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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

ARTHUR PAECHT

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 7431)

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7431).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 7431)

MM. Gérard Terrier, Bernard Accoyer, Mme Jacqueline Fraysse,

MM. Jean-Luc Préel, Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance vieillesse ; le président, Georges Sarre, Marc Laffineur, Pascal Terrasse, Jean-Michel Dubernard, Mme Muguette Jacquaint,

MM. Jacques Barrot, André Aschieri.

Suspension et reprise de la séance (p. 7451)

MM. Bernard Perrut, Jean-Paul Bacquet, Thierry Mariani, Maxime Gremetz, Jean-Pierre Foucher, Mme Hélène Mignon,

MM. Bruno Bourg-Broc, Bertrand Kern, Germain Gengenwin, Philippe Nauche, Jean-Jacques Weber.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 7464).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7465).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

M. le président.

A la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la séance va être suspendue quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à vingt et une heures cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SE

CURITE SOCIALE POUR 1999 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (nos 1106, 1148, tomes I à IV).

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, mes chers collègues, cette troisième loi de financement de la sécurité sociale, dont le budget est supérieur à celui de la nation, va certainement marquer un tournant.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Ça, c'est sûr !

M. Gérard Terrier.

En effet, les responsables politiques, dans leur très grande majorité, partagent le même constat. L'offre de soins a des conséquences considérables sur les dépenses de santé et le débordement de ces dépenses engendre à terme des rationnements et de grandes inégalités. Cette offre doit donc être organisée, maîtrisée et régulée, car notre système ne peut vivre durablement à crédit.

Les seules évolutions du financement ne peuvent suffire à assurer la pérennité de l'assurance maladie. Il faut maintenant passer à une seconde phase, la réorganisation du système de soins.

Ce dernier s'est trop longtemps développé sur des bases quantitatives. Cela avait été nécessaire pour parvenir à des taux d'équipement hospitalier satisfaisants et accroître le nombre de médecins.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Jusqu'à présent, c'est bien.

M. Gérard Terrier.

Mais, dans la mesure où la sécurité sociale payait sans regarder si la progression de l'offre de soins s'accompagnait d'améliorations sanitaires, les aspects qualitatifs ont été négligés.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Oh non !

M. Gérard Terrier.

Le projet de loi donne une base législative aux outils structurels qui permettront une réorganisation de l'offre de soins. Désormais, les caisses et les syndicats de médecins disposent des éléments nécessaires pour négocier des conventions dont le contenu pourra largement dépasser les questions tarifaires et l'organisation juridico-administrative. Du coup, on pourrait aboutir à ce paradoxe qu'il faut passer par la loi pour que, à l'avenir, il y ait moins de lois.

Après ces quelques considérations, je souhaiterais revenir sur l'aspect financier de ce projet.

Pour la première fois depuis dix ans, nous observons le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

Une prévision de retour !

M. Gérard Terrier.

Nous sommes, comme tous les Français, attachés à notre système de protection sociale dont la pérennité dépend en partie de cet équilibre. Nous devrions donc tous être très satisfaits.

J'ai entendu diverses critiques sur la chance qu'a la majorité de bénéficier de la croissance, sur l'hypothèse jugée trop optimiste de l'évolution de la masse salariale, sur des mesures de déstructuration, démobilisatrices, envers les acteurs de santé publique.

Je ne reviendrai pas sur la gestion passée de ceux qui, aujourd'hui, orchestrent ces critiques, je me limiterai aux chiffres du déficit : en 1996, 53,2 milliards ; en 1997, 33,2 milliards.

M. Bernard Accoyer.

Remontez plus loin dans le passé !

M. Gérard Terrier.

En 1998, il est réduit à 13,3 milliards alors que le projet de loi prévoyait 12,9 milliards.

Ce redressement est dû seulement pour un quart à la croissance, qui a permis de dégager six milliards de recettes supplémentaires. Les trois quarts restants proviennent des mesures structurelles que nous avons votées lors de la précédente loi de financement.


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Comme nous pouvons le constater, ce retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale s'effectue sans prélèvement supplémentaire...

M. Jean-Luc Préel.

Et les 23 milliards sur l'épargne !

M. Bernard Accoyer.

Et la CSG !

M. Gérard Terrier.

... et surtout sans baisse ni des prestations, ni des remboursements. Il y a là une rupture essentielle par rapport au plan élaboré par la majorité précédente, qui frappait de plein fouet les assurés sociaux.

Je ferai remarquer également que, si la croissance est fonction de l'environnement économique international, elle se maîtrise par des actes politiques que ce gouvernement a su faire, notamment en favorisant la consommation intérieure, en redynamisant le pouvoir d'achat des Français, et la dernière loi de finances de la sécurité sociale y a contribué par le basculement vers la CSG des contributions sociales des salariés.

A ce point de mon intervention, je voudrais, madame la ministre, vous dire, comme un grand nombre de mes collègues de cette majorité, mon attachement à une réforme de l'assiette des contributions patronales. Certes, il y est fait référence dans l'annexe, mais il devient urgent de décliner des mesures. Je sais votre volonté de dialogue, de concertation. Il est nécessaire de négocier avec les partenaires, mais ce ne doit pas être une raison pour retarder trop longtemps les décisions.

Plusieurs députés du groupe communiste.

Tout à fait !

M. Gérard Terrier.

Vous savez comme moi que les produits du travail sont plus mis à contribution que les produits du capital, qui ne participent, quant à eux, que trop partiellement au financement de notre protection sociale.

Il est nécessaire de trouver une meilleure solidarité dans nos contributions, tout en veillant, bien entendu, à ne pas altérer la compétitivité de nos entreprises, qui sont tout aussi indispensables à la cohésion sociale de notre pays.

L'équilibre financier ainsi obtenu ne supprimera pas, loin s'en faut, la nécessité de prendre des mesures novatrices et contribuant à plus de justice sociale. Ainsi, dans ce projet, nous apprécions l'effort sur la revalorisation des pensions. En effet, le dispositif mis en place par la loi du 22 juillet 1993, arrivant à échéance le 31 décembre de cette année, conduirait, si nous l'appliquions stricto sensu, à une baisse de 0,5 %, qui représente l'écart entre la prévision d'inflation ayant servi à calculer la revalorisation de 1998, qui s'élève à 1,3 %, et le taux réellement constaté pour 1998, qui s'élève quant à lui à 0,8 %. Or l'article 29 de ce projet de loi propose de revaloriser au 1er janvier 1999 de 1,2 %, ce qui constitue un gain de pouvoir d'achat de 0,5 %. Cela ne me paraît que justice, eu égard à la nécessaire reconnaissance que nous devons à nos aînés.

Bien sûr, le problème de la pérennité des retraites est devant nous. Les orientations que vous avez prises vont dans le bon sens. Elles s'appuient sur des valeurs que nous défendons, à savoir la solidarité intergénérationnelle, en manifestant votre engagement de ne pas supprimer le régime par répartition. Mais il va nous falloir faire preuve d'audace, en instituant des dispositifs qui garantissent un minimum décent à chacun, tout en assurant un financement qui s'inscrive dans la durée et qui réponde à l'exigence de justice sociale.

Il me paraît également nécessaire d'abroger la loi Thomas, qui n'a d'ailleurs pas de décret d'application.

M. François Goulard.

La faute à qui ?

M. Gérard Terrier.

Il est donc urgent et capital de légiférer sur ce dossier, et l'ouverture de fonds de solidarité de vieillesse, même si la somme est pour le moment symbolique, indique une piste qui me paraît fort intéressante, et qu'il nous faudra dynamiser dès lors qu'il ne s'agira que de systèmes complémentaires.

On peut également observer dans cette loi plus de justice sur l'assurance maladie. La piste ouverte par notre collègue Jean-Claude Boulard sur la couverture maladie universelle en sera d'ailleurs un prolongement.

M. François Goulard.

Faible piste !

M. Gérard Terrier.

Solidarité, justice sociale, négociation, ce qui a préludé à la rédaction des articles 13 et 14 traitant des mesures relatives à la famille. Les mesures souhaitées à une très large majorité par la conférence de la famille qui s'est tenue le 12 juin dernier sont reprises dans ce projet. Je citerai pour mémoire le retour à l'universalité des allocations familiales, l'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, le relèvement de la limite d'âge pour le maintien du droit aux prestations familiales et aux aides au logement de dix-neuf à vingt ans pour les jeunes inactifs ou ayant une rémunération au plus égale à 55 % du SMIC, l'alignement progressif des plafonds de l'allocation de logement familiale sur ceux de l'aide personnalisée au logement.

Pour conclure, je souhaiterais vous faire part de notre volonté d'enrichir ce projet par des amendements. En particulier, en dépit des engagements inscrits dans le calendrier du Gouvernement - retraite, CMU -, il me paraît nécessaire, dès ce projet de loi, d'aborder les dispositifs touchant les pensions de réversion des veuves et de traiter le cas difficile des personnes handicapées. Nous savons pouvoir compter sur votre écoute pour parfaire ce projet de loi qui propose d'énormes avancées et qui s'inscrit dans la durée par l'équilibre enfin retrouvé et par une offre de soins maîtrisée, organisée et régulée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Jean-Luc Préel.

Enfin, les vrais problèmes vont être abordés !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec cette loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le Gouvernement confirme sa ligne d'action.

C'est le projet de loi de l'immobilisme et des occasions manquées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ... P lusieurs députés du groupe socialiste.

Cela commence bien !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Accoyer, ne vous laissez pas interrompre, sinon vous allez inutilement prolonger la soirée !

M. Bernard Accoyer.

... immobilisme et occasions manquées qui hypothèquent l'avenir, sauf pour les soins ambulatoires où sont concentrés dogmatisme et agressivité du pouvoir contre les professions libérales de santé.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Annonce l'équilibre des comptes de la sécurité sociale constitue un pari osé, parce que les recettes sont surévaluées. En 1999, le Gouvernement table sur une croissance de la masse salariale de 4,3 %. C'est une hypothèse qui paraît pour le moins optimiste dans le contexte mondial que nous connaissons. Elle ne prend pas en compte le ralentissement de la hausse des salaires entraîné par la réduction du temps de travail.


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M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Ah !

M. Bernard Accoyer.

La loi sur les 35 heures devait, nous avait-on dit, créer plus de 100 000 emplois. La réalité est tout autre, et les conséquences sur les comptes sont inéluctables. Mais ce qu'il convient de dénoncer, c'est l'absence de compensation, par l'Etat, d'ailleurs soulignée par l'excellent rapporteur Alfred Recours, à hauteur de 17 milliards. C'est un manque cruel dans les recettes.

Alors que nos concitoyens reçoivent leurs appels de CSG, ils mesurent le poids de plus en plus insupportable des nouveaux prélèvements que vous avez institués. Bien que son rendement ait été sous-estimé en 1998, le transfert des cotisations maladie sur la CSG n'a pas donné lieu pour autant à une réduction de taux cette année.

L'évolution tendancielle des comptes est inquiétante.

Si, en 1998, les comptes font apparaître un déficit de 13 milliards, que le Gouvernement a présenté comme un succès, la réalité est différente, comme cela est, hélas !, facile à démontrer.

En 1998, ce sont les recettes, par définition fragiles, qui ont progressé, mais les dépenses n'ont pas été maîtrisées. La CSG collectée a donné davantage, la croissance internationale a augmenté les recettes et le Gouvernement a prélevé en cours d'année des sommes importantes et exceptionnelles, notamment sur l'industrie pharmaceutique.

Aucune dépense n'est pour autant maîtrisée. Seules des réductions drastiques de tarifs ou de prestations ont été opérées sur les prestations familiales et sur un certain nombre de tarifs médicaux.

Pour 1999, le Gouvernement annonce donc l'équilibre.

Nous le souhaitons, évidemment, mais le pari est risqué.

Les prélèvements exceptionnels ne peuvent, par nature, se répéter, et les taxations d'office, qui n'ont que deux cibles, finiront par se tarir. Les professions libérales de santé et les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas solvables et corvéables à merci.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

C'est exact !

M. Bernard Accoyer.

Rappelons que le projet de loi de financement fixe les contributions. Pour les médecins, le dépassement d'enveloppe est certain dès 1998 ; pour 1999, il le sera en cours d'année et en fin d'année. Pour les laboratoires, le prélèvement sera même rétroactif jusqu'en 1996 et 1997, avec une très lourde surtaxe spéciale, prétextant d'une décision de justice, et exclusivement appliquée aux entreprises développant leur recherche en France, c'est-à-dire essentiellement des entreprises françaises. C'est un véritable coup de poignard, de l'autodestruction d'emploi. Et peut-être n'en resterons-nous pas là, si le secrétaire d'Etat applique ce qu'il a annoncé : le déremboursement de familles de médicaments, comme par hasard fabriqués essentiellement par des entreprises françaises.

Le projet de loi de financement ne contient rien sur la réforme des cotisations patronales. Pourtant, s'il est un sujet sur lequel la gauche s'est exprimée abondamment, c'est celui-là. S'il existe un consensus pour souligner l'urgence d'une telle réforme pour lutter contre le chômage, c'est bien celui-là. La marge apportée par la croissance offrait une occasion inespérée de réduire les charges p esant sur les entreprises, réduction initiée par

M. Edouard Balladur et amplifiée par M. Alain Juppé.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Oui, il était mieux !

M. Bernard Accoyer.

Ces baisses exigent, c'est vrai, une diminution de la dépense publique d'Etat. Or tel n'est pas votre choix : cette année, une nouvelle fois, les d épenses publiques vont augmenter. Transférer les charges sur les salaires plus élevés ou sur la valeur ajoutée par les entreprises aurait des effets désastreux sur le niveau des salaires, bien sûr, mais aussi sur la compétitivité des entreprises innovantes, moteurs du développement et de la croissance économique.

S'agissant des familles, si le Gouvernement a fini par céder, sous la pression, sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales, son acharnement sur cette branche et sur les familles elles-mêmes ne se dément pas pour autant. D'abord, en compromettant l'équilibre de la branche, car si l'allocation de parent isolé est à l'avenir financée par l'Etat, il manque 1 milliard environ entre cette dépense et la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Pour ce qui est du déséquilibre de la branche famille, vous êtes quand même des experts !

M. Bernard Accoyer.

Ensuite, parce que ce transfert depuis le budget de l'Etat est fragile et que le Gouvernement, celui-ci ou un autre, finira bien par le remettre en cause.

L'AGED demeure diminuée de moitié et les familles auront été spoliées d'autant en 1998.

Pour 1999, quoi qu'en dise le Gouvernement, le résultat sera le même : la spoliation des familles sera à nouveau de 5 à 6 milliards de francs.

Cette année, la baisse d'un tiers - excusez du peu - du quotient familial touchera 450 000 familles. Avec ce gouvernement, chaque année, l'enfant devient un peu plus la cause de l'augmentation des impôts de ses parents ! Alors que la contribution fiscale des familles est majeure, cette injustice est choquante. Les familles ne sont-elles pas celles qui paient nécessairement le plus de TVA, puisq u'elles sont dans l'obligation de consommer ? Les familles ne sont-elles pas les premières à créer la demande de logements, de biens d'équipement ? Les familles, madame la ministre, ne comprennent pas votre acharnement. Elles ne comprennent pas non plus les hausses d'impôts que vous leur réservez, au moment où le pouvoir trouve 8 milliards de francs pour financer le PACS, selon les dernières estimations de Bercy.

Quant à la branche vieillesse, il y a bel et bien urgence.

Vous avez créé le fonds de réserve des retraites par répartition. Mais faut-il rappeler, qu'il est des mesures qu'il eût mieux valu ne pas prendre tant elles sont insignifiantes, hypocrites et dangereuses, car faussement rassurantes. Comment en sommes-nous arrivés là ? Dans la précipitation, il a fallu mettre quelque chose sur les retraites, car la dernière commission des comptes de la sécurité sociale, qui fut l'objet d'un très beau et très long discours du ministre, oubliant quelque peu le temps laissé au secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, devait nécessairement comporter quelque chose sur les retraites. C'est ainsi qu'a été imaginé dans l'improvisation et la précipitation le F3R.

Comme par hasard d'ailleurs, il se nourrit, nous allons le voir, de la C3S. C'est une manie.

Mais en alimentant ce fonds à hauteur de 2 milliards, soit l'équivalent de deux mois de durée de la caisse d'amortissement de la dette sociale - que vous avez rallongée l'an dernier de cinq ans, soit de soixante mois -, il y a là quelque chose qui est à la limite de la malhonnêteté.


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M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.

Oh !

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Cela devient intéressant !

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est ni sérieux ni honnête, car ce F3R, alimenté par la C3S, peut faire croire que les régimes par répartition seraient garantis pour l'avenir, ce qui est totalement faux. Or, chacun le sait, madame la ministre, et vous le savez officiellement depuis dix ans avec le Livre blanc de M. Rocard, dès 2005 le financement sera compromis très sérieusement. Aussi les groupes de l'opposition ont-ils déposé un amendement pour supprimer l'article 2.

En réalité, l'attitude de la gauche face à l'avenir des retraites est faite d'idéologie et d'inconscience. Idéologie et inconscience quand la gauche vote contre la réforme des retraites des salariés du secteur privé présentée par Edouard Balladur en 1993, une réforme pourtant indispensable, qui d'ailleurs porte déjà ses fruits.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Deux milliards par an exactement, comme le fonds de réserve !

M. Bernard Accoyer.

Sans cette réforme, le déficit de la branche vieillesse serait aujourd'hui d'une tout autre ampleur. Idéologie et inconscience quand la gauche, en 1995, s'oppose avec les grévistes des régimes spéciaux, alors qu'il ne s'agissait que d'en établir le simple bilan.

Inconscience quand elle dit refuser toute retraite par capitalisation en 1997 en votant contre les fonds de pension, même en complément des régimes par répartition, alors que cela est arithmétiquement indispensable pour les jeunes générations.

Pourtant, il y a déjà des retraites complémentaires par capitalisation ouvrant droit à des avantages fiscaux. Elles ne compromettent pas le régime par répartition et elles ont même été voulues et mises en place par les syndicats représentatifs de fonctionnaires qui, que je sache, sont, à juste titre, des défenseurs intransigeants de la répartition.

Ces régimes complémentaires par capitalisation, qui ont pour noms Préfon, CREF, UMRIFEN, sont ouverts depuis plusieurs décennies aux seuls agents ou anciens agents des collectivités publiques.

J'ai déposé avec l'ensemble du groupe RPR un amendement permettant à tous les salariés et travailleurs indépendants d'accéder à ce type de régime complémentaire.

Il serait de la plus élémentaire des justices que cet amendement soit retenu, puisqu'il s'agit de salariés qui connaissent une incertitude sur l'emploi, et donc sur leur retraite. Proportionnellement, leurs retraites sont nettement inférieures à celles servies aux anciens agents des collectivités publiques et des régimes spéciaux.

S'agissant de la branche maladie, la ligne est claire.

Après l'immobilisme de 1998, rien de nouveau n'est prévu pour l'hôpital, alors que les soins ambulatoires sont l'objet de toutes vos attaques, au risque de changer le système.

En 1998, avec 2 900 fermetures de lits - vingt-neuf par département -, le rythme des restructurations entamé en 1994 s'est ralenti.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Accoyer.

Le leurre créé par les nouveaux SROSS a donc bien fonctionné, mais les personnels sont désormais très inquiets. Ils seront en grève le 2 décembre prochain.

Cet immobilisme est dangereux pour la qualité des soins et le poids financier dominant de l'hospitalisation sur la branche. En abandonnant l'évaluation et l'accréditation, vous avez ouvert la porte à l'évaluation par la presse ; c'est mieux que l'ignorance qui lèse surtout les plus défavorisés et les moins malins, mais est-ce socialement acceptable ? En revanche, pour l'encadrement des dépenses de soins ambulatoires et des professions de santé libérales, le Gouvernement use des grands moyens et cette voie pourrait, à terme, conduire à changer de système de soins. En retenant un objectif national des dépenses ambulatoires de plus 2,39 %, on sous-estime le rythme incompressible de hausse des dépenses pour plusieurs raisons.

D'abord, l'ONDAM 1999, calculé à partir de l'ONDAM voté pour 1998 et non celui réalisé, sera très réduit, voire négatif, pour certaines de ses composantes.

Ensuite, aucune considération autre que comptable n'a été prise en compte : ainsi le vieillissement, l'allongement annuel de trois mois de l'espérance de vie à un âge où la consommation de soins est très importante et se chiffre à plusieurs milliards, les dépenses de prescriptions ou de vérification de non-contre-indications induites par des molécules nouvelles non remboursées telles que le Viagra ou le Xenical, soit un demi-milliard, et aussi les dépenses d'assurance maladie des 70 000 clandestins régularisés, soit environ 1 milliard.

On le voit bien, l'ONDAM sera largement dépassé ou très insuffisant. Pourquoi faudrait-il que cette sousévaluation des dépenses soit comblée uniquement par les médecins et les laboratoires pharmaceutiques ? Le projet de loi de financement ne mentionne même pas la notion de maîtrise médicalisée. C'est tout un symbole. Tout est arithmétique, collectif, comptable et proportionnel aux revenus. D'ailleurs les groupes de l'opposition ont déposé un amendement commun de suppression de l'article 21. En effet, les outils de la maîtrise médicalisée sont oubliés ou malmenés : qu'il s'agisse de la formation médicale continue, de la révision de la nomenclature, du codage des actes et des pathologies, des références médicales opposables.

Pour les soins bucco-dentaires, voilà plus de trente ans que les soins conservateurs et préventifs sont de plus en plus mal remboursés. La santé bucco-dentaire des Français est devenue préoccupante. Dans ce contexte, comment expliquer la décision estivale du Gouvernement d'annuler brusquement un accord de réévaluation qui est venu encore aggraver ce retard ? Considérant que les soins bucco-dentaires doivent être enfin réévalués, le groupe RPR a déposé un amendement conditionnant toute réforme de la facturation à un accord conventionnel et tarifaire préalable.

M. Yves Bur.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Quant à l'informatique, c'est l'entêtement. En refusant depuis quinze mois d'accepter le principe de l'indemnisation de la télétransmission des feuilles de soins, le Gouvernement et la CNAM viennent d'établir un nouveau record : 3 000 feuilles de soins télétransmises pour 3 milliards d'investissement par les caisses et les médecins, soit 1 million de francs la feuille télétransmise ! Et l'on voudrait que seuls les prescripteurs et les laboratoires soient responsables de tout ! Le sort alloué à la démographie médicale en 1997, 1998 et 1999 ne vaut guère mieux. Alors que le MICA poussait à grand frais 3 000 médecins prescripteurs vers la retraite, généralement, hélas !, ceux appartenant à des spécialités souffrant de pénurie, le Gouvernement, par le


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biais des autorisations élargies, augmentait de plusieurs milliers le nombre des médecins à diplôme hors CEE autorisés à exercer dans les hôpitaux, pour l'instant, sans tenir compte d'ailleurs de leurs spécialités. Le problème des hôpitaux et des restructurations, vous le savez, n'en sera que plus compliqué.

Mais le plus inquiétant pour l'avenir des professions libérales de santé, c'est l'instauration des lettres clés flottantes que vous avez expérimentées avec les radiologues cet été au mépris des transferts d'activité entre hôpital et ville et du principe constitutionnel des lois de financement modificatives. Comment voulez-vous, madame la ministre, qu'un cabinet puisse survivre si ses tarifs varient ainsi ? Et, puisque vous avez dit que cette baisse était temporaire, quand cessera-t-elle ? Aux redoutables lettres clés flottantes, vous ajoutez un système de sanctions collectives dont on sait déjà qu'il fonctionnera pour 1998 et 1999 ! Collectif, systématique, comptable car dépendant du dépassement national et du revenu du médecin, le dispositif est terriblement contraignant. Nul doute qu'il sera efficace car son rôle est la récupération au franc près du dépassement national, ce qui était loin d'être le cas pour le dispositif issu des ordonnances de 1996 qui, très partiel, était surtout dissuasif et objet d'individualisation, au demeurant insuffisante.

Disons-le clairement : pour le RPR, ces reversements purement comptables et collectifs sont inacceptables. S'il doit y avoir une clause financière, celle-ci ne peut aboutir qu'à d'éventuels reversements individuels après évaluation médicalisée. C'est tout le contraire de ce qui est fait et que vous baptisez hypocritement « contribution conventionnelle ».

M. Jean Bardet.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

En rendant définitifs, par suppression de leur caractère expérimental, les filières et les modes de rétribution autres qu'à l'acte, vous faites basculer le système de soins dans une logique : celle de la médecine normalisée qui laissera inévitablement la place à deux médecines. Vous en porterez la responsabilité. Pourtant, les expérimentations auraient permis d'évaluer l'introduction de nouveaux modes d'exercice et d'une certaine mise en concurrence.

Notons au passage que, loin d'attendre des économies, vous prévoyez 500 millions de francs supplémentaires pour financer ces structures où le tiers payant généralisé que vous appelez de vos voeux finira par déresponsabiliser les patients. Si on ne voit pas la logique, on voit le coût du dogmatisme.

En 1995, Jacques Chirac affirmait que les dépenses de santé ne pouvaient être plafonnées. C'est pour cela que les ordonnances de 1996 ne concernent que les dépenses de l'assurance maladie, c'est-à-dire les dépenses remboursées. Celles-ci sont différentes des dépenses de santé.

Vous appelez ces dernières perfidement dans votre texte

« dépenses remboursables » en incluant ce qui pourrait être remboursé par les organismes complémentaires et vous en faites la référence. En réalité, votre souhait est d'étouffer un secteur qui a besoin d'espace de liberté pour survivre, afin qu'il garde une dimension qui n'est déjà plus que partiellement libérale. Malgré la difficulté de la démonstration, la distinction est fondamentale car elle différencie deux modes : celui de la liberté raisonnée et celui de la normalisation réductrice qui conduit à l'échec et à l'injustice. En effet, comment imaginer pouvoir plafonner les dépenses de santé de plus en plus confondues avec les dépenses de confort, de beauté, de vigueur, demain de rajeunissement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qui a voté le plan Juppé ? C'est un secteur qui fort heureusement pour l'emploi et la création de richesses est appelé dans les pays avancés à prendre le pas sur les autres. Il ne peut être bridé, c'est pourtant ce que vous faites. Madame la ministre, vous qui n'avez pas de mots assez durs pour critiquer les ordonnances de 1996, voilà que dix-sept mois après votre arrivée au pouvoir, après dix-sept mois d'immobilisme social, vous signez votre deuxième loi de financement de la sécurité sociale. Oubliant l'action courageuse du gouvernement d'Alain Juppé qui a véritablement refondé la sécurité sociale, vous méprisez ce qui a été instauré non sans difficultés tout en dévoyant, par manque de courage,o u dogmatisme, certaines orientations. Madame le ministre, vous dites avoir opéré en 1998 des réformes structurelles, en réalité il n'en est rien. Vous avez utilisé les outils des ordonnances, hélas ! sans discernement.

Parce que cette loi est celle des occasions perdues pour la réforme des cotisations, des retraites ou encore de l'hospitalisation, parce que cette loi est celle des attaques en règle contre les professions libérales de santé et, à nouveau contre les familles, le groupe RPR votera contre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

M me Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, il y a un an, nous débattions du projet de loi de financement de la sécurité sociale, cinq mois à peine après les élections législatives et la formation d'un nouveau gouvernement réunissant toutes les composantes de la gauche.

Le rejet du plan Juppé, de son contenu comme de l'autoritarisme brutal avec lequel il avait été imposé au pays, n'était pas pour peu dans le changement de majorité voulu et décidé par les électeurs. Nous étions face à un chantier immense avec la responsabilité de répondre aux attentes, aux besoins de nos concitoyens et le devoir de ne pas les décevoir, de réussir. Cette volonté est plus que jamais la nôtre.

Nous avions conscience il y a un an que le délai, bien court, de l'été 97 ne permettait pas de mettre en route l'ensemble des réformes nécessaires, en particulier dans le domaine de la politique de santé et de protection sociale.

J'avais alors souligné notre accord avec les objectifs proposés dans ce domaine, apprécié les mesures positives, mais aussi alerté sur leurs insuffisances, et la nécessité d'aller plus loin, non seulement pour répondre aux besoins et engager une politique ambitieuse en ce domaine, mais aussi pour atteindre les objectifs affichés.

A l'issue des débats, j'avais pris acte, au nom du g roupe communiste, des engagements de Mme la ministre, sur des points importants.

Concernant les familles, vous vous étiez engagées à rétablir les allocations familiales pour toutes les familles d'au moins deux enfants sans condition de ressources.

S'agissant du financement de la sécurité sociale, vous déclariez alors : « Il convient de rééquilibrer les contributions des revenus du capital et du travail, de supprimer les avantages disproportionnés accordés à certains [...]. Il


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en résulte une faiblesse chronique des recettes qui est pour beaucoup dans les déficits que nous connaissons aujourd'hui [...]. La question de l'assiette des cotisations employeurs est posée. J'espère pour ma part que nous trouverons une solution cette année, afin que, dès la prochaine loi de finances, nous puissions aborder une première étape s'agissant de la modification de l'assiette des cotisations patronales. »

Enfin, vous aviez pris des engagements concernant les états généraux, déclarant : « Nous ne considérons pas notre système de santé comme une machine à dépenser qu'il faudrait brider de manière autoritaire et centralisée.

Nous n'oublions pas qu'il est avant tout au service de la population et de ses besoins. Nous ne le régulerons pas en l'étouffant sous l'effet de certains objectifs ou du fait du montant de certaines enveloppes, mais en engageant les politiques structurelles en concertation avec les professionnels de santé, en donnant la parole aux citoyens et à leurs représentants. C'est le sens des états généraux de la santé qui se réuniront à partir du printemps prochain.

Nous bénéficierons des premiers résultats de ces débats pour la préparation du projet de loi de finances pour 1999. »

M. Yves Bur.

Nous y sommes !

Mme Jacqueline Fraysse.

Vous nous donniez en quelque sorte rendez-vous dans un an. Nous y sommes. Et, malheureusement, force est de constater - avec une grande déception, un grand regret, en ce qui me concerne - que ces engagements n'ont pas été concrétisés.

M. Jean-Luc Préel.

Nous aussi ! nous sommes déçus !

M. Bernard Accoyer.

Mais nous, nous sommes habitués !

Mme Jacqueline Fraysse.

Vous, vous avez été déménagés du Gouvernement ! Les Français ont clairement montré ce qu'ils pensaient de vos propositions !

M. Yves Bur.

Vous aussi, vous risquez de l'être tôt ou tard !

M. Alain Clary.

Vous êtes dans la salle d'attente, messieurs de l'opposition : restez-y !

Mme Jacqueline Fraysse.

Alors que les états généraux tardent, que la manière dont ils se déroulent est préoccupante, que la question du financement a été écartée de la liste des thèmes proposés au débat, des décisions importantes continuent à être prises par décret, comme la fermeture des petites maternités, assortie de campagnes médiatiques d'ailleurs détestables qui s'appuient sur l'aspiration légitime de la population à la sécurité, pour la dévoyer et préparer le terrain à des restructurations que ne justifie aucun étude rigoureuse des besoins, mais qui sont fondées sur de strictes considérations comptables.

M. Jean Bardet.

Vous avez juré de mettre le Gouvernement en colère ?

M. Bruno Bourg-Broc.

Ce n'est pas franchement un discours d'approbation !

Mme Jacqueline Fraysse.

Quant à la réforme de l'assiette des cotisations patronales, elle est encore reportée. De surcroît, le rapport que vous nous proposez d'adopter à l'article 1er traduit une stratégie durable der éduction des dépenses de santé puisqu'il annonce d'emblée : « cette réforme doit s'effectuer sans en faire supporter le coût aux ménages » - nous souscrivons à cette idée - « et sans accroître globalement le poids sur les entreprises ».

Dans ce cadre, je ne vois pas comment on pourrait à la fois résorber le déficit et répondre aux besoins de toute la population, c'est-à-dire : améliorer la qualité des soins en tenant compte des progrès de la médecine et des nouvelles possibilités qui en découlent ; moderniser les hôpitaux pour répondre aux exigences de qualité et de sécurité ; renforcer la politique de santé publique ; développer la prévention, et notamment accroître les efforts de prévention des causes de morbidité et de mortalité évitables ; mieux prendre en charge la douleur et les soins palliatifs ; permettre à tous d'accéder aux soins.

Et tout cela avec une enveloppe qui, je le répète, reste constante.

M. Jean Bardet.

Vous avez raison ! C'est la quadrature du cercle !

Mme Jacqueline Fraysse.

Ce sont les objectifs du rapport et, bien entendu, nous y souscrivons. Mais vous envisagez de faire tout cela sans recettes nouvelles et d'atteindre l'équilibre financier à la fin de 1999, voire de dégager des excédents. C'est audacieux ! Comment faites-vous ? Vous n'agissez que sur les dépenses, car vous n'augmentez pas les recettes. Cela conduit, faute de moyens nouveaux, et malgré les besoins, à rester dans une logique comptable qui vise à comprimer les dépenses pour les faire entrer à n'importe quel prix dans une enveloppe définie à l'avance.

M. Jean-Luc Préel.

Si les prévisions se réalisent !

Mme Jacqueline Fraysse.

Cette démarche est dangereuse. Elle est contraire à ce que nous attendons, à ce que nous souhaitons faire, avec vous, dans la majorité gouvernementale, au service de la population, qui nous a fait confiance. Je tiens à le dire clairement et franchement.

Certaines dispositions méritent bien sûr d'être saluées, tel le retour aux allocations familiales pour toutes les familles à partir de deux enfants. C'était un engagement et notre assemblée en avait voté le principe en adoptant un amendement de mon amie Muguette Jacquaint. Cet engagement a été tenu et Muguette Jacquaint reviendra sur ce point, ainsi que sur nos propositions.

M. Jean-Luc Préel.

Muguette a été entendue !

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous apprécions également l'objectif d'une meilleure reconnaissance et d'une meilleure réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, en particulier pour les victimes de l'amiante ; nous avons souvent évoqué ces problèmes et nous en reparlerons à l'article 31.

Mais, là encore, aurons-nous les moyens d'atteindre ces objectifs ? On peut s'interroger.

Le rapport annexé indique très clairement qu'il y a une sous-reconnaissance manifeste des maladies professionnelles et accidents du travail, ce qui conduit à faire supporter à la branche maladie la charge des conséquences de cette situation. Cela représente des transferts très importants et très supérieurs aux 2,2 milliards de francs que vous proposez pour la branche maladies professionnelles et accidents du travail. Là encore, on le voit, les objectifs ne peuvent être atteints sans une cotisation plus importante de la part des employeurs, mais le texte est muet sur ce point.

En ce qui concerne la branche vieillesse, la manifestation des retraités de jeudi dernier, à l'appel de leurs cinq unions confédérales, rappelle, s'il en était besoin, combien leur situation s'est dégradée, notamment depuis la loi Balladur de 1993. Mon ami Maxime Gremetz développera cette importante question tout à l'heure. Pour ma


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part, je rappellerai simplement que les retraités attendaient l'indexation promise des pensions sur les salaires, et que cette attente aussi a été déçue.

Quant au fond de réserve, il soulève pour le moins d'importantes interrogations. Présenté comme un moyen de consolider la retraite par répartition, il est instauré sans étude sérieuse préalable, sans que l'on sache comment il sera abondé ni même géré.

M. Jean Bardet.

Quelle lucidité ! Ainsi, au nom d'une préoccupation sans doute louable, c'est un chèque en blanc que vous nous demandez, ce qui nous préoccupe, je le répète.

M. Jean Bardet et M. Bernard Accoyer.

Nous aussi !

Mme Jacqueline Fraysse.

Enfin, concernant le budget de l'assurance maladie, nos préoccupations ne sont pas moins vives.

M. Jean Bardet.

Nous allons tous voter contre !

Mme Jacqueline Fraysse.

Son évolution de 2,6 % est inférieure aux prévisions de croissance économique. De plus, il s'agit d'une évolution par rapport à l'objectif de l'an dernier.

M. Jean Bardet.

C'est ce que nous avons dit !

Mme Jacqueline Fraysse.

Or cet objectif n'a pas été tenu,...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

... il a été dépassé. L'évolution par rapport aux dépenses réelles est donc très inférieure aux chiffres annoncés.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse.

Ainsi, dans le cadre des contraintes financières du projet présenté, vous n'avez pas d'autre choix que de faire pression sur les dépenses de santé pour les faire entrer dans l'enveloppe prévue, pour tous les secteurs de notre système de santé.

M. Jean Bardet.

Tout à fait ! Vous parlez d'or !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il y a une véritable collusion !

M. Jean-Luc Préel.

Comme en 1944 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez dit le contraire tout à l'heure, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse.

Personne ne croira à une collusion des communistes avec ceux qui sont à l'origine du plan Juppé !

M. Jean-Claude Lefort.

Ce serait plutôt une collision !

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous nous rassurez !

Mme Jacqueline Fraysse.

Vous pouvez l'être !

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, madame Fraysse.

Laissez parler l'orateur, mes chers collègues.

Mme Jacqueline Fraysse.

En premier lieu, vous avez annoncé une évolution de 2,5 % du budget hospitalier.

Selon la fédération hospitalière de France, c'est le plancher qui permettrait de reconduire l'existant et les effectifs de personnel, hors mesures nouvelles.

Cette situation appelle au moins deux remarques.

En premier lieu, l'hôpital se voit confier des missions nouvelles dans le domaine social, ce dont on doit se réjouir, avec notamment la loi contre les exclusions dans le domaine sanitaire, avec un certain nombre d'objectifs, comme la lutte contre les maladies nosocomiales, la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, etc. Sans une évolution plus importante, ces missions ne pourraient sans doute être remplies qu'au détriment d'autres missions.

Ma deuxième remarque concerne l'existant. En effet, on ne peut se satisfaire des restructurations actuelles, imposées selon des critères trop souvent uniquement quantitatifs, en l'absence d'études qualitatives sérieuses tenant compte de la réalité du terrain et collectivement débattues.

L'existant, c'est aussi le manque de personnel, les conditions de travail à la limite du supportable et même souvent de la sécurité, des heures supplémentaires effectuées par un personnel qui ne peut les récupérer, faute de postes suffisants, à un moment où la réduction du temps de travail est à l'ordre du jour.

Ce sont des carrières et des conditions de travail si difficiles pour les praticiens hospitaliers qu'elles ont abouti, conjuguée à l'effet du numerus clausus, à un manque de médecins dans certaines spécialités.

Mais l'existant, c'est aussi le manque d'entretien, la sous-traitance à des entreprises privées, afin de réaliser des économies au détriment de la qualité et de la sécurité des soins.

Il est évident que, pour apporter une réponse humaine, efficace et respectueuse des besoins de la population, il faut autre chose que des décisions technocratiques, uniquement chiffrées, et au bout du compte autoritaires.

Par delà les différences d'un établissement à l'autre, nous pensons qu'il faut impérativement augmenter les moyens accordés à l'hôpital public pour lui permettre de se développer, se moderniser et continuer à jouer le rôle déterminant qui est le sien. Je tiens à alerter sur ce point car, faute de moyens suffisants, la situation, déjà très difficile, risque de se dégrader rapidement.

M. Jean Bardet.

C'est exactement ce que j'ai dit !

M. Jean-Luc Préel.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

Dans ce contexte, la médecine de ville est également malmenée, avec la clause de sauvegarde, qui suscite la protestation de l'immense majorité des médecins, à juste titre puisque ces dispositions traduisent la nature strictement comptable de la définition de l'enveloppe comme des outils d'évaluation utilisés.

Personne ne conteste la nécessité d'une évaluation individuelle et collective de l'acte médical. Les médecins la jugent indispensable, mais ils entendent y être associés sur la base d'instruments incontestables, dans le respect de la déontologie et de l'éthique médicale. Nos propositions s'inscrivent dans cette démarche.

M. Jean-Luc Préel.

Les nôtres aussi !

M me Jacqueline Fraysse.

Quant aux dispositions concernant le médicament, il me semble qu'il faut les examiner de manière plus globale.

La prescription fait partie intégrante de la responsabilité de l'acte médical. Je comprends donc que les médecins s'inquiètent de la voir en partie transférée aux pharmaciens.

M. Jean Bardet.

Je l'ai dit aussi ! Décidément !...

Mme Jacqueline Fraysse.

Au-delà de cet aspect, il est urgent que la question du prix du médicament et de ses qualités soit examinée avec rigueur et avec une plus


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grande transparence. Je m'inquiète de voir qu'au moment où l'on nous propose de réaliser des économies grâce aux génériques, ce qui est bien, des médicaments nouveaux et utiles ne soient pas remboursés, alors que le rapport envisage de stabiliser, voire d'améliorer le niveau global des remboursements.

M. Jean Bardet.

C'est le problème du Viagra et du Xénical !

Mme Jacqueline Fraysse.

Force est de constater que, dans tous les domaines, la restriction de l'offre prévaut, car vous n'avez pas fait ce à quoi vous vous étiez engagée l'an dernier, c'est-à-dire évaluer démocratiquement les besoins et les priorités, avec ce que cela implique, c'est-àdire les moyens que notre pays doit y consacrer, et décider les modes de financement nécessaires.

Ce débat sur une question aussi fondamentale que la place qu'accorde une société au droit d'accéder aux soins, au droit de vivre une retraite décente, au droit d'élever correctement ses enfants, ainsi que la part des richesses produites qu'elle entend y consacrer, est essentiel, car il conditionne tout le reste.

Une réforme est indispensable et urgente. Le financement était à l'origine essentiellement assis sur les salaires.

Or la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué.

Elle ne représente aujourd'hui qu'environ la moitié de la valeur ajoutée. L'autre moitié va ailleurs, notamment dans les placements financiers, qui, eux, ne contribuent pas du tout au financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

Vous oubliez la CSG !

Mme Jacqueline Fraysse.

C'est cela qui ne va pas, car c'est un manque à gagner considérable. Ainsi, pour des raisons tant d'efficacité économique que de justice sociale, il est nécessaire de faire contribuer ces revenus à la sécurité sociale, comme les salaires.

C'est évidemment une piste que nous soumettons au débat, avec la volonté de favoriser l'emploi et les salaires.

J'entends que cette volonté est clairement affirmée, notamment par Mme la ministre. J'en prends acte. Sur ce point, nous sommes d'accord, mais je continue de m'interroger sur les dispositions envisagées pour atteindre cet objectif.

Vous voulez alléger les cotisations sur les bas salaires.

Nous sommes dubitatifs sur l'efficacité d'une telle proposition. Il faudra bien sortir de cette logique qui considère le salaire comme un coût et non comme une richesse.

Vous nous dites que cela a permis de créer des emplois.

Je l'espère ! En tout état de cause, on en voit les limites : l'évolution du chômage et celle des différentes disposit ions d'allégement ou d'exonération de cotisations sociales, qui ont « grandi ensemble » s'y j'ose dire, ne plaide vraiment pas en ce sens. Par contre, ces mesures ont tiré les salaires vers le bas sans résoudre le chômage, deux éléments qui pèsent négativement sur le financement de la sécurité sociale.

C'est là la véritable question que pose ce projet de loi : tant que les revenus du capital seront dispensés, au nom de je ne sais quel privilège acquis, de participer au financement de la sécurité sociale, celle-ci manquera de moyens pour concrétiser les objectifs que nous nous fixons. Nous ne répondrons pas aux besoins sans dégager des moyens supplémentaires, c'est évident. La question n'est pas pour nous de mettre les grandes entreprises sur la paille, ni de régler des comptes avec le patronat. Nous sommes prêts à examiner des mesures progressives, qui enclenchent une autre logique, d'efficacité, de progrès et de justice. C'est l'objet de nos amendements essentiels et ce que nous attendons du débat.

Nous avons pour habitude de parler franchement, de dire ce qui va comme ce qui ne va pas. Nous ne sommes pas des partisans du tout ou rien. La majorité est plurielle, nous entendons y tenir notre place dans un esprit constructif et responsable, respectueux de nos différences, avec la volonté d'atteindre les objectifs communs définis avec les citoyens, que nous ne voulons pas décevoir.

Je veux croire que le débat permettra d'améliorer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour qu'il réponde aux besoins sans retard, car il y a dans ce pays des personnes qui ne peuvent attendre.

Pour notre part, nous y contribuerons de toutes nos forces, avec détermination, car, en l'état, nous ne pouvons pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste ainsi que sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Bernard Accoyer.

Excellent discours !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion de la troisième loi de financement de la sécurité sociale. Ce débat au Parlement constitue un progrès démocratique indéniable. Merci donc à Alain Juppé et Jacques Barrot, qui l'ont rendu possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Merci pour eux ! Nous pouvons enfin nous prononcer sur la protection sociale, dont les dépenses sont supérieures au budget de l'Etat et qui, outre leur rôle propre dans les secteurs majeurs de notre société - famille, retraite, santé -, inter viennent dans le secteur économique par les prélèvements fiscaux et parafiscaux ou par les cotisations.

Pour commencer, je dénoncerai l'improvisation du débat, en accord avec le président de notre commission, M. Le Garrec. Les rapports joints au projet de loi, qui représentent plus de 600 pages, n'ont été disponibles qu'au dernier moment. Est-ce sérieux ? Les rapports des rapporteurs n'ont été prêts qu'hier et aujourd'hui.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

M. Jean-Luc Préel.

Or, lors du travail en commission, ils ont souvent fait référence à ces rapports pour ne pas répondre aux questions, notamment notre cher collègue Claude Evin, qui nous disait souvent : « Référez-vous au rapport ! Tout est dans le rapport ! ».

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Ce n'est pas sérieux ! Les rapports retracent les conclusions des commissions. Je fais partie de l'opposition mais je ne suis pas d'accord !

M. Jean-Luc Préel.

L'importance des sommes en jeu et le champ couvert par cette loi méritaient beaucoup mieux. De plus, et ce n'est pas nouveau, les possibilités d'amendement sont limitées en raison notamment de l'article 40 de la Constitution. Quel est le pouvoir réel du Parlement ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Non, c'est vraiment inadmissible ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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Je ne suis pas d'accord avec de tels propos sur les rapports ! La politique est ce qu'elle est, mais on doit être honnête !

M. Jean-Luc Préel.

Certains rapports nous ont été communiqués ce matin. Vrai ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

Claude Evin ne nous a-t-il pas dit régulièrement en commission : « Vous verrez dans le rapport » ?

M. Jean Bardet.

C'est vrai !

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Mais non !

M. Jean-Luc Préel.

Oh si !

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Les rapports sont en distribution depuis le lundi 26 !

M. le président.

Monsieur Préel, je crois deviner que M. le rapporteur pour l'assurance vieillesse souhaite me répondre.

M. Jean-Luc Préel.

Soit, monsieur le président.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Bernard Accoyer.

Calmos !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Je suis tout à fait calme. Je suis entré en politique, avec mon caractère de médecin, c'est-à-dire que j'agis de façon extrêmement réfléchie. Et, en l'occurrence, je ne fais pas de la politique politicienne, je fais de la politique sociale.

Cela demande d'être honnête de A à Z.

Il est vrai que certains rapporteurs ont dit à plusieurs reprises : « Ce sera dans le rapport ». Depuis douze ans que je suis dans cette maison, nous disposons, et je le regrette, des rapports à la dernière minute. Mais un rapport comprend, d'une part, le texte du projet, et, d'autre part, l'analyse des articles. Le plus important est la discussion qui a lieu en commission. Or celle-ci se poursuit jusqu'à la dernière minute.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

M. Préel a visé l'ensemble des rapporteurs, ce qui est désagréable pour moi et pour les autres. Lorsque l'on fait de la politique, on peut ne pas être d'accord sur certains points, mais, dans le cas présent, nous avons fait en sorte que tout se passe le mieux possible.

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Très bien !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Je connais bien Jean-Luc Préel, mais je tenais à manifester publiquement mon désaccord sur ce point.

M. Bernard Accoyer.

Notre collègue a voulu parler des conditions de travail de la commission, des conditions déplorables !

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Je prends acte de l'observation de M. Jacquat mais le président de la commission a luimême reconnu ce matin que nos conditions de travail n'avaient pas été satisfaisantes et qu'il espérait qu'elles seraient meilleures l'année prochaine.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel.

Il a également souligné que le Gouvernement avait largement eu le temps de préparer cette seconde loi de financement de la sécurité sociale mais que cela n'avait pas été fait dans de bonnes conditions.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est un autre problème !

M. Jean-Luc Préel.

On pourrait imaginer que la première partie du rapport soit présentée en amont...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel.

... pour que nous puissions discuter ensuite des propositions des rapporteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette parenthèse fermée, quel est le pouvoir réel du Parlement ? C'est une vraie question.

M. Bernard Accoyer.

En effet !

M. Jean-Luc Préel.

La majorité ne se la pose pas, par discipline elle votera ! Nous ne votons pas la répartition de l'ONDAM, on ne nous le demande pas. Nous ne sommes pas consultés sur la répartition géographique de l'enveloppe des établissements et ne sommes mêmes pas informés des critères de répartition de cette enveloppe dans les régions.

Cette discussion vient à un moment crucial. Le Gouvernement est, par sa faute, dans une situation délicate.

Ses prévisions de recettes sont optimistes. Ses prévisions de dépenses le sont également. Mais, plus grave, il ne prépare pas l'avenir et prévoit une étatisation et une collectivisation de notre protection sociale.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Préel.

C'est pourquoi l'UDF, qui veut sauvegarder notre protection sociale à la française, dépose quelque soixante-dix amendements, dont certains très importants que, je n'en doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, vous accepterez d'examiner avec objectivité.

Premièrement, le Gouvernement est aujourd'hui dans une situation délicate. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes maintenant au pouvoir depuis seize mois. Très rapidement, vous avez critiqué le plan Juppé,...

M. Bernard Accoyer.

En effet !

M. Jean-Luc Préel.

... indiquant que toute réforme devrait se faire en accord avec les professionnels, qu'il ne saurait être question d'appliquer des sanctions. Vous avez fait preuve ensuite d'un immobilisme coupable qui a entraîné une démobilisation des hospitaliers et n'a pas incité les professionnels libéraux à maîtriser les dépenses, d'autant que vous leur indiquiez clairement dans votre lettre qu'il n'y aurait pas de sanctions.

Dans le même temps, vous avez gardé bien entendu les réformes structurelles majeures : vote par le Parlement, contractualisation entre le Gouvernement et les caisses, les caisses nationales et les caisses locales, les caisses et les professionnels, les ARH, les URCAM, l'accréditation, l'évaluation, l'informatisation, par exemple. Vous avez gardé tout cela du plan Juppé. Vous pouvez donc dire : merci, Alain Juppé et Jacques Barrot !

M. Yves Bur.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez bien entendu gardé cesr éformes structurelles majeures, toutes ces réformes importantes que vous auriez dû reconnaître comme telles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Cependant, comme elles vous gênaient, vous n'avez eu de cesse de vouloir augmenter votre pouvoir et d'intervenir à temps et à contretemps avec, comme perspective, l'étatisation de notre protection sociale que nous refusons. C'est ainsi que M. Fragonard a démissionné...

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

... et que le conseil d'administration de la CNAM demande à juste titre le respect de son autonomie. Le Parlement voterait l'Ondam et la CNAM, ou plutôt une union nationale des caisses, pourrait le gérer librement et passerait des conventions avec les professionnels puis rendrait compte de sa gestion.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez été ensuite amenés à prendre des mesures autoritaires, brutales, au mépris de l'autonomie des branches et des conventions,...

M. Bernard Accoyer.

Sans aucune pitié !

M. Jean-Luc Préel.

... sans aucune justification autre que comptable, contre les radiologues, les biologistes, les d entistes, l'industrie pharmaceutique. Les radiologues avaient pourtant accepté une révision de leur nomenclature. Les biologistes font déjà de gros efforts depuis plusieurs années. Les dentistes s'engageaient dans une politique de prévention et de réorientation de la prise en charge des soins.

Aujourd'hui, vous êtes contraints, après avoir dit que vous agiriez différemment, de signer une convention avec un seul syndicat de généralistes et, pour ce faire, de passer sous ses fourches caudines. Vous risquez de ne pouvoir signer de convention pour les spécialistes, contrairement au gouvernement précédent, sauf peut-être avec le même syndicat, que vous considériez pourtant comme non représentatif.

Deuxièmement, vous vous flattez d'avoir réduit le déficit de la protection sociale, en 1998, à 13 milliards sans déremboursement et sans cotisation nouvelle. Est-ce un exploit ? Non ! Car, en réalité, et nous nous en réjouissons, cette réduction est liée à la croissance, pour 6 milliards, mais aussi, pour 10 milliards à des prélèvements supplémentaires...

M. Renaud Muselier.

Tant que ça !

M. Jean-Luc Préel.

... liés au transfert des cotisations maladie sur la CSG. Les épargnants, notamment les retraités dont les retraites sont trop modestes et qui vivent de l'épargne - nous ne le disons pas assez -, ont été mis à contribution pour 23 milliards supplémentaires.

Oui, vous avez effectué des prélèvements supplémentaires : 4,8 milliards payés, si l'on peut dire, par les familles lors de la mise sous condition de ressources des allocations familiales ; enfin, 3 milliards d'économies liées à votre plan d'urgence, contraires à l'esprit conventionnel.

Non, il ne s'agit pas d'un exploit ! Troisièmement, vos prévisions de recettes pour 1999 sont, hélas, optimistes. Vous prévoyez, en effet, une croissance de 2,7 %, chiffre annoncé au printemps avant la crise du Sud-Est asiatique, avant la crise russe et d'Amérique latine. Est-ce réaliste aujourd'hui ?

M. Bernard Accoyer.

Pas du tout !

M. Jean-Luc Préel.

Vous prévoyez une augmentation de la masse salariale de 4,3 %. Or, dans le même temps, sont engagées des discussions pour l'application de la loi sur les 35 heures, qui vous tient tant à coeur, et les employeurs ne sont guère enclins aujourd'hui, dans cette perspective, à accroître les salaires. Prévoir une telle augmentation de 4,3 %, est-ce réaliste aujourd'hui ? Il est, en revanche, un domaine de votre compétence où vous pourriez vous montrer plus volontaires, c'est celui des exonérations de charges sociales. En effet, en 1997, 16,8 milliards n'étaient pas compensés. Pis, vous souhaitez ne pas compenser intégralement les exonérations liées aux 35 heures, ce qui ne permet ni transparence ni crédibilité. Sans compter que, dans le même temps, l'Etat effectue ses versements avec retard - RMI, ARS, entre autres - conduisant l'ACOSS à supporter des frais financiers indus. L'Etat perçoit en outre la taxe sur les salaires - environ 20 milliards - la TVA sur les investissements et les médicaments. Il pourrait donc se montrer meilleur financeur.

Quatrièmement, vos prévisions de dépenses sont optimistes. L'ONDAM paraît généreux : plus 2,6 %. Cette prévision s'applique aux objectifs de 1998, non aux réalisations, et elle est déjà quasi dépassée par certains spécia listes.

M. Alfred Recours.

rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

L'an dernier, vous la trouviez trop élevée !

M. Jean-Luc Préel.

Pour les hôpitaux, elle permet tout juste le renouvellement du budget sans permettre les restructurations, les dépenses liées aux augmentations de rémunération décidées par l'Etat.

Cinquièmement, surtout, et c'est le plus grave, votre projet ne prépare pas l'avenir.

Pour la famille, proposez-vous une politique familiale globale, indispensable à l'avenir du pays ? Non ! Après avoir mis les allocations familiales sous condition de ressource, reconnaissant votre erreur, vous rétablissez l'universalité mais, en contrepartie, vous abaissez le plafond du quotient familial, ce qui pénalisera 450 000 familles.

Vous ne revenez pas sur la réduction de l'AGED et de l'avantage fiscal pour les emplois familiaux. Vous présentez le PACS. Vous augmentez les allocations familiales de moins 0,5 % par rapport aux retraites. Vous n'avez rien prévu pour simplifier les vingt-trois prestations et allocations. La famille n'est pas pour vous une priorité.

Pour la retraite, si le régime général est à peu près é quilibré, grâce aux mesures courageuses prises par M. Balladur et Mme Veil, le problème majeur est bien l'avenir des régimes spéciaux. De nombreux rapports ont déjà été effectués. Chacun sait qu'il nous faudra au moins 150 milliards en 2005 et 300 milliards en 2015 à législation constante. Vous nous demanderez d'attendre encore un an, encore un rapport, alors que vous avez déjà les données en main. Vous nous proposez un fonds de 2 milliards, véritable gadget improvisé, sans nous dire comment il sera géré, comment il sera financé, comment il sauvera la répartition, et, dans le même temps, vous refusez les fonds de pension d'un revers de main.

Pour la santé, alors qu'en France nous sommes bons pour le curatif, mais médiocres pour la prévention et l'éducation à la santé, vous n'avez pas pris ce problème à bras le corps. Les raisons sont connues : multiples intervenants - plusieurs ministères, diverses caisses, mutualité, a ssociations, j'en passe -, absence de coordination, absence de politique pluriannuelle prenant en compte la mortalité prématurée évitable, absence de moyens financiers. Nous dépensons 12 200 francs par an et par habitant pour le curatif, 17 francs par an et par habitant pour l'éducation, 250 francs pour la médecine préventive. Vos propositions sont hélas bien modestes.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oh non, pas vous, monsieur Préel !


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M. Jean-Luc Préel.

Vous nous proposez de voter l'ONDAM : 629,8 milliards. Admirons la précision du chiffre, à la virgule près ! Je n'aurai pas la cruauté de vous demander, reprenant une argumentation chère à notre collègue Bartolone, sur quelle étude de besoins, sur quelle enquête de santé publique vous vous êtes appuyés pour sortir ce chiffre.

M. Bernard Accoyer.

En effet !

M. Jean-Luc Préel.

Mais nous ne nous prononçons pas sur la répartition de l'ONDAM et c'est dommage ! Pour les hôpitaux, comment et à quelle vitesse allez vous poursuivre la correction des inégalités ? Sur quels critères ? Prendrez-vous en compte l'activité, les points ISA ? Les hôpitaux surdotés, dont l'APHP, tentent de bétonner leurs positions. Il est pourtant indispensable d'aider ceux dont l'activité correspond à de vrais besoins, eux qui ont été étranglés par l'enveloppe globale. Corrigez vite les iné galités ! Quand allez-vous mettre en place les groupes de travail annoncés ? Allez-vous réellement modifier le statut de praticien hospitalier prenant en compte la pénibilité du travail ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

Que proposez-vous pour les spécialités sinistrées, comme celle d'anesthésiste ? Les hôpitaux risquent en effet de se restructurer non pas en fonction des besoins de santé publique, mais par manque d'anesthésistes.

L'accréditation sera-t-elle bientôt effective ? Nous souhaitons des établissements de qualité fonctionnant en réseau. Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable de responsabiliser les conseils d'administration des hôpitaux ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Si !

M. Jean-Luc Préel.

Pour la médecine de ville et l'industrie pharmaceutique, vous êtes entrés dans une maîtrise comptable renforcée, vous proposez les lettres-clés flottantes et un impôt social sur le revenu. La lettre-clé flottante revue tous les quatre mois est anti-économique.

Comment une PME comme un laboratoire de biologie, les radiologues et, a fortiori l'industrie, pourront-ils gérer sans un minimum de lisibilité dans la durée ? Quant à l'impôt social sur le revenu, nous y sommes opposés, car nous n'acceptons pas le principe d'une responsabilisation collective. Oui à la responsabilisation de chaque médecin ! Oui à l'autodiscipline de la profession au niveau régional ! Mais le médecin consciencieux se conformant aux bonnes pratiques ne doit pas être pénalisé par les dérives de ses collègues.

Sixièmement, l'UDF souhaite sauvegarder la protection sociale à la française à partir des valeurs qui lui sont chères : liberté, responsabilité, solidarité et décentralisa tion. Nous disons non à l'étatisation, non à la privatisation, mais oui aux contrats et à la responsabilité. L'UDF souhaite un accès de tous à des soins de qualité et une solidarité forte. Les Français y sont attachés, et c'est l'intérêt des professionnels. C'est possible.

Une étude de l'OCDE montre que les dépenses de santé dans vingt-neuf pays ont, depuis deux ans, augmenté moins vite que le PIB alors que chacun pense que cette augmentation est inéluctable. Le déficit de la branche maladie n'est que de 1 %, c'est-à-dire 6 milliards pour 600 milliards. N'importe quelle entreprise bien gérée peut gagner 1 % ! La privatisation est-elle une solution ? Non, elle est dangereuse pour les professionnels et pour les Français du fait d'une sélection inéluctable.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà au moins une idée claire !

M. Jean-Luc Préel.

De plus, la France occupe aujourd'hui la cinquième place pour les dépenses de santé par rapport au PIB. Les pays qui nous précèdent - Etats-Unis, Canada, Allemagne, Suisse - ont des systèmes concurrentiels. Nous dépensons peu actuellement en frais de gestion - CNAM : 5 % ; CNAV : 1,6 % - parce qu'il n'y a pas de concurrence, donc pas de service commercial, pas de publicité : les assurances dépensent habituellement 10 % de frais de gestion. Ainsi, dire que la concurrence nous ferait faire des économies n'est pas pertinent. La solution n'est pas dans la privatisation.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah !

M. Jean-Luc Préel.

Cependant, une expérimentation de délégation de gestion pourrait être tentée avec un cahier des charges strict, excluant toute sélection. Ce que nous voulons, c'est la responsabilisation de chacun des acteurs et une réelle autonomie des branches, une politique contractuelle et conventionnelle responsabilisante, une autodiscipline des professions fondée sur l'application des bonnes pratiques et, pour ce faire, la réalisation urgente du codage des actes et des pathologies.

Nous demandons une réelle politique de prévention et d'éducation coordonnée, pluriannuelle, avec la création d'une agence nationale, le vote d'une enveloppe déclinée au niveau régional, avec création, enfin, d'agences régionales de santé, regroupant les ARH, les URCAM et les AREPS.

M. Bernard Accoyer.

Aïe, aïe, aïe ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Pour les retraites, commençons par créer une caisse de retraite des fonctionnaires gérée par les partenaires, dans un but de transparence. Donnons l'autonomie à la CNAV, pour que, là encore, les partenaires sociaux, comme ils le font à l'UNEDIC ou dans les caisses complémentaires, définissent les prestations en fonction des cotisations ou vice versa.

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

M. Jean-Luc Préel.

Nous souhaitons la mise en place rapide d'un complément, non pas à la place, mais sous la forme d'une épargne retraite.

Il n'est pas possible de détailler nos propositions dans un laps de temps aussi court, mais nous y reviendrons lors de la discussion des articles et des amendements. En conclusion, vous l'aurez compris, à ce stade l'UDF n'est pas satisfaite de ce projet de loi qui ne prépare pas l'avenir et dont les prévisions de recettes ou de dépenses sont trop optimistes.

Votre attentisme a conduit à une situation explosive.

Souhaitons qu'il soit encore possible de sauvegarder notre protection sociale, à laquelle le groupe UDF est tout particulièrement attaché. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Avant de donner la parole à M. Sarre, qui est le prochain orateur inscrit, je pense utile, mes chers collègues, de vous donner dès maintenant une information qui permettra à chacun d'entre vous d'organiser son emploi du temps des prochains jours.

Je vous indique, en effet, qu'à la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la discussion des amendements à l'article 1er et au rapport annexé à cet article, sera réservée jusqu'après l'article 36 ,


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dernier article du projet de loi. En clair, cela veut dire qu'au mieux cette discussion aura lieu vendredi, au pire samedi. Donc, prenez vos dispositions ! La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

A la même date l'année dernière, les députés du Mouvement des citoyens demandaient au Gouvernement, et obtenaient par voie d'amendement, qu'il s'engage à revenir sur la mise sous condition de ressource des allocations familiales. C'est chose faite, ce dont nous sommes satisfaits.

M. Bernard Accoyer.

Oui, mais ils n'ont pas rendu l'argent !

M. Georges Sarre.

Il reste encore possible d'améliorer le caractère juste de notre politique familiale, de renforcer ses effets redistributifs. Nous suggérons notamment de substituer au quotient familial enfant un abattement forfaitaire, égal au plafond actuel de l'avantage fiscal résultant du quotient.

Nous sommes, par ailleurs, dans la même position d'attente que l'année dernière sur la question des retraites.

Nous sommes fortement attachés au principe de la retraite par répartition. Chacun le sait, c'est le fondement de la solidarité inter-générationnelle et la garantie d'une véritable mutualisation du risque vieillesse.

Avant d'accepter la création d'un étage de retraite géré selon la technique de la capitalisation, même symbolique, il faut se mettre d'accord sur les principes qui devraient l'encadrer : être obligatoire, à l'échelle des branches professionnelles au moins, et être géré par des instances représentatives des salariés. Ainsi éviterions-nous le piège des fonds de pension, tout en redonnant un nouveau souffle au paritarisme.

Enfin, et c'est une condition préalable, le financement é quilibré des régimes obligatoires doit être garanti.

Puisque nous sommes confrontés à la détérioration du ratio cotisants-retraités, pourquoi ne pas envisager le basculement des cotisations vieillesse salariés sur la CSG ? La revalorisation du minimum vieillesse, annoncée par Mme Aubry, est bienvenue. Elle reprend une suggestion de la Cour des comptes et, surtout, elle satisfait l'exigence de solidarité à l'égard des retraités. Toutefois, madame la ministre, il faudra nécessairement aller plus loin. Vous connaissez comme moi la revendication, légitime, de revaloriser les retraites sur le même rythme que les salaires. A défaut d'y répondre favorablement à court terme, le Gouvernement ne pourrait-il faire un geste plus significatif que celui annoncé ?

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Les députés du MDC ont ainsi déposé un amendement visant à exonérer de CSG les 2 000 premiers francs des revenus de remplacement.

Enfin, une bonne retraite ne servirait pas à grand-chose si, en raison d'une dépendance physique, nos aînés voyaient non seulement leurs revenus, mais aussi leur patrimoine partir en fumée. C'est pourquoi j'interroge le Gouvernement : est-il dans ses intentions et, si oui, à quelle échéance, de réviser la loi mal nommée sur la prest ation dépendance ? Là encore, le Mouvement des citoyens a fait des propositions, confrontées aux avis des intéressés : une prestation servie dans le cadre de la sécurité sociale, sans condition de ressources ni récupération sur succession, mais incluse dans le revenu imposable et financée par une cotisation spécifique.

Enfin, le présent projet de loi reste excessivement prisonnier d'une logique strictement budgétaire. Certes, les députés du Mouvement des citoyens font leur le choix de maîtriser les dépenes de santé. Et pour le respecter, il faut nécessairement un mécanisme d'ajustement efficace, c'està-dire accepté par les professionnels de santé et les patients.

Mais les sanctions collectives sont d'autant plus mal acceptées qu'elles sont prises sur le fondement de ratios budgétaires ; le médecin référent sera d'autant plus rejeté qu'il contraindra les seuls patients ne disposant pas d'une assurance privée complémentaire prenant en charge les visites non cadrées ; les contraintes renforcées du budget global seront d'autant plus asphyxiantes que les coordinations de soins sont concrètement limitées, sinon impossibles, dans le cadre d'enveloppes budgétaires affectées à des structures.

Monsieur le secrétaire d'Etat, profitons du retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale prévu en 1999 pour modifier du tout au tout l'architecture actuelle de la régulation des dépenses maladie.

Deux objectifs pourraient guider cette démarche.

D'abord, adapter l'offre de soins en laissant le patient au centre du dispositif, c'est-à-dire en lui permettant de choisir son médecin traitant, quelle que soit la structure où il exerce. Cela suppose que, pour un même acte, le même tarif soit pratiqué par chaque professionnel autorisé à le faire dans le cadre d'enveloppes budgétaires définies par activités et non plus par structures.

Ensuite, garantir des soins de qualité au moindre coût.

La recherche de la qualité doit être au coeur de la démarche, et les contrôles distincts selon leur nature. Les médecins de caisse doivent rester garants du respect des règles de sécurité sanitaire des RMO tandis que les professionnels pourraient et devraient même organiser le contrôle médicalisé des actes au regard des références de bonnes pratiques cliniques. C'est sur la base de ce dernier contrôle que le mécanisme de régulation devrait être fondé. Pour être acceptées, les sanctions doivent être décidées sur la base d'un constat médical irréfutable.

La logique de cette réforme alternative est simple : mettre à plat les modalités de régulation des dépenses de santé, conserver et développer les outils existants - PMSI et RPC - d'une part, carte Vital d'autre part, au service d'une régulation médicalisée dans laquelle les objectifs des dépenses de santé s'entendaient non plus par secteurs médecine de ville, hôpitaux, secteur médico-social - mais par actes de soins, quelle que soit la structure qui les prodigue.

Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis juin 1997, j'ai eu l'occasion de vous proposer, comme à Mme Aubry, cette alternative au plan Juppé. Car si c'était pour poursuivre la même politique, à quelques nuances près, ce n'était pas la peine de tant le combattre ! (Exclamation sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Depuis il est intervenu un élément nouveau. Le 13 octobre, le conseil d'administration de la CNAM a adopté des « orientations stratégiques » qui prévoient notamment le conventionnement sélectif des médecins de ville. C'est mettre le doigt dans un engrenage qui, à terme, sous la pression inévitable des médecins ainsi déconventionnés, aboutira inéluctablement à la mise en concurrence de l'assurance-maladie de base par des assurances privées.

M. Marc Laffineur.

Tant mieux !


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M. Georges Sarre.

Quelqu'un, à droite, me dit :

« Tant mieux ! » Or je suis en désaccord total. Car c'est mettre le doigt dans un engrenage qui conduira le Gouvernement à aller là où il ne le souhaite pas.

M onsieur le secrétaire d'Etat, partagez-vous cette crainte ? Sinon, entendez-vous proposer les modifications législatives réclamées par la CNAM ? Pour le Mouvement des citoyens, il est encore temps de prévenir la mise en concurrence de la sécurité sociale par la mise en concurrence des acteurs du système de soins telle que je l'ai évoquée, dans le cadre du monopole de la sécurité sociale.

Le groupe RCV et en son sein les députés du Mouvement des citoyens n'ont pas l'habitude de procéder ni au harcèlement, ni à la gesticulation oratoire.

Mais, sur ce projet de financement de la sécurité sociale, nous avons déposé des amendements. J'en ai résumé quelques-uns. Nous souhaiterions les voir pris en considération par la majorité dans toutes ses nuances et a fortiori par le Gouvernement. De ces choix dépendra notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

A bon entendeur...

M. Jean Bardet.

C'est du chantage ?

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'assurance maladie est en crise quasi permanente depuis 1945 et le premier trait commun des plans de redressement est l'inefficacité.

La vérité est que le système est vicié dans son essence et qu'aucun de ses aspects n'est viable. C'est Gilles Johanet lui-même, directeur de la caisse nationale d'assurance maladie, qui fait ce constat dans son dernier livre, Sécurité sociale : l'échec et le défi.

Si le système est vicié, il faut revoir le système. En effet, tous les plans de sauvetage ont tenté de remettre à flot la sécurité sociale, mais ils ont toujours eu pour conséquences moins de liberté pour les professionnels de la santé, plus de contribution pour les Français, plus de taxation, plus d'étatisation et souvent moins de remboursements.

Pour autant, nous n'avons pas le meilleur système de soins du monde : la mortalité infantile n'est pas inférieure à celle des autres pays, la durée de vie n'est pas non plus la meilleure de tous les grands pays.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Ce n'est quand même pas mal !

M. Jean Bardet.

La deuxième après les Japonais !

M. Marc Laffineur.

Après un an d'immobilisme, vous tentez de reprendre en main l'assurance maladie en perpétuant une méthode comptable et administrative.

En juillet, votre seule réponse au dérapage des dépenses de santé a été, comme vous l'aviez dit, de prendre des mesures fortes...

M. Bernard Accoyer.

La schlague !

M. Marc Laffineur.

... qui ne sont ni plus ni moins que des sanctions collectives et aveugles : suspension unilatérale à titre conservatoire et en urgence, contre l'avis de la CNAM, de la dernière étape de l'accord tarifaire avec les dentistes ; mesures ponctuelles, de logique purement comptable, désignant les professions comme boucs émissaires, qu'il s'agisse des industriels, des radiologues, des biologistes, des kinésithérapeutes ou des orthophonistes.

Votre projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la une même logique. Comment voulez-vous que les professionnels de santé adhèrent à votre plan, si vous leur imposez une sanction aveugle et collective, si les lettres clés peuvent être modifiées en cours d'année ?

M. Renaud Muselier.

C'est évident !

M. Marc Laffineur.

La logique comptable ne peut pas permettre d'éviter l'accroissement des dépenses de santé et l'émergence inquiétante d'un accès aux soins à deux vitesses. Elle excède toutes les professionnels de la santé qui aspirent à l'excellence des soins. Et pourtant, si le système n'évolue pas, le risque de l'installation d'une médecine à deux vitesses est sérieux ; c'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer.

M. Bernard Accoyer et M. Renaud Muselier.

C'est vrai !

M. Marc Laffineur.

Il faut donc sortir de la logique administrative et comptable en rendant aux professionnels de santé leur liberté. Il faut les mettre devant leurs responsabilités et leur redonner les outils leur permettant d'assurer l'excellence de notre système de santé.

La réforme passe par une mise en concurrence des caisses entre elles. Il ne s'agirait, bien sûr, que d'une concurrence de gestion et non de prestations sociales.

Chaque assuré pourrait ainsi avoir la liberté de choisir sa caisse. Et les caisses, grâce à une bonne gestion, amélioreraient leurs prestations. Un cahier des charges pourrait être établi pour préserver le caractère obligatoire de l'assurance et respecter les règles de solidarité nationale : maintien de l'obligation des cotisations sociales, non-discrimination et non-sélection des risques, prise en charge au premier franc, égalité devant les soins.

Pour la médecine libérale, il s'agit de mettre en oeuvre une véritable maîtrise médicalisée, selon des critères mé dicaux, par une méthode incitative et non par des sanctions collectives.

Une des clés de la réussite de la maîtrise médicalisée est la motivation des médecins. Un système d'autocontrôle et de récompense individuelle pour les intéresser à une meilleure gestion doit être instauré. L'informatisation, qui permettra une meilleure coordination des soins et facilitera l'évaluation des pratiques médicales, doit être accélérée. L'hôpital doit s'adapter au nouvel environnement économique, sanitaire et social. La réforme doit être menée à son terme avec l'évaluation permanente et l'accréditation par service.

Pour l'ensemble des professionnels de la santé, la règle doit être celle de la collaboration et de la complémentarité, avec un décloisonnement des services et des spécialités et un développement des réseaux de soins.

Toutes ces réformes ne peuvent être menées sans l'adhésion de l'ensemble des acteurs de la santé. Les sanctionner aveuglément est une erreur funeste. Il faut au contraire faire confiance au corps médical qui aspire à l'excellence, en lui donnant les moyens d'évoluer et en le mettant devant ses responsabilités.

La deuxième partie de mon intervention concernera l'avenir des retraites. Pendant la campagne législative de juin 1997, vous avez fait de nombreuses promesses aux retraités. Depuis un an et demi, non seulement vous n'avez rien fait mais vous avez stoppé les réformes commencées par le gouvernement Juppé.

M. Renaud Muselier.

Eh oui !

M. Joseph Parrenin.

C'est pour cela que vous avez été battus !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Marc Laffineur.

Ne vous faites pas de bile, on se retrouvera bientôt ! En juin 1997, vous avez promis l'augmentation des pensions et la suppression de la loi Thomas sur les fonds de pension. Le 19, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a indiqué que les dispositions récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent porter atteinte au régime par répartition seront remises en cause.

Pourtant, le ministre de l'économie et des finances, Dominique Strauss-Kahn, qui est favorable aux fonds de pension, annonçait, dès le 8 juillet 1997, lors du colloque Europlace le lancement d'une concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet.

Au sein du Gouvernement, j'ai le sentiment que deux conceptions s'opposent : celle de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui veut ménager les syndicats, et celle de M. le ministre de l'économie, qui tente de relancer l'idée des fonds de pension à la française. Il est d'ailleurs relayé, par M. le président de notre assemblée, qui se fait l'avocat des fonds d'épargne retraite.

Le 21 octobre dernier, Mme la ministre, lors de la séance des questions d'actualité, a dit qu'une fois consolidés les régimes par répartition, le Gouvernement ne verrait pas d'obstacle à permettre la capitalisation, à condition qu'elle soit ouverte à tous, et non pas à certains. Elle a ajouté que rien n'empêche que l'on puisse capitaliser pour l'avenir, à condition que les règles fiscales et sociales et que les avantages qui y soient attribués ne profitent pas essentiellement à ceux qui ont les moyens, mais à l'ensemble de la nation.

Le Gouvernement, malgré cette avalanche de déclarations, malgré trois rapports réalisés dans le cadre du conseil d'analyse économique - rapports qui ont tous conclu au bien-fondé de l'instauration des fonds de pension en France -, ne fait rien.

Le Premier ministre s'est contenté de confier une énième mission de réflexion au Commissariat du plan.

Votre fonds de réserve, géré par le fonds de solidarité vieillesse, a été institué dans la précipitation, et son montant, vous l'avouerez, est ridicule par rapport à ce que seront, à terme, les besoins.

Pourtant, les Français sont inquiets pour l'avenir de leurs retraites. Plus de 70 000 retraités ont manifesté jeudi dernier, dans plusieurs villes de France, à l'appel des syndicats. Il s'agissait de la plus importante manifestation de retraités de ces trois dernières années. Ceux-ci estiment avoir perdu près de 10 % de pouvoir d'achat après l'arrêt de la réforme de l'impôt sur le revenu et les décisions prises en matière de fiscalité sur l'épargne, que vous avez beaucoup alourdie.

Mme Hélène Mignon.

Ce n'est pas en un an qu'ils ont perdu 10 % !

M. Marc Laffineur.

Face au vieillissement de la population et aux charges croissantes que devra supporter le système de retraite par répartition, les Français sont de plus en plus préoccupés. Ainsi, selon un sondage réalisé par IPSOS, 88 % des Français sont inquiets concernant le montant des retraites qui seront versées en France d'ici dix à quinze ans et 9 % d'entre eux seulement font confiance au système actuel pour assurer leur retraite.

Plus le Gouvernement attendra, plus la facture à payer sera élevée pour les Français ; 43 % des personnes interrogées estiment qu'il faut créer des fonds de pension, 11 % reculer l'âge de la retraite, 6 % augmenter les cotisations.

Vous le savez, pour éviter la baisse du pouvoir d'achat des retraités, il est grand temps de généraliser les fonds de pension. Bien entendu, il ne s'agit pas de mettre fin au système par répartition, mais de diversifier les risques, de répartir plus équitablement la charge entre les générations et de donner aux individus une plus grande liberté de choix en matière de retraite.

Tous les grands pays occidentaux disposent de fonds de pension. Dans tous les cas, ceux-ci jouent un rôle croissant au sein de l'économie mondiale. Plus de 7 000 milliards de dollars d'actifs sont ainsi gérés dans le monde.

L'absence de fonds de pension français risque d'entraîner pour la France la prise de contrôle de nos meilleures entreprises par des capitaux étrangers, l'asphyxie des autres entreprises, en particulier des PME, et la marginalisation du marché financier parisien. D'ailleurs, parmi les salariés du secteur privé, 51 % sont favorables à la création de fonds de pension qui, seuls, permettent d'atténuer le choc démographique.

La politique actuelle du Gouvernement, si elle n'est pas sensiblement amendée, conduira notre pays à un vrai désastre en matière de retraites... non seulement pour le régime général, mais aussi pour les régimes spéciaux, comme celui de la fonction publique.

Il faut cesser de se voiler la face et de se retrancher derrière la défense aveugle d'un système qui a montré ses limites. La mise en place des fonds de pension en France répondrait parfaitement à cet impératif.

Votre projet de loi ne règle pas plus le problème du financement de la sécurité sociale que le problème de notre système santé et de retraite.

Mme Odette Grzegrzulka.

Contrevérités !

M. Marc Laffineur.

Bien entendu, je voterai contre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez présenté ce matin les orientations juridiques et budgétaires du régime de protection sociale. Votre exposé fait ressortir que le déficit du régime général devrait s'él ever à 13,3 milliards de francs en 1998, mais surtout - et cela est à souligner - que vous vous engagez à l'équilibre des comptes en 1999.

Lors des débats du projet de loi de financement de la sécurité sociale en 1997, vous aviez pris un certain nombre d'engagements : maîtriser les dépenses de protection sociale, tout en garantissant à nos concitoyens un accès aux soins et aux prestations sociales auxquels ils sont très attachés. Il s'agit d'une équation difficile. Vous avez su garder le cap, malgré les reproches parfois quelque peu démagogiques formulés dans cette assemblée.

Il nous faut maintenant aller plus loin et répondre d'une manière durable et structurelle aux besoins des Français, tout en tenant compte des recettes prévisibles en 1999.

Il est donc nécessaire de poursuivre la réforme du financement de la sécurité sociale. Après avoir réalisé le transfert des cotisations maladie vers la CSG, il me paraît urgent d'engager une réforme en profondeur des cotisations patronales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Un équilibre entre l'allégement des charges sociales sur les bas salaires, conjugué à un élargissement de l'assiette des cotisations patronales, me paraît être de nature à répondre au mieux à nos objectifs communs : l'emploi et la justice sociale.

M. Bernard Accoyer.

De toute façon, il n'y a rien dans le texte !

M. Pascal Terrasse.

Vous venez de nous confirmer que le débat est ouvert et que les partenaires sociaux, dont l'attente est forte dans ce domaine, seront largement associés aux orientations que vous nous présenterez dans le courant de l'année prochaine. Il s'agit d'un chantier d'envergure qui ne doit pas pour autant en masquer un autre, celui des régimes de retraite et donc de la branche vieillesse.

Deuxième grand poste du budget de la sécurité sociale, les retraites constituent un grand sujet de préoccupation.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas le deuxième, c'est le premier !

M. Pascal Terrasse.

Les salariés se demandent si leurs retraites seront assurées. Les retraités, quant à eux, s'inquiètent pour leur pouvoir d'achat. D'une manière générale, nous sommes tous ici très conscients des difficultés auxquelles nous devrons faire face lors de l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération dite spontanée de l'aprèsguerre.

Dans les années 50, 7 actifs cotisaient pour 1 bénéficiaire d'une pension de retraite. Demain, en raison de la courbe démographique, le rapport sera de 1,5 cotisant pour 1 retraité. A cela s'ajoute la durée moyenne de versement d'une pension de retraite qui est passée de 7 ans en 1950 à 24 ans en moyenne aujourd'hui.

Malgré la réalité de ces chiffres, il ne s'agit pas pour autant de briser ce qui a fait la force de notre pays, qui a permis de générer du lien social entre les générations, d'affirmer notre solidarité à l'égard de nos aînés, je veux parler de nos régimes par répartition. Il me paraît donc indispensable de réaffirmer nos choix et de rappeler que notre système de solidarité a permis une réelle amélioration du niveau de vie des Français les plus âgés. Il faut poursuivre cette grande avancée sociale, l'aménager et l'améliorer sans doute, mais certainement pas lui substituer les méthodes de capitalisation ou les fonds de pension à l'américaine, comme quelques-uns nous le proposent dans cet hémicycle.

Mme Odette Grzegrzulka.

Heureusement, ils sont minoritaires !

M. Pascal Terrasse.

Une analyse vient d'être demandée par le Premier ministre au commissariat général du Plan, afin de préparer les adaptations nécessaires de l'ensemble de nos régimes de retraites.

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi une analyse puisque vous savez déjà tout ?

M. Pascal Terrasse.

Il me paraît indispensable que ces travaux puissent se faire dans la plus grande transparence et donnent lieu à une large concertation avec les partenaires sociaux, mais aussi et surtout avec les élus de la nation, qui seront appelés à se prononcer sur les objectifs des réformes proposées.

Dès cette année, votre projet de budget ouvre un certain nombre de perspectives. La création d'un fonds de réserve au sein du fonds de solidarité vieillesse doté de 2 milliards de francs. C'est une première étape qu'il faut souligner. Son objectif, à terme, est de déboucher sur un mécanisme d'autofinancement, grâce à l'excédent de la C 3 S constaté après couverture des déficits de l'ORGANIC et de la CANCAVA.

Cette disposition permet d'assurer des ressources suffisantes aux régimes de retraites des artisans et des commerçants tout en garantissant l'avenir des retraites des salariés et des non-salariés. J'ai noté d'ailleurs qu'une partie de ces excédents a été affectée au budget annexe des prestations sociales agricoles, pour un montant de 1 milliard de francs. Cette mesure devrait ainsi permettre d'améliorer la situation des retraités agricoles les plus modestes.

Lors du débat en commission, le groupe socialiste a introduit un amendement visant à créer un conseil de surveillance au sein du fonds de réserve. Il aura pour objectif de veiller à ce que ce fonds soit utilisé aux fins pour lesquelles il a été créé. Nous pensons que, outre les ressources provenant de la C 3 S, d'autres recettes abonderont ce fonds à terme, notamment, je l'espère, celles qui seront issues de la réforme des cotisations patronales.

M. Bernard Accoyer.

Et des privatisations ?

M. Pascal Terrasse.

Pourquoi pas ? Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, s'attache également à préserver le pouvoir d'achat des retraités, en retenant une revalorisation de 1,2 % au 1er janvier 1999, tout comme en 1998. Vous vous inscrivez ainsi dans une logique der upture par rapport aux années précédentes. Entre indexation sur les prix à la consommation et indexation sur les salaires nets, l'évolution du pouvoir d'achat des retraités sera meilleure, mais encore insuffisante pour les bénéficiaires de pensions modestes.

Le groupe socialiste souhaite donc qu'à l'occasion de ce budget un signe fort et significatif soit adressé aux plus démunis, à celles et à ceux qui vivent parfois avec moins de 3 300 francs par mois. Je pense aussi aux veuves qui bénéficient d'une assurance veuvage encore inférieure au montant du RMI.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très juste !

M. Pascal Terrasse.

Nous devons donc consentir un effort en leur direction et leur faire savoir que la solidarité nationale jouera pleinement.

Je pense aussi aux bénéficiaires du minimum vieillesse dont le recours sur succession est porté depuis 1982 à 250 000 francs, alors que, pour les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance, ce recours a été porté par le législateur à 300 000 francs.

N'y a-t-il pas là une inégalité qui touche les plus faibles ? En effet, 250 000 francs, c'était le prix d'un petit appartement en 1982 ; c'est aujourd'hui le prix d'une chambre de bonne.

Enfin, pour en terminer, je voudrais évoquer avec vous le secteur social et médico-social. J'ai noté que l'enveloppe affectée à ce secteur, au sein de l'ONDAM, était en nette progression...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Je vous remercie !

M. Pascal Terrasse.

... passant de 3,15 % en 1998 à 3,72 % en 1999, ce qui n'est pas rien. Cette enveloppe devrait également permettre de dégager les moyens nécessaires...

M. Bernard Accoyer.

Ils ont déjà été consommés !

M. Pascal Terrasse.

... à la création de 7 000 places en lits de section de cure médicale pour personnes âgées, à la création de 2 000 places de service de soins infirmiers à


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domicile, et au financement de la première tranche du plan pluriannuel de création de places pour adultes handicapés.

Il conviendrait que la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées, dont les décrets d'application doivent être promulgués dans les jours à venir, permette de dégager des moyens financiers et, peut-être, s'accompagne du transfert de certaines dépenses de ville : je pense notamment aux intervenants en institution, infirmières libérales et médecins.

Cette réforme est urgente et attendue, comme celle de la loi du 30 juin 1975. Il s'agit de réformes de fond qui peuvent soulever de légitimes inquiétudes : certains de mes collègues s'en sont fait l'écho ce matin. Il est pourtant indispensable de les mener à terme. Dans le cadre des discussions, à l'occasion de l'examen de l'article 27 du projet de loi, nous souhaiterions connaître le calendrier précis des réformes envisagées sur ces deux points.

Le dernier point que je souhaite évoquer porte sur le maintien à domicile des personnes âgées. Comme vous le savez, on compte 2,3 millions de personnes de plus de quatre-vingts ans, dont 1,2 million de personnes qui, considérées comme dépendantes, ne peuvent plus assumer seules les tâches de la vie quotidienne. Penser que ce problème ne concerne que les familles qui doivent faire leur devoir serait oublier les évolutions considérables de notre société : l'éclatement des familles, l'urbanisation et les drames dans lesquels les plonge parfois le chômage.

De nombreuses associations présentes sur le terrain aux cotés des aînés constituent souvent le seul recours ou l'appui social sur lequel les familles peuvent compter.

Ces associations disposent d'un encadrement nécessaire à la formation, à l'accompagnement social et sont toujours prêtes à répondre à l'urgence sociale. Pourtant, ces services sont fragilisés, en raison non pas du service ou de leur compétences mais d'un simple article du code de la sécurité sociale,...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très juste !

M. Pascal Terrasse.

L'article L. 241-10 qui ne leur permet pas de bénéficier des même avantages que le service mandataire.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

On va rectifier ça !

M. Pascal Terrasse.

Vous le savez, leur coût est supérieur car leurs cotisations sont plus importantes.

Lors de l'examen du DDOEF, ce problème avait été largement évoqué par mon excellente amie Paulette Guinchard-Kunstler. Mais sa requête avait été renvoyée au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous y voilà ! Le groupement socialiste vient donc de déposer un amendement tendant à introduire la parité de traitement, amendement adopté à l'unanimité, à l'exception du groupe RPR, en commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes particulièrement attaché au maintien des personnes âgées à leur domicile.

Pour conclure, je voudrais vous dire que vous pouvez compter sur le groupe socialiste.

M. Jean-Michel Dubernard et M. Bernard Accoyer.

Heureusement !

M. Jean Bardet.

Apparemment, il n'y a que sur lui qu'il pourra compter !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ne jouez donc pas les Cassandre !

M. Pascal Terrasse.

Vous pouvez compter sur notre détermination et notre contribution pour atteindre les objectifs que vous venez de vous fixer.

Un budget en équilibre, une meilleure garantie sociale, l'instauration d'une couverture maladie universelle : voilà des signes forts, qui marquent à l'évidence une rupture avec ceux qui veulent substituer les assurances privées à l'assurance maladie et les fonds de pension à nos régimes par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

N'importe quoi !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard.

Et si nous sortions des pourcentages, des chiffres, des comptes pour retrouver l'esprit de la réforme constitutionnelle de 1996 voulue par Alain Juppé...

M. Jean Vila.

Oh non !

M. Jean-Michel Dubernard.

Si, monsieur, et heureusement, car c'est elle qui nous permet de discuter, aujourd'hui, cette loi de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard.

Nous sommes les représentants des Français qui financent la sécurité sociale et l'assurance maladie. Ils souhaitent, et vous le savez bien, que nous parlions aussi, plus concrètement, de leur santé, de politique de santé, au sens noble du terme.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard.

Ils souhaitent nous voir insuffler un peu plus d'humain dans la lourde machine de l'assurance maladie qui, au passage, devrait faire un peu d'introspection au lieu de passer son temps à critiquer les médecins et les usagers. (« Très bien ! » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

I nsuffler de l'humain, c'est évidemment remettre l'homme au coeur des préoccupations du système en médecine de ville comme à l'hôpital.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est aussi prendre en compte les professions de santé, ces femmes et ces hommes sans lesquels le système de santé ne peut pas fonctionner, ne l'oublions pas.

En médecine de ville, le patient veut être bien soigné.

Il veut aussi être rassuré s'il présente une affection bénigne, soutenu s'il présente une maladie chronique, entouré s'il présente une maladie grave. Soigner, rassurer, soutenir, entourer, c'était le rôle du médecin de famille.

Retrouvons-le. S'organisera alors spontanément, autour de lui, les réseaux, les filières, sans qu'il soit nécessaire de l'habiller d'un titre de référent qui a toujours fait partie de son rôle.

Le patient souhaite être remboursé correctement, il sait que ce n'est pas le cas et il devine, déjà bien présente, la médecine à deux vitesses que dénonçait M. Marc Laffineur. Il n'a pas besoin d'être responsabilisé. C'est lui qui paie. Il le sait, il le voit sur ses fiches de paie ; il souhaite certainement être mieux informé mais il est las d'être considéré comme irresponsable. Il est prêt à accepter un contrôle des abus des usagers mais il sait aussi que c'est lui qui doit décider et non pas les appareils.

A l'hôpital public et privé - de toute façon le texte de loi n'en dit pas un mot -, tout devait s'organiser autour du malade. Sortons des schémas théoriques, imposés par


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de beaux esprits, débordant de bonnes intentions qui se diluent avant de franchir le pas de l'hôpital ou de la clinique. Redevenons pratiques. Partons du malade, de ses besoins, de la nécessité de le rassurer, de le soutenir, de l'entourer dans des structures organisées pour lui, dans un cadre qui lui convient en lui offrant des soins de qualité, d'une qualité égale pour tous. Ainsi, régionalisation, contractualisation, groupement de coopération sanitaire, évaluation, accréditation prendront un tout autre sens.

Investissons plus dans l'ANAES. De son action dépend l'avenir de l'hospitalisation. Elle doit pouvoir travailler plus et plus vite, mais nous devons contrôler qu'en s'institutionnalisant elle n'oublie pas ses objectifs initiaux. Ne laissons pas des revues comme Science et avenir se substituer à elle.

Plusieurs députés du groupe de Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard.

Pour qu'elles se consacrent entièrement aux malades, les professions de santé doivent travailler dans le calme et la sérénité. Tel n'est pas le cas et c'est là mon principal sujet d'inquiétude, en médecine de ville comme à l'hôpital.

E n ville, infirmières, kinésithérapeutes, biologistes, pharmaciens, dentistes et médecins se considèrent comme des boucs émissaires tant les mesures successives ressemblent, en s'accumulant, à de l'acharnement. On les a toutes citées : baisse autoritaire des tarifs, lettres flottantes, taxation d'office des laboratoires, de l'industrie pharmaceutique, objectif national de dépenses déjà virtuel ou négatif car calculé sur les bases 1998, changement des règles des MICA, incertitudes conventionnelles mais certitudes, en revanche, sur la contribution conventionnelle. Il faudra bien sortir un jour de cette notion de sanction collective. Elle est injuste et culpabilise les médecins qui acceptent tous que soient pénalisés individuellement les tricheurs. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, accélérez la mise en place des moyens d'information.

Le conseil de transparence des statistiques de l'assurance maladie, le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie sont des pas bien timides.

M. Renaud Muselier.

Très juste !

M. Jean-Michel Dubernard.

A l'hôpital, public et privé, le climat se dégrade.

M. Renaud Muselier.

C'est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard.

Et je le vis tous les jours.

Les grèves des internes, des urgentistes, des anesthésistes et, le 2 décembre prochain, celle des praticiens hospitaliers sont autant de cris d'alarme.

Comment expliquez-vous la désaffection actuelle pour les postes de praticiens hospitaliers ? Constatez donc : 27 % de postes non pourvus en radiologie, 20 % en anesthésie, 18,6 % en chirurgie et 17,3 % en psychiatrie et je pourrais continuer la litanie.

M. Bernard Outin.

Vous aviez dit pas de chiffres !

M. Jean-Michel Dubernard.

Là ce sont des pourcentages qui ont du sens ! (Sourires.) Allez vous faire soigner dans ces hôpitaux, vous jugerez par vous-même comment il faut s'y prendre pour consulter un chirurgien, un psychiatre ou pour passer une radio. C'est toute la question de l'égalité des soins. Le vrai problème dans ce pays, c'est l'accès inégal à des soins de qualité égale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Clary.

Que n'avez-vous donné des moyens à l'hôpital public !

M. Jean-Michel Dubernard.

Il vaut mieux avoir un accident à côté d'un grand CHU parisien que près du petit village ou de la petite ville où vous ne serez pas soigné.

M. Alain Clary.

Qu'avez-vous fait sous Juppé ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

M. Dubernard tient le même propos chaque année. Il faut lui reconnaître ce courage.

M. Jean-Michel Dubernard.

Pourquoi y a-t-il donc tant de postes non pourvus ? Il y a, bien sûr, la charge de travail trop forte, et les rémunérations insuffisantes. Mais il y a aussi d'autres explications : le vieillissement du parc hospitalier, de moins en moins adapté,...

M. Renaud Muselier.

Très grave !

M. Jean-Michel Dubernard.

... les équipements insuffisants et, d'une façon générale, les mauvaises conditions de travail qui démobilisent les équipes soignantes. Elles voient, elles vivent les gaspillages. Elles savent aussi comment les réduire en redéployant les moyens, mais elles ne voient rien d'autre qu'un partage toujours plus congru de la pénurie.

Plus grave encore, et là je souhaite appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat,...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous l'avez !

M. Jean-Michel Dubernard.

... la confrontation des pouvoirs va croissant au sein de l'institution. L'opposition ancienne, longtemps plus ou moins feutrée, entre administration et médecins, se durcit et s'aggrave avec la montée en puissance du pouvoir infirmier, que nul ne peut me soupçonner de ne pas avoir poussé - vous vous souvenez de 1991.

Le moment est venu pour vous, en gardant toujours à l'esprit le malade, de réorganiser l'hôpital, de définir clairement le rôle et la place de chacun. Vous en avez les moyens. Les centres de responsabilité sont inscrits dans la loi. Pourquoi ne les faites-vous pas appliquer ?

M. Renaud Muselier.

Ils ne veulent pas !

M. Jean-Michel Dubernard.

Est-ce la crainte de la délégation de gestion qui effraie tant l'administration ? Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez une image très humaine.

M. Bernard Accoyer.

Ça c'est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard.

Nous sommes tous d'accord sur ce point. Si Mme la ministre nous faisait l'honneur d'être là, je dirais qu'elle a, elle, une image très déterminée...

M. Bernard Accoyer.

Ça aussi c'est très vrai !

M. Jean-Michel Dubernard.

... très technique.

M. Bernard Accoyer.

Encore vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ça ferait un beau couple !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Un PACS.

! (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard.

A vous deux, monsieur le secrétaire d'Etat, vous possédez tous les atouts...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Vous me gênez, monsieur Dubernard ! Ne profitez pas de l'absence de Mme la ministre ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Jean-Michel Dubernard.

... pour balayer les réticences, les corporatismes, les lobbies, pour ne prendre en compte que l'intérêt du malade et le maintien du système de santé à la française auquel nous sommes tous très attachés sur tous ces bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! Sortez de la prudence, de la frilosité politique, de l'immobilisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Est-ce un appel à la révolution ?

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, m adame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, l'année 1998 a été fructueuse : le débat d'idées sur la notion même de famille a tenu une grande place.

La mobilisation des associations familiales à l'annonce puis à l'application de la mise sous condition de ressources des allocations familiales, disposition qui avait rencontré l'opposition de mon groupe et d'autres, d'ailleurs, au nom de l'universalité du droit de l'enfant, a remis la famille au centre de la réflexion de la société.

De nombreux rapports ont été commandés, remis aux gouvernants. La conférence sur la famille s'est tenue. Cela devrait d'ailleurs déboucher sur l'organisation au Parlement du grand débat sur la politique familiale que nous réclamons depuis longtemps.

Ces très fortes interventions sociétales, en s'appuyant sur le caractère transitoire de ce dispositif adopté après un long débat dans l'hémicycle l'année passée, ont favorisé le retour dans ce projet du versement des allocations familiales sans condition de ressources. C'est donc un droit important qui sera rétabli en 1999.

Les allocations familiales seront aussi étendues à tous les enfants à charge de leurs parents jusqu'à l'âge de vingt ans. Si cette mesure représente un progrès certain, on ne peut que s'étonner du retard pris par rapport aux dispositions prévues dans la loi de 1994.

Il serait par ailleurs important de revaloriser réellement les allocations familiales, notamment en les indexant non pas sur les prix mais sur l'augmentation des salaires moyens avant d'engager un réel rattrapage.

Ce rétablissement et cet élargissement sont des éléments d'une politique familiale. Toutefois, d'autres dispositions doivent être mises en oeuvre. Dans la même logique, il est nécessaire de verser les allocations familiales dès le premier enfant. Le financement de cette mesure serait certes lourd mais pas insupportable et son montant serait comparable aux exonérations des cotisations patronales sur la famille. De plus, les sommes correspondantes seraient presque toutes directement réintroduites dans la consommation, consolidant ainsi la croissance.

Je trouve une satisfaction dans l'élargissement de l'ARS aux familles d'un enfant ne percevant pas de prestations versées par la CAF. En effet, l'ARS est étendue aux familles d'un enfant, ne pouvant pas, jusqu'à ce jour, du fait de critères quelque peu complexes, bénéficier de ce droit. Néanmoins, les plafonds de ressources ouvrant le droit à cette prestation doivent être relevés, ainsi que les plafonds de l'AJE. Cette dernière mesure, si elle était appliquée, pourrait être considérée comme prémise du versement des allocations familiales dès le premier enfant sans condition de ressources.

Ces propositions, si elles étaient retenues, permettraient d'accomplir un premier pas pour faire de la CAF non pas un outil d'aide sociale, tendance actuelle, mais un organisme favorisant réellement et pleinement une autre politique familiale.

Le rétablissement la CAF comme l'une des pièces maîtresses de la politique familiale sans écarter les responsabilités de l'Etat, de son budget et de ses décisions, ne peut être envisagé qu'en examinant l'ensemble de ces prestations. Certaines sont dénaturées, notamment l'allocation parentale d'éducation. En effet, de nombreuses femmes qui demandent l'APE font un choix forcé.

L'APE se substitue alors souvent à l'insuffisance de structures d'accueil du petit enfant et, surtout, à un système d'assurance et de solidarité chômage très réducteur.

De nombreuses mères de famille, de deux enfants ou plus, au chômage, ne percevant plus l'ASS, se tournent vers cette prestation, ce qui entraîne une explosion de son coût. Une réforme du système d'indemnisation du chômage serait porteuse de plus de justice sociale et éviterait ce que je considère comme une certaine forme de transfert de charge.

Une autre prestation versée par la CAF, l'allocation logement, est réformée. En effet, la limite dans laquelle le loyer est pris en compte pour le calcul de l'APL est revue et ce processus s'étalera sur trois ans. Plus d'un demimillion de foyers sont concernés et bénéficieront de cette augmentation.

Par ailleurs, une meilleure prise en compte des jeunes adultes restés au foyer familial est aussi prévue. Il s'agit d'une amélioration et du rétablissement d'une égalité certaine.

Naturellement, la politique familiale doit être marquée par la politique de la gauche plurielle. L'un des domaines le plus important est celui de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Le système d'accueil du jeune enfant doit utiliser l'ensemble des modes, mais surtout les multiplier. Pour cela, il faut véritablement impulser une autre politique de développement des crèches collectives afin que l'ensemble des familles en bénéficient. L'insuffisance de places peut être dramatique, notamment pour les familles monoparentales. Pour ces dernières, c'est un obstacle à la recherche ou à l'exercice d'un emploi. Aujourd'hui, il faut dépasser les déclarations d'intentions. Des orientations et des objectifs devraient être déterminés.

J'en viens aux objectifs de dépenses concernant la branche famille.

Près de 257 milliards de francs, tel est l'objectif prévu pour l'année 1999 selon l'article 32 du projet. Ce montant est en très légère progression par rapport à l'année passée. Toutefois, le principe même de la prédétermination dans un projet de loi ne rencontre pas notre approbation car il corsète la satisfaction des besoins réels.

En effet, cela limite de fait, malgré l'amélioration certaine apportée, les missions et les objectifs de la Caisse nationale d'allocations familiales.

En conclusion, je renouvelle l'idée, déjà émise au début de mon intervention, de l'organisation d'un débat au Parlement sur la politique familiale et sur la famille, dans le prolongement de la conférence sur la famille du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

12 juin 1998. L'évolution récente, sous l'impulsion de la société civile et de certains élus, démontre la nécessité d'une telle initiative et d'un tel approfondissement du rôle de la famille dans notre société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, je vais m'en tenir à trois questions relatives à la branche maladie, plusieurs de mes collègues, tel M. Préel il y a quelques minutes, devant intervenir au nom de notre groupe sur d'autres sujets. Elles porteront respectivement sur la fixation du taux de progression pour l'enveloppe de soins en ville, sur la régulation que j'appelle « infra-annuelle », c'est-à-dire la baisse des lettres-clés en cours d'année, et sur le dispositif médicaments.

Je n'ai aucune prétention particulière, sauf celle de vous faire part, madame la ministre, de quelques interrogations que je crois justifiées.

D'abord, tout en constatant les progrès qu'induit le débat devant l'Assemblée, qui nous permet de dialoguer avec le Gouvernement, ce que nous ne pouvions pas faire jadis, je dois souligner qu'il reste des perfectionnements à prévoir dans l'élaboration de cette loi de financement.

Il en est ainsi, par exemple, pour la déclinaison des taux de progression des enveloppes. En effet, madame la ministre, s'il est vrai que le Gouvernement arrête les taux de progression - en l'occurrence 2,39 % pour les soins de ville et 2,50 % pour l'hôpital -, on peut se demander en vertu de quels critères précis ils sont fixés. Or vous savez que nous assistons actuellement à un phénomène dont il est difficile de mesurer l'ampleur, celui par lequel certains hôpitaux s'approvisionnent ou, du moins, incitent leurs malades à s'approvisionner en médicaments dans les pharmacies en ville.

Ce problème soulevé par la commission des comptes de la sécurité sociale prouve bien qu'il faudra faire désormais très attention dans la fixation de ces enveloppes.

Il serait même bon que le Parlement soit saisi de cette question.

J'en viens à l'objectif fixé cette année, madame la ministre, pour la médecine de ville.

Compte tenu de la forte évolution des soins en 1998, ne risque-t-on pas de se retrouver, pour le régime général, à la fin de 1999, à plus de trois points au-dessus de l'objectif fixé pour 1999 ? S'il en était ainsi, en choisissant un ONDAM 1999 que je crains irréaliste, ne se condamnerait-on pas à faire jouer automatiquement le mécanisme de régulation ?

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Jacques Barrot.

Ne conviendrait-il pas de se demander si cette évidence ne provoquera pas un certain découragement des acteurs de secteur, car la fixation d'objectifs très difficiles risque de les démobiliser ? Ma deuxième question concerne la régulation économique infra-annuelle.

En l'occurrence, le dispositif prévoit que si les partenaires conventionnels ne prennent pas les mesures appropriées en cours d'année, le Gouvernement pourra arrêter des baisses de tarifs. Or je pense que la baisse des tarifs imposée à la radiologie posera des problèmes à certains laboratoires de proximité. Je ne reviens pas sur ce point.

Cela étant, cet article paraît difficilement praticable et dangereux. Il sera difficilement praticable, parce que l'ONDAM n'est pas décliné de façon mensuelle. Il constitue un objectif annuel et cette déclinaison est sans doute faisable, mais cet exercice ne pourrait être qu'approximatif, évaluatif et, je le crains, discrétionnaire. Comment sera fait le suivi ? Qui appréciera s'il y a dérapage et à quelle hauteur ? Outre ces difficultés techniques, il est un danger plus grave, celui de donner le sentiment aux médecins que leurs efforts pour une pratique de plus justes soins est, par définition, vouée à l'échec, puisqu'ils seront menacés en permanence d'un encadrement, presque au mois le mois, autoritaire. Au lieu de lisser des évolutions sur des bases pluriannuelles pour permettre en cours d'année de concentrer tous les efforts sur la maîtrise médicalisée, on semble s'accrocher à des mécanismes quasi automatiques d e régulation économique infra-annuelle difficiles à mettre en oeuvre et qui risquent d'être vécus comme un constat anticipé d'échec de la maîtrise médicalisée.

D'ailleurs, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez bien que le seul syndicat qui est aujourd'hui entré en négociation avec la caisse nationale insiste beaucoup sur la suppression de ce mécanisme qui lui paraît de nature à décourager les meilleures bonnes volontés pour la maîtrise médicalisée.

M. Jean-Pierre Foucher.

Très bien !

M. Jacques Barrot.

J'en viens à ma troisième question relative aux articles 25 et 26. Mon ami Jean-Pierre Foucher devant revenir sur ce sujet, je serai très bref.

Je vis ces articles comme si on revenait en arrière vers une administration de l'industrie du médicament. La manière dont est conçue cette double régulation, censée être faite tantôt par le comité économique, tantôt par la voie autoritaire, risque d'aboutir à précariser l'industrie du médicament en France.

En fait, il est une question de fond que je ne peux pas développer, mais qui se pose. Je reconnais qu'elle est difficile à résoudre, mais ce n'est pas une raison pour l'éluder : comment peut-on conclure des conventions pluriannuelles avec des laboratoires si le Gouvernement fixe des objectifs annuels ? Comment peut-on passer des unes aux autres ? J'ai bien entendu Claude Evin déclarer, ici et là, que le conventionnement est loin d'avoir porté tous ses fruits.

Certes, nous avons tardé à l'engager et il faut sans doute du temps pour s'assurer de sa fiabilité et de la manière dont on peut le sanctionner. Pour autant, faut-il, par une précipitation que pourrait sembler justifier l'accroissement rapide des dépenses, renoncer à cette approche, qui, par sa globalité, permet à la fois de respecter la bonne économie du médicament et les intérêts légitimes de l'assurance maladie ? Bien sûr, il est de bon ton de mettre systématiquement en cause le médicament comme source de dépenses. Ono ublie simplement que l'arrivée des trithérapies a incontestablement permis à de nombreux malades du sida de ne plus rester à l'hôpital et de pouvoir être soignés en ville.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr !

M. Jacques Barrot.

Les progrès à venir de la santé publique seront liés à l'apparition de nouvelles molécules.

Faut-il, obsédés par le dérapage actuel des dépenses, oublier que c'est un devoir que de laisser à la France une certaine autonomie dans l'approvisionnement de ses médicaments ? Faut-il nous condamner à acheter systématiquement à l'extérieur, comme le Japon, tous les médicaments nouveaux, dans des conditions imposées ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Je sais qu'au ministère des finances des fonctionnaires tiennent ce propos, mais je considère qu'ils font une grave erreur historique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Moi aussi !

M. Jacques Barrot.

En outre, les articles 25 et 26 posent quelques problèmes techniques majeurs, en parlant du chiffre d'affaires afférent aux médicaments remboursables, et non des médicaments effectivement remboursés.

N'est-on pas en train de confondre dépenses de santé et dépenses d'assurance maladie ?

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jacques Barrot.

Peut-on taxer les laboratoires pour la vente de produits non remboursés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la R épublique et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Par ailleurs, dans son avant-dernier alinéa, l'article 24 introduit la possibilité de modifier en cours d'année le prix des médicaments. Cela est-il raisonnable ? Enfin, peut-on parler aujourd'hui du prix du médicament sans faire référence au prix européen ? En ce domaine nous risquons d'aboutir à des distorsions dans la distribution du médicament, à des délocalisations de recherche, voire, madame la ministre, car je sais que vous ne l'ignorez pas, à l'introduction de nouveaux médicaments sur le marché, sans admission au remboursement !

M. Bernard Accoyer.

Exactement ! Voilà comment se fera la régulation !

M. Jacques Barrot.

En effet certains laboratoires préféreront engager un nouveau médicament sans remboursement, parce qu'ils considéreront que le prix français est trop bas. Ce seront ensuite les assurés sociaux qui viendront, à juste titre, solliciter le Gouvernement...

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Jacques Barrot.

... en soulignant qu'il ne saurait suivre les laboratoires et ne permettre l'accès aux nouveaux médicaments qu'aux plus riches. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Foucher.

Exactement !

M. Bernard Accoyer.

Il a raison !

M. Jacques Barrot.

Je souligne cela non pour vous faire un procès, mais pour vous adresser une mise en garde solennelle, car je souhaite, personnellement, que le Gouvernement, aidé par nos commissions, revoie ce dispositif qui fait manifestement courir des risques majeurs aux industries du médicament installées sur notre sol.

Certes, il ne faut pas que le domaine du médicament échappe à la régulation. Encore faut-il que celle-ci tienne compte du besoin de stabilité nécessaire pour conduire des politiques de recherche longues et risquées. Il s'agit d'un enjeu trop important pour que nous le traitions de m anière excessivement précipitée et inappropriée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 tend à corriger les inégalités et à réduire le déficit. Nous nous félicitons du retour à l'équilibre des comptes, prévu pour l'année prochaine.

M. Jean-Michel Dubernard.

Compte là-dessus ! (Sourires.)

M. Lucien Degauchy.

On verra !

M. André Aschieri.

Il convient de poursuivre cet effort en raison de la situation sanitaire et sociale encore défaillante de la France.

Si l'amélioration générale de la santé de la population est certaine, trop de personnes restent encore à l'écart du progrès. Le système de protection sociale reposait, à sa création, sur un principe d'égalité. Nous regrettons aujourd'hui que celui-ci ne soit le plus souvent qu'un vain mot.

Le haut comité de la santé publique affirme que la progression actuelle des phénomènes de précarisation, qui fragilisent des secteurs entiers de la population, provoque, à moyen terme, une dégradation de la santé des couches sociales les plus défavorisées et, au-delà, celle de la population tout entière.

Les prestations de la sécurité sociale sont un droit.

Elles sont les mêmes pour tous. Les inégalités de santé selon les milieux sociaux non seulement persistent, mais tendent à s'accroître. La santé ne se décrète pas. Seule une politique de santé publique conçue sur le long terme la garantira. Moins l'enfant et l'adolescent font l'objet de nos soins aujourd'hui, plus les risques de voir leur santé ultérieure menacée sont grands.

L'une des premières mesures à prendre consisterait à réintroduire l'éducation sanitaire dès l'école primaire, là où les enfants sont le plus réceptifs.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale présente une grave carence que nous devons dénoncer. Je sais combien vous êtes attachés, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à la lutte contre les exclusions. Cependant, comment peut-on attendre encore des mois avant que soit mise en place la couverture maladie universelle, alors qu'un Français sur quatre, vous le savez, renonce à se soigner, faute de moyens financiers ? Le coût, que vous estimez à 2,5 milliards de francs, est faible au regard des sept millions de personnes concernées. Le législateur doit s'attacher à faire prévaloir le principe des droits accordés à toute la population. Nous devons repenser cette notion pour renforcer l'essentiel, c'est-à-dire assurer la même qualité de soins à toute la population.

A cet égard, il est nécessaire de modifier l'organisation de la prestation spécifique dépendante. Sa gestion par les conseils généraux est souvent un échec.

Le niveau des prestations est très inégal d'un département à l'autre, et leurs critères d'attribution sont quelquefois différents. Il faut créer une véritable PSD univer-s elle, qui soit ouverte à l'ensemble des personnes dépendantes, que le handicap soit de naissance, acquis ou résultant de la vieillesse. Celle-ci pourrait être financée par un prélèvement social du type CSG, géré directement par la sécurité sociale.

Il permettra de rémunérer une tierce personne ou compensera le manque à gagner d'un proche. On évitera ainsi, parfois, l'hospitalisation, moins bien vécue et plus coûteuse.

Les lois de financement de la sécurité sociale doivent être construites en fonction des besoins de la population et pas seulement en fonction de considérations budgétaires. Dans cet esprit, nous accueillons tout à fait favo-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

rablement la possibilité, pour les pharmaciens, de remplacer une spécialité par un médicament générique moins cher. L'encadrement des dépenses par les établissements médico-sociaux est aussi une mesure justifiée. Dans le même esprit, nous souhaitons une véritable reconnaissance du pluralisme thérapeutique. Plusieurs millions de Français utilisent aujourd'hui les médecines alternatives alors que, vous le savez, bon nombre d'entre elles ne sont pas remboursées.

Les médecins scolaires font cruellement défaut : ils ne sont pas assez nombreux pour suivre efficacement les enfants scolarisés.

Comparée à la médecine curative, la médecine préventive reste le parent pauvre de notre système de soins.

C'est pourquoi les députés Verts souhaitent la mise en oeuvre d'un plan ambitieux en faveur de la médecine scolaire, de la médecine en milieu carcéral, de la médecine sociale et surtout de la médecine du travail. Afin de souligner leur caractère prioritaire, il serait souhaitable de les replacer sous votre autorité directe, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, ce qui était le cas avant.

La médecine du travail est souvent réduite à sa plus simple expression, et je ne parlerai pas de l'organisation défaillante de la prévention et de la surveillance des risques professionnels.

J'ai rencontré ces derniers mois, dans le cadre d'une mission parlementaire, nombre d'associations de victimes du travail. Savez-vous, par exemple, que des dockers de Dunkerque déchargaient de l'amiante sans protection, jusqu'en 1992, alors que l'on sait que l'amiante est mortel depuis 1906 ? Unanimement, ils réclament que nous prenions, nous, femmes et hommes politiques, nos responsabilités en ce domaine. Leur détresse ne peut nous laisser indifférents.

Vous vous êtes d'ailleurs exprimée très clairement sur ce problème, madame la ministre.

Il est urgent de moderniser la législation concernant la prévention et les soins des maladies professionnelles et des accidents du travail. C'est pourquoi les députés Verts plaident pour la mise en place d'une médecine du travail indépendante des industriels, ce qui n'est pas, nous le savons, le cas en ce moment.

Nous souhaitons l'application du principe de précaution pour permettre l'interdiction rapide des produits dont la dangerosité est établie. Nous demandons une véritable transparence de la gestion du risque.

Il apparaît indispensable d'améliorer les connaissances statistiques sur les accidents et les maladies, reconnues ou non, de manière à mettre en évidence la globalité des risques professionnels.

Enfin, l'effort doit porter sur l'amélioration du quotidien des victimes. Nous appuyons les demandes des associations qui réclament : la gratuité des soins résultant de l'accident ou de la maladie du travail, l'amélioration du dispositif d'insertion professionnelle et la mise en place d'une retraite anticipée dès l'âge de cinquante-cinq ans pour les travailleurs handicapés, usés par le travail.

Les Verts demandent aussi l'organisation d'un débat national sur la question des retraites. Nous ne partageons pas les conclusions du rapport Cahuzac et nous ne pourrons sans doute pas faire l'économie de ce débat. Parce que gouverner, c'est non seulement prévoir, mais également prévenir, il convient d'anticiper les atteintes de l'environnement sur la santé. Demain, les maladies seront de plus en plus liées aux milieux de vie. La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et de la sécurité sanitaire est une très bonne chose mais il faut la compléter. Nous devons poursuivre ce travail en créant un dispositif de sécurité sanitaire environnementale, qui sera un instrument efficace d'expertise et de veille et réduira à terme les dépenses de la sécurité sociale.

Nous souhaitons que le débat national, qui aura lieu à l'occasion des états généraux de la santé, permette de changer notre approche dans ce domaine.

Il faut enfin qu'on ne puisse plus dire que la santé publique n'a jamais été prioritaire, comme le soulignait déjà le ministre de la santé en 1992.

Si vous vous engagez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les réformes indispensables que nous proposons, notamment dans le domaine de la prévention et surtout dans celui de la santé publique, nous vous soutiendrons sans réserve. Nous avons confiance dans la volonté politique du Gouvernement de renforcer la protection des travailleurs et de lutter contre les inégalités.

C'est pourquoi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les députés Verts voteront le projet de financement de la sécurité sociale pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat qui nous réunit concerne un sujet et un budget particulièrement importants, si importants qu'ils mériteraient que nous puissions y consacrer beaucoup plus de temps. Nous sommes amenés, en effet, à nous interroger sur l'organisation, le fonctionnement, le coût de notre système de santé et de protection sociale, son avenir même. Mais votre projet, madame la ministre, se limite trop à une approche comptable et administrative, alors que c'est l'enfant, la famille, le retraité, le malade qui sont au coeur même de nos préoccupations.

Certes, vous pouvez vous satisfaire que les prévisions pour le financement de votre budget de 1998 aient été à peu près respectées. Mais je veux rappeler à quel prix.

Tout d'abord, vous faites participer davantage les revenus du capital au financement de la sécurité sociale et chacun sait combien les retraités, même ceux qui ne sont pas imposables, en sont aujourd'hui les principales victimes.

Ensuite, vous ponctionnez les familles avec la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et la réforme de la garde d'enfant à domicile.

Enfin, vous avez décidé un plan d'urgence de 2,7 milliards de francs qui a violé les engagements contractuels et sanctionné les professions, des radiologues aux biologistes, des dentistes aux orthophonistes, sans oublier l'industrie pharmaceutique.

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Bernard Perrut.

Un point positif toutefois, mais le Gouvernement n'y est pour rien : le supplément de recettes généré par la croissance se traduit par un afflux de plusieurs milliards de francs de recettes supplémentaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Quant à vos prévisions pour 1999, elles paraissent incertaines. Les hypothèses économiques que vous évoquez sont imprudentes, tant pour la croissance du PIB que pour la hausse de la masse salariale de 4,2 %.

Pouvez-vous ignorer le ralentissement perceptible des revalorisations salariales, conséquences de la loi sur les 35 heures ? Vous vous trompez, vous nous trompez quand vous calculez vos objectifs de dépenses à partir des objectifs de 1998 et non des dépenses effectives, qui ont connu des dérapages.

Evoquons tout d'abord l'assurance maladie. Vous semblez manquer d'imagination, vous ne vous attaquez pas aux vraies réformes. Il faut changer de logique. Des propositions intéressantes ont été faites par les groupes UDF, RPR et Démocratie libérale. Nos collègues Jean-François Mattei et Marc Laffineur ont évoqué l'autonomie des caisses, la liberté des médecins, la responsabilisation.

Pourquoi ne pas tenter des expériences, pourquoi ne pas engager une réflexion sur ces thèmes ? Votre maîtrise comptable des dépenses passe par une contribution aggravée des médecins, une sanction aveugle et collective. Le médecin vertueux paie pour les autres. Quelle injustice ! Je juge, en revanche positives, je tenais à l'indiquer, les mesures tendant au développement de la maîtrise médicalisée, évoqué par M. Kouchner ce matin, en ce qui concerne la prévention et le dépistage du cancer.

J'en viens à la politique familiale. C'est donnantdonnant : si les allocations familiales sont rétablies pour tous, le plafond du quotient familial est quant à lui abaissé. En 1998, vous avez fait 4 milliards d'économie sur le dos de 300 000 familles...

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

M. Préel parlait de 6 milliards. Il faudrait savoir !

M. Bernard Perrut.

... et vous voulez en faire autante n 1999, avec la baisse du quotient familial : 500 000 familles verront leurs impôts encore augmenter ; seront particulièrement pénalisées les familles d'un enfant qui ne touchent pas d'allocations, dont les deux parents travaillent et aspirent, sans doute, à fonder une famille plus nombreuse. Mais vous les ignorez.

Quant à la retraite, votre garantie n'est qu'un trompel'oeil. L'année passée, l'assurance vieillesse ne figurait manifestement pas parmi les priorités du Gouvernement.

Cette année, vous voulez créer un fonds de réserve, financé par des recettes de circonstance, au montant sans rapport avec l'ampleur des déficits prévisibles : il n'est doté que de 2 milliards en 1999, et son alimentation future n'est pas clairement définie. Ce ne peut être qu'une goutte d'eau par rapport aux besoins de financement du régime de base, estimé à 107 milliards de francs en 2015. Vous voulez donner l'impression que les retraites sont sauvées, alors que tout reste à faire. La création de fonds de pension est à mes yeux la seule solution capable d'atténuer le choc démographique. Il n'y aurait pas d'opposition, mais une complémentarité avec le système par répartition. Du reste, deux Français sur trois sont prêts à souscrire à des fonds de pension et le commissaire au Plan y est favorable.

Je voudrais enfin insister sur les demandes des retraités.

Ils supportent le prélèvement social de 10 % sur les revenus de l'épargne alors que nombre d'entre eux, aux faibles resssources, ne paient pas d'impôt. Ils dénoncent aujourd'hui la baisse de leur pouvoir d'achat et vous rappellent à vos promesses de revalorisation des pensions.

Pour terminer, je voudrais évoquer le sort des handicapés : c'est un sujet qui peut tous nous unir et qui me tient à coeur. L'exercice d'une activité professionnelle est souvent, pour eux, source de fatigue et de difficultés entraînant une usure précoce de l'organisme. Ne conviendrait-il pas de prévoir l'ouverture de droits à la retraite dès l'âge de cinquante ans pour les travailleurs salariés handicapés ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très bonne idée ! Je l'ai d'ailleurs défendue.

M. Bernard Perrut.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que nous osions ensemble, au-delà de nos clivages politiques, avoir une vision novatrice pour l'avenir, pour toutes celles et tous ceux dont nous évoquons ici la naissance, la vie et la mort. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale est une loi fondamentale, puisque le budget de celle-ci est, chacun le sait, supérieur au budget de l'Etat.

Depuis plusieurs années, les déficits se creusent et les remèdes préconisés par des thérapeutes tant de gauche que de droite sont toujours restés les mêmes : déremboursements pour ce qui concerne les dépenses, cotisations augmentées pour ce qui concerne les recettes. Et cela s'est traduit par le trou de la sécurité sociale, que l'on comble au moyen du remboursement de la dette sociale, solution temporaire qu'il ne faudrait pas pérenniser.

Il n'y a pas d'équilibre spontané entre les dépenses et les recettes. C'est pourquoi il est indispensable d'avoir une évaluation suffisante des besoins pour adapter les recettes en conséquence. Il serait regrettable que l'assurance maladie devienne un véritable marché de soins avec, d'un côté, des bénéficiaires de soins consommateurs, et, de l'autre, des professionnels distributeurs.

Il conviendrait de se souvenir aussi que, si les consommateurs de soins - les assurés - sont aujourd'hui solvables, c'est parce qu'un tiers paye grâce aux cotisations ; rappelons-nous quelle était la situation avant les conventions.

Madame la ministre, vous avez refusé les mesures conjoncturelles, y préférant des mesures structurelles.

C'est une véritable démarche de santé publique, avec un dispositif législatif, une loi de programmation de la santé publique et des lois de financement. C'est le choix de la transparence, avec une meilleure connaissance des pratiques et une définition des besoins pour fixer les priorités et adapter les moyens. C'est une évaluation des actes médicaux, pour ne retenir que ceux médicalement justifiés et éviter les prescriptions inutiles. C'est le codage, l'informatisation qui n'en est encore qu'au stade des balbutiements. C'est enfin une approche médicalisée de la maîtrise, préférable certes à l'approche comptable, pour peu que l'on se donne les moyens de la mettre en place.

C'est enfin, la responsabilisation des acteurs de soins, professionnels de santé.

L'informatisation est indispensable. Comme d'autres ici, j'ai formulé des critiques à l'égard de SESAMVITALE, qui n'est que l'informatisation vue à travers le petit bout de la lorgnette. Le plus grave serait de résumer l'indispensable informatisation des professionnels de santé à une gestion purement administrative, comptable, voire

« flicarde ». Non, il faut que l'informatisation soit véri-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

tablement une aide à la prescription, à l'utilisation des génériques, à l'optimisation, à une meilleure pratique des RMO, à une meilleure pratique médicale...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Jean-Paul Bacquet.

... avec en particulier une meilleure connaissance des effets secondaires et des effets iatrogènes.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est aussi la mise en place du réseau santé-social qui doit permettre d'éviter nombre d'actes et de prescriptions inutiles.

Ce sont aussi les filières, les réseaux de soin et bien sûr la meilleure évaluation des pratiques avec les professionnels de santé : il ne peut y avoir d'évaluations sérieuses sans y associer directement les professionnels.

Vous avez choisi enfin de favoriser la continuité des soins avec le système du médecin de référence ; je suis persuadé que ce dispositif portera dans quelques années ses fruits. Vous favorisez le politique conventionnelle, une véritable politique partenariale, négociée librement, avec un bilan d'action au quatrième et huitième mois, préférant voir les professionnels de santé prendre eux-mêmes les décisions plutôt que le Gouvernement.

Certes, il y a la clause de sauvegarde ; mais c'est seulement un mécanisme de régulation, à n'utiliser qu'en cas de grandes difficultés. Vous l'avez assez dit, madame la ministre ; la clause de sauvegarde est faite pour ne pas être utilisée. Vous avez joué la responsabilisation des acteurs de santé, et c'est parce qu'ils seront responsables que nous ne l'utiliserons pas.

M. Bernard Accoyer.

C'est tout de même très optimiste !

M. Jean-Paul Bacquet.

Pour cela, il faut avoir le courage d'accélérer l'évolution, le codage, l'évolution et l'informatisation. Il faut une bonne pratique conventionnelle et laisser libre champ aux partenaires conventionnels.

M. Bernard Accoyer.

Tout cela est mal parti.

M. Jean-Paul Bacquet.

Il s'agit non de rationner les soins, mais de rationaliser, non de pénaliser, mais de responsabiliser.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet.

Pourquoi seuls les assurés sociaux seraient-ils mis à contribution ? Ils l'ont toujours été ! Tantôt en augmentant leurs cotisations, tantôt en diminuant les remboursements...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Saine analyse !

M. Jean-Paul Bacquet.

Oui, les professionnels de santé ont une clause de sauvegarde. Certains veulent trouver cette sauvegarde dans l'assurance. J'y vois pour ma part un véritable débat de société, le débat entre un système de solidarité nationale et un système d'assurance volontaire réservé à ceux qui veulent payer.

Lorsque dans notre système de santé 16 % de patients n'ont pas de mutuelle et 20 % des patients reconnaissent s'être privés de soins, peut-on se permettre d'aggraver les inégalités ? Non. Vous avez fait, madame la ministre, un choix difficile et courageux, celui de pérenniser la sécurité sociale, de la rendre la plus efficace, plus solidaire, plus efficiente ; je vous apporte tout mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sans mettre aucunement en cause notre rapporteur, je m'interroge pour commencer sur les conditions de travail de notre assemblée durant la session budgétaire.

N'étant pas membre de la commission, je trouve inadmissible que nous n'ayons pu disposer de son rapport que quelques heures avant le début de la discussion.

M. Bernard Accoyer.

En effet !

M. Thierry Mariani.

Pour légiférer, mes chers collègues, nous devons disposer des documents indispensables, et dans des délais raisonnables.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

C'est exact.

M. Thierry Mariani.

Or, sans mettre en cause la bonne foi de personne, force est de constater que ces documents nous sont parvenus vraiment bien tard.

Nous voilà donc à aborder l'examen du second projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par votre majorité plurielle. Je serais tenté de dire que, les années passant, mon collègue Accoyer l'a remarqué, les problèmes restent intacts, totalement irrésolus. C'est particulièrement vrai pour la branche vieillesse : votre projet, comme l'an passé, ne résout strictement aucune des difficultés qui l'attendent et se borne à gérer à courte vue la pénurie, sans perpective d'avenir. Pourtant, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est bien de l'avenir de notre système de retraite, de sa pérennité, de son amélioration, qu'il faudrait aujourd'hui parler.

Il est plus que temps de prendre des mesures fortes, qui aillent au-delà du symbole, d'une part, pour assurer aux actuels retraités des pensions décentes, d'autre part, pour garantir aux actifs d'aujourd'hui qu'ils percevront demain des moyens de subsistance leur permettant de vivre dignement.

De tout cela, il n'est pas question dans votre projet.

Vous vous contentez de symboles et de déclarations de bonnes intentions. Ce n'est vraiment pas sérieux.

M. Jean-Luc Préel.

Mais pour eux, c'est déjà beaucoup !

M. Thierry Mariani.

Comment pouvez-vous baser, comme vous le faites, votre politique de défense de notre système de retraite sur la création d'un fonds de réserves de 2 milliards de francs au bénéfice du régime par répartition ? Permettez-moi une simple réflexion : vous avez su trouver 8 milliards sur le budget pour financer le PACS...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah le revoilà !

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Maurice Leroy.

Mais pas de députés pour le voter !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

C'est ridicule, et vous le savez !

M. Thierry Mariani.

Visiblement, le lobby homosexuel vaut à vos yeux quatre fois plus cher que les retraités !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

C'est ridicule ! N'importe quoi !

M. Alain Clary.

Quelle hauteur de débat !

M. Thierry Mariani.

Huit milliards pour le PACS, 2 milliards pour les retraités...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Chers collègues, écoutez M. Mariani !

M. Thierry Mariani.

A l'évidence, certains chiffres vous gênent... Nous reparlerons du PACS.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Mariani, poursuivez.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, certains chiffres dérangent et je le comprends. Mais, il faut le répéter...

M. Jean-Paul Bacquet.

Répétez, répétez...

M. Thierry Mariani.

Huit milliards pour le PACS, 2 milliards pour les retraités !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

N'importe quoi !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, vous le savez fort bien : ce n'est pas deux, ni même huit, ni même cent milliards qu'il faudrait provisionner : ce sont au bas mot 300 milliards qui manqueront à terme pour financer les pensions de la génération du baby-boom quand elle quittera la vie active.

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Plus c'est gros, mieux ça passe !

M. Thierry Mariani.

Oui, plus c'est gros, plus ça passe, madame !

M. Maurice Leroy.

Qu'avez-vous contre les gros ? (Rires.)

M. Thierry Mariani.

L'année passé, dans le rapport annexé à la loi de financement pour 1998, vous nous annonciez : « La situation financière de la branche vieillesse reste déséquilibrée. Cette situation devrait perdurer dans les années à venir à législation constante, sans connaître une aggravation significative jusqu'en 2005.

Cette situation appelle une réflexion approfondie sur l'évolution des ressources des systèmes de retraite, que le Gouvernement entend conduire en prenant en compte l'évolution des conditions du vieillissement, de la durée et du mode de vie ».

Un an plus tard, visiblement, vous n'avez dû faire tourner quevos traitements de texte ; quelques mots de plus, quelques changements dans l'ordre des phrases, mais c'est exactement la même chose dans le rapport de 1998.

Au moins, vous ne risquez pas de vous contredire !

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Ce n'est pas comme vous !

M. Thierry Mariani.

« La situation financière de nos régimes de retraites est déséquilibrée ». C'est ce que vous écriviez l'année dernière...

M. Bernard Accoyer.

Quel effort !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas comme vous avec le plan Juppé !

M. Thierry Mariani.

« Ceux-ci devront faire face à partir de 2005 à l'arrivée à l'âge de la retraite des généra tions nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale ». Là encore, c'est ce que vous disiez l'année dernière.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils sont toujours là !

M. Thierry Mariani.

« Le Gouvernement entend aborder l'évolution nécessaire de nos régimes de retraite sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont confrontés »...

M. Bernard Accoyer.

Cela fait cher le technocrate !

M. Thierry Mariani.

Et vous confiez l'élaboration de ce diagnostic au Commissariat général du plan.

M. Jean-Luc Préel.

Un an de perdu !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, n'avez-vous pas l'impression de vous répéter un peu d'une année sur l'autre ?

Mme Catherine Génisson.

Vous aussi !

M. Thierry Mariani.

Vous bornerez-vous à nous répéter chaque année que la situation financière est déséquilibrée, qu'elle va devenir ingérable en 2005, c'est-à-dire demain, et qu'il convient de s'interroger rapidement sur ce problème ? Combien de colloques, de symposiums, de rapports et d'études vous faudra-t-il encore pour que vous en preniez enfin conscience ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Que faut-il faire ?

M. Thierry Mariani.

C'est vous qui êtes au gouvernement ! En tout cas, plus que vos deux milliards...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais vous, qu'avez-vous fait ?

M. Thierry Mariani.

Qu'avons-nous fait ? M. Balladur, puis le gouvernement Juppé ont agi sur l'âge des retraites.

Vous, pour le moment, vous ne proposez rien...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et vous, que proposez-vous ?

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

C'est un destructeur !

M. Bernard Accoyer.

Nous avons des propositions !

M. Thierry Mariani.

... ou plutôt deux milliards, c'est-àdire un cent-cinquantième de ce qui serait nécessaire.

Combien de colloques, de symposiums, de rapports et d'études vous faut-il encore pour que vous vous rendiez enfin compte de ce que chacun sait dans notre pays,...

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Heureusement que vous êtes là !

M. Thierry Mariani.

... à savoir que nous ne pourrons plus continuer comme auparavant et que notre système de retraite, régimes spéciaux compris, doit être profondément réformé si nous voulons qu'il perdure ? En temporisant, comme vous le faites, en retardant les décisions qui s'imposent, en refusant de prendre vos responsabilités, en poursuivant votre chasse aux épargnants, vous entraînez la France et les retraités en particulier dans une spirale infernale dont il sera quasiment impossible de sortir.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

Pourtant, le diagnostic et la situation des actuels retraités sont connus et les solutions existent.

Commençons par-là. Je ne reviendrai pas sur l'évolution démographique de notre pays que chacun connaît et qui verra diminuer de façon inéluctable le rapport entre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

actifs et inactifs dans les prochaines années. Je ne reviendrai pas non plus sur le constat d'une France qui vieillit, qui comporte de plus en plus de seniors, pour la plupart dynamiques et en bonne santé, qui demandent fort légitimement à être associés aux décisions qui les concernent.

Je souhaiterais en revanche insister sur l'ineptie qui consiste à décourager l'épargne comme vous le faites. En effet, nombreux sont nos concitoyens qui ont acquis, pendant leurs années d'activité, un capital leur permettant aujourd'hui de compléter des pensions souvent modestes qui ne leur permettraient pas de vivre convenablement.

En vous attaquant à l'épargne comme vous le faites, vous vous attaquez principalement aux retraités. C'est d'autant plus choquant que vous avez renoncé à vos promesses de campagne électorale, et en particulier à l'indexation des pensions de retraite sur les salaires, et non sur les prix.

Vous ne pouvez pas à la fois imposer toujours plus les retraités, notamment avec la CSG ou avec le plafonnement des 10 % d'abattement, leur demander sans cesse des efforts supplémentaires, les priver de pouvoir d'achat et décourager l'épargne ! Les quelque 100 000 retraités qui sont descendus dans la rue le 22 octobre dernier vous l'ont rappelé avec force.

De même, vous ne pouvez ignorer plus longtemps les 9 millions de retraités que compte notre pays, en refusant toujours qu'ils soient représentés au Conseil économique et social, comme ils le demandent depuis des années.

Enfin, vous ne pouvez pas continuer à laisser sur le bas côté de la route les retraités agricoles qui, pour leur part, ne demandent qu'à percevoir des pensions décentes, leur permettant de vivre dans la dignité.

Nous aurons, je le souhaite, un débat sur ce sujet à l'occasion de la discussion du budget annexe des prestations sociales agricoles, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

A lors, les solutions quelles sont-elles ? Vous les connaissez, mais il est vrai qu'il faut du courage pour les mettre en oeuvre. Il convient d'assortir nos régimes de retraite d'un volet fondé sur la capitalisation. Il est nécessaire de revoir les régimes spéciaux, sans a priori , sans tabous, et en se gardant bien des idées reçues.

La capitalisation et l'instauration de fonds de pension sont à mon avis inévitables. En effet, le système français de retraites à deux étages - retraite de base et retraite complémentaire - par répartition, auquel nous sommes tous attachés, ne suffira pas à donner aux futurs retraités des pensions leur permettant de vivre dignement, à moins d'augmenter les cotisations des actifs d'une manière insupportable, ce que personne n'envisage sérieusement.

Alors, la question est de savoir si nous sommes capables, de façon collective, de mettre en place un troisième étage fondé cette fois sur la capitalisation, ou si nous préférons, en ne faisant rien, laisser à chacun de nos concitoyens le soin de se constituer individuellement un capital pour ses vieux jours.

Où est l'équité entre les tenants du système « tout répartition », qui, nous le savons, ne permettra pas d'assurer des pensions convenables à tout le monde, et laissera un nombre important de nos concitoyens sur le bord de la route, et ceux qui souhaitent, comme nous, organiser un système de capitalisation, venant en appui et en complément des régimes de base par répartition, afin d'assurer la pérennité de ces derniers ? Nos compatriotes, d'ailleurs, ne s'y trompent plus. En effet, un récent sondage de l'IPSOS montre clairement que 43 % de nos concitoyens sont favorables à la création de fonds de pension...

Mme Hélène Mignon.

Parce qu'ils ne savent pas ce que c'est !

M. Thierry Mariani.

... et que plus de 83 % d'entre eux n'excluent pas, loin s'en faut, d'y souscrire s'ils devaient être mis en place, et cela en dépit des vives critiques, le plus souvent infondées, que l'on peut entendre sur ce mode de financement.

M. Maurice Leroy.

Apparemment, il y a une évolution !

M. Thierry Mariani.

C'est dire, en effet, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que les mentalités sont en train d'évoluer.

C'est dire, mes chers collègues, que nos concitoyens ne s'arrêtent plus à des considérations de dialectique qui nous empêchaient jusqu'à présent de parler clairement des problèmes.

Nous devons avoir une vision pragmatique, fondée sur la réalité des faits, et non pas nous quereller sur des termes et des concepts qui tiennent plus de l'idéologie que de la gestion réelle des difficultés auxquelles nous sommes confrontés et auxquelles nous serons inévitablement confrontés dans les années à venir.

Si cela est vrai pour les fonds de pension, ça l'est encore plus pour les régimes spéciaux.

Chacun sait que se pose à moyen terme la délicate question de l'ajustement des régimes spéciaux de retraite.

Déjà en 1991, le Livre blanc avait mis l'accent sur ce problème. Or rien n'a été fait depuis.

Je voudrais dès à présent tordre le coup à une idée reçue qui consisterait à penser que parler des régimes spéciaux reviendrait à montrer du doigt leurs bénéficiaires, et en particulier les fonctionnaires. Il n'est est rien.

Le rapport Briet montre bien qu'il faudrait augmenter les cotisations de vingt points pour couvrir le besoin de financement du régime des fonctionnaires de l'Etat à l'horizon 2015 et de trente points pour le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Ne pas se préoccuper de cette situation et se masquer la face comme vous le faites, c'est aller contre l'intérêt des bénécifiaires eux-mêmes de ces régimes. Ces derniers ne resteront pas à l'abri des évolutions démographiques qui nous attendent.

De plus, il convient de s'interroger sur ces régimes spéciaux en termes d'équité. Comment en effet concevoir le statu quo qui préside en la matière, alors que les assurés des régimes spéciaux bénéficient pour la plupart d'un statut nettement plus favorable que celui du régime général ? Comment concevoir que les efforts consentis par les salariés du privé ne pourraient être accompagnés d'un même effort fourni par les personnels du secteur public, alors que ces derniers ont vu s'accroître largement tant la période de détermination du salaire de référence que le nombre d'années de cotisation ? Ne pas oser aborder cette importante question, c'est faire preuve de bien peu de considération envers les fonctionnaires. Ces derniers, madame la ministre, ne sont ni des irresponsables ni des personnes uniquement attachées à la préservation de leur seul intérêt.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vous qui avez dit cela, pas nous.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Thierry Mariani.

Dans la mesure où leurs régimes de retraite subiront, de la même manière que pour les salariés du privé, le choc démographique qui attend notre pays, il est indispensable de les réformer afin de garantir leur pérennité.

Le problème des retraites n'est pas un problème catégoriel, il intéresse toute la nation. A ce titre, je suis intimement convaincu que chacun de nos concitoyens est en mesure de le comprendre et d'accepter certaines réformes pour préserver l'intérêt général.

Cela est possible, bien entendu, dans la mesure où les politiques que nous sommes acceptons de parler franchement et sans démagogie de ces questions. Or ce projet de loi de financement de la sécurité sociale botte en touche sur ce point et nous fait perdre une fois de plus un temps précieux.

Voilà, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que m'inspire le volet vieillesse de votre texte.

On peut bien entendu ne pas être en accord avec certaines évolutions que nous proposons. C'est bien normal sur un tel sujet et cela fait partie de l'exercice de la démocratie. Cependant, à mes yeux, ce qui est coupable, c'est de ne rien faire. Ce qui est inadmissible, c'est de renvoyer à un énième rapport sur le sujet les décisions qui s'imposent. Ce qui est malhonnête, c'est de continuer à parler la langue de bois sur des questions pourtant essentielles.

En un mot, ce qui est désolant dans votre projet, c'est son manque de courage, son manque de perspectives pour l'avenir, son manque de concordance avec la réalité.

Les Français sont las des atermoiements de la classe politique. Ils attendent que nous prenions enfin nos responsabilités, celles pour lesquelles ils nous ont élus.

Votre projet, c'est une année de perdue dans le règlement des difficultés de la branche retraite de notre sécurité sociale.

L'an prochain, vous pourrez peut-être nous resservir dans votre rapport annexé, comme l'année dernière et comme aujourd'hui, que la situation financière de nos régimes de retraite est déséquilibrée, que ceux-ci devront faire face à partir de 2005 à l'arrivée à l'âge de la retrai te des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale et que le Gouvernement entend aborder les évolutions nécessaires de nos régimes de retraite sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont confrontés. Vous n'aurez toujours rien réglé ! Telles sont les raisons de notre opposition à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. En particulier pour ce qui concerne la branche vieillesse, nous venons de perdre une année de plus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, les retraités viennent de rappeler avec vigueur, à l'appel de cinq unions confédérales, les difficultés qu'ils rencontrent, leurs attentes. Ils ont souligné l'urgence qu'il y avait à trouver des réponses justes et durables au problème des retraites, comme à celui de la dépendance. Ils ont affirmé leur attachement au système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité nationale.

Le problème du financement des retraites est un problème réel que nul ne conteste. C'est en son nom d'ailleurs qu'ont été imposées des mesures visant à réduire le niveau des pensions - indexation des pensions sur les prix, calcul sur les vingt-cinq meilleures années au lieu de dix - tout en allongeant la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein de trente-sept ans et demi à quarante ans.

Le pouvoir d'achat des pensions a baissé, alors que les retraités doivent bien souvent aider des enfants ou petitsenfants confrontés au chômage et à la précarité. Ils attendaient d'ailleurs cette année l'indexation des pensions sur l es salaires, comme cela leur avait été promis, et constatent avec un peu d'amertume que cet engagement n'a pas été tenu.

Rien n'est pour autant réglé, et la question du financement des retraites dans un proche avenir demeure. Pour répondre à ce problème, madame la ministre, vous nous proposez la création d'un fonds de réserve.

Cette disposition, je ne vous le cache pas, nous pose problème.

M. Maurice Leroy.

Ah !

M. Maxime Gremetz.

En premier lieu, comme vous l'avez rappelé vous-même ce matin, le Gouvernement a confié au commissariat général du Plan le soin de réaliser une mission d'analyse de notre système de retraite qui associe les partenaires sociaux, les gestionnaires des systèmes de retraites et les représentants des retraités. Ce travail doit donner lieu à un rapport qui devrait être rendu public au printemps prochain. Dans ces conditions, il me semble que, par souci d'efficacité, les décisions importantes devraient suivre ce travail de concertation, et non le précéder.

En second lieu, la nature de l'abondement de ce fonds de réserve reste extrêmement floue.

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. Maxime Gremetz.

Vous affirmez qu'il ne s'agit pas des recettes liées aux privatisations, mais reconnaissez que

« toute disposition législative ou réglementaire » est une formule qui ouvre un champ extrêmement vaste, trop vaste pour émettre un avis favorable a priori.

Enfin, la manière dont sera géré ce fonds n'est pas indifférente. Nous n'avons pas de précision à ce sujet et nous en souhaiterions.

M. Jean-Luc Préel et M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Maxime Gremetz.

En tout état de cause, le mode de gestion actuel du fonds de solidarité vieillesse n'est pas satisfaisant.

C'est pourquoi, si nous prenons acte de vos déclarations quant à la pérennité du système de répartition, la création de ce fonds de réserve, dans ces conditions, ne lève pas toutes nos inquiétudes, même si vous nous dites qu'il ne s'agit pas du tout de fonds de pensions.

Les fonds de pensions, chers au CNPF et à la droite, nous semblent une fausse solution.

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait !

M. Maxime Gremetz.

Vous savez bien quelle bataille nous avons menée contre vous, messieurs de la droite, quand vous avez imposé la loi Thomas.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Maurice Leroy.

Les choses évoluent, apparemment.

M. Maxime Gremetz.

Les fonds de pensions, disais-je, chers au CNPF et aux assurances, AXA notamment, et à la droite, nous semblent une fausse solution, au pire la


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voie ouverte aux dérives d'une capitalisation soumise aux aléas d'une guerre boursière planétaire. La crise actuelle doit inviter à cet égard aux plus sérieuses réflexions.

A cet égard, je constate que la loi Thomas existe toujours.

Mme Odette Grzegrzulka.

Malheureusement !

M. Maxime Gremetz.

Elle contribue sans doute à entretenir des ambiguïtés. Son abrogation, madame la ministre, permettrait sans doute de clarifier la situation et de donner suite à ce que nous annonçait à cette tribune M. Lionel Jospin le 19 juin 1997 : « Les dispositions récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en cause. »

M. Jean Ueberschlag.

Promesse de Gascon !

M. Maxime Gremetz.

Je propose donc qu'on abroge cette loi.

Par ailleurs, si la retraite par capitalisation présente bien des risques, elle ne règle pas pour autant les problèmes des financements, de la part des richesses qui doivent être consacrées à payer les retraites.

Selon M. Artus, responsable des études économiques à la Caisse des dépôts et consignations, cité il y a quelques jours dans la presse, il serait faux de dire qu'il faut choisir la retraite par capitalisation à cause de la démographie. Le problème resterait, en effet le même, ajoute-t-il, quel que soit le régime de retraite, celui de savoir comment partager le PIB d'une année donnée entre actifs et retraités.

La question est effectivement là. Je partage son avis.

Nous pensons, en effet, que retraite par répartition ou retraite par capitalisation, c'est en réalité un choix de société.

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait.

M. Maxime Gremetz.

Nous choisissons la solidarité et la justice, et donc la répartition. Il faudra de toute manière trouver les moyens, comme le dit M. Artus.

Pour assurer une retraite décente à tous, il faut des financements, faire contribuer l'ensemble des revenus, développer l'emploi et les salaires.

Nous avons fait des propositions en ce sens, comme en vue de l'indexation des pensions sur les salaires, qui témoignerait de la pérennité du lien de solidarité unissant salariés actifs et retraités, fondement de la retraite par répartition.

En l'état actuel du texte, vous le comprenez, nos préoccupations pour les retraités et l'avenir des retraites par répartition demeurent, ainsi que nos craintes quant au fonds de réserve. J'espère que le débat nous permettra d'y voir plus clair et d'avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'espère aussi.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'année dernière dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, plusieurs articles concernent le médicament et l'industrie pharmaceutique.

C'est à eux que je m'attacherai plus spécialement aujourd'hui, mes collègues de l'UDF qui se sont exprimés ou vont le faire abordant pour leur part les autres dispositions relatives aux branches famille, maladie, vieillesse ou accidents du travail.

En ce qui concerne la contribution due par l'industrie pharmaceutique et inscrite dans l'article 7 du projet de loi, c'est sur le plan des principes juridiques que je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, puisque la contribution elle-même n'est pas remise en cause : elle relève, en effet, de la participation de l'ensemble du secteur santé à la diminution des dépenses de santé. Par contre, vous remettez en cause le taux, l'assiette et les modalités de la contribution déjà payée en totalité par lese ntreprises de l'industrie pharmaceutique. Une telle méthode heurte de plein fouet les principes mêmes de la sécurité juridique.

M. Bernard Accoyer.

Exact.

M. Jean-Pierre Foucher.

En effet, selon l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est toujours acceptable la remise en cause d'une contribution en cours si la nécessité de la rétroactivité est prouvée,...

M. Bernard Accoyer.

Là, c'est inconstitutionnel !

M. Jean-Pierre Foucher.

... c'est-à-dire lorsque les comptes de la nation rendent cette modification indispensable. Mais ici, vous remettez en cause un impôt défini, déjà versé et relatif à un exercice clos.

M. Maurice Leroy.

Tout à fait.

M. Jean-Pierre Foucher.

Même en acceptant l'idée que votre conception du financement de la sécurité sociale puisse différer de la nôtre, appliquer ainsi la rétroactivité à un impôt déjà perçu relève d'une méthode inédite et incompatible avec le droit français.

Alors même que le litige opposant un laboratoire français et la Communauté européenne n'est pas encore tranché, vous proposez une solution inique, source de conflits sans fin et établissant un fondement sans précédent de lar emise en cause de l'impôt en général. J'aimerais connaître l'avis que fournira le Conseil constitutionnel sur une telle mesure et sur quels précédents vous vous appuyez.

Depuis quand peut-on retirer au législateur sa compétence pour renvoyer au pouvoir réglementaire les modalités et les sanctions afférentes à un impôt ? Le principe de la sécurité juridique n'est-il pas violé ? Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale n'est-il pas violé ? La compétence du législateur n'est-elle pas violée ? Le principe de l'annualité de la loi de finances n'est-il pas violé ?

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait.

M. Jean-Pierre Foucher.

Le Gouvernement serait-il seul habilité à exiger ultérieurement la même rétroactivité pour l'impôt sur le revenu. On peut imaginer les conséquences d'une telle inconséquence...

Abordant maintenant le droit de substitution élargi par l'article 23 du projet, il me semble que les conditions de mise en place ne sont pas assez précises et risquent à court terme de créer de nombreux litiges. Sans revenir sur le principe même de la substitution, il est à craindre que le marché pharmaceutique ne soit rapidement désorganisé, de nombreux points étant traités de manière vague comme l'importance du produit princeps, la concurrence entre laboratoires, le partage des responsabilités entre l'Etat et le pharmacien d'officine ou le poids de l'Agence du médicament. L'importance du développement des génériques ne peut être connue par avance. Etes-vous b ien certaine d'obtenir ainsi 4 milliards de francs d'économies ? Dans son article 24, le projet de loi instaure un lien entre les conventions et le respect de l'ONDAM. Cela peut être qualifié de totalement contraire à l'esprit


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

conventionnel puisqu'on remet en cause au bout de quatre et huit mois une convention valable quatre ans.

L'absence totale de visibilité et de durée pénalisera gravement le fonctionnement des laboratoires. La rupture probable des engagements conventionnels est une incitation au désinvestissement en France et correspond à une vision archaïque, car purement comptable, des rapports entre l'Etat et l'industrie, et contraire à une approche médicalisée des dépenses de santé.

Le mécanisme de la clause de sauvegarde économique de l'article 25 constitue quant à lui un mécanisme pérenne de régulation qui se déclenchera dès que la croissance du chiffre d'affaires de l'ensemble de l'industrie pharmaceutique sera supérieure à celle de l'ONDAM. Les laboratoires ayant conclu une convention avec le comité économique du médicament n'en seront pas redevables.

Le système de mise en oeuvre distinguant les laboratoires redevables des non-redevables sera donc extrêmement complexe. En outre, la base retenue pour le déclenchement du mécanisme variera perpétuellement selon que les signataires seront ou non exclus. On peut donc se demander si la motivation cachée de cet article n'est pas de décourager tout simplement le système conventionnel, le flou des conventions telles qu'elles sont prévues incitant les entreprises à ne pas en conclure.

Enfin, vous savez comme moi que l'ONDAM, qui nous est soumis aujourd'hui, n'est pas réaliste. En effet, dans le seul domaine du médicament, vous ne tenez pas compte de l'arrivée sur le marché de nouvelles spécialités qui, même si elles ne sont pas remboursées, induiront des dépenses remboursables, ne serait-ce que pour obtenir la prescription médicale et, éventuellement, les examens complémentaires nécessaires à la surveillance du traitement. De la même façon ne sont pas pris en compte les médicaments sortis de la réserve hospitalière qui, jusqu'à présent, étaient comptabilisées dans le budget de l'hôpital et qui désormais viendront alourdir l'enveloppe « ville ».

Enfin, je voudrais vous mettre en garde, madame la m inistre, monsieur le secrétaire d'Etat, contre les annonces qui ont un effet pervers pour l'équilibre de la branche maladie. En effet, les déclarations répétées sur le déremboursement de spécialités pharmaceutiques dont l'efficacité ne serait pas avérée, ne me semblent pas responsables. D'abord, parce que l'activité, même si elle n'est pas spectaculaire, existe, et la prise de médicaments est souvent suivie d'amélioration. L'effet placebo à 35 % me semble être une thérapie peu onéreuse.

M. Bernard Accoyer.

Oui, c'est vrai !

M. Jean-Pierre Foucher.

Ensuite, parce que le fait de supprimer le remboursement conduira le prescripteur à ordonner une spécialité remboursée à 65 % et qui en outre sera plus chère. Enfin, parce que le fait de lier l'activité d'un médicament à son remboursement va créer chez le patient un doute sur l'efficacité des médicaments, et de ce fait même, la médication familiale qui ne coûte rien à la sécurité sociale, ne pourra se développer car tout produit « actif » au sens où vous l'entendez, c'est-à-dire remboursable, est inscrit sur une liste, et nécessite donc une prescription, donc une visite, et par là-même une demande de remboursement.

Tout cela participe de l'impossibilité que vous aurez de tenir votre objectif national de dépenses d'assurance maladie. C'est une raison supplémentaire pour ne pas voter le projet de loi de financement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais voulu aborder plusieurs chapitres de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais, compte tenu des quelques minutes qui me sont imparties je ciblerai mes propos.

D'abord, je tiens à affirmer que la maîtrise des dépenses de santé est un défi majeur de notre société par dimensions de solidarité et de justice sociale. Très attachés à notre système de santé, nous reconnaissons le travail remarquable effectué par la quasi-totalité des professionnels de santé. Ils sont le pivot le plus important de l'avenir de la médecine de notre pays et de la qualité des soins. C'est à ce titre qu'ils doivent comprendre que la maîtrise des dépenses de santé est un élément incontournable et qu'ils ont toute leur place dans cette dynamique qui, seule, pourrait permettre d'éloigner la contrainte.

C'est bien une démarche citoyenne qui doit les animer et qu'ils doivent faire partager à leurs patients. Le dialogue singulier, c'est aussi faire passer des messages, montrer qu'on peut soigner aussi bien en soignant différemment et ne pas oublier le rôle capital de la prévention.

S'agissant des retraites, il faut se souvenir que les cotisations sociales représentent un salaire différé et que l'attente des salariés sur la pérennité des retraites par répartition est donc justifiée. La mise en place d'un fonds de réserve, même s'il est encore symbolique, est à la fois porteur d'espoir et gage de la volonté du Gouvernement.

Je voudrais m'associer aux propos tenus par plusieurs de mes collègues sur les difficultés rencontrées par les veuves, les veuves civiles en particulier, les handicapés vieillissants et rappeler la nécessaire revalorisation décente du minimum vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

Très bien !

Mme Hélène Mignon.

J'aborderai maintenant quelques aspects de la politique de la famille. Comme vous nous l'avez annoncé l'an dernier et à plusieurs reprises, madame la ministre, nous revenons donc à l'universalité des allocations familiales et, en conséquence, à un ajustement du quotient familial plus conforme à une meilleure égalité entre citoyens, donc entre enfants. Une politique familiale bien comprise ne peut pas considérer l'enfant comme isolé du reste de la société, en particulier, de l'évolution de la famille qui s'intègre nécessairement dans un environnement qui, lui-même, évolue. Les familles monoparentales, éclatées, sont en nombre croissant, elles sont un élément incontournable de notre paysage sociologique. La famille n'est plus forcément le havre de paix que l'on décrivait il y a quelques décennies, même si elle reste un point d'ancrage fort où se développent les premières solidarités. Elle est soumise aux conséquences du chômage, à la séparation, au surmenage des parents tiraillés entre leurs devoirs éducatifs et leurs projets professionnels, des lieux de résidence aussi. Nous devons tenir compte des inégalités sociales qui en résultent et apporter des réponses adaptées.

Les modes de garde des jeunes enfants doivent pouvoir s'adapter aux besoins variés. Si l'AGED est une réponse, tout le monde ne peut y avoir recours, et il faut pouvoir offrir un traitement égalitaire aux autres parents. Le développement de l'accueil des plus jeunes doit passer par l'augmentation du nombre de places en crèches traditionnelles, en crèches familiales, en haltes-garderies, en


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crèches parentales. L'aménagement du temps de travail devrait favoriser le développement de ces structures associatives.

Des solutions doivent être offertes partout, les familles en difficulté aidées, tout enfant a droit à une socialisation précoce. Des places dites d'urgence devraient toujours être réservées à des parents qui retrouvent un emploi, qui accèdent à une formation professionnelle et qui doivent trouver du jour au lendemain une solution.

De nombreuses mesures ont été prises en faveur des familles dans la loi relative aux exclusions. En voilà une supplémentaire qui pourrait compléter le dispositif.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison !

Mme Hélène Mignon.

Sur le terrain, nous sentons bien la nécessité aussi de trouver un lieu de dialogue où les familles qui rencontrent des difficultés pourraient, avec des professionnels, retrouver pleinement le rôle de parents dans la quotidienneté : suivi scolaire, maladie, relations parfois difficiles avec le parent absent.

Le dialogue se devra d'être ouvert entre les familles et les professionnels, qui seront à leur écoute, ni juges, ni confesseurs, et en même temps un peu les deux.

Il s'agit de redonner confiance à ces parents, de les aider à trouver des repères perdus ou jamais acquis, une dignité qui leur permette d'assumer toute parentalité, sans culpabilisation, mais, au contraire, en toute confiance.

Mais pour cela aussi, il faudrait, madame la ministre, qu'ils soient sécurisés sur le devenir des allocations familiales. Je veux dire par là que je voudrais ne plus entendre ceux et celles qui parlent de supprimer des allocations familiales en montrant du doigt un certain nombre de parents. Il faudrait qu'ils comprennent que la suppression des allocations familiales à ces familles en difficulté n'est pas une panacée, mais un danger, et c'est humainement inacceptable.

M. Francis Hammel.

Très bien !

Mme Hélène Mignon.

Madame la ministre, en un an, les décisions que vous nous avez annoncées montrent combien le Gouvernement et vous-même êtes très attachés à mettre en place une vraie politique de la famille, lien social indispensable.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas évident ! C'est même virtuel !

Mme Hélène Mignon.

Lors de la discussion qui va nous réunir pendant quelques jours, vous aurez le soutien du groupe socialiste, ce qui n'empêchera pas que nous ayons quelquefois envie de vous proposer d'aller plus loin dans les décisions.

Madame la ministre, il faudra, un jour, aborder l'étude du bénéfice de l'allocation familiale au premier enfant.

Quand ?

M. Bernard Accoyer.

Dès cette année !

Mme Hélène Mignon.

Où ? Comment ? Voilà sans doute des questions pour la prochaine conférence nationale de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les lois de financement de la sécurité sociale, instituées par le plan Juppé de réforme de la sécurité sociale, sont aujourd'hui bien installées dans le paysage parlementaire, et nous ne pouvons que nous en féliciter. C'est en effet la troisième fois que nous sommes appelés à voter ce texte qui, cette année, nous réserve quelques mauvaises surprises.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous êtes toujours sympathique, monsieur Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Sans entrer dans le détail du texte - mes collègues de l'opposition l'ont fait tout au long de la journée -, je m'attarderai plus particulièrement sur la branche famille.

La France compte près de cinquante-neuf millions d'habitants et près de neuf millions de familles. En vingtcinq ans, les structures familiales ont été profondément modifiées par l'évolution des comportements. Ces grandes évolutions montrent que les mariages sont moins fréquents, qu'ils sont plus tardifs et moins solides. Nouss ommes passés, par exemple, de 416 000 mariages en 1962 à 276 000 en 1996. Parallèlement, le nombre de couples concubins s'est développé, pour atteindre 2,5 millions, et le nombre des divorces croît continûment depuis le début des années soixante-dix, passant de un pour dix mariages en 1970, à un pour trois dans certaines régions et à un pour deux dans d'autres. Ces chiffres nous montrent l'absolue nécessité d'engager un débat sur le mariage pour l'adapter aux temps modernes. Chacun sait, en effet, que l'institution du mariage n'a que peu évolué en l'espace de deux cents ans. Il est aujourd'hui temps de s'interroger sur son devenir. Je parle naturellement du mariage républicain sans mettre en cause le sacrement chrétien, qui n'est pas ici notre problème. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'il faille créer un nouveau type de contrat qui n'aboutirait qu'à l'affaiblissement du mariage.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est le discours de la semaine prochaine !

M. Bruno Bourg-Broc.

Quand une institution va mal ou n'est plus adaptée, il ne faut pas en créer une autre.

Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Réfléchissons calmement et sereinement à l'avenir du mariage, de la famille et du couple. Réformons le mariage s'il s'avère qu'il n'est plus adapté, mais ne créons pas la confusion en précipitant la perte des repères. On peut défendre la famille sans rejeter personne.

Mme Hélène Mignon.

Nous sommes tout à fait d'accord !

Mme Conchita Lacuey.

C'est très bien !

M. Bruno Bourg-Broc.

Le problème est d'autant plus crucial que l'évolution de notre démographie n'est plus placée sous les meilleurs auspices. Chacun connaît les chiffres. Les enfants sont moins nombreux, plus tardifs.

Le taux nécessaire au renouvellement des générations est de 2,1 et nous ne sommes qu'à 1,7. Certes, la natalité française se porte mieux que dans la plupart des autres pays européens, cela ne doit pas nous consoler pour autant ni nous faire abandonner une politique nataliste.

La famille, ne l'oublions pas, représente le premier espace où l'enfant apprend à vivre, à construire sa personnalité, à découvrir les autres, à aimer et être aimé. La famille, c'est aussi un espace de culture. Par les liens intergénérationnels et conjugaux qu'elle implique, elle structure la mémoire d'un peuple, dans toute sa diversité et sa richesse. La famille, c'est également un espace de liberté et de solidarité au sein de la société. Elle constitue la valeur refuge par excellence à un moment où la crise économique et sociale touche un grand nombre d'entre


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nous. Ce sont, aujourd'hui, les solidarités créées par les liens familiaux qui permettent aux jeunes de faire face avec plus de sérénité à un avenir incertain et, trop souvent, angoissant. L'avenir d'un pays dépend donc étroitement des familles qui le composent, non seulement au plan économique par le biais de l'équilibre des générations, mais aussi au plan social, tout simplement parce que les enfants sont les adultes de demain.

Mme Catherine Génisson.

C'est relativement évident !

M. Bruno Bourg-Broc.

Certes, la famille est une réalité privée, mais d'intérêt public. Elle est, ne l'oublions pas, une forme de vie sociale qui intéresse la société pour sa défense, sa prospérité et sa conservation. C'est pourquoi l'Etat républicain ne saurait demeurer neutre face à la famille et à la manière dont elle se forme. Le mariage n'est pas un simple choix privé. Or les choix que nous faisons, par cette loi de financement, seront lourds de conséquences et pas seulement en termes comptables.

Des valeurs qui sont transmises aux enfants dépendront, bien sûr, largement leur futur et notre futur. Il est de la responsabilité des adultes d'aujourd'hui et de l'Etat de préparer aux enfants les meilleures conditions d'épanouissement possibles. Il n'est pas question que le bonheur de chacun soit décrété par une instance suprême et sans appel, mais, bien au contraire, que les pouvoirs publics donnent aux familles les moyens d'assumer leurs responsabilités, la finalité étant l'intérêt de l'enfant.

Mieux vaut, en effet, une politique familiale préventive qu'une politique sociale curative.

J'ajoute à nouveau que l'Etat se doit de prendre en charge une politique nataliste forte, globale et ambitieuse.

Cela signifie une politique pour le logement, pour la fiscalité, pour l'aide au premier enfant comme au second enfant. Cela signifie également des aides pour la garde des enfants pour permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle. Nous avons le regret de constater que votre projet de loi de financement pour la sécurité sociale n'en prend pas le chemin. L'année dernière, à cette même époque, vous nous aviez annoncé que le Gouvernement préparait une réflexion d'envergure sur la politique familiale. La réflexion a probablement eu lieu mais les résultats se font encore attendre.

M. Bernard Accoyer.

C'est comme pour les retraites !

M. Bruno Bourg-Broc.

Je ne crois pas en effet que les décisions prises à la conférence de la famille du 12 juin dernier constituent une révolution en la matière. Le peu de mesures annoncées sont soient des actes de repentance, soient des mesures déjà annoncées par le précédent gouvernement comme le versement des allocations familiales jusque vingt ans ou le fractionnement des congés parentaux. Rien par contre sur les charges indues qui pèsent sur la branche famille et qui faussent les résultats.

Je me permettrai en la matière de rappeler que la gestion du RMI coûte 1 milliard de francs, la gestion des aides au logement, 2 milliards, le financement du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés, également 1 milliard. Au total, on peut estimer les charges induites à 5,4 milliards de francs et ce sans compter les modifications d'assiette des cotisations familiales qui ont été imposées entre 1989 et 1991, sans compensation aucune.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc.

S'il n'en était pas ainsi, la branche serait largement bénéficiaire et l'on pourrait dégager des marges de manoeuvre nouvelles pour relancer une vraie politique nataliste : celle-ci est nécessaire, même si une politique familiale ne doit pas, bien évidemment, se réduire à cela.

Tel n'est pas le cas dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et nous verrons bien pendant la discussion si vous acceptez de mettre vos discours généreux sur la famille en accord avec vos actes qui le sont beaucoup moins.

Je voudrais revenir quelques instants sur le dossier des allocations familiales. Il est tout à votre honneur d'avoir reconnu votre erreur en la matière et d'avoir fait machine arrière. Comme tout le monde, le Gouvernement peut se tromper et il est louable de sa part qu'il le reconnaisse.

Ainsi l'article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale rétablit, et c'est une bonne chose, l'universalité des allocations familiales.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a pas de rétroactivité cependant !

M. Bruno Bourg-Broc.

On peut regretter que vous n'agissiez pas de même pour l'AGED, mais nous n'allons pas bouder notre plaisir. Pour autant, j'arrêterai là mes compliments. Pourquoi reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre ? Si vous admettez votre erreur sur les allocations familiales, pourquoi en commettre une autre sur le quotient familial ? Cela prouve une chose : votre p olitique familiale est essentiellement budgétaire et comptable.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous l'avez dit l'année dernière !

M. Bruno Bourg-Broc.

En effet mais vous le prouvez de nouveau cette année.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Au moins 12 milliards pour la famille !

M. Bruno Bourg-Broc.

Votre seul objectif est d'afficher des résultats comptables acceptables. Les quelques milliards que vous redonnez aux familles, vous les reprenez par le biais de la loi de finances en abaissant le quotient familial.

M. Bernard Accoyer.

C'est une taxation sur les enfants !

M. Bruno Bourg-Broc.

Quelle est votre logique ?

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Une logique de solidarité !

M. Bruno Bourg-Broc.

Vous confondez politique sociale et politique familiale. Le quotient familial n'est pas, et n'a jamais été, une variable de la politique sociale.

Le quotient familial a pour fonction de rétablir, à salaire égal, une égalité de niveau de vie entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas. Il ne doit en aucune m anière devenir un élément de redistribution des richesses.

M. Bernard Accoyer et M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc.

Si vous souhaitez un résultat comptable plus présentable pour la branche famille, il vous suffit de supprimer les charges indues qui pèsent sur la branche ou bien, par exemple, de renoncer au PACS...

Mme Dominique Gillot, rapporteur pour la famille.

Ce n'est pas la branche famille, le PACS !

Mme Catherine Génisson.

C'est une idée fixe !

M. Bruno Bourg-Broc.

... dont le coût permettrait de maintenir le quotient familial à son niveau actuel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Très bien ! Il fallait y penser !

M. Bruno Bourg-Broc.

Voilà quelques réflexions que m'inspire le volet familial de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous regrettons votre absence d'ambition, même si les articles 13 concernant les allocations familiales et 14 concernant l'allocation de rentrée scolaire vont dans le bon sens. Mais cela ne suffit pas, vous l'aurez compris, pour que nous votions votre projet dans l'état où vous nous le présentez.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bertrand Kern.

M. Bertrand Kern.

Monsieur le président, madame la m inistre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 sera, nous l'espérons tous, celui du retour à l'équilibre des comptes de notre protection sociale, mais aussi celui de la poursuite de la modernisation de notre système de santé. En cela il est conforme à nos objectifs.

Ce projet, j'en suis heureux, place le malade, autrement dit l'assuré social qui paie des cotisations, au centre d'un système qui se doit d'être organisé pour lui. Il se concentre aussi sur un objectif majeur : la santé publique, objectif trop souvent oublié par le passé, cela essentiellement pour des raisons économiques et financières.

Les articles 23 et 24 de ce projet de loi, notamment, portent sur la question du médicament. Je tenais à m'attarder sur ce paramètre important du système de maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

J'ai pu lire, tardivement, certes, mais avec grand intérêt, le dernier rapport de la Cour des comptes qui, dans son chapitre consacré au médicament, met en lumière un certain nombre de dysfonctionnements, auxquels il faut apporter des réponses. Aussi, je souhaite insister sur certains sujets très importants : l'industrie du médicament, le prix de celui-ci, son remboursement et l'importance de l'information dans ce domaine.

Nous sommes tous conscients que nous devons aborder la question du médicament en ayant à l'esprit trois exigences : la sécurité, la qualité et l'efficacité. Le médicament est avant tout un produit industriel. Aussi, chacun reconnaîtra ici que son producteur, l'industrie pharmaceutique, doit répondre à ces trois exigences, même si l'on se doit de respecter son besoin de liberté et de prévision de l'activité dans l'avenir.

Si cette industrie rencontre des difficultés - et celles-ci ont été évoquées -, en termes d'emplois, notamment, il faut l'aider, mais dans une logique de transparence et dans le respect des règles issues des directives européennes, qui sont trop souvent ignorées.

Sa place réduite sur le plan mondial doit être un de nos sujets de préoccupation. En termes de chiffre d'affaires, par exemple, on ne relève aucun laboratoire français parmi les dix premiers à l'échelle de la planète. Dans le cadre du phénomène de concentration, on constate également un réel immobilisme de notre industrie.

Un tel retard ne pourra être rattrapé qu'au moyen de regroupements ou de partenariats favorisant la mise en commun de ressources et de savoir-faire scientifiques. Cesr egroupements pourraient être facilités grâce à des mesures fiscales incitatives et renforceraient ainsi le domaine de la recherche.

Ils nécessiteront néanmoins des aménagements. En effet, lors des quatre ou cinq dernières années, de telles opérations ont entraîné de très nombreux licenciements.

Aussi une anticipation de ce phénomène préoccupant estelle nécessaire. Ces difficultés, j'en suis persuadé, peuvent être partiellement évitées si notre industrie organise suffisamment tôt sa reconversion, sa diversification, dans des d omaines aussi variés que le cosmétique, l'agroalimentaire ou l'alicament.

Parallèlement, il apparaît urgent de restructurer, dans la transparence, le système actuel de remboursement du médicament et celui de la fixation de son prix. Car on a pu constater, en particulier ces dernières années, que le système de prix administrés en collaboration avec l'industrie pharmaceutique a failli. L'opacité de ce système, soulignée par la Cour des comptes, n'est pas étrangère à cette situation.

Les solutions envisageables doivent prendre place, permettez-moi de le rappeler, dans le cadre d'un raisonnement résolument tourné vers l'intérêt de l'assuré social et celui de la santé publique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Bertrand Kern.

Dès lors, pourquoi ne pas étudier l'impact d'une mesure qui prendrait en compte deux paramètres : l'efficacité du médicament et le besoin de l'assuré de soigner sa pathologie ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est exactement ce que nous faisons !

M. Bertrand Kern.

Les médicaments répondant à cette double exigence mériteraient que leur taux de remboursement soit porté au-delà des 65 % actuels. Cela permettrait de protéger plus efficacement ceux qui ont des difficultés, en particulier les exclus de la santé, ces derniers ne bénéficiant pas, dans leur grande majorité, d'une assurance complémentaire.

La Cour des comptes nous rappelle d'ailleurs que notre pays accuse un retard important en ce qui concerne le remboursement. L'Allemagne et le Royaume-Uni ont un taux nettement plus élevé qu'en France, respectivement 91 % et 93,7 %. Mais cette réforme pose une question délicate, et pourtant cruciale pour notre système de santé, celle de la place et du remboursement des autres médicaments, en particulier ceux pris en charge aujourd'hui à 35 %, et qui ne répondent pas aux exigences que je viens d'évoquer.

Il conviendrait d'élargir cette réflexion au domaine de la gestion du prix des médicaments remboursés. En effet, il semblerait opportun que l'Etat consente à étudier la possibilité de déléguer cette gestion aux caisses de sécurité sociale.

La fixation des prix pourrait ainsi être assurée par le biais d'appels d'offres. La sécurité sociale est tout à fait capable d'assumer ce rôle d'acheteur avisé. Ce faisant, l'Etat pourrait jouer pleinement son rôle régalien, en établissant des règles de transparence et en exerçant son activité de contrôle et d'expertise.

Pour terminer, je souhaite aborder le problème de l'information, sans pour aurant m'étendre sur la question des frais de promotion des médicaments, dont on sait qu'ils sont supérieurs aux frais de recherche.

L'information sur les médicaments doit être autant destinée au corps médical dans son ensemble qu'au grand public. Aujourd'hui, elle est le fait des laboratoires, qui en détiennent le quasi-monopole à travers les publications, les visites médicales et les journaux financés par la publicité pharmaceutique.

Chacun ici reconnaîtra qu'il serait souhaitable de mette en oeuvre une information neutre et en temps réel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai.

M. Bertrand Kern.

Pour cela, une solution existe : l'informatisation des cabinets médicaux, qui doit être accélérée. Elle serait d'une grande utilité, faciliterait la création de banques de données fiables, ainsi que l'accès à celles-ci. L'ordinateur et les télétransmissions permettraient aussi de répondre à ce qui est et deviendra une obligation de moyens pour le corps médical, à savoir l'obligation de dispenser un soin d'une qualité optimale, en termes d'efficacité, de sécurité et de coût.

Cette informatisation permettrait aussi de développer des outils comme les programmes d'aide au diagnostic, les fiches de transparence et les références médicales opposables. Elle favoriserait également la maîtrise des consommations abusives grâce à la poursuite de la mise en place de cartes de santé informatisées et médicalisées.

D ans la même optique, il serait intéressant, et conforme à la demande de nombreux professionnels de la santé, que les médicaments ne soient plus prescrits selon leur appellation commerciale, mais en fonction de leur dénomination commune internationale, la DCI. Une telle mesure faciliterait la prescription des génériques.

On peut enfin se féliciter de l'obligation de formation continue pour les médecins et l'ensemble des professions médicales, que vous souhaitez, madame la ministre. Cette formation doit pouvoir être dispensée selon des techniques modernes et actualisées. L'informatique aura là encore un impact déterminant, en faveur, bien sûr, de la maîtrise médicalisée des dépenses, mais également pour une évaluation optimale de l'efficacité et de la sécurité du médicament.

Telles sont les pistes de réflexion que je souhaitais explorer aujourd'hui.

Pour réussir l'adaptation de notre système de protection sociale, il faudra moderniser notre politique du médicament, aider et soutenir notre industrie pharmaceutique tout en garantissant à l'assuré social la place que nous tentons de lui rendre aujourd'hui : la première.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, 1999 restera dans les annales de la sécurité sociale puisque, d'après vous, c'est l'année du retour à l'équilibre du régime général. Nous souhaitons que vous ayez raison, mais nous craignons que les estimations ne soient un peu forcées, car le budget est fondé sur une estimation de croissance trop optimiste.

L'équilibre annoncé est donc plus qu'aléatoire et la déconvenue risque d'être grande lorsqu'on sait qu'une moins-value d'un point sur l'évolution de la masse salariale du secteur privé conduirait à une perte de 9 milliards de francs, la première année et de 20 milliards de francs, la seconde ; je tire ce chiffre du projet de loi lui-même.

D'après le Gouvernement, l'équilibre serait atteint sans prélèvement supplémentaire sur les ménages ni diminution des remboursement. Je m'inscris en faux contre cette affirmation car les ménages sont déjà pénalisés par la réforme du quotient familial.

Sur le fond, le projet est plus que contestable.

Il contient des dispositions qui vont à l'opposé de ce qui est annoncé. Vous nous promettez depuis des mois une réforme des charges patronales ; dans les faits, c'est l'inverse qui se produit. Vous augmentez les charges des entreprises, en particulier celles des petites entreprises.

C'est le cas de l'article 4 de votre projet, qui plafonne à hauteur du SMIC l'exonération de charges sociales pour l'embauche du premier salarié. Je ne vois pas l'intérêt de remettre en cause un dispositif qui existe et qui a conduit à la création de 70 000 emplois par an ; nous ne vous suivrons pas dans cette voie et nous nous opposerons, par un amendement, à cette suppression.

Votre projet est également contestable car il renvoie à plus tard le traitement des questions majeures.

La réforme de l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale, maintes fois annoncée et qui devait être traitée dans ce projet, est enterrée.

Le problème des régimes de retraite doit être traité dans sa globalité, ce qui n'est pas du tout le cas. Le débat sur l'avenir des retraites en renvoyé à l'année prochaine, vous l'avez vous-même confirmé devant la commission des finances. La réforme est donc pour demain ou pour après-demain. Le chemin menant à cette réforme promet donc d'être très long. Le fonds de réserve créé pour assurer l'avenir des régimes de retraite par répartition est contestable à tout point de vue. Placé au sein du fonds de solidarité vieillesse, il sera donc placé sous l'autorité de l'Etat.

Ce dispositif aboutit à un schéma complètement incohérent qui confie à deux autorités différentes - l'Etat et les partenaires sociaux - la gestion de la retraite par répartition. Je n'ose vous poser la question : serait-ce la fin du paritarisme dans la gestion ? S'agissant du financement du fonds de réserve, le flou persiste. Dans l'immédiat, il est alimenté par les excédents de la C 3 S, à hauteur de 2 milliards, c'est-à-dire par des fonds provenant de la contribution des entreprises.

D'autres sources de financement sont envisagées. Pourriez-vous nous dire lesquelles ? Est-il question d'une surcotisation ? En somme, vous envisagez d'augmenter les charges sociales alors que c'est l'inverse qui est promis depuis des mois. Quelles sont vos intentions ? Et dans quel délai comptez-vous concrétiser ces réformes ? Les salariés et les entreprises doivent être clairement avertis de ce projet. De toute manière, ce fonds n'est qu'un expédient qui n'est pas à la hauteur des difficultés des régimes par répartition. Il ne permettra pas d'assurer la pérennité du système de retraite, vous le savez autant que nous et cela a souvent été dit. La solution, c'est bien le système de retraite par capitalisation. Pourquoi refuser cette possibilité alors que, on le sait, deux Français sur trois sont favorables à cette idée et prêts à souscrire à de tels fonds ? Vous avez indiqué ici même la semaine dernière, madame la ministre, qu'il était souhaitable qu'on puisse capitaliser dans l'avenir. Quand, et de quelle manière ? Les familles ont largement participé à la résorption du déficit et la lettre du Gouvernement le confirme. Il y a un an, lorsque vous avez remis en cause l'AGED, vous avez annoncé une mise à plat et un rééquilibrage des aides en faveur des différents modes de garde d'enfants.

Or il n'y a rien dans le projet à cet égard. Quand allezvous respecter ces engagements ? Vous avez des marges de manoeuvre. Le solde prévisionnel de la branche famille devait être de 4 milliards d'après la commission des comptes de la sécurité sociale, et Bruno Bourg-Broc y a fait allusion.

La revalorisation des prestations familiales doit être au moins égale à celle des retraites et nous présenterons un amendement en ce sens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Quid, par ailleurs, de l'indemnisation de la sécurité sociale pour la perte de recettes due à la loi sur les trentecinq heures ? Vous prévoyez un remboursement de 3,5 milliards alors qu'on sait que la perte s'élèvera à 7,2 milliards. Qui assumera le solde ? Les partenaires sociaux se sont à juste titre déclarés hostiles à toute privation de recettes pour la sécurité sociale.

Il serait souhaitable que, là aussi, le Gouvernement respecte les engagements pris dans la loi de juillet 1994, laquelle, je le rappelle, disposait que le Gouvernement assume l'intégralité de la compensation.

J'ai sans doute posé beaucoup trop de questions madame la ministre, mais nous espérons bien obtenir des c ompléments d'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes collègues de la majorité s'étant exprimés sur de nombreux aspects de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, audelà des orientations majeures du texte proposé et du retour annoncé de l'équilibre des comptes de la sécurité sociale pour 1999, garantie de la pérennité de notre système, il me semble important d'insister sur trois aspects essentiels, mais plus discrets, de ce projet de loi, concernant plus particulièrement l'assurance maladie.

Le fait le plus notable est contenu dans l'article 15, qui marque l'un des vrais tournants de ce projet de loi. C'est la reconnaissance dans la loi de la place de la prévention et du dépistage, dans le périmètre d'intervention de l'assurance maladie.

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Il était temps qu'on le remarque !

M. Philippe Nauche.

Cela va permettre une prise en compte plus efficace et plus systématique de la prévention et du dépistage par les acteurs du système de soins curatifs, ce qui est parfaitement dans le prolongement des conclusions de la conférence nationale de santé.

Je souhaite que cette intervention puisse être, à terme, de plus en plus reconnue, aussi bien dans le cadre de la lutte contre les maladies aux conséquences mortelles évitables, selon la formule consacrée, que dans celui de la protection de la santé des sportifs ou dans le développement du rôle du médecin généraliste référent pour le suivi à visée préventive des patients en matière d'épidémiologie.

Nous allons également discuter, lors de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de la possibilité, inscrite dans la loi et offerte aux partenaires, d e faire évoluer les modes de rémunération. En reconnaissant aux acteurs du système de soins un rôle qui s'étendrait au-delà de l'exercice exclusif à l'acte, nous prendrions en compte, à terme, et si les partenaires sociaux en décident ainsi, des tâches autres que curatives.

Nous pourrions également envisager des possibilités de tiers-payant qui, à mon sens, redonneraient aux médecins généralistes toute leur place, par exemple dans la prise en compte de certaines urgences. En effet, si certains patients vont dans les services d'urgence, qui sont surchargés, c'est pour ne pas avoir à faire l'avance des frais liés aux consultations.

J'en arrive à mon troisième point, qui concerne le droit des patients et la chance que vont représenter les états généraux de la santé. Je ne doute pas que chacun pourra y exprimer ses besoins en termes de santé. Il est important que nos concitoyens s'approprient le débat sur la santé publique et en fassent un véritable enjeu politique, au sens grec du terme. Nous pourrons mieux cerner les besoins sanitaires, les besoins de santé et les garanties quant à leurs droits qu'attendent les patients. L'un de ces droits fondamentaux est la transparence. Le succès de certaines publications, qui donnent des informations brutes, difficilement interprétables en l'état, montre que la population éprouve un besoin de transparence. Cela passe par l'évaluation. Dans le secteur libéral de ville, l'implication souhaitée des unions régionales me semble une bonne chose. Dans le secteur hospitalier, l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé doit avoir une politique d'évaluation réelle, allant au-delà d'une simple labellisation très générale des établissements.

Chaque patient est en effet en droit d'attendre des garanties sur la qualité et la permanence des prestations d'un établissement. C'est le seul vrai facteur d'acceptation d'un certain nombre de restructurations hospitalières. En effet, nous devons assurer à nos concitoyens un accès universel, dans des délais acceptables, des soins adaptés à l'affection en cause et de qualité. Cela pose le problème de l'organisation territoriale des fonctions de soins, de prévention et de santé, en particulier pour des éléments très structurants comme les services d'urgence, l'organisation de la santé mentale et de la psychiatrie, la prise en charge de la douleur et l'organisation sociale, médico-sociale et sanitaire en direction des personnes âgées.

C'est donc le problème de la cohérence entre les différents niveaux de structures qui est posé. Il y a, d'une part, un territoire de proximité, assimilable peut-être à un pays d'aménagement du territoire, où un certain nombre de fonctions doivent être assumées, dans un souci de proximité, avec un fonctionnement en réseaux ; mais il y a aussi une complémentarité entre sanitaire et médicosocial, social et préventif, secteur public et secteur libéral, secteur hospitalier et secteur ambulatoire, ce qui pose le problème de l'évolution des agences régionales d'hospitalisation en agences régionales de santé.

Le souci de bonne gestion dont vous faites preuve et qui est nécessaire, votre souci d'y associer les acteurs, en les responsabilisant, condition du succès, ainsi que l'engagement de réformes de structures à l'écoute des usagers font que, comme les autres membres du groupe socialiste, je soutiendrai ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Weber.

M. Jean-Jacques Weber.

Madame la ministre, nous sommes devant un débat majeur, que beaucoup attendent et pas seulement dans cet hémicycle ou dans des milieux initiés. Les familles, les retraités, les veuves, les handicapés vieillissants, les personnes âgées en maison de retraite, le personnel de santé, les jeunes attendent. Ces gens attendent que vous teniez les mirobolantes promesses que la gauche avait faites pour gagner les élections et ils l'attendent avec d'autant plus d'espoir que la conjoncture, pour la première fois favorable, semble permettre aujourd'hui la mise en place de mesures qui ne relèveraient plus du simple replâtrage conjoncturel, qui seraient enfin des initiatives de caractère structurel. Ils attendent que des mesures soient prises pour gommer les plus criantes inégalités du système actuel, inégalités que, contre toute attente, vous laissez subsister depuis dix-huit mois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

Vous annoncez le retour à l'équilibre pour 1999. Le ciel puisse-t-il faire en sorte que vous ayez raison, que l'embellie économique, porteuse en 1998 de 40 milliardss upplémentaires, continue et que vos pronostics se confirment ! C'est le seul moment d'optimisme que je trouve dans le rapport. Si vous avez raison, vous aurez les moyens qui rendront incontournables les réformes de structures et encore plus visibles les lacunes du projet que vous nous proposez et qui oublie tant de sujets.

Les familles, par exemple, se sentent particulièrement oubliées. Elles attendaient le début d'une véritable politique familiale et n'en trouvent même pas l'ébauche dans votre texte. Au contraire, alors qu'il y a un an, elles subissaient un véritable matraquage fiscal lorsque vous avez institué la mise sous condition de ressources des allocat ions familiales, vous allez pénaliser aujourd'hui 400 000 jeunes familles de plus, en réduisant brutalement l'avantage fiscal du quotient familial. Le pouvoir d'achat des familles, leur logement, les aides aux études des enfants, la santé scolaire, l'aide aux structures périscolaires, le salaire social de la mère de famille, qui en parle aujourd'hui ? Pas votre texte en tout cas et c'est décevant.

Le texte ne parle pas plus de la catégorie sociale la plus déshéritée de notre pays actuellement, celle des veuves civiles, non-conjointes de fonctionnaire, victimes d'une application proprement scandaleuse d'un plafond de cumul qui les prive, même si leur niveau de ressources est très bas, de la plus grande partie de l'effort contributif de leur mari décédé. On oppose l'article 40 de la Constitution à mes amendements sur ce point. C'est mesquin, car l'équité coûterait peu de choses ici. Le Gouvernement s'honorerait grandement en reprenant à son compte les propositions que je ne suis d'ailleurs pas le seul à faire.

Notre prestigieux collègue, le professeur Dubernard, relevait tout à l'heure - cela m'avait également sauté aux yeux - que les malades n'étaient mentionnés nulle part dans votre projet, madame la ministre. Or, la sécurité sociale, si elle est un bien propre et précieux à tous les Français, n'intéresse-t-elle pas au premier chef ceux qui n'ont pas la chance d'être en bonne santé ? La santé, ce sont les médecins, les infirmières, les aides-soignantes, le personnel de service de nos hôpitaux et maisons de retraite qui la rétablissent, souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Ils auraient besoin de se sentir respectés, plus considérés, remerciés de leurs efforts. Ce ne sont pas vos « lettres-clefs » flottantes ou votre contribution-sanction collective en cas de dépassement de l'objectif qui leur permettent de se sentir aujourd'hui rassurés.

Dans les maisons de retraite où, le plus souvent, on doit prendre en charge des personnes âgées dépendantes, malades, que l'hôpital ne peut plus garder, les lits de cure médicale, donc les moyens financiers, manquent : 14 000 lits étaient promis, sans doute continuent-ils de l'être, mais combien seront financés ? On le sait déjà et je trouve cela inacceptable.

Quant aux retraités, ils sont aujourd'hui plus que perplexes. Ils étaient 10 000 à manifester le 6 octobre afin d'obtenir leur représentation dans les organismes sociaux qui décident de leur sort. Que leur répondez-vous ? Vous prévoyez une revalorisation de 1,2 % de leur pension, mais les mesures fiscales de votre gouvernement frappent durement des millions de retraités aux revenus très modestes et qui, il y a encore peu, étaient non imposables. La création du fonds de solidarité vieillesse ne me semble pas critiquable en elle-même. Mais les deux milliards qu'on va y mettre sont si peu de choses au regard des énormes besoins de financement à venir qu'on peut se demander s'il s'agit d'une vraie mesure ou d'un simple effet d'annonce destiné à prévenir les critiques de l'opposition, et même celles de certains de vos alliés.

Je sais qu'un débat s'annonce sur la couverture maladie universelle, mais des milliers de jeunes ont aujourd'hui bien du mal à se faire soigner. C'est le cas notamment des étudiants ayant achevé leurs études. Ils ne sont plus couverts par leur mutuelle étudiante et pas encore par l'ASSEDIC. La sécurité sociale ne prend à sa charge que 70 % de leurs frais d'hospitalisation. Où trouvent-ils les 30 % restants, souvent une somme importante, lorsque, par malchance, ils doivent se faire opérer ? S'ils désirent combler les lacunes de cette maigre couverture sociale, ils seront tentés de souscrire un contrat auprès d'une mutuelle complémentaire qui leur coûtera en moyenne 3 000 francs. Où les trouver ? En Alsace, s'ils ont travaillé soixante heures, ils peuvent être pris en charge à hauteur de 90 % grâce au régime local d'Alsace-Moselle. Mais pour un jeune sortant de son cycle d'études, c'est souvent impossible. Leur proposez-vous quelque chose ? Je remarque aussi avec surprise, madame la ministre, que, malgré toutes mes démarches, mes interventions et celles de Jean Ueberschlag, rien n'est prévu dans votre dispositif pour les travailleurs frontaliers, en particulier pour ceux qui sont occupés en Suisse, qui se plaignent depuis des années, avec raison, d'être victimes d'inégalités par rapport aux autres Français, tant sur le plan de leur santé que sur celui du chômage, des accidents du travail ou de la parafiscalité.

Voilà quelques-unes des questions que je me pose, comme beaucoup de nos concitoyens. Je veux croire que le débat permettra de les rassurer quelque peu, que votre approche se fera un peu plus humaine, un peu plus généreuse, un peu plus ouverte aux difficultés réelles des plus m odestes. Ce serait, je crois, la moindre des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DEPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président.

J'ai reçu, le 26 octobre 1998, de M. Nicolas Sarkozy et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi organique modifiant l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Cette propoistion de loi organique, no 1151, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1998

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1106, de financement de la sécurité sociale pour 1999 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1148, tomes I à IV) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1147).

A quinze heures, deuxième séance publique : N omination d'un vice-président de l'Assemblée nationale.

Questions au Gouvernement.

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 28 octobre, à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

MODIFICATION À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et décrets, du 28 octobre 1998)

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (129 membres au lieu de 130) Supprimer le nom de M. Xavier Deniau.

APPARENTÉS AUX TERMES DE L'ARTICLE 19 DU RÈGLEMENT (8 au lieu de 7) Ajouter le nom de M. Xavier Deniau.