page 07964page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

1. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 7965).

M. le président.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite) (p. 7965)

E xception d'irrecevabilité de M. Douste-Blazy (suite) : Mme Christine Boutin, MM. le président, Jean-Louis Debré.

Suspension et reprise de la séance (p. 7980)

Mme Christine Boutin, M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 7988)

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 7989)

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

MM. le président, Philippe Douste-Blazy.

Suspension et reprise de la séance (p. 7990)

M. le président.

Mme Christine Boutin, M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. René Dosière, Didier Quentin, Georges Hage, Guy Teissier, Yves Cochet, Henri Plagnol. - Rejet, par scrutin, de l'exception d'irrecevabilité.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt d'un avis en application d'une loi (p. 8011).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8011).


page précédente page 07965page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique dès maintenant que, conformément à ce qui a été décidé ce matin par la conférence des présidents, je lèverai la séance à une heure.

1 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (no 1138).

Exception d'irrecevabilité (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre Mme Christine Boutin défendre l'exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

J'invite donc Mme Boutin à poursuivre son intervention. Je lui indique qu'elle dispose encore d'un temps de parole de deux heures cinquante (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), mais il est clair qu'il ne s'agit que d'un temps indicatif.

M. Alain Barrau.

L'Alliance mérite bien ça !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

M. François Goulard.

Peut-être serait-il opportun de reprendre depuis le début !

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes donc amenés à poursuivre (« A conclure ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) l'examen de cette motion de procédure et, pour ceux qui n'étaient pas là au début de mon intervention, je vais résumer de façon très synthétique ce que j'ai dit avant le dîner.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, je serai très brève (« Ah ! » sur les mêmes bancs), mais il est normal que je restitue ma motion dans son contexte.

Mme Muguette Jacquaint.

On connaît le début du film !

Mme Christine Boutin.

Mon objectif a été de montrer que la politique était une affaire de convictions et que le PACS donnait l'occasion de confronter deux conceptions de la société. Même s'il fait l'objet d'un déficit démocratique important, il interroge les fondements du corps social. Né dans les milieux homosexuels,...

Mme Véronique Neiertz.

Qui ça, vous ?

Mme Christine Boutin.

... le PACS a fait l'objet d'un débat dont la majorité a tenté de camoufler les enjeux et je n'avais pas terminé de parler de ce camouflage.

L'intention de plagier le mariage ou de créer une souscatégorie de mariage est d'ailleurs attestée par des déclarations quasi officielles.

M. Alain Barrau.

Quasi !

M me Christine Boutin.

Mme Guigou disait sur France 3, à propos de ce texte : « Il y aura trois niveaux de modes de vie : le mariage, le PACS et le concubinage. »

M. Jérôme Lambert.

Et le célibat ?

Mme Christine Boutin.

Or, il n'y a que deux états possibles pour deux personnes qui vivent ensemble : le mariage, qui est depuis longtemps codifié par nos textes, ou l'union libre qui, par définition, ne doit être codifiée en rien. Il ne peut y avoir de troisième possibilité que trompeuse, pour ceux qui l'emploient comme pour l'ensemble du corps social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) On peut construire dans sa tête des choses complètement abstraites, qui ne sont pas fondées sur la réalité. On ne peut pas être à moitié dans le mariage ou à moitié dans l'union libre : on est soit dans le mariage, soit dans l'union libre.

Plusieurs députés du groupe communiste.

Hors sujet !

Mme Christine Boutin.

Votre construction est donc une chimère intellectuelle et abstraite, elle n'a rien de réel et de concret.

Pour prouver qu'il ne s'agissait pas d'un mariage et sous la pression du Collectif des maires, la proposition de loi a abandonné la mairie pour le tribunal, puis pour la préfecture, pour revenir au tribunal par le biais d'un amendement.

Mme Véronique Neiertz.

Ce n'est pas le même !

Mme Christine Boutin.

Mais le changement de lieu ne change rien à la nature du PACS...

M. Guy Hascoët.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

... qui, pour être conclu, devra être enregistré dans les mêmes conditions et les mêmes formes que le mariage, au lieu de résidence et de naissance des personnes.

Toutes ces contorsions ne peuvent pas masquer la vérité : il s'agit d'installer le mariage des homosexuels en France, mais il ne faut surtout pas le dire. Quelle


page précédente page 07966page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

incroyable lâcheté pour cette gauche plurielle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) que de ne pas le reconnaître et l'assumer, alors qu'une question de cette importance méritait pour le moins un très large débat et, avant toute chose, de la clarté.

Parallèlement à cette opération camouflant la réalité du PACS, celle d'un mariage bis, on a voulu masquer la réalité homosexuelle du projet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) C'est ainsi que sont arrivées dans le texte, comme par enchantement, les personnes hétérosexuelles. Pour tenter de « ratisser large »...

M. Jean-Pierre Blazy.

Ça, vous ratissez large : jusqu'au Front national !

Mme Christine Boutin.

... dans les milieux politiques, les promoteurs du PACS se sont efforcés de le faire apparaître comme une initiative de portée universelle.

M. Félix Leyzour.

De toute manière, le texte passera !

Mme Christine Boutin.

Ne parlez pas trop vite ! Nous verrons ce qu'en dira le Conseil constitutionnel. Apprenez la vie parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour tenter de « ratisser large » dans les milieux politiques, disais-je, les promoteurs du PACS se sont efforcés de le faire apparaître comme une initiative de portée universelle. Ils ont donc constamment cherché à rattacher leur « combat » à un mouvement de fond, à de prétendues aspirations profondes de la société française et à jeter dans le sillage du PACS toutes les détresses de notre pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Dominique Gillot.

Quelle exagération !

Mme Christine Boutin.

Ne soyez pas impatients ! Je vais vous donner les réponses. Laissez-moi parler ! A lui seul, Gérard Bach-Ignasse, dans son argumentaire intitulé Le contrat d'union sociale en perspective, réussit le tour de force d'amalgamer les chômeurs, les SDF, les RMIstes, les concubins, confrontés aux difficultés juridiques propres à leur situation, les veuves solitaires...

Mme Muguette Jacquaint.

Elles ne sont pas toutes solitaires ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

... et les homosexuels en panne de reconnaissance, pour instiller dans l'esprit du lecteur l'idée que le PACS viendrait combler les aspirations de ces exclus et résoudre leurs difficultés.

Cette stratégie à prétention universaliste vise à éviter un écueil redoutable : l'attribution d'un statut particulier aux couples de personnes homosexuelles qui, aux yeux de l'état-major du collectif pour le PACS, perpétuerait l'exclusion des homosexuels et consacrerait un droit à la différence dont la communauté homosexuelle serait la première victime. En élargissant leur revendication aux dimensions de la société tout entière, les promoteurs du PACS ont trouvé « la solution médiatiquement idéale », celle qui fait « avancer la cause homosexuelle sans le dire » et qui permet d'éviter ou de limiter la réaction de rejet du corps social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Certaines références des promoteurs du CUCS, qui ne reculent devant rien, relèvent de la désinformation. Par exemple il y eut un moment, pendant la montée en puissance du projet, où la référence régulière à la situation de deux religieuses partageant une communauté de vie, appelant donc de leurs voeux l'avènement du PACS, était fréquente. Or on sait bien que les religieux font de façon très générale voeu de pauvreté...

Plusieurs députés du groupe communiste.

Et de chasteté !

Mme Christine Boutin.

... et qu'ils n'ont donc vocation ni à partager des biens mobiliers ou immobiliers, ni à hériter l'un de l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe de Villiers.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

On sait qu'ils n'ont généralement pas non plus vocation limiter leur communauté de vie à deux personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je vous fais remarquer, messieurs de la majorité, que ce sont vos amis qui le disent ! Ce n'est pas moi ! Vous êtes en train de vous critiquer ! Vous faites de l'autocritique, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il est étonnant de voir à quel point vous connaissez peu le dossier ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Philippe de Villiers.

Il faut revenir en arrière !

M. Jean-Pierre Blazy.

Il y a des brebis égarées partout !

Mme Christine Boutin.

Vous, vous en avez beaucoup en tout cas ! J'en ai déjà cité un certain nombre de vos fameuses brebis !

M. Patrick Malavieille.

Petit niveau !

Mme Christine Boutin.

De même, la référence incessante à la situation vécue par des personnes âgées rapprochées par la peur de la solitude et la crainte de la maladie, si elle exprime une réalité incontestable, n'a d'autre but ici que d'apitoyer le public. Aucun obstacle, en effet, ne s'opposerait à ce qu'une loi réglemente ce type de situation et favorise les emplois de proximité ou de nouvelles solidarités qui permettraient d'alléger le poids des ans. Pourquoi n'a-t-on pas inscrit dans le célèbre plan emplois-jeunes cette possibilité, puisque cela aurait pu répondre à cette fameuse solitude ? On peut également se demander ce qui, dans le PACS, pourrait tenter les personnes hétérosexuelles vivant actuellement en concubinage. On a toutes les raisons de penser que cette formule ne séduira pas un homme et une femme qui vivent en union libre, précisément parce qu'ils souhaitent conserver la plus grande liberté possible et organiser leur mode de vie de manière informelle. Du reste, l'émission de la chaîne de télévision La Cinquième Arrêt sur Image du 18 octobre dernier...

M. Bernard Roman.

A quelle heure ?

Mme Christine Boutin.

C'était à midi quinze !

M. Bernard Roman.

Très bien, juste après la messe !

Mme Christine Boutin.

... a montré les difficultés que les médias avaient eu pour trouver un couple hétérosexuel non marié intéressé par le PACS. Mlle Schneck, la


page précédente page 07967page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

reportrice, a fini par en trouver un : le même en fait qui était passé sur toutes les autres chaînes de télévision ains i que dans le journal Le Parisien quelques jours plus tôt.

Or, ce couple, enfin trouvé, était militant de la seule association familiale ayant soutenu le PACS.

La cour est pleine :...

M. Bernard Davoine.

Vous avez raison, la coupe est pleine !

Mme Christine Boutin.

... les concubins ne sont pas intéressés par le PACS. Ce n'est du reste pas une découverte. Au moins les concubins sont-ils cohérents : ils veulent l'union libre ; ils ne veulent pas un « souscontrat » ! Il va sans dire que le PACS n'attirera pas non plus les couples mariés,...

Mme Dominique Gillot.

C'est normal !

Mme Christine Boutin.

... qui préféreront l'institution familiale à un statut intermédiaire. En définitive, seuls les couples homosexuels...

Mme Dominique Gillot.

On y revient !

Mme Christine Boutin.

... auraient une raison d'adopter ce statut, à défaut de pouvoir rentrer dans le cadre du mariage.

Enfin, les doutes persistant sur la réalité du PACS, une toute dernière manoeuvre (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste) fut sortie du chapeau : je veux parler des fratries. (Exclamations sur les mêmes bancs.) C'est ainsi que l'amendement « fratries » fut repris allègrement à son compte par le groupe socialiste. Dans cette démarche, on est allé au sommet de l'incongruité, selon une recette dont on pourra se souvenir. On prend le mot « fratrie », qui sonne bien et qui enlève sa dimension sexuelle au PACS, on ajoute à cette fratrie une pincée de solitude et de détresse, celle de ces malheureux ruraux perdus dans le fin fond de leur campagne, avec du reste, au passage, un zeste de mépris à peine caché et fort malvenu (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), et l'affaire est faite.

M. Patrick Malavieille.

Les ruraux apprécieront ! C'est scandaleux pour eux !

Mme Christine Boutin.

C'est vous, mes chers collègues de la majorité, qui avez parlé des « pauvres ruraux » !

Mme Muguette Jacquaint.

Non !

Mme Christine Boutin.

Si, c'est ce que vous avez dit !

Mme Muguette Jacquaint.

Tout le monde n'est pas attardé !

Mme Christine Boutin.

C'est vous qui avez dit que la disposition sur les fratries c'était pour les pauvres malheureux ruraux qui n'y comprenaient rien, pour ces pauvres maires ruraux qui n'y comprenaient rien !

Mme Muguette Jacquaint.

C'est vous qui le dites, ce n'est pas nous !

Mme Christine Boutin.

Décidément, pour vous, la ruralité n'y comprend rien dans ce pays !

M. Jean-Noël Kerdraon.

Il n'y a pas que les ruraux qui n'y comprennent rien !

Mme Christine Boutin.

J'ai l'impression, cher ami, que je comprends beaucoup mieux les choses ! Ce qui vous gêne, c'est que je démasque la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je disais donc qu'on rajoute à cette fratrie une pincée de solitude et de détresse, celle de ces malheureux ruraux perdus dans le fin fond de leur campagne, et l'affaire est faite. Elle est démontrée : le PACS n'est plus un mariage, il n'est plus question de personnes homosexuelles puisque la dimension sexuelle en est exclue. Le seul problème est que dans l'ivresse de la création juridique, on a oublié qu'une fratrie peut aussi désigner trois, quatre, cinq...

M. Bernard Roman.

Six, sept, huit...

!

Mme Christine Boutin.

... dix frères et soeurs. Et là, tout se complique.

Mme Dominique Gillot.

Demandez à Mme Bachelot !

Mme Christine Boutin.

En effet, il est impossible de créer d'inégalité entre frères et soeurs pactisés et ceux qui ne le sont pas. Qu'à cela ne tienne, on retirera l'avantage donné aux pactisés pour leurs impôts et leur succession !

Mme Laurence Dumont.

A l'origine, il s'agissait d'un amendement de la droite !

Mme Christine Boutin.

Que vous avez repris avec enthousiasme, madame, et sans réflexion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais un autre obstacle attendait les maîtres en cuisine : on ne peut pas être à la fois pactisé et marié ! L'affaire devenait beaucoup plus grave, car il était naturellement impossible d'interdire le mariage à tout ce petit monde.

Et si l'on fait tomber l'interdiction de cumuler mariage et PACS, le PACS devient une sorte de GAEC agricole ou une société civile, et les soixante millions de Français ont intérêt à se pactiser pour payer moins d'impôts. CQFD ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ou alors il faut maintenir l'interdiction et la fratrie, et cela ne gomme plus l'identité sexuelle du PACS. Et l'on revient à la case départ.

Aujourd'hui, la confusion est à son comple.

M. Roland Vuillaume.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

Mes chers collègues, si les fratries sont présentes dans le texte d'aujourd'hui, les frères et soeurs qui vivent ensemble ne peuvent pas conclure de PACS, mais ils peuvent bénéficier de certains avantages.

Il ne s'agit même plus d'un sous-mariage mais d'une sorte de « rien juridique » qui ouvrirait des droits ! Je reconnais que la gauche fait preuve de créativité... Reste à savoir quel corps social et quel corps juridique elle entend créer dans notre pays.

Tous ses paravents montrent bien, mes chers collègues, que le PACS est en fait un mariage bis pour les homosexuels.

M. Jean-Pierre Blazy.

Encore ! C'est une obsession !

M. Alain Barrau.

Cela vous plairait, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit !

Mme Christine Boutin.

Cela prouve bien que l'on ne peut pas indéfiniment jouer avec la vérité sans se prendre les pieds dans le tapis. Or la gauche s'est pris les pieds dans le tapis !


page précédente page 07968page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Le professeur Hauser a déclaré : « Tout cela sent l'amateurisme ». Cela ne manque pas de piquant de la part de l'auteur du PIC.

On en vient alors à se demander s'il est insultant vis-àvis des personnes homosexuelles de dire quelles sont leurs intentions et de demander à la gauche plurielle pourquoi elle a déployé tant de talent pour ne pas assumer au grand jour les vrais enjeux de cette proposition de loi.

M. Philippe de Villiers.

Elle a la trouille !

Mme Christine Boutin.

Qu'il me soit permis cependant de saluer particulièrement l'un de nos collègues, que j'ai beaucoup rencontré ces derniers temps. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Pour n'être pas d'accord avec lui, le lui avoir dit - et réciproquement - publiquement et en privé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. -

« Suspense ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), j'ai pour lui le respect que l'on porte aux personnes qui combattent clairement pour leurs convictions et ne craignent pas d'affronter l'opinion.

Jean-Pierre Michel, notre rapporteur, puisqu'il s'agit de lui, a été le seul à dire et à répéter que ce texte ét ait destiné aux personnes homosexuelles, qu'il était une étape qui conduirait à la filiation et à l'adoption en faveur des personnes homosexuelles. Jean-Pierre Michel est l'inspirateur et le porteur de ce texte depuis l'origine. Il sait ce dont il parle. Il a eu le courage de ne pas se renier. Qu'il en soit félicité. (« Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Il est honnête !

Mme Christine Boutin.

La démocratie, mes chers collègues, mérite le débat et la vérité des enjeux. Je rejoins parfaitement la remarque faite il y a dix-huit mois par

Mme le ministre Buffet...

M. Jean-Pierre Blazy.

« La » ministre !

Mme Christine Boutin.

... qui déclarait...

M. Jean-Pierre Blazy.

« La » ministre !

Mme Christine Boutin.

Vous avez vraiment des obsessions ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je vous parle au fond de problèmes de société et vous ne cessez de répéter : « la », « la », « la ».

Qu'est-ce que cela signifie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odile Saugues.

Prêchi-prêcha !

Mme Christine Boutin.

Je cite donc Mme Buffet : « A travers la question de l'avancée, pour un contrat d'union civile et sociale, c'est toute la question de la place de l'individu, de ses aspirations, de ses modes de vie, qui est posée. » C'est donc de cela qu'il fallait débattre, et nous

reviendrons sur ce sujet.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Avant d'examiner plus au fond ce texte, je souhaite évacuer une idée à la mode qui laisserait penser que les opposants à ce texte seraient par définition des homophobes.

Un député du groupe socialiste.

Non, des archaïques !

Mme Christine Boutin.

Pour des raisons tant spirituelles que républicaines, comme députée du pays des droits de l'homme, j'affirme, sans aucune restriction, la dignité et le respect des personnes vivant des relations homosexuelles. Et même, je le répète : j'affirme, sans aucune restriction, la dignité et le droit au respect des personnes vivant des relations homosexuelles ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) E coutez, je vous en prie ! Même le rapporteur

M. Patrick Bloche y a fait allusion tout à l'heure.

M. Pierre Lequiller.

Ce sont des ayatollahs !

M. Jean-Louis Debré.

Leur réponse est mauvaise car ils sont médiocres !

Mme Christine Boutin.

Pour beaucoup d'entre elles ces personnes homosexuelles - le désir de relations stables et d'accueil de la vie est certainement authentique. Donner la vie et l'aimer ne sont-ils pas inscrits au plus profond de la nature humaine ? Mais j'affirme également, comme Mme Guigou l'a déclaré tout à l'heure, j'espère donc que cela forcera votre respect,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oh, certainement !

Mme Christine Boutin.

... que proposer aux personnes du même sexe de vivre une caricature de la famille est une décision qui leur manque de respect.

On leur donne une illusion. On recouvre peut-être leur souffrance d'un voile pudibond (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

Mme Odile Saugues.

C'est un sermon !

Mme Christine Boutin.

... mais celui-ci n'a rien d'un pansement guérisseur. On prépare, en réalité, leur désillusion et celle de la société tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je sais que la souffrance de beaucoup de personnes homosexuelles est profonde. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Mais qu'est-ce que cela veut dire ?

Mme Christine Boutin.

Certes, lors des débats et rencontres auxquelles j'ai participé à propos du CUCS, j'ai parfois croisé la haine et la mauvaise foi. Mais j'ai aussi découvert de vraies détresses, qui m'ont profondément émue.

Mme Muguette Jacquaint.

Ce n'est pas étonnant, puisqu'ils vous ont rencontrée ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Vous savez, mes propos n'ont rien de drôle...

M. le président.

Madame Boutin, laissez-moi vous interrompre un instant ! Mes chers collègues, j'ai cru comprendre - mais je me trompe peut-être - que le Gouvernement avait souhaité que cette discussion se déroule dans la sérénité et que des dispositions avaient été prises ce matin pour que chacun puisse s'exprimer dans le calme nécessaire à la compréhension de son propos. Je vous demande donc de respecter l'orateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président !


page précédente page 07969page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

J'ai donc découvert, au cours de ces années, de vraies détresses qui m'ont profondément émue. Des personnes qui ont soigné jusqu'à sa mort, avec un dévouement total, leur proche atteint du sida et qui se trouvent, lors du décès de celui-ci, dans une situation matérielle pénible - voire inextricable - méritent compréhension et respect.

Des personnes qu'un formalisme moral imbécile a enfermées dans le silence au point de les priver de relations avec leur famille, et notamment leurs parents, ont besoin d'être accueillies, écoutées, aidées.

Nous le pouvons, et nous le devons. Mais faut-il le faire à n'importe quel prix ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Ces situations posent une nouvelle fois la question de la responsabilité du politique à l'égard de la souffrance.

(Mêmes mouvements.) Il ne faut pas oublier - même si c'est difficile - que face à la souffrance, cette responsabilité consiste pour nous, députés, à chercher d'abord à ne pas engendrer un mal plus grand et à songer à l'intérêt général.

Nous savons bien que si les pouvoirs publics veulent servir cet intérêt général et faire respecter la loi, ils ne peuvent pas toujours éviter les souffrances de tous.

Mme Yvette Roudy.

Encore ?

M me Christine Boutin.

Mais comment considérer alors, en tant que responsables politiques, cette question de l'homosexualité ?

M. André Billardon.

C'est une obsession !

Mme Christine Boutin.

En tant que comportement privé, le comportement homosexuel relève de la liberté de la conscience personnelle.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Encore heureux !

Mme Christine Boutin.

Il n'a pas influer sur le respect que chacun d'entre nous doit porter aux autres, ni entraîner de discrimination. Mais de là à considérer ce comportement comme anodin et à le mettre socialement sur le même pied que la relation entre un homme et une femme, il y a en revanche un pas que le responsable politique ne peut pas franchir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

C'est affligeant !

Mme Christine Boutin.

Il n'est pas en notre pouvoir de modifier une réalité qui existe depuis l'origine du monde, à savoir que c'est la relation naturelle entre l'homme et la femme qui fonde la société et la fait vivre. Fortes de cette évidence, les sociétés se sont toujours attachées à proté ger cette relation naturelle, vitale, de ce qui pouvait la fausser ou l'amoindrir. Ainsi s'explique le refus du prosélytisme homosexuel et la réprobation plus ou moins forte que l'on rencontre dans toutes les civilisations. (Vives exclamations sur les mêmes bancs.)

M. André Billardon.

C'est monstrueux !

Mme Christine Boutin.

La société ne peut pas faire autrement que d'être cohérente avec ce qui la fait vivre.

Quand on parle de respect, il faut donc bien préciser que ce n'est pas l'homosexualité en elle-même qui a droit au respect, c'est la personne humaine, au-delà de son homosexualité, et de ses choix personnels ou de son mode de vie.

M. Bernard Roman.

De tels propos sont indignes de la République !

Mme Christine Boutin.

L'homosexualité se ramène en définitive à un comportement personnel. Elle ne peut prétendre à aucun droit spécifique au premier motif qu'elle n'est pas institutionnelle, mais comportementale.

Mme Frédérique Bredin.

Quelle hypocrisie !

M. Guy Hascoët.

Où est-ce écrit ?

Mme Christine Boutin.

Un deuxième motif touche au fait qu'elle ne s'inscrit pas dans le cadre des lois non écrites qui fondent la vie des sociétés. C'est d'ailleurs pourquoi il est illusoire et mensonger de prétendre le contraire. Inféconde par nature, elle ne répond pas aux critères démographiques et éducatifs qui fondent les devoirs de l'Etat à l'égard du couple. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Malavieille.

C'est intolérable !

Mme Odile Saugues.

On n'est pas à la messe !

M. François Liberti.

C'est méprisable !

Mme Christine Boutin.

Mais enfin, mes chers collègues, c'est ce que vous a dit Mme Guigou tout à l'heure ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Toutes vos vociférations s'adressent donc à Mme la ministre Guigou !

M. Patrick Malavieille.

Ce n'est pas du même niveau ! Les intervenants se succèdent mais ne se ressemblent pas !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Dans la maison de la République ! C'est une honte !

M. le président.

Madame Boutin, ne vous laissez pas interrompre !

M. Pierre Lequiller.

Mais si !

Mme Christine Boutin.

Dès lors, se mettre à considérer, par le droit, comme des conjoints deux personnes homosexuelles, assimiler leur vie commune à un mariage et, dans cette logique, leur offrir la possibilité d'adopter et d'élever des enfants serait, pour la société, une conduite absurde et suicidaire.

Mme Muguette Jacquaint.

Ce n'est pas écrit dans le texte !

Mme Christine Boutin.

Mme Guigou l'a dit ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Elle serait, par rapport aux enfants, criminelle, et, par rapport aux personnes homosexuelles, ce serait une illusion.

Mme Dominique Gillot.

C'est n'importe quoi !

Mme Christine Boutin.

Il est évident que les personnes h omosexuelles doivent être accueillies et respectées comme toute personne, d'autant plus qu'à l'origine de leur situation affective existe souvent la souffrance. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.

)

M. Patrick Malavieille.

Disqualifiée !

Mme Christine Boutin.

La loi peut reconnaître l'« individu » homosexuel et faire en sorte qu'il ne soit pas soumis à des discriminations. C'est d'ailleurs ce que fait notre loi.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais de quoi parlezvous ?


page précédente page 07970page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Patrick Lemasle.

C'est Jean-Paul II qui l'a inspirée ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

)

M. Pascal Clément.

C'est honteux. Laissez Mme Boutin s'exprimer !

M. le président.

Mes chers collègues, je vais intervenir encore une fois en vous demandant de donner à ce débat, que vous-mêmes vous jugez important, la sérénité nécessaire. Vous êtes en train de donner un spectacle déplorable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Malavieille.

Elle nous répète sans arrêt les mêmes choses !

Mme Muguette Jacquaint.

Ce n'est pas sérieux !

Mme Christine Boutin.

Cette exigence du respect de la personne humaine dans ses choix de vie et de conscience prévaut déjà largement au sein de la société française, o ù, de l'aveu même des associations homosexuelles, la liberté de vivre son homosexualité - c'est heureux - est particulièrement étendue.

Depuis 1985, aux termes de la loi du 1er juillet 1970, la France accorde aux personnes homosexuelles le droit au respect de la vie privée...

Mme Yvette Roudy.

C'est heureux !

Mme Christine Boutin.

... et une protection pénale contre les discriminations dans le monde professionnel.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas grâce à vous !

Mme Christine Boutin.

Je ne sais pas pourquoi vous dites cela, monsieur le rapporteur !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Et 1982 ?

Mme Christine Boutin.

Je n'étais pas encore députée, et vous non plus !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mais vos amis l'étaient !

M. le président.

Madame Boutin, poursuivez ! M. le rapporteur pour avis, s'il souhaite vous interrompre, me demandera la parole. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Christine Boutin.

La revendication d'une minorité de la communauté des personnes homosexuelles ne s'arrête pas à la simple promotion de l'égalité comme

« principe de 1789 », que notre société ne leur conteste pas. Cette minorité demande la « discrimination positive », sur le modèle de l' affirmative action que les EtatsUnis ont mis en place dans les années 70...

Mme Yvette Roudy.

Plutôt dans les années 60 !

Mme Christine Boutin.

... et qui a largement fait la preuve de son échec. Car il n'a eu pour résultat qu'une intégration incomplète des minorités ethniques, la « ghettoïsation » de la société américaine...

M. Guy Hascoët.

Elle est bien antérieure !

Mme Christine Boutin.

... et le sentiment d'exclusion et d'inégalité de la majorité des citoyens « ordinaires »...

Ne confondons pas deux choses : le couple et l'individu. Qu'une personne soit pénalisée dans son activité professionnelle, par exemple, en raison de sa tendance sexuelle, relève effectivement d'une discrimination. Mais qu'une relation entre deux individus homosexuels soit source, au nom de celle-ci, des mêmes droits qu'un couple hétérosexuel. voilà ce qui est impossible d'admettre. Le principe d'égalité ne signifie pas que toutes les relations soient égales entre elles et qu'elles soient équivalentes. Mme Guigou l'a dit également tout à l'heure.

Refuser de consacrer et d'officialiser la relation homosexuelle en lui conférant les mêmes droits qu'à une relation naturelle entre l'homme et la femme, sans laquelle il n'est pas de société, n'implique aucune discrimination à l'égard de quiconque. Ce refus n'est en rien un obstacle à cette acceptation pleine et entière des individus que réclament les homosexuels. Il illustre simplement la différence qui existe entre discrimination et distinction.

Mme Yvette Roudy.

Quelle subtilité !

Mme Christine Boutin.

Non, ce n'est pas subtil, madame Roudy, c'est très important. Je vous invite à consulter le dictionnaire : non seulement le Larousse, mais également le Dalloz. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette différence est d'ailleurs très largement établie par la jurisprudence constitutionnelle.

Le PACS confond dans une même revendication la non-discrimination, qui s'applique aux personnes, et la reconnaissance sociale, qui passe par un statut. Ce raisonnement, qui détourne la détresse individuelle pour en faire le moyen de promotion d'un enjeu social, est un exemple douloureux de malhonnêteté intellectuelle et de désinformation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Tout cela est fort dommageable. Et il est regrettable que ce dommage fasse le contexte de la proposition que nous avons commencé de discuter.

J'ai rappelé quelles étaient ses origines et quelles sont ses intentions. J'ai rappelé comment on avait, par une volonté de camoufler, caché à l'opinion publique les véritables enjeux. J'ai réaffirmé la dignité de toute personne et le rôle du mariage civil. Je veux réaffirmer que ce qui me gêne le plus dans cette affaire, c'est le mensonge fait sciemment à l'opinion, afin de lui faire admettre un projet sur lequel elle est plus que partagée. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Mme Frédérique Bredin.

L'opinion publique comprend très bien !

Mme Christine Boutin.

Il suffit, mes chers collègues, de regarder l'évolution de la courbe des sondages. Il y a six mois, 70 % des Français se déclaraient favorables au PACS, il y en avait à peu près 60 % il y a trois mois, pour finir à 49 % juste avant le débat du 9 octobre.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Grâce à vos mensonges !

Mme Christine Boutin.

On voit parfaitement qu'au fur et à mesure que les Français prennent conscience des enjeux, ils retirent leur adhésion à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 07971page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Le PACS est un « monstre juridique », selon le sociologue Guy Coq, « une construction juridique boiteuse, un ersatz de statut, une chimère législative », selon Claude Weill, « un drôle de bidule en forme d'inventaire à la Prévert », selon le Centre gay et lesbien.

Oui, le PACS est une chimère, un monstre qui prétend s'adresser à des personnes qui ont des besoins différents mais qui jouent avec les principes fondateurs de la société. Je ne mets pas en doute le désir réel des promoteurs du PACS et notamment de notre rapporteur de venir en aide à des personnes qui sont dans la souffrance (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et qui ressentent un malaise social réel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Nous, nous préférons la solidarité à la charité !

Mme Christine Boutin.

Mais ouvrons les yeux : le PACS a contre lui la vérité de l'être humain et les exigences élémentaires de la société. S'il était adopté, il n'est pas exclu qu'il ait contre lui et, à terme assez court - mes chers amis j'appelle votre attention...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Nous ne sommes pas vos « chers amis » ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Collègues ! Pas amis !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Les amis, on les choisit !

Mme Christine Boutin.

Faites attention à ce que vous dites ! Je vais vous redonner des citations ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Soyez prudents ! Sinon vous allez en avoir d'autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odile Saugues.

Ce n'est pas un discours, c'est un chemin de croix !

Mme Christine Boutin.

Si ce texte était adopté, il n'est pas exclu qu'il ait contre lui, et à terme assez court, les homosexuels eux-mêmes. Je suis, en effet, intimement persuadée qu'ils seront les principales victimes de la société éclatée et conflictuelle que le PACS viendrait renforcer.

M. Jacques Myard.

Elle a raison !

M. le président.

Monsieur Myard, s'il vous plaît ! Ne donnez pas le « la » à votre tour !

M. Jean-Louis Debré.

Myard a raison !

Mme Christine Boutin.

Il est évident qu'ils focaliseraient sur eux-mêmes les multiples problèmes que leur liaison institutionnalisée ne manquerait pas de susciter.

Pourquoi l'homosexualité ne peut-elle pas être érigée en norme légale ?

Mme Yvette Roudy.

Oui, pourquoi ?

Mme Christine Boutin.

Cette question importante n'a pas été posée. Heureusement que nous avons la tribune de l'Assemblée nationale et cette motion d'irrecevabilité pour le faire !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

La loi crée des libertés, pas des normes !

Mme Christine Boutin.

Pourquoi l'homosexualité ne peut-elle être érigée en norme légale ? Pour la simple raison qu'elle conduit à l'exclusion dans sa forme la plus accomplie. En effet, qu'est-ce que l'homosexualité ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous êtes grotesques ! Vous êtes vraiment grotesques ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Madame Boutin, veillez à ne pas provoquer, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

En effet qu'est-ce que l'homosexualité (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste),...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Pouvez-vous nous faire un dessin ?

Mme Christine Boutin.

... sinon l'impossibilité d'une personne à pouvoir atteindre l'autre dans sa différence sexuelle ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

De nombreux députés du groupe socialiste.

C'est nul !

M. Bernard Birsinger.

C'est grotesque !

Mme Christine Boutin.

Or, qu'est-ce que l'impossibilité d'atteindre l'autre dans sa différence ? Qu'est-ce que l'impossibilité de ne pas accepter la différence ? Qu'est-ce que l'impossibilité de ne pouvoir atteindre la différence, sinon l'exclusion ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'homosexualité érigée en norme sociale construirait un environnement social favorable à l'établissement de l'exclusion comme règle sociale. C'est pour cette raison fondamentale qu'aucune civilisation ne l'a érigée comme règle de vie.

M. Michel Lefait.

C'est du racisme !

Mme Catherine Picard.

Vous êtes encore au Moyen Age, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Le groupe « Paroles », dans une tribune parue dans Le Monde du 8 septembre dernier,...

M. Patrick Malavieille.

A quelle heure ?

Mme Christine Boutin.

Le Monde est un journal qui paraît en général en début d'après-midi. Vous devez bien le lire de temps en temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Bravo, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Le groupe « Paroles » indiquait dans Le Monde du 8 septembre dernier : « S'agit-il de démontrer l'équivalence ou l'absence de différence entre une union homosexuelle et une union hétérosexuelle ? Nous serions en total désaccord sur le seul plan anthropologique. L'homosexualité constitue une limite objective, une difficulté à vivre pleinement la dimension sexuelle de l'altérité. »

Mme Odette Grzegrzulka.

Comment le savez-vous ?

Mme Christine Boutin.

« Quant au plan collectif, une société qui mettrait sur le même plan l'homosexualité et l'hétérosexualité travaillerait à sa propre disparition et p ourrait compromettre gravement l'éducation des enfants. »

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Roudy.

C'est nazi comme jugement !

Mme Christine Boutin.

Le groupe « Paroles » poursuit :

« Mettre sur le même plan ces deux conduites, c'est reconnaître le choix de l'individu comme un absolu qui n'est soumis à aucune norme objective morale ou sociale. »


page précédente page 07972page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Yvette Roudy.

C'est l'horreur !

Mme Christine Boutin.

De même, la Fédération protestante de France affirmait dès le mois de juin 1994 :

« Il va de soi que la société, sous peine de perdre toute consistance structurée et de ne plus se comprendre comme fondamentalement traversée par l'altérité, ne peut accepter de considérer comme norme légale une union homosexuelle. »

C'est également la raison pour laquelle toutes les civilisations qui l'ont reconnue et justifiée comme un mode de vie normale ont connu la décadence.

Mme Yvette Roudy.

Sodome et Gomorrhe !

Mme Christine Boutin.

Il est également très troublant de constater que la gauche, qui se targue si souvent de vouloir corriger les inégalités sociales, puisse être à l'origine d'un tel texte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Mais audelà de cette réflexion, il est incroyable que la France ait pu porter jusqu'à l'Assemblée nationale un texte chimérique qui consacre l'exclusion.

Mme Yvette Roudy.

C'est nazi !

M. Guy Hascoët.

Il faut les ramener dans le droit chemin, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Le pacte civil de solidarité est, je le répète, un monstre juridique, monsieur Hascoët.

Les juristes ont tous dénoncé la piètre qualité juridique de ce texte...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas vrai !

Mme Christine Boutin.

... qui insulte la grande tradition juridique française.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Il discrédite notre pays.

M. Jean-Pierre Blazy.

Et vous l'Assemblée nationale !

Mme Yvette Roudy.

Enfin, il y a bien des républicains à droite ? ...

Mme Christine Boutin.

Je suis républicaine, madame Roudy, et je suis fière de l'être !

Mme Yvette Roudy.

Vraiment ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Oui, le PACS est une chimère, un monstre qui a la prétention de vouloir répondre aux problèmes d'exclusion en méprisant les fondements de notre droit. Je suis gênée...

Mme Yvette Roudy.

C'est nous qui le sommes !

Mme Christine Boutin.

... de voir l'Assemblée nationale amenée à se prononcer sur un texte aussi peu respectueux du système juridique. Il faut reconnaître que ce fut le cadet des soucis des promoteurs du projet. Le processus qui est en train d'aboutir à l'union civile s'est joué du droit et des dispositions de notre ordre juridique, quand il ne les a pas tout simplement ignorés.

Outre la rédaction approximative et insatisfaisante des articles du PACS...

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous n'êtes pas Pierre Mazeaud pour nous donner des leçons !

Mme Christine Boutin.

... et le caractère totalement irrationnel de certaines solutions, je suis frappée par le mépris à peine voilé dans lequel les promoteurs du projet ont tenu les juristes, qui sont opposés dans leur grande majorité au PACS.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

Mme Odette Grzegrzulka.

Répétition !

Mme Christine Boutin.

Les réticences des praticiens du droit sont davantage considérées comme un obstacle à contourner que comme des arguments sérieux à prendre en compte. C'est en tout cas ce qui ressort des propos tenus au cours du congrès du collectif pour le CUCS, en 1998 au Sénat, et notamment par Gérard Bach-Ignasse déjà cité, pour qui la loi n'est rien d'autre que l'expression d'un rapport de forces à un moment donné.

Ce mépris de la loi et du droit nous inquiète. Toutes les idéologies oppressives des libertés et des consciences, au cours de ce siècle, qui en a été malheureusement fertile, ont appuyé leurs entreprises sur la manipulation du droit.

A l'examen des différents articles du PACS, je dois dire que c'est bien l'image du fameux tonneau des Danaïdes qui me vient à l'esprit. Dans la mythologie grecque, les cinquante filles de Danaos, par suite de leurs errements, ont été condamnées à remplir un vase sans fond. Quand on songe à la façon dont l'Etat devrait faire face à la multiplicité des bénéficiaires potentiels du PACS, ce sont des pans entiers de la société qui pourraient s'engouffrer, pêle-mêle dans ce puits sans fond, et aux frais de l'Etat - nous allons le voir.

Tout d'abord, il n'est pas encore évident de savoir à qui le PACS va être destiné. Le texte proposé par le rapporteur s'adressait clairement à deux personnes ayant une relation sexuelle,...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Pas du tout !

Mme Christine Boutin.

... et Mme Tasca avait beaucoup insisté sur cet aspect lorsqu'elle avait présenté le PACS.

J'aimerais ici reprendre le passage du rapport de JeanPierre Michel sur ce sujet :

« L'impossibilité de conclure un PACS peut tenir à des liens familiaux étroits. Sont ainsi exclus les pactes entre parents et enfants, entre beaux-parents et parents par alliance, entre frères et soeurs, entre oncles et neveux.

Sans que cela soit un aspect de l'équilibre du texte, les prohibitions familiales ont été étendues dans le souci que le PACS ne puisse en aucun cas apparaître comme une remise en cause du tabou de l'inceste. » L'inclusion

récente des parties de fratrie dans la version du texte d'aujourd'hui ne change rien, à part pour deux frères et soeurs. Mais que feront les autres ? On ne cesse de nous dire que le PACS servirait de cadre au « projet commun de vie » de « couples » aussi variés que deux homosexuels, femmes ou hommes, deux religieuses, deux personnes âgées célibataires, un frère et une soeur. L'amendement de la commission des affaires sociales visant à étendre le PACS aux fratries étant adopté, on ne sait plus que penser de la dimension sexuelle de ce fax... de ce PACS.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui ! Cela pourrait être un fax compte tenu de la rapidité avec laquelle vous avez mené le débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Avec l'ironie qui le caractérise, Le Canard enchaîné...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Bonne lecture !

Mme Christine Boutin.

... du 7 octobre dernier propose, sous le titre « Le PACS expliqué à ma fille », une réflexion significative : « Pour certains, le PACS ne serait


page précédente page 07973page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

pas sexuel. A en croire le président du collectif proPACS, deux lesbiennes qui vivent ensemble n'entretiennent pas forcément de relations sexuelles (sic). Ah bon ! Tu n'y comprends rien ? Moi non plus. J'avais cru comprendre qu'à l'origine il s'agissait d'un mariage homo.

Je ne vois qu'une solution : faire venir le procureur Starr pour qu'il nous explique ce qui est sexuel et ce qui ne l'est pas. »

(Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est à mourir de rire !

Mme Christine Boutin.

Mais Le Canard enchaîné est très intéressant ! D'ailleurs, nous le lisons tous avec grand intérêt.

L'extension du PACS aux frères et soeurs reviendraitelle à une légitimation de l'inceste ? Eh bien oui, cela lui donnerait un cadre juridique. Mais, après tout, si l'on i nstitutionnalise les relations sexuelles entre deux hommes, je ne vois vraiment pas au nom de quel ordre moral on ne l'autoriserait pas entre frères et soeurs ! Pourquoi exclure du droit de conclure un contrat entre les ascendants et descendants en ligne directe ? A une époque où nos « anciens » souffrent cruellement de la solitude et de l'isolement, n'aurait-il pas été intéressant, intelligent, opportun et utile à la société d'autoriser un petit-fils qui aide son grand-père dans l'exploitation de l'entreprise agricole familiale à être, avec son ascendant, co-contractant d'un PACS ? J'imagine que vous êtes d'accord avec cette idée, monsieur Jacob ?

M. Christian Jacob.

Tout à fait, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Pourquoi le projet exclut-il d'office des situations pourtant si vraisemblables ? Sans doute parce qu'elle ne servent pas son véritable dessein qui a été habilement dissimulé derrière des prétextes universalistes. Ainsi s'effrite peu à peu, quand on examine le texte avec attention, le masque de respectabilité tissé autour de l'union sociale. Comme elles apparaissent artificielles et convenues les références aux vieilles dames, aux bonnes soeurs des promoteurs du PACS ! A l'évidence, ce projet n'est pas du tout fait pour eux.

On atteint donc le paroxysme de la confusion. On élaborerait un cadre juridique où se côtoieraient en toute sociabilité l'amour, l'amitié, la fraternité, l'entraide, la sexualité permise et la sexualité prohibée.

Mme Odette Grzegrzulka.

Laquelle est-ce ?

Mme Christine Boutin.

C'est l'inceste, madame ! Manifestement, vous ne suivez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) On est effaré une fois de plus... Monsieur le président, pourrais-je avoir un peu de silence s'il vous plaît ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Quel cinéma !

M. le président.

Madame Boutin, vous allez essayer de poursuivre et vos collègues vont essayer de cesser la récréation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Si vous voulez siéger beaucoup plus longtemps, libre à vous ! La présidence est à votre disposition.

Poursuivez, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je suis obligée de dire qu'il est difficile de parler dans un brouhaha permanent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mes chers collègues, je voudrais que vous compreniez bien que mon propos, ce soir, est l'expression d'une conviction profonde et sincère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je n'ai d'ailleurs pas de leçons à recevoir de votre part, vous qui étiez absents le 9 octobre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vous pourriez au moins avoir la gentillesse, l'amabilité et la courtoisie de vous taire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

On est donc effaré, une fois de plus, devant la perversité de cette immense mélange que le PACS prétend introduire dans la société. Plus aucune relation humaine ne sera définie, ni claire. Progressivement, tous les liens sociaux seront dénaturés ou perdus à partir de l'occultation de la différence sexuelle et de la spécificité naturelle et sociale des liens de parenté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Nicole Bricq.

C'est quoi « naturel » ?

M. Jacques Myard.

Ecoutez-la donc !

Mme Odette Grzegrzulka.

Elle n'a rien à dire ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Quelle intolérance !

M. le président.

Madame Boutin, M. Debré demande à vous interrompre. Le permettez-vous ?

Mme Christine Boutin.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Debré, avec l'autorisation de Mme Boutin.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le président, je suis scandalisé (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) par les attaques personnelles dont est l'objet Mme Boutin ! J'ai même entendu contester son adhésion aux valeurs républicaines.

Mme Odette Grzegrzulka.

La République est laïque !

M. Jean-Louis Debré.

C'est pourquoi je souhaiterais, monsieur le président, que vous acceptiez une suspension de séance d'un quart d'heure afin que l'Assemblée puisse retrouver un peu de sérénité pour poursuivre le débat.

M. le président.

Monsieur Debré, nous sommes dans la discussion d'une exception d'irrecevabilité. L'orateur qui la défend doit poursuivre et nous ne pouvons l'interrompre. En ce moment, il ne peut donc y avoir ni rappel au règlement ni suspension de séance à la demande d'un groupe.


page précédente page 07974page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

E n conséquence, Mme Boutin doit poursuivre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je vous demande donc de l'écouter dans le calme.

M me Odette Grzegrzulka.

On ne parle pas en mâchant du chewing-gum !

M me Christine Boutin.

Il s'agit d'une pastille, madame ! En raison du brouhaha permanent, je suis obligée de forcer ma voix.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Il ne fallait pas vous inscrire pour quatre heures !

Mme Christine Boutin.

Or, j'ai l'intention de parler encore pendant trois heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, si le silence ne revient pas, je prendrai l'initiative de suspendre la séance de ma propre autorité pour vous calmer. Je vous demande donc de vous taire.

Madame Boutin, poursuivez.

Mme Christine Boutin.

Il est évident que ce texte offre d'immenses possibilités de fraude. Devant l'étendue du problème, il a été proposé que le PACS n'ouvre les droits que de manière progressive, en fonction de la durée de l'association : imposition commune au bout de trois ans, droits de succession au bout de deux ans, prise en compte pour l'assimilation du pactisant étranger à la communauté française et droit au logement au bout d'un an.

Cette progressivité ne fait qu'ajouter à la confusion.

Irène Théry l'a également souligné, dans Le Point :

« Ce drôle de contrat, dont les effets sont soumis à des délais de carence, est une incongruité juridique, et qui peut être unilatéralement rompu. Ce qui instaure là une étrange morale de la responsabilité. »

La fraude sera au rendez-vous de l'immigration, et cela le plus légalement du monde : le PACS serait considéré comme une « raison personnelle » pour obtenir un titre de séjour, à moins d'une interprétation restrictive par décret ou par la jurisprudence.

Le PACS sera-t-il le moyen pour une immigration sauvage et clandestine de contourner l'obstacle de lois pourtant déjà permissives ? Il est clair que laisser entrer en France un étranger, sans engagement ni responsabilité, sous prétexte qu'il a un « projet de vie en commun » avec quelqu'un qui y est déjà, revient à ouvrir complètement les frontières à l'immigration. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, le PACS offre d'énormes possibilités de fraude et d'évasion fiscales, d'autant plus que la personne chargée d'enregistrer le PACS n'aura matériellement aucun moyen de vérifier son bien-fondé.

Le PACS aura des conséquences sur le plan fiscal et attirera les convoitises de nombreux couples prétendus.

On imagine déjà le célibataire âgé prendre un étudiant à charge pour pouvoir bénéficier d'une part supplémentaire dans sa déclaration de revenus.

Les exemples sont multiples. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous savez très bien que c'est la vérité ! Qu'y aurait-il d'illégal dans ces associations ? Rien, car, le plus légalement du monde, deux personnes, quelle que soit la nature de leurs liens, pourront contracter un PACS pour bénéficier d'une baisse d'impôt ou d'un quelconque autre avantage. L'absence d'une obligation de cohabitation et la précarité du contrat autoriseraient tous les détournements. Nous allons voir se multiplier les PACS d'opportunisme fiscal et successoral ou de complaisance.

Or la proposition de loi n'est pas financée. Le gage qui nous est proposé est ridicule. Il est même scandaleux.

Alors que le Gouvernement a baissé le quotient familial et diminué son aide à la famille,...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

C'est faux !

Mme Christine Boutin.

... il trouve, en claquant des doigts, 6 milliards de francs, et certainement davantage ! Et encore, ce ne sont que les chiffres annoncés, car nous sommes en droit de croire que le PACS sera plus coûteux. Cela est tout simplement scandaleux et je n'arrive pas à comprendre que l'on ait le toupet d'agir ainsi. Voilà bien une forme de solidarité sans facture qui est demandée aux contribuables.

Enfin, le PACS ne manquera sans doute pas de faire exploser le nombre de contentieux juridiques dans une société en voie de « juridicisation » croissante, notamment dans le cadre des relations familiales.

M. Jacques Myard.

Ils engraissent les avocats !

Mme Christine Boutin.

Cela risque de contribuer lourdement à la surcharge des rôles des tribunaux et à la lenteur dans l'administration de la justice.

Certains dénonceront des PACS blancs, d'autres réclameront des droits à la succession qui leur auront été retirés. La jurisprudence risque d'être très fournie. Sans doute aura-t-elle d'abord à se prononcer sur les problèmes posés par la rupture, car l'extrême souplesse défendue par notre rapporteur en matière de rupture du PACS risque d'en faire une situation extrêmement fuyante en termes juridiques. Rappelons que le PACS prend fin par un consentement mutuel, par une déclaration unilatérale de l'un des pactisants, par le mariage ou par le décès. A défaut d'accord entre les parties pour mettre fin au contrat, la rupture est prononcée automatiquement par le juge, dont le rôle se limite à en « régler les conséquences ».

L'un des atouts du PACS sera donc la facilité avec laquelle on peut en sortir. Si la rupture n'entraîne aucune difficulté particulière, par exemple si les contractants n'ont pas eu d'enfants ou s'ils n'ont pas tissé entre eux des liens patrimoniaux, la procédure paraît naturellement simple. Cependant elle peut aussi être génératrice d'une injustice, la volonté unilatérale n'ayant, à la différence de ce qui se passe pour le divorce, aucune justification à fournir.

A cet égard, j'ai bien entendu ce qu'a dit M. Crépeau, qui a véritablement posé une question juridique de fond en cas de divorce.

Dans certains cas, la rupture pourra créer des situations tout à fait dramatiques, car rien n'est prévu pour régler les droits de chacun des contractants.

En ce qui concerne les successions, le fait que des personnes étrangères aux familles entrent dans les règlements successoraux ne manquera pas de rendre les successions plus difficiles, en suscitant de forts sentiments d'agressivité à l'égard des personnes concernées. Prenons l'exemple d'un père divorcé qui décède après avoir contracté un PACS avec un compagnon. Ses enfants devront régler la


page précédente page 07975page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

succession avec un homme qui n'est pas leur père. Ils se trouveront ainsi placés dans une situation psychologique et juridique insupportable.

M. Jacques Myard.

C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Le PACS aboutirait probablem ent à l'affrontement de plusieurs réglementations concurrentes. Par exemple, les dispositions des propositions de loi concernant le sort du bail en cas de rupture de PACS pourraient entrer en collision avec les droits de la propriété privée et les droits du loueur.

Enfin, parmi les nombreuses lacunes, on peut remarquer qu'aucune référence n'est faite aux juridictions compétentes, en premier ressort ou en appel, ni aux procédures applicables en cas de conflit. Rien n'est prévu non plus en droit international : comment cela se passerat-il à l'étranger ? Pourra-t-on s'y prévaloir d'un PACS ? Un Suédois pourra-t-il se prévaloir de son contrat d'union en France ? On retire de ce rapide survol le sentiment que le droit se dérobe sous nos pas. Or pas une société organisée ne saurait résister à l'incapacité durable du droit à trancher les conflits entre ses membres et à en assurer la justice.

Avec l'adoption de ce texte, on ouvrirait une véritable boîte de Pandore. Par une série de réactions en chaîne, c'est toute la cohérence du droit, mais aussi l'équilibre des finances de l'Etat qui seraient compromis ! Introduit en dernière minute, le délai d'information de trois mois, que l'on peut aussi appeler un préavis, non seulement ne retirera rien à tout cela, mais il sera même porteur de contentieux supplémentaires.

Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le PACS conduit inévitablement à la filiation et à l'adoption. C'est plus qu'une porte ouverte sur l'adoption : c'est une certitude. On voit mal, en effet, comment les concubins hétérosexuels « PACSés » se verraient refuser le droit d'adopter accordé aux gens mariés. Et s'ils l'obtiennent, les personnes homosexuelles pactisées le réclameront à leur tour et l'on ne pourra pas créer de discrimination entre les différents pactisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Elle n'a plus rien à dire !

Mme Christine Boutin.

Oh si ! J'ai encore beaucoup à dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Depuis 1966, l'adoption est ouverte aussi bien aux couples mariés qu'aux personnes seules âgées de plus de vingt-huit ans. Aujourd'hui, en France, l'adoption d'un enfant par un couple homosexuel, si elle n'est pas interdite par la loi, est limitée par un arrêt du Conseil d'Etat du 9 octobre 1996, qui refuse de « donner le droit à l'adoption à un homosexuel », - même s'il est toujours possible aux futurs adoptants de ne pas révéler leur éventuelle homosexualité.

Quant à l'Assemblée nationale, elle a refusé en 1996 d'adopter des amendements visant à donner aux homosexuels la possibilité d'adopter.

Depuis les lois de 1994 sur la bioéthique, notamment celle du 29 juillet 1994, le bénéfice de l'insémination artificielle ou d'une PMA est accordée exclusivement aux couples mariés ou aux concubins qui vivent ensemble depuis deux ans. Quant au recours à une mère porteuse, elle est évidemment interdite par la loi, dans l'article 16-7 du code civil.

Officiellement, les promoteurs du PACS se refusent à lui donner toute possibilité d'influer sur l'état des personnes et renvoient ces enjeux à des lois futures sur l'adoption et sur la bioéthique. Mme la garde des sceaux l'a souligné.

De même, le PACS ne donnera pas la présomption de paternité. De fait, reconnaît Irène Théry : « On ne peut demander au droit de dire qu'un enfant peut avoir deux pères ou deux mères. »

M. Alfred Recours.

Qu'est-ce que c'est que ce salmigondis ?

Mme Christine Boutin.

C'est d'Irène Théry, excusezmoi ! Pourtant, la perspective de l'adoption d'enfants par les homosexuels est bel et bien à l'horizon du projet du PACS. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est très important, vous savez.

M. Jean-Louis Debré.

Ils ne le savent pas.

Mme Christine Boutin.

L'exclusion des questions de filiation, de « parentalité » et d'adoption des propositions de loi, apparaît comme une simple stratégie de la part des défenseurs du projet. Le but est évidemment de limiter l'impact psychologique de la réforme et d'en accélérer l'aboutissement.

Plusieurs mouvements homosexuels ont introduit avec force, dans le débat lancé autour du CUCS, le thème de la filiation, d'autant que nombre d'homosexuels ont déjà des enfants. (Brouhaha.)

Il est tout de même étonnant de voir à quel point vous êtes peu intéressés par ce sujet pourtant important.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La France va vous juger. Je la prends à témoin. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

A l'évidence, les problèmes de la filiation n'intéressent pas la gauche plurielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

La France les a condamnés !

M. le président.

Pourriez-vous laisser Mme Boutin poursuivre ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ne contestez pas et ne suscitez pas de ma part ce dont je vous ai menacé tout à l'heure. Si vous voulez aller vous reposer, je vais suspendre.

Poursuivez, madame Boutin.

M. Michel Crépeau.

C'est grotesque !

Mme Christine Boutin.

Plusieurs communautés homosexuelles ont introduit avec force dans le débat lancé autour du CUCS le thème de la filiation, d'autant que


page précédente page 07976page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

nombre d'homosexuels ont déjà des enfants, fruit d'un passé différent ou, pour les femmes, d'une démarche volontaire. A leurs yeux, il suffirait donc de reconnaître une situation de fait.

Il reste que la stratégie du Centre gay et lesbien, partisan d'une extension aux couples homosexuels des droits du mariage et du concubinage, est sans détours : « Le mariage doit permettre à deux personnes sans distinction de sexe de fonder une famille et d'élever des enfants dans un cadre juridique sécurisant et reconnu. »

Le journal L'Humanité (« Ah ! sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Alain Bocquet.

Bonne lecture !

Mme Christine Boutin.

Je ne suis pas sectaire et j'essaie de prendre en considération toutes les opinions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Ça se voit !

M. Jean-Louis Debré.

Elle n'est pas sectaire, elle lit L'Humanité !

Mme Christine Boutin.

La République, la démocratie, c'est le débat, le fait de prendre en compte toutes les opinions et de les confronter.

Mesdames, messieurs de la majorité, prenez garde à ne pas tourner ce débat en dérision, cela pourrait avoir un effet boomerang ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Puis-je donc citer L'Humanité ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

L'Huma avec nous !

M. François Liberti.

Monsieur le président, c'est de la provocation !

Mme Christine Boutin.

L'Humanité mentionnait le 22 juin dernier dans son compte rendu de la Gay Pride...

M. Patrick Malavieille.

Quelle page ?

Mme Christine Boutin.

Page dix !

M. Jean-Claude Lefort.

Il n'y a que huit pages dans L'Humanité !

Mme Christine Boutin.

Monsieur Lefort, ce numéro comprenait un supplément ! On y lisait donc : « Le Centre gay et lesbien prend acte des engagements du Gouvernement tout en continuant à revendiquer, pour les couples homosexuels, une stricte égalité des droits qui passerait par le mariage et l'adoption. »

Le jour de la Lesbian and Gay Pride de 1997, était revendiqué dans une pétition « le droit à la parentalité pour les personnes homosexuelles et bisexuelles : droit de garde, adoption, insémination artificielle, etc. ».

Lors d'une conférence de presse sur le PACS en juin dernier, notre présidente de la commission des lois, Mme Tasca (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est une très bonne présidente !

Mme Christine Boutin.

... avait présenté les dispositions du PACS et expliqué que celui-ci était fondé sur un lien sexuel entre deux personnes.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Pas seulement !

Mme Christine Boutin.

Si ! On ne parlait pas alors des frères et soeurs ! Au cours de sa présentation, alors qu'elle annonçait que l'adoption n'était pas prévue par le PACS, un journaliste homosexuel s'est exclamé furieux : « Alors, on va être obligé de faire l'amour, mais on nous interdit d'avoir des enfants ! ».

M. Christian Bataille.

Mme Boutin ne pense qu'au sexe. Ça l'obsède !

Mme Christine Boutin.

Toute la contradiction du PACS se trouve résumée dans cette réaction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La reconnaissance de l'union civile représente donc clairement, dans l'esprit des militants, le cheval de Troie par lequel pourra être ensuite revendiqué pour deux homosexuels le droit à l'adoption et à la filiation. Vous auriez pu le dire et vous auriez pu l'assumer, mesdames, messieurs de la majorité.

M. Jean-Louis Debré.

Ils n'assument rien !

Mme Christine Boutin.

La possibilité d'adoption nierait les rôles respectifs de la mère et du père, dont nous avons déjà parlé. Le mythe de l'enfant rayonnant au milieu de ses deux « mères » doit donc être rejeté dans les placards de la désinformation et de la malhonnêteté intellectuelle.

M. Jacques Myard.

Elle a raison !

Mme Christine Boutin.

Bien au contraire, perdu entre trois ou quatre visages d'adultes, l'enfant grandira sans trop savoir qui il est, en violation de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 sur les droits de l'enfant, qui rappelle que c'est un droit fondamental pour l'enfant d'être élevé par ses deux parents.

Précisons également que le PACS n'assure pas la protection de l'enfant en cas de rupture de l'association, contrairement à la procédure du divorce, qui, pourtant, n'évite pas, loin s'en faut, toute conséquence négative sur l'enfant.

La grande facilité de rupture du PACS serait donc encore un handicap supplémentaire pour les enfants, qui sont décidément les principales victimes de cet invraisemblable projet de réforme.

Au total, le PACS contribuerait inévitablement à la

« chosification » de l'enfant, qui sera soumis au bon plaisir des adultes, à une époque où notre société tente vainement d'endiguer les atteintes à la dignité des plus jeunes.

M. Michel Herbillon.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

La Convention sur les droits de l'enfant, « grande cause nationale », la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France instituée par l'Assemblée nationale sous la présidence de Laurent Fabius, les efforts déployés pour le démantèlement des réseaux de pédophilie en sont témoins.


page précédente page 07977page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Insémination articifielle des lesbiennes, partenaire masculin utilisé comme « étalon » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , homosexuel désirant être père s'associant avec une lesbienne désirant être mère au terme de curieux « projets de parentalité », mère « donneuse » ou « porteuse », notion de « parenté sociale », toutes ces acrobaties biologiques et sociales pour permettre ou justifier l'accession d'un couple homosexuel à la paternité ou à la maternité semblent relever d'un fantasme narcissique d'auto-engendrement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Daniel Marcovitch.

C'est vous qui devez arrêter de fantasmer !

M. Christian Estrosi.

Silence ! Monsieur le président, calmez-les !

Mme Christine Boutin.

D'où le cri d'alarme lancé par le président de la Conférence des évêques de France :

« On ne peut pas d'un côté avoir pitié de l'enface meurtrie par la dérive des moeurs et, de l'autre, briser les images de la paternité et de la maternité. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

L'enfant, dans sa liberté, sa dignité et sa fragilité serait le grand perdant de ce bouleversement.

Cela fait des années que notre rapporteur travaille sur ce sujet. Il sait ce dont il parle. Ni les paroles rassurantes de diverses personnalités du Gouvernement ni les propos du Premier ministre, le 8 octobre, sur France 2, n'y changeront rien.

Oui, le Premier ministre a menti aux Français, le soir du 8 octobre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Verts. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Ce n'est pas la première fois !

M. Christian Cabal.

C'est un socialiste, c'est normal.

Mme Christine Boutin.

Il y aura bien demain filiation et adoption d'enfants par les couples homosexuels si le PACS est voté !

M. Alain Calmat.

Allez le dire aux Français !

Mme Christine Boutin.

On ne voit pas du reste au nom de quel principe cela pourrait leur être refusé.

Oui, l'enjeu du PACS est d'amener la France à autoriser l'adoption et la procréation médicalement assistée aux personnes homosexuelles ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oh !

Mme Christine Boutin.

Cette hypocrisie discrédite l'ensemble de l'action du Premier ministre et celle de son gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le Premier ministre nous a habitués, c'est vrai, à des propos inacceptables. Certains l'ont même amené à présenter des excuses dans cet hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la République françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Après la prestation télévisée du 8 octobre, nous avons la confirmation que le discours gouvernemental n'est pas toujours illuminé de la clarté et de la vérité que l'on voudrait nous faire accroire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Si nous adoptons aujourd'hui ce « sous-mariage », l'institution républicaine du mariage en sortira bouleversée ou réduite à néant.

Certes, les nombreuses difficultés observées dans la vie des foyers, la multiplication des familles dites « recomposées » ou « nouvelles familles », des familles monoparentales, des divorces et des naissances hors-mariage, sont un argument facile contre l'institution du mariage civil.

M. Alfred Recours.

Sur votre façon de pensée, nous savons maintenant à quoi nous en tenir ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

Mme Christine Boutin.

C'est un argument trop facile, car je maintiens, d'une part, qu'il n'est pas juste de ne regarder que les failles et les échecs et que, d'autre part, beaucoup de ces enfants, nés hors mariage, voient justem ent souvent leurs parents s'engager publiquement devant M. le maire pour eux.

M. Jacques Myard. C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

Il reste que beaucoup pensent aujourd'hui « qu'on ne peut pas résumer l'union entre deux personnes à la seule institution du mariage » comme le déclarait Mme la garde des sceaux - je vous fais plaisir -, interrogée par le journal Le Monde en juin dernier.

On est quand même en droit de répondre qu'il conviendrait au moins, sur la base de ce constat, de s'interroger sur les avantages que la société est en mesure de retirer de ce modèle familial et sur les raisons qui peuvent la pousser à le perpétuer.

Par ailleurs, l'existence du PACS léserait les époux par rapport aux concubins.

M. Alfred Recours.

N'importe quoi !

Mme Christine Boutin.

Prenons l'exemple d'un couple marié qui souhaiterait accueillir sous son toit un membre plus ou moins éloigné de sa famille. L'un ou l'autre des conjoints pourrait vouloir signer un PACS avec cette personne...

M. Alfred Recours.

Vous voulez favoriser le ménage à trois !

Mme Christine Boutin.

... afin de mettre en commun avec lui des moyens matériels, selon l'objectif même assigné par ce texte à la nouvelle institution.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Daniel Marcovitch.

Ridicule ! (Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Estrosi.

Ils ne savent ce que c'est des

« gens mariés » !

Mme Christine Boutin.

Or, cela sera légalement impossible.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 07978page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mais écoutez ! Je vous dis qu'il y a une discrimination entre les personnes mariées et les concubins. Attendez la démonstration ! (Mêmes mouvements.)

Cela vous gêne donc tant !

M. Christian Jacob.

C'est intolérable, monsieur le président. Mme Boutin est continuellement interrompue ! Nous allons demander une suspension de séance.

M me Christine Boutin.

Prenons l'hypothèse d'un couple marié qui accueille sous son toit une personne avec laquelle l'un ou l'autre conjoint aimerait conclure un PACS. Il ne le pourra pas puisqu'il est marié. En revanche, l'un des membres d'un couple de concubins pourra, sans problème, conclure un PACS avec un tiers, ce qui montre bien la discrimination entre les personnes mariées et les concubins.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Estrosi.

CQFD !

M. le président.

J'appelle au retour au calme, mes chers collègues.

M. Daniel Marcovitch.

Un retour au texte surtout !

M. Christian Cabal.

On recommence à zéro !

Mme Christine Boutin.

En tous les cas, il est incontestable qu'il y a discrimination entre les couples mariés et les concubins dans le cadre de ce PACS.

A sous-mariage, sous-divorce. Le PACS, en autorisant la rupture unilatérale consacre l'institutionnalisation d'un sous-mariage dissoluble par répudiation, répudiation qui nous fait pourtant traditionnellement horreur.

M. Christian Jacob.

Eh oui, c'est ça le problème !

M. Patrick Malavieille.

Dissolution !

Mme Christine Boutin.

Mesdames et messieurs de la gauche, le PACS inscrit la loi du plus fort dans la loi républicaine car, dans ce vide juridique, ce sont les plus faibles qui seront pénalisés.

M. Yann Galut.

Alors, votez le texte !

M. Christian Cabal.

Le PACS n'est pas démocratique !

M me Christine Boutin.

En réponse à la petite remarque de M. Bloche lors de la brève réunion de la commission des lois qui a eu lieu,...

M. François Goulard.

Où nous avons assisté à une parodie d'examen du texte !

M me Christine Boutin.

... je citerai le professeur Malaurie : « Les plus faibles, ce sont en général » - a-t-il écrit, et c'est dans ce « en général » qu'est la nuance -,

« la femme et les enfants, car toutes les communautés de vie précaires entre personnes de sexes différents sont par essence antiféministes ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est la conjointe qui subit les conséquences de la dissolution.

Mais que l'on songe aussi à celui des deux contractants qui sera tombé malade et qui, au moment où il aura le plus besoin du « soutien matériel et moral » de l'autre, sera répudié par lui...

M. Daniel Marcovitch.

C'est incohérent !

Mme Christine Boutin.

Que penser de cette attitude ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je pense que vous n'entendez pas ce que je dis. Vous criez tellement fort que vous ne pouvez pas suivre.

(Mêmes mouvements.)

M. Christian Cabal.

Ils sont sectaires.

Mme Christine Boutin.

Messieurs de la majorité, écoutez-moi. C'est pourtant simple ce que j'explique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Liberti.

Simpliste !

Mme Christine Boutin.

L'Etat prêterait son concours à la création de situations injustes ! Certes, elles existent dans la relation de concubinage, mais elles n'ont pas reçu la caution d'un représentant de l'Etat.

Il existe toutefois une possibilité de tourner la difficulté. Il s'agirait de transposer sur le PACS les effets du divorce, beaucoup plus protecteurs. Il est dit en effet que

« les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard. A défaut d'accord, celles-ci sont réglées par le juge. »

Mais s'agira-t-il du versement d'une pension alimentaire, du droit pour le répudié de se maintenir dans le logement, quand bien même il appartiendrait en propre au répudiant, voire du refus du juge de prononcer la répudiation si, par exemple, la rupture a des conséquences aggravantes sur la maladie du contractant répudié ?

« De fil en aiguille, c'est ainsi tout le droit du divorce qu'on en viendrait à réintroduire, tant il est vrai qu'il n'y a pas à côté ou au-dessous du mariage de place pour une autre institution qui viserait à organiser, d'une manière juste et digne de la République, les rapports de l'homme et de la femme désireux d'unir leur vie », commente avec justesse le professeur de droit Leveneur.

Mais, outre le fait que le divorce comporte toujours lui-même sa part d'injustice, rien ne permet de penser que les garanties qu'il offre seraient aisément transposables au PACS, dont nous avons déjà noté le flou juridique.

M. Yann Galut.

C'est un monstre, alors ?

Mme Christine Boutin.

Car un divorce ne s'improvise pas : un bon divorce, si l'on peut employer cet adjectif, veut qu'on ait au préalable réglé avec l'avocat les questions de garde d'enfant, de lieu d'habitation, d'appartement, de droit de visite, de vacances, de budget. Mille problèmes surgissent. A qui reviendra le plan d'épargnelogement ? Les traites à payer ? De toute évidence, ce n'est pas dans le texte du PACS que l'on trouvera la réponse.

La vérité est que le PACS ne répondra aux besoins de personne : ni à ceux des hétérosexuels, ni à ceux des homosexuels.

M. Christian Bataille.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlé de sexe !

Mme Christine Boutin.

Parce que les revendications des personnes homosexuelles sont si variées, parce qu'elles recherchent avant tout une reconnaissance et le respect, le PACS ne leur apportera aucune satisfaction. Pas de reconnaissance sociale à la mairie, pas de filiation, pas de réelle résolution des problèmes liés à la précarité. E t, a vant toute chose, pas de réel changement de regard : parce que ce n'est pas en légiférant que l'on change le regard des gens.


page précédente page 07979page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Si !

Mme Christine Boutin.

Loin d'être un progrès, le PACS constitue une régression pour les couples hétérosexuels.

M. Alfred Recours.

Et le Viagra ?

Mme Christine Boutin.

Vous en avez besoin ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Poursuivez votre propos, madame Boutin.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Loin d'être un progrès, le PACS constitue une régression pour les couples hétérosexuels. Il entend conférer un statut légal aux concubins : le vide juridique doit être comblé, une stabilité juridique doit être, dit-on, organisée ! Ce qui fait dire à

Me Vatier, ancien bâtonnier du barreau de Paris,...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Un homme de gauche !

Mme Christine Boutin.

... qu'on ne peut prétendre

« s'emparer d'un texte pour travestir une précarité voulue dans l'étoffe d'une stabilité organisée et responsable ». La juriste Marianne Schulz note, quant à elle, que « le contrat ne résout pas la situation des concubins hétérosexuels qui ne veulent pas du formalisme rigoureux que requiert le PACS ».

Car le texte constitue, à l'égard des concubins, une énorme régression sur l'état actuel de notre droit. Eux aussi ont été pris en otage par la gauche plurielle.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Calmat.

Le PACS n'est pas obligatoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Christine Boutin.

C'est ainsi que, pour des raisons peut-être techniques ou tenant à la nature des choses - on ne crée pas facilement une institution parallèle au mariage -,...

M. Michel Meylan.

Exactement !

Mme Christine Boutin.

... le PACS parvient à des résultats rigoureusement contraires à ce que souhaitent ses auteurs. C'est une aventure qui arrive de temps à autre aux textes législatifs, surtout lorsqu'ils n'ont pas été convenablement préparés.

M. Michel Meylan.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

En voici quelques exemples : la solidarité, la présomption d'indivision et la rupture. Il y en a d'autres : la capacité, le droit international privé, la réserve successorale, mais je dois me limiter.

M. Alain Barrau.

Ah ça oui ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Prenons le mot de solidarité, dont j'ai entendu se réclamer sur ces bancs, comme peut s'en réclamer l'ensemble de l'Assemblée nationale. C'est un mot admirable : il exprime l'entraide que l'on se doit les uns aux autres, comme y invite la fraternité qui domine notre Constitution.

M. Michel Meylan.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

C'est à elle que se réfère le PACS dans son nom. Mais, dans la langue du droit civil, mes chers collègues, la solidarité, telle qu'indiquée à l'article 1er de la proposition de la loi, a un sens très précis.

M. Jean-Claude Lefort.

Le sens de l'histoire !

Mme Christine Boutin.

Elle impose à chaque partenaire une obligation à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'entre eux pour les besoins de la vie courante.

« Le PACS, continue Me Vatier, règle par définition une situation de fait avec une liberté qui peut exclure la durabilité. Cette liberté engendre intrinsèquement des situations précaires. »

La Cour de cassation a légitimement refusé d'étendre aux concubins la solidarité légalement imposée aux époux par l'article 220 du code civil. Et c'était là traduire la psychologie des concubins : Monsieur n'entend pas du tout être tenu par les dépenses de Madame, et réciproquement.

Au contraire, le PACS n'a pas écarté les emprunts ou les achats à tempérament. Il risque de coûter très cher aux concubins, sans compter l'importance des contentieux.

M. Michel Meylan.

Voleurs de poules ! (Rires.)

Mme Christine Boutin.

D'autant plus que s'ajoute la solidarité fiscale. Chacun des partenaires sera tenu fiscalement au paiement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation, de l'impôt sur la fortune, comme les époux.

Les partenaires du PACS ne savent pas ce qui est en train de leur tomber dessus.

La solidarité est profondément contraire à l'esprit de l'union libre, où règnent la liberté, l'indépendance et le chacun pour soi. La solidarité dans le PACS est une imitation maladroite du mariage, une énorme régression.

M. François Liberti.

Cette page a déjà été lue !

Mme Christine Boutin.

Oui, j'ai été élue.

(Rires.)

Je vous remercie pour mes électeurs et les électeurs de la dixième circonscription des Yvelines.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Liberti.

Et en plus, elle est sourde !

Mme Christine Boutin.

Franchement, c'est vous la République ? C'est vous la démocratie ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

C'est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocartie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Fleury.

Vous la ridiculisez, la République !

M. Michel Meylan.

Ils veulent prolonger le débat !

M. Yann Galut.

Nous sommes en France, pas au Vatican !

Mme Christine Boutin.

Eh bien ! moi, cher monsieur, au risque de vous déplaire, je suis fière de représenter, depuis douze ans, les électeurs de la dixième circonscription des Yvelines (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République).

Tous les habitants de la dixième circonscription des Yvelines ! (Vifs applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Brouhaha.)


page précédente page 07980page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est minable ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, ce n'est pas acceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande un instant d'attention.

Je vous l'ai dit tout à l'heure : le calme est nécessaire, tant ce débat est important. Pour l'instant, aucun d'entre vous ne veut entendre l'autre, même si l'on a pu comprendre que les uns soutiennent Mme Boutin, les autres non.

(« Bravo » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Afin de vous permettre de retrouver un peu de calme, je vous offre un quart d'heure de suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à Mme Christine Boutin.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Elle a tout dit, monsieur le président !

M. Michel Françaix.

Elle ne va pas recommencer au début ?

M. le président.

Madame Boutin, vous avez la parole.

Mme Christine Boutin.

A l'heure où l'on ne semble plus comprendre les raisons de l'intervention de l'Etat en matière familiale, il est très important de rappeler que l'Etat a toujours reconnu que la famille, réalité naturelle, est la première éducatrice de l'enfant. C'est du reste ce que M. Jospin nous a rappelé le 8 octobre dernier.

L'Etat reconnaît à la famille des droits et des devoirs spécifiques que personne d'autre ne peut avoir à sa place et qui se justifient par l'importance particulière et spéciale qu'elle consacre à l'enfant.

L'Etat admet qu'il a besoin de la famille, qui, d'ailleurs, comme réalité biologique, préexiste à tout Etat, quel qu'il soit, pour que le pays soit constitué de citoyens debout, libres et responsables. Mais avant d'avoir des citoyens debout, il faut toutefois avoir des citoyens tout court. Et on ne peut élever que des enfants qui ont été mis au monde. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Je suis ravie de vous amuser.

M. Jean-Claude Lefort.

Même les sourires, Mme Boutin ne les aime pas !

Mme Christine Boutin.

Je dis des choses normales. Ça vous fait rire. C'est agréable, du reste, de vous voir rire.

M. Christian Cabal.

Un rien les amuse !

Mme Christine Boutin.

C'est pourquoi l'autre raison du soutien financier et moral de l'Etat aux familles tient à la reconnaissance du service démographique qu'elles rendent à la société : ce sont les familles qui permettent au pays de renouveler et d'accroître sa population.

Mais quelle est l'institution qui constitue le lien entre la vie privée des couples et la société ? C'est l'engagement des époux dans le mariage. On pourrait dire que le mariage est comme une « promesse de service » : par lui, en effet, l'Etat a connaissance des intentions de procréation et d'éducation du couple, qui justifieront le soutien de l'Etat. Par le mariage, l'Etat a connaissance de l'engagement de deux personnes à être solidaires et à se soutenir. Grâce à ce mariage, si l'un des deux époux est dans le besoin, la responsabilité de lui venir en aide reviendra en premier lieu à son conjoint et non à l'Etat. Or le texte que l'on nous propose aujourd'hui est dangereux,...

M. Christian Cabal.

Très dangereux !

Mme Christine Boutin.

... parce qu'il attaque directement l'acte fondateur de l'engagement des époux qui est la base de la société.

Certes, un père, une mère et des enfants, sont une réalité naturelle, à la fois biologique et spirituelle, qui, au sens strict, n'a pas besoin d'institution pour exister. Et pourtant, il est étonnant de constater que toutes les sociétés, quel que soit leur degré d'évolution, ont connu ou connaissent le mariage. Pourquoi ? L'expérience commune des civilisations conduit à donner deux réponses. D'abord, la sexualité est une force puissante et moralement complexe : elle engendre le don à autrui, mais aussi la convoitise de l'autre. Elle doit donc être régulée et canalisée pour construire et non détruire la vie sociale, et pour que les plus faibles, en particulier, ne soient pas la proie des plus forts.

D'où l'importance, aux yeux de la société, de l'engagement public du mariage, de la stabilité du lien, de la volonté affirmée de durer, de l'expression des droits et devoirs réciproques des époux et de ceux qu'ils auront à l'égard de leurs enfants.

Ensuite, le mariage donne à la société le modèle fondamental qui lui permet de se constituer et de durer. Il n'y a pas de société possible sans engagement des personnes les unes envers les autres, sans contrainte acceptée et solidarité voulue, sans confiance a priori , sans espérance dans l'avenir, sans dépassement de soi-même et acceptation d'une fécondité partagée.

Mais toutes ces choses-là ne vont pas de soi. On le voit bien aujourd'hui avec le déchaînement de la violence dans nos sociétés urbaines. La tendance naturelle de l'être humain va davantage à la satisfaction immédiate de ses volontés, fût-ce au détriment d'autrui, qu'au respect et au service des autres.

Il faut donc qu'il y ait un modèle, universel et attirant, qui fasse la preuve par son existence que la vie sociale est possible. Le mariage est ce modèle. C'est pourquoi toutes les civilisations le reconnaissent, parce que l'amour entre un homme et une femme, le désir d'enfant que cet amour engendre en eux, et la volonté de l'élever ensemble tout au long des années de sa croissance sont des sentiments assez forts et universels pour susciter le souhait d'une institution qui les protège.

Les circonstances, les modalités, les formes du mariage varient suivant les époques et les lieux, mais le mariage a toujours été orienté vers l'éducation des enfants symboles de l'ouverture à l'autre et du risque assumé face à l'avenir.

Et c'est parce que le mariage a fait ses preuves depuis des siècles que, partout dans le monde, les sociétés n'ont pas eu peur de bâtir des institutions fondées sur la parole donnée, l'engagement dans la durée, l'association acceptée des droits et des devoirs, le service des autres.


page précédente page 07981page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

En échange, les sociétés savent que leur avenir dépend de la solidité de leur cellule de base. Cela crée aux Etats des devoirs envers elle, qui ne sont pas que la conséquence logique, pour des sociétés qui ne veulent pas mourir, de leur propre instinct de conservation.

Je me permets maintenant d'appeler votre attention sur l'étonnement que nous devons avoir de l'insistance avec laquelle on parle des échecs du mariage. Il est vrai que le nombre des divorces a beaucoup augmenté depuis vingt ans. Et quelle famille française n'en connaît pas parmi ses proches ? Les difficultés, les désarrois de notre société que j'ai déjà évoqués ne sont certainement pas pour rien dans ces ruptures. Mais, en dépit de tout cela, ne l'oublions pas, mes chers collègues, deux mariages sur trois tiennent bon. C'est cette solidité dans la tempête qui devrait nous f rapper. Qu'en déduire, sinon que l'institution du mariage, par sa cohérence interne et la protection qu'elle offre dans la durée aux parents comme aux enfants, garde une force d'attraction puissante ? Dans le contexte du chômage, de la précarité et de la perte de sens qui affectent une large partie de la population, la famille apparaît comme un rempart. Elle est un formidable amortisseur de crise, comme l'a souvent évoqué la sociologue et psychologue Evelyne Sullerot, pour qui « aucun Etat ne saurait remplacer le tissu des solidarités familiales pour éviter l'exclusion » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le premier devoir de l'Etat, aujourd'hui, est donc de rendre à la famille déboussolée la conscience de son rôle.

Il est urgent de réhabiliter le mariage civil, dans toute l'ampleur et la dignité de ses engagements. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), d'aider les familles à sortir de la précarité matérielle et à assumer toutes leurs fonctions éducatives, par des allocations substantielles et ouvertes à toutes, mais aussi par un soutien moral. Il est urgent d'aider la famille à affirmer, face aux enfants, les repères d'identité et les repères moraux qui sont indispensables à leur croissance équilibrée comme à l'équilibre social général. Or comment imaginer, interroge Me Vatier, que le PACS puisque les partenaires s'obligeraient mutuellement à vivre en commun et se donneraient soutien matériel et moral - ne puisse pas porter atteinte à l'institution même du mariage ? Vous voyez qu'il n'y a pas que moi qui pose ce genre de questions et qui, en tous les cas, ces questions méritent d'être posées au fond.

M. Jacques Myard.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

C'est ce qui fait dire également à notre collègue Guy Teissier (« Ah ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dans une récente livraison de la revue Horizons politiques : « Il est de la responsabilité de l'Etat, et donc de ses gouvernants, d'encourager et de valoriser la famille et le mariage, et non, comme le propose Mme la garde des sceaux, de concurrencer cette réalité biologique et culturelle par des formes juridiques nouvelles qui confondent choix personnel et intérêt collectif .» (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

On ne saurait mieux dire.

M. René André et

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame Guigou n'écoute pas !

Mme Christine Boutin.

C'est vrai ! Le mariage doit être revalorisé pour redonner confiance à l'ensemble de la France. Depuis des années, avec gourmandise, il est de bon ton de souligner le nombre de divorces, le nombre d'unions libres et de « ringardiser » le mariage. (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union p our la démocratie française-Alliance.)

Les modernes seraient les concubins, les conservateurs ceux qui se marient, les réalistes ceux qui ne se marient pas compte tenu du nombre d'échecs, les idéalistes et les rêveurs ceux qui se marient. Eh bien, non, mes chers collègues ! L'Etat, les responsables politiques que nous sommes, pour l'intérêt bien compris de notre pays, doivent donner ses lettres de noblesse au mariage civil.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ils doivent féliciter et encourager ceux qui prennent le pari de s'engager pour la durée, malgré les difficultés et les aléas de la vie.

Car s'engager dans le mariage, dans une entreprise, dans une action, c'est faire le pari de l'espérance en l'avenir. Ce n'est pas être utopique et ce n'est pas condamner ni juger ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas s'engager. C'est affirmer - ce que nous avons oublié de dire depuis des années - que le mariage est là pour protéger le plus faible au moment des difficultés et que c'est le prix à payer par l'Etat de l'engagement libre de cet homme et de cette femme qui se marient civilement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale Indépendants.)

M. Alfred Recours.

Et le mariage religieux ?

M. Jean-Michel Ferrand.

N'élevez pas trop le débat, madame Boutin ! Ils ne pourront plus suivre !

Mme Christine Boutin.

« Ce dispositif culturel », note le sociologue Guy Coq, « est probablement l'un des fondements qui ont permis la civilisation légitimant la démocratie. » Excusez du peu

! Il poursuit : « En cédant aux facilités de la démagogie individualiste, on affaiblit dans les structures les principes qui rendent possible une certaine civilisation. » Et il ajoute que le PACS pose un acte

de plus dans le sens de la déconstruction de la société civile par l'Etat et sa loi.

M. Gaëtan Gorce.

Finissons-en !

Mme Christine Boutin.

Il est à la mode aussi de laisser croire qu'un amour pur, un amour vrai, dépouillé, n'a pas besoin « d'un sceau au bas d'un parchemin ». Cela est beau, admirable, mais dénué de toute réalité. La vie a pprend que l'amour, comme toute construction humaine, a besoin, parce qu'il peut y avoir rupture, de s'appuyer sur un certain nombre de règles du jeu : celles de la vie en société. C'est aussi la justification du mariage civil. Cela nous amène donc à évoquer le rôle de l'Etat par rapport à l'évolution des moeurs.

M. Jean-Louis Debré.

C'est une bonne question.

Mme Christine Boutin.

Dans cette opposition de la famille et du mariage, d'un côté, et du PACS de l'autre, on semble avoir choisi son camp.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !


page précédente page 07982page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Les promoteurs du projet nous proposent une contrefaçon du mariage, au motif que le droit doit s'adapter aux moeurs. Quelle triste conception du droit ! Le voici rabaissé à un simple moyen d'enregistrement des faits de société.

Et pourtant, le droit que nous appliquons dans notre pays est enraciné dans notre histoire, notre culture et une tradition plusieurs fois séculaire. Il est le reflet de la conception que nous avons de la dignité de la personne et des relations sociales. Certes, la société évolue et le droit aussi. Mais le droit garde c'est sa fonction - un rôle régulateur.

France Quéré, sociologue protestante, nous disait : « Le droit est fait pour mettre de la clarté dans les faits, et de la hiérarchie entre les valeurs. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Et non de l'ambiguïté !

Mme Christine Boutin.

Le droit a donc vocation à régir la société. Et il est ridicule de se contenter d'adapter le code civil à l'évolution des moeurs, sous peine de devoir, sous peu, adapter les fondements de notre ordre juridique à l'assassinat de hauts fonctionnaires en Corse !

« Le développement de la délinquance ne justifie pas la disparition du droit pénal », disait le conseiller Jean-Luc Aubert.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Certains modes de vie ne sont d'aucun bénéfice pour le corps social, soit neutres, soit néfastes et le droit ne doit jamais s'y conformer. Certaines évolutions sont positives, mais toutes n'ont pas pour autant vocation à être expressément consacrées par le droit.

De ce fait, l'Etat ne peut reconnaître que deux réalités constitutives de la société, les individus et les familles, ces dernières étant fondées sur l'engagement d'un homme et d'une femme, qui passe naturellement par le mariage civil. On répondra peut-être que la France, l'Etat, reconnaît aussi, aujourd'hui, le concubinage, et que les choses ne sont pas si simples.

Il est vrai qu'il y a là une contradiction. En reconnaissant des droits spécifiques aux concubins, l'Etat est sans doute allé ces dernières années aux limites de ce qu'il peut faire sans saborder ses fondements. Mais, à tout le moins, le concubinage entre un homme et une femme reste-t-il dans l'ordre de la nature qui préexiste à toute société. Et l'attitude de l'Etat peut se donner pour justification la non-discrimination à l'égard des enfants issus de ces unions.

M. Jacques Myard.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

C'est aussi ce que disait Adeline Hazan, secrétaire nationale du parti socialiste aux questions de société, en réaffirmant son opposition à l'attribution d'un statut aux compagnons homosexuels :

« On ne va pas interdire aux gens de vivre comme ils le veulent. Pour autant, est-ce que la loi doit le légaliser ? C'est autre chose. »

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Le rôle de l'Etat, répétons-le, est de donner un cadre légal aux liens interpersonnels qui assurent le renouvellement des générations et garantissent l'avenir de la société. M. Rioufol, il y a peu de temps, d isait : « Cette reconnaissance d'un droit particulier destiné à un groupe précis est une entorse supplémentaire à la loi commune. De plus en plus, le communautarisme impose à la collectivité ses droits à la différence. L'esprit initial de la loi républicaine s'appliquer indifféremment à tous - n'est plus aujourd'hui respecté. L'individu triomphant porte en lui le risque de l'éclatement social. »

C'est dire a contrario que le devoir de l'Etat est de favoriser par des incitations, par des protections législatives, les projets familiaux qui se construisent dans la durée, favorisent le renouvellement des générations et l'éducation des enfants et, par là même, les conditions de la stabilité sociale, par rapport aux projets stériles et éphémères.

On trouve bien normal que l'Etat favorise dans l'ordre économique des projets qui créent de l'emploi durable au lieu de certains comportements d'épargne ou de profit immédiat jugés moins intéressants pour l'intérêt génér al. A fortiori , l'Etat doit soutenir le projet des familles, qui conditionne bien davantage à court, moyen et long termes, l'avenir de notre société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Sous couvert de l'évolution des moeurs et des modes de vie, l'Etat et donc le droit devraient se faire les symboles de la neutralité morale.

Le président du collectif du CUCS dit : « Quant au sujet qui nous intéresse, le droit ne doit pas imposer de valeurs. Il doit se contenter de réglementer les choix opérés par la société. »

Dans le même sens, après les différents replis stratégiques effectués pour ne pas inquiéter l'opinion, le Premier ministre lui-même a évoqué il y a peu la neutralité de l'Etat à l'égard des comportements privés pour expliquer que, décidément, il était déraisonnable de ne pas voter le PACS. Outre que ce principe relève d'une utopie qui fait moderne, il est contraire au rôle même de l'Etat, contraire à des pans entiers de notre droit, et il est impossible à mettre en oeuvre, car l'Etat n'est jamais neutre.

L'Etat, dont le rôle est d'assurer la sécurité et la pérennité du corps social, est tenu en permanence de faire des choix, qui s'incarnent dans des décisions opérationnelles.

Ces choix reposent forcément sur une vision particulière du monde, de la cité, des corps intermédiaires et de leur rôle, et en dernier ressort sur une conception particulière de l'homme. Ces décisions ont des conséquences sur la vie quotidienne des gens ; c'est même en raison de ces conséquences qu'elle sont prises.

Dira-t-on que ces conséquences sont neutres alors même que le rôle avoué de l'Etat et du Gouvernement consiste à faire évoluer le corps social ? Non : cette idée d'une neutralité de l'Etat est intenable et n'est pas conforme à son rôle.

L'Etat est obligé de soutenir les comportements individuels dans de nombreuses situations. Sous l'éclairage qui nous intéresse aujourd'hui, on peut en dégager deux.

La première touche à l'utilité sociale des institutions qui autorisent ou réglementent les comportements utiles à la prospérité d'un pays. C'est exactement pour cette raison que l'Etat a toujours, depuis l'instauration du mariage républicain, en 1792, favorisé l'institution matrimoniale, et à peu près toujours ignoré les personnes qui ne voulaient pas vivre dans ce cadre.

La seconde concerne l'ensemble des cas où les personnes ou les familles se trouvent dans une situation délicate. Tous ces cas ne relèvent pas forcément de choix


page précédente page 07983page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

individuels, mais beaucoup en dépendent, cependant.

Ainsi l'Etat verse-t-il l'allocation de parent isolé sans tenir compte des raisons de l'isolement. Ainsi l'Etat vient-il en aide à des personnes qui sont victimes de la faiblesse de leur propre volonté et sombrent de ce fait dans les diverses formes de toxicomanie. Ainsi l'Etat rembourset-il les procréations médicalement assistées, dont la décision est par excellence personnelle. Ce ne sont là que trois exemples, mais il y en a bien d'autres.

Au nom de la neutralité de l'Etat, faudra-t-il revenir sur ce qui est considéré, à juste titre, comme des aides sociales légitimes, dont l'origine se trouve dans des comportements personnels ? Le Premier ministre est-il prêt à remodeler complètement les aides sociales au nom du principe de neutralité de l'Etat ? J'espère, madame le ministre...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Madame la ministre !

Mme Christine Boutin.

... que vous voudrez bien répondre sur le problème de la neutralité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Henri Cuq.

Très bien !

M. Arnaud Lepercq.

Mme la ministre est en service commandé !

Mme Christine Boutin.

Cela en tout cas a été un argument fort, récemment employé par le Gouvernement pour justifier le PACS. Le débat prendrait alors des formes inattendues.

Le Premier ministre, en soutenant ce texte, prend position, et n'est donc pas neutre. Ce texte, en créant une nouvelle situation juridique, prend position vis-à-vis du mariage, du concubinage, des homosexuels, des frères et soeurs, et n'est donc pas neutre.

Cette belle phrase prononcée par M. Jospin sonne bien aux oreilles : « Le PACS est la preuve de la neutralité de l'Etat à l'égard du comportement privé ». C'est une illusion, une utopie, au pire un mensonge.

M. Bernard Schreiner.

Démission !

Mme Christine Boutin.

En soutenant le PACS, le Gouvernement va à l'encontre de sa mission et détournerait le droit de son but, qui est d'organiser la société en vue de sa pérennité. Ce texte aboutirait à cautionner un comportement élevé au rang de norme car ce qui est légal, vous le savez bien mes chers collègues, devient moral.

Il est donc vrai de penser que les dispositions légales, en reconnaissant l'homosexualité, vont amplifier le phénomène et faire disparaître toute idée de normalité dans le comportement sexuel et les moeurs. C'est d'ailleurs l'objectif avoué des partisans du CUCS. Il n'y a rien de neutre dans tout cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Cuq.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

De plus, cette position de l'Etat contribuera à la déstructuration de la société. En se dégageant ainsi depuis quelques années, l'Etat prive la vie affective de normes sociales. Cette confusion est déstructurante et la multiplication de droits subjectifs individuels désocialise progressivement les individus et morcelle la société. En mettant sur le même plan, sans distinction ni hiérarchie, le mariage et le non-mariage, l'union entre un homme et une femme et l'homosexualité, le PACS n'est pas neutre : il est source de désordre et d'incertitude.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Gaëtan Gorce.

Finissez-en !

Mme Christine Boutin.

Les souffrances profondes de notre société ne trouveront certainement pas leur remède dans le démantèlement des principes de base qui la fondent. La République a bon dos.

Mais on ne peut pas lui faire dire le contraire de ce qu'elle a toujours proclamé. Il y a incontestablement une grande hypocrisie, de la part des promoteurs du PACS, à v ouloir graver leur projet dans le marbre de la République, tout en insistant sur la nécessaire neutralité de l'Etat, qui ne doit favoriser aucun modèle familial particulier.

M. Jacques Myard.

Hypocrisie !

Mme Christine Boutin.

C'est oublier que l'Etat et la République ne sont pas neutres, ne l'ont jamais été, au regard du mariage, de la famille et du droit de la famille.

La neutralité de l'Etat, dans quelque domaine que ce soit, est une utopie. Même l'abstention n'est pas neutre et reflète un certain choix.

C'est un mensonge que de se proclamer neutre en voulant rendre équivalents divers modèles prétendus familiaux. Cela n'a rien à voir avec les valeurs de la République.

Je demande à M. le Premier ministre comment, dans cette logique de déstructuration du tissu social, qui substitue l'individualisme et le relativisme éthique à l'intérêt général et à la nécessaire référence aux principes fondateurs de la société, il empêchera que d'autres modes d'union légale ne voient le jour ? Qui empêchera des communautés culturelles en marge de la République de réclamer un contrat spécial à leur usage qui rendrait licite en France des usages et coutumes que sa tradition réprouve ? En clair, au nom de cette fameuse neutralité, M. Jospin est-il prêt à accepter la polygamie en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Caricature !

M. Albert Facon.

Ridicule !

M. Didier Boulaud.

C'est quoi, au fait, la polygamie ?

Mme Christine Boutin.

Ces différents éléments présentent chacun un ou plusieurs motifs d'inconstitutionnalité, que je voudrais maintenant exposer en détail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Roman.

Est-ce que l'opposition pourrait faire moins de bruit ? On n'entend plus rien !

M. le président.

Veuillez poursuivre, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

J'ai, quant à moi, relevé douze motifs d'inconstitutionnalité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), et il me faudra du temps pour les développer.

Lorsque nous avons retracé, tout à l'heure, les principales étapes historiques de cette proposition de loi, nous avons vu combien il était difficile, pour ne pas dire impossible, à l'opinion publique de se faire une juste opinion des enjeux véritables de ce texte.


page précédente page 07984page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

On ne peut pas camoufler ses véritables intentions à l'opinion publique tout en clamant partout...

M. Michel Meylan.

Voleurs de poules ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

... que ce texte est fondateur, révolutionnaire, décisif pour la modernité de notre société. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Il va falloir, encore une fois, rétablir le calme ! Ça suffit comme ça !

M. Didier Boulaud.

C'est l'opposition qui est responsable !

M. le président.

Ma remarque vise tous les bancs ! Il n'y en a pas un pour racheter l'autre ! Maintenant, taisezvous et écoutez Mme Boutin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Si l'on considérait que le peuple français n'est pas souverain et adulte, qu'il n'est pas capable de comprendre les enjeux de ce qui lui est proposé et de se prononcer sur ces enjeux, on n'aurait pas fait autrement. Je concède que ce premier élément de critique relève davantage de l'esprit que de la lettre, et que la souveraineté populaire ne peut être exprimée directement sur chacun des textes que nous votons.

Mais il me semble tout de même que le Gouvernement aurait pu veiller à clarifier les termes du débat pour informer l'opinion, plutôt que de masquer les intentions profondes du texte, de peur que l'opinion ne manifestât alors son opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Car il me semble que le principe même de la démocratie consiste dans l'information juste et claire des citoyens, cela étant d'autant plus vrai que les dispositions que l'on s'apprête à prendre sont présentées comme fondatrices.

Toujours dans le même ordre d'idées, quelques-uns de nos collègues se sont étonnés du peu de travail effectué en commission.

M. Jacques Myard.

Et pour cause !

Mme Christine Boutin.

Là encore, compte tenu de ce que la majorité et le Gouvernement disent de l'importance de ce texte, ils ont raison. Et la remarque est vraie pour les deux versions de ce texte, qui sont identiques.

Notre assemblée est habituée à d'autres pratiques et à d'autres procédures lorsqu'il s'agit de traiter un texte considéré comme important. On nomme une commission spéciale. On élabore un programme d'auditions dans lequel on tâche de respecter l'équilibre entre les différentes tendances, positions ou écoles en présence. Ici, rien de tout cela n'a été fait, parce que vous avez pris la décision de représenter ce texte en dépit du rejet prononcé par notre assemblée le 9 octobre dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'exprimerai un deuxième regret, portant sur l'organisation des débats, dont notre Constitution se préoccupe, notamment au regard des deux institutions que sont le Conseil d'Etat et le Conseil économique et social, et notre collègue Donnedieu de Vabres a déjà insisté sur ce point en commission.

Il est fort dommage que l'avis du Conseil d'Etat n'ait pas été sollicité. Je partage, en effet, la position de notre collègue, selon qui les imperfections juridiques nombreuses et importantes de ce texte auraient mérité un coup d'oeil éclairé et débarrassé des contraintes politiciennes.

C'est vrai, rien n'obligeait le Gouvernement à demander son avis à la plus haute instance administrative. Mais il est également vrai que la saisine du Conseil d'Etat par le Premier ministre est de plein droit, en toute circonstance et sur tous les textes de son choix, lorsque, bien entendu, la matière et la forme du texte ne sont pas tels que la saisine soit obligatoire et codifiée.

M. Yves Bur.

Ils ont eu peur !

Mme Christine Boutin.

On m'accordera que le fait de solliciter cette instance sans qu'aucun texte n'y contraigne aurait constitué la marque d'une attention soucieuse de respecter les fondamentaux juridiques de notre pays et de donner un peu d'assurance à la proposition. Tel n'a pas été le cas, faute de temps sans doute, et par volonté de précipitation.

De même, la saisine du Conseil économique et social, prévue aux articles 69 et 70 de notre Constitution, eût été opportune.

M. Christian Cabal.

Oh oui !

Mme Christine Boutin.

Je sais bien que cette saisine n'est pas obligatoire et que la jurisprudence constitutionnelle considère que l'obligation de saisir ne s'applique que sur les « programmes économiques et sociaux », c'està-dire ceux qui, selon le commentaire de M. Carcassonne, engagent l'Etat sur des dépenses précises en matière économique et sociale.

Toutefois, l'article 70 de la Constitution mentionne que la troisième chambre est compétente pour tous types de sujets « de caractère économique ou social » et qu'en conséquence, elle peut être saisie à tout moment par le Gouvernement.

Il n'est pas nécessaire d'argumenter très longtemps...

M. François Loncle.

Ça non !

Mme Christine Boutin.

... pour démontrer que la PACS est un texte de caractère économique et social et que, de ce fait, il entre dans les compétences du Conseil.

M. Christian Cabal.

C'est sûr !

Mme Christine Boutin.

La conjonction des impacts du PACS sur la famille et la politique familiale, d'une part, et de la manière habituelle dont le Conseil économique et social s'est prononcé sur les dossiers de caractère familial, d'autre part, ne laissent subsister aucun doute.

M. Christian Cabal.

C'est bien vrai !

Mme Christine Boutin.

Là encore, le texte constitutionnel dit bien que le Gouvernement « peut » saisir ou que le Conseil économique et social « peut être » saisi.

M. Christian Cabal.

Bien sûr !

Mme Christine Boutin.

La discussion du texte qui nous est soumis ne fait pas montre d'une telle inflation démocratique que l'usage de ce pouvoir gouvernemental discrétionnaire fût apparu comme superfétatoire.

Mais voilà, mesdames, messieurs, toutes ces occasions de débattre auraient peut-être pu être saisies si vous aviez respecté le délai d'un an que le règlement de l'Assemblée nationale contraint à respecter avant de représenter une proposition de loi repoussée. (Applaudissements sur les


page précédente page 07985page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez préféré la précipitation et l'urgence sur un sujet qui ne comporte pas particulièrement de motif d'urgence, sauf peut-être, là encore, politicien et partisan, et j'y reviendrai. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Le mode que vous avez choisi expose de nouveau le texte à l'irrecevabilité pour ce premier motif.

M. Christian Cabal.

Tant pis pour eux !

Mme Christine Boutin.

Faisons un peu d'histoire.

Le vendredi 9 octobre dernier, la proposition de loi portant création du PACS a été rejetée parce que considérée irrecevable sur proposition de notre collègue JeanFrançois Mattei.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'article 84, alinéa 3, du règlement de notre assemblée dispose que dans ce cas « les propositions repoussées par l'Assemblée nationale ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an », étant entendu que l'adoption de l'exception d'irrecevabilité par l'Assemblée est sans aucun doute une cause de rejet, s'il faut en croire l'article 91, alinéa 4, du même règlement, qui précise qu'« il ne peut ensuite être mis en discussion et aux voix qu'une seulee xception d'irrecevabilité dont l'objet est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles et une seule question préalable, dont l'objet est de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer. L'adoption de l'une ou l'autre de ces propositions entraîne le rejet du texte à l'encontre duquel elle a été soulevée ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Cabal.

C'est évident !

Mme Christine Boutin.

J'ai lu des commentaires étonnants sur la décision qu'avait prise notre assemblée. On a pu, par exemple, dans le rapport du 14 octobre de la commission des lois,...

M. Jacques Myard.

Il n'y en a plus !

Mme Christine Boutin.

... parler de l'adoption de cette exception d'irrecevabilité comme d'un « détournement de procédure ».

(Exclamations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Cabal.

C'est scandaleux !

Mme Christine Boutin.

On a également déclaré, toujours selon le rapport de la commission, que « la démonstration de l'inconstitutionnalité du PACS n'occupait que quelques lignes dans l'intervention de notre collègue Mattei » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République) ou encore que « cette motion de procédure doit son adoption à un rapport numérique momentanément favorable à l'opposition plutôt qu'à la démonstration du caractère inconstitutionnel du texte issu des travaux en commission. »

(Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Christian Cabal.

C'est scandaleux !

M. René André.

Révoltant ! Suspendez, monsieur le

président

!

Mme Christine Boutin.

Tout cela est écrit dans le rapport officiel de la commission des lois de l'Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Essayez de retrouver votre calme et de laisser poursuivre Mme Boutin, je vous prie !

Mme Christine Boutin.

Ces raisons n'ont qu'une justification : légitimer la nouvelle présentation du texte instituant le PACS devant notre assemblée. Mais elles me paraissent bien insuffisantes, et c'est ce que je vais, mes chers collègues, vous démontrer.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Premièrement, aucun des textes régissant le déroulement des débats ne fait état d'une quelconque quantité minimale de mots, d'une espèce de « plancher quantitatif » qu'il conviendrait de respecter pour assurer le poids d'une démonstration d'inconstitutionnalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette démonstration d'inconstitutionnalité tiendraitelle en une seule phrase dans un long discours que rien ne serait pour autant ôté à sa pertinence.

M. Arthur Dehaine et M. Eric Doligé.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

Il s'agit ici de conformité de dispositions législatives avec un ou des principes, et les principes logiques comme les principes juridiques ont rarement à voir avec la quantité.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Vous avez bien raison !

Mme Christine Boutin.

Deuxièmement, la notion de

« rapport numérique momentanément favorable » n'a qu'un poids réglementaire faible, mes chers collègues. Elle prêterait même à rire si elle ne cachait pas des intentions presque inavouables.

M. Christian Cabal.

Lesquelles ?

Mme Christine Boutin.

Je pense que cela peut être intéressant pour M. Ayrault, président du groupe socialiste. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Cabal.

Les héros sont fatigués !

M. le président.

Chers collègues, je vous prie encore une fois de retrouver votre calme ! Madame Boutin, puis-je vous demander de ne pas interpeller nos collègues afin qu'ils vous laissent parler ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

La gauche est gênée qu'on lui rappelle son absence du 9 octobre ! (« Oui ! oui ! » sur les bancs du goupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La notion de « rapport numérique momentanément favorable », disais-je, n'a qu'un poids réglementaire faible et elle prêterait même à rire si elle ne cachait pas des


page précédente page 07986page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

intentions presque inavouables. Aucun de nos textes ne fait obligation aux parlementaires de l'opposition d'être en nombre moins élevé que leurs collègues de la majorité lors des séances que tient notre assemblée, et vous voudrez bien m'en accorder le crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Aucun texte constitutionnel, aucun texte organique, aucun texte réglementaire ne mentionne l'existence de seuils d'effectifs à partir desquels les dispositions prises par notre assemblée seraient valides ou invalides. La seule réalité est celle de notre règlement. L'exception d'irrecevabilité est « mise en discussion et aux voix », pour reprendre les termes de l'article 91, alinéa 4.

Et que je sache, le seul compte qui fasse loi est celui que notre règlement fixe en son article 68, alinéa 1 :

« Sous réserve de l'application de l'article 49 de la Constitution, les questions mises aux voix ne sont déclarées adoptées que si elles ont obtenu la majorité des suffrages exprimés. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Rappelons également que, comme l'indique l'article 61 de notre règlement, la notion de quorum n'a pas cours ici. L'article 61 indique en effet, en son alinéa 1, que

« l'Assemblée est toujours en nombre pour délibérer et régler son ordre du jour », et, en son alinéa 2, que « les votes émis par l'Assemblée sont valables quel que soit le nombre des présents ». (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Les résultats du vote du 9 octobre sont donc parfaitement conformes au droit, et en particulier à notre règlement.

M. Jacques Myard.

C'est une bonne leçon !

Mme Christine Boutin.

Il est plus qu'étonnant de voir invoquer de prétendus « détournements de procédure » ou je ne sais quel « rapport numérique momentanément favorable » pour faire paraître illégitime le vote du 9 octobre dernier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce vote est pleinement légitime. Il est en tous points respectueux de la pratique de notre assemblée. C'est donc de plein droit que les articles 91, alinéa 4, et 84, alinéa 3 de notre règlement s'appliquent en la circonstance.

M. Charles Cova.

Il ne sont pas fiers !

M me Christine Boutin.

Dès lors, deux questions peuvent se poser.

La première est la suivante : avait-on le droit de reproduire cette proposition de loi avant le délai d'un an ? (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La seconde est celle-ci : qu'est-ce qui détermine qu'une proposition de loi présentée avant l'écoulement du délai d'un an est la même que la proposition précédente ? (« Rien ! » sur les mêmes bancs.)

On pourrait débattre sans fin sur le point de savoir si la nouvelle proposition de loi est la même ou non que la précédente.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est la même !

M. Charles Cova.

C'est de la décalcomanie !

Mme Christine Boutin.

Quelques indices permettent tout de même de ne pas douter de cette identité. Il s'agit bien du même nom : le pacte civil de solidarité. La volonté de légiférer est bien la même : il s'agirait de réduire les inégalités et de remédier à la précarité. Les dispositions sont bien les mêmes, tant contractuelles que fiscales et sociales. De la même manière, les arguments n'ont pas changé...

M. Christian Cabal.

Ils sont aussi mauvais !

M. Jean Ueberschlag.

Le ministre non plus n'a pas changé !

Mme Christine Boutin.

Les promoteurs du texte produisent les mêmes raisons, et les opposants n'ont pas jugé utile de modifier leur argumentation, pensant certainement que sa première forme est largement suffisante pour contrer le deuxième état du texte.

D'une certaine manière, du point de vue de l'esprit, nous discutons bien du même texte.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Faudrait-il alors considérer que deux dispositions nouvelles font différer ce texte de sa version précédente ?

M. Jacques Myard.

Raisonnement bidon !

Mme Christine Boutin.

L'incorporation des fratries et le fait que la préfecture, avant un amendement de la commission, soit désormais le lieu prévu pour l'enreg istrement du PACS modifient-ils radicalement le contenu de la proposition ? (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Non ! C'est évident ! C'est une opération cosmétique !

M me Christine Boutin.

Quelques mots seuls ont changé au nom desquels on a cru légitime de réinscrire ce texte à l'ordre du jour, en dépit de l'article 84, alinéa 3, du règlement de notre assemblée.

Je suis au regret de dire solennellement que, si détournement de procédure il y a,...

M. Michel Terrot.

C'est de la forfaiture !

Mme Christine Boutin.

... ce n'est certainement pas le fait des députés de l'opposition qui, le 9 octobre, ont pris part au débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ces députés ont subi les artifices du « contre la montre » et les figures de gauche imposées. Ils ont mêmee ntendu un ministre du Gouvernement relire une deuxième fois son texte à la tribune de l'Assemblée nationale. Ils ont en tous points respecté le règlement de notre assemblée.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce détournement de procédure est certainement le fait de la majorité qui, engoncée dans ses problèmes internes et externes, désireuse de se refaire une image dans l'opinion (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste), dénature le droit parlementaire pour s'en servir à son profit.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union


page précédente page 07987page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Vas-y, Christine !

Mme Christine Boutin.

Je suis également au regret de dire que le président Fabius,...

M. Jacques Myard.

Il n'est pas là !

Mme Christine Boutin.

... dans sa missive aux commissaires aux lois de l'opposition, devrait renverser son argument.

Il faut réinscrire la proposition de loi sur le PACS, disait-il, à moins de limiter gravement l'initiative parlementaire telle que décrite dans l'article 39 de la Constitution.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Il me semble au contraire que l'initiative parlementaire ne peut être garantie que si les décisions de l'Assemblée sont respectées...

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Arnaud Lepercq.

Et surtout par son président !

Mme Christine Boutin.

... du moment que la manière dont elles sont prises est conforme à son règlement.

Comment pourrait-il en être autrement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Or n'avons-nous pas entendu les représentants du Gouvernement, en tête desquels le ministre Vaillant, le soir même du 9 octobre, mépriser la décision de l'Assemblée au point de dire que le texte serait réinscrit sous quinzaine ?

M. Jacques Myard.

Tartarin !

M. Michel Terrot.

Forfaiture !

Mme Christine Boutin.

N'a-t-on pas entendu les représentants de la majorité parlementaire déclarer immédiatement que le vote du 9 octobre était entaché d'invalidité au seul motif que la majorité n'était pas présente ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je l'ai dit et je le répète : la seule manière de garantir l'initiative parlementaire est de respecter la décision du Parlement, qu'elle plaise ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Hervé de Charette.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Celle du 9 octobre ne vous a pas plu. C'est possible. Et vous avez regretté l'absence des députés ce jour-là. Je le conçois. Mais lorsque l'on est forcé de signer de sa propre main une proposition, que l'on y adhère ou non, comment manifester autrement que par son absence son désaccord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseA lliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Les propos de notre collègue Jacques Desallangre, parus dans l'Union de Reims le 31 octobre dernier, sont instructifs et donnent pleine raison à notre interprétation :

« Je n'étais pas à l'Assemblée nationale le 9 octobre »...

M. Jacques Myard.

Bravo !

Mme Christine Boutin.

...

« car j'avais décidé de ne pas y être puisque je ne voterai pas en faveur du projet de loi du PACS. »

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Bravo !

Mme Christine Boutin.

Il ajoute qu'il n'a pas changé d'avis depuis lors. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Ueberschlag.

Il va être puni !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues, calmez-vous !

Mme Christine Boutin.

L'exercice normal de la démocratie n'a pas à payer les désaccords internes de la majorité. Le PACS est irrecevable, un point c'est tout.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Bien loin d'arranger les choses, les nouvelles dispositions que vous avez inscrites dans l'urgence ne font que renforcer son caractère inconstitutionnel, et je le montrerai tout à l'heure.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Eric Doligé.

Pas trop vite ! Il faut leur laisser le temps de digérer !

M. Jacques Myard.

Au petit déjeuner !

M. Christian Cabal.

Ils ne comprennent pas tout !

Mme Christine Boutin.

Reste encore l'article 91, alinéa 4, de notre règlement, dont nous pouvons en revanche tirer quelques enseignements supplémentaires.

Cet article dispose, nous l'avons vu, que l'adoption de l'irrecevabilité d'un texte entraîne son rejet pur et simple dès que l'Assemblée considère qu'une ou plusieurs de ses dispositions sont contraires aux textes qui composent notre bloc de constitutionnalité.

Le moment est donc venu de nous interroger sur la nature de l'irrecevabilité, sur ses conséquences, et sur l'application de ces conséquences dans notre débat.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

La recevabilité est présente dans l'ensemble de notre droit. Elle est inhérente à tout mécanisme de débat codifié puisqu'elle a pour fin de constituer la possibilité de débattre au fond, de telle sorte que la détermination de la recevabilité aboutit à la permission ou à l'interdiction de ce débat. C'est pourquoi la recevabilité se retrouve dans tous les types de procédure, qu'elle soit civile, pénale, administrative ou parlementaire.

Enumérer les différentes manières dont la notion de recevabilité se décline dans nos différents codes de procédure serait fastidieux. (« Non ! non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ne vous inquiétez pas, mes chers collègues : nous avons toute la matière nécessaire pour poursuivre la discussion au fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe


page précédente page 07988page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il n'est en tout cas pas douteux que la recevabilité précède toute forme d'interrogation, tant sur la forme que sur le fond, ainsi que l'indique le professeur Cornu dans son Vocabulaire juridique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Cela vous dérange bien sûr, mais ce n'est pas terminé, je vous l'assure ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Albert Facon.

Assez, Christine !

Mme Christine Boutin.

Qui m'appelle Christine ? C'est gentil, merci ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est un très joli prénom, je vous l'ai déjà dit.

Est recevable, selon cet auteur, « ce qui mérite d'être pris en considération... »

(Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je vous conseille très vivement, lorsque nous aurons terminé, de prendre mon texte, de le lire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

M. Arnaud Montebourg.

Non, pas ça !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est trop !

Mme Christine Boutin.

... et de l'approfondir parce que les questions de fond y sont posées. Vous attendiez un texte de remplissage, je vous lis un texte de fond, qui pose les questions de fond que vous avez cachées depuis le début ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Selon le professeur Cornu, l'adjectif recevable « se dit de la demande en justice dont le juge est tenu d'examiner les mérites au fond, mais à laquelle il ne fera droit que si par ailleurs cette demande est également régulière en la forme... »

(Tumulte sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Allez-y, messieurs, la France vous regarde ! Allez-y, la France saura que vous faites un détournement parlementaire ! Continuez ! (Tumulte persistant sur tous les bancs. - Des députés du groupe socialiste quittent l'hémicycle.)

M. Jacques Myard.

Ils désertent !

M. Arnaud Montebourg.

Monsieur le président, présidez !

Mme Nicole Bricq.

C'est inadmissible !

Mme Christine Boutin.

Continuez ! Continuez, messieurs ! (« Suspension ! Suspension ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Françoise de Panafieu.

Regardez, ils s'en vont !

M. Albert Facon.

C'est ça, continuez, l'opposition ! Nous gagnons du temps !

M. Arnaud Montebourg.

C'est honteux !

M. Michel Françaix.

Vous êtes une honte !

M. le président.

Mes chers collègues, je veux bien vous laisser brailler un peu, mais cela suffit ! Si vous voulez u ne nouvelle suspension de séance, vous l'aurez ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous la voulez ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)

Un quart d'heure de suspension de séance ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 4 novembre 1998 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Mes chers collègues, avant de redonner la parole à

Mme Boutin, je tiens à vous dire certaines choses.

Tout d'abord, j'ai suspendu la séance parce que je trouvais que l'image que nous donnions de notre assemblée n'était pas digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ensuite, en descendant de la tribune, j'ai entendu un certain nombre d'invectives et de mots peu flatteurs - c'est le moins qu'on puisse dire - sur la manière dont je dirige les débats.

(« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je suis prêt à tout entendre quand c'est justifié. Je ne suis prêt à aucun moment à recevoir des injures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je demanderai au président Fabius, à l'occasion d'une prochaine conférence des présidents, de mettre les choses au point avec les présidents de groupe.

Cela étant dit, il est normal que l'Assemblée continue ses travaux, si possible dans le calme, et que nous avancions dans l'ordre du jour. Il n'est dans l'intérêt de personne de retarder davantage le déroulement de ce débat.

Je vous demande de garder votre calme. Si vous estimez que la présidence est mal assurée, c'est votre droit, mais tant que je suis à ce fauteuil, je l'exerce en fonction des pouvoirs que me donne le règlement. Et en aucune manière, aucun de vous n'a le droit de venir m'injurier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Madame Boutin, je vous redonne la parole.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement !

Mme Christine Boutin.

M. Douste-Blazy demande la parole, monsieur le président...

M. le président.

Non ! Vous avez la parole, madame Boutin ! Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

C'est un rappel au règlement !

M. le président.

Il n'y a pas de rappel au règlement pendant l'exposé de l'orateur ! Je l'ai refusé tout à l'heure à M. Debré, qui me l'avait demandé.

(M. le président s'entretient avec un collaborateur de M. le président de l'Assemblée nationale. - Vives exclamations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


page précédente page 07989page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Dehors ! Il n'a pas le droit d'être là !

M. le président.

Je vous demande le silence.

M. Arnaud Lepercq.

Nous ne sommes pas sous tutelle !

M. le président.

Le président Fabius vient d'arriver. Il me demande de suspendre la séance afin de me rencontrer. Vous comprendrez que j'accède à sa demande.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Meylan.

C'est des pourris ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante-cinq, sous la présidence de M. Laurent Fabius.)

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est reprise.

Un mot avant de donner la parole à M. Douste-Blazy.

Des incidents nombreux et déplorables se sont produits.

Il est donc normal que j'intervienne.

M. Arnaud Lepercq.

Nous attendons les excuses de M. Ayrault !

M. le président.

Je vous le rappelle, la tradition dans cette maison veut que l'on ne mette pas la présidence en cause. Et cette tradition doit être réaffirmée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comme toujours lorsque l'atmosphère devient électrique, des propos excessifs ont pu être échangés.

Mme Françoise de Panafieu.

Non, ce n'est pas toujours le cas !

M. le président.

Il faut bien mesurer - c'est le départ de toute l'affaire - que la durée de l'intervention de l'orateur n'a pas été conforme du tout à ce que nous avions dit encore hier matin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Rudy Salles.

Elle a été interrompue !

M. le président.

Mon intention est donc de réunir immédiatement une conférence des présidents. Elle sera très courte. Je lui proposerai de décider que Mme Boutin puisse continuer et achever son propos, même si cela doit lui prendre encore un petit peu de temps, puis de passer aux quelques interventions prévues pour lui répondre, et, enfin, de procéder, comme cela semble raisonnable, au vote sur cette motion de procédure.

M. Arnaud Lepercq.

Et les excuses de M. Ayrault ?

M. le président.

Dans ces conditions, nous serons amenés à déplacer un peu le budget du logement, dont l'examen devait commencer demain matin, assez tôt. En tout état de cause, nous n'irons pas plus loin cette nuit.

S'agissant de propos tels que ceux qui ont été échangés, c'est le bureau qui est compétent, et non la conférence des présidents. Je réunirai le bureau dès que possible, c'est-à-dire vraisemblablement demain.

Voilà quelles sont mes intentions.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous voulons des excuses de M. Ayrault !

M. le président.

Je vais maintenant donner la parole à M. Douste-Blazy - et à lui seul -, après quoi je suspendrai la séance pour réunir la conférence des présidents.

Vous avez la parole, monsieur Douste-Blazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, il est, je vous le rappelle, de jurisprudence constante, que la durée des motions de procédure n'est qu'indicative.

Je veux aussi vous indiquer, car vous n'étiez pas là, qu'à la suite de la suspension de séance décidée par le président, certains députés du groupe socialiste s'en sont pris en des termes intolérables à M. Arthur Paecht,...

M. François Fillon.

Tout à fait !

M. Philippe Douste-Blazy.

... allant jusqu'à exercer sur lui des pressions physiques.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - « C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Voilà qui est grave !

M. Philippe Douste-Blazy.

Dans ces conditions, et afin de ne pas laisser sans suites de tels agissements,...

M. Arnaud Lepercq.

Scandaleux !

M. François Vannson.

Inacceptables !

M. Philippe Douste-Blazy.

... nous voulions vous demander, et nous vous remercions de l'avoir acceptée, la réunion immédiate de la conférence des présidents. Mais si la sérénité ne devait pas revenir, nous demanderions la réunion du bureau, et le report de la séance à une date ultérieure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue, de rappeler que notre règlement ne prévoit pas de limites à la durée des motions de procédure. C'est la raison pour laquelle, lorsque nous réunissons la conférence des présidents, nous demandons à tous les groupes d e donner une indication de durée approximative.

Compte tenu de la délicatesse du sujet, on savait à quoi s'attendre de la part des groupes qui devaient s'exprimer.

Mais il semble - et nous le verrons à la reprise - que la durée ait été nettement plus importante que ce qui avait été envisagé.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Il y a eu des interruptions.

M. le président.

Bien sûr, il faut tenir compte des interruptions. J'appelle toutefois votre attention sur le fait que, si le règlement est, comme c'est normal, conçu de


page précédente page 07990page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

façon très libérale et très ouverte, et si la tâche de la pr ésidence est effectivement de veiller à ce qu'il soit appliqué dans cet esprit, il ne faut pas non plus que cela dégénère et que les durées indiquées ne soient pas respectées, faute de quoi le règlement se retournerait contre lui-même.

De toute façon et, comme je l'ai déjà souligné, on n'a jamais admis dans cette maison les pressions à l'égard de la présidence, quelle que soit la personne qui l'exerce.

M. Arnaud Lepercq.

Ayrault, des excuses !

M. le président.

Et j'ai la plus grande estime pour notre collègue Paecht.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Enfin, vous avez fait allusion à la sérénité de nos travaux, j'espère qu'elle va revenir. J'ai dit que je réunirai le bureau dès demain. En tout état de cause, pour le bon fonctionnement de cette maison, nous devons aller au bout de la discussion sur la motion qui nous est soumise ce soir.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure cinquante-cinq, est reprise à une heure quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

Comme je vous l'avais indiqué avant la suspension de séance, j'ai donc réuni la conférence des présidents. Après un bref échange de vues, elle a entériné les propositions que je vous avais présentées.

En conséquence, Mme Boutin va terminer son intervention. Nous entendrons ensuite cinq ou six orateurs sur cette motion, et nous voterons dans la foulée.

Je précise, pour que les choses soient parfaitement claires, que Mme Boutin était inscrite pour quatre heures.

M. Jacques Myard.

Elle a été interrompue !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il y a eu des arrêts de jeu !

M. le président.

Le service de la séance, toujours très précis, m'a fait savoir qu'elle avait déjà parlé trois heures et quarante-neuf minutes. Elle va donc terminer.

Madame Boutin, vous avez la parole.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Eric Doligé.

Madame Boutin pourrait-elle faire un résumé pour nous remettre dans le bain ?

Mme Françoise de Panafieu.

On a perdu le fil !

Mme Christine Boutin.

Nous en étions à l'irrecevabilité de ce texte et j'en étais à la définition de la recevabilité, en précisant qu'elle est présente dans l'ensemble de notre droit.

Elle est, en effet, inhérente à tout mécanisme de débat codifié, puisqu'elle a pour fin de constituer la possibilité de débattre au fond, de telle sorte que la détermination de la recevabilité aboutit à la permission ou à l'interdiction de ce débat. C'est pourquoi elle se retrouve dans tous les types de procédure, qu'elle soit civile, pénale, administrative ou parlementaire.

Il n'est en tous cas pas douteux qu'elle précède toute forme d'interrogation tant sur la forme que sur le fond, ainsi que l'indique le professeur Cornu dans son Vocabulaire juridique . Est recevable, selon cet auteur, ce « qui mérite d'être pris en considération pour un examen au fond en l'absence de toute fin de non-recevoir s'opposant à cet examen ». Selon lui, l'adjectif recevable « se dit de la demande en justice dont le juge est tenu d'examiner les mérites au fond ». Il apparaît ainsi que la recevabilité considère la demande avant même d'interroger son fond ou sa forme, se distinguant des deux.

Le professeur Cornu la définit aussi, en référence aux articles 40 et 41 de notre Constitution : la recevabilité est le « caractère d'un recours ou d'une proposition qui remplit les conditions préalables exigées pour que l'organe saisi puisse passer à l'examen du fond en vue de discuter, amender, adopter ou rejeter la recevabilité d'une requête contentieuse, d'une proposition, ou d'un amendement législatif ».

La fin de non-recevoir constitue l'irrecevabilité en matière civile.

Chacun d'entre nous connaît le fameux article 40 de notre Constitution, qui codifie les caractères de recevabilité financière des propositions et amendements du Parlement, son défaut étant qualifié « d'irrecevabilité absolue », selon les termes d'une décision du Conseil constitutionnel de 1978.

Il n'est pas douteux, là non plus, que la recevabilité constitue une condition préalable à la discussion de toute forme de proposition ou d'amendement, et que, cette condition n'étant pas remplie, la discussion ne débute même pas.

M. Richard Cazenave.

Il faut savoir combien ça coûte !

Mme Christine Boutin.

Je vais y venir.

Commentant l'article 41 de notre Constitution, qui donne au Gouvernement la possibilité d'opposer à tout moment de la discussion d'un texte l'irrecevabilité, le professeur Drago précise que si l'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement en vertu de cet article porte sur des questions d'ordre procédural, en revanche « les irrecevabilités soulevées par les parlementaires ne relèvent pas de l'article 41 et ont en général une autre cause qui est une inconstitutionnalité de fond et non pas seulement procédurale ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Dans le cas où l'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement est acceptée, ajoute l'auteur, au terme des différentes procédures prévues, si la décision, qu'elle émane du Président de l'Assemblée nationale, ou du Conseil constitutionnel, écarte la proposition dans son ensemble et non pas seulement un amendement, « la discussion ne peut reprendre sur ce texte ».

M. Yves Fromion.

Démonstration impeccable !

M me Christine Boutin.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de tous ces points.

Le premier est que l'irrecevabilité prononcée sur une demande de réparation entraîne ipso facto l'absence de débat au fond sur la demande ou la proposition, quelle que soit sa nature et quels que soient les impétrants.

Le deuxième est que l'irrecevabilité porte tant sur la forme que sur le fond, mais qu'elle est très antérieure à des considérations de forme ou de fond intéressant la demande ou la proposition concernée.

La troisième est que l'irrecevabilité perdure sans aucune espèce de délai, tant que les conditions de sa prononciation sont maintenues, ou que le droit en raison duquel elle est prononcée n'a pas changé. Cela donne aux déci-


page précédente page 07991page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

sions prononçant l'irrecevabilité un certain caractère définitif, pour non-conformité au droit et aux conditions de son exercice.

Toutes ces raisons sont évidemment transposables au PACS et à la décision d'irrecevabilité prononcée à son encontre le 9 octobre dernier.

Je le répète, c'est validement et régulièrement que l'Assemblée nationale a prononcé l'irrecevabilité du PACS pour inconstitutionnalité le 9 octobre dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Aucun argument tiré des lois ou de notre règlement ne peut apporter la preuve du contraire.

Par conséquent, le PACS a été déclaré défectueux par notre assemblée, en raison de ses manquements aux

« conditions essentielles », pour reprendre les termes du professeur Malaurie, à la discussion requise dans cette enceinte.

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Ces manquements du PACS aux conditions préalables à son examen portent, en fonction même de la procédure aboutie le 9 octobre, sur son i nconstitutionnalité, dont l'irrecevabilité est l'effet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il n'est donc pas douteux que nous sommes placés devant ce que le président Mitterrand aurait certainement appelé un « coup d'Etat parlementaire » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), par lequel la majorité, avec l'aide du Gouvernement, a détourné le sens de nos règlements.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

Objectera-t-on que ces développements n'ont rien à voir avec notre sujet au motif que le règlement de l'Assemblée ne fait pas partie du bloc de constitutionnalité ? Je ne pourrai mieux faire que m'effacer devant Michel Debré. Je le cite : « Tout ce qui intéresse la procédure législative constitue des dispositions qui dépassent le caractère réglementaire au sens strict. Elles sont d'inspiration constitutionnelle, elles touchent au mécanisme des institutions. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

C'est un raisonnement imparable.

Mme Christine Boutin.

Nous sommes en présence du même texte, alors qu'il a été déclaré inconstitutionnel.

Malgré cela, la majorité nous le présente à nouveau, au mépris du règlement de l'Assemblée, lui-même d'ordre constitutionnel.

M. Yves Fromion.

Détournement de procédure !

Mme Christine Boutin.

Cela constitue indiscutablement une atteinte grave à nos lois fondamentales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De plus, le texte qui nous est soumis aujourd'hui présente les mêmes manquements aux conditions essentielles de sa recevabilité, ce qui renforce la gravité de la faute commise à l'égard de la procédure parlementaire.

M. Jacques Myard.

Forfaiture !

Mme Christine Boutin.

J'aborderai donc maintenant les raisons pour lesquelles le PACS est contraire à nos textes constitutionnels.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

Votre texte se caractérise par la méconnaissance et l'irrespect de l'article 40 de la Constitution, la méconnaissance du principe d'égalité entre les personnes, la méconnaissance du respect de la vie privée, la méconnaissance des obligations envers la famille et envers l'enfant, et, enfin, la méconnaissance des exigences de l'article 34 de notre constitution.

M. Francis Delattre.

Cela fait beaucoup !

M. Yves Fromion.

C'est un coup d'Etat !

M me Christine Boutin.

Le Gouvernement et la commission des finances ont affirmé en début de séance que l'article 40 n'était pas applicable à ce texte. Je tiens quant à moi à souligner les raisons pour lesquelles ce texte en dépend bien.

M. François Goulard.

Il nous est présenté à nouveau sans aucune modification !

Mme Christine Boutin.

L'article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

M. Thierry Mariani.

Tout à fait !

M. Yves Fromion.

Il fallait le rappeler !

Mme Christine Boutin.

Or la proposition relative au PACS sera de toute évidence à l'origine d'une perte importante de recettes.

M. Jacques Myard.

Au détriment des familles !

Mme Christine Boutin.

M. le ministre Strauss-Kahn (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Michel Herbillon.

Où est-il ?

Mme Christine Boutin.

... annonçait que le PACS dans sa première version coûterait au moins 6 milliards de francs.

M. Yves Fromion.

C'est sous-évalué !

Mme Christine Boutin.

Le PACS, dans sa deuxième version, n'attribue plus aux contractants les droits accordés aux époux en matière de sécurité sociale, mais il étend aux frères et aux soeurs le bénéfice de certaines dispositions. Ne disposant pas d'une estimation exacte du coût de ces modifications, on est en droit de penser que le PACS coûtera toujours au moins six milliards de francs, et vraisemblablement bien davantage.

M. Yves Fromion.

Les contribuables apprécieront !

Mme Christine Boutin.

Vous pourrez constater avec moi que ce chiffre n'a jamais été démenti.

M. Thierry Mariani.

Absolument !


page précédente page 07992page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Les articles 2 et 3 de la proposition de loi sont respectivement relatifs à l'imposition commune des revenus des partenaires d'un PACS et à la baisse du tarif des droits applicables en cas de succession ou de donation ainsi qu'à la création d'un abattement de 250 000 francs pour la perception des droits de mutation à titre gratuit. Ces deux articles entraîneront une diminution des ressources publiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

C'est évident !

M. Thierry Mariani.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

Certes, les auteurs des diverses propositions de loi sur le PACS ont pris soin de prendre un gage, retenu par le rapporteur, selon le droit, afin que, conformément aux règles constitutionnelles, la compensation des pertes de recette soit suffisante.

M. Yves Fromion.

Non !

Mme Christine Boutin.

Selon la coutume, cette fois-ci, le PACS est gagé sur le tabac.

M. Yves Fromion.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

Mais ce gage est-il suffisant ? Est-il en réelle adéquation avec le coût de 6 milliards de francs du PACS ?

M. Germain Gengenwin.

Mais non !

Mme Christine Boutin.

En réalité, la disproportion est flagrante. Le rapport remis en 1994 par notre collègue Jacques Barrot, ancien ministre, consacré à l'article 40 de la Constitution, traite évidemment de la recevabilité financière des propositions de loi et amendements. Il y indique que les droits sur les tabacs rapportent près de 30 milliards de francs à l'Etat.

Une augmentation de 6 milliards de francs des taxes tabagiques reviendrait ainsi à augmenter à due compensation le prix du tabac d'environ 20 %. Cette augmentation est effectivement disproportionnée...

M. Jacques Myard.

Racketteurs !

Mme Christine Boutin.

... et fort difficilement défendable au plan politique. Et je laisse le soin aux fumeurs d'apprécier.

Par ailleurs, le PACS créerait ou aggraverait également une charge publique. L'article 1er de la proposition de loi prévoit que les dépôts de déclarations et l'enregistrement du PACS seront confiés aux services des préfectures ou à un tribunal. Ces nouvelles fonctions attribuées au personnel de l'administration créeront de nouvelles charges de gestion pour l'Etat.

Or, ainsi que le note Guy Carcassonne en faisant référence au rapport de Jacques Barrot, « la notion de charge est d'autant plus rigoureuse qu'elle n'est pas seulement entendue dans son acception budgétaire, mais aussi juridique : ainsi tombe sous le coup de l'article 40 le fait de confier des missions nouvelles à un organisme public ».

MM. Favoreu et Philip écrivent également que « la notion de charge publique doit être entendue dans un sens très large : elle englobe non seulement toutes les dépenses de l'Etat figurant dans les lois de finances, mais également celles des autres personnes publiques - collectivités et établissements publics - et même celles des divers régimes d'assistance et de sécurité sociale ».

La proposition de loi inscrite aujourd'hui à l'ordre du jour semble bien être contraire à l'article 40 de la Constitution. Or le Conseil constitutionnel a déjà déclaré non conformes à la Constitution des propositions de loi diminuant des ressources publiques, créant ou aggravant une charge publique de façon manifeste.

On peut citer, par exemple, la décision du juge constitutionnel du 18 janvier 1978 portant sur une proposition de loi relative aux rapports entre l'Etat et l'enseignement agricole privé.

Dans une décision du 14 juin 1978 portant sur une résolution tendant à modifier le règlement du Sénat, le Conseil a affirmé que l'article 40 établit une « irrecevabilité à caractère absolu », selon les propres termes de l'avis.

Cette irrecevabilité faisait alors obstacle à ce que la procédure législative s'engageât sur une proposition formulée par des sénateurs et, dès lors, à ce que le dépôt de ces propositions soit annoncé en séance publique par le président du Sénat. Ce principe faisant évidemment référence à la procédure parlementaire qui existe dans les deux assemblées, il s'applique de plein droit et de la même manière à l'Assemblée nationale et au Sénat.

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Dans cette même décision, le Conseil rappelle que le respect de l'article 40 de la Constitution exige qu'il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité des propositions de loi antérieurement à l'annonce par le président de leur dépôt.

Le Conseil rappelle également une autre exigence l'irrecevabilité des propositions qui auraient, à tort, été déclarées recevables au moment où elles étaient formulées doit pouvoir être constatée au cours de la procédure législative.

Par ailleurs, dans une décision du 23 juillet 1975 sur la loi supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il était de sa mission de « statuer sur le point de savoir si, au cours de l'élaboration de la loi, il a été fait de l'article 40 de la Constitution une application conforme à sa lettre et à son esprit ».

M. Christian Cabal.

C'est toute la question !

Mme Christine Boutin.

Il a précisé que cet article a pour but d'éviter que des dispositions particulières ayant une incidence financière directe puissent être votées sans qu'il soit tenu compte des conséquences qui pourraient en résulter pour la situation d'ensemble des finances publiques.

Or la commission des finances n'a été saisie pour avis sur cette proposition de loi que quelques secondes, ce qui montre qu'une partie au moins de cette assemblée fait assez peu de cas des incidences financières du PACS.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La non-conformité du PACS à l'article 40 de la Constitution est flagrante. Elle justifie à elle seule l'irrecevabilité de cette proposition de loi.

Mme Françoise de Panafieu.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas la moindre fragilité du PACS : il contrevient également au principe d'égalité de manière grave.

Je ne m'étendrai pas sur les nombreuses démonstrations du Conseil constitutionnel...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oh non ! Pas question !


page précédente page 07993page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.

Si, au contraire !

Mme Françoise de Panafieu.

Il ne faut pas hésiter !

Mme Christine Boutin.

... visant à déclarer que l'égalité est un principe fondateur de notre République, au point qu'il ouvre la Déclaration des droits de l'homme.

Je voudrais toutefois tirer quelques enseignements de la jurisprudence constitutionnelle. Celle-ci considère premièrement que l'égalité de tous les citoyens entre eux ne signifie pas nécessairement une égalité de traitement.

M. Jean-Pierre Blazy.

La droite s'endort. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'ai en main le discours de Mme Boutin et je vois, malheureusement, qu'il est encore assez long.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

« Malheureusement » ? Quelle appréciation !

M. le président.

Mme Boutin ne respectera pas l'engagement qu'elle avait pris de faire tenir son intervention dans les quatre heures.

M. Jean Ueberschlag.

L'Assemblée est libre, monsieur le président.

M. Yves Fromion.

Souvent femme varie...

M. Richard Cazenave.

Mme Boutin a été interrompue !

M. le président.

Ne dépassons pas certaines limites, mes chers collègues.

Poursuivez, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président.

Ainsi que l'a justement rappelé notre collègue Mattei, le 9 octobre dernier : « le juge constitutionnel a souvent affirmé que le principe d'égalité ne s'opposait ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. »

A contrario , continuait notre collègue, « il apparaît que des situations totalement différentes comme le sont celles des couples hétérosexuels et homosexuels n'ont pas à être traitées de la même manière. »

Cette position est parfaitement conforme à notre jurisprudence constitutionnelle en plusieurs de ses arrêts.

Les experts constitutionnalistes notent par ailleurs que cette nécessité d'intérêt général ne permet pas pour auta nt toutes les dérogations au principe d'égalité, qui doivent être fondées, selon MM. Favoreu et Philip, sur « un lien nécessaire, un rapport logique entre la règle discriminatoire et l'intérêt général précisément poursuivi par l'ob jet de la loi », même si, précisent les auteurs, le Conseil fait prévaloir une conception large de la notion d'intérêt général.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il faudra donc, pour établir que le PACS va à l'encontre des exigences du principe d'égalité, montrer que, soit il est contraire à ce principe du fait qu'il instaure des discriminations de principe pures et simples, soit que les objectifs qui fondent ces discriminations sont eux-mêmes contraires à la Constitution et, donc, que le législateur n'a pas le droit de les poursuivre. Nous trouvons ces deux caractères dans le PACS.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour le démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce n'est pas le moindre des paradoxes de ce texte que de constater qu'il fait courir des risques potentiels indignes aux personnes homosexuelles. J'ai eu l'occasion de développer tout à l'heure les raisons pour lesquelles ces personnes voyaient, par l'enregistrement du PACS devant les services préfectoraux ou les tribunaux, leur vie privée gravement atteinte.

M. Yves Fromion.

Evidemment !

Mme Christine Boutin.

La même raison me fait invoquer ici le principe d'égalité. L'existence d'un registre rassemblant des informations sur les signataires des PACS fait entrer l'Etat dans des relations qu'il n'a pas à connaître et qu'il connaîtra de fait à propos d'un petit nombre de nos concitoyens tout en n'ayant aucun moyen de les connaître pour d'autres.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour le démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

C'est un vrai danger.

M. Yves Fromion.

C'est l'inquisition !

Mme Christine Boutin.

Cette différence de traitement entre les personnes est évidemment dérogatoire au principe d'égalité et prouve l'inconstitutionnalité du texte.

M. José Rossi.

Elle a raison !

Mme Christine Boutin.

On connaît les raisons d'opportunité pour lesquelles le célèbre amendement « fratries » a été incorporé à la deuxième version du texte. Aux termes de l'article 10 de la proposition de loi, « les dispositions des articles 2, 4 à 9, relatives aux signataires d'un PACS sont applicables à deux frères, deux soeurs ou à un frère et une soeur qui vivent ensemble ».

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Et son chien !

Mme Christine Boutin.

Cet alinéa de l'article 10 est contraire au principe d'égalité.

P remièrement, il méconnaît que certaines fratries peuvent être composées de plus de deux personnes.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous l'avez déjà dit !

Mme Christine Boutin.

Pas sous l'angle de la constitutionnalité, madame ! Dans notre pays, en effet, les familles de trois enfants et plus représentent près de 30 % du nombre total des familles.

M. René André.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

Que fera-t-on dans le cas des familles de trois, quatre enfants, voire davantage ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Ça ne les intéresse pas !

Mme Christine Boutin.

Dans le cas d'une fratrie composée de trois personnes, dont deux ont manifesté leur souhait de bénéficier des avantages du PACS, que


page précédente page 07994page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

pourra faire la troisième, notamment si elle souhaite continuer de vivre avec ses deux autres frères ou soeurs après la mutation professionnelle de l'un d'eux ?

M. Jacques Myard.

Vous introduisez la dissension au sein des familles !

M me Christine Boutin.

Puisqu'il fait résidence commune avec ses deux frères ou soeurs, pourquoi lui serait-il retiré le droit de faire une déclaration fiscale commune avec les deux personnes dont il partage le toit et certainement une partie des charges ? Cette disposition place dans une situation gravement inégalitaire les « frères et soeurs impairs », ou surnuméraires, dont les droits ne sont pas pris en compte.

Par ailleurs, on ne voit pas pourquoi les frères et soeurs n'estimeraient pas avoir besoin, d'une manière ou d'une autre, de profiter des dispositions de l'article 1er de la proposition de loi.

Deuxièmement, le fait de limiter certains avantages du PACS à une seule catégorie de parents constitue également une grave atteinte à l'égalité et ne peut s'expliquer en aucune manière. Au nom de quoi deux cousins célibataires n'auraient-ils pas le droit de contracter ou de bénéficier des effets du PACS ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lequiller.

C'est exact !

Mme Christine Boutin.

La même question vaut pour un parent divorcé ou veuf vivant seul, en compagnie d'un de ses enfants lui-même célibataire, divorcé ou veuf.

M. Yves Fromion.

C'est la famille plurielle !

Mme Christine Boutin.

Le rapporteur est-il prêt à expliquer à notre assemblée que ces personnes n'ont jamais besoin de bénéficier des facilités de mutation professionnelle promises aux contractants du PACS ? N'ontelles pas le droit de fixer elles aussi par le PACS les modalités de leur aide mutuelle ? N'y a-t-il pas nécessité à fixer par contrat la liste des biens considérés comme compris dans l'indivision ? Rien, mes chers collègues, ne permet de justifier une telle discrimination, qui renforce l'inégalité comprise dans cet article et fonde son inconstitutionnalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous avez déjà dit la même chose. Vous vous répétez !

Mme Christine Boutin.

Troisièmement, le deuxième alinéa de l'article 10 de la proposition de loi stipule :

« Les délais prévus, le cas échéant, par les articles 2, 4 à 9 pour l'ouverture des droits commencent à courir, pour les frères et soeurs, à compter de la justification par eux apportée de leur résidence commune. » Or l'article 2 pro-

pose d'insérer dans le code général des impôts l'article suivant, dont je donne lecture : « Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte. »

M. Yves Fromion.

On n'y comprend plus rien !

M me Christine Boutin.

L'article 10 rompt donc - excusez du peu ! - le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt. Non que l'inégalité devant l'impôt soit contraire à la Constitution : en plusieurs arrêts, le Conseil constitutionnel a justifié une inégalité fiscale par la nécessité de lutter contre la fraude fiscale, par l'existence d'activités professionnelles différentes entre les contribuables ou encore par le fait qu'une limitation d'avantage fiscal ne pouvant profiter qu'à deux entreprises reposait sur des critères objectifs.

Mais, dans sa décision du 16 janvier 1986, le Conseil constitutionnel a fait connaître la juste interprétation de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme, qui dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » La décision

du Conseil précisait : « Si ce principe d'égalité devant l'impôt n'interdit pas au législateur de mettre à la charge d'une ou plusieurs catégories sociologiques professionnelles déterminées une certaine aide à une ou plusieurs autres catégories socioprofessionnelles, il s'oppose à une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques entre tous les citoyens ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Or un système d'impôts plus favorable à une catégorie de personnes - les frères et soeurs - qu'à une autre - les contractants d'un PACS - constitue évidemment une rupture de l'égalité de contribution des citoyens à la dépense publique, cette rupture n'étant par ailleurs fondée sur aucune justification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je disais tout à l'heure que le juge constitutionnel peut accepter la rupture de l'égalité pourvu que cela corresponde aux intentions du législateur : est-ce le cas ici ? Certainement pas ! Si l'on veut bien admettre que l'exposé des motifs exprime clairement l'intention du législateur, si l'on veut bien reconnaître également que nous sommes aujourd'hui chargés de débattre d'une proposition de loi dont les motifs sont les mêmes que ceux de sa première version, reportons-nous à l'exposé des motifs du PACS - première mouture. On y lit : « Plus de deux millions de couples, appartenant à tous les milieux sociaux, ont ainsi fait le choix de construire leur projet commun de vie en dehors des liens du mariage, auxquels s'ajoutent des personnes qui n'ont pas accès à cette institution. » Et,

plus loin : « Aux couples sexués s'ajoutent les personnes qui vivent à deux sans commerce sexuel mais se sentant solidaires l'une de l'autre et sont unies par ce sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle. »

C'est bien à toutes ces personnes que le PACS est destiné, sans aucune différence particulière - hormis, tout de même, celle des liens conjugaux. L'exposé des motifs est suffisamment clair sur ce point : il s'agit de permettre à ces couples d'organiser leur vie en commun et de matérialiser entre autres choses cette vie commune par le biais de l'impôt. A tout cela s'ajoute, dans les nombreuses propositions de lois antérieures, la référence à la lutte contre la précarité, dont on ne peut douter qu'elle constitue une intention affichée par le législateur.

Qu'il s'agisse donc du souci de donner aux couples, quels qu'ils soient, un statut ou de lutter contre la précarité, on ne voit pas que la facilité faite aux frères et soeurs en termes de réduction d'impôts soit explicable par l'intention du législateur. Pour cette raison, le deuxième alinéa de l'article 10 est tout aussi inconstitutionnel que le


page précédente page 07995page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

premier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Autre motif d'inconstitutionnalité : une des évolutions récentes de la proposition de loi réside dans l'instauration d'un préavis de trois mois en cas de rupture unilatérale du PACS, liée à la nécessité d'assurer la protection des contractants, notamment de celui des deux qui n'a pas souhaité la rupture. Cette disposition ne modifiera rien au fait que le PACS demeure une légalisation de la répudiation,...

M. Richard Cazenave et M. Roland Vuillaume.

Absolument !

M. Yves Fromion.

C'est la vérité !

Mme Christine Boutin.

... mais cela est une autre affaire.

Je vous en rappelle le contenu : « Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au PACS, il notifie à l'autre sa décision. Il informe également de sa décision, ainsi que de la notification à laquelle il a procédé au moins trois mois auparavant, les services de la préfecture » - ou du tribunal, je ne sais pas ce que donnera le texte - « qui ont reçu le pacte pour qu'il en soit porté mention sur celui-ci, en marge du registre sur lequel cet acte a été inscrit. »

Et, plus loin : « En cas de mariage, il adresse également une copie de son acte de naissance sur lequel est portée mention du mariage. »

En réalité, cette période de préavis pose un problème, particulièrement lorsque celui des deux contractants qui souhaite mettre fin au PACS se marie, ce qui est un cas de rupture, le PACS étant signé ; étant entendu que, toujours selon la proposition de loi, l'état marital est un cas de nullité du PACS, ainsi que le propose l'article 1er

M. Yves Fromion.

Intéressant !

Mme Christine Boutin.

Mais regardons-y d'un peu plus près.

La dernière phrase de l'alinéa dont je viens de donner lecture semble indiquer que le mariage de celui qui rompt le PACS peut avoir lieu pendant le délai de trois mois qui suit la notification de rupture,...

M. Yves Fromion et M. Thierry Mariani.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

... laquelle semble délier les contractants de toutes sortes d'obligations. Et s'il devait en être autrement,...

M. Yves Nicolin.

C'est incroyable !

Mme Christine Boutin.

C'est invraisemblable, effectivement.

M. Yves Fromion.

C'est sidérant ! Encore une faiblesse de ce texte !

Mme Christine Boutin.

... la proposition de loi serait inconstitutionnelle pour un motif supplémentaire : elle porterait alors atteinte à la liberté de se marier, alors même que les empêchements liés à la signature d'un PACS n'auraient plus de raison d'être.

M. Yves Fromion.

C'est liberticide !

Mme Christine Boutin.

Or la liberté du mariage est reconnue comme une liberté individuelle, et protégée par la Constitution à ce titre.

La décision du Conseil constitutionnel rendue le 13 août 1993 indique en effet que « le principe de la liberté du mariage est méconnu dès lors que la célébration du mariage est subordonnée à des conditions préalables ». Bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) P laçons-nous donc dans l'hypothèse où l'un des deux contractants souhaite se marier. Il le peut dès lors qu'il notifie à son « pactisant » son intention de rompre le contrat. Commence alors à courir le délai de trois mois, qui est bien davantage un simple délai d'information administrative qu'un réel délai de préavis pour protéger celui qui ne souhaite pas rompre.

Déroulons ensemble le cours des événements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le jour même où le futur marié fait notification à son pactisant de sa volonté de rompre,...

M. Yves Fromion.

Il lui envoie un faire-part !

Mme Christine Boutin.

... il se rend à la mairie en vue d'accomplir toutes les formalités nécessaires au mariage.

Souhaitant que la cérémonie ait lieu au plus tôt, le voilà marié par Mme ou M. le maire à peine un mois plus tard. Par le fait, toutes les obligations liées au PACS s'effondrent, et avec elles la communauté de toit, la solidarité matérielle et le préavis de trois mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Et voilà !

Mme Christine Boutin.

Ainsi, celui des deux contractants qui n'a pas rompu se trouve dans une situation d'inégalité au regard de la loi, puisqu'il ne peut être en mesure de bénéficier des délais régulièrement prévus par le texte, contrairement aux personnes qui ont contracté un PACS, dont la rupture unilatérale n'est pas causée par un mariage.

Mme Odette Grzegrzulka.

Apocalypse Now !

Mme Christine Boutin.

J'ajoute que le pouvoir de résiliation unilatérale existe seulement en droit administratif et se justifie par la défense de l'intérêt général par la pe rsonne publique, laquelle n'est pas réputée égale à une autre personne. En revanche, en droit civil, un contrat unit toujours deux personnes dans le cadre d'une égalité stricte.

Ce cas d'inégalité constitue un motif supplémentaire d'inconstitutionnalité. Celle-ci, je le répète, ne pourrait être levée que si le délai de trois mois était un véritable délai préfix, ayant pour objet de maintenir en l'état toutes les obligations, en même temps que tous les droits attachés au PACS pendant cette période. Mais alors, la liberté du mariage serait atteinte, ce qui est tout aussi anticonstitutionnel. Dans les deux cas, la conclusion est la même : la résiliation unilatérale du PACS introduit le fait du prince dans le droit civil, sans motif légal et sans consentement mutuel. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'instauration de la répudiation conduit à un quatrième motif de rupture avec le principe d'égalité. A cet égard, la proposition de loi manifeste une régression énorme sur le droit positif actuel.

D'une part, le droit du mariage républicain soumet la rupture du mariage à une procédure judiciaire qui empêche la répudiation. Sans doute admet-il une certaine


page précédente page 07996page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

forme de répudiation unilatérale dans le cadre du divorce pour rupture de vie commune, telle qu'elle est envisagée par les articles 237 à 241 du code civil, mais ce divorce est soumis à des conditions de délai et de procédure. Et surtout, il oblige le demandeur à supporter toutes les charges du divorce, ainsi que l'indique l'article 239, et notamment le devoir de secours.

D'autre part, l'union libre peut être librement et unilatéralement rompue sans que cesse cette faculté de rupture unilatérale, qui est même de l'essence du concubinage.

Celui-ci ne peut en effet perdurer que du fait de la constante volonté des concubins à vivre ensemble. Mais notre droit permet l'attribution de dommages et intérêts quand la rupture est fautive, ce qui permet d'atténuer quelque peu les situations de détresse.

Rien de tel dans la proposition de PACS, même s'il s'agit d'un pacte. Lorsqu'elle est unilatérale, la rupture doit être notifiée au partenaire.

M. Yves Fromion.

Il n'y a pas de solidarité là-dedans !

Mme Christine Boutin.

Cela signifie que la répudiation unilatérale est un droit pour chaque partenaire et qu'elle ne peut plus être fautive. Et le juge ne peut pas davantage accorder des dommages et intérêts, puisque sa mission se limite à régler la répartition des biens matériels dont le PACS est l'objet.

M. Richard Cazenave.

C'est très important !

M. Yves Fromion.

C'est la loi de la jungle !

Mme Christine Boutin.

Or, dans sa décision du 22 octobre 1982 consacrée au droit de grève, dont de nombreux éléments rappellent la nécessité de respecter le principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a jugé que l'on ne pouvait priver de droits la victime d'un dommage causé par la faute d'autrui. Il y aurait là une atteinte fondamentale à un principe reconnu par la République, qui donne à tous « accès égal devant la justice ou plus largement à une procédure légale » notent les professeurs Favoreu et Philip. Comme le remarque le doyen Carbonnier : « S'il y a quelque chose de constitutionnel dans l'article 1382, c'est bien la réparation du dommage, et non la sanction de la faute. »

La répudiation unilatérale méconnaît ainsi les exigences de notre Constitution. En ne prévoyant aucune indemnité au profit de la victime d'une rupture fautive, elle porte atteinte à un principe fondamental des lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

Ces quatre motifs rendent le PACS inconstitutionnel...

M. Thierry Mariani.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

... du fait qu'il méconnaît l'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « tous les hommes naissent libres et égaux en droit. »

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

Mais pas en PACS !

Mme Christine Boutin.

Le point particulier de la répudiation unilatérale constitue une inégalité supplémentaire que l'on doit également apprécier au regard de notre Constitution.

Il est dit dans la proposition de loi que le régime des biens dans le cadre du PACS est celui de l'indivision. Cet aspect est important au point de constituer le seul véritable objet de la compétence du juge en cas de rupture unilatérale - nous l'avons vu -, et donc le seul motif de litige.

Or prenons le cas d'une personne divorcée dont la communauté de biens n'a pas été réglée. Le mariage de cette personne est bel et bien rompu. Elle ne présente aucun caractère l'empêchant de contracter un PACS.

C'est donc de plein droit, en dépit du fait que ses obligations d'ancien époux ou d'ancienne épouse ne sont pas encore complètement organisées et les biens non encore dévolus, qu'elle contracte un PACS.

Le PACS étant contracté, aucune limitation n'étant prévue à cet effet, les biens non encore liquidés à la suite du divorce tomberont dans l'indivision du PACS.

M. Yves Fromion.

Eh oui !

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

Une telle situation privera certainement de ses droits le tiers divorcé qui verra tomber dans l'indivision des biens sur lesquels il peut prétendre légitimement exercer un droit de propriété, au moins dans son principe.

M. Thierry Mariani.

Exactement !

Mme Christine Boutin.

Or, l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Cet article de la Déclaration des droits de l'homme pose évidemment des limites à la propriété et des conditions à ces limites. Mais aucune de ces conditions n'étant remplie en l'espèce, le PACS contrevient effectivement aux dispositions de cet article XVII.

M. Yves Fromion.

Très juste !

Mme Christine Boutin.

Il se retrouve donc de ce fait inconstitutionnel.

(Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) On dira que la proposition se promet d'aménager les circonstances dans lesquelles ces cas d'espèce doivent être réglés.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais je ne vois rien de tel dans le texte qui nous est proposé ; à tout le moins, ces nouvelles circonstances n'iraient pas sans modifier radicalement l'esprit de totale liberté de pactiser, défendue par le rapport et la commission. De ce fait, si l'on entendait régler ainsi la question de la propriété privée ultérieurement, cela reviendrait à reconnaî tre que le législateur n'a pas fait son travail jusqu'au bout.

Voilà qui soulève un autre motif d'inconstitutionnalité, au regard de l'article 34 de notre Constitution cette fois-ci, par lequel j'acheverai ma démonstration.

M. Yves Fromion.

Oh non !

Mme Christine Boutin.

Mais avant cela (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Alain Barrau.

Encore !

Mme Christine Boutin.

... je souhaiterais évoquer les difficultés liées au respect de la vie privée.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Eric Doligé.

Il faut en parler !


page précédente page 07997page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Plusieurs libertés classiques ont été constitutionnalisées, dont la protection de la vie privée, notamment par la décision du Conseil du 12 janvier 1977. Celle-ci consacre une conception large de la liberté individuelle, qui inclut la protection de la vie privée, définie par M. Roche comme la « sphère de l'existence soustraite à la curiosité des tiers ».

Si cette décision de janvier 1977 ne reconnaît qu'implicitement la vie privée comme partie intégrante de la liberté individuelle, le Conseil déclare, dans un arrêt du 18 janvier 1995, que « la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut-être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle », montrant ainsi que le respect de la vie privée est indissolublement lié à celui de la liberté individuelle, ce qu'il confirme formellement par sa décision du 22 avril 1997, relative au séjour des étrangers :

« De manière générale, s'agissant de la vie privée, les méconnaissances graves du droit au respect de leur vie privée sont pour les étrangers comme pour les nationaux de nature à porter gravement atteinte à leur liberté individuelle. » La même décision précise, à propos de la ques-

tion du renouvellement des cartes de séjour, qu'une simple menace à l'ordre public ne saurait justifier le nonrenouvellement, sous peine de constituer une grave atteinte au respect de la vie familiale et de la vie privée.

Or il ne fait aucun doute que la protection de la liberté individuelle est garantie par notre Constitution, ainsi que le montre l'article II de la Déclaration des droits de l'homme, selon lequel « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ».

L'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 indique quant à lui : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté, et à la sûreté de sa person ne. » Notre Constitution elle-même, dans son article 66, déclare : « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Par conséquent, toute atteinte au respect de la vie privée sera nécessairement déclarée inconstitutionnelle.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Exactement !

Mme Christine Boutin.

Et il y a une raison pour laquelle le PACS doit être considéré comme portant atteinte au respect de la vie privée. Cette raison touche au caractère sexuel du PACS (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ...

M. Yves Fromion.

Ça les réveille !

Mme Christine Boutin.

... et à ses modalités de déclaration et d'enregistrement. La proposition de loi, dans son article 1er , stipule : « Le PACS fait l'objet d'une déclaration écrite conjointe des partenaires, remise par eux à la préfecture du département dans lequel ils établissent leur résidence. »

C'est ainsi à bon droit que quelques représentants de la communauté homosexuelle se sont inquiétés de voir resurgir en 1998 les dispositions contraires à la loi Defferre de 1984 par laquelle les fichiers d'homosexuels avaient été supprimés à juste raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cette indication et cette inquiétude a été notamment manifestée par M. Meyssan, président du Réseau Voltaire, lors d'un débat qui nous avait réunis en compagnie notamment de Mme la présidente Tasca...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Elle n'est plus là !

Mme Christine Boutin.

... sur les plateaux de FR 3 le 10 octobre dernier. Il l'avait exprimée en ces termes en s'adressant à Mme la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Les mauvais coups étaient partis au sein du groupe socialiste, ils nous viennent encore des socialistes. On nous a embarqués dans un texte, le PACS, qui, excusez-moi, n'a ni queue ni tête... »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Il fallait le faire !

M. le président.

J'avais repéré ce passage : je ne suis pas déçu de votre réaction ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

« ... un texte, poursuit M. Meyssan, que nous considérons comme réactionnaire,... »

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

« ... discriminatoire et attentatoire aux libertés individuelles. Mais on pensait que, dans l'amendement de ce texte, il serait possible de revenir à la raison et de résoudre des problèmes concrets. »

M. Yves Fromion.

Ils n'y sont pas préparés !

Mme Christine Boutin.

« Et finalement, tout cela était tellement incohérent que les socialistes ne se sont même pas déplacés. »

« En 1984, poursuit-il, nous nous sommes battus pour supprimer les fichiers des homosexuels dans les commissariats de police, et vous nous demandez de nous inscrire spontanément en préfecture. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

L'étoile rose !

M. Yves Nicolin.

Les homosexuels seront fliqués !

Mme Christine Boutin.

Mme Evelyne Sullerot, dans un entretien commun avec Mme Guigou il y a quelques jours, a donné l'argument central qui dit tout. Je cite :

« Si l'on interdit à des cousins de se lier par le PACS, c'est parce que l'on admet que la raison première de ce pacte est la relation entre deux personnes. »

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

Mme Christine Boutin.

« Or la relation sexuelle n'a jamais été jusqu'à présent un objet juridique. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Eric Doligé.

Bonne observation !

Mme Christine Boutin.

On m'objectera que la signature d'un PACS par deux personnes de même sexe ne v aut pas déclaration d'homosexualité et que, par conséquent, le PACS n'est en rien le signe d'une relation sexuelle de cette nature. C'est possible.


page précédente page 07998page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Il n'en reste pas moins que la présence des contrats de PACS dans les archives préfectorales présente pour les personnes un risque que ce « caractère de l'existence qui ne doit pas être soumis à la curiosité des tiers » ne soit plus couvert.

M. Thierry Mariani.

Exactement !

Mme Christine Boutin.

Je veux bien admettre qu'il n'y a pas d'identité stricte entre deux personnes signataires d'un PACS et deux personnes homosexuelles, mais, d'une part, la probabilité en est assez forte et, d'autre part, nous avons le devoir de protéger les personnes contre toute possibilité indue d'intrusion dans leur vie privée (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , et pas seulement contre la possibilité matérielle de cette intrusion.

On objectera peut-être que deux frères qui souhaiteraient bénéficier des avantages du PACS ne sont pas concernés par cette argumentation, et la font tomber. A quoi il faut répliquer que, d'après les dispositions de la proposition de loi, les frères et soeurs ne sont pas censés déposer une déclaration en préfecture, puisqu'ils ne contractent pas de PACS, mais ne font que bénéficier de certains de ses avantages.

M. Yves Fromion.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

La garantie de respect de la vie privée doit pourtant, c'est vrai, être complétée par la possibilité pour l'Etat de maintenir l'ordre autant que nécessaire, ainsi que le rappelle la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977.

Par conséquent, il apparaît clairement que la volonté de faire signer le PACS en préfecture constitue une atteinte au respect de la vie privée, et donc un motif d'inc onstitutionnalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Trois raisons nous conduisent à considérer que le PACS porte gravement atteinte au Préambule de la Constitution de 1946, qui fait indiscutablement partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité.

M. Jean-Louis Debré.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

Il est proposé d'inscrire dans le code civil un article 515-7 qui prévoit les causes de rupture du PACS. Le rapport de la commission des lois explique cet article en disant : « Cet article prévoit que le PACS prend fin dans trois hypothèses : le décès de l'un des partenaires, le mariage des partenaires ou de l'un d'eux, puisqu'il s'agit là d'un empêchement à la conclusion d'un PACS, ou à la volonté conjointe ou unilatéral des personnes. »

Le seul problème qui nous est posé ici est celui de la protection des droits des personnes à la suite d'une rupture de ce genre. Le texte prévoit bien que, dans le cas où les deux parties prenantes seraient en désaccord, qu'elles tentent de trouver un arrangement.

Mais la proposition de loi précise, en effet, dans son article 1er , que ce sont les partenaires eux-mêmes qui déterminent les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard.

Notre collègue Mattei, commentant cette disposition dans son intervention du 9 octobre dernier, déclarait à juste titre : « Tout ceux qui ont connu, de près ou de loin, des ruptures sentimentales, mais aussi des ruptures de contrat de travail ou de sous-traitance, savent que rien n'est plus difficile que d'aboutir raisonnablement à un accord entre les deux parties déchirées. En vérité, en l'absence d'un tiers, ce ne sont pas les parties qui déterminent, mais le plus fort des deux. »

On me dira que, toujours selon l'article 1er de la proposition de loi, il est précisé qu'à défaut d'accord les conséquences de la rupture du PACS sont réglées par le juge. Soit ! Mais le texte ne dit rien sur le juge compétent, ni sur l'étendue de sa compétence. A partir du moment où le PACS ne prévoit rien en termes de dommages et intérêts éventuels, de pension alimentaire le cas échéant, le juge ne pourra guère se prononcer que sur la répartition et la dévolution des biens matériels.

M. Yves Fromion.

Improvisation totale !

Mme Christine Boutin.

En réalité, le manque absolu de contraintes éventuelles liées à la rupture du PACS plonge celui des deux contractants qui est le moins bien doté au plan économique et social dans une situation de précarité insupportable, tout en lui donnant ce que bon nombre de commentateurs...

(Les députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants protestent vivement contre la présence de personnes dans la tribune située au-dessus de l'entrée gauche de l'hémicycle. - Claquements de pupitres.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est inadmissible ! On est fliqués !

M. Jean-Louis Debré.

Je demande la parole !

M. le président.

Poursuivez, madame Boutin.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

M. Jean-Louis Debré.

Rappel au règlement !

M. le président.

Non ! (Mêmes mouvements.)

C'est Mme Boutin qui a la parole. Il n'y a pas de rappel au règlement.

De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants (désignant la tribune située au-dessus de l'entrée gauche de l'hémicycle).

Dehors ! Dehors !

M. le président.

Mes chers collègues, concentrons-nous sur le débat. Ce n'est pas raisonnable de s'énerver à cette heure. Mme Boutin a seule la parole. Et c'est la présidence qui est chargée de la police de la séance.

Poursuivez votre propos, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

On peut encore ajouter que le PACS, tel qu'il nous est proposé, constituerait une première dans le droit français. Il serait en effet le premier et le seul contrat à durée indéterminée dont on pourrait sortir unilatéralement sans avoir besoin d'alléguer aucune raison et sans devoir verser à l'autre contractant des dommages réparateurs de la rupture - nous l'avons déjà évoqué.

J'ajoute qu'on peut s'interroger sur la véritable nature du délai de trois mois : est-ce un délai préfix, pendant lequel les droits continuent de courir, en même temps que les obligations ? Est-ce un simple délai informatif, visant seulement à ce que celui des deux pactisants qui ne


page précédente page 07999page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

veut pas rompre puisse prendre le temps d'organiser sa future vie solitaire ? Tout cela est plus que flou et ferait du PACS, comme on a pu le dire, un contrat moins protecteur que n'importe lequel des contrats de travail du libéralisme sauvage, système philosophique et économique dans lequel on m'accordera que prime avant tout le droit du plus fort, à la merci duquel le plus faible serait laissé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Or l'instauration d'un droit du plus fort est violemment contraire à la lettre comme à l'esprit du Préambule de la Constitution de 1946, repris dans le Préambule de la Constitution de 1958.

M. Jean-Pierre Blazy.

On croit rêver !

Mme Christine Boutin.

On y lit, en effet, à l'alinéa 11 du Préambule de 1946 : « La nation (...) garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. »

M. Yves Fromion.

Les 35 heures !

Mme Christine Boutin.

Cet alinéa est ainsi commenté par Guy Carcassonne :...

M. Eric Doligé.

C'est important !

Mme Christine Boutin.

« Le rôle du Conseil constitutionnel n'est pas et ne peut être d'imposer la réalisation de ces objectifs, mais, ce qui n'est pas négligeable, de veiller à ce que les dispositifs destinés à sa réalisation ne soient pas diminués ou supprimés sans être remplacés par d'autres offrant des garanties au moins équivalentes. »

Le même esprit prévaut sans doute à l'écriture de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 à laquelle s'oppose radicalement l'instauration d'un droit du plus fort.

Article 1er : « Les êtres humains sont doués de raison... »

M. Alain Barrau.

Ce n'est pas sûr !

Mme Christine Boutin.

« ... et de conscience, et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

M. Yves Fromion.

Ce n'est pas vrai pour tout le monde !

Mme Christine Boutin.

Article 7 : « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi ».

Ces deux articles sont fort utilement complétés par l'article 22, fondement de mon présent argument, et dont je vous donne lecture : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité. »

Et que dire de l'article 25 de la même déclaration, qui précise : « Toute personne a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »

Enfin, je souhaite rappeler que l'instauration de la répudiation est également contraire au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a dopté par l'Assemblée générale des Nations unies en 1966, auquel la France est naturellement liée.

M. Yves Fromion.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

Le troisième alinéa du préambule de ce pacte dit ceci : « L'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créés. » On

comprendra pourquoi je préfère de loin ce pacte de 1966 à celui qui nous est proposé aujourd'hui.

Il est tout à fait évident qu'en refusant de prévoir les modalités de réparation satisfaisantes pour les pactisants qui subissent la rupture, le PACS est contraire tant au préambule de la Constitution de 1946 qu'à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, ainsi qu'au pacte de 1966.

M. Richard Cazenave.

Très bien !

M me Christine Boutin.

Cette méconnaissance du préambule de la Constitution de 1946 et d'autres déclaration internationales constitue un premier motif d'inconstitutionnalité.

Mme Nicole Bricq.

N'oubliez pas le traité francoallemand de 1963 !

Mme Christine Boutin.

L'article 1er de la proposition de loi sur le PACS dispose qu'un certain nombre d'empêchements rendent impossible la signature d'un tel contrat, à peine de nullité. Je cite le rapport de la commission des lois : « Il en résulte que ce type de contrat n'est pas ouvert, d'une part, à deux personnes dont l'une au moins est mariée ou déjà liée par un PACS et, d'autre part, à un ascendant et un descendant en ligne directe et à deux collatéraux jusqu'au troisième degré ».

Ces empêchements reprennent presque exactement les empêchements faits au mariage, tels qu'ils apparaissent dans le code civil, à ceci près que le PACS peut être contracté par deux personnes de même sexe, ce que l'on peut constater à la lecture des articles afférents du code civil : Article 144 : « L'homme avant 18 ans révolus, la femme avant 15 ans révolus, ne peuvent contracter mariage » ; Article 147 : « On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier » ; Article 148 : « Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère » ; Article 161 : « En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants légitimes ou naturels et les alliés dans la même ligne » ; Article 162 : « En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la soeur légitimes ou naturels » ; Article 163 : « Le mariage est encore prohibé entre l'oncle et la tante, la tante et le neveu..., que la parenté soit légitime ou naturelle ».

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Oh ! les tantes... Apparemment, ça va changer ! On n'en est plus là !

M me Christine Boutin.

Voudrait-on objecter que l'amendement dit « des fratries » fait tomber cette identité des empêchements du mariage avec ceux du PACS ? L'objection ne tient pas : la proposition de loi dit en effet, dans son article 10, que les dispositions du PACS

« sont applicables » aux frères et soeurs. Cela indique suf-


page précédente page 08000page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

fisamment que les frères et soeurs sont dans l'interdiction de signer un PACS, mais qu'ils sont seulement éligibles à certains des droits ouverts par ce contrat. Ce n'est pas la même chose, et l'amendement fratries n'empêche pas que les empêchements du PACS demeurent identiques à ceux du mariage.

C'est d'ailleurs une autre bizarrerie de ce texte que d'ouvrir des droits sans qu'aucune démarche contractuelle d'aucune sorte ne soit accomplie.

M. Yves Fromion.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

On constate par ailleurs que le PACS ouvre aux contractants tous les droits du mariage sans obliger à ses devoirs. Je ne reprendrai pas la lecture mot à mot des articles du code civil (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. le président.

Mme Boutin ne le fait pas uniquement parce qu'elle est convaincue et elle a raison - que chacun a bien compris ! (Sourires.)

M. Yves Fromion.

Il faut être didactique !

Mme Christine Boutin.

Ces articles fixent les devoirs des époux, mais seulement leur contenu. Les époux s'engagent à entretenir les enfants, ils se doivent secours, fidélité et assistance, ils assument la direction...

M. Alain Néri.

... morale et matérielle !

Mme Christine Boutin.

... de la famille et l'éducation des enfants, ils contribuent aux charges de la famille et s'obligent à une communauté de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces obligations faites aux époux ne se retrouvent en rien dans le régime du PACS. Celui-ci, en donnant aux

« pactisants » des droits familiaux sans obliger aux devoirs de cette charge, constitue évidemment une concurrence déloyale à l'institution qui, dans nos traditions, a la responsabilité de porter la famille, ainsi que l'indiquent les articles 203 et 213 du code civil.

Ces obligations, acceptées dans le cadre du mariage, sont le seul fondement des droits accordés aux familles, notamment sur le plan des successions et sur le plan fiscal. Mais ces droits ne sont que la contrepartie donnée par l'Etat au fait que, par le mariage, les époux s'engagent à prendre à leur charge celui des deux qui n'aurait pas de ressources, que ce soit de manière choisie ou de manière subie.

Cette situation donne la raison pour laquelle le plus fort de l'avantage fiscal de la déclaration commune est atteint dans le cas où l'un des deux conjoints n'a précisément pas de ressources. L'Etat reconnaît donc l'avantage qu'il trouve lui-même au fait que des personnes sans ressources soient prises en charge par quelqu'un d'autre que lui, dans le cadre du mariage, ce que l'on peut aisément comprendre. Par conséquent, cette absence de contrepartie obligatoire face aux droits accordés aux pactisants ne constitue rien d'autre qu'une fragilisation de la famille, dont le PACS est le concurrent. On admettra facilement en effet que, de deux situations qui procurent les mêmes avantages, celle qui demande le moins d'obligations est évidemment la plus couramment choisie.

M. Christian Cabal.

Evidemment !

Mme Christine Boutin.

Attaquant ainsi frontalement l'institution familiale,...

M. Christian Cabal.

C'est ce qu'ils veulent !

Mme Christine Boutin.

... le PACS est encore la cause de deux motifs d'inconstitutionnalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le premier est, en tout état de cause, une rupture du principe d'égalité, dont j'ai rappelé plus haut comment il était attaqué par ailleurs par le PACS. Ce motif supplémentaire est fondé sur le fait que, une fois encore, il est contraire au principe d'égalité que des personnes évoluant dans le même type de situation se voient procurer des avantages sans subir les contraintes attachées à cette situation. Les mêmes arguments que ceux que j'ai développés tout à l'heure se retrouvent ici.

Le second argument, tout aussi inconstitutionnel, est fondé sur la méconnaissance par le PACS de l'obligation faite à notre République de protéger l'institution familiale, ainsi que l'y contraint le Préambule de la Constitution de 1946 en ces termes : « La Nation assure à l'indiv idu et à la famille les conditions de son développement. »

Dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, on peut également lire à l'article 16, alinéa 3 :

« La famille est l'élément naturel et fondamental de la société, et a droit à la protection de la société et de l'Etat. »

Il est donc impossible de défendre que l'instauration d'une concurrence à l'égard de quoi ou qui que ce soit constitue une mesure protectrice de celui à qui l'on fait concurrence.

M. Yves Fromion.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

En conséquence, il est établi que le PACS, en tant que concurrent direct et déloyal de la famille, porte atteinte à l'obligation constitutionnelle de sa protection. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De ces deux motifs d'inconstitutionnalité liés aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 naît un troisième motif, qui concerne l'enfant.

On a beaucoup entendu dire que le PACS ne concernait pas l'enfant, et que la crainte exprimée par beaucoup d'entre nous sur ces bancs était parfaitement infondée.

J'ai rappelé au début de mon propos ce qu'il en était en réalité.

M. Alain Néri.

On ne s'en souvient plus !

M me Christine Boutin.

Vous voulez que je recommence ? Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.

Oui !

Mme Christine Boutin.

Je suis prête à recommencer.

M. le président.

Continuez, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Les deux propositions de loi sur le CUCS de 1997, présentées par MM. Ayrault et Michel, comportaient respectivement un article 4 et un article 3 qui mentionnaient à l'identique que les contractants disposent de tous les droits ouverts aux couples mariés, vivant maritalement et aux concubins.


page précédente page 08001page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Tous ces droits incluent bien évidemment le droit à l'adoption et le droit au bénéfice de la procréation médicalement assistée, dans les limites fixées par la loi, cela va sans dire.

Les déclarations plus récentes dont j'ai donné lecture tout à l'heure montrent à l'évidence que l'intention de donner la possibilité d'adopter des enfants aux couples homosexuels est toujours d'actualité.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.

Tout à fait !

Mme Christine Boutin.

Mme la garde des sceaux a tenté de rassurer l'opinion en proclamant qu'il ne saurait être question de telles dispositions et que la possibilité d'adopter comme celle de profiter des procréations médicalement assistées ne pourrait être proposée aux membres d'une union homosexuelle. Madame la ministre, nous pourrons en juger lors de nos débats, et je ne doute pas que votre souci de cohérence ira jusqu'à soutenir deux amendements déposés par mes collègues de l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le premier proscrit l'adoption d'un enfant qui serait accueilli dans le foyer d'une personne unie par le PACS à une personne de même sexe et le second interdit à une personne ayant garde d'enfant de signer un PACS avec une personne de même sexe.

Nous verrons alors quelle est la volonté réelle du Gouvernement au regard des propos que le Premier ministre avait également tenus le soir du 8 octobre dernier sur une chaîne de télévision publique.

A part cela, il est vrai que l'enfant est très clairement absent de la proposition de loi sur le PACS.

M. Thierry Mariani.

Totalement ! Il est rejeté !

Mme Christine Boutin.

Ou plutôt, il n'est pas mentionné quand il devrait l'être, et il ne l'est pas quand il le devrait.

J'en veux pour preuve, entre autres, ce récent échange entre Mme Sullerot et Mme Guigou, au cours duquel Mme Sullerot a fait la remarque suivante : « Les concubins ne demandaient rien. Ils bénéficient des droits sociaux des couples mariés et ils n'ont pas plus envie de se rendre chez le préfet que chez le maire. En revanche, ces mêmes concubins hétérosexuels rencontrent des problèmes réels liés à la présence d'enfants, et j'aimerais savoir ce que leur offre le PACS. »

C'est un vrai problème sans doute, mais puisque l'enfant est absent de nos considérations d'aujourd'hui, la réponse à la question de Mme Sullerot est : « rien ».

Le PACS n'apporte rien à l'enfant, rien aux couples hétérosexuels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Sullerot poursuit : « Je note que, en l'état actuel du projet, un homme qui a signé un PACS avec une femme peut, si celle-ci se trouve enceinte, rompre le PACS sans autre forme de procès,... »

M. Jacques Myard Eh oui !

Mme Christine Boutin.

« ... ou qu'une femme enceinte peut rompre un PACS avec un premier homme pour en contracter un autre avec un second, durant le temps de sa grossesse. Vous allez créer des situations révoltantes, qui ne peuvent que donner lieu à une énorme jurisprudence et des procès sans fin. »

M. Jacques Myard.

Absolument ! Le PACS, c'est n'importe quoi !

Mme Christine Boutin.

Mme Sullerot conclut : « Je ne vois pas d'intérêt pour les hétérosexuels dans cette chimère qu'est le PACS. En revanche, il semble évident que ce projet s'attaque à la symbolique du mariage en lui suscitant un faux-semblant. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je ne sais pas si Mme Guigou a répondu clairement à cette remarque de Mme Sullerot (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) mais, en tout cas, le magazine n'en fait pas mention.

Cette absence de réaction, sur laquelle nous aurons certainement des éclaircissements un peu plus tard, montre combien l'enfant peut être fragilisé dans le cadre du PACS.

En effet, par la conjugaison des deux premiers motifs d'inconstitutionnalité que je viens d'établir, c'est-à-dire l'instauration de la répudiation et l'absence de protection de la famille, l'enfant, pour peu que les contractants du PACS en aient un ou plusieurs, se trouve frappé de plein fouet par la précarité instaurée du fait de la rupture, de même qu'il ne peut bénéficier de la protection que l'Etat doit aux familles.

J'ajoute que le PACS est contraire à tous les engagements internationaux de la France au regard des droits de l'enfant, dont je voudrais donner rapidement quelques exemples.

La Convention internationale des droits de l'enfant dispose dans son article 4, que « les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente convention », dont ceux qui sont prévus à l'article 3, qui déclare que, dans toutes les décisions concernant les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

M. Yves Fromion et M. Arnaud Lepercq.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

D'autres articles de la même convention peuvent utilement être cités dans notre débat, notamment l'article 12, alinéa 2 : « On donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par intermédiaire. »

Je sais que si certains de ses articles sont considérés par le Conseil d'Etat comme directement applicables en droit français, la présente convention n'a pas de valeur constitutionnelle. Toutefois, le rattachement exprès de cette convention, par son préambule, aux différentes déclarations des Nations unies et à la Déclaration des droits de l'homme de 1948 ne fait aucun doute. Le préambule de cette convention rappelle en effet textuellement ce que la déclaration de 1948 dit dans son article 25, alinéa 2 :

« La maternité et l'enfance ont droit à une aide et une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors du mariage, jouissent de la même protection sociale. »

Mme Frédérique Bredin.

N'utilisez pas les enfants !


page précédente page 08002page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Or il ne fait pas de doute que ce que nous abordions plus haut à propos de la répudiation concerne directement l'enfant dès qu'il est présent d'une manière ou d'une autre dans le PACS. Et, lorsqu'il s'agira de rompre ce PACS unilatéralement, l'enfant ou les enfants concernés ne pourront avoir accès aux mêmes conditions de protection, contrairement à ce qui se produit en cas de divorce, par exemple.

Cette raison, fondée sur l'instauration de la répudiation, qui est contraire à l'obligation de protéger l'enfant, constitue un motif supplémentaire d'inconstitutionnalité.

M. Yves Fromion.

Bravo !

Mme Christine Boutin.

L'exposé du dernier motif d'inconstitutionnalité posé par ce texte sera bref. Guy Carcassonne estime : « Si, théoriquement, la loi ne peut intervenir que dans ses domaines de compétence, elle doit en revanche les exercer complètement. Rien que sa compétence, mais toute sa compétence, puisque le Conseil constitutionnel rappelle qu'il est interdit au Parlement de s'en remettre à d'autres autorités pour prendre des décisions qui ne ressortissent que de lui. C'est ce qu'on dénomme l'incompétence négative, qui se rencontre chaque fois que le Parlement ne va pas lui-même au bout de son pouvoir, omet les garanties légales qu'il revient à lui seul de prévoir. »

Cette jurisprudence du Conseil est attestée par deux arrêts au moins, notamment celui du 20 janvier 1984 portant sur l'enseignement universitaire privé et les libertés universitaires. Le Conseil avait alors estimé que le législateur avait méconnu sa compétence en laissant au pouvoir réglementaire le soin d'établir les dérogations aux règles constitutives des établissements publics universitaires.

Eu égard au silence total sur l'âge des contractants, aux motifs de résiliation unilatérale, aux cas de rupture abusive, à la rupture impossible pour cause d'exceptionnelle gravité, à l'absence de précision concernant les compensations pécuniaires des prestations compensatoires et au sort des enfants, la proposition méconnaît la compétence du Parlement au regard de l'article 34 de la Constitution.

M. Jacques Myard.

C'est évident !

M me Christine Boutin.

Le PACS est également inconstitutionnel pour ce motif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Sur ces bancs, nous savons tous que nous sommes ici pour discuter d'un enjeu fondamental pour notre société.

Nous savons tous que nous ne sommes pas ici pour discuter de quelques aménagements anodins de notre droit.

Nous sommes ici parce que se pose à nous un choix essentiel : sur quels fondements voulons-nous construire notre société ?

M. François Bayrou.

Bonne question !

Mme Christine Boutin.

L'altérité homme-femme est-e lle fondatrice de l'organisation sociale ? Doit-on reconnaître un statut aux partenaires homosexuels ?

M. Arthur Dehaine.

Bonne question également !

Mme Christine Boutin.

Et, alors que notre choix aura des conséquences à très long terme sur notre société, on nous présente une proposition de loi que le Gouvernement n'a même pas eu le courage de présenter lui-même, pour ne pas en porter la responsabilité.

(Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Une proposition de loi sur laquelle nous n'avons pu discuter que par voie de presse - je remercie d'ailleurs la presse de s'être emparée de ce débat car, sans elle, l'opinion publique n'aurait pas été informée (Applaudissements sur les mêmes bancs) -, et sous la pression des groupes d'influence.

C'est, entre autres, cet aspect particulier qui fait l'inquiétude des communautés religieuses. Les évêques de France se sont exprimés en disant, par la voix du président de la Conférence épiscopale, Mgr Billié, que ce texte est inutile et dangereux.

Le recteur Boubakeur, le grand rabbin Sitruk et les responsables de la Fédération protestante ont pris des positions soit identiques, soit plus fermes encore.

Cette inquiétude des grandes religions est significative d'une incompréhension générale : il est vrai que le PACS n'est pas la solution rêvée qui améliorera la vie des personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas se marier.

M. Christian Cabal.

Ça non !

Mme Christine Boutin.

Il détériorera au contraire leur situation en la fragilisant. Il fera des victimes : la famille, le mariage républicain, l'enfant, l'Etat lui-même sont affaiblis par ce texte. Il prend des otages, en utilisant indûment des catégories de personnnes auxquelles il n'apportera strictement rien.

Ces enjeux auraient, je l'ai dit, mérité un très large débat. Le motif pour lequel ces questions sont posées aujourd'hui l'aurait mérité tout autant : je veux parler de l'atteinte au mariage républicain. Je voudrais citer à nouveau le doyen Carbonnier qui, dans l'introduction d'un ouvrage récent, écrivait : « Les propositions de lois poursuivaient le même objectif, une réforme du mariage, la plus considérable dont on ait pu rêver : la création d'un second type d'union... Préalablement enregistrées par déclaration conjointe en mairie, » - en préfecture désormais ou peut-être au tribunal - « ces unions produiraient les mêmes effets de droit que le mariage et l'on pourrait en sortir unilatéralement par déclaration en même forme... L'intention cachée se découvrait : il s'agissait d'autoriser le mariage des homosexuels. Il eût mieux valu l'afficher : c'est un tout autre dossier, lourd à porter. »

On peut trouver que les mots que j'emploie sont forts.

Je ne fais pourtant que citer les termes des promoteurs du PACS, qui en sont venus à considérer - c'est leur droit le plus strict - que le mariage n'est plus la forme privilégiée de l'apprentissage social et qu'il ne peut être de ce fait spécifiquement soutenu et encouragé par l'Etat. J'ai cité ces propos, et je n'y reviendrai pas.

En soutenant ce texte mensonger, le Gouvernement commet une faute grave : on ne remet pas impunément en cause l'institution matrimoniale. Si telle n'est pas son intention, comment nous expliquera-t-on le contenu de la proposition de loi ? Il est clairement établi que les motifs d'inconstitutionnalité adoptés le 9 octobre sont maintenus, et qu'ils sont même accompagnés de nouveaux motifs que j'ai établis.

Dès lors, en souhaitant inscrire ce texte à l'ordre du jour, le Gouvernement a gravement méconnu l'article 91, alinéa 4, de notre règlement.

Le Gouvernement, poussé par la volonté de se refaire une image (Rires sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Jacques Myard.

Impossible !


page précédente page 08003page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

... a oublié que, depuis sa décision du 9 octobre dernier, l'Assemblée était parfaitement impuissante à débattre de ce texte, à moins de modifier la Constitution ou d'écarter de la proposition de loi les motifs d'inconstitutionnalité.

Or l'Assemblée nationale est à juste titre respectueuse du droit. Elle commettrait un acte inouï en commençant de débattre d'un texte dont l'inconstitutionnalité a été é tablie, et dont les motifs d'inconstitutionnalité demeurent et se trouvent même élargis et renforcés. Et ce n'est pas la peine d'objecter que nous serions de mauvais démocrates au motif qu'en adoptant cette exception d'irrecevabilité nous ne voudrions pas débattre.

M. Pierre Lequiller.

Très bien !

Mme Christine Boutin.

La réalité est tout autre : la seule manière d'être démocrate, c'est de respecter la Constitution. Ainsi que l'a souvent établi le juge constitutionnel dans une formule connue : « la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».

M. Yves Fromion.

Très bien !

M me Christine Boutin.

Que, matériellement, la deuxième version du texte soit conforme aux dispositions de l'article 84, alinéa 3, de notre règlement ne change rien à l'affaire. C'est du statut même de l'irrecevabilité qu'il s'agit ici, et de l'esprit dans lequel notre assemblée doit accomplir son travail législatif. Si nous sommes à ce point ignorants de ce que l'on pourrait appeler « l'esprit des lois », quelle légitimité aurons-nous à créer des obligations à l'égard d'autrui, et à définir les sanctions afférentes ? Aucune.

M. Yves Fromion et M. Pierre Lequiller.

Très juste !

Mme Christine Boutin.

A ce stade, et après qu'ont été établis pas moins de douze motifs d'inconstitutionnalité, se posent encore toutes les questions qui relèvent de l'opportunité.

On a tenté de démontrer que le PACS trouve sa raison d'être dans la seule volonté de rétablir une égalité contrariée. Mais il n'y a aucune égalité contrariée. Et puis, est-il moralement et politiquement acceptable de dépenser des milliards de francs en ces temps de difficultés budgétaires où l'on a déjà tant de mal à subvenir aux besoins des chômeurs et des pauvres ? (« Non ! non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie françaiseA lliance et du groupe du Rassemblement pour la République.

)

Est-il économiquement acceptable de créer des impôts nouveaux ou d'augmenter des prélèvements existants pour répondre à des enjeux aussi privés que ceux qui sont portés par le PACS ? (« Non ! non ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseA lliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le vieux principe napoléonien selon lequel la loi ignore ceux l'ignorent s'applique parfaitement ici : ce principe est en définitive le seul qui permette de respecter pleinement la vie privée, gravement atteinte par ce texte.

Que peut-on trouver insigne au point que la décision d'établir une communauté de vie différente de celle qu'adoptent les époux ou les concubins justifie des modalités différentes d'enregistrement d'état civil ? Ce caractère insigne n'est autre que le mode de vie, qui relève d'un pur choix de vie privée que l'Etat n'a pas à connaître, donc ni à légitimer, ni à codifier. Qu'on en vienne à tenir des registres des personnes qui ont choisi un mode d e vie particulier n'est proprement pas acceptable.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.) Du reste, à cause d'une volonté non conforme à notre Constitution pour huit raisons au moins, je le répète, cela conduirait à porter une grave atteinte à la famille, que nos textes fondateurs nous font obligation de protéger et de défendre. En gommant cette différence fondatrice pour l'ensemble des corps sociaux qu'est la différence sexuelle entre l'homme et la femme, tout aussi fondamentale pour les repères politiques que pour la construction psychologique des personnes, nous prendrions un risque dont on ne peut exactement mesurer les conséquences.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très juste !

Mme Christine Boutin.

J'entends dire souvent qu'aucune étude n'a démontré que les enfants avaient absolument besoin de vivre auprès d'un père et d'une mère, à défaut de connaître leur père et leur mère.

Je voudrais dire à ce sujet deux choses.

D'une part, la science n'est pas la seule à pouvoir énoncer des vérités fondamentales. Et même, on se rend souvent compte que ce qu'elle tient un jour pour certain et acquis peut n'être plus acquis le lendemain. Peut-on citer l'exemple, qui date de quelques jours seulement, du renouvellement des cellules nerveuses, que tout le monde considérait comme impossible ? Bref, la science n'a pas le monopole du vrai, et il faut même parfois se méfier des déclinaisons politiques de la science.

M. Alain Barrau.

Vous citez Galilée !

Mme Christine Boutin.

D'autre part, la seule chose que l'on puisse affirmer avec certitude est que la controverse sur le point de savoir si les enfants ont besoin de leur père et de leur mère est pour le moins ouverte. Il me paraît que ce débat encore « ouvert », je veux dire dans lequel aucun accord de la communauté scientifique ne se dégagerait, si j'en crois les objections que j'entends, doit nous conduire à ne pas prendre le risque que l'on veut nous faire prendre, d'autant plus que les indications du bon sens suffisent amplement à décider de cette affaire.

L'obligation constitutionnelle qui nous est faite de donner à chaque enfant un père et une mère doit nous interdire de voter le PACS. Toute autre décision, bien loin d'assurer un surcroît de stabilité, n'aurait pour conséquence que l'affaiblissement des repères et des fondements sociaux.

M. Jacques Myard.

C'est vrai !

Mme Christine Boutin.

Peut-on trouver plus précaire que cela ? En intaurant la répudiation, nous introduisons dans le code civil le droit du plus fort, que les systèmes juridiques ont mis près de trente siècles à évacuer des fondements des sociétés politiques, à défaut d'en avoir triomphé dans la pratique.

L'Assemblée nationale s'honorerait à ne pas rétablir ainsi ce que la civilisation a conquis sur la barbarie.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jack Lang.

Incroyable !

Mme Christine Boutin.

Vous devriez faire attention à ce que vous dites ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Jack Lang.

Et vous alors ?


page précédente page 08004page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Mme Christine Boutin.

Notre assemblée, disais-je, s'honorerait à ne pas rétablir ce que la civilisation a conquis sur la barbarie, c'est-à-dire tous les instruments juridiques de protection de celui qui, par sa fragilité, pourrait être soumis au vouloir arbitraire d'un de ses semblables.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela marquerait proprement un recul dont notre société souffrirait évidemment.

On s'en doute, de telles régressions à l'égard de notre système social et juridique ne pouvaient pas être sans que de graves contradictions soient apportées à nos textes fondamentaux. C'est bien pour cela que le PACS est contraire à notre Constitution.

J'ai dit combien les enjeux présentés par les promoteurs du projet étaient contraires à l'esprit de notre loi fondamentale, et comment le Gouvernement avait omis d'utiliser les moyens constitutionnels de saisine des organismes qui auraient pu communiquer des avis plus qu'utiles. Est-ce que vous les craignez ?

M. Thierry Mariani.

Oui, ils les craignent !

Mme Christine Boutin.

J'aurais également pu mentionner une autre difficulté majeure posée par le texte vis-àvis du droit communautaire, par lequel la France est liée, au regard des dispositions concernant les pactisants étrangers.

Le PACS ne manquera pas de faire éclater les lois c ommunautaires sur le regroupement familial. Cela posera plus qu'un problème et dépasse d'assez loin la compétence de notre assemblée. Mais de telles raisons ne feraient qu'ajouter aux motifs pour lesquels le PACS est contraire à notre Constitution.

Oui, le PACS est irrecevable au regard de l'article 40 de notre Constitution.

Oui, le PACS constitue une quadruple atteinte au principe d'égalité : parce qu'il est discriminatoire à l'égard des personnes homosexuelles, discriminatoire à l'égard des frères et soeurs, discriminatoire à l'égard des signataires, à qui n'offre pas les mêmes protections, et qu'il prive les répudiés de leurs droits d'accès aux procédures légales.

Oui, le PACS est contraire au droit de propriété.

Oui, le PACS est contraire au respect de la vie privée.

Oui, le PACS est contraire au Préambule de la Constitution de 1946 : parce qu'il instaure la répudiation, parce qu'il ignore l'obligation qui nous est faite de protéger la famille, parce qu'il ignore la nécessité de protéger l'enfant.

Oui, le PACS est contraire à l'article 34 de la Consitution en ce qu'il ne légifère pas de manière suffisamment précise.

Pour ces douze motifs, mes chers collègues, je vous demande de déclarer ce texte inconstitutionnel et d'adopter en conséquence l'exception d'irrecevabilité que j'ai eu l'honneur de défendre devant vous. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants se lèvent et applaudissent longuement. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Mme Boutin vient, pendant cinq heures,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Six !

M. Jean-Pierre Michel.

... de défendre une exception d'irrecevabilité qui aurait dû avoir pour but de nous démontrer que la proposition de loi était contraire à la Constitution. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Elle l'a fait !

M. Christian Cabal.

Vous ne l'avez pas écoutée !

M. le président.

Mes chers collègues, écoutons M. Michel en silence ! Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Comme je crois à la nécessité de respecter strictement notre règlement, ma réponse sera peut-être un peu décalée par rapport au discours de Mme Boutin, car je m'en tiendrai strictement aux éléments d'inconstitutionnalité qu'elle a soulevés, sans revenir sur les considérations générales qu'elle a évoquées et qui auraient mieux trouvé leur place dans une question préalable, voire dans la discussion générale.

M. Thierry Mariani.

On recommencera !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mme Boutin a soulevé un certain nombre de motifs d'inconstitutionnalité.

Le PACS constituerait une attaque contre le mariage, la famille et la protection des enfants. Je n'y reviendrai pas car de nombreuses réponses ont déjà été données par Patrick Bloche et moi-même et, surtout, par Mme la ministre.

Mme Boutin a aussi exprimé des regrets. Mais les regrets, chère collègue, ne sont pas par eux-mêmes des moyens d'inconstitutionnalité.

D'abord, le débat parlementaire est là pour l'information des citoyens. Le travail en commission a été réalisé et la réunion d'une commission spéciale n'aurait fait, nous le savons bien, que décharger les commissions naturellement concernées, à savoir la commission des lois et la commission des affaires culturelles, de leur travail...

M. Thierry Mariani.

Il n'y a pas eu d'audition !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Et je ne sache pas que cette assemblée soit particulièrement favorable aux commissions spéciales.

Par ailleurs, il a été procédé à de nombreuses auditions par les rapporteurs, comme c'est la règle. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Par les rapporteurs, mais pas par la commission !

M. le président.

Faites silence !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous savez comme moi, mes chers collègues, que les auditions publiques sont l'exception.

Quant au Conseil d'Etat, il n'a bien sûr pas n'a pas été saisi...


page précédente page 08005page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Michel Bouvard.

On a bien compris pourquoi !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... car il s'agit d'une proposition de loi. Mais peut-être Mme Boutin ne veutelle pas qu'on privilégie le travail parlementaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quant à la saisine du Conseil économique et social, elle n'est qu'une possibilité et, en l'espèce, je n'y vois aucun moyen d'inconstitutionnalité.

J'ajoute que ce n'est pas du tout la même proposition de loi qui a été discutée aujourd'hui et le 9 octobre.

Il est heureux que le règlement de notre assemblée, s'il est vérifié par le Conseil constitutionnel quant à sa constitutionnalité, ne fait pas partie du bloc de constitutionnalité. Je ne pense pas que tous les groupes qui sont ici représentés désireraient que notre règlement, c'est-àdire une simple loi, fasse partie du bloc de constitutionnalité car le Conseil constitutionnel, qu'il nous arrive de critiquer ici ou là, pourrait intervenir alors directement dans notre procédure parlementaire, ce que, me semblet-il, aucun de nous ne souhaite. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mme Boutin a également invoqué l'article 40. Sans revenir sur le respect mutuel que nous nous portons, ma chère collègue, j'avoue que j'ai été très surpris que le bureau de notre commission des finances ait été, pour la première fois, mis en cause de cette façon. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Ne fantasmez pas !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le bureau de la commission des finances a été saisi par moi-même du texte de la proposition de loi et de quatre-vingt-dix amendements.

M. Michel Bouvard.

Elle ne l'a pas été du nouveau texte !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je l'ai également saisi du nouveau !

M. Michel Bouvard.

C'est le même !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'ai été reçu par le bureau de la commission des finances, où siègent des membres de l'opposition et de la majorité. Il n'a opposé l'article 40 de la Constitution qu'à un seul article - de la précédente proposition de loi d'ailleurs. Cet article, qui a donc été disjoint, étendait au partenaire les droits dérivés de l'assurance maladie. Cet article ne figure pas dans la proposition de loi qui a été soumise à la commission des lois et qui est aujourd'hui soumise à notre assemblée.

Vous avez parlé de rupture du principe d'égalité, ma chère collègue. Mais le principe d'égalité ne s'oppose absolument pas à ce que des situations différentes soient traitées de la même manière. C'est là tout le texte ! D'ailleurs, dans un article paru dans un journal intéressant, M. Alain Madelin en a bien convenu puisqu'il a dit luimême qu'à trois situations différentes il était répondu par une seule solution et que cela n'était absolument pas à l'origine d'une rupture du principe d'égalité.

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

S'agissant de l'égalité devant l'impôt, si vous avez bien lu mon rapport, madame Boutin - et vous l'avez fait, vous l'avez prouvé à l'instant - vous conviendrez que la déclaration fiscale commune n'entraîne pas forcément une réduction d'impôt. Elle peut être neutre. Elle peut entraîner une réduction d'impôt dans certains cas, lorsque les revenus des deux partenaires sont très différents. Mais elle peut également entraîner une augmentation de l'impôt payé. Donc, je ne vois pas en quoi le fait d'accorder à certains, comme les frères et soeurs, la possibilité, dès qu'ils auront fait la preuve d'une vie commune, de faire une déclaration fiscale conjointe serait une rupture de l'égalité devant l'impôt par rapport à ceux qui ne pourraient « bénéficier » de cette déclaration fiscale conjointe que pour la troisième année des revenus qu'ils auront déclarés.

S'agissant du délai de trois mois, vous avez là soulevé un vrai problème - je le reconnais - par rapport à celui ou à celle qui voudrait sortir du PACS pour entrer dans le mariage. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'idée du délai de trois mois avait été émise en commission des affaires sociales par un membre de l'opposition et que nous l'avons retenue. Si l'Assemblée n'en veut plus, elle le dira au cours des débats.

Madame Boutin, vous avez également parlé très longuement et à plusieurs reprises de la rupture du PACS. Je vous dénie totalement le droit de parler de répudiation.

Celle-ci ne peut être envisagée que dans le cadre du mariage, car elle ne s'entend que par rapport à l'adultère (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et au fait que le lien conjugal ait été attaqué par

« des atteintes renouvelées », comme le dit le code civil.

Or, ici, il s'agit d'un contrat, d'un accord de volonté entre deux personnes. Le retrait de l'une des deux volontés mettra donc fin à ce contrat. Il y aura rupture unilatérale.

Bien entendu, madame Boutin, et vous le savez très bien, la jurisprudence sur la rupture abusive s'appliquera je l'ai d'ailleurs dit en commission de lois, mais malheureusement vous n'en faites pas partie. Si la rupture est jugée abusive, le juge civil sera donc appelé à statuer et il pourra allouer des dommages et intérêts à celui ou à celle qui aura été victime de cette rupture abusive. C'est l'application d'une jurisprudence normale et connue, depuis la rupture des fiançailles jusqu'à la rupture du concubinage notoire.

M. Richard Cazenave.

La rupture ne pourra être jugée abusive puisqu'on pourra rompre le PACS unilatéralement !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

En ce qui concerne les biens qui tombent dans l'indivision, je vous rappelle, madame Boutin, qu'aujourd'hui des personnes ayant divorcé peuvent se remarier et même, comme nous l'a dit le président du Conseil supérieur du notariat lors de son audition, se marier pour la troisième ou la quatrième fois sans que la communauté de biens du premier mariage ait été liquidée. Toutes les précautions ont été prises dans le texte. En effet, si vous le lisez bien vous verrez que ne tomberont dans l'indivision que les biens acquis postérieurement à la conclusion du PACS. L'argument que vous avez développé assez longuement tombe donc totalement.

S'agissant du non-respect de la vie privée et de la tenue de registres, le PACS concerne deux personnes, quel que soient leur sexe, qui n'entretiennent pas forcément entre eux de liens sexuels. Le fait de conclure un PACS est totalement neutre sur ce plan. Les registres ne renseigneront donc en aucun sur les moeurs de ces personnes. Cela


page précédente page 08006page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

dit, plusieurs précautions ont été prises. Le texte précise que, s'agissant des dispositions du décret d'application relative à la tenue de ces registres, la Commission nationale de l'informatique et des libertés sera préalablement consultée et rendra un avis. Par ailleurs, un amendement a été voté qui vise à ce que ces registres soient tenus par l'autorité judiciaire indépendante, et non plus par l'administration préfectorale.

Enfin, madame Boutin, vous dites que l'article 34 de la Constitution a été méconnu. Absolument pas ! Les dispositions de la proposition de loi s'intégreront dans le livre Ier du code civil sur les personnes, et vous le savez très bien puisque vous avez déposé des amendements sur ce point. Donc, toutes les dispositions concernant le livre Ier du code civil et concernant les personnes seront applicables à ce texte. Ce n'est pas la peine de le répéter.

Les dispositions sur les mineurs incapables et sur les majeurs incapables notamment s'appliqueront totalement, sans qu'il y ait lieu de les reproduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

J'en conclus, mes chers collègues, que le long exposé de Mme Boutin n'a fait apparaître aucun motif sérieux d'inconstitutionnalité. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au nom de la commission des lois, je vous demande donc de repousser cette exception d'irrecevabilité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Bernard Schreiner.

Elle n'a pas écouté ! Elle ne peut pas répondre !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la députée, les plaidoiries les plus longues ne sont pas forcément les plus convaincantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Yves Nicolin.

Quelle banalité de langage !

Mme la garde des sceaux.

Je crois avoir par avance répondu à la plupart des arguments invoqués.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'étaient pas des arguments, c'étaient des contrevérités !

Mme la garde des sceaux.

Je le répète : le PACS n'est dangereux ni pour l'individu ni pour la société !

M. Jacques Myard.

Il est dangereux pour les socialistes !

Mme la garde des sceaux.

L'examen des articles montrera en effet qu'il permettra plus de solidarité, ce dont nous avons tous besoin. Surtout, contrairement à ce qui a été prétendu, sans contredire en quoi que ce soit ni la Constitution ni les principes de notre droit, ce texte apportera les réponses adaptées aux besoins de nos concitoyens. Voilà pourquoi je vous demande de rejeter l'exception d'irrecevabilité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Independants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est nul !

M. le président.

Dans les exploitations de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

M. René Dosière.

Il y a, dans la déclaration de Mme Boutin, au moins deux impostures.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Et le PACS, ce n'est pas une imposture !

M. René Dosière.

La première, c'est celle qui consiste à s'exprimer en quelque sorte avec le drapeau du catholicisme.

(Protestations sur les mêmes bancs ; claquements de pupitres.)

Dans un Etat laïc, il n'appartient pas aux responsables politiques d'être les porte-voix des évêques. Eux peuvent exhiber la Bible. Pas vous, madame, et pas dans cet hémicycle ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe D émocratie libérale et Indépendants ; claquements de pupitres.)

C'est la Révolution française qui a mis fin à une société religieuse (« Sectaires ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) au bénéfice d'une société sécularisée avec l'institution du mariage civil et du divorce. Désormais, le droit civil est autonome par rapport au droit canon.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Fort heureusement, madame, vos convictions religieuses ne sont pas partagées par une majorité des catholiques français. Refuser que la loi religieuse règle la vie sociale, c'est refuser les sociétés d'intolérance, catholiques hier, mulsulmanes aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives protestatons sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants ; claquements de pupitres.)

M. Jacques Myard.

C'est une attaque personnelle !

Mme Christine Boutin.

C'est honteux, ce que vous dites !

M. René Dosière.

La seconde imposture, c'est la commisération dont vous faites preuve envers les homosexuels. Ce n'est pas autre chose que de l'hypocrisie. Les homosexuels n'ont pas besoin de votre charité, madame, ils veulent simplement la justice. En reconnaissant l'existence des couples homosexuels, le texte n'entend pas en faire un modèle de vie commune.

M. Thierry Mariani.

C'est scandaleux !

M. René Dosière.

Il mettra seulement fin à des discriminations fondées sur la sexualité, tout aussi inadm issibles que les autres discriminations religieuses, raciales, politiques ou économiques. C'est ainsi que la dignité des personnes sera véritablement respectée. Votre attitude, madame, finalement est conforme à celle de tous ceux qui hier s'exprimaient contre la légalisation de la contraception et de l'interruption volontaire de grossesse.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 08007page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

A chaque fois, heureusement, il s'est trouvé une majorité progressiste, plus nombreuse à gauche qu'à droite, pour reconnaître les évolutions nécessaires. Une nouvelle fois, ce sera le cas. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre l'exception d'irrecevabilité.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, d'entrée de jeu, je mettrai fin au suspens : le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme l'a brillamment démontré Christine Boutin, cette proposition de loi est contraire à plusieurs dispositions de notre bloc de constitutionnalité.

Premièrement, il faut le répéter, le Gouvernement viole délibérément et incontestablement l'article 84, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée nationale qui stipule que

« les propositions repoussées par l'Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an. »

M. Yves Nicolin.

Forfaiture !

M. Didier Quentin.

Deuxièmement, le texte est clairement incompatible avec le préambule de la Constitution de 1946, qui souligne que la nation assure à la famille les conditions nécessaires à son développement.

Troisièmement, la Cour européenne des droits de l'homme n'a jamais admis que les couples homosexuels puissent être protégés au titre du droit de la famille.

Mme Odette Grzegrzulka.

On a compris !

M. Didier Quentin.

Quatrièmement, cette proposition est contraire au principe d'égalité entre les couples hétérosexuels et homosexuels.

Cinquièmement, elle crée de fait un fichier permanent des homosexuels.

J'arrête là l'énumération. En tout, douze motifs d'inconstitutionnalité ont été relevés et excellemment analysés par Mme Boutin, qui a complété ceux développés le 9 octobre dernier par M. Mattei.

Ainsi, ce pacte civil de solidarité, élaboré de manière chaotique et cacophonique, est, dans sa rédaction actuelle, un monstre juridique. Il est de plus inutile, injuste, inopportun et inquiétant.

Il est inutile, car il y avait d'autres moyens de régler less ituations difficiles des couples homosexuels et des couples hétérosexuels non mariés.

Il est injuste, car le principal acquis du mariage républicain et laïc est l'égalité parfaite instituée entre les conjoints et la protection réelle des enfants. Or, le PACS ne protège pas les plus faibles.

Il institue une quasi-répudiation,...

Mme Françoise de Panafieu.

La répudiation tout court !

M. Didier Quentin.

... même si vous avez essayé de démontrer le contraire. Il n'offre aucune garantie durable à l'épanouissement des enfants. Il crée des droits sans établir de devoirs : les « PACSés » sont à part entière pour les avantages et entièrement à part pour les obligations !

Il défavorise les couples qui auront choisi le mariage républicain et laïc. Il est discriminatoire pour les 7 millions de personnes seules : les veuves, les veufs, les célibataires et les divorcés. Il apporte des avantages fiscaux c onsidérables aux futurs « PACSés » - au moins 6 à 7 milliards de francs -, alors que le Gouvernement vient de retirer la même somme aux parents mariés qui élèvent leurs enfants dans un cadre légalement constitué.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! On prend l'argent des enfants !

M. Didier Quentin.

Le PACS est aussi inopportun, car il prend acte d'évolutions non souhaitables de la société française qui mettent en cause sa pérennité et sa cohésion. Il crée une concurrence déloyale avec le mariage et sa signature devant le tribunal d'instance risque même de lui accorder un statut symbolique supérieur. Le PACS intervient dans une phase démographique préoccupante, qui nécessiterait une politique volontariste de redressement familial et non l'inverse, ne serait-ce que pour payer les retraites à venir.

Il nous est soumis alors que le Gouvernement entreprend depuis un an et demi un véritable démantèlement de la politique familiale de la nation.

M. Henri Cuq.

Très juste !

M. Didier Quentin.

Il risque de déboussoler encore un peu plus de nombreux jeunes qui manquent de repères et il fait ainsi le lit des extrémistes.

Il introduit la confusion entre les couples homosexuels et hétérosexuels dans une société qui, pour être tolérant e, a néanmoins des valeurs à défendre. Le parti socialiste prône l'indifférenciation : tout se vaut, le fait crée le droit. Or le rôle du politique est d'indiquer des valeurs fortes.

Plusieurs députés du groupe Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Didier Quentin.

Enfin, le PACS est inquiétant, car, non content de légitimer certaines dérives de la société, il risque de les amplifier et de poser des problèmes éthiques.

Quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites.

Il va accentuer la baisse du nombre des mariages laïcs et républicains, donc déstabiliser un peu plus la cellule familiale. Il est le premier pas vers la reconnaissance du droit à l'adoption pour les homosexuels et même à la procréation médicalement assistée.

Il ouvre une nouvelle porte à une immigration non contrôlée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , alors que la gauche l'a déjà fait avec la loi sur le droit de séjour des étrangers en France.

Les PACS blancs et de complaisance risquent de se multiplier, devenant des instruments de fraude fiscale. Les homosexuels eux-mêmes vont se retrouver fichés sur des registres...

M. Bernard Roman.

Nous les avons supprimés, vos registres !

M. Didier Quentin.

... accessibles à tous, la vie durant.

N'y a-t-il pas là une évolution dangereuse quand on se souvient des persécutions dont ils ont été victimes à certains moments de l'histoire ?

M. Jean-Yves Le Déaut.

Hypocrite !

M. Didier Quentin.

On voit bien que ce texte a été mal c onçu, mal préparé, dans l'improvisation et dans l'approximation...


page précédente page 08008page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Veuillez conclure, s'il vous plaît !

M. Didier Quentin.

... et surtout dans la confusion des objectifs et des valeurs. On en perçoit bien les innombrables effets pervers ! L'enfer juridique et fiscal est pavé de bonnes intentions morales ! Pour complaire à une clientèle, une partie de la gauche plurielle...

M. Jean-Pierre Blazy.

Et même Mme Bachelot !

M. Didier Quentin.

... - je dis bien une partie car je suis sûr que de nombreux élus parmi vous s'interrogent en conscience - a déclenché une machine infernale.

M. le président.

Terminez, s'il vous plaît !

M. Didier Quentin.

Certes, la gauche a l'air d'épouser, si je puis dire, notre époque. Des jeunes disent : « Le PACS, c'est cool ! » Mais en fait n'est-ce pas une nouvelle

« trahison des clercs » qui se prépare ? Le rôle du législateur n'est pas de se mettre à la remorque des moeurs, surtout quand celles-ci sont tellement volatiles et changeantes.

Le groupe RPR dit non à ce texte mal conçu, malvenu et surtout de fort mauvais augure pour la société de dignité, de responsabilité et de vraie solidarité que nous souhaitons pour la France. C'est pourquoi le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité. (Vifs applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Madame Boutin, vous avez, cinq à six heures durant, fait preuve d'une conviction dont j'avais jusqu'ici méconnu la profondeur, je l'avoue, et qui est de celles qui déplacent les montagnes.

« Si vous avez de la foi gros comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne : "Déplace-toi d'ici à là", et elle se déplacera, et rien ne vous sera impossible. »

Evangile selon saint Matthieu. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Madame Boutin, convenons-en, l'atmosphère qui s'est créée pendant que vous parliez ne ressemble pas à ce transport divin qu'on nomme l'enthousiasme ! (Rires sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vous avez brandi un autre bréviaire, que je trouve très intéressant, et vous avez énuméré douze raisons d'anticonstitutionnalité. Diable !

M. Charles Cova.

Laissez le diable où il est ! Le diable, c'est vous.

M. Georges Hage.

Où vais-je trouver l'Hercule juridique qui me tirera de ce mauvais pas ? (Sourires.)

Je voudrais rappeler, madame Boutin, que les motions de procédure - exception d'irrecevabilité, question préalable - ne sont pas des formalités, mais qu'elles sont des moments significatifs de la démocratie parlementaire. Les votes qui en découlent sont importants et doivent être respectés. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Quel aveu !

M. le président.

Continuez, monsieur Hage !

M. Georges Hage.

Les députés communistes ont une trop solide culture d'opposition...

M. Jacques Myard.

Y compris dans la gauche plurielle !

M. Georges Hage.

... pour minimiser la valeur de ces procédures.

(Exclamations sur les bancs du groue du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Revenez dans l'opposition !

M. Georges Hage.

L'article 84 de notre règlement stipule que (« Alors ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les propositions repoussées par l'Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an ». Mais on pourrait se demander si le terme de

« proposition » vise le texte déposé à l'initiative des députés ou, au contraire, celui adopté par la commission compétente, qui vient seul en discussion en séance publique.

M. Jacques Myard.

C'est de la dialectique !

M. Georges Hage.

La question est surtout de savoir s'il s'agit ou non d'un texte nouveau. En l'occurrence, c'est le cas.

(Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs articles sont différents de la proposition initiale.

M. Richard Cazenave.

C'est de la casuistique !

M. Georges Hage.

Certes, le sujet est le même et revisite les articles du code civil. Mais est-ce que le vote d'une motion de procédure contre un projet sur la sécurité sociale, par exemple, pourrait interdire de légiférer pendant un an sur la sécurité sociale ? A l'évidence, non ! Il s'agit bien d'un nouveau texte, et je souhaite que les élus de tous les groupes s'engagent pleinement dans ce débat de société. Là est ma profession de foi.

Je voudrais rappeler que ces débats doivent dépasser les clichés et les clivages droite-gauche en évoquant les avancées majeures accomplies depuis trente ans sous des gouvernements de droite.

La loi relative à l'autorité parentale date de 1970. Les députés communistes, qui agissent de longue date pour que soit dépassée la notion du mari chef de famille, l'avaient votée, comme ils avaient voté la loi de 1972 sur la filiation, la loi du l'IVG ou la loi sur l'abolition de la peine de mort. L'actuel Président de la République et plusieurs responsables du RPR l'ont votée, et c'est très bien.

Engageons-nous donc dans ce débat nécessaire, avec le double souci de répondre au mieux à l'attente de nos concitoyens dans leur diversité et d'assurer à chacun le respect de l'autre, auquel les Français sont particulièrement attachés.

La répétition ne plaît pas, en vertu de l'adage. Mais je ne voudrais pas pour autant révoquer en doute la réponse que j'avais adressée à Jean-François Mattei. Celle-ci consistait à remonter aux sources de notre culture commune, pour mettre en évidence les contradictions de l'opposition que vous êtes et qui refuse le PACS. Si j'ai parlé de Cambacérès, c'est qu'il était attentif à l'égali té des individus, à la non-discrimination et au respect de la vie privée. Il ne faisait pas mystère de ses penchants, encore que ça ne fasse rien à l'affaire... Mais permettezmoi la prosopopée : il eût voté le PACS ! (Sourires.)

M. le président.

Pouvez-vous vous acheminer vers votre conclusion, s'il vous plaît ?


page précédente page 08009page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. Georges Hage.

J'ai cité l'Ecclésiaste et sa fameuse malédiction. J'aurais pu choisir dans le Coran : « Un voyageur solitaire est un diable. » J'aurais pu choisir dans

le bouddhisme : « L'homme qui reste seul, bien qu'ayant résolu d'obéir à la vérité, peut être faible et retomber ens es anciens errements. C'est pourquoi demeurez ensemble ! » Quant au Cantique des cantiques (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), j'ai eu l'intention, après avoir vanté la beauté des poèmes, de vous en lire un verset.

M. Richard Cazenave.

Et que dit Fidel Castro ?

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Hage !

M. Georges Hage.

Mais je me suis dit que vous étiez en rupture avec cette culture-là, soit par pudibonderie, soit par oubli. Ces beaux vers que j'aurais déclamés vous auraient peut-être paru libidineux, pornographiques ou relever de la gaudriole. C'est pourquoi je m'en abstiendrai.

Monsieur le président, pour terminer, j'en reviendrai à l'Ecclésiaste. « Il y a un temps pour chaque chose », un temps, chère madame Boutin, pour jouer la montre et laisser filer le temps, et un temps pour, sans tarder davantage, voter contre cette exception d'irrecevabilité que vous nous avez présentée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier.

Monsieur le président, mes chers collègues, depuis quelques années, des associations militent en faveur d'un changement des normes de la législation c ivile en matière matrimoniale. Elles revendiquent, notamment, la possibilité de reconnaître et de protéger par la loi la relation homosexuelle au même titre que la relation du couple entre un homme et une femme.

Toujours prompts à répondre aux exigences de certains lobbies, les députés de l'actuelle majorité ont immédiatement saisi l'occasion pour déposer une, puis plusieurs propositions de loi visant à définir un statut original pour le couple non marié.

Bien évidemment, le Gouvernement - ce Gouvernement, qui n'est pas en reste pour séduire tous ceux qui peuvent l'être - a compris l'intérêt électoral qu'il pouvait en retirer. D'ailleurs, quelle preuve plus éclatante que cet acharnement à vouloir adopter coûte que coûte ce texte, marlgré le revers cinglant du 9 octobre, mais ô combien révélateur des réticences, pour ne pas dire du désarroi qui anime les députés assis - je dirai même « requis » - à la gauche de cet hémicycle ? Le Gouvernement a donc encouragé la rédaction d'un nouveau texte favorable aux revendications de la communauté gay, et ce malgré des positions officielles un temps controversées. C'est ainsi que Mme Tasca, présidente de la commission des lois, défilait fièrement à la Gay Pride, que Mme Aubry, pourtant très engagée pendant la campagne électorale de 1997, prenait du recul, tandis que Mme Guigou multipliait les déclarations du style : il faut prendre le temps d'améliorer le texte, ou encore : il faut tout faire pour ne pas toucher à la symbolique-histoire sans doute de donner des gages à une majorité hésitante.

Malgré ces atermoiements et le « couac » du 9 octobre dernier, nous revoilà. Nous redébattons du pacte de solidarité. Vous allez sans doute nous expliquer, que le nombre des mariages a chuté, que le nombre de femmes seules avec des enfants représente un quart des familles et qu'il faut donc trouver des solutions nouvelles. Pour clore cette avalanche d'arguments, vous citerez le développement de la précarité lié au chômage, les difficultés d'accès au logement, la place qu'a jouée sans doute la triste maladie du sida dans l'exclusion des personnnes, etc. D'où la nécessité de créer un statut suffisamment souple pour favoriser la survie de ces couples. Ainsi est né le PACS.

Vous n'aurez pas manqué de noter la légère pointe d'ironie contenue dans ce propos, non pas qu'elle laisse préfigurer mon opposition à la recherche d'une solution, mais tout simplement parce que je trouve hypocrite de ne pas avoir le courage d'avouer que ce texte s'adresse avant tout aux couples homosexuels. Quelle honte y avait-il à le dire haut et fort ? Mme Boutin, à l'occasion de ce débat, a posé les véritables questions et dénoncé les fausses solutions apportées.

Sur le fond, madame la garde des sceaux, ce texte crée tout simplement un statut juridique nouveau qui viendra, dans l'ordonnancement juridique actuel, s'intercaler entre le mariage et le concubinage. Il témoigne, une nouvelle fois, du peu de considération que vous portez à la famille et stigmatise - c'est un euphémisme - votre maladresse politique en ce domaine.

Mais est-ce bien volontaire ? Non parce que nous considérerions qu'il faille nier les unions de fait ou méconnaître l'existence des couples homosexuels, mais t out simplement parce que votre projet inspire la méfiance face au bouleversement des valeurs qu'il provoquera et aux conséquences mal maîtrisées qu'il engendra.

Les libéraux que nous sommes considérons que chaque être humain a droit au respect de sa vie privée et à une vie sexuelle qu'il a librement choisie. Personne n'a le droit de le condamner. De même, nous considérons légitime que deux personnes qui ont développé un projet de vie en commun puissent bénéficier de certains droits. Il est tout à fait normal qu'elles puissent transmettre au dernier vivant leur patrimoine sans trop de difficulté. C'est simplement humain.

Mais votre PACS est une fausse bonne idée parce qu'il mélange deux logiques : celle du mariage et celle du concubinage, sans résoudre les problèmes posés aux couples ayant choisi l'union libre, en s'adressant à ceux qui ne veulent pas du mariage et pas à ceux dont le mariage ne veut pas.

En réalité, vous proposez un mariage bis tel que le définit la sociologue Irène Théry, qui pourtant n'est ni vraiment conservatrice, ni catholique militante, ni précisém ent de droite, ou encore une « sous-marque du mariage », comme le qualifie le doyen Carbonnier.

Est-ce bien cela que la société attend de vous,...

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Teissier !

M. Guy Teissier.

... est-ce bien ce que la société attend de nous ? S'il est difficile de sortir du mariage, en revanche, le PACS peut être rompu sans aucune formalité. Je suis persuadé, monsieur Michel, que, contrairement à vos allégations, la répudiation deviendra la règle dans ce système.

Ce serait tout de même un paradoxe que ce soit la première femme garde des sceaux de notre République qui soit à l'origine de cette régression sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ces interrogations, madame la ministre, prouvent, s'il en est besoin, les limites de la logique qui sous-tend ce texte...


page précédente page 08010page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Il faut conclure !

M. Guy Teissier.

... à moins que vous n'ayez fait vôtre l a maxime de Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro : ...

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît !

M. Guy Teissier.

...

« De toutes les choses sérieuses, le mariage étant la plus bouffonne... ». Auquel cas nous

comprendrons mieux votre insistance à vouloir dévaluer cette noble institution qu'est le mariage.

Autant qu'il y a quelques semaines, le texte qui nous est présenté est inconstitutionnel.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera pour l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Chers collègues, je serai très bref.

Nous savons tous que, depuis longtemps, en France, l'union libre est répandue, par millions de cas. Nous savons tous que, depuis longtemps, en France, des centaines de milliers d'homosexuels vivent en couple.

M. Michel Bouvard.

Tant que ça ?

M. Yves Cochet.

C'est pourquoi nous estimons que le PACS est conforme à la Constitution de notre pays, ainsi qu'à la Déclaration universelle des droits de l'être humain de 1948.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous estimons que l'on ne peut pas priver de droits des personnes vivant ensemble sous prétexte qu'elles ont une orientation sexuelle ou une autre. C'est pourquoi les députés du groupe RCV voteront contre l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier intervenant dans les explications de vote, j'indique à l'Assemblée que sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, il y aura scrutin public à la demande des groupes socialiste et UDF.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annnoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

La violence des réactions de la majorité au discours de Christine Boutin et le caractère pour le moins sommaire des réponses faites aux motifs d'inconstitutionnalité - très sérieux - qu'elle a soulevé man ifestent que son discours touche juste, c'est-à-dire là où ça fait mal. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Par son discours, Mme Boutin a dévoilé l'imposture que constitue la présentation de ce projet par le Gouvernement. Aux propos provocateurs de M. Dosière, je répondrai : Non ! Mme Boutin n'a pas parlé avec un autre bréviaire dans sa poche que la Constitution.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et c'est bien ce qui vous dérange ? Je ne peux pas reprendre la liste des mensonges sur lesquels est fondée la présentation de ce projet. Mais j'en dénoncerai certains.

Premier mensonge : il est évident, nous le savons tous, et au-delà de cet hémicycle les Français le savent, que vous redéposez la même proposition que celle que nous avons rejetée. Le texte est donc irrecevable puisqu'il viole l'esprit de notre règlement et de la Constitution.

Deuxième imposture : vous prétendez qu'il s'agit de créer de nouveaux droits et vous dotez du même statut juridique et fiscal des couples qui sont objectivement dans des situations complètement différentes. C'est une violation flagrante du principe d'égalité tel qu'il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

Troisième imposture : vous prétendez que l'on peut légiférer sur les couples sans le moins du monde poser le problème des conséquences de cette législation sur les familles et les enfants. Mais qui peut sérieusement penser que vous croyez ce que vous dites ? Le Préambule de la Constitution de 1946 fait un devoir à la nation de garantir le développement de l'individu et de la famille. Dans un texte qui concerne potentiellement des millions de couples et des millions d'enfants, il n'y a pas un mot sur les conséquences qu'il aura pour l'enfant et pour la famille. Et contrairement à ce qu'a affirmé Mme la garde des sceaux, on ne peut par légiférer sur les couples sans poser les problèmes qui en découlent pour l'ensemble de la famille.

Enfin, et c'est peut-être le plus grave, vous avez enfanté un monstre juridique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous n'avez pas pris le temps du minimum de concertation. Comment pouvez-vous vous poser en défenseurs de la République et de la démocratie alors que c'est la première fois dans l'histoire sociale de la Ve République, que nous légiférons sur un texte de cette importance sans avoir entendu aucune des familles spirituelles de ce pays (Exclamations sur les mêmes bancs.)

aucune des associations connaissant le sujet, ni même aucun des experts sérieux sur l'évolution de la famille ? Il n'y a pas eu une seule audition contradictoire en commission des lois. Pas une ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Puisque M. Hage, dont j'apprécie l'humour et la culture, à fait référence à l'Ecclésiaste, je dirai, mes che rs collègues : vanité des vanités, le PACS n'est que vanité.

Il passera, la Constitution restera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais maintenant mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité présentée par M. Douste-Blazy.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.


page précédente page 08011page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'exception d'irrecevabilité : Nombre de votants ...................................

532 Nombre de suffrages exprimés .................

532 Majorité absolue .......................................

267 Pour l'adoption .........................

233 Contre .......................................

299 L'exception d'irrecevabilité est rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UN AVIS EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 3 novembre 1998, de M. le président du Conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales, en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité sociale, un avis sur l'exécution de la convention d'objectifs et de gestion signée le 14 mai 1997 entre l'Etat et la Caisse nationale des allocations familiales.

3

ORDRE DU JOUR

M. le président.

Aujourd'hui, à onze heures quarantecinq, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 ; M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Logement : M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 26 au rapport no 1111) ; M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome XI).

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 ; M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Aménagement du territoire : M. Alain Rodet, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 6 au rapport no 1111) ; M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome III).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à trois heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ERRATUM Au compte rendu intégral de la 1re séance du 27 octobre 1998 (Journal officiel, Débats de l'Assemblée nationale, no 89, du 28 octobre 1998) Page 7381, 2e colonne, 5e alinéa, 4e ligne : Au lieu de :

« 8,5 milliards en 1997 », Lire :

« 1,5 milliard en 1997 ».

DÉCISION DU BUREAU DE LA COMMISSION

DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (Réunion du mercredi 28 octobre 1998) Le bureau de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisi en application de l'article 92, alinéa 2, du règlement de l'Assemblée nationale de la recevabilité du rapport (no 1138) sur les propositions de loi (no 1118) de M. Jean-Pierre Michel, (no 1119) de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, (no 1120) de M. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste, (no 1121) de M. Guy Hascoët et (no 1122) de M. Alain Tourret, relatives au pacte civil de solidarité ; après avoir entendu l'auteur du rapport : décide que les dispositions de l'article 40 ne sont pas opposables au rapport susmentionné.


page précédente page 08012

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 3e séance du mardi 3 novembre 1998 SCRUTIN (no 133) sur l'exception d'irrecevabilité opposée par Mme Boutin à la propo sition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Nombre de votants .....................................

532 Nombre de suffrages exprimés ....................

532 Majorité absolue ..........................................

267 Pour l'adoption ...................

233 Contre ..................................

299 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Contre : 238 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Jean Glavany (membre du Gouvernement) Groupe R.P.R. (137) : Pour : 126 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 1. - Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Groupe U.D.F. (68) : Pour : 68 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 36 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Contre : 32 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 1. - M. André Aschieri.

Contre : 28 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (5) : Pour : 2. - MM. Charles Millon et Philippe de Villiers .