547 et 548 précisent que les limites d'application du régime des micro-entreprises s'apprécient par rapport à la situation d'un seul contribuable et non au niveau de l'ensemble des personnes constituant le foyer fiscal.

Les amendements no 549, 550, 551 et 552 ont pour objet d'harmoniser les dispositions relatives au régime spécial des bénéfices non commerciaux avec celles qui sont prévues pour les BIC.

Enfin, l'amendement no 553 supprime la référence au forfait pour l'évaluation, en matière de taxe foncière, des immobilisations industrielles.

Ce sont des amendements de coordination technique avec les autres textes. Leur adoption ne devrait pas poser beaucoup de problèmes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis favorable.

L'amendement no 547 est de correction. L'amendement no 548 est rédactionnel. L'amendement no 549 apparaît tout à fait pertinent, puisqu'il évite une exception qui peut apparaître trop favorable aux officiers publics et ministériels. Les amendements nos 550 à 553 sont de précision.

M. le président.

Nous y reviendrons.

Je mets aux voix l'amendement no 547.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Deprez a présenté un amendement, no 92, ainsi rédigé :

« I. - Compléter la première phrase du sixième alinéa du 5 du II de l'article 5 par les mots : "et de l'année suivante".

« II. - En conséquence, procéder à la même insertion à la fin de la première phrase du quatrième alinéa (3) du 10 du II du même article.

« III. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement est-il soutenu ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Et du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

92. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Dans le septième alinéa du 5 du II de l'article 5, substituer au mot : "quatrième", le mot : "cinquième". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement rédactionnel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Jégou a présenté un amendement, no 403, ainsi rédigé :

« I. - Supprimer le a du 2 du 5 du II de l'article 5 :

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le ministre, j'ai le sentiment, après vos explications sur les précédents amendements, que celui-ci n'a plus d'objet. Mais je n'en suis pas sûr. Car tout comme M. Adevah-Poeuf, j'ai manqué de temps pour approfondir un sujet qui m'intéresse en tant qu'homme d'entreprise. Il semble cependant que cet amendement que j'avais déposé par précaution soit inutile. Je le retire.

M. le président.

L'amendement no 403 est retiré.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 548, ainsi rédigé :

« Au début du a du 2 du 5 du II de l'article 5, substituer aux mots : "les membres du foyer fiscal", les mots : "les contribuables". »

Sur cet amendement déjà défendu par le Gouvernement, la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Auberger a présenté un amendement, no 453, ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi dernier alinéa du 4 du 5 du II de l'article 5 :

« Les options mentionnées au premier alinéa sont valables deux ans tant que l'entreprise reste de manière continue dans le champ d'application du présent article. Elles sont reconduites tacitement par période de deux ans. Les entreprises qui désirent renoncer à leur option pour un régime réel d'imposition doivent notifier leur choix à l'administration avant le 1er février de l'année suivant la période pour laquelle l'option a été exercée ou reconduite tacitement.»

« II. - Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Le dispositif de l'article 5, on l'a dit, est assez complexe, et sans doute les micro-entreprises auront-elles un macro-travail pour en comprendre tous les arcanes. (Sourires.) Après avoir opté pour le régime simplifié, elles peuvent s'apercevoir qu'elles se sont trompées. Pour permettre, le cas échéant, de revoir le système des options, je propose que ce système, au lieu d'être définitif, ait une durée de deux ans, renouvelable par tacite reconduction. Cela donnera un peu plus de souplesse aux entreprises.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a repoussé l'amendement tout en partageant en partie la préoccupation de M. Auberger, qui souhaite que l'option pour le régime simplifié d'imposition ne soit pas irréversible. Le délai de deux ans nous est apparu trop court.

Cela dit, le fait que l'option soit irréversible pose de réels problèmes. L'avis est donc défavorable, en raison du délai, mais non sur le principe. Et nous attendons avec intérêt la réponse du ministre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le problème évoqué par M. Auberger peut effectivement se poser. Non pas que la mesure soit complexe : le texte l'est parce qu'il supprime beaucoup de dispositions, mais le régime lui-même est simple, sinon il n'y aurait pas de simplification. Mais il est exact qu'une entreprise, compte tenu du taux forfaitaire appliqué pour le calcul des bénéfices, pourrait s'apercevoir qu'elle a plutôt intérêt à un autre régime.

Ce qu'il faut éviter néanmoins, c'est qu'il y ait une sorte d'optimisation qui conduirait les entreprises à changer d'option selon les années. Cela peut exister, l'astuce fiscale est sans limite.

Je vous propose donc, monsieur Auberger, de rectifier votre amendement. Il est normal que les entreprises aient la possibilité de changer de régime si elles l'estiment nécessaire, mais il me semble que des périodes de cinq ans seraient préférables.

M. Philippe Auberger.

Bon, mais il faut retirer le gage ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Bien entendu.

M. le président.

Le gage est donc supprimé et, dans les deux premières phrases de l'amendement no 453, les mots

« deux ans » sont remplacés par les mots « cinq ans ».

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ainsi rectifié ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis très favorable à cette rectification qui correspond à l'esprit du débat en commission des finances.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 453, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 549, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le 9 du II de l'article 5 :

«

9. A la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 100, les mots : "ils peuvent opter pour le régime de l'évaluation administrative, lorsque le montant des recettes provenant de cette dernière activité n'est pas supérieur au plafond défini au I de l'article 96", sont remplacés par les mots : "ils sont soumis aux dispositions de l'article 95". »

Cet amendement a été soutenu par le Gouvernement et a reçu l'avis favorable de la commission.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 345, ainsi rédigé :

« Supprimer les 10 à 25 du II de l'article 5. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je retire l'amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. le président.

L'amendement no 345 est retiré.

Les amendements nos 550, 551 et 552 du Gouvernement ont déjà été défendus et la commission s'est prononcée en leur faveur.

L'amendement no 550 est ainsi rédigé :

« Compléter le 1 du 10 du II de l'article 5 par l'alinéa suivant :

« Les plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation sont prises en compte distinctement pour l'assiette de l'impôts ur le revenu dans les conditions prévues à l'article 93 quater, sous réserve des dispositions de l'article 151 septies. Pour l'application de la phrase précédente, la rédaction mentionnée au premier alinéa est réputée tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire ; » L'amendement no 551 est ainsi rédigé :

« Compléter le 3 du 10 du II de l'article 5 par l'alinéa suivant :

« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables en cas de changement d'activité. »

L'amendement no 552 est ainsi rédigé :

« Rédiger ainsi le 6 du 10 du II de l'article 5 :

«

6. Sont exclus de ce régime :

« a) les contribuables qui exercent plusieurs activités dont le total des revenus, abstraction faite des recettes des offices publics ou ministériels, excède la limite mentionnée au 1 ;

« b) les contribuables qui ne bénéficient pas des dispositions des I et II de l'article 293 B. Cette exclusion prend effet à compter du 1er janvier de l'année de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. »

Je vais mettre aux voix, successivement, les amendements nos 550, 551 et 552.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du dernier alinéa (II) du 25 du II de l'article 5, substituer aux mots : "au I de", le mot : "à".

« II. - En conséquence, au début de cette même phrase, après les mots : "Les assujettis bénéficiant", substituer aux mots : "de la", les mots : "d'une". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 346, ainsi rédigé :

« Supprimer les 26 à 30 du II de l'article 5. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Les micro-entreprises étant dispensées du paiement de la TVA, elles ne peuvent pratiquer en contrepartie aucune déduction de TVA ni faire apparaître la taxe sur leurs factures. Cet avantage est bien compréhensible quand le chiffre d'affaires ne dépasse pas 1 00 000 francs. Mais le relèvement du seuil à 500 000 francs et 175 000 francs selon les cas augmente considérablement le nombre d'entreprises concernées, ce qui va créer un effet de seuil générateur de distorsions de concurrence. C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer les 26 à 30 du II de l'article 5.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable à cet amendement, qui est absolument contraire à l'esprit du texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 346.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le douzième alinéa du 26 du II de l'article 5 (dernier alinéa du III de l'article 293 B du code général des impôts) :

«

3. Pour l'exploitation des droits patrimoniaux qui sont reconnus par la loi aux artistes-interprètes visés à l'article L.

212-1 du code de la propriété intellectuelle. »

« II. - En conséquence, dans l'avant-dernier alinéa du même 26, substituer aux mots : "ou au 2", les mots : ", au 2 ou au 3". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement n'est pas que rédactionnel. Il précise le texte proposé et corrige une petite erreur de visa du projet de loi. La référence à l'exploitation des droits patrimoniaux reconnus aux artistes-interprètes est substituée à la mention directe des artistes-interprètes. Il y avait en effet un risque de confusion et de malentendu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cet amendement apporte en effet une amélioration rédactionnelle, mais je considère, pour ma part, qu'il ne modifie en rien les règles de fond.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 553, ainsi rédigé :

« Après le 35 du II de l'article 5, inséré le 35 bis suivant :

« 35 bis . Au deuxième alinéa du I du II de l'article 1517, les mots : "du régime du forfait" sontr emplacés par les mots : "du régime défini à l'article 50-0". »

Le Gouvernement et la commission se sont déjà exprimés. Je mets aux voix l'amendement no 553.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dixième alinéa (d) du 2. du III de l'article 5 :

« d) ou qu'il a été constaté des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L.

324-9 du code du travail dans le cadre de l'article L.

324-12 du même code. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il s'agit de préciser le cadre d'un nouveau cas d'évaluation d'office lorsqu'il a été constaté l'emploi de travailleurs dissimulés relev ant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Accord.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, a présenté un amendement, no 9, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa (c) du 2 du III de l'article 5 :

« c) ou qu'il a été constaté des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L.

324-9 du code du travail dans le cadre de l'article L.

324-12 du même code. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Même chose.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 119 corrigé, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le dernier alinéa du 9o quater de l'article 157 du code général des impôts la somme " 30 000 francs est remplacée par la somme "60 000 francs".

« II. - L'impôt sur le bénéfice des sociétés est relevé à due concurrence pour les bénéfices distribués. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Il s'agit, avec cet amendement, de vous faire partager, si possible, notre souci que soient améliorées les conditions de financement des entreprises, en particulier des PME-PMI.

Il s'agit de porter le montant d'épargne sur les livrets CODEVI de 30 000 à 60 000 francs. En effet, toutes les études confirment les difficultés qu'éprouvent nombre d'entreprises petites et moyennes dans leur accès au crédit, le coût de celui dont elles peuvent bénéficier demeurant largement supérieur à celui consenti aux grands groupes.

Si le Gouvernement annonce des dispositions visant à financer les entreprises innovantes au travers du développement du capital risque, force est de constater que ces mesures demeureront soumises aux critères de rentabilité des marchés financiers avec ce que cela implique comme sélectivité dans le développement et comme conséquences négatives pour l'emploi.

De toute façon, toutes les PME ne seront pas éligibles à de tels dispositifs. C'est dire combien il est urgent, alors que se poursuivent les restructurations dans le système bancaire, d'engager une réforme progressiste des modes de financement de l'économie qui aurait tout à gagner à pouvoir prendre appui sur la dynamisation d'un grand pôle de financement public et semi-public pérennisé, démocratisé.

Dans cette perspective, les formules actuelles d'épargne spécialisée mériteraient d'être mieux mobilisées à l'inve rse du mouvement de banalisation qui semble se poursuivre si l'on en juge, par exemple, aux orientations de la prochaine réforme des caisses d'épargne. Ainsi que cela nous a été annoncé, nous aurons heureusement un débat sur ce sujet au mois de janvier.

Notre attachement à cette forme d'épargne ne réside pas simplement dans notre souci que soit rémunérée correctement l'épargne populaire, même si elle ne représente qu'une partie des encours collectés par le biais des différents livrets qui sont défiscalisés.

Mais, en confortant le volume de ces encours, on se donnerait les moyens d'orienter une partie de la ressource financière disponible dans une logique différente de celle des marchés financiers. Elle pourrait même être relayée par un nouveau type de bonification des crédits, conditionné par des choix économiques des entreprises favorisant l'investissement efficace et l'emploi.

Dans une période récente, les fonds collectés par les CODEVI ont même été offerts, sous certaines conditions, aux collectivités locales.

Lorsque j'ai présenté cet amendement à la commission des finances, il m'a été objecté que l'encours inutilisé sur les fonds collectés par les CODEVI était très élevé. Une telle situation est anormale et il conviendrait de prendre des mesures non pas pour développer l'épargne sur ces livrets, mais pour encourager l'activation des sommes collectées. Une partie de ces ressources pourrait ainsi être utilisée pour favoriser l'aboutissement des négociations sur les 35 heures dans les entreprises.

Enfin, le renforcement des capacités d'intervention des CODEVI nous paraît relever d'une action volontariste dans laquelle nous pouvons tous nous impliquer entièrement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

S elon les informations dont nous disposons, les CODEVI ont collecté suffisamment de liquidités puisque les dépôts sont très supérieurs aux engagements.

M. Christian Cuvilliez.

Ce n'est pas normal !

M. Michel Bouvard.

Les banques font tout pour ne pas les distribuer !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Effectivement, il faudrait peut-être ouvrir plus largement la possibilité de bénéficier des CODEVI.

M. Philippe Auberger.

Baissez les taux d'intérêt ! M. Didier Migaud rapporteur général.

Cela étant, il ne servirait à rien aujourd'hui de relever le plafond.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'amendement de M. Cuvilliez est fondé sur une idée juste : nous devons favoriser l'investissement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

dans les PME. Pour ce faire, il faut que les ressources d'emprunt dont elles peuvent disposer leur soient offertes à des taux particulièrement intéressants. Tel est bien le cas avec le système des CODEVI.

Néanmoins, ainsi que vient de le rappeler le rapporteur général, il se trouve qu'aujourd'hui, alors que l'investissement repart, - mais il s'agit d'un phénomène récent - les ressources dont disposent les intermédiaires financiers à partir des CODEVI sont très largement supérieures à ce que les PME sont susceptibles de demander en prêts. J'espère que cela changera dans l'année qui vient et que les demandes des PME pour financer leurs investissements seront suffisantes pour absorber toutes les disponibilités.

Cependant nous en sommes loin.

L'accroissement des fonds collectés par les CODEVI n'inciterait pas les PME à souscrire des prêts supplémentaires puisqu'elles obtiennent aujourd'hui sur les fonds des CODEVI tout ce qu'elles veulent demander.

En revanche, le coût de la mesure serait élevé, car elle c onduirait à défiscaliser une part plus grande de l'épargne.

Il est une autre raison sur laquelle je veux appeler l'attention de M. Cuvilliez. Elle est liée au fait que la stratégie économique de la majorité repose largement sur le soutien de la consommation. Or, en incitant les ménages à placer une plus grande part de leurs revenus en épargne liquide, nous aurions exactement l'effet inverse, puiqu'ils retireraient du circuit des ressources qui p ourraient être consommées. Or, dans la situation actuelle - car cela ne sera pas obligatoirement le cas plus tard -, nous devons continuer à soutenir la consommation.

La disposition proposée, même si elle correspond à l'état d'esprit du Gouvernement n'irait pas dans le bon sens et elle n'aurait aucune utilité puisque les besoins de financement pour l'investissement sont malheureusement restreints parce que l'investissement n'a pas encore suffisemment redémarré. Peut-être en ira-t-il différemment dans un an, si, comme nous l'espérons, la relève de la relance par la consommation est prise par l'investissement. Il faudra trouver les ressources nécessaires et une mesure du type de celle que propose M. Cuvilliez sera alors utile.

Je lui propose donc de retirer son amendement sachant que nous pourrions mettre en oeuvre la disposition qu'il propose lorsque nous aurons besoin de nouvelles ressources pour financer les investissements des PME alors que, actuellement, elle imposerait une dépense inutile à l'Etat et aurait même un effet négatif sur la consommation.

M. le président.

Monsieur Cuvilliez, retirez-vous votre amendement ?

M. Christian Cuvilliez.

Nous reviendrons sur cette question dans le débat général sur les financements publics en évoquant la constitution d'un pôle public dans ce domaine. Je retire donc mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 119 corrigé est retiré.

MM. Cuvilliez, Vila, Feurtet, Brard, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 155, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« I. Dans la première phrase de l'article 1679 A d u code général des impôts la somme : " 28 000 francs" est remplacée par la somme : "40 000 francs". »

« II. L'impôt de solidarité sur la fortune est relevé à due concurrence. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Cet amendement tend à favoriser l'emploi dans le monde associatif, donc l'activité des associations. Il s'agit de relever le plafond au-dessous duquel les associations à but non lucratif ne sont pas redevables de la taxe sur les salaires.

Vous savez que le Premier ministre a récemment annoncé l'organisation d'assises nationales de la vie associative au début de l'année prochaine. Dans le même temps, une circulaire extrêmement claire et précise sur la fiscalité des associations a été diffusée, dans laquelle est notamment précisée la distinction entre les associations à but non lucratif et celles qui ont un statut leur permettant d'avoir des activités rémunératrices et relevant d'un régime fiscal ordinaire.

Il est toujours un peu désolant, pour ceux qui accordent des subventions - et les collectivités locales le font abondamment - à des associations pour qu'elles irriguent le tissu social d'une collectivité, d'apprendre que ce qui a été donné d'une main est repris de l'autre par le biais de la taxe sur les salaires ou d'autres taxes. Il nous paraît donc juste que le plafond d'exonération de la taxe sur les salaires soit ainsi relevé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cette année comme l'an dernier, la commission a été sensible à l'argumentation de notre collègue, mais elle n'a pas retenu son amendement, essentiellement pour des raisons de coût.

La circulaire sur le régime fiscal des associations récemment publiée par le Gouvernement, qu'il a évoquée, contient de nouvelles avancées et elle a été appréciée par les associations. Je n'y reviens pas.

Je rappelle aussi que le plafond actuel d'exonération est indexé, c'est-à-dire qu'il augmente chaque année comme la première tranche de l'impôt sur le revenu. Il est aujourd'hui d'environ 29 000 francs, ce qui correspond à six salariés payés au SMIC. Il constitue donc déjà un avantage relativement intéressant. Il n'a pas paru possible d'aller plus loin cette année, d'où l'avis défavorable exprimé par la commission.

M. Christian Cuvilliez.

Dommage !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, des efforts notables ont été accomplis en matière de fiscalité des associations. Il faut sans doute les poursuivre, mais je partage l'avis et l'analyse du rapporteur général selon laquelle il est difficile d'aller plus loin, cette année, en raison même des mesures que Christian Sautter a annoncées il y a quelques jours.

Ces dernières correspondent d'ailleurs à la détermination du Gouvernement de simplifier et d'améliorer la fiscalité des associations. Nous verrons plus tard si nous devons poursuivre dans cette voie. En revanche, je le répète, il serait difficile d'aller plus loin cette année.

Je vous remercie donc à la fois de manifester, par votre amendement, l'intérêt que votre groupe porte aux associations et de soutenir le Gouvernement dans les mesures qu'il a déjà prises en la matière. Cependant, je ne peux malheureusement pas accepter votre proposition pour des raisons évidentes de financement. Je vous demande donc de bien vouloir attendre l'année prochaine pour que nous puissions examiner si nous pouvons aller au-delà des mesures déjà annoncées par Christian Sautter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le ministre, je suppose que je dois interpréter vos propos comme une invitation à discuter des perspectives d'évolution de la fiscalité associative dans le cadre des assises nationales.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Absolument !

M. Christian Cuvilliez.

Si tel est le cas, je retire mon amendement.

M. Philippe Auberger.

Je reprends l'amendement no 155.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, il faudrait tout de même laisser l'opposition s'exprimer de temps en temps. Je n'ai pas protesté lors de l'examen de l'amendement précédent alors que j'avais demandé la parole avant qu'il ne soit retiré, mais je ne peux admettre la manière dont se déroule la discussion, alors que le règlement prévoit, pour chaque amendement, un orateur pour et un orateur contre, l'avis de la commission et l'avis du Gouvernement. Laissez le temps à l'opposition de s'exprimer, sinon nous allons nous retirer.

Je reprends donc cet amendement mais en le gageant par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

En effet, cet amendement pose un problème très réel que l'on ne saurait résoudre d'un coup de baguette magique.

La taxe sur les salaires est un impôt particulièrement a berrant dans la situation actuelle. Alors que l'on demande aux associations de recourir aux emplois-jeunes et d'embaucher on les assujettit à une taxe sur les salaires progressive. Cette dernière constitue un véritable impôt sur l'emploi, sans doute encore plus nocif en la matière que la taxe professionnelle pourtant fréquemment critiquée à cet égard.

Dans ces conditions, il est effectivement urgent de mettre en cohérence les perspectives du Gouvernement en matière d'emploi et les dispositions fiscales relatives à la taxe sur les salaires pour les associations.

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Depuis plus d'une heure seuls les membres de la majorité s'expriment, faisant durer les débats le plus longtemps possible, alors que nous avons un mal de chien à nous faire entendre ne serait-ce que trois minutes.

M. Jean-Pierre Brard.

Nous sommes les seuls à travailler !

M. Marc Laffineur.

Si vous m'interrompez sans cesse, nous n'allons pas nous en sortir.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous avez parlé une heure hier pour ne rien dire.

M. Marc Laffineur.

Je ne suis pas du tout favorable à cet amendement. En effet, autant nous avons besoin des associations pour recevoir des chômeurs de longue durée ou des jeunes qui ne pourraient pas se réinsérer autrement, autant il faut éviter de favoriser toute concurrence déloyale à l'égard des entreprises. Or si nous allions trop loin dans l'exonération de la taxe professionnelle au profit des associations, nous introduirions une grave distorsion de concurrence.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 155, compte tenu de la modification du gage proposée par

M. Auberger.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. Le code général des impôts est ainsi modifié :

« I. Le 3 de l'article 287 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les redevables placés sous le régime simplifié d'imposition prévu à l'article 302 septies A déposent au titre de chaque année ou exercice une déclaration qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes trimestriels pour la période ultérieure.

« Des acomptes trimestriels sont versés en avril, juillet, octobre et décembre. Ils sont égaux au quart de la taxe due au titre de l'année ou de l'exercice précédent avant déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux biens constituant des immobilisations, à l'exception de l'acompte dû en décembre qui est égal au cinquième de cette taxe. Le complément d'impôt éventuellement exigible est versé lors du dépôt de la déclaration annuelle mentionnée au premier alinéa.

« S'il estime que le montant des acomptes déjà versés au titre de l'année ou de l'exercice est égal ou supérieur au montant de la taxe qui sera finalement due, le redevable peut se dispenser de nouveaux versements en remettant au comptable chargé du recouvrement de ladite taxe, avant la date d'exigibilité du prochain versement à effectuer, une déclaration datée et signée.

« S'il estime que la taxe sera supérieure d'au moins 10 % à celle qui a servi de base aux acomptes, il peut modifier le montant de ces derniers.

« Les nouveaux redevables sont autorisés, lors de leur première année d'imposition, à acquitter la taxe sur la valeur ajoutée par acomptes trimestriels dont ils déterminent eux-mêmes le montant mais dont chacun doit représenter plus de 80 % de l'impôt réellement dû pour le trimestre correspondant.

« Les conditions d'application du présent 3, notamment les modalités de versement et de remboursement des acomptes, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

« II. L'article 1785 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où l'un ou les acomptes mentionnés au 3 de l'article 287 sont acquittés hors délai, sous-estimés ou diminués indûment, le redevable supporte une majoration de 10 % sans préjudice des intérêts de retard légalement exigibles. ».

« III. Les dispositions des I et II entrent en vigueur à compter de l'acompte dû en juillet 1999. »

M. Migaud, rapporteur général, a présenté deux amendements de précision.

L'amendement no 10 est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 6, substituer aux mots : "plus de" les mots : "au moins". »

L'amendement no 11 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 6 :

« Dans le cas où un acompte mentionné au 3 de l'article 287 est acquitté hors délai ou indûment minoré, le montant mis à la charge du redevable est majoré de 10 % sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous avez tout dit, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 6

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 122, ainsi rédigé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« A la fin du premier alinéa du 1 du I de l'article 39 quindecies du code général des impôts, le taux de "16 %" est remplacé par le taux de "20 %". »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Brard, Cuvilliez et Feurtet ont présenté un amendement, no 120, ainsi rédigé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, après les mots : "et de leurs groupements" sont insérés les mots : "des hôpitaux".

« II. - Le taux applicable à l'impôt sur le bénéfice des sociétés est relevé à due concurrence. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement no 121 qui est de même nature, afin de gagner du temps et de ne pas retarder le débat sur l'article 8.

M. le président.

Je vous en prie.

MM. Briard, Cuvilliez et Feurtet ont en effet présenté un amendement, no 121, ainsi rédigé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« I. - Après la première phase de l'article 1679 A du code général des impôts est insérée une phase a insi rédigée : "Ce montant est majoré de 2 000 francs, pour chaque embauche, intervenue dans l'année, de personne au chômage de longue durée, dans la limite de 40 000 francs".

« II. - Les droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont majorés à due concurrence. »

Monsieur Brard, veuillez défendre ces deux amendements.

M. Jean-Pierre Brard.

L'amendement no 120 reprend une vieille revendication que nous reprenons d'année en année : exonérer les hôpitaux, dont vous connaissez la situation financière délicate, de la taxe sur les salaires.

Quant à l'amendement no 121, il tend à majorer l'abattement de cette même taxe dont bénéficient les associations lorsqu'elles embauchent des chômeurs de longue durée.

Si ces deux amendements n'ont pas la même portée, ils procèdent du même esprit.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis défavorable à l'amendement no 120 en raison du coût qu'il engendrerait.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est donc un bon amendement quant à l'intention.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oui, mais il coûterait plusieurs milliards de francs.

M. Jean-Pierre Brard.

Quand on aime, on ne compte pas.

(Sourires.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'amendement no 121 a également été rejeté par la commission qui a pourtant été sensible à l'intention de ses auteurs. Néanmoins il nous a semblé que ce nouveau régime particulier n'était pas indispensable.

En effet, la réinsertion professionnelle des personnes visées dans le secteur associatif se fait souvent au moyen de contrats aidés par l'Etat. Or les rémunérations qui leur sont versées dans ce cadre sont déjà exonérées de taxe sur les salaires. Tel est le cas, en particulier, des contrats emploi-solidarité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je comprends la motivation de ces deux amendements, mais, pour les mêmes raisons que le rapporteur général, le Gouvernement leur oppose malheureusement un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard.

Je les retire.

M. Philippe Auberger.

Je reprends l'amendement no 120.

M. le président.

L'amendement no 121 est retiré.

Monsieur Auberger, vous avez la parole sur le 120.

M. Philippe Auberger.

Je le reprends mais en le gageant aussi sur un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. C'est le gage tabac !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Les prolétaires n'auront plus le droit de fumer !

M. Philippe Auberger.

La taxe sur les salaires pénalise très lourdement les hôpitaux publics, d'autant plus qu'elle est progressive. Les salaires des médecins employés à plein temps se situent en effet dans la tranche la plus haute.

En outre, la grille n'a pas été revue depuis des lustres, ce qui fait que la progressivité s'accroît d'année en année.

Cette taxation représente une charge très lourde pour l'assurance-maladie, et je ne vois pas l'intérêt de prélever cette taxe alors que, par ailleurs, l'assurance-maladie est en grande difficulté.

La suppression de la taxe sur les salaires pour les hôpitaux est parfaitement justifiée, et c'est la raison pour laquelle l'amendement no 120 me semble devoir être adopté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Marc Laffineur.

Il a raison !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

L'amnésie est, hélas ! une maladie très répandue dans le monde politique. M. Auberger ne se rappelle-t-il pas qu'il est opposé à un amendement identique que j'avais défendu lorsqu'il était rapporteur général du budget ?

M. Philippe Auberger.

On peut changer, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

Il s'est amendé !

M. Michel Bouvard.

Il s'est aperçu que c'était une bonne mesure !

M. Jean-Pierre Brard.

Il n'y a certes que les imbéciles qui ne changent pas, mais je crains que vous ne développiez ce nouveau point de vue plus par opportunisme que par conviction. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Oh ! C'est une insulte !

M. Jean-Jacques Jégou.

Un procès d'intention !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Non, une évidence !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 120, tel qu'il a été rectifié par M. Auberger.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements nos 12, 203 et 504, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 12, présenté par M. Migaud, rapporteur général, MM. Mitterrand et Michel Bouvard est ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« Après le II de l'article 298 bis du code général des impôts, il est inséré un paragraphe II bis ainsi rédigé :

« II bis. - Par dérogation aux dispositions cidessus, en cas de décès d'un exploitant soumis au régime simplifié, ce régime continue de s'appliquer dans les mêmes conditions au conjoint, à l'héritier ou à l'indivision reprenant l'exploitant. »

L'amendement no 203, présenté par M. Michel Bouvard, est ainsi rédigé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« Après le II de l'article 298 bis du code général des impôts, il est inséré un paragraphe II bis ainsi rédigé :

« II bis. - Par dérogation aux dispositions du I cidessus, en cas de décès d'un exploitant soumis au régime simplifié, ce régime continue de s'appliquer dans les mêmes conditions au conjoint, à l'héritier ou à l'indivision reprenant l'exploitation. »

L'amendement no 504, présenté par M. de Courson et M. Gengenwin, est ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 298 bis du code général des impôts est complété par un II bis ainsi rédigé :

« II bis. - Par dérogation aux dispositions du I cidessus, en cas de décès d'un exploitant soumis au régime simplifié, ce régime continue de s'appliquer dans les mêmes conditions au conjoint, à l'héritier ou à l'indivision reprenant l'exploitation » ;

« II. - La perte éventuelle de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Mitterrand, pour soutenir l'amendement no

12.

M. Gilbert Mitterrand.

L'amendement no 12 répond à un souci de simplification administrative - il en a été question tout au long de la séance précédente ; je pense donc qu'il va dans le bon sens - et d'humanisation fiscale. Le fisc n'est pas forcément le monstre froid que chacun décrit. L'occasion nous est fournie de le démontrer une fois de plus.

Il obéit à l'adage, qui peut s'énoncer, sous une forme juridique, « Le silence vaut acceptation » et, en langage plus populaire : « Qui ne dit mot, consent ».

Il a pour objet d'éviter des contentieux, ou des recours éventuels - et aléatoires - auprès de l'administration. Il ne modifie en rien le montant des droits à payer ; il permet seulement d'éviter des pénalités de retard. Il vise en effet à supprimer le trop court délai d'un mois laissé à un héritier pour faire une déclaration d'existence aux services fiscaux lorsqu'il reprend une exploitation à la suite d'un décès.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre l'amendement no 203.

M. Michel Bouvard.

Dans la mesure où la commission des finances a repris les amendements que M. Mitterrand et moi-même avions déposés, il ne me semble pas nécessaire de le développer davantage.

Je veux simplement insister sur le fait qu'une clarification est absolument nécessaire. Nous n'imaginons pas une hypothèse d'école, nous posons un problème réel : des pénalités ont bien été infligées à des repreneurs suite à un décès et nous savons que les services fiscaux traitent ce type de dossiers de manière très variable. Nous avons la possibilité de régler définitivement le problème en harmonisant les règles, ce qui aura l'avantage supplémentaire de faire faire quelques économies à l'administration puisque cela supprimera tout contentieux en matière d'interprétation.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour défendre l'amendement no 504.

M. Jean-Jacques Jégou.

L'amendement no 504 procède de la même inspiration que les deux précédents. Je me félicite que la commission des finances se soit unie pour proposer cette clarification fiscale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Avis très favorable. Les amendements permettent de régler un problème réel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Sur ces trois amendements, repris par la commission, M. Mitterrand a trouvé les mots justes.

Pour cette formalité particulièrement pénible puisqu'elle est accomplie dans les jours qui suivent un décès, le Gouvernement souhaite simplifier les démarches administratives et est donc favorable aux amendements.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote l'amendement no 12 est acquis à l'unanimité.

En conséquence, les amendements no 203 et 504 n'ont plus d'objet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Article 7

M. le président.

« Art.

7. I. A l'article 1724 A du code général des impôts, la somme de "50 francs" est remplacée par celle de "100 francs".

« II. - Le troisième alinéa de l'article 562 bis du code général des impôts est complété par une deuxième phrase ainsi rédigée :

« Elle n'est pas perçue sur les débits de deuxième catégorie lorsque son montant n'excède pas 50 francs. »

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 124, ainsi rédigé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« I. A la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 1679 du code général des impôts, la somme " 4 500 francs" est remplacée par la somme "6 500 francs".

« II. En conséquence, il est procédé à la même substitution dans la dernière phrase du dernier alinéa du même article.

« III. Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 1679 du code général des impôts, la somme "9 000 francs" est remplacée par deux fois par la somme "13 000 francs».

« IV. Le taux de l'impôt sur la fortune est relevé à due concurrence. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

L'amendement no 124 rejoint dans son esprit, sinon dans ses finalités et ses modalités, celui que j'ai déposé sur la taxe sur les salaires concernant les associations. Je le retire donc.

M. le président.

L'amendement no 124 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements nos 123, 522 et 168 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 123, présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« Il est créé une taxe sur toutes les opérations d'achat et de vente de devises étrangères effectuées sur le territoire national.

« Le taux de cette taxe est progressif selon que les opérations sont annuelles, trimestrielles, mensuelles ou pour une durée inférieure.

« Il est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie sur avis du gouverneur de la Banque de France et du Conseil national du crédit. »

L'amendement no 522, présenté par MM. Dray, Idiart et les membres du groupe socialiste est ainsi rédigé :

« Après l'article 36, insérer l'article suivant :

« Les opérations portant sur les devises réalisées sur le marché des changes sont soumises à un impôt de 0,05 %.

« Cette disposition s'applique à compter du 1er janvier 1999. »

L'amendement no 168 corrigé, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi rédigé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« Après l'article 985 du code général des impôts, il est inséré un article 985 bis ainsi rédigé :

« Art. 985 bis. - Il est institué une taxe spéciale sur les opérations, au comptant ou à terme, portant sur les devises, dont le taux est fixé à 0,05 %.

« Sont exonérées de cette taxe les opérations afférentes :

« aux acquisitions ou livraisons intra-communautaires ;

« aux exportations ou importations de biens et de services ;

« aux investissements directs au sens du décret no 89-938 du 29 décembre 1989 modifié réglementant les relations financières avec l'étranger ;

« aux opérations de change réalisées par les personnes physiques et dont le montant est inférieur à 100 000 francs.

« La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l'article 8 de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, et par des personnes physiques ou morales visées à l'article 25 de la loi no 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants.

« La taxe spéciale est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A.

« Elle est due pour les opérations effectuées à compter du 1er juillet 1999.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour soutenir l'amendement no 123.

M. Christian Cuvilliez.

Il s'agit de ce qu'on appelle l'amendement Tobin, dont il a été question à plusieurs reprises dans la discussion générale.

La crise financière dramatique que nous vivons suscite des pronostics divers, allant des craintes les plus sombres aux espérances les plus sinistres. Elle confirme les effets pervers d'une libéralisation à tout crin qui a donné un pouvoir exorbitant à des marchés financiers qui prétendent aujourd'hui dicter toujours plus leur loi aux gouvernements et aux peuples. C'est d'ailleurs ce qu'a dénoncé M. le Premier ministre mercredi après-midi en réponse à une question sur l'accord multilatéral sur l'investissement.

C onduire aujourd'hui une politique se donnant comme ambition le progrès social et le développement durable suppose, comme M. Jospin l'a fait ici même, de redonner sa place au politique, de gagner de nouvelles marges de manoeuvre et d'affirmer l'autorité des gens qui tirent légitimement leurs pouvoirs de l'expression du suffrage universel.

La question d'une réforme démocratique du système financier mondial, tout comme des institutions financières internationales, se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. C'est dans cette perspective que se situe


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

l'enjeu - et c'est le sens de l'amendement que je présente au nom de notre groupe - d'une taxation, même modeste, des mouvements spéculatifs de capitaux, comme l'a proposé le prix Nobel américain James Tobin.

Le bien-fondé de cette proposition qui vise à desserrer l'étau des marchés financiers en ralentissant leur croissance et leur vitesse de réaction est aujourd'hui de plus en plus reconnu.

Cette proposition est, bien sûr, a contrario, fortement critiquée par les milieux financiers qui font feu de tout bois pour tenter de la présenter comme une utopie, dénoncent son caractère illusoire, et même pervers, et affirment qu'elle est techniquement impossible à mettre en oeuvre, tous arguments que vous ne manquez d'ailleurs pas de reprendre, messieurs de l'opposition.

Nous considérons, quant à nous, qu'un appel du gouvernement de la gauche en France aux gouvernements et aux forces progressistes du monde à se mobiliser pour faire appliquer cette taxe, pour favoriser partout l'octroi de pouvoirs nouveaux aux citoyens sur l'utilisation des fonds, pour limiter la prédominance du dollar et pour inventer un nouveau système monétaire mondial de coopération aurait un très grand retentissement. Les signes que vous avez donnés en ce sens nous encouragent à maintenir notre amendement.

Il est, selon nous, possible de contrer les marchés financiers en remplaçant une grande partie de leur rôle de financement de l'économie par la création monétaire et le crédit. C'est sur cette base et dans la perspective d'une réorientation de la construction européenne que nous proposons une politique européenne d'expansion monétaire afin de favoriser des crédits à bas taux d'intérêt pour l'emploi et pour la formation.

L'instauration d'une monnaie unique - à laquelle nous nous sommes vainement opposés pour les raisons que vous pouvez comprendre - n'empêche pas en soi de choisir l'expansion monétaire. Cela suppose de donner à la Banque centrale européenne et au système des banques centrales comme première priorité de soutenir l'emploi et de renforcer pour ce faire le contrôle des parlements.

Vous en avez parlé, les uns et les autres, ces derniers jours, en termes contradictoires.

Favorisant une vraie compétitivité, fondée sur la formation des hommes, leurs qualifications et la mise en oeuvre efficace de nouvelles technologies, une telle expansion monétaire ne serait nullement condamnée à être inflationniste. Nous faisons un certain nombre de propositions complémentaires - et nous avons obtenu aussi l'assurance qu'il y aurait débat là-dessus - s'agissant du rôle du secteur public et financier ou des droits nouveaux à accorder aux élus, selon leur catégorie de représentation et de mission, et aux salariés.

Une telle démarche pourrait être poussée au plan international. Une monnaie commune mondiale se donnant les mêmes objectifs n'est pas une utopie. Un embryon de cette monnaie existe déjà avec les droits de tirage spéciaux du FMI fondés sur les différentes monnaies nationales qui créent des droits à des devises.

Les Etats-Unis ont évidemment toujours freiné ce qui pouvait mettre en cause la suprématie du dollar sur la scène internationale. Le FMI - et je dépasse largement le cadre de mon amendement en disant cela - pourrait donc, si nous y contribuons, ne plus seulement être dénoncé dans ses aspects néfastes, mais être profondément transformé.

Enfin, s'il y a lieu de contester l'hégémonie du dollar, c'est en rompant avec la logique de domination dans laquelle demeure enfermé, à notre sens, l'euro, pour une logique fondée sur la coopération, le partage, la maîtrise des marchés et le codéveloppement. Ces thèmes ont largement été développés dans la discussion générale.

De telles transformations, à la mesure de la gravité de la crise financière, supposent des mobilisations importantes et convergentes à l'échelle de la planète, mais une initiative forte de notre gouvernement, défendant, sur la base d'une proposition de notre Parlement, le principe d'une taxation des mouvements de capitaux ne manquerait pas d'avoir un impact considérable.

Tels sont le sens et l'ambition de notre amendement.

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est beau !

M. Christian Cuvilliez.

C'est beau ! mais ce n'est pas triste !

M. Alain Calmat.

C'est le Tobin Wood !

M. le président.

La parole est à M. Julien Dray, pour défendre l'amendement no 522.

M. Julien Dray.

L'amendement no 522 témoigne d'une certaine continuité de pensée puisqu'un amendement identique a déjà été présenté l'année dernière. Mai s le contexte financier n'était pas alors favorable, et c'est d'ailleurs ce qui nous avait été répondu.

Il va sans dire que, aujourd'hui, les plus grandes autorités monétaires se sentent interpellées par ce qui se passe.

Même le Financial Times, qui n'est pourtant pas taxé de gauchisme dans sa réflexion économique, admet que, dans certains cas, le contrôle des mouvements de capitaux est la moins mauvaise des solutions.

M. Philippe Auberger.

Le contrôle ! Pas la taxation ! C'est différent.

M. Julien Dray.

Un économiste américain reconnaissait lui-même, dans un article récent, qu'il était temps de mettre de l'ordre dans l'ensemble des mouvement spéculatifs.

M. Philippe Auberger.

Si vous parlez de Kissinger, je vous signale qu'il n'a jamais été économiste !

M. Julien Dray.

M. Auberger ferait bien d'écouter.

M. Philippe Auberger.

Oh, j'écoute !

M. Julien Dray.

L'économiste dont je parle est un prix Nobel américain réputé pour être un grand libéral. C'est lui qui a inventé la taxe sur la circulation des mouvements de capitaux.

Si M. Auberger est fidèle dans sa pensée et conséquent, il devrait défendre le même axe d'idées.

M. Philippe Auberger.

Laissez-moi penser librement, monsieur Dray. Si vous êtes libéral, mois aussi !

M. François d'Aubert.

M. Dray est devenu libéral !

M. Julien Dray.

Non, je ne suis pas libéral,...

M. François d'Aubert.

Vous n'en êtes pas loin. C'est la contagion !

M. Julien Dray.

... mais quand je trouve une idée bonne je la prends à mon compte, car je ne suis pas sectaire.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Pas de dérive !

M. Julien Dray.

... mais j'évite la dérive.

La question qui se pose est la suivante : est-il possible, aujourd'hui, de mettre en place une taxe sur les mouvements spéculatifs ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Dans mon amendement, je propose que l'ensemble des mouvements de change soit taxé à 0,05 %. Une telle taxe pénaliserait non pas les investisseurs sérieux, car elle est faible et, de ce fait, ne provoquerait pas de fuites de capitaux, mais ceux qui jouent sur les mécanismes de change monétaire, le jeux consistant, tout le monde le sait, à se déporter très rapidement d'une monnaie à une autre, pour amasser le maximum de gains possible. Cette taxe éviterait la spéculation sur les monnaies et les déplacements massifs et erratiques qu'on a connus et qui ont mis à mal les économies réelles.

« Votre idée est généreuse, sympathique, mais irréaliste », nous rétorque-t-on. C'est d'ailleurs ce que vient encore de déclarer M. Camdessus, patron du FMI. Dans une dépêche de l'AFP parue aujourd'hui, il juge cette taxe peu réaliste et, du coup, la critique.

Mais la vraie question est la suivante : la France, qui occupe la place que l'on sait dans les échanges commerciaux, ne peut-elle pas être le premier pays à émettre un signal fort contre les mouvements spéculatifs, et porter cette idée à l'échelon européen, au moment justement où se met en place l'euro, pour que l'Europe, à son tour, donne un signe fort, pénalisant l'ensemble des marchés ? La prudence nous est souvent conseillée en la matière.

Mais l'exemple du Chili est, à ce sujet, éclairant. Seul pays d'Amérique latine a avoir mis en place un contrôle des mouvements de capitaux, il est aussi le seul aujourd'hui de sa zone à être préservé de la crise financière.

Cela prouve qu'une telle mesure a une réelle efficacité.

Maintenant, se pose la question de la mise en place de cette taxe. Elle donnera lieu évidemment à débat, et nous souhaitons pour notre part que ce débat ait lieu.

Il faut du reste se réjouir que, partant de cette idée, des mouvements citoyens se soient constitués dans tous les pays du monde pour appuyer la mise en place de la taxe de Tobin. En France, le mouvement ATTAC compte déjà plusieurs milliers d'adhérents. Leur but est de contrôler les mouvements de capitaux qui ne profitent qu'à des spéculateurs, qui détruisent les économies réelles et qui mettent sur la paille des milliers de gens. Répondre à ces actions serait un bon signe pour notre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

L'amendement no 168 corrigé est-il défendu ?

M. Jean-Pierre Brard.

Il est soutenu, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas adopté ces trois amendements, tout en reconnaissant l'acuité de ce problème, incontestablement d'actualité.

Pour commencer, deux au moins de ces amendements, celui de notre collègue Julien Dray et celui de notre collègue Cuvilliez, sont inconstitutionnels. En effet, si le Parlement a parfaitement la capacité de décider une taxe, il est nécessaire d'en préciser les redevables et les modalités de recouvrement, ce que ne font pas les deux amendements en question.

Au-delà de cette réponse de forme, la commission des finances s'est interrogée sur l'efficacité réelle d'une taxe décidée au seul niveau de la France, sans parler des possibilités de contournement laissées ouvertes par les rédactions proposées.

L'objectif de contrôle et de régulation apparaît tout à fait pertinent. Il est en effet hautement souhaitable qu'une initiative sur le plan européen puisse être proposée par la France. Le Premier ministre a déjà fait sur ce sujet plusieurs propositions tendant à instituer des mesures de régulation des mouvements de capitaux. La commission des finances a préféré rester dans la logique des initiatives prises par le Premier ministre plutôt que de défendre l'instauration d'une telle taxe. Elle a donc rejeté ces amendements, tout en souhaitant qu'une initiative soit prise par la France pour contribuer à une meilleure régulation de l'ensemble des mouvements de capitaux en Europe et dans le monde.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le rapporteur général a déjà dit pourquoi, ne serait-ce que sur le simple plan de la forme, les amendements présentés ne pouvaient pas être retenus. Et malheureusement, celui qui, sur ce plan, apparaissait le plus complet n'a pas été défendu.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Si, il l'a été.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En effet, il faut qu'une taxe puisse définir sur quoi elle porte, sur quel type d'opération, quels en sont les redevables, ce que ne font pas les deux premiers amendements. Cela dit, cette question de forme est presque secondaire ; en fait, l'analyse qui nous est présentée rejoint sur nombre de points celle du Gouvernement.

N ous savons depuis longtemps, et les dernières semaines le confirment fortement, que les mouvements de capitaux, notamment à court terme, sont susceptibles de créer bien des dérangements dans le fonctionnement d'une économie mondiale qui se globalise, et de mettre à mal des économies dont les règles de fonctionnement et les données principales sont pourtant assez satisfaisantes.

En effet, la spéculation ne fait pas le partage entre les économies qui vont bien et celles qui vont mal ; en ce sens, tous les intruments à même de limiter cet effet désastreux doivent être examinés.

C'est dans ce cadre que plusieurs réunions se sont tenues voilà une quinzaine de jours. Pour la première fois, elles ont mis fortement l'accent sur la nécessité de trouver des modalités d'encadrement et de régulation de la circulation des flux de capitaux.

C'est d'ailleurs dans le même esprit, M. Cuvilliez l'a rappelé, que le Premier ministre est encore intervenu hier à propos, non des flux de capitaux, mais cette fois des investissements. La France n'a du reste jamais manqué d'être au premier rang de ceux qui visent à promouvoir une meilleure organisation, une meilleure régulation et, quand c'est nécessaire, une meilleure réglementation du système économique mondial et tout particulièrement des systèmes financiers. Nous devons poursuivre dans cette voie.

Pour autant, dire qu'il faut réformer le système monétaire international ne signifie évidemment pas que n'importe quelle mesure permette d'y parvenir. Or celle que vous nous proposez apparaît justement comme l'une des moins capables d'organiser véritablement une régulation du système monétaire international. Pour commencer - et

M. Dray comme M. Cuvilliez l'ont implicitement reconnu -, pour qu'une telle mesure ait une efficacité, il faut qu'elle soit mise en place à l'échelle internationale, c'est-à-dire par l'ensemble des acteurs. Or ce n'est pas le cas.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

Encore faut-il que quelqu'un la propose, me répondrat-on, et que le débat avance. Le débat existe, il est bien connu. James Tobin a proposé cette idée voilà déjà une trentaine d'années. Depuis, la discussion a eu lieu dans toutes les enceintes. Mais elle n'avance pas, car chacun s'est bien rendu compte que cet instrument était finalement peu susceptible de se débarrasser de ses défauts de base.

Le premier, c'est que ce dispositif ne fait pas la différence entre ce qui relève des flux de capitaux, fondés par les échanges commerciaux ou les échanges de services, et ce qui relève des flux de capitaux liés à la spéculation.

Or aucun d'entre nous ici n'a l'intention de limiter la ciculation des capitaux liés à des échanges de biens et de services ou à des investissements.

Le second défaut tient au fait que dans le cadre de l'euro, notre monnaie à partir du 1er janvier, il sera encore moins concevable de ne soumettre qu'une partie du territoire à une taxe particulière sur les mouvements de capitaux, et non le reste. C'est un peu comme si l'on assujettissait à un impôt particulier les chèques payés en Bretagne et pas dans le reste de la France. Il serait extrêmement facile, on le comprend bien, d'effectuer les paiements à l'extérieur de la zone soumise à taxation.

Par conséquent, aujourd'hui encore moins qu'hier, la France n'apparait pas susceptible de mettre en oeuvre une taxe de cette nature. A tout le moins faudrait-il que l'ensemble des pays de l'euro le fassent.

M. Cuvilliez ne manquerait pas de nous renvoyer aux inconvénients que présente l'euro. Mais, à vrai dire, je ne crois pas qu'il le fasse - je le vois sourire... En effet, M. Cuvilliez réclame une politique propre à garantir des taux d'intérêts bas, et il a plutôt raison. Or il ne pourra que constater avec nous que, grâce à l'euro, nous bénéficions effectivement de taux d'intérêt très faibles, les plus bas même de tous les pays qui nous entourent - à l'exception du Japon dont personne du reste n'envie la situation très particulière.

Je suis moins monétariste que vous tous. Je ne pense pas, moi, qu'agir sur la monnaie puisse influer à ce point sur la réalité économique. Pour M. Cuvilliez et M. Dray, la monnaie et si importante qu'ils en viennent à se rallier aux thèses selon lesquelles toute l'économie dépendrait, d'une manière ou d'une autre, de la monnaie. Cela dit, je suis totalement d'accord - et je crois pouvoir engager l'ensemble du Gouvernement, puisque la réflexion est déjà en cours - pour que soient élaborées des méthodes de régulation, de réglementation prudentielle, de transparence, de surveillance, voire de contrainte, afin que les intervenants financiers ne puissent mettre en danger l'ensemble du système public, comme on l'a vu il y a quelques semaines encore aux Etats-unis avec la faillite du fonds de couverture.

Mais instituer une taxe dans un seul pays n'aurait guère de signification, comme on le disait naguère de la révolution dans un seul pays : on a bien vu qu'elle n'avait pas abouti...

M. Julien Dray.

J'étais pour ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Julien Dray a pour lui la cohérence ; il était pour la révolution dans tous les pays, il est pour la taxe Tobin dans tous les pays. (Sourires.)

Mais, pour l'instant, il n'est pas en état de la mettre en oeuvre partout... Nous n'aurions naturellement que des inconvénients à l'instaurer uniquement en France, a fortiori à la veille du passage à l'euro.

M. Michel Bouvard.

La révolution a toujours besoin d'une avant-garde !

M. Julien Dray.

Il vaut mieux être à l'avant-garde qu'à l'arrière-garde ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si l'Assemblée voulait bien me permettre de terminer, je lui en serais reconnaissant.

Nous sommes d'accord pour aller dans la même direction et essayer de faire en sorte que tous les moyens soient mis en place au niveau international, car c'est là que cela se passe, pour empêcher que des mouvements de capitaux à court terme ne déstabilisent les économies réelles. Encore nous faut-il trouver des instruments efficaces et qui ne se retournent pas contre la France, car si nous étions le seul pays à instituer une taxe de cette nature il est évident que nous en paierions le prix, particulièrement à compter du 1er janvier, date du passage à l'euro.

Je vous demande donc de faire confiance à l'action du G ouvernement, aidé d'ailleurs par ses partenaires.

Comme je le disais lors d'une séance de questions, le nouveau gouvernement qui s'est mis en place de l'autre côté du Rhin partage beaucoup de nos options et nous aidera à faire avancer la nouvelle régulation du système financier que nous souhaitons. Je ne crois véritablement pas que nous puissions atteindre l'objectif grâce à cette taxe et je n'ai jamais rencontré personne ayant des responsabilités dans ce domaine qui soit d'un autre avis.

Par conséquent, nous partageons l'objectif, mais pas le moyen proposé. Je vous propose, ce débat étant achevé, de retirer ces amendements ; sinon, je demanderai à l'Assemblée de bien vouloir les rejeter.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le ministre, il est assez pittoresque, et vous l'avez vous-même noté, de voir que l'une des propositions les plus monétaristes que l'on puisse imaginer émane ce soir du groupe socialiste et de M. Dray. Je suis heureux que ce débat se soit instauré et que, grâce à vos dons pédagogiques bien connus, vous ayez peut-être réussi à faire comprendre aux élus du groupe communiste et à certains élus du groupe socialiste ou des Verts que la taxe Tobin n'était pas une très bonne idée et qu'apparemment le Gouvernement y était hostile.

M. Julien Dray.

Je ne suis pas certain que le RPR vous approuve. Je suis sûr que de Gaulle ne pourrait être d'accord avec vous.

M. François d'Aubert.

Chacun peut avoir son opinion...

M. le ministe a exposé deux ou trois arguments parfaitement recevables. En premier lieu, face à une spéculation d'un telle ampleur, une taxe de 0,05 % serait à coup sûr totalement inefficace : ce n'est pas cela qui découragerait les spéculateurs.

M. Julien Dray.

Ça, c'est du vocabulaire !

M. François d'Aubert.

Non, ce n'est pas du vocabulaire, c'est la réalité. Lorsque vous réalisez des centaines de millions de dollars de bénéfice sur des opérations de change, ce n'est pas une taxe de 0,05 % qui vous découragera. C'est élémentaire ! La deuxième raison, comme l'a excellement dit M. le ministre, c'est que si la France jouait au petit soldat dans ce domaine, comme vous le proposez, non seulement ce serait difficilement compatible avec l'euro, mais en plus cela surviendrait à un moment fort peu approprié. En


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effet, juste avant le passage à l'euro, nous commencerions par nous singulariser en ne faisant pas comme les autres partenaires de la zone euro. Par ailleurs, la taxe Tobin ne pourrait effectivement fonctionner que si le monde entier l'adoptait en même temps, sous peine de créer des trous extraordinaires dans les pays qui ne l'appliqueraient pas, une sorte de marché noir où seraient attirés tous les capitaux en dépit de la relative inefficacité de son taux.

Par ailleurs, ne confondons pas les fonds spéculatifs avec les fonds de pension américains. On a un peu trop tendance à considérer que les fonds de pension américains se livrent à longueur de journée à la spéculation. Il existe des fonds spécialisés dans la spéculation, il faut bien l'avoir en tête ; le plus raisonnable, comme l'a dit le ministre, serait d'essayer d'introduire des règles prudentielles précises, avec notamment des exigences en fonds propres, afin d'éviter les accidents graves. Encore cette politique de renforcement des règles prudentielles devra-telle être menée à tous les niveaux.

Mais, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur le terrain français. Nous avons assisté à plusieurs désastres bancaires ces dernières années, dus notamment au non-respect de règles prudentielles.

M. Michel Bouvard.

Particulièrement dans l'immobilier.

M. François d'Aubert.

Ce ne sont pas exactement les mêmes que ceux qu'ont connus les hedge funds américains, mais il n'en est pas moins vrai que plusieurs grands établissements de crédit - le Crédit lyonnais et quelques autres - n'ont pas respecté les règles prudentielles et que celles-ci, au demeurant, n'avaient rien de bien contraignant. En Europe en général, aux Pays-Bas en particulier, les règles prudentielles sont nettement moins dures que celles en vigueur aux Etats-Unis.

Ne serait-il pas temps de prendre une initiative commune au niveau européenne pour renforcer les règles applicables en matière bancaire ? Lorsque la Banque centrale a été créée , la question du pouvoir monétaire a sucité une telle obsession que celle pourtant essentielle des règles prudentielles à appliquer sur le plan européen a été totalement laissée de côté.

Le problème est réel et appelle des propositions à même de conforter les banques et les instituts financiers européens.

A ce propos, monsieur le ministre, il serait intéressant de connaître - il y va de l'intérêt général, et il nous r este encore quelques banques publiques - le degré exact d'exposition des banques françaises aux effets de la crise asiatique et de la crise russe. Ce sont là aussi de vraies question d'actualité.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je crains que ce débat ne soit pas trop académique. Mais, comme c'est le ministre luimême qui l'a ouvert en lui consacrant trois pages dans le rapport économique et financier, plusieurs de nos collègues se sont engouffrés sur le sujet, et particulièrement sur la taxe Tobin qui dégage un certain parfum d'archaïsme. En effet, cette taxe a été inventée il y a trente ans...

M. François d'Aubert.

Vingt ans, en 1978.

M. Philippe Auberger. A l'époque, les changes n'étaient pas encore devenus un marché électronique dématérialisé et sans localisation comme c'est désormais le cas. Ce qui avait été inventé à l'époque ne peut évidement plus fonctionner aujourd'hui...

M. Christian Cuvilliez.

Cela n'a jamais fonctionné !

M. Philippe Auberger.

On ne peut plus imaginer d'empêcher, par le jeu de cette taxe, ne serait-ce que les mouvements d'écriture électronique.

Comme l'a rappelé très justement le ministre, ce marché n'est ni localisé ni forcément localisable ; il est donc très facile de délocaliser. Dès lors, une taxe francofrançaise n'a absolument aucun intérêt.

Pour commencer, il est très difficile de distinguer les bons mouvements de capitaux des mouvements spéculatifs. Certains mouvements qui paraissent bons au départ, s'ils se mettent à faire des aller-et-retour très rapides, deviennent spéculatifs. Aucune taxe ne permet d'éviter de tels mouvements.

Ce qu'il faut, c'est que les marchés des changes soient ordonnés et surveillés convenablement. Sur ce point, je rejoins la thèse du ministre ; il faut élaborer des règles prudentielles, mieux surveiller les intervenants, éviter d'utiliser l'effet de levier à tout propos et dans n'importe quelle condition : cela peut devenir extrêmement dangereux et c'est justement cela qui met en péril les hedge funds . Nous avons donc besoin d'une réflexion beaucoup plus approfondie sur le fonctionnement des marchés des changes, à mener par les grands pays détenteurs de réserves et par voie de conséquence directement intéressés au fonctionnement des marchés des changes. Je ne pense pas qu'il faille nécessairement que tous les pays du monde se rallient à ce travail d'ordonnancement des marchés pour que ceux-ci fonctionnent ; cela pourrait, me semblet-il, être très bien réglé dans le cadre soit du G 7, soit des vingt-deux pays du comité intérimaire.

Mais il faudrait une véritable volonté politique d'ord onner les marchés et, malheureusement, à l'heure actuelle, cela reste illusoire, surtout compte tenu de la position des Américains. C'est pourquoi les spécialistes, dont M. Camdessus que nous sommes plusieurs à avoir rencontré hier, je regrette que mes collègues communistes et M. Julien Dray n'aient pas été conviés à cette réunion qui les aurait peut-être fait changer de point de vue tous les grands opérateurs, qui ont une notion réaliste des marchés, savent que la proposition qui est faite ici est purement théorique et qu'elle n'a aucune chance ni d'aboutir ni de réussir. Elle doit donc être purement et simplement abandonnée.

M. le président.

Monsieur Auberger, pouvez-vous traduire l'expression hedge funds ?

M. Philippe Auberger.

Ce sont des fonds très mouvants.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Des fonds de couverture !

M. Julien Dray.

Ce sont des spéculations à haut risque - il n'y a pas de règles prudentielles et en cas de pertes, c'est le contribuable qui paie !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

On peut aussi traduire hedge funds par placements nomades ! Mais revenons à ce qu'a dit M. d'Aubert. Non seulement c'est faux, mais surtout cela relève encore du procès : on sait qu'il s'est spécialisé dans une affaire, qui était certes un scandale, celle du Crédit lyonnais ! Mais, monsieur d'Aubert, il faut bien dire que les banques se sont trompées à un moment donné dans notre pays. Elles ont été critiquées, entre autres par vous


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et à juste titre, parce qu'elles avaient fait un autre métier que le leur et, en particulier, elles avaient spéculé dans l'immobilier. Ça c'est juste.

Aujourd'hui, il faut être modeste quand on est un grand libéral, sachant que les banques du monde entier ont embarqué toute la planète dans une spéculation sur leur métier, et on a une vraie crise financière internationale.

Je dis que nous sommes en train de vivre les derniers mois du tout-libéral à l'échelle du monde, parce qu'on est en pleine socialisation des pertes. Le FMI tend la main et demande des fonds à l'ensemble des pays puissants de la planète, y compris la France, laquelle accepte par solidarité. Le G7 se réunit. Car il faut bien colmater les brèches. Et on socialise les pertes ! Au Japon, monsieur d'Aubert, ce sont tout de même entre 2 000 et 3 000 milliards de francs que l'Etat doit injecter, soit 20 à 30 Crédit lyonnais en une seule fois, et tout simplement à cause de la dérive financière ! La taxe Tobin qui est demandée est une manière d'amorcer les choses. Mais ce n'est pas suffisant. La vraie question, c'est de créer des institutions financières qui ne travaillent plus seulement sur l'extrême court terme.

M. François d'Aubert.

C'est le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts qui parle !

M. Jean-Pierre Balligand.

La Caisse des dépôts, elle, a pris quelques précautions ! Toutes les banques de la planète un peu sérieuses sont dans le collimateur des agences de notation, y compris les grandes qui avaient de belles notations au niveau international.

J'aimerais que les ultra-libéraux, dont vous vous revendiquez monsieur d'Aubert, fasse preuve d'un peu de modestie. Ayons, et tous d'ailleurs, le souci de trouver, à l'échelon de l'Euroland qui se constitue...

M. Michel Bouvard.

Arrêtez de parler de l'Euroland !

M. Jean-Pierre Balligand.

...des moyens non seulement de stabiliser, et de réguler les marchés, mais d'avoir des institutions qui permettent de travailler sur le moyen terme plutôt que de mobiliser tous les moyens financiers dans une bulle financière qui peut imploser en plein vol.

C'est ce qui est arrivé.

Quant à M. Auberger, il pourrait lire les textes de son propre parti ! La taxe Tobin, même le RPR l'a mise dans son fonds de commerce !

M. Philippe Auberger.

Le président du RPR !

M. Julien Dray.

N'attaquez pas M. Séguin, laissez ça à M. Juppé ! Vous allez être obligés de lui faire des excuses ! Comme M. Juppé !

M. Jean-Pierre Balligand.

Soyez donc plus prudents !

M. le président.

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

La taxe Tobin est une proposition vieille de trente ans, c'est vrai, et on la considère un peu comme une sorte de punition.

M. François d'Aubert.

Il y a trente ans, vous n'étiez pas d'accord !

M. Julien Dray.

Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis !

M. Daniel Feurtet.

Mais, il y a trente ans, James Tobin, la destinait à favoriser le développement. Depuis lors, les écarts se sont considérablement creusés entre les économies et une forte contraction des marchés a permis une bonne rentabilité des capitaux circulants. Donc, je suis tenté de penser que même pour l'existence des capitaux et du système, par-delà la situation pénible des hommes dans de très nombreux pays, la question de cette fameuse taxe, du contrôle et de la régulation, ne peut se poser que dans une conception différente du développement.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Il est dommage qu'un tel débat soit abordé à l'Assemblée par le biais d'un amendement au cours de l'examen du projet de loi de finances. Je partage le point de vue de M. Balligand : nous avons affaire à un vrai problème, qui concerne toutes les démocraties et toutes les économies des pays industrialisés. En tout état de cause, le sujet mérite que le parlement et la représentation nationale se penchent sérieusement dessus, ne serait-ce que pour ne pas s'en remettre au seul Gouvernement et pour exprimer un point de vue qui, à mon avis, peut dépasser les clivages politiques.

On s'aperçoit bien aujourd'hui que les mouvements de capitaux sont de nature à désorganiser complètement l'économie mondiale, entraînant des répercussions très réelles sur l'emploi, ce qui suscite une inquiétude profonde chez nos concitoyens.

Le président de la commission des finances, qui a autorité pour le faire, pourrait y consacrer quelques réunions de la commission des finances. Nous pourrions procéder à des auditions,...

M. Julien Dray.

Bouvard taille un costard à d'Aubert !

M. Michel Bouvard.

... réféchir à des propositions, envisager des recommandations à adresser à la commission européenne.

Euroland est un mot qui me hérisse le poil. L'Etatbanque n'a jamais été ma religion...

M. Julien Dray.

A moi non plus !

M. Michel Bouvard.

... l'Etat-monnaie non plus. J'ai toujours considéré qu'il fallait maintenir sa primauté au politique. Sans quoi quelle serait notre utilité dans cet hémicycle ? Cela étant, puisqu'il y a coordination des actions économiques à l'échelon européen, je pense que la France doit prendre des initiatives. Je ne suis pas sûr qu'un amendement adopté ce soir serait la meilleure manière de le faire mais il est impossible que notre pays reste sans rien faire.

M. Julien Dray et M. Jean-Pierre Balligand.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Monsieur le président, je vous demande une courte suspension de séance.

M. François d'Aubert.

Pour auditionner Tobin ? (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le 16 octobre 1998 à zéro heure, est reprise à zéro heure cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le président, nous avons souhaité qu'un débat puisse s'ouvrir sur ce sujet particulièrement grave. Il a eu lieu dans l'hémicycle, succédant à diverses déclarations ces dernières semaines, du Premier ministre notamment. Nous souhaitons tous continuer à nourrir notre réflexion, et c'est pourquoi nous retirons notre amendement, no 522.

M. le président.

Monsieur Brard, maintenez-vous l'amendement no 123 ?

M. Jean-Pierre Brard.

Non ! Mais on y reviendra !

M. le président.

Et l'amendement no 168 corrigé que vous avez défendu ?

M. Jean-Pierre Brard.

Non plus ! On y reviendra aussi !

M. le président.

Les amendements nos 123, 522 et 168 corrigé sont retirés.

M. le président.

M. Auberger a présenté un amendement, no 68, ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« I. - La première phrase du dernier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Le taux de l'intérêt de retard est égal au taux de l'intérêt légal. »

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Le sujet de cet amendement, placé juste après la taxe Tobin, en diffère totalement puisqu'il s'agit d'adapter notre système des taux d'intérêt de retard - fixés à un niveau élevé par la loi du 8 juillet 1987 - à la baisse générale des taux d'intérêt.

Ceux qui doivent les acquitter, c'est bien souvent qu'ils n'ont pas pu payer à temps ! Le principe de l'intérêt de retard n'en est pas moins justifié et doit être maintenu. Mais je propose d'aligner son taux sur le taux d'intérêt légal, c'est-à-dire à un niveau plus compatible avec celui des taux d'intérêt actuels.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'ai soulevé moimême le problème l'année dernière et je ne suis pas loin de raisonner comme M. Auberger. Nous n'avons pas pour autant adopté son amendement en commission.

Nous avions des choix à faire. La mesure coûterait plusieurs centaines de millions de francs le point. Elle ne nous a pas paru première priorité. J'invite donc l'Assemblée à rejeter cet amendement, en souhaitant que la réflexion se poursuive sur le sujet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne comprends pas très bien la position de M. Auberger. Les intérêts de retard pénalisent des contribuables qui mettent le Trésor en situation de banquier involontaire. Il le fait, à son corps défendant, à un taux - 9 % par an - inférieur au taux auquel on obtient un découvert dans une banque commerciale.

Et vous voudriez que ce soit encore moins cher, monsieur Auberger ? Ce n'est pas raisonnable.

Au surplus, vous voudriez faire porter la charge aux pauvres fumeurs de cigarettes, puisque vous proposez un gage « tabac ». Pourquoi des fumeurs de cigarettes, parfaitement honnêtes, devraient-ils être pénalisés à la place de mauvais payeurs ? (Sourires.) Tout ça n'a pas de sens, monsieur Auberger !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Mon amendement a soulevé une certaine hilarité. Toutefois, autant j'apprécie et je comprends la réponse du rapporteur général, qui a rappelé qu'une telle mesure coûterait un peu d'argent - je ne le conteste pas - et qu'il y avait d'autres priorités, autant je considère que la réponse du ministre n'est pas convenable.

C'est justement parce que les taux d'intérêt appliqués sont extrêmement élevés, que souvent les personnes qui sont en retard ne le sont pas volontairement : elles peuvent elles-mêmes attendre des débiteurs qui sont également en retard, en particulier l'Etat, qui, chacun le sait, est un mauvais payeur, et à qui on n'applique pas toujours les intérêts moratoires.

Le point de vue du ministre est inacceptable. Il veut faire croire que tous ceux qui sont en retard sont de mauvais citoyens, qu'ils le font exprès. Malheureusement, ce n'est pas le cas. En effet, même si la conjoncture s'est améliorée, nombre d'entreprises ont des difficultés. De toute façon, quand on connaît les chefs d'entreprise, quand on les côtoie comme nous les côtoyons, nous savons qu'ils risquent à tout moment de devoir faire face à des échéances et que, dans ces conditions, ils peuvent être confrontés à des difficultés et obligés, à leur corps défendant, de retarder des paiements à l'administration fiscale.

Le sujet est important et il mérite d'être regardé plus attentivement par le ministre et son administration.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

68. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. I.

L'article 885 V ter du code général des impôts est abrogé.

« II. Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié : FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE TARIF APPLICABLE (en pourcentage) N'excédant pas 4 700 000 F

...........................................................................

...........................................................................

......................

0,0 Comprise entre 4 700 000 F et 7 640 000 F

...........................................................................

....................................................................

0,55 Comprise entre 7 640 000 F et 15 160 000 F

...........................................................................

..................................................................

0,75 Comprise entre 15 160 000 F et 23 540 000 F

...........................................................................

................................................................

1 Comprise entre 23 540 000 F et 45 580 000 F

...........................................................................

................................................................

1,30 Comprise entre 45 580 000 F et 100 000 000 F

...........................................................................

.............................................................

1,65 Supérieure à 100 000 F

...........................................................................

...........................................................................

..............................

1,80


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l'article.

M. Jean-Pierre Brard.

L'article 8 est un article très important qui revient d'une façon presque rituelle dans chacune des lois de finances. Il a une forte signification du point de vue des ressources de l'Etat, mais il n'échappe à personne qu'il a aussi une forte valeur symbolique.

Nous sommes dans un pays où les possédants savent que pour vivre heureux, il faut vivre caché, surtout quand on a une grosse fortune. Chacun sait que, durant les vingt dernières années, le patrimoine des plus riches s'est accru considérablement, tandis que la pauvreté, elle, progressait en nombre et en intensité.

Par exemple, dans leur excellent livre consacré aux grandes fortunes, M. Michel Pinçon et Mme Monique Pinçon-Charlot écrivent qu'au sommet de la richesse, chaque foyer fiscal possède les avoirs de 23 724 ménages modestes, ce qui est l'équivalent de la population du VIe ou du VIIIe arrondissement.

Ces deux points de repère montrent à quel point les écarts sont considérables dans notre pays. Même si les riches considèrent qu'être riches coûte cher, il vaut tout de même mieux être dans cette catégorie-là que dans celle qui se situe complètement à l'opposé. On perçoit mal dans notre pays les formes que peuvent revêtir les grandes richesses.

Si vous lisez ce livre, que je vous recommande une nouvelle fois, vous pourrez prendre connaissance entre autres, du témoignage de Mme Yvonne Embirikos, veuve d'un très riche armateur grec, qui a pour résidence principale une suite de l'Hôtel de Paris, à Monte-Carlo :

« Quand nous sommes arrivés au début de la guerre, en 1940, dit-elle, je suis tombée amoureuse d'une maison et mon mari d'une autre. Alors il a acheté les deux. » C'est

simple, quand on aime, on ne compte pas, c'est bien connu.

M. Philippe Auberger.

Quel est le rapport avec le débat ?

M. Jean-Pierre Brard.

Ça a un rapport avec le débat car, moi, pour comprendre ces situations, je suis obligé de lire car je ne fréquente pas de gens fortunés. Dans ma circonscription, contrairement à M. Gantier, je n'ai ni duchesses ni privilégiés de la fortune, encore que, bien que souvent, les deux aillent de pair.

M. Philippe Auberger.

C'est une obsession !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais je reconnais que je parle de quelque chose que je ne connais pas parfaitement.

Etre riche dans notre pays dépasse l'aspect monétaire qui est fort bien rapporté par Challenges, Capital ou d'autres revues de même nature. Etre riche, c'est aussi un style de vie qui a des conséquences dans la vie quotidienne. Toujours dans ce livre, on peut lire à ce propos ces quelques lignes qui sont fort intéressantes : « La grande bourgeoisie peut se contenter de la pratique. Elle peut fonctionner comme classe organisée et agissant en fonction de ses intérêts bien compris sans avoir à construire la théorie de sa réalité sociale et de sa pratique, une classe qui n'a pas à se déclarer comme telle et surtout ne doit pas le faire pour exister réellement. » Mais préci-

sément, elle existe.

M. Gilbert Gantier.

Vous êtes un philosophe, monsieur Brard !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Mais non, c'est un sociologue !

M. Jean-Pierre Brard.

Je vois que je commence à vous i ntéresser, monsieur Gantier. Je poursuis donc ma lecture : « Les enfants de la noblesse et de la grande bourgeoisie bénéficient d'une atmosphère où des éléments de culture savante sont présents en nombre. Ils finissent par entretenir un rapport familier et intime avec la culture savante et légitime comme avec leur langue maternelle.[...] Incorporée comme les bonnes manières et le langage châtié, la culture, à la fois savante et anthropologique, devient un élément essentiel des classements sociaux, avec la transformation en différences de nature des acquisitions les plus sociales. »

M. Philippe Auberger.

Vous n'allez pas taxer la culture par l'ISF !

M. le président.

Monsieur Brard, je dois vous indiquer que votre temps de parole se termine.

M. Gilbert Gantier. Il va lire le livre en entier !

M. Jean-Pierre Brard.

Je vais conclure, monsieur le président.

J'en viens à un sujet qui, précisément, va être au coeur de notre débat. Pour appuyer ma démonstration, je citerai la description par une riche héritière, Victoire de Montesquiou, fille du duc de Montesquiou Fezensac de l'appartement d'une proche parente : « Nous déjeunions toujours chez elle, au 44, avenue Gabriel. Dans cet appartement donnant sur le marché aux timbres et sur le Guignol, tout n'était que beauté :...

M. Philippe Auberger.

Après Balzac, c'est Proust !

M. Jean-Pierre Brard.

... les murs du grand salon et le mobilier recouverts de tapisserie des Gobelins à fond rose, d'après des cartons de Barcher. Sur les tables, les commodes en marqueterie, des personnages de Meissen montés sur bronze côtoyaient les bustes de Rodin,...

M. Gilbert Gantier.

Hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard.

... dont la plupart représentaient mamie Fenaille, mon arrière grand-mère. Des tableaux de Fragonard, de Boucher, des gravures de Debucourt, donnaient à cet ensemble d'un esthétisme parfait, une poésie irrésistible. »

M. Philippe Auberger.

C'est une caricature !

M. Jean-Pierre Brard.

Je pourrais continuer avec Monique de Rothschild et quelques autres.

M. le président.

Ne continuez pas, monsieur Brard.

Vous avez terminé.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, j'en reste là. Je voudrais simplement ajouter une phrase pour dire que la richesse aujourd'hui ne s'évalue pas uniquement à la grosseur des comptes en banque. Il y a aussi tout le reste, et c'est précisément ce sur quoi nous allons revenir bientôt.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Avec l'article 8, nous en arrivons à un article que nous revoyons régulièrement dans chaque loi de finances.

E n ce qui nous concerne, nous n'avons aucun complexe en ce qui concerne l'ISF. Le Président de la République a pris position publiquement sur cet impôt en 1996 en déclarant qu'il existait un consensus sur son institution. D'ailleurs, lorsque nous sommes revenus au pouvoir en 1993, nous ne l'avons pas remis en cause, et nous n'entendons toujours pas le remettre en cause.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Cela vous a coûté cher !

M. Philippe Auberger.

Cependant, il ne faut pas oublier - ce que certains ont tendance à faire - que toute évaluation de la richesse est extrêmement fragile.

M. Jean-Pierre Brard.

Mon Dieu ! Heureusement qu'il existe les CCAS !

M. Philippe Auberger.

Elle dépend des marchés. Tout à l'heure, M. Brard nous a cité une liste dressant un classement des fortunes. Cette liste datait du mois de juin.

Or depuis cette date, les fortunes boursières ont tout de même singulièrement diminué puisque la bourse de Paris a chuté de plus de 30 %, alors que celles de New York et de Sa o Paolo baissaient encore plus. Une richesse est donc éminemment fragile. Aussi, quand on nous dit que l'ISF rapportera 4 milliards supplémentaires l'année prochaine, tout dépend du point de départ et de la façon dont sera évaluée la richesse.

Non seulement la richesse est fragile, mais, en plus, elle est parfois insaisissable. C'est ainsi que j'ai pu dire dans le passé - et je maintiens mes propos - que l'ISF était davantage payée par les millionnaires que par les milliardaires.

M. Julien Dray.

Tout dépend si l'on parle en anciens ou en nouveaux francs !

M. Philippe Auberger.

Les millionnaires, notamment ceux qui ont une fortune immobilière, n'ont pas en effet les moyens de la délocaliser alors que ceux qui ont une fortune uniquement mobilière ont beaucoup plus de facilités pour la localiser ailleurs, notamment dans un certains nombre de paradis fiscaux.

M. Jean-Jacques Jégou.

Très juste !

M. Philippe Auberger.

Il faut donc être extrêmement attentif à ne pas encourager la fuite des capitaux, car ils peuvent être utiles au développement de notre pays.

Encore faut-il qu'ils restent localisés en France.

On a vu cette année fleurir des articles supplémentaires sur l'ISF. S'il est des injustices auxquelles il faut remédier en matière d'ISF - et je suis d'accord pour que nous examinions certains points -, je crains tout excès dans ce domaine. Je pense notamment aux dispositions particulières que nous avions votées à une autre époque parce que l'administration fiscale nous avait extrêmement mal informés. Et je vais vous expliquer pourquoi. Il existe dans notre droit une procédure qui s'appelle l'abus de droit. Or comme l'administration fiscale ne souhaite pas utiliser cette procédure en matière d'ISF, elle propose aux différents gouvernements de prendre d'autres dispositions pour contrecarrer des abus manifestes. Au lieu de toujours essayer de se livrer à une course poursuite contre l'évasion fiscale, mieux vaudrait utiliser à bon escient la procédure d'abus de droit, et ça simplifierait le droit fiscal.

En conclusion, je suis pour la stabilité en matière d'ISF.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Chaque année - je crois que j'en suis à mon vingt-troisième budget, dont un certain nombre avec M. Brard -,...

M. Julien Dray.

Vous nous le rappelez tous les jours !

M. Gilbert Gantier.

... à chaque fois que nous examinons l'article relatif à l'ISF - autrefois c'était l'IGF -, M. Brard entre, tel un volcan, en éruption !

M. Julien Dray.

Où est le pétrole ?

M. Gilbert Gantier.

En fait, l'ISF, c'est le Viagra intellectuel de M. Brard ! (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Est-ce que ça coûte moins cher ?

M. Gilbert Gantier.

Monsieur Brard, vous savez très bien que l'ISF est un impôt qui occupe une place modeste dans les recettes de l'Etat.

M. Jean-Pierre Brard.

Il faut l'augmenter, ce n'est pas un problème !

M. Gilbert Gantier.

Je sais que vous le regrettez, mais, comparé à la TVA ou même à l'impôt sur le revenu, l'ISF est une toute petite chose. En tout cas, l'examen de l'article relatif à l'ISF est à chaque fois une petite gâterie qui vous est offerte dans la lecture budgétaire, et je suis heureux que cela vous fasse tant plaisir.

Vous avez parlé d'une dame dont les avoirs représentaient ceux de je ne sais plus combien de foyers modestes.

Mais, monsieur Brard, savez-vous combien vos propres avoirs représentent par rapport à ceux des habitants du Bengladesh, ou de l'Inde, ou d'autres pays ? Ils représentent ceux d'un nombre considérable de ces personnes qui n'ont pas démérité par rapport à vous !

M. Julien Dray.

Je n'avais pas vu Brard si gros que ça !

M. Gilbert Gantier.

Votre ambition serait de taxer les riches. Eh bien, je vais vous faire une confession : je ne suis sans doute pas plus riche que vous.

M. Jean-Pierre Brard.

Oh si !

M. Julien Dray.

Si, vous êtes plus riche de coeur, monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier.

La richesse d'un homme politique n'a rien à voir avec sa circonscription, monsieur Brard.

Ça tient à d'autres éléments. Nous pourrions peut-être faire une comparaison.

M. Jean-Pierre Brard.

Volontiers ! Et on partage après !

M. Gilbert Gantier.

Monsieur Brard, votre idée, c'est de niveler la société par le bas. Votre idéal, c'est le système soviétique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Nous avons vu où le système soviétique a mené !

M. Julien Dray.

Au moins avant, les Soviétiques avaient à manger !

M. Gilbert Gantier.

Votre idéal, c'était un pays que vous avez bien connu : l'Allemagne de l'Est.

Il se trouve que j'étais récemment à Berlin où j'ai notamment été voir le château de Sans-Souci et que je viens de traverser l'ex-Allemagne de l'Est.

M. Julien Dray.

Vous y avez fait une cure d'EPO ? (Rires.)

M. Gilbert Gantier.

Eh bien, dans ce pays, on trouve trois sortes de bâtiments : ceux qui sont flambants neufs car ils ont été refaits récemment, ceux que l'on est en train de construire et qui sont encore sous des bâches, et enfin ceux qui sont en ruines. Et les routes aussi sont en ruine. Voilà votre idéal économique !

M. Julien Dray.

Et les nageuses, comment les avez-vous trouvées ? (Rires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. Gilbert Gantier.

Monsieur Brard, je ne suis sans doute pas beaucoup plus riche que vous,...

M. Alain Calmat.

On va faire une quête pour M. Gantier !

M. Gilbert Gantier.

... mais, contrairement à vous, je ne suis pas jaloux : je ne veux pas abattre les gens qui ont de l'argent. Je me dis que les riches ont une fonction sociale, quand ils l'exercent bien. Ils habitent de grands appartements, ils ont des maîtres d'hôtel et des femmes de chambre, que sans doute ni vous ni moi n'avons,...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Effectue-t-on des contrôles antidopage dans la maison ?

M. Gilbert Gantier.

... et ils font venir des tapissiers chez eux. Tout cela, ce sont autant d'emplois créés, des salaires versés, de TVA et d'impôts qui rentrent en retour ! Vous et les vôtres, vous préférez chasser ces gens, vous préférez les délocaliser, vous préférez qu'ils aillent dépenser leur argent en Suisse, en Belgique ou en Angleterre ! Comme vous le savez, il y avait un impôt sur la fortune en Allemagne. Eh bien, il a été supprimé il y a quelques temps avec l'accord des sociaux-démocrates !

M. Jean-Pierre Brard.

Non ! C'est faux !

M. Gilbert Gantier.

Et les sociaux-démocrates qui sont maintement au pouvoir en Allemagne ne parlent pas de le rétablir.

Vous avez tout de même dit une chose juste, monsieur Brard, en indiquant que cet impôt n'est pas important, mais qu'il a surtout une valeur symbolique. Pour vous, c'est le symbole de l'égalitarisme et du nivellement par le bas, que nous avons bien connu dans les pays de l'Est, et dont ils ont tenté de se défaire.

M. Julien Dray.

Gantier est un grand copain de Boris Eltsine !

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Le Gouvernement ne nous a toujours pas répondu précisément sur le rendement de l'ISF en 1999. M. le secrétaire d'Etat au budget nous a bien expliqué l'autre jour que cet impôt devrait avoir en 1999 un rendement supérieur de 32 ou 33 % par rapport au rendement de 1998. Or, comme le rendement de 1999 va être calculé à partir des biens qui auront été déclarés en 1999 à leur valeur au 1er janvier 1999, on peut tout de même avoir quelques doutes sur la valeur de ce pourcentage quand on observe les mouvements récents de la Bourse.

Certes, il y a un alourdissement de l'ISF, avec la création d'une nouvelle tranche au-delà de 100 millions de francs, mais nous aimerions avoir des précisions sur la décomposition du supplément de rendement attendu.

Quel sera le produit du nouveau taux sur la nouvelle tranche et quel sera le rendement économique de l'ISF, puisque, comme vous l'avez dit vous-même, un certain nombre de « grandes fortunes » sont souvent investies en valeurs mobilières, et elles risquent de devoir faire face à une baisse de la Bourse ? Il en va de même des chefs d'entreprise qui sont propriétaires de leur entreprise, car ils en détiennent des actions. Ces valeurs mobilières sont déclarées au titre de l'ISF et, actuellement, elles enregistrent des pertes de valeur.

Autrement dit, l'effet richesse proprement dit, à propos duquel vous n'avez pas répondu en dépit des questions que nous vous avons posées, sera peut-être moins grave qu'aux Etats-Unis, mais quel sera l'effet richesse négatif et quelles seront ses conséquences sur le rendement de l'ISF ? Je souhaite que vous répondiez à cette question car on sent tout de même un peu la combine politique derrière tout cela. Chacun se rappelle que, pour satisfaire le groupe communiste, vous avez expliqué, il y a quelques mois, que vous alliez durcir l'ISF et que, miraculeusement, cela rapporterait 3 ou 4 milliards de plus. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans les relations au sein de la gauche plurielle et pour améliorer la transparence, il serait bon, monsieur le ministre, que vous précisiez combien vous pouvez promettre au groupe communiste.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) M. Brard, ses amis et apparentés vont se sentir en quelque sorte grugés...

M. Jean-Pierre Balligand.

Ce que vous dites est trivial !

M. François d'Aubert.

... si le rendement attendu le 1er janvier 1999 n'est pas obtenu.

M. Jean-Pierre Brard.

Sortez vos carnets de chèques !

M. François d'Aubert.

C'est là un point important pour la clarté de notre débat et pour la transparence du fonctionnement de la gauche plurielle.

Ma deuxième question est plus technique. Un amendement propose d'incorporer dans la base de l'ISF les objets d'art. Plusieurs voix se sont élevées contre cette vieille idée, qui avait été repoussée, lors de la création de l'impôt sur les grandes fortunes, au début des années 80, par M. Fabius et par M. Lang. Chacun sait en effet qu'une telle mesure serait très difficile à appliquer. Quelle est la définition de l'oeuvre d'art ? Les objets contemporains seront-ils concernés ? La définition, je le répète, sera extrêmement difficile à donner. Certes, vous proposez une tarification forfaitaire, mais cela ne simplifiera pas les choses et risque, en outre, d'aboutir à une véritable inquisition fiscale.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Nullement !

M. François d'Aubert.

Cela risque aussi d'avoir des conséquences sur le marché de l'art français.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Absolument pas !

M. François d'Aubert.

Or celui-ci est déjà passablement défavorisé par rapport au marché de l'art anglais ou au marché de l'art américain, voire à celui d'autres pays d'Europe. Et là, vous allez encore plus le handicaper car, dans ces pays, il n'y a pas de taxation des objets d'art au titre de l'impôt sur la fortune.

Je me résume : aussi bien sur le rendement que sur la taxation des objets d'art, nous attendons des réponses du Gouvernement ; une réponse claire sur le premier point et, je l'espère, une réponse négative sur le second point, car beaucoup de gens, quelle que soit leur appartenance politique, se battent contre la taxation des objets d'art.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les protestations de M. Auberger, qui nous a dit que l'opposition n'était pas défavorable à l'ISF, font plaisir à entendre et j'en prends acte. Il a lui-même rappelé qu'en 1986 la majorité à laquelle il appartenait avait supprimé l'IGF, mais que l'impôt sur la fortune a été rétabli en 1988. Je suis content de constater que cet


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impôt, qui a été vigoureusement combattu en 1981, lorsqu'il a été mis en place, qui a été aboli par une majorité nouvelle en 1986, puis remis en place par la majorité de gauche en 1988, fait maintenant l'unanimité de l'Assemblée.

M. le secrétaire d'Etat au budget et M. Maurice Adevah-Poeuf.

Moins M. Gantier ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Balligand.

S'il n'en reste qu'un, ce sera lui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Peut-être pas l'unanimité, et j'ai bien fait de m'arrêter une seconde pour vérifier... Disons que l'ISF trouve des défenseurs au-delà de la majorité.

M. Philippe Auberger.

Nous avons accepté cet impôt dans un souci d'apaisement !

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vous en prie.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Gilbert Gantier.

Je n'en fais pas une affaire personnelle et je l'ai dit tout à l'heure à M. Brard.

M. Philippe Auberger.

Il faut éviter les querelles du type lutte des classes !

M. Gilbert Gantier.

Mon point de vue sur cet impôt est celui d'un modeste économiste. J'estime que son rapport est faible, comparé aux inconvénients qu'il présente du point de vue économique.

Certes, très peu de personnes sont concernées, mais j'aimerais mieux que ceux qui se « délocalisent » et vont vivre dans d'autres pays restent en France, consomment, dépensent, construisent et investissent dans notre pays plutôt qu'à l'extérieur.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alain Calmat.

Rien ne les empêche de le faire !

M. Gilbert Gantier.

Monsieur Brard, j'ai beaucoup admiré votre démonstration, mais les sociaux-démocrates allemands, qui ont voté une suspension de l'impôt sur le capital, sont à peu près du même avis que moi. Et les Suisses, dont la technique consiste à faire venir chez eux les détenteurs de fortunes, n'y perdent certainement pas.

On ne peut donc pas dire qu'il y ait unanimité sur ce point mais, je le répète, je n'en fais pas une question personnelle, il s'agit simplement d'un raisonnement économique.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Gantier, veuillez me pardonner. En prononçant le mot « unanimité », je me suis aperçu que c'était exagéré. La vérité consiste à dire que l'acceptat ion de cet impôt va au-delà de la majorité d'aujourd'hui et qu'il trouve des soutiens dans l'opposition, ce dont je me réjouis,...

M. Alain Calmat.

Il faut faire contre mauvaise fortune bon coeur, monsieur Gantier ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... même si M. Auberger a précisé que l'opposition l'avait accepté dans un souci d'apaisement.

M. Gantier préférerait qu'il n'y ait pas d'impôt sur la fortune, afin que les fortunes ne fuient pas à l'étranger et restent en France. Ce raisonnement semble avoir une certaine logique mais, si on le suit jusqu'au bout, il devrait conduire à souhaiter qu'il n'y ait plus jamais aucun impôt, car tout impôt peut conduire ceux qui doivent le payer à vouloir aller ailleurs.

Je n'ai pas, comme M. Brard, mon bréviaire sous la main (Sourires), et ma citation sera donc moins précise, mais peut-être vous rappelez-vous cette page de L'île aux pingouins où Anatole France suggère qu'il ne faut surtout pas taxer les riches, mais les pauvres, car si on taxe les riches, ils deviendront pauvres, et il n'y aura plus personne à taxer. Mieux vaut donc taxer directement les pauvres...

C'est un peu le même genre de raisonnement que vous nous avez tenu,...

M. Gilbert Gantier.

Pas du tout ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et si certains s'en vont à cause de l'impôt, nous le regrettons. Je considère quant à moi que, lorsqu'on est attaché à son pays, on doit en respecter les lois,...

M. Jean-Pierre Brard.

Tout à fait ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... y rester et payer les impôts.

M. Alain Calmat.

On pense à certains sportifs.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais si certains préfèrent devenir apatrides pour des raisons financières, ça les regarde. Il n'en demeure pas moins que la base taxable la plus grande est tout de même dans notre pays, et ce n'est pas en renonçant à l'impôt que la collectivité trouverait plus de ressources.

Honnêtement, je crois que nous avons bien fait de mettre en place un impôt sur les grandes fortunes puis un impôt de solidarité sur la fortune. Et vous faites bien, messieurs de l'opposition, de le reconnaître aujourd'hui et de vous y rallier, nous nous en réjouissons tous.

M. Auberger a posé deux questions précises et formulé une remarque.

L'évaluation figure dans le fascicule des voies et moyens. L'ISF doit rapporter en 1999 3,6 milliards de francs de plus qu'en 1998, qui se décomposent de la façon suivante : 1,6 milliard de francs au titre de l'évolution spontanée et 2 milliards de francs au titre des mesures nouvelles.

Naturellement, une évaluation fiscale n'est jamais qu'une évaluation, et celle de l'ISF plus qu'une autre, pour les raisons que M. d'Aubert a lui-même énoncées, à savoir que ce sont les valeurs à la fin de l'année 1998 qui seront prises en compte pour l'estimation de l'ISF en 1999. Si, pour un certain nombre de biens, notamment immobiliers, on peut mesurer sans trop d'erreur les évolutions à quelques mois près, nul ne sait exactement quels seront les cours des valeurs mobilières.

Il faut donc procéder à une estimation qui vaudra ce qu'elle vaudra, à partir d'une impression sur ce que sera le niveau des cours à la fin de l'année. Mais je reconnais que, pour une année comme celle-ci, où les cours enregistrent des fluctuations très importantes, l'exercice est délicat. Nous n'avons cependant pas d'autre moyen que de fournir ce qui nous semble la meilleure évaluation possible. C'est ce que nous avons fait dans le fascicule. Il se peut qu'à la fin de l'année les cours soient supérieurso u inférieurs à ceux qui auront été retenus. Par conséquent, le chiffre de 1,6 milliard de francs pour l'évolution dite spontanée peut connaître des variations vers le haut ou vers le bas.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

M. François d'Aubert.

M. Hue ne va pas être déçu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'en viens à la proposition de M. Auberger c oncernant l'abus de droit. L'administration fiscale devrait, selon lui, utiliser plus souvent cette arme, afin de réprimer des manoeuvres condamnables. Nous préférons, quant à nous, modifier les textes lorsque nous avons l'impression qu'ils sont contournés par les contribuables, car la méthode nous paraît plus équitable.

Je m'explique. Utiliser la technique de l'abus de droit, c'est conserver les textes tels qu'ils sont et donner à l'administration un pouvoir d'interprétation plus important. Celle-ci dit au contribuable : « Le texte est ce qu'il est, mais vous avez cherché à le contourner et nous considérons que vous avez commis un abus de droit. » L'admi-

nistration peut ne pas se tromper, mais elle peut aussi se tromper. Et il me semble que la sécurité juridique est plus grande pour tout le monde si les textes sont modifiés et si l'administration doit les respecter au plus près, que si on ne les modifie pas et si on demande à l'administration d'utiliser la procédure de l'abus de droit, ...

M. François d'Aubert.

Tout à fait ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qu'elle utilise parfois à bon escient, mais qu'elle pourrait utiliser de façon exagérée, hors du contrôle du Parlement, qui, lui, définit la loi.

Il ne faut cependant pas rejeter la procédure de l'abus de droit. Elle peut être utile lorsque les textes sont bien faits et qu'un petit nombre de contribuables trouve une manière, souvent flagrante, d'ailleurs, de les contourner.

Mais l'utiliser systématiquement plutôt que de corriger la loi me paraît ne pas fournir la sécurité juridique maximale.

Je crois quand même que la meilleure solution consiste à faire évoluer la loi, comme nous le proposons, afin d'éviter des contournements et d'assurer la plus grande sécurité possible à nos concitoyens.

M. François d'Aubert.

Pas d'abus de l'abus de droit !

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements sur l'article.

Je suis saisi de deux amendements, nos 69 et 255, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 69, présenté par M. Auberger, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le tableau du II de l'article 8 : Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine Tarif applicable (en pourcentage) N'excédant pas 4 750 000 F

..........................................

0,0 Comprise entre 4 750 000 F et 7 800 000 F

.............

0,5 Comprise entre 7 800 000 F et 15 300 000 F

...........

0,7 Comprise entre 15 300 000 F et 23 800 000 F

........

0,9 Comprise entre 23 800 000 F et 45 900 000 F

........

1,2 Supérieur à 45 900 000 F

...............................................

1,5

« II. Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 255, présenté par M. Gantier, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le tableau du II de l'article 8 : Fraction de la valeur nette taxable Tarif applicable (en pourcentage) Jusqu'à 4 756 000 F

.........................................................

0,0 Comprise entre 4 756 000 et 7 730 000 F

.................

0,5 Comprise entre 7 730 000 et 15 342 000 F

...............

0,7 Comprise entre 15 342 000 et 23 822 000 F

............

0,9 Comprise entre 23 822 000 et 46 127 000 F

............

1,2 Supérieure à 46 127 000 F

............................................

1,5

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no

69.

M. Philippe Auberger.

Nous aurons plus tard une discussion sur l'abus de droit.

Avant de défendre mon amendement, je dirai que je suis un peu étonné que le ministre découvre que nous avons accepté, dans un souci d'apaisement je le répète, l'ISF. En 1993 nous avions la majorité, j'étais rapporteur général et j'aurais très bien pu proposer à nos collègues de supprimer cet impôt. Si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que nous avions parfaitement conscience, et nous l'avions d'ailleurs dit en 1992, ...

M. Alain Calmat.

Que c'était suicidaire pour vous, vous le savez !

M. Jean-Pierre Brard.

Rappelez-vous la loi de finances pour 1996 et les injonctions du Palais !

M. Philippe Auberger.

En tout cas, depuis 1993, nous n'avons pas remis en cause l'existence de l'ISF, ...

M. Alain Calmat.

Parce que vous n'aviez pas le choix !

M. Philippe Auberger.

... et nous n'entendons pas le faire aujourd'hui. C'est dans cet esprit que j'ai rédigé l'amendement no

69. Nous avons revalorisé chaque année les tranches du barème de l'ISF pour tenir compte de l'inflation, ce qui paraît normal. Le Gouvernement ne propose pas de le faire cette année et l'amendement no 69 pallie cette carence.

M. Jean-Jacques Jégou.

Absolument !

M. Philippe Auberger.

Par ailleurs, en 1996, nous avons institué une majoration exceptionnelle de 10 %, mais nous avons bien précisé qu'elle était exceptionnelle et que, dès que la croissance serait revenue, elle serait supprimée. C'est à quoi tend l'amendement no

69. En troisième lieu, nous avons dit que nous étions d'accord sur l'échelle des taux et des tranches telle qu'elle a été fixée en 1988 lorsque l'ISF a été créé. Nous sommes fidèles à l'esprit de Michel Rocard,...

M. Alain Calmat.

Les voilà rocardiens, maintenant !

M. Philippe Auberger.

... qui disait : « Je veux un impôt sur le capital dont l'assiette soit large et le taux le plus réduit possible. » Nous souhaitons par conséquent

qu'il n'y ait pas de nouvelles tranches ni de nouveaux taux et nous restons dans le cadre du barème existant, qui faisait l'objet d'un consensus sur tous les bancs de cette assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 255.

M. Gilbert Gantier.

Je rejoins les propos de M. Auberger, tout en maintenant mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable. Philippe Auberger a satisfaction en ce qui concerne la suppression de la majoration exceptionnelle. Celle-ci est sup-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 OCTOBRE 1998

primée, mais elle est intégrée dans le barème normal.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les propositions formulées par nos collègues étant contraires à l'esprit des propositions du Gouvernement sur cet impôt, la commission invite l'Assemblée à rejeter ces deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

69. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 255.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 254, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière ligne du tableau du II de l'article 8. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Vous proposez - majorité plurielle oblige - de créer une nouvelle tranche dans le barème. Je vois bien l'origine politique de cette proposition mais, je le répète, je la crois néfaste pour l'intérêt national car e lle va accélérer certaines délocalisations qui ne sont pas bonnes pour l'économie nationale.

C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer la dernière ligne du tableau II de l'article, sans me faire beaucoup d'illusion sur le sort de mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission propose à l'Assemblée de ne pas adopter cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, contre l'amendement.

M. Jean-Pierre Brard.

Je voudrais faire écho à notre collègue Gantier, qui a souligné que l'origine politique de cette disposition était signée.

M. Gilbert Gantier.

Majorité plurielle oblige !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous êtes vraiment très bon, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous avez tout à fait raison, monsieur Gantier. Cette disposition est un apport d'un certain nombre de députés au pluralisme de la majorité en vue de contribuer à une plus grande équité fiscale, Je m'étonne toujours que vous cautionniez l'absence de patriotisme de ceux qui n'hésitent pas à mettre leur fortune, voire leurs oeuvre d'art, dans leurs poches, afin d'échapper à l'impôt et à leur devoir de solidarité.

M. Gilbert Gantier.

Je suis mis en cause et j'ai le droit de répondre.

Je ne cautionne pas, je n'approuve pas : je constate !

M. Philippe Auberger.

Chacun avait compris !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 254.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui, à la demande de la commission, aura lieu ce matin à neuf heures trente.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Vendredi 16 octobre 1998, à neuf heures trente, première séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 1111).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

La séance est levé à zéro heure cinquante.

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 20 octobre 1998, à 10 heures, au 4e bureau.