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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7077).

CULTURE M. Raymond Douyère, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M.

Michel Herbillon, Mme Huguette Bello,

MM. Marcel Rogemont, Hervé de Charette, Patrick Braouezec, François Baroin, Pierre Carassus, Guy Hascoët.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

R éponses de Mme la ministre aux questions de : MM. Bruno Bourg-Broc, Jean-Luc Warsmann, Patrick Delnatte, Franck Dhersin, Jean-Paul Bret, Patrick Bloche, Henri Plagnol, Yvon Abiven, Jean-Pierre Baeumler.

M. le rapporteur spécial.

CULTURE ET COMMUNICATION ÉTAT B

TITRES III ET IV. - ADOPTION ÉTAT C

TITRES V ET VI. - ADOPTION Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7108).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE SIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

CULTURE

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, avec une progression de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998, le budget de la culture atteindra 15,7 milliards de francs pour 1999. Nous ne pouvons que nous réjouir d'une telle augmentation qui est très supérieure - et ce pour la deuxième année consécutive - à l'évolution gén érale du budget de l'Etat, qui n'est que de 2,2 %. La culture fait donc bien l'objet d'une priorité du Gouvernement, qui confirme ainsi la volonté de reconquête exprimée l'an passé. Il est bon de rappeler que les crédits du ministère de la culture ont subi, à structure constante, une diminution de près de 20 % entre 1993 et 1997.

Ce budget représentera 0,97 % - 0,83 % à périmètre constant - des charges nettes de l'Etat en 1999 contre 0,95 % - 0,80 % à périmètre constant - en 1998. On est donc loin du seuil symbolique de 1 % du budget général que s'étaient assignés les différents gouvernements de la gauche.

Pour ce qui est de l'année 1999, ce sont près de 525 millions de francs de crédits supplémentaires, qui nous sont proposés, dont 229 millions à l'appui des interventions du ministère.

Ces moyens nouveaux vont servir, en premier lieu, à réorganiser le service public de la culture. Au niveau central, la réorganisation est marquée par la création d'une direction unique de l'architecture et du patrimoine, d'une part, et une direction de la musique, de la danse, du t héâtre et des spectacles, d'autre part. Au niveau déconcentré, la part des crédits gérés directement par les directions régionales de l'action culturelle - DRAC - sera accrue. Nous aurons l'occasion au cours du débat de parler du fonctionnement de ces directions. Le mouvement vers les régions s'accompagnera de l'apurement par l'Etat de la dette qu'il avait contractée auprès des collectivités locales en matière d'équipement. Plus de 122 millions de francs de crédits de paiement seront ouverts à ce titre en 1999. La base de discussion sur les futurs contrats de plan entre l'Etat et les régions pour la période 2000-2006 sera de ce fait assainie. C'est une bonne nouvelle pour les collectivités territoriales qui pourront faite jouer pleinement leur rôle de contractant entre l'Etat et elles-mêmes.

En deuxième lieu, les mesures nouvelles proposées sont destinées à soutenir l'acte culturel. Le soutien à la création et à l'innovation artistiques se traduit surtout dans la répartition des crédits ouverts au titre IV, qui constitue, il est vrai, le coeur d'intervention de l'action du ministère.

Il s'agit d'interventions en faveur des artistes, des institutions culturelles décentralisées : centres dramatiques nationaux, scènes nationales, centres d'art, orchestres, compag nies théâtrales et chorégraphiques. Le titre IV augmentera de 193,8 millions de francs en 1999, soit 4,2 % - et non 5,3 % comme indiqué dans le dossier de presse du ministère - contre 180 millions de francs en 1998, somme qui, je le rappelle, avait été réduite à 140 millions de francs par décret d'annulation au début de l'année 1998. Sur ces 193,8 millions, 110 millions de francs supplémentaires seront consacrés aux spectacles vivants - théâtre, danse, musique - et également aux musiques actuelles et aux arts de la rue, deux domaines dans lesquels la France est en train de se forger une place internationale qu'il convient de conforter.

Les nouvelles technologies et le multimédia seront encouragés non seulement, par le biais de la numérisation des collections, mais surtout par le soutien au développement d'espaces culture-multimédia dans les régions.

Les enseignements artistiques, terreau indispensable de la création artistique à venir, bénéficieront de 27 millions de francs supplémentaires. En outre, le régime des bourses pour les étudiants en art sera aligné sur celui des établissements relevant de l'éducation nationale.

En troisième lieu, les efforts du ministère porteront sur la consolidation de la politique du patrimoine entreprise l'an passé. En deux ans, les autorisations de programme destinées à financer cette action auront progressé de 42,5 %, permettant ainsi de rattraper le retard pris en 1997 dans l'application de la loi de programme adoptée par le Parlement en 1993.

Les grands travaux seront achevés en 1999, y compris le Grand Louvre. La Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand fonctionnera en régime de croisière, tandis que le site Richelieu-Vivienne fera l'objet d'une réorganisation, notamment pour accueillir l'Institut national d'histoire de l'art.

Le réaménagement intérieur du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou bénéficiera de 35,2 millions de francs d'autorisations de programme, ce qui permettra son achèvement.


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De plus, 62 millions de francs d'autorisations de programme, 25 millions de francs de crédits d'acquisition et 7,5 millions de francs de crédits de fonctionnement permettront de lancer l'opération du Musée des civilisations et arts premiers, qui bénéficiera tout d'abord d'une antenne au sein du Musée du Louvre, avant de s'installer quai Branly.

Au-delà de la polémique qui a pu s'instaurer ici ou là sur ces problèmes, il convient de noter qu'un premier effort certes peu important, est entrepris pour réaliser un musée dont les prévisions indiquent qu'il coûtera tout de même 1,2 milliard de francs. Cela dit, le projet initial a été élargi à une partie éducation.

Enfin, 2,5 millions de francs permettront la mise en oeuvre des actions de préfiguration de la future Maison du cinéma, qui s'installera dans les locaux de l'ex-centre culturel américain.

Au-delà des questions purement budgétaires, je souhaiterais évoquer une série de questions de fond.

La première, qui est récurrente, et même lancinante, concerne la situation des intermittents du spectacle. Le régime institué pour 1997, après de difficiles négociations, a été prorogé en 1998 faute d'accord définitif entre les partenaires sociaux.

D'après les informations que j'ai obtenues, je crains que ce dispositif transitoire ne soit de nouveau prorogé en 1999. C'est pour cette raison, madame la ministre, que je demande instamment au Gouvernement de trouver une solution rapide et définitive à ce problème qui concerne près de 70 000 personnes dans le monde du spectacle.

Ma deuxième interrogation porte sur la politique menée en faveur du spectacle vivant. S'il faut se réjouir de la rationalisation de la politique de subventions aux troupes de théâtre, il convient de s'assurer que les moyens nouveaux engagés seront équitablement répartis sur le territoire et bénéficieront en priorité aux compagnies les plus dynamiques. La politique nationale doit être lisible au niveau régional.

Je me fais ici l'écho de nombreux parlementaires qui se plaignent du manque de lisibilité des actions menées dans les DRAC. Aussi, la présence d'un correspondant de la direction régionale dans chaque département me semble un minimum.

J'insiste sur l'impératif de transparence qui doit présider au choix des structures subventionnées : chaque bénéficiaire doit pouvoir savoir sur quels critères le niveau de la subvention qui lui a été accordée a été fixé et le ref us de subvention doit être clairement motivé.

Dans la nouvelle politique menée en matière de troupes théâtrales, la lisibilité doit être parfaite si l'on ne veut pas susciter des mécontentements, voire laisser s'organiser des mouvements de protestations comme il semble que ce soit le cas dans différentes régions.

Outre la question du redéploiement des subventions en direction des compagnies et centres dramatiques, se pose la question de leur statut et de l'extension de la réduction du temps de travail aux entreprises de spectacles. La réforme du statut fiscal des associations pèsera inévitablement sur les finances des troupes et compagnies de spectacles. La méconnaissance des différents modes de fonct ionnement du secteur empêche de produire des simulations réalistes sur les choix à venir. Le Gouvernement doit faire un effort particulier pour répondre à ces préoccupations.

La solution à l'ensemble de ces problèmes entraînera des difficultés non négligeables pour les structures concernées, qui auront besoin d'être soutenues durant une période transitoire. C'est pourquoi la commission des finances a demandé que les interventions en faveur du spectacle vivant bénéficient d'une majoration de 30 millions de francs.

Un troisième problème, qui dépasse largement les autres car il conditionne en quelque sorte la mise en place de la politique que vous souhaitez mener dans les différents chapitres, concerne les personnels vacataires.

Trop souvent, le ministère de la culture et les grandes institutions culturelles dont il a la tutelle ont eu recours à des vacataires sur des postes et pour des fonctions permanents. Personnels démotivés, situations sociales précaires, organisation plus compliquée des rythmes de travail sont les conséquences fâcheuses de ce phénomène. Certes, il convient de saluer les efforts réalisés depuis deux ans pour favoriser la transformation des vacations en contrats à durée déterminée ou indéterminée. Cette tendance se poursuivra en 1999, puisque 292 personnes pourront bénéficier, en raison du temps incomplet de leur emploi, d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée. Mais nous souhaiterions savoir, madame la ministre, si les agents qui bénéficient de contrats à durée indéterminée seront rémunérés sur un nombre d'heures qui, à défaut d'un temps plein, leur permettent quand même de vivre.

Par ailleurs, 379 agents travaillant dans les établissements sous tutelle se verront proposer des contrats. De plus, 8 millions de francs viendront abonder les crédits de vacation afin de mettre un terme au recrutement de vacataires pour une durée inférieure à trois mois.

Toutes ces mesures nous paraissent positives. Cependant, je souhaite que l'Assemblée, par l'intermédiaire de son rapporteur, soutienne l'action de Mme la ministre pour résorber rapidement le nombre des vacataires dans le cadre d'un plan triennal ou quadriennal. Nous pourrions peut-être, d'ici au vote du budget, nous adresser ensemble à Bercy pour que des crédits supplémentaires soient débloqués en ce sens. De tous côtés, on entend dire que les services du ministre de la culture, au niveau central comme en régions, ne peuvent continuer à fonctionner avec un personnel insuffisant.

J'aborderai maintenant la politique du patrimoine. Là encore, des progrès remarquables ont été réalisés depuis deux ans. Les retards accumulés sous la précédente législature ont été rapidement comblés ; il faut vous en féliciter, madame la ministre. La dette contractée à l'égard des collectivités locales est sur le point d'être apurée. En revanche, aucune nouvelle loi de programme n'est en préparation et aucune perspective claire n'est définie pour les années à venir. Là aussi, il faudrait associer le Parlement à une politique du patrimoine renouvelée et, lui permettre de discuter d'une nouvelle loi de programme.

Je sais bien que les crédits inscrits en loi de programme sont rarement ouverts...

M. Hervé de Charette.

C'est vrai !

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

... et lorsqu'ils le sont, ils jouent les premiers rôles sur la scène de la régulation budgétaire. Pour autant, il faut être optimiste : une loi de programme permet une meilleure lisibilité et constitue un moyen de pression sur les gouvernements pour respecter leur volonté réformatrice. Il est toujours plus facile de déplorer un manque de crédits lorsqu'ils sont inscrits dans un programme pluriannuel.

De plus, les opérations de sauvegarde du patrimoine se prêtent particulièrement bien à ce type de programma-


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tion. Je milite, donc - et d'autres avec moi sans doute en faveur d'une nouvelle loi de programme sur le patrimoine.

Le secteur du patrimoine est aujourd'hui secoué par une crise dans le domaine de l'archéologie. Cette question réclame toute notre vigilance. Qui mieux, en effet, que la puissance publique est susceptible de se dresser contre les intérêts privés qui négligent souvent la sauvegarde de notre patrimoine et avancent sans se préoccuper de la reconstitution de notre histoire ? Enfin, j'évoquerai la situation des grands établissements c ulturels issus des grands travaux lancés dans les années 80. Comme je l'ai fait remarquer au début de mon propos, les grands travaux s'achèveront l'année prochaine avec la fin du programme du Grand Louvre.

J'ai effectué, madame la ministre, plusieurs visites sur place, comme nous y autorise notre fonction, à l'Opéra national de Paris, à la Bibliothèque nationale de France et je me rendrai bientôt au Louvre. J'ai pu constater l'ampleur de l'activité et des infrastructures dont ces établissements ont la charge. Je rappellerai à ce sujet que l'enveloppe de la Bibliothèque nationale de France a été soldée pour un total de 8 milliards de francs, tandis que la subvention annuelle de fonctionnement atteint plus de 600 millions de francs. La subvention destinée à l'Opéra national de Paris, quant à elle, dépasse 630 millions de francs, contribution de l'Etat à la caisse de retraite des personnels comprise.

On voit combien les crédits de fonctionnement liés aux grands travaux pèsent lourdement sur les budgets de fonctionnement, et notamment sur les crédits d'investissement, ne serait-ce que pour maintenir les bâtiments en l'état.

Les montants sont justifiés, bien sûr, par le rayonnement national et international de ces institutions, mais aussi par l'accès élargi aux oeuvres culturelles qu'elles offrent.

Ils sous-estiment pourtant les besoins réels et ne tiennent pas compte du maintien en l'état de l'existant et du renouvellement à moyen terme de certains équipements. Ainsi, dans les années à venir, il conviendra d'inclure dans les crédits destinés à l'Opéra le changement de la machinerie de scène de l'Opéra Bastille.

M. Michel Herbillon.

Déjà ?

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

De la même façon, il faudra prévoir le coût de renouvellement du système informatique de la Bibliothèque nationale de France qui ne manquera pas de devenir obsolète, compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques. Il se passe pour ces équipements ce qui s'est passé pour de nombreux autres : l'enveloppe fixée au départ n'a pas été actualisée en fonction de l'évolution des coûts d'entretien. Dans le cas de l'Opéra ou de la Bibliothèque nationale de France, comme dans l'autre, l'Etat a du mal à évaluer et à prendre en compte le coût d'amortissement des grands équipements.

Je dresserai, dans les mois à venir, un bilan et présenterai les perspectives de quelques établissements issus des grands travaux, à savoir l'Opéra national de Paris, la Bibliothèque nationale de France et le Grand Louvre. La représentation nationale pourra ainsi avoir un panorama de la création, du fonctionnement ainsi que les détails intermédiaires de ces grands travaux.

Sous peine de voir le parc de ces établissements se transformer en cimetière des éléphants et dans le but de maintenir l'accès le plus large à ces équipements, il serait judicieux de mettre à niveau les crédits qui sont destinés à leur fonctionnement et à leur entretien. Cette exigence rejoint celle exprimée par André Malraux, qu'il n'est jamais inutile de citer : « Nous devons faire pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l'instruction. »

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Je termine, monsieur le président.

Cette ambition exige des moyens supplémentaires. Si l'objectif de parvenir à 1 % du budget de l'Etat a été symbolique dans les années 80, il ne peut continuer à être proclamé sans être jamais atteint. Il convient - et je soutiendrai personnellement votre action en ce sens, madame la ministre -, de se fixer un objectif beaucoup plus ambitieux et de parvenir en quelques années à 1,5 % du budget, c'est-à-dire environ 25 milliards de francs.

Nous pourrons alors mener une action culturelle réaliste et bénéfique pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Ernest Moutoussamy.

Très bien !

M. Hervé de Charette.

Vous ne facilitez pas la tâche du ministre !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaire culturelles, familiales et sociales.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je vous présenterai, en quelques minutes, les aspects positifs et les lacunes du projet de budget de la culture pour 1999. J'évoquerai ensuite deux questions qui m'ont semblé suffisamment importantes pour leur consacrer des développements dans mon rapport écrit, je veux parler de l'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la politique culturelle et la redéfinition du ministère de la culture face à l'évolution des enjeux de la politique culturelle.

Madame la ministre, le budget de la culture, présente une augmentation satisfaisante des crédits...

M. Hervé de Charette.

Absolument !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

... et un objectif ambitieux visant à concilier création et démocratisation, objectif étayé par l'affichage de mesures incontestablement positives.

Après le « rattrapage » de 3,8 % en 1998, rattrapage d'autant plus justifié que 756 millions de francs avaient été annulés après l'installation du nouveau gouvernement, le projet de budget pour 1999 prévoit d'affecter 550 millions de francs de moyens nouveaux au ministère de la culture, soit une augmentation de 3,5 % en francs courants, l'augmentation moyenne des dépenses de l'Etat étant limitée à 2,2 %. La culture constitue donc clairement, une priorité de l'action de l'Etat, même si son budget n'atteint pas encore 1 % des dépenses de l'Etat.

Parmi les mesures inconstablement positives, je citerai l'augmentation de 4 % des crédits d'intervention du titre IV et la progression de 17,3 % des crédits déconcentrés au sein de cette enveloppe, ce qui va dans le sens d'un rapprochement de l'action culturelle et de ses bénéficiaires.

Autre mesure positive : les 110 millions de francs supplémentaires accordés à la nouvelle direction du spectacle vivant,...


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M. Hervé de Charette.

Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

... crédits prioritairement consacrés aux pratiques culturelles innovantes, comme les musiques actuelles et les arts de la rue, aux pratiques en amateur et aux institutions culturelles appliquant la charte de service public et favorisant le soutien aux créateurs et les politiques en faveur des publics.

De plus, 110 millions supplémentaires bénéficieront aux équipements culturels régionaux, à travers les crédits d'investissement destinés aux opérations d'intérêt généra l, sous maîtrise d'ouvrage des collectivités locales.

Autres mesures positives : l'ouverture de nouvelles institutions culturelles mises au service des professionnels et du public comme le Centre national de la danse, la Cité de l'architecture et du partimoine, ou la Maison du cinéma ; le renforcement de l'effort en faveur du multimédia et de l'appropriation des technologies culturelles de l'information par tous les citoyens.

Toutefois, et je me dois aussi de le souligner, un certain flou budgétaire ne permet pas d'identifier clairement le financement de mesures annoncées et ne parvient pas non plus à dissimuler de graves faiblesses venant contredire les objectifs affichés. L'opacité croissante des documents budgétaires présentés au Parlement et les modifications continuelles de la nomenclature budgétaire, entre autres, ne permettent pas de procéder à une estimation satisfaisante des moyens véritablement mis au service des actions annoncées. Et je ne parle pas des délais tardifs et inacceptables dans lesquels ont été transmises les réponses au questionnaire budgétaire : une semaine avant que ne se réunisse la commission des affaires culturelles, nous n'avions obtenu que quatorze réponses aux 110 questions qui avaient été posées.

De plus, des faiblesses graves viennent contredire l'affichage général. Ainsi, les crédits d'acquisition seront en pratique inexistants en 1999 puisque, malgré 10 millions de francs de mesures nouvelles, ils sont totalement absorbés par la constitution des collections du musée des arts et civilisations, pour 25 millions de francs, alors que ce projet aurait dû faire l'objet de mesures nouvelles et non d'un financement par redéploiement.

De même, le budget global des enseignements artistiques est en quasi-stagnation. Certes, 38 millions de francs supplémentaires sont inscrits à ce budget, soit une progression de 2,7 %, mais il n'est prévu qu'une hausse d'à peine 1 % des crédits d'intervention, ce qui est totalement insuffisant pour un budget qui fait de la démocratisation sa priorité.

Par ailleurs, le ministère de la culture et de la communication devrait s'engager plus à fond dans la réforme des rythmes scolaires afin d'ouvrir aux jeunes la chance d'un éveil culturel et la possibilité de s'initier à la création.

C'est là aussi la base de la démocratisation.

Quant à l'effort sur le patrimoine, il connaît un relâchement après le rattrapage opéré en 1998,...

M. Michel Herbillon.

Absolument !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

... puisque les subventions d'investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques s'effondrent de près de 25 % et que l'essentiel de l'effort budgétaire est limité aux travaux effectués par l'Etat sur ses propres monuments.

Député de Chambord, si je puis dire, je sais combien est nécessaire l'effort d'investissement pour restaurer, mettre aux normes, entretenir et mieux accueillir le public. C'est un effort permanent, et il doit être poursuivi pour les monuments appartenant à l'Etat. Mais je crois que cet effort est tout aussi nécessaire, avec la même régularité, pour le secteur privé.

M. Hervé de Charette.

Et aussi pour le secteur appartenant aux collectivités publiques locales !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Les moyens mobilisés pour célébrer l'an 2000 restent à la fois modestes et flous. Pourtant, on ne pourra pas s'y reprendre à deux fois.

Les crédits destinés aux grands projets régionaux connaissent un net ralentissement, 76 millions de francs contre 165 millions de francs en 1998, ce qui ne permet pas de rattraper le déséquilibre qui perdure hélas ! entre Paris et la province.

Alors que la déconcentration des crédits d'intervention s'accroît, ce dont il faut se féliciter, les directions régionales des affaires culturelles ne bénéficient d'aucune création d'emploi ; seul un transfert de personnel est annoncé pour l'automne, et ce sans chiffrage précis. Ces directions risquent donc de ne pas avoir les moyens d'assumer leurs nouvelles responsabilités au moment même où la négociation des nouveaux contrats de Plan Etat-région souligne l'importance de ce niveau d'action culturelle.

Enfin, en matière législative, même si vous avez donné certains éléments de réponse lors de votre audition dessous la commission, madame la ministre, aucun engagement précis n'a été pris jusqu'à ce jour en ce qui concerne la présentation des textes attendus sur les musées, sur la protection des biens mobiliers classés, sur les archives, sur l'archéologie préventive, sur les enseignements artistiques spécialisés et sur les établissements publics culturels locaux. Nous aimerions avoir davantage de précisions pour savoir comment se dessine l'avenir de ces secteurs importants. Les bases de l'action culturelle ne devraient donc pas évoluer dans l'année qui vient, ce qui tempère assez largement la volonté de changement que vous affichez, madame la ministre.

La culture est un immense chantier permanent. Certains diront qu'ils se réjouissent que vous vous y engagiez avec résolution, avec certains moyens nouveaux et avec la réaffirmation de l'ambition de concilier « création et démocratisation » ; ils ont raison. D'autres diront qu'ils sont inquiets du chemin qu'il reste à parcourir, de l'insuffisance chronique des moyens, de la tentation du simple redéploiement au détriment de la véritable refondation de l'action culturelle, du manque de stragérie globale pour la conquête de nouveaux publics ; ils ont aussi raison.

Au risque de ne surprendre personne, et comme tous les rapporteurs d'opposition - de gauche comme de droite - qui m'ont précédé, je précise que je partage le second point de vue et que j'ai émis un avis défavorable à l'adoption des crédits en faveur de la culture, tout en reconnaissant un certain nombre de points positifs. Toutefois, la majorité des membres de la commission partageant le premier point de vue, la commission des affaires culturelles, a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Je dirai maintenant quelques mots sur la chance, mais aussi le défi, que représentent les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour la politique culturelle.

Ces nouvelles technologies modifient complètement les comportements d'offre et de demande culturelles. Certes, en eux-mêmes, le multimédia et les réseaux ne font pas la culture, pas plus que les autres vecteurs, livre ou disque


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inclus. Mais, pour toute politique culturelle qui cherche à concilier création et démocratisation, ces nouvelles technologies, qu'il s'agisse d'Internet ou des autres outils multimédias, sont des moyens qui permettent, de façon concomitante, un élargissement considérable du champ d'action et des publics, ainsi qu'une individualisation des apprentissages et des échanges, indivisualisation inimaginable auparavant.

Ces nouvelles technologies renouvellent profondément la problématique du « musée imaginaire » chère à André Malraux et, contrairement à certaines craintes, Internet et le cédérom incitent le public à se rendre dans les musées et autres lieux culturels. Le musée virtuel conduit au musée réel.

Dans le domaine du livre, par exemple, le passage à la technologie numérique et le développement des réseaux vont conduire à la remise en cause inévitable du principe du prix unique, principe qui pourra être détourné par des commandes à l'étranger ou par l'achat de livres numériques. Ces nouvelles technologies vont conduire aussi au bouleversement du fonctionnement des bibliothèques, pour un meilleur service en faveur des lecteurs et des chercheurs ; on peut le constater à la Bibliothèque nationale de France. Elles vont aussi conduire à une mutation du métier de libraire ou encore à la mise en concurrence - et c'est un sujet d'inquiétude - de notre système de protection et de rémunération de la propriété intellectuelle.

Dans le domaine du disque, un système de distribution et de vente de musique par voie électronique, qui aboutit à la dématérialisation du disque, se substitue progressivement au système de vente physique. Cette évolution est susceptible de mettre en péril la création si les mesures nécessaires ne sont pas prises, comme la préservation du droit exclusif d'autoriser des producteurs et la mise en place d'outils de propriété intellectuelle de nature à stimuler et à protéger la création et la production musicale.

M. Hervé de Charette.

Très juste !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

On peut donc se féliciter que le ministère de la culture ait déployé beaucoup d'efforts depuis 1994, et même depuis 1992, pour intégrer ces nouvelles technologies dans sa gestion interne et sa communication extérieure. Il est même le premier à avoir mis en ligne un site d'informat ion, lequel est très fréquenté, puisqu'il reçoit 300 000 visiteurs par mois.

La communication externe du ministère a été influencée positivement, et il a su commencer à transformer son action culturelle en prenant en compte ces nouveaux défis, par un soutien à la création des contenus multimédias et à la numérisation du patrimoine fort important que détient l'Etat, ainsi que par un effort visant à faciliter l'accès des citoyens aux nouvelles technologies culturelles de l'information.

Je voudrais, enfin, dire quelques mots sur la place et les missions actuelles du ministère de la culture. Si chacun s'accorde à reconnaître que l'Etat détient une mission culturelle qui ne peut être ni réduite ni déléguée, nombreux sont ceux qui considérent, à la suite des travaux de la commission de réflexion présidée par Jacques Rigaud, qui avait été mise en place par Philippe Douste-Blazy, que l'on doit procéder à une refondation de la politique culturelle. Cela passe nécessairement par la redéfinition du ministère de la culture, de ses structures et de ses modalités d'action. La restructuration des services centraux, dont il a été question, en septembre dernier, avec la création de nouvelles directions, pourrait donc s'accompagner d'une éventuelle extension de son champ de compétences, notamment aux enseignements artistiques qui souffrent, entre autres, d'une dispersion des moyens entre l'éducation nationale, la culture, la jeunesse et les sports.

M. Hervé de Charette.

Remarque excellente !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Par ailleurs, la dimension culturelle de l'action gouvernementale pourait être utilement renforcée et encouragée par la création d'un comité interministériel de l'action culturelle présidé par le Premier ministre, de façon à donner toute sa logique à l'action gouvernementale dans ce domaine.

En conclusion, la culture française doit répondre à une interrogation que l'on pourrait dire existentielle, et qui est tout à fait paradoxale. La question se pose : la mondialisation ne risque-t-elle pas de tuer une culture dont la vocation, pourtant, est universelle ? Face à ce risque, subsiste un espoir : pour peu qu'elles soient utilisées de la manière la plus positive, les nouvelles technologies peuvente servir le pluralisme culturel - les nouvelles de ces dernières heures, en ce qui concerne l'AMI, vont dans le bons sens - et offrent au monde entier, plus directement et plus largement que jamais, un pôle culturel virtuel de la France et de la francophonie. Ces nouvelles technologies constituent donc un important élément de répondre à cette question, mais ce pôle virtuel francophone, ne peut exister sans une refondation de notre politique culturelle et une redéfinition du ministère qui en est l'outil principal. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Herbillon.

Tout à fait !

M. Hervé de Charette.

Excellent rapport ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure de la mondialisation des échanges, du développement des technologies de l'information et de la communication, de l'explosion des connaissances, autant d'évolutions qui bouleversent les structures et le fonctionnement de nos sociétés, le rôle et la place de la culture représentent un enjeu politique, social et économique essentiel. Nul doute que chacun en est conscient dans cet hémicycle, comme vous-même, madame la ministre.

D'ailleurs, plusieurs des mesures que vous avez annoncées à l'occasion de l'examen de ce projet de budget me paraissent aller dans le bon sens. Je pense notamment aux décisions de déconcentration vers les directions régionales d'action culturelle, aux efforts en faveur du multimédia ou à l'aide apportée au spectacle vivant et aux pratiques culturelles nouvelles.

Toutefois, au-delà de ces mesures ponctuelles, je crains, madame la ministre, que votre projet de budget n'apparaisse comme décevant. Décevant parce que je suis convaincu que la politique culturelle se trouve aujourd'hui à un tournant, qu'elle doit trouver une nouvelle voie et se donner de nouveaux moyens d'action. Or votre budget, reflet de votre politique, est malheureusement d'un classicisme assez terne, pour ne pas dire d'un archaïsme préoccupant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Christian Cuvilliez.

Oh !

Mme Nicole Feidt.

Qu'est-ce que cette ineptie ?

M. Michel Herbillon.

Du coup, faute d'idées neuves, faute de parvenir à définir une politique ambitieuse préparant l'avenir, vous tentez de compenser les faiblesses de votre budget par une politique d'affichage. Les exemples abondent, mais il suffit de n'en prendre qu'un : le montant de vos crédits.

Certes, on ne peut que se satisfaire de l'augmentation de votre budget, mais vous cultivez l'effet d'annonce en vous référant à la hausse de 3,5 % de votre budget et à la promesse électorale du Premier ministre, lorsqu'il était candidat, d'atteindre le mythique 1 % du budget de l'Etat pour la culture.

M. Marcel Rogemont.

Ça vous gêne !

M. Christian Cuvilliez.

Que ne le fîtes-vous !

M. Michel Herbillon.

Vous êtes plus discrète en revanche, madame la ministre, lorsqu'il s'agit de dire ce qui en vérité se cache derrière l'affichage de ces chiffres : votre budget est tout simplement plombé par les budgets de fonctionnement des grands établissements issus des grands travaux.

M. Franck Dhersin.

Tout à fait !

M. Christian Cuvilliez.

Voilà la suite !

M. Michel Herbillon.

Ces budgets explosent et les subventions de fonctionnement absorbent désormais près de 20 % du budget total de votre ministère.

J'ajoute, comme l'ont dit mes collègues, que les seuls chiffres de votre budget ne retracent pas l'ensemble de la p olitique culturelle de notre pays. J'espère pouvoir compter sur vous, madame la ministre, pour qu'un document de synthèse retraçant l'ensemble des interventions budgétaires de l'Etat dans ce domaine nous soit transmis afin d'assurer une bonne information du Parlement et la transparence des finances publiques.

M. Franck Dhersin.

Très bien !

M. Michel Herbillon.

En tout état de cause, une politique culturelle ne saurait se résumer à des chiffres ; une politique culturelle ne saurait se limiter à une politique de distribution de subventions et de dotations, qui ne pourra d'ailleurs, quelle que soit la volonté des uns et des a utres, répondre au formidable développement des attentes culturelles des Français.

Alors que vous êtes ministre depuis plus d'un an, il est dommage, madame Trautmann, que vous n'ayez pas saisi l'occasion de la présentation de votre budget pour mener une réflexion plus fondamentale et pour vous interroger sur le rôle que l'Etat doit avoir en matière de politique culturelle ainsi que sur l'impérieuse nécessité qu'il y a à se montrer plus inventif s'agissant des moyens à mettre en oeuvre pour développer l'action culturelle dans notre pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Feidt.

C'est incroyable d'entendre ça !

M. Christian Cuvilliez.

Que ne le fîtes-vous !

M. Michel Herbillon.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où l'Etat, s'intéressant un peu à tout, assume mal ses missions traditionnelles. Votre projet de budget est malheureusement le reflet de cette réalité.

En matière de patrimoine par exemple, après un effort budgétaire louable mené l'an dernier, les crédits pour 1999 n'augmentent que de 2,7 %, soit moins que l'augmentation générale du budget. Les subventions d'investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques s'effondrent et diminuent de près de 25 %. L'essentiel de l'effort budgétaire, par ailleurs insuffisant, se limite aux travaux effectués par l'Etat sur ses propres monuments.

Ce choix est tout à fait regrettable car l'état actuel du patrimoine dans notre pays nécessiterait que le ministère de la culture fasse de ce sujet une véritable priorité de la politique culturelle. Est-il besoin de rappeler que, outre son rôle pour la préservation de la mémoire et de nos racines, le patrimoine rapporte beaucoup plus à notre pays, par l'attrait touristique qu'il représente, qu'il ne coûte en subventions et qu'il constitue, pour les mêmes raisons, un outil important d'aménagement du territoire et de rayonnement culturel ?

M. Christian Cuvilliez.

Que ne le fîtes-vous !

M. Michel Herbillon.

La même absence de volonté politique se retrouve en matière d'éducation artistique. Alors que vous entendez faire de la démocratisation de la culture un objectif de votre budget, objectif auquel j'adhère totalement,...

M. Pierre Carassus.

Ah, tout de même !

M. Michel Herbillon.

... vous ne donnez pas dans le même temps les moyens nécessaires au développement des enseignements artistiques, qui représentent pourtant le fondement d'un égal accès pour tous à la culture et qui favorisent la réussite scolaire.

M. Jean-Paul Bret.

C'est pour cette raison que vous prônez une réduction de la dépense publique !

M. Michel Herbillon.

Le budget global des enseignements artistiques est en quasi-stagnation : 38 millions de f rancs seulement de crédits supplémentaires sur l'ensemble du budget et à peine 1 % sur les crédits d'intervention.

M. Michel Meylan.

C'est la vérité !

M. Michel Herbillon.

Un tel constat n'est malheureusement que la traduction de l'absence de volonté d'appliquer la loi du 6 janvier 1988 sur les enseignements artistiques. Je le regrette car le développement de l'éducation artistique devrait être aujourd'hui au coeur des priorités de la politique culturelle dans notre pays, ainsi qu'en témoignent d'ailleurs les revendications actuelles des lycéens qui se prononcent majoritairement en faveur du développement de ces enseignements.

Ainsi, non seulement l'Etat n'assume pas aujourd'hui suffisamment ses missions traditionnelles,...

M. Hervé de Charette.

Oui !

M. Michel Herbillon.

... mais en outre une politique culturelle ne peut plus se satisfaire désormais des recettes classiques. Elle doit se montrer plus inventive pour favoriser le développement culturel.

Je crois qu'il serait temps, par exemple, non plus seulement de soutenir l'offre culturelle, mais de développer une véritable politique de soutien de la demande culturelle. Pourquoi, par exemple, ne prenez vous pas l'initiative de susciter la création d'un chèque culture pour les jeunes ? Je suis par ailleurs convaincu qu'il est grand temps d'engager une politique de défiscalisation en faveur du développement culturel. Je sais que cette mesure ne sera pas du goût de tous dans les rangs de votre majorité à l'heure où elle souhaite inclure dans le calcul de l'ISF les oeuvres et objets d'art, mesure qui, n'en doutons pas, ferait disparaître ce qui reste du marché de l'art français.


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Pour ma part, je suis certain qu'une baisse de la TVA sur les biens culturels serait un bon moyen de démocratiser la culture...

M. Marcel Rogemont.

Qui a augmenté la TVA ?

M. Michel Herbillon.

... et de favoriser la diffusion culturelle dans les milieux les plus modestes.

De même, la baisse de la TVA sur les travaux de restauration du patrimoine est une mesure que l'Etat devrait adopter rapidement. Non seulement la restauration de notre patrimoine s'en trouverait favorisée, mais, par ailleurs, cette mesure donnerait de nouvelles perspectives aux artisans d'art dans notre pays, rendant ainsi l'espoir à ces professions, à ces métiers d'art qui font partie de la richesse du patrimoine français et dont la situation est particulièrement préoccupante aujourd'hui. Enfin, je crois qu'il est plus que temps d'adopter une politique fiscale vraiment favorable au développement du mécénat privé, et notamment du mécénat individuel, qui est aujourd'hui totalement entravé et corseté dans notre pays.

M. Hervé de Charette.

Bien sûr !

M. Michel Herbillon.

Ce serait sans nul doute un moyen supplémentaire et efficace pour soutenir les créateurs et les artistes en France. Il ne s'agit pas, à mes yeux, dans cette affaire, de remplacer les aides à la création émanant de l'Etat, mais de les compléter en introduisant dans les circuits culturels de nouveaux acteurs et de nouvelles sources de financement.

Le développement du mécénat s'inscrirait par ailleurs dans une logique où l'Etat ne serait plus celui qui, à tout moment et sur tout sujet, donne le « la » en matière culturelle.

M. Franck Dhersin.

Tout à fait !

M. Michel Herbillon.

La culture est foisonnement. Les initiatives et les décideurs en matière culturelle sont multiples. Aussi, pourquoi ne vous engagez-vous pas davantage dans un mouvement de décentralisation de la politique culturelle ? L'influence et la part de décision des collectivités locales en matière de politique culturelle restent aujourd'hui insuffisantes au regard de la part que celles-ci assurent dans le financement de la culture. Il suffit d'observer le fonctionnement des fonds régionaux d'art contemporain pour s'en convaincre.

Je crois enfin que l'Etat devrait favoriser le développement des associations culturelles. Comme il existe dans le secteur des services un chèque dit emploi-service, pourquoi ne pas instaurer un dispositif de même nature pour simplifier et donc favoriser le développement de l'emploi d ans les associations culturelles, qui, bien souvent, hésitent à embaucher ?

M. le président.

Cheminez vers votre conclusion.

M. Michel Herbillon.

Je termine, monsieur le président.

Voilà quelques pistes indiquant ce que pourrait être une politique culturelle différente, une politique culturelle innovante, créative, où l'Etat assurerait son rôle, mais seulement son rôle, qui ne serait pas uniquement de distribuer des subventions, mais aussi, et surtout, de favoriser le développement culturel dans notre pays. Il est clair que ni votre budget ni les intentions que vous avez affichées en le présentant ne vont dans ce sens, madame la ministre. Vous n'avez pas pris suffisamment, me semblet-il, la dimension des enjeux de ce que devra être assurément la politique culturelle de demain.

Il faut reconnaître à votre décharge que vous êtes en butte aux funestes initiatives de votre majorité plurielle.

Deux événements d'une brûlante actualité en sont l'illusion flagrante : la volonté de votre majorité d'intégrer les oeuvres d'art dans le calcul de l'impôt sur la fortune et le souhait des député socialistes de supprimer la moitié des crédits consacrés au nouveau Musée des arts premiers.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ce n'est pas la volonté des socialistes, mais celle d'un seul député !

M. le président.

Monsieur Herbillon veuillez conclure !

M. Michel Herbillon.

J'ai terminé, monsieur le président ! Oui, en vérité, la politique culturelle de notre pays a besoin d'un nouveau souffle, d'un nouvel élan, de nouvelles initiatives. Ce n'est pas ce que vous nous proposez.

Aussi comprendrez-vous, madame la ministre, que le groupe Démocratie libérale n'approuve pas votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie francaise-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Madame la ministre, mes chers collègues, pour changer un peu, je parlerai de l'audiovisuel à la Réunion.

Entre les Réunionnais et l'audiovisuel, la relation est mouvementée, complexe mais constante. Dans les îles lointaines, en effet, c'est le mode le plus rapide, le moins onéreux et, finalement, le plus facile de s'assurer une ouverture sur le monde.

Dans une île où l'équipement audiovisuel est important et où le très fort taux de chômage fait, pour beaucoup, de la télévision un divertissement et un passe-temps peu coûteux, l'impact d'un tel outil est considérable.

Aussi l'arrivée de bouquets de chaînes, imminente depuis le dernier lancement réussi d'Ariane, doit-elle être considérée comme un événement majeur qui dépasse largement le registre de la prouesse technique. Le lancement de ce satellite va en effet modifier la situation qui a jusqu'ici prévalu dans l'audiovisuel de l'île, puisqu'une douzaine de chaînes de télévision vont succéder à un monopole public que l'arrivée de quelques télévisions privées avait à peine égratigné.

L'arrivée de ces nouvelles chaînes soulève d'abord la question de la diversité des images. La multiplication des chaînes n'est pas la garantie de cette diversité puisqu'il est constant que les mêmes images peuvent être reproduites quasiment à l'identique par de nombreuses chaînes. Sauf exception, seul un acte volontaire, appuyé sur un projet conscient, produit une offre d'images diversifiée. Cette volonté est plus nécessaire encore dans le contexte particulier de l'audiovisuel réunionnais, où les premiers pas vers un pluralisme politique remontent à une vingtaine d'années à peine et où l'arrivée plus récente de nouvelles chaînes à entraîné l'alignement de la télévision publique sur la logique commerciale.

C'est pourquoi nous demandons d'ores et déjà la diffusion intégrale et quotidienne de la chaîne de la connaissance formée par La Cinquième et Arte, dans les mêmes conditions qu'en France. La loi du marché ne peut régir seule le fonctionnement d'un système doté d'un tel pouvoir sur un si grand nombre. Une vraie réflexion s'impose si on veut éviter le nivellement et l'uniformisation des cultures et des pensées.

Deux mouvements doivent guider les choix : l'ouverture au monde, d'abord, mais aussi une attention plus grande portée à l'environnement immédiat. Autrement


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dit, l'arrivée des nouvelles chaînes doit permettre d'envisager une production orientée sur l'environnement local et régional et dont la diffusion pourrait dépasser les frontières de l'île. Ainsi éviterait-on la consommation passive des images, ainsi pourrait-on également modifier le transfert, qui obéit le plus souvent à la tradition de l'axe Nord-Sud. Cet aspect a été jusqu'à maintenant négligé à la Réunion, aussi bien par la télévision publique que par l a télévision privée, l'une et l'autre invoquant des contraintes techniques et des coûts élevés.

La place à accorder à la production locale est une préoccupation souvent affirmée mais peu suivie de réalisation. Face au flux toujours plus grand de programmes venus de l'extérieur, la question se pose désormais avec acuité.

Par ailleurs, au lieu d'attendre avec impatience ou avec angoisse l'arrivée massive des images, on peut sans plus tarder tirer parti de cette multiplication pour faire en sorte que l'audiovisuel joue un rôle important en matière d'éducation, notamment dans la lutte contre l'illettrisme, encore trop répandu à la Réunion.

De même, l'apprentissage des langues peut passer par la télévision, surtout si l'on souhaite instaurer des échanges avec les autres pays de l'océan Indien, que va desservir le satellite récemment lancé.

Plus généralement, ce bouquet de chaînes pose la question du rôle des nouvelles technologies de la communication dans le développement, et particulièrement dans celui des petits territoires insulaires. Ce n'est pas la consommation passive par le plus grand nombre d'images produites par une minorité, mais plutôt la possibilité pour chaque société de créer et d'échanger ces images, qui constitue une aide au développement. Notons que les obstacles traditionnels liés par exemple à l'éloignement ne jouent plus. Une entreprise réunionnaise a ainsi pu développer un savoir-faire reconnu dans le domaine de la production de dessins animés et est devenue en trois ans le plus grand studio européen d'animation.

L'audiovisuel peut aussi aider à une meilleure insertion de la Réunion dans son environnement géographique et faciliter ses relations avec ses voisins. Ce rapprochement ne peut avoir que des retombées positives sur le plan culturel comme sur le plan économique.

Le développement des nouvelles techniques de communication offre des perspectives immenses. Le monde des opérateurs va s'accroître de façon considérable dans les années futures. Et l'intégration à ces réseaux de communication constitue un puissant moyen de désenclavement pour notre île, à condition toutefois que nous soyons totalement partie prenante de cette évolution.

Nous comptons sur votre soutien, madame la ministre, pour y parvenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le simple constat comptable dressé par le rapporteur pour avis n'a pas suffi à emporter son adhésion. C'est vraiment dommage et étonnant.

Etonnant, car voilà qu'on se rapproche de nouveau du 1 % de la charge nette du budget de l'Etat pour le ministère de la culture ; on passerait ainsi de 0,95 % à 0,97 % en 1999. Certes, le périmètre de ce 1 % a été profondément modifié par le précédent gouvernement, avec comme conséquence, voulue peut-être, de brouiller les pistes et de tordre la réalité. Chacun serait fondé à recalculer ce que serait le 1 % d'hier avec le mode de calcul de l'ancienne majorité ; nous serions à 0,83 % en 1999.

Je dis bien « serions » car, pour compliquer le tout, le mode de calcul change encore en 1999. Pour une fois, ce n'est pas le numérateur, c'est-à-dire les dépenses culturelles qui changent et sont modifiées, mais le dénominateur, c'est-à-dire le budget de l'Etat, puisque près de 45 milliards sont rebudgétisés. Nous serons donc effectivement, en 1999, à 0,94 % de la charge nette du budget de l'Etat pour le ministère de la culture, ce qui rallonge le parcours vers le 1 %.

Décidément, la longue marche vers la récupération des 3,3 milliards de francs perdus par le ministère de la culture entre 1993 et 1997 est délicate à négocier, maise lle se poursuit. La succession de ces approches comptables ne masque pas la réalité d'une progression sensible. En 1999, c'est bien de 525 millions supplémentaires qu'il s'agit, après une augmentation de 550 millions en 1998 qui avait fait suite à une diminution de 575 millions en 1997. Nous devons vous en remercier, madame le ministre.

Ce rappel ne veut cependant pas réduire la culture au seul budget du ministère de la culture car, bien entendu, d'autres départements ministériels interviennent dans la culture, l'éducation nationale, par exemple, avec encore plus de milliards que celui-ci. Il est heureux, madame la ministre, que vous tissiez des relations étroites avec vos collègues du Gouvernement pour faire vivre la culture. Je pense aux apprentissages, aux pratiques artistiques, mais aussi à la formation du public, notamment en lien avec l'école, mais aussi avec les collectivités territoriales. Mais je sais que mes collègues présents ne peuvent se satisfaire de ce premier constat, aussi positif soit-il, n'est-ce pas, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

M. Marcel Rogemont.

Peut-on, en effet, réduire la culture à une approche purement globale, géographique ou comptable ? Non, bien sûr, car chacun sait que, derrière les nombres, il y a ou non une capacité supplémentaire de travailler le sens dans notre société.

C'est pourquoi je voudrais, en m'adressant à chacun, notamment à ceux qui sont les moins sensibles, voire les plus récalcitrants à la dépense culturelle, mettre en valeur des raisons supplémentaires de voter ce budget.

La première tient au contenu nouveau de la politique proposée.

Le politique revient sur le devant de la scène alors que le passé récent le cachait pour partie, sabrant les crédits dans l'impersonnalité d'obscurs bureaux de la rue de Valois, et peut-être même, et surtout, de Bercy, tellement l'absence de reconnaissance valait politique. Tant mieux, madame la ministre, si vous incarnez ce retour du politique.

Il faut reconstruire, ou plutôt retravailler les relations toujours difficiles, jamais définitives, entre public et culture.

M. Michel Herbillon.

Mais Bercy est toujours là !

M. Marcel Rogemont.

Public, lorsqu'il s'agit de redire, de réaffirmer le contenu du service public, pour la culture notamment.

Public, lorsqu'il s'agit de la personne, et d'abord, du public.


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Public, donc, comme service public.

Cela vaut pour la réorganisation des services centraux avec la fusion, désormais effective, du théâtre, de la musique et de la danse, d'une part, de l'architecture et du patrimoine, d'autre part.

Il sera intéressant d'évaluer l'intérêt des croisements proposés, qui visent à faire éclater certains cloisonnements.

Cela vaut ainsi pour la déconcentration. Celle-ci ne va d'ailleurs pas sans problèmes, comme en témoigne le mouvement des personnels.

Votre volonté nette et ferme en faveur de la déconcentration n'échappe à personne. Mais il est clair, et probablement aussi pour vous, qu'il y a un besoin réel de création de postes, notamment dû au fait que, dans le même temps, le Gouvernement propose de créer d'autres équipements culturels nécessaires.

Il est urgent aussi de prendre des mesures pour lutter contre la précarité par la transformation de crédits de vacataires en postes. Cette situation ne se retrouve probablement pas dans d'autres ministères, ces derniers n'ayant pas connu, comme la culture, ces dernières années, le phénomène du yoyo budgétaire, et j'aimerais connaître votre réponse sur ce point.

Mais cela vaut aussi pour les chartes de service public, qui redéfinissent les exigences de l'Etat et contractualisent avec les artistes et les collectivités territoriales pour mettre en oeuvre une politique pour la culture nouvelle, qui pourra désormais être évaluée car discutée et écrite ; elle sera du même coup mieux comprise.

Certes, on n'invente rien de bien sensationnel car, avec des bonheurs différents, des équipes ont déjà intégré sur le terrain le paramètre du public le plus large possible, l'équilibre entre création contemporaine et non contemporaine, la nécessité d'un service éducatif nourrissant une relation avec l'école. Mais il n'en demeure pas moins que la charte permet de définir une grammaire entre les différents partenaires et donc une lisibilité plus forte des objectifs collectifs définis par l'Etat, les collectivités territoriales et les autres financeurs, objectifs auxquels les équipes concourent.

Cela vaut encore par l'affirmation forte de la place de l'artiste dans la société, élément important de votre action. Relation à travailler sans relâche pour maintenir une confiance fructueuse.

Et puisque je parle des artistes, permettez-moi une digression sur les droits d'auteur. Des inquiétudes existent quant à la perennité du système de perception actuel des droits d'auteur, renforcée par l'opacité de la gestion des structures. J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point : quel est l'avenir des droits d'auteur ? Quelles actions seront menées pour la transparence ? Je mentionne également l'inquiétude compréhensible de nombreux artistes, qui voient arriver la date limite, fixée au 31 décembre 1998, du énième report demandé à l'UNEDIC pour déterminer un régime pour les intermittents du spectacle. Peut-on espérer une issue favorable définitive, une issue prenant en compte l'intermittence ? Je me réjouis aussi de l'action que vous souhaitez développer à l'adresse de l'écriture contemporaine, musicale ou théâtrale, notamment. Il conviendra, comme vous en avez d'ailleurs l'intention, de demander aux principaux équipements de faire des efforts pour promouvoir la création contemporaine, afin que celle-ci soit variée, et pas seulement pour favoriser le travail des créateurs, qui sont souvent laissés pour compte.

Reste que le budget proposé prévoit un soutien nettement dirigé vers la création, avec 110 millions de francs de mesures nouvelles rien qu'en prenant en compte les subventions aux acteurs de la culture.

Bref, vous nous proposez un service public fort avec des ambitions renouvelées.

Mais le mot même de « public » renvoie à la personne, à l'ensemble des personnes qui constituent notre société, qui sont « le public ».

Le budget parle de démocratisation et évoque la rencontre, toujours à nourrir, de l'art avec l'ensemble des familles, notamment les plus modestes. Pourquoi oublier, à ce propos, la loi contre l'exclusion, qui consacrait cette impérieuse nécessité, et le fait que notre collègue Hélène Mignon ait appelé de ses voeux des tarifications adaptées aux plus démunis ? Voilà que, plus encore, on ne s'adresse plus seulement aux seules personnes qualifiées, mais au plus grand nombre. C'est une révolution tranquille qui s'affirme et que vous menez.

Elle s'affirme d'autant plus que la personne n'est pas seulement « public » mais aussi « pratiquante », « participante » d'une culture qu'elle veut sienne.

Bref, le chemin de la culture n'est pas seulement celui de la délectation, il est aussi celui de l'apprentissage, de la pratique. Apprentissage possible, pratique possible pour le plus grand nombre : voilà un objectif ambitieux ! Nous voyons dans ce projet de budget nombre d'actions qui donnent corps à cet objectif essentiel d'une politique pour la culture.

Prenons l'exemple des musiques actuelles. Les jeunes nous disent par leur pratique qu'ils veulent aussi des relations directes, non médiatisées par le solfège, avec la musique, leur musique.

Un rapport a été déposé, une ambition a été affirmée, le budget a été très fortement augmenté.

Ainsi affirme-t-on la nécessité d'une approche diversifiée de l'art et de l'artistique. Bref, on développe une pédagogie de l'art comme une diversité et non plus comme un droit canon.

D'autres raisons viennent conforter ce regard sur le budget proposé pour la culture, ou plutôt pour le ministère de la culture. S'agissant du patrimoine, j'entends ici et là parler de relâchement.

M. Michel Herbillon.

C'est vrai, hélas !

M. Marcel Rogemont.

Curieux relâchement lorsque nous constatons une progression de 42,5 % en deux ans.

Elle montre, à ceux qui se piquent bien souvent de conservation, pour ne pas dire autre chose, et qui s'apprêtaient à saccager, à force de diminutions de crédits, un élément indispensable de la pérennité de notre culture, qu'une politique de gauche pour la culture intègre le passé.

M. Michel Herbillon.

Comment peut-on dire de telles choses !

M. Jean-Paul Bret.

Il fallait le dire !

M. Bruno Bourg-Broc.

Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Marcel Rogemont.

Saluons cette progression forte pour une préoccupation forte ! Je rappelle que 1 million de francs investi par l'Etat pour le patrimoine génère trois emplois : la préservation du patrimoine va donc aussi de pair avec la préservation de l'emploi.


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Par ailleurs, j'apprécie, comme beaucoup ici, la mission donnée à trois personnes de réfléchir à l'organisation de l'archéologie, suspendant provisoirement l'élaboration du projet de loi. Mais il est clair que nous devons rester vigilants pour trouver une solution équilibrée entre la nécessaire fonction à assumer par rapport à notre pays et l'organisation probablement à revoir d'une profession.

M. Hervé de Charette.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Voilà les raisons qui, je l'espère, parmi d'autres bien entendu, emporteront votre adhésion, surtout si chacun des députés veut bien dépasser ses passions, sa personne, pour comprendre que la culture nous concerne, certes nous ici, mais aussi les autres, qui sont 100 000 fois plus nombreux que nous.

M. le président.

Vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur le député !

M. Marcel Rogemont.

Permettez-moi aussi de rappeler qu'au moment où l'on parle de la France comme adhérant à la charte des langues régionales, il n'est pas anodin de relever que la délégation à la langue française voit une progression sensible, même s'il ne s'agit que de quelques millions. Cela permettra à votre ministère de soutenir les langues régionales.

Telles sont les raisons qui me poussent à proposer, au nom du groupe socialiste, d'adopter le projet de budget présenté par Mme Trautmann, ministre de la culture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Hervé de Charette.

Madame la ministre, je suis sûr que vous mesurez chaque jour l'honneur qui vous a été fait par le Premier ministre lorsqu'il vous a chargée d'être le ministre de la culture d'un pays qui, comme vous le savez, a la réputation justifiée d'occuper le premier rang au monde dans le domaine des arts.

Si je monte moi-même à cette tribune et si j'attache tant de prix à être désigné chaque année par le groupe UDF comme son porte-parole pour le budget de la culture, c'est que je crois, comme vous, que la mission culturelle de l'Etat est la plus belle et la plus haute qui se puisse concevoir. Je rêve d'ailleurs qu'advienne le jour où nos débats sur l'action culturelle de l'Etat auront définit ivement abandonné les oripeaux de l'affrontement droite-gauche.

M. Christian Cuvilliez.

Allons bon !

M. Hervé de Charette.

Rien ne m'a jamais paru plus désuet, plus creux et plus navrant que cette façon qu'a une certaine gauche de penser qu'elle détiendrait je ne sais quel magister culturel. Il n'y a qu'une seule attitude qui vaille : celle qu'inspire l'amour du beau, le respect de l'artiste et l'ouverture la plus large à toutes les sensibilités et toutes les formes d'expression, le seul critère étant l'exigence de la qualité.

De la même façon, je suis choqué lorsque, dans telle instance régionale que je ne nommerai pas, le Front national prétend juger du beau et du vrai,...

M. Jean-Paul Bret.

Très juste !

M. Hervé de Charette.

... de ce qui est subventionnable et de ce qui ne l'est pas en fonction des jugements émis à son égard par des hommes de culture.

M. Jean-Paul Bret.

Très bien !

M. Christian Cuvilliez.

Il faut le dire et le répéter ! On ne le fera jamais assez !

M. Hervé de Charette.

Il ne faut pas politiser la culture ! Après tant de débats inutiles et parfois destructeurs à ce propos au cours des trente ou quarante dernières années, il est temps que nous nous accordions sur un principe laïc simple : celui de la neutralité de l'Etat en matière culturelle ; une neutralité active qui s'emploie à aider chacun à avoir un accès égal à la culture et à aider le monde des arts dans le respect de la liberté des artistes.

Puis-je vous suggérer au passage, madame la ministre, à titre de contribution à la revalorisation de nos débats à propos de la culture, de renoncer à un certain jargon où seuls les habitués peuvent se retrouver. Dans votre présentation devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, que j'ai lue avec beaucoup d'intérêt, j'ai noté que vous vouliez « refonder un grand service public de la culture ».

M. Jean-Paul Bret.

Ce n'est pas un jargon !

M. Hervé de Charette.

Diable ! Il n'existait donc pas ! J'ai noté aussi que vous vouliez « encourager l'acte de culture ». Voilà encore, sans doute, une catégorie kantienne ! Enfin, vous entendez favoriser « l'appropriation citoyenne de notre patrimoine ». Bigre ! On pourrait sans doute, vous en conviendrez, parler une langue plus pure.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

La pureté est dangereuse !

M. Hervé de Charette.

Mais soit ! Pour l'examen des crédits de votre ministère, je vais donc retenir ces trois chapitres.

Vous souhaitez, en premier lieu, un service public fort et efficace. Il n'y a rien à dire à cela. Il n'était sans doute pas nécessaire de prétendre « restaurer la crédibilité de ce département ministériel » et « remotiver ses agents » - ce sont vos mots. Le ministère de la culture, permettez-moi de vous le dire, existait avant vous et tout laisse à penser qu'il survivra à votre passage. Il ne vous a pas attendu pour être crédible ni ses agents pour être motivés. De telles affirmations, inutiles et blessantes pour vos prédécesseurs, ne peuvent que ruiner votre propre crédit.

C'est déjà bien assez que vous ayez la légitime ambition de bien diriger votre administration, ce que je trouve très bien.

Personnellement, je ne vous critiquerai pas sur la réorganisation de votre administration centrale. C'est votre responsabilité et je comprends fort bien les motifs qui vous ont guidé. L'expérience nous dira si vous avez bien fait. Ce sont les résultats qui trancheront le débat. Je voudrais simplement, au passage, m'associer aux préoccupations qui ont été exprimées par ceux qui m'ont précédé à cette tribune à propos de la situation des vacataires de votre ministère.

De même, j'approuve votre attention de déconcentrer une part accrue de vos crédits. Peut-être jugerez-vous utile de tenir le Parlement informé du contenu concret de cette déconcentration...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Absolument !

M. Hervé de Charette.

... à propos de laquelle vous êtes restée évasive. Mais l'objectif est positif.

Nous approuvons également votre intention de rééquilibrer ou de contribuer à rééquilibrer les actions et les crédits de votre ministère entre Paris, qui en absorbe l'essentiel, et la province, toujours tenue à la portion congrue. A cet égard, votre engagement à faire des prochains contrats de plan Etat-régions un instrument au service de cet objectif politique rencontre notre assenti-


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ment. Vous vous doutez que vous serez, à cet égard, observée de près au cours de l'année qui vient. Mais pour l'instant, en dépit des annonces faites l'année dernière, rien n'a changé.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Si !

M. Hervé de Charette.

Je peux donc - hélas ! - répéter ce que je disais en 1997 à cette même tribune : les grandes capitales régionales sont généralement sous-équipées ; les villes petites et moyennes sont négligées, tandis que le monde rural est totalement ignoré.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Pas du tout !

M. Hervé de Charette.

Vous n'êtes pas la seule à avoir laissé cette situation en l'état ! Vos prédécesseurs aussi ! Je plaide en particulier pour le monde rural parce que je le connais et parce que je sais qu'il aspire de plus en plus à une véritable politique de la culture en milieu rural.

Enfin, nous ne pouvons que nous réjouir de constater que votre budget augmente à un rythme plus élevé que la moyenne. Nous vous en donnons acte bien volontiers.

Il n'en demeure pas moins que, depuis quinze ans, je n'ai jamais entendu un ministre de la culture parler de décentralisation. Plus que jamais, pourtant, alors que les villes, les départements et les régions s'investissent de plus en plus en matière culturelle, il deviendrait utile, voire indispensable, de remettre à plat le partage des responsabilités culturelles entre l'Etat et les différents échelons de collectivités locales.

M. Michel Herbillon.

Tout à fait !

M. Hervé de Charette.

Mais, comme toujours, l'Etat p as simplement vous-même, madame la ministre, l'ensemble du système - ne veut renoncer à rien. Il prétend tout diriger et votre gouvernement, qui n'est pas le moins centralisateur qu'on ait connu depuis vingtcinq ans, entend désormais dicter aux collectivités l'usage qu'elles doivent faire de leurs ressources, ce qui est tout de même un comble. Ce n'est donc pas, je le crains, avec vous que nous aurons ce grand projet de partage des responsabilités culturelles entre Paris et la province que j'appelle de mes voeux.

Votre deuxième objectif, l'axe essentiel de votre action, avez-vous dit, c'est votre volonté de concilier le soutien à la création et le développement de la pratique culturelle.

C'est bien ainsi. Le monde de la création a besoin de sentir que l'Etat est présent autant qu'il le peut. Naturellement, ce que vous ferez en faveur des musiques dites

« actuelles » et des arts de la rue doit être approuvé pourvu que cela ne se fasse pas aux dépens des formes plus classiques de l'expression artistique.

Je souhaite que votre action en faveur de la création se fasse sur le terrain, au plus près des réalités humaines et sociales, en partenariat actif avec les initiatives locales. Je souhaite également que les grandes structures permanentes, souvent parisiennes, ne consomment pas une part excessive de vos crédits et qu'elles soient encouragées à t rouver d'autres financements que les financements d'Etat.

Nous souhaitons que les lois sur le mécénat soient revues, afin que celui-ci bénéficie d'une législation fiscale plus incitative. Tout le monde y gagnerait et, au surplus, l a liberté de la création artistique s'en trouverait renforcée.

M. Michel Herbillon.

Absolument !

M. Hervé de Charette.

Quant à la diffusion culturelle, peut-on encore, sans risquer de lasser, évoquer ici l'incroyable faiblesse de l'enseignement artistique français, largement ignoré de l'Etat qui n'y consacre que des crédits modestes et si souvent laissé à la bonne volonté des élus locaux ?

M. Michel Herbillon.

Absolument !

M. Hervé de Charette.

Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner du faible niveau de formation et de préparation de notre jeunesse à la connaissance des arts. Tout le monde en parle, mais personne n'agit et je crains qu'il ne soit pas né celui qui attachera son nom à l'éveil et à la formation artistique dans les écoles, les collèges et les lycées.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est pourtant essentiel !

M. Hervé de Charette.

Une fois de plus, les crédits destinés à l'enseignement artistique dans votre ministère, qui n'en sont qu'une partie je le sais bien, resteront à un faible niveau. Cette quasi-stagnation ne correspond pas aux immenses besoins et ne permettra pas d'atteindre, madame, l'objectif que vous évoquez de démocratisation de la culture, que je reconnais volontiers comme un bon objectif.

J'en viens à votre dernier objectif, qui concerne le patrimoine. Dans ce domaine, la mission des collectivités publiques est fondamentale. C'est probablement l'un des secteurs où devrait s'organiser ce partage des responsabilités entre l'Etat et les régions, l'objectif devant être de donner une impulsion forte à une politique nouvelle destinée non seulement à restaurer notre formidable patrimoine, mais aussi à lui faire jouer un rôle en harmonie avec la société d'aujourd'hui. C'est bien, en effet, de restaurer un monument, encore faut-il que ce soit pour lui donner une fonction utile dans le monde d'aujourd'hui.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Et qui permette de l'entretenir !

M. Hervé de Charette.

Nous avons bien noté que le projet budget pour 1999 maintient avec une légère progression l'action en faveur du patrimoine et nous vous en sommes reconnaissants. Mais, en même temps, nous constatons que cette progression se fait principalement au profit des monuments appartenant à l'Etat. C'est d'autant plus surprenant que vous aviez agi différemment l'année dernière. Peut-être allez-vous nous expliquer les raisons de cette inflexion regrettable ! Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous indiquiez dans votre intervention, d'une part, le montant des crédits qui seront consacrés à la restauration du Grand Palais et le programme que vous avez fixé et, d'autre part, le montant global des crédits consacrés au centre GeorgesPompidou pour l'ensemble de sa restauration. Le sentiment général, en effet, est qu'en réalité la restauration de ces deux monuments parisiens a été et sera inexorablement financée aux dépens des crédits déconcentrés.

M. Michel Herbillon.

Eh oui !

M. Hervé de Charette.

Pour conclure, je voudrais aborder deux questions.

D'abord, madame la ministre, confirmez-nous que la taxation des oeuvres d'art à l'impôt sur la fortune est belle et bien abandonnée et qu'il n'y a pas de risque que ce funeste projet socialiste revienne à la surface au cours des phases ultérieures du débat budgétaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Christian Cuvilliez.

Vous aviez des craintes ?

M. Hervé de Charette.

Ensuite, laissez-moi évoquer le projet, dû au Président de la République, d'un Musée des arts premiers.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah !

M. Hervé de Charette.

Nous soutenons vivement ce projet pour de très nombreuses raisons.

M. Michel Herbillon.

Tout à fait !

M. Hervé de Charette.

En particulier, il faut être reconnaissant au Président de la République d'avoir mis en évidence l'insuffisante mise en valeur d'un patrimoine dont la valeur artistique,...

M. Christian Cuvilliez.

Ne touchez pas au Musée de la marine !

M. Hervé de Charette.

... généralement méconnue, est très souvent éblouissante.

M. Jean-Paul Bret.

Tout à fait !

M. Hervé de Charette.

C'est aussi un acte de respect envers des civilisations que notre culture traditionnelle a tendance à négliger ou à sous-évaluer, quand ce n'est pas tout simplement à mépriser. Notre nation s'honorera en les honorant comme elles le méritent. J'ai été le témoin, en de nombreuses circonstances, que cette décision du Président de la République valait à notre pays un surcroît d'estime dans le monde. C'est pourquoi j'espère que le Gouvernement, vous-même, soutiendra ce projet avec énergie. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir préciser à la représentation nationale le montant de cette opération, le calendrier de sa réalisation et les modalités de sa mise en oeuvre.

Pour les raisons que je viens d'évoquer et en dépit des éléments positifs que comporte ce budget le groupe UDF ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Marcel Rogemont.

Vous n'êtes pas pour les arts premiers alors !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Je ne sais pas, monsieur de Charrette, si Mme la ministre chaque matin, devant sa glace, prend un peu plus conscience de l'importance de la mission qui lui a été confiée. Ce que je sais, c'est qu'elle a eu des prédécesseurs et qu'elle aura des successeurs, comme chacun d'entre nous d'ailleurs. Sa modestie est reconnue, nul ne peut la mettre en doute.

Après la discussion, l'an passé, d'un budget qualifié à juste titre de budget de reconstruction, nous entrons cette année dans le vif du sujet des priorités gouvernementales en matière de démocratisation culturelle. Le projet de budget de la culture pour 1999 confirme le renversement de tendance initié en 1998. En augmentation de près de 3,5 %, il se chiffre au total à un peu plus de 15,5 milliards de francs. Ce montant représente environ 0,85 % du budget total à périmètre constant depuis 1994. Le p ourcentage affiché de 0,97 % n'est atteint qu'en incluant, dans le budget de la culture, les crédits relatifs à l'architecture auparavant rattachés au ministère de l'équipement.

L'an passé, madame la ministre, vous aviez chiffré les coupes claires effectuées depuis 1993 à plus de trois milliards de francs, soit 20 % du budget total. L'effort de rattrapage qui est poursuivi cette année avec 525 millions de francs de crédits supplémentaire ne permet pas encore de combler les pertes enregistrées entre 1993 et 1997.

Cependant, les augmentations comparables de ce budget en 1998 et en 1999 recouvrent des réalités et des objectifs bien différents.

L'an passé, l'essentiel de l'effort avait été absorbé par la restauration et la conservation du patrimoine monumental du fait de l'abandon, arbitrairement décidé par la droite en 1997, de l'étalement sur trois ans de la loi de programmation sur le patrimoine. Les relatives marges de m anoeuvre retrouvées cette année permettent, après l'effort de reconstruction, de commencer à concrétiser les réformes avec des crédits d'intervention qui augmentent de 3,6 %. Ces nouveaux moyens vous permettent d'afficher deux priorités essentielles que, vous le savez, madame la ministre, je partage complètement : le soutien à l'innovation artistique et la démocratisation des pratiques culturelles.

En matière d'accès à la culture, on peut notamment se réjouir de la hausse sensible - 110 millions de francs des crédits en faveur de toute les disciplines du spectacle vivant. Le groupe communiste partage également votre volonté de sortir de l'opposition stérile et bien souvent artificielle, même si elle est savamment entretenue, entre création et démocratisation, notamment au travers de l'application de la charte du service public du spectacle vivant.

Enfin, la bonne exécution du budget de 1998, après les annulations massives de crédits de paiement effectuées entre 1993 et 1997, est de nature à restaurer le crédit de l'Etat comme partenaire financier des collectivités locales.

Il faut rappeler ici que le budget dont nous discutons ne représente qu'un peu moins de 20 % de l'effort de la nation en faveur de la culture contre près de 66 % pour les collectivités locales. A ce propos, je souhaiterais que Mme la ministre se prononce sur la proposition que nous formulons de création d'une structure rassemblant élus locaux, représentants de l'Etat, professionnels et personnes qualifiées sur le modèle du centre national de la ville en matière de politique de la ville. Cet exemple a fait ses preuves en favorisant l'échange d'expérience entre villes et en permettant de mieux articuler les politiques de l'Etat et des collectivités. Cet outil, qui serait un atout pour accompagner la déconcentration en cours, fait jusqu'ici cruellement défaut en matière culturelle. Cette structure pourrait être un très bon observatoire des situations diverses que nous connaissons. Elle permettrait d'évaluer les effets des expériences innovantes visant à diversifier les publics, et la culture jouerait ainsi pleinement son rôle dans la politique de la ville. J'en veux pour preuve des expériences comme celle que je connais personnellement à Saint-Denis avec le théâtre Gérard-Philipe. Cette structure permettrait tout autant d'anticiper les situations dramatiques de certaines structures comme l'Artchipel, scène nationale de la Guadeloupe, aujourd'hui en danger de mort et dont les personnels attendent les moyens leur permettant d'assurer l'indispensable mission de service culturel dans leur région.

Je voudrais maintenant aborder le point d'achoppement, je dirai même la contradiction majeure de votre budget, à savoir la non-création d'emplois. L'augmentation des crédits d'intervention et l'expansion des missions s'accompagneront, en effet, d'un gel des emplois publics.

Ce gel est d'autant moins acceptable qu'il relève en grande partie de l'affichage et d'une concession faite, à mes yeux, aux tenants du libéralisme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Michel Herbillon.

M. Braouezec est du même avis que moi !

M. Patrick Braouezec.

La difficulté n'est en effet pas financière puisque des crédits nouveaux sont ouverts pour les vacations.

Vous le savez, votre ministère est un des plus frappés par la précarité de l'emploi. Le nombre de vacataires employés depuis plus de dix mois s'élève à 1 200, sans compter ceux de l'architecture ou ceux employés par des associations auprès des DRAC. On peut ainsi évaluer à près d'un emploi sur cinq la part des emplois précaires.

Les mesures annoncées, notamment la stabilisation de 379 agents au moyen de contrats sur le budget des établissements, apparaissent très insuffisantes.

Je vous invite donc ardemment, madame la ministre, à amender votre budget dans un sens que les rigueurs du parlementarisme rationalisé par l'article 40 de la Constitution interdisent aux députés mais permettent aux ministres. Il est en effet souhaitable d'opérer un transfert de crédits de la ligne des rémunérations principales, afin de transformer des postes vacataires en emplois de titulaires.

Il s'agit de donner, dès cette année, un signe fort de votre volonté de résorber l'emploi précaire au sein de votre ministère. Au-delà, il vous incombre de renouer le débat social pour travailler en collaboration avec le ministère des finances à un plan pluriannuel en la matière. Il importe d'ouvrir cette perspective mobilisatrice aux personnels du ministère. Il en va de leur intérêt mais aussi de la réalisation de ce qui constitue le coeur de votre action : la restauration du service public de la culture.

Or il n'y aura pas de restauration du service public sans emplois publics stables. Il est nécessaire, si vous me permettez l'expression, de « titulariser votre budget » (Sourires) pour sortir vos crédits de la précarité.

M. Christian Cuvilliez.

Belle formule ! C'est une bonne idée !

M. Patrick Braouezec.

Les personnels, avec lesquels vous partagez de nombreux constats, madame la ministre, sont vos alliés objectifs dans cette bataille.

Toute l'action et toutes les propositions du groupe communiste sont tendues vers un seul but : vous aider à retrouver une marge de manoeuvre salutaire pour le public et pour la création.

Il vous appartient de populariser cette priorité par l'avènement d'une culture de loisir et le passage aux 35 heures.

Le soutien et la mobilisation des personnels, des créateurs et du public sont seuls de nature à sortir les crédits budgétaires de leur précarité. Il vous incombe en effet de mieux faire apparaître la légitimité de vos dépenses pour obtenir leur soutien dans les arbitrages financiers qui ne manqueront pas de surgir, car vos crédits, trop souvent considérés comme somptuaires et improductifs, sont traditionnellement les victimes désignées de ces arbitrages.

Nous attendons donc de votre part, madame la ministre, un geste fort en direction des personnels pour réduire la contradiction entre l'expansion des missions de votre ministère et le gel des emplois publics. Je ne doute pas que vos réponses permettront au groupe communiste de voter ce budget sans état d'âme, dans un esprit de confiance et d'encouragement pour la tâche difficile qu'il nous reste à accomplir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Baroin.

M. François Baroin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai beaucoup apprécié l'intervention d'Hervé de Charette qui a mis le doigt sur plusieurs aspects de ce budget que je tenais également à souligner au nom du groupe RPR.

Certes, madame la ministre, l'augmentation de votre budget témoigne de votre volonté, que vous avez dû manifester personnellement, lors des arbitrages, afin d'obtenir 525 millions de francs supplémentaires. Néanmoins, le flou, l'absence de vision et l'incapacité pour l'Etat, une fois encore, d'atteindre le 1 % symbolique du budget...

M. Christian Cuvilliez.

Que ne le fîtes-vous !

M. Hervé de Charette.

Les socialistes avaient même fixé 1,5 % !

M. François Baroin.

... fait que votre budget ne donne pas une impression de très grande clarté. Le rapporteur pour avis, M. Martin-Lalande, a parlé d'« errements de la nomenclature budgétaire ». Je parlerais plutôt d'absence de visibilité et de vision.

Reconnaissons qu'il devient très difficile, d'année en année, de s'y retrouver dans les modalités de répartition entre chapitres, dans les transferts, etc.

M. Hervé de Charette.

Très juste !

M. François Baroin.

La tendance à rapprocher les crédits dans de vastes chapitres de synthèse ajoute à la c onfusion. Et plus personne n'y retrouve rien, et Descartes certainement pas les siens. Au final, je ne suis pas sûr que les principaux acteurs du domaine culturel soient les principaux bénéficiaires de ces crédits, en dehors de la logique d'Etat, que je soutiens pour avoir participé aux travaux de la commission Rigaud - au sein de laquelle vous avez également pu donner votre point de vue, en tant qu'élue locale.

Il n'en reste pas moins que certaines orientations sont insuffisantes et d'autres préoccupantes.

Par exemple, les moyens de fonctionnement sont en recul. Compte tenu de la nécessité impérieuse pour le ministère de s'équiper en informatique et de développer les nouvelles technologies de l'information et de la communication, on peut s'interroger sur le caractère presque dérisoire de la diminution de près de 9 % du chapitre qui lui est consacré. D'autres collègues l'ont d'ailleurs fait avant moi. Le manque d'adaptation et le manque de réaction à l'évolution de certaines tendances de société traduisent l'incapacité du ministère de la culture, dans sa globalité, à proposer une impulsion générale.

S'agissant de la réorganisation de votre grande direction, je serai tenté, comme Hervé de Charette, de dire que c'est sur les faits et sur les actes que nous pourrons juger de son bien-fondé. Je m'interroge néanmoins sur son efficacité. Et puis, madame la ministre, ne craignezvous pas de créer ainsi un nouveau pouvoir sans établir de réel contre-pouvoir ? Vous pourrez m'apporter une réponse politique, mais je ne suis pas certain qu'on s'y retrouve à terme. Cela étant, vous êtes responsable de cette réorganisation et il vous appartiendra de faire le bilan régulièrement.

Venons-en à la déconcentration des moyens, qui nous fait entrer dans la logique de décentralisation. En tant qu'élus locaux, en tant que législateurs, nous y sommes favorables et nous appelons de nos voeux une meilleure répartition des crédits. Sans les collectivités locales d'ail-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

leurs, notre collègue Braouezec l'a fait remarquer lui aussi, la politique culturelle ne serait pas aussi dynamique.

Oui à la déconcentration, donc. Mais comment ne pas déplorer la carence des moyens financiers mis en place ? Les DRAC, avec leurs nouvelles compétences, pourrontils assumer leurs nouvelles responsabilités ? Même motif, même punition : on délèguera davantage de compétences sans accorder davantage de moyens financiers ; finalement, les impôts locaux augmenteront et nous n'y gagnerons pas grand chose. Je ne suis pas convaincu en effet que les DRAC pourront parfaitement assumer leurs nouvelles responsabilités avec la ligne budgétaire que vous leur avez allouée. Certain de vos amis politiques - j'ai lu leurs préoccupations dans la presse ont d'ailleurs eux aussi souligné le manque de lisibilité de l'action et des choix effectués en matière de gestion régionale.

D'une manière générale, on a un peu l'impression, madame la ministre, que vous sacrifiez à l'air du temps et à la culture de l'immédiateté des pans entiers de nos acquis culturels, et que seule la culture à la mode trouve grâce à vos yeux.

Ainsi peut-on regretter - comme d'autres l'ont fait avant moi - le net ralentissement de l'effort en matière d'éducation artistique et de formation. Mon collègue Bourg-Broc vous posera une question précise sur ce sujet.

Car nous avons besoin de clarté.

De même, les crédits du patrimoine sont en quasistagnation. On pourrait ergoter sur le passé. Néanmoins, il s'agit du patrimoine et il conviendrait de faire preuve en la matière d'une volonté marquée. Ne mettre en avant que le gel des crédits de la période 1996 est insuffisant pour justifier l'absence de politique de développement et la faiblesse du budget dit « d'acquisition » destiné à conserver à la France nos trésors nationaux.

Il est nécessaire de définir une politique sérieuse de préservation et de promotion du patrimoine national, de soutenir la création et les artistes, en étudiant, par exemple, l'ensemble de leurs préoccupations financières. Il devient urgent de nous tourner vers les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Là encore, les propositions de votre budget sont très nettement insuffisantes.

Il convient aussi de moderniser, de favoriser le rayonnement culturel de nos artistes, et de la France par un soutien aux expositions et aux musées. A cet égard, je rejoins ce qu'a dit avec expérience et justesse Hervé de Charette : comment ne pas trouver déplacée la proposition - qui vient de vos bancs - de diminuer les crédits alloués à l'édification du Musée des arts premiers ? Comme vous le savez, madame la ministre, ce musée a été voulu par le Président de la République qui prouve par là son attachement à la culture et à toutes les formes de culture. Ce serait le moyen de restaurer - et je parle sous le contrôle de l'ancien ministre des affaires étrangères - un dialogue très profond avec les autres peuples, en particulier avec le tiers monde, en accord avec la mission et le caractère messianique de notre pays. J'ose espérer, madame, que non seulement vous récuserez d'un revers de main cette proposition, mais qu'ensuite vous nous expliquerez quels sont les crédits alloués, quel est le calendrier prévu et la manière dont vous voyez les choses.

Je pourrais évoquer aussi la réforme de l'architecture.

Je n'en conteste pas le bien-fondé, mais je regrette que l'Etat ait pu décider, en particulier s'agissant des attributions des nouvelles écoles nationales d'architecture, sans qu'il y ait eu concertation et sans prendre en considération les efforts faits par les collectivités locales.

Je souhaite naturellement que l'Etat respecte sa parole.

Vous savez que les décisions des CIAT, concrétisées dans l es fascicules budgétaires, doivent s'accompagner de contreparties et de négociations. Or on les attend toujours.

Madame la ministre, votre budget navigue entre une certaine opacité et des effets de mode, il saupoudre des aides, abandonnant au passage une vision globale et générale de notre patrimoine.

Je serais tenté de dire que l'on a moins envie de critiquer votre budget pour ce qui s'y trouve que pour ce qui ne s'y trouve pas - et qui est malheureusement beaucoup plus important. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR, souhaitant faire de l'action culturelle un outil de renforcement de la cohésion sociale et de rayonnement de notre pays, ne votera pas votre budget.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Le projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre, connaît une hausse non négligeable de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998. Il se caractérise par 525 millions de francs de mesures nouvelles, destinées à dynamiser notre politique culturelle pour répondre aux attentes exprimées par les professionnels et nos concitoyens.

La culture devient donc un budget prioritaire pour le Gouvernement, même si nous constatons que la promesse d'y consacrer 1 % du budget de la nation n'est pas encore tenue.

Les députés du Mouvement des citoyens considèrent que cet engagement du Premier ministre, Lionel Jospin, lors de sa déclaration de politique générale, doit être impérativement respecté avant la fin de la législature. Ils se réjouiraient si le voeu exprimé par notre rapporteur d'atteindre 1,5 % était effectivement atteint.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Nous sommes tous pour !

M. Pierre Carassus.

Deux orientations fortes de votre projet de budget ont retenu particulièrement notre attention : le soutien à la création et la volonté d'accélérer la démocratisation des pratiques culturelles. Il est vrai que malheureusement, trop souvent, la culture est perçue par les populations les plus défavorisées comme un luxe. C'est pourquoi nous souhaitons que le Gouvernement réfléchisse à la mise en place d'un nouveau partenariat du type éducation culture, qui permettrait de mener en direction des populations les plus défavorisées une politique tarifaire plus attractive. Cet accès à la culture doit être encouragé dès le plus jeune âge.

La culture doit être affirmée avec encore plus de force comme un service public à part entière. Nous saluons à ce niveau la mise en place par le Gouvernement d'une charte du service public de la culture.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est une très bonne chose !

M. Pierre Carassus.

Comme vous, madame la ministre, nous sommes convaincus que, sans intervention de la puissance publique, la démocratisation culturelle est un voeu pieux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Nous sommes d'accord !

M. Pierre Carassus.

En effet, la politique culturelle, pour s'épanouir, ne peut dépendre de la seule loi du marché. La France doit clairement faire entendre sa voix, sur la scène européenne mais également internationale, pour défendre sa conception du pluralisme des cultures et des nations contre le nivellement par l'argent.

Nous nous félicitons que M. le Premier ministre ait annoncé ici même que la France refusait d'approuver le projet d'accord multinational sur l'investissement. L'AMI menaçait les droits les plus élémentaires des nations et donc de chaque citoyen, et cela dans tous les domaines : droit au travail, à la santé, à l'éducation, mais surtout droit à la culture. La vive et légitime réaction des artistes et des intellectuels a fortement contribué à cette victoire de la démocratie contre le marché, en préservant notre identité culturelle.

Mais ne baissons pas la garde ! Rien n'est acquis, loin de là. Et force est de constater, par exemple, que le marché impose quasiment sa loi dans l'industrie du disque.

Les grandes compagnies prédominent et monopolisent la diffusion. Dans les radios et les télévisions, tous les efforts visent à cibler quelques chansons-phares que l'on passe et repasse tout au long de la journée pour les rentabiliser au maximum. Et la création s'en trouve quelque peu étouffée. Nombre de chanteurs, auteurs, compositeurs, interprètes de talent se morfondent dans des petites salles méconnues du grand public.

Je le regrette, madame la ministre : il ne nous paraît pas que le Gouvernement se donne tous les moyens pour modifier cette situation. Il faudrait pourtant offrir à la chanson française la chance qu'elle mérite. Ne serait-il pas temps de faire un bilan objectif de la politique des quotas ? Il n'est pas négligeable que la part des chansons françaises sur nos radios soit passée de 39 à 50 %. Mais pour autant, nul ne peut contester que cette progression se réalise, pour l'essentiel, au profit de quelques chanteurs c onfirmés. Des mesures nouvelles pour libérer des espaces, tant à la radio qu'à la télévision, et permettre l'expression de talents nouveaux doivent être envisagées.

Madame la ministre, il est à craindre que le soutien remarquable que vous proposiez de consacrer aux spectacles vivants s'avère peu efficace pour la chanson française, si radios et télévisions continuent à ignorer la créa tion.

En conclusion, madame la ministre, je voudrais souligner le fait que tous les secteurs d'intervention de votre ministère connaissent une progression de leurs dotations : d'abord, les musées, avec un accroissement important des concours de l'Etat en faveur des collectivités locales pour la modernisation et la rénovation ; ensuite les arts plastiques ; enfin le patrimoine, qui bénéficie d'un soutien affirmé.

Au total, madame la ministre, malgré quelques insuffisances, le budget que vous nous proposez doit permettre d'accroître la rénovation de la politique culturelle et de poursuivre sa démocratisation. C'est pourquoi les députés du Mouvement des citoyens le voteront.

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Madame la ministre, je parle à la place de mon collègue M. André Aschieri qui a dû retourner dans sa circonscription pour assister à un enterrement.

Ce budget de la culture pour 1999 est en progression.

Sa philosophie générale est de nature à satisfaire les députés Vert au nom desquels je parle en l'instant. Si nous participons à ce débat, c'est pour que certaines questions ne restent pas sans réponse.

Nous tenons à saluer les évolutions en termes de budget et de priorités. La progression de 3,5 % de votre budget, madame la ministre, est une avancée que nous tenons à saluer. Il reste, certes, du chemin à parcourir pour atteindre de nouveau le très symbolique 1 % culturel, mais le cap est tenu. Accrochez-vous, madame la ministre. (Sourires.)

Les priorités affichées sont également encourageantes, mais il faut que la démocratisation de la culture cesse d'être un slogan. La diffusion culturelle, l'aide à la création en région, l'accès d'un plus grand nombre au savoir sont les combats de la gauche et des écologistes. Ils sont les vôtres, ils sont les nôtres. Nous nous réjouissons de les voir figurer au nombre des priorités de ce budget.

Vous avez écrit, madame : « Les mesures nouvelles seront consacrées prioritairement au soutien et à l'innovation artistique et à la démocratisation. » De fait, la

culture doit infuser au plus profond de la vie de nos concitoyens. Sur l'ensemble du territoire, pour l'ensemble des catégories sociales, la culture est trop souvent considérée comme un supplément d'âme... quand il ne s'agit pas d'un gadget communicationnel. Et combien de nos concitoyens reportent à l'âge de la retraite leur désir de créer ? Nous voulons croire, madame la ministre, que vous déploierez votre énergie à faire vivre ces bonnes résolutions.

Les députés Vert tiennent cependant à rappeler certaines réalités difficilement vécues dans le pays, comme la disproportion qui existe entre les coûts faramineux des équipements culturels parisiens et les crédits dévolus aux actions en région. C'est sans doute devenu un lieu commun, mais il reste vrai que ces grandes structures engloutissent des sommes dont le centième suffirait parfois à faire le bonheur de la totalité des écoles de musique, des écoles de danse, d'ateliers d'écriture, de troupes de théâtre, de compagnies et groupes artistiques qui font la vitalité de la culture partout dans ce pays. Ce discours sonne comme un disque rayé, mais il n'est que l'expression de l'amertume de certains acteurs du monde culturel dont nous nous faisons l'écho.

Résistez, madame, comme vous savez le faire, aux sirènes de la résignation. La culture se confond avec la liberté de création. Nous devons répondre : présents quand la loi du marché et sa brutalité peuvent faire taire la diversité, quand le soupçon d'un contrôle moral sur la création se fait jour.

Vous nous aviez entendu, madame, lors du vote de la loi sur la licence d'entrepreneur de spectacle. N'oubliez pas ceux qui font de la France une terre de culture, c'està-dire ceux qui l'enracinent et la font vivre : les milliers de compagnies indépendantes, d'intermittents, d'associations. Gardons à l'esprit que les artistes, les créateurs façonnent chaque jour le patrimoine de demain. La vie qu'ils y consacrent ne peut être assimilée à une activité à but lucratif. Veillons ensemble à ce que cette conviction soit respectée dans les esprits comme dans les textes.

La culture, madame la ministre, c'est aussi la revendication d'une certaine forme de civilisation, pour un monde dont l'homme soit le référent unique. Il n'est pas acceptable que ce combat culturel ne soit pas relayé en France par la façon dont nous organisons la vie des équipements culturels eux-mêmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Votre ministère, madame, est sous les feux de la rampe. On peut s'attendre à ce qu'il mette en pratique les valeurs humanistes qu'il incarne. Apprendre à penser autrement n'a en effet de sens que pour vivre autrement.

Pourtant, nous sommes au regret de constater que parfois, le ministère de la culture a les pieds nus : zéro création d'emplois prévue ; zéro stabilisation d'emplois précaires. Cette situation ne peut durer éternellement quand les grands équipements fonctionnent en grande partie grâce à des vacataires permanents. L'ensemble des différents syndicats de votre ministère estime à 1 500 le nombre de personnes en situation précaire, soit un emploi sur cinq. Il n'est pas souhaitable de voir perdurer une telle situation. Rien n'est fait pour résorber cette précarité alors que votre budget progresse. Qu'en sera-t-il en période de vaches maigres ?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Mais le temps des vaches maigres est fini !

M. Guy Hascoët.

Il est temps de remettre les choses dans l'ordre. Tous les derniers grands projets culturels ne sont tenus à bout de bras que par la multiplication des contrats précaires. Si l'Etat n'a pas les moyens de ses ambitions, il devrait en tirer les conséquences.

Le coût très important du Musée des civilisations et des arts premiers suscite nos réserves : ne faudrait-il pas tirer les leçons des difficultés de gestion de l'existant avant de se lancer dans d'improbables entreprises ?

M. le président.

Pensez à conclure.

M. Guy Hascoët.

Les hommes et les femmes qui font connaître la culture au grand public, qui, chaque jour, entretiennent et renouvellent notre patrimoine comptent sur vous pour donner à nos ambitions les moyens qu'elles méritent.

D'une manière générale, ce budget nous convient et les députés verts le voteront.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, pour la seconde fois, je vous présente le projet de budget du ministère de la culture. Et je suis très heureuse et fière de le faire avec un budget qui comme l'année dernière connaît une augmentation significative.

Je remercie les députés qui ont bien voulu souligner à la fois la reconstruction de ce budget engagée l'an dernier et sa progression très forte, laquelle le place cette année encore parmi les priorités de la politique de l'Etat.

Avant de vous présenter ce budget et de répondre à un certain nombre de questions qui ont été posées par les différents intervenants, je souhaite vous présenter mes regrets, messieurs les rapporteurs, quant au caractère parfois tardif, des informations que vous avez reçues du ministère, et, mesdames, messieurs les députés, au changement de nomenclature qui, pour ceux d'entre vous qui ont voulu se plonger dans le détail des chiffres, a pu vous gêner quelque peu.

En effet, après avoir procédé aux clarifications et aux réorganisations nécessaires des différents chapitres et retiré ce qui dans les années précédentes avait été ajouté au budget de la culture pour masquer la diminution de 20 % de ses moyens, nous avons, grâce aussi à la déconcentration des crédits, poursuivi cette année la reconstruction de notre budget, ce qui en a rendu la lecture quelque peu difficile. Nous serons l'an prochain certainement sortis de cette phase qui nous aura permis de rebâtir l'ensemble de notre budget.

Depuis 1981, vous le savez, l'objectif des gouvernements successifs a toujours été de porter le budget du ministère de la culture à un niveau représentant 1 % de l'ensemble du budget de l'Etat. A cet égard, si je suis entièrement d'accord avec ceux pour lesquels mieux vaudrait ne pas forcément se fixer ce seul objectif, ce dernier reste pour l'instant celui qui a été fixé par le Premier ministre, ce qui est déjà bien. Il vaut mieux viser ce qui est possible plutôt qu'afficher un engagement et ne pas le respecter.

C'est, je le rappelle, en 1993 que le budget de la culture a atteint le 1 % pour ensuite diminuer à périmètre constant.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Il faut le rappeler.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Certes, on peut toujours afficher un objectif politique et adopter des budgets qui disent le contraire. Ce n'est pas ce que je vous propose, mesdames et messieurs les députés.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ai voulu jouer la transparence. Elle existe avec la redéfinition du périmètre. J'ai voulu jouer la clarté, ne pas cacher les difficultés, notamment en matière d'emploi, car je me dois d'être claire vis-à-vis de la représentation nationale.

L'effort des collectivités territoriales est suffisamment important et le partenariat suffisamment fort pour ne pas tromper la représentation nationale et l'ensemble des citoyens ici représentés.

Par conséquent, je ne me suis engagée ni dans des minorations ou des majorations pas plus que dans des manipulations comptables ou des extensions de périmètre pour masquer la progression réelle de ce budget.

Oui, ce budget progresse et il continuera de progresser.

Monsieur Herbillon, j'aurai plaisir de vous adresser le

« jaune » qui récapitule l'effort global de l'Etat en matière culturelle, avec une notice qui permettra d'en avoir une lecture plus aisée.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Ce serait intéressant de l'avoir.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le budget de la culture augmente de 525 millions de francs de mesures nouvelles par rapport à 1998, après avoir connu en 1998 une augmentation d'un peu plus de 550 millions de francs. Il représentera 0,967 % très exactement des charges nettes de l'Etat en 1999. Il s'agit d'une progression de 3,5 %, quand les dépenses de l'Etat n'augmentent que de 2,2 %. Ce différentiel montre, à l'évidence, que la culture est bel et bien une priorité du Gouvernement.

Si les chiffres sont une chose - et je suis attachée aux moyens dont dispose l'Etat pour mener une politique culturelle ambitieuse -, l'essentiel réside dans l'affirmation d'une priorité politique. C'est bien cela que traduit l'objectif du 1 %.

Vous êtes nombreux à partager la conviction que l'Etat doit, en raison de l'enjeu fondamental que représente la culture pour notre société, faire un effort extrêmement significatif. Nous devons constamment l'affirmer car trop


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souvent, la culture est réduite à un luxe alors que, pour nous, elle est au coeur de la citoyenneté et de la reconnaissance de chaque individu dans sa dignité.

M. Michel Herbillon.

Pour nous aussi !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Pour nous tous.

Connaître et comprendre est évidemment d'autant plus nécessaire à une époque où le monde change extrêmement rapidement et la culture est essentielle à la compréhension du monde.

Or, nous tous qui sommes convaincus de cela, nous constatons que l'action publique est très fortement sollicitée dans le domaine culturel. J'y vois deux raisons et elles rejoignent la préoccupation exprimée par un certain nombre d'intervenants.

La mondialisation des échanges, les nouvelles technologies de communication, la primauté de l'audiovisuel et les grandes potentialités qu'offre la construction européenne transforment l'environnement de la production artistique et les conditions d'accès à la culture. On croit alors pouvoir se passer de l'Etat et laisser agir le marché.

Je crois, au contraire, que l'Etat doit pouvoir accompagner ces changements fondamentaux, et surtout préserver ce qui, dans l'art et dans la culture, pourrait être laminé par ces mouvements.

S'agissant de la mise en cause croissante et sans discernement du principe d'un financement public de certaines activités, j'ai entendu un appel plus important au mécénat...

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

L'un n'empêche pas l'autre !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... particulièrement du côté droit de l'hémicycle. Mais peut-on demander en même temps un budget public plus important et une intervention accrue des acteurs privés ? C'est quelque peu paradoxal !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Si on peut additionner les deux, c'est bien.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je rappelle que c'est au moment où le budget du patrimoine a chuté dramatiquement que la fondation du patrimoine a été lancée.

M. Jean-Luc Warsmann et M. Bruno Bourg-Broc.

Où est le problème ?

M. Michel Herbillon.

Ce n'est pas contradictoire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Celle-ci devait faire appel au privé et elle a du mal à obtenir des fonds en provenance du mécénat et des entreprises.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est très dommage !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Prudence donc. Il faut à mon sens, réaffirmer la nécessité d'un financement public de la culture pour ne pas risquer de remettre en cause brutalement les valeurs d'universalité et de pluralisme que nous défendons sur les plans national, européen et international.

Nous remettrions ainsi en cause la force des associations, des collectivités, des entreprises et des industries.

Nous devons donc répondre à cette mise en cause et nous ne pourrons le faire que si l'action de l'Etat est pertinente, au regard des changements que je viens rapidement d'évoquer.

Pour le Gouvernement, le principe d'une intervention résolue de l'Etat en faveur de la culture n'est pas la défense frileuse de notre propre modèle, mais bien l'affirmation que ce qui se joue dans ce domaine est le choix d'un modèle d'organisation des rapports économiques et sociaux. S'il fallait nous en convaincre, les décisions prises par le Premier ministre en ce qui concerne les négociations internationales sur l'accord multilatéral d'investissement en constituent la preuve la plus évidente.

Parce que la culture a vocation à investir toujours davantage le champ social et parce qu'elle est au coeur du pacte républicain, je poursuis trois objectifs fondamentaux...

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... d'abord, refonder un grand service public de la culture...

M. Pierre Carassus.

Très courageux !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... ensuite, soutenir et encourager davantage l'acte de culture dans sa double dimension de création et d'accès aux pratiques culturelles ; enfin, favoriser l'appropriation citoyenne de notre patrimoine. Cela, me semble-t-il, a un sens.

La politique culturelle doit s'appuyer sur un service public fort et efficace. Telle a été ma première préoccupation.

Mesdames, messieurs les députés, je ne crois pas à l'action de l'Etat sans une administration forte. Dès 1997, j'ai donc voulu disposer d'une administration modernisée, en état de marche, et remotiver ses agents ; en un mot, restaurer la crédibilité de ce département ministériel vis-à-vis de ses partenaires institutionnels, associatifs et professionnels.

Outre la nécessaire reconstitution des moyens de fonctionnement gravement amputés pendant quatre ans, j'ai voulu des réformes de structure. La réunion de toutes les disciplines du spectacle vivant dans une même direction, comme celle du patrimoine et de l'architecture, ont été guidées par un seul et même souci : bâtir un ensemble performant au service de nos partenaires et des professionnels, en faisant fi des cloisonnements artificiels qui servaient peut-être des clientèles particulières, mais qui ne répondaient plus aux exigences d'une administration performante.

De même, j'ai souhaité bâtir une nouvelle délégation au développement et à l'action territoriale qui garantisse la cohérence des actions sectorielles du ministère en faveur de la démocratisation et de l'aménagement du territoire.

Cette réorganisation qui a été menée dans des conditions de rapidité extrême et, comme vous le savez, avec un reconstitution de nos moyens, limités malgré tout, est achevée et est opérationnelle. Elle a été menée dans un souci de rigueur grâce à des moyens constants. Bien entendu, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, vous avez souligné la nécessité d'apporter de nouvelles solutions en matière d'emploi. En effet, ce ministère connaît depuis longtemps un développement des emplois vacataires et une pénurie d'emplois permanents. Le Gouvernement s'est fixé comme objectif la stabilisation de l'emploi public. Dans ce contexte, certains ministères ont vu leur effectif augmenter, d'autres, les plus nombreux, ont connu une baisse. Le nombre d'emplois permenants du ministère de la culture n'a pas été amputé.


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M. Marcel Rogemont.

Heureusement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sa part est restée stable, et je reconnais bien volontiers que cette situation pose des problèmes.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Dans les métiers de l'accueil, nous avons recours à un nombre significatif de vacataires que des emplois budgétaires auraient permis de stabiliser.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Au niveau des DRAC, en particulier !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous connaissons en outre des besoins importants dans la filière administrative. Je crois néanmoins utile de modérer l'appréciation qui a été portée à cette tribune : en premier lieu, le processus de stabilisation des vacataires se poursuit dans le cadre de la loi Perben en utilisant les vacances d'emploi. En second lieu, j'ai pu obtenir la création nette de soixante-neuf emplois et la stabilisation de 380 vacataires sur les budgets des établissements publics.

Par ailleurs, le déficit de postes et d'emplois dans les DRAC est évidemment une donnée significative au moment où nous procédons à la poursuite de la déconcentration des crédits. La nouvelle répartition des rôles entre administration centrale, qui se consacrera essentiellement aux missions de définition, de contrôle et d'évaluation des politiques menées et des directions régionales chargées de leur remise en oeuvre implique des redéploiements de personnel.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je compte au cours de cet automne - le travail a commencé - mettre en oeuvre un plan de redéploiement sur plusieurs années pour donner aux DRAC les moyens de leur mission.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il y a urgence !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je pourrai donc apporter des garanties à l'ensemble des élus régionaux, départementaux et locaux, lorsque les contrats du plan Etat-régions seront discutés.

M. Michel Herbillon.

Voilà une bonne nouvelle !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais il ne suffit pas de mobiliser les administrations centrales sur leurs fonctions d'impulsion et d'évaluation, si dans le même temps nous ne mettons pas en place une répartition effective et efficace de nos moyens.

C'est la raison pour laquelle j'ai amplifié le mouvement de déconcentration des crédits et des décisions individuelles en ayant conscience qu'un Etat plus présent est un Etat plus proche des réalités du terrain où il exerce ses missions. Je sais que la déconcentration suscite des craintes dans les milieux culturels. Mais je voudrais dire ici qu'il n'y a qu'un seul et même Etat, à Paris et sur tout le territoire, et que le seul but poursuivi par la déconcentration est de rapprocher l'Etat des citoyens, des acteurs culturels, des collectivités locales...

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... dans le cadre d'une politique définie par le Gouvernement et mise en oeuvre sous mon autorité. Pour contester la déconcentration, on a beaucoup invoqué l'affaire de Chateauvallon. Je n'hésite pas, pour ma part, à invoquer ce même exemple pour affirmer que ce que nous avons fait à Chateauvallon nous l'avons réussi en travaillant étroitement avec le préfet, le directeur régional des affaires culturelles et les collectivités locales républicaines.

Je poursuivrai donc la déconcentration des crédits en 1999, en ayant le souci de l'efficacité et de la bonne administration. C'est-à-dire en renforçant les moyens en personnel des DRAC.

Je crois de plus que la déconcentration, parce qu'elle permet un rééquilibrage entre les niveaux de la décision, nous donne les moyens de travailler à corriger structurellement la répartition des financements publics dans le rapport entre Paris et les régions.

A ce sujet, je voudrais corriger ce qui a été dit ici. En effet, entre 1998 et 1999, le budget que je propose, mesdames, messieurs les députés, présente un meilleur équilibre.

En 1998, Paris représente 54 % des crédits ; en 1999, il en représentera 52 %. Les régions passent de 46 % en 1998 à 48 % en 1999. Vous le voyez, l'engagement que j'ai pris est à l'oeuvre, mais je ne peux y souscrire qu'avec la progression des crédits pour le ministère de la culture, en même temps aussi qu'avec une certaine progressivité, en respectant le fonctionnement de l'ensemble des institutions existantes.

Je veux agir dans le temps et par le moyen d'une programmation maîtrisée des interventions financières du ministère.

Les grands équipements culturels parisiens risquent d'absorber une part excessive de nos capacités de financement si nous n'inscrivons pas dans un plan décennal les efforts que nous devons encore consentir. En procédant ainsi, nous dégagerons les marges de manoeuvres pour un rééquilibrage en faveur des régions. Les contrats de plan conclus entre l'Etat et les régions pour la période 20002006 seront l'un des instruments de ce rééquilibrage.

Dès 1999, j'ai décidé d'accroître de 105 millions de francs, soit 41 %, les crédits destinés à soutenir les opérations d'équipement culturel des collectivités territoriales.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Les grands projets en régions sont sacrifiés !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je souhaite enfin que l'action de l'Etat soit plus lisible, plus équilibrée et plus fiable. Pour cela, il est nécessaire de définir les principes de son intervention et les responsabilités des structures bénéficiant d'un financement public. C'est dans cet esprit que j'ai proposé une Charte des missions de service public pour les structures du spectacle vivant. Cette démarche sera étendue en 1999 à tous les secteurs d'intervention du ministère.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En second lieu, le budget 1999 marquera concrètement ma volonté de concilier le soutien à la création et le développement d'une politique ambitieuse de démocratisation des pratiques culturelles.

Le temps de la création et le temps de la diffusion sont deux temps différents. Mon ministère doit pourtant les prendre l'un et l'autre en compte. Il respecte et doit faire respecter le temps qu'il faut pour que la création, et en particulier celle qui rompt avec les conventions, trouve son public. Mais je suis résolue à sortir de l'opposition


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stérile entre création et démocratisation. Mon ambition politique est de renforcer l'une et l'autre en mettant en évidence par mon action que l'une se renforce de l'autre.

Les créations doivent être vues et entendues par le plus grand nombre dans l'objectif d'offrir la plus grande qualité artistique à tous nos concitoyens.

Le service public de la culture est aujourd'hui constitué d'un très vaste ensemble de structures. Il doit impérativement assumer deux missions en parallèle : garantir et encourager la liberté de création, favoriser la diffusion la plus large du patrimoine vivant ainsi constitué.

Cela emporte, à mon sens, deux conséquences politiques majeures. D'une part, la création n'ayant pas vocation à répondre mécaniquement à la demande sociale, les collectivités publiques, quel que soit leur niveau d'intervention, ne doivent pas relâcher leurs efforts dans le soutien qu'elles lui apportent. D'autre part, l'égalité d'accès aux biens culturels et aux pratiques artistiques étant un principe de valeur constitutionnelle, elle doit être mise en oeuvre par tous les moyens de diffusion dont nous disposons, qu'il s'agisse des institutions culturelles et artistiques désormais réparties sur la majeure partie de notre territoire, des médias audiovisuels ou des structures d'enseignement et d'éducation.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Et les nouvelles technologies de l'information !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Si le spectacle vivant constitue l'une de mes priorités en 1999, je souhaite privilégier dans ce secteur des disciplines ou des équipes artistiques qui ont été particulièrement touchées pendant les années de régression budgétaire : les compagnies d'art dramatique et de danse, ainsi que les équipes qui ont renouvelé les arts de la rue, dont l'activité doit être soutenue dans la durée ; l'écriture musicale ou dramatique, sans laquelle il est vain de parler d'effort en direction de la création contemporaine ; les musiques actuelles, qui ont toujours été l'objet de discours généreux, mais pour lesquelles le ministère jusqu'ici n'a pas suffisamment mis en pratique ses propres intentions.

J'ai reçu le rapport de la commission nationale des m usiques actuelles que j'avais installée. J'ai rendu publiques, lundi 19 octobre, les mesures que je retiens de ce rapport. Dès 1999, 35 millions de francs seront consacrés au soutien à la création et à la diffusion dans ce domaine qui constitue l'un des centres d'intérêt privilégié de notre jeunesse. Avec ce secteur des musiques actuelles, nous sommes bien à l'intersection de l'innovation parfois la plus avant-gardiste et de l'adhésion la plus large des publics.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Elles intéressent, en effet, des générations entières en tant qu'auditeurs, spectateurs ou amateurs, mais elles forment aussi un fantastique espace...

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Pour les créateurs.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... de création, de renouvellement des pratiques, d'interpénétration des disciplines. J'y intègre, je le précise, les musiques traditionnelles, particulièrement vivantes dans la création d'aujourd'hui.

M. Michel Heberbillon et M. Franck Dhersin.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Lorsque l'on sait que les pratiques audiovisuelles de nos c oncitoyens sont consacrées à 50 % aux musiques actuelles, que les élus locaux sont de plus en plus confrontés à la demande des publics, on mesure combien il est urgent de concevoir des dispositifs institutionnels enfin à la hauteur des attentes.

Une autre de mes priorités dans le domaine du spectacle vivant concerne les arts de la rue qui associent également succès public et créativité artistique. Cela passera par un accompagnement de la professionnalisation des troupes, une aide à la diffusion des spectacles et le conventionnement des compagnies les mieux structurées.

Au total, les mesures nouvelles en faveur de toutes les disciplines du spectacle vivant s'élèveront à 110 millions de francs. Mais j'indique clairement ici que, pour les structures permanentes, l'entrée en application effective de la charte de service public privilégiera celles qui assument pleinement le soutien à la création et leurs responsabilités en matière de renouvellement des publics ou d'ouverture aux pratiques amateurs.

A cet égard, je voudrais ajouter un mot aux propos de M. le rapporteur de la commission des finances sur les intermittents. Car, si nous voulons soutenir les compagnies et le spectacle vivant, il faut bien évidemment trouver une solution pour assurer de façon pérenne le statut d'intermittent du spectacle. Faisant suite à la mission d'intermédiation, confiée à M. Cabanes en 1997, l'Etat s'est engagé à conduire certaines actions précises, en vue de mieux encadrer le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle, et donc d'en éliminer les utilisations abusives.

En étroite liaison avec le ministère de l'emploi et de la solidarité, les différentes mesures qui ont fait l'objet de cet engagement sont mises en oeuvre. Pour lutter contre le travail illégal, une convention nationale de lutte contre le travail illégal a été signée le 21 mai 1997, et une disposition législative autorisant la constitution d'un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales dans le spectacle vivant a été adoptée dans la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Pour ce qui concerne les actions qui relèvent plus particulièrement du ministère dont j'ai la charge, le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 13 octobre 1945 sur les spectacles a été voté en deuxième lecture par l'assemblée le 17 juin dernier. Ce texte devrait être définitivement adopté par le Sénat avant la fin de l'année.

Enfin, tout récemment, les partenaires sociaux réunis en commission mixte paritaire, sous la présidence de

M. Maurice Michel, inspecteur général des affaires sociales, ont conclu un accord collectif qui précise les conditions de recours aux contrats de travail à durée déterminée dits d'usage dans le spectacle vivant et enregistré.

Le Gouvernement va rendre compte de ces mesures aux organisations professionnelles et syndicales représentatives sur le plan national, qui sont seules habilitées, il faut le rappeler, à négocier le régime conventionnel d'indemnisation du chômage. Nous en arrivons maintenant à la phase qui permettra d'assurer le statut dans la durée.

M. Jean-Paul Bret.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Par ailleurs, je tiens à préciser que la charte du service public viendra s'appliquer aux autres domaines d'intervention du ministère de la culture, notamment dans les


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musées. Cette dynamique parfaitement cohérente entre le soutien à la création et la démocratisation des pratiques guidera l'ensemble des interventions financières.

Pour l'illustrer, dans le domaine des arts plastiques, je reconduis le niveau des crédits destinés aux commandes publiques et, dans le même temps, j'augmente substantiellement les bourses des étudiants en écoles d'art. Les crédits de la délégation aux arts plastiques progresseront ainsi de près de 15 %.

Les moyens consacrés aux enseignements et à l'éducation visent aussi ce double objectif : la formation de nouveaux créateurs et, plus largement, la diffusion des savoirs et des connaissances. Mon ministère consacrera en 1999 près de 1,5 milliard de francs à l'éducation et aux enseignements artistiques.

Je voudrais rappeler que deux circulaires ont été signées à ce sujet : l'une avec Mme Royal, sur l'aménagement des t emps et des activités de l'enfant, et l'autre avec M. Claude Allègre, sur les axes de développement entre les deux ministères. Il y aura mise en place d'un contrat éducatif local, qui prenne en compte l'organisation du temps des élèves des écoles maternelles, élémentaires et de collèges en dehors de la classe, création d'espaces pour l'art et la culture dans les établissements scolaires et d'enseignement supérieur - lieux de répétition, espaces d'exposition -, développement de la pratique collective - ateliers, musique, danse, cinéma, écriture. Nous favoriserons également l'accueil d'artistes en résidence. Voilà les grands axes de notre travail commun.

Les autres projets concernent l'éducation à l'image, la musique à l'école élémentaire, et notamment l'accès aux i ntruments, l'extension du réseau des bibliothèquesmédiathèques, la sensibilisation à l'architecture et la formation culturelle élargie aux IUFM. L'apport du ministère pour l'année 1999 représente sur les actions nouvelles 10 millions de francs.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il y a encore du chemin !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je tiens à souligner que, pour les enseignements artistiques, dans leur ensemble, l'augmentation des crédits est de l'ordre de 39 millions de francs, soit au total plus 2,7 %.

M. Michel Herbillon.

C'est très insuffisant !

M. Marcel Rogemont.

Cela vaut mieux que de diminuer les crédits !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cette augmentation, qui représente, à structure constante, 19 millions, par rapport à 1998 pour le seul titre IV, est significative, puisqu'elle représente 2,4 %.

Certes, on peut me dire que c'est insuffisant.

M. Michel Herbillon.

Oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M ais j'ai voulu répartir correctement et justement l'ensemble des efforts nécessaires sur les actions nouvelles.

En tout cas, on a entendu pendant plus de dix ans de grandes déclarations sur l'enseignement artistique et sur l'éducation artistique...

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Et il n'y a jamais rien eu !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... sans que rien ne se passe. Moi, je suis en mesure, cette année, de vous proposer, pour la première fois, une augmentation significative de ces moyens. Je demande simplement qu'on ait l'honnêteté d'en prendre acte, même si je peux comprendre que, sur certains bancs, cela puisse évidemment ne pas convenir puisque, précédemment, cela n'avait pu être décidé dans aucun budget.

M. Michel Herbillon.

Regardons l'avenir, et pas toujours le passé !

M. Jean-Paul Bret.

Le passé, c'est vous !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Enfin, dans le domaine de la création, comme dans celui de la diffusion, il est un secteur que j'entends priviligier, celui des nouvelles technologies, et plus particulièrement le multimédia.

J'amplifierai, en 1999, le programme de soutien à la création et au développement d'espaces culture-multimédia. Une centaine de projets sont déjà en cours. Une nouvelle série sera soutenue. Et dans le même temps, le Centre national de la cinématographie renforcera son action en direction des projets de création multimédia.

Je voudrais donner quelques éléments de réponse aux rapporteurs sur ce sujet. Puisque les nouvelles technologies de l'information représentent un phénomène majeur, je souhaite que le ministère de la culture et de la communication conduise son action selon trois directions.

Premièrement, l'aide aux éditions de contenu. Nous avons adapté à l'Internet le fonds d'aide multimédia à la presse. Et sur ce modèle, nous ferons évoluer en 1999 le fonds d'avance au multimédia au CNC. J'indique que dès 1998, les avances consenties sur ce fonds s'élèvent à plus de 20 millions de francs. Elles ne représentaient qu'un peu plus de 14 millions de francs en 1997.

Deuxièmement, l'offre publique numérique pour les réseaux. Des programmes de numérisation importants sont conduits dans la plupart des secteurs : musées, bibliothèques et patrimoines. En 1999, des collections i mportantes seront mises en ligne, notamment les 60 000 titres libres de droits de la BNF. Mais je souhaite aller plus loin dans le sens de la constitution d'un grand catalogue du numérique culturel, notamment en rapprochant les programmes de numérisation et les projets de diffusion audiovisuels, comme la banque de programmes et de services de La Cinquième. De même, j'engage la numérisation et la préservation des archives audiovisuelles - j'y reviendrai dans le budget de la communication.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Cela va dans le bon sens !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Troisièmement, enfin, les usages. Nous devons faire tous les efforts nécessaires pour éviter l'exclusion culturelle de la société de l'information. Tel est le sens de l'action en faveur des espaces culture-multimédia. A cet égard, je veux indiquer combien je suis heureuse de constater que le plan emploi-jeunes permet de mobiliser des jeunes dans les bibliothèques-médiathèques, y compris en zone rurale,...

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... pour former les adultes et les plus jeunes à l'usage de ces nouvelles technologies. Nous vivons d'ailleurs un étrange paradoxe : la France, en effet, a pris un certain retard dans la pénétration économique et sociale de ces nouvelles technologies alors que, dans le même temps, l'industrie américaine vient massivement recruter dans nos écoles d'art, réputées dispenser les meilleures formations artistiques.


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M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est exact !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Face à cette situation, je souhaite engager résolument mon département ministériel dans la bataille du développement des nouvelles technologies...

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... tout en permettant aux jeunes qui se lancent de bénéficier d'un appui logistique et financier. Je souhaite également favoriser l'usage de ces outils par les professionnels de la culture.

C'est ainsi que les nouvelles technologies de l'information entrent et seront soutenues dans la formation au sein des écoles.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il y a fort à faire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Dans le même temps, nous travaillons à aider les institutions à s'équiper de ces moyens.

Nous sommes entrés dans une société où les images, en nombre infini et fragmentées, transforment nos représentations du monde et démultiplient nos perceptions du réel.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il faut une éducation à l'image !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sans maîtrise de ce nouvel environnement, le risque est grand de reproduire une césure entre ceux qui disposent des outils conceptuels pour appréhender ces images et ceux qui n'ont accès qu'à la consommation de ces produits.

Pour cette raison, l'éducation à l'image et aux nouvelles technologies est une priorité.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Pour la mettre en oeuvre, j'ai demandé aux DRAC de mobiliser nos actions, en partenariat avec l'éducation nationale, les structures d'éducation populaire et les institutions audiovisuelles.

Enfin, si elles ne constituent en aucun cas le moyen unique d'une politique de démocratisation, les politiques tarifaires ne peuvent être sous-estimées. Je souhaite que toutes les institutions culturelles soutenues par l'Etat simplifient leur système de tarification et adoptent le principe d'un tarif périodiquement le plus bas possible, voire celui d'un accès gratuit. A titre d'exemple, la gratuité un dimanche par mois, mise en oeuvre au Louvre, doit être progressivement étendue à l'ensemble des musées nationaux.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Troisième axe majeur de mon action : donner à la politique patrimoniale une dimension nouvelle en favorisant l'appropriation citoyenne de notre héritage culturel. Nous devons en effet veiller à la préservation et à l'appropriation par tous nos concitoyens du patrimoine monumental, écrit et audiovisuel, qui forme notre mémoire collective.

Le renouvellement des formes et des représentations ne doit pas reléguer au second plan nos efforts en faveur de la mise en commun de notre héritage culturel et artistique. Dès 1998, j'avais tenu à reconstituer les crédits du parimoine en les augmentant de 39 %.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il ne faut pas oublier les annulations de 1997 !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En 1999, la progression intervenue l'an dernier est consolidée puisque ces crédits continuent d'augmenter de 2,7 %. Les musées et les mouvements historiques sont traditionnellement les éléments de visibilité de la politique des collectivités publiques en faveur du patrimoine. Mais il ne doit pas nous échapper que le travail et le devoir de mémoire sont constitutifs de toutes les activités artistiques et culturelles.

Je l'avais déjà dit devant votre commission l'an dernier, je ne crois pas qu'une politique patrimoniale ambitieuse soit forcément marquée du sceau du conservatisme. En réalité, il est aujourd'hui indispensable que nos concitoyens, parfois désorientés par la rapidité du changement, puissent retrouver, grâce à la préservation et à la connaissance de leur patrimoine, certains repères de leur identité individuelle et collective.

M. Michel Herbillon.

Très juste !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Première illustration de cette volonté : cette année, l'effort sera porté sur le patrimoine du XXe siècle, encore trop négligé. Dans cet ensemble, la politique d'inventaire et de protection du patrimoine industriel sera renforcée. Il y va d e la préservation d'une part essentielle de notre mémoire, celle du travail et de notre société en mutation.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'entends mettre en valeur cette dimension fondamentale de l'histoire sociale de notre pays. L'évolution de l'économie a bouleversé notre paysage industriel et la mémoire de millions d'hommes et de femmes. L'Etat doit apporter son conseil, son assistance et des moyens aux collectivités territoriales désireuses de conserver ces lieux emblématiques, tant pour la mémoire locale que nationale. Je pense, notamment à des sites miniers et sidérurgiques, mais il y en a d'autres encore.

Le patrimoine est évidemment un sujet qui tient à coeur à l'ensemble de la représentation nationale. A cet égard, je tiens à préciser que la réduction apparente, par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, des dotations ouvertes au chapitre 66-20 n'est pas la traduction d'un quelconque désengagement de l'Etat à l'égard des collectivités locales et des personnes privées en matière de restauration du patrimoine. Il s'agit simplement d'un changement de chapitre pour les dépenses correspondant à des opérations dont la maîtrise d'ouvrage est déléguée par l'Etat, par la voie d'une convention de mandat, à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels. Dans la loi de finances initiale pour 1998, les dotations correspondant aux opérations de création de la Cité de l'architecture et du patrimoine et de restauration du Grand Palais ont été ouvertes au chapitre 66-20. Au cours de la préparation du projet de loi de finances pour 1999, il est apparu que ce rattachement était inapproprié au regard des dispositions de la loi de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique. Ces crédits, 217 millions de francs pour la seule opération de restauration du Grand


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Palais, ont donc été inscrits au chapitre 56-20 dans le projet de loi de finances pour 1999. Après une neutralisation de ce changement de structures à l'intérieur du budget de la culture, les crédits ouverts au chapitre 66-20 sont en augmentation de 17,4 millions de francs, soit une progression de 4,7 %.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Certes, mais il y a une baisse de l'autre côté. C'est le principe des vases communicants !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Voilà la réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le rapporteur, ne voulant pas vous laisser dans l'incertitude.

Concernant le Grand Palais sont ouverts en autorisation de programme 150 millions de francs en 1998, 217 millions en 1999, ce qui représente au total 367 millions, plus 33 millions avant 1998. Nous atteignons donc 400 millions de francs. Tous les crédits sont ouverts pour la consolidation des fondations et du sous-sol.

S'agissant de Beaubourg, 482 millions de francs sont prévus : 440 millions de francs plus l'actualisation, ce qui nous amène à ce montant. Tous les crédits ont été inscrits en 1997, 1998 et 1999 et le centre ouvrira ses p ortes, comme annoncé, à la fin du mois de décembre 1999.

M. Hervé de Charette.

Merci !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Voilà quelques éléments de complément concernant le patrimoine.

Mais je voudrais aussi ajouter un mot sur quelques sujets qui ont été abordés et d'abord, là aussi, corriger ce qui a été dit à propos des grands établissements publics parisiens venant des grands travaux. On a parlé d'explosion des coûts de fonctionnement des établissements issus des grands travaux.

M. Franck Dhersin.

C'est vrai !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Non ! En effet, la progression pour le Louvre est de un million de francs. Pour la Bibliothèque nationale de France, nous sommes à moyens constants et il en va de même pour l'Opéra, par exemple. Ce sont d'autres structures qui ont évolué ; il n'y a pas eu explosion des moyens des établissements publics issus des grands travaux en 1999. Simplement, il s'agit d'assurer les moyens de fonctionnement de ces établissements dès lors qu'ils existent. Ainsi, il a bien fallu, en 1998, donner des moyens à la Bibliothèque nationale de France pour qu'elle puisse ouvrir conformément au projet. Il n'y a donc là aucun problème particulier.

M. Patrice Martin-Lalande.

rapporteur pour avis.

C'est un problème permanent !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est, au contraire, le respect des engagements de l'Etat.

En ce qui concerne le Musée des civilisations et arts premiers, il faut être tout à fait clair : à ceux qui ont évoqué certaines intentions de remettre ce projet en question...

M. Jean-Paul Bret.

Le Figaro ! Mme la ministre de la culture et de la communication.

... j'indique que tel n'est pas le cas.

M. Michel Herbillon.

Cela était tout de même dans l'air !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je n'ai vu aucun amendement tendant à supprimer les crédits destinés au financement de ce musée.

M. Michel Herbillon.

Nous avons dû rêver ! Il n'y avait aucune intention en ce sens du groupe socialiste !

M. Marcel Rogemont.

La commission n'a pas été saisie de l'amendement.

M. Jean-Paul Bret.

Même s'il y en avait eu un, cela n'aurait pas été scandaleux !

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial. Le Figaro donne de fausses informations !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même si la commission n'a pas été saisie d'amendements à ce propos, il faut reconnaître à chacun le droit de se poser des questions sur un projet dont le financement n'avait jamais été prévu, bien qu'il ait été lancé par la précédente majorité. Aucune traduction financière n'avait encore été effectuée, sauf dans quelques moyens alloués à l'association assurant la préfiguration du projet.

M. Marcel Rogemont.

Aux successeurs d'assurer !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Un arbitrage est intervenu en faveur de ce projet.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'y souscris et je le défends !

M. Patrice Martin-Lalande, rappporteur pour avis.

Très bien !

M. Michel Herbillon.

Parfait !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'y souscris d'autant plus volontiers, mesdames, messieurs les députés, que ce projet a été pensé au moment du Front populaire et qu'il est généreux. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Quelle récupération !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il est généreux car il s'agit de démontrer qu'en matière de connaissance des arts et des civilisations nous sortons de la période où l'on ne considérait ces arts et les objets s'y rapportant que comme liés à la connaissance de peuples colonisés.

M. Eric Dhersin.

Vous avez mis le temps à le réaliser !

M. Michel Herbillon.

Cela a été long depuis le Front populaire !

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Sachant cela, vous allez être obligés de combattre ce projet !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Aujourd'hui, il s'agit de redonner leur fierté, leur dignité à l'ensemble de ces créations et je me réjouis de pouvoir concrétiser ce projet avec le ministère de l'éducation nationale.

M. Hervé de Charette.

Et avec le Président de la République !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ce musée sera un lieu à la fois de recherche, de connais-s ance, d'enseignement et d'exposition des oeuvres majeures.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Michel Herbillon.

C'est également un souhait du Président de la République !

M. Jean-Paul Bret.

Elle l'a dit !

M. Michel Herbillon.

Non !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Telles sont les quelques remarques que je tenais à formuler à propos de ce musée pour la création duquel les crédits sont prévus dans le budget pour 1999.

Dans le même esprit, j'engagerai, en 1999, la restructuration des archives nationales dans le cadre d'une redéfinition de leurs missions et de leurs moyens, au profit des chercheurs mais aussi du grand public. De plus, je soumettrai au conseil des ministres un projet de loi qui affirmera ce principe d'ouverture des archives publiques renforçant ainsi le rôle des Archives de France comme instrument de diffusion de la mémoire nationale.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

A quelle échéance ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

A ce sujet, je dois souligner que les secteurs chargés de la mission fondamentale de préserver les plus anciens éléments de notre patrimoine, l'archéologie et les archives, sont parmi ceux qui connaissent le plus de difficultés au sein du ministère de la culture.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

C'est vrai.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

S'atteler à leur redonner la place qu'ils méritent est une lourde tâche et je compte sur la représentation nationale pour m'aider à mettre en oeuvre tant les mesures législat ives que les moyens budgétaires nécessaires pour atteindre cet objectif.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il ne faudra pas oublier le centre de Reims !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les archives feront l'objet à la fois d'un plan ambitieux que je soumettrai au Premier ministre, et du projet de loi que je viens d'évoquer.

Dans le domaine législatif interviendra également un projet de loi relatif à la protection des objets et ensembles mobiliers présentant un intérêt historique et artistique. A cet égard, un arbitrage interministériel a été sollicité par le ministère de la culture et de la communication.

Pour les archives, la concertation interministérielle aura lieu dans deux semaines et nous préparons enfin un projet de loi sur le service public de l'archéologie, portant notamment sur le statut juridique de l'archéologie préventive et sur la façon de traiter de cette grande mission de l'Etat.

Le projet de loi sur les musées est aussi en cours de préparation.

Ces trois derniers textes seront prêts au premier semestre de 1999.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Bonne nouvelle !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En terminant, je remercie M. le rapporteur d'avoir souligné que j'avais mis un point d'honneur à respecter la parole donnée aux collectivités locales, puisque j'ai tenu à inscrire, dans le budget pour 1999, les crédits de paiement nécessaires pour acquitter les dettes de l'Etat au titre du financement des équipements culturel de province. A ce titre, 156 millions de francs y figurent, ce qui n'est pas rien au regard des 525 millions de francs de progression globale du budget.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Les crédits en régions sont diminués !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ajoute que j'ai déjà commencé à tenir parole pour une grande partie des sommes dues dès 1998.

Je tiendrai également la parole qui sera donnée dans le cadre des futurs contrats de plan qu'il faudra élaborer en mariant rigueur et ambition.

Je veux enfin tenir la parole donnée aux milieux culturels, ce qui passe par le rétablissement des crédits d'intervention du titre IV qui jouent trop souvent dans le cadre d'accords que l'évolution des budgets entre 1993 et 1997 avait conduit à trahir. Ce respect de la parole passe aussi par la mise en pratique d'engagements lourds et sans cesse repoussés, tels que celui relatif à la Maison du cinéma que je réaliserai à partir de 1999.

La culture, mesdames, messieurs les députés, pèse pour près de 400 000 emplois dans l'ensemble de nos activités économiques. La demande qui s'est exprimée en faveur d'emplois jeunes donne la mesure des potentialités de développement dans ce secteur.

La culture est souvent au centre des négociations internationales et elle demeure un enjeu politique permanent a u coeur des changements économiques et sociaux.

Actuellement, les batailles que je mène portent sur le prix unique du livre et sur le prix du disque.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Et la TVA ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous savez que j'ai lancé, avec mon collègue Dominique Strauss-Kahn, une mission commune à l'inspection générale des finances et à l'inspection du ministère de la culture, dont l'objet est de formuler des propositions relatives au prix du disque.

Avec la multiplication des supports de diffusion, qu'ils concernent l'audiovisuel ou le multimédia, nous sommes face à un nouveau défi, et j'entends bien utiliser mes responsabilités conjointes de ministre de la communication et de la culture comme une opportunité pour le relever.

Le projet de loi sur l'audiovisuel public, qui réaffirmera l'identité du service public de la télévision, confortera celle-ci comme instrument essentiel de création et de diffusion culturelle. Voilà en effet une grande ambition : pouvoir rebâtir et consolider la grande mission de service public de la culture de l'Etat, donner à la télévision et à la radio publiques les moyens de remplir leurs missions, car elles sont essentielles à la démocratie dans notre pays.

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Je vous rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes pour exposer sa question et le Gouvernement de trois minutes pour y répondre.

Nous allons donc procéder par périodes successives de quinze minutes, en commençant par les questions du groupe RPR.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

M. Bruno Bourg-Broc.

Madame la ministre, l'exposé que nous venons d'entendre a été intéressant moins par les réponses que vous n'avez pas apportées aux questions qui vous ont été posées (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) que par certaines informations qu'il contenait.

Ainsi, je viens d'apprendre - sans doute comme beaucoup de mes collègues - que l'idée du Musée des arts premiers, que je croyais innocemment pouvoir attribuer au Président de la République, venait du Front populaire.

M. Marcel Rogemont.

Il y avait un Président de la République au moment du Front populaire !

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Cette idée est donc de la récupération !

M. Jean-Luc Warsmann.

M. Mitterrand avait dû l'oublier !

M. Bruno Bourg-Broc.

Cette idée aura donc « maturée » et j'espère que nous sommes maintenant plus près de sa réalisation que de son initiation.

Madame la ministre, ma question concerne l'éducation artistique.

Est-elle citoyenne, comme vous avez coutume de qualifier, cédant à la mode, nombre d'actions engagées par votre ministère, ou ne l'est-elle pas ? Toujours est-il qu'elle est importante et que, de tous les bancs de cet hémicycle montent des demandes d'efforts budgétaires pour développer l'enseignement artistique, notamment pour appliquer la loi de 1988, véritable charte du développement artistique en milieu éducatif.

J'ai bien entendu, madame la ministre, votre plaidoyer et le chiffre de 39 millions que vous avez cité. L'année dernière votre département ministériel avait consenti un effort important en la matière, puisque vous aviez programmé des augmentations de 6,9 % en dépenses ordinaires et de 40,3 % en autorisations de programme. Or, cette année, l'effort est bien moins soutenu puisque l'accroissement ne s'élève qu'à 2,5 % en dépenses ordinaires et à 6,7 % en autorisations de programme. Au regard du retard accumulé depuis longtemps - et quels qu'aient été les gouvernements - j'ai du mal à croire qu'il soit déjà comblé. En tout état de cause, la modestie du b udget proposé pour 1999 n'est-elle pas, dans ce domaine, contradictoire avec les ambitions affichées et réaffirmées ? Cela est surtout vrai pour les crédits d'intervention du titre IV qui financent les subventions de fonctionnement des écoles n'ayant pas le statut d'établissement public, les actions en milieu scolaire et les bourses d'études. En effet, ils n'augmentent que d'un peu plus de 1 %. Cela est bien peu, surtout qu'intervient par ailleurs une quasi-suppression des interventions de l'Etat en faveur de l'aménagement des rythmes scolaires qui avaient l'avantage de sensibiliser les plus jeunes à la culture et d'être un fort instrument d'égalité des chances.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, je veux d'abord vous rassurer sur l'évolution des crédits de mon ministère, car certains ont évoqué le risque que le financement des opérations programmées pour l'an 2000 n'entame leur progression. Or il n'en sera rien, puisque ce financement sera apporté par ailleurs. Cela est important et significatif, car aucun crédit ne figurait à ce titre ni dans mon budget ni dans celui d'aucun autre ministère, alors que l'on parlait de financer sur des dotations d'Etat de grandes opérations pour l'an 2000 à hauteur d'un milliard de francs.

En réalité a été accompli un effort de réduction de ce montant pour arriver à un financement crédible et possible, soit 400 millions de francs, ce qui est déjà beaucoup et devrait permettre de répondre à l'ensemble des propositions présentées par les collectivités, en fonction des moyens de l'Etat. Je tenais à apporter cette précision pour vous permettre d'apprécier l'évolution de ces crédits.

En ce qui concerne l'éducation artistique, la progression des crédits est de 2,7 % en dépenses obligatoires et en autorisations de programme. Au titre IV, elle s'élève même à 4 % à structure constante. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Si ! Cela est facile à vérifier dans les chiffres.

Pour terminer, je veux revenir sur l'arbitrage opéré par le Président de la République et le Premier ministre en faveur du Musée des civilisations et des arts premiers. Ce projet proposé par le Président a été repris par le Gouvernement. Nous nous engageons d'autant plus volontiers en sa faveur qu'il s'agit d'une perspective ancienne. Cela montre qu'il faut parfois du temps pour réaliser des projets ainsi que la conjonction de volontés qui se refusent à toute polémique sur le plan politique.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Qui était président, avant ?

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'une des plus importantes missions de celles confiées à vos services, madame la ministre, est la protection du patrimoine, rôle confié essentiellement aux architectes des Bâtiments de France.

Sur ce sujet, je veux vous poser deux questions.

La première concerne une loi votée par cette assemblée le 20 février 1997 et portant généralisation d'un système de recours auprès d'une commission régionale des patrimoines et des sites contre les avis conformes des architectes des Bâtiments de France. Le 28 février 1997, la loi est parue au Journal officiel, mais les mois ont passé, et nous ne voyons toujours pas venir les décrets d'application.

A plusieurs reprises, je vous ai interrogé sur le sujet car ce décret avait été promis pour les premières semaines de 1998. Après une nouvelle interrogation de ma part, vous avez indiqué, dans une réponse parue au Journal officiel, que le décret serait publié durant l'été. Madame la ministre, l'été est fini, les feuilles mortes se ramassent à la pelle et le décret n'est toujours pas sorti.

M. Pierre Carassus.

Nous avons eu un très mauvais été !

M. Jean-Luc Warsmann.

Quand ce décret paraîtra-t-il et quand ces commissions pourront-elles être mises en place ? Ma deuxième question porte sur le fonctionnement général des services d'architecture et du patrimoine.

Vous savez, madame la ministre, que, dans beaucoup de départements, ils connaissent d'énormes difficultés de fonctionnement. A cet égard, mon département est complètement sinistré. Il est ainsi souvent nécessaire d'attendre le délai maximum de cinq mois, moins un jour, pour obtenir un avis défavorable sur un dossier ! Ainsi, un dossier important concernant la ville de Sedan, et dont le contenu émeut tout le département, est bloqué.

Lorsque les décisions des architectes des Bâtiments de France sont complètement incomprises parce qu'elles sont incohérentes par rapport à des décisions précédentes, cela


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

provoque beaucoup de difficultés. Peut-être s'agit-il tout simplement d'un problème de moyens pour ces services.

Néanmoins, je voudrais connaître votre position à ce sujet.

Etes-vous consciente de ces graves dysfonctionnements ? Quelles sont les solutions et les moyens que vous pourriez mettre en oeuvre pour améliorer le fonctionnement de ces services ?

M. Marcel Rogemont.

Heureusement que les architectes des Bâtiments de France sont là !

M. Jean-Luc Warsmann.

Et ils exercent une mission essentielle !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, le décret d'application de la loi de février 1997 qui prévoit la fusion des COREPHAE - les commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique - et des CRPS, dote les nouvelles CRPS d'une compétence d'appel sur les avis des architectes des Bâtiments de France, a bien avancé puisqu'il est sorti du Conseil d'Etat le 16 octobre. Il est en cours de transmission pour contreseing ministériel. Son entrée en vigueur est prévue le 1er mai 1999.

Sans doute a-t-il fallu du temps pour le mettre au point et croyez bien que je le regrette, mais aucun travail n'avait été engagé avant que la proposition de loi en cause ne soit examinée, pour prévoir la mise en pratiquee t l'application des mesures qu'elle comportait. La complexité de son caractère interministériel et les problèmes juridiques posés par certaines incertitudes de formulation dans la proposition de loi ont nécessité un temps d'expertise supplémentaire. Il n'y a donc eu aucune mauvaise volonté de notre part. Vous pourrez d'ailleurs constater, à la longueur du décret que son élaboration a vraiment nécessité un temps de travail extrêmement long et précis.

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous avez pris vos fonctions depuis dix-huit mois. Votre argument ne tient donc pas.

Il n'est pas bien de polémiquer ainsi sur un tel sujet.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La représentation parlementaire exige aussi que les décrets d'application ne posent pas ensuite des problèmes d'interprétation. Voilà pourquoi nous avons attendu jusqu'à ce que tout soit bien balisé. J'ai donc plaisir à vous répéter que l'entrée en vigueur de ce décret interviendra le 1er mai 1999.

Pour ce qui est des moyens des services départementaux d'architecture et du patrimoine, je vous rappelle que leur entrée dans le ministère de la culture a été effectuée sans que les moyens correspondants n'aient été prévus. Les difficultés actuelles de ces services sont la conséquence des conditions dans lesquelles ils nous ont été transférés. Nous avons évidemment prévu une augmentation de leurs moyens de 5,2 % pour 1999. J'ai également programmé une progression pluriannuelle permettant aux SDAP d'être mieux dotés aussi bien en postes et en locaux qu'en moyens de fonctionnement. Cela fait partie de nos priorités, sachant que les collectivités locales sont également très soucieuses du fonctionnement de ces services.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Madame la ministre, lors des dernières journées du patrimoine à Lille, l'hôtel Scrive, l'un des fleurons du patrimoine lillois qui abrite la direction régionale des affaires culturelles de la région Nord Pasde-Calais est resté fermé au public à cause d'un mouvement de protestation du personnel quant à ses conditions de travail.

La raison en est très simple : comment une DRAC classée quatrième en volume de tâches peut-elle fonctionner de façon satisfaisante quand ses effectifs la rangent seulement au quinzième rang ? Aujourd'hui, madame la ministre, 66 fonctionnaires effectuent, dans les conditions qu'on peut aisément concevoir, un travail qui devrait normalement incomber à 119 agents. On imagine aussi l'étonnement du nouveau directeur qui, arrivé d'Auvergne, s'est aperçu qu'il devrait confier, au même effectif que celui dont il disposait auparavant, un volume de travail trois fois plus important ! A cette situation vient s'ajouter le fait que cette DRAC est aujourd'hui contrainte de remplir de nouvelles missions avec l'animation de la commission du patrimoine et des sites, que vous avez évoquée, mais sans nouveaux moyens.

Je ne vous cache pas, madame la ministre, les inquiétudes du personnel de la DRAC de la région Nord Pasde-Calais à l'égard du budget que vous présentez. Dans cette région, confrontée à des difficultés économiques et sociales persistantes, le développement culturel est essentiel tant pour l'épanouissement des habitants que pour rendre plus positive l'image de la région.

Un nouveau défi s'impose maintenant à elle avec la désignation de Lille comme capitale européenne de la culture en 2004. C'est le moment pour l'Etat de démontrer qu'il est prêt à apporter son appui et à exercer toutes ses responsabilités en la matière. Je vous demande donc aujourd'hui de nous faire savoir si vous comptez répondre aux attentes exprimées en dotant cette DRAC des moyens humains qui lui sont indispensables. J'attends de vous, madame la ministre, la réponse précise que nécessite la situation.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

La DRAC de la région Nord Pas-de-Calais est en effet quatrième pour le niveau des crédits gérés, mais seulement treizième sur le plan du personnel, et je ne me satisfais pas de cette situation. Sur 66 emplois d'agent, 11 sont aujourd'hui vacants. Quatre créations de poste de catégorie A seraient nécessaires a minima et 18 agents travaillant à temps partiel occupent, comme cela est la règle, un emploi budgétaire.

Il faut inverser la tendance dès 1999. Aussi ai-je accéléré le processus de publication des vacances d'emploi afin qu'ils soient pourvus plus rapidement. Des postes budgétaires à hauteur des besoins seront transférés l'année prochaine et la mise en place des concours déconcentrés pour les catégories B de la filière administrative va permettre de recruter des agents plus proches de la région, donc désireux d'y rester.

Telles sont les mesures en préparation à l'heure actuelle pour répondre à votre préoccupation et à celle d'élus d'autres régions qui connaissent malheureusement le même sort difficile.

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Franck Dhersin.

M. Franck Dhersin.

Madame la ministre, la politique de démocratisation de la culture figure parmi les objectifs prioritaires de votre budget. En effet, les enseignements


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

artistiques contribuent à l'épanouissement des aptitudes individuelles et à l'égalité d'accès à la culture. Ils favorisent la connaissance du patrimoine culturel ainsi que sa conservation et participent au développement de la création et des techniques d'expression artistique. Les enseignements artistiques font partie intégrante de la formation scolaire primaire et secondaire. Ils font également l'objet d'enseignements spécialisés et d'un enseignement supérieur.

Force est de constater cependant que la réalité ne correspond pas à l'affichage. D'une part, le montant total des crédits consacrés aux enseignements artistiques s'élève à 1,33 milliard de francs en dépenses ordinaires et à 146,8 millions de francs en autorisations de programme.

L'effort est moins marqué que dans le budget de 1998.

Cela s'expliquerait-il, madame la ministre, par le fait que le rattrapage nécessaire en 1998 a été réalisé ? Quant aux crédits d'intervention en faveur des enseignements artistiques, qui financent notamment les actions menées en partenariat avec le ministre de l'éducation nationale - comme, par exemple, la formation artistique du personnel enseignant, les rapprochements entre écoles de musique et écoles primaires, les interventions artistiques dans les lycées, la création de services culturels dans les universités, les jumelages entre les établissements scolaires et les établissements culturels et les pratiques d'ateliers culturels -, ils diminuent de 3,8 p. 100, ce qui correspond, selon notre rapporteur pour avis, et comme l'a souligné M. de Charette, au point noir du budget pour 1999.

Toutes ces actions sont pourtant essentielles si l'on souhaite garantir une véritable démocratisation de l'accès à la culture. Un état récapitulatif des crédits affectés au développement des enseignements artistiques devrait être annexé chaque année au projet de loi de finances. Or je constate qu'il n'a pas été distribué.

Comment, madame la ministre, sont répartis les différents crédits entre le budget de la culture et celui de l'éducation nationale ? Que comptez-vous faire pour améliorer réellement la qualité de l'enseignement artistique ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de préciser les chiffres concernant l'évolution des crédits globaux de l'enseignement et de la formation artistiques.

Les députés ont critiqué la faiblesse de leur progression. J'estime que l'inscription de 35 millions de francs de mesures nouvelles pour les musiques actuelles et l'augmentation de 39 millions de francs des crédits de l'enseignement artistique ne représentent pas un mince effort.

Je rappelle que les actions engagées pour le développement de l'intervention artistique, que ce soit l'accueil d'artistes ou la promotion d'activités de soutien et d'initiation dans le cadre de la musique, de la danse, du cinéma ou de l'écriture, représentent une contribution nette supplémentaire de 10 millions de francs.

Il y a donc bien progression des moyens : elle est de 39 millions de francs tous titres confondus, soit 2,7 %, et de 19 millions de francs pour le seul titre IV, à structure constante.

Par ailleurs, mes collègues, Mme Royal, M. Allègre et Mme Buffet et moi-même avons décidé de mobiliser également les partenaires traditionnels de nos écoles, non seulement par le biais des financements directs mais également par celui de jumelages avec les musées ou par une mobilisation et une présence plus forte de nos institutions culturelles. Cela fait partie du financement de ces institutions et n'apparaît pas nécessairement de façon directe et chiffrée.

Il faut donc prendre en compte à la fois les mesures de développement qui sont directement financées par mon ministère et celles qui relèvent de l'application de la charte des missions de service public et qui exigent q'un temps soit consacré et une action menée en direction des publics jeunes, notamment des scolaires.

M. le président.

Nous passons au groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Madame la ministre, je voudrais évoquer les problèmes posés par la politique culturelle des régions où l'exécutif s'est associé au Front national.

M. Marcel Rogemont.

Scandaleux !

M. Jean-Paul Bret.

C'est le cas en Rhône-Alpes où le Front national a pu, à plusieurs reprises, « sanctionner » - c'est le terme qu'il faut utiliser - telle ou telle manifestation culturelle ou tel ou tel groupe d'artistes. Cela a été le cas, pour citer simplement deux exemples, du défilé qui avait été organisé lors de la biennale de la danse, jugé trop « cosmopolite » et trop « tourné vers le Sud » par les amis de M. Le Pen, et d'une compagnie de théâtre lyonnaise, coupable d'avoir manifesté trop ostensiblement son hostilité au Front national et à ses complices.

Madame la ministre, je connais votre engagement sur ces questions. Je connais également la vindicte de l'extrême droite à votre encontre.

M. Marcel Rogemont.

Elle a gardé toute sa tête !

M. Jean-Paul Bret.

Je comprends que l'Etat et votre ministère ne veuillent pas faire de la compensation automatique. Ce serait évidemment trop facile de dédouaner ainsi les responsables et ceux qui s'en font les complices par leur collusion ouverte avec l'extrême droite.

Pour autant, une solidarité s'impose. Vous l'avez d'ailleurs prouvé il y a quelques jours en accordant une subvention exceptionnelle à « Rhône-Alpes Cinéma » pour lui éviter un dépôt de bilan.

Mais cette solidarité peut aussi relever d'autres modalités que la compensation financière. Les milieux culturels et les directions régionales des affaires culturelles peuvent y contribuer et ils s'y engagent souvent.

Madame la ministre, quelles solidarités, quels soutiens votre ministère peut-il apporter ?

M. Marcel Rogemont.

Très bonne question.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, le problème que vous soulevez dans votre question est lourd. Il pèse non seulement sur la vie quotidienne des institutions culturelles mais aussi sur la vie démocratique, comme en atteste la gêne ressentie par l'ensemble des élus locaux que j'ai pu rencontrer dans la région Rhône-Alpes.

J'accorde personnellement la plus grande importance à ce qui se passe dans cette région, comme dans les trois autres où l'exécutif est contesté du fait de l'existence d'un accord entre lui et le Front national.

Le Gouvernement se doit d'être présent dans de telles régions. En ce qui me concerne, par ma présence régulière, je veux rappeler que la France est un pays républicain, où Etat et collectivités locales républicaines tra-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

vaillent ensemble au maintien du lien social. Le but du Front national est en effet de casser tout ce qui peut renforcer la cohésion sociale : plus celle-ci sera fragilisée et plus ce parti pourra, en faisant croire aux gens qu'ils sont des victimes, accroître son audience et gagner des voix.

Chaque fois qu'un mouvement politique en Europe ou dans le monde, revendique un pouvoir non démocratique parce que totalitaire, le terrain culturel devient un terrain de lutte.

Pour ma part, je me suis engagée résolument, et depuis lontemps, dans l'affirmation d'une autre orientation : je veux démontrer que l'action culturelle est au contraire un terrain de rassemblement et d'affirmation de la liberté de choix, de pensée, de décision et de fidélité aux valeurs républicaines. Agir ainsi n'est pas simplement polémiquer ou s'opposer. C'est construire. Au-delà de la stratégie d'opposition que nous devons mettre en oeuvre - et, de ce point de vue, je soutiens le combat mené par les élus socialistes contre la gestion tranquille de ces alliances - il nous faut, avec l'ensemble des partenaires républicains, construire de nouvelles formes de solidarité. En effet, le vote Front national a des conséquences pour certaines structures culturelles que ce parti prend directement pour cible.

Face à cette situation, mon attitude a été constante : je ne souhaite pas que le ministère de la culture se substitue financièrement aux régions qui se désengagent ; cela reviendrait à cautionner l'abandon par ces régions de leur responsabilité républicaine et à donner une prime à leur attitude agressive. Je pense que, sur tous les bancs de cette assemblée, vous souscrivez à cette analyse. En revanche, je souhaite rassembler les élus républicains et les professionnels de la culture pour mettre en oeuvre ce que j'ai appelé une solidarité concrète qui consiste à accueillir les productions des artistes touchés par la suppression des subventions et à s'engager dans la coproduction de leurs nouvelles créations. C'est ainsi que nous avons pu aider la compagnie de Christiane Véricel, après la suppression par le conseil régional d'une subvention d'un montant de 500 000 francs.

Plus récemment, la structure de production cinématographique Rhône-Alpes Cinéma dirigée par Roger Planchon étant menacée de fermeture, j'ai, de manière tout à fait exceptionnelle, un peu dépassé mes obligations contractuelles à l'égard de cette structure.

Autrement dit, je traite au cas par cas les problèmes qui se posent. Dans ce souci et cet esprit de concertation, affirmer cette solidarité, est, certainement aujourd'hui, la meilleure réponse possible.

Comme vous l'avez souligné ; je suis directement visée par le Front national. A ce propos, la récente décision de justice contre M. Jean-Marie Le Pen sera utile à la représentation parlementaire républicaine, dans son ensemble, tous partis confondus. En effet, il a permis d'établir clairement les limites du débat politique et le nécessaire exercice dans une démocratie des mandats publics et, donc, des candidatures qui peuvent être exprimées par les citoyens désireux de se proposer à la représentation nationale.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Jean-Pierre Baeumler.

C'est courageux !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il faut aussi montrer qu'un lien profond est à la base de la solidarité de nos institutions républicaines. C'est ce qui permet d'obtenir, sur un certain nombre de missions régaliennes de l'Etat, l'éducation, la culture, la solidarité, une cohésion sans cesse affirmée. Réaffirmer et préserver le lien social au moment où ce parti d'extrême droite cherche à utiliser la mondialisation et la peur des gens, le chômage et les disparités sociales et culturelles, est certainement une façon optimiste de penser une démocratie moderne, laquelle doit pouvoir donner aux politiques le rôle qui leur revient : à la fois de représentants et de décideurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

La démocratisation de l'accès à la culture est un des axes majeurs de la politique que vous mettez en oeuvre, madame la ministre, avec talent et détermination. La démocratisation culturelle est, en effet, souvent pensée en termes d'implantations d'équipements culturels, alors même que la fréquentation des lieux de diffusion reste marquée par de profondes disparités, à la fois sociales et géographiques. Les enquêtes les plus récentes sur les pratiques culturelles des Français nous confirment que le désir de culture reste encore minoritaire aujourd'hui.

La charte des missions de service public du spectacle vivant constitue, à cet égard, un des signes forts de la réorientation de la politique culturelle de l'Etat que vous avez décidée.

Les musiques actuelles - je pense plus précisément aux formes les plus amplifiées d'entre elles - expriment ainsi un désir de culture caractérisé par une soif de création le plus souvent instantanée et par l'adhésion de plus en plus large de publics, le plus souvent jeunes, comme le pavé parisien en a porté récemment témoignage.

Par vos initiatives, qui ont heureusement permis de dépasser le stade d'un discours rarement suivi d'effets jusque-là, vous avez accompli, madame la ministre, un acte politique essentiel : celui de la légitimation des musiques actuelles par la puissance publique.

En passant de la tolérance à la reconnaissance, comme nous essayons, ici même, de le faire en d'autres domaines, vous avez souhaité répondre au risque de laisser des femmes et des hommes souvent jeunes et même très jeunes retrouver ou se réinventer des références culturelles dans un cadre communautaire distinct du modèle républicain d'intégration.

Pour relever ce défi identitaire, vous mobiliserez 35 millions en 1999, ce qui représente une progression des crédits de près de 40 %. Pouvez-vous revenir un instant, madame la ministre, sur ce soutien institutionnel à la création, à la diffusion et à la formation dans le domaine des musiques actuelles que vous venez justement de rendre publiques ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, je vais vous donner une réponse très claire sur l'ensemble des actions engagées à la suite dur apport de la commission nationale des musiques actuelles qui m'a été remis en septembre.

Dans le rapport, la demande de reconnaissance esto mniprésente et répétée. Le moment est venu de reconnaître l'importance des esthétiques populaires et nouvelles : le jazz, la chanson, le rock, le rap, la techno et les musiques traditionnelles.

Ces expressions musicales représentent aujourd'hui un p hénomène artistique et une expression culturelle majeurs. Ces esthétiques doivent être considérées comme toutes les autres expressions artistiques dans la politique culturelle du ministère.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Dès 1999, ce sont donc 35 millions de francs qui sont consacrés au premier volet d'un programme d'actions qui va se dérouler sur trois ans et qui sera suivi d'efforts nouveaux dans les budgets ultérieurs : 10 millions de francs sont consacrés à l'équipement en faveur à la fois des lieux de diffusion, des ateliers de formation et des studios de répétitions et 25 millions de francs au soutien de la création, de la diffusion et de la formation.

Ces crédits de fonctionnement vont être principalement affectés aux objectifs suivants : le renforcement des moyens des scènes de musique actuelles, puisque nous voulons créer un véritable réseau de scènes professionnelles, le développement des résidences de création en faveur de la chanson et du jazz dans tous les réseaux institutionnels - je pense en particulier aux scènes nationales -, le renforcement des moyens de l'Orchestre national de jazz et des festivals, le soutien accru aux réseaux des écoles associatives, pour le jazz et les musiques traditionnelles principalement, le soutien financier à la création de postes d'enseignants dans les écoles contrôlées, le soutien aux structures concourant à une meilleure exportation des productions nationales. Pour favoriser la formation, il faut ouvrir les écoles nationales de musique et les conservatoires aux musiques actuelles par la mise en place d'un certificat d'aptitude spécifique ouvrant aux fonctions de direction et d'encadrement et par la création d'un diplôme d'Etat spécifique qui permettra aux enseignants d'intervenir dans différents cadres puisque, aujourd'hui, l'apprentissage de ces musiques s'effectue dans des lieux différents. Ce sera une innovation et une façon de répondre au plus près aux soucis des collectivités qui investissent dans la formation musicale.

Pour faciliter la diffusion de ces musiques, les scènes nationales s'ouvriront davantage aux musiques d'aujourd'hui, notamment au profit de la chanson. C'est une tendance qui est déjà constatée dans les programmations de la saison 1998-1999. De plus, une mission d'accompagnement des créations dans le domaine du jazz et des musiques traditionnelles sera confiée à l'office national de diffusion artistique.

Enfin, nous devons inscrire, dans les contrats de pays, les contrats de plan ou les futurs contrats d'agglomération, des projets territoriaux de développement des musiques actuelles. Ce sera l'une des priorités de l'élaboration des contrats de plan Etat-régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous revenons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Ma question porte sur la réforme du statut des commissaires-priseurs.

Comme vous le savez, madame la ministre, le très a ncien monopole des commissaires-priseurs sur les enchères volontaires est en infraction avec le traité de Rome. En mars 1995, nous avons fait l'objet d'une mise en demeure de la part de la commission européenne à la suite d'une plainte d'un concurrent anglo-saxon. Cela fait donc bientôt quatre ans que les professionnels du marché de l'art attendent avec impatience la réforme du statut des commissaires-priseurs.

Au-delà de cette urgence et de la nécessité juridique d'adapter notre législation au marché européen, se pose la question de l'environnement social, réglementaire et fiscal qui entrave le développement du marché de l'art à Paris.

M. Marcel Rogemont.

Pas seulement à Paris !

M. Henri Plagnol.

Sur la longue durée, le monopole, conjugué au poids de la fiscalité, a eu des effets désastreux. Paris ne représente malheureusement plus que 6 % du marché de l'art mondial. En vingt ans, les ventes d'oeuvres d'art françaises sur les places étrangères ont été multipliées par 350. Nous courons donc le risque d'être relégués au rang de place provinciale.

Cette réforme, urgente et nécessaire, devrait s'accompagner d'un ensemble de mesures propres à redonner à tous les professionnels du marché de l'art, à Paris et en province, la possibilité de lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers. Je pense en particulier au taux de la TVA qui pèse sur les importations. J'en profite au passage pour vous féliciter, madame la ministre, d'avoir réussi à faire reculer la majorité sur son projet d'inclure les oeuvres d'art dans l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Paul Bret.

Prétentieux !

M. Henri Plagnol.

Une telle disposition aurait réduit à néant, et définitivement, toutes les chances de relance du marché de l'art parisien.

Mais, au-delà de cette volonté affichée, allez-vous faire en sorte que Paris, qui a vocation à être la capitale du marché de l'art mondial, et qui en a tous les atouts, ait enfin une politique fiscale et législative qui favorise son développement en la matière ? Ma question est double : pourquoi attendre encore pour adopter le projet de loi sur la réforme du statut des commissaires-priseurs, et, au-delà de cette modification législative, comment comptez-vous relancer la place parisienne sur le marché de l'art ?

M. Patrick Bloche.

Voilà un discours très libéral !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comporte, en effet, des modalités d'indemnisation des commissaires-priseurs. Le premier ministre a fixé le montant total de l'indemnisation à 450 millions de francs pour les 456 commissaires-priseurs, et une taxe de 1 % sur les ventes alimentera le fonds d'indemnisation.

Le ministère de la culture et de la communication est très favorable à ce projet de loi qui s'inscrit dans l'ensemble du dispositif destiné à développer le marché de l'art. A cet égard, le Premier ministre a souhaité que les propositions et les analyses du rapport de M. André Chandernagor, président de l'observatoire des mouvements intern ationaux d'oeuvres d'art, soient étudiées afin de progresser sur les dossiers fiscaux, en particulier la réduction de la TVA à l'importation - les chiffres dans ce secteur se sont effondrés - l'instauration d'un taux dégressif sur le droit de suite et l'abaissement de la taxe sur les plus-values. Depuis plusieurs semaines déjà, mon collègue Christian Sautter et moi-même sommes en train d'y travailler.

Le non-assujettissement des oeuvres d'art à l'ISF est une mesure qui, psychologiquement, peut favoriser le maintien des ventes sur le sol national, à Paris, mais pas seulement, parce qu'il n'y a pas que Paris qui alimente le marché de l'art français.

M. Marcel Rogemont.

Je vous remercie, madame la ministre, de nous le préciser !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ma préoccupation est d'obtenir une plus grande équité sur le plan européen. Les taux qui ont favorisé l'Angleterre et l'Allemagne ne devraient pas perdurer. En tout


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cas, nous sommes en discussion. Après le prix unique du livre, le prix du disque, la taxation des oeuvres d'art constitue le troisième sujet d'actualité sensible, tant au plan national qu'européen.

Il faut donc relancer la place de Paris. A l'occasion de l'inauguration de l'exposition commune GuggenheimBeaubourg, à New York, j'ai rencontré le responsable des affaires culturelles de cette ville qui m'a indiqué que la deuxième ressource financière de New York, après Wall Street, provenait de la culture, prise au sens large, et dans laquelle le marché de l'art tient une bonne part. Cela représente 12,5 milliards de dollars. Certes, le système fiscal n'est pas le même que le nôtre, mais on voit combien cette ville, qui prétend pouvoir être la ville dominante, sur le plan international, de la culture et de l'art, dispose de moyens.

Il n'en demeure pas moins que nous pouvons progresser grâce à une judicieuse promotion de nos artistes - qui ne sont pas suffisamment connus au plan international des expositions et des exportations de leurs oeuvres.

N ous avons également prévu d'avoir une action concertée avec le ministère des affaires étrangères dont les instituts culturels jouent un rôle très important, grâce aux activités qu'ils mènent. C'est une réelle priorité, tant pour les artistes plasticiens, le spectacle vivant que le film.

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe RPR.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame la ministre, nous sommes inquiets quant aux moyens de fonctionnement alloués aux directions régionales. Notre collègue Patrick Delnatte a évoqué la situation dans le Nord. Mais, dans de nombreuses régions, les DRAC disposent de moyens limités.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Il a raison.

M. Jean-Luc Warsmann.

Or l'augmentation prévue pour 1999 ne couvre qu'une ligne de 4 millions de francs.

Aussi, nous craignons que cette situation ne s'aggrave.

Vous avez en effet annoncé que les prochains contrats de plan verraient se poursuivre la politique de déconcentration. Cette orientation est bonne, mais elle doit s'acc ompagner parallèlement d'une déconcentration des moyens de fonctionnement et, pourquoi pas ?, d'une répartition des rôles entre l'administration centrale et les DRAC.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

Dans ces conditions, madame la ministre, quelles sont vos orientations ? Etes-vous consciente des difficultés de fonctionnement de vos directions régionales ? Que comptez-vous faire pour leur donner davantage de moyens, notamment en termes de personnels ? Qu'en est-il de la mise en place d'ici à la fin de 1998 du plan de délégation de moyens que vous avez annoncé en commission ? Qu'en est-il également du plan pluriannuel dont vous avez parlé à la tribune ? A quelle hauteur se situent les moyens qui pourront être transférés aux DRAC, afin de leur redonner des conditions de fonctionnement cohérentes, parallèlement à la déconcentration des crédits que vous poursuivez ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ai en effet souligné, monsieur le député, que les moyens des DRAC étaient insuffisants et qu'ils devraient être renforcés. J'ai aussi parlé d'un plan pluriannuel de développement des moyens de ces directions. A défaut de b énéficier d'une situation confortable en matière d'emplois supplémentaires, il faut organiser des redéploiements. De ce point de vue, je ne peux pas me contenter de prendre des postes ici et de les reposer là. Il faut à la fois accélérer la publication des emplois vacants - je m'y suis engagée -, et mettre en oeuvre le travail d'organisation. Dès qu'il sera finalisé, d'ici à la fin de l'année, je serais prête à le présenter à l'Assemblée.

En tout cas, nous avons augmenté de 4 millions de francs les moyens des DRAC. Je parle des moyens de f onctionnement, et non des crédits d'intervention déconcentrés. Il en va de même des services départementaux d'architecture et du patrimoine. Cette évolution sera constante de façon à donner aux DRAC les moyens de bien fonctionner.

En 1998, nous avons également abondé les crédits des DRAC. Les personnels ont néanmoins manifesté leur souci de voir pourvus les postes vacants et ont exigé une dotation complémentaire en postes. Nous travaillons également sur la situation des conseillers en DRAC. Jusqu'à présent, ils remplissent des tâches permanentes.

Pour ce qui est du transfert de postes et de la dotation des DRAC en moyens financiers et humains comme du travail mené, en concertation avec les organisations syndicales, concernant la situation des conseillers, je souhaite doter - je réponds ainsi à votre remarque sur la décentralisation, monsieur le député - les moyens déconcentrés de l'Etat d'une autorité et d'une représentativité fortes. Les DRAC, dont la création a été une initiative que je tiens à saluer, ont correspondu à des moyens offerts aux régions, au moment de la décentralisation, du fait de la grande disponibilité de tous ceux qui y ont participé. Cela dit, elles constituent plus une administration de mission qu'une administration constante et structurante. Il faut que le ministère de la culture et de la communication définisse désormais de manière claire les missions respectives des services centraux et des services déconcentrés.

J'ai aussi le souci que la dimension départementale soit davantage prise en compte. La remarque m'en a été faite autant par des élus que par des préfets. J'ai d'ores et déjà engagé des discussions avec les DRAC afin de trouver les réponses appropriées pour éviter que le niveau départemental ne soit court-circuité par l'existence même des directions régionales. A l'occasion des contrats de plan

Etat-région, nous proposerons des démarches innovantes pour répondre à cette attente.

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Yvon Abiven.

M. Yvon Abiven.

Madame la ministre, comme beaucoup de mes collègues, je constate avec plaisir que la reconstruction de notre politique culturelle se poursuivra l'année prochaine étant donné que ce budget fait partie des priorités du Gouvernement.

Cependant, je veux revenir sur l'un de vos objectifs : améliorer l'accès à la culture. La culture, c'est aussi partir de soi, de son histoire personnelle, de son territoire, bref, de son univers de vie, et s'exprimer à partir de là. Nous nous devons de favoriser cette expression de soi, pour que chacun trouve dans sa vie, dans son histoire, les moyens de dépasser ses difficultés, et puisse se sentir bien là où il est. C'est ainsi que je conçois une culture vivante, sans cesse renouvelée par l'expression populaire. La culture est aussi l'affaire des gens, artisans autant qu'artistes. Elle doit être multiple et diversifiée. C'est ce qui rend la Bre-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

tagne, pour prendre l'exemple de ma région, créative, à la fois porteuse de repères et ouverte sur le monde. Les cultures de nos régions participent à ce mouvement. Il me paraît donc essentiel d'être au plus près des gens, d'écouter leurs projets pour leur permettre de les réaliser.

Il nous faut faire en sorte de ramener les moyens, mais aussi les décisions, dans nos régions. Il faudrait passer d'une politique de grands travaux à une politique d'ateliers, plus proche du terrain, afin que soit mieux prise en compte notre diversité culturelle, qui bien que riche, a été trop longtemps délaissée.

Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, comment votre budget répond à ce souci et va dans le sens d'une augmentation de la dotation aux régions ? Quelle place comptez-vous accorder aux langues et cultures régionales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, vous avez donné à votre intervention une double dimension : d'une part, l'équilibre des crédits entre Paris et les régions, et, d'autre part, la reconnaissance légitime de l'apport des cultures régionales au patrimoine national et à la création contemporaine.

Je ne reviens pas sur le premier point, sur lequel je me suis déjà exprimée assez longuement, sinon pour ajouter que grâce à une augmentation de 41 % des crédits liés aux opérations d'intérêt régional, nous nous sommes engagés résolument dans la voie d'un meilleur équilibre et d'une meilleure reconnaissance de l'ensemble du territoire national.

Vous me demandez aussi comment le ministère prend en compte le souci de proximité et les cultures régionales.

La poursuite du mouvement de déconcentration des crédits répond au premier point. S'agissant des cultures et langues régionales, je viens d'une région, à l'autre bout de la France, qui, comme la vôtre, monsieur le député, a exprimé son souhait de voir la langue et les traditions régionales faire partie intégrante du patrimoine national.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je suis heureuse que le Premier ministre ait engagé les missions qui ont été conduites d'abord par Mme Péry, ensuite par M. Poignant, et enfin par M. Carcassonne, pour aboutir à ce résultat positif, qu'a été la signature de la charte des langues minoritaires du Conseil de l'Europe.

Dans le même temps, il est important de réaffirmer avec force que la reconnaissance des langues de France comme élément de notre patrimoine linguistique national ne peut remettre et ne remettra pas en question l'unité nationale...

M. Laurent Cathala, Heureusement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... qui est fondée sur une identité qui ne méprise aucune des langues ou aucun des apports qui constituent ledit patrimoine. Le moment est venu d'une affirmation très forte et cohérente avec les départements et territoires d'outre-mer où des langues bien différentes du français sont parlées et où l'apport culturel n'a pas été jusqu'ici, à mon sens, suffisamment pris en compte. A l'inverse de ceux qui voudraient récupérer cette thématique des identités régionales pour en faire un élément d'exclusion de la dimension nationale, le rôle de ceux qui incarnent la représentation républicaine dans cette assemblée comme de ceux qui exercent la responsabilité gouvernementale, est de montrer comment la reconnaissance de notre patrimoine régional, comme élément de notre patrimoine national, est compatible avec l'affirmation forte, aussi bien en Europe que sur le plan international, qu'en étant fiers et en même temps dignes de l'héritage qui est le nôtre, nous affirmons aussi la nécessité de reconnaître la diversité des cultures et le pluralisme de l'expression. Je crois que c'est là l'expression d'une démocratie moderne, qui trouve son sens pour notre projet de société, et qui est profondément respectueuse de ce que constitue l'apport de chacun d'entre nous.

J'ai souvent été blessée, comme beaucoup d'entre vous ici, par le fait que les cultures régionales ont été considérées comme mineures en matière de création artistique. Je souhaite vraiment pouvoir réconcilier la création contemporaine avec l'apport le plus important qui est fourni par le patrimoine régional tant linguistique que musical et aussi dans le spectacle vivant. Qui sait, par exemple, que l'usage des pointes en danse classique vient des danses traditionnelles du Pays basque ?

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Pierre Forgues.

Et de la Bigorre, madame la ministre !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il est parfois bon de rappeler l'Histoire. Et au moment où l'Europe se construit, il n'est pas inutile d'affirmer que lorsqu'on pratique une langue régionale, comme en Bretagne ou en Alsace, lorsqu'on défend la possibilité de préserver un certain humour et une certaine création, on ne se coupe pas de la dimension nationale, mais que l'on apporte peut-être une touche un peu plus européenne, un peu plus ouverte sur l'extérieur. Les langues et les traditions culturelles régionales comprises de cette façon - je le disais en Corse, au mois de novembre de l'année passée - peuvent aussi se révéler un atout pour développer notre influence sur le plan européen, à condition que cela ne soit pas dans le repli sur soi et dans l'affirmation d'une culture contre l'autre, mais dans le partage de nos cultures.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Je m'exprimerai en français, exceptionnellement. (Sourires.)

Madame la ministre, comme l'an passé, votre budget pour 1999 augmente de façon significative, de l'ordre de 3 %, et se rapproche donc de l'objectif de 1 % du budget général que le Premier ministre avait fixé dans son discours de politique générale en juin 1997, à l'Assemblée nationale. Cet effort financier conséquent mérite d'être salué.

Ayons aussi en mémoire les coupes claires effectuées par l'ancienne majorité dans les crédits de votre département ministériel dans les années 1993-1997. Grâce à vous, la culture est à nouveau une priorité gouvernementale, et je m'en réjouis.

Je note aussi votre volonté clairement affirmée de déconcentrer et de rééquilibrer l'offre culturelle entre la province et Paris. Il s'agit là de répondre à un principe de démocratisation de l'accès à la culture. Ainsi je note que les crédits alloués au financement des équipements d'intérêt régional progressent fortement, de l'ordre de 40 %, passant de 299 millions de francs, en 1998, à 399 dans le présent budget.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Cependant, je tiens à rappeler ici les retards importants accumulés en ce domaine par l'Etat, qui, suite à des annulations de crédits dans les régularisations budgétaires, n'a pas été en mesure de financer des opérations de construction de salles de spectacle, d'équipements culturels décidées dans les années 1995 ou 1996.

De ce fait, l'enveloppe budgétaire de l'an dernier a essentiellement servi à solder les engagements anciens et, par voie de conséquence, peu de projets nouveaux ont pu être engagés. Je pourrais citer à cet égard toute une série d'opérations qui attendent actuellement une décision et des moyens de la part de l'Etat.

Or ces équipements de proximité, outre qu'ils contribuent à la démocratisation d'une culture enfin déconcentrée, jouent un rôle important en matière d'animation et d'aménagement du territoire.

Aussi je souhaiterais que vous m'indiquiez, madame la ministre, si l'effort réel consenti pour 1999 en faveur des équipements d'intérêt régional permettra de financer de nouvelles opérations susceptibles de permettre aux équipes municipales de concrétiser, avant l'échéance de 2001, les engagements qu'elles ont pris.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, je vous remercie de rappeler les engagements municipaux...

M. Marcel Rogemont.

Eh oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... que je respecte, étant moi-même conseillère municipale, mais ayant exercé d'autres fonctions antérieurement, sous la forme de contrats d'action municipale.

Ainsi que vous l'avez relevé, et je vous en remercie, l'évolution des crédits est clairement favorable aux équipements d'intérêt régional et local puisqu'ils progressent de 41 %. J'ai en effet souhaité redéployer une partie des crédits ouverts les années précédentes par l'Etat pour des investissements dans Paris vers des opérations conduites dans les régions, Cela permet de maintenir un rythme soutenu en faveur de l'équipement des régions et de répondre à la demande.

En ce qui concerne les 300 millions de francs de dettes, ils seront, comme je l'ai déjà dit, financés entre 1998 et 1999.

En cette matière, je n'ai donc pas à craindre les récriminations. Il est important que les responsables des collectivités locales aient une vision claire des choses.

Cette progression, dont il convient de souligner la portée, illustre clairement la différence qu'il peut y avoir par rapport aux années antérieures. Pour ma part, je me refuse à multiplier les promesses qui ne pourraient être financées, car la dette que l'Etat a accumulée vis-à-vis des collectivités territoriales a deux causes : d'une part, elle résulte de régulations budgétaires ; d'autre part, il a pu se produire que, par souci de ne vexer personne, parfois aussi pour soigner des amitiés politiques,...

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis.

C'est sans précédent !

M. Pierre Carassus.

Je n'ose y croire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... on a inscrit au budget des projets qui n'étaient pas financés, je l'ai constaté dans plusieurs dossiers aujourd'hui. Je dois honorer ces dettes. Mon honnêteté me conduit à respecter la parole de l'Etat, même lorsque j'ai pu constater qu'aucun crédit n'avait été engagé et que les élus locaux n'en étaient pas conscients.

Je remercie d'ailleurs, pour leur vigilance, la commission des finances, son président, le rapporteur et tous ceux qui m'ont aidée dans l'analyse financière de cette situation, qui a été largement débrouillée avec l'apport et le soutien des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret, pour la dernière question du groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bret.

Madame la ministre, au terme de ce débat, je voudrais à mon tour saluer votre persévérance dans le domaine de la démocratisation culturelle. Toutefois, l'expression peut paraître usée, à force d'avoir été employée. Elle a servi d'étendard à de nombreuses politiques culturelles nationales, mais aussi locales. Elle a présidé, on l'a rappelé, à la création du ministère de la culture, avec André Malraux, quand il s'agissait de permettre la rencontre des oeuvres et du public. Chacun s'en réclame ou s'en est réclamé, et elle a ainsi fini par perdre de sa force. Elle est de ces expressions qu'un trop-plein de sens a quelquefois vidées de leur signification.

Aujourd'hui, vous avez le mérite, madame la ministre, de redonner un vrai sens et une réalité à cette démocratisation culturelle, à travers des actions concrètes et des actes posés. Ainsi la charte des missions de service public doit-elle préciser les responsabilités artistiques, territoriales, sociales, professionnelles des institutions culturelles bénéficiant de crédits importants de l'Etat. Dans ce même cadre de la démocratisation culturelle que vous avez défini en répondant à Patrick Bloche, des mesures nouvelles seront prises en faveur de musiques actuelles.

Vous l'aviez indiqué en commission, ces musiques avaient fait l'objet de discours généreux, mais les intentions ne s'étaient pas vraiment traduites en actes.

Souvent, ces musiques actuelles sont créées ou diffusées dans des lieux qui échappent aux classifications habituelles, des lieux hors normes, dits quelquefois « lieux d'émergence », et qui, à travers leurs pratiques et les publics qu'ils touchent, sont aussi des lieux de démocratisation culturelle. Or ils se trouvent souvent dans des situations précaires et pourraient également s'inscrire dans une charte des missions de service public, ou tout au moins dans un conventionnement qui, sans les normaliser et en tenant compte de leur diversité, de leur originalité, voire de leur spécificité, pourrait les faire bénéficier d'aides et de concours de l'Etat plus réguliers.

Je sais, madame la ministre, que ces préoccupations ne vous sont pas étrangères, mais je souhaiterais que vous puissiez nous apporter des précisions sur ce point et nous expliquer comment vous allez les traduire en actes.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, le ministère de la culture et de la communication est engagé dans d'autres actions que celles que nous avons évoquées ici, mais qui appartiennent pleinement à la politique de démocratisation de la culture que nous avons lancée. Je veux parler de notre contribution à la politique de la ville.

Nous pensons qu'il est important que, parmi les actions conduites sur le plan culturel, on ne considère pas qu'il y a une culture de centre-ville et une culture des quartiers, une culture centrale et une culture périphérique. Il est absolument indispensable de prendre cette notion en compte dans l'aménagement du territoire. Je pense aux banlieues et à la grande couronne de la région parisienne mais aussi à nos communes et agglomérations.

Pour moi, il n'y a pas de différence de valeur entre un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

artiste qui se produit dans un théâtre national et un artiste qui se produit dans une opération liée à la politique de la ville ; il n'y a pas non plus de différence de public.

Chaque public, quels que soient l'endroit où il se trouve et son niveau social, a droit à la considération et au respect. Voilà où se situe le coeur de la réflexion sur la démocratisation. Voilà où se situe l'engagement du ministère de la culture et de la communication dans les actions qui visent à lutter contre l'exclusion et l'illettrisme, fléaux de notre temps.

Pour cela, j'agis dans trois directions.

La démocratisation de l'accès à la culture doit guider les actions de diffusion de l'ensemble du réseau des institutions culturelles. Tel est le sens de la charte des missions de service public qui va être opérationnelle à partir du 1er janvier 1999. Après une période de concertation, la rédaction de cette charte est achevée.

La démocratisation implique également que le ministère de la culture reconnaisse les nouvelles pratiques et les formes d'expression artistique émergentes. C'est le cas avec la mise en place du réseau des scènes de musiques actuelles et la prise en compte de lieux de fabrication des arts de la rue ; ils bénéficient les uns et les autres de la même attention et des mêmes moyens de soutien en matière d'équipement. Les scènes de musiques actuelles doivent être non seulement des lieux de création et de diffusion d'oeuvres artistiques mais aussi des lieux d'accueil permettant à des pratiques de qualité de passer de l'amateurisme au professionnalisme.

Cet élément d'animation peut permettre aussi de réaffirmer que les musiques actuelles, comme d'autres formes contemporaines de création artistiques, ont droit de cité dans le réseau institutionnel. S'il y a création d'un nouveau réseau, il y a en même temps interpénétration avec le réseau de scènes existantes. De la sorte, la sectorisation trop forte, qui a parfois véritablement mis en difficulté certaines compagnies, sera complètement dépassée.

Bien sûr, je souhaite contractualiser l'ensemble de ces actions avec l'intégralité des collectivités territoriales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial.

Je voulais simplement dire que, tout à l'heure, emporté par mon enthousiasme, lorsque j'ai demandé à Mme la ministre de faire en sorte que son budget dépasse largement 1 % du budget de l'Etat, j'ai oublié de signaler à mes collègues que la commission des finances avait bien entendu adopté les crédits de la culture et qu'elle demandait à l'Assemblée de faire de même.

(Sourires.)

M. le président.

Cette précision était utile, monsieur le rapporteur.

CULTURE ET COMMUNICATION

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne

« Culture et communication ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 180 263 706 francs.

« Titre IV : 193 836 238 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles).

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 966 290 000 francs.

« Crédits de paiement : 501 185 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 556 070 000 francs.

« Crédits de paiement : 966 250 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est pas le PACS tous les jours ! (Rires.)

M. Franck Dhersin.

Heureusement pour la majorité !

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la culture.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; A dix-huit heures, suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078) : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1998

Enseignement scolaire : éducation nationale : M. Jacques Guyard, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 17 au rapport no 1111). enseignement scolaire : M. Yves Durand, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome V).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT