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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7281).

OUTRE-MER

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Philippe Auberger, suppléant M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer.

MM. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les territoires d'outre-mer ; le président.

M. Jérôme Lambert, suppléant M. François Cuillandre, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires d'outre-mer.

MM. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'outre-mer ; le président.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

MM. Alfred Marie-Jeanne, François Asensi, Dominique Bussereau, Henry Jean-Baptiste, Dominique Perben.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7309).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

OUTRE-MER

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Je rappelle que la conférence des présidents a pris des dispositions spéciales pour permettre, à l'occasion de l'examen des crédits, la tenue d'un débat sur l'outre-mer.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, il y a un an, le 31 octobre 1997, lorsque j'ai eu l'honneur de vous présenter le projet de budget pour 1998, nous avons tous pris conscience que l'outre-mer français méritait mieux qu'une matinée parlementaire programmée la veille de la Toussaint. L'examen du budget doit être pour nous un rendez-vous majeur, permettant à chacun, Gouvernement et députés, d'aller au fond des problèmes et de débattre d'orientations qui dépassent le strict cadre de l'exercice annuel.

Je veux remercier le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale et la conférence des présidents d'avoir accédé à notre demande conjointe.

Pour la première fois, hors circonstances exceptionnelles, l'Assemblée nationale peut donc se faire l'écho des préoccupations et des attentes de nos compatriotes des départements, collectivités et territoires d'outre-mer. Exercice nécessaire, mais qui exige de chacun de nous un souci de clarté et d'écoute ainsi qu'un esprit de responsabilité.

Pour ma part, et au nom du Gouvernement tout entier, j'y suis bien évidemment disposé. Le fait qu'il s'agisse de vous présenter d'un même trait le projet de budget de mon département ministériel et les grandes orientations du Gouvernement m'est d'autant plus facile que la dépense publique, adossée à l'impôt des citoyens, renouvelle sa légitimité d'être la traduction financière de grands objectifs.

Tel que je l'ai souhaité et tel que les arbitrages du Premier ministre l'ont rendu possible, le projet de budget de l'outre-mer pour 1999 repose sur les priorités mêmes qui fondent le contrat de législature que le Gouvernement entend avoir avec l'ensemble des collectivités d'outre-mer et avec nos concitoyens qui y vivent.

Ce projet de budget s'élèvera en 1999 à 5,6 milliards de francs pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, soit une progression de 7 % par rapport à 1998. Près de 1,9 milliard de francs sont prévus au titre des autorisations de programme.

Vous savez aussi que l'action de l'Etat outre-mer ne se résume pas au simple budget de mon département ministériel. Dans le jaune budgétaire, vous pouvez constater que l'effort de l'Etat pour l'outre-mer, s'établira à près de 50 milliards en 1999, contre 47,6 milliards en 1998.

Les priorités du budget pour 1999 sont évidemment l'emploi, l'insertion, le logement social et le soutien au développement économique.

L'emploi outre-mer nécessite plus que jamais un soutien actif et résolu de la puissance publique. Alors qu'en 1998 la métropole connaît, pour la première fois depuis plusieurs années, l'amorce d'une décrue, la situation de l'emploi outre-mer a continué de se dégrader. Non que l'économie locale ait connu un ralentissement - le taux de croissance y est supérieur à celui de la métropole -, mais l'outre-mer doit faire face à la pression démographique et à l'arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail. C'est pourquoi j'ai jugé nécessaire que le principal instrument dont je dispose, le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, soit renforcé. Le FEDOM verra ses dotations augmenter en 1999 de 6,4 %, pour dépasser 1,8 milliard de francs.

Il permettra de financer 56 500 solutions d'insertion, contre 48 500 en 1998. En 1999 sont ainsi prévus 34 000 contrats emploi-solidarité, 15 000 contrats d'insertion par l'activité, 7 000 contrats d'accès à l'emploi et 500 primes à la création d'emplois.

J'insisterai particulièrement sur la dotation destinée aux emplois-jeunes. Elle s'élève pour 1999 à 445 millions de francs, mais pourra être complétée si nécessaire, c'est-àdire si l'objectif de 3 500 créations nouvelles d'emploisjeunes, hors aides-éducateurs et adjoints de sécurité, venait, ce que j'espère, à être dépassé. Il ne s'agit pas là d'un voeu pieux mais d'une approche résolument volontariste, dans le prolongement de l'action menée en 1998.

J'avais annoncé devant vous, l'an passé, la création de 2 500 emplois d'aides-éducateurs. A ce jour, ce sont 2 527 emplois qui ont été créés, auxquels s'ajoutent 89 adjoints de sécurité. Compte tenu des 3 500 à 4 000 emplois-jeunes offerts par les collectivités locales et les a ssociations avec l'aide de l'Etat, l'objectif de


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5 000 emplois sera largement dépassé. Nous devrions atteindre le chiffre de 6 000 emplois-jeunes dans les départements d'outre-mer.

S'agissant des territoires, dans lesquels, vous le savez, l'Etat n'a pas la compétence du soutien à l'emploi, puisque celle-ci a été conférée par les statuts respectifs aux a utorités locales, des mesures d'accompagnement demeurent nécessaires.

Les chantiers de développement demeurent un instrument privilégié dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte. Le montant total des interventions a progressé de 30 à près de 35 millions de francs. Je mentionnerai l'exemple de Wallis-et-Futuna, où j'ai pu constater moimême l'ampleur des besoins. C'est pourquoi nous avons décidé, dès 1998, de porter la dotation initiale à 6 millions de francs. De la même façon, en NouvelleCalédonie, les crédits en faveur des jeunes stagiaires pour le développement passeront de 35,6 à 37 millions de francs en 1999.

Chômage et exclusion sont des fléaux qui frappent de plein fouet l'outre-mer. Conforter les politiques d'insertion est donc indispensable. C'est pourquoi les crédits de mon département, qui ne constituent pas, loin s'en faut, la totalité des moyens dont disposent les pouvoirs publics pour financer ces politiques, seront en progression.

Celles-ci, dans les départements d'outre-mer, relèvent de la compétence des conseils généraux, qui contribuent à hauteur de 460 millions de francs au budget des agences départementales d'insertion, les ADI.

La progression des crédits de l'Etat mesure son degré d'engagement en faveur de ces politiques. Contrats d'insertion par l'activité, contrats emploi-solidarité, contrats d'accès à l'emploi, chantiers de développement : au total, les dotations progresseront en 1999 de 54 %. S'y ajouteront la contribution des collectivités et du Fonds social européen.

L'an passé, de nombreuses critiques avaient été formulées, y compris dans cet hémicycle, sur le statut des agences d'insertion, outil spécifique aux départements d'outre-mer. A l'issue d'un dialogue constructif entre la représentation nationale et le Gouvernement, ce statut a été réformé. Les agences départementales d'insertion seront, dès l'an prochain, des établissements publics locaux.

L'éducation et la formation, qui concourent puissamment à la réalisation des objectifs des politiques de l'emploi et de l'insertion, sont pour l'essentiel gérées par le ministre de l'éducation nationale. Les problèmes rencontrés comme les efforts consentis n'en relèvent pas moins de la responsabilité conjointe du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Les crédits d'Etat pour les écoles, les collèges, les lycées et les universités progresseront en 1999 de près de 15 %, passant de 15,8 à 18,1 milliards de francs. Cet effort très important a été voulu par le ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, qui en fait une de ses priorités territoriales.

Le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer dispose depuis l'an passé de crédits d'incitation aux constructions scolaires dans les DOM. Je m'étais engagé à consacrer sur le FIDOM 15 millions de francs pour aider aux rattrapages nécessaires dans ce domaine ; ils ont été attribués à la Guyane. Le respect de cet engagement, contribuant aux efforts consentis par les collectivés - communes, départements, régions -, a permis de mettre en chantier de nombreuses classes. Ce crédit sera reconduit en 1999 ; s'y ajouteront 40 millions de francs du budget du ministère de l'intérieur.

Mon ministère dispose également de moyens au titre de la formation professionnelle. Celle-ci suppose, dans beaucoup de cas, la mobilité. J'avais annoncé la reprise de la formation individualisée en mobilité ; c'est chose faite.

Pour 1999, 28,6 millions de francs sont prévus à cet effet, qui s'ajoutent à la dotation d'environ 44 millions mise à la disposition de l'ANT, que complétera une contribution du Fonds social européen. Quelques chiffres permettent d'illustrer la portée de ces actions : l'ANT prend en charge plus de 3 500 stagiaires et 500 d'entre eux bénéficient déjà de la formation individualisée en mobilité. Dans les territoires, je mentionnerai, pour la Polynésie française, le programme territorial de formation professionnelle, qui bénéficiera d'une contribution de l'Etat d'environ 10 millions de francs, pour moitié à la charge du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Je tiens, enfin, à insister sur les choix que je vous propose concernant le service militaire adapté, le SMA.

Celui-ci, j'ai pu le constater dans de nombreux départements et territoires, est unanimement apprécié outre-mer.

Avec la suppression de la conscription, qui représente pour le SMA 1 000 postes d'appelés en 1999, le maintien du dispositif passe maintenant par le recours au volontariat. A ce titre, 500 emplois de volontaires sont prévus l'année prochaine pour un coût plus élevé : 38,2 millions de francs. Des économies liées à la suppression de postes d'encadrement contribueront à pallier le surcoût induit par le recours au volontariat. Globalement, les crédits destinés au service militaire adapté augmentent. Ils représentent un effort de 451 millions de francs, contre 440 en 1998. Avec les crédits du Fonds social européen, la dotation totale sera de 518 millions de francs.

Aux côtés de l'emploi et des politiques d'insertion, le logement est, à mes yeux, vous le savez, l'autre priorité.

Face à des besoins considérables, depuis longtemps identifiés mais dont l'urgence n'avait pas été reconnue dans les faits, je m'étais engagé à cette tribune à ce qu'il soit mis fin aux errements observés dans le passé. L'inscription budgétaire doit traduire une réalisation effective.

En moins d'un an, la situation a été redressée, s'agissant notamment du constat de la sous-consommation des crédits.

Je m'étais également engagé à ce que le niveau des dotations consacrées au logement social soit à la hauteur des considérables enjeux qui, dans ce domaine, existent outre-mer.

Les moyens de paiement de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, augmenteront en 1999 de 58 %. Cela représente une dotation de près de 900 millions contre près de 570 millions en 1998. En crédits de paiement, la part de la LBU progresse ainsi fortement : de 10 à 16 %. Cet accroissement suit l'accélération des réalisations de programmes aidées.

Au total, plus de 19 000 logements pourront être financés dans les quatre DOM et dans les deux collectivités. En autorisations de programme, les crédits sont maintenus à leur niveau de 1998, soit 1 096 millions de francs. Sur ce total, 1 milliard sera consacré à la diversification des aides de l'Etat pour prendre en compte les besoins en logement des ménages et pour accroître l'offre en terrains viabilisés. Le solde, soit 96 millions de francs, sera consacré à la résorption de l'habitat insalubre.


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J'en viens maintenant aux crédits consacrés à l'investissement et au développement économique. Avant d'en présenter le volume, il me paraît nécessaire de rappeler qu'outre-mer plus qu'ailleurs, nous devons être soucieux d'un aménagement et d'un développement durable conciliant performance économique, cohésion sociale, qualité de l'environnement et protection des ressources naturelles.

Le projet de loi de Mme Voynet qui vous sera prochainement soumis précisera à cet égard les fonctions des schémas de services collectifs. Les schémas d'aménagement régionaux devront être achevés ou élaborés pour les régions qui n'en sont pas encore dotées.

Les crédits réservés aux investissements nécessaires, sont, vous le savez, ceux du FIDOM, le Fonds d'investissement des départements d'outre-mer, et du FIDES, le Fonds d'investissement pour le développement économique et social, auxquels s'ajoutent des dotations spécifiques pour la Nouvelle-Calédonie.

Le FIDOM s'élève à 205 millions de francs en autorisations de programme. Il permettra de financer les contrats de plan dans les DOM et à Saint-Pierre-etMiquelon, à hauteur d'environ 154 millions de francs.

L'application de la convention entre l'Etat et la collectivité de Mayotte représentera un montant de 16 millions de francs, ce qui permettra le respect intégral des engagements pris par l'Etat pour la période 1995-2000. Enfin, l'effort d'investissement se poursuivra en Guyane. Outre les opérations inscrites sur le FIDOM, ce département bénéficiera d'une dotation particulière en crédits de paiement d'un peu plus de 18 millions de francs, soit une progression de près de 15 % par rapport à 1998.

Sur le FIDES seront financés le contrat de développement avec la Polynésie, à hauteur de 76 millions de francs, la convention de développement, y compris le logement social et le contrat de plan, avec Wallis-etFutuna, pour un peu plus de 12 millions de francs. Une dotation de 3 millions de francs est également prévue pour l'équipement du territoire. En matière d'investissements, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer apportera sa contribution aux communes par le biais du FIP, le Fonds intercommunal de péréquation. Deux dotations de 15 millions chacune sont prévues, inscrites au FIDES général, pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

Dans la perspective institutionnelle nouvelle, ouverte par l'accord de Nouméa, le secrétariat d'Etat à l'outremer soutiendra enfin le développement économique et social du territoire qui bénéficiera, à ce titre, d'une dotation spécifique de 390 millions de francs, montant qui permettra notamment de prolonger d'une année les contrats de développement en cours, comme en métropole.

Dans l'élaboration de ce budget, je me suis également attaché à ce que les moyens de fonctionnement de l'Etat et des collectivités fassent l'objet d'une attention rigoureuse.

Concernant les moyens des services, une dotation supplémentaire de 1,5 million de francs sera consacrée au développement et à la modernisation de l'outil informatique de l'administration centrale et au développement des moyens de liaison avec les préfets. Le regroupement des services de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon fera l'objet d'une autorisation de programme de 3 millions de francs.

Au titre des subventions de fonctionnement des diff érentes collectivités, toutes les subventions sont reconduites, à l'exception de celle de la commune de Cayenne, dont le plan de restructuration s'achèvera à la fin de cette année, et de celle de Mayotte, qui avait fait l'objet d'un rattrapage en 1998. En revanche, la subvention de fonctionnement de Wallis-et-Futuna sera plus que doublée, s'établissant à 3,32 millions de francs, afin de répondre à un besoin de remise en ordre des finances du territoire, certes identifié dès la précédente législatur e, mais sans qu'aucun moyen supplémentaire n'ait été alors dégagé.

S'agissant des communes de Polynésie, conformément à l'engagement que j'avais pris concernant les communes et le statut du personnel territorial, un projet a été déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors qu'une base juridique pour la contribution de l'Etat au FIP aura été rétablie, les crédits prévus, soit 52 millions de francs, seront rendus disponibles.

Je voudrais, pour finir, évoquer devant vous un domaine qui me tient particulièrement à coeur, celui de la santé.

Je soulignerai que les dotations consacrées à l'outre-mer au titre des crédits de la santé du ministère de l'emploi et de la solidarité sont en très forte progression, passant de 764 millions à 1,3 milliard, soit une croissance supérieure à 41 %. Certaines actions importantes méritent d'être mises en exergue. J'en citerai quelques-unes.

Nous avons complété et fait ratifier, au début de cette année, l'ordonnance sur l'hôpital de Mayotte, qui crée dans la collectivité territoriale un véritable établissement public de santé et une caisse de protection sociale.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cela permettra d'assurer à l'avenir le financement de cet hôpital, en maintenant à un niveau raisonnable les contributions de l'Etat et, surtout, de la collectivité territoriale.

Le nouvel hôpital est en cours d'achèvement et il devrait fonctionner au printemps. J'ai d'ailleurs reçu une invitation pour son inauguration.

A Wallis-et-Futuna, le projet d'agence de santé est actuellement bouclé. Il s'agit d'un établissement public dont la compétence dépassera les activités hospitalières et qui assurera aussi des tâches de prévention. Le financement de l'hôpital restera imputé sur le budget de l'Etat.

Son budget devrait passer de 41 à 57 millions de francs dès 1998. Parallèlement, l'endettement a commencé d'être résorbé.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, au terme de longues discussions et d'une concertation approfondie associant les médecins et le personnel - j'avais moi-même participé à une réunion à Saint-Pierre à ce sujet -, la décision de reconstruire l'hôpital a été prise.

Dans les départements d'outre-mer, le Gouvernement a décidé de maintenir en faveur des hôpitaux le différentiel d'augmentation de la dotation régionalisée dont ils bénéficient. Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement la Guyane, la décision de transférer à l'Etat les centres de médecine collective qui avaient été créés par le département sera mise en oeuvre effectivement en 1999.

Mesdames, messieurs les députés, la présentation rapide que je viens de faire du budget de mon département ministériel, au-delà de l'effort financier global de l'Etat vis-à-vis de l'outre-mer, découle d'orientations générales dont vous avez souhaité, et je m'en réjouis, qu'elles vous soient rappelées et précisées, et qu'ensemble nous puissions en débattre.

J'ai évoqué tout à l'heure un contrat de législature pour l'outre-mer. J'aurais dû préciser qu'il s'agissait d'un contrat de législature pour chacune de ces collectivités.


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M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

En effet, le Gouvernement n'entend pas se limiter à une vision générale, donc trop éloignée des réalités de l'outre-mer. Chacune des entités qui le composent a vu son identité façonnée par sa propre histoire, sa géographie, et a noué, au fil du temps, une relation particulière avec la nation et la République.

C'est justement parce que je suis convaincu qu'aucune collectivité n'est assimilable à une autre que j'affirme avec force, et chacun me comprendra, qu'il n'y a pas un modèle calédonien qui serait transposable à l'ensemble de l'outre-mer français.

D ans son immense majorité, votre assemblée a approuvé la démarche de l'accord de Nouméa et la révision constitutionnelle adoptée par le Congrès le 6 juillet dernier.

Nous aurons de nouveau l'occasion d'en débattre lorsque vous serez saisis, à la fin de cette session, du projet de loi organique qui mettra en oeuvre les orientations de l'accord de Nouméa. Auparavant, le 8 novembre, la Nouvelle-Calédonie aura décidé de son avenir avec le référendum sur l'accord de Nouméa.

Je ne doute pas que les Calédoniens auront à coeur d'approuver une démarche qui garantit vingt ans de paix civile et de développement en assurant un véritable partage des responsabilités entre toutes les communautés.

Nous accompagnerons cette évolution, conscients de l'enjeu qu'elle représente pour l'influence de la France dans le Pacifique.

En Polynésie française, le Président de la République a souhaité que le territoire bénéficie de dispositions constitutionnelles qui s'inspirent de celles adoptées pour la Nouvelle-Calédonie. Des discussions ont été engagées par le Gouvernement avec les représentants du territoire. Un projet de loi constitutionnelle vous sera soumis. Son adoption sera alors suivie d'un aménagement de l'actuelle loi organique statutaire, qui date de 1996.

A Wallis-et-Futuna, des demandes se sont exprimés lors de mon séjour sur ce territoire, en mai dernier. J'ai tenu à dissiper les inquiétudes exprimées après l'accord de Nouméa. Celui-ci n'est, en aucun cas, porteur d'exclusion envers les Wallisiens et les Futuniens, qu'ils résident sur leurs îles ou sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. En ce qui concerne les évolutions du territoire, il y aura lieu d'en débattre - le statut date de 1961 - avec tous les acteurs de la société locale, dans le respect de l'originalité de leur culture.

M ayotte est également une société traditionnelle confrontée à l'irruption rapide de la modernité. Vous savez que les Mahorais attendent depuis plus de vingt ans la consultation promise sur leur statut. Pour le Gouvernement, Mayotte n'est pas, comme certains ont pu l'affirmer dans le passé, une « affaire dérisoire ».

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est sûr ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cette demande constante et régulièrement rappelée par les Mahorais d'une consultation ne saurait être déçue une nouvelle fois.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très juste ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Ainsi que s'y étaient engagés le Président de la République et le Premier ministre, les Mahorais seront donc consultés sur leur avenir d'ici à l'an 2000.

Je me propose d'ouvrir des discussions avec les représentants de la société mahoraise avant la fin de cette année.

Notre objectif est de parvenir à un projet qui enracine Mayotte dans notre République, en donnant une plus grande responsabilité à ses représentants dans la gestion des affaires locales. Avec les rapports qui ont été élaborés par les deux groupes de travail, celui réuni à Paris sous l'autorité du préfet Bonnelle et celui réuni à Mayotte par le préfet Boisadam, nous disposerons de bonnes bases de réflexion et de travail.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, enfin, des évolutions ont été sollicitées. Elles portent sur la répartition des compétences, notamment dans le domaine de l'urbanisme, et sur les moyens dont disposent les différentes collectivités.

Là encore, je souhaite qu'un accord se dégage pour appuyer une éventuelle modification législative.

Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les d éputés, le Gouvernement ne considère pas que l'architecture institutionnelle et juridique des collectivités d'outre-mer est gravée dans le marbre. Il n'entend pas non plus transposer une modèle, fût-il réussi, à des situations locales différentes.

La réalité des départements d'outre-mer, c'est qu'ilsr elèvent d'une logique d'intégration économique et sociale dans un ensemble désormais bien plus vaste que la seule métropole puisqu'il s'agit de l'Union européenne.

Riche de promesses, cette intégration doit cependant être davantage maîtrisée dans l'avenir. A cet effet, le Premier ministre a, sur ma proposition, décidé qu'un projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer serait discuté par le Parlement à l'automne 1999. Ce projet de loi devra marquer, pour les départements d'outre-mer, une nouvelle étape, celle du développement durable.

D epuis 1988, le développement économique des DOM, s'agissant notamment des infrastructures, repose largement sur la mobilisation des crédits communautaires.

Sur la période du XIe Plan, les fonds européens attribués aux départements d'outre-mer auront représenté 12 milliards de francs, montant incomparable à ce qu'auront reçu les autres collectivités ou territoires d'outre-mer, soit au total 330 millions de francs.

Le Gouvernement, comme s'y était engagé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, s'attache à préserver les intérêts des DOM au sein de l'Union européenne. Je me réfère non seulement aux acquis récents, c'est-à-dire à la préservation des dispositifs de protection et de soutien à travers des organisations communes de marché, pour la banane, le sucre ou le rhum, et à l'octroi de mer, mais aussi à la négociation dite Agenda 2000. Cette négociation est fondamentale pour les départements d'outre-mer puisqu'ils devraient bénéficier, pour les sept années à venir, d'un soutien financier de l'Union comparable à l'effort consenti dans la période précédente.

Cette intégration économique et sociale dans l'Union européenne porte en elle une logique qui prolonge celle de 1946. C'est sur ce double fondement que le Gouvern ement entend asseoir les orientations de l'action publique dans les départements d'outre-mer.

Dans ce cadre, je tiens à réaffirmer ici la légitimité de la politique d'égalité sociale, trop longtemps différée avant que la gauche ne réaffirme cet objectif en 1988.

M. Dominique Perben.

C'est un peu too much.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Ceux qui ont stigmatisé et stigmatisent encore l'égalité sociale en décrivant les départements d'outre-mer comme des sociétés assistées, pour ne pas


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d ire des sociétés d'assistés, ceux-là, non seulement méconnaissent les réalités de l'outre-mer, mais plus encore, manquent tout simplement à l'esprit de justice.

Le processus d'égalité sociale doit au contraire être repris. Ses modalités et son calendrier tiendront compte des dispositifs particuliers existants et des contraintes financières enserrant l'action publique.

En ce qui concerne le soutien à l'économie, j'ai rappelé l'année dernière le mérite de plusieurs de mes prédécesseurs d'avoir pu attacher leur nom à des lois qui ont eu des conséquences positives sur l'activité et sur l'emploi : je pense plus particulièrement à la défiscalisation des investissements et à l'exonération des charges sociales. Je suis d'autant plus fondé à les inviter à partager avec moi un autre constat : si ces dispositifs sont apparus nécessaires, aucun d'entre eux n'a permis d'enrayer le chômage endémique que connaissent les départements d'outre-mer.

Si l'effort, en termes financiers, en faveur de l'emploi dans les DOM doit être maintenu, je souhaite que les dispositifs soient réaménagés de façon qu'ils concourent plus directement à la lutte contre le chômage des jeunes et à la réinsertion des exclus dans le monde du travail. Je souhaite aussi que les exonérations sociales et, le cas échéant, fiscales, bénéficient prioritairement aux entreprises, actuelles et à créer, tournées vers la production de biens et de services et vers l'exportation. Dans cet esprit, j'ai obtenu du Premier ministre la prorogation, jusqu'à la fin de 1999, du régime des primes à la création d'emplois en faveur des entreprises exportatrices, lequel avait expiré au mois de mai dernier.

S'agissant des autres dispositions de la loi du 25 juillet 1994 - loi Perben - j'entends d'abord en faire établir le bilan. Sur la base du rapport qui devra m'être remis sous six mois, je ferai ensuite des propositions au Gouvernement, tournées vers le double objectif que je viens d'indiquer.

Nous devrons ensemble faire preuve d'imagination et d'audace dans la concertation. Le Gouvernement y est prêt. C'est dans cet esprit qu'il a décidé, sur ma proposition, de permettre que, dès 1999, des emplois-jeunes soient affectés, à titre expérimental, à des missions de coopération décentralisée dans les pays de l'environnement régional des départements d'outre-mer.

M. Philippe Auberger.

Cela rappelle les chantiers de jeunesse ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

C'est également dans cet esprit que je souhaite que puissent être précisées toutes les voies qui permettraient aux allocataires du RMI de retrouver une activité, quitte à ce que leur réinsertion passe par une période de transition, et ce dans le prolongement des dispositions de la loi d'orientation contre l'exclusion que Mme Aubry vous a présentée et fait voter au printemps dernier.

Dans un autre domaine, nous savons que les départements d'outre-mer possèdent un potentiel d'épargne important eu égard aux liquidités qui caractérisent leurs économies. Dans le même temps, nous savons aussi que le secteur bancaire outre-mer s'engage moins qu'ailleurs dans le soutien à l'économie, en privilégiant les crédits à la consommation, qui apparaissent moins risqués. Or, plus que jamais, les entreprises privées, notamment les plus petites d'entre elles, souffrent d'une absence de ressources financières à moyen et à long terme. Une réflexion approfondie, prenant en compte la nature spécifique du risque dans les DOM, doit donc être conduite pour remédier à cette situation.

Il faut aussi investir dans la formation et la culture.

Support essentiel de l'intégration, le principe d'égalité des chances a été pris en compte par le Gouvernement avec l'annonce par le ministre de l'éducation nationale, Claude Allègre, que chaque département d'outre-mer sera doté d'un plan pluriannuel de développement. Des mesures supplémentaires pourront être examinées, département par département.

Il m'apparaît essentiel de tout faire pour conforter la formation des jeunes et leur offrir, notamment dans les secteurs de pointe, toutes les opportunités qui leur permettront de s'insérer dans un marché du travail où ce critère reste déterminant. Un effort particulier doit être envisagé pour le soutien financier aux bacheliers désireux ou contraints de poursuivre leurs études supérieures non seulement en métropole, mais aussi à l'étranger. D'ailleurs, pour 1999, nous dégagerons des moyens en ce qui concerne Mayotte plus particulièrement.

Dans le domaine de la culture, les départements d'outre-mer connaissent une situation caractérisée par les t arifs prohibitifs des biens culturels. S'agissant, par exemple, du prix du livre, le Gouvernement souhaite que cette question soit revue dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur l'économie du livre dans les départements d'outre-mer.

Choquant dans le domaine culturel, l'écart entre les DOM et la métropole l'est aussi s'agissant du prix des médicaments, donc du droit à un égal accès de tous aux soins. Dans le même temps, l'impératif de santé publique n'est pas non plus assuré par le niveau de certaines taxes, je pense ici au tabac. Je vois dans ce double constat un chantier à ouvrir et à ouvrir vite car, par bien des aspects, il touche à la jeunesse.

Les problèmes d'habitat, de logement et d'assainissement appellent aussi une attention particulière. Le logement social outre-mer souffre d'un manque de terrains viabilisés à des coûts abordables. Cela explique que, par exemple, l'an passé, les crédits de la ligne budgétaire unique aient pu connaître une sous-consommation. J'ai souhaité que la mise en oeuvre d'une vraie politique foncière locale s'appuie, dans chaque DOM, sur la création d'un fonds régional d'aménagement foncier urbain FRAFU -, comme il en existe un, à titre expérimental, à la Réunion.

J'en viens maintenant au droit des citoyens à ce que l'Etat leur garantisse le respect de leur sécurité. S'agissant d'une mission régalienne de l'Etat, je ne distinguerai pas ici entre départements, territoires ou collectivités particulières. Je me suis d'autant plus attaché à ce problème que j'ai senti, au travers de mes déplacements et des courriers qui me sont quotidiennement adressés, que montait, ici et là, le sentiment d'insécurité.

Vous savez qu'en matière de sécurité le cadre voulu par le Gouvernement est constitué par le contrat local de sécurité. Ce dispositif vise à faire de la sécurité l'affair e de tous. A ce titre, des contrats locaux de sécurité sont élaborés en concertation étroite avec l'ensemble des partenaires intéressés. A ce jour, outre-mer, quatre contrats locaux de sécurité ont déjà été signés ; huit autres le seront d'ici à la fin de l'année. Cette politique a commencé à porter ses fruits : au cours du premier semestre 1998, le nombre de faits constatés et celui des infractions de voie publique ont globalement diminué outre-mer.

A Cayenne, au mois de juin dernier, a été créeé, en ma présence, une section d'intervention de trente-deux fonctionnaires. J'ai décidé de renforcer à nouveau les effectifs


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de police en Martinique, où sera créée une deuxième section d'intervention avec l'envoi de vingt-huit agents supplémentaires, et à la Réunion, où seront nommés seize fonctionnaires de la DICILEC afin de rendre opérationnelles, d'une part, la zone d'attente de l'aéroport de Gillot et, d'autre part, l'ouverture de celui de Pierrefonds.

Enfin, alors que 110 postes d'adjoints de sécurité ont déjà été créés pour l'ensemble de l'outre-mer, les collectivités d'outre-mer bénéficieront en 1999 d'une centaine d'emplois supplémentaires.

Les services de la DICILEC de Mayotte verront leur effectif renforcé de dix éléments supplémentaires et de trois personnels d'encadrement. De même, le service de contrôle de l'immigration en Polynésie bénéficiera d'un contingent de dix adjoints de sécurité supplémentaires et du renfort d'un officier pour l'encadrement. Ces renforts d'effectifs, qui s'ajouteront aux 7 300 policiers et gendarmes déjà en poste outre-mer, permettront de lutter, avec des moyens accrus contre la délinquance et l'immigration clandestine. Ils doivent permettre de développer une police de proximité.

J'ai demandé à tous les représentants de l'Etat de donner toutes les instructions nécessaires pour que soit assurée sur la voie publique une présence effective et visible pour les citoyens des forces de police et de gendarmerie, auxquelles je tiens à rendre hommage pour les missions souvent difficiles qu'elles effectuent, parfois au péril de leur vie. La tragique actualité récente en Guyane est encore dans toutes les mémoires. Comme je l'avais fait avec le ministre de la défense, lors des cérémonies qui se sont déroulées à Paris, je veux exprimer devant la représentation nationale, une pensée pour les deux gendarmes tués en Guyane par des malfaiteurs et pour leur famille dans la souffrance.

Evoquer la sécurité renvoie non seulement à la lutte contre la délinquance, mais également aux moyens de faire face aux événements naturels qui frappent trop souvent l'outre-mer, donc à la sécurité civile. Cette année, la Polynésie française a été durement touchée par les glissements de terrains dus à des pluies torrentielles. Lors de mon dernier déplacement dans ce territoire, j'ai tenu à aller sur les sites touchés pour rendre hommage aux trop nombreuses victimes. J'ai décidé que l'Etat prendrait à sa charge une mission du BRGM afin d'établir un cadre préventif de référence.

Enfin, toujours à titre préventif, et à l'image de ce qui a été mis en oeuvre - il y a quelques semaines - lors du passage en Guadeloupe du cyclone Georges, j'ai demandé le prépositionnement permanent d'un détachement d'une dizaine d'officiers et de militaires de la direction de la sécurité civile, en Martinique et à la Réunion. Cette cellule d'état-major servira d'appui pour l'accueil d'unités plus importantes qui pourraient être envoyées sur les sites menacés, de façon préventive.

Mesdames, messieurs les députés, s'agissant des départements d'outre-mer, j'ai volontairement choisi d'évoquer les questions du développement économique, social et culturel avant d'aborder les questions institutionnelles.

Depuis que j'ai en charge la coordination de l'action gouvernementale dans les DOM, rien de ce que j'ai pu observer n'aura modifié une conviction qui s'appuie sur mon parcours personnel. Je suis un élu, un élu local, qui mesure quotidiennement l'apport de la décentralisation.

L'action publique doit être la plus proche des citoyens.

Ce qui est vrai pour la métropole, l'est plus encore pour les départements d'outre-mer.

Je veux donc répondre ici au procès fait à la décentralisation outre-mer. Face à des difficultés plus grandes, à l'héritage post-colonial, à un enchevêtrement de réglementations et de textes, ceux qui, dans les départements d'outre-mer, investis de la confiance de leurs concitoyens, exercent des responsabilités d'élus locaux, le font avec opiniâtreté et dévouement. Je tiens à saluer leur action et à réaffirmer ma volonté de la conforter.

Comment ne pas comprendre la volonté des élus locaux des départements d'outre-mer de remédier aux inconvénients, également perceptibles en métropole, mais à un degré moindre, qui découlent de l'enchevêtrement des compétences ? Il faut donc que nous réfléchissions ensemble à une nouvelle répartition des compétences, d'une part, entre les différents niveaux territoriaux et, d'autre part, entre l'Etat et les collectivités locales.

Rien, au niveau des principes, ne s'oppose à ce que l'Etat transfère de nouvelles compétences aux collectivités territoriales dans les départements d'outre-mer. Je souhaite ainsi que, dans le domaine de la coopération régionale, des avancées significatives puissent être opérées. De nombreuses actions ont déjà été entreprises par les collectivités en parallèle avec l'Etat - malheureusement trop en parallèle. De nouvelles compétences devront permettre aux départements d'outre-mer de renforcer leur présence dans leur environnement régional.

L'approfondissement de la décentralisation outre-mer suppose d'abord de rester fidèle à l'esprit qui a présidé à cette grande réforme mise en oeuvre depuis 1982. Il convient aussi que nous soyons clairs vis-à-vis de nos concitoyens sur le cadre et le sens d'une telle évolution.

Aujourd'hui comme hier, la décentralisation des pouvoirs répond à une exigence. Pour le citoyen, dans sa vie quotidienne, l'action publique se révèle plus efficace lorsqu'elle est exercée par les collectivités territoriales, au plus près. Il faut donc envisager de nouveaux transferts de compétences dans la mesure où nous partageons sinon cette certitude, du moins cette conviction.

Les départements d'outre-mer sont définis par l'article 73 de la Constitution et le seront prochainement par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Le principe est celui de l'identité du droit applicable, sous bénéfice d'adaptations liées à leur situation particulière, comme l'indique notre Constitution, ou à leurs handicaps structurels, comme le prévoit le traité d'Amsterdam.

Je sais que certains considèrent que l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, dès lors qu'il rassemble, d'une part, nos quatre départements d'outre-mer et, d'autre part, Madère, les Açores et les îles Canaries, devrait permettre une évolution possible en droit interne pour que le régime des départements d'outre-mer soit similaire à celui des trois autres collectivités que j'ai citées.

Cependant, mesdames, messieurs les députés, j'observe que l'article 299-2 du traité d'Amsterdam fait explicitement référence au statut départemental prévu à l'article 73 de notre Constitution, et ce contrairement à la demande qui avait été faite d'une référence nominative. Ce sont donc bien les départements d'outre-mer, globalement, qui sont reconnus à ce titre.

C'est donc dans ce cadre, organisé par deux textes qui fondent l'intégration économique et sociale dans la France et dans l'Union européenne, qu'il convient de rechercher les évolutions qui permettront un plus grand exercice des responsabilités et un meilleur équilibre des pouvoirs.


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A ceux qui, d'emblée, jugeraient ce cadre trop contraignant ou trop limité, je voudrais dire qu'il conviendrait d'abord d'en faire la démonstration. Je citerai à cet égard le Président de la République, s'exprimant à l'occasion de son déplacement en Guyane, le 23 novembre 1997 :

« Il faut exploiter davantage toute la souplesse qu'offre la Constitution et notamment son article 73, qui a prévu la possibilité d'adapter aux réalités des départements d'outre-mer, grâce à des mesures particulières, le régime législatif et l'organisation administrative. Cela est possible ; il faut donc le faire. Et le faire sans tarder. ».

Or ce chantier, sans cesse évoqué, n'a jamais été ouvert. Qu'il s'agisse d'une nouvelle répartition des compétences entre les collectivités territoriales, celles-ci devenant plus homogènes, qu'il s'agisse de nouveaux t ransferts de compétences ou de nouvelles mesures d'adaptation, le Gouvernement a décidé d'ouvrir ce chantier et de l'ouvrir en faisant d'emblée, par la méthode retenue, la démonstration de son désir de le voir aboutir.

Sur ma proposition, le Premier ministre nommera prochainement deux parlementaires en mission, élus des départements d'outre-mer, qui devront lui faire des propositions d'approfondissement de la décentralisation. Leur rapport devra être remis dans un délai de six mois. Le Gouvernement rendra alors publiques leurs propositions afin qu'elles soient débattues avant toute décision. Rien n'exclut évidemment que ces propositions et les décisions qui en découleront aboutissent à une évolution différenciée selon les départements.

Ouvrir ce chantier, mesdames, messieurs les députés, ne signifie nullement en occulter un autre. J'ai parfaitement conscience qu'ici ou là des voix se sont exprimées pour souhaiter une organisation institutionnelle particulière, la mise en place de gouvernements territoriaux, des mécanismes de souveraineté, le tout parfois présenté comme la première étape d'un processus de transition.

Ces demandes, et chacun ici doit en avoir conscience, s'inscrivent dans une logique autre que celle de l'intégrat ion économique et sociale. Le Gouvernement est convaincu que l'intégration dans la France et l'Union européenne est et continuera d'être un formidable atout pour les départements d'outre-mer. Notre pays est un pays démocratique. Chacun est donc libre d'avoir sur ce point un avis différent et, bien sûr, de l'exprimer. Pour sa part, sauf à ce que, dans l'un ou l'autre des départements d'outre-mer, les populations intéressées en décident autrement, le Gouvernement n'entend ni inverser le processus d'intégration économique et sociale ni accepter qu'il soit mis en oeuvre au mépris des spécificités de l'outre-mer.

J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait penser à accroître les moyens de l'action publique dans les départements d'outre-mer. Cet objectif concerne tout autant l'Etat que les collectivités territoriales. Il touche à la fois aux moyens humains, aux ressources disponibles et à l'organisation administrative.

S'agissant des moyens humains, l'ampleur des problèmes qui se posent et la complexité du droit applicable rendent nécessaire d'accroître les capacités d'expertise et d'innovation. Je sais que les collectivités territoriales de ces départements se heurtent souvent, dans leur volonté d e recrutement de cadres supplémentaires, à des contraintes financières. Je sais également que bien des cadres de l'administration d'Etat, en particulier ceux originaires de l'outre-mer, manifestent régulièrement leur intérêt pour une période de mobilité professionnelle dans ces collectivités territoriales. Ils ne peuvent aujourd'hui le faire que par la voie du détachement ou de la disponibilité, la charge de leur rémunération devant alors être supportée par la collectivité d'accueil. Aussi suis-je favorable à ce que soient étudiées des modalités qui permettront d'alléger cette charge pour permettre à des cadres A notamment d'être ainsi mis à la disposition des collectivités territoriales d'outre-mer.

Le renforcement en cadres ne concerne pas seulement les collectivités territoriales. Il est aussi nécessaire pour les services de l'Etat. J'ai donc proposé au Premier ministre que soit étendu aux départements d'outre-mer le système existant en métropole de secrétariats généraux aux affaires régionales, qui viendraient se substituer aux actuels secrétariats aux affaires économiques. Cette réforme, qui va dans le sens d'une plus grande déconcentration, permettrait, par la mise à disposition de cadres des ministères techniques, d'accroître les moyens des préfectures et d'inscrire davantage leurs actions de développement dans une logique interministérielle.

De cet accroissement des moyens humains et des capacités d'expertise, dans le domaine du développement, pour l'Etat et les collectivités territoriales, j'attends qu'il permette de remédier aux dysfonctionnements qui ont caractérisé l'exécution du XIe Plan, marquée non seulement par une insuffisante consommation des crédits, mais aussi par l'exécution du document unique au niveau européen.

En attendant, il m'apparaît indispensable d'optimiser l'utilisation des financements disponibles. Une mission d'assistance technique se rendra dans chacun des départements d'outre-mer pour, en liaison avec toutes les parties concernées, aider à l'exécution des opérations programmées et à ce jour non encore réalisées. Je souhaite qu'elle recense aussi tous les facteurs de blocage et les moyens de les réduire dans la perspective des futurs contrats de plan.

Je sais que l'un des facteurs le plus souvent évoqués, outre le montage technique des dossiers, réside dans les d ifficultés financières que connaissent nombre de communes. Il faut que cet état de fait soit mieux anticipé s'agissant du XIIe Plan. Il est donc nécessaire que nous réfléchissions ensemble à l'articulation des différents concours de l'Etat aux communes et à une évolution simultanée de la fiscalité communale. Conforter la décentralisation, c'est aussi conforter la démocratie locale. Or, vous le savez, le lien qui existe entre démocratie et fiscalité est le libre consentement à l'impôt pour financer les actions locales.

Enfin, il me paraît important que l'action publique s'inscrive dans une organisation administrative plus à même d'être au service du développement, et d'un développement soucieux d'aménagement du territoire. Des propositions m'ont été faites dans trois des quatre départements d'outre-mer.

A la Réunion et en Guyane se manifeste le souci d'une organisation administrative permettant de mieux prendre en compte, dans une volonté d'aménagement du territoire, les déséquilibres internes que connaissent ces deux départements.

Différentes options ont été évoquées pour la Guyane.

Les cinq parlementaires de la Réunion ont émis le voeu que soit créé un second département. Dans mon esprit, cette hypothèse, si elle devait voir le jour, aurait aussi pour préalable la redéfinition de la carte communale.

Pour 700 000 habitants, la Réunion ne compte en effet que 24 communes dont, pour certaines, le territoire va du littoral au sommet des montagnes. J'ai donc demandé aux deux préfets concernés, celui de la Guyane et celui de


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la Réunion, de me faire des propositions sur les évolutions possibles à la fois de l'organisation communale et du cadre départemental.

En Guadeloupe, la question des îles du Nord reste en suspens. Je sais que leurs élus considèrent que les particularismes de ces deux îles ne sont pas conciliables avec l'intégralité du droit applicable. Les situations ne sont d'ailleurs pas identiques entre Saint-Martin et SaintBarthélemy. Le Gouvernement est prêt à en discuter, dès lors qu'auront été pesées toutes les conséquences des demandes d'évolution et que celles-ci, ce que je veux bien croire, n'ont pas pour objet exclusif de créer, au sein de la République, des zones de non-droit fiscal.

Porteuse d'égalité, de solidarité, l'intégration économique et sociale ne signifie pas la négation de l'identité.

De toutes les régions françaises, les DOM sont peut-être celles qui, parfois par la force des choses, ont le plus prouvé leur aptitude à préserver une identité enrichie de multiples apports liés à leur histoire comme à leur géographie.

Les programmes scolaires nationaux devront ainsi mieux tenir compte de l'outre-mer et de son apport au patrimoine national, à notre histoire, notre culture. Le rappel dans les manuels de l'histoire de l'esclavage et de la traite des noirs revêt en cette année du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage une dimension particulière.

Le souci pédagogique rejoint ici l'aspiration de nombreux jeunes d'outre-mer à une meilleure reconnaissance de leur identité et des réalités auxquelles ils sont confrontés.

Cette connaissance de l'histoire va de pair avec la connaissance de l'autre. Conforter les identités des DOM, c'est aussi oeuvrer en faveur des échanges culturels, éducatifs, sportifs. Mme Trautmann, ministre de la culture, et moi-même avons décidé la création, dès le 1er janvier 1999, d'un fonds d'aide à la diffusion doté de 6 millions de francs. Ce fonds est destiné à favoriser la diffusion des créations artistiques des départements d'outre-mer, qui sont pénalisées par l'éloignement.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Bravo ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Cette année, j'ai pu le constater, de nombreuses troupes d'outre-mer étaient présentes au festival d'Avignon. Elles ont connu un large succès auprès du public. Je souhaite qu'une scène ouverte permette d'en accueillir plus en 1999.

L'Etat s'attachera à dégager des moyens supplémentaires d'aide aux déplacements, pour permettre au secteur associatif des DOM de réaliser des projets de coopération, culturels, sportifs et éducatifs avec les pays qui les entourent.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai tenu à ouvrir devant vous des perspectives que nous devons préciser ensemble dans les prochains mois. Le Gouvernement entend oeuvrer dans un souci d'ouverture, de dialogue et de concertation. Aussi les orientations que j'ai indiquées devront-elles trouver une première traduction concrète dans les dispositifs nationaux et communautaires en cours d'élaboration. Je pense notamment aux prochains contrats de plan.

La loi d'orientation que j'ai annoncée devra réaffirmer et conforter les politiques de solidarité et d'égalité qui sont au coeur de l'intégration économique et sociale. Mais mon ambition, et j'espère vous la faire partager, va bien au-delà d'un texte législatif. La place des départements d'outre-mer doit être pleinement reconnue.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a proposé d'élaborer un nouveau pacte républicain fondé sur le retour aux sources de notre République et sur la modernisation de notre démocratie.

Je partage, vous le savez, votre aspiration à ce que, dans les départements d'outre-mer, nos concitoyens se voient reconnaître le droit à davantage de responsabilités et au respect de leur identité. Je la partage en tant que ministre en charge de l'outre-mer, mais aussi parce que je suis convaincu du rôle que doivent jouer les départements d'outre-mer dans la rénovation du modèle républicain.

Dans nos départements d'outre-mer, les solidarités sociales sont souvent plus fortes et on y exclut moins qu'ailleurs. L'histoire et la géographie se sont conjuguées pour qu'on y soit plus tourné vers le monde extérieur et plus attentif aux bouleversements qu'il connaît. Là plus qu'ailleurs, l'identité et la culture sont affaire de synthèse, de diversité, de tolérance, de compréhension et de respect de l'autre.

Réformer dans les départements d'outre-mer, ce n'est pas seulement réformer pour les départements. C'est aussi réformer l'ensemble d'un modèle républicain qui, comme le rappelait le Premier ministre, Lionel Jospin, semble parfois s'effriter sous nos yeux, se déliter, et engendrer, chez beaucoup, surtout les plus démunis, le désarroi.

Je ne veux pas oublier les autres collectivités d'outremer. Pour toutes, je l'ai dit tout à l'heure, des échéances sont fixées. Je pense à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie. Je pense aux discussions qui seront ouvertes pour préparer la consultation prévue à Mayotte. Je serai également attentif à ce que les plus petits de nos territoires, SaintPierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, ne soient pas et n'aient pas le sentiment d'être oubliés.

L'identité de notre pays, son âme, son rôle dans le monde, ses valeurs profondes ne seraient pas les mêmes sans les collectivités d'outre-mer. Les personnes originaires de l'outre-mer sont nombreuses en métropole, probablement 1 million. C'est aussi à elles que je veux m'adresser.

Nous continuerons de combattre, ensemble, les propagateurs du racisme, qu'ils osent agir ouvertement ou qu'ils se dissimulent sous le couvert d'allusions aussi insidieuses qu'intolérables. Nous les combattrons au nom des valeurs qui fondent la République. Nous les combattrons aussi au nom de cette simple évidence, passée, présente et à venir, dont par leur présence dans la République avec tous nos compatriotes vivant outre-mer, ils portent témoignage : les Français ne sont pas une race ; ils forment un peuple.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger, suppléant M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les départements d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, suppléant M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les départements d'outre-mer.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, mes chers collègues, Gilbert Gantier, malheureusement empêché, m'a demandé de lire l'intervention qu'il avait préparée en tant que rapporteur spécial


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pour les départements d'outre-mer. Je le fais très volontiers en lui laissant la paternité de ses propos :

« En guise d'introduction, je rappellerai que les crédits bénéficiant aux départements d'outre-mer et inscrits au budget ne représentent que 11 % de l'effort global de la nation consacré aux départements d'outre-mer. Cette analyse résulte de l'exploitation de l'annexe au projet de loi de finances, récapitulant l'effort financier global consacré aux départements d'outre-mer qui, cette année, a été distribuée aux rapporteurs dans un délai enfin décent.

Même si cette annexe n'est disponible que depuis quarante-huit heures à la distribution, que le ministre et son administration soient remerciés pour leur contribution à l'amélioration des conditions du travail parlementaire.

« Le projet de loi de finances prévoit une progression de 7 % du budget de l'outre-mer en dépenses ordinaires et en crédit de paiement. Il atteindra 5,59 milliards de francs. Cette progression intègre toutefois un transfert de 380 millions de francs en provenance du ministère de l'emploi au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, destiné à financer le dispositif emploi-jeunes.

« Cette augmentation traduit autant les besoins des économies des DOM que l'effort constant et accru de solidarité de la métropole. L'exigence de cette solidarité avait été rappelée en son temps par la loi Perben.

« Je ne m'étendrai pas sur l'évolution des crédits de l'administration générale, les effectifs, hors effet de la réforme du service militaire, restant stables.

« Je vous renvoie également, pour ce qui est de l'évolution économique des départements d'outre-mer, à mon rapport écrit. La vive reprise observée en métropole n'a eu, pour l'instant, que peu d'impact sur l'économie des départements d'outre-mer, celle-ci restant marquée par le problème lancinant du chômage. Les taux de chômage observés dans les DOM se situent, en effet, entre 20 et 40 %. Seule l'activité touristique me paraît porteuse d'un tonus économique suffisant pour leur assurer une certaine croissance.

« Je centrerai mon intervention sur l'analyse du projet de budget pour 1999 et sur les conditions du maintien du mécanisme de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer.

Les dépenses ordinaires s'élèvent à 3,9 milliards de francs et demeurent centrées sur les politiques d'insertion, qu'il s'agisse de l'emploi ou du logement. Les dépenses en capital, soit 1,6 milliard de francs inscrits essentiellement au titre VI, permettent à l'Etat de tenir ses engagements contractuels.

« L'insertion concerne d'abord l'emploi. Selon une étude réalisée par l'INSEE en 1995, le revenu médian par ménage s'établissait, après impôts, à 123 000 francs dans les départements d'outre-mer contre 152 000 francs en métropole, soit 20 % de moins, malgré le rattrapage opéré avec l'alignement du SMIC sur le niveau métropolitain.

« Une grande partie de ce décalage est causée par le chômage, d'où l'importance de l'effort d'insertion. L'outil budgétaire utilisé est le FEDOM, le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territ oriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les crédits du FEDOM s'élèvent pour 1999 à 1,8 milliard de francs, soit une augmentation de 6,4 %. A hauteur de 1,36 milliard de francs, ils permettront de financer 56 000 mesures nouvelles d'insertion, sous forme de contrats aidés.

« Grâce à une mesure supplémentaire de 145 millions de francs, le FEDOM financera la poursuite de la mise en oeuvre des emplois-jeunes pour un montant total de 445 millions de francs, représentant le financement des emplois créés en 1998 et la création d'au moins 3 500 emplois-jeunes nouveaux.

« Il est à noter une forte croissance des crédits - plus 25 millions de francs - destinés à financer, grâce à la créance de proratisation, les actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Cette augmentation est malheureusement liée à la progression du nombre des bénéficiaires, mais aussi à l'augmentation de l'allocation. Les derniers chiffres disponibles de 1997 ne laissent, en effet, pas présager de véritable pause dans la croissance du nombre des bénéficiaires.

« L'insertion, c'est aussi le logement.

« Sur les 5,59 milliards de francs du budget de l'outremer, 1,5 milliard de francs seront consacrés à la construction et à l'amélioration de logements. Les crédits de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les D OM, à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, augmentent de 58 % et passent de 568,5 millions de francs à 897,4 millions de francs. Cette augmentation traduit la nette amélioration de l'utilisation des crédits observée depuis 1997.

« Cet accroissement permettra de financer 19 100 logements. Avec 38,4 millions de francs, le chapitre 65-01, article 20 - résorption de l'habitat insalubre -, voit ses dotations doublées par rapport au niveau de la loi de finances pour 1998.

« Il faut ajouter à la ligne budgétaire unique des crédits de la créance de proratisation du revenu minimum d'insertion, qui s'élève pour 1999 à 815 millions de francs.

« Le service militaire adapté contribue également à l'insertion. En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 1999, la réforme du service national conduit à supprimer 1 000 emplois d'appelés et 31 emplois de militaires d'encadrement du SMA, soit une économie de 37,9 millions de francs, mais à créer 500 emplois de volontaires, d'un surcoût de 38,158 millions de francs. Le ministère évalue à 8,9 millions de francs le surcoût lié à la professionnalisation, mais il est compensé en quasitotalité par les économies faites sur l'alimentation et sur l'encadrement.

« Les crédits d'action sociale et culturelle du chapitre 46-94 atteindront 145 millions de francs en 1999.

« Quant aux subventions aux collectivités, elles s'inscrivent généralement dans le cadre de procédures contractuelles. Les subventions totales accordées aux DOMTOM dans le projet de budget de l'outre-mer se montent à 92 millions de francs en dépenses ordinaires et à 8 millions de francs en dépenses en capital. La part des DOM, pour autant qu'elle puisse être distinguée, s'élève à environ 41 millions de francs.

« En ce qui concerne les subventions de fonctionnement - chapitres 41-91 et 44-02 -, l'Etat compense notamment - pour 32 millions de francs, comme en 1998 - les pertes de ressources subies par les communes dotées d'une fiscalité propre et consécutives aux exonérations de taxes foncières sur les propriétés bâties dont bénéficient certains immeubles. La subvention de caractère facultatif au budget de la collectivité territoriale de Mayotte, versée en application de la convention de développement, atteint 3,6 millions de francs, contre 7,2 millions de francs en 1998. L'année 1999 coïncide avec la fin du plan d'apurement des finances de la ville de Cayenne, d'où la suppression de la subvention d'équilibre versée à la commune, qui était de 10 millions de francs.

Quant aux subventions aux compagnies de transport, il


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subsistera, en 1999, comme en 1998, 11 millions de francs destinés à la desserte maritime de Saint-Pierre-etMiquelon.

« La plus importante des subventions d'investissement est la section générale du Fonds d'investissement des DOM, le FIDOM. Elle diminuera de 20 millions de francs en autorisations de programme et de 33,7 millions de francs en crédits de paiement. Cette baisse est due à la fin de la garantie accordée à la Société financière de dé veloppement économique de la Guyane, soit 32 millions de francs en 1998. Cette section financera les opérations prévues par les contrats de plan avec les DOM et par la convention avec Mayotte.

« La section décentralisée du FIDOM - chapitre 68-03 n'est plus dotée ni en autorisations de programme ni en crédits de paiement. Cette extinction était prévue depuis 1997. Peut-être serait-il utile que M. le secrétaire d'Etat nous en rappelle les circonstances et les causes.

« Les crédits destinés à la Guyane - chapitre 58-01 sont augmentés afin de poursuivre la construction de la route Regina-Saint-Georges.

« Je voudrais insister sur le maintien nécessaire du mécanisme de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer, résultant de la loi Pons. J'ai été membre de la mission d'information conduite à ce sujet par le rapporteur général. Après les modifications apportées l'année dernière, il lui semble sage de laisser cette année le dispositif inchangé. En effet, l'instabilité de la norme fiscale empêche l'initiative privée. Or le développement économique par le secteur marchand, en s'appuyant sur les avantages relatifs des départements d'outre-mer - paysages, main-d'oeuvre formée, climat... - reste la seule chance pour eux de sortir d'un cycle d'économie subventionnée, notamment par le mécanisme néfaste des sur-rémunérations de la fonction publique.

« Enfin, je voudrais clore cette intervention en évoquant le problème de Mayotte qui dispose d'un statut sui generis et de surcroît provisoire, ce qui exige une clarification. »

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial suppléant.

« Le Gouvernement a créé en 1996 un groupe de réflexion sur l'avenir institutionnel de Mayotte qui a rendu son rapport en 1997. Je partage deux conclusions du groupe de travail : le caractère inéluctable du maintien de Mayotte dans la République française et la nécessité de l'adoption d'un statut définitif. »

M. Henry Jean-Baptiste.

Bravo !

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial suppléant.

« Une éventuelle départementalisation doit être l'occasion de procéder à des réformes indispensables et très difficiles à mener. Je pense par exemple au droit foncier. »

M. Henry Jean-Baptiste.

Il faut le faire, en effet !

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial suppléant.

« Pour conclure, je vous précise que la commission des finances a adopté les crédits destinés aux départements d'outre-mer. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour les départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements d'outre-mer.

Rapporter votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est pas, compte tenu de l'évolution des crédits de votre département ministériel, un exercice désagréable. Et je vais dans un instant m'y employer. Mais je veux, de prime abord, vous donner un sentiment général sur la situation qui prévaut dans les départements d'outre-mer.

Le simple examen de la hausse des crédits dont vous demandez la disposition au Parlement pourrait provoquer beaucoup de satisfaction. Mais ces sommes, en évolution positive, ne doivent pas nous faire oublier une situation sociale et économique particulièrement difficile. Votre budget prend en compte ses conséquences au travers d'interventions significatives dans le domaine de l'insertion et du logement, deux objectifs fondamentaux de votre politique.

Sans doute pouvons-nous nous interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à atteindre le seul vrai résultat espéré par tous nos compatriotes domiens, à savoir le développement de l'emploi marchand outre-mer. Quelle politique pouvons-nous mettre en place à cette fin ?

Le débat que nous allons avoir tout au long de la journée avait été souhaité de longue date par tous les représentants de l'outre-mer, quelque peu ulcérés, et à juste raison, qu'on ne leur accorde tous les ans que quelques minutes d'intervention - parfois chichement comptées pour exposer à la nation les problèmes et les attentes qu'ils désiraient lui faire partager.

M. André Thien Ah Koon.

Très bien !

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis.

Particulièrement sensible aux attentes et aux difficultés de nos compatriotes d'outre-mer, dont je m'efforce d'appuyer les démarches, je dois remercier le Gouvernement pour l'organisation de ce débat, qui va nous permettre d'entendre tous les élus de l'outre-mer s'exprimer sur les questions qui doivent interpeller le pays tout entier.

Mieux que moi, assurément, qui pourrais parler longtemps de mon département de la Charente, les élus domiens vont vous interpeller et je suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez les écouter, pour que l'ensemble du Gouvernement puisse leur apporter les réponses qu'ils attendent.

Quel est l'objet du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ? Traditionnellement, c'est un organe de coordination, d'élaboration juridique et d'impulsion interministérielle.

Vos missions, monsieur le secrétaire d'Etat, procèdent du statut de l'outre-mer français tel qu'il est décrit dans la Constitution, en particulier aux articles 72 à 75.

Quelles qu'aient été les variations de l'organisation gouvernementale, les missions de votre département ministériel sont constantes. Il s'agit de l'exercice de l'autorité gouvernementale civile dans les territoires d'outre-mer, de l'exercice dans les départements d'outre-mer des attributions qui sont en métropole celles du ministère de l'intérieur, de la coordination de l'action gouvernementale en matière législative et administrative dans les départements d'outre-mer.

Le secrétariat d'Etat est aussi un organe d'intervention économique. Son budget d'intervention et d'investissement est devenu significatif et dispose de l'atout des a concentration sur un nombre limité d'objectifs


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prioritaires, tenant compte de la situation particulière de l'outre-mer. Ses points forts sont les aides à l'emploi, l'insertion et le logement social.

Il est notable que ces priorités rejoignent celles que le Gouvernement a assignées au budget de la nation : croissance, emploi, justice sociale.

C'est pourquoi, pour la deuxième année consécutive, votre projet de budget connaît une impressionnante progression des crédits consacrés aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer. Ces crédits atteignent 4,56 milliards de francs, connaissant une croissance de 10 % sur un an et de presque 30 % sur deux ans. Cette progression correspond à un renforcement effectif des moyens.

De même, la part relative aux DOM dans l'ensemble des interventions de l'Etat - le budget du secrétariat d'Etat n'étant, si j'ose dire, que la pointe de l'iceberg représente 40,4 milliards de francs, en augmentation de 3,6 %.

Sans doute est-il utile de replacer toutes les interventions de l'Etat dans une perspective à long terme, comme nous y invite l'organisation de ce débat.

A ce propos, je vous suggère de vous référer au rapport que je présente au nom de la commission des lois. Ce rapport dresse un tableau récapitulatif des diverses évolutions intervenues dans les DOM depuis les lois de décentralisation. Elles sont nombreuses, tant sur le plan des institutions et de l'alignement juridique que sur le plan économique, avec une croissance forte, quoique insuffisante, mais aussi sur le plan social, qui reste le plus préoccupant.

Sans doute nos départements et collectivités d'outremer ont-ils un pressant besoin de lisibilité de l'avenir.

L'avenir institutionnel, qui doit certainement faire l'objet d'adaptations - on peut penser, par exemple, au projet de bidépartementalisation de la Réunion, et bien entendu au statut de Mayotte, actuellement en cours de réflexion -, mais surtout l'avenir en matière de développement économique sont au coeur des préoccupations qui vont s'exprimer à juste titre aujourd'hui.

La politique du Gouvernement, au travers du budget qui nous est présenté, tend à atteindre certains objectifs qui me semblent correspondre à des besoins fondamentaux des populations domiennes. Ainsi, le Fonds pour l'emploi dans les DOM, le FEDOM, augmente de 108 millions de francs. Avec plus de 1,8 milliard de dotation, il représente à lui seul 40 % des crédits relatifs aux départements d'outre-mer.

Cette enveloppe comprend d'abord 445 millions de francs au titre des emplois-jeunes. Au total ce sont 7 000 emplois-jeunes qui seront financés sur les années budgétaires 1998 et 1999. Quand on connaît le problème du chômage des jeunes dans ces départements, on voit là un outil utile pour y faire face.

Les formes d'intervention classique de l'Etat restent aussi très présentes dans les DOM. En sus des emploisjeunes, ce sont globalement plus de 56 000 solutions d'insertion qui seront financées par le FEDOM en 1999.

Par ailleurs, vous nous proposez d'augmenter significativement les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique compte tenu de l'effort d'accélération des réalisations de programmes accompli par le secrétariat d'Etat depuis un an. Les crédits en faveur du logement sont ainsi accrus de 329 millions de francs, pour atteindre près de 900 millions de francs.

En complément de ces différentes mesures, la créance de proratisation du RMI serait portée à 815 millions de francs ; un quart de cette somme serait principalement destiné aux quatre agences d'insertion dont le budget annuel global serait porté à 800 millions de francs.

A noter aussi, dans la panoplie des aides apportées aux plus démunis, un crédit de 70 millions de francs pour la résorption de l'habitat insalubre.

Mais, nous l'avons vu, les actions en faveur du secteur social ne sont pas les seules attendues par nos compatriotes. L'investissement dans les DOM doit rester le maître mot d'une véritable politique de développement.

A ce propos, nous pouvons nous réjouir de ce qu'aucune autre réforme du dispositif de défiscalisation n'ait été même envisagée cette année. Sans doute devons-nous cependant réfléchir à des dispositions plus efficaces encore.

Les crédits du FIDOM permettront le financement des contrats de plan, avec une enveloppe de 170 millions de francs. Certaines opérations, telle la garantie de l'Etat donnée au plan vert en Guyane, sont aujourd'hui soldées.

Pour la Guyane, les crédits au titre des dépenses d'infrastructures seront portés à 18 millions de francs en sus du contrat de plan.

Une remarque, cependant, à propos du FIDOM décentralisé, qui fonctionnait comme un complément de DGE pour les départements et régions des DOM. Son extinction, engagée par les deux précédents secrétaires d'Etat, nécessite aujourd'hui que l'on soit bien certain qu'aucune collectivité n'ait des créances à faire valoir auprès de l'Etat sur la base d'autorisations de programme qui auraient pu être déléguées.

Un mot aussi sur le SMA dont l'enveloppe pour 1999 est en légère augmentation, du fait de l'application des mesures relatives aux rémunérations des militaires. L'impact de la réforme du service national crée par ailleurs beaucoup d'incertitudes quant au rythme de transition vers le volontariat. Compte tenu de l'outil, intelligent et efficace que semble représenter ce SMA, on ne peut que souhaiter la poursuite et même l'intensification de cette formule, même adaptée à une forme de volontariat.

Tels sont, brièvement exposés, les principaux aspects du projet de budget qui nous est soumis. Je rappelle que l'ensemble de l'effort budgétaire destiné aux DOM est neuf fois supérieur aux crédits du secrétariat d'Etat. Il atteindra 40,4 milliards de francs.

Enfin, je l'ai souligné dans mon rapport, la progression budgétaire dont bénéficient depuis deux ans l'insertion et le logement est pleinement légitimée si l'on replace dans une perspective de long terme l'évolution économique et sociale de l'outre-mer français.

Les bonnes performances économiques, qu'il nous faut souligner, n'ont pas suffi à éviter la montée du chômage, alimenté par une courbe démographique défavorable. Les tensions sociales qui en résultent appellent un vigoureux effort de formation et d'insertion, notamment en direction de la jeunesse d'outre-mer. A nous tous de ne pas la décevoir.

Parce qu'il prend en compte tous ces aspects, la commission des lois a approuvé le projet de budget de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est de nouveau à M. Philippe Auberger, cette fois en son nom propre et en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les territoires d'outre-mer.


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M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les territoires d'outre-mer.

Monsieur le président, je veux d'abord remercier et féliciter la présidence d'avoir organisé ce débat. L'année dernière, en effet, j'avais, dans un rappel au règlement, fait observer que la date du 31 octobre, traditionnellement affectée à l'examen du budget de l'outre-mer, n'était pas judicieuse puisqu'elle empêchait nos collègues élus de l'outre-mer de rentrer chez eux pour la Toussaint. J'avais également souligné que prévoir le débat sur une demi-journée était manifestement insuffisant, dans la mesure où cela ne permettait pas à ceux qui ont parfois des trajets extrêmement longs pour venir jusqu'ici de disposer d'un temps de parole décent.

Cette année, je note donc des progrès incontestables.

Néanmoins, le temps imparti aux élus des territoires d'outre-mer me semble encore insuffisant. Il serait légitime d'accorder à chacun une dizaine de minutes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le budget que je présente est, pour 1999, de 1,34 milliard de francs. Il représente 10 % de l'effort global consacré aux territoires d'outre-mer par la nation, qui s'élève à 10,753 milliards de francs.

Ce budget est en phase de stabilisation. C'est même un budget de transition, ce qui n'est pas anormal compte tenu de l'évolution institutionnelle qui a déjà été rappelée. En effet, le référendum doit avoir lieu en NouvelleCalédonie le 8 novembre et une loi organique prévoira d'importants transferts de compétences. La réforme institutionnelle est également engagée pour la Polynésie et s'accompagnera aussi de transferts de compétences importants. Le moment venu, il faudra donc être attentif à l'organisation des transferts financiers.

De même, les rapporteurs de la commission des finances veilleront à ce qu'un contrôle minimum, administratif, juridictionnel et parlementaire, puisse être exercé sur l'utilisation des fonds qui viennent de la solidarité nationale.

Cette évolution institutionnelle aura également des conséquences directes en matière économique, notamment sur les investissements. En effet, compte tenu de l'incertitude des dernières années, on avait pu observer une réticence de la part des investisseurs, qui hésitaient à prendre des risques à long terme, n'étant pas assurés de l'évolution institutionelle. Aujourd'hui, cette hypothèque étant largement levée, les investissments pourront venir plus naturellement dans les territoires d'outre-mer.

Je consacrerai mon propos essentiellement à trois points.

Le premier porte sur l'examen de la situation économique et des perspectives de développement.

La situation économique en Nouvelle-Calédonie est évidemment largement tributaire du nickel, qui est la principale activité à la fois d'extraction et de transformation de l'île. Or on observe, depuis deux ans, une chute très importante des cours du nickel sur les marchés mondiaux. Le cours actuel est à un niveau historiquement bas et toutes les sociétés internationales d'extraction et de commerce du nickel révisent leurs programmes d'activité à la baisse.

M alheureusement, la Nouvelle-Calédonie n'est pas épargnée. Selon la presse, la SNL envisagerait 150 licenciements et la SMSP, qui ne transforme pas directement le minerai, connaît également des difficultés pour ses débouchés. Dans ces conditions, le projet d'usine métallurgique de nickel dans le nord du territoire suppose, pour être réalisé, un retournement important des cours. Pour l'heure, ses chances d'aboutir peuvent être considérées comme aléatoires.

En tout état de cause, je rappelle que la soulte, promise à la société ERAMET pour l'échange des domaines miniers de Poum et de Koniambo et évaluée à un milliard de francs par deux banques, a été versée à cette société. Il paraît donc normal que votre rapporteur spécial ait davantage de précisions, d'une part, sur le mode de fixation de cette soulte et, d'autre part, sur les conditions de son remboursement éventuel en cas d'abandon du projet. Or, force est de reconnaître que les réponses aux questionnaires sont en ce domaine extrêmement sibyllines. Pour l'instant, votre rapporteur spécial n'a pas pu obtenir les renseignements désirés.

M. Jean-Louis Debré.

Ce n'est pas normal !

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial.

Pour le reste, la situation économique aussi bien en Nouvelle-Calédonie qu'en Polynésie est relativement bonne. Les difficultés du Japon et plus récemment la chute du dollar n'ont, semble-t-il, pas eu d'effets notables sur l'activité, notamment hôtelière et touristique. Des projets importants dans ce domaine viennent d'ailleurs d'être réalisés et sont à même de réussir. Néanmoins, ils se heurtent à l'insuffisance du transport aérien en provenance des Etats-Unis et du Japon pour ces deux territoires.

Les autres diversifications, notamment dans la pêche et l'élevage et, pour la Polynésie, dans la perle et les fleurs, ont bien réussi et sont à mettre à l'actif des économies des TOM. De façon générale, on note que l'esprit d'entreprise et le dynamisme économique existent dans ces territoires, mais que, parfois, les projets sont abandonnés, faute de fonds propres. C'est particulièrement vrai en Nouvelle-Calédonie.

Naturellement, la loi Pons joue, dans ce domaine, un rôle essentiel. Sans elle, bien des investissements, notamment dans l'hôtellerie, n'auraient pu avoir lieu.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est sûr !

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial.

Le fait qu'elle ne soit pas remise en cause cette année est d'ores et déjà une bonne chose, comme l'a souligné Gilbert Gantier précédemment. Il est vrai que le rapporteur général, dans son rapport de juillet sur les départements d'outre-mer - puisqu'il a examiné les effets de la loi Pons uniquement dans les DOM - a reconnu, certes avec quelque réticence, le bien-fondé de cette loi et du mécanisme de défiscalisation. Bien utilisée, la procédure d'agrément permet de procéder au filtrage des projets, notamment au regard de l'emploi. Mais il est nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accroître sa transparence. Et je dois souligner que, cette année, le rapport annuel qui nous est dû par le ministère de l'économie et des finances sur la loi Pons n'a pas été déposé avec la loi de finances, comme il l'avait été l'année dernière.

Il est souhaitable également que la disposition relative à la déduction de l'assiette des subventions joue soit strictement appliquée et ne se combine pas avec d'autres facilités, notamment fiscales. Le mécanisme Flosse, par exemple, en vigueur en Polynésie, qui permet d'acc ompagner les projets d'investissements en vient à compenser de fait la « tunnellisation » du mécanisme Pons. Sans pour autant exagérer, il convient d'interpréter dans un sens plus strict que souple les dispositions adoptées l'année dernière. D'une façon générale, en l'absence


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de services financiers et fiscaux locaux, il faudrait pouvoir confier aux services du Haut Commissariat le suivi deso pérations de défiscalisation. Enfin, le rapport de M. Lallier, inspecteur général des finances, qui traite de la loi Pons non seulement dans les DOM, mais aussi dans les TOM, devrait être rapidement communiqué à notre assemblée.

Le deuxième point de mon intervention portera sur les contrats de développement et les contrats de plan qui c onstituent évidemment un mécanisme extrêmement important pour l'équipement et le développement des territoires.

En Nouvelle-Calédonie, la deuxième génération des contrats signés avec le territoire comme avec les provinces devait prendre fin en 1997 ; ils ont été prolongés d'une année en 1998 et vont l'être encore en 1999, pour 318 millions de francs.

En Polynésie, les contrats, initialement prévus pour la période 1994-1998 seront prorogés d'une année, mais dans la même enveloppe de crédits, comme ce fut le cas pour les contrats de plan de métropole. On note pour la Polynésie un retard dans l'exécution de ces contrats, notamment dans le domaine de la formation professionnelle et du logement. Fin 1997, le taux d'engagement n'était que de 60 %. Il est par ailleurs à craindre que les ministères ne se hâtent pas cette année pour la mise en place des crédits, compte tenu du prochain transfert de compétences. Il convient donc d'éviter toute solution de continuité liée à l'évolution institutionnelle, afin que ces contrats puissent normalement s'exécuter.

Une troisième observation, enfin, sur la situation financière des communes. Celles-ci jouent un rôle important dans l'équipement et le développement des territoires. Or leurs ressources sont en général très limitées, faute notamment de ressources fiscales. De fait, l'essentiel de leurs disponibilités est consacré à des dépenses de fonctionnement.

Un projet de loi sur les communes de Polynésie est actuellement sur le bureau du Sénat et devrait être discuté prochainement ; il prévoit un alignement de la fonct ion publique communale sur les autres fonctions publiques. Cela risque d'entraîner une forte augmentation des dépenses et d'aggraver de ce fait le manque d'épargne et de disponibilités pour conduire les investissements, ce qui explique d'ailleurs la sous-consommation chronique des crédits de subventions d'équipement. Il y a lieu de rester très vigilant sur l'évolution de la situation des collectivités locales pour leur permettre d'assurer l'équipement minimum.

En conclusion, je voudrais d'abord rendre hommage à nos collègues, députés et sénateurs, qui représentent les territoires d'outre-mer et qui, du fait de leur éloignement, éprouvent infiniment plus de difficultés que les élus de métropole à exercer correctement leur mandat. Pour les avoir tous rencontrés, je sais qu'ils le font avec beaucoup de coeur, de dynamisme et d'engagement personnel. Le travail qu'ils réalisent ici et dans les territoires participe directement au rayonnement de notre pays. Cela est d'autant plus important que le rayonnement de nos territoires d'outre-mer et plus généralement de la nation française est en progrès sensible. Inauguré en mai 1998, le centre culturel Jean-Marie Tjibaou, à l'architecture particulièrement novatrice, avec un effort d'intégration certain, participe à ce rayonnement culturel. Mais, d'une façon générale, la position de la France dans le Pacifique, l'évolution institutionnelle qu'elle a acceptée et qu'elle met en oeuvre vis-à-vis des territoires, font que sa voix est désormais entendue et écoutée dans l'ensemble du Pacifique et de l'Océanie. C'est essentiel pour les élus de l'ensemble de la nation et pour notre action en direction des territoires d'outre-mer.

La commission des finances a approuvé les crédits des territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Monsieur Auberger, la conférence des présidents a accordé deux heures supplémentaires aux groupes pour la discussion générale - M. le président Debré peut en témoigner. Elle a également décidé de consacrer les trois séances de cette journée, matin, aprèsmidi et soir, à l'outre-mer, fait unique dans une discussion de projet de loi de finances. Je tenais à faire cette mise au point.

La parole est à M. Jérôme Lambert, suppléant M. François Cuillandre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour les territoires d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, suppléant M. François Guillandre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour les territoires d'outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen de votre projet de budget concernant les territoires d'outre-mer laisse apparaître une année de transition.

D'une part, le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie va se mettre progessivement en place, après le vote définitif de la loi organique et par le référendum sur le territoire ; d'autre part, la Polynésie française connaîtra sans doute une évolution institutionnelle l'an prochain, ce à quoi s'ajoutera une nouvelle organisation des communes, deux projets de loi étant actuellement soumis en première lecture à l'examen du Sénat.

Sous votre impulsion et avec l'aval de tout le Gouvernement, en particulier du Premier ministre, Lionel Jospin, l'année 1998 aura amorcé le mouvement vers une nouvelle forme de relations entre l'Etat et les territoires d'outre-mer, aux termes de laquelle ces derniers se voient reconnaître une plus large autonomie et une plus grande responsabilité dans l'exercice de compétences étendues.

Le projet de loi de finances pour 1999 transcrit ce caractère transitoire qui marquera l'année qui vient. On doit observer en effet que, si le budget du secrétariat d'Etat connaît une augmentation conséquente de 7 % par rapport à la loi de finances de 1998, cette augmentation n'affecte pas de la même façon les départements et les territoires d'outre-mer.

Dans les territoires d'outre-mer, le champ de l'intervention de l'Etat est plus limité que celui qui prévaut dans les départements, notamment en matière d'emploi et de logement, domaines sur lesquels portent principalement les efforts budgétaires. C'est pourquoi la part territoires d'outre-mer ne connaît pas la même évolution que le budget de l'outre-mer dans son ensemble.

Avec 1 milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, la part territoires d'outre-mer représente 18 % du budget du secrétariat d'Etat. Une baisse apparente de 4,7 % apparaît d'ailleurs dans ces crédits ; elle s'explique par la non-reconduction, au moins provisoirement, de la subvention versée à la Polynésie dans le cadre d'un Fonds intercommunal de péréquation, qui avait atteint l'an dernier 52 millions de francs. Ce dispositif prend légalement fin au 31 décembre 1998. Il nous faudra attendre le vote par le Parlement du projet de loi organique relatif au régime communal en Polynésie pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

que ce mécanisme retrouve une base légale et puisse être reconduit, dans le cadre d'un collectif budgétaire, pour l'année 1999 si, comme nous le pensons, la loi est adoptée avant la fin de l'année prochaine.

Le fascicule jaune dresse un état récapitulatif de l'effort budgétaire pour les DOM et pour les TOM, réparti par collectivité. Nous en avons eu connaissance dans un délai plus raisonnable qu'auparavant, ce qui nous a permis de mieux préparer la discussion budgétaire. Il faut le souligner en espérant qu'il en sera dorénavant toujours ainsi ! A la lecture de ce document, nous constatons que l'effort budgétaire et financier global consacré aux territoires est en très légère progression. Au total, on peut donc considérer que la baisse apparente des crédits qui leur sont alloués mérite d'être nuancée.

L'examen détaillé des crédits des trois agrégats - administration centrale, collectivités territoriales, développement social et économique - que j'ai effectué et qui est présenté dans le rapport, laisse apparaître une augmentation de près de 3 % des crédits regroupant les moyens de fonctionnement de l'administration. Ainsi, les effectifs des fonctionnaires en poste en Nouvelle-Calédonie auprès du Haut Commissaire seront en augmentation a fin de renforcer la capacité d'expertise du Haut Commissariat dans le cadre de la nouvelle répartition des compétences entre l'Etat, le territoire de NouvelleCalédonie et les provinces.

Le service militaire adapté connaît lui aussi, comme dans les DOM, une augmentation de ses moyens budgétaires, pour faire face à une revalorisation des rémunérations. Les autres postes de fonctionnement sont maintenus à des montants identiques à ceux de 1998.

L'examen détaillé des crédits alloués aux collectivités locales laisse apparaître une baisse importante de 49 %, mais qui s'explique par la raison que j'ai invoquée plus tôt, à savoir la non-reconduction provisoire de la subvention versée à la Polynésie française.

En revanche, la subvention versée à Wallis-et-Futuna connaît une augmentation notable, passant de 1,6 million à 3,3 millions. Il est satisfaisant de constater que le Gouvernement a choisi de manifester nettement la solidarité de la République à l'égard d'un territoire très souvent délaissé par la métropole.

La subvention au budget local de la Nouvelle-Calédonie se maintient quant à elle à un niveau de 5,9 millions de francs.

On doit noter une baisse sensible de la somme affectée aux travaux d'intérêt local pour des opérations ponctuelles de petits montants, justifiée par la sous-consommation systématique de ce chapitre.

Quant à la section territoires du FIDES, qui permet de financer des opérations ponctuelles, les autorisations de programme sont maintenues à hauteur de 3 millions de francs, mais les crédits de paiement connaissent quant à eux une diminution très nette, passant de 6,45 à 3 millions de francs.

Enfin, le troisième agrégat du budget des TOM, consacré aux interventions dans le domaine social et économique, connaît une très légère diminution d'environ 1 % et s'établit à 600 millions de francs. Cette diminution s'explique en grande partie par l'achèvement du centre culturel Jean-Marie Tjibaou, inauguré en mai dernier, qui entraîne une réduction de la subvention accordée à l'Agence de développement de la culture canaque.

La section générale du FIDES connaît, comme c'est le cas depuis plusieurs années consécutives, une légère diminution de 3 %, pour un montant total de 127 millions.

La subvention spécifique pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, née des accords Matignon et de la loi référendaire de 1988, reste à un niveau élevé, avec 390 millions de francs.

En conclusion, le budget des territoires d'outre-mer rend en partie compte des mutations que vont connaître les deux principaux d'entre eux : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. La nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités conduira sans doute, l'année prochaine, à une adaptation du mode de répartition des crédits qui tiendra compte des nouvelle responsabilités dévolues à ces territoires.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des lois, après avoir pris connaissance des éléments que je viens de vous présenter, a approuvé le projet de budget des TOM.

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour l'outre-mer.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Une journée tout entière consacrée à l'outre-mer, voilà une nouveauté que nous pouvons saluer ! Et j'espère, monsieur le président, que vous n'aurez pas les yeux trop rivés sur votre chronomètre pour rappeler à l'ordre tel ou tel de nos collègues qui, afin d'évoquer un sujet lui tenant à coeur, en viendrait à dépasser le temps imparti...

L'année dernière, à la même époque, ayant à donner l'avis de la commission de la production et des échanges sur votre budget, j'avais dû, monsieur le secrétaire d'Etat, reprenant les protestations de mes prédécesseurs, m'élever contre le fait que le jaune budgétaire ne m'avait été remis que la veille de l'examen du budget. C'est vous dire ma satisfaction d'avoir pu, cette année, en prendre connaissance dix jours avant ce débat.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, faut-il le souligner, ne représente qu'une petite partie - quelque 11 % - des engagements financiers de l'Etat outre-mer. Il n'en demeure pas moins que son évolution traduit l'intérêt que le Gouvernement porte à nos départements et territoires. Nous ne pouvons que nous féliciter, dans ces conditions, de voir un budget qui, de 1997 à 1998, n'avait progressé que de 3,17 %, augmenter cette année de 7 %, passant de 5,230 milliards à 5,594 milliards de francs.

Il est de tradition de scruter l'évolution de quatre postes : l'emploi, l'insertion, le logement et les fonds FIDOM et FIDES. Nous ne dérogerons pas à cette tradition.

Les crédits du Fonds pour l'emploi dans les DOM augmentent de 6,4 % pour atteindre 1,808 milliard de francs. Le représentant de votre assemblée au sein du FEDOM ne peut que s'en satisfaire. La plus grande partie, 1,360 million de francs, sera consacrée à financer 56 500 solutions nouvelles d'insertion contre 48 500 prévues dans le projet de loi de finances de l'an dernier, elles sont réparties comme suit : 34 000 contrats emploisolidarité, en augmentation très nette, 15 000 contrats d'insertion par l'activité et 7 000 contrats d'accès à l'emploi.

Les contrats d'accès à l'emploi, qui découlent des dispositions de la loi dite Perben, font couler beaucoup d'encre. Leur financement reposait à l'origine sur le principe d'un prélèvement différentiel de la TVA de 2 % avant que la décision ne soit prise de prélever également 2 % sur la TVA en métropole. On comprend que le Gouvernement ait eu la tentation, toute légitime, de limiter le nombre de contrats d'accès à l'emploi dès lors qu'il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

n'en avait plus le financement. Quoi qu'il en soit, nous nous félicitons de l'intérêt porté dans ce budget au développement des contrats emploi-solidarité.

« Avec un CES, sa mi fé six mois », dit-on dans mon pays... Et pourtant on fait toujours la queue devant les mairies pour en obtenir un ! C'est dire si les Réunionnais, comme les populations de tous les départements d'outremer, n'en sont plus à juger les raisins trop verts : même s'ils sont verts, il faut bien qu'on les mange ! En ce qui concerne les emplois-jeunes, 445 millions de francs permettront de financer les emplois créés en 1998e t 3 500 nouveaux emplois. Ainsi, à la fin de l'année 1999, 7 000 jeunes auront été embauchés sur les crédits du FEDOM. Avec les 2 600 emplois-jeunes déjà créés au titre de l'éducation nationale et des agents de sécurité, nous ne serons pas très loin des 10 000 emplois créés.

J'ai souvent alerté Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'importance à accorder aux emplois-jeunes dans nos départements. Nous avions même présenté quelques propositions d'adaptation qui, à notre sens, auraient permis de rendre plus facile leur mise en place.

Aujourd'hui, le Gouvernement ne doit pas être déçu de la manière dont les forces socio-économiques de nos départements ont pris à bras le corps le problème de l'emploi des jeunes. Au 31 juillet 1998, on dénombrait 608 emplois-jeunes en Guadeloupe, 574 en Guyane, 1 319 en Martinique, 2 860 à la Réunion.

L'occasion m'est donnée, monsieur le secrétaire d'Etat, de rappeler au Gouvernement l'engagement de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité qu'aucune limite ne serait mise au financement des emplois-jeunes dans les départements d'outre-mer, dès lors que les projets soumis aux commissions locales d'admission seraient crédibles et conformes aux dispositions de la loi. Mais peut-être aurais-je pu m'abstenir de vous le rappeler puisque, dans votre propos, vous avez confirmé cette intention.

En ce qui concerne les actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI, les crédits passent de 790 à 815 millions de francs. Ils sont alimentés en partie par la créance de proratisation. Nous aimerions savoir, à ce propos, quelle réponse le Gouvernement entend apporter à la revendication de conduire à son terme le processus d'égalité sociale avec, en particulier, l'alignement progressif du

RMI ? Faut-il rappeler que le différentiel de 20 % a été justifié au moment de la création du RMI, en 1988, par le fait que le SMIC, lui aussi, était « décroché » de plus de 20 % ? Il n'y a plus de justification ni sociale ni humaine au maintien de cette discrimination.

Les crédits de la ligne budgétaire unique sont ceux qui progressent le plus, puisqu'ils passent de 568 540 000 à 897 400 000 francs, soit une augmentation de 58 %. C'est la plus forte hausse enregistrée ces dernières années.

Ces crédits devraient permettre le financement de plus de 19 000 logements.

Monsieur le secrétaire d'Etat, un député peu soupçonnable et peu soupçonné d'opposition à votre Gouvernement m'a soufflé à l'oreille qu'il était tout à fait possible que cette inscription en très forte augmentation soit quelque peu gratuite tant il était prévisible que les contraintes foncières et d'aménagement risquaient de conduire à ce que ces crédits ne soient que partiellement consommés. Si je ne puis donner crédit à une telle hypot hèse, je ne peux m'empêcher de penser que ces c ontraintes existent réellement et qu'il est, par conséquent, de la première importance de doter les départements d'outre-mer d'un outil d'aménagement plus complet et plus performant que ne l'est actuellement le FRAFU.

Vous souhaitez étendre ce dispositif à l'ensemble des départements d'outre-mer. Certes, mais il faut y consacrer plus de moyens financiers et de moyens d'action afin que nous puissions consommer intégralement cette importante contribution au financement du logement que représente la ligne budgétaire unique. Peut-être cela est-il envisageable dans le cadre des prochains contrats de Plan et du PDR 3, plan de développement régional troisième génération.

L'enjeu est de taille. On dit, c'est une banalité, que quand le bâtiment va, tout va. A la Réunion, quand on construit des logements, on remet au travail des milliers d'ouvriers du bâtiment qui avaient dû déserter les chantiers.

Autant je vous ai donné acte, monsieur le secrétaire d'Etat, des avancées significatives de votre budget sur l'emploi et le logement, autant je ne peux cacher mon désappointement devant la tendance réaffirmée d'année en année d'une baisse des crédits du FIDOM et du FIDES.

Nous avons vu progressivement s'éteindre les crédits de la section locale du FIDOM et nous voyons baisser progressivement la section centrale. Peut-on espérer, l'an prochain, retrouver quelques millions de plus ? Nous souhaiterions qu'il soit mis fin à cette évolution négative.

S'agissant du service militaire adapté, pour avoir fait partie de ces députés qui ont multiplié les démarches afin qu'il soit maintenu, je ne peux que reconnaître que l'engagement pris a été tenu. Cependant, les appelés b énéficiant du service militaire adapté étaient, sur l'ensemble des sites d'outre-mer, bien plus nombreux que 500. J'espère que ce chiffre ne vaut que pour cette première année, à titre d'expérience. Certes, nous ne sommes pas sûrs d'avoir des volontaires. Mais, compte tenu des circonstances, il est bien possible qu'il y ait beaucoup plus de 500 jeunes à frapper à la porte du volontariat. Au surplus, près de la moitié étant des encadrants, à peine 250 pourraient bénéficier de cette filière de formation. J'émets le voeu que, l'an prochain, cette mesure, un peu timide, prenne un peu plus d'ampleur.

Pour ce qui concerne l'évolution des secteurs primaire et secondaire des différents départements et territoires, vous trouverez, dans le rapport que j'ai l'honneur de présenter, une analyse assez approfondie de la situation de chaque collectivité. Je m'en tiendrai donc à quelques traits marquants.

S'agissant des cultures traditionnelles des départements d'outre-mer, je voudrais attirer votre attention sur l'inquiétude qui règne parmi les agriculteurs.

Aux Antilles, les producteurs de bananes doivent faire face aux attaques incessantes de l'Organisation mondiale du commerce et quelquefois au non-respect des règles du jeu de la préférence communautaire. Nous comptons sur l'engagement du Gouvernement pour que ne soit pas déstabilisée une filière qui représente 30 000 emplois en Guadeloupe et en Martinique. Pour le sucre, les prochaines négociations de l'OCM doivent commencer l'année prochaine. Nous sentons une menace planer, tout particulièrement à la Réunion, où c'est la seule grande production agricole à vocation industrielle.

Dans un contexte mondial de plus en plus contraignant et incertain, et après les mésaventures de la banane aux Antilles, la plus grande vigilance s'impose pour renforcer, en les améliorant, les acquis obtenus de longue


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lutte vis-à-vis de l'Union européenne, c'est-à-dire le maintien du système des quotas et le principe des aides à la production et à la transformation de la canne.

Pour la Réunion, le quota doit être maintenu à 300 000 tonnes. Vous n'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que 7 000 hectares supplémentaires vont probablement être mis en culture, pour une grande part en cannes. Cela peut donner à la Réunion l'opportunité d'atteindre ce quota. Il serait dramatique qu'après avoir tant dépassé pour le basculement de l'eau de l'est vers l'ouest, nous soyons confrontés à un problème de quotas, dès lors que ces terres nouvelles mises en culture seraient devenues productrices.

Pour la Guyane, qui est dotée d'importantes ressources naturelles, il devient urgent d'organiser l'exploitation de ce potentiel économique. Ainsi, la production d'or doit être organisée de sorte qu'elle puisse profiter aussi aux Guyanais et pas exclusivement, comme c'est le cas aujourd'hui, à des multinationales. Par ailleurs, la superficie de la Guyane et sa faible densité conduisent à s'interroger sur les obstacles qui empêchent de parvenir à l'autosuffisance alimentaire. Les dernières évolutions relatives au foncier sont un élément favorable pour atteindre cet objectif.

En Nouvelle-Calédonie, où il faut souligner d'abord l'optimisme que les récentes évolutions institutionnelles ont suscité dans les rangs de la quasi-totalité des chefs d'entreprise, on notera le chiffre record enregistré par la production de nickel, même si les difficultés soulignées tout à l'heure sont réelles, et les chiffres encourageants du tourisme. Il faudra toutefois être vigilant et prévenir les conséquences de la crise des pays asiatiques, principaux clients de la Nouvelle-Calédonie.

Les députés des départements d'outre-mer ont été unanimes à saluer l'issue à laquelle a abouti le Congrès pour la Nouvelle-Calédonie. Cette question qui pouvait légitimement faire l'objet de la préoccupation première du Gouvernement étant désormais résolue, il est urgent que ce dernier se tourne vers les solutions politiques et économiques proposées par les autres représentants de l'outremer.

Le temps n'est plus à la recherche de solutions communes à l'ensemble des départements et territoires mais au contraire à la nécessaire déconnexion des solutions, celles-ci devant être spécifiques à chaque collectivité. C'est pour cela, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous vous demandons d'engager dans les meilleurs délais les discussions qui doivent permettre de faire surgir pour chacun de ces territoires les réponses que ses populations attendent.

Vous avez parlé tout à l'heure d'un délai de six mois pour certains diagnostics. C'est bien long ! Dix-sept mois après sa mise en place, le Gouvernement se donne encore du temps pour procéder à des études que nous pourrions achever ici, ensemble, en quelques heures ou en quelques jours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratieAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous en avons été témoins, toutes les grandes réformes annoncées au cours de la campagne électorale pour la métropole ont soit été conduites à leur terme, soit mises en discussion devant notre assemblée. Les Français en savent gré à votre gouvernement. Les populations d'outremer ne peuvent que constater que, pour elles, il est toujours temps d'attendre, de discuter, de chiffrer ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Et comme on dit chez nous : « En attendant, cabri mange salade ! » En attendant, les choses s'aggravent.

C'est vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'an prochain, à l'heure de ce même débat budgétaire, il ne sera pas admis que les solutions proposées par les élus de l'outre-mer n'aient pas trouvé leur application.

Sous réserve de ces observations, la commission de la production et des échanges propose à l'Assemblée d'adopter les crédits de l'outre-mer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, en cette journée exceptionnelle, la présidence fera preuve d'une certaine souplesse quant aux temps de parole. Mais il ne faudrait pas, parce que les premiers orateurs auraient parlé trop longtemps que les derniers ne puissent plus le faire. Je m'efforcerai d'être équitable.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme tous les orateurs, je me réjouis que ce 23 octobre marque l'intérêt que l'Assemblée nationale et le Gouvernement portent à l'outre-mer et c'est pourquoi je tenais à m'exprimer dans ce débat.

Cette année aura été marquée par une évolution historique de la place de l'outre-mer dans la République.

Nous nous souvenons tous de cette journée du 6 juillet où, réuni à Versailles, le Congrès, par une majorité de 95 % de ses membres, a adopté la révision constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie.

Je ne reviendrai pas ici, bien sûr, sur le contenu de cette révision, mais je souhaite insister sur l'importance de ce moment où, par le dialogue et l'acceptation de l'autre, un accord fondateur a pu être trouvé pour donner un sens à l'avenir de ce territoire.

Je voudrais féliciter à nouveau le Gouvernement et tous les acteurs de cet accord pour ce choix qui honore l'image de la France dans le Pacifique et dans le monde.

Le vote du budget est l'acte politique majeur de la vie parlementaire. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette année, à l'occasion de la discussion des crédits de votre ministère, nous puissions entendre les préoccupations de nos concitoyens des départements, collectivités et territoires d'outre-mer et y apporter ensemble des réponses.

Je constate d'abord que ce budget est, pour la deuxième année, en forte augmentation - 7 % - par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 et qu'il accroît les moyens du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour des objectifs évidemment prioritaires : le soutien à la croissance, l'emploi et la solidarité.

Nous sommes, nous aussi, convaincus que l'emploi outre-mer nécessite un soutien actif de l'Etat. C'est pourquoi nous nous réjouissons que le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, soit en sensible augmentation. Ces crédits permettront de financer de nouvelles solutions d'insertion : contrats emploisolidarité, contrats d'insertion par l'activité, contrats d'accès à l'emploi. Ils permettront aussi de financer la


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poursuite de la mise en oeuvre des emplois-jeunes : 3 500 nouveaux emplois, avez-vous rappelé, hors aideséducateurs et adjoints de sécurité.

Le droit au logement est un des droits inscrits dans la Constitution. Il n'est malheureusement pas encore effectif pour tous, et cela est vrai plus encore outre-mer qu'en métropole. Mais l'aide au logement occupe dans votre budget une place privilégiée. Cette aide est un instrument de développement économique et d'insertion et permettra de construire près de 20 000 logements.

En ce qui concerne le RMI, la créance de proratisation, majorée de 25 millions de francs appuiera, elle aussi, l'effort en matière de logement, d'emploi et d'insertion.

J'ai noté avec satisfaction que l'investissement est davantage orienté vers l'emploi et le développement des infrastructures. Depuis la réforme, intervenue en 1998 des aides fiscales en faveur de l'investissement productif, la création ou le maintien d'emplois est heureusement devenu un critère déterminant pour l'obtention de l'agrément des opérations d'investissements défiscalisés. Il y a lieu de saluer ce progrès.

Quant au Fonds d'investissement des départements d'outre-mer, le FIDOM, il permettra de financer les contrats de plan de la Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de Saint-Pierre-et-Miquelon ; l'application de la convention entre l'Etat et la collectivité de Mayotte devrait permettre de respecter intég ralement les engagements de l'Etat sur la période 1995-2000. L'effort d'investissement se poursuivra en Guyane, notamment pour les aménagements routiers.

En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, c'est sur le Fonds d'investissement pour le développement économique et social, le FIDES, que seront financés le contrat de développement avec la Polynésie française et la convention de développement - y compris le logement social et le contrat de plan - avec Wallis et Futuna.

J'apprécie aussi que l'Etat contribue aux investissements des communes : deux dotations de 15 millions de francs chacune sont prévues pour la Nouvelle-Calédonie et pour la Polynésie française.

En Nouvelle-Calédonie, où une délégation de la commission des lois, que j'ai eu l'honneur de conduire, s'est rendue au moment de la signature de l'accord de Nouméa, en mai dernier, et où se rendra prochainement le rapporteur du projet de loi organique, M. René Dosière, un nouveau type de relations s'instaure avec l'Etat. Il est marqué par un transfert de compétences de l'Etat, organisé par étapes au cours des quinze à vingt prochaines années. Je me réjouis tout spécialement qu'une dotation spécifique de 390 millions de francs soit prévue pour soutenir le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie.

Le rôle joué par le service militaire adapté en matière de formation professionnelle et d'insertion est irremplaçable. Nous en avons eu la démontration éclatante en visitant le site de Tubuaï, en Polynésie.

C'est pourquoi, dans le cadre de la professionnalisation des armées, un régime spécifique de volontariat doit être mis en place outre-mer. Cette réforme sera mise en oeuvre non seulement avec les crédits inscrits à la loi de finances, mais aussi avec ceux du Fonds social européen.

Ainsi, c'est une dotation totale de 518 millions de francs qui bénéficiera au SMA.

Compte tenu de ces propositions conformes aux orientations et aux priorités définies par le Premier ministre, je tiens à vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'approuve ce budget, comme la commission des lois, qui a é mis un avis favorable sur l'excellent rapport de M. Jérôme Lambert, et comme le groupe socialiste, qui le votera.

Au-delà des aspects strictement budgétaires, certes politiquement fondateurs, j'approuve également la décision du Gouvernement d'élaborer une loi d'orientation pour les départements d'outre-mer.

Cet important travail législatif permettra de traiter les principales questions qui se posent dans les DOM : développement économique, politiques sociales et de solidarité, approfondissement de la décentralisation, sur laquelle leurs élus insistent avec raison.

Cette loi d'orientation devra permettre, après concertation, d'élaborer des réformes évidemment nécessaires cinquante ans après la départementalisation.

Je sais que s'élèvent, ici et là, notamment parmi nos collègues, des voix pour réclamer une évolution du cadre institutionnel des départements d'outre-mer. Si on doit être à l'écoute de ces attentes, il convient, comme vous venez de le préciser, de rechercher tous ensemble d'autres possibilités dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.

J e reste persuadée que l'avenir des départements d'outre-mer est intimement lié à l'appartenance à l'Europe.

Il y a dix ans, certains agitaient sous les yeux des populations d'outre-mer l'épouvantail européen. Les habitants et les élus des DOM ont appris à travailler dans le cadre européen avec ses atouts et ses faiblesses. Ils ont mesuré l'apport considérable des fonds structurels pour le développement des infrastructures, des entreprises et de la formation. Ils ont su faire reconnaître les handicaps particuliers de l'insularité et de l'éloignement.

Le cadre européen n'est pas incompatible, de mon point de vue, avec un élargissement des pouvoirs des élus locaux. Je pense notamment à une répartition plus claire des compétences entre l'assemblée régionale et l'assemblée départementale, et à la dévolution de compétences dans le domaine de la coopération régionale. Sans doute devonsnous aussi rechercher, dans ce cadre, d'autres voies.

Nos collègues qui seront désignés par le Premier ministre pour faire des propositions d'approfondissement d e la décentralisation outre-mer tiendront un rôle éminent dans la préparation de cette loi d'orientation. Je me réjouis que le Parlement soit associé en amont à son élaboration.

Mais les Guadeloupéens, les Martiniquais, les Guyanais, les Réunionnais attendent aussi des pouvoirs publics des réponses d'une autre nature, touchant leur vie de tous les jours. J'ai évoqué les décisions budgétaires de l'Etat dans différents domaines et je souhaite que leurs effets concrets soient rapides. Je pense aussi à tout le champ de l'éducation et de la culture. Ce gouvernement conduit une action déterminée pour la formation des jeunes, et les jeunes de l'outre-mer doivent y trouver toute leur place.

Reprendre la marche vers l'égalité des chances suppose un effort accru d'éducation et de formation. La lutte contre l'échec scolaire participe de la construction de la République.

Cette année 1998 restera également marquée dans les esprits par la célébration du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage. A travers les manifestations qui se


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sont déroulées outre-mer et en métropole, la France a fait mémoire de son passé, et nos concitoyens ont pris conscience de cette histoire tragique. Je me souviens avec émotion de la cérémonie à laquelle j'ai assisté au Panthéon au milieu de tous les témoins de l'outre-mer.

Mais notre regard sur le passé n'a de sens que s'il éclaire l'avenir. Je suis sûre que notre débat contribuera à faire mieux connaître à la représentation nationale et à l'opinion publique les réalités de l'outre-mer et la chance qu'il représente pour la France. Pour sa part, la commission des lois, dans les domaines qui sont les siens, y sera particulièrement attentive. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, collègues de l'Assemblée : contre l'immobilisme et pour le changement, tel sera le thème central de mon intervention.

L'annonce faite par le Gouvernement d'étendre le débat, jusqu'alors uniquement consacré à l'examen du budget dit des DOM-TOM, au domaine vital des institutions qui les régissent est déjà en soi un aveu.

Même si, comme pour se rattraper, cette initiative s'est enrobée en cours de route d'artifices plus ou moins spécieux pour tenter de limiter sa portée, elle reste néanmoins reconnaissance implicite de la preuve de l'inadaptation et de l'inefficacité d'un système d'un autre âge qu'il est urgent de remplacer.

Donner aujourd'hui l'impression de vouloir se rétract er, en tunnellisant le champ des interventions à l'article 73 de la Constitution, démontre à l'envi, monsieur le secrétaire d'Etat, que quelques groupes de pression en tous genres sont intervenus depuis lors.

Vous êtes très bien placé pour savoir qu'on ne bâtit pas l'avenir en prenant seulement en compte les intérêts d'un petit nombre, si puissants soient-ils. Ce serait faire injure à la démocratie que d'agir ainsi de façon partisane et unilatérale en mettant délibérément à l'écart les é lus du peuple souverain. Et chercher arguties pour voler au secours de ceux qui n'ont de cesse d'opposer, pour les besoins de leurs causes personnelles, changement de statut et développement, me paraît une manoeuvre puérile et digne d'un passé révolu.

Certes, le statut ne crée pas mécaniquement le développement, mais, adapté aux besoins du pays, il peut le prédéterminer. A l'opposé, un statut obsolète constitue un obstacle majeur au décollage économique.

Pour preuve, les plans successifs n'ont pas manqué, et, à chaque fois, le développement attendu n'a pas eu l'effet escompté. Coup sur coup, il y eut la départementalisation économique de Valéry Giscard d'Estaing en 1974, le plan Paul Dijoud en 1979, la loi Bernard Pons sur la défiscalisation en 1986 et les assises sur l'égalité sociale active d'Alain Juppé en 1996, sans parler de la loi Perben. Les plans ont passé. Les plans ont trépassé ! (Sourires.)

L'adynamie générale s'est renforcée. C'est la preuve a contrario que développement et pouvoir politique sont liés et vont souvent de pair.

C'est plutôt l'absence de pouvoir réel qui est cause en grande partie d'instabilité permanente et de manque de lisibilité pour baliser convenablement, autant que faire se peut, l'avenir.

Ainsi, mon propos se déclinera selon deux directions.

La première aura trait à l'économie, la seconde aux institutions.

Concernant l'économie, il n'est pas question de nier l'existence de l'aide et des transferts en provenance de l'extérieur, France et Union européenne exclusivement.

Mon propos est de démontrer qu'ils ne sont pas utilisés toujours à bon escient pour le développement. Il est aussi et surtout de mettre à bas le mythe du flux à sens unique.

C'est d'abord l'INSEE Antilles-Guyane qui, dans sa livraison récente d' Antiane-Eco , no 38, d'août 1998, affirme en page 11 : « Les exonérations sectorielles accordées ne créent pas directement d'emploi : leurs bénéficiaires sont incités à embaucher, mais n'ont aucune obligation de le faire, ni même de préserver leurs effectifs. »

A u sujet des transferts publics, la même revue démontre que « le chiffre d'affaires des entreprises repart en direction de la métropole par le biais des importations, ce qui rééquilibre le circuit. Le reste du monde, bien que faisant l'avance des transferts publics, se retrouve excédentaire de 2,2 milliards de francs en 1994 ».

C'est ensuite le rapport de l'IEDOM de 1998 qui fait le même constat : balance des transferts : 193 millions en faveur de l'extérieur. Analysant le cas particulier des transferts bancaires, l'organisme officiel indique : balance : 10 216 millions de francs, toujours au détriment de nos territoires.

C es exemples irréfutables confirment à l'évidence qu'une telle situation ne saurait se perpétuer indéfiniment car elle s'apparente davantage à une forme de pillage qu'à une aide véritable. La solution à retenir ne réside plus seulement en un simple accroissement de fonds, si utile soit-il, elle doit passer nécessairement aussi par une restructuration de fond.

Pour conclure sur cette partie, c'est le père patenté de la départementalisation qui fait ce constat amer, en reconnaissant lui-même que « la départementalisation a mis le pays en assistance publique ».

Le moment est donc venu de faire disparaître entre nous les règles du welto : ou wèy , ou pa wèy . Le welto , c'est ce jeu trompeur dans lequel toutes les mises sont toujours récupérées en dernier ressort par les mêmes, ici les donneurs et les quelques super-privilégiés du circuit.

Concernant les institutions, j'entends répéter à satiété, encore ce matin, qu'être collectivité départementale est solution définitive bannissant toute idée d'indépendance à terme. C'est une interprétation abusive de la Constitution et de la jurisprudence existante.

En effet, l'article 53, dernier alinéa, dispose que « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées ».

Le Conseil constitutionnel, par sa décision en date du 30 décembre 1975, parue au Journal officiel du 3 janvier 1976, a déjà depuis belle lurette réglé ce problème-là. O n feint de l'ignorer aujourd'hui.

En effet, que dit le Conseil constitutionnel. Ceci :

« Considérant que les dispositions de cet article 53 doivent être interprétées comme étant applicables non seulement dans l'hypothèse où la France céderait à un

Etat étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire, mais aussi dans l'hypothèse où un territoire cesserait d'appartenir à la République pour constituer un Etat indépendant. »

Cela signifie que, si un territoire souhaitait devenir indépendant, il conviendrait de passer par l'article 53 et d'admettre que le peuple concerné puisse être consulté par référendum d'autodétermination. Et comme pour enlever définitivement toute ambiguïté d'interprétation


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abusive, le Conseil constitutionnel poursuit en précisant bien que le « terme "territoire" n'a pas dans cet article 53 la même signification juridique que dans l'expression "territoire d'outre-mer"... »

A cet égard, l'article 53, dernier alinéa, ne fait aucune distinction entre DOM et TOM. En d'autres termes, les départements d'outre-mer sont concernés intrinsèquement en tant que territoires. Le Conseil constitutionnel s'est attaché à bien séparer, d'un côté, les lois d'organisation des DOM et des TOM prévues dans les articles 73 et 74, et, de l'autre, les lois relatives à l'autodétermination prévues à l'article 53, dernier alinéa.

Dois-je encore citer les professeurs Prelot et Boulouis explicitant la portée de ce fameux article 53 que l'on s'ingénie à occulter pour les besoins de causes inavouables ?

« Cette disposition, écrivent-ils, reprend le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est en ce sens que s'est prononcé le Conseil constitutionnel en décidant, à propos des Comores, que l'article 53 est applicable non seulement lorsque la France cède un territoire à un Etat étranger mais aussi lorsqu'un territoire cesse d'appartenir à la République, soit pour se rattacher à un autre Etat, soit pour constituer un Etat indépendant. »

La jurisprudence et la doctrine étant ainsi rappelées, ce qui importe désormais, c'est le changement, c'est la concertation, c'est la consultation obligatoire décidée le moment venu dans les conditions d'objectivité requises.

Maintenant que se trouve levée l'hypothèque du principe de l'autodétermination, il reste à entamer pratiquement le processus de transformation en mettant sur pied l'assemblée régionale unifiée de transition.

Pour redresser la situation et garantir le développement, l'assemblée nouvelle doit détenir des pouvoirs lui permettant de prendre des mesures législatives relatives à l'économie, à l'organisation sociale, à la fiscalité, à l'audiovisuel, à l'éducation, aux relations avec nos voisins de la Caraïbe.

En conclusion, en dépit de tous les subsides versés, les indicateurs sociaux et économiques s'affolent, avec 28,8 % de chômage et 12,5 % de couverture commerciale. « Le chômage n'est pas un temps libre mais du temps vide », propice à toutes sortes de déviances, comme le souligne à propos un auteur martiniquais.

La politique d'intégration forcée et l'alignement systématique sur les normes européennes découragent inexorablement la production au profit de l'importation excessive. C'est le système exclusif de Colbert inversé.

Après un demi-siècle, le système départemental, mâtiné de quinze années de décentralisation, arrive épuisé et pratiquement paralysé au terme de sa course.

Comme le disait Frantz Fanon : « Il est plus facile de proclamer qu'on rejette que de rejeter réellement. »

A l'aube du troisième millénaire, ce gouvernement, dont toutes les composantes se piquent, à juste raison, d'être à l'écoute des problèmes de notre monde en mutation accélérée, se doit de ne pas avoir une pratique sélective du dialogue. J'attends de lui une réponse qui ne soit ni évasive ni encore moins de glaçon. Auquel cas le débat réclamé par lui en grande pompe aurait été faussé volontairement par lui. (Mme Taubira Delannon applaudit.)

M. le président.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec une hausse de 7 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998, les crédits consacrés à l'outre-mer sont cette année en forte progression. C'est la traduction d'une volonté de mieux prendre en compte les spécificités et la diversité des départements et territoires d'outre-mer.

Je me félicite de cette évolution et je puis vous dire d'entrée, monsieur le secrétaire d'Etat, que le groupe communiste votera les crédits que vous proposez à la représentation nationale.

Je regrette cependant dans votre budget le désengagement en faveur de l'investissement. Ainsi, la baisse des crédits affectés au FIDOM et au FIDES se confirme chaque année.

Le projet de loi de finances ne prévoit aucune modification du dispositif de défiscalisation pour l'investissement outre-mer. Après avoir pris des mesures, dans le cadre de la loi de finances de 1998, pour stopper les dérives de la loi Pons, qui favorisait principalement la défiscalisation pour les contribuables les plus fortunés, vous avez décidé de proroger ce dispositif fiscal jusqu'en 2001. Sans mesures alternatives, c'était nécessaire. Je souhaiterais qu'un bilan soit soumis à notre réflexion. S'il se révèle, au regard d'une évaluation, que ce dispositif n'est pas créateur d'emplois, il devra une nouvelle fois être révisé, si ce n'est abrogé. De toute manière, il faudra bien trouver un dispositif alternatif performant.

S'agissant du développement économique local, la situation des filières traditionnelles reste extrêmement fragile.

Face à l'offensive américaine sur le marché européen de la banane, les planteurs antillais et la main-d'oeuvre locale demeurent très inquiets, après la décision du conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne, réuni à Luxembourg, de céder à la pression de l'Organisation mondiale du commerce, notamment en facilitant l'accès du marché européen aux négociants d'Amérique Latine, qui vendent la banane « dollar ». La production communautaire risque d'être sacrifiée au nom de la mise en conformité de la législation de l'Union européenne avec les règles du jeu établies par l'OMC. Ce n'est pas acceptable ! Le respect de la préférence communautaire, la garantie de revenus des producteurs de bananes et d'écoulement de ces produits sur le marché communautaire doivent rester nos objectifs prioritaires.

La production de rhum, sur laquelle repose près de 4 000 emplois de la filière canne, a également un avenir incertain.

La plupart des indicateurs économiques et sociaux restent très préoccupants.

La politique des transferts financiers n'est pas parvenue à établir une égalité entre la situation économique et sociale de la métropole et celle qui existe dans les départements d'outre-mer.

Des mouvements sociaux continuent à se développer en Guadeloupe. J'aimerais avoir votre opinion sur ces mouvements, monsieur le secrétaire d'Etat, et connaître les mesures que vous comptez prendre pour tenter de trouver des solutions.

Avant d'aborder la question de l'avenir institutionnel des DOM-TOM, je tiens à dire quelques mots à propos des conséquences des essais nucléaires sur la santé des Polynésiens et des anciens travailleurs des sites d'essais nucléaires.

L'association Hiti-Tau m'a informé des problèmes de santé liés aux essais nucléaires qui vont se poser dans l'avenir. Des chercheurs de l'INSERM ont confirmé ces inquiétudes. Les radiations ionisantes auraient provoqué des cancers de la thyroïde et des maladies génétiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

Tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour vérifier les corrélations entre le rayonnement ionisant et les pathologies constatées. Je souhaite que votre collègue de la défense coopère dans cette affaire qui pose un véritable problème de santé publique.

Cette année, l'une des questions d'actualité, pour vous, est la question institutionnelle.

En Nouvelle-Calédonie, l'Etat français ne pouvait rester neutre en raison du lourd contentieux colonial qui a opposé, depuis le

XIXe siècle, la population mélanésienne aux immigrants français. Il se devait d'imaginer un modèle souple de décolonisation en permettant aux populations de choisir leur propre destin. Les Calédoniens se prononceront par référendum, le 8 novembre prochain, sur l'avenir institutionnel de leur territoire.

La décolonisation de ce territoire du bout du monde est suivie attentivement par l'ONU. Le principe d'irréversibilité des transferts de compétences est l'un des chemins nécessaires vers cette décolonisation et implique la mobilisation des services de l'Etat sur tout le territoire.

En attendant ce transfert de compétences, je souhaite que vous preniez, monsieur le secrétaire d'Etat, des dispositions pour contrôler l'utilisation des fonds publics versés au territoire dans l'objectif d'un véritable rééquilibrage.

Pour éviter une remontée possible des tensions, surtout à l'occasion de la discussion du projet de loi organique au Parlement, le groupe communiste attend du Gouvernement qu'il impose le strict respect des accords de Nouméa.

Mais je voudrais également saluer le travail de persuasion, mené par le Gouvernement sous votre autorité, pour parvenir à cet accord qui engage l'avenir de la Nouv elle-Calédonie vers la décolonisation. Les peuples d'outre-mer ont suivi avec intérêt l'évolution de ce débat.

Ils peuvent considérer que la qualité de ce travail gouvernemental peut s'étendre à leur région. Cependant, il n'est pas possible de transposer mécaniquement le modèle d'émancipation actuellement mis en oeuvre en NouvelleCalédonie aux autres départements et territoires d'outremer.

L'histoire de la colonisation, la culture, la géographie, enfin les rapports avec la métropole expriment une très grande diversité de situations. Pour autant, il existe une aspiration commune de tous les peuples à être écoutés et entendus. Il appartient à l'Etat, sous l'impulsion du gouvernement auquel vous appartenez, de permettre à ces peuples, dans le respect des conventions internationales et de la Constitution, de choisir librement leur destin. Mais il est aussi, me semble-t-il, de notre responsabilité d'examiner dans quel contexte international pourraient évoluer ces statuts.

La permanence d'une relation de dépendance de type néo-colonial entre la métropole et l'outre-mer ainsi que l'aggravation de la fracture sociale - vous avez cité l'exemple de la culture et celui de la santé publique peuvent renforcer les idées indépendantistes avec comme corollaire possible des dérives nationalistes et isolationnistes.

Dans une situation de mondialisation de l'économie où certains voient le déclin du politique, voire la disparition des Etats, on peut imaginer ce que pourrait donner une indépendance encadrée par les multinationales ou divers parrains qui n'hésiteraient pas à offrir leurs services.

Notre devoir est d'appeler l'attention des populations sur les risques d'interventionnisme qui résulteraient d'une défaillance de la République française. Il reste qu'en aucun cas, cette dérive politique qui peut être entrevue ne saurait servir d'alibi pour maintenir le statu quo.

Il ne faut pas craindre, monsieur le secrétaire d'Etat, le débat sur l'avenir institutionnel des DOM-TOM. Il convient de faire confiance à l'esprit créatif des peuples pour trouver la juste voie, celle de l'émancipation sociale et humaine, celle de l'exercice d'un véritable pouvoir politique.

La République le permet ; c'est un cadre qui peut offrir à ces peuples, s'ils en ont la volonté, une très grande liberté. Des voies constitutionnelles existent pour qu'ils puissent l'obtenir. Ce serait l'occasion pour l'Etat français de porter un autre regard sur les peuples d'outremer.

L'effacement de la République, dans un contexte international de mondialisation, de déréglementation et d'affaiblissement de la puissance publique, aurait de graves conséquences pour les départements et territoires d'outremer.

Enfin, si vous décidez d'ouvrir le chantier des réformes institutionnelles, n'oubliez pas d'y associer les originaires de l'outre-mer résidant en métropole.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. François Asensi.

Alors qu'ils ont toujours fait preuve d'une grande vitalité en diffusant la culture et l'identité de l'outre-mer, ils souhaiteraient également être écoutés sur les problèmes qu'ils rencontrent au quotidien.

J'ai ressenti fortement cette exigence lors de l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage, où, en présence d'Ernest Moutoussamy, la ville de Tremblay-en-France donnait le nom de Toussaint-Louverture à sa plus grande enceinte sportive.

Nombre d'entre eux font l'objet de multiples atteintes à leurs acquis en matière de mutations, de primes d'éloignement, de congés bonifiés, d'emplois qualifiés, de reconnaissance de leur identité culturelle. Ils sont aussi, il faut le dire, victimes de discriminations, notamment pour l'accès au logement. Ils demandent l'abrogation de la notion de résidence habituelle, appliquée pour leur refuser les congés bonifiés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il est temps de mettre fin à de telles pratiques qui touchent à la dignité des originaires de l'outre-mer. Ils attendent des réponses de votre part. Je suis persuadé que vous porterez une attention toute particulière à leurs problèmes et à tous ceux que j'ai exposés à cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Comme bien d'autres - ce n'est pas original -, je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, de la tenue de ce débat. Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie, j'avais demandé, au nom du groupe DL, que nous ayons un jour un débat d'orientation sur la politique de la France vis-à-vis de l'outre-mer ; je suis donc heureux que cette opportunité ait été saisie.

Nos débats budgétaires présenteraient d'ailleurs plus d'intérêt s'ils revêtaient tous cette forme. Permettre à tous les députés intéressés de sortir de la simple étude des fascicules pour entrer dans l'analyse de la politique d'un département ministériel me paraît aller dans le sens de la revalorisation du rôle de notre assemblée. Puisque le


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président Fabius a souhaité revoir la procédure de discussion budgétaire, nous pouvons certainement nous inspirer de cet exemple pour lui faire, les uns et les autres, des propositions.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale et Indépendants auquel j'appartiens a cette particularité de ne pas compter dans ses rangs, tout au moins pas encore, de députés d'outre-mer.

Et c'est vraisemblablement parce que mon département, la Charente-Maritime, compte quelques îles, que la responsabilité d'intervenir sur le présent projet de budget m'a été confiée. (Sourires.) Toutefois, j'essaierai de m'exprimer avec beaucoup d'humilité devant mes collègues d'outre-mer qui, eux, sont tous les jours au contact des réalités. A cet égard, certaines des interventions qui viennent d'être faites - je pense en particulier à celle de M. Marie-Jeanne - montrent bien l'utilité d'avoir des parlementaires qui soient en même temps gestionnaires de collectivités territoriales ; ils puisent dans cette situation expérience et force de proposition. Cela peut enrichir notre réflexion dans le débat actuel sur le cumul des mandats.

M. Laurent Cathala.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, l'outre-mer française est une chance. Une chance car, grâce à elle, la France n'est pas, dans l'Europe, un pays comme les autres. Trop souvent, on oublie cette dimension de notre pays. Je m'aperçois d'ailleurs que nos amis européens, après avoir parfois porté des jugements quelque peu moqueurs sur ce qu'ils appelaient, selon la formule célèbre, les « confettis » de notre ex-empire, reconnaissent aujourd'hui que l'outremer apporte un plus à la France. Il faut donc la considérer comme une chance et non comme une charge.

L'outre-mer revêt d'abord pour notre pays une importance stratégique majeure. Ainsi, lorsque la France a dû quitter le sol algérien, la Polynésie lui a permis de poursuivre jusqu'à leur terme ses campagnes d'essais nucléaires - même si, au début, les conditions n'étaient peut-être pas celles que l'on aurait pu souhaiter et de se doter ainsi d'une véritable force de dissuasion nationale.

Aujourd'hui, dans un registre fort heureusement plus pacifique, nous avons la possibilité, depuis la Guyane, de lancer des fusées destinées à mettre des satellites sur orbite. C'est certainement, pour la France et pour toute l'Europe, un atout considérable.

Une autre dimension de l'outre-mer me paraît essentielle, notamment par rapport aux débats qui peuvent exister dans notre pays : c'est un exemple extraordinaire de société multiculturelle à la française.

M. Philippe Chaulet.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Dans nos départements d'outre-mer, des hommes et des femmes de toutes origines, de toutes cultures vivent, travaillent, réfléchissent et projettent ensemble, faisant fi des messages d'intolérance que l'on entend de-ci de-là. Les sociétés ultramarines de la France sont des exemples, même s'il y a parfois des difficultés d'intégration, de sociétés multiraciales et multiculturelles.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

Le groupe Démocratie libérale estime qu'il est important de donner à cette France d'outre-mer un nouvel horizon. Je crois que c'est un sentiment partagé par tous mes collègues.

« Nouvel horizon », ce n'est pas simplement un terme générique, un slogan, c'est une façon de faire savoir à nos compatriotes où ils vont, comment ils vont pénétrer dans le

XXIe siècle, s'il y aura encore une outre-mer française et quelles relations elle entretiendra avec la métropole et avec l'Union européenne.

U n nouvel horizon économique d'abord. Michel Rocard, dont les propos ont été rapportés ce matin par Le Figaro, dit qu'avant de penser à la modification des institutions - même s'il s'agit de problèmes importants, comme l'a souligné M. Marie-Jeanne - il convient d'abord de réfléchir à la réussite économique de l'outremer française.

Il est vrai que, lorsque l'on observe les chiffres, lorsque l'on analyse les statistiques du chômage, département par département, collectivité par collectivité, on est pris d'un immense frisson, car cela ne va pas comme cela devrait aller. Alors que ces territoires ou départements sont tous situés dans des endroits stratégiques de par le monde, comment se fait-il qu'ils aient subi autant d'échecs économiques et que nous n'ayons pas su mieux profiter des possibilités qu'ils nous offraient : implanter des zones franches, donner plus de libertés, multiplier les dispositifs incitatifs ? Par-delà les différences politiques entre ceux qui sont libéraux et ceux qui ne le sont pas, nous avons là une piste de réflexion à ouvrir pour l'outre-mer française, un nouvel horizon économique à lui proposer.

Elle n'est pas condamnée à l'échec. Elle n'est pas condamnée au chômage. Elle n'est pas condamnée à tout importer. Elle est condamnée à réussir. Car si la réussite économique ne pointe pas un jour à l'horizon, des tentations « cartiéristes » se développeront à nouveau dans notre pays, et ce ne sera pas bon pour nos compatriotes d'outre-mer.

Nouvel horizon économique signifie également, à mes yeux, nouvel horizon social. Il est vrai que la situation sociale de l'outre-mer n'est pas toujours celle que nous souhaiterions, comme en témoigne le problème du logement, évoqué par le secrétaire d'Etat et les rapporteurs.

Cela dit, nous pouvons nous demander si, en matière de prestations sociales, nous ne sommes pas allés trop loin. Il n'est pas question de revenir en arrière, mais en décidant, au nom d'idéaux certes estimables, de les aligner sur celles d e la métropole, n'avons-nous pas, d'une certaine m anière, contribué à déstabiliser l'économie de ces régions ? Il faudra aussi réfléchir à d'autres tabous. Est-il normal et légitime, à l'orée du

XXIe siècle, que les fonctionnaires en poste outre-mer bénéficient toujours d'un surpaiement ? Dans un passé lointain, c'était certainement justifié. Aujourd'hui, même si ce n'est pas chose aisée pour le ministre qui doit l'annoncer, il faut engager une réflexion sur les régimes sociaux et sur la place de la fonction publique dans l'outre-mer française.

Et puis, il y a, bien sûr, le nouvel horizon politique et institutionnel, sujet déjà été évoqué par de nombreux col lègues.

A partir du moment où l'Etat réfléchit sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie - et bientôt de la Polynésie -, il est normal et légitime que l'ensemble de nos compatriotes ultramarins se disent : « S'il y a des changements dans le Pacifique, pourquoi les choses n'évolueraient-elles pas dans l'Atlantique ou dans l'océan Indien ? » Pour ma part, j'estime que les institutions décentralisées d'outre-mer ont besoin avant tout de simplification.

Ce que je vais dire ne plaira peut-être pas à certains de mes collègues, et je m'en excuse par avance, mais je ne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

considère pas comme une bonne chose la coexistence d'un conseil régional et d'un conseil général dans une région qui est aussi un département et vice versa.

M. Laurent Cathala.

Vous étiez d'un avis opposé en 1981 !

M. Dominique Bussereau.

Cher ami, tout le monde évolue. Vous mêmes avez beaucoup évolué, et je m'en félicite.

La présence de deux assemblées multiplie les possibilités de gaspillage, d'incompréhension et de mauvaise utilisation des fonds publics. Tout en restant très attaché à la structure territoriale que représente le département, je souhaite que l'on réfléchisse à l'utilité de cette double commande.

Par ailleurs, j'indique à nos collègues réunionnais, que je ne suis pas favorable à la création d'un deuxième département dans l'île de la Réunion. Il existe déjà un département et une région. Quel intérêt y aurait-il à rajouter une troisième structure et créer des échelons a dministratifs supplémentaires ? Les territoires et les départements d'outre-mer ont besoin d'être administrés de près, ils n'ont pas besoin d'être administrés de trop ! Alors, conduisons cette réflexion sur le nouvel horizon politique institutionnel, mais évitons les redondances, évitons les gaspillages et faisons en sorte que l'argent public soit vraiment utilisé au service de nos concitoyens et non accaparé par le fonctionnement d'institutions décentralisées.

Pour ne pas utiliser tout le temps de parole dont je dispose afin que mes collègues d'outre-mer puissent intervenir plus longuement, j'examinerai rapidement le cas de chacune des collectivités.

D'abord, les départements.

En ce qui concerne la Guadeloupe, monsieur le secrétaire d'Etat, notre groupe est très inquiet. La situation sociale s'y est dégradée, elle est inacceptable et on ne voit pas le bout du tunnel. La saison touristique approche, et nous souhaiterions, comme François Asensi, connaître vos réflexions sur l'avenir de la Guadeloupe.

L'évolution des Antilles comporte néanmoins des points positifs. Ainsi, n'en déplaise à M. Gayssot, la libéralisation du transport aérien a permis, depuis quelques années, une meilleure desserte des Antilles. Au point que, lors d'une mission sur le transport aérien outre-mer que m'avait confiée un précédent ministre chargé de l'outremer, je me suis fait presque « enguirlander » par nos compatriotes antillais. Ils nous reprochaient d'être allés trop loin dans la libéralisation, car la baisse importante des prix des billets d'avion leur amenait des touristes qui n'étaient pas ceux qu'ils auraient souhaité accueillir. J'ai trouvé le propos quelque peu exagéré, mais cela signifie en tout cas que les choses ont bien évolué.

Je me réjouis également que l'on sorte enfin de la cacophonie entre Air Martinique et Air Guadeloupe et que l'on s'achemine vers la création d'une compagnie régionale unique, comme je l'avais proposé à l'époque.

Nous aurons là un instrument de développement à la hauteur des départements antillais.

S'agissant de la Guyane, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, rendu hommage, à juste titre, aux gendarmes qui ont récemment été tués dans l'exercice de leur mission. En dépit des mesures que vous avez annoncées, le développement de l'insécurité nous inquiète. Il est vrai que les frontières de la Guyane sont difficiles à surveiller et que des hommes et des femmes passent indifféremment d'une rive à l'autre des fleuves qui les constituent.

Tout cela n'est pas simple à gérer pour les pouvoirs publics, quels qu'ils soient. Mais le déferlement permanent de violences dans le département guyanais pose p roblème à la République, et nous souhaiterions connaître votre sentiment sur ce point.

Nos collègues réunionnais s'exprimeront tout à l'heure.

Cela dit, comment se fait-il que la Réunion, malgré l'intelligence et le talent des hommes et des femmes de ce département, soit à la remorque de l'île Maurice qui, bien que partant de beaucoup plus loin, a su s'engager dans un vrai processus de développement économique ? Nous n'arrivons pas à trouver de réponse à cette question de fond. Que pouvons-nous faire, ensemble, pour que la Réunion puisse devenir une grande terre de production et profiter, elle aussi, des avantages que procurent les délocalisations ? J'en viens aux collectivités territoriales.

Gérard Grignon s'exprimera sur Saint-Pierre-et-Miquelon. Quant à moi, je forme le voeu que Mayotte s'en sorte. J'aimerais entendre un jour un discours d'Henry Jean-Baptiste dans lequel il n'interrogerait pas le Gouvernement pour savoir quand il va lui donner le statut de département - solution à laquelle nous croyons.

M. Henry Jean-Baptiste.

Bonne question !

M. Dominique Bussereau.

M. Jean-Baptiste a déjà entendu beaucoup de réponses dilatoires. Il est toujours patient et opiniâtre. Mais il faudra bien qu'un jour, un gouvernement dise ce qu'il veut faire de Mayotte. C'est vrai que ce n'est pas simple, qu'il y a le contexte comorien, qu'il y a les blocages de la société mahoraise ellemême, mais il est indispensable que nos compatriotes de Mayotte sachent enfin de quelle manière ils seront administrés au

XXIe siècle.

Je terminerai par les territoires d'outre-mer.

Victor Brial s'exprimera sur Wallis-et-Futuna.

En ce qui concerne la Polynésie, il est urgent que l'Assemblée se prononce sur un texte relatif à la situation financière des communes. En effet, comme l'a souligné ler apporteur Jérome Lambert, le budget des TOM comporte un déficit au détriment des communes. La mission de la commission des lois, que conduisait Catherine Tasca et dont je faisais partie, a été fortement interpellée sur ce point par les maires - de toutes tendances - de la Polynésie. Ce texte est donc important.

En ce qui concerne les institutions, on sait que la majorité précédente avait permis les premières évolutions.

Et je me réjouis que le Gouvernement, suivant d'ailleurs les directions indiquées par le Président de la République, poursuive le travail accompli et prépare une réforme institutionnelle. C'est tout à fait légitime, au vu de la situation géographique de la Polynésie et par rapport à ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie.

Je me permettrai simplement une réflexion d'ordre linguistique, monsieur le secrétaire d'Etat. N'appelez pas la nouvelle entité un POM. Je vois déjà le profit que pourraient en tirer les chansonniers ou les observateurs de tous bords. (Sourires.)

Trouvez une autre appellation, même si nous sommes attachés à la notion de pays.

Tout en tenant compte des spécificités de la Polynésie, faisons en sorte qu'il y ait un parallélisme entre l'évolution institutionnelle de ce territoire et ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie. Nous sommes, pour notre part, favorables à cette évolution.

Philippe Auberger a rappelé les vicissitudes du marché du nickel. Et c'est vrai qu'on peut, à certains moments, frémir, lorsque les cours descendent trop bas, et se


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

demander : « Tout ce que nous cherchons à bâtir ne vat-il pas être remis en cause par cette évolution ? » Il faut être très attentif.

Vous le savez, notre groupe a voté, ici même et à Versailles, en faveur des accords de Nouméa. Ils sont extraordinairement importants et je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous faire part de quelques craintes.

Certes, les premiers sondages laissent augurer un large oui, car les forces principales de l'île et l'association des maires se sont prononcés en ce sens. Nous avions mis en garde, car cela nous avait choqués - sans toutefois nous empêcher de voter favorablement -, contre certains aspects du préambule, contre une certaine repentance qui nous paraissait un peu idéologique, contre la préférence calédonienne, certes dans la logique des accords, mais qui peut, de-ci, de-là, poser des problèmes.

Il ne faudrait pas que l'addition de petits mécontentements fasse augmenter fortement le nombre des adeptes du non. Et la crainte qu'expriment actuellement celles et ceux qui vont dans le territoire en observateurs ou pour participer à la campagne référendaire, c'est que, alors que tout le monde était d'accord au départ, chacun, voyant le petit point qui ne lui plaît pas, ne vote de telle façon que le résultat du référendum ne soit pas conforme à l'immense élan de paix et de fraternité que nous avons vécu à vos côtés, monsieur le secrétaire d'Etat, avec la commission des lois et le Premier ministre, à Nouméa, au printemps dernier.

Je lance un appel pour qu'on se situe vraiment audessus de tout cela, et pour que le Gouvernement, lorsque nous discuterons de la loi organique, apporte des réponses à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas, en effet, que s'expriment des divergences sur ce qui devrait rassembler tous les Français.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous connaissez la tradition républicaine, qui s'applique dans les collectivités locales comme à l'Assemblée : l'opposition ne vote pas le budget. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera donc pas le vôtre. Il vous sait cependant gré d'avoir organisé ce débat et se réjouit que tous nos collègues d'outre-mer soient aussi nombreux aujourd'hui, ainsi que le public qui les accompagne. Il se félicite que nous ayons eu un débat sur une France d'outre-mer qui est une France forte, tournée vers l'avenir, une France dans laquelle nous croyons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Henry JeanBaptiste.

M. Henry Jean-Baptiste.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de nombreux orateurs l'ont déjà dit, ce débat sur l'outre-mer, que nous souhaitons depuis si longtemps, arrive exactement à son heure.

Il est devenu urgent, en effet, de dissiper les inquiétudes et les doutes plus ou moins fondés, à mon avis qu'un grand quotidien national croyait récemment discerner dans « les DOM-TOM à la recherche de leur avenir ». C'est dire qu'un tel débat, et vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, ne saurait se limiter à l'examen, toujours un peu rituel, du budget du ministère de l'outre-mer.

Et cela pour plusieurs raisons.

D'abord parce que ce budget, quels que soient les progrès réalisés ces dernières années, ne représente que 10 % à 12 % du total des crédits publics consacrés à l'outremer.

Ensuite, parce que tout démontre les multiples avantages d'une information plus complète de la représentation nationale et, surtout, de l'opinion publique métropolitaine, dont la connaissance de nos réalités ou de nos aspirations se révèle souvent incertaine, quand elle ne se nourrit pas de généralités ou de simplifications abusives, voire d'invariables clichés.

Or l'outre-mer français traduit une extraordinaire diversité, géographique, historique, culturelle et humaine, que résume le fameux « défi des singularités » de mon ami Gérard Belorgey.

Nous le savions depuis longtemps, la Martinique n'est pas la Creuse ou l'Orne, mais il est tout aussi évident que la Réunion n'est pas la Guyane ou la Guadeloupe, et que Mayotte ne ressemble qu'à Mayotte.

Nous avons le sentiment que l'outre-mer français est aujourd'hui parvenu à une étape décisive de son histoire.

On l'a bien vu au Congrès de Versailles, lors du débat sur l'émancipation et peut-être sur l'indépendance, à terme, de la Nouvelle-Calédonie. Et déjà l'on évoque l'extension de ces réformes statutaires à la Polynésie.

Dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, c'est le problème de l'avenir institutionnel qui est généralement posé. Aux Antilles, la question de l'assemblée unique agite les esprits, mais, à la Réunion, certains réclament la création d'un deuxième département, tandis que Mayotte souhaite toujours et plus que jamais accéder à u ne « départementalisation adaptée », progressivement adaptée, à ses particularismes.

Les demandes sont donc très diverses.

Mais, chacun le sait bien, l'enjeu prioritaire demeure, pour tous, le développement économique et social et, très précisément, la création d'activités et d'emplois.

On peut comprendre combien les situations de chômage endémique ou aggravé que nous connaissons peuvent susciter d'impatiences, d'exaspération et de propos extrêmes, notamment dans les jeunes générations, mieux formées et plus instruites qu'autrefois.

C omme l'immense majorité de nos concitoyens d'outre-mer, je pense qu'il est essentiel aujourd'hui de concevoir un dispositif institutionnel qui, sans mettre en cause l'unité de la République, nous assure une réelle maîtrise, plus dynamique, plus efficace, en un mot plus responsable de notre propre développement.

C'est d'abord la revendication d'une dignité. Certes, la solidarité nationale ne nous a jamais fait défaut, mais nous souhaitons passer d'une situation d'assistance à une économie productive, fondée sur la création d'entreprises i nnovantes plutôt que sur l'extension indéfinie du commerce d'importation ou la distribution de revenus sans la contrepartie d'un travail, qu'il soit d'utilité collective ou d'économie sociale.

Les bases du développement local existent : elles se trouvent dans le niveau de nos équipements collectifs et de la protection sanitaire et sociale, comme dans la fiabilité de nos instruments de formation et d'éducation, qui permettent l'accès aux technologies d'avenir, porteuses de valeur ajoutée, car nous allons entrer dans le troisième millénaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

Nous pouvons également fonder cette nouvelle conception de notre développement sur une intégration, toujours mieux adaptée, à l'Union européenne du grand marché et de la stabilité monétaire. Ce sont d'inestimables atouts.

Mais il s'agit aussi, pour l'outre-mer, d'obtenir les marges d'initiative permettant une insertion plus active dans notre environnement régional. C'est une revendication d'identité mais, en même temps, de participation significative à l'ouverture et à l'action internationales de la France, notamment dans le domaine de la coopération technique, scientifique et culturelle.

Voici deux ans à peine, nous avons, les uns et les autres, commémoré, outre-mer comme en France métropolitaine - et ici même, au Palais-Bourbon -, la transformation, en 1946, des « quatre vieilles colonies » en départements français d'outre-mer.

Le bilan de ce demi-siècle de « départementalisation », qui répondait à une demande quasi unanime de nos compatriotes, apparaît à l'évidence comme très largement positif.

Ce fut d'abord l'enracinement progressif de l'Etat de droit dans ces sociétés coloniales, l'apprentissage de la démocratie, l'émergence de la justice et, ne l'oublions pas, tous les bienfaits de la paix dans des zones souvent troublées ou instables.

Cela aussi a un prix. Les progrès plus anciens de l'éducation, depuis l'application des fameuses lois Jules Ferry sont également visibles pour tous.

Par contre, les résultats sont plus contrastés dans le domaine économique.

La contradiction est bien connue : nos productions, qui sont des productions primaires de régions tropicales, intègrent des charges sociales et salariales de pays développés. Mais cette situation résulte directement de l'extension - parfois très tardive - des droits attachés à la citoyenneté française.

Résultat : des produits résistant mal à la concurrence étrangère et en quête permanente d'aides publiques nationales puis communautaires, ainsi que d'aide fiscale ou de soutien commercial sur les marchés extérieurs.

Au total, une économie sinon totalement, du moins largement assistée, mais qui révèle également - et je souhaite qu'on y insiste - des éléments de dynamisme qu'il faut encourager.

Il faut savoir, par exemple, que les créations d'emplois, notamment à la Martinique et à la Réunion, dépassent nettement, en pourcentage, les taux enregistrés en métropole.

Mais cette situation est largement masquée par le dynamisme démographique de ces départements, et il est bien évident que ces résultats demeurent très insuffisants pour inverser durablement les courbes du chômage.

Qui peut, dans ces conditions, sérieusement penser que le bouleversement de nos institutions, voire l'abandon du statut départemental, serait aujourd'hui de nature à relancer les activités économiques et à rétablir la confiance nécessaire aux investissements productifs ? Qui ne comprend que le retour à la croissance est une condition nécessaire, sinon suffisante, pour effacer, avec les progrès de l'éducation et de la formation des hommes, les séquelles inégalitaires des périodes coloniales ? Nous pensons, à l'UDF, que la stabilité institutionnelle, indispensable à nos progrès, n'exclut nullement les « adaptations », même les plus novatrices.

L'exercice qui nous est proposé et que nous vous proposons n'est pas simple : il est même un peu contradictoire. Il s'agit en effet de permettre à l'outre-mer français de mieux assumer sa diversité et ses identités, au besoin par des « pactes » ou des « conventions particulières de développement », tout en renforçant les bases de l'unité nationale.

Il s'agit aujourd'hui d'élargir et d'approfondir un mouvement de différenciation institutionnelle qui se poursuit, en réalité, depuis longtemps outre-mer.

La première différenciation est intervenue en 1976, avec l'institution, à côté des fameux «

DOM-TOM », d'une troisième catégorie, celle des « collectivités territoriales ».

D'autres éléments de différenciation institutionnelle sont apparus avec la création de nombreux instruments spécifiques de développement de l'outre-mer : FIDOM et F

IDES ; LBU pour le logement ; FEDOM pour l'emploi ; BUMIDOM puis ANT, pour l'insertion, en général très réussie, de nos compatriotes d'outre-mer en France métropolitaine.

Relèvent également de cette différenciation tous les trains d'ordonnances qui, depuis 1993, ont eu pour objet d'adapter, de moderniser ou d'actualiser le droit applicable outre-mer.

En ce qui concerne nos relations avec l'Europe communautaire, la lente promotion de POSEIDOM a été confirmée, en annexe du traité de Maastricht, par l'importante « déclaration relative aux régions ultrapériphériques de la Communauté ».

Dans le même sens, l'article 299 du traité d'Amsterdam permet en faveur des DOM certaines dérogations au droit commun communautaire. Nous avons ainsi un cadre normatif et évolutif, dont il faudra explorer toutes les potentialités dans le sens du développement économique.

Ces diverses avancées ont été réellement positives, mais je crois qu'il faut aller plus loin aujourd'hui, et peut-être même au-delà des possibilités d'adaptation des lois métropolitaines ouvertes par l'article 73 de la Constitution. Car nous savons combien ces « adaptations » ont été, dès l'origine, strictement mesurées par la loi, et, comme on l'a vu par la suite, étroitement limitées par la jurisprudence, notamment du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel.

C'est pourquoi nous pensons que la réponse aux questions posées par l'outre-mer réside dans la conception, la mise en oeuvre et l'expérimentation d'une politique nouvelle de décentralisation, imaginative et vigoureuse, dont nous proposerons nous-mêmes au Gouvernement les voies, les objectifs et les moyens. Bâtissons ensemble puis expérimentons un véritable projet de décentralisation pour l'outre-mer.

Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que les pratiques de décentralisation n'ont pas toutes été heureuses, et vous avez insisté sur ce point, mais faisons l'état des lieux. Voyons quelles perspectives nouvelles ouvriraient cette décentralisation novatrice. Tel est le vaste champ de réflexion et de réforme qui s'ouvre devant nous.

Dans un domaine où, de toute évidence, le pragmatisme doit l'emporter sur toute autre considération théorique ou idéologique, il me paraît indiqué de suggérer une méthode de travail qui a, vous l'avez rappelé, donné d'excellents résultats à Mayotte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

Deux groupes de travail ont été constitués, l'un à Paris, l'autre à Mayotte. Puisque vous avez parlé de méthode, je vous propose une synthèse dynamique : versez le contenu de leurs réflexions et de leurs propositions au dossier des deux parlementaires en mission.

Ainsi serait réalisée cette « évolution institutionnelle différenciée » qui me paraît répondre aux exigences du temps présent. Ainsi, la République se donnerait la capacité de reconnaître et de prendre en compte la diversité de ses composantes, tout en élargissant le champ des prérogatives et des responsabilités locales.

Telle est, chacun le sent bien, la difficulté majeure d'une telle proposition dans un pays comme la France, qui pratique si mal la décentralisation alors qu'il en comprend la nécessité, et où les administrations s'y entendent si bien à reprendre ou à « recentraliser » les compétences déléguées ou simplement déconcentrées.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) C'est affaire de volonté politique. J'ai éprouvé quelquefois un certain scepticisme sur l'existence d'une telle volonté devant certaines pratiques récentes du Gouvernement vis-à-vis de l'outre-mer, mais cette volonté peut venir.

Ainsi, malgré une véritable mobilisation de l'ensemble des parlementaires de l'outre-mer, et en dépit de votre engagement personnel, dont je vous sais gré, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons simplement limité les dégâts infligés aux mécanismes de la « défiscalisation ».

Je déplore à nouveau, je l'ai dit à mes amis néocalédoniens et je l'ai déclaré à la tribune du Congrès, que, dans le processus proposé à la Nouvelle-Calédonie, l 'option indépendantiste soit nettement privilégiée.

Comme si, contre l'avis de la majorité de la population, même si celle-ci connaît certains effritements sur lesquels a insisté à juste titre Dominique Bussereau, on considérait l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie comme inéluctable.

Plus récemment encore - je plaide pour ma petite chapelle -, ce sont quelques dizaines d'athlètes mahorais qui se sont vu interdire, sur veto comorien, l'accès aux « Jeux des îles de l'océan Indien », organisés à la Réunion et largement financés par la France. Affaire mal engagée, mal traitée, mal gérée, m'a-t-on dit à Paris... Frilosité diplomatique, répond l'écho à Mayotte. Et tout cela en dépit de votre engagement personnel, monsieur le secrétaire d'Etat.

Je rappelle aussi, à tout hasard, que Mayotte avait pu participer en 1987 à ces jeux, malgré l'opposition des Comores, mais sur l'intervention du gouvernement de l'époque, celui de Jacques Chirac. Cela, nous ne l'oublions pas.

Ce budget appellera peu de commentaires de ma part.

Il a des mérites mais il pêche par quelques lacunes. Son premier mérite est d'exister. (Rires.)

Je ne partage pas l'opinion qui s'exprime ici ou là et je ne réclame pas la suppression du ministère de l'outre-mer. Je considère en effet que ce ministère exerce une fonction irremplaçable de coordination, d'impulsion et de complément, qu'il permet une médiation utile entre nos territoires éloignés et les services parisiens, j'en fais tous les jours l'expérience et je veux rendre l'hommage qu'ils méritent à vos collaborateurs et à vos services.

Quoi qu'il en soit, il manque dans ce budget un certain nombre d'éléments. Mais, on l'a dit et répété : son volume global est en augmentation, et c'est très bien.

Je ferai deux remarques concernant plus directement Mayotte.

Le FEDOM augmente sensiblement, mais notre « collectivité territoriale », entre guillemets, n'y a pas accès, et nous avons bien du mal à obtenir l'application de dispositifs de droit commun tels que les emplois-jeunes, les CES ou les chantiers de développement local. La jeunesse mahoraise, souvent très déshéritée, n'en voit pas la couleur, en tout cas pas assez.

En sens inverse, Mayotte émarge au FIDOM, mais ce fonds est en chute libre. Je vois des risques de contradiction entre votre annonce de quelques mesures de décentralisation et la réduction, également visible, voire la disparition de la branche décentralisée du FIDOM local.

Comment peut-on décentraliser en refusant les moyens de la décentralisation ? Une réflexion d'ensemble, approfondie, sérieuse, devra être conduite sur ce chapitre.

Bien au-delà de ces questions ponctuelles, il manque à ce budget de n'être accompagné d'aucun de ces signes forts qui traduisent une volonté politique réelle du Gouvernement et qui rendraient confiance à l'outre-mer.

Vous nous avez parlé tout à l'heure d'une loi d'orientation. J'en approuve tout à fait le principe. Mais nous souhaiterions un mécanisme un peu plus déterministe, un peu plus contraignant que cette orientation dont nous savons qu'elle se perd volontiers dans les eaux du Pacifique ou de l'Atlantique, et encore plus dans celles de l'océan Indien. (Sourires.) Nous sommes pour une loi de programme qui donnerait une cohérence à quantité de propositions qui, ici ou là, ont surgi depuis longtemps.

On a parlé de zones franches, d'entreprises franches. A ce sujet, mon ami Jean-Paul Virapoullé a d'ailleurs formulé par écrit des propositions très novatrices et intelligentes, et je lui en rends hommage. J'ai moi-même reçu de quelques amis de la Martinique, qui ont de petites entreprises, une proposition portant création d'un statut fiscal et social. Ils ont beaucoup travaillé - Camille Darsières le sait - pour les petites entreprises artisanales de ce département. Je pense qu'une loi de programme conférerait une grande cohérence aux moyens mis en oeuvre.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il est un autre signe que je souhaiterais voir accompagner votre budget.

On a beaucoup parlé de la jeunesse, de ses difficultés, de ses retards scolaires. On a beaucoup parlé de cette jeunesse en déshérence. Mais je voudrais qu'on sache qu'il y a, dans l'outre-mer aussi, une jeunesse dynamique. Il y a des jeunes très actifs et très forts. Il suffit de regarder comment sont constituées les équipes de France d'athlétisme ou de football pour prendre conscience de la place qu'ont ces jeunes lors de manifestations qui, nous le savons bien, marquent le dynamisme d'un pays. Et ce dynamisme existe dans d'autres domaines que la course à pieds ou le tir de penalties.

M. Jean-Louis Debré.

Très juste !

M. Henry Jean-Baptiste.

Je souhaite donc qu'à ces jeunes on envoie quelques signes, notamment pour la création d'entreprise. Nous avons des jeunes mieux formés, qui sortent de nos universités et de nos centres de formation. Ils ont parfaitement compris que l'ère qui s'ouvre - ce « changement », pour parler comme SaintSimon - n'est pas simplement un changement de période, mais d'époque. Ils savent parfaitement que ce changement d'époque s'accompagnera de chances nouv elles ouvertes aux technologies d'avenir. Pour ces jeunes-là, il faut prévoir des incitations à l'activité, à l'innovation économique, à la création d'entreprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, et à cet égard je vous rejoins, avec beaucoup d'autres, comme mon ami Dominique Bussereau, il convient de mieux faire ressortir les apports positifs de l'outre-mer à la communauté nationale.

La réforme en gestation de l'audiovisuel public doit nous permettre de mieux affirmer, notamment par la voix de RFO, ainsi que je l'ai fait valoir récemment à vos collaborateurs lors d'une réunion que vous avez bien voulu organiser au secrétariat d'Etat, le rôle que nous pouvons jouer dans la coopération régionale, la diffusion culturelle, la défense et l'illustration de la francophonie.

Je voudrais vous faire partager une conviction que nombre d'entre nous partagent déjà : dans le secteur de la coopération comme dans beaucoup d'autres, l'outre-mer n'arrive pas les mains vides ! J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président.

Il est clair que, pour nos petites sociétés d'outre-mer, riches de leur diversité mais fragiles, l'entrée dans la modernité du troisième millénaire prendra les dimensions d'un nouveau défi. Il faudra par conséquent définir pour l'organisation et la gestion de l'outre-mer des principes adaptés à ces temps nouveaux. Ainsi, il me paraît évident que la notion d'« assimilation » ne peut plus, comme en 1946, suffire à définir la « départementalisation ».

Il se manifeste aujourd'hui dans ces départements, chacun l'a constaté, un double besoin d'identité et de responsabilité.

Je suis également convaincu que, bien au-delà des textes et des dispositifs juridiques, le véritable et le plus sûr fondement de l'outre-mer français réside dans l'adhésion des populations. Mais il s'agit aujourd'hui d'une adhésion éclairée car elle résulte du regard porté par nos compatriotes sur le monde qui les entoure, sur le monde contemporain.

C'est pourquoi - en disant cela, je n'engage que moi il ne faudrait pas hésiter, si la confusion et l'ambiguïté menacent, à consulter nos compatriotes d'outre-mer sur leur volonté d'appartenance à la République. Les textes constitutionnels autorisent cette opération de clarification qui peut s'avérer nécessaire.

Je sais que, dans leur immense majorité, nos compatriotes souhaitent demeurer ce qu'un autre grand quotidien national, du soir celui-là, appelait il n'y a pas si longtemps « la France du grand large ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Perben.

M. Dominique Perben.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour un débat qui va bien audelà des questions budgétaires.

Il y a un an, Pierre Mazeaud avait promis, en réponse à l'insatisfaction de beaucoup d'entre vous, que l'Assemblée consacrerait davantage de temps à réfléchir à l'avenir de l'outre-mer et à répondre aux légitimes interrogations qui apparaissent dans les différents départements, territoires ou collectivités.

Si je veux définir d'un mot le sentiment largement partagé outre-mer, je choisirai le mot « inquiétude », qui répond le mieux à la situation actuelle.

Pourquoi cette inquiétude ? D'abord et avant tout pour des raisons économiques et sociales. En effet, malgré des performances remarquables, que je veux souligner, en matière de croissance et même de créations d'emplois, le chômage sévit toujours à des taux impressionnants, particulièrement dans les DOM.

Cette situation génère des problèmes sociaux complexes, parmi lesquels je veux citer l'insécurité et une réelle désespérance chez les plus jeunes et leurs parents.

La précarité est en train de s'installer outre-mer. L'exclusion n'est pas loin, avec son cortège de difficultés matérielles et morales. Ce sont des phénomènes insupportables dans des sociétés où la proximité et le vouloir-vivre ensemble sont très forts.

A cette réalité objective s'ajoutent des éléments psychologiques et politiques.

Je vous répète, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que je vous ai dit l'année dernière : la façon dont le Gouvernement a traité, peut-être malgré vous, la question de la loi Pons a été une énorme maladresse.

M. Jean-Louis Debré.

Très juste !

M. Dominique Perben.

Vous avez commis une erreur économique et une faute politique. Vous avez envoyé ce qu'on appelle un contre-signal quant à la volonté de la métropole d'encourager le développement de l'outre-mer.

Vous n'avez pas proposé d'alternative et vous avez donc laissé se répandre l'idée que les dispositifs spécifiques, dérogatoires, accordés à l'outre-mer pouvaient être remis en cause brutalement, sans réflexion d'ensemble ni projet à long terme.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Dominique Perben.

Cette fâcheuse affaire vient renforcer le sentiment grandissant chez nos compatriotes de l'outre-mer que la métropole évolue vers une forme d'indifférence à l'égard des DOM-TOM.

Le débat d'aujourd'hui doit offrir la première occasion de démentir une telle affirmation. Pour ce qui me concerne, je veux dire que la démarche du groupe du Rassemblement pour la République s'inscrit dans la tradition gaulliste, faite de générosité et de dignité.

Notre conception de la République et de la nation, ouverte à tous ceux qui veulent partager un destin commun, nourrit aujourd'hui notre volonté d'ouvrir pour l'outre-mer de nouvelles voies d'espoir et de progrès. Un repli sur soi de la métropole, un refus de reconnaître les spécificités de l'outre-mer, un étroit calcul coût-avantage de l'outre-mer français ne sont pas, pour nous, acceptables. Notre conception de la nation qui doit s'enrichir de sa diversité, notre vision de l'influence française dans le monde nous fixent comme une impérieuse nécessité une vraie politique pour l'outre-mer.

M. Henry Jean-Baptiste et M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Dominique Perben.

Cette conception est celle du Président de la République, et nous la partageons.

Dès lors, quel doit être le rôle de chacun pour que s'ouvrent de nouvelles perspectives ? L'Etat, garant de la solidarité nationale, chargé de fixer le cadre et les moyens du développement, doit bien sûr s'interroger. L'outre-mer en attend toujours beaucoup.

Mais l'Etat est-il toujours ce qu'il doit être, c'est-à-dire à l'écoute, inventif, capable d'adaptation ? La réalité économique de chaque département ou territoire d'outre-mer est faite de beaucoup de contraintes.

Des espaces géographiques restreints, des populations et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

donc des marchés limités, des coûts pour les infrastructures toujours élevés, des frais de transports importants, un environnement économique pauvre : cette réalité doit impérativement être prise en compte. La refuser est absurde.

Si l'on veut que se développe l'emploi productif et que se forme un tissu de petites et moyennes entreprises industrielles, mais aussi de services, modernes et compétit ives, il faut beaucoup, beaucoup d'investissements, publics et privés, et beaucoup de réductions de charges de production - je dis bien : de production.

M. Dominique Bussereau.

Très juste !

M. Dominique Perben.

Tout cela, nous le savons tous, du moins je le pense. Encore faut-il en tirer quelques conséquences. La loi Pons comme la loi de juillet 1994 sont des éléments de réponse.

Que veut faire le Gouvernement au-delà du mois de mars 2000 pour ce qui concerne la loi de 1994 ? Vous avez annoncé ce matin, monsieur le secrétaire d'Etat, une étude - une de plus. Bien des études ont déjà été ré alisées, puisque je les ai lues, notamment celles de l'INSEE.

Mais au-delà, il faudra prendre des décisions parce qu'il faut fixer des perspectives, et cela le plus tôt possible.

Que veut faire le Gouvernement dans le domaine des investissements privés ? Vous savez comme moi, j'imagine, que l'administration des finances interprète très strictement les textes intervenus l'an dernier sur la loi Pons. A titre d'exemple, je rappellerai que plusieurs dossiers touristiques polynésiens sont bloqués alors que ce terroir connaît une évolution touristique prometteuse, et qu'aux Antilles l'activité hôtelière, qui tirait l'économie et le bâtiment vers le haut, est ralentie.

Tandis que l'outre-mer a besoin, je le répète, d'investissements massifs pour accélérer la croissance, c'est à une diminution des investissements privés que nous commençons d'assister.

Quant à l'investissement public, il n'est pas très prometteur. Mon rôle n'est pas d'évoquer spécialement le budget, mais je dirai tout de même quelques mots du FIDOM et du FIDES, qui verront leurs crédits baisser en 1999 par rapport à 1998. Or vous savez bien que ces deux fonds ont un effet d'entraînement sur l'ensemble des investissements de l'Etat et des collectivités locales outre-mer. Cette évolution me paraît donc dangereuse.

En un mot, il est urgent de redonner des perspectives pour dégager l'horizon des investisseurs. Il y va, monsieur le secrétaire d'Etat, non seulement de l'emploi mais aussi de la paix publique. Rester dans le flou et s'en tenir à une gestion au fil de l'eau est le meilleur moyen de susciter l'inquiétude, comme nous en avons aujourd'hui la démonstration.

Profitant de ces incertitudes économiques et sociales et de l'absence de perspectives politiques, quelques voix se sont élevées pour réclamer des évolutions statutaires et même, à terme, l'indépendance. Je pense que c'est se tromper complètement de débat. C'est vouloir faire de l'expérimentation institutionnelle, alors que c'est de l'expérimentation, de l'innovation, économique et sociale qu'il faut faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La résurgence d'un discours indépendantiste à la Martinique me paraît terriblement chargée de divisions et d'affrontements. Je veux dire à ceux qui sont porteurs de ce discours qu'ils sèment le trouble dans les esprits, l'incertitude dans l'économie, et donc la régression sociale. Au bout du compte, ils ne feront que dresser les Martiniquais les uns contre les autres.

Chacun le sait bien, même si des changements institut ionnels radicaux intervenaient, ni la question de l'emploi, ni les questions sociales ne seraient pour autant résolues.

Le choix de l'indépendance, c'est celui du repli sur soi et du déclin, alors que le monde d'aujourd'hui est porteur d'ouverture et de croissance par l'échange.

La course au changement institutionnel est une fuite en avant, une fuite devant les responsabilités ! Le courage consiste au contraire à affronter la réalité et à ouvrir de vraies perspectives d'avenir aux jeunes générations.

Se saisir des accords de Nouméa comme d'un prétexte pour généraliser la question institutionnelle est un nonsens. La Nouvelle-Calédonie ne doit pas, ne peut pas être un exemple statutaire. Ce territoire a lui aussi ses spécificités ; mais il a surtout une histoire, une histoire contemporaine particulière. Les communautés qui constituent la Nouvelle-Calédonie ont souhaité avec l'Etat français reconstruire la paix, la concorde et les conditions du progrès.

Compte tenu de la situation, on ne pouvait et on ne pourra atteindre cet objectif qu'en empruntant un chemin particulier. La fierté des Calédoniens, la fierté de la France, c'est d'avoir su trouver ce chemin.

Pour ma part, j'ai l'intime conviction, et c'est le sens de mon approbation des accords de Nouméa, que ce chemin mènera, à terme, à la fois à une paix durable et au maintien définitif de la Nouvelle-Calédonie dans la République. Tous ceux qui y auront concouru pourront, je le répète, en être fiers, et être fiers de la République française.

J e voudrais maintenant évoquer Wallis-et-Futuna.

Deux questions se posent. La première concerne justement les relations à venir entre ce territoire et la Calédonie. Les liens humains, économiques, éducatifs entre les deux territoires nécessiteront - vous l'avez furtivement évoqué ce matin, monsieur le secrétaire d'Etat - des arrangements précis pour éviter une déstabilisation de la société de Wallis-et-Futuna. La seconde question a trait aux engagements pris par l'Etat à l'égard du territoire. Ils doivent être tenus en raison des immenses besoins en équipements et en services de ces deux îles.

S'agissant de la Polynésie française, nous pouvons nous féliciter des évolutions économiques positives qui ont résulté en particulier du pacte de progrès. Le développement du tourisme, de la pêche et des activités perlières est prometteur. Beaucoup reste encore à faire, mais les créations d'emplois sont impressionnantes.

Sur le plan institutionnel, nos amis polynésiens souhaitent une évolution du régime d'autonomie pour mieux prendre en compte les spécificités du territoire. Nous aurons sans doute à en débattre dans les mois qui viennent. Nous le ferons avec générosité et en prenant en compte leur attachement profond à la République.

A Mayotte, la grande affaire, c'est la préparation de la grande consultation promise maintenant par tous - je pense donc qu'elle aura lieu. Vous avez bien voulu la confirmer ce matin. Elle nécessite, c'est vrai - Henry Jean-Baptiste l'a dit -, un travail de préparation relativement important qui a été préparé avec les deux rapports évoqués tout à l'heure. Nous y prendrons notre part si, comme je l'imagine, le Parlement est associé à cette démarche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

Quant aux départements d'outre-mer, des perspectives nouvelles doivent leur être proposées. Le statut de département - je le dis très fermement - ne signifie pas l'immobilisme : vous l'avez d'ailleurs vous-même souligné ce matin. Je ne reviendrai pas sur tout ce qu'il a apporté.

Je veux plutôt évoquer tout ce dont il est porteur pour l'avenir. Il doit permettre de mieux affirmer la présence de l'Etat, comme garant de la sécurité, de l'Etat de droit, et pour favoriser le développement local. Cela suppose, monsieur le secrétaire d'Etat, que certains services soient mieux assurés, voire repris en main. Cela suppose à l'évidence que des réorganisations soient effectuées. Il est dommage que le projet de réforme dans les services de l'Etat de la Martinique que nous avions préparé n'ait pas été mis en oeuvre. La réforme de l'Etat doit être réalisée en priorité outre-mer, en l'adaptant aux réalités locales de chacun des départements. Les habitants de l'outre-mer doivent être fiers de leurs services publics, modernes et plus efficaces. Que comptez-vous faire à cet égard ? Les collectivités locales, elles aussi, doivent connaître des évolutions. La fiscalité locale pose problème. La taxe d'habitation porte sur un trop petit nombre de contribuables. L'octroi de mer ne sera pas éternel - il n'est pas sacrilège de le dire à cette tribune - et reste sous le coup de décisions juridictionnelles dont on ne prépare pas suffisamment les conséquences prévisibles. Par ailleurs, ne faut-il pas s'interroger aussi sur la place et le rôle de la TVA dans les économies domiennes, comme l'ont déjà fait certains élus de ces départements ? Cet impôt moderne présente de grands avantages, y compris pour favoriser les productions locales.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est évident !

M. Dominique Perben.

C'est un sujet auquel nous aurons intérêt à revenir dans les mois qui viennent.

En matière de compétences, la situation d'aujourd'hui n'est pas satisfaisante et la confusion qui règne est préjudiciable à une bonne administration. A mon avis, les régions doivent se voir confier une plénitude d'attributions en matière d'aménagement du territoire - routes, p orts, aéroports, aménagement rural, environnement, équipements collectifs d'intérêt régional. Les départements doivent obtenir la pleine maîtrise des politiques sociales entendues au sens large. Quant aux communes, la réforme de leur fiscalité est indispensable. Un allégement de leurs charges, conjugué avec cette réforme, permettrait de les soulager. En somme, une clarification véritable des compétences, parfaitement réalisable dans le cadre de la Constitution, apporterait à la fois plus d'efficacité et plus de responsabilité, c'est-à-dire au bout du compte plus de démocratie locale réelle.

N'ayons pas peur d'innover et d'expérimenter outremer. Cela a été fait en matière de charges sociales avec la loi de juillet 1994. Bien d'autres champs d'expérimentation méritent d'être explorés. Un tel mouvement serait susceptible de redonner à la vie politique locale, à la participation des citoyens, des espaces nouveaux. Ce pourrait être aussi une réponse aux incertitudes d'aujourd'hui. En effet, seul un changement profond de comportement et une amélioration de l'organisation des pouvoirs publics peuvent permettre une véritable prise der esponsabilité par les acteurs locaux dans tous les domaines où cela est nécessaire.

Prenons l'exemple, à dessein difficile, de la surrémunération des fonctionnaires. La solution d'un tel problème ne peut trouver sa place, j'en suis convaincu, que dans une négociation sociale globale menée avec et par les acteurs locaux. Mais une telle négociation ne sera elle-même possible que si des perspectives solides sont proposées, au-delà de cette démarche, pour le développement de chaque département. Je suis convaincu, dès lors, qu'un contrat à moyen terme doit fixer pour chaque collectivité le rôle de chacun et préciser les moyens financiers, législatifs ou réglementaires qui doivent être modifiés pour accompagner le développement économique.

L'objectif et les moyens étant ainsi définis après discussions et négociations, l'horizon sera plus clair et les initiatives comme le dynamisme ne pourront être que renforcés. Cela suppose cependant une vraie volonté politique et une vraie ambition de la part du Gouvernement.

Jusqu'ici, en tout cas jusqu'à votre discours de ce matin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avions pas ressenti cette volonté politique.

La proximité des nouveaux contrats de plan doit être l'occasion de cette démarche, qui, disons-le clairement, doit être autrement plus ambitieuse et plus globale que celle parfois un peu pointilliste et technique de nos contrats de plan de métropole. Vous avez évoqué ce matin une telle perspective. Nous serons, bien sûr, attentifs à sa mise en oeuvre.

L'action de l'Europe outre-mer doit être aussi l'occasion d'innovations et d'adaptations. La notion de région ultrapériphérique est désormais confirmée par le traité d'Amsterdam. Elle fournit un cadre de référence juridique qui autorise des adaptations aux règles communautaires et elle invite l'Union européenne à un soutien accru. C'est une chance à saisir. La révision des fonds structurels qui est engagée fournit l'occasion de ce travail. N'oublions pas que les départements d'outre-mer ont d'immenses besoins d'investissements. L'Europe peut contribuer à y répondre pour une part importante, et je crois qu'elle le veut.

Enfin, plus largement, je veux dire qu'il n'est pas raisonnable de plaquer systématiquement, comme beaucoup l'on fait, les politiques arrêtées pour la métropole sur l'outre-mer. S'est-on interrogé sur la capacité des c ommunes d'outre-mer à assumer la politique des emplois-jeunes imposée par le Gouvernement ? Les ministères de l'agriculture et de l'environnement sont-ils vraiment conscients des problèmes de l'environnement, de l'eau et des déchets outre-mer ? A-t-on vraiment intégré au ministère de l'éducation nationale les problèmes éducatifs des DOM, y compris sous l'angle démographique, donc en termes d'effectifs, comme à la Réunion ? Le sentiment est trop répandu, dans les administrations d'Etat parisiennes, d'une identité des situations à travers l'ensemble du territoire. L'article 73 de la Constitution est fait pour que l'on s'en serve. Exploitons-en toutes les réserves, et elles sont grandes ! Le Rassemblement pour la République s'honore de compter dans ses rangs quinze parlementaires d'outremer. Nous sommes les héritiers d'une longue tradition d'ambition et d'intérêt pour la France d'au-delà des océans. Notre mouvement est le seul parti politique national représenté dans chaque département, territoire ou collectivité d'outre-mer. C'est pour nous une exigence.

Je veux redire notre volonté que se construise dans la durée un outre-mer français riche de ses traditions, de sa diversité et résolument tourné vers la modernité. Il doit être la vitrine de la civilisation française au-delà des océans, un élément avancé de la présence française dans le monde, un modèle de notre conception de la démocratie et de l'égalité sociale. C'est un défi enthousiasmant à relever, même s'il est difficile.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 23 OCTOBRE 1998

C'est le génie de notre pays d'en être capable. C'est sans doute une ambition nationale unique dans le monde. C'est, pour moi, un élément fondamental dans ma conception de la République française. Je suis sûr que beaucoup sur ces bancs partagent ce point de vue. Ayons l'audace de le proposer à l'ensemble des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 ; M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111) ; Outre-mer : M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome XVI) ; Départements d'outre-mer : M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 36 au rapport no 1111) ; M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis no 1115, tome VII) ; Territoires d'outre-mer : M. Philippe Auberger, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 37 au rapport no 1111) ; M. François Cuillandre, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis no 1115, tome VIII).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT