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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 7389).

ACCORD DE WYE PLANTATION (p. 7389)

Mme Monique Collange, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

INÉGALITÉS DE SITUATION DES RAPATRIÉS ET HARKIS (p. 7389)

M. Georges Frêche, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SOMMET EUROPÉEN DE PRTSCHACH (p. 7390)

MM. François Loncle, Lionel Jospin, Premier ministre.

ATELIERS ET CHANTIERS NAVALS DU HAVRE (p. 7391)

MM. Jean-Yves Besselat, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

POLITIQUE DU NUCLÉAIRE CIVIL (p. 7392)

M

M. Dominique Perben, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

IMPOSITION DES REVENUS DE PLACEMENT (p. 7394)

M. Charles de Courson, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MANIFESTATION DU 16 OCTOBRE AU CENTRE CULTUREL ALGÉRIEN (p. 7394)

MM. François Rochebloine, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS (p. 7395)

M. Philippe Vasseur.

Démission d'un vice-président de l'Assemblée nationale (p. 7396)

M. le président.

Questions au Gouvernement (suite) (p. 7396)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

DEMANDES D'EXTRADITION DU GÉNÉRAL PINOCHET (p. 7397)

M. Jean-Claude Lefort, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

SOUS-UTILISATION

DES FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS (p. 7398)

MM. Jacques Rebillard, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

INDEMNISATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES (p. 7398)

Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 7399)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7399).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 7399)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Yves Bur, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Jean Bardet, Jean-Claude Boulard, Charles de Courson, Mme Muguette Jacquaint,

M. François Goulard. - Rejet.

QUESTION PRE ALABLE (p. 7411)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Jean Bardet, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Michel Dubernard, Jean-Luc Préel, Gérard Terrier,

Mme Jacqueline Fraysse, M. Marc Laffineur. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 7426)

M. Jean-François Mattei.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7428).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe socialiste.

ACCORD DE WYE PLANTATION

M. le président.

La parole est à Mme Monique Collange.

Mme Monique Collange.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, à Wye Plantation, vendredi dernier, la détermination du Président des Etats-Unis, Bill Clinton, et l'engagement du roi de Jordanie ont réussi à débloquer le processus de paix au Proche-Orient.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le Président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, ont signé un accord intérimaire. La France, les pays européens et bien d'autres se sont réjouis de cette conclusion heureuse. Mais l'échéance des accords d'Oslo sera-t-elle respectée ? La paix a deux ans et demi de retard sur le calendrier qui engage Israël et l'Autorité palestinienne.

L'accord du 23 octobre marque-t-il un point final pour la paix ou, au contraire, est-il l'occasion d'un rebondissement, conformément à ce qu'avaient signé Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en 1993 ? Ces derniers mois, la France a beaucoup travaillé avec l'Egypte et les membres de l'Union européenne pour préserver l'espoir de paix. Quel sens donne-t-elle à l'accord intérimaire du 23 octobre dernier ? Quelle suite envisaget-elle de lui apporter pour restaurer un élan vers la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, après plus d'un an et demi de blocage, après des mois d'efforts diplomatiques, l'accord de Wye Plantation relance le processus de paix. Les autorités françaises l'ont donc salué immédiatement comme une bonne nouvelle, en soulignant l'opiniâtreté du secrétaire d'Etat américain, l'engagement personnel du président Clinton et du roi Hussein de Jordanie, malgré son état de santé, de même que - il faut bien le dire - le courage politique et le sens des responsabilités dont ont fait preuve Yasser Arafat et Benyamin Nétanyahou. Je rappelle que l'accord s'est fait sur des propositions qui avaient été transmises il y a sept mois et que l'Autorité palestinienne avait immédiatement acceptées.

Naturellement, ce n'est pas encore la paix, puisque le redéploiement prévu par l'accord ne porte que sur 13 % du territoire, un pourcentage dont on ne connaît d'ailleurs pas le contenu exact. Malgré tout, cela relance la mécanique, cela relance le raisonnement qui a prévalu aux accords d'Oslo, que l'actuel gouvernement israélien contestait dans son principe même, puisqu'il s'agit quand même de paix en échange de sécurité, même si ce n'est pas tout à fait en échange de territoires - c'est une combinaison des deux. Néanmoins, le chemin à parcourir est encore long puisqu'il faut maintenant s'attaquer à ce qu'on appelle le statut final, c'est-à-dire aux questions également très complexes de Jérusalem, des réfugiés et de la signification politique de l'Etat palestinien, que nous c onsidérons non seulement comme inévitable mais comme étant la seule solution.

Au cours de l'étape à venir, la France sera naturellement toujours présente. Par ses propositions et ses contacts bilatéraux, elle accompagnera de toutes ses forces ce mouvement vers la paix.

L'accord de Wye Plantation est une étape, heureuse certes, mais ce n'est qu'une étape.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

INÉGALITÉS DE SITUATION

DES RAPATRIÉS ET HARKIS

M. le président.

La parole est à M. Georges Frêche.

M. Georges Frêche.

Monsieur le président, ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, concerne les rapatriés et les harkis. Le cumul de certaines dispositions législatives les concernant a des conséquences qui vont à l'encontre du principe fondamental de l'égalité des citoyens devant la loi. Vous-même avez déclaré, madame la ministre, lors de la discussion de la loi de finances de 1998, et je vous en remercie, que la superposition de textes législatifs avait créé une inégalité de traitement entre les rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, selon qu'ils étaient ou non propriétaires de biens indemnisables. Ceux qui ne possédaient aucun bien outre-mer ont bénéficié, au titre de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1986 et de l'article 12 de la loi du 16 juillet 1987, d'une remise totale de la totalité des prêts de réinstallation.

En revanche, les rapatriés indemnisables n'ont pu bénéficier de ces dispositions dans la mesure où ces mêmes prêts avaient déjà été soldés par prélèvem ent direct sur le montant de l'indemnisation au titre de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970. Que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette iniquité ?


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Par ailleurs, le Gouvernement entend-il prendre des dispositions en ce qui concerne les harkis, dispositions dont les récents événements de Lodève et de l'Ardoise ont montré l'urgence ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

Ils ne sont que deux à applaudir !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, avant de répondre à votre question précise, je tiens à dire que, comme vous le savez, la situation que nous avons trouvée en juin 1997 se caractérisait par un malaise très fort de la communauté harkie.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le taux de chômage était important, de l'ordre de 30 %, pour les harkis et leurs enfants. La situation se c aractérisait aussi par l'endettement immobilier des anciens supplétifs et des poursuites étaient exercées par les créanciers des rapatriés installés dans une profession non salariée tels que les agriculteurs, les artisans qui n'arrivaient pas à résorber leur passif. Ces poursuites les obligeaient parfois à mettre aux enchères leur entreprise ou leur logement.

Face à ce malaise, nous avons tout de suite pris certaines mesures. Nous avons notamment dit aux directeurs départementaux du travail et de l'emploi que les rapatriés, et surtout leurs enfants, la deuxième génération des harkis, devaient accéder en priorité aux emplois que nous mettions à leur disposition. En 1998, 1 500 emplois dans le secteur marchand auront été réservés aux enfants des harkis, emplois auxquels il faut ajouter 500 emplois-jeunes au moins - nous sommes déjà à 350 aujourd'hui. Le nombre d'emplois réservés à ces jeunes aura ainsi été multiplié par deux ou par trois.

Par ailleurs, et je réponds là plus précisément à votre question, depuis le début de l'année, plus de 12 millions de francs ont été attribués aux anciens supplétifs confrontés à des situations d'endettement immobilier, contre seulement 745 000 francs en 1996.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Vous posez également la question majeure, que nous connaissons bien, de l'inéquité causée par l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970. Celui-ci a en effet amené à déduire du montant de l'indemnisation les prêts de réinstallation consentis aux agriculteurs, entreprises industrielles et artisanales, professions libérales, alors que ces mêmes prêts ont été totalement effacés pour les nonindemnisés par l'article 44 de la loi du 30 décembre 1986.

Le Gouvernement est très sensible à cette question et à cette inéquité, même si le coût de la non-application du texte en question est élevé.

Aussi avons-nous souhaité, dans un premier temps, intervenir en faveur des plus fragiles. L'article 100 de la loi de finances de 1998 a ainsi prononcé la suspension des poursuites exercées contre les réinstallés, souvent menacés d'une vente de leur entreprise. Nous sommes en train de terminer la mise en place des nouvelles commissions sur le surendettement, la Cour des comptes ayant critiqué avec raison l'inéquité et l'injustice des jurisprudences de chacun de ces comités départementaux. Par ailleurs, nous travaillons à la révision de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970.

Monsieur le député, vous êtes de ceux qui ont fait preuve de la plus grande vigilance sur cette question.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) D'ici à quelques jours, le Gouvernement annoncera un plan général pour les harkis. En attendant, nous continuons les consultations s'agissant des diverses mesures sur les rapatriés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SOMMET EUROPÉEN DE PRTSCHACH

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Monsieur le Premier ministre, le sommet européen qui s'est tenu, le week-end dernier, à Prtschach en Autriche était certes informel. Mais, aux yeux de la plupart des observateurs, ce sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des quinze pays de l'Union, où vous représentiez la France avec M. le Président de la République et où vous avez accueilli de nouveaux dirigeants européens - Gerhard Schrder pour l'Allemagne et Massimo D'Alema pour l'Italie -, ce sommet, par les convergences exprimées et les impulsions politiques décidées, semble avoir marqué une nouvelle étape pour la construction européenne.

Que peut-on attendre, dans les prochains mois, de la nouvelle tonalité progressiste et volontariste qui s'est manifestée lors de ce sommet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, je suis heureux que cette question (« Tiens donc ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) me permette d'informer l'ensemble de l'Assemblée nationale sur une rencontre informelle, qui vient de se dérouler à Po rtschach en Autriche, sous présidence autrichienne, et à laquelle j'ai participé au côté du Président de la République. La représentation nationale s'intéresse en effet à ces questions et souhaite sans doute être informée plus directement que par les échos de presse, aussi utiles que ceux-ci soient. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Lellouche.

Bravo ! Quelle allitération !

M. le Premier ministre.

Pardonnez-moi. Il n'y a pas que les « serpents qui sifflent sur vos têtes », monsieur Lellouche ! (Sourires.)

Il est vrai que nous avions voulu un sommet informel, à Birmingham, afin que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent, avec du temps, sans la pression de l'urgence, en allant au fond des sujets, de façon directe et simple, discuter des grands objectifs de l'Union européenne, qui a devant elle des rendez-vous fondamentaux - Agenda 2000, son financement, l'élargissement, la mise en place de l'euro -, et en même temps réfléchir aux moyens qui permettraient de servir ces objectifs en améliorant les modes de fonctionnement, et éventuellement le dispositif institutionnel de l'Union. De ce point de vue, ni le chef de l'Etat ni moi-même n'avons été déçus par ce sommet, qui a permis effectivement la liberté de ton et l'approfondissement des sujets qui étaient à notre ordre du jour.


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La première journée, ou plus exactement le premier après-midi et la soirée, en présence de celui qui devient le nouveau chancelier allemand, Gerhard Schrder, et de Massimo D'Alema, ont été centrés sur ces grands objectifs, avec comme dominantes les questions économiques et sociales - j'y reviendrai parce que c'est intéressant.

La deuxième journée, en réalité la matinée, a été centrée sur les problèmes institutionnels et fonctionnels avec une dominante fonctionnelle. Dans l'immédiat, nous nous nous sommes en effet davantage interrogés sur les façons pratiques de faire fonctionner plus efficacement la mécanique de l'Union, plutôt que sur des modifications institutionnelles, qui sont par ailleurs devant nous. Le trait d'union entre ces deux discussions sur les objectifs et les moyens se résume en un mot : la volonté, qui s'est exprimée très clairement, d'une plus grande cohésion de l'Union européenne autour de son identité et de son modèle. C'est un bon résultat des discussions de Prtschach.

S'agissant des questions économiques et sociales, qui ont dominé ce sommet, nous nous trouvions au carrefour de deux réalités : le mouvement de la construction de l'euro - décision structurelle fondamentale, mouvement de long terme - et le mouvement de la crise financière, d'une conjoncture que nous allons dépasser, je l'espère, mais qui a accéléré la maturation de certaines idées. De ce point de vue, comme la presse en a rendu compte, on a senti, lors de cette rencontre informelle, des évolutions notables sur des thèmes que le nouveau gouvernement français tâche de faire passer dans l'Union européenne depuis un an et demi, à savoir les thèmes de la croissance, de la lutte contre le chômage et pour l'emploi, de la coordination économique face au pôle monétaire, de la nécessaire harmonisation fiscale. S'agissant de ce dernier thème, comment pourrions-nous en effet accepter, au nom des règles de l'Union, de faire évoluer certains monopoles ou services publics si l'on nous dit, dans le même temps, que de telles règles ne doivent pas s'appliquer dans le domaine de la fiscalité au point de provoquer des distorsions de concurrence ? Les idées d'harmonisation fiscale, de refus du dumping social, que nous faisons passer dans l'Union européenne depuis seize mois, de façon un peu solitaire, sont donc tout à coup apparues au grand jour, dans le sommet de Prtschach, comme des accents dominants de l'Union européenne. Nous pouvons être contents du travail que nous avons accompli.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Peut-être la crise financière internationale a-t-elle fait mûrir les choses et provoqué des réflexions en rupture avec une sorte d'euphorie libérale, qui n'a pas sa place dans un contexte de dérégulation des marchés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être sommes-nous conscients, monsieur le député, que nous sommes dans une nouvelle période historique. L'inflation a été vaincue en Europe. En revanche, le chômage reste dominant et il faut réorienter les hiérarchies de notre politique économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sans doute, enfin, y sont pour quelque chose les changements politiques voulus par les peuples qui se sont produits en Europe depuis un an et demi et qui commencent à marquer la réalité de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Reste, bien sûr, à le traduire concrètement dans les faits. Malgré tout, si ces thèmes sont mis au premier rang des préoccupations de l'Europe, celle-ci pourra devenir plus proche de nos peuples, au moins autant que ne le permettrait un travail sur la transparence ou sur les réformes institutionnelles.

Pour terminer (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), je voudrais vous dire que les problèmes de justice, d'insécurité et de lutte contre la criminalité organisée ont également été abordés dans ce sommet. Ils devraient faire l'objet d'une autre rencontre informelle, sans doute sous présidence finlandaise, c'est-àdire dans la deuxième partie de l'année 1999.

Sur les questions de défense, à propos desquelles le Président de la République s'est naturellement tout particulièrement exprimé, il nous a semblé que les Britanniques allaient peut-être aborder de façon nouvelle les problèmes liés à la sécurité européenne. Reste, là enc ore, à décoder cette nouvelle approche. Le Gouvernement y travaillera avec le Président de la République.

Si ce sommet de Prtschach pouvait être à la fois celui de la volonté réaffirmée des politiques et celui de la cohésion retrouvée d'un modèle européen, nous aurions lieu de nous réjouir de sa tenue. Je m'efforcerai, à ma place, d'en faire fructifier le message. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

ATELIERS ET CHANTIERS NAVALS DU HAVRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Besselat.

M. Jean-Yves Besselat.

Ma question, qui s'adresse au ministre de l'industrie, concerne le chantier naval Ateliers et chantiers du Havre.

Monsieur le ministre, par un brutal communiqué du 22 octobre 1998, vous avez mis un terme aux conversations engagées avec les éventuels repreneurs d'un chantier gravement perturbé par la réalisation d'une commande de trois navires chimiquiers. D'autres chantiers navals européens de très bonne qualité, tant au Danemark qu'en Italie, ont d'ailleurs été également gravement lésés par les constructions de ces navires chimiquiers, ce qui signifie que la qualité des Ateliers et chantiers du Havre n'est pas en cause.

Le texte du 22 octobre est brutal parce qu'il est intervenu alors qu'une discussion sérieuse avait été entamée avec un grand groupe, repreneur potentiel, et parce que tous les élus de la région du Havre, unanimes, quelle que soit leur tendance politique, ont appris la décision du Gouvernement par une dépêche de l'agence France Presse


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

(« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), sans qu'il y ait eu une quelconque concertation préalable. C'est tout à fait inacceptable ! Ce texte a plongé le chantier naval et la ville du Havre dans une profonde consternation. D'ailleurs, le maire du Havre, M. Antoine Ruffenacht, a fait l'objet d'une agression injustifiée.

M. Charles Cova.

De la part de la CGT ?

M. Jean-Yves Besselat.

Vous avez organisé ce matin m ême, monsieur le ministre, avec le ministre des finances, une réunion de travail sur ce dossier. Nous nous sommes quittés sur un constat de désaccord ; nous avons refusé de parler reconversion et plan social et nous vous avons clairement indiqué qu'il fallait donner du temps au temps. Deux mille cinq cents emplois sont en jeu, et non huit cents, comme l'indiquait votre communiqué.

J'appelle votre attention sur le fait que le port du Havre est un enjeu national, sinon international, pour notre pays. Je vous demande, au nom de toute la communauté havraise, de nous dire qu'il y a un vrai avenir pour ce chantier, comme pour la construction navale en France, car j'ai le sentiment qu'il y a sur ce point un doute dans les esprits.

C'est là le message fort de la place portuaire du Havre.

J'ai tendance à dire, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il serait intelligent de changer d'avis aujourd'hui.

M. André Santini.

Est-ce possible ?

M. Jean-Yves Besselat.

Ma question sera donc celleci : monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, pouvezvous me dire, et l'ensemble du Havre vous écoute, s'il existe un véritable avenir pour les Ateliers et chantiers du Havre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, la décision que nous avons prise jeudi était en effet grave et difficile. Le Gouvernement mesure pleinement le désarroi des salariés et de leurs familles.

Cette décision, vous le savez, vous l'avez même écrit,e st l'aboutissement d'une décision malencontreuse, catastrophique, prise en 1995 à l'incitation du gouvernement de l'époque, de prendre la commande de navires pour lesquels les Ateliers et chantiers du Havre n'étaient pas conçus.

(« C'est faux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons traité le dossier dans la plus grande transparence et avec un souci constant de la concertation et du dialogue avec les élus.

Nous avons mandaté, comme vous le savez, une expertise auprès de l'ingénieur général des mines M. Piketty.

Celui-ci a conclu à l'impossibilité de poursuivre l'activité du chantier sans adossement à un repreneur professionnel de la construction navale.

M. Franck Borotra.

Vous n'avez rien fait pendant neuf mois ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Fin août, avec votre accord et avec celui des élus qui vous accompagnaient, un délai d'un mois a été accordé pour rechercher ce repreneur. Dix-neuf chantiers navals ont été contactés ; dix se sont déclarés intéressés, trois se sont déclarés e n mesure de déposer une offre.

Fin septembre, les perspectives ouvertes par les contacts en cours ont conduit le Gouvernement à prolonger une nouvelle fois le délai de trois semaines, à la demande d'ailleurs du président de la société. A l'issue de ce délai, il est apparu malheureusement qu'aucune offre crédible ne serait remise...

M. Jean-Yves Besselat et M. Didier Quentin.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et qu'aucune discussion pouvant conduire à une offre n'était en cours.

Le refus, il y a quelques minutes, mais vous le savez certainement, monsieur le député, pour m'en avoir souvent parlé - du chantier naval Kvaerner de faire une offre est, hélas ! la confirmation que telle était bien la situation.

M. Jean-Yves Besselat.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

De fait, aussi bien Constructions mécaniques de Normandie, Alter - Marine que Kvaerner se sont déclarées publiquement et officiellement dans l'incapacité de faire une offre.

M. François Goulad.

Demandez à Tapie !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En juin 1997, les pertes de l'entreprise sur le contrat des chimiquiers s'élevaient à 1 milliard de francs. Malgré des subventions mensuelles moyennes de 100 millions, l'entreprise n'a pas pu maîtriser la réalisation de cette commande et les pertes totales se montent aujourd'hui à 1,87 milliard de francs.

L'Etat ne peut continuellement financer le besoin de fonds de roulement d'une entreprise privée à la hauteur de 100 millions par mois, ce n'est pas raisonnable.

Le Gouvernement assume sa responsabilité. Bien sûr, il est disposé, comme M. Strauss-Kahn et moi-même vous l'avons dit ce matin, à regarder l'offre d'un hypothétique repreneur : mais il est certain qu'on ne conduit pas une politique dans l'attente d'un miracle ! Dans ce contexte, la seule attitude responsable consiste, hélas ! à prendre acte et à préparer le site à la réindustrialisation.

M. Renaud Muselier.

Comme à La Ciotat ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ne pas le faire conduirait délibérément les salariés et la ville du Havre à une catastrophe plus grave encore.

M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même, comme tout le Gouvernement, souhaitons y travailler ensemble, dans la concertation et le dialogue. Je vous invite à travailler avec nous, dans cette perspective de rénovation du tissu industriel du Havre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE DU NUCLÉAIRE CIVIL

M. le président.

La parole est à M. Dominique Perben.

M. Dominique Perben.

Monsieur le Premier ministre, je souhaite une nouvelle fois vous interroger sur la politique énergétique et donc sur la politique industrielle du Gouvernement. Le 17 juin dernier, j'avais obtenu à ce sujet alors de M. Pierret une réponse plutôt rassurante pour tous ceux qui travaillent dans le secteur du nucléaire civil, en particulier, les personnels de Framatome. La semaine dernière, deux questions ont été posées ici


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même. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat à l'industrie se sont alors voulus rassurants. Malheureusement, deux jours après, Mme Voynet annonçait lors d'une interview accordée à un journal du matin, premièrement, le remplacement progressif des centrales nucléaires par d'autres moyens de production énergétique...

M. Jacques Myard.

Irresponsable !

M. Dominique Perben.

... - sans d'ailleurs dire lesquels ; deuxièmement, la remise en cause pour la France du réacteur du futur EPR. Par ailleurs, elle confirmait le changement d'orientation de notre pays.

M. Jacques Myard.

Démission !

M. Dominique Perben.

Cette contradiction entre vos ministres, monsieur le Premier ministre, est trop grave.

Vous le savez, les industries concernées se sont mises en capacité de conserver leur savoir-faire. Elles se battent sur le plan international en comptant sur des perspectives françaises à long terme. J'observe par ailleurs l'absence, de la part du Gouvernement, de vraies décisions sur la question cruciale des déchets.

Vous ne pouvez pas laisser planer d'ambiguïté sur l'orientation de la politique énergétique française. Les délais entre décision et réalisation sont très longs.

L'ensemble des acteurs de la filière nucléaire civile ont besoin de savoir où ils vont. Les enjeux en termes non seulement d'emplois mais de compétitivité sont considérables.

De nombreux salariés s'interrogent. Aujourd'hui, ils s'inquiètent. Nous avons demandé à plusieurs reprises que soit organisé ici même un grand débat sur la politique énergétique française. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous devez accepter l'organisation de ce débat ! En attendant, je souhaite que vous me disiez enfin quelle est la politique nucléaire civile de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, le Gouvernement a déjà répondu à cette question la semaine dernière. Néanmoins votre inquiétude semble telle qu'il convient de vous répondre plus précisément encore.

M. Jean-Louis Debré.

A cause de Mme Voynet ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vais vous répondre au nom du Gouvernement dont la politique énergétique est claire en dépit des craintes que vous pouvez avoir.

M. Jacques Myard.

En dépit de Mme Voynet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

75 % de notre électricité est d'origine nucléaire et, pendant longtemps encore, cette source restera prédominante - même si Dieu seul sait ce qui se passera dans trente, quarante ou cinquante ans. Que pour autant, il faille regarder vers d'autres sources d'énergie et tenir compte de tous les progrès de la science, chacun y souscrit !

M. Francis Delattre.

Les éoliennes ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous disposons d'un parc nucléaire qui a coûté à notre pays beaucoup d'investissements : il nous permet aujourd'hui d'avoir une électricité peu chère, qui est un élément de la compétitivité de notre économie.

Nul n'a l'intention d'y renoncer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe du Rassemblement pour la République.) Vous vous posez des questions à propos des déchets.

C'est en effet un des problèmes les plus aigus du cycle du nucléaire. Nous y réfléchissons, comme l'ont fait les gouvernements précédents. Une loi votée en 1991 détermine plusieurs pistes de recherche visant à l'élimination de ces déchets. Cette loi sera respectée et, dans un délai très bref, une décision particulière concernant les laboratoires souterrains sera mise en oeuvre. (« Bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Certes, nous l'avons tous constaté, nos voisins allemands prennent une orientation assez différente. Cela, qui ne facilite pas l'environnement du nucléaire ne remet pas en cause l'engagement de la France en la matière.

Par ailleurs, certaines coopérations sont en cours avec des entreprises allemandes, comme le réacteur du futur, dont vous parliez et sur lequel Framatome travaille avec Siemens.

La question est effectivement posée : dans quelle mesure notre partenaire allemand veut continuer dans cette voie ? Aucun élément ne nous fait encore penser qu'il veuille y renoncer. Mais c'est une entreprise privée qui est concerné, et c'est donc elle qui décidera, compte tenu du contexte de son propre pays.

En tout état de cause, je considère, pour ma part, que les résultats des recherches sont très intéressants, que le réacteur du futur sera particulièrement sûr. Il serait par conséquent extrêmement dommage que notre partenaire allemand veuille y renoncer.

M. Pierre Lellouche.

Mme Voynet est-elle du même avis ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quant à nous, nous voulons continuer à mettre au point ce réacteur qui est bien le réacteur du futur. Nous n'en avons pas encore besoin en France, car notre parc est suffisamment important ; mais nous en aurons besoin lorsqu'il faudra remplacer les centrales actuelles.

Je serai clair, pour que vous n'ayez pas à consacrer de nouveau une de vos questions à ce problème (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , ce qui vous permettra, la prochaine fois, de balayer un champ plus large des préoccupations gouvernementales : la France est engagée depuis des décennies dans l'énergie nucléaire et elle entend poursuivre sur cette v oie ; toutefois, cela ne lui interdit nullement, et Mme Voynet, de ce point de vue-là, est l'instigatrice d'intéressantes pistes de recherche (Exclamations sur les mêmes bancs), d'explorer d'autres directions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

IMPOSITION DES REVENUS DE PLACEMENT

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, il était une fois une veuve qui avait pour seuls revenus une pension de réversion de 3 500 francs par mois et des revenus de placement de 1 000 francs par mois, fruits d'une vie de travail et d'épargne qui lui avait permis, avec son mari, de mettre 300 000 francs de côté. Cette veuve vient de recevoir un avis d'imposition de 1 200 francs, soit 10 % de ses revenus de placement, au titre de la CSG, de la CRDS et du prélèvement social, alors qu'elle est exonérée d'impôt sur le revenu. S'agit-il d'un cauchemar ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Non, pas d'un cauchemar, d'une tragique réalité frappant des millions de familles non imposables à l'impôt sur le revenu et qui viennent de recevoir leur avis d'imposition au titre de ces prélèvements sociaux.

Trouvez-vous cette situation conforme au principe selon lequel les impôts doivent tenir compte des facultés contributives des citoyens ? Trouvez-vous cette situation juste et équitable ? Envisagez-vous, dans la loi de financement de la sécurité sociale, en discussion depuis ce matin, d'appuyer l'amendement du groupe UDF, que vous aviez repoussé l'année dernière, tendant à exonérer de CSG, de CRDS et de prélèvement social tous les revenus de placement des contribuables non imposables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, certains de nos concitoyens v iennent effectivement de recevoir des avis qui concernent essentiellement le patrimoine.

Que chacun comprenne bien : il ne s'agit ni d'une résidence principale, ni de biens professionnels, mais de sommes qui ont été placées (« Epargnées ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendante)... épargnées, et qui donnent lieu à des dividendes, à des plus-values et à des loyers.

L'année dernière, ces revenus ont été assujettis à une hausse de prélèvements de 5,1 %, dont 4,1 % sont déductibles du revenu imposable. Certains contribuables ont donc vu leurs prélèvements s'accroître.

Si nous l'avons fait, c'est parce que nous avons souhaité distribuer autrement les prélèvements entre les revenus du travail et les revenus du capital.

Dois-je vous rappeler, monsieur de Courson, qu'aujourd'hui...

M. Pierre Lellouche.

Et les retraités, madame la ministre ?

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais il y a des retraités qui sont très riches, qui ont une petite pension de retraite et un très gros patrimoine ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Il n'y a aucune raison, parce qu'ils sont retraités, qu'ils ne soient pas traités comme les autres. (Mêmes mouvements.)

M. le président.

S'il vous plaît !

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'aurais préféré de beaucoup que vous, vous n'augmentiez pas les prélèvements sur tous les retraités, comme vous l'avez fait ! La sollicitude que vous avez manifesté à l'égard de ceux qui ont un patrimoine élevé...

M. Jean-Pierre Brard.

A l'égard des châtelains !

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

... n'a pas été la même à l'égard de l'ensemble des retraités.

Vous avez augmenté la CSG de 1,3 % en 1993. Vous avez augmenté les cotisations maladies de tous les retraités de 1,2 % en 1993 et d'autant en 1997. Sans oublier la hausse de 2 points de la TVA.

Aujourd'hui, nous touchons ceux qui, effectivement, ont des patrimoines élevés. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Des chiffres ? 10 % des foyers en France qui ont les revenus les plus élevés perçoivent 51 % des revenus, 57 % des revenus des capitaux mobiliers et 90 % des plusvalues déclarées à l'impôt sur le revenu.

M. Patrick Ollier.

On vous parlé de personnes non imposables !

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous souhaitons donc rééquilibrer, et nous ne sommes pas encore à la hauteur de nos voisins, la taxation sur l'épargne par rapport à la taxation sur les salaires. (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.) Je précise que l'épargne populaire est bien évidemment exonérée de ces prélèvements.

Alors, au lieu de défendre certains, vous auriez mieux fait de défendre l'ensemble des retraités. C'est ce que nous faisons, nous, aujourd'hui, en nous intéressant plus particulièrement aux plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

MANIFESTATION DU 16 OCTOBRE AU CENTRE CULTUREL ALGÉRIEN

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Ma question s'adresse à M. le P remier ministre. Avant de la poser, je répète à Mme Aubry que Charles de Courson parlait de personnes non imposables. Cela mérite d'être souligné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M onsieur le Premier ministre, vendredi dernier, 16 octobre, un hommage solennel et indécent a été rendu au centre culturel algérien, à Paris, aux « porteurs de valises », et au soutien de la rébellion algérienne sur le sol


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français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

C'est une honte !

M. François Rochebloine.

Trente-six ans après la fin de la guerre d'Algérie, une telle manifestation n'a pas manqué de susciter immédiatement une vague d'indignation à travers tout le pays.

M. Lucien Degauchy.

C'est normal !

M. François Rochebloine.

Alors que les plaies ne sont pas encore totalement refermées...

M. Jean-Pierre Brard.

Inutile de les rouvrir !

M. François Rochebloine.

... que cette période dramatique de notre histoire n'en finit pas de soulever les passions, peut-on rester sans réagir face à ce qui s'apparente à une véritable provocation ? Monsieur le Premier ministre, étiez-vous informé de cette manifestation ? L'avez-vous approuvée ? Enfin, avezvous réagi auprès des autorités algériennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Monsieur le député, vous faites allusion à l'initiative prise, le 16 octobre dernier, par le centre culturel algérien qui a souhaité rendre hommage à des Français qui ont effectivement aidé la rébellion algérienne. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Les porteurs de valise !

M. Charles Cova.

Ils auraient dû être fusillés !

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Le Gouvernement français n'a pas été avisé de cette initiative prise par un centre culturel qui bénéficie du statut diplomatique. (Mêmes mouvements.)

M. Jacques Myard.

Non !

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Néanmoins, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et moi-même avons fait savoir à l'ambassade d'Algérie notre désapprobation à propos de cette initiative que nous avons assimilée à une provocation. En effet, et sans avoir une approche manichéenne, cela nous a rappelé, vous l'avez souligné, des souvenirs extrêmement douloureux.

Par ailleurs, cette manifestation a eu lieu le 16 octobre : or c'est le 16 octobre 1977 que la France a inhumé le soldat inconnu de la guerre d'Algérie à Notre-Dame-deLorette. Cette fâcheuse coïncidence de dates, nous l'avons c ondamnée en intervenant auprès de l'ambassade d'Algérie.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

L'hommage que nous rendons aux anciens combattants d'Algérie consiste d'abord, pour nous, à parler de guerre d 'Algérie, ce qui ne s'était jamais fait auparavant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ensuite, nous inaugurons des stèles ou des rues à leur mémoire.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Enfin, nous avons pris l'initiative d'édifier un mémorial national - j'espère que ce sera à Paris.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste ainsi que du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Muselier.

Pas à Marseille ? Une somme avait déjà été budgétisée !

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

C'est ainsi que la France, dans son ensemble, au-delà des difficultés rencontrées par rapport à cette histoire, saura rendre hommage aux anciens combattants d'Algérie. Telle est l'orientation et la volonté politique du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INSTALLATIONS DES JEUNES AGRICULTEURS

M. le président.

La parole est à M. Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous venez de prendre vos fonctions dans des circonstances dont le moins que l'on en puisse dire est qu'elles ne sont pas faciles. Si besoin était, j e vous rappellerais la crise sans précédent que connaissent les producteurs de porc, crise, soit dit en passant, prévisible depuis des mois.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Frêche.

Il y a des années que cela dure !

M. Philippe Vasseur.

Chers collègues, avant de vous manifester ainsi, je vous invite à consulter les cours du porc d'il y a quinze mois.

M. Serge Janquin.

C'est nul !

M. Philippe Vasseur.

Vous constaterez qu'ils ont été divisés par deux depuis. Et comme par hasard, il y a quinze mois que vous êtes au pouvoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

J'observe que vous êtes tous d'accord sur le fait que c'était prévisible ! (Sourires.)

Poursuivez, monsieur Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Etait prévisible aussi la très difficile négociation pour la réforme de la politique agricole commune en 1999 : permettez-moi de vous le dire, elle a été fort mal préparée par la loi d'orientation.

(Mêmes mouvements.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Georges Frêche.

Mal préparée par M. Vasseur, surtout !

M. Philippe Vasseur.

C'est à propos de cette loi que je tiens à relever quelque chose qui ne peut être passé sous silence.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Posez votre question !

M. Philippe Vasseur.

Votre prédécesseur, M. Le Pensec, a déclaré ici que l'on prélèverait sur les crédits dest inés à l'installation pour financer les contrats territoriaux d'exploitation.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est une honte !

M. Philippe Vasseur.

Or la situation est aujourd'hui dramatique s'agissant de l'installation des jeunes agriculteurs.

M. Alain Néri.

C'est à cause de vous ! (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Vasseur.

Oh non, encore une fois, vous parlez de ce que vous ne connaissez pas ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

S'il vous plaît !

M. Philippe Vasseur.

Ecoutez un peu, messieurs ! ne perdez pas une occasion d'apprendre ! Toute formation dans le domaine agricole vous fera du bien ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les vociférations sont une chose, les chiffres une autre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Précisément, je vais vous donner un chiffre : entre 1994 et 1997, du fait de la politique suivie par l'ancienne majorité et par les anciens gouvernements, et notamment grâce à la charte d'installation des jeunes signée en novembre 1995, le nombre d'installations de jeunes agriculteurs a progressé de 25 %.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Depuis le début de 1998, il a baissé de 10 %. C'est une situation dramatique ! (Huées sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette baisse, pour moi inexplicable, du nombre d'installations des jeunes depuis le début de l'année ? Quelles mesures comptez-vous prendre immédiatement - je dis bien immédiatement - pour redresser une situation dramatique tant pour les jeunes agriculteurs que pour les campagnes françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Démago ! Démission d'un vice-président de l'Assemblée nationale

M. le président.

Avant de donner la parole à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, j'informe l'Assemblée qu'il y a lieu de procéder à la nomination d'un viceprésident de l'Assemblée nationale, en remplacement de M. Jean Glavany qui m'a fait connaître qu'il démissionnait de ses fonctions. (Sourires.)

Cette nomination aura lieu, conformément à l'article 10 du règlement, au début de la deuxième séance du mercredi 28 octobre 1998.

Questions au Gouvernement (suite)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Vasseur, je vous remercie d'abord de ce bizutage censé me permettre de vous répondre en quelques minutes à peine, sur le porc, la loi d'orientation agricole, la politique agricole commune et la DJA !

M. Philippe Vasseur.

Pas du tout ! J'ai posé une question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais, quant à moi, privilégier l'une de ces questions et pas forcément celle que vous souhaitez.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Je vais, en effet, vous répondre sur la crise porcine qui me paraît d'une actualité plus particulièrement douloureuse.

M. Philippe Vasseur.

J'ai parlé aussi du porc, mais je n'ai posé de question que sur l'installation des jeunes agriculteurs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Vasseur, vous êtes un homme suffisamment expérimenté pour savoir que ce n'est pas le Gouvernement qui fixe le cours du porc sur les marchés.

M. Philippe Vasseur.

Je ne vous ai pas interrogé sur le porc !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tout dépend de l'offre et de la demande.

M. Philippe Vasseur.

Je vous ai interrogé sur l'installation des jeunes agriculteurs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous qui êtes un libéral, monsieur Vasseur...

M. Philippe Vasseur.

Parlez-moi de l'installation des jeunes !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ecoutezmoi, au lieu de brailler ! Je vais vous répondre, mais sur le point qui me plaît ! (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Vasseur.

Le point sur lequel je vous interroge, c'est l'installation des jeunes !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Moi, je suis toujours un peu étonné, parfois même ahuri, devant l'attitude de certains libéraux : ils ne jurent que par le marché et crient au loup quand ils voient poindre l'intervention de l'Etat, puis, quand les cours s'effondrent, ils crient encore mais cette fois pour réclamer une intervention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Philippe Vasseur.

Ce n'est pas ma question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Eh bien, moi je laisse les libéraux à leurs contradictions et je rassure les non-libéraux. Face à cette crise porcine, l'Etat ne restera pas inerte. Mon prédécesseur avait déjà pris des dispositions : d'abord, en mettant en place une cellule de crise qui se réunira après-demain ensuite en prenant des mesures de trésorerie ; enfin en demandant la création d'un groupe de travail (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République) au niveau européen.

M. Philippe Vasseur.

Pas sur l'installation des jeunes ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je répondrai à cette question le moment venu, monsieur Vasseur ! (Rires sur les mêmes bancs.) Laissez-moi faire mon travail tranquillement ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Vasseur.

Répondez à la question qui vous est posée !

M. le président.

S'il vous plaît !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Vasseur, libre à vous de ne pas vouloir que je réponde aux producteurs de porcs, aujourd'hui dans l'angoisse. Mais, moi, j'ai décidé de m'adresser à eux à travers cette assemblée ! L'Etat continuera donc à intervenir, d'abord en demandant à l'Union européenne de prévoir des restitutions pour permettre l'exportation notamment vers la Russie.

M. Philippe Vasseur.

Répondez à ma question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ensuite, je recevrai personnellement dans les tout prochains jours les responsables de la production porcine, avant la journée d'action du 6 novembre mais après le 29 octobre, jour de la réunion de la cellule de crise. Nous prendrons alors les mesures nécessaires.

M. Philippe Vasseur.

Et l'installation des jeunes ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais qu'il soit bien clair, monsieur Vasseur, qu'il s'agira de mesures d'aide à l'exploitation et non pas à la production.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Car, dans cette crise comme dans les autres, il y en a qui perdent, mais il y en a aussi qui gagnent (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et ce sont ceux qui souffrent qui doivent être aidés par le Gouvernement.

Oui, monsieur Vasseur, cette crise était prévisible non pas depuis des mois comme vous l'avez dit, mais depuis des années.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Ces crises, qui reviennent tous les quatre ou cinq ans, sont même l'une des caractéristiques de la filière porcine. Du reste, votre prédécesseur,

M. Puech, y avait été lui aussi confronté.

Eh bien, il est temps que l'on s'interroge sur le pourquoi de ces crises, et que l'on se pose notamment la question de la maîtrise et de la répartition des productions sur notre territoire. Tendre vers cette maîtrise est un des objectifs - je réponds là à la deuxième partie de votre question - de la loi d'orientation agricole qui vient donc à point nommé pour répondre à cette question et aux autres que vous avez posées, monsieur Vasseur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Prestation nulle !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

DEMANDES D'EXTRADITION DU GÉNÉRAL PINOCHET

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Philippe Vasseur.

De toute façon, le Gouvernement ne répond pas aux questions qu'on lui pose ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh oui !

M. Jean-Claude Lefort.

Depuis le 16 juin dernier, date de l'arrestation du général Pinochet, de très nombreux Chiliens, anciens prisonniers, torturés, parent de disparus ou de militants assassinés manifestent leurs espoirs dans la justice britannique et européenne, à la suite à la demande d'extradition présentée par deux juges espagnols. Or le Parquet espagnol et certains magistrats de GrandeBretagne et d'Espagne contestent cette extradition. Un risque sérieux existe donc de voir Pinochet bénéficier de l'impunité.

M. Pierre Lellouche.

Comme Castro !

M. Jean-Claude Lefort.

Du reste, un avion l'attend en bout de piste pour le ramener dans son pays où il est sénateur à vie.

Vous vous prononcez depuis longtemps, madame la ministre, pour la constitution d'un espace judiciaire européen qui suppose une entraide judiciaire accrue entre les

Etats membres de l'Union dans le domaine de l'extradition, et certainement une coordination renforcée dans le traitement de certains dossiers internationaux. Le droit international a introduit en matière pénale un principe de compétence universelle qui fait obligation à tous les Etats, et singulièrement au nôtre, de rechercher et de poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus graves.

M. Guy Teissier.

Il doit y en avoir plus d'un en Union soviétique !

M. Jean-Claude Lefort.

Or, vous le savez, mes chers collègues, certains citoyens français ont été assassinés sur ordre du général Pinochet. Dans ces conditions, ne c royez-vous pas qu'il serait opportun d'appliquer à l'encontre de ce dictateur le principe de juridiction universelle ? Pour notre part, nous le pensons.

Cela suppose, et nous le souhaitons, de demander aux a utorités judiciaires et politiques britanniques, dans l'hypothèse où elles ne donneraient pas une suite favorable à la requête des juges espagnols, de bien vouloir extrader Pinochet en France.

M. Charles Cova et plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et Castro ?

M. Jean-Claude Lefort.

Cette démarche, si elle devait se révéler nécessaire, honorerait notre pays et répondrait à l'attente, à l'aspiration des démocrates du monde entier, qui, légitimement, n'acceptent pas de voir un criminel comme le général Pinochet bénéficier de l'impunité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Agir de la sorte, madame la ministre, montrerait à tous que, désormais et à jamais, l'impunité n'a plus de place dans notre monde qui approche du troisième millénaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, nous avons tous ici en mémoire les terribles événements de septembre 1973 : la fureur sanguinaire, la chute du palais présidentiel, la mort du président Allende et les milliers de militants enfermés dans des stades, et promis à la disparition ou à la mort.

Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

En Sibérie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la garde des sceaux.

Hier, un avocat représentant les familles de trois victimes françaises, - un tué et deux disparus, dont l'un a d'ailleurs été un proche collaborateur du président Allende à la Moneda - a donc saisi la justice française. Il l'a fait à bon droit puisqu'il s'agit de victimes françaises. Et il est vrai que la justice de notre pays est compétente pour se saisir de cette affaire.

Que peut-il se passer maintenant ? Il appartiendra aux magistrats du siège de décider si la demande d'un mandat d'arrêt, préalable à une extradition par le Royaume-Uni, est possible au regard du droit pénal français. Si le magistrat saisi en arrivait à la conclusion que, au vu des impératifs juridiques examinés, l'extradition est possible et nécessaire, il va de soi que je transmettrai immédiatement cette demande aux autorités britanniques.

M. Alain Tourret.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Je veux rappeler que les règles de l'extradition entre pays européens sont gouvernées par la convention de 1957. En vertu de cette c onvention, les autorités britanniques, saisies de demandes d'extradition venant d'Espagne et de Suisse, ont donc la responsabilité de déterminer d'abord si l'extradition est possible au regard de leur propre droit interne puis, éventuellement, vers quel pays opérer cette extradition.

En tout cas, vous l'avez souligné, monsieur le député, cette affaire plaide pour la mise en place aussi rapide que possible d'un tribunal pénal international compétent pour juger les auteurs de tels crimes, qui font offense à l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

SOUS-UTILISATION

DES FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le ministre des affaires européennes, les fonds structurels européens, moyens financiers essentiels de la construction européenne, sont aujourdhui sous-utilisés en raison de la rigidité des règlements et des procédures. Ainsi, 60 % seulement des dotations prévues à cet effet seraient engagés à ce jour et les programmes s'achèveront à la fin de 1999. Cette sousconsommation des crédits inscrits pour la période 19941999 risque de constituer un handicap pour la négociation des futurs fonds structurels qui seront attribués à la France dans le cadre des négociations Agenda 2000.

Quelles initiatives le Gouvernement pourait-il prendre pour permettre une affectation des fonds structurels restants au financement de projets d'infrastructures en zones rurales fragiles et en zones de reconversion industrielle ? Par exemple ne pourrait-il pas se substituer aux collectivités et prendre à sa charge le cofinancement ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, votre question traite de l'important problème de la sous-exécution des fonds structurels, sous-exécution réelle pour l'Union européenne et encore plus réelle pour la France, même si les responsabilités en la matière sont totalement partagées entre l'Europe et les cofinanceurs, Etats et collectivités locales.

A cet égard, il convient cependant de souligner que 40 % de cette sous-exécution a trait au programme d'initiative communautaire dont la mise en oeuvre dépend totalement de la Commission.

Face à cette situation, le conseil des ministres du budget a décidé, le 17 juillet dernier, de tenir les engagements de la programmation d'Edimbourg et d'inscrire la totalité du solde des financements correspondant dans le budget pour 1999. Il appartiendra donc désormais aux différents responsables locaux de tout mettre en oeuvre pour que, dans les quatorze prochains mois, il soit possible de répondre aux besoins que vous avez évoqués, notamment dans les zones rurales fragiles et dans les zones industrielles.

En ce qui concerne les négociations Agenda 2000 qui vont prochainement s'ouvrir, il faut souligner que les propositions de la Commission relatives aux fonds structurels sont globalement généreuses, je dirai même un peu trop généreuses. Pour l'instant, la France n'a pas à s'en plaindre, notamment au regard du nouvel objectif 2 qui recouvre à la fois les zones rurales et les zones industrielles en reconversion et qui doit permettre le financement de nombreux projets en France.

Sachez que le Gouvernement plaidera pour que l'on porte le critère démographique autorisant l'inscription en objectif 2, des 18 % prévus par la Commission jusqu'aux 25 % qui correspondent à la situation actuelle. Une telle décision nous paraît essentielle, car elle nous permettrait de répondre aux besoins des populations françaises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

INDEMNISATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, aujourd'hui s'ouvre le débat sur le financement de la sécurité sociale. En matière de santé, comme dans d'autres domaines, mieux vaut éviter les dépenses en menant une véritable politique de prévention que de tenter péniblement de les réduire dans une logique uniquement curative de plus en plus coûteuse, logique qui prévaut depuis des années.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Aujourd'hui, des milliers de personnes sont malades et meurent de maladies liées à leur environnement au travail et aux substances toxiques avec lesquelles elles sont en contact. Le scandale de l'amiante est toujours là et bien d'autres produits, comme les éthers de glycol, qui menacent gravement notre santé devraient être interdits.

Les exemples abondent malheureusement.

L'année dernière, le rapport de la commission Deniel a mis en évidence une très forte sous-évaluation de la prise en compte des maladies professionnelles de l'ordre de 1 milliard de francs. Or il est essentiel que les industriels contribuent financièrement à hauteur des risques qu'ils font courir aux salariés, afin qu'ils perçoivent le coût réel de la santé au travail et qu'ils soient incités à prendre les mesures de précaution nécessaires plutôt que de proposer, comme vous le faites, de réduire le taux de cotisation patronale en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Madame la ministre, il n'est pas acceptable que la branche maladie prenne en charge des coûts qui sont de la responsabilité des entreprises. Qu'envisagez-vous pour que soit enfin appliqué le principe de précaution et de responsabilité dans le domaine des risques professionnels et que les industriels assument toutes leurs obligations, notamment financières, en la matière ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je me bornerai à formuler deux remarques.

La première sera pour souligner que, même si le coût des maladies professionnelles a doublé de 1990 à 1996, leur poids demeure largement sous-estimé. C'est la raison pour laquelle la loi de financement en discussion propose à la fois la réouverture des délais relatifs aux demandes de reconnaissance de maladies professionnelles, la reprise de tous les dossiers - par exemple en ce qui concerne l'amiante, - et l'accélération des procédures afin que le caractère professionnel soit reconnu à davantage de maladies et que les réparations conséquentes soient améliorées.

Ma seconde remarque est liée à la mise en évidence par le rapport Deniel, du fait que des charges indues sont portées par l'assurance maladie au titre des maladies professionnelles non reconnues. Il en a estimé le poids à 900 millions de francs. C'est pourquoi nous avons pris, dès cette année, un décret qui transfère 900 millions de la branche accidents du travail vers la branche maladie.

Nous avons été amenés à réduire la cotisation accidents du travail parce que le nombre de ces accidents a diminué en 1995 et en 1996. Cependant, vous avez sans doute remarqué que malgré une baisse de 1 milliard au total, il reste 1,3 milliard d'excédent pour la branche accidents du travail. En effet, comme l'a proposé M. Deniel, nous souhaitons poursuivre les études afin de voir s'il convient de transférer de nouveaux moyens de la branche accidents du travail vers la branche assurance maladie, comme vous le souhaitez.

Ainsi que vous pouvez le constater, le texte en discussion va aller beaucoup plus loin en ce qui concerne les m aladies professionnelles, puisqu'il propose d'en reconnaître de nouvelles et de compléter les tableaux les mentionnant. J'espère que, dans les mois qui viennent, la France accomplira des progrès considérables, et notamment en ce qui concerne les méfaits horribles de l'amiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François d'Aubert.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (nos 1106, 1148, tomes I à IV).

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, nous entamons aujourd'hui, pour la troisième fois depuis la révision constitutionnelle du 22 février 1996, la discussion d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale - en l'occurence le projet pour 1999. Si le débat que nous engageons cet après-midi est possible, c'est bien parce qu'il a été voulu par Alain Juppé et votre prédécesseur à ce ministère, M. Jacques Barrot, considérant qu'il était indispensable que le Parlement puisse s'exprimer solennellement sur les conditions de mise en oeuvre des masses financières considérables engagées par notre protection sociale et sur les objectifs d'équilibre à atteindre.

En permettant au Parlement de s'exprimer, et donc à travers lui au peuple français, Alain Juppé et Jacques Barrot ont voulu engager une dynamique pour sortir la protection sociale française de l'enlisement dans lequel elle aurait pu sombrer si leur courage et leur sens des responsabilités ne les avaient décidés à engager en profondeur cette grande réforme, réforme que vous n'avez d'ailleurs pas remise en cause, malgré les déclarations sévères qui ne cachaient en fait que l'absence d'une véritable politique alternative.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Jean Bardet et M. Jean-Jacques Weber.

Très bien !

M. Yves Bur.

Nous considérons que la sécurité sociale constitue un patrimoine partagé par tous les Français.

Nos concitoyens sont très attachés à l'expression de solidarité qu'elle représente. Malheureusement, cet attachement ne suffit pas à assurer la pérennité de notre protection sociale qui a connu, au cours des dernières années, des évolutions dangereuses.

L'objet de la réforme engagée par Alain Juppé était bien de mettre la responsabilité au coeur de la démarche de sauvegarde de notre sécurité sociale : Responsabilité du politique auquel il appartient de définir les grandes orientations de la protection sociale et d'en contrôler l'exécution à travers cette loi de financement de la sécurité sociale ; Responsabilité des partenaires sociaux qui devraient voir leur rôle renforcé pour assurer davantage que par le passé la mise en oeuvre de ces orientations au sein des différentes branches ; Responsabilité des professionnels de santé pour assurer une maîtrise de l'évolution des dépenses médicales tout en garantissant à chaque Français des soins appropriés et de qualité ; Responsabilité enfin de tous les Français qu'il faut informer afin qu'ils puissent se comporter en citoyens responsables et non pas simplement en consommateurs d'une solidarité considérée uniquement comme un droit permanent et définitivement acquis.

Pour notre part, nous restons convaincus que ces principes de responsabilité sont toujours d'actualité et conditionnent la réussite durable de la réforme engagée, il y a maintenant trois ans.

Lors de la précédente discussion de la loi de financement de la sécurité sociale, vous avez informé la représentation nationale de votre volonté d'engager rapidement un certain nombre de réformes importantes qui devraient modifier structurellement les conditions d'un équilibre toujours incertain des comptes sociaux. Nous savons à présent que vos annonces mettent du temps à se concrétiser et 1998 aura été de ce point de vue une année perdue. Les Français savent aussi que les réformes engagées ne sont pas aussi indolores que vous l'affirmiez sans cesse.

Par exemple, si le basculement des cotisations maladie des salariés vers la CSG, engagé par le précédent gouvernement, a été achevé par vos soins en 1998, l'extension de la CSG à l'ensemble des revenus du travail et du capital se traduit par un prélèvement accru sur les revenus de l'épargne. Notre débat coïncide d'ailleurs avec l'arrivée au domicile des épargnants de l'appel du Trésor public pour régler la facture de la CSG.

Ainsi, beaucoup de contribuables viennent enfin de comprendre comment se traduit très concrètement la politique que vous avez engagée depuis dix-sept mois : elle n'avance guère au niveau des réformes relatives à la protection sociale mais elle reste toujours aussi gourmande en impôts ! Si la hausse de la CSG prélevée sur les salaires devait être compensée par une baisse des cotisations maladie, le taux de CSG a, par contre, bondi de 3,4 à 7,5 % sur les revenus de l'épargne. A cela s'est ajouté, outre la CRDS pour 0,5 %, un prélèvement social supplémentaire de 2 % - 1 % au titre de la famille et 1 % au titre de la vieillesse - prélèvement qui a été étendu à l'ensemble des revenus de l'épargne.

M. Jean-Luc Préel.

C'est vrai, les retraités sont lésés !

M. Yves Bur.

Tout à fait ! Et ils s'en rendent compte actuellement ! Or vous savez bien que les revenus du patrimoine, patiemment constitués au cours d'une vie de travail, représentent un quart des revenus des retraités. Ce bond des prélèvements de 3,9 % à 10 % sur les revenus de l'épargne, s'il touche l'ensemble des épargnants, concerne aussi les millions de retraités qui ont besoin de ces revenus pour compléter leur pension.

Ainsi, quand vous affirmiez, madame la ministre, que ce choix politique permettrait d'abonder le budget de la sécurité sociale de 25 milliards de francs supplémentaires, bien peu de Français imaginaient qu'ils seraient personnellement concernés.

Aujourd'hui avec l'arrivée des feuilles d'impôts pour la CSG, ils commencent à comprendre comment la méthode Jospin si

« soft » en apparence, dans l'annonce, se traduit finalement comme d'habitude par des impôts supplémentaires.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général.

Pour ce qui est des impôts supplémentaires, on a été servi de votre temps !

M. Yves Bur.

En ce qui concerne d'autres réformes annoncées l'an dernier, nous constatons que leur mise en oeuvre est moins rapide que lorsqu'il s'agit de prélever de nouveaux impôts.

A insi, la réforme de l'assiette des cotisations employeurs reste posée malgré l'annonce, faite l'an dernier, que sa première étape serait intégrée dans la présente loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit là, à n'en pas douter, d'une réforme structurelle importante dont il faut mesurer l'impact sur le financement de la sécurité sociale mais aussi sur l'emploi qui doit rester la priorité nationale. Nous regrettons pour notre part, que la politique que vous mettez en oeuvre privilégie toujours, et à sens unique, l'emploi public au détriment de l'emploi dans le secteur privé qui doit se contenter des seuls effets favorables de la croissance. Pourtant, il est établi que si la croissance est une condition nécessaire, elle est hélas insuffisante pour diminuer de façon importante l e chômage ; les statistiques des derniers mois en témoignent. Or, vous le savez bien, cette croissance reste fragile et incertaine, compte tenu de l'environnement international et de la récession qui touche de nombreux pays frappés par la crise financière.

Vous n'avez pas profité de la reprise de la croissance pour engager les réformes structurelles qui permettraient de réunir des conditions plus favorables à l'emploi, particulièrement en matière de charges sociales. Il est pourtant établi qu'une réduction des charges sociales pesant sur l'emploi représente à long terme un réel soutien à l'embauche de salariés. L'opposition vous a souvent demandé de poursuivre la baisse des charges patronales que le précédent gouvernement avait fortement diminué pour les salaires jusqu'à 1,33 fois le SMIC. Or, vous avez fait le contraire, en réduisant cet avantage favorable à l'emploi notamment le moins qualifié. Pourtant, dans son rapport, M. Malinvaud a indiqué, lui aussi, que seule une baisse du coût du travail pour les salariés non qualifiés peremettrait de faire reculer de manière significative le chômage dans cette catégorie. Pour le moment, les signaux que votre gouvernement adresse aux responsables d'entreprises sont hésitants, voire incohérents.

J'en veux pour preuve, dans ce projet de loi de financement, les termes de l'article 4. S'il permet de proroger pour trois ans l'exonération des cotisations patronales


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

pour l'embauche d'un premier salarié, il plafonne l'exonération à la fraction de la rémunération égale au SMIC.

Pourtant, ce dispositif était positif puisqu'il a contribué depuis 1989 à la création de 70 000 embauches par an.

Cette proposition n'encourage pas la création d'entreprises dont nous savons qu'elle est largement déficitaire dans notre pays faute d'avoir su mettre en place un contexte favorable à la création. Votre proposition n'encourage pas davantage l'embauche, notamment pour des emplois peu qualifiés. Il est vrai que cela ne concerne que le secteur privé qui a pourtant besoin du dynamisme apporté par les nouvelles entreprises.

Le message que vous émettez ainsi ne peut que susciter le doute sur votre volonté de favoriser vraiment l'emploi autrement que par les effets incertains et limités de la réduction du temps de travail.

De même, vous avez annoncé l'an dernier votre volonté de consolider les régimes par répartition qui doivent se préparer au choc démographique à partir de l'an 2005, c'est-à-dire à partir de demain. Or l'année 1998 a été marquée par la grande prudence du Gouvernement.

Celle-ci peut être compréhensible quand on mesure l'ampleur des problèmes à traiter et la résistance de nos concitoyens au changement, comme le montre un récent sondage réalisé par le CECOP selon lequel, face aux difficultés du système de retraites actuel, l'immobilisme recueille 34 % d'opinions favorables.

Outre les inquiétudes relatives à l'avenir du système des retraites par répartition face à la montée en puissance des inactifs, nous devons répondre à de multiples interrogations, et notamment celle de la place qu'il conviendra de donner à la capitalisation comme complément financier du système actuel. A ce sujet, nous constatons avec intérêt une notable évolution des points de vue au sein du parti dominant de la majorité plurielle,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Et ça avance ! M. Yves Bur ... car vous semblez enfin convaincus que nous n'échapperons pas à une orientation nouvelle sur cette question.

Ainsi le commissaire au Plan, M. Charpin, chargé d'une opération de dignostic, déclarait récemment que

« la capitalisation pourrait fournir un complément efficace soit pour éviter de ponctionner de façon excessive les futurs actifs, soit pour lisser dans le temps l'évolution des revenus. »

La solution aux difficultés prévisibles ne résidera ni dans la simple pérennisation des retraites par répartition ni dans l'introduction de la capitalisation. Il faudra aussi avoir le courage d'aborder la question des taux de cotisations, de la durée d'activité et donc de l'âge de la retraite, sans oublier celle du montant des pensions.

Je vous accorde que ces problèmes sont complexes, et cela d'autant plus que les cotisations salariales et patronales représentent déjà un quart des rémunérations brutes et qu'il sera difficile de faire accepter aux Français et aux entreprises une sur-cotisation.

De même, le niveau des pensions servies qui n'a cessé de baisser ne pourra pas descendre au-dessous d'un certain niveau sans conséquences pour le tissu social.

Enfin, les réformes que vous avez promis d'engager doivent également concerner l'avenir des régimes spéciaux, dans un souci de transparence et d'équité par rapport aux salariés du secteur privé.

Nous ne pouvons que déplorer la prudence, voire la timidité avec laquelle le Gouvernement appréhende ces questions majeures qui, pourtant, conditionnent l'avenir de notre économie et de nos concitoyens actifs et retraités.

Oui, il faudra bien du courage, le courage qui fut nécessaire pour proposer aux salariés du secteur privé l'allongement de la durée d'activité d'un trimestre par an jusqu'en 2003.

A défaut d'engager cette réforme incontournable dont les données, s'agissant d'un phénomène démographique, sont établies et leur évolution tout à fait prévisible, nos régimes de retraite connaîtraient des situations explosives dont le Gouvernement porterait l'entière responsabilité.

M. Jean-Luc Préel.

Une lourde responsabilité !

M. Yves Bur.

Les nombreux rapports accumulés depuis des années devraient suffire au Gouvernement pour mettre en oeuvre les bonnes solutions.

Si les questions liées à la retraite vont se retrouver au centre des débats dans les prochaines années, les questions traitant de la santé des Français n'ont pas quitté le devant de la scène ces dernières années.

La loi de financement de la sécurité sociale prévoyait pour 1998 un objectif national de dépenses d'assurance maladie de 613 milliards de francs en évolution de 2,29 %. Nous savons aujourd'hui ce qu'il est advenu de cet objectif qui, certes, a été respecté pour l'hôpital public, mais a été très largement dépassé pour les dépenses liées à la médecine de ville. Cette dérive, qui pourrait atteindre 8 milliards de francs, vous a conduit au début de l'été à prendre une série de mesures de rétorsions et de sanctions financières pour en limiter les conséquences sur l'ampleur du déficit.

M. Jean-Luc Préel.

Des mesures coercitives !

M. Yves Bur.

La responsabilité de cette situation, préjudiciable au respect des objectifs de dépenses votés par le P arlement pour 1998, incombe pour l'essentiel au Gouvernement.

Non seulement, madame la ministre, vous avez fait preuve d'une inaction regrettable s'agissant d'un domaine aussi essentiel que la santé des Français...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah non ! Là, monsieur Bur, vous êtes moins aimable !

M. Yves Bur.

... mais vous n'avez eu de cesse de critiquer le plan mis en oeuvre par Alain Juppé et Jacques Barrot dans un contexte difficile.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Yves Bur.

Ils ont mis en place l'architecture d'un dispositif favorisant le retour durable à l'équilibre de la b ranche assurance-maladie sans pour autant porter atteinte à la qualité des soins à laquelle ont droit tous nos concitoyens.

Malgré vos critiques, vous n'avez d'ailleurs pas remis en cause cette restructuration dont la philosophie a d'ailleurs été approuvée par l'un des rapporteurs, M. Claude Evin. Cependant, à force de ne rien décider, le système s'est à nouveau emballé comme à chaque fois que la volonté politique faiblit. Ce fut le cas en 1995 - on l'a rappelé cet après-midi - à l'occasion de la campagne présidentielle après une année de sagesse en 1994.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est honnête de le reconnaître !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Yves Bur.

En 1996 et 1997, les objectifs de dépenses ont été quasiment respectés car la volonté du précédent gouvernement était clairement affichée. Pour cette année, le laxisme dont vous avez fait preuve tout au long du premier semestre porte une grande part de la responsabilité de la dérive actuelle.

M. Jean-Luc Préel.

Très juste !

M. Yves Bur.

Ainsi, déjà l'an dernier, vous affirmiez lors de ce même débat que vous ne considériez pas

« notre système de santé comme une machine à dépenser qu'il faudrait brider de manière autoritaire et centralisée. »

Et vous ajoutiez, madame la ministre, « nous ne le régulerons pas en l'étouffant sous l'effet de certains objectifs ou du fait du montant de certaines enveloppes. »

Vous proposiez comme méthode la concertation avec les professionnels de santé mais...

M. Bernard Accoyer.

Parlons-en !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais vous êtes pour !

M. Yves Bur.

En effet ! ... mais ils ont compris, eux aussi, qu'il s'agissait de déclarations en trompe-l'oeil et qu'en fait de concertation ce fut plutôt un dialogue musclé et autoritaire.

Malgré les nombreuses mises en garde exprimées ici même par de nombreux parlementaires, vous n'avez réagi que tardivement et brutalement en sanctionnant de nombreuses professions, ce qui a porté un rude coup à la confiance qui doit présider aux relations conventionnelles entre les professions de santé et la caisse nationale d'assurance-maladie.

Les partenaires sociaux en charge de l'assurancemaladie ont eux aussi dû constater que leur autonomie était plus que limitée. La responsabilité des partenaires sociaux préconisée par les ordonnances reste malheureusement un voeu pieux tant l'interventionnisme gouvernemental a rétréci singulièrement la marge de manoeuvre pourtant indispensable aux relations conventionnelles.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

En avons-nous trop fait ou pas assez ?

M. Yves Bur.

Ainsi, les accords négociés entre la CNAM et la profession dentaire pour maîtriser les dépassements tarifaires sur les actes prothétiques afin d'en faciliter l'accès au plus grand nombre, en contrepartie d'une revalorisation des soins dentaires conservateurs dont tous reconnaissaient pourtant la nécessité...

M. Jean-Luc Préel.

Et en se préoccupant de prévention !

M. Yves Bur.

... ont été mis à mal par les mesures de blocage que vous avez imposées, dans l'urgence, cet été, face à la dérive des dépenses médicales. Les responsables de l'assurance-maladie viennent d'ailleurs de vous demander de reconsidérer votre position tant elle est incompréhensible. Aussi ne vous étonnez pas, madame la ministre, qu'après avoir ironisé sur la mauvaise qualité des relations du précédent gouvernement avec les professions de santé, vous vous retrouviez dix-sept mois plus tard dans une situation de crise, de nombreuses organisations profes-s ionnelles ayant perdu confiance dans le dispositif conventionnel.

C'est donc dans un contexte incertain que s'engage aujourd'hui la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et nous avons été impatients de découvrir quelles impulsions décisives ce projet allait donner à l'ensemble de la protection sociale.

M. Jean-Jacques Weber.

Il n'y en a pas !

M. Yves Bur.

Or, comme l'an dernier, les effets d'annonce contenus dans le rapport annexé au projet de loi ont du mal à cacher la pauvreté des propositions du projet qui deviendra de ce fait une loi de financement a minima. En outre, on peut douter de la sincérité de l'équilibre proposé face à l'incertitude du niveau de la croissance pour 1999, incertitude régulièrement soulignée par tous les instituts économiques dont le Gouvernement n'entend pas tenir compte, mais j'y reviendrai plus tard.

Examinons à présent les quelques mesures de votre projet de loi.

Face au défi du vieillissement de la population française, vous vous contentez d'une mesure symbolique concernant l'avenir des retraites par répartition : la création d'un fonds de réserve.

M. Jean-Claude Boulard.

Très important !

M. Yves Bur.

Pour répondre aux problèmes posés par l'arrivée massive à l'âge de la retraite des générations issues du baby-boom dont le nombre est parfaitement connu depuis longtemps, les deux milliards versés dans ce nouveau fonds de réserve paraissent bien dérisoires par rapport aux 300 milliards de francs nécessaires à partir de 2005 pour répondre au besoin de financement des régimes de retraite.

M. Jean-Claude Boulard et M. Pascal Terrasse.

C'est un début !

M. René Mangin.

C'est mieux que rien !

M. Yves Bur.

Est-il raisonnable de proposer dès maintenant la création de ce fonds de réserve au sein du fonds social vieillesse, alors que personne, y compris au sein de votre propre majorité, n'a la moindre idée de la façon dont il sera alimenté dans le futur ni de la manière dont il sera géré.

N'aurait-il pas été plus judicieux d'attendre le compte rendu des ultimes travaux demandés au commissariat au Plan, dont vous ne cessez de dire qu'ils seront déterminants pour la mise au point de votre démarche ? N'aurait-il pas été plus judicieux aussi d'inclure l'éventuelle création de ce fonds dans un plan plus global qui appréhende toutes les difficultés à résoudre ? Nous craignons que ces approches ne soient qu'un écran de fumée et que la création de ce fonds de réserve ne soit en fait que l'amorce d'un choix stratégique que les conclusions du rapport du commissaire au Plan n'influenceront plus.

Nous craignons en outre que votre décision d'alimenter ce fonds par un prélèvement de 2 milliards sur la CSSS ne soit que le préalable à des surcotisations auxquelles seraient soumis les salariés comme les entreprises.

Si la situation est bien claire pour les régimes de retraite des salariés du secteur privé, il n'en va pas de même pour les régimes spéciaux de la fonction publique.

Votre projet de loi évite soigneusement de faire preuve de la transparence indispensable pour apporter un diagnostic clair auquel vous n'échapperez pourtant pas.

Face à ces défis majeurs, ce projet de loi de financement n'apporte pas de réponses. Les Français devront encore attendre pour être fixés clairement sur les efforts qu'ils auront à accomplir de manière individuelle et collective pour se garantir une retraite décente.

Or 2005, c'est déjà demain et rien ne serait plus dangereux que de laisser croire aux Français que nous avons encore du temps.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Yves Bur.

Si les réformes à engager pour relever le défi du vieillissement de la population sont à présent une urgence, la mise en oeuvre d'une politique familiale rénovée reste pour nous une priorité. En effet, comme nous avons eu l'occasion de le répéter maintes fois, la famille reste pour nous au coeur du projet de société et doit constituer le lieu où l'enfant peut s'épanouir. C'est au sein de la famille que la solidarité doit pouvoir s'exercer de manière positive afin de mettre en place un environnement propice au développement de l'enfant.

Face à l'évolution très profonde de notre société et aux difficultés qui en résultent et qui suscitent de grandes inquiétudes, les Français attendent du Gouvernement la mise en oeuvre d'une politique familiale rénovée. Or votre politique familiale se caractérise par une valse hésitation.

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la famille.

Ah non !

M. Yves Bur.

Ainsi, l'an dernier, vous avez pénalisé de nombreuses familles, en soumettant l'octroi des allocations familiales à condition de ressources. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Les familles les plus riches !

M. Yves Bur.

En dépit des nombreuses interventions des associations familiales, cette décision a touché plus de 8 % des familles en dérogeant au principe fondateur de la politique familiale dans notre pays, comme vous le rappelait mon collègue Bruno Bourg-Broc l'an dernier :

« C'est l'enfant qui est le fait générateur des allocations familiales, et ce n'est en aucune façon le revenu des parents. »

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Yves Bur.

Notre opposition à cette décision, si elle a été stigmatisée par vous, n'aura pas été vaine et vous a conduite, à l'issue de la conférence sur la famille, à en revenir au principe fondateur de l'universalité du versement des allocations familiales.

M. Maurice Leroy.

Et à reculer !

M. Yves Bur.

Votre revirement, un an après, révèle une absence de stratégie et de projet dans la politique familiale, qui aurait cédé le pas à la primauté de la politique de redistribution.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

C'est faux !

M. Yves Bur.

Cette absence d'ambition au service de la famille se retrouve dans l'inégalité de traitement infligée aux allocations familiales, qui évolueront de 0,7 % l'année prochaine, alors que les avantages vieillesse et d'invalidité servis par le régime général seront réévalués de 1,2 %.

M. Bernard Accoyer.

C'est un choix !

M. Yves Bur.

Une équité de traitement aurait été tout aussi appréciée, je crois, par l'ensemble des familles.

M. Jean-Jacques Weber.

C'était la moindre des choses !

M. Yves Bur.

De même, vous ne proposez aucune avancée significative pour les modes de garde des enfants, après avoir réformé l'allocation de garde d'enfant à domicile. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. René Mangin.

Qui a construit des crèches ?

M. Yves Bur.

Les Français auront compris que vous préférez vous mobiliser pour le PACS...

M. Maurice Leroy.

Oh, ça dépend des jours, ils ne sont pas toujours mobilisés !

M. Yves Bur.

... plutôt que pour une politique familiale ambitieuse (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Cela n'a rien à voir !

M. Yves Bur.

... qui conforterait le rôle des familles et améliorerait les conditions d'accueil et d'éducation des enfants, dont notre pays a besoin pour son équilibre et pour son dynamisme.

M. Bernard Accoyer.

Pour le PACS, il y a de l'argent !

M. Yves Bur.

La partie principale du projet de loi de financement concerne l'assurance maladie, dont l'évolution reste incertaine, tant il paraît assuré que les objectifs de dépenses pour la médecine de ville prévus pour 1998 seront dépassés.

Cette année a été largement marquée par les difficultés pour respecter les niveaux de dépenses définis par l'ONDAM et par la brutalité de vos interventions, au mépris de l'autonomie de la CNAM. Les Français ont eu le sentiment d'assister au énième remake de « la sécu en crise ».

Dix-sept mois après votre arrivée au pouvoir, il est intéressant de dresser un premier bilan des actions engagées pour assurer structurellement un équilibre financier toujours lié aux aléas de la conjoncture et à la maîtrise des dépenses, insuffisamment performantes, comme nous avons pu le constater.

Dans son rapport, la Cour des comptes relève que

« plusieurs des projets essentiels pour que l'assurance maladie dispose d'outils de connaissance, de gestion et d'échanges d'information qui seront à la hauteur de ses enjeux sont ainsi connu depuis de longue années et continuent de connaître des retards importants et parfois considérables ». Il ne faut donc pas s'étonner de l'évolution excessive des dépenses de santé, les outils de régulation étant insuffisamment aboutis pour permettre la mise en oeuvre d'une véritable maîtrise médicalisée.

Ainsi, les références médicales opposables, les RMO, ne connaissent pas le développement qui en était attendu. Le temps d'élaboration est toujours long et la diffusion insuffisante.

La nomenclature des actes professionnels n'a jamais fait l'objet d'une refonte générale, alors qu'elle doit servir de support au codage et à la tarification des actes. Il n'y aura pas de système performant d'information sur les pratiques médicales et de véritable connaissance sur le fonctionnement de l'économie de santé sans progrès rapide du codage des actes.

L'informatisation des relations entre les caisses et les professions de santé et la diffusion de la carte SésameVital sont loin d'atteindre les objectifs espérés. De ce fait, c'est un outil de base pouvant contribuer à une meilleure connaissance de l'activité qui manque pour faciliter une maîtrise médicalisée.

Je pourrais poursuivre pour aborder d'autres domaines non moins importants, tels que la formation médicale continue, au fonctionnement incertain, ou la réforme des études médicales, qui ne fait l'objet d'aucune proposition.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

La mise en oeuvre de ces outils au service de la maîtrise médicalisée est pourtant la condition indispensable pour offrir à chaque Français des soins de qualité et à juste prix. Elle exige un partenariat étroit et intense entre l'Etat, l'assurance maladie et les professionnels de santé.

Or nous constatons que l'attitude du Gouvernement, qui privilégie une gestion au coup par coup de ces problèmes, a entraîné une détérioration des relations de l'Etat avec ses interlocuteurs.

Les partenaires sociaux en charge de la gestion de l'assurance maladie ont subi les diktats du Gouvernement. Tantôt celui-ci leur a refusé les moyens réglementaires pour conforter l'autorité de la CNAM, tantôt il a outrepassé son rôle pour imposer des sanctions qui ont miné la confiance des acteurs de la santé dans la démarche conventionnelle.

La mise au point dans votre projet de loi d'un mécanisme de sanctions ne sera pas un facteur d'apaisement dans la crise qui vous oppose à un certain nombre de professions de santé. Le dispositif de sauvegarde constitue un véritable tour de vis en instaurant un mécanisme de reversement à double détente. Il frappera autant les professionnels de santé que les industries pharmaceutiques.

En cas de dérapage en cours d'année, le Gouvernement pourra décider unilatéralement une baisse des tarifs des actes médicaux, à l'instar de ce qui a été décidé au mois de juillet dernier pour les radiologues. Si, en dépit de cette régulation infra-annuelle, l'objectif annuel était malgré tout dépassé de 10 %, une contribution exceptionnelle, proportionnelle aux revenus de chaque praticien, serait exigée sous forme d'un reversement. Compte tenu de la dérive prévisible des dépenses de 1998, et du niveau d'évolution des dépenses pour 1999 fixé par rapport aux prévisions pour cette année, il est clair, et les professionnels de santé le savent, que ce dispositif de sanction sera mis en oeuvre dès l'année prochaine.

M. Bernard Accoyer.

Et pour 1998 ?

M. Yves Bur.

Il constitue, pour l'ensemble des professionnels de santé, une véritable provocation qui ne favorisera pas l'engagement conventionnel, même si un début d'accord vient d'être annoncé avec un seul syndicat,...

M. Pascal Terrasse.

Et pas des moindres !

M. Yves Bur.

... représentant uniquement les médecins généralistes.

Nous voyons ainsi quelles sont les conséquences de votre laxisme initial. N'aurait-il pas été préférable de faire davantage confiance à la Caisse nationale d'assurance maladie et aux partenaires conventionnels pour arrêter les conditions d'une vraie maîtrise des dépenses de santé ? Comme le souligne la Cour des comptes, il est grand temps de clarifier le partage des responsabilités entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale et de veiller à une meilleure articulation entre les objectifs de santé publique et la maîtrise des dépenses. C'est dans la clarté fondée sur une définition précise des responsabilités que p euvent se construire des relations conventionnelles durables ayant pour objectif d'assurer des soins de qualité dans le respect des dépenses définies par l'ONDAM.

C'est sur la base de cette indispensable confiance, complétée par une plus grande efficacité de la mise en oeuvre d'outils de maîtrise performants et fiables, que les acteurs de la santé pourront faire la preuve de leur volonté et de leur capacité d'assumer la responsabilité que la réforme Juppé a placée au coeur du dispositif. Ils y seront d'autant plus prêts s'ils ont le sentiment que l'effort demandé ne sera pas à sens unique et concernera autant le secteur de l'hospitalisation publique que la médecine de ville.

Avant d'aborder les raisons qui nous amènent à défendre cette motion d'irrecevabilité (« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste) je ne voudrais pas manquer, madame la ministre, d'attirer votre attention sur les conséquences de l'application de la loi sur la réduction du temps de travail à 35 heures dans les établissements sanitaires et médico-sociaux privés.

M. Jean-Jacques Weber et M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Yves Bur.

La réduction du temps de travail peut être compensée par les aides dégressives de l'Etat mais aussi par des gains de productivité. Or comment peut-on imaginer dégager encore des gains supplémentaires dans un secteur dont l'activité est centrée sur le malade, la personne âgée ou handicapée ? Pour les cliniques ou les maisons de retraite, cette loi ne crée que des dépenses et ne prévoit pas de recettes correspondantes. De plus, elle concerne l'ensemble des catégories de personnel. Elles ne sont pas interchangeables et certaines souffrent d'une véritable pénurie, les anesthésistes, pour parler des plus connus, mais ils ne sont pas les seuls. Les personnels de ces établissements comprennent mal les contraintes nouvelles résultant de l'application de cette loi, d'autant plus qu'elle ne s'applique qu'au seul secteur privé et nécessitera obligatoirement un gel, voire une diminution des salaires, et mettra en cause la parité des conditions d'emploi et de rémunération avec le secteur public.

M. Pascal Terrasse.

Ils augmentent de 3,75 % cette année !

M. Yves Bur.

Les simulations financières déjà réalisées montrent que, dans l'hypothèse d'embauche à hauteur de 6 % et sans baisse des salaires, il manquera dès la cinquième année d'application 3,28 % de la masse salariale, en tenant compte des aides de l'Etat. Cette situation suscite une profonde inquiétude du personnel, qui craint de faire les frais une fois de plus des contraintes imposées à leurs établissements. L'ensemble des 160 000 salariés de ce secteur, madame la ministre, attendent des assurances quant aux moyens supplémentaires que le Gouvernement entend mettre à leur disposition pour passer ce cap difficile.

A près avoir évoqué devant vous les principales remarques et critiques relatives à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et notamment celles relatives aux incohérences et au manque de propositions du Gouvernement face aux dossiers aussi importants que la réforme de l'assurance maladie, la politique familiale, l'avenir de nos retraites ou la politique conventionnelle...

M. Gérard Terrier.

Ce n'est pas convaincant !

M. Yves Bur.

... je souhaiterais à présent vous faire part des motifs qui justifient cette exception d'irrecevabilité.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il était temps !

M. Jean-Pierre Blazy.

Enfin, il entre dans le sujet !

M. Yves Bur.

Tout d'abord, nous pouvons nous interroger sur la sincérité et la véracité des comptes de la sécurité sociale que vous nous présentez aujourd'hui.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Nous y voilà !

M. Bernard Accoyer.

Eh oui, c'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Gérard Terrier.

Pourquoi vous gênent-ils, ces comptes ?

M. Yves Bur.

Vous prévoyez pour 1999 un excédent de 352 millions de francs du régime général : si l'on en croit les dérapages que nous avons connus cette année, il me semble peu probable que cette évaluation soit respectée, d'autant plus que vos hypothèses fixent une augmentation de 2,7 % des recettes et de 1,6 % des dépenses du régime général.

M. Gérard Terrier.

Vous l'avez déjà dit l'année dernière !

M. Maurice Leroy.

Et il le redira l'année prochaine !

M. Yves Bur.

Nous nous répétons parce que rien ne change ! Les prévisions de recettes que vous nous présentez, madame la ministre, sont fondées sur un taux de croissance bien trop optimiste comme ce fut le cas pour la loi de finances pour 1999. La plupart des instituts de prospective économique ne croient plus à une progression du taux de croissance de 2,8 % du produit intérieur brut.

Dans leurs derniers travaux, ils pronostiquent plutôt un taux moyen proche de 2,4 %,...

M. Jean-Jacques Weber.

2,3 %.

M. Yves Bur.

... ce qui ne restera pas sans conséquences sur les recettes de la sécurité sociale même si vous évaluez à 4 % la progression de la masse salariale.

Vos évaluations me paraissent donc aujourd'hui bien optimistes au vu de la conjoncture économique à venir.

En outre, la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales, notamment dans le cadre de l'application de la loi sur les 35 heures, n'est jusqu'à présent que partielle et le manque à gagner pour la sécurité sociale, déjà évalué par la Cour des comptes à près de 17 milliards pour 1997, ne saurait que s'aggraver.

Pour compenser le coût de la mise en oeuvre de votre loi sur la réduction du temps de travail, vous n'assurez qu'un remboursement partiel à hauteur de 60 % environ.

Une fois de plus, la sécurité sociale aura à financer une mesure qui devrait être totalement prise en charge par le budget de l'Etat.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Yves Bur.

Pourquoi l'Etat ne respecte-t-il pas les dispositions de l'article L.

131-7 du code de la sécurité sociale ? Il en est de même pour l'appréciation de la dépense.

L'évolution de l'ONDAM est prévue à un taux de 2,6 % sur la base d'une prévision votée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. En tenant compte de la dérive des dépenses que vous avez laissé s'installer au cours du premier semestre et dont il n'est pas certain qu'elle se soit stabilisée, l'évolution des dépenses, notamment pour la médecine de ville et les cliniques privées, sera beaucoup plus limitée, voire négative. C'est ce qui nous conduit à penser que ces objectifs sont quasiment inaccessibles.

Votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 n'est donc pas fondé sur des évaluations sincères et crédibles, et ces remarques constituent à elles seules un premier motif d'irrecevabilité.

En deuxième lieu, nous soutenons que votre projet de loi est irrecevable pour cause de rupture d'égalité, notamment à l'article 22. En effet, vous souhaitez mettre en place des sanctions individuelles, mais déclenchées collectivement, à l'encontre des professionnels de santé. En cas de dérapage des dépenses en cours d'année, le Gouvernement pourrait décider unilatéralement une baisse des tarifs des actes médicaux. A défaut d'une régulation des dépenses qui seraient dépassées de plus de 10 %, une contribution exceptionnelle proportionnelle au revenu de chaque praticien serait exigée sous la forme d'un reversement. Madame la ministre, ces sanctions sont totalement contraires au principe de l'individualisation des peines établi par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,...

M. Jean-Jacques Weber.

C'est inacceptable !

M. Yves Bur.

... selon lequel : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

De surcroît, l'article 22 du projet de loi méconnaît l'article XIV de la même Déclaration qui précise : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

M. Jean-Jacques Weber.

L'article 22 est donc inconstitutionnel !

M. Yves Bur.

Les professionnels de santé sont déjà appelés à participer à la maîtrise des dépenses de santé en assurant notamment le développement du « juste soin ».

Il semble que vous ayez confondu les notions de contribution et de sanction.

Le reversement collectif n'est pas acceptable pour des raisons pratiques mais aussi éthiques, car il frapperait aussi bien les médecins vertueux que ceux qui l'auraient été un peu moins. Ces propositions risquent d'entraîner une réaction contraire aux attentes escomptées. Il serait préférable de mettre en oeuvre des sanctions en fonction des mauvaises pratiques médicales.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Comment ?

M. Yves Bur.

Enfin, le projet de loi constitutionnelle instituant la loi d'équilibre de la sécurité sociale, que nous avons adopté en 1996, visait notamment à aménager l'équilibre des pouvoirs et à clarifier les responsabilités incombant au Gouvernement et au Parlement en matière de sécurité sociale.

Le Parlement doit se prononcer dorénavant sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, mais aussi sur ses objectifs généraux. Ce n'est pas une simple chambre d'enregistrement des décisions qui seraient prises par le Gouvernement.

Mon collègue Bruno Bourg-Broc avait déjà rappelé, l'an dernier, les impératifs de l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale : « Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, y compris les rapports et les annexes (...), est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, au plus tard le 15 octobre, ou, si cette date est un jour férié, le premier jour ouvrable qui suit. » Le res-

pect de ces dispositions, madame la ministre, est indispensable pour assurer le droit à l'information du Parlement et le respect de la démocratie.

Il en est de même pour tous les rapports qui doivent être portés à la connaissance du Parlement, notamment celui, très important et très apprécié, de la Cour des comptes dont la presse a eu connaissance avant les représentants de la nation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

En outre, l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 prévoit que : « Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées, avant le 1er août 1998, un rapport analysant les conséquences sur le financement de la sécurité sociale et sur la situation des entreprises d'une modification de l'assiette des cotisations sociales à la charge des employeurs, notamment appuyée sur la valeur ajoutée. Ce rapport décrira également les incidences d'une telle réforme sur l'emploi. » La représen-

tation nationale n'a pas eu connaissance de ce document et, une fois de plus, le Gouvernement a négligé le droit à l'information du Parlement. A l'avenir, il serait souhaitable que ce droit soit respecté et que les rapports nous soient remis dans des délais bien inférieurs aux délais limites prévus par la loi.

M. Bernard Accoyer.

Les députés ont eu deux mille pages à lire depuis hier !

M. Yves Bur.

Ce sont des surdoués ! Mes chers collègues, j'ai défendu cette exception d'irrecevabilité...

M. Jérôme Cahuzac.

Sans conviction !

M. Yves Bur.

... parce que nous estimons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 contraire à la Constitution. Je vous demande donc de bien vouloir la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je ne vais pas m'attarder sur l'argumentation utilisée par M. Bur pour justifier l'exception d'irrecevabilité.

M. Charles de Courson.

Quel mépris !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

D'autant plus que lui-même avait parfaitement conscience que ses arguments étaient faibles : ni le problème de la sincérité des comptes ni l'éventualité d'un débat sur la prévision des instituts ne pourraient justifier l'adoption d'une exception d'irrecevabilité et donc le renvoi du projet de loi.

M. Bernard Accoyer.

L'insincérité des comptes est un bon argument.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais je n'en ferai pas reproche à M. Bur, car, d'une part, nous avons tous utilisé les motions de procédure pour bénéficier d'un temps de parole supplémentaire et, d'autre part, c'est le rôle de l'opposition que de présenter des critiques.

M. Maurice Leroy.

Contre le plan Juppé, par exemple !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ne faisons pas semblant de croire que les arguments de M. Bur étaient sérieux (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République) : il s'agissait simplement pour lui d'utiliser son temps de parole pour critiquer le texte que nous présentons.

M. Jean Delobel.

Il a pris son temps.

M. Jean Le Garrec.

Pourtant, monsieur Bur, je vais vous accorder un satisfecit pour avoir posé, avec le ton plaisant qui est le vôtre, le problème de l'application des 35 heures au secteur médico-social.

M. Charles de Courson.

Et pas que dans celui-là !

M. Maurice Leroy.

C'est un vrai problème.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un sujet sur lequel une concertation est engagée avec le Gouvernement et c'est un débat que nous suivrons attentivement.

M. Charles de Courson.

Il ne faut pas suivre, mais précéder !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous n'avez pas tort quand vous posez le problème des retards pris en ce qui concerne les références médicales opposables, ou la codification, ou encore l'informatisation. Si la commission des affaires sociales a mis en place un groupe de travail, auquel plusieurs d'entre vous participent, pour analyser les problèmes de l'informatisation, c'est bien que nous souhaitons être parties prenantes à l'effort du Gouvernement pour que ces dossiers fondamentaux, qui participent de la clarté dont j'ai parlé, c'està-dire de la nécessaire transparence, qui est au centre de l'analyse de la Cour des comptes. Il faut absolument avancer là-dessus. Mais vous savez bien que les blocages ne relèvent ni de la volonté du Gouvernement ni de celle du Parlement.

Je vais en prendre un exemple, celui de la formation continue. Le dispositif issu des ordonnances du Premier ministre Juppé n'a jamais pu être mis en oeuvre ni par nos prédécesseurs ni par nous-mêmes. Les syndicats médicaux n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur la gestion financière de cette formation médicale continue obligatoire, et la loi ne prévoit ni disposition transitoire ni pouvoir réglementaire de substitution en la matière. Voilà la situation. Par ailleurs, ce dispositif souffre de nombreuses insuffisances dont certaines ont été récemment sanctionnées par le Conseil d'Etat. Les médecins salariés ont été oubliés. L'obligation pèse sur les hôpitaux publics et privés sans qu'elle se soit organisée. Je pourrais citer tous les considérants qui ont conduit le Conseil d'Etat à censurer lesdites dispositions. Il faut donc modifier la loi.

C'est pourquoi nous suivons de près la négociation entreprise par le Gouvernement avec les professionnels de la santé, avec les syndicats. La modification de la loi trouvera place dans un prochain texte portant diverses mesures d'ordre social.

Vous ne pouvez donc pas, monsieur Bur, reprocher à ce gouvernement de ne pas avoir mis en place un dispositif essentiel. Nous avons pris acte de la sanction du Conseil d'Etat sur les ordonnances de M. Juppé. Nous relançons la machine afin d'aboutir à l'essentiel pour l'avenir, tant sur les références médicales opposables que sur le codage ou encore l'informatisation. De ce point de vue, nous sommes d'accord. Ne nous faites pas, monsieur Bur, le mauvais procès que vous auriez pu faire à d'autres.

J'en viens à trois autres points que vous avez abordés et aux remarques qu'ils m'inspirent. Tout d'abord, à propos de la famille, monsieur Bur, aucun d'entre nous n'est propriétaire des valeurs de la famille.

M. Charles de Courson.

M. Bur n'a jamais dit cela !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Les valeurs de la famille, nous les défendons comme vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours.

M. de Courson n'en est que le locataire.

(Sourires.)

M. Jean Le Garrec.

Et je dois dire, monsieur Bur, que le succès de la conférence de la famille de juin a montré...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Jérôme Cahuzac.

Voilà qui les gêne !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... que c'était là un cadre de négociation entre le Gouvernement et les organisations familiales qui permettrait des avancées très positives, comme le démontre très bien la décision prise par le Gouvernement en ce qui concerne l'allocation de rentrée scolaire qui a été abondée comme jamais auparavant.

Mme Gillot a posé très clairement les problèmes dont nous devrons débattre : ils seront débattus avec les associations familiales pour préparer la prochaine conférence qui marquera, une fois encore, j'en suis persuadé, une avancée considérable dans la voie de la défense de cette valeur fondamentale qu'est la famille.

Ensuite, à propos des retraites, vous reconnaissez vousmême, monsieur Bur, qu'un débat important est engagé.

Le commissaire au Plan rendra son rapport au début de 1999. Puis un débat s'engagera, y compris avec le Gouvernement. La création d'un fonds de réserve n'est pas un acte symbolique,...

M. Charles de Courson.

Oh que si !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... elle traduit la volonté du Gouvernement de prendre en compte, dans les années à venir, l'évolution du rapport des actifs aux non-actifs, même si l'abondement de ce fonds de réserve à hauteur de 2 milliards a plus une valeur de symbole que valeur de réponse au problème posé.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est même pas deux mois de CADES !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Quant à la maîtrise des dépenses, enfin, nous mettons en place ce que les ordonnances du Premier ministre Juppé n'avaient pu faire, des mécanismes de serre-file qui ne s'appliqueront que si la responsabilité des acteurs de santé,...

M. Bernard Accoyer.

Lesquels ?

M. Jean Le Garrec.

... des acteurs de la politiques des médicaments n'est pas à la hauteur des enjeux pour protéger un système auquel nous sommes tous attachés, vous ni plus ni moins que nous.

M. Jean Bardet.

Pourquoi vous l'avez critiqué, alors ? Il ne faut pas dire n'importe quoi !

M. Jean Le Garrec.

Ne parlez pas de sanctions, monsieur Bur. Car nous ne faisons que reprendre un débat qui, initié par M. Evin, avait été poursuivi par M. Teulade, dont M. Juppé avait retenu quelques leçons sans se donner les moyens d'imposer. Nous sommes bien dans le droit-fil d'une volonté que nous avons toujours indiquée : la maîtrise des moyens financiers ne va pas à l'encontre de la qualité des soins et de l'évolution des données médicales. Je ne doute pas que, dans votre for intérieur, vous ne soyez d'accord avec nous, mais il vous est difficile de l'avouer. En tout cas, nous, nous le faisons.

M. Yves Bur.

La manière est désagréable.

M. Jérôme Cahuzac.

Bien sûr, ils nous aiment, mais ils ne veulent pas le reconnaître !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ner eprochez pas au Gouvernement tantôt d'être trop laxiste,...

M. Yves Bur.

Vous nous faisiez le même reproche !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... tantôt d'en faire trop et de ne pas dialoguer. Le Gouvernement, soutenu par sa majorité, fait ce qu'il faut pour mettre en place les dispositifs qui permettront de garantir l'avenir du système de protection sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons maintenant aux explications de vote.

La parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe RPR.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, mes chers collègues, M. Bur a parfaitement défini les points forts de cette exception d'irrecevabilité.

M. Jérôme Cahuzac.

Lesquels ?

M. Jean Bardet.

Premièrement, l'équilibre du budget est obtenu artificiellement, en s'appuyant sur des objectifs de recettes que la conjoncture économique contredit.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

On ne fait pas le budget, ici, on réalise des objectifs !

M. Jean Bardet.

Des objectifs de dépenses déjà dépassés, puisqu'ils reposent non pas sur les chiffres réalisés cette année, mais sur les chiffres votés, de sorte que, d'ores et déjà, les médecins sont mathématiquement taxés.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Bien sûr ! S'ils ont dépassé les objectifs.

M. Jean Bardet.

Deuxièmement, les sanctions collectives contre les médecins sont inadmissibles car injustes et bien différentes du précédent dispositif. Encore une fois, avant même le début de l'exercice, le seuil à partir duquel ces sanctions seront appliquées est déjà atteint.

Troisièmement, les familles sont pénalisées, malgré vos dénégations, après leur avoir pris 6 milliards l'année dernière, ...

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Non : 3,9 milliards !

M. Jérôme Cahuzac.

Il ne sait pas lire !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Les 9, ils les lisent à l'envers, et inversement ! (Sourires.)

M. Jean Bardet.

... vous leur restituez 4,680 milliards seulement cette année.

Q uatrièmement, aucune mesure structurelle n'est annoncée pour financer une retraite dans les années 2010-2015 : il faudrait 300 milliards et vous proposez un fonds qui sera abondé de 2 milliards, si toutefois vous atteignez vos objectifs. Pour ces raisons et bien d'autres, le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Les 6 milliards pris aux familles, c'est faux !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Claude Boulard.

Monsieur Bur, j'ai eu le sentiment, en vous écoutant, que vous manquiez singulièrement de mémoire. C'est vrai, c'est la loi de l'alternance, on a un peu tendance à oublier ce que l'on a fait dans le cadre de l'exercice des responsabilités précédentes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Jean-Jacques Weber.

Voilà qui vous va bien !

M. Jean-Claude Boulard.

Je ne dis pas que vous avez le monopole de la perte de mémoire (« Voilà qui est mieux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , non point, mais j'ai trouvé que vous en aviez un peu abusé...

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Beaucoup même !

M. Jean-Claude Boulard.

... et que cela justifiait quelques rappels. Vous avez dit que nous avions porté atteinte au pouvoir d'achat des retraités, ce qui n'est pas exact.

M. Charles de Courson.

Pour quelle raison sont-ils dans la rue alors ?

M. Jean-Claude Boulard.

Je voudrais vous rappeler quelques chiffres. Qui a augmenté de 1,3 % la CSG sur les pensions, en 1993 ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Eux !

M. Jean-Claude Boulard.

Qui a fait, sans compensation, 1,2 % à nouveau de CSG sur les pensions en 1996 ?

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Eux ! S'ils ne l'avaient pas fait, ils n'auraient pas perdu les élections !

M. Jean-Claude Boulard.

Qui ? grand Dieu ! Qui a fait le RDS, y compris sur les retraités non imposables (« Eux ! » sur les bancs du groupe socialiste) ... à partir du minimum vieillesse. Mais oui, vous, messieurs ! 1,3, 1,2, on arrive à peu près à 3 %.

M. Bernard Accoyer.

Et les déficits ?

M. Jean-Claude Boulard.

J'y arrive.

En ce qui concerne les prélèvements sur les retraites, il me semble que vous avez fait très fort : l'année dernière, alors que nous étendions la CSG, nous supprimions dans le même temps les cotisations maladie sur les retraites.

Par ailleurs, en imposant les revenus du capital nous dégagions 1 % de pouvoir d'achat supplémentaire pour les salariés.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Eh oui !

M. Jean-Claude Boulard.

Voilà la réalité en matière de pouvoir d'achat.

M. Maurice Leroy.

Sans doute les retraités sont-ils dans la rue pour se promener ?

M. Jean-Claude Boulard.

Attendez.

M. Bernard Accoyer.

Les retraités sont dans la rue parce qu'ils ne sont pas contents !

M. Jean-Claude Boulard.

Monsieur le président, puis-je continuer ?

M. le président.

Mes chers collègues, laissez M. Boulard s'exprimer !

M. Jean-Claude Boulard.

D'autant que nos collègues semblent recouvrer la mémoire. J'en viens aux déficits puisqu'ils en ont parlé.

En 1995, quel était donc le gouvernement qui faisait 67 milliards de déficit ?

M. Michel Terrot.

C'est indigne !

M. Jean-Claude Boulard.

En 1996, quel est le gouvernement qui a laissé se creuser le déficit de la sécurité sociale à 51 milliards ? Et à 33 milliards...

M. Michel Terrot.

C'est difficile d'être de plus mauvaise foi !

M. Jean-Claude Boulard.

... pour la seule première moitié de l'année ! Que je sache, en 1998, le déficit est de 13 milliards.

Puisqu'il a été question de la sincérité des chiffres, nos concitoyens, à la seule lecture du Journal officiel, - à mon avis ils n'en abusent pas, - verront quel gouvernement a été celui du déficit et quel gouvernement cherche, depuis 1997, à rétablir progressivement l'équilibre de la sécurité sociale. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, inutile de polémiquer.

Voilà, monsieur Bur, pour ce qui est du rappel à la mémoire.

Deux ou trois mots maintenant sur les sujets que vous avez évoqués.

Sur les régimes de retraite, les choses sont claires. Nous avons rappelé que nous entendions consolider les régimes par répartition et, c'est vrai, mettre en cause la loi Thomas qui, en ouvrant la possibilité de capitalisation individuelle, est de nature à fragiliser les régimes de répartition.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépentants.)

M. Pascal Terrasse.

Absolument ! Et dangereusement !

M. Jean-Claude Boulard.

Mais nous avons précisé que, dans le même temps, nous mettions en place un fonds de réserve, qui est un outil collectif de capitalisation...

M. Charles de Courson.

Deux milliards seulement !

M. Jean-Claude Boulard.

... et que nous n'écartions pas la possibilité d'engager une étude sur la remise en place de fonds de pensions collectifs, gérés de façon paritaire et servant de complément au régime de répartition.

M. Charles de Courson.

Dans quelle proportion ?

M. Jean-Claude Boulard.

Pour ce qui est de la régulation des dépenses de santé, le bilan financier de la sécurité sociale se dote des outils nécessaires.

Dans ce pays, tout le monde admet que, sur les 700 milliards de dépenses de santé, 100 milliards de dépenses sont totalement inutiles ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Bardet.

C'est qui, tout le monde ? C'est Jouhanet !

M. Jean-Claude Boulard.

Non pas que Jouhanet ! Nous ne confondons pas le chiffre d'affaires des professions de santé et les dépenses légitimes des Français !

M. Bernard Accoyer.

Vous confondez les dépenses de santé et celles de l'assurance maladie ! C'est nul !

M. le président.

Monsieur Boulard, si vous vouliez bien en arriver à votre conclusion, s'il vous plaît...

M. Jean-Claude Boulard.

Il va falloir faire cesser cette confusion entretenue entre la progression du chiffre d'affaires des professions de santé et les dépenses légitimes de santé des Français !

M. Bernard Accoyer.

Incroyable que l'on puisse dire de telles absurdités !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. le président.

Monsieur Boulard, vos cinq minutes sont écoulées. Les explications de vote durent cinq minutes. Vous aurez l'occasion de vous exprimer dans le débat. Je vous demande de conclure.

M. Pascal Terrasse.

M. Boulard est excellent. Il pourrait continuer une heure !

M. Jean-Claude Boulard.

Monsieur le président, si je n'avais pas été interrompu, j'aurais déjà terminé.

Il me semble que j'ai énoncé quelques vérités.

L'idée selon laquelle il faut mieux maîtriser pour mieux rembourser et l'idée selon laquelle il faut moins dépenser pour mieux soigner sont au coeur de notre démarche en matière de maîtrise médicalisée.

Deux mots enfin (« Obstruction ! » sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Non, monsieur Boulard, je suis obligé de vous arrêter. Vous parlez depuis sept minutes alors que les explications de vote ne durent que cinq minutes.

Monsieur Boulard, vous n'avez plus la parole. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse.

Il a été interrompu, monsieur le

président

!

M. Jean-Claude Boulard.

Juste une phrase pour conclure, monsieur le président.

M. le président.

Une phrase, pas davantage.

M. Jean-Claude Boulard.

Les chiffres que j'ai évoqués permettront à chacun de voir où se situent les responsabilités.

Le projet de loi qui nous est soumis cherche à mettre en place un équilibre.

(« Il est reparti ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Claude Boulard.

Il jette les bases des réformes de demain qui sont conditionnées par le rétablissement des équilibres. C'est pour cela que le groupe socialiste votera contre l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, le groupe UDF votera en faveur de l'exception d'irrecevabilité excellemment défendue par notre collègue Yves Bur. Pour trois raisons.

La première est que les recettes afférentes à la loi de financement de la sécurité sociale sont surestimées. Ce n'est pas spécifique d'ailleurs, c'est la même chose dans la loi de finances ! Mes chers collègues, soyons sérieux !

M. Pascal Terrasse.

Nous le sommes !

M. Charles de Courson.

D'abord, la hausse des prix est estimée à 1,3 % pour 1999, alors que, en cumul, sur les douze derniers mois, on atteint 0,5 %. Jamais, nous ne ferons 1,3 % d'inflation ! Ensuite, continuer à afficher un objectif de croissance de 2,7 %, alors que personne ne sait ce qu'elle sera cette année, ce n'est pas sérieux ! Les dernières prévisions font état d'un taux de croissance de 2,5 %, voire de 2,4 %.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, l'hypothèse de croissance de la masse salariale est complètement surestimée à cause de l'incidence de la loi sur les 35 heures, qui est en train de bloquer les négoc iations salariales dans de nombreuses entreprises.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Vous êtes surréaliste !

M. Charles de Courson.

Sans parler de l'incidence qu'auraient les 35 heures, si elles étaient appliquées dans le secteur public. On sait bien qu'un nouveau rapport a été réclamé afin de différer les choses : mais je ne vois pas comment vous pourrez échapper à l'application des 35 heures dans le secteur public, si vous les appliquez dans le secteur privé ! La deuxième raison, c'est que les dépenses ne peuvent pas être tenues. Compte tenu du dérapage de l'assurance m aladie en 1998, l'objectif qu'on nous propose pour 1999, c'est une baisse par rapport au chiffre prévisionnel et au chiffre réalisé de 1998. Etes-vous favorables à cela, mes chers collègues ? De deux choses l'une soit vous nous indiquez quelles sont les mesures d'économies que vous comptez prendre, soit vous allez voter un texte qui ne tient pas debout.

La troisième raison est probablement la plus grave des trois : l'absence de réforme.

Absence de réforme sur les retraites. Nul besoin de commander un nouveau rapport au commissaire au Plan.

Tout a été dit dans le Livre blanc de 1990 sur les retraites.

M. Pascal Terrasse.

L'excellent Livre blanc de Michel Roccard !

M. Charles de Courson.

Tout le monde sait ce qu'il faut faire.

M. Pascal Terrasse.

Mais vous, vous n'avez rien fait !

M. Charles de Courson.

Là où vous êtes coincés, mes chers collègues, c'est que vous avez défilé avec ceux qui ont empêché la réforme Juppé sur les régimes spéciaux de retraite de s'appliquer.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste.)

C'est ça votre problème.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Martine David.

Heureusement que nous avons empêché cette réforme !

M. Charles de Courson.

Eh bien, je vous le dis, madame, vous mangerez votre chapeau.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Absence de réforme aussi sur la maladie. Les modalités de régulation que vous nous proposez ne permettront pas de faire face à la dérive.

A bsence de réforme également sur la famille.

Mme Aubry a fait deux grand zigzags dans la loi de financement de la sécurité sociale, le premier sur les allocations familiales. Nous vous avions combattus sur ce point, et, aujourd'hui, vous reconnaissez que nous avions raison.

(« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais si, nous avions raison. Si ce n'est que vous persistez partiellement dans vos erreurs en essayant de récupérer sur les familles, et en particulier sur les familles ayant un seul enfant, ce que vous aviez pris sur les allocations familiales.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

C'est faux !

M. Charles de Courson.

Pour ce qui est des cotisations sociales, nous assistons, là encore, à un zigzag incroyable entre Mme Martine Aubry et M. Strauss-Kahn.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Zigzag vous-même !

M. Charles de Courson.

L'an dernier, Mme Aubry nous expliquait qu'il ne fallait pas baisser les charges sociales sur les bas salaires, car ce n'est pas créateur d'emplois. Pendant ce temps-là, M. Strauss-Kahn soutenait la position inverse.

C ette année, nouvelle inversion de la tendance.

Mme Aubry reprend les thèses de l'opposition - nous nous félicitons de sa conversion - selons lesquelles l'un des moyen permettant de créer des emplois en France est l'abaissement des charges sociales sur les bas salaires. Mais son collègue Strauss-Kahn lui coupe l'herbe sous le pied en proposant de modifier l'assiette de la taxe professionnelle.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Paul Bret.

Vous êtes un guignol !

M. Charles de Courson.

Telles sont, mes chers collègues, les trois raisons pour lesquelles le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Merci, monsieur de Courson, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Chacun sait, monsieur Bur, que la motion de procédure que vous venez de défendre tend à nous démontrer que le texte présenté serait contraire à la Constitution de 1958. Nous en sommes d'autant plus étonnés que celle-ci fut rédigée par M. Debré et proposée par le général de Gaulle, c'est-àdire par celui là même qui, au sortir de la guerre instaura la sécurité sociale. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Dans son préambule, la Constitution précise que : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. »

M. Michel Terrot.

Très bonne lecture !

Mme Nicole Bricq.

C'est toujours mieux que de lire la Bible !

Mme Muguette Jacquaint.

En somme, vous tentez de nous faire croire que les dispositions contenues dans ce projet de loi seraient contraires à celles que je viens de lire.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Très bonne démonstration !

Mme Muguette Jacquaint.

Est-il contraire à la Constitution que de reconduire l'allocation de rentrée scolaire à 1 600 francs pour les familles ou d'accorder les allocations familiales pour toutes les familles, c'est-à-dire d'en reconnaître le caractère universel ?

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Démonstration brillante !

M me Muguette Jacquaint.

Est-ce contraire à la Constitution que d'organiser des programmes de dépistage qui s'adressent à l'ensemble des assurés sociaux ? Serait-ce anticonstitutionnel de vouloir réduire à terme l'incidence des pathologies mortelles ? Franchement, je crois que ce qui est irrecevable, c'est votre attitude, c'est ce que vous avez fait et dit !

M. Jean-Paul Bret.

Très juste !

Mme Muguette Jacquaint.

Sans doute trouvez-vous plus recevables les mesures prises par le précédent gouvernement - et vous les avez soutenues - des mesures qui visaient à démanteler ce qui constituait l'originalité française de la protection sociale ?

M. Yves Bur.

Au contraire nous avons sauvé la protection sociale !

M. Jean-Paul Bret.

Non, vous avez tout cassé !

Mme Muguette Jacquaint.

Je pense à la mise en place de la réforme hospitalière, à l'augmentation de la CSG, à la création du CRDS, et j'en passe.

Ce qui est irrecevable, c'est de ne pas se préoccuper de la situation des millions de personnes qui ne se soignent pas correctement, c'est de ne pas se préoccuper de toutes celles et ceux qui vivent sans couverture sociale. Ce qui est irrecevable, c'est de prendre, comme l'a fait le précédent gouvernement, des mesures tendant à la régression sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Très juste !

Mme Muguette Jacquaint.

Il y a quelque temps, j'aurais aimé vous entendre tenir les mêmes propos, avec plus de conviction encore. Il me semble que vous êtes mal placé pour dire que le Gouvernement d'aujourd'hui n'est pas à la hauteur.

Certes, il faut encore faire des efforts inestimables...

M. Yves Bur.

Des efforts considérables !

Mme Muguette Jacquaint.

... pour répondre à une meilleure politique de santé, pour satisfaire les demandes des familles et de retraités.

M. René Couanau.

En effet, on a vu !

Mme Muguette Jacquaint.

Mais il est indécent de prétendre qu'il n'y a pas lieu de délibérer ou que le projet de loi est irrecevable.

Vous vous êtes, il n'y a pas si longtemps, essayé à proposer des réformes, comme vous dites, de la protection sociale dans notre pays.

M. Charles de Courson.

On les a faites !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Non ! Vous avez organisé la casse !

Mme Muguette Jacquaint.

Deux millions de personnes sont descendues dans la rue pour vous dire ce qu'elles en pensaient !

M. Bernard Accoyer.

Ça promet pour la discussion des régimes spéciaux de retraite !

Mme Muguette Jacquaint.

Vos propos arrivent vraiment trop tard. Maintenant, il est temps, vraiment temps, de discuter de l'avenir de la sécurité sociale et des conditions de vie des assurés sociaux. C'est pourquoi le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

groupe communiste votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean-Paul Bret.

Je constate qu'il n'y a aucune femme à droite de l'hémicycle !

M. François Goulard.

Et moi je salue nos collègues de gauche arrivés en nombre pour le vote de cette motion ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy.

Nous leur disons : bonsoir !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Vous, vous n'étiez pas là jusqu'à présent !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

En effet, M. Goulard vient d'arriver !

M. François Goulard.

La leçon du 9 octobre a évidemment porté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

M. Goulard, ne vous laissez pas troubler.

M. François Goulard.

Puis-je m'exprimer, mes chers collègues de la majorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

M. Goulard est le seul à avoir la parole.

Mme Martine David.

Ne faites pas de provocation, monsieur Goulard, et on vous écoutera !

M. Maurice Leroy.

Et c'est vous qui dites ça ?

M. François Goulard.

Si j'ai fait référence au 9 octobre, c'est parce que mon argumentation repose précisément sur le vote que nous avons émis à la majorité, le 9 octobre dernier,...

Mme Nicole Bricq.

Cela n'a rien à voir !

M. François Goulard.

... sur une exception d'irrecevabilité présentée par notre collègue Jean-François Mattei et soulevée à l'encontre d'une proposition de loi.

Mme Nicole Bricq.

Vous êtes obsédé !

M. François Goulard.

Il avait fait valoir, par référence au préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère la Constitution de 1958,...

Mme Nicole Bricq.

Vous êtes un obsédé textuel !

M. François Goulard.

... que, dans la mesure où un texte portait atteinte à un principe expressément inscrit dans ce préambule, il convenait de voter l'exception de l'irrecevabilité.

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

M. François Goulard.

Je pense qu'aujourd'hui, nous sommes précisément dans la situation du 9 octobre et que nous devons voter cette exception d'irrecevabilité.

En effet, le préambule de 1946 fait obligation aux législateurs que nous sommes, de garantir à tous les Français un système de protection sociale - assurance maladie, retraite, allocations familiales - dont les différentes branches sont considérées comme des droits particulièrement nécessaires à notre temps. Or le projet proposé à nos suffrages souffre de lacunes tellement graves que nous pouvons, à bon droit, considérer qu'il porte atteinte à ce principe constitutionnel. Certes, ce ne sera pas immédiat, car nous savons que, demain ou aprèsdemain les retraites continueront à être payées et les soins médicaux remboursés. Mais, il portera atteinte à terme.

Prenez conscience, mes chers collègues, que par son inaction, par son refus de regarder les réalités en face, tant en ce qui concerne l'assurance maladie que les retraites de nos concitoyens, le Gouvernement menace gravement, à terme, l'ensemble de l'édifice de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est l'hôpital qui se fout de la charité !

M. François Goulard.

Nous reviendrons dans la discussion générale de ce projet et tout au long de l'examen des articles sur des lacunes que je considère comme extrêmement sérieuses. En tout cas, voilà exposée la motivation principale qui convainc le groupe DL à voter, conformément au souhait de notre collègue M. Yves Bur, cette motion d'irrecevabilité soulevée à l'encontre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecev abilité présentée pour M. Philippe Douste-Blazy.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy.

Tiens, la majorité s'en va ! Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1996, il appartient au Parlement de voter la loi de financement de la sécurité sociale, et je vois, avec plaisir, que cette réforme, tant décriée en son temps par la majorité actuelle, n'est plus remise en question.

Non seulement elle ne l'est plus, mais je constate que, d'année en année, le vote prend de plus en plus d'importance et constitue un des temps forts du travail de notre assemblée en début de session parlementaire.

Je crois qu'il faut rendre hommage à Alain Juppé d'avoir initié une réforme, qui n'est plus actuellement discutée par personne : elle corrige une anomalie fondamentale de la situation précédente, qui faisait qu'un budget au moins égal au budget de la nation échappait totalement au contrôle parlementaire.

Pour la troisième fois nous sommes amenés à discuter une loi de financement de la sécurité sociale. Je dois insister sur le fait que, cette année, le Gouvernement s'est surpassé par son absence de projet et d'idées fortes, manifestant ainsi son immobilisme dans le domaine social comme c'est également le cas dans de nombreux autres domaines. C'est pourquoi le groupe du RPR a déposé, par l'intermédiaire de son président Jean-Louis Debré, une question préalable que j'ai l'honneur de défendre.

Je sais qu'il va m'être objecté que la question préalable a pour objet de faire décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer, mais que cette délibération est obligatoire, car pré-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

vue par la Constitution. J'espère, mes chers collègues, pouvoir vous convaincre du contraire et vous démontrer que cette loi de financement de la sécurité sociale ne répond à aucun objectif, ne comporte aucune proposition originale et se contente simplement d'établir une balance équilibrée entre les recettes et les dépenses, reposant d'ailleurs sur des données économiques discutées et discutables de la conjoncture économique, que les fonctionnaires de Bercy sont actuellement les seuls à retenir, tous les organismes d'études économiques, qu'ils soient nationaux ou internationaux, les ayant revus à la baisse. Mais j'y reviendrai.

Pour le reste, la plupart des dispositions du projet auraient parfaitement trouvé leur place dans un simple DMOS - un DMOS socialiste, c'est-à-dire empreint de sectarisme, d'idéologie et d'irresponsabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vais le prouver.

Je prendrai comme exemple d'irresponsabilité l'absence de mesures visant à pallier, dans les années 2010-2015, le difficile problème des retraites, qu'il s'agisse tant du secteur public que du secteur privé.

Je prendrai comme exemple de sectarisme la taxation - encore et toujours - de l'industrie pharmaceutique, comme si c'était une vache à lait éternellement pressurable.

Je prendrai comme exemple de votre idéologie le plafonnement de l'avantage fiscal lié au quotient familial, ce qui, sous couvert du rétablissement des allocations familiales pour tous, consiste à reprendre d'une main ce que vous avez prétendument donné de l'autre ; cela va dans le sens de la destruction de la famille, que vous voulez entériner en faisant voter le PACS par votre majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En reprenant les différents titres de ce projet de loi, je vais démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, du moins sur ce projet de financement de la sécurité sociale, et qu'il est indispensable qu'un autre texte nous soit présenté.

Le titre Ier traite des « orientations et objectifs de la politique de santé et de sécurité sociale », et nous demande d'approuver le rapport annexé sur les « orientations de la politique de santé et de sécurité sociale » et les

« objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier ».

Mais que contient ce rapport ? C'est un catalogue de voeux pieux, de paroles lénifiantes, regroupés en six chapitres. Je cite quelques-unes de vos intentions, prises au hasard, en désordre, de la même façon, d'ailleurs, que vous les avez présentées : « accroître les efforts de prévention des causes de morbidité et de mortalité évitables » ;

« améliorer la sécurité au travail » ; « moderniser notre système de soin avec les professionnels de santé » ; « favoriser l'insertion des handicapés ».

Vous avez repris tous ces points ce matin, monsieur le secrétaire d'Etat, avec beaucoup de talent. Qui pourrait s'opposer à ces bonnes intentions ? Mais, au-delà des déclarations de principe, aucune de vos propositions n'est chiffrée.

Combien coûtera la prise en charge par l'assurance maladie des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie à compter du 1er janvier 1999 ? Combien coûtera le plan d'ensemble de lutte contre l'hépatite C ? Combien coûtera l'adaptation du tableau des maladies professionnelles ? Combien coûtera le programme national de dépistage des cancers, pris en charge par la sécurités ociale ? Je pourrais prendre de nombreux autres exemples, car tout est à l'avenant.

Dans l'absolu, il s'agit bien évidemment de bonnes mesures ; en tant que médecin, je ne dirai pas le contraire, mais, en tant que législateur, je m'interroge sur leur coût et sur la façon dont vous les intégrez dans l'équilibre des recettes et des dépenses.

Avant de nous soumettre le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous auriez dû, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, relire les bons auteurs. Permettez-moi donc une citation : « Il nous semble juste que le Parlement puisse avoir un droit de regard, exerce son contrôle sur la sécurité sociale. Il est logique qu'il ait à se prononcer sur un budget de près de 1 700 milliards de francs par an, budget équivalent, voire légèrement supérieur à celui de l'Etat. Mais, pour que cela puisse se faire dans des conditions satisfaisantes, il aurait fallu organiser la préparation du texte d'une autre manière : en reprenant les étapes les unes après les autres.

Il fallait d'abord tenir compte du rôle de la conférence nationale de santé. Elle a pour mission, dans le travail de préparation de la loi de financement, d'aider les pouvoirs publics à fixer les priorités de la politique de santé publique, et à prendre en compte les évolutions nécessaires de notre organisation de soins. » Vous avez tous

reconnu, mesdames, messieurs de la majorité, un extrait de la question préalable qui avait été opposée au projet du gouvernement d'Alain Juppé, le 29 octobre 1996, par Claude Bartolone. Celui-ci ajoutait : « Réunie à la va-vite, sans que toutes les conférences régionales aient pu se constituer entièrement, la conférence nationale de santé n'a été qu'une grand-messe ponctuelle, qui n'a pu qu'esquisser rapidement des priorités nationales de santé publique. Outre le risque qu'elle ne soit qu'une caisse de résonance du haut comité de la santé publique, il conviendrait, monsieur le ministre, de lui donner les moyens d'exister et de travailler pour établir les prioritiés de santé. De ce fait, on ne retrouve pas dans le projet de loi de financement les priorités sanitaires fixées en fonction des besoins de la population. Pour cela, il aurait fallu en saisir le Parlement, ce que vous n'avez pas fait. »

Il faut préciser, à la décharge du gouvernement de l'époque, que c'était la première fois que le Parlement avait à se prononcer, et l'exercice, c'est vrai, devait être perfectionné.

Voilà trois ans que le Parlement vote la loi de financement de la sécurité sociale, et la conférence nationale de santé se réunit désormais dans de bonnes conditions.

D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, en ouvrant cette conférence, qui s'est tenue les 22, 23 et 24 juin 1998, et était présidée par le professeur de Paillerets, vous avez tenu à rendre hommage au professeur Ménard, qui « a su initier la démarche des conférences nationales de santé, a vec l'enthousiasme et la compétence [qu'on lui connaît] ».

Les conférences régionales de santé se sont elles aussi réunies, et le haut comité à la santé publique a remis son rapport. Je m'étonne d'ailleurs que ce document ne soit pas en distribution à l'intention des parlementaires, et que, lorsque j'ai téléphoné pour l'avoir, il m'ait été répondu qu'il fallait faire une demande par écrit. Peu importe : j'ai pu me le procurer.

Le rapport de la conférence nationale de santé que j'ai lu très attentivement définit trois grandes priorités : la lutte contre les inégalités interrégionales, la lutte contre les maladies iatrogènes et la lutte contre le diabète. Je pense que vous serez d'accord avec moi, mes chers collègues, pour constater qu'aucune de ces priorités n'est mentionnée, que ce soit dans le projet de loi de financement lui-même ou dans son annexe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Jean-Michel Dubernard.

Rien n'est prévu pour réduire les inégalités interrégionales !

M. Jean Bardet.

On peut donc se demander à quoi sert la conférence nationale de santé et sur quels critères autres que comptables le projet de loi a été élaboré.

Comme le disait très justement Claude Bartolone en son temps, les étapes ont été faites à l'envers. Ainsi, l'article 1er prévoit l'approbation du rapport annexé, mais celui-ci est discuté en dernier, ce qui signifie qu'on parle d'abord de gros sous et que c'est après que l'enveloppe a été fixée qu'on essaie de voir ce qu'elle peut financer. C'est le contraire qu'il faut faire. Il faut d'abord répertorier les besoins des Français dans le domaine médico-social, fixer les priorités, puis les financer.

J'en viens au titre II : « Dispositions relatives aux ressources. » Rien que l'examen de ce titre justifierait le vote

de la question préalable et je ne vois pas comment, à moins de manquer d'objectivité, vous pourriez ne pas le faire. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous fixez un objectif prévisionnel de 13,3 milliards de déficit pour cette année et un retour à l'équilibre pour l'année prochaine. Vous avez également fait une projection des excédents de la sécurité sociale qui devraient atteindre 20,9 milliards de francs en 2001, dont 12,7 pour la branche maladie. Je ferai deux remarques à cet égard.

D'abord, je suis étonné par autant d'irresponsabilité.

Comment pouvez-vous faire des prévisions pour 2001 alors que vous ne savez pas comment sera le marché de l'emploi à cette date ? Vous ne savez pas non plus quels seront les besoins de santé des Français. Vous êtes incapables de chiffrer les besoins définis par le comité national de la santé publique pour 1999 et vous avancez des chiffres pour 2001. Imaginez, et cette supposition n'est pas totalement utopique, qu'en 2000 un vaccin contre le sida soit trouvé, qu'il coûte 1 000 francs et qu'il faille vacciner 60 millions de Français : cela fera 60 milliards de dépenses en plus pour la sécurité sociale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On peut effectivement raisonner par l'absurde !

M. Jean Bardet.

Imaginez enfin qu'il faille renouveler ce vaccin tous les ans, comme c'est le cas pour la grippe, ce qui n'est pas exclu d'un point de vue scientifique, vu l'extrême variabilité du virus : cela fera 60 milliards tous les ans. Je ne voudrais pas vous donner de cauchemars en vous parlant d'un vaccin contre le cancer, ou l'ulcère de l'estomac, dont l'origine infectieuse ne fait plus de doute, ou même contre l'infarctus du myocarde, puisque certaines études vont dans ce sens. Comment de tels vaccins seraient-ils financés ? A moins que vous n'envisagiez, comme vous le faites déjà pour le viagra, mais aussi pour le xénical, de refuser le remboursement des médicaments les plus récents s'ils sont trop coûteux...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas sérieux !

M. Jean Bardet.

Je reviendrai sur ce point, monsieur le président de la commission, et vous verrez si ce n'est pas sérieux ! Il n'y a aucune corrélation entre les progrès de la médecine et le PIB. Vouloir fixer les dépenses de santé en pourcentage du PIB ne peut qu'aboutir à une maîtrise comptable. C'est la voie que vous avez choisie.

Pourquoi, aussi, toujours parler en termes de déficit ou de bénéfice de la sécurité sociale ? Parle-t-on en termes de déficit ou de bénéfice de l'éducation nationale ? Le droit à la santé - notion que je réprouve, et je vais m'en expliquer - a été inventé par la gauche. La santé est un état dont on n'est pas responsable, donnée par Dieu pour ceux qui sont croyants, donnée par la chance pour les autres. Au droit à la santé, je préfère le droit aux soins : cela laisse moins de part au hasard.

Le projet de loi instaurant une couverture maladie universelle est encore dans les cartons. Cela fait près de dixhuit mois que vous êtes revenus au pouvoir et que vous avez fait cette promesse électorale, reprenant d'ailleurs le projet d'Alain Juppé.

Le 3 de l'annexe du projet de loi de financement précise que le Gouvernement déposera un projet de loi au cours de l'automne 1998, ce qui ne vous laisse plus qu'un mois et demi. Aucune précision en ce qui concerne la date de l'examen en séance publique.

J'en viens à ma seconde remarque. Pourquoi avez-vous si peu d'ambition en ce qui concerne l'équilibre financier de la sécurité sociale ? Un livre récent, intitulé Sécurité sociale, l'échec et le défi, fait état de la possibilité de réaliser 100 milliards d'économies pour janvier 2004 : 40 milliards sur la médecine libérale et le médicament, 45 milliards sur les hôpitaux, et 15 milliards grâce au conventionnement sélectif des soignants.

Vous me répondrez que les livres sur la sécurité sociale et les plans de redressement, aussi farfelus les uns que les autres, pourraient remplir des rayons entiers de bibliothèque. Mais il s'agit là d'un ouvrage qui n'a pas été écrit par n'importe qui, il est de Gilles Johanet, lequel, outre le fait qu'il est issu de la Cour des comptes, a été membre des cabinets de Pierre Mauroy et de Georgina Dufoix !...

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Jean Bardet.

... a été secrétaire général des experts du parti socialiste, membre suppléant du comité directeur du parti socialiste, et surtout directeur de la CNAM de 1989 à 1993,...

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Jean Bardet.

... ou cela d'après sa bibliographie : je n'ai rien inventé.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est tout à fait exact !

M. Jean Bardet.

C'est dire qu'il s'agit d'un spécialiste.

Cela ne vous a pas échappé, madame la ministre, puisque vous l'avez nommé récemment à nouveau directeur de la CNAM.

La question que je me pose est donc de savoir si vous entendez mettre en pratique la plan de M. Johanet, qui prévoit, entre autres, le conventionnement sélectif. Je ne sais pas s'il permettra de faire à l'assurance maladie 100 milliards d'économie, mais il aurait au moins le mérite de vous aliéner tout le corps médical, internes et syndicats, y compris MG France, qui a signé cette nuit un accord avec la CNAM, dont vous vous félicitez.

J'en reviens à la loi de financement pour 1999. Le déficit du régime général pour 1998, contenu à 13,3 milliards de francs, résulte de recettes plus importantes que prévu dues à la croissance, ainsi qu'au transfert des cotisations sociales sur la CSG, et non d'une véritable maîtrise des dépenses.

Ce résultat, presque conforme aux prévisions de la précédente loi de financement de la sécurité sociale, masque en réalité une reprise inquiétante de la progression des dépenses de l'assurance maladie, qui ont augmenté de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

6,6 % au cours des huit premiers mois de l'année, renouant avec les hausses que nous avions connues entre 1988 et 1993, et que nous avions ramenées à 2 %.

En annonçant pour 1999 un retour à l'équilibre des comptes du régime général de la sécurité sociale, et même un excédent de l'ordre de 352 millions de francs, le Gouvernement s'appuie sur une estimation optimiste de la hausse de la masse salariale de 4,2 % et ne tient pas compte du risque actuel de ralentissement de l'économie.

En effet, le FMI vient de réviser ses prévisions à la baisse et les économistes tablent sur une croissance qui n'excéderait pas 2,4 %, au lieu des 2,7 % prévus par le ministre de l'économie et des finances.

Enfin, les prévisions pour 1999 n'intègrent pas l'incidence sur les comptes de la sécurité sociale de la réduction du temps de travail. Celle-ci n'est pas négligeable puisque l'Etat laissera à la charge de la sécurité sociale le tiers des exonérations de cotisations prévues par la mise en oeuvre des accords sur les 35 heures, en totale contradiction avec les règles établies par la loi Veil de 1994, qui veut que les exonérations de sécurité sociale soient entièrement compensées par l'Etat.

Je me permets d'ailleurs de rappeler que les prévisions d'exonérations pour 1999 de cotisations non financées par le budget de l'Etat sont de 17,3 milliards de francs, en progression de 2,3 milliards de francs par rapport à 1996, hors mesures liées aux 35 heures, comme l'a rappelé M. Recours dans son rapport.

M. Bernard Accoyer.

Excellent rapport !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Merci, mon cher collègue !

M. Jean Bardet.

En conclusion de ce chapitre, je dirai que les 1 799,2 milliards de recettes que vous prévoyez ne sont pas plus sérieux que les 1 788,7 milliards de dépenses que vous fixez à l'article 32. Les premièresr eposent sur des données économiques fausses les secondes sur des besoins non évalués.

Le titre III concerne les dispositions relatives aux dépenses et à la trésorerie. La section 1 traite de la branche famille. Décidément, la famille restera la malaimée des socialistes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.).

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Ça suffit !

M. Bernard Accoyer.

C'est la vérité !

M. Jean Bardet.

Après la suppression, l'année dernière, des allocations familiales pour une certaine catégorie d'allocataires...

M. Jean Delobel.

Les plus riches !

M. Jean Bardet.

... vous les rétablissez cette année, mais en abaissant le quotient familial. Vous poussez même la mauvaise foi jusqu'à vouloir faire croire aux familles que vous avez consenti un effort de 780 millions de francs en leur faveur.

L'abaissement du quotient familial fait réaliser une économie de 3,9 milliards de francs et la suppression de la condition de ressources aboutit à une dépense supplémentaire de 4,680 milliards de francs. La différence est bien de 780 millions de francs et il n'y a rien à redire sur le plan arithmétique mais, sur le plan de l'honnêteté intellectuelle, ou même de l'honnêteté tout court, il y a beaucoup à dire.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Trop c'est trop !

M. Jean Bardet.

En effet, en 1998, ce sont 6 milliards qui ont été soustraits aux familles. Imaginez que, l'année dernière, je vous aie pris 100 francs et que, cette année, en changeant les règles du jeu, je vous en rende 80. Pourrai-je dire que j'ai fait un effort en votre faveur ?

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Ça, c'était le système Balladur !

M. Jean Bardet.

Par ailleurs, le Gouvernement ne revient pas sur les mesures restrictives en matière de garde d'enfants, qu'il s'agisse de la baisse de l'AGED ou de la réduction fiscale pour les emplois à domicile. Il s'agit bien d'une politique délibérée de destruction de la famille alors que celle-ci, d'après tous les sociologues, reste dans notre société en déliquescence la cellule fondamentale pour l'épanouissement de nos enfants. Et, pendant ce temps, on trouve 6 milliards pour le PACS !

M. Bernard Accoyer.

D'après Bercy, 8 milliards !

M. Jean Bardet.

Je crois que les Français, et surtout les familles, apprécieront ! La section 2 traite de la branche maladie. Elle commence plutôt bien, puisque l'article 15 tend à faire prendre en charge par l'assurance maladie un certain nombre d'actes de dépistage, en particulier en ce qui concerne le cancer. Je ne peux que souscrire à cette volonté du législateur de modifier le code de la sécurité sociale pour que ces actes de dépistage soient remboursés à 100 %. Cependant, je m'inquiète du fait que les dépenses liées à ces actes n'aient pas été chiffrées. En commission, M. le rapporteur nous a indiqué un montant, mais je ne sais pas sur quoi il repose. Je m'inquiète aussi qu'à terme l'exécution de certains examens et tests de dépistage ne puisse plus être réalisée que par certains professionnels et structures conventionnées. Est-ce à dire, par exemple, que le dosage des PSA pour le cancer de la prostate, ou des ACE pour d'autres cancers, pourtant prévu dans les références médicales opposables, ne pourra plus être prescrit par les médecins généralistes ? Après l'article 15, rien ne va plus. L'article 18 donne une nouvelle mission à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, consistant à habiliter des médecins évaluateurs en matière de médecine libérale. Cette mission de l'ANAES, organisme créé par l'ordonnance de 1996 relative à l'hôpital, semble sortir un peu de son cadre, d'autant qu'aucune précision n'est fournie quant aux moyens supplémentaires dont disposera l'agence.

Cette charge nouvelle est d'autant plus étonnante que le rapporteur a répondu, à propos d'un amendement présenté par l'opposition pour étendre le rôle de l'ANAES aux établissements médico-sociaux, que cet organisme avait déjà assez de travail.

A l'article 19, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins, le MICA, mis en place par le gouvernement précédent et dont le gouvernement actuel reconnaît qu'il a rencontré un certain succès, est remis en question dans sa forme à partir du 1er juillet 1999, créant mécontentement et inquiétude parmi les médecins qui avaient l'intention de profiter de cette possibilité.

En effet, vous avez déjà, par un décret du 5 septembre 1998, diminué autoritairement l'allocation du quart de son montant. Maintenant, vous changez carrément la règle du jeu, mettant en situation difficile certains médecins qui se sont engagés dans une voie qu'ils croyaient claire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

En même temps que le Gouvernement impose des restrictions au mécanisme du MICA, il augmente le numerus clausus, alors que le directeur de la CNAM, Gilles Johanet, déclare qu'il faut le renforcer. Où est la cohérence ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qui paie ?

M. Jean Bardet.

Il fallait procéder à un chiffrage.

J'en viens aux articles qui traitent directement de la régulation des dépenses de santé.

Le Gouvernement utilise les artifices habituels, c'est-àdire qu'il taxe les médecins, l'industrie pharmaceutique et les usagers, en créant une médecine à deux vitesses.

Pour taxer les médecins, un double mécanisme est mis en place. En cas de dérapage en cours d'année, le Gouvernement pourra décider autoritairement une baisse du tarif des actes médicaux. C'est la pratique de la lettre clef flottante, qui a déjà été appliquée cet été aux radiol ogues, dans le cadre du plan d'économie de 2,7 milliards de francs imposé par la ministre de l'emploi et de la solidarité. Si, malgré cette régulation en cours d'année, l'objectif annuel est dépassé de 10 %, une contribution exceptionnelle proportionnelle au revenu de chaque praticien sera exigée.

Le reversement sera de 80 % des honoraires et de 10 % des prescriptions. Si les dépenses demeurent en dessous de l'objectif, les excédents serviront à alimenter un fonds de régulation pour l'ensemble des professionnels de santé ou à revaloriser des tarifs. Ce mécanisme, qui tient les médecins pour seuls responsables des dérapages, est un mécanisme purement comptable, car proportionnel aux revenus.

Je crois que l'opposition doit maintenant être claire sur ce sujet et avoir le courage de dire certaines choses. La réforme Juppé était une bonne réforme. D'ailleurs, vous n'êtes pas revenus dessus. Le point sur lequel toutes les critiques se sont focalisées est celui du reversement d'honoraires. Il faut dire maintenant que les mots de

« responsabilité collective » ne font pas partie de nos références. Nous répétons avec force que désigner les professionnels de santé comme autant de boucs émissaires constitue une grave erreur. Nous considérons que le système des reversements collectifs est loin d'avoir démontré son efficacité, même si un mécanisme de sanctions individualisées et reposant uniquement sur les bonnes pratiques médicales apparaît inévitable.

Quant à l'industrie pharmaceutique, qui a déjà été mise à contribution de 1,8 milliard de francs en juillet, elle va de nouveau être taxée si l'ONDAM est dépassé en ce qui concerne les prescriptions de médicaments remboursés. Ce dispositif est extrêmement dangereux, surtout pour l'industrie pharmaceutique française. En effet, les grandes firmes internationales, aux chiffres d'affaires très importants, ont un volant de bénéfices qui leur permettra d'atténuer les conséquences de cette taxe. En revanche, les industries françaises vont recevoir de plein fouet cette nouvelle taxation. Il ne faut pas oublier que l'industrie pharmaceutique française est une industrie performante, bien placée à l'exportation et créatrice d'emplois. A trop vouloir la saigner, on risque de la tuer. Surtout, cette politique entraîne un risque de délocalisation des industries du médicament vers des pays où des règles du jeu stables favorisent les investissements et le développement de nouvelles molécules. A terme, la France risque de dépendre entièrement de médicaments importés, dont les prix nous seront imposés. On verra alors ce qu'il en coûte. Par cela même, cette politique pose aussi - avec plus de complexité encore - le problème des génériques dont la présente loi de finances veut encourager l'utilisation en instaurant le droit de substitution. A première vue, ce concept est séduisant.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah !

M. Jean Bardet.

Le pharmacien aurait le droit de délivrer un autre produit que celui prescrit par le médecin à la condition qu'il soit identique...

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

A condition que la molécule soit la même !

M. Jean Bardet.

Laissez-moi parler et vous verrez que je dis la même chose que vous ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le pharmacien aurait donc le droit de délivrer un autre produit à la condition donc qu'il soit identique et moins cher - je pense vous avoir satisfait ! La conséquence immédiate escomptée est une diminution des dépenses de médicament puisque certains génériques coûtent jusqu'à 30 % moins cher que la molécule princeps. C'est d'ailleurs ce chiffre qui est retenu pour la substitution.

Cependant, là aussi, il faut mesurer l'impact à long terme sur l'industrie pharmaceutique, en particulier sur les laboratoires qui investissent des sommes importantes dans la recherche pour trouver des principes innovants.

La discussion en commission a soulevé des remarques extrêmement pertinentes sur l'utilisation des génériques.

Dans le projet de loi, rien n'est dit sur l'usager. Aura-t-il le droit de refuser le générique proposé par le pharmacien ? M. le rapporteur Evin nous a dit que, comme dans tout acte médical, le patient devrait être prévenu, ce qui est normal. Il sera donc prévenu de la substitution. Mais pourra-t-il la refuser ? Qui sera alors responsable d'un éventuel dépassement des dépenses de médicaments : le médecin, le pharmacien, le malade ? Un amendement, fort intéressant, voté en commission des affaires sociales vise à obliger le pharmacien à écrire sur l'ordonnance, en cas de substitution, le nom du médicament délivré. L'exposé des motifs précisait qu'en cas de problème, dans une démarche de pharmacovigilance, il fallait savoir quel générique avait été substitué, ce qui est tout à fait logique. Mais justement, en cas de problème, qui sera responsable, le médecin ou le pharmacien ? Actuellement, le médecin et le pharmacien ont une coresponsabilité, l'un établissant l'ordonnance, l'autre délivrant le médicament. Mais si le médicament délivré n'est pas le médicament prescrit ? Il y avait peut-être d'autres solutions pour faire baisser le prix des médicaments sont tombés dans le domaine public. Puisque c'est le Gouvernement qui fixe les tarifs des médicaments, peut-être aurait-il été possible d'instituer un système dégressif tenant compte des frais de recherche pour qu'au bout de dix ans le prix soit celui du générique. Du coup, le droit de substitution serait devenu inutile, et l'on aurait évité ces problèmes.

Vous allez taxer le malade. Vous vous vantez d'établir une loi de financement de la sécurité sociale qui ne fait pas appel aux bonnes vieilles recettes : augmenter les prélèvements, diminuer les remboursements. Permettez-moi de m'inscrire en faux contre cette affirmation et de vous dire que, dans le domaine des remboursements, vous vous engagez sur une pente extrêmement dangereuse.

M. Pierre-André Wiltzer.

Très juste !

M. Jean Bardet.

C'est la première fois qu'un gouvernement autorise la mise sur le marché de médicaments efficaces qui ne peuvent être délivrés que sur prescription


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

médicale et qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, sous prétexte qu'ils sont trop chers. Je vous ferai grâce et ne reprendrai pas ce qui a été écrit dans la grande presse à propos du Viagra, qui relève plus du fantasme que de la médecine. L'impuissance masculine est une maladie. Cette maladie, lorsqu'elle atteint des sujets jeunes, peut être grave tant sur le plan social, du fait de son retentissement sur le couple et ses conséquences, que sur le plan personnel, en raison de son impact psychologique. Cette maladie a des étiologies bien connues : le diabète, les affections neurologiques, vasculaires et certaines affections mentales. Je ne vois pas pourquoi ces malades ne pourraient pas être pris en charge comme d'autres. D'ailleurs, bien que le Viagra ne soit pas remboursé, il ne s'agira pas d'une opération nulle pour la sécurité sociale. Normalement, les actes médicaux liés à des prescriptions non remboursées ne sont pas non plus remboursés. Mais lorsqu'un patient ira consulter son diabétologue et qu'il lui parlera de son impuissance, comment pourra-t-on faire la part, dans la consultation, de ce qui revient au diabète et de ce qui revient à la prescription du Viagra ? Vous avez vous-même évalué, madame la ministre, les dépenses induites par le Viagra à 200 ou 300 millions de francs et votre secrétaire d'Etat les a estimées à 500 millions de francs. Le Viagra, même s'il est le médicament le plus connu du grand public, n'est pas le seul à ne pas être remboursé. Le Xénical est dans le même cas.

M. Bruno Bourg-Broc.

C'est moins connu !

M. Jean Bardet.

Il s'agit d'un médicament contre l'obésité. L'obésité n'est pas seulement un inconfort esthétique et psychologique ; c'est une véritable maladie.

C'est d'ailleurs un facteur de risque indépendant de maladie coronaire. Avec l'absence de remboursement du Xénical, on est vraiment sur le chemin de la médecine à deux vitesses. Il y aurait deux sortes de malades : ceux qui auraient les moyens de s'acheter du Xénical et qui se mettraient, toutes choses égales par ailleurs, à l'abri de faire un infarctus, et les autres, qui n'auraient pas les moyens et qui seraient exposés à ce risque. On est loin du folklore du Viagra. On est devant un véritable problème médical, que vous avez résolu de façon comptable en refusant le remboursement.

De plus, le Xénical aussi va entraîner des dépenses indirectes. Je n'ai pas encore vu de chiffrage. Admettons que, comme pour le Viagra, ces dépenses soient également de 500 millions de francs. Le cumul de ces dépenses avec celles induites par le Viagra atteindrait dès lors 1 milliard.

Je me livrerai à un petit calcul. L'ONDAM pour 1998, tel qu'il a été voté par le Parlement, a attribué 267,5 milliards de francs à la médecine de ville. L'ONDAM 1999 propose une augmentation de 2,6 %, soit 6,955 milliards. Si cette somme est dépassée de plus de 10 %, c'est-à-dire de 695,5 millions, les médecins seront taxés. Or, je viens de le dire, les seules dépenses liées au Viagra et au Xénical s'élèvent à près de 1 milliard, ce qui veut dire que la mise sur le marché de ces deux nouvelles molécules entraînera arithmétiquement un dépassement de l'enveloppe.

Je voudrais maintenant parler de l'hôpital. L'hospitalisation, qu'elle soit publique ou privée, représente, en schématisant, un peu moins de 50 % des dépenses de la branche santé du régime général de sécurité sociale. Pour tant, rien ne figure à ce sujet dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce vide pourrait se comprendre s'il n'y avait aucun problème hospitalier.

Mais mon exercice quotidien et ma connaissance des dossiers m'inclinent plutôt à penser le contraire.

Pour ne prendre que des exemples récents, qui ont fait la une des médias, je citerai la grève des anesthésistes, celle des urgences, celle des internes, les différents mouvements revendicatifs du personnel hospitalier, la lamentable affaire de Mantes, qui, au-delà du désarroi personnel d'une infirmière, traduit le retard de notre pays en matière de soins palliatifs, et je terminerai cette liste qui, bien évidemment, n'est pas exhaustive, par le scandale récent de la panne d'électricité des hospices civils de Lyon, où certains ont décelé un manque de moyens.

Les hôpitaux représentent une source importante de dépenses pour la branche maladie de la sécurité sociale, c'est évident. Et il est non moins évident que, en raison de leur masse financière, ils constituent une réserve potentielle d'économies. Cependant, avant de porter des jugements hâtifs, il est nécessaire de replacer l'hôpital dans sa mission particulière au sein du tissu de distribution de soins, et en particulier dans sa mission sociale. De même, il faut déduire des dépenses hospitalières celles qui sont induites par l'enseignement et la recherche. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, madame la ministre, lorsque vous déclarez, en ouvrant les travaux de la conférence nationale de santé, « l'hôpital doit aujourd'hui concilier dans le même temps sa fonction de pôle d'excellence, ce qu'il est dans notre pays, et sa mission de lieu de recours », car c'est ma pratique quotidienne. Mais je crains que de ces deux objectifs, le premier ne soit abandonné faute de moyens et que l'hôpital public ne redevienne un hospice, comme il l'était avant la réforme Debré. Les directeurs de CHU partagent mon inquiétude, puisque, lors de leur congrès, ils ont réclamé la création d'une enveloppe spécifique pour les activités de pointe. Je cite leur président : « La spécificité des CHU n'est pas prise en compte d'une manière satisfaisante dans la répartition des crédits. Nous éprouvons de ce fait depuis plusieurs années des difficultés pour développer des activités nouvelles. Or, dans la mesure où c'est dans les CHU que s'élabore la médecine de demain, on peut s'interroger sur ce que sera la médecine française si les centres hospitaliers universitaires n'ont plus les moyens d'innover. »

Il ne faut pas non plus oublier que 70 % des dépenses relèvent de la masse salariale, qu'elles sont donc difficilement compressibles, et seulement 5 % des médicaments, ces dernières sont difficilement compressibles aussi si l'on a en tête, par exemple, qu'à l'Assistance publique hôpitaux de Paris, en 1996, le premier poste de dépenses en pharmacie était lié à la lutte contre le sida - je ne pense pas qu'on utilise ces médicaments pour le plaisir - et le deuxième aux anticancéreux - là non plus je ne pense pas qu'on utilise ces médicaments pour le plaisir. Il me semble donc pour le moins rapide de déclarer, comme l'a fait récemment Gilles Johanet dans un ouvrage que j'ai déjà cité, que 45 milliards d'économies pourraient être faits par la sécurité sociale sur le budget des hôpitaux.

Je me contenterai d'évoquer trois problèmes : le problème des hôpitaux de proximité, le problème des personnels et le problème - ô combien d'actualité ! - des soins palliatifs.

Pour ce qui est des hôpitaux de proximité, la restructuration hospitalière est en panne. Vous vous vantez, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mme la ministre ne se vante jamais !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Jean Bardet.

... de la fermeture de 2 900 lits d'hôpital, ce qui fait 30 par départements.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne me vante pas ! Il n'y a aucune raison de se vanter d'ailleurs !

M. Jean Bardet.

C'est justement ce que j'allais dire : il n'y a pas de raison de se vanter.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison !

M. Jean Bardet.

Vous déclarez qu'il serait nécessaire d'en fermer 60 000 sur toute la France, c'est-à-dire environ 600 par département.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qu'est-ce que vous avez fait ?

M. Jean Bardet.

C'est vous qui êtes au pouvoir, madame, ce n'est plus nous et je le regrette ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Voilà le seul moment de vérité !

M. Jean Bardet.

La seule façon de juger objectivement un hôpital, donc de décider de son maintien ou de sa fermeture, est de mettre en oeuvre le processus d'évaluationaccréditation qu'avait initié Alain Juppé dans les ordonnances de 1996 sur l'hôpital. Seule manière d'assurer une transparence réelle de l'activité hospitalière, ce processus permettrait de fournir une information « éclairée » au patient en matière de qualité de soins ne dépendant plus alors seulement de déviances médiatiques.

Après la mise en place de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, il y a un an, le processus est resté en sommeil, même si une liste de 40 établissements, qui doivent être testés avant la fin de l'année, vient d'être arrêtée. Vous déclariez, monsieur le secrétaire d'Etat, le 29 juin 1997 au Quotidien du médecin à propos de l'hôpital de Bitche : « Moins de 200 accouchements par an, ce n'est pas sérieux en termes de sécurité sanitaire et de performance. » Mais vous écriviez, dans

l'Express, le 2 0 novembre de la même année : « La directive recommandant de fermer les services dont le taux d'occupation est inférieur à 60 % n'a aucun sens dans l'absolu. » Une autre fois, vous avez dit

: « 300 ? Pourquoi pas 301 ou 299 ? »

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Eh bien j'ai raison !

M. Jean Bardet.

Maintenant, vous revenez au seuil de 300 accouchements pour juger de la sécurité d'une maternité. Où est la cohérence ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On va vous expliquer !

M. Jean Bardet.

J'aborde maintenant le problème des personnels. Les personnels infirmiers et administratifs s'interrogent en permanence sur leur avenir. Leurs conditions de travail sont de plus en plus difficiles en raison du manque de personnel : non-remplacement des congés maternité, des arrêtés maladie, diminution des postes budgétaires alors que les charges de travail augmentent.

Par ailleurs, alors que le ministre déclare que les restructurations dans les hôpitaux se feront à effectif constant, mis à part les départs à la retraite, les mesures d'incitation au départ volontaire ne sont pas faites pour rassurer.

Le mouvement de grève récent des secrétaires médicales, celui des aides-soignantes et surtout des cadres infirmiers pour manifester contre le manque de personnel est éloquent à cet égard. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ayez décidé une revalorisation de 566 francs par mois pour les agents hospitaliers passant à l'échelle 4 et de 750 francs pour ceux passant à l'échelle 5, s'accompagnant d'une majoration des retraites, car il s'agit d'un personnel faisant un travail souvent ingrat et pénible.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça c'est vrai !

M. Jean Bardet.

Mais je me demande, en connaissant la réponse, si cette revalorisation sera prise sur l'enveloppe globale, donc au détriment d'autres actions. D'ailleurs, les directeurs d'hôpitaux se posent la même question que moi.

Les personnels médicaux sont tout aussi inquiets, comme l'atteste la grève des anesthésistes, des urgentistes et des internes. Les jeunes internes ne comprennent pas qu'il soit imposé un numerus clausus sévère à l'entrée dans les facultés, même si celui-ci a été assoupli, que des incitations au départ à la retraite des médecins âgés de plus de cinquante-six ans soient financées et que, par ailleurs, vous vouliez titulariser 8 000 médecins à diplôme étranger hors CEE. Ces médecins, sous-formés, sous-payés et qui n'auront le droit de travailler qu'à l'hôpital, mettent gravement en jeu la sécurité des patients.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il ne faut pas leur confier toutes les nuits alors !

M. Jean Bardet.

C'est vrai ! Il existe un problème humain, mais ce n'est pas au prix de la sécurité des patients que vous le réglerez.

Où en est le statut des praticiens hospitaliers que vous promettiez le 15 mai, au Sénat, lorsque vous disiez : « Il faut conférer au statut de praticien hospitalier plus de prestige et d'intérêt au travail sans aucun doute, mais aussi plus de commodités financières. »

? Je suis d'ailleurs étonné que ni vous, monsieur le secrétaire d'Etat, ni vous, monsieur le rapporteur Evin, n'ayez participé au dernier congrès des internes de villes de faculté les 2 et 3 octobre derniers, alors que vous étiez annoncés, car ils auraient eu beaucoup de questions à vous poser tant sur leur situation actuelle que sur leur avenir. Les urgentistes et les anesthésistes sont toujours dans l'attente de leur statut, même si certaines demandes des anesthésistes ont été acceptées comme le principe du repos de sécurité après vingt-quatre heures d'activité continue.

M. Jean-Michel Dubernard.

Les praticiens hospitaliers seront en grève le 2 décembre !

M. Jean Bardet.

Le problème douloureux de l'euthanasie ne se pose qu'en raison du manque d'éducation des médecins dans ce domaine et du manque de soins palliatifs. Il s'agit donc, au-delà du désarroi des acteurs de ce drame - infirmiers, médecins, patients, famille -, d'un problème d'argent et de volonté politique ; nul besoin de loi pour le régler.

Déclarer vouloir doubler les centres de soins palliatifs ne veut rien dire lorsque l'on part de rien, ou presque, et que le financement n'est pas prévu. La mise en place d'un carnet de douleurs pour tous les hospitalisés est un gadget. Donner le droit au personnel infirmier de prescrire des antalgiques les investit d'une lourde responsabilité, qu'ils n'ont d'ailleurs pas réclamée, alors qu'il faudrait étendre, donc financer les sytèmes de délivrance à la demande d'antalgiques pour les opérés et les patients en phase terminale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

On peut d'ailleurs se demander, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous avez fait dans ce domaine jusqu'au drame de Mantes-la-Jolie, alors que vous avez déjà eu des responsabilités ministérielles et que vous en avez à nouveau depuis dix-huit mois.

Avant de terminer ce chapitre sur la branche maladie, je voudrais dire que je suis étonné que vous ayez totalement rejeté les alternatives possibles à la sécurité sociale à titre provisoire et expérimental, comme Mme la ministre et M. Cahuzac l'ont rappelé tout à l'heure. Ces alternatives sont autorisées par les ordonnances.

Il ne s'agit pas de détruire le système de santé « à la française », auquel nous sommes tous attachés, mais de voir s'il n'est pas possible de faire autrement. Ces expériences, personnellement, ne me choqueraient pas à la condition que la prise en charge ait lieu au premier franc et qu'il n'y ait pas de sélection du risque. Les médecins qui réclament ce système pourraient ainsi juger s'il est plus contraignant - ce qui serait un bon argument pour continuer l'expérience ou l'arrêter.

La section III a trait à la branche vieillesse. Le financement des retraites pose un problème considérable à notre pays. L'incapacité à le résoudre mettrait en jeu, à court terme, la survie du mécanisme de répartition et la solvabilité de l'Etat au travers des régimes spéciaux.

Le besoin de financement des principaux régimes de retraite avoisinerait les 300 milliards en 2015 en francs courants, sous l'effet de l'évolution démographique de notre pays. Cette charge, insupportable au regard des contraintes budgétaires, proviendrait pour moitié de régimes spéciaux des fonctions publiques de l'Etat et des collectivités locales. Le régime général aurait besoin de financements légèrement moindres, de l'ordre de 107 milliards en 2015.

Ces perspectives risquent d'entraîner des anticipations négatives de la part des ménages qui sont concernés par ces échéances, ce qui serait susceptible d'affecter la conjoncture économique. Déjà, la décision du Gouvernement d'indexer les pensions sur les prix, c'est-à-dire de geler le pouvoir d'achat des retraites malgré la forte croissance de l'économie, fait douter de la viabilité du système de retraites.

Si le vieillissement de la population est un trait commun à la plupart des économies développées, le problème du financement des retraites s'avère particulièrement aigu en France. Une étude de l'OCDE a ainsi évalué à plus de 200 % du PIB le montant actualisé des pensions dues par le système de retraite français au titre des cotisations encaissées. Ce pourcentage n'est que de 160 % en Allemagne, de 100 % au Royaume-Uni et de 43 % aux Etats-Unis. Ces différences s'expliquent par deux raisons majeures : premièrement, l'absence totale de capitalisation ou de réserve dans le mécanisme français ; deuxièmement, le fait que les régimes spéciaux offrent des taux de réversion incompatibles avec leur mode de financement.

Le Gouvernement élude le grave problème des retraites en proposant, outre la reconduction pour un an de l'indexation des retraites sur les prix, la création d'un fonds de réserve auquel seront affectés différents excédents, dont l'excédent du fonds de solidarité vieillesse, celui de la contribution sociale de solidarité des entreprises ainsi que le produit de certaines privatisations et de la réforme des caisses d'épargne. En tout une somme insignifiante, fixée initialement à 2 milliards de francs, alors qu'il faudra trouver, d'ici à 2015, 150 milliards par an pour les 2,7 millions de personnels de l'Etat et des collectivités locales et autant pour les 13,6 millions de retraités du secteur privé. Mais surtout, l'existence de ce fonds n'est que virtuelle puisque son abondement devrait provenir d'hypothétiques excédents du régime général ou de recettes exceptionnelles.

La section IV, branche « accidents du travail », ne comprend qu'un article qui a trait aux dates de prescription de la déclaration de maladie professionnelle reposant sur une meilleure connaissance que l'on a de ces maladies, en particulier celles liées à l'amiante. Cette disposition devrait entraîner, d'après le Gouvernement, une dépense supplémentaire de 150 millions de francs.

Bien qu'une baisse des cotisations d'accidents du travail soit prévue au taux de 2,21 % en 1999, cette branche sera, en valeur absolue, en hausse de 1,9 milliard de francs par rapport au réalisé de l'année dernière et de 2,1 milliards de francs par rapport au voté. Une analyse plus rigoureuse de ces chiffres aurait peut-être permis une baisse supplémentaire des charges des entreprises, sources de créations d'emplois.

La section V porte sur les objectifs de dépenses par branche. Si, en ce qui concerne la vieillesse, la famille et les accidents du travail, sur des bases démographiques et statistiques, les dépenses peuvent être prévues, compte tenu des décisions financières prises dans ce projet de loi, en matière de dépenses maladies, maternité, invalidité, décès, le chiffre est totalement arbitraire, les besoins n'ayant jamais été appréciés et leurs coûts encore moins étudiés.

La section VI détermine l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. L'ONDAM pour 1999 est fixé à 2,6 %. Mais ce chiffre, apparemment généreux, s'applique au montant voté en 1998 et non à celui qui sera effectivement constaté en fin d'année. Or la hausse prévue en 1999 est déjà absorbée par le dérapage constaté en 1998.

L'année prochaine, la contrainte pour les professionnels de santé, et surtout pour les malades, sera réelle. D'autant plus qu'aux dépenses habituelles s'ajouteront celles occasionnées par la mise sur le marché de molécules nouvelles non remboursées, celles liées au financement à 100 % du dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables ainsi que celles liées à la prise en charge par l'assurance maladie des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale repose sur des recettes surestimées, sur des dépenses non évaluées, sur une logique comptable de la notion d'équilibre établie au détriment des malades, des professions médicales et de l'industrie pharmaceutique, sur une pénalisation des familles, sur l'absence coupable de prise en compte des problèmes des retraites. Voilà pourquoi je vous demande de voter la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai entendu tant de choses, et si contradictoires que je ne sais par où commencer. J'attendrai que M. Bardet veuille bien me dire si nous en faisons trop ou pas assez.

M. Jean Bardet.

Je vous dis que vous ne chiffrez rien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vais donc chiffrer, pour vous. Car vous n'avez pas su lire, monsieur Bardet : voilà au moins une critique ferme à laquelle je vais répondre.

Vous avez déclaré, en commençant, que la réforme n'était plus remise en question et que nous étions en train de poursuivre sur la bonne voie. C'était sympathique de votre part. Seulement, vous avez ensuite tenté de tout démolir. Vous avez dit que la plupart des dispositions de ce projet de loi étaient empreintes de sectarisme, d'idéologie et d'irresponsabilité.

Reprenons. Vous me demandez combien coûteront les centres d'alcoologie, 120 millions, monsieur. Nous les avons, ils sont prévus dans l'ONDAM. Ces centres sont pris en charge pour la première fois par la sécurité sociale. C'est un progrès que vous auriez dû saluer, vous, le docteur Bardet.

M. Jean Bardet.

Je l'ai fait !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Merci. Vous me demandez combien coûtera le dépistage du cancer qui, jusqu'à présent, a fort mal fonctionné dans notre pays.

En effet, les disparités étaient telles entre les femmes défavorisées et celles qui pouvaient se payer cet examen que nous ne pouvions pas compter sur le dépistage. Ce programme coûtera 250 millions. C'est encore dans l'ONDAM. Nous allons le faire.

M. Jean Bardet.

Ce chiffre ne repose sur rien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non seulement nous allons le faire, mais nous le ferons au bénéfice de tous...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... c'est-à-dire non seulement pour les femmes qui avaient déjà accès à ce dispositif, mais aussi pour celles qui n'y avaient pas accès.

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait.

M. Jean-Luc Préel.

Mais comment y viendront-elles ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous nous demandez combien coûtera le plan d'ensemble de lutte contre l'hépatite C. Je vais vous le dire. Mais je ne comprends pas : personne, dans l'opposition, n'a donc lu ce projet ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

Oh si, on l'a lu.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'ai entendu tellement de choses absolument scandaleuses à ce sujet ! C'est assez simple. Il y avait deux voies de dépistage, mais comme vous le savez, ni l'une ni l'autre ne fonctionnait.

M. Jean-Luc Préel.

Ce n'est pas exact !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ne me dites pas que ce n'est pas exact ! Je vous apporte des précisions...

M. Jean-Luc Préel.

Vous nous dites que ça ne marchait pas ? Si, dans certains départements, cela marchait très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Cela ne marchait pas, c'est évident pour tout le monde, et surtout pour les femmes, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Dans certains départements, je le répète, cela marchait très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous permettez ? Le sujet est grave. Nous avons été agressés pendant une heure. Laissez-moi terminer...

M. Jean Bardet.

C'est vous qui vous sentiez agressés, il n'y a vraiment que la vérité qui blesse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ce n'est pas la vérité ! Ce sont des mensonges démagogiques ! Mais je reconnais, monsieur Bardet, à votre décharge, que dire le contraire de ce que vous pensez était pour vous un exercice difficile ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comment expliquer en une heure pourquoi cela ne va pas marcher, alors que vous savez pertinemment que cela va marcher ? (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Bardet.

Pas du tout !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Et d'ailleurs, nous allons continuer. Il était difficile de savoir s'il y avait lieu de délibérer. Or oui, il y a bien lieu de délibérer, et je poursuis mon propos uniquement parce que ces problèmes sont complexes.

Tout à l'heure, j'ai parlé du cancer colorectal et j'ai défini exactement le plan de dépistage du cancer féminin, dont les deux formes n'avaient jamais été prises en charge de façon satisfaisante dans notre pays. Je vous ai dit comment, par le biais des généralistes et des gynécologues, nous allions pouvoir assurer des remboursements à 100 %.

Je l'avais dit, mais vous n'avez pas écouté : cela coûtera 250 millions.

L'hépatite C ? 100 millions. C'est écrit. Les lombalgies ? 100 millions.

M. Jean Bardet.

Mais ces chiffres reposent sur quoi ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Mais sur les recettes, mon cher monsieur ! Elles seront utilisées pour mener à bien ces projets précis, qui sont en effet un peu bouleversant.

Vous m'avez parlé de la conférence nationale de santé, monsieur Bardet. La connaissez-vous ? Tout ce qui y était demandé, comme la prise en charge de l'hépatite C et du cancer, je l'ai fait. Et vous me reprochez de ne pas tenir compte des conférences de santé !

M. Jean Bardet.

La conférence nationale de santé définissait trois objectifs !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

En effet : la lutte contre l'hépatite C, la prise en charge des cancers...

M. Jean Bardet.

Et la lutte contre le diabète...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Attendez ! Je parle de celle de cette année et vous me parlez de celle de l'année dernière. Je répondrai néanmoins : non seulement le diabète va être pris en compte, mais il le sera d'une manière complètement différente. Ainsi, à l'intérieur des réseaux, nous n'allons pas fonctionner à l'acte ; nous allons tenter d'instituer - en effet, monsieur, c'est bouleversant - un forfait pour les prises en charge du diabète.

Ne levez pas les yeux au ciel, il ne vous répondra pas ! (Rires sur tous les bancs. - Aplaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Luc Préel.

Le miracle républicain existant...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vous assure, monsieur Bardet, que nous avons tenu compte de la conférence nationale de santé.


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Des maladies iatrogènes, nous en avons parlé toute l'année, vous le savez...

M. Jean Bardet.

Vous parlez tout le temps, mais ce qui compte, c'est la loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est dans la loi ! Monsieur Bardet, pourquoi n'essayez-vous pas de la lire avant de la critiquer ? Je vous assure, cela facliliterait les choses ! Vous vous plaignez que ces pathologies ne soient pas prises en charge. Mais la loi va précisément permettre de le faire, à l'intérieur des réseaux ! Et vous ne pouvez pas à la fois vous plaindre d'une non prise en charge... et d'une prise en charge.

Vous avez parlé du sida et vous vous êtes demandé comment nous financerions un éventuel vaccin. Mais le Président de la République et nous-mêmes avons pris à Abidjan l'initiative de la création du fonds de solidarité thérapeutique. Il s'agit de prendre en charge la trithérapie, qui coûte très cher, et de continuer à financer les recherches sur le vaccin ; cela n'a pas pu vous échapper. Les conclusions de la conférence de Luxembourg, et même du G 7 de Birmingham, allaient aussi dans notre sens. Nous avons donc fait ce que vous demandiez.

Encore fallait-il le savoir.

M. Jean Bardet.

Je suis d'accord, mais qui paiera ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est déjà financé.

Les députés européens ont en effet donné leur approbation, jeudi dernier, au financement de ce fonds de solidarité thérapeutique. Ce point - un de plus - semble vous avoir échappé. Il faut vraiment tout vous dire ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Il ne suit pas !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Refuser le remboursement du Viagra, intéressant, et du Xénical, très intéressant, constituerait, selon vous, un énorme gâchis.

Mais vous avez sans doute remarqué que leur remboursement n'était pas demandé. Le problème est là : dans le cas d'une autorisation de mise sur le marché européen, il n'y a aucune possibilité légale de procéder à un remboursement qui ne nous est pas demandé.

M. Jean Bardet.

Bien sûr !

Mme Yvette Roudy.

Et c'est très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Certes, la commercialisation du Viagra va entraîner des dépenses. Ce médicament a été lancé comme on lance une voiture...

M. Bernard Accoyer.

C'est normal, c'est un instrument de transports ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il a bénéficié de la plus grande publicité, non seulement à l'intérieur de l'Europe, mais également au-delà. Les dépenses qu'il va entraîner et qui ont été chiffrées - par nous-mêmes, par M. Accoyer - tiendront à la consultation qu'il s'agira de rembourser et aux examens complémentaires qui pourront être prescrits. Et si on nous demandait le remboursement de ces médicaments dits de confort, dits de la qualité de la vie ?

M. Jean Bardet.

Ce ne sont pas des médicaments de confort ! Ce sont des médicaments !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ne vous énervez pas, je vais vous répondre.

M. Jean-Michel Dubernard.

Je pense à ces gens qui ont eu des prostatectomies radicales !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

J'ai usé d'une expression assez dangereuse, c'est vrai ; mais, en l'occurrence, ce n'est pas le problème...

Il est très important de savoir combien cela va nous coûter. Que fera-t-on pour les prochains médicaments ? Devant la consommation médicamenteuse, va-t-on se poser la question de l'injustice qu'il y a à dépenser de l'argent quand on en a, ou à dépenser de l'argent quand on n'en a pas ? Le problème est réel.

Que faire, monsieur Bardet ? Le contraire de ce que vous proposez. On fait des économies ! On se dit que le gâchis tient, en particulier, à notre consommation médicamenteuse que le monde entier regarde avec effarement et avec des yeux comme des soucoupes. De fait, nombre de ces produits traditionnels, provenant souvent de petits laboratoires français que nous avons défendus, à tort, pendant des années, ne servent à rien et entraînent des dépenses. On fait attention à l'innovation et c'est ce que nous faisons. On demande au Comité économique du médicament de reprendre toute la liste des médicaments et de déterminer ceux qui sont utiles pour la pathologie concernée et utiles pour la collectivité.

M. Jean Bardet.

Je ne peux qu'approuver !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous connaissez sûrement, monsieur Bardet, le nombre de médicaments essentiels sur la liste de l'OMS ? 200, alors qu'il y a en France 9 000 médicaments ! De fait, je pense que la moitié des 9 000 médicaments ne rendent pas un service signalé.

M. Jean Bardet.

Faites-le. On en reparlera l'année prochaine !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

En ce qui concerne la situation de la CNAM, vous avez évoqué les prévisions sur la croissance. Et vous avez été un certain nombre à nous demander ce qui se passerait si nous nous trompions. Mais si nous avions raison, avec les autres pays de l'Union européenne dont le Premier ministre a parlé tout à l'heure en évoquant le sommet qui s'est tenu en Autriche ? Si un mouvement nouveau se dessinait ? Et si cela marchait ? On verra. Après tout, les expertises de ce genre sont assez approximatives.

A propos du MICA, le plan Juppé avait, c'est vrai, assoupli certains dispositifs, notamment le départ à la retraite et la préretraite des médecins libéraux. Mais, s'il avait connu un certain succès, il souffrait d'un manque de financement. C'était un peu gênant. Nous avons donc dû, comme nous l'aurions fait d'un panier percé, le sauver en le raccommodant ! Il a donc été à nouveau abondé. Et qu'on ne prétende pas que ceux qui se sont engagés dans cette voie - le départ à la retraite - sont déçus. Par trois fois nous avons précisé ici même qu'ils ne seraient jamais lésés. Simplement, comme l'on manquait de certaines spécialités, nous avons annoncé que nous raisonnerions en fonction des spécialités et des répartitions géographiques. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en matière de santé publique, nous avons pris nos précautions.

Sur le Xénical, je crois vous avoir répondu,...

M. Jean Bardet.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Si, je vous ai dit que cela allait coûter cher. Il faut que vous compreniez que les médicaments de ce type, caractérisques de la médecine moderne, vont venir en abondance dans notre pays. Pour le moment, ils ne sont pas remboursés, mais il faut prévoir, en amont comme en aval, les adaptations nécessaires


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

pour tenir compte des nouveaux médicaments. Un jour, en effet, nous pourrons être amenés à répondre à une demande de remboursement, comme ce fut le cas pour la pilule qui, au début, n'était pas remboursée. C'est ainsi que les choses se passent lorsque la société progresse. Ne pas envisager de rembourser de tels médicaments relèverait d'une vision extrêmement opaque.

Vous dites que le projet n'énonce ni idées fortes ni objectifs. Il comporte déjà des outils formidables pour compléter, de façon structurelle, le fonctionnement de l'assurance maladie. Nous les avons énumérés tout à l'heure, mais, apparemment, vous ne les avez pas entendus. Je vous rappelle donc la création d'un conseil pour la transparence des statistiques. Vous en demandiez un pour les chiffres : le voici ! Nous avons encore instauré un fonds d'aide à la qualité des soins de ville doté de 500 millions. Vous prétendez que c'est un gadget.

N'est-il pas formidable que de disposer d'une somme pareille pour faire communiquer des médecins qui ne se parlent pas assez,...

M. Jean-Luc Préel.

Il y a le téléphone !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... pour faire en sorte que le réseau entre l'hôpital et la ville fonctionne bien.

Du reste, vous aviez fait le même type de commentaire à propos du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, auquel tous les hôpitaux aujourd'hui souhaitent faire appel. Pour le moment, tous les projets présentés sont pris en charge. Et l'on n'entend plus ni protestations, ni critique ! Vous ferez de même dans un an pour les autres fonds.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous souhaitez la mise en place d'un programme de dépistage systématique.

C'est exactement ce que nous faisons ! La régulation des dépenses de santé passe par là.

Nous proposons pour la première fois un fonds de réserves pour les retraites. Vous objectez que la somme qui est affectée n'est pas suffisante. Nous le savons bien mais c'est tout de même une indication assez forte. Ce faisant, nous garantissons le pouvoir d'achat des pensions, nous consolidons l'édifice. Vous trouvez que ce n'est pas assez. Mais ce n'est jamais assez, bien entendu ! Et l'extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, ce n'est pas assez non plus ? Voilà encore une mesure forte.

Par ailleurs, il est inexact de dire que, aux termes de l'article 15, les médecins généralistes ne pourront plus prescrire des frottis vaginaux. Au contraire, des frottis seront effectués dans le cadre du programme de dépistage pour toutes les femmes, soit par leur médecin généraliste, soit par leur gynécologue, et seront remboursés à 100 %. Bien entendu, tout frottis supplémentaire rendu nécessaire par l'apparition de signes cliniques sera également remboursé, monsieur Bardet.

Je vous répondrai encore sur quelques points, car vous avez dû tenir une heure, et je vous en félicite.

M. Bernard Accoyer.

Ah, voilà qui est plus agréable ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Certaines remarques m'ont un peu irrité. Ainsi, ce que vous avez dit à propos des médecins à diplômes étrangers monsieur Bardet. Allez donc dans les hôpitaux des grandes villes, vous constaterez que ce sont très souvent des médecins étrangers qui sont de garde, aussi bien en chirurgie qu'en anesthésie, en psychiatrie ou en médecine générale. Heureusement qu'ils sont là, car les autres n'y seraient pas !

M. Jean Bardet.

Revalorisez les PH et vous en aurez !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous ne pensez qu'à vous. Moi, je pense à ces gens qui font fonctionner les hôpitaux.

M. Jean-Michel Dubernard.

Vous allez créer deux catégories de médecins !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il faut, d'une part, ne pas les sous-payer, d'autre part, leur permettre d'accéder, d'abord au statut de PAC, ensuite au poste de praticien hospitalier.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Combien sont-ils ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vais vous le dire.

Il faut d'abord distinguer les médecins qui viennent se former en France, pour acquérir des techniques que les équipes françaises possèdent, et ceux qui travaillent dans nos hôpitaux et souhaitent s'installer dans notre pays, certains ne pouvant pas rentrer chez eux.

Pour les premiers, le problème est facile à régler. Ils font leurs études chez nous, puis repartent dans leur pays, rien à dire. Il faut évidemment délivrer le plus de diplômes possible, et même conforter notre système d'éducation en ce sens. Nous avons d'ailleurs sorti en mars dernier un décret rendant opérationnelle cette procédure puisque, en 1995, beaucoup de possibilités favorisant la venue en France de médecins étrangers avaient été fermées.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Merci, monsieur Dubernard. Vous qui travaillez avec une équipe étrangère et lointaine, vous ne pouvez pas dire le contraire.

Pour les seconds qui constituent le problème majeur, il faut mener trois politiques à la fois. D'abord ne pas transiger sur la compétence. C'est évident, monsieur Bardet ; c'est votre seul bon argument, et je le fais mien. Mais comment peut-on imaginer qu'ils ne sont pas compétents alors qu'on leur confie nos femmes, nos enfants...

Mme Odette Grzegrzulka.

Nos vieillards !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... et l'immense majorité des urgences dans les hôpitaux français ?

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est cela l'inégalité de l'accès aux soins !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Non, c'est la justice.

Et si ces médecins étrangers sont là, c'est parce que des m édecins à diplômes français, pour des raisons pécuniaires ou d'isolement, n'ont pas accepté des postes d'internes vacants. Heureusement que les médecins étrangers sont là pour les remplacer ! Nous allons donc leur permettre de passer un examen de compétence et analyser les services rendus. Car, oui, vous avez raison, la compétence ne se discute pas. En contrepartie, je ne souhaite absolument pas les maintenir dans des statuts précaires, ni dans des filières de ghetto, réservés à ces médecins.

M. Jean Bardet.

Je comprends pourquoi vous n'êtes pas allé au congrès des internes à Nice !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Une fois reconnus par leurs pairs, il faut leur permettre l'intégration dans la c ommunauté française. Des modifications législatives seront présentées à cet effet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Enfin, pour le futur, il faut que la France se dote d'un procédé transparent. Oui aux échanges scientifiques, oui à la venue de médecins.

Alors, monsieur Bardet, prétendre, comme vous le faites, que tout va mal relève du catastrophisme ! Je vous signale que les internes sont venus au ministère, toutes les semaines, pendant neuf mois. Et nous avons négocié non seulement le changement de rémunération des gardes, mais aussi les modifications de l'internat, auxquelles nous avons ajouté une filière pour les anesthésistes. Vous vous plaignez du faible nombre de ces derniers ? Eh bien, grâce à notre négociation avec les internes, nous allons de nouveau en trouver ! Il en va de même pour les obstétriciens.

Si je ne suis pas allé à Nice, monsieur Bardet, c'est que je travaillais avec une association de malades. En tout état de cause, un représentant du ministère s'est rendu à ce congrès qui n'était pas, à mon avis, très successfull, comme on dit. En effet, il n'y avait pas beaucoup de monde et c'était très politisé, au sens où une deuxième mesure, év idente pour notre système, a été refusée, celle qui consiste à faire en sorte de pouvoir disposer des médecins spécialistes là où l'on en a besoin. Sans une telle mesure, on peut être amené à fermer des services, des hôpitaux, et c'est la population qui en pâtira.

Voilà pourquoi nous avons négocié si longtemps. Nous venons de le faire avec les urgentistes, et là aussi, ça a été un succès. Tous les journaux s'en sont fait l'écho. Vous ne lisez pas la presse, monsieur Bardet ! Sachez que, depuis six mois, nous discutons avec les praticiens hospitaliers,...

M. Jean-Michel Dubernard.

Qui seront en grève le 2 décembre !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

... en vue de procéder à la nécessaire revalorisation de leur statut.

Oui, nous faisons tout cela, et bien d'autres choses encore, mais que nous dirons une autre fois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La commission souhaite-t-elle s'exprimer ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Michel Dubernard pour le groupe RPR.

M. Jean-Michel Dubernard.

Vous ne serez pas surpris que le groupe RPR vote la question préalable, défendue excellemment par Jean Bardet.

M. Jean-Paul Bret.

Nous ne sommes pas surpris, en effet !

M. Jean-Michel Dubernard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en dépit d'une véhémence inhabituelle,...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est de la passion !

M. Jean-Michel Dubernard.

Certes, et elle était des deux côtés ! Mais à certains moments, il faut recouvrer son calme.

Il reste en tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, que le projet de loi de financement, par bien des aspects, est incomplet. Il n'y a, par exemple, pas un mot sur l'hôpital.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Nous en parlerons pendant trois heures !

M. Jean-Michel Dubernard.

J'admets que la situation n'a guère évolué, mais on aurait au moins pu l'évoquer.

Un projet de loi de financement n'est pas un texte purement technique, technocratique.

Aux critiques de Jean Bardet portant sur le caractère arbitraire des données que vous avez présentées, calculées sur des bases elles-mêmes imprécises, aucune réponse convaincante n'a été apportée.

Pour la branche famille, l'abaissement du plafond du quotient familial revient à reprendre d'une main ce qu'on donne de l'autre.

En matière d'assurance maladie, il faut distinguer la médecine de ville et l'hôpital. S'agissant de la première, les médecins font l'objet d'un acharnement manifeste.

(« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela se traduit par la baisse autoritaire des tarifs, la modification du MICA, le double mécanisme de taxation, le mode de calcul de l'ONDAM, à partir des chiffres de 1998, et qui est donc déjà virtuel, voire négatif.

En ce qui concerne l'hôpital, vous avez tout dit, monsieur le secrétaire d'Etat. En effet, les restructurations sont timorées. Pourtant, c'est d'elles que devront venir les économies, la diminution des gaspillages, et les solutions à tous les problèmes que vous venez de citer. A cet égard, je vous signale que des praticiens hospitaliers ont annoncé aujourd'hui un mouvement de grève pour le 2 décembre, malgré tous vos efforts des neuf derniers mois.

M. Jean Bardet.

Alors, on ne lit pas la presse, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. Jean-Michel Dubernard.

S'agissant des praticiens contractuels, médecins titulaires d'un diplôme non européen, il faut distinguer ceux qui sont compétents, et ont donc une utilité, de ceux qui, notamment dans certains secteurs, n'apportent pas grand-chose et ne servent finalement qu'à maintenir un petit hôpital public, pour le plus grand plaisir du député-maire ou du sénateur-maire, ou encore du directeur de l'hôpital, qui préfère être le premier dans sa petite ville que le vingt-septième dans la hiérarchie de l'hôpital d'une ville, grande ou moyenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alain Clary.

C'est indigne !

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est la vérité ! Sur le Viagra, vous n'avez pas compris mon intervention. J'ai simplement dit qu'il fallait faire la distinction entre le confort et le symptôme. Je sais bien que certains patients qui présentent une impuissance peuvent être guéris par le Viagra : 40 % des impuissants après prostatectomie radicale, aux termes de l'essai français que j'ai eu la chance de coordonner, il y a deux ans. C'est un point précis. Le problème se pose également pour les diabétiques. Mais il ne faut pas rembourser le Viagra quand il est consommé pour améliorer les performances.

Sur les retraites, Jean Bardet a excellement souligné l'insuffisance du fonds de réserves - 2 milliards.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous l'avons dit !

M. Jean-Michel Dubernard.

Il a également précisé, à propos des accidents du travail, qu'on aurait pu tenter de diminuer un peu les charges des entreprises.

En fait, pour être bref, ce qui nous fera voter la question préalable, c'est surtout que votre projet manque de souffle. Il a beaucoup perdu de l'esprit qui avait poussé Alain Juppé à faire voter par le Parlement une loi de financement de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Mme Odette Grzegrzulka.

Merci Juppé, on a vu le résultat !

M. Jean-Michel Dubernard.

Oui, vous pouvez lui dire merci ! Heureusement qu'il a fait cela, sinon je ne sais pas où nous en serions ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par dessus, tout, c'est l'humain qui manque dans ce projet de loi où l'homme n'a pas sa place. Le mot

« malade » n'apparaît nulle part dans le texte. On trouve deux ou trois fois le mot « patient » et encore, il faut beaucoup chercher ! Vous ne faites qu'imiter la réforme Juppé, sans vous soucier de l'humain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est pour toutes ces raisons que le groupe RPR votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel.

Bien entendu, le groupe UDF votera lui aussi la question préalable, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) excellemment défendue par Jean Bardet, et qui ne méritait pas une réponse aussi agresssive.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur Kouchner, vous nous avez habitués à plus de sérénité.

Celle-ci s'impose car, comme l'a dit Martine Aubry ce matin, nous allons passer ensemble plusieurs jours et plusieurs nuits.

En effet, vos prévisions de recettes sont bien optimistes. Plus 2,7 % pour la croissance : certes, nous espérons un tel ordre de grandeur, mais ce taux a été retenu avant l'été, c'est-à-dire avant les crises du sud-est asiatique, avant la crise russe. Plus 3,4 % d'augmentation de la masse salariale : au moment où les entreprises négocient les 35 heures, et, par conséquent, n'ont pas beaucoup envie d'augmenter la masse salariale, nous risquons malheureusement de ne pas atteindre ce pourcentage.

Merci, Martine Aubry ! (Prestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, s'il vous plaît !

M. Jean-Luc Préel.

Claude Evin, ce matin, parlait de Mme le ministre. Certains dans vos rangs ont encore des progrès à faire ! Plus 2,6 % pour l'ONDAM : mais cette progression a été calculée sur les prévisions 1998 dont chacun sait qu'elles sont déjà en partie consommées par les spécialistes.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Elles seront tenues a posteriori !

M. Jean-Luc Préel.

Dans le même temps, l'Etat ne compense pas la totalité des exonérations de charges décidées par lui avant 1994 - il reste 17 milliards. Et il semblerait - M. Le Garrec me regarde avec inquiétude -...

M. Jean-Le-Garrec, président de la commission.

Oh non !

M. Jean-Luc Préel.

... que les exonérations de charges pour les 35 heures ne soient pas intégralement compensées ; certains disent même qu'elles ne le seraient qu'à hauteur de 60 %, ce qui serait effectivement catastrophique.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je vous ai déjà dit que c'était faux !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Il ne faut pas écouter n'importe quoi, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

J'espère que nous serons rassurés et que l'Etat compensera intégralement les exonérations décidées par lui ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

M. Préel comme Jeanne d'Arc entend des voix !

M. le président.

Laissez M. Préel s'exprimer, s'il vous plaît !

Mme Odette Grzegrzulka.

On ne peut pas le laisser mentir constamment !

M. Jean-Luc Préel.

Je vais devoir demander à intervenir pour un fait personnel ! Il s'agit non pas de mensonge mais de vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Catherine Picard.

Provocateur !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Il dit n'importe quoi !

M. Jean-Luc Préel.

Enfin, c'est dans la loi sur les 35 heures !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Vous entendez des voix, voilà tout ! (Rires.)

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Vous feriez bien d'en entendre, vous !

M. Jean-Luc Préel.

L'Etat ne paie pas son dû en temps voulu. C'est le cas pour le RMI, pour l'ARS, ce qui induit des intérêts qui ne sont pas du domaine de la protection sociale. Si l'Etat payait en temps voulu, nous n'aurions pas ces intérêts à payer. Je souhaiterais donc qu'il fasse des efforts en ce sens.

Vous ne préparez pas l'avenir. Il n'y a rien pour la famille.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel.

Aucune mesure pour les gardes des enfants. Aucune simplification des vingt-trois prestations et allocations.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Monsieur Préel, ce n'est pas bien d'agir comme cela !

M. Jean-Luc Préel.

Madame Gillot, y a-t-il dans ce texte des mesures de simplification des prestations ? Non !

Mme Odette Grzegrzulka.

Heureusement que le ridicule ne tue pas !

M. le président.

Monsieur Préel ne vous laissez pas interrompre !

M. Jean-Luc Préel.

Y a-t-il des mesures de simplification des allocations ? Non, telle est la réalité ! Vous ne préparez rien non plus pour l'avenir des retraites... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alain Clary.

Vous et vos amis n'avez rien fait !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de calme, s'il vous plaît !

M. Jean-Luc Préel.

... alors que nous approchons dangereusement du

« papy boom » de 2005 et qu'il faudra, à partir de cette date, trouver 150 milliards de francs par an. Que proposez-vous, par ailleurs, pour les régimes spéciaux ? Rien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et vous ?

M. Jean-Luc Préel.

Moi, je vais proposer une caisse des fonctionnaires ! Pour la santé, vous avez critiqué l'immoblisme constaté pendant plusieurs mois. Mais souvenez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de la lettre que vous avez adressée aux médecins.

M. Robert Pandraud.

Eh oui !

M. Jean-Luc Préel.

Vous leur avez écrit que, contrairement à ce qui s'était passé avant, vous alliez les écouter et qu'il n'y aurait pas de sanction. Dès lors comment vous étonner de certaines dérives !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'ai jamais dit cela !

M. Jean-Luc Préel.

On vous ressortira votre lettre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Après ces mois d'immobilisme, vous avez pris des mesures autoritaires sans aucune concertation, au mépris de l'autonomie des branches...

M. Bernard Outin.

Copie à revoir !

M. Jean-Luc Préel.

... ce qui a ouvert les yeux des professionnels. Et après avoir dit qu'il n'y aurait pas de maîtrise des dépenses et pas de sanction contre les médecins, vous les matraquez avec les lettres clefs flottantes. Cette sanction collective est inadmissible. C'est un véritable impôt social sur le revenu qui ne tient pas compte de la responsabilité individuelle.

Pour notre part, nous sommes, au contraire, favorables à une véritable responsabilisation prenant en compte les bonnes pratiques médicales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Préel, je vais vous demander de conclure.

M. Jean-Luc Préel.

Comme votre projet de loi ne nous convient pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe UDF votera avec plaisir et enthousiasme la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Terrier.

Monsieur Bardet, affirmer est une chose, convaincre en est une autre. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Et vos affirmations sont aussi inexactes que nombreuses.

Comme l'a très dit à propos de l'exception d'irrecevabilité notre président Jean Le Garrec, les motions de procédure sont utilisées pour accorder à la minorité un temps de parole. Et nous l'acceptons.

M. Robert Pandraud.

Encore heureux !

M. Gérard Terrier.

La preuve vient de nous en être donnée par M. Préel qui, s'écartant complètement de la question, a essayé de faire passer ses commentaires, qu'il aura l'occasion au demeurant de répéter dans la discussion générale.

Mais, outre le fait que votre propos était dénué d'argumentation, monsieur Bardet, il ne contenait aucune contre-proposition.

M. Jean Bardet.

Vous entendrez nos propositions lors de l'examen des amendements !

M. Gérard Terrier.

Vous vous enlisez dans des affirmations confuses et incroyablement contradictoires.

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait !

M. Gérard Terrier.

Ainsi, lorsque la ministre fait des prévisions sur plusieurs années, vous le lui reprochez ; lorsqu'elle n'en fait pas, vous le lui reprochez aussi.

Mme Odette Grzegrzulka.

Mauvaise foi caractérisée !

M. Gérard Terrier.

Pourtant, vous le savez très bien, gouverner c'est prévoir ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean Bardet.

Voire ! Et même l'avenir ! (Sourires.)

M. Gérard Terrier.

Il va donc falloir que vous nous expliquiez comment on peut prévoir sans prévisions...

Dans les cinq minutes qui me sont accordées, je ne peux pas répondre point par point à ces allégations.

Mme Odette Grzegrzulka.

Cela n'en vaut pas la peine !

M. Gérard Terrier.

Nous aurons l'occasion d'y revenir dans la discussion générale et lors de l'examen des articles. Je souligne d'ailleurs que le ministre l'a fait avec passion, non avec agressivité, et avec le talent qu'on lui connaît.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vois simplement que votre manque d'objectivité tient uniquement au fait que le Gouvernement actuel réussit là où vous avez échoué. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Bien entendu, tout n'est pas encore fait. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Pandraud.

Quel aveu !

M. Gérard Terrier.

Cependant les orientations sont fortes. Elles sont saines et elles garantissent la pérennité de notre système de protection sociale.

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est M. Prudhomme !

M. Gérard Terrier.

C'est pourquoi, il nous faut débattre pour enrichir ce bon projet afin qu'il devienne excellent. Or, pour pouvoir débattre, nous n'avons pas d'autre choix que celui de rejeter la question préalable.

Aussi le groupe socialiste ne la votera-t-il pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

Selon nos collègues de droite, il n'y aurait pas lieu de délibérer sur ce projet de loi qui paraît, à leurs yeux, inadapté aux réalités, inquié tant, injuste et j'en passe. Ce revirement est pour le moins curieux, qui consiste à estimer qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sauf quand la droite est majoritaire, bien entendu.

M. François Goulard.

Cela arrive parfois le vendredi ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Mme Jacqueline Fraysse.

Il est vrai que quand la droite traite de la protection sociale, c'est plus volontiers par ordonnances, par des actes autoritaires.

M. Didier Boulaud.

Avec l'article 49-3 !

Mme Jacqueline Fraysse.

Cela est évidemment plus facile.

M. Robert Pandraud.

Ne vous inquiétez pas, cela va revenir ! (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Ce n'est pas pour demain.

M. Robert Pandraud.

Nous sommes optimistes !

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous, nous pensons qu'il faut en débattre, précisément parce que ce texte traite de questions très importantes. D'ailleurs, vous le savez, nous considérons que ce projet est loin d'être parfait. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Justement, nous comptons profiter de ce débat pour l'améliorer et évoquer les problèmes de fond sur lesquels il est indispensable de discuter pour aller de l'avant. C'est le rôle de notre assemblée. C'est aussi, permettez-moi de le rappeler, le principe de la démocratie dont vous vous prévalez pourtant.

A l'inverse de votre démarche, nous pensons que cette discussion doit avoir lieu, car il nous appartient de mettre en oeuvre les changements nécessaires pour que notre système de protection sociale, qui a fait la preuve de son efficacité, soit non seulement sauvegardé, loin des tentations de privatisation, mais également modernisé et adapté à la situation actuelle et à l'évolution de notre société.

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez refusé le débat auparavant !

Mme Jacqueline Fraysse.

Calmez-vous, mon cher collègue ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

Laissez le président présider !

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez refusé les réformes et vous voulez débattre aujourd'hui ?

M. le président.

Je vous en prie.

Madame Fraysse, ne vous laissez pas troubler !

Mme Jacqueline Fraysse.

Je ne suis pas troublée, je suis très calme, mais du valium ferait du bien à certains.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et c'est remboursé par la sécurité sociale.

(Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Angot.

Et vous savez de quoi vous parlez !

M. Bernard Accoyer.

Notre collègue va accentuer la dérive des dépenses !

Mme Jacqueline Fraysse.

Pour réussir dans cette démarche il faut trouver de nouveaux financements permettant de rééquilibrer les comptes, de conserver et de développer la qualité des soins pour tous, de faire des progrès dans des domaines encore insuffisamment couverts, tels que la lunetterie, les soins dentaires ou, plus généralement, la prévention.

Chers collègues de droite, pourquoi refusez-vous de discuter ? Seriez-vous gênés par le débat sur les choix financiers nécessaires pour répondre aux besoins et aux attentes de millions de personnes ?

M. André Angot.

On verra qui est gêné à la fin du débat !

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous estimons que trop de problèmes subsistent pour ne pas en discuter. C'est pourquoi notre groupe votera contre cette question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Marc Laffineur.

Madame la ministre, le groupe Démocratie libérale votera cette question préalable parce que votre texte ne va rien régler du tout.

Je crois que l'on ne peut pas faire de réforme sans une mobilisation et une participation totale de l'ensemble des professions de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Evin.

Et les assurés sociaux ?

M. Marc Laffineur.

Or, avec votre texte, vous allez obtenir exactement l'inverse en mettant en place des sanctions aveugles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est vous qui parlez de sanctions ?

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, depuis le début de l'après-midi la majorité fait de l'obstruction systématique pour que l'on ne puisse pas débattre ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous demande donc de faire en sorte que je puisse m'expliquer tranquillement.

M. François Liberti.

Assez !

M. le président.

Je vous rappelle que chaque groupe dispose de cinq minutes pour une explication de vote.

M. Laffineur a donc pour cinq minutes...

M. Yves Rome.

Non, trois minutes !

M. Didier Boulaud.

Car il en a déjà utilisé deux !

M. le président.

... qui sont d'ailleurs largement entamées.

M. Marc Laffineur.

Encore faudrait-il, monsieur le président, que l'on me laisse parler !

M. Robert Pandraud.

Il faut décompter le temps des interruptions !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Madame la ministre, vous ne réglerez pas les problèmes par les sanctions que vous instaurez, notamment à l'encontre des médecins. Elles sont en effet totalement aveugles, parce que, en cas de dépassement des dépenses, tous les médecins seront sanctionnés, y compris ceux qui auront été respectueux des règles définies. C'est


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

totalement invraisemblable. En modifiant la valeur des lettres-clés, vous pourrez changer les règles du jeu comme bon vous semblera. Ne vous attendez donc pas à bénéficier du soutien des médecins dans la mise en oeuvre de votre réforme.

Votre projet ne comportera rien de nouveau non plus en matière de retraites. Vous savez d'ailleurs fort bien que si l'on ne met pas en place les fonds de pension dans notre pays, il ne sera pas possible de régler le problème.

A ce propos, on ne sait plus très bien ce que votre gouvernement pense de la question puisque le ministre de l'économie est plutôt pour, vous contre et le Premier ministre ne sait plus très bien s'il va en autoriser la création ou non.

M. Jean-Paul Bret.

Et l'Alliance ?

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Et votre PACS, comment va-t-il ? Vous êtes tellement en accord que vous êtes obligés de faire trois groupes parlementaires !

M. Marc Laffineur.

En tout cas, tout le monde sait qu'il faudra bien, un jour ou l'autre, mettre en place ces fonds de pension.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons cette question préalable très bien défendue par notre collègue, Jean Bardet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Mattei, premier orateur inscrit.

M. Jean-François Mattei.

Mesdames, messieurs, je centrerai mon propos sur la seule assurance maladie en abordant exclusivement la place et le rôle de l'Etat. J'essaierai d'abord de tirer les leçons du passé, avant de formuler des propositions pour l'avenir.

Depuis plus de vingt ans, les difficultés chroniques du budget de l'assurance maladie, assorties de déficits réitérés et cumulés, ont suscité un nombre désormais incalculable de plans, prétendument de sauvetage, mis en oeuvre par des gouvernements divers. Il s'agissait presque toujours de plans conjoncturels tendant à apporter des solutions ponctuelles.

En clair, on sait bien que, pour résorber le déficit chronique de l'assurance maladie, il n'y a guère que trois solutions classiques : augmenter les recettes en accroissant les cotisations d'une manière ou d'une autre ou en taxant telle ou telle catégorie de professionnels ou d'industriels du monde de la santé ; diminuer les dépenses, c'est-à-dire les remboursements, en augmentant la part du ticket modérateur ou en « déremboursant » purement et simplement tel ou tel médicament ou telle ou telle thérapeutique ; enfin, exercer un contrôle strict sur les dépenses en les enfermant dans un budget contraint, ce qui revient, quoi que l'on en dise, à instaurer des critères comptables même si, à des degrés divers, on essaie de s'appuyer avec plus ou moins d'efficacité sur des critères dits médicalisés.

Il est vrai que, politiquement, la maîtrise médicalisée est plus facile à faire accepter que la maîtrise comptable.

Chacun sait qu'en l'état actuel des choses, à quelques détails près, le résultat est le même.

L'expérience montre que nous avons désormais atteint les limites de ces trois méthodes désormais dépassées.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Jean-François Mattei.

En effet le taux de prélèvements est l'un des plus élevés des pays industrialisés sans d'ailleurs que les résultats soient toujours proportionnels aux sommes engagées.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait d'accord.

M. Jean-François Mattei.

Le taux de remboursement est l'un des plus faibles pour les mêmes pays.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

D'accord !

M. Jean-François Mattei.

Enfin les différents types de maîtrise n'ont pas non plus apporté, sur le long terme, les résultats miraculeux que d'aucuns prédisaient. Tant s'en faut.

M. Robert Pandraud.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Alors qu'est-ce que l'on fait ?

M. Jean-François Mattei.

Le moins que l'on puisse faire est donc de se poser de nouvelles questions pour tenter de trouver de nouvelles solutions au lieu de continuer à jouer sur le même registre.

La première question à se poser concerne le rôle de l'Etat, qui a également fait la preuve de son inefficacité d epuis de nombreuses années. Certes, personne ne conteste le progrès formidable qu'a constitué l'invention de la sécurité sociale il y a une cinquantaine d'années.

C'est probablement même l'une des fiertés de la France que de l'avoir organisée.

M. Alfred Recours.

rapporteur.

C'est vrai !

M. Jean-François Mattei.

Pourtant ce système semble désormais dépassé et il devient urgent de lui assurer une suite plus adaptée aux nécessités du temps, car les règles du jeu ont changé.

Au-delà des seuls travailleurs, tous les Français doivent désormais être couverts et assurés contre les maladies et les aléas de la vie. C'est une impérieuse obligation sur laquelle on ne peut transiger. Le sujet viendra prochainement en débat.

Au-delà du monde classique de la maladie, la prise en compte du vieillissement - dont on peut se demander s'il est une maladie quand il survient dans le cours normal de la vie -, de la prévention, de la réduction des risques, de l'information et de l'éducation à la santé s'impose, ajoutant au coût des soins classiques tout ce qui peut contribuer au mieux-être, mais également, et surtout, tout ce qui relève de la santé publique.

Enfin le troisième élément qui a changé dans les règles du jeu est constitué par les nouvelles formes de concurrence internationale à commencer par l'Europe, qui viennent bouleverser le rôle passé de l'Etat.

De mon point de vue, les responsabilités de l'Etat devraient être les suivantes.

Premièrement, définir les besoins sanitaires de la population.

Deuxièmement, mettre en place une véritable politique de santé publique, en allant beaucoup plus loin que ce qui est fait actuellement. A cet égard, je fais référence au dernier rapport du haut comité de la santé publique, qui, à côté de réelles avancées, souligne encore de trop nombreux points d'ombre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Troisièmement, définir les budgets nécessaires pour assurer la solidarité nationale afin que tous les Français soient égaux face à la maladie.

Quatrièmement, élaborer un cahier des charges fixant les règles de l'assurance maladie, à savoir : assurance obligatoire pour chaque citoyen, remboursement au premier franc des dépenses engagées, non-sélection des patients, non-discrimination des risques, égalité devant les soins.

Cinquièmement, vérifier que ce cahier des charges est scrupuleusement respecté.

Sixièmement, s'assurer que les professionnels de santé reçoivent une formation adaptée. Globalement l'Etat doit définir des objectifs, fixer des règles et s'assurer de la qualité des résultats. En revanche, il me semble qu'il ne doit plus intervenir dans la gestion d'une assurance maladie pratiquement placée en situation de monopole, comme il le fait aujourd'hui. Cette réflexion ne procède pas du tout d'une lubie libérale qui céderait à une mode. J'ai beaucoup réfléchi sur ce sujet.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous aussi !

M. François Goulard.

Certains feraient bien de l'imiter !

M. Jean-François Mattei.

Je sais que je n'ai pas été le seul à le faire, mais j'ai accepté de me remettre en question compte tenu des échecs persistants du passé.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Il n'y a aucune honte à penser qu'il est temps de changer de stratégie, plutôt que de s'obstiner dans des voies sans issue.

Vous-même, dans bien des domaines, vous avez évolué.

Ainsi, nous sommes loin des nationalisations de 1981.

Vous avez accepté de reconnaître - et c'est d'ailleurs à votre honneur - qu'il n'entrait pas forcément dans le rôle de l'Etat d'assurer le monopole des télécommunications, celui des transports aériens ou celui de la production d'électricité, pour ne prendre que quelques exemples récents.

Dans son dernier rapport au Parlement sorti ce mois d'octobre 1998, la Cour des comptes dénonce l'omniprésence de l'Etat, venant souligner le justesse de nos critiques. Il souligne en substance que trop de décisions sont confiées à l'Etat ou soumises à son accord a priori . Il dénonce même « la lourdeur des procédures administratives comme une des causes du retard dans la maîtrise des dépenses de santé quand la mise en oeuvre effective des différentes mesures prend le plus souvent de deux à trois ans ».

Je pourrais accumuler la litanie des retards et des insuffisances de pilotage. Mais la conclusion de la Cour des comptes est intéressante : « Une redéfinition du rôle de la tutelle permettrait vraisemblablement d'accélérer l'action des organismes sociaux. Il est urgent de procéder à une clarification des compétences entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale ».

Je sais que vous êtes pratiquement convaincus de l'exactitude de ces propos. D'ailleurs, le nouveau directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie a suffisamment dit et écrit sur le sujet pour que nous présumions que sur ces points, au moins, nous sommes d'accord. Puisque vous nous rejoignez sur le diagnostic, le reste ayant été essayé, pourquoi ne pas se lancer, comme cela se fait déjà dans certains pays, mais pas du tout sur le modèle américain que je condamne et refuse absolument, dans une nouvelle stratégie en acceptant l'idée d'une concurrence inéluctable ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous y voilà !

M. Alain Clary.

Une concurrence avec qui ?

M. Jean-François Mattei.

Dois-je rappeler qu'en Allemagne - on verra bien si le nouveau gouvernement change les règles, mais cela m'étonnerait - les caisses publiques d'assurance-maladie sont en concurrence depuis janvier 1996 ?

M. Yves Bur.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Assurés et consommateurs ont besoin de faire des choix, même au sein d'un système solidaire. Plusieurs pays ont innové dans ce domaine avec une politique qui concilie la fin du monopole avec le maintien d'une solidarité. A cet égard, je vous renvoie simplement à deux modèles : le modèle Suisse et le modèle des Pays-Bas, pays dont on peut penser qu'il n'est pas à la pointe de ce qui est prétendument le libéralisme avancé.

Sans limiter l'horizon aux projets déjà avancés, il faut quand même se donner la peine de les analyser. Le système proposé par Axa...

!

M. Jean Vila.

Nous y voilà !

M. Jean-François Mattei.

J'essaie d'être objectif.

M. Alain Clary.

Cela est très bien amené !

M. Jean-François Mattei.

... permettrait à l'assuré de disposer d'un réseau médical et hospitalier financé par l'assureur. Le payeur est aussi le gestionnaire des soins.

Le projet proposé par Groupama, assureur à statut mutualiste, a été accepté par la commission Soubie en mars dernier. Il prévoit la création, dans les zones rurales de cinq départements, d'un réseau de soins de généralistes s'engageant à participer à des groupes de progrès cherchant à dépenser moins. En échange, ces médecins reçoivent une rémunération supplémentaire de 80 francs par patient et de 5 000 francs sur la durée de l'expérimentation, fixée à dix-huit mois.

Pourquoi ne pas accepter une expérimentation dans quelques départements etou régions basée sur l'autonomie des caisses et leur mise en concurrence, mais sans a priori ?

M. Alain Clary.

Voilà qui ressemble au conte Le Petit chaperon rouge !

M. François Sauvadet.

Cela suffit les primaires ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Quelle arrogance ! La réserve expresse du cahier des charges dont je parlais tout à l'heure, je ne vois pas pourquoi l'Etat continuerait à garder la haute main plus ou moins avouée sur la gestion d'un système qui est l'exemple même de l'économie mixte qui ne marche plus.

Gérer et contrôler efficacement un budget de 630 milliards de francs est tout simplement impossible. C'est le tiers du budget de l'Etat. Il faut être raisonnable et revenir au plus près des citoyens en définissant de nouvelles règles et de nouvelles responsabilités.

Je vous avais interrogée, madame la ministre, en juin dernier sur ces hypothèses. Je suis heureux d'apprendre que vous vous êtes aussi intéressée à la mise en concurrence des assurances dans le domaine de la santé puisque vous avez demandé un rapport circonstancié au centre de recherche, d'études et de documentations en économie de santé - le CREDES.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'en ai parlé tout à l'heure !

M. Jean-François Mattei.

Dans ce rapport qui vous a été remis le 20 octobre, quelques réserves sont émises - il faut être objectif. Mais le CREDES n'écarte pas toute évolution de l'assurance maladie vers un fonctionnement plus proche du marché.

M. Jean Vila.

Nous y voilà !

M. Jean-François Mattei.

Dans une première étape, il préconise d'expérimenter les formes de mises en concurrence de caisses publiques d'assurance maladie à l'image de ce qui se fait en Allemagne. Pour le CREDES, ces propositions « représentent une alternative sérieuse à la concurrence entre assureurs privés ».

Le plan Juppé a apporté des éléments décisifs qu'il faut conserver car ils constituent des avancées notables : non seulement le débat annuel devant le Parlement à partir des conférences de santé, mais aussi la notion d'assurance maladie universelle, que vous reprenez, et la définition des outils de pilotage tels que l'informatisation, l'accréditation et l'évaluation, parmi d'autres.

Il a malheureusement rencontré un obstacle majeur, l'opposition formelle des professionnels de santé sur un p oint. Or je suis absolument convaincu qu'aucune réforme de notre système de santé ne pourra être entreprise et réussir si elle ne rencontre pas leur adhésion totale.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. François Goulard.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

A vrai dire, on aurait pu le prévoir. Depuis 1981, les médecins ont régulièrement voté contre les gouvernements qui leur ont imposé des règles de plus en plus contraignantes : 1981, 1988, 1993, 1997, tantôt vous, tantôt nous, c'est la loi du genre. Evidemment je pourrais vous conseiller de continuer avec vos mesures vis-à-vis des biologistes, des radiologues, des chirurgiens-dentistes et des autres, cela pourrait nous laisser entrevoir des lendemains heureux...

Eh bien non ! Il me semble que vous seriez bien inspirés de changer de stratégie. L'Etat doit-il se mêler de la nature des conventions ? Pourquoi doit-il se préoccuper des exigences de tels ou tels professionnels ? Soyons logiques ! Si les professionnels de santé souhaitent, et c'est leur droit, garder la liberté de leur choix quant à leur modalité d'exercice, pourquoi ne pas les laisser choisir eux-mêmes les caisses ou les organismes parapublics ou privés avec lesquels ils souhaitent travailler ?

M. Jean-Marie Le Guen.

Et réciproquement !

M. Jean-François Mattei.

L'Etat, je le redis avec force, doit assurer le financement et le respect de la solidarité nationale au regard de la maladie, il ne doit plus jouer le rôle d'intermédiaire et encore moins de négociateur avec les professionnels ou les organismes de gestion. Ce n'est pas son rôle et cette période est révolue ! Dans ces conditions, il est clair que les professionnels de santé retrouveraient une partie de leurs libertés, retrouveraient la capacité de choisir, accepteraient telle ou telle contrainte de tel ou tel système en obtenant des contreparties et en étant intéressés à la bonne marche du système. Ils pourraient même tenter d'améliorer leur situation en progressant dans leur niveau de compétences, dans leur formation continue, dans leur modalités d'exercice. C'est aussi cela la liberté ! Sauf à entrer définitivement dans une médecine d'Etat avec encadrement à l'inst allation, contrainte budgétaire, inertie et lourdeur administrative, je suis convaincu que cette voie doit être explorée car elle est la dernière chance de sauver notre système de santé dans l'intérêt de tous.

Il va de soi, mais le temps m'est compté, que je pourrais tenir le même raisonnement sur les établissements hospitaliers avec toute la souplesse qui s'impose - et que vous ressentez, monsieur le secrétaire d'Etat, on le perçoit dans vos propos - au niveau des besoins en personnels et en spécialistes, des modes de fonctionnement, du partage des équipements et le souci de répondre au malade en lui assurant disponibilité, compétence et rapidité. Nous avons besoin de faire tomber les cloisonnements, les barrières et nous ne pourrons le faire que si nous proposons une nouvelle organisation sur de nouvelles bases.

M. Alain Clary.

Et les recettes ?

M. Jean-François Mattei.

Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause l'accès aux soins de tous et d'instaurer un système de protection sociale sélectif, mais au contraire d'améliorer l'efficacité et l'équité de l'accès au x soins.

Le principe constitutionnel selon lequel « la nation garantit à tous la protection de la santé », défini dans le préambule de la Constitution de 1946, n'oblige nullement à une gestion monopolistique du système de santé, mais seulement un accès aux soins qui ne doit pas dépendre de la capacité financière des individus.

Voilà le rôle de l'opposition tel que nous le comprenons : vous dire en quoi nous ne vous suivons pas et faire des propositions pour tenter d'avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Au moins, c'est clair !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1106, de financement de la sécurité sociale pour 1999 ; MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1148, tomes I à IV) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1147).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT