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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

1. Loi de finances pour 1999 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6764).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 6764)

Après l'article 8 (p. 6764)

Amendement no 125 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, Philippe Auberger, Didier Migaud, rapporteur g énéral de la commission des finances ; Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances ; Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; JeanJacques Jégou, Gilbert Gantier, le président.

Rappel au règlement (p. 6768)

MM. le président, Yves Cochet.

Reprise de la discussion (p. 6768)

Rejet de l'amendement no 125.

Amendements nos 127 de M. Brard et 167, deuxième correction, de M. Cochet : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Yves Cochet, le secrétaire d'Etat, Philippe Auberger, Gilbert Gantier. - Rejets.

Amendement no 13 de la commission des finances : MM. le rapporteur général, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Pierre Lellouche, Gilbert Gantier, Jean-Pierre Brard, Michel Bouvard.

Rappel au règlement (p. 6775)

MM. François d'Aubert, le ministre.

M. José Rossi.

Suspension et reprise de la séance (p. 6775)

M. Jean-Jacques Jégou. - Adoption, par scrutin, de l'amendement no

13. Rappel au règlement (p. 6776)

MM. Gilbert Gantier, le président.

Reprise de la discussion (p. 6776)

Amendement no 128 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Retrait.

Amendement no 126 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Retrait.

Article 9 (p. 6777)

Amendement de suppression no 340 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Jacques Jégou. - Rejet.

Adoption de l'article 9.

Après l'article 9 (p. 6778)

Amendement no 158 de M. Adevah-Poeuf : M. Maurice Adevah-Poeuf. - Retrait.

Article 10 (p. 6778)

Amendements de suppression nos 57 de M. Auberger et 341 de M. Gantier : MM. Philippe Auberger, Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 10.

Article 11 (p. 6779)

Amendement de suppression no 342 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 347 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 534 rectifié de M. Migaud : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 348 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 349 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

A mendements nos 343 de M. Auberger et 404 de M. Méhaignerie : MM. Philippe Auberger, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Gilbert Gantier. - Rejets.

Amendement no 535 de M. Migaud : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 11 modifié.

Article 12 (p. 6782)

Amendement no 405 de M. Jégou : M. Jean-Jacques Jégou.

Amendement no 406 de M. Jégou : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Philippe Auberger. - Rejet des amendements nos 405 et 406.

Adoption de l'article 12.

Article 13. - Adoption (p. 6783)

Article 14 (p. 6783)

MM. José Rossi, Paul Patriarche, Roland Francisci, Roger Franzoni, Marc Laffineur, Gilles Carrez, le rapporteur général. - Réserve de l'article 14.

Après l'article 14 (p. 6789)

Réserve, jusqu'après l'examen de l'amendement no 14 corrigé, des amendements nos 507 corrigé de M. de Courson, 187 de M. Devedjian, 282 de M. Laffineur, 188 de M. Devedjian, 283 de M. Laffineur, 500 de

M me Boutin, 284 de M. Dominati, 178 de


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M. Devedjian, 240 corrigé de M. Doligé, 529 de M. Maurice Leroy, 448 de M. de Courson, 88 de M. Cuvilliez, 238 de M. Doligé, 189 de M. Devedjian, 281 de M. Dominati, 151 corrigé de M. Brard, 239 corrigé de M. Doligé, 33, deuxième correction, de la commission, 150 corrigé de M. Brard, 177 rectifié de M. Devedjian, 316 de M. Laffineur et 530 de M. Leroy.

M. José Rossi.

Suspension et reprise de la séance (p. 6789)

Amendement no 14 corrigé de la commission : MM. le rapporteur général, le président, le secrétaire d'Etat, JeanJacques Jégou, Philippe Auberger, José Rossi.

Rappel au règlement (p. 6795)

M. Christian Cuvilliez.

Reprise de la discussion (p. 6795)

M. le rapporteur général. - Adoption, par scrutin, de l'amendement no 14 corrigé.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6796).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (PREMIÈRE PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 125, après l'article 8.

Après l'article 8

M. le président.

MM. Cuvilliez, Vila, Feurtet, Brard, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 125, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux 885 N à 885 Q du code général des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 6 000 000 francs.

« II. Après l'article 885 U du code général des impôts, il est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :

« Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en f onction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :

EVOLUTION DU RATIO masse salariale/valeur ajoutée % TAUX d'intégration Egale ou supérieure à une évolution de 2 points

...........................................................

15 Egale ou supérieure à une évolution de 1 point

.............................................................

35 Egale à 1

............................................................

50 Entre 1 et 1

.....................................................

65 Entre 1 et 2

..................................................

85 Entre 2 et 3

..................................................

100 Entre 3 et 4 et au-delà

.............................

125

« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution à l'impôt sur la fortune. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Nous reprenons en effet, ce matin, monsieur le président, la discussion sur l'impôt de solidarité sur la fortune, qui a été interrompue cette nuit.

Cet amendement vise à étendre cet impôt aux biens professionnels. Je sais bien qu'il ne sera pas adopté...

M. le président.

Vous faites un procès d'intention au Gouvernement ! (Sourires.)

M. Christian Cuvilliez.

Non, monsieur le président, mais j'appartiens à la commission des finances et je connais son sentiment à cet égard. Cet amendement devrait néanmoins faire l'objet d'une réflexion continue si nous voulons améliorer le système de l'ISF.

Mon ami Jean-Pierre Brard nous a donné hier une illustration de ce que peuvent être les grandes fortunes.

On les voit d'ailleurs dans les galeries d'art avec ces magnifiques tableaux dont M. Gantier, qui n'est pas là, a tiré argument pour faire l'éloge de la richesse, la trouvant d'autant plus belle qu'elle est moins partagée. Je pourraise n contrepoint brosser quelques portraits sauvages empruntés aux romans de Louis Guilloux ou de Pierre G amarra, mais peut-être certains d'entre vous ne connaissent-ils pas ces auteurs. Tout le monde n'a pas les mêmes lectures ! Je pourrais vous livrer des témoignages cruels tirés d'expériences actuelles que vous n'imaginez pas. L'année même où l'on commémore le cent cinquantième anniversaire du rapport Villermé de 1848, on pourrait en établir de semblables. Demain, 17 octobre, Mme de GaulleAnthonioz organise la journée ATD-Quart monde, à laquelle nous apportons notre soutien et l'on pourra alors mesurer physiquement sur le parvis du palais de Chaillot les écarts qui peuvent exister entre des catégories qui nagent dans l'aisance et d'autres qui se débattent dans la misère. Mais les accusations de misérabilisme vont sans doute rapidement surgir et je n'insisterai pas trop sur ce préambule.

M. Pierre Lellouche.

Il vaut mieux !

M. Christian Cuvilliez.

Néanmoins, les grandes fortunes ne sont pas des abstractions. Elles se chiffrent et les indications données hier par Jean-Pierre Brard montrent


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combien les écarts peuvent être colossaux. Par ailleurs, à une époque où tout le monde se réclame des droits de l'homme, on a fini par s'apercevoir du caractère scandaleux de l'expression « en fin de droits » qui était utilisée, il n'y a encore pas si longtemps, pour caractériser les gens touchant les minima sociaux. On l'a donc supprimée.

Cela dit on change le vocabulaire, mais on ne change pas la réalité.

Contrairement à ce que j'ai cru entendre dire sur les bancs de l'opposition, l'impôt de solidarité sur la fortune n'est pas un impôt confiscatoire ou un impôt visant à punir les détenteurs de biens. Il a pour objet d'établir entre les uns et les autres une relation qui ne soit pas une relation comptable, une relation fiscale ordinaire. Le même raisonnement vaut pour la TP d'ailleurs. C'est la raison pour laquelle nous voulons que cet impôt s'applique aux biens professionnels. Nous souhaitons que la fiscalité contribue à la dynamique de l'emploi, de la cohésion sociale ou de la réparation sociale. C'est pourquoi notre amendement vise non pas à prélever sur les biens professionnels une espèce de taxe qui serait une simple...

M. Philippe Auberger.

Une dîme !

M. Christian Cuvilliez.

... une dîme, en effet, pour employer un mot de l'Ancien Régime.

M. Pierre Lellouche.

Cela vous va bien, messieurs les inquisiteurs !

M. Christian Cuvilliez.

Ce que nous voulons, c'est pénaliser ceux qui font une économie de rente en laissant dormir des biens professionnels et qui ne contribuent pas à l'activité économique et à l'emploi. Ceux qui ont une dynamique de l'emploi, de l'activité, qui prospèrent et contribuent à la prospérité générale seraient au contraire encouragés, car ils auraient un impôt moins lourd à payer.

Dans le même esprit, mais nous avons proposé que les bases de la taxe professionnelle soient non pas réduites par le retrait de la masse salariale pour son calcul, mais modifiées par la substitution des actifs financiers à la masse salariale. Mais je ne veux pas anticiper.

Nous sommes dans une logique constante. Hier, lorsque nous défendions l'amendement Tobin, on nous a répondu que c'était un amendement irréaliste, qu'il était vieux de trente ans, que personne n'avait jamais réussi à le mettre en oeuvre. Mais ce n'est pas parce qu'on n'a jamais réussi à mettre oeuvre un amendement ou une idée qu'il faut y renoncer. Il faut en effet aller dans le sens du progrès, non dans celui d'une aggravation des écarts entre deux pôles de la société.

Selon le Conseil des impôts, les patrimoines des 20 % des ménages ayant les patrimoines les plus importants concentrent 66 % du patrimoine financier et 84 % du p atrimoine professionnel détenu par l'ensemble des ménages en France. Les 10 % des ménages les plus riches détiennent 50 % des droits sociaux des sociétés dans lesquelles ils exercent une fonction ou une activité, 45 % des autres valeurs mobilières, 44 % des actifs corporels meubles et 32 % des liquidités.

Les quinze fortunes professionnelles les plus importantes de France, indique la revue Capital déjà citée par Jean-Pierre Brard, totalisent, en 1997, une valeur estimée à 255,6 milliards de francs.

Le coût fiscal de l'exonération des biens professionnels est donc important. Pour le Conseil des impôts, à structure de patrimoine inchangée, l'élargissement de l'assiette aux biens professionnels augmenterait la base imposable approximativement d'un cinquième, soit environ 500 milliards, ce qui pourrait générer, à barème inchangé, quelque 4 milliards.

M. le président.

Monsieur Cuvilliez, pourriez-vous vous acheminer vers votre conclusion, s'il vous plaît ?

M. Jean-Pierre Brard.

C'est dommage, c'est intéressant !

M. Christian Cuvilliez.

Lorsque j'ai commencé, monsieur le président, il n'y avait presque personne dans l'hémicycle ! Seul M. le secrétaire d'Etat au budget était là pour m'entendre !

M. le président.

Si je laisse un orateur dépasser son temps de parole, il est normal que je le fasse également pour les autres. Il est donc préférable que tout le monde respecte à son temps de parole. Or, vous l'avez largement dépassé, monsieur Cuvilliez. Veuillez conclure !

M. Christian Cuvilliez.

A barème inchangé, soumettre les biens professionnels à l'ISF rapporterait quelque 4 milliards, soit 10 % de ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins des minima sociaux.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je serai bref, monsieur le président, mais je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion.

J'ai en effet été étonné que M. le rapporteur général reprenne, dans son rapport de l'été dernier sur l'imposition du capital, de façon très limitée, peut-être un peu tronquée, une interview que j'avais donnée deux ans auparavant et dans laquelle je donnais mon point de vue sur l'inclusion des biens professionnels dans l'assiette de l'ISF. Il est incontestable qu'à partir d'un certain niveau la stratégie des détenteurs de biens en capital est la même, qu'il s'agisse de biens à caractère professionnel ou de biens à caractère personnel. A partir d'un certain niveau de capital, la frontière entre ces deux catégories de biens n'est donc pas très précise. C'est d'ailleurs très significatif quand on voit comment fonctionnent les holdings à caractère personnel. Pour échapper à l'ISF, de nombreux chefs d'entreprise ont en effet constitué leur holding à caractère personnel.

On pourrait donc imaginer un impôt de solidarité sur la fortune plus universel, dont l'assiette serait plus large, à partir d'un certain niveau de capital, mais il faudrait alors prévoir des taux d'imposition beaucoup plus faibles que les taux actuels. C'était d'ailleurs une idée de Michel Rocard, qui est à l'origine de la création de l'ISF en 1988. En effet, soumettre de quelque façon que ce soit et à partir de quelque niveau que ce soit les biens professionnels à l'ISF avec les taux votés hier engendrerait un phénomène de décapitalisation, car les revenus produits par ces capitaux ne permettraient pas d'acquitter l'ISF dans ces conditions. Cela serait extrêmement dommageable pour le fonctionnement de notre économie productive. Personnellement, je m'oppose donc avec la plus extrême fermeté à une telle proposition. Dans le système actuel, avec le barème actuel, on ne peut en aucune façon envisager d'inclure les biens professionnels dans l'assiette de l'ISF. On le peut d'autant moins que le plafonnement à partir d'un certain niveau de capital est supprimé.

La seule chose que l'on pourrait faire, et là je me tourne vers le Gouvernement - cela rejoint d'ailleurs ce que je vous ai dit hier, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'abus de droit -, c'est demander aux services fiscaux de mieux surveiller la constitution des holdings à caractère familial et de vérifier si n'y figurent pas des biens qui n'ont absolument pas de


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caractère professionnel. Cela éviterait certains cas à la limite du scandale ou de l'abus. Dans la plupart des holdings familiales figurent en effet des vignes, des propriétés, des châteaux historiques. De plus, on arrive à faire remonter des bénéfices, sans les déclarer, par des systèmes de conventions d'honoraires et autres. Il y a là véritablement un champ important pour le contrôle fiscal. Et si l'on obtient des résultats dans ce domaine, il n'y a absolument aucune raison d'ouvrir à nouveau la discussion sur les biens professionnels.

M. le président.

Je dois présenter mes excuses à M. le rapporteur général et au Gouvernement, car j'aurais dû les consulter.

La parole est donc à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 125.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

J'ai en effet l'impression, monsieur le président, qu'il y a eu confusion entre un débat général sur cette question et une discussion d'amendement.

La question soulevée par M. Cuvilliez est tout à fait pertinente. Nous sommes nombreux d'ailleurs à l'avoir posée, pas seulement sur les bancs de la gauche plurielle, d'ailleurs, puisque, M. Auberger vient de le rappeler, il avait lui-même évoqué en son temps l'élargissement de l'assiette de l'ISF aux biens professionnels. Comme vous le savez, cette question a également retenu l'attention de la commission des finances dès le printemps dernier. Je vous rappelle que les biens professionnels étaient initialement inclus dans l'assiette de l'IGF. Ils en ont été retirés en 1983 pour des raisons d'ordre économique. Alors, v ous avez raison, cette exclusion présente quelques inconvénients sur le plan de l'équité. Elle a aussi des effets pervers compte tenu du seuil de 25 %. Sur le plan économique, ou même de l'intérêt de l'entreprise, les seuils ne sont pas toujours d'une grande efficacité.

Cela dit, un examen attentif révèle que les avantages éventuels d'un élargissement de l'assiette de l'ISF aux biens professionnels sont moins importants que les inconvénients qui pourraient en résulter. En effet, j'ai essayé de l'expliquer dans mon rapport, il est difficile de mettre en place un système qui ne pénalise pas l'entreprise, donc l'emploi. La proposition de la loi que vous a vez vous-même formulée, monsieur Cuvilliez, en témoigne d'ailleurs puisque vous prévoyez des dérogations, des abattements, des plafonnements qui auraient des conséquences sur son rendement même. On voit bien la complexité de la question. En fait, le système que vous préconisez développerait lui-même des effets très pervers et risquerait de fragiliser l'entreprise dans la mesure où, si les résultats de celle-ci en souffrent, ce sont indirectement les salariés eux-mêmes qui paieront cet impôt supplémentaire. Du coup, on aboutirait au résultat inverse de celui recherché.

La commission des finances n'a donc pas souhaité remettre en cause la situation actuelle. En tant que rapporteur de la fiscalité du patrimoine, j'ai défendu cette position avec d'autant plus de conviction que des mesures sont parallèlement proposées par le Gouvernement - j'en avais moi-même formulé quelques-unes - pour renforcer le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune et éviter toute possibilité d'« évasion fiscale ». C'est une position équilibrée. C'est la raison pour laquelle la commission des finances n'a pas accepté cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Une petite remarque, monsieur le président. Cela fait maintenant trois jours que nous examinons la loi de finances et nous n'avons guère avancé. Il reste encore 325 amendements.

M. Pierre Lellouche.

Dont beaucoup de la majorité plurielle !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

C'est pourquoi je vous remercie d'avoir fait remarquer tout à l'heure que chacun devait s'en tenir à son temps de parole. Je crois aussi que le débat gagnerait en clarté et en simplicité si, après la discussion sur l'article, ne s'exprimaient sur chacun des amendements que son auteur et un orateur contre.

M. le président.

Je vous remercie, monsieur le président, de ce qui était un rappel au règlement.

La parole est à M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 125.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

M. Cuvilliez a trouvé des mots très justes et profondément humains pour décrire le contraste entre la misère de certains et la prospérité de certains autres. Le Gouvernement partage entièrement sa volonté - une volonté qui dépasse largement son groupe - de renforcer l'effort de solidarité de ceux qui ont le plus de moyens envers les autres, et c'est à juste titre que M. Cuvilliez a évoqué la manifestation organisée demain par ATD Quart-monde.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a inclus dans le projet de budget de nombreuses dispositions pour accroître l'impôt de solidarité sur la fortune, dont beaucoup sont inspirées d'une proposition de loi déposée par

M. Robert Hue et les membres de son groupe.

Je les rappelle : durcissement des règles de plafonnement de l'ISF, ce qui a fâché M. Auberger...

M. Philippe Auberger.

Je ne suis pas du tout fâché, j'ai exposé sereinement mon point de vue.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... lutte contre l'évasion fiscale ; création d'une tranche supplémentaire. Au total, si les marchés boursiers le permettent, un accroissement de 30 % du rendement de l'impôt est attendu en 1999.

Nous poursuivons donc, monsieur Cuvilliez, le même objectif, mais je ne suis pas sûr que le moyen que vous proposez dans cet amendement soit le plus approprié. En effet, toucher aux biens professionnels c'est susciter chez les responsables, non pas des très grandes entreprises, mais des petites et moyennes entreprises, une inquiétude sur l'avenir. Or, pour le développement de l'emploi et pour celui de la demande d'investissement, qui doit être un des soutiens de la croissance au cours des années qui viennent, nous avons besoin que les PME sortent de la langueur où elles avaient été maintenues entre 1993 et 1997. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Là, vous dérapez !

M. Philippe Auberger.

C'est du misérabilisme ! Quel manque d'objectivité !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Non, c'est un constat !

M. Philippe Auberger.

Oh non ! C'est une vaine polémique !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement, monsieur Cuvilliez, partage votre objectif, mais comme cet objectif est atteint par d'autres moyens, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne reprendrai pas l'excellente argumentation de mon ami Philippe Auberger sur cet amendement. Mais ce n'est pas sans un certain plaisir que j'ai assisté au dialogue qui, après les compliments d'usage, s'est instauré depuis le début de cette séance au sein de la majorité plurielle. Sur le déroulement de nos travaux, M. le président Bonrepaux s'est fait notre porteparole et je me contenterai d'ajouter que l'on assiste à ce que j'appellerai un débat à fronts renversés.

On l'entend dans les médias, et on le constate ici depuis mardi après-midi, le groupe communiste s'agite beaucoup. On croyait que la question était réglée : il avait déjà été largement servi dans bon nombre d'amendements. Mais voici que le responsable du parti communiste s'agite lui aussi dans les usines...

M. Daniel Feurtet.

Il fait son travail !

M. Jean-Jacques Jégou.

... et vous annonce, monsieur le ministre, le dépôt d'une pétition.

M. Philippe Auberger.

Il n'est pas là !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'est pas là parce qu'il fait signer des pétitions pour demander que le budget soit encore plus à gauche, si possible.

M. Christian Cuvilliez.

Il a raison !

M. Jean-Jacques Jégou.

Et ici même, nous assistons à du filibustering à l'envers. Jusqu'à présent, on n'usait de ce terme que pour dénoncer l'opposition. On nous a souvent fait un procès d'intention, et encore à l'occasion de cette loi de finances, en nous disant : « Attention ! Ne faites pas trop traîner les choses, soyez gentils. »

Mais à quoi assiste-t-on actuellement ?

M. Philippe Auberger.

A un jeu de rôles !

M. Jean-Jacques Jégou.

A une surenchère du Parti communiste, à un jeu de rôles qui pourrait être drôle mais qui ne l'est pas, parce que, M. le secrétaire d'Etat le disait à l'instant, il s'agit quand même de nos entreprises.

Mis à part le dérapage consistant à dire qu'elles ont été mises sous l'éteignoir entre 1993 et 1997, le Gouvernement a en effet conscience que nos entreprises n'ont pas besoin de ce débat intra-majoritaire qui va encore nuire à la création d'emplois et à la création d'entreprises.

Je croyais, monsieur le ministre, que les choses étaient claires entre vous, que le Parti communiste allait enfin comprendre qu'il n'était pas au pouvoir, même s'il avait pu croire qu'il l'était.

M. Alain Barrau.

Et le débat sur l'ISF au sein de l'Alliance, il est clos ?

M. Jean-Jacques Jégou.

L'Alliance a bien montré qu'elle abordait dans l'ordre et l'harmonie la discussion de cette loi de finances.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mes chers collègues, nous sommes entre gens sérieux.

Nous avons l'habitude de travailler ensemble. M. le président Bonrepaux a été le sage dans cette affaire. Il faut que nous avancions. On a bien compris que l'on avait affaire à un budget de gauche. Le parti communiste devrait s'en satisfaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour répondre à la commission.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Balligand.

Un seul orateur contre ! Ou en sera encore là dimanche !

M. le président.

J'applique le règlement.

M. Gilbert Gantier.

Je serai très bref.

Je rappelle que l'ISF, malgré tous vos efforts, messieurs, est d'un rendement extrêmement limité par rapport à la TVA ou aux impôts sur le revenu. Et le débat auquel il donne lieu me fait penser à un championnat de patins à glace, car chacun y exécute ce que l'on appelle des figures imposées.

La figure imposée pour le groupe communiste, c'est de demander la majoration de l'ISF, l'inclusion des biens professionnels, etc. En réalité, le groupe communiste n'est pas dupe. Il sait très bien que ce serait une stupidité économique. Ce sont des idées dont il est revenu après l'échec des pays soviétiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

, qui étaient, je le rappelle, les champions de l'inégalité.

M. Pierre Lellouche.

Vous n'aimez pas, messieurs, que l'on vous rappelle l'histoire !

M. Gilbert Gantier.

Car, dans les pays soviétiques, où j'ai eu le bonheur de me rendre bien avant la chute du mur de Berlin, la situation était remarquable. Il y avait beaucoup de pauvres gens, le nivellement par le bas était épatant, mais il y avait quand même des privilégiés. Il y avait la nomenklatura : ceux qui roulaient en Zis ou en Zim, qui possédaient les datchas autour de Moscou, qui avaient l'autorisation d'aller à l'étranger avec des réserves en devises. Alors, messieurs les communistes, ne nous parlez pas trop d'égalitarisme, car vous avez tort. La patrie du communisme n'a pas été la patrie de l'égalité, mais celle de l'inégalité.

Maintenant, vous nous proposez de taxer les biens professionnels. Dans certains pays, cela s'est fait à un niveau très modeste mais, comme l'a dit Philippe Auberger, si l'on appliquait les taux que vous proposez, on ferait péricliter sinon mourir l'économie française, on ferait s'expatrier les gens actifs, ceux qui en sont le ferment.

Ce serait alors la paupérisation, celle-là même qui a marqué l'économie soviétique et celle des pays de l'Est.

Cette attitude est absolument stupide. Je me demande, par exemple, si dans un pays comme la France, on pourrait avoir des gens comme Bill Gates. Oh ! je ne dis pas que ce soit un idéal mais, tout de même, ce sont les gens comme lui qui créent, qui inventent...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il y en a même qui dorment !

M. Gilbert Gantier.

... et vous voulez les faire partir ? Vous voulez assécher le vivier intellectuel et le vivier entrepreneurial de ce pays ?

M. Alain Barrau.

Quelle caricature !

M. Gilbert Gantier.

Je sais bien que cette assemblée ne comporte pas beaucoup d'entrepreneurs.

M. Raymond Douyère.

Mais si !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Gilbert Gantier.

Je le déplore sincèrement. Il y a ici beaucoup plus d'enseignants et de juristes.

M. Pierre Lellouche.

Et de fonctionnaires !

M. Gilbert Gantier.

C'est peut-être pour cela, d'ailleurs, que ces problèmes ne sont pas très bien compris.

Il est évident que, si l'on adoptait cet amendement, c'est une paupérisation à la soviétique qui ruinerait notre pays dans l'économie ouverte où il s'insère. Ou alors, il faudrait construire un mur de Berlin tout autour de l'Hexagone !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Oh ! Seulement autour du

XVIe !

M. Gilbert Gantier.

Si on ne veut pas du mur, il faut renoncer à cet amendement.

M. le président.

Mes chers collègues, M. Bonrepaux, tout à l'heure, a invoqué à juste titre le règlement. Mais le règlement est clair, et vous le connaissez d'ailleurs aussi bien que moi : un orateur contre, un orateur, s'il le souhaite, pour répondre au Gouvernement et un orateur, s'il le souhaite, pour répondre à la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Raymond Douyère.

Non, cela, ce n'est pas la règle !

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est à la discrétion du président !

M. le président.

Maintenant, si certains orateurs peuvent s'empêcher de répondre au Gouvernement et à la commission, ce sera très bien.

Rappel au règlement

M. Yves Cochet.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour un rappel au règlement.

M. Yves Cochet.

Je n'ai pas le règlement sous les yeux, monsieur le président, mais il se trouve que je le connais un peu. L'article 100, alinéa 7, précise qu'il est de droit qu'un orateur puisse s'exprimer contre l'amendement. Et l'article 56 indique que le président peut, selon son bon vouloir, donc éventuellement, donner la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement et à un autre orateur pour répondre à la commission.

M. Raymond Douyère.

Exactement ! C'est à la discrétion du président !

M. Yves Cochet.

Cette décision est à votre guise, monsieur le président. Pour ma part, je crois qu'il est préférable d'accélérer le débat si on veut l'achever tôt demain matin.

M. le président.

Monsieur le président Cochet, l'alinéa 3 de l'article 56 prévoit effectivement que le président peut autoriser deux orateurs à répondre, l'un au Gouvernement, l'autre à la commission.

M. Jean-Pierre Balligand.

« Peut » !

M. le président.

Il le « peut », en effet ; il ne le « doit » pas. Mais je n'ai pas pour habitude - j'en ai assez souffert moi-même dans cette assemblée - d'empêcher un parlementaire de s'exprimer.

M. Jean-Pierre Brard et M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. le président.

Par conséquent, si vous êtes, les uns et les autres, suffisamment disciplinés, vous ne demanderez pas la parole, mais si vous la demandez, vous l'aurez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Reprise de la discussion

M. le président.

Nous en revenons à la discussion...

M. Christian Cuvilliez.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Pour un rappel au règlement ?

M. Christian Cuvilliez.

Non, mais...

M. le président.

Alors, vous n'avez pas la parole ! Je mets aux voix l'amendement no 125.

M. Christian Cuvilliez.

Je voulais le retirer, mais, s'il est mis aux voix, nous sommes pour ! (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 127 et 167, deuxième correction, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 127, présenté par MM. Brard, Cuvilliez et Feurtet, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q sont pris en compte dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune après abattement de 25 millions de francs.

« Toutefois, ne peuvent bénéficier de l'abattement que les propriétaires âgés de moins de soixantecinq ans au 1er janvier de l'année d'imposition. »

« II. A la fin de la première phrase du premier alinéa du 2o de l'article 885 O bis du code général des impôts, sont supprimés les mots : "ou de leurs frères et soeurs". »

L'amendement no 167, deuxième correction, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux articles 885 N et 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsque leur valeur totale est supérieure à 25 millions de francs. »

« Cette disposition s'applique à compter de la période d'imposition s'ouvrant au 1er janvier 1999. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no 127.

M. Jean-Pierre Brard.

J'ai bien entendu ce qu'a dit le président de la commission des finances, mais il y a quelques articles qui nécessitent une discussion un peu plus étoffée. Nous n'en irons que plus vite sur les autres. Je vois d'ailleurs M. Auberger, avant même que je n'aie parlé, s'inscrire contre mon amendement.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas interdit !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Michel Bouvard.

C'est qu'il a lu le texte !

M. Jean-Pierre Brard.

Je trouve très touchant de voir la Sainte-Trinité Auberger-Jégou-Gantier monter au créneau dès s'il s'agit de défendre les sous de ceux qui en ont beaucoup, avec un enthousiasme qu'on ne leur connaît pas sur d'autres sujets et avec des accents émouvants, presque pathétiques.

M. Gilbert Gantier.

C'est vous qui êtes pathétique dans vos figures imposées !

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur Gantier, il faut savoir de quoi on parle et aussi de qui on parle ! Vous voulez toujours protéger les mêmes, ceux qui sont derrière le fameux mur de l'argent !

M. Pierre Lellouche.

C'est reparti !

M. Gilbert Gantier.

Changez de disque, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Et puisque vous défendez toujours les mêmes intérêts, je vais vous dire un mot de la famille de Wendel, que vous connaissez bien.

M. Philippe Auberger.

Hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard.

La famille de Wendel est largement responsable de la ruine de la sidérurgie lorraine, mais c'est pourtant une dame de cette famille, Véronique de Montremy, qui déclare : « On ne va plus en Lorraine que pour les enterrements. On n'a plus rien. C'est affreux ! » Les auteurs du livre Grandes Fortunes ajoutent :

« La famille de Wendel n'est pas démunie pour autant et elle figure en trentième position dans les palmarès de l'Expansion qui classent les familles les plus fortunées en fonction de l'importance de leur patrimoine. »

L es deux holdings familiales, monsieur Gantier, contrôlent 51 % des actions de Marine-Wendel, laquelle détient 45 % des titres de la Compagnie générale d'industrie et de participation : c'est comme les matriochkas ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

On revient aux sources !

M. Jean-Pierre Brard.

Marine-Wendel est dirigée par qui ? Par un grand adepte de la lutte contre le Gouvernement, en particulier contre les 35 heures,...

M. Philippe Auberger.

Un baron !

M. Jean-Pierre Brard.

... le baron Ernest-Antoine Seillière de Laborde, fils de Renée de Wendel et de Jean Seillière.

J'arrête là pour les rapports de famille, monsieur le président, parce que j'avoue que je m'y perds, et j'en viens à l'amendement.

L'exonération des biens professionnels du dirigeant détenant au moins 25 % du capital de l'entreprise conduit à reporter l'impôt de solidarité sur la fortune sur une partie seulement des détenteurs du patrimoine en France. Or il faut être équitable. Il faut que tous ceux qui sont riches à ne plus savoir que faire de leur argent participent à la solidarité nationale en proportion de leur fortune.

Nous proposons donc d'apporter un correctif à cette situation injuste, en tenant compte toutefois des risques que des dispositions excessives pourraient faire peser sur l'emploi. Sur le principe, les biens professionnels possédés par le dirigeant qui détient au moins 25 % du capital seraient intégrés dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est une nécessité.

Souvenez-vous, en effet, monsieur Gantier, vous qui vous intéressez tant aux entrepreneurs mais qui avez oublié que s'ils sont moins présents ici, c'est parce que les électeurs en ont renvoyé quelques-uns dans leur foyer le 1er juin 1997, souvenez-vous de M. Tranchant qui nous faisait visiter toute la planète en allant de paradis fiscal en paradis fiscal ! Je pensais n'être pas mauvais en géographie, mais c'est grâce à lui que j'ai découvert les îles Moustique, où vont se réfugier les grandes fortunes !

M. Michel Bouvard.

Et les Caïmans ?

M. Jean-Pierre Brard.

Toutefois, pour préserver l'emploi, un abattement de 25 millions de francs serait institué afin d'exclure de l'imposition les dirigeants des petites et moyennes entreprises. Cet abattement ne bénéficierait qu'aux dirigeants d'entreprises n'ayant pas atteint, au 1er janvier de l'année d'imposition, la limite d'âge de soixante-cinq ans, afin de faciliter la transmission anticipée des entreprises, dont les experts reconnaissent qu'elle est très insuffisamment pratiquée en France.

M. le président.

Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard.

Notre amendement a donc trois avantages : partager la solidarité, protéger les petites et moyennes entreprises et favoriser le renouvellement des entreprises pour que certains ne restent pas à leur tête aussi longtemps qu'on peut rester dans la charge pontificale ! (Sourires.)

M. Daniel Feurtet.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Brard, je vous ferai remarquer que vous avez dépassé votre temps de parole, même si vos rappels historiques sont fort intéressants. Avant hier, c'était Philippe IV le Bel, et j'ai apprécié ; aujourd'hui, c'est l'histoire de la grande bourgeoisie.

M. Dominique Baert.

Sans oublier la géographie !

M. le président.

Vous nous racontez comment vous avez profité du système en voyageant avec M. Tranchant, c'est très bien. Mais je vous fais remarquer que vous ne faites rien pour accélérer les débats. S'il y a vraiment une volonté commune, que tout le monde l'applique.

M. Jean-Jacques Jégou.

Si le groupe communiste continue, on va demander, nous aussi, des suspensions de séance !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 127 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Une assiette universelle avec des taux plus bas pourrait être une solution au problème que vous posez, monsieur Brard. J'ai expliqué les raisons pour lesquelles nous avons écarté cette proposition. Je constate aussi que votre amendement est d'une grande complexité et pourrait avoir des effets pervers sur la situation des entreprises et de l'emploi. C'est pourquoi la commission des finances a exprimé un avis défavorable.

M. le président.

Avant de donner la parole au rapporteur général, j'aurais dû demander à M. Cochet de présenter son amendement no 167. Je vais le faire maintenant. Le Gouvernement s'exprimera ensuite sur les deux amendements.

Je vous en prie, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet.

Notre amendement est sémantiquement superposable à celui de M. Brard. Pour être moins lyrique, voire moins fleuri que les passages stimulants des lectures nocturnes et également matinales de M. Brard, l'extrait de la revue Synthèses de l'INSEE, numéro 11, que je vais porter à votre connaissance, est cependant plus objectif. Sous la rubrique « Revenus et patrimoine des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

ménages » on peut y lire : « Les connaissances statistiques du patrimoine des ménages les plus riches souffrent d'inc ertitudes importantes. » Selon l'INSEE, «

1 % des ménages les plus riches détiendraient entre 14 et 20 % du patrimoine et 20 % des ménages les plus riches détiendraient plus de la moitié du patrimoine. »

Enfin, pour ajouter un argument qui n'a pas encore été évoqué mais qui fera plaisir à nos collègues de l'opp osition, je citerai le rapport de Courson sur les fraudes. Au fait, il n'est pas là, Charles-Amédée ? (Sourires.)

Ce rapport souligne que l'ISF a « une perméabilité excessive à la fraude », notamment du fait du régime de l'exonération des biens professionnels.

C'est pourquoi - sans toucher aux petites et moyennes entreprises, puisqu'il est prévu un abattement de 25 millions - il nous semble justifié d'inclure les biens professionnels, part importante du patrimoine national, dans l'assiette de l'ISF, comme c'est le cas chez la plupart de nos partenaires européens, notamment l'Allemagne.

M. le président.

Je suppose, monsieur le rapporteur général, que vous avez le même avis sur l'amendement de M. Cochet que sur celui de M. Brard...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Même avis, en effet.

M. Jean-Pierre Brard.

Quel sens de l'équité !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, répondant à votre souhait que chacun soit bref, je ne reprendrai pas l'argumentation que j'ai développée à propos de l'amendement présente par M. Cuvilliez. Je ferai simplement deux remarques sur chacun des deux amendements.

M. Brard propose de ne plus prendre en compte, pour la qualification des biens professionnels, les participations des frères et soeurs dans la société. Mais il y aurait là une discrimination entre les entreprises familiales et les autres.

Quant à M. Cochet, il établit une différence entre l'outil professionnel détenu à titre individuel, qui serait taxé, et l'outil exploité au sein d'une société, qui, lui, serait exonéré.

Pour ces deux raisons, qui relèvent, me semble-t-il, de l'imperfection technique, je demande le rejet de ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je ne ferai que trois remarques très brèves. Je rappellerai tout d'abord qu'un consensus assez général s'est établi sur l'existence de l'ISF, comme l'avait d'ailleurs indiqué le Président de la République.

Mais je crains que si, chaque année, on rouvre les mêmes discussions, ce consensus commence à s'effriter, voire à disparaître. Les accents mis parfois dans les discussions relèvent plus de la lutte des classes que de la recherche d'une certaine harmonie nationale.

Je considère ensuite que, si cet impôt doit avoir une existence dans notre système fiscal, il faut stabiliser les règles. Or, si chaque année on prétend les réviser, où sera la stabilité ? Dans ces conditions, cet impôt sera toujours considéré par beaucoup de nos concitoyens qui y sont assujettis comme intolérable.

Enfin, nous sommes des élus de la République censés travailler de façon objective sur des situations objectives.

Or, tous les ans et tout spécialement cette année, lorsque nous traitons de l'ISF, on nous dévoile les secrets d'un certain nombre de familles dont nous n'avons pas ici à avoir connaissance.

M. Christian Cuvilliez.

On n'en est pas aux secrets d'alcôve !

M. Philippe Auberger.

Je trouve ce déballage indécent, et indigne de cette assemblée. Et je souhaiterais que la présidence veille à ce que cela ne se poursuive pas.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je suis touché de la sollicitude que nos collègues du groupe communiste manifestent envers les petites entreprises. Cela me rappelle un voyage que j'ai effectué en Union soviétique, à l'époque de M. Brejnev.

(Protestations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) Attendez de savoir ce que je vais dire ! En effet, le gouvernement soviétique de l'époque manifestait, notamment dans le domaine agricole, la même sollicitude pour les petits cultivateurs qui avaient un tout petit jardin.

M. Jean-Pierre Brard.

M. Gantier a été ensorcelé par Brejnev !

M. Gilbert Gantier.

Laissez-moi parler, monsieur Brard ! Je rappelle des souvenirs intéressants.

M. Pierre Lellouche.

Brard et Lellouche, même combat ! (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

Les petits producteurs avaient le droit de venir vendre le produit de leur jardin sur les marchés et ils étaient très efficaces. Mais pour les grandes entreprises qui avaient été nationalisées, les sovkhozes, c'était la catastrophe. Quand un tracteur était en panne, il fallait remontrer au moins jusqu'à Moscou avant de changer une pièce.

M. Pierre Lellouche.

On commence avec l'ISF et on finit en sovkhoze, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

C'est pour cela que la paupérisation s'est poursuivie en Union soviétique.

Eu égard à ce que rapporte l'ISF, je trouve le débat excessif. Cet impôt ne vaut pas le temps que nous perdons à en discuter. Il y a là une démagogie absolument indigne du Parlement. Pour ma part, je considère que l'ISF est un impôt improductif et sans aucun intérêt. Je le dis comme je le pense.

Mme Nicole Bricq.

Précisément, nous voulons le rendre plus productif !

M. le président.

Monsieur Brard, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Pierre Brard.

Oui.

M. Yves Cochet.

Je maintiens également le mien, monsieur le président !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 167, deuxième correction.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Migaud, rapporteur général, MM. Cochet, Cuvilliez, Feurtet, Vila, Belviso et Brard ont présenté un amendement no 13, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 885-I du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885-I. - Les objets d'antiquité, d'art ou de collection visés à l'article 795 A ou présentés au public dans des conditions fixées par décret et les


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objets d'art dont le créateur est vivant au 1er janvier de l'année d'imposition ne sont pas compris dans la base d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune.

« Cette exonération s'applique également aux parts de sociétés civiles mentionnées au troisième alinéa de l'article 795 A à concurrence de la fraction de la valeur des parts représentatives des objets d'antiquité, d'art ou de collection.

« Le décret prévu au premier alinéa fixe notamment les dispositions types selon lesquelles une convention est souscrite entre les ministres chargés de la culture et des finances et le propriétaire des oeuvres.

« Les droits de la propriété littéraire et artistique et les droits de la propriété industrielle ne sont pas compris dans la base d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur ou de leur inventeur.

« II. - L'article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'évaluation des objets d'antiquité, d'art ou de collection autres ce que ceux visés à l'article 885-I, la valeur déclarée par les redevables déclarant posséder de tels objets est égale à 3 % de l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières du patrimoine déclaré. Les redevables peuvent apporter la preuve d'une valeur inférieure en joignant à leur déclaration les éléments justificatifs de la valeur des biens en cause. »

La parole est à M. Le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je m'attarderai un peu sur cet amendement qui a suscité l'émotion d'une partie du Gouvernement et de responsables du marché de l'art.

La commission des finances vous propose, non pas de faire entrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, mais de leur appliquer un taux forfaitaire. Est-il incongru de vouloir le faire ? Les pays qui pratiquent l'impôt sur l'actif net incluent les oeuvres d'art dans son assiette, compte tenu de modalités spécifiques. On nous rétorquera que ces pays n'ont pas de marché de l'art à la dimension du marché français et de ses concurrents en la matière. Mais nous avons la faiblesse de penser, au sein de la commission des finances, que la force et l'attractivité du marché français ne tiennent pas uniquement à l'exonération d'ISF pour les objets d'art.

La majorité des membres de la commission des finances a pensé qu'une logique de répartition de l'actif patrimonial conduit, à mesure que la valeur du patrimoine augmente, à voir apparaître, à côté d'une part plus spécifiquement professionnelle, une part immobilière, puis une diversification vers les objets d'art.

La commission s'est ensuite demandée s'il n'existait aucune taxation des oeuvres d'art au titre de l'ISF. Tout dépend de ce que l'on entend par « objet d'art ». Si l'on s'attache à la notoriété de l'artiste, le Picasso ornant le mur de l'hôtel particulier sera un meuble meublant pris en compte soit pour sa valeur, soit au forfait mobilier, lequel pourra être remis en cause s'il est manifestement inférieur à l'évaluation réelle des biens par la direction générale des impôts. En revanche, le Picasso du coffrefort est une oeuvre d'art exonérée. L'ISF actuel pousserait donc à mettre les Picasso au coffre. Mais nous pensons qu'ils méritent mieux et nous souhaiterions les en faire sortir.

M. Jean-Pierre Brard.

Absolument ! Il y a des mites dans les coffres !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Alors que propose la commission ? La première règle qu'elle s'est fixée est de refuser effectivement tout maximalisme. Oui, nous pensons que la République a besoin d'artistes, de collectionneurs, d'amateurs et de marchands d'art.

M. Pierre Lellouche.

Ça, c'est bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pour autant, la propriété de certains objets d'art est bien un signe de fortune.

Nous avons cherché à concilier ces points de vue en retenant une conception limitée de l'oeuvre d'art taxable, en refusant l'inventaire forcé - je tiens à y insister -, et en appliquant une taxation forfaitaire.

Une conception limitée des oeuvres d'art taxables, tout d'abord. Pour des raisons de cohérence logique, puisque les oeuvres d'art des monuments historiques ouverts au public sont exclues du champ des droits de succession, il nous est apparu nécessaire de maintenir la même exclusion pour l'ISF. Par extension, et pour dépasser une approche trop formaliste, fondée sur la seule réglementation des monuments historiques, nous avons exclu les objets d'art présentés au public dans des conditions à fixer dans une convention type.

Enfin, pour ne pas pénaliser les créateurs actuels, nous n'avons pas inclus dans la base imposable les oeuvres des créateurs vivant au 1er janvier de l'année d'imposition.

Toutes ces oeuvres ou tous ces objets d'art demeureraient exclus de l'assiette de l'ISF, les autres seuls y entreraient à travers la taxation forfaitaire, sur laquelle je reviendrai.

Le refus de l'inventaire forcé, ensuite. Conscients de la psychologie de l'amateur d'art et du collectionneur, nous avons refusé d'obliger les propriétaires des objets d'art taxables à procéder à l'inventaire de leurs collections.

Le choix d'une taxation forfaitaire, enfin. Elle serait égale à 3 % de l'actif net. Elle ne pourrait être remise en cause qu'à l'initiative du déclarant, et uniquement s'il estime que la valeur des objets d'art qu'il possède est inférieure à 3 % de son actif net, à charge pour lui, dans ce cas, d'en justifier l'évaluation. Le déclarant serait donc le seul à pouvoir remettre en cause le forfait, et il ne pourrait être remis en cause que pour appliquer une taxation plus favorable. En outre, la commission a pris soin d'écrire que le forfait « est égal » à 3 %. Cela signifie clairement qu'il ne pourrait être remis en cause à la hausse.

A travers l'institution d'un forfait spécifique, nous écartons donc expressément la jurisprudence Poliakoff. Dans la hiérarchie des normes, la loi l'emporte encore sur la jurisprudence de la Cour de cassation. C'est pour cela que nous faisons le choix d'une taxation spécifique.

La proposition de la commission est-elle excessive au regard de la sauvegarde du marché de l'art, du patrimoine national et de la création française, comme certains voudraient nous le faire croire ? L a commission des finances contribuerait, ai-je entendu ou ai-je lu, à faire rentrer les oeuvres dans la détention clandestine, prélude à l'exportation, elle-même clandestine.

M. Pierre Lellouche.

L'expérience le prouve !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Un tel sentiment est excessif. De même que sont excessives les descriptions faites des risques qu'entraînerait l'extension forfaitaire de l'assiette imposable, plafonnée à 3 % et sans obligation d'inventaire.

En fait, mes chers collègues, la proposition de la commission des finances est parfaitement équilibrée et devrait recevoir l'assentiment de notre assemblée.

M. Dominique Baert.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement, qui s'est interrogé sur la proposition de la commission des finances, a retrouvé là les termes d'un débat qui a existé dès l'origine de l'impôt sur les grandes fortunes en 1981.

En effet, nous rencontrons une difficulté particulière.

D'un côté, l'équité veut qu'il n'y ait aucune raison pour que certains types d'actifs, en l'occurrence les oeuvres d'art, soient exclus de l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes. D'un autre côté, on le sait bien - et le rapporteur général, par tous les arguments qu'il a développés, a bien montré que cette préoccupation avait été aussi celle de la commission -, l'existence de transactions sur l'art, de marchés sur les tableaux, notamment, est à l'origine d'un flux important qui soutient la création. En effet, il n'y a pas de création artistique importante sans qu'il y ait, pour ceux qui créent, et qui sont à l'époque où ils c réent encore souvent peu connnus mais qui le deviennent petit à petit, un marché important.

Nous voudrions donc que les parts de fortune, ou les fractions de patrimoine qui sont investies en oeuvres d'art, contribuent comme les autres à la solidarité nationale, et c'est bien normal. Mais, par ailleurs, nous ne voulons pas créer une situation qui tarirait progressivement la création dans notre pays parce que nous aurions choisi, presque symboliquement - mais là aussi les symboles ont de l'importance - de limiter le commerce de l'art.

Ce débat est bien connu, je ne m'étendrai donc pas trop longtemps. Je ferai simplement observer que des fiscalisations, même de montant limité, peuvent avoir des effet structurants sur le long terme.

M. Pierre Lellouche.

Oh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rappelons-nous comment l'impôt sur les portes et fenêtres qui, à l'origine, n'avait d'autre vocation que de fournir quelques recettes à l'Etat en taxant lui aussi dans une certaine mesure les fortunes, puisque les portes et les fenêtres étaient une manière comme une autre d'estimer l'importance des bâtiments, a structuré l'architecture française. De ce fait, et pendant des décennies, tous les architectes ont fait en sorte, en effet, de limiter ce que serait l'impôt en modifiant leur manière de construire.

On voit donc que l'impôt est dans notre société extrêmement structurant à long terme, s'agissant notamment de questions de création.

C'est au vu de tous ces arguments que le Gouvernement, reprenant la logique qui a prévalu en 1981 comme en 1988, a préféré renoncer à une fiscalisation des oeuvres d'art, tout en soulignant l'intérêt et la justification, au sens de l'équité, de la proposition de la commission des finances, et en saluant le travail technique qui a été réalisé. La proposition de la commission des finances que le rapporteur général vient d'exposer a, en effet, tenté de contourner la plupart des obstacles inhérents à une telle mesure.

Au total, il nous a semblé que le rendement qu'on pouvait attendre d'une telle extension était extrêmement limité. Si c'était un problème de rendement, il valait mieux le traiter directement par une extension des taux, puisque c'est forfaitaire. On y a procédé hier. De ce point de vue, la contrainte de rendement a été satisfaite.

Si c'est une question de symbole, son importance est manifeste, mais les risques pour la création le sont aussi.

Le Gouvernement a donc préféré rester sur une position réservée.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, contre l'amendement.

M. Pierre Lellouche.

Je m'empresse de préciser à M. Brard, mais M. Strauss-Kahn le sait bien, que je n'ai ni ISF ni patrimoine artistique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

L'affaire est importante : il y va de la préservation du patrimoine national. Il y va de nos musées, de nos artistes et du marché de l'art. Il y va aussi d'une institution que je connais bien et qui donne du travail à beaucoup.

Monsieur Brard, 150 000 personnes travaillent sur le marché de l'art en France. Drouot, c'est vingt-cinq salles d'exposition, 6 000 visiteurs par jour, 2 000 ventes annuelles, 3 milliards de francs de chiffre d'affaires l'an dernier. C'est un pôle structurant qui place la France, et Paris en particulier, au centre du marché de l'art mondial.

Vous voulez donc inclure les objets d'art dans le calcul de l'ISF. Décidément, c'est une idée récurrente, à gauche ! Comme le disait Philippe Auberger, on a affaire à une poussée permanente d'acné idéologique à chaque fois qu'on revient sur l'ISF. On veut le modifier, on veut en accroître le symbolisme idéologique - le ministre l'a dit à l'instant.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est une école, le symbolisme ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Vous, ce serait plutôt le postfauvisme, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Pierre Lellouche.

Cette idée a déjà été écartée en 1981, monsieur Brard, puis en 1988 et plus récemment au printemps dernier lors de la préparation du présent projet de loi de finances. Elle a été également écartée, mes chers collègues, par Mme Trautmann, ministre de la culture, lors d'une audition devant la commission des affaires culturelles, le 16 septembre dernier - j'ai là le compte rendu de son intervention.

Mme Trautmann explique que la possession d'une collection d'art n'est pas en soi source de revenu et elle expose toutes les conséquences négatives que cette mesure entraînerait sur le marché de l'art. Elle a demandé un rapport à

M. Chandernagor sur le sujet. Je rappelle, en outre, qu'un projet de loi est prévu par le Gouvernement, suite de la réforme des commissaires-priseurs, afin de réorganiser le marché de l'art. Je note d'ailleurs que le Gouvernement est en retard puisque le texte aurait dû être déposé avant la fin de l'année et qu'il ne l'est toujours pas.

C'est donc au pire moment, et sans aucune préparation, que l'amendement de la commission des finances nous est présenté aujourd'hui.

Sur le fond, je vous rappelle, mes chers collègues - mais vous êtes plus experts que moi -, que les oeuvres d'art sont déjà soumises à une fiscalité directe sur les plusvalues et sur les successions. L'effet d'annonce de cette mesure à caractère idéologique et démagogique aurait les conséquences suivantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Premièrement, la clandestinisation des objets d'art et la délocalisation par les collectionneurs des oeuvres, donc, un appauvrissement du patrimoine français déjà sévèrement érodé par d'autres dispositions fiscales. Vous en avez un exemple précis avec ce qui s'est passé après 1981 lorsque vous avez inclus les bijoux dans le calcul de l'ISF : ce marché est parti à l'étranger comme celui d'ailleurs de l'entretien et de la restauration.

Mme Nicole Bricq.

Il y était déjà !

M. Pierre Lellouche.

S'agissant de l'art, l'exemple italien montre que si vous incluez les objets d'art dans le calcul de l'ISF, le marché de l'art fuit vers d'autres capitales.

Deuxièmement, cette disposition aurait pour effet de freiner l'entrée - pour y être vendues -, ou le retour - après avoir été acquises -, d'oeuvres d'art en France. E n fait, il conviendrait de réduire le taux de TVA français sur l'importation des objets d'art, si l'on veut que Paris opère dans les mêmes conditions fiscales que les autres capitales. En Angleterre, par exemple, la TVA est à 2,5 %, soit dix fois moins qu'en France.

M.

Jack Lang s'est déclaré favorable à une telle réduction, alors qu'il a vivement critiqué, dans un article du Monde paru hier, la mesure que vous proposez, qu'il a même qualifiée de « bête ».

M.

Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas l'avis du Premier ministre !

M.

Pierre Lellouche.

M.

Lang appartient à votre majorité, monsieur Brard !

M.

Jean-Pierre Brard.

Et alors ? Ce n'est pas un brevet de sainteté !

M.

Pierre Lellouche.

Troisièmement, l'amendement de la commission des finances porterait un coup fatal à la création contemporaine en suscitant découragement et méfiance chez les collectionneurs et les amateurs.

Enfin, il entraînerait la constitution de collections et le développement de marchés occultes, et la quasi-disparition des prêts et des dons aux musées.

C'est une mesure à forte valeur idéologique, destinée à créer un effet d'annonce important à l'adresse de la gauche et de l'extrême gauche, mais qui est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire.

Si vous avez à coeur de préserver le patrimoine, le marché de l'art et la création dans notre pays, je vous en conjure, faites de l'idéologie ailleurs, mais pas avec les artistes, ni avec le patrimoine.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M.

le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour répondre à la commission.

M.

Gilbert Gantier.

Bien que le rapporteur général ait fait l'éloge de son amendement, je le trouve très mauvais, pour plusieurs raisons.

D'abord, mes chers collègues, Paris a été longtemps le centre de l'art : avant la guerre de 1914, les collectionneurs américains et russses venaient acheter des tableaux à Paris, et on retrouve ces oeuvres d'art dans leurs musées, par exemple au musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg.

Quand je me suis rendu dans cette ville, les Soviétiques étaient très heureux et très fiers de les montrer.

M.

Maurice Adevah-Poeuf.

Ces oeuvres reviennent en France maintenant.

M.

Gilbert Gantier.

Entre les deux guerres, Paris était un marché de l'art important, mais il ne l'est plus, et vous voulez l'achever ! Mme Nicole Bricq.

Cela n'a rien à voir avec l'ISF.

M.

Gilbert Gantier.

J'accepte volontiers que vous m'interrompiez madame, si vous avez un argument sérieux à faire valoir, mais si c'est pour pousser les hauts cris, c'est tout à fait inutile ! Mme Nicole Bricq.

Le fait que Paris ne soit plus un marché de l'art important n'a rien à voir avec l'ISF. Vous le savez très bien !

M.

Gilbert Gantier.

L'amendement de la commission est extrêmement dangereux et techniquement mauvais.

Un prélèvement de 3 % est trop faible pour quelqu'un q ui a une maison ou un appartement rempli de tableaux...

M.

Christian Cuvilliez.

Ça, c'est un aveu !

M.

Gilbert Gantier.

... et contraire au principe d'égalité devant l'impôt pour un petit collectionneur. Cet impôt est donc non seulement absurde, mais, en plus, injuste.

L'amendement de la commission des finances est techniquement aussi mauvais qu'il l'est politiquement et artistiquement.

M.

le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour répondre au Gouvernement.

M.

Jean-Pierre Brard.

La discussion que nous avons en ce moment est très importante mais on entend beaucoup de contrevérités. Le fait que les oeuvres d'art ne soient pas soumises à l'ISF a pour résultat que des contribuables fortunés investissent dans ce domaine pour réduire l'assiette de leur impôt. Ce n'est pas moi qui le dis, mais M. Thierry de Valréal, qui parle en connaissance de cause ! Ce qu'a dit notre collègue Lellouche sur le marché de l'art est tout à fait faux.

M.

Pierre Lellouche.

Il y a des faits, monsieur Brard !

M.

Jean-Pierre Brard.

Dans une revue spécialisée bien ancrée à droite, c'est-à-dire de votre bord, monsieur Lellouche, Connaissance des arts du mois de septembre, on pouvait lire, concernant les ventes d'objets d'art à Paris : « Un mois de juin fou, fou, fou. L'avalanche de prix records et d'enchères dépassant le million de francs qui a déferlé sur les ventes de juin a permis à la compagnie des commissaires-priseurs » - corporation intéressante par ailleurs - « de Paris d'annoncer pour le premier semestre 1998 un produit vendu d'oeuvres d'art en prog ression de 10 % par rapport au premier semestre 1997. »

M.

Pierre Lellouche.

C'est une bonne nouvelle pour Paris !

M.

Jean-Pierre Brard.

Ce que vous dites est inexact, et le sens de l'amendement est clair. Il s'agit de préserver la création contemporaine et surtout de ne pas altérer le marché de l'art concernant les oeuvres des créateurs vivants, comme il a été dit par Didier Migaud tout à l'heure.

Par ailleurs, qu'est-ce que ce soutien à la jouissance égoïste devant des oeuvres d'art ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M.

Pierre Lellouche.

Le seul art que vous connaissez, c'est l'art soviétique !

M.

Jean-Pierre Brard.

Vous voulez tout pour vous.

Vous ne voulez jamais rien partager !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. François d'Aubert.

A ce moment-là, il faut ouvrir le Louvre tous les jours !

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas faux !

M. Jean-Pierre Brard.

Les oeuvres qui seront exposées seront exonérées. Parmi les propriétaires d'oeuvres d'art, il se trouve quand même des gens altruistes qui ont envie de montrer ce qu'ils possèdent pour que tout le monde en profite car il s'agit incontestablement d'un patrimoine culturel universel.

M. Pierre Lellouche.

Vous allez assassiner le marché de l'art en France et appauvrir nos musées.

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne comprends pas la position de Mme la ministre de la culture : les courriers qu'elle nous a adressés montrent qu'elle n'a pas lu complètement la proposition de la commission des finances...

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est pas bien.

M. Jean-Pierre Brard.

... puisqu'elle ne mentionne pas l'exonération des oeuvres d'art exposées et des créations contemporaines.

On sait bien comment les choses se passent : ne cédons pas aux lobbies d'esthètes qu'on voit plus un verre à la main dans les cocktails que militant pour l'accès du plus grand nombre à la culture.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

L'amendement adopté par la commission des finances va dans le bon sens. Nos propositions ont d'ailleurs eu des échos dans les journaux suisses. Ils s'intéressent beaucoup à ces questions - vous savez pourquoi -...

M. Pierre Lellouche.

Mais les Suisses sont ravis !

M. Jean-Pierre Brard.

... et ils trouvent l'amendement intelligent.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Oui, les marchés de Genève, de Londres et d'Allemagne se frottent les mains !

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur Lellouche, le marché français n'en sera en rien affecté.

M. Pierre Lellouche.

Cessez de faire de l'idéologie.

Soyez sérieux !

M. Jean-Pierre Brard.

Je vous l'ai dit en citant Connaissance des arts.

M. Pierre Lellouche.

Que vous ne connaissez pas !

M. Jean-Pierre Brard.

Ne faites pas semblant de vous faire peur pour ménager les privilèges de ceux qui dissimulent les oeuvres d'art dans les coffres-forts et en privent ainsi la communauté nationale comme la communauté internationale ! Après tout, ces oeuvres pourraient être aussi présentées à l'étranger dans de grandes rétrospectives.

M. le président.

Monsieur Brard, je ne savais pas que Connaissance des arts était un journal de droite ! C'est un journal des arts !

M. Jean-Pierre Brard.

Je peux vous faire parvenir quelques articles qui vous éclaireront, monsieur le président !

M. François d'Aubert.

C'est la première fois qu'il lit cette revue !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il n'y a aucun parti-pris idéologique de la part de la commission des finances. Nous avons examiné la question avec le maximum d'objectivité. Il y a d'ailleurs déjà beaucoup d'objets d'art qui sont considérés comme des « meubles meublants » et qui entrent dans l'assiette de l'ISF. La direction générale des impôts se réserve d'ailleurs le droit de les taxer plus que ne le déclare le redevable de l'ISF. Si leur propriétaire accepte de les exposer, ils seront exonérés de cet impôt. Notre proposition est donc tout à fait équilibrée.

M. Jean-Jacques Jégou.

Une exposition ne s'organise pas comme ça !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mme la ministre de la culture a annoncé des mesures pour dynamiser le marché de l'art sur la place de Paris et en France. Très franchement, je ne pense pas que notre proposition puisse fragiliser en quoi que ce soit le marché de l'art.

D'ailleurs, avec un tel raisonnement qui, malheureusement n'est pas soutenu que par des responsables de droite, il n'y aurait plus d'impôt du tout !

M. Pierre Lellouche.

Dites cela à Jack Lang !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

S'il ne faut pas taxer un bien sous prétexte qu'il risque d'être dissimulé, on peut supprimer la TVA sur beaucoup de produits.

Il faut en toute chose proposer des mesures équilibrées.

C'est ce que fait la commission des finances en proposant une taxation forfaitaire - sortie du forfait mobilier -, avec une exonération des oeuvres d'art exposées ou émanant de créateurs vivants. En fait, par cet amendement, nous encourageons encore davantage la création.

La commission des finances vous invite donc à adopter cet amendement.

M. le président.

Sur l'amendement no 13, je suis saisi par le groupe Démocratie libérale et Indépendants d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

En tant que président du groupe d'études sur le patrimoine, je dois dire que cet amendement est faussement attrayant. La commission a effectivement tenté d'éviter certains écueils, mais elle n'y est pas parvenue.

M. le ministre a rappelé tout à l'heure que le barème de l'ISF avait été relevé, ce qui va améliorer son rendement. L'esprit de cet impôt est d'activer les capitaux, de taxer l'argent qui produit. Il est normal de le faire pour des capitaux placés en bourse. Mais il est vrai qu'une oeuvre d'art ne rapporte pas tant qu'elle n'est pas mise sur le marché. Notre intérêt est donc, si l'on veut pouvoir taxer les capitaux placés dans les oeuvres d'art, que ce marché reste en France.

M. François d'Aubert.

Absolument !

M. Michel Bouvard.

Mon collègue Pierre Lellouche a cité l'exemple de l'Italie. Ma circonscription est voisine de l'Italie. Voilà un pays qui, personne ne peut le nier, a une grande capacité artistique, où, pourtant, le marché de l'art s'est progressivement tari, au point de ne plus compter. Ce pays, qui a un grand patrimoine artistique, ne fait plus partie des grands pays pour ce qui concerne le marché de l'art.

Une bonne partie des oeuvres d'art italiennes se négocie à Genève, Londres et New York, c'est-à-dire en dehors de l'Italie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

La réforme annoncée par Mme Trautmann, comme celle qui vient d'intervenir concernant les commissairespriseurs, vise à conforter la place française, actuellement faible par rapport aux places anglo-saxonnes. Il n'est que de voir l'essor des maisons comme Sotheby's ou Christie's.

Si nous envoyons des signaux négatifs, ce sont les grandes maisons étrangères qui en profiteront.

M.

Pierre Lellouche.

Très bien !

M.

Michel Bouvard.

Comme vous, monsieur Brard, je regrette que des oeuvres dorment dans des coffres-forts et que le public ne puisse pas les voir. Cet état de choses est particulièrement choquant. L'amendement de la commission semble bien répondre aux besoins, mais si, comme cela est prévisible et comme cela s'est passé en Italie du fait de dispositions du type de celle que vous nous proposez aujourd'hui, ces oeuvres partent à l'étranger, elles ne seront plus du tout proposées au public français...

M.

François d'Aubert.

Dommage que M. Jack Lang ne soit pas là !

M.

Michel Bouvard.

... et nous perdrons toute chance de les récupérer par dation à l'occasion des successions.

Monsieur Brard, je me souviens d'un débat que nous avons eu il y a trois ans sur le cinéma...

M.

Jean-Pierre Brard.

Et les SOFICA.

M.

Michel Bouvard.

... et les SOFICA. Vous aviez parfaitement admis l'idée de consentir un avantage fiscal à des grandes fortunes pour qu'elles investissent dans la création artistique.

M.

Jean-Pierre Brard.

C'est vrai !

M.

Michel Bouvard.

J'ai l'impression que l'enjeu est un peu le même aujourd'hui. Si nous voulons garder des oeuvres d'art sur notre territoire, il faut leur donner un avantage fiscal, quitte à récupérer certaines d'entre elles à l'occasion des successions. Nous pourrions ainsi les présenter au public et en même temps préserver notre patrimoine national.

M.

Pierre Lellouche.

Evidemment ! Rappel au règlement

M. François d'Aubert.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Raymond Douyère.

Sur quel article ?

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le président, nous débattons d'un sujet important et, avant de nous prononcer, il faut y regarder à deux fois.

Je demande donc que Mme la ministre de la culture soit auditionnée avant le vote de cet amendement imbécile et nocif pour l'art et le marché de l'art, quoi qu'en pense M. Brard, qui, pour la première fois sans doute de sa vie, a lu Connaissance des arts.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas parce que vous êtes ignorant que les autres sont à votre niveau !

M. François d'Aubert.

Je souhaiterais que Mme Trautmann puisse s'exprimer sur ce sujet, un certain nombre de députés socialistes ayant fait état des réserves qu'elle avait exprimées sur votre proposition. En tout cas, il est légitime que nous souhaitions avoir son point de vue - malgré celui, très éclairé, de M. le ministre des finances.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La position du Gouvernement a été donnée.

Le Gouvernement s'exprime d'une seule voix, que ce soit en la personne du ministre de la culture ou d'un autre. Je ne vois aucune raison de demander une audition particulière. La position de Mme Trautmann est, au mot près, celle que j'ai donnée tout à l'heure.

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance en vertu de l'article 58, alinéa 3, du règlement.

M. le président.

Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, je demande la parole...

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Non, pour une explication de vote, monsieur le président.

M. le président.

Il n'y a pas d'explication de vote sur les amendements, mon cher collège.

M. Jean-Jacques Jégou.

Alors, pour un rappel au règlement.

M. le président.

Je suis d'accord si vous justifiez l'article du règlement auquel vous faites allusion.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, je veux simplement revenir sur la déclaration de M. le ministre Strauss-Kahn et indiquer la position du groupe UDF avant de voter. Nous sommes contre parce que, d'une part, nous n'avons pas entendu de véritable définition de l'oeuvre d'art et que, d'autre part, nombre d'amateurs d'art, dont je suis, aimeraient bien montrer de temps en temps ce qu'ils possèdent chez eux. Mais l'organisation d'une exposition n'est pas facile à mettre sur pied.

Une dépêche vient de tomber...

M. le président.

Monsieur Jégou, je vous en prie !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est important, monsieur le président.

M. le président.

Je n'en doute pas, mais ce n'est pas un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Si, monsieur le président, car elle prouve que M. le ministre vient de faire une fausse affirmation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

En effet, Mme Trautmann, ministre de la culture et de la communication, vient de rappeler son opposition à l'intégration des oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF. Elle souligne notamment que cette mesure n'avait pas été retenue par le Gouvernement dans le projet du budget pour 1999. La ministre justifie sa position par trois considérations :...

M. le président.

Non...

M. Jean-Jacques Jégou.

... il existe déjà une taxe forfaitaire sur les ventes,...

M. le président.

Monsieur Jégou !

M. Jean-Jacques Jégou.

... la détention d'oeuvres d'art ne rapporte aucun revenu à leurs propriétaires, enfin les détenteurs d'oeuvres d'art pourraient être tentés de les délocaliser.

Je voudrais savoir si M. le ministre est bien d'accord avec sa collègue...

M. le président.

Monsieur Jégou, ne relancez pas la discussion.

Mes chers collègues, pour tenir compte de la suspension de séance, je vais procéder à une nouvelle annonce de scrutin public demandé par le groupe Démocratie libérale et Indépendants sur l'amendement no 13 de la commission.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

....................................................................

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'amendement no 13 de la commission.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

65 Nombre de suffrages exprimés .................

64 Majorité absolue .......................................

33 Pour l'adoption .........................

47 Contre .......................................

17 L'Assemblée nationale a adopté.

Rappel au règlement

M. Gilbert Gantier.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour un rappel au règlement.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, mon rappel est fondé sur l'article 54, paragraphe 6, du règlement, qui dispose qu'un orateur peut être interrompu par le président lorsqu'il lit un discours, a fortiori un livre.

Nous dépassons très largement le temps que mérite ce débat, proportionnellement à l'intérêt qu'il présente pour le pays. Notre collègue Jean-Pierre Brard n'hésite pas à l'agrémenter de force lectures : les revues Challenges et C onnaissance des arts et, depuis hier, l'ouvrage de M. Michel Pinçon et de Mme Monique Pinçon-Charlot.

La bibliothèque est à côté de l'hémicycle ; je pourrais, moi aussi, aller fouiller dans les auteurs, tels Adam Smith ou je ne sais trop qui, et vous en ramener des citations interminables ! J'invite d'ailleurs M. Brard à l'utile lecture de la dernière livraison d'un hebdomadaire où il est écrit :

« Il ne faut désespérer ni Billancourt ni Neuilly » ! Monsieur le président, nous devrions pouvoir exprimer chacun nos convictions sans pour autant nous lancer dans de si longues lectures, car les débats n'ont que trop duré.

M. le président.

Monsieur Gantier, si je devais retirer la parole à tous ceux qui lisent, il n'y aurait plus beaucoup de députés qui s'exprimeraient dans l'hémicycle !

M. Jean-Pierre Brard.

A commencer par M. Gantier !

M. Gilbert Gantier.

Je ne lis jamais ! Reprise de la discussion

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Brard, Vila, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 128, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article 885 U du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la part des actifs financiers dans le patrimoine augmente de 5 % et plus par rapport au 1er janvier de l'année précédente, une majoration est perçue sur cette part égale au 1/5 de la variation constatée de la valeur des actifs financiers. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Didier Migaud rapporteur général.

La commission a repoussé cet amendement, jugeant le dispositif passablement complexe pour la gestion de l'impôt.

Elle a considéré aussi, et surtout, que l'article 8 du projet de loi donnait satisfaction aux auteurs de l'amendement. En effet, la création d'une nouvelle tranche marginale d'imposition au taux de 1,8 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions de francs peut s'analyser comme une imposition supplémentaire du capital financier en raison de la part prise par les valeurs financières dans l'actif net de ces redevables. Je rappelle que cette part est de 94 % ; je pense donc que nos collègues ont en grande partie satisfaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avis défavorable pour les mêmes raisons : les actifs financiers représentent 94 ou 95 % de l'actif dans la tranche nouvellement créée.

M. le président.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Cuvilliez ?

M. Christian Cuvilliez.

Je le retire, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 128 est retiré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

MM. Cuvilliez, Vila, Feurtet, Brard, Belviso et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 126, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 885 V bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de ces dispositions ne s'applique qu'aux contribuables dont le patrimoine imposable n'excède pas la limite haute de la tranche assujettie au taux de 0,5 %. » La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop de revenir sur cette question en évoquant cette fois-ci le plafonnement de l'ISF.

En 1996, le plafonnement institué en 1989 afin que le montant total de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune n'excède pas 85 % du revenu, a concerné en tout et pour tout 2 800 contribuables. Ceux-ci, nous indique le dernier rapport du conseil des impôts, présentent des revenus souvent négatifs, ce qui semble faire droit aux arguments avancés pour justifier le plafonnement.

Plusieurs causes expliquent cette réalité en trompel'oeil. Des moins-values ou des déficits peuvent venir annuler des revenus positifs d'autre nature. Plus fondamentalement, les revenus que procure, par exemple, la détention d'une résidence principale ou secondaire ne sont pas pris en compte, tout comme des revenus non distribués, SICAV de capitalisation et plus-values latentes.

Ce sont donc, de fait, les contribuables les plus riches qui profitent du plafonnement.

Le niveau moyen du patrimoine des contribuables bénéficiant du plafonnement est ainsi nettement supérieur à celui de l'ensemble des assujettis à cet impôt ; 60 % d'entre eux déclarent un patrimoine supérieur à 16,5 millions de francs, alors que cette proportion n'est que de 10 % pour l'ensemble des assujettis.

Au total, pour les 1110 redevables à l'ISF concernés par le plafonnement, la limitation permet de réduire l'impôt moyen d'un peu plus de 600 000 francs, et ce sont les personnes pour lesquelles joue la limitation qui bénéficient des plus fortes réductions d'impôt. De surcroît, le mécanisme du plafonnement encourage à ne pas faire apparaître de revenus et cette mesure, cette dissimulation, même, aun coût élevé : 1,2 milliard de francs.

Comme le note justement le dernier rapport du Conseil national des impôts, le mécanisme du plafonnement est contestable dans son principe.

L'ISF a été créé, dans le but d'une approche plus complète de la capacité contributive du contribuable à la fois par le revenu et par le patrimoine détenu. Or le plafonnement prend justement comme référence le revenu imposé au titre de l'impôt sur le revenu et du prélèvement libératoire de cet impôt, ce qui revient, à l'inverse de l'intention précitée du législateur avec la création de l'ISF, à considérer les sommes déclarées au titre de l'impôt sur le revenu comme un bon indicateur de la capacité contributive. C'est dire si la dénonciation si souvent entendue du caractère confiscatoire de l'ISF est peu convaincante...

Notre amendement, qui reprend une proposition du conseil des impôts, participe de notre attachement à voir se concrétiser une réforme de fond de l'ISF prenant en compte la façon dont se constituent aujourd'hui les fortunes, améliorant le rendement de l'impôt et visant à ce que l'ISF, comme l'ensemble de la fiscalité, incite -je l'ai déjà dit - à une utilisation de l'argent plus favorable à la création d'activités économiques et d'emplois.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable. On ne peut dire que le conseil des impôts ait formulé une telle proposition, car s'il a effectivement proposé une assiette universelle, il l'assortissait de taux très bas. Votre amendement ne se situe donc pas tout à fait dans la cohérence du dispositif proposé par le conseil des impôts.

Au surplus, la commission a considéré qu'il risquait, tout au contraire, de fragiliser l'ISF plutôt que de renforcer son efficacité. Le plafonnement, tel qu'il existe aujourd'hui, participe de l'équilibre d'ensemble de l'impôt, et réduire ses effets dans de telles proportions soulèverait très vraisemblablement un problème de constitutionnalité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avis défavorable. Le mécanisme du plafonnement est durci dans le projet de loi par la prise en compte des revenus exonérés. On y trouve d'autres mesures sur l'impôt de solidarité sur la fortune qui montrent tout l'intérêt que le Gouvernement porte à un véritable effort de solidarité.

Je demande donc à M. Cuvilliez de bien vouloir retirer son amendement, car il a déjà, me semble-t-il, satisfaction sur bien de points.

M. le président.

Monsieur Cuvilliez, retirez-vous votre amendement ?

M. Christian Cuvilliez.

Il est retiré, monsieur le président. Ainsi, il n'y a plus de discussion. Mais on en reparlera !

M. le président.

L'amendement no 126 est retiré.

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - I. Au dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts, la référence : "885 Q" est remplacée par la référence : "885 R".

« II. L'article 885 R du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Sont considérés comme des biens professionnels au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune les locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 150 000 francs de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. »

M. Gantier a présenté un amendement, no 340, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 9. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, je serai très bref car je m'aperçois que nous n'avons étudié que quelques amendements depuis neuf heures et demie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

L'article 9 prévoit de limiter l'exonération de l'ISF au titre des biens professionnels aux seuls loueurs en meublé professionnels. Une telle mesure est discriminatoire et donc contraire à l'égalité devant l'impôt. C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer l'article 9.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable. La commission a estimé qu'il était nécessaire d'éviter des phénomènes d'évasion fiscale excessifs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour répondre au Gouvernement.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais je n'ai rien dit ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Je veux surtout questionner le Gouvernement. L'actuelle rédaction de l'article 885 R du code général des impôts détermine les locaux exploités par des loueurs en meublé n'entrant pas dans la catégorie des biens professionnels. L'article 9 propose une nouvelle formulation, cette fois-ci positive, de ces mêmes locaux.

Même si l'exposé des motifs parle d'abus constatés, on peut se demander quels motifs justifient cette nouvelle formulation.

Il convient de souligner qu'une telle modification entraînerait une discordance avec l'article 151 septies relatif aux plus-values professionnelles, qui, je le rappelle, retient comme condition 50 % des revenus et non, comme à l'article 885 R dans la nouvelle rédaction que vous proposez, 50 % des revenus professionnels.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 340.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Après l'article 9

M. le président.

M. Adevah-Poeuf a présenté un amendement, no 158, ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Après la première phrase du premier alinéa de l'article 885 H du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "L'exonération prévue au 2o du 2 de l'article 793 n'est applicable à cet impôt que lorsque la surface totale des biens concernés est inférieure à 500 hectares". »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je ne prolongerai pas la discussion interminable que nous venons d'avoir sur l'article 8. Mon amendement préconise d'étendre le champ de l'ISF, dans certaines conditions, aux bois et forêts de plus de 500 hectares.

Pour l'ISF, pour la première lecture, et pour cette matinée, ce sera suffisant ! Je retire mon amendement. Mais, assurément, nous en reparlerons. Et, la prochaine fois, que personne ne me dise que les forêts sont délocalisables ! (Sourires.)

M. le président.

L'amendement no 158 est retiré.

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - L'article 885 G du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les biens ou droits dont la propriété est démembrée sont compris, pour leur valeur en pleine propriété, dans le patrimoine de la personne qui a constitué sur ces biens un usufruit, un droit d'usage ou d'habitation accordé à titre personnel, ou en cas de transmission à titre gratuit du droit réservé par celle-ci, dans le patrimoine du nouveau titulaire de ce droit.

« Toutefois, ces biens ou droits sont compris respectivement dans les patrimoines du propriétaire auteur du démembrement de propriété et du bénéficiaire de celui-ci suivant les proportions fixées à l'article 762 dans les cas énumérés ci-après :

« a) Lorsque la constitution de l'usufruit résulte de l'application des articles 767, 1094 ou 1098 du code civil. Les biens dont la propriété est démembrée en applic ation d'autres dispositions, et notamment de l'article 1094-1 du code civil, ne peuvent faire l'objet de cette imposition répartie ;

« b) Lorsque le démembrement de propriété résulte de la vente ou de l'apport d'un bien dont le vendeur s'est réservé l'usufruit, le droit d'usage ou d'habitation ou la nue-propriété et que l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'apport n'est pas l'une des personnes visées à l'article 751, ni une société contrôlée par le vendeur ou l'une de ces personnes ;

« c) Lorsque l'usufruit, le droit d'usage ou d'habitation ou la nue-propriété a été réservé par le donateur d'un bien ayant fait l'objet d'un don ou legs à l'Etat, aux régions, aux départements, aux communes ou syndicats de communes et leurs établissements publics, aux établissements publics nationaux à caractère administratif et aux organismes à but non lucratif ou fondations reconnus d'utilité publique. »

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 57 et 341.

L'amendement no 57 est présenté par M. Auberger ; l'amendement no 341 est présenté par M. Gantier.

« Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 10. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no

57.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, le problème de l'imposition des biens détenus en usufruit par une personne et en nue-propriété par une autre personne est réglé et cela a été entériné par l a jurisprudence. Il n'est donc pas nécessaire d'y revenir.

On se trouve là dans l'un des cas que j'ai évoqués hier, et qui est d'ailleurs excellemment expliqué dans le rapport de M. Migaud. On s'est aperçu, en effet, que de nombreuses personnes avaient cédé soit l'usufruit, soit la nuepropriété pour échapper à l'imposition. Pour des raisons de contrôle fiscal, il fallait donc revenir sur la règle jurisprudentielle qui avait été admise.

Monsieur le ministre, dans ce cas, je vous en conjure, utilisez l'abus de droit, mais ne nous demandez pas de légiférer. De toute façon, les personnes qui recourent à de tels artifices ont les moyens de s'offrir les services de bons conseillers fiscaux dont ni l'administration ni surtout le législateur n'arriveront jamais à supplanter l'imagination.

C'est une course sans fin et, de toute façon, nous serons perdants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Par conséquent, la seule solution est, je le répète, de recourir de façon plus systématique à l'abus de droit, tout comme pour le plafonnement que nous verrons tout à l'heure.

Je ne consteste pas qu'il y ait des anomalies, mais l'administration a les moyens de les réprimer sans recourir à une disposition législative expresse, qui serait, au surplus, vite périmée.

A mon avis, cet article est inutile et c'est pourquoi j'en propose la suppression.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 341.

M. Gilbert Gantier.

Depuis hier soir, nous discutons d'un impôt qui représente 0,05 % des recettes totales de l'Etat. N'est-il pas exagéré que la majorité plurielle consacre tant de temps à un impôt symbole, symbole de l'égalitarisme voulu par l'extrême gauche de cette assemblée ? Je serai bref, après l'excellente intervention de Philippe Auberger. L'article 10 est injuste et complètement illogique. Il est vrai que, quand un impôt est mauvais, on est bien obligé de le conforter à coup de mesures de plus en plus injustes et illogiques ! L'article 10 n'a pas lieu d'être.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 57 et 341 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Quinze milliards, ce n'est pas seulement symbolique, monsieur Gantier ! Il ne me semble donc pas anormal d'en discuter.

Monsieur Auberger, une procédure n'empêche pas l'autre : l'adoption de l'article 10 n'interdira pas à la Direction générale des impôts de recourir à la procédure d'abus de droit.

La commission a rejeté les deux amendements. Elle a considéré, avec le Gouvernement, que certains montages ont permis de contourner les garanties mises en place par les textes existants contre la perte organisée de la matière imposable.

M. Philippe Auberger.

C'est un abus de droit !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En particulier, la donation temporaire de l'usufruit d'un ou de plusieurs biens peut permettre à un redevable de l'ISF de diminuer artificiellement sa base imposable, voire de se soustraire à l'imposition. L'objectif de l'article 10 est justement d'empêcher ce type de montage.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La lutte contre l'évasion fiscale est en effet une course sans fin mais nous n'avons pas l'intention, contrairement à ce que vous supposez, de baisser les bras : nous ne resterons pas sur les gradins à simplement regarder. Chaque fois que cela sera nécessaire, nous prendrons des dispositions pour rendre, à l'avenir, l'évasion fiscale plus difficile dans notre pays, car elle foncièrement injuste.

Cela dit, rien n'empêche de recourir à la procédure d'abus de droit, pour laquelle vous avez, à juste titre, une préférence.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 57 et 341.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - Au premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts, les mots : "soumis en France et à l'étranger à l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente et des produits soumis à un prélèvement libératoire de cet impôt" sont remplacés par les mots : ", pris en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire". »

M. Gantier a présenté un amendement, no 342, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 11. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

L'article 111 prévoit de prendre en compte les revenus exonérés dans le calcul du plafonnement de l'ISF. Seuls les déficits catégoriels professionnels n'entreraient pas dans ce calcul.

Une telle mesure va permettre d'arriver plus rapidement au seuil d'imposition. C'est inadmissible. C'est la raison pour laquelle je propose de la supprimer.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement no 347, ainsi rédigé :

« I. Au début de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts, après les mots : "et des impôts" sont insérés les mots : "sur le revenu, des impôts directs et de l'ensemble des prélèvements sociaux".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

L'alinéa additionnel propose de prendre en compte d'autres revenus dans le plafonnement de l'ISF.

On entre dans un cercle infernal. Cette disposition ne se justifie absolument pas.

Quant au gage, j'en ai prévu un mais je crois que je n'étais pas tenu de le faire car il s'agit d'une mesure nouvelle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 347.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le président.

M. Migaud a présenté un amendement, no 534 rectifié, ainsi rédigé :

« Dans l'article 11, supprimer les mots : ", pris en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu au titre". »

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 534 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 348, ainsi rédigé :

« I. Dans l'article 11, supprimer les mots : "après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156". »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

La disposition que je vise tend à aggraver l'imposition pesant sur les contribuables assujettis à l'ISF. En effet, loin d'être un aménagement comme le suggère le titre de l'article - par euphémisme, car un

« aménagement » est toujours une augmentation ! -, cette mesure est en réalité une modification substantielle, contre laquelle il faut s'élever.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat au budget Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 348.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gantier a présenté un amendement, no 349, ainsi rédigé :

« I. Dans l'article 11, après les mots : "ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu", insérer les mots : "provenant de la cession d'immeubles ou de valeurs mobilières". »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Il s'agit, cette fois, de prendre en compte dans l'ISF les revenus exonérés provenant de la cession d'immeubles ou de valeurs mobilières dans la définition des revenus, servant au calcul du plafonnement. Il s'agit encore d'une mesure injustifiable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 349.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 343 et 404, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 343, présenté par M. Auberger, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 11 par les deux paragraphes suivants :

« II. La dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est supprimée.

« III. La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 404, présenté par MM. Méhaignerie, Barrot, de Courson, Hériaud, Mme Idrac, MM. Jégou et Loos, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 11 par les paragraphes suivants :

« II. La dernière phrase du premier alinéa de ce même article est supprimée. »

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 343.

M. Philippe Auberger.

Il s'agit d'un amendement important, qui tend à rétablir dans son intégralité le mécanisme du plafonnement de l'ISF, afin d'éviter que la somme de cet impôt et de l'impôt sur le revenu dépasse une trop grande fraction du revenu.

Je rappelle qu'une telle disposition avait été prise peu après l'institution de l'ISF. Alors dans l'opposition, nous nous y étions ralliés car elle est de bon sens et elle existe dans d'autres droits. Ainsi la cour constitutionnelle allemande estime que, dès lors que l'ensemble des impôts dépasse 50 % du revenu, ils présentent un caractère confiscatoire. Ce n'est donc pas une novation du droit français.

Il est vrai que nous avons voté la suppression de ce plafonnement pour certaines tranches de l'ISF dans la loi de finances pour 1996. Mais je confesse que c'était une erreur. Nous l'avons commise parce que nous avions reçu une mauvaise information du SLF et de la direction générale des impôts.

M. Jean-Marie Le Guen.

Comme pour la dissolution ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

J'évoque un point important.

Ne m'interrompez donc pas par des interjections grotesques !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Auberger.

M. Philippe Auberger.

Nous avions, disais-je, été mal informés par les services fiscaux, qui ont voulu régler une difficulté de contrôle fiscal par une mesure législative générale. Certes, il y avait des anomalies, mais elles relevaient de l'abus de droit. Par la suite, nous avons constaté que c'était une grave erreur, je le reconnais volontiers aujourd'hui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Nous n'avons pas la même conception de l'impôt de solidarité sur la fortune que nos collègues communistes notamment. Nous n'estimons pas qu'il doive avoir un caractère confiscatoire et qu'il puisse conduire à la décapitalisation.

Or, c'est ce qui arrive dans certains cas. Avec le déplafonnement, nombre de détenteurs de capitaux sont obligés soit de décapitaliser, c'est-à-dire de vendre une partie de leur capital pour acquitter l'ISF, soit d'infléchir la rémunération du capital pour permettre aux détenteurs de ce capital de payer l'ISF. Ce qui revient à introduire en quelque sorte un biais fiscal dans la politique de rémunération des entreprises.

Dans l'entreprise Legrand, dont le cas a été souvent cité notamment dans la presse, 250 actionnaires sont réunis dans le cadre d'un pacte d'actionnariat. Cette entreprise très belle est cotée en bourse et rémunère très faible ment son capital parce que l'essentiel de son bénéfice est réinvesti. Elle remporte de grands succès à l'exportation et a réalisé de très beaux investissements à l'étranger. Je cro is que nous pouvons en être unanimement fiers.

Eh bien, l'obliger, à cause du déplafonnement, à rémunérer au minimum son capital, a causé des difficultés au sein du pacte des actionnaires. Certains d'entre eux ont menacé de le rompre, donc de vendre leur participation, souvent d'ailleurs à des entreprises étrangères, des « prédateurs » étrangers qui n'attendent que cela. Les acquisitions de parts de capital finiront par aboutir à la délocalisation de celui-ci.

Dans le but de remédier à des abus manifestes, contre lesquels on pouvait utiliser la procédure d'abus de droit, on a donc institué, je le répète, une règle générale qui conduit soit à une décapitalisation, soit à rémunérer au minimum leur capital, alors qu'elles n'en avaient pas l'intention, et ce pour des raisons uniquement fiscales.

C'était une mauvaise disposition. Voilà pourquoi je demande le rétablissement du plafonnement pour toutes les tranches du barème de l'ISF.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 404.

M. Jean-Jacques Jégou.

Dans son excellente intervention, Philippe Auberger a eu le mérite de dire exactement comment les choses se sont passées. Certains pourraient en tirer des leçons d'humilité.

M. Jean-Marie Le Guen.

Comme Juppé !

M. Jean-Jacques Jégou.

Notre collègue a parfaitement décrit les risques que nous encourons à vouloir régler par la voie législative ce qui peut l'être par d'autres voies.

L'abus de droit en est une tout à fait sérieuse.

L'amendement no 404 montre bien notre volonté de résister aux excès où, depuis ce matin, on cherche à nous entraîner, en particulier le groupe communiste, qui a l'intention d'aller bien au-delà du raisonnable. Le déplafonnement est antiéconomique et antisocial puisqu'il risque de mettre en difficulté des entreprises ; Legrand en est le meilleur exemple.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

M. Auberger nous l'a expliqué, il a effectivement changé d'opinion depuis 1996, lorsqu'il jugeait la proposition du Gouvernement qu'il soutenait équitable...

M. Gilbert Gantier.

Il a le droit de changer d'opinion !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ça vous arrive aussi ! M. Bérégovoy avait pris la mesure que nous défendons.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui pensent que le mécanisme actuel du plafonnement est parfait. Mais dès lors que nous ne nous sommes pas engagés dans une réforme complète de l'ISF, notamment par un élargissement de son assiette, il n'est pas opportun, me semble-t-il, de modifier le mécanisme du plafonnement, ce qui serait concevable, au contraire, dans le cadre d'une réforme d'ensemble.

La commission des finances a émis un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je rends hommage à M. Auberger d'avoir reconnu que, de son point de vue, il avait fait une erreur, même si battre sa couple sur la poitrine de l'administration n'est peut-être pas le meilleur comportement.

L'article qui est proposé s'inscrit dans un dispositif gouvernemental appuyé par la majorité pour lutter contre l'évasion fiscale et demander un effort de solidarité aux grandes fortunes. Je demande le rejet de ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je ne veux pas allonger les débats sur ce point extrêmement important. Je me permettrai cependant de rappeler un point d'histoire.

Quand, en 1988, le gouvernement de M. Rocard a décidé de rétablir sous le nom d'ISF l'ancien IGF, je siégeais à la commission des finances, comme, malheureusement pour moi, depuis de trop nombreuses années.

J'avais alors expliqué au rapporteur général de l'époque, qui exerce aujourd'hui des fonctions au sein du Gouvernement, à la défense, je crois (Sourires), qu'il fallait instituer un plafonnement parce que les contribuables concernés ne devaient pas payer davantage que les revenus dont ils pouvaient disposer. Le rapporteur général de l'époque avait reconnu que c'était exact, et nous avions rédigé un amendement, qu'on retrouverait certainement dans les archives de la commission des finances, prévoyant un plafonnement de 60 %, ce qui était très modeste. Le ministre des finances de l'époque, M. Bérégovoy, à qui je rends hommage car il a toujours été très attentif aux remarques qu'on lui adressait, l'a accepté, M. Rocard également, en portant le taux, il est vrai, à 85 %. En 1966, j'étais de ceux qui trouvaient mauvaise la mesure de déplafonnement prévue par la majorité que je soutenais à l'époque. J'ai voté contre, je n'ai donc pas à battre ma coulpe sur ce point. Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est pour beaucoup dans la délocalisation de certains contribuables. Je n'approuve pas les gens qui se délocalisent, et, pour certaines personnes, il ne sera jamais question de quitter la France pour des raisons fiscales, mais d'autres l'ont fait et on peut tout de même les comprendre. L'impôt devient en effet excessif et trop d'impôt tue l'impôt.

L'amendement de M. Auberger comme celui de M. Méhaignerie se justifient, et il serait regrettable de ne pas les accepter, mais je ne me fais guère d'illusions.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 343.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 404.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. le président.

M. Migaud a présenté un amendement, no 535, ainsi libellé :

« Compléter l'article 11 par le paragraphe suivant :

« II. - Après le premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les plus-values sont déterminées sans considération des seuils, réductions et abattements prévus par le présent code. »

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est une précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 535.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - I. - A l'article 761 du code général des impôts, il est inséré après le premier a linéa un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« Pour les immeubles dont le propriétaire a l'usage à la date de la transmission, la valeur vénale réelle mentionnée au premier alinéa est réputée égale à la valeur libre de toute occupation.

« II. - Il est inséré dans le code général des impôts un article 764 bis ainsi rédigé :

« Art. 764 bis. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 761, il est effectué un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l'immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à la même date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt ou de son conjoint.

« III. - A l'article 885 S du code général des impôts, il est ajouté un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 761, un abattement de 20 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l'immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire.

En cas d'imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l'abattement précité. »

M. Jégou a présenté un amendement, no 405, ainsi rédigé :

« I. - Dans le dernier alinéa du II de l'article 12, après les mots : "un abattement de", substituer au taux "20 %", le taux "30 %".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans la première phrase du dernier alinéa du III de cet article.

« III. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Peut-être pourriez-vous présenter en même temps l'amendement no 406, monsieur Jégou ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Tout à fait, monsieur le président. Les grands esprits se rencontrent, je me proposais de le faire. (Sourires.)

M. le président.

L'amendement, no 406, présenté par M. Jégou, est ainsi rédigé :

« I. - Dans le dernier alinéa du II de l'article 12, après les mots : "un abattement de", substituer au taux : "20 %", le taux : "30 %".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recette pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Vous avez la parole, monsieur Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

L'amendement no 405 parle de la résidence principale dans le cadre de l'imposition à l'ISF et l'amendement no 406 traite des droits de mutation à titre gratuit.

Lorsqu'un immeuble est occupé à titre de résidence principale, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a un abattement pour occupation, et le Gouvernement, par cet article, propose de le régulariser.

Je souligne au préalable, et surtout à l'intention de mes collègues communistes et de ceux qui seraient tentés de les suivre, que maintenant, en France, tout au moins à Paris ou dans la région parisienne, peut-être aussi dans la région PACA, on est riche, on a une fortune lorsqu'on possède sa résidence principale et qu'au bout de vingt ans, quelquefois après une vie de travail, on décide de s'acheter une résidence secondaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier.

Il rêve ! On parle de quoi ?

M. Jean-Jacques Jégou.

On parle du sujet. Si vous vous ennuyez, vous n'êtes pas obligée de rester.

M. le président.

Poursuivez, monsieur Jégou ! Ne vous laissez pas interrompre.

M. Jean-Jacques Jégou.

Si une députée de la majorité, que je ne connais pas d'ailleurs car elle n'est pas souvent dans l'hémicycle, considère qu'on n'est pas dans le sujet, elle aurait peut-être besoin de regarder la loi de finances ! Je crois, ma chère collègue, que je n'ai pas de leçon à recevoir de vous.

Mme Raymonde Le Texier.

Ce n'est pas sûr !

M. Jean-Jacques Jégou.

Cela énerve peut-être mais on a une fortune en France lorsqu'on a une résidence principale, quelquefois modeste, et une résidence secondaire.

On parlait tout à l'heure des fluctuations boursières, mais il y a aussi une crise immobilière. Les valeurs immobilières, et singulièrement les résidences principales, ont pris du plomb dans l'aile.

O n voit bien à la suite de l'arrêt Fleury, du 16 décembre 1997, de la Cour de cassation, qui a été à l'origine de votre réaction, qu'il est nécessaire de considérer la véritable valeur vénale d'un bien. De plus, on doit tenir compte du fait qu'il est occupé.

C'est pourquoi l'amendement no 405 tend à faire passer le taux de l'abattement de 20 à 30 %. Pour les droits de succession également, l'arrêt Fleury stipule qu'un bien occupé par la veuve du propriétaire et ses enfants doit être évalué en fonction de cette cir-


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constance. La Cour de cassation applique jusqu'à présent un abattement d'un tiers. Je vous propose donc par l'amendement no 406 de porter le taux à 30 % au lieu de 20 %.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

L'article 12 donne une base légale à la jurisprudence Fleury. Le taux retenu est 20 %. Cela me paraît raisonnable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

En toute courtoisie, monsieur Jégou, on peut difficilement considérer qu'un patrimoine de 4,7 millions de francs, après déduction des emprunts, est un patrimoine modeste de famille modeste.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je n'ai pas dit « modeste » !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je rappelle que 175 000 contribuables sont assujettis à l'ISF alors qu'il y a plus de 20 millions de familles en France.

Cela dit, le Gouvernement a proposé une disposition raisonnable, qui s'inspire de la décision de la Cour de cassation à laquelle vous avez fait allusion. Un abattement de 20 % pour la résidence principale me paraît bon, 30 % serait tout à fait excessif !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Je pense que l'amendement est inutile parce que l'article est parfaitement inutile.

Il y a une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle un abattement de 20 % doit normalement être appliqué à l'habitation principale dès lors qu'elle est occupée par le propriétaire. Cette jurisprudence a été obtenue par un de nos amis, Jean Fleury, expertcomptable. Elle est excellente et personne ne l'a contestée.

Il faut l'appliquer et il n'y a pas besoin d'une discussion.

De toute façon, les biens, à 10, 20 ou 30 % près, sont évalués sous le contrôle des tribunaux. Il faut leur laisser leur libre appréciation. Le Parlement ne doit pas se substituer à eux. Nous sommes là pour voter des règles générales. Ensuite, ils les appliquent. A eux d'apprécier si, d ans tel ou tel cas d'occupation d'une résidence secondaire, on doit pratiquer un abattement pour tenir compte d'un certain nombre d'indications ou évaluer de telle ou telle manière, pas à nous.

Comme je l'ai souligné hier, en matière d'ISF, moins on légifère, mieux cela vaut. Surtout, il ne faut pas ajouter chaque année des règles qui vont faire naître de la jurisprudence et du contentieux inutile. Les services fiscaux ont d'autres choses à faire. Ils doivent contrôler les déclarations, un point c'est tout.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Juste un mot, parce que je ne peux pas laisser passer ce que dit M. Auberger. Chacun doit faire son travail et il est tout à fait légitime que le Parlement donne une base légale à une doctrine administrative. La jurisprudence Fleury était susceptible d'interprétations, à la fois pour les résidences secondaires et pour le pourcentage.

S elon la doctrine administrative, l'abattement ne concerne que la résidence principale et le taux est de 20 %. Il est tout à fait légitime que le Parlement le confirme et que cette jurisprudence ne soit pas susceptible d'interprétation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 405.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 406.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - I. - Il est inséré dans le code général des impôts un article 885 Z ainsi rédigé :

« Art.

885 Z. - Lors du dépôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune, les redevables doivent joindre à leur déclaration les éléments justifiant de l'existence, de l'objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée.

« II. - L'article L.

23 A du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« Art.

L. 23 A. - En vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut en outre lui demander des justifications sur la composition de l'actif et du passif de son patrimoine.

« Ces demandes, qui sont indépendantes d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois.

« En l'absence de réponse ou si les justifications prévues à l'article 885 Z du code général des impôts ou demandées en application du premier alinéa sont estimées insuffisantes, l'administration peut rectifier les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune en se conformant à la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L.

55. » Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 14

M. le président.

« Art. 14. - I. - L'article 750 ter du code général des impôts est complété par un 3o ainsi rédigé :

« 3o Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, reçus par l'héritier, le donataire ou le légataire qui a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B. »

« II. - A l'article 784 A du code général des impôts, les mots : « Dans le cas défini au 1o » sont remplacés par les mots : « Dans les cas définis aux 1o et 3o ».

Sur l'article 14 sont inscrits M. Rossi, M. Patriarche,

M. Francisci et M. Franzoni.

M. Jean-Louis Idiart.

Ils sont venus, ils sont tous là !

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais souhaité ne pas intervenir dans la discussion du projet de budget dans


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

de telles conditions. Les sujets évoqués dans le cadre de l'examen de la loi de finances à l'Assemblée nationale et au Sénat sont suffisamment nombreux et importants et il n'était pas utile de nous obliger à discuter aujourd'hui d'un amendement portant article additionnel après l'article 14, adopté de nuit par la commission des finances, à l'initiative de M. de Courson, avec cinq ou six députés en séance, amendement qui suscite en Corse une grande émotion. J'interviens le premier, avant mes c ollègues insulaires, M. Patriarche, M. Francisci et M. Franzoni, mais l'ensemble de la représentation insulaire présente à l'Assemblée nationale partage très largement le point de vue que je vais exprimer.

La Corse, monsieur le secrétaire d'Etat, personne ne l'ignore, est dans une situation extrêmement difficile et il est peut-être plus difficile pour un parlementaire élu en Corse que pour un autre parlementaire élu sur n'importe quelle autre partie du territoire national d'exercer les responsabilités de son mandat avec la même efficacité que l'ensemble des députés qui siègent dans cette assemblée.

Depuis trois décennies environ, l'Etat, sous des gouvernements de droite et de gauche, a abdiqué un grand nombre de ses responsabilités, et n'a pas été en mesure de garantir aux citoyens français de cette île les droits qui sont les leurs comme sur n'importe quelle autre partie du territoire national. Je pense en particulier à la sécurité, à la justice, à l'application de la loi. Aujourd'hui, le Gouvernement ne peut pas essayer de remettre en ordre brutalement une situation que l'on a laissée se déliter depuis des années.

Le travail de reconstruction de notre île sera long, patient. Il ne peut être réussi que par un partenariat, un dialogue, entre le pouvoir central, le gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, et les élus de l'île, qui sont légitimes, et en mesure aujourd'hui, s'il existe une volonté de dialogue et d'échange, d'apporter leur concours actif à son redressement.

Or on a le sentiment aujourd'hui que, au Gouvernement, et chez un grand nombre de parlementaires qui siègent dans cette assemblée, de droite ou de gauche, je v ous rassure, la Corse étant montrée du doigt à l'ensemble de l'opinion publique nationale, le raisonnement, le discours le plus courant est le suivant : « Arrêtons les frais pour la Corse. Voyez l'argent qu'on a dépensé pour la Corse au cours des trente dernières années. Plus la solidarité nationale s'exerce et moins ça marche. »

M. Jean-Pierre Brard.

Le problème, ce n'est pas les dépenses mais leur utilisation.

M. José Rossi.

« Décidément les Corses ne sont bons à rien. »

M. Jean-Louis Idiart.

Personne n'a dit ça !

M. José Rossi.

« Ils sont à part de la communauté nationale. Et leurs élus sont des ringards, des gens incompétents... »

M. Jean-Pierre Brard.

Certains !

M. José Rossi.

« ... et des gens peu recommandables. »

M. Jean-Pierre Brard.

Certains !

M. José Rossi.

Si vous pensez, monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui représentez le Gouvernement ici aujourd'hui, que nous allons reconstruire l'Etat de droit en Corse en tenant ou en laissant s'accréditer ce type de discours, vous vous trompez lourdement. Nous irons les uns et les autres, car nous nous situons dans une démarche républicaine, au-devant de très graves difficultés.

Je vous demande donc de ne pas céder à la pression du moment. Pour tout responsable national aujourd'hui, c'est une démarche facile de montrer la Corse du doigt, creusant ainsi davantage encore le fossé qui sépare la Corse de l'ensemble des Français.

Je crois que nous sommes au coeur du sujet car cet amendement, examiné en commission à l'initiative d'un député qui fait son travail et qui est connu pour être un homme compétent et actif - cela n'est pas en cause - a été repris avec beaucoup de joie et de plaisir par la majorité socialiste de la commission des finances...

M. Jean-Louis Idiart.

Il ne faut tout de même pas exagérer ! Il faut assumer ses responsabilités !

M. José Rossi.

Vous le voterez tout à l'heure avec force, messieurs, puisque vous êtes majoritaires dans cette assemblée.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Ne nous montrez pas du doigt !

M. Gilbert Mitterrand.

Est-ce une menace ?

M. José Rossi.

Vous exercerez votre responsabilité et votre choix après un arbitrage gouvernemental en ce sens, sous l'influence de vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, l'administration de Bercy, que nous connaissons bien.

Grâce à la situation dramatique dans laquelle se trouve la Corse, vous allez réussir aujourd'hui à faire passer le début d'un démantèlement des arrêtés Miot, objectif poursuivi par l'administration de Bercy depuis un quart de siècle, mais vous irez ensuite au devant d'immenses difficultés.

Si vous vous rendiez compte de votre erreur aujourd'hui pendant la discussion à l'Assemblée nationale, ou dans les semaines qui viennent, au cours de l'échange que nous aurons avec le Sénat, si, avant la fin de la session budgétaire, le Gouvernement agissait comme il convient dans le cadre et dans l'esprit du statut particulier de la C orse, c'est-à-dire que vous engagiez un dialogue constructif avec les représentants légitimes de la Corse qui se trouvent ici et à l'Assemblée de Corse, on pourrait alors envisager des réformes.

Nous ne sommes pas fermés à cette idée, mais l'initiative prise par M. de Courson, acceptée par la commission des finances et par le Gouvernement, qui s'apprête sans doute à soutenir cet amendement, n'a donné lieu à aucun moment à la moindre consultation des députés de Corse ; à aucun moment, le président de l'exécutif régional et l'assemblée délibérante de Corse n'ont été consultés, ce qui est inacceptable au regard du statut particulier qui a été adopté à l'initiative de ministres socialistes, dont vous respectez bien peu le souvenir et l'action qu'ils ont conduite ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Ça suffit ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Ce sont des remarques désobligeantes ! C'est inadmissible !

M. José Rossi.

Mon temps de parole n'est pas limité, monsieur le président ?

M. le président.

Vous avez droit à cinq minutes.

M. José Rossi.

M. le président me limite un peu, mais je pense qu'avec votre autorisation à tous je pourrai m'exprimer un peu plus, car il s'agit d'un sujet important.

Je rappellerai simplement ce que disait M. Gaston Defferre, lorsqu'il a proposé une première réforme du statut fiscal de la Corse - il n'est plus là, hélas, mais M. Delors, qui était à l'époque ministre des finances, est


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toujours là, lui -, dans une lettre adressée au président de l'Assemblée de Corse en 1984 : « Il est en premier lieu dans l'esprit des institutions nouvelles de donner aux élus régionaux l'opportunité de débattre de manière approfondie et préalable... »

M. Gilbert Mitterrand.

L'ont-ils fait ?

M. José Rossi.

« ... d'un sujet qui, même s'il appelle des décisions relevant exclusivement de la représentation nationale, » - ce qui est encore le cas aujourd'hui, bien sûr - « doit avoir sur l'avenir de l'île des conséquences importantes.

« En second lieu, l'expérience montre que le régime fiscal ne pourra être réaménagé avec succès que si les décisions prises font suite à une discussion menée dans un esprit d'ouverture et par laquelle l'Etat s'efforcerait, mieux qu'auparavant, de tenir compte des préoccupations et des objectifs légitimes des responsables régionaux, pendant que les élus insulaires, pour leur part, accepteraient de prendre en considération les exigences qui peuvent s'imposer à l'Etat. »

S ouscrivant à ce que disaient M. Defferre et

M. Delors...

M. Gilbert Mitterrand.

En quelle année ?

M. José Rossi.

... en 1984, nous sommes tout à fait prêts aujourd'hui, dans un dialogue approfondi, et néanmoins rapide, si vous le voulez, à engager des discussions, non pas de façon accessoire, mais à la limite de la « clandestinité », pour reprendre un mot à la mode en Corse, plutôt que d'entreprendre le démantèlement des arrêtés Miot. Si vous voulez véritablement réformer le statut fiscal de la Corse, si vous voulez qu'on parle de manière plus spécifique des droits de succession en Corse, des droits tout court, nous y sommes prêts. Mais faites-le clairement, dans le cadre des institutions, du dialogue républicain que vous appelez tous les jours de vos voeux, que vous évoquez constamment mais qui, en la circonstance, n'a été respecté par personne dans cette assemblée.

(M. Roland Francisci applaudit.)

M. Jean-Louis Idiart.

Applaudissements nourris sur les bancs de la droite !

M. Raymond Douyère.

Silence de mort chez ses camarades !

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Mon intervention a, bien sûr, le même objet que la précédente. L'adoption en commission des finances de cet amendement a suscité une forte émotion en Corse...

M. Jean-Louis Idiart.

On n'en doute pas !

M. Paul Patriarche.

... car il touche à une spécificité du statut fiscal dont bénéficie l'île.

Sur la forme, la consultation de l'assemblée de Corse eût été obligatoire s'il s'était agi d'une des dispositions du projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, mais, à tout le moins, s'agissant d'un sujet très sensible, l'auteur de l'amendement aurait à l'évidence dû consulter les élus de Corse. Bien au contraire, tout cela s'est fait sans concertation aucune, subrepticement, sans aucun dialogue ! Sur le fond, la dispense de pénalité ne se traduit pas par une dispense de l'obligation de déposer une déclaration, et encore moins par une exonération des droits de succession. C'est l'absence de base légale d'évaluation des biens qui provoque leur exonération d'impôt en cas de succession, et non la dispense de pénalité en cas de nondépôt des déclarations ; et il n'est écrit nulle part que les Corses sont exonérés des droits de succession.

Dans ses commentaires, notre collègue a rattaché son amendement à l'entreprise actuelle de rétablissement de l'Etat de droit, démarche à laquelle l'immense majorité des Corses est favorable. Mais il convient de ne pas tomber dans l'excès inverse, qui consisterait, au nom de ce même principe, à supprimer toutes les dispositions législatives encore en vigueur qui ont été prises depuis deux siècles pour compenser les contraintes de l'insularité et tenir compte du retard de développement économique de la Corse.

Aussi bien les arrêtés pris en 1801 à la suite des conclusions de l'administrateur général Miot ont-il désormais une valeur législative reconnue tant par la Cour de cassation que le Parlement, à travers le statut fiscal adopté il y a trois ans sur proposition d'un gouvernement que soutenait notre honorable collègue. Que n'a-t-il à ce moment-là touché aux arrêtés Miot ? En supprimer une disposition contribuerait au rétablissement de l'Etat de droit ? Par ailleurs, l'auteur de cet amendement a-t-il le droit de déclarer que ceux qui le combattent sont les complices des fraudeurs ? Je lui laisse la responsabilité d'un tel propos. Il faudrait alors, au nom du même principe d'égalité, supprimer aussi le statut spécifique de la collectivité territoriale, que j'ai soutenu, c'est-à-dire revenir au droit commun, mettre au pilon l'ensemble du statut fiscal de la Corse, jeter aux oubliettes le système de la continuité territoriale, bref mettre un terme à toutes les particularités institutionnelles, économiques et financières dont le droit a été reconnu à la Corse parce qu'elle était une île. D'ailleurs, tous les pays, qu'ils soient de la Méditerranée ou d'ailleurs, ont reconnu un statut spécifique aux îles.

Les plus hautes autorités de l'Etat, le Président de la République et le Premier ministre, pour ne citer qu'eux, ont affirmé solennellement que le développement de la Corse était le corollaire obligé du rétablissement de la loi.

Pensez-vous, mes chers collègues, que ce soit vraiment le meilleur moment pour porter à la Corse ce mauvais coup ? Vous connaissez l'état de la Corse, ses difficultés. Vous ne doutez pas, j'espère, de la volonté farouche de la grande majorité de ses habitants de retrouver la paix. Je pense que vous avez la conviction que la mesure proposée est à la fois déplacée et inconvenante dans le contexte actuel et que, de surcroît, au lieu de concourir au développement économique, corollaire auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, elle n'aura pour effet immédiat que d'appauvrir un peu plus la Corse.

Qu'il faille réfléchir à nouveau au statut fiscal de l'île, nous en sommes totalement d'accord, notamment dans le cadre de l'harmonisation européenne, pour en faire un véritable instrument du développement économique.

D'ailleurs, l'Assemblée de Corse a bien fait valoir que ce chantier devait être poursuivi et trouver son aboutissement dans l'adoption de mesures au plan européen, ne serait-ce qu'en vertu du traité d'Amsterdam, qui a reconnu la spécificité des îles.

Je souhaite, bien sûr, que cet amendement soit retiré.

S'il ne devait pas l'être, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous prier d'inviter les députés de votre majorité à rejoindre les deux fédérations de Corse du parti socialiste et à s'opposer à cet amendement, afin de ne pas compliquer la tâche du Gouvernement dans le climat actuel et d'être en phase avec l'avis exprimé par


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l'ensemble de la communauté corse. L'adopter serait non seulement une erreur, ce serait une faute. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Roland Francisci.

M. Roland Francisci.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, je regrette avant tout que l'auteur de l'amendement ne soit pas présent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Nous sommes quant à nous heureux que vous soyez là aujourd'hui !

M. Jean-Pierre Brard.

On ne vous voit jamais !

M. Roland Francisci.

Je suis nouveau, monsieur ! (Rires.)

M. le président.

Poursuivez, monsieur Francisci ! Le sujet est suffisamment sérieux pour que vous ne vous laissiez pas interrompre.

M. Roland Francisci.

J'ai été surpris d'entendre, il y a quarante-huit heures, M. de Courson déclarer sur une chaîne de radio corse que ceux qui soutiennent les arrêtés Miot soutiennent les fraudeurs. Ces propos sont scandaleux !

M. José Rossi.

Ils sont inacceptables !

M. Roland Francisci.

Pourquoi ? Les arrêtés Miot existent depuis 200 ans. Ils ont été, sous tous les régimes, confirmés par une multitude d'arrêts de la Cour de cassation. M. de Courson pense-t-il que la Cour de cassation a vocation à encourager les fraudeurs ? J'aurais préféré qu'il fût présent pour me répondre.

En partant d'une affirmation erronée, due probablement à une connaissance imparfaite des textes, il a présenté un amendement à la loi de finances qui a été adopté par la commission des finances sans la moindre concertation ni avec les parlementaires corses, ni avec l'Assemblée de Corse, pourtant concernés au plus haut point. Cet amendement porte gravement atteinte aux arrêtés Miot, en vigueur dans l'île depuis le 10 juin 1801.

De quoi s'agit-il exactement ? Vous me permettrez, mes chers collègues, de faire un rapide historique de ces arrêtés pour que chacun sache de quoi nous parlons.

A l'époque du Consulat, la situation économique de l'île était catastrophique.

Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, dépêcha sur place le conseiller d'Etat Miot, avec mission de dresser l'état des lieux, de répertorier les besoins essentiels les plus urgents et de faire des propositions.

Après un long séjour en Corse, ce dernier établit un rapport détaillé et argumenté décrivant une situation encore plus mauvaise qu'on ne pouvait l'imaginer. Il fit alors des propositions de nature à aider la Corse à surmonter ses difficultés.

Plusieurs de ces propositions furent adoptées et accordées à la Corse, sous forme d'arrêtés portant le nom de leur auteur. Ce sont les arrêtés Miot.

C'est la disposition la plus importante et la plus intéressante pour la Corse de ces arrêtés qui est mise en cause aujourd'hui. Il s'agit de celle touchant aux droit de succession, qui fait l'objet de l'amendement de M. de Courson, et dont il demande la suppression.

De façon plus précise, M. de Courson veut supprimer la phrase : « La peine de droit en sus encourue pour défaut de déclaration du délais de six mois restera abrogée », sous-entendu en Corse.

Pour justifier sa demande, il affirme, dans son exposé des motifs que cette exonération de fait est contraire au principe d'égalité et ne se justifie pas par l'existence de contreparties.

M. Christian Cuvilliez.

Il a raison !

M. Roland Francisci.

Comme je l'ai dit en préambule, cette affirmation est contraire à la vérité et démontre bien que M. de Courson a une connaissance imparfaite des conditions dans lesquelles les arrêtés Miot ont été pris en faveur de la Corse.

M. Christian Cuvilliez.

Il n'était pas là !

M. Roland Francisci.

Moi non plus ! (Sourires.)

Cela l'a conduit, de bonne foi, à déposer un amendement reposant sur une contrevérité et dont l'adoption constituerait une injustice faite à la Corse.

Les mesures dérogatoires prises en faveur de la Corse sous le Consultat ne l'ont pas été à titre gratuit, elles ne représentaient ni un cadeau ni un passe-droit consenti par l'un de ses enfants, alors Premier consul.

Elles représentent un droit, et non un privilège, un droit acquis et reconnu - M. de Courson l'ignore -, puisque, en échange ou en contrepartie la Corse a cédé à l'Etat, qui en est ainsi devenu propriétaire, la totalité de son domaine forestier.

M. Christian Cuvilliez.

Ça brûle tout le temps !

M. Roland Francisci.

C'est pourquoi, si nous votions aujourd'hui l'amendement de M. de Courson, au nom de l'Etat de droit qu'il entend défendre et de l'égalité, nous commettrions un acte d'injustice envers la Corse.

Depuis qu'ils existent, les arrêtés Miot ont été confirmés et maintenus, sous tous les régimes, par plusieurs arrêts de la Cour de cassation. Je ne citerai que quelques étapes.

Après la restauration de la royauté en mai 1816, le Gouvernement a voulu rétablir le droit commun en Corse en matière de droit successoral. Les plaintes des représentants de la Corse, des communes et de l'opinion amenèrent le ministre de l'époque à maintenir ces arrêtés.

Sous le Second Empire, en 1857, l'administration fiscale soutint qu'un récent décret avait abrogé les arrêtés Miot. M. Abatucci, alors ministre de la justice, notifia la force légale des arrêtés, en faisant notamment valoir que les pouvoirs exceptionnels dont avait été investi le conseiller d'Etat Miot avaient fait considérer ces textes comme ayant un caractère législatif. Dix-huit ans plus tard, en 1875, un nouvel arrêt de la Cour de cassation a confirmé la valeur législative des arrêtés Miot.

Plus récemment, en 1981, l'administration fiscale a soutenu que l'article 3 des arrêtés avait été implicitement et indirectement abrogé par l'article 1er du décret du 9 décembre 1948. Cette thèse a été condamnée en 1984 par la Cour de cassation, qui a réaffirmé les principes consacrés par une jurisprudence constante.

Le 15 novembre 1994, le Parlement a adopté une loi sur le statut fiscal de la Corse, qui prévoit dans son article 1er que l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur est maintenu.

Parmi elles figurent précisément les arrêtés Miot, ce quis ignifie bien qu'ils ont valeur législative et qu'ils n'ouvrent pas un quelconque privilège, comme semble le penser à tort M. de Courson. Il apparaît en conséquence tout à fait inopportun et injuste d'essayer d'abroger un alinéa de l'article 3 de ces arrêtés.

Je tiens à préciser que les arrêtés Miot ne concernent pas que les Corses, mais toute personne possédant un bien immobilier en Corse. Ils représentent un droit terri-


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torial, un droit reconnu pour des motifs historiques, économiques et sociaux, et non un privilège exorbitant accordé à la Corse.

M. le président.

Monsieur Francisci, puis-je vous demander de conclure ?

M. Roland Francisci.

Je termine, monsieur le président.

Par ailleurs, leur abrogation contribuerait à accélérer le dépeuplement des villages de l'intérieur, qui sont déjà confrontés à de graves difficultés. Ce serait la mort assurée de l'intérieur de la Corse. Je suis maire et conseiller général dans un canton rural de montagne, où il y a très peu de demandes de permis de construire. Si, demain, on abrogeait les arrêtés Miot, il n'y en aurait plus du tout. Il faut savoir que le seul élément d'encouragement à la construction, donc au développement économique, ce sont ces arrêtés.

Au moment où la Corse commence à reprendre confiance et à espérer, leur abrogation serait une grave erreur politique, aux conséquences incalculables. Elle effacerait immédiatement et définitivement le côté positif - réel - de la politique actuellement menée en Corse par le Gouvernement.

Aujourd'hui plus que sous le Consulat, la Corse, qui se trouve à un tournant de son histoire, a besoin de l'aide, du soutien et de la compréhension de la représentation nationale.

Vouloir abroger les arrêtés Miot sous des prétextes injustes et fallacieux, alors même que la Corse se trouve en pleine crise économique et sociale, ce n'est pas l'aider.

Vouloir lui supprimer un droit qu'elle a acquis il y a deux cents ans et auquel les Corses sont très attachés, c'est l'enfoncer un peu plus dans le marasme économique et l'aventure. Vouloir abroger les arrêtés Miot, c'est remettre en cause le statut fiscal de la Corse adopté récemment par le Parlement, donc la loi.

Je dirai pour terminer que l'abrogation des arrêtés Miot, que la Corse a obtenus en donnant une contrepartie, serait une spoliation en même temps que le reniement de la parole de l'Etat.

C'est pourquoi je demande à l'auteur de cet amendement ou au rapporteur général de la commission des finances de le retirer. Je demande, sinon, à l'ensemble de mes collègues présents sur ces bancs de voter contre l'amendement de M. de Courson. En agissant ainsi, vous accomplirez un acte de justice et de solidarité envers la Corse, dont je vous remercie par avance en son nom.

M. le président.

La parole est à M. Roger Franzoni.

M. Roger Franzoni.

Ce débat me paraît un peu irréel.

Les arrêtés Miot ne sont pas attaqués ici, je pense, si ce n'est pour une simple question de délais.

La Corse est en effervescence, et croyez bien qu'elle pourrait s'en dispenser. On sait tout ce qui s'y est passé et tout ce qui continue de s'y passer. Les efforts du Gouvernement pour rétablir une situation normale sont sans précédent. Il n'est pas nécessaire d'en rajouter.

A la une de la presse corse, que lit-on ? « De Courson contre la Corse » ou « L'Assemblée nationale attaque les arrêtés Miot ». C'est effrayant ! On est sur la défensive ! Or il faut savoir ce que sont, pour la Corse, les arrêtés Miot : avant de légiférer, il faut savoir sur quoi on légifère et pour qui.

Les arrêtés Miot sont depuis longtemps la bible fiscale de la Corse. Ils n'ont été pris ni par Joxe, ni par Chirac, ni par Delors : ils datent du Consulat.

M. Raymond Douyère.

C'est-à-dire à une époque où il n'y avait pas d'impôt sur le revenu !

M. Roger Franzoni.

Ils remontent donc à loin ! On a évoqué les délais et relevé que les Corses qui ne paient pas d'impôts sur les successions. Mais si les Corses ne paient pas d'impôts sur les successions, à qui la faute ? Au législateur.

L'article 3 de l'arrêté du 21 prairial an IX a été pris par l'administrateur général André-François Miot.

En Corse, tout le monde connaît les arrêtés Miot, même si l'on ne sait pas toujours de quoi ils traitent.

L'article 3 en question a été pris en exécution d'un arrêté du gouvernement consulaire du 17 nivôse an IX, et prévoit, en ce qui concerne la Corse, des dérogations au régime fiscal des mutations par décès - uniquement de celles par décès, et non pas des mutations à titre gratuit hors décès - en vigueur sur le territoire continental de la France.

Il a institué une façon de calculer les droits de succession ; ces droits, portant uniquement sur les immeubles, étaient évalués à partir de la contribution foncière, qui était un impôt d'Etat. La contribution foncière représentait le centième de la valeur du bien.

Les choses se sont alors très bien passées, alors même que l'on avait prévu que la déclaration des successions devait être faite dans les six mois suivant le décès sans fixer de pénalité en cas de dépassement du délai. Les Corses ont toujours parfaitement liquidé leurs droits de sucession.

(Sourires.)

T out s'est bien déroulé jusqu'au mois de décembre 1948, où l'on a supprimé la contribution foncière. Du coup, on ne pouvait plus évaluer la valeur du bien successoral. Le problème est que l'on n'a pas légiféré pour instituer un autre système. L'administration, dont le ministre chargé du budget - M. Sautter n'était bien sûr pas à sa tête à l'époque (Sourires) - a annoncé que, puisque le premier calcul avait été abrogé, on procéderait différemment : on multiplierait la valeur locative ou cadastrale par 18, puis par 20, puis par 22, et des commandements ont été délivrés sur ces bases-là. Vous savez que les Corses sont en général assez juristes (Sourires) et ceux qui les ont reçus ont soutenu qu'ils manquaient de base légale.

A ce propos, j'ouvrirai une parenthèse. Le rapport de la commission des finances évoque le « rétablissement du droit républicain ». Mais, monsieur le rapporteur général, c'est le contraire que vous faites ! Le droit républicain, c'est l'application de la loi et, en la matière, ce sont les arrêtés Miot qui sont la loi.

L'administration a insisté, arguant du fait qu'on ne pouvait plus calculer les droits sur la contribution foncière. Alors, les contribuables ont plaidé devant les tribunaux de grande instance de Corse, de Bastia ou d'Ajaccio.

Les tribunaux leur ont donné raison, compte tenu du manque de base légale.

J'ai moi-même plaidé plusieurs fois pour l'Etat. Je représentais alors l'agence judiciaire du Trésor public et je crois, bien que je ne m'en souvienne pas précisément, avoir été à chaque fois débouté.

L'administration, qui ne se contente pas d'un échec, ni de deux échecs, ni même de vingt-huit échecs, s'est pourvue en cassation.

La Cour de cassation a débouté l'administration, jugeant qu'en l'état on ne pouvait pas calculer les droits de succession. Mais l'Etat a insisté, est revenu devant les tribunaux de grande instance pour essuyer un nouvel échec, puis une nouvelle fois devant la Cour de cassation pour aboutir à un échec supplémentaire. Depuis lors, on n'a plus entendu parler de cette affaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

L'administration a pourtant dû rembourser des droits qui avaient été indûment perçus ! Et depuis 1949, on n'a rien fait ! Le législateur ne s'est pas emparé du dossier, ni les gouvernements non plus.

C'est la raison pour laquelle on ne paie pas en Corse de droits de succession : cela ne procède pas d'une volonté des Corses eux-mêmes.

Vous affirmez qu'il faut rétablir la légalité républicaine.

Mais en Corse, nous ne demandons que cela ! Qu'aurat-on fait de plus en infligeant une pénalité pour dépassement de délai puisque le bien ne pourra pas de toute façon être évalué ? Il faudra, un jour ou l'autre, que le législateur s'occupe de la fiscalité en Corse. Jusqu'à présent, personne n'a osé toucher aux arrêtés Miot, pas même M. Joxe dans le statut particulier qu'il avait défini pour l'île. Dernièrement, M. Juppé n'a pas osé y toucher non plus. Il est même spécifié quelque part que les arrêtés Miot sont toujours valides.

Fallait-il les remettre en cause subrepticement, à une heure du matin, c'est-à-dire à l'heure qui est celle des terroristes ? (Sourires.) Je dis cela parce qu'à cette heure-là j'ai moi-même été victime d'un plasticage...

M. le président.

Je pense que c'est votre conclusion, monsieur Franzoni ?

M. Roger Franzoni.

Je voudrais encore donner lecture d'un court article d'un inspecteur des impôts...

M. le président.

Monsieur Franzoni, je vous prie de conclure car nous devons avancer et nous vous avons tous compris ! (Sourires.)

M. José Rossi.

Ce que dit M. Franzoni est intéressant !

M. Roger Franzoni.

M. Frovisi, représentant syndical des inspecteurs des impôts, écrit : « Il n'est pas très habile de jeter le trouble dans la population et de provoquer des peurs qui, pour n'être pas traditionnellement fondées, n'en sont pas moins réelles. »

M. le président.

Reprenez-vous cette affirmation à votre compte, monsieur Franzoni ?

M. Roger Franzoni.

Je demande à la commission de retirer l'amendement déposé à l'initiative de M. de Courson, qui n'ajoute rien à la situation, sinon un trouble.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Je suis le premier non-Corse à prendre la parole et je précise que j'ai de plus voté l'amendement en commission des finances. Il importe que nous ayons le plus souvent possible des débats sur la Corse car il s'agit d'un sujet qui interpelle l'ensemble des Français et qui ne peut laisser indifférent.

On a l'impression que c'est l'Etat - donc nousmêmes - qui est perpétuellement remis en cause à travers la situation de la Corse.

La Corse mérite un Etat de droit, un Etat fort, capable de faire respecter la loi. C'est certainement ce qui lui a manqué depuis de très nombreuses années. Mais nous pouvons tous espérer que la situation change.

Une réforme d'ensemble de la Corse est nécessaire.

Cependant, on ne peut procéder par « coups » et réaliser, je ne dirai pas à la sauvette, mais en tout cas sans grande concertation, une réforme globale...

M. Julien Dray.

Tiens donc !

M. Marc Laffineur.

... en adoptant un amendement qui remette en cause la situation de la Corse.

M. Jean-Marie Le Guen.

Cet amendement vient de votre côté !

M. Marc Laffineur.

Je ne voterai pas l'amendement en séance publique (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) parce que je suis persuadé qu'une réforme globale s'impose...

M. François Deluga.

Nous admirons la façon dont vous construisez votre raisonnement !

Mme Nicole Bricq.

Expliquez-nous pourquoi vous avez changé d'avis ?

M. Marc Laffineur.

La Corse concerne tout le monde et sa situation est suffisamment grave pour que nous essayions de trouver une solution qui permette à tous de s'en sortir.

Si le Gouvernement s'engageait à élaborer une réforme globale de la fiscalité en Corse, conformément à à ce que demandent tous les Corses, me semble-t-il, l'amendement ne pourrait-il être retiré ? Ainsi, en quelques semaines ou en quelques mois, à la faveur d'une concertation, c'est la fiscalité dans son ensemble qui pourrait être mise à plat.

Nous devons faire attention aux conséquences de notre vote ! En procédant comme je viens de le dire, nous éviterions de courir le risque de mettre à feu et à sang une partie du territoire national et serions donc à même de faire les choses calmement.

Cela dit, je suis persuadé que nous ne pouvons pas rester sans rien faire.

Une attitude de compromis permettrait d'avancer. Lors des manifestations qui se sont déroulées en Corse, on a pu constater que 95 % des Corses veulent que les choses changent...

M. Jean-Louis Idiart.

Alors changeons-les ! Vous n'êtes pas sérieux !

M. Marc Laffineur.

... et que leur situation soit réexaminée. Si chacun faisait un petit effort, ce serait une excellente chose pour nos amis corses et pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

C'est en écoutant nos quatre collègues corses que j'ai souhaité, moi aussi, m'exprimer afin de vous apporter le témoignage de celui qui fut un membre de la commission d'enquête sur la Corse.

Cette commission, qui a été présidée avec compétence et impartialité par Jean Glavany, a mis en évidence, comme vous avez pu le constater à la lecture du rapport, tout un ensemble d'errements et de non-applications des lois de la République en différents domaines, qu'il s'agisse de la fiscalité, dont nous parlons en ce moment, de l'urbanisme, des prestations sociales,...

M. Jean-Marie Le Guen.

Du RMI !

M. Gilles Carrez.

... ou de la sécurité.

Mais elle a mis en évidence un autre point : s'il y avait des responsabilités locales nombreuses, il y avait également, dans les non-applications des lois de la République, une responsabilité de l'Etat...

M. Jean-Louis Idiart.

Et voilà !

M. Gilles Carrez.

... qui a fait alterner des politiques de fermeté et de laxisme. L'Etat, ainsi que l'a excellemment rappelé M. Franzoni, a abdiqué dans l'application de telle ou telle disposition légale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Henry Chabert.

C'est vrai !

M. Gilles Carrez.

Face à ce constat difficile, la conclusion principale de la commission d'enquête a consisté à affirmer que, si la restauration de l'Etat de droit doit se faire avec fermeté dans tous les domaines, elle doit aussi s'inscrire dans la durée. Elle peut donc s'opérer avec prog ressivité, impartialité et humanité. Aujourd'hui, en Corse, toute une équipe de représentants de l'Etat, sous l'autorité du préfet Bonnet, se voue à ce travail.

Dans ce contexte, je ne trouve pas que l'amendement de M. de Courson soit opportun.

M. Henry Chabert.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Il va en apparence dans le sens souhaité. Pourtant, il n'est pas opportun, je le répète. En effet, la commission d'enquête a conclu en premier lieu que la première étape doit consister à faire appliquer les lois de la République telles qu'elles existent.

M. Jean-Louis Idiart.

Et alors ?

M. Gilles Carrez.

Or les arrêtés Miot, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation, font partie des lois existantes.

Nous devons rétablir l'Etat de droit en Corse dans des conditions qui garantissent le succès, c'est-à-dire qui ne traumatisent pas la population, qui ne lui donnent pas l'impression de brimades, voire de vexations - la fierté corse et légendaire - inutiles.

Si nous chargeons trop la barque, si nous essayons à la fois d'appliquer la loi et de la modifier, nous risquons d'échouer dans notre volonté de restaurer l'Etat de droit.

Loin de rendre service aux équipes valeureuses de fonctionnauires de l'Etat qui sont sur place, nous rendrons leur tâche plus difficile, comme nous rendrons plus difficile celle de tous nos collègues corses élus, qui ne demandent, eux aussi, que la restauration de l'Etat de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Idiart.

L'Etat est bafoué, et vous l'acceptez !

M. Gilles Carrez.

J'ai, à plusieurs reprises, accompagné Jean Glavany en Corse et j'ai, avec lui, rencontré un certain nombre d'élus, de partenaires sociaux et de responsables à titres divers. J'ai bien senti le climat qui règne sur l'île, et je veux vous en apporter le témoignage.

J'ajouterai que, sur le plan technique, la disposition proposée par notre collègue Charles de Courson ne conduirait à rien puisque subsisterait le problème de l'absence de base légale pour l'évaluation des biens. Elle serait donc, à l'évidence, ressentie comme une vexation.

Si, à terme, la direction à prendre est bien celle de la mise en place d'une fiscalité en Corse qui soit la fiscalité de la République, agir aujourd'hui dans la plus grande improvisation,...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Il sait donner des leçons, mais quand il faut assumer, il n'y a plus personne !

M. Gilles Carrez.

... à la faveur d'un amendement qui, pas même du point de vue technique, ce qui nous étonne de la part de M. de Courson, ne paraît guère recevable, serait complètement contre-productif et irait dans le sens inverse de ce que souhaite, me semble-t-il, le Gouvernement.

En conséquence, je vous demande, mes chers collègues, de ne pas adopter l'amendement. Je demande surtout au Gouvernement de rechercher, s'agissant d'un sujet aussi important, une solution dans la concertation, qui permettra de mieux garantir le seul objectif que nous ayons et en Corse et en métropole : la restauration progressive de l'Etat de droit dans l'île. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Monsieur le président, je demande, au nom de la commission, la réserve de l'article 14, ainsi que des amendements nos 507 à 530 jusqu'à l'examen de l'amendement no 14 corrigé après l'article 14. Je précise que je suis prêt à rapporter immédiatement sur cet amendement de la commission.

M. le président.

La réserve est de droit.

L'article 14 est réservé.

Après l'article 14

M. le président.

A la demande de la commission, les amendements nos 507 corrigé de M. de Courson, 187 de M. Devedjian, 282 de M. Laffineur, 188 de M. Devedjian, 283 de M. Laffineur, 500 de Mme Boutin, 284 de M. Dominati, 178 de M. Devedjian, 240 corrigé de

M. Doligé, 529 de M. Maurice Leroy, 448 de M. de Courson, 88 de M. Cuvilliez, 238 de M. Doligé, 189 de M. Devedjian, 281 de M. Dominati, 151 corrigé de M. Brard, 239 corrigé de M. Doligé, 33, deuxième correction, de la commission, 150 corrigé de M. Brard, 177 rectifié de M. Devedjian, 316 de M. Laffineur et 530 de M. Maurice Leroy, portant articles additionnels après l'article 14, sont réservés.

En conséquence, nous en venons à l'amendement no 14 corrigé...

M. José Rossi.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance d'une demi-heure, conformément à l'article 58, alinéa 3, du règlement.

M. le président.

La suspension est de droit, mais je ne vous accorde qu'un quart d'heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

M. Migaud, rapporteur général, et M. de Courson ont présenté un amendement, no 14 corrigé, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« A l'article 3 de l'arrêté du 21 prairial an IX, la phrase suivante est supprimée :

« La peine du droit en sus encourue par défaut de déclaration dans le délai de six mois restera abrogée. »

Sur l'amendement no 14 corrigé, je suis saisi, par le g roupe Démocratie libérale et Indépendants, d'une demande de scrutin public.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer ce scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 14 corrigé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'ai souhaité que nous discutions de cet amendement immédiatement après les interventions sur l'article 14. Je les ai écoutées avec beaucoup d'attention et je voudrais moi-même revenir sur certaines considérations.

Le régime fiscal spécifique de la Corse tire son origine des arrêtés pris par André-François Miot, conseiller d'Etat, administrateur général du Golo et du Liamone - les départements corses de l'époque -, en prairial, an IX, sous le Consulat. Ce régime particulier a été complété depuis par de nombreuses dispositions législatives.

L'arrêté du 21 prairial an IX concernant l'enregistrement comprend un article 3 dont les dispositions sont encore applicables en matière de succession. La première phrase de l'article 3 précise que la valeur des immeubles

« sera à l'avenir déterminée par le montant de la contribution foncière ». La troisième et dernière phrase - celle qui est en question - prévoit la non-application des sanctions en cas d'absence de déclaration de succession dans le délai de six mois de droit commun.

Le régime de cet arrêté Miot fait échapper aux droits de succession, d'une part, de facto les contribuables fiscalement domiciliés dans l'un des départements de Corse et, d'autre part, les immeubles situés en Corse, même quand ils appartiennent à des contribuables qui ne sont pas domiciliés dans l'un des deux départements corses, selon les informations qui m'ont été communiquées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour être exhaustif, on observera que, selon les informations qui m'ont été communiquées, certains contribuables qui ne souhaitent pas rester en indivision font des déclarations spontanées de succession. En outre, l'administration fiscale opérerait quelques rappels, sans pénalités, sur certaines successions significatives.

L'amendement no 14 corrigé de la commission des finances ne concerne que le problème de la déclaration de succession, car il rétablit les sanctions en cas de nondéclaration dans le délai de six mois de droit commun.

Malgré ce que j'ai entendu tout à l'heure, je ne peux envisager que la majorité du peuple corse souhaite se soustraire à un régime de déclaration...

M. José Rossi.

Vous avez dit « peuple corse »...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et aux sanctions qui pourraient être prononcées si le droit n'était pas respecté.

L'amendement no 14 corrigé tend à restaurer dans les faits l'obligation de procéder à cette déclaration, d'une part pour les contribuables fiscalement domiciliés dans l'un des départements de Corse et, d'autre part, pour l'ensemble des immeubles situés en Corse, que le défunt soit ou non domicilié en Corse d'ailleurs. Si cet amendement était adopté, les dispositions de droit commun du code général des impôts s'appliqueraient en Corse quant à l'obligation déclarative : article 641 du code général des impôts prévoyant l'obligation de déclaration dans les six mois en cas de succession ; article 1728 A sur les sanctions fiscales en cas de non-respect de cette obligation.

Il est vrai que cet amendement ne règle pas la première question, beaucoup plus délicate sur le plan du droit et dans les faits : celle de l'évaluation des biens immobiliers situés en Corse pour ces mêmes successions. En effet - cela a été dit tout à l'heure par certains intervenants -, l'arrêté Miot prévoyait une évaluation sur la base de la contribution foncière. Or cette contribution a disparu, à compter du 1er janvier 1949, en tant qu'impôt d'Etat.

L'article 1er du décret du 9 décembre 1948 portant réforme fiscale lui a, en effet, substitué l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Cette suppression a fait disparaître toute base légale à la méthode d'évaluation des successions définie par l'arrêté. Comme l'ont rappelé certains d'entre vous, il y a eu des tentatives pour pallier cette difficulté, mais aucune n'a pu aboutir. On peut comprendre les décisions de la Cour de cassation, car elle ne fait pas le droit, elle l'interprète. Jusqu'à preuve du contraire, c'est le Parlement qui fait la loi.

La commission d'enquête a d'ailleurs été conduite à constater que les biens immobiliers sont exonérés de fait de tout droit de succession.

Cet amendement, il faut le reconnaître, a une portée atténuée, puisqu'il ne règle pas la question de l'absence de base légale pour procéder à l'évaluation des immeubles situés en Corse en matière de succession. Cependant, il a une portée significative, en ce qu'il rétablit l'obligation de déclaration, et donc l'assujettissement aux droits de succession de l'ensemble du patrimoine non immobilier.

Cela concerne au premier chef le patrimoine mobilier, notamment les comptes en banque, les portefeuilles détenus auprès d'établissements bancaires ou financiers ou de succursales situées en Corse, ainsi que d'autres éléments du patrimoine économique non négligeables : parts de société, fonds de commerce, etc.

Certains d'entre vous nous ont demandé de retirer l'amendement. Je ne suis pas à l'origine de ce texte et je regrette effectivement que son auteur ne soit pas dans l'hémicycle aujourd'hui. Le Gouvernement, de même que la majorité dans le cadre du rapport de la commission d'enquête, avaient opté pour une démarche progressive excluant toute précipitation. Mais dès lors que l'amendement qui vous a été présenté était un amendement de bon sens, correspondant à l'Etat de droit républicain, la commission des finances ne s'y est pas opposée et elle l'a adopté.

M.

Philippe Auberger.

Sa majorité !

M.

Didier Migaud, rapporteur général.

A travers cet amendement, il n'est absolument pas question de traumatiser les Corses et de ne pas tenir compte des spécificités qui peuvent leur être reconnues compte tenu de l'insularité. Je suis moi-même l'élu d'une circonscription de montagne et je plaide, avec un certain nombre d'entre vous, pour la reconnaissance nécessaire de la spécificité de certaines situations.

M.

Michel Bouvard.

C'est très justifié !

M.

Didier Migaud, rapporteur général.

Mais cela doit se faire dans une certaine cohérence et dans le respect de notre Etat républicain.

Nous estimons tous- je vous ai écoutés avec attention - que cet amendement va dans le bon sens. Je pense donc que le retirer aujourd'hui, même s'il n'est pas parfait, serait un mauvais signe adressé à la population corse et à l'ensemble de la population française. Cela voudrait dire que l'Assemblée nationale refuse d'entrer dans une démarche de respect de l'Etat de droit. A cet égard, j'ai même plutôt été conforté par vos déclarations.

Cet amendement n'étant pas parfait, je suis prêt, avec le président de la commission des finances, à rencontrer, d'ici à la seconde lecture, une délégation d'élus corses et à travailler sur ce texte, en liaison étroite avec le Gouvernement, pour en préciser et en compléter la rédaction, afin que nous puissions, en deuxième lecture, vous présenter un dispositif cohérent, complet et qui soit conforme à la démarche souhaitée par le Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Mais nous devons assurer le respect des valeurs républicaines et conserver le respect de nous-mêmes. J'estime d'ailleurs regrettable l'attitude de ceux de nos collègues qui ont changé d'avis entre la réunion de la commission des finances et la séance publique.

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas ceux qui sont ici !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous n'avons pas agi dans la précipitation. Nous étions tout à fait conscients de la portée et des limites de l'amendement de M. de Courson. Nous devons continuer à assumer nos responsabilités. C'est pourquoi j'appelle l'Assemblée à voter cet amendement, quitte à en améliorer ensuite la rédaction.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, M. de Courson m'a fait savoir qu'il participait aujourd'hui à une réunion de son conseil général sur un sujet important. Cela prouve que siéger les vendredis, samedis et dimanches pose beaucoup de problèmes.

Mme Nicole Bricq.

Il n'était pas là hier non plus !

M. le président.

M. de Courson m'a chargé de vous le dire. Je vous le dis.

M. Julien Dray.

Le président n'a pas à transmettre les mots d'excuse des députés absents !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement en discussion ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, j'ai écouté avec une grande attention les quatre p arlementaires, qui se sont exprimés, MM. Rossi, Patriarche, Francisci et Franzoni, ainsi que le rapporteur général, qui a développé une argumentation à laquelle je reviendrai.

Cet amendement, chacun le sait, a été déposé à l'origine par un parlementaire de l'opposition, M. de Courson, dont je suis surpris, quelles que soient ses obligations par ailleurs, qu'il ne soit pas là pour le défendre ou pour le retirer, conformément, semble-t-il, au voeu des orateurs qui ont la même sensibilité que lui. Il y a là une incohérence, une légèreté de la droite que je voulais souligner.

M. Philippe Auberger.

Pas d'amalgame !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il y a également, dans la méthode employée, une brutalité qui rappelle les pratiques dont on a souvent usé entre 1993 et 1997, et dont chacun garde le souvenir. Le Gouvernement auquel j'appartiens est partisan de la concertation et du dialogue.

Cet amendement va dans le bon sens, celui de la correction de faits choquants, à savoir que des patrimoines importants en valeurs mobilières ou des patrimoines composés de biens immobiliers situés sur le « continent » - comme on dit en Corse - soient de fait exonérés d'impôt sur les successions. Il s'agit de grands patrimoines, il ne s'agit en rien de la petite propriété rurale, qui, de toute façon, si l'on appliquait les lois de la République en vigueur sur le continent, serait exonérée de droits.

La politique du Gouvernement à l'égard de la Corse est tout à fait claire. Elle consiste d'abord à rétablir l'Etat de droit dans le domaine fiscal comme dans d'autres. Dès le mois de septembre dernier, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons engagé une action résolue contre la grande fraude fiscale, action qui a évidemment été intensifiée après l'attentat dont a été victime le préfet. Je sou ligne qu'il s'agit de la grande fraude fiscale, car, les statistiques le montrent, l'immense majorité des Corses paient leurs impôts. Il s'agit donc d'une action tournée contre q uelques-uns, quelques fraudeurs qui discréditent la Corse, à laquelle tout le monde est attaché.

La deuxième volonté du Gouvernement est de développer l'île, dont les capacités de croissance sont actuellement handicapées par l'insécurité juridique qui y règne.

Volonté de rétablir l'Etat de droit, volonté de développement de l'île : le Gouvernement entend que ces deux actions fortes soient menées en parallèle et en concertation avec les élus de Corse.

En conclusion, l'ambition du Gouvernement est claire.

L'emploi et l'équité fiscale doivent être renforcés en Corse, comme partout sur le territoire de la République.

L'Etat de droit doit être rétabli en Corse, car c'est l'intérêt, le rapporteur général y a insisté à juste titre, de l'i mmense majorité des Corses. La fermeté et le dialogue sont les deux volontés conjointes du Gouvernement.

Sur cet amendement présenté à l'origine par un député de droite, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. Celle-ci a été parfaitement éclairée par le débat qui vient de se dérouler et est maintenant informée de la détermination du Gouvernement.

M. le président.

Concernant les mises en cause répétées de M. de Courson, je tiens à préciser...

M. Jean-Marie Le Guen.

Ce n'est pas votre rôle, monsieur le président !

M. le président.

... que son amendement est devenu un amendement de la commission et que seule la commission a la possibilité de le retirer. Elle le maintient ; les choses sont donc claires.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il n'y a pas d'explication de vote sur un amendement !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce n'est pas une explication de vote, mais, depuis une heure, j'essaie désespérément de me substituer à Charles de Courson, comme on le fait dans cette assemblée pour d'autres amendements, même repris par la commission. Je vous remercie donc, monsieur le président, de me donner la parole.

Charles de Courson peut provoquer chez certains collègues quelques agacements, mais je n'accepterai pas qu'on dise ici qu'il n'est pas courageux. C'est précisémeznt parce qu'il est courageux qu'il a déposé cet amendement.

M. Roland Francisci.

Alors, pourquoi n'est-il pas venu ?

Mme Nicole Bricq.

Pourquoi n'était-il pas là hier non plus !

M. Germain Gengenwin.

Il est plus souvent là que vous tous !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il n'est pas venu parce que le conseil général dont il est un des responsables tient une session financière. Et je regrette que M. le secrétaire d'Etat ait souligné son absence de façon aussi insistante.

Charles de Courson est en effet un député très présent,...

M. Germain Gengenwin.

Il est là pour tous les textes !

M. Jean-Jacques Jégou.

... très actif en commission et, surtout, je n'accepte pas qu'on le soupçonne d'avoir eu peur.

Il faut dédramatiser les choses. Et je ne comprends pas bien l'argumentation de M. le secrétaire d'Etat, qui dénonce je ne sais quelle violence de méthode propre à un député de droite.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Ce discours-là ne tient pas. Il y a des mesures qui servent les lois de la République. En tant que membres de la commission d'enquête, Pierre Hériaud, Charles de Courson et moi-même avons entendu pendant six mois des révélations qui nous ont fait quelquefois frémir.

Charles de Courson, qui est quelqu'un de rigoureux en tant qu'ancien de la Cour des comptes, a considéré que l'on pouvait faire avancer les choses.

De quoi s'agit-il ? J'ai là les arrêtés Miot. On y a fait abondamment allusion, mais on peut les faire distribuer à l'Assemblée et tout le monde se rendra compte, en les lisant, que cet amendement est ce qu'il y a de plus normal, d'anodin même, puisqu'il demande simplement que l es Corses, comme les Bretons ou les Franciliens, déclarent les successions dans les six mois. C'est aussi simple que cela.

Mme Nicole Bricq et M. Raymond Douyère.

Bien sûr !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il y a des mythes que l'on entretient et dont nos amis corses aiment bien sourire avec nous sur le continent, en Ile-de-France ou ailleurs.

L'un des mythes les mieux ancrés dans la croyance insulaire est que les arrêtés Miot ont dispensé les Corses du dépôt de déclaration de succession, et donc du paiement des droits. C'est ce que nous avons constaté lorsque la commission d'enquête a reçu les fonctionnaires des impôts. Et c'est pourquoi l'amendement de Charles de Courson a été voté à la majorité.

Ceux qui n'étaient pas là en commission peuvent toujours dire qu'ils n'étaient pas d'accord, mais cet amendement exprime clairement la volonté d'aider les Corses qui, majoritairement, n'ont pas l'intention de frauder.

Nous sommes là pour lutter contre la fraude aux droits de succession en rétablissant une sanction si la déclaration n'est pas faite dans les six mois. L'article 641 du code général des impôts fixe, en effet, à six mois le délai de dépôt de la succession et les articles 1728 et 1728 A prévoient des pénalités de 10 %, 40 % et 80 % du montant des droits de succession en cas de non-respect de ce délai.

La situation actuelle accrédite le mythe que tous les Corses sont dispensés de déclaration en cas de succession.

En 1997, sur 1 300 décès survenus en Corse-du-Sud, 935 fiches de décès ont été transmises à l'administration fiscale par les mairies et il y a eu 168 déclarations de succession. En Haute-Corse, sur 1 500 décès, 1 384 fiches ont été transmises et l'administration fiscale a seulement recueilli 182 déclarations.

La commission d'enquête à laquelle j'ai eu l'honneur de participer doit tout de même aboutir à quelque chose.

C'est l'honneur du Parlement d'adopter cet amendement.

C'est l'honneur des Corses de considérer qu'ils doivent déclarer les successions.

M. Roland Francisci.

Vous n'êtes pas corse et vous ne connaissez pas les arrêtés Miot !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne suis pas corse, mais l'arrêté Miot, le voici !

M. Roland Francisci.

Que va faire l'Etat de la contrepartie qu'il a reçue de la Corse ?

M. Julien Dray.

Nous ne sommes pas à l'Assemblée de Corse.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous avons beaucoup d'amis parmi les députés corses et José Rossi en est un, mais je leur reproche d'adopter une attitude qui va susciter l'incompréhension des continentaux. Il faut faire très attention à cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Je ne voudrais pas avoir passé six mois pour rien en commission d'enquête avec des collègues de tout bord.

Ce rapport sur la Corse, nous l'avons adopté à l'unanimité, grâce au comportement de la majorité dans son ensemble, qui a compris que nous faisions une oeuvre utile pour notre pays. Aussi le Parlement s'honorerait-il d'adresser un signe aux continentaux comme aux insulaires, en demandant à la Corse de se conformer aux lois de la République.

Il n'y a pas de violence, monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y a pas de manière douce : il y a les lois de la République. Nous sommes ici pour les faire et nous aurons donc le plaisir, au groupe UDF, même si la liberté de vote est de droit, de voter cet amendement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je vais encore donner la parole à

M. Philippe Auberger puis à M. José Rossi.

M. Christian Cuvilliez.

Je souhaite également intervenir, monsieur le président.

M. le président.

Je ne peux malheureusement accepter un quatrième orateur. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

Pour que ce soit clair, je vais le répéter encore une fois : un orateur contre l'amendement, un orateur pour répondre au Gouvernement, un pour répondre à la commission.

M. Christian Cuvilliez.

Pour une explication de vote, alors.

M. le président.

Il n'y a pas d'explication de vote sur les amendements.

M. Christian Cuvilliez.

Sur un tel sujet, vous voulez interdire l'expression d'un groupe, après avoir donné trois ou quatre fois la parole à la droite ?

M. le président.

Mon cher collègue, il y a un règlement. J'essaie de l'appliquer équitablement.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais m'exprimer au nom de la continuité des positions, puisque j'ai été, je le reconnais, l'un des rares à la commission des finances à ne pas voter l'amendement de notre excellent collègue Charles de Courson. Je suis donc en parfaite opposition avec ce que vient dire Jean-Jacques Jégou mais, même si, sur un certain nombre de points, nous nous opposons, cela n'empêche pas, bien sûr, que nous restions amis. Constant dans ma conviction, je voterai donc contre l'amendement no 14 corrigé de la commission.

Ce sujet ayant été débattu au bureau du groupe RPR mardi matin à ma demande, je peux naturellement m'exprimer au nom de mon groupe, ce qui renforcera, j'en suis sûr, ma position.

J'indique, en premier lieu, que le groupe RPR suit naturellement avec beaucoup d'attention les efforts du Gouvernement pour rétablir la légalité en Corse, notamment depuis l'assassinat du préfet Erignac. Ces efforts, nous les approuvons et nous les soutenons.

Cela dit, mes chers collègues, il ne s'agit pas, en l'occurrence, de rétablir la légalité. Le régime juridique actuel est légal et sa légalité a été confirmée par la jurisprud ence de la Cour de cassation qui considère que les arrêtés Miot sont valides. En l'état actuel du droit, si les déclarations de succession ne sont pas faites, cela ne donne pas lieu à sanction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Si nous soutenons l'application de la légalité, donc de l'état de droit actuel, nous pouvons en revanche avoir une position très différente en ce qui concerne la modification de l'état de droit. Or ce que l'on nous propose par cet amendement, c'est de modifier l'état de droit.

D'ailleurs, si le rapporteur général n'était pas convaincu qu'il en est bien ainsi, il ne nous aurait pas dit, à propos d'un autre amendement, que la Cour de cassation pouvait bien avoir une position mais que nous étions là, nous, pour faire le droit. Donc, s'il demande avec l'appui de la majorité de la commission la modification de l'état de droit en proposant cet amendement, c'est bien parce qu'il est convaincu que le régime actuel correspond à l'état de droit. En ce qui nous concerne, nous sommes d'accord pour rétablir l'état de droit actuel ; en revanche, nous ne sommes pas d'accord pour le modifier sans aucune précaution.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Vous êtes bien embrouillé, mon cher collègue !

M. Christian Cuvilliez.

C'est bien compliqué !

M. Philippe Auberger.

C'est peut-être compliqué, mais c'est une position parfaitement intelligible.

Donc, nous sommes favorables à l'état de droit, mais nous ne souhaitons pas agir dans n'importe quelle condition. Or c'est ce qui est proposé.

D'abord, mes chers collègues, l'ordre public est en jeu - on a vu ce qui s'est passé le dernier week-end. Or, c'est le Gouvernement qui en est responsable, pas le Parlement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Raymond Douyère.

C'est invraisemblable d'entendre cela !

Mme Nicole Bricq.

C'est tout à fait incroyable !

M. Raymond Douyère.

Le Gouvernement s'est exprimé en disant qu'il était d'accord !

M. Philippe Auberger.

Ensuite, et les plus anciens parmi nous le savent bien, la Corse a toujours demandé une certaine spécificité. En l'occurrence, celle-ci doit s'appliquer, c'est-à-dire que les conclusions de la commission d'enquête doivent faire l'objet d'un projet de loi du Gouvernement. Ce n'est pas au Parlement, au détour d'un amendement à la loi de finances, de modifier l'état de droit en Corse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Vous ne pouvez pas croire à ce que vous dites ! Vous, un ancien rapporteur général !

M. Raymond Douyère.

Et pour les vignettes de la Marne ?

M. le président.

Concluez, monsieur Auberger !

M. Philippe Auberger.

Au nom du groupe RPR, je suis fondé à dire que nous ne sommes pas favorables à une modification de l'Etat de droit en Corse au détour d'un amendement. Nous considérons qu'il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités, compte tenu de la spécificité corse, et de nous proposer un texte qui suive l'ensemble des recommandations de la commissions d'enquête.

M. Jean-Jacques Weber.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

J'espère que nous aurons à discuter de ce texte. En l'état actuel des choses et compte tenu de la responsabilité que nous prendrions en approuvant un tel amendement, le groupe RPR votera contre.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Alain Barrau.

M. Séguin va être content !

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, bien que député de la Corse-du-Sud, je souscris totalement aux propos de M. Auberger, qui s'est exprimé au nom du RPR et qui était rapporteur général du budget lorsque nous étions aux responsabilités.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

On a connu plus courageux !

M. José Rossi.

La démonstration qu'il vient de faire prouve, à l'évidence, que les parlementaires de la Corse ont vocation non pas à être isolés au sein de la République, mais, au contraire, à participer à une démarche collective, celle de la communauté nationale au sein de la République.

Ne sachant si je dois m'en réjouir ou m'en inquiéter, je regrette, monsieur le secrétaire d'Etat, la prudence que vous avez exprimée en vous en remettant, sur le vote de l'amendement, à la sagesse de l'Assemblée. Cela permet au Gouvernement de ne pas indiquer clairement sa position,...

M. Jean-Louis Idiart.

C'est honteux !

M. José Rossi.

... ce que je déplore. Il est clair, en effet, que le groupe socialiste et le groupe communiste vont voter cet amendement. Tant qu'à être sincères, soyez-le jusqu'au bout, chers collègues de la majorité !

M. Christian Cuvilliez.

Vous ne pouvez pas connaître notre position puisqu'on nous empêche de la donner !

M. José Rossi.

Le Gouvernement s'en lave les mains.

Il pourra toujours dire que ce n'est pas de son fait.

Pourtant, comme vient de l'indiquer M. Auberger, et comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, nous sommes prêts à discuter de la réforme du système fiscal de la Corse. Cela représente, c'est vrai, 1,5 milliard de francs et les arrêtés Miot dont on parle aujourd'hui, simplement pour les conditions de déclaration, comprennent très peu de choses sur l'ensemble. Donc, si l'on veut vraiment faire en sorte que les avantages fiscaux dont bénéficie la Corse soient utiles à son nouveau départ économique, il faut ouvrir un véritable chantier, que l'on n'évacuera pas en quelques jours. Il nécessitera, en outre, un dialogue extrêmement approfondi avec l'Assemblée de Corse, qui, je le répète, aux termes de deux textes portant statut particulier - celui de 1982 et celui de 1991 - a compétence, et elle seule.

Voilà pourquoi je réponds non à la proposition que nous a faite M. Migaud. Si nous avons à consulter une institution dans le respect de la loi, c'est l'Assemblée régionale de Corse, qui, dans le cadre du statut particulier, a vocation à être consultée. C'est pour cela que, lorsqu'un simple amendement est déposé dans le cadre d'une discussion parlementaire, de manière impromptue et subrepticement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...

Mme Nicole Bricq.

Pas subrepticement ! Ce n'est pas exact !

M. José Rossi.

... l'engagement du Gouvernement est essentiel, monsieur le secrétaire d'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

C'est lamentable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

M. José Rossi.

Peut-être pour vous. Mais sûrement pas pour les Corses qui nous écoutent et qui pourront considérer que vous avez traité les choses avec légèreté ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Ça suffit !

Mme Nicole Bricq.

C'est inacceptable !

M. José Rossi.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'insiste sur ce point, si je vous interpelle, et à travers vous le Gouvernement, ce n'est pas pour vous agresser ou vous mettre dans une situation difficile. Simplement - et je demande qu'on prenne bien en considération cet argument qui a été développé également par M. Auberger - je considère qu'il appartient au Gouvernement d'aborder le problème du statut fiscal dans son entier et de faire des propositions de réformes concertées avec la Corse et avec l'Assemblée de Corse. Ensuite, l'Assemblée nationale et le Sénat assumeront souverainement la totalité de leurs responsabilités, car la décision se prendra bien ici, c'est clair, mais de manière beaucoup plus globale.

Pour sortir du terrain strictement politique, je voudrais revenir plus sereinement aux arguments techniques en é voquant trois points qui ont fondé l'amendement de Courson et qui méritent d'être transparents. Respectet-on ou non en Corse la loi républicaine en appliquant les arrêtés Miot ? Y a-t-il une rupture de l'égalité des citoyens devant la loi en Corse du fait de la loi fiscale telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui ? La non-déclaration des successions dans les six mois, comme dit M. de Courson, équivaut-elle à une exonération de fait des droits de succession et conduit-elle de manière fâcheuse - ce sont ses termes - au maintien de l'indivision en Corse ? Je vais répondre évidemment non sur ces trois points.

Sur le premier, la loi républicaine en Corse, comme cela a été dit très clairement par M. Auberger, c'est la loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse, qui, en son article 1er , je le rappelle pour ceux qui l'aurait oublié, précise que « la Corse est dotée d'un statut fiscal destiné à compenser les contraintes de l'insularité et à promouvoir son développement économique et social.

Dans le cadre de ce statut, l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur sont maintenues ». Cela inclut évidemment les arrêtés Miot dont nous parlons abondamment.

Dans les mêmes conditions, le Gouvernement, en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 23 novembre 1994 par les sénateurs socialistes - décidément, mes chers collègues, vous avez de la suite dans les idées ! - qui estimaient que les arrêtés Miot n'avaient pas de base légale, a précisé que « le régime des droits de mutation exigibles en Corse obéit à des règles spécifiques qui résultent des arrêtés Miot. Par leur contenu ces dispositions relèvent aujourd'hui du domaine législatif en vertu de l'article 34 de la Constitution ». C'est évident, puisque l'amendement de la commission des finances nous propose aujourd'hui de modifier les arrêtés Miot, qui sont considérés comme ayant valeur législative. Donc, tout cela est extrêmement clair.

Deuxième question...

M. Jean-Louis Idiart.

C'est trop long, monsieur le président !

M. José Rossi.

Le sujet est extrêmement important et je voudrais aller au bout de mon raisonnement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Cahuzac.

Ce n'est pas acceptable, monsieur le président !

M. le président.

Laissez-moi présider comme je l'entends ! Je le fais équitablement !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Appliquez le règlement, monsieur le président !

M. Raymond Douyère et M. Gilbert Mitterrand.

Il y a des règles ici !

M. le président.

Monsieur Rossi, veuillez conclure, je vous prie !

M. José Rossi.

Je développerai très brièvement deux éléments car le sujet est trop important pour qu'on nous prive de parole, surtout au vu des conditions dans lesquelles on nous a imposé un amendement !

M. Jean-Louis Idiart.

Ça fait un quart d'heure que vous parlez !

M. José Rossi.

Deuxième point : l'égalité des citoyens devant la loi. Comme cela a été précisé maintes fois, il n'est pas contraire au principe d'égalité que la Corse bénéficie de mesures fiscales particulières qui tiennent compte soit de la spécificité de sa situation, soit de considérations d'intérêt général. C'est une jurisprudence et une analyse constante sur lesquelles je n'insisterai pas, monsieur le président, puisque vous me demandez d'être bref.

Un mot, pour conclure, de l'exonération de fait qu'évoque M. de Courson. L'exonération n'est pas de fait. Elle est de droit depuis que la Cour de cassation, par une jurisprudence constante, considère que le défaut d'obligation de déclaration équivaut à une exonération de droits de succession sur les biens immobiliers situés en Corse.

En outre, il est faux de lier, comme le fait la commission des finances, la question de l'indivision à celle de la fiscalité. Il y a une séparation nette entre le droit fiscal successoral et le régime de l'indivision pour la bonne raison qu'une succession déclarée peut n'être jamais divisée et que, à l'inverse, comme cela se constate en Corse au quotidien, une succession non déclarée peut parfaitement conduire à un partage.

C'est ce qu'avait conclu la commission de l'indivision en Corse - constituée à l'initiative d'un ministre socialiste de la justice - dans son rapport de 1985, qui excluait toute influence du régime fiscal et attribuait fort justement la cause de l'indivision en Corse à l'absence de titres de propriété.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Vous desservez la Corse en agissant de la sorte !

M. José Rossi.

Ses recommandations visant à établir des actes de notoriété après publicité dans les mairies ont d'ailleurs été suivies par la Chancellerie. Elles fonctionnent depuis plusieurs années et ont permis de sortir de très nombreuses situations d'indivision.

Monsieur le rapporteur général, je vous invite donc une nouvelle fois à retirer votre amendement, même si je sais que votre décision est déjà prise. Nous pourrions ainsi demander ensemble au Gouvernement de nous proposer un projet beaucoup plus ambitieux et travailler dans un climat beaucoup plus serein. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocrate libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République. Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Dominati.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

Rappel au règlement

M. Christian Cuvilliez.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour un rappel au règlement.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, je mets sur le compte de votre inexpérience la manière dont vous avez organisé ce débat. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Weber.

Voilà qui n'est pas très gentil !

M. Christian Cuvilliez.

Le groupe auquel j'appartiens n'a pas encore pu exprimer son opinion sur cette question. Il faut pourtant bien qu'il le fasse à un moment ou à un autre, d'autant que le vote n'était pas prévu dans les conditions où il a été annoncé et qu'on doit au moins justifier, s'il y a vote, quelle position on prendra. Je précise d'ailleurs que je m'exprime au nom d'un groupe qui, dans sa diversité, rassemble des opinions majoritaires mais pas toutes. (Sourires.)

Et cela peut se traduire dans les votes...

Cela dit, c'est après m'être concerté avec les membres de mon groupe absents aujourd'hui que je suis amené à vous recommander d'adopter en la matière, monsieur le secrétaire d'Etat, une attitude de précaution.

M. Jean-Jacques Weber.

Ah ?

M. Christian Cuvilliez.

Nous considérons qu'à la faveur d'un amendement fiscal, que j'ai voté en commission des finances parce que je le trouve juste, nous allons créer une situation disproportionnée avec le fait que nous voulons régler, le caractère exorbitant du droit commun que constitue, non pas l'application des arrêtés Miot, mais les arrêtés Miot eux-mêmes. J'avais cru comprendre, en effet - mais peut-être ai-je mal entendu en commission -, qu'il s'agissait d'abroger les arrêtés Miot. De là, on est passé à l'application stricte de ces arrêtés et on a senti la difficulté qu'il y avait à disposer d'un fait, qui est un droit.

Certes, la commission des finances a beaucoup de prérogatives, mais elle n'a pas celle de décider de la politique en Corse. C'est la raison pour laquelle nous préférerions que le Gouvernement dise d'abord clairement quelles pistes il propose.

M. Philippe Auberger.

Vous avez la même position que moi !

M. Christian Cuvilliez.

Il serait bon, en effet, que les problèmes relatifs à l'Etat de droit qui sont bien réels - nul ne nie que des corrections doivent être apportées soient vus dans leur globalité.

Voilà la proposition, de bon sens, me semble-t-il, que je voulais faire. Je serai donc conduit, s'il y a vote, à ne pas approuver l'amendement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je donne volontiers acte au président Paecht que l'amendement est devenu celui de la commission des finances. Elle en assume les conséquences dans la discussion et, bien évidemment, la responsabilité.

Juste deux mots avant de passer au vote. Nous considérons tous que cet amendement va dans le bon sens.

Nous reconnaissons tous également qu'il est imparfait, et incomplet, et j'ai expliqué tout à l'heure pourquoi. Mais je pense que le retirer, alors que nous estimons qu'il va dans le bon sens, serait donner un signe contraire à l'objectif que nous nous fixons et à la conception que nous avons, nous aussi, de notre devoir de législateur. Ce n'est pas vouloir, monsieur Cuvilliez, que la commission des finances dispose de prérogatives particulières. Là n'est pas le problème. Un amendement a été déposé et discuté, nous avons jugé qu'il allait dans le bon sens, nous le proposons au vote de l'Assemblée, voilà tout.

Cela dit, je renouvelle la proposition que j'ai faite tout à l'heure et qui vise, d'ici à la deuxième lecture, à travailler à nouveau sur l'amendement de façon qu'il réponde aux objectifs que, ensemble, nous avons définis. Cette démarche sera parfaitement comprise par la population corse, dès lors que les élus acceptent, effectivement, de l'assumer devant elle. Et je pense qu'ils doivent l'assumer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le président, cet amendement est maintenu, et je vous demande de procéder au vote.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je rappelle que, sur l'amendement no 14 corrigé, le groupe Démocratie libérale et Indépendants a demandé un scrutin public.

Le scrutin a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'amendement no 14 corrigé.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

75 Nombre de suffrages exprimés .................

73 Majorité absolue .......................................

37 Pour l'adoption .........................

48 Contre .......................................

25 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures trente, deuxième séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1998

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du vendredi 16 octobre 1998 SCRUTIN (no 126) sur l'amendement no 13 de la commission des finances après l'article 8 du projet de loi de finances pour 1999 (taxation forfaitaire des oeuvres d'art au titre de l'ISF).

Nombre de votants .....................................

65 Nombre de suffrages exprimés ....................

64 Majorité absolue ..........................................

33 Pour l'adoption ...................

47 Contre ..................................

17 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 38 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (68) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : M. Arthur Paecht (président de séance).

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué son droit de vote.

Abstention : 1. - M. Roger Franzoni.

Non-inscrits (4).

SCRUTIN (no 127) sur l'amendement no 14 corrigé de la commission des finances après l'article 14 du projet de loi de finances pour 1999 (rétablissement des sanctions en cas de défaut de déclaration des successions en Corse).

Nombre de votants .....................................

75 Nombre de suffrages exprimés ....................

73 Majorité absolue ..........................................

37 Pour l'adoption ...................

48 Contre ..................................

25 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 43 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Abstentions : 2. - MM. Michel Tamaya et André Vauchez.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : Contre : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (68) : Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 3. - MM. Arthur Paecht, Henri Plagnol et JeanJacques Weber.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 2. - MM. Alain Bocquet et Christian Cuvilliez.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Non-inscrits (4).