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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 8017).

2. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8017).

LOGEMENT M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour le logement et l'urbanisme.

MM. Jacques Guyard, Gilbert Meyer, Jean-Marie Morisset, Jean Proriol,

Mme Janine Jambu.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8027).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures quarante-cinq.)

1

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

PRIORITAIRE

M. le président.

J'ai reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre m'informant que l'examen des crédits du logement serait poursuivi cet aprèsmidi après les questions au Gouvernement et avant la discussion des crédits de l'aménagement du territoire.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

Compte tenu du programme de travail d'aujourd'hui, je demande instamment à chacun de respecter son temps de parole et je m'emploierai, en ce qui me concerne, à faire appliquer strictement le règlement.

2 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

LOGEMENT

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement, concernant le logement.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, mes chers collègues, si la qualité et la pertinence d'un budget du logement se mesurent à ses effets sur les conditions d'habitat de nos concitoyens, voyons où nous en sommes aujourd'hui.

La population française a crû de 8 % entre 1980 et 1995. Dans le même temps, le nombre de ménages a augmenté de 19 % et la part de l'investissement en matière de logement a diminué de 32 % à 25 %.

Parallèlement, la qualité des logements s'est nettement accrue ; la part des logements sans confort n'est plus que de 3 %, même si c'est encore trop ; les surfaces moyennes ont augmenté de 85 à 96 mètres carrés.

Toujours sur la même période, le nombre de logements pour 1 000 habitants est passé de de 436 à 479, soit une progression de 10 %.

N os concitoyens ont été sensibles aux politiques publiques d'incitation à l'accession sociale et à l'accession tout court à la propriété puisqu'ils sont, pour 54 % d'entre eux, propriétaires, contre 47 % en 1980.

Ce constat aurait tout pour nous réjouir. Mais si les conditions de vie des Français se sont sans conteste améliorées au cours des deux décennies écoulées, ce n'est pas pour tout le monde. Nous rencontrons tous les jours, dans nos circonscriptions, des situations de précarité et d'exclusion. La paupérisation gagne du terrain, l'inégalité se développe, le fossé se creuse...

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions adoptée en juillet dernier est notre réponse collective à la détresse de ces hommes et de ces femmes.

Les mesures que le Gouvernement nous propose d'adopter dans la loi de finances pour 1999, mesures qui dépassent le strict cadre du budget du logement puisque nous assistons à une fiscalisation des politiques publiques, vont également dans le sens du renforcement de la solidarité nationale en faveur des plus fragiles.

Deux exemples.

Le statut du bailleur privé va permettre enfin de mettre un terme aux avantages exorbitants de l'amortissement accéléré dit « Périssol ». Il va surtout favoriser l'émergence d'un parc locatif intermédiaire, qui fait cruellement défaut dans les zones urbaines.

Ce statut offre plusieurs avantages : il associe tout d'abord les bailleurs privés qui le souhaitent à la politique d'intérêt général du logement intermédiaire, remettant ainsi en cause l'image surannée du propriétaire « à la Daumier » ; il concerne aussi bien le neuf que l'ancien ; il donne une contrepartie sociale à l'avantage fiscal ; il contribue enfin à la modération des références de loyer utilisées pour le renouvellement des baux. Cette sortie en sifflet d'un système hors norme relève de l'exercice d'équilibrisme : elle concilie les besoins en logements locatifs et l'octroi d'avantages mesurés.

Je n'aurai qu'un voeu, monsieur le secrétaire d'Etat : que les organismes du logement social puissent prendre leur part à la constitution de ce nouveau secteur.

Deuxième exemple : la baisse des droits de mutation, par la suppression de la taxe additionnelle régionale de 1,60 % annoncée au début de l'été, concourt à la nécessaire fluidité sur les marchés du logement et, de même que le nouvel amortissement, au rééquilibrage des aides publiques entre logements anciens et logements neufs.


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Les moyens affectés au logement sont à la hauteur des ambitions du Gouvernement, avec 48,283 milliards de francs de crédits, en augmentation de 2,20 % si l'on tient compte de la réintégration du compte d'affectation spéciale 902-30, et de 13,33 % pour le budget stricto sensu, qui s'établit à 45 milliards.

Plusieurs bonnes nouvelles sont à relever.

La stabilisation du mécanisme du 1 % logement constitue un progrès. Hier objet de convoitise et perdant au fil du temps ses finalités et son paritarisme, le 1 % logement voit enfin ses missions recentrées par la convention conclue entre l'Union d'économie sociale pour le logement et l'Etat le 8 août 1998.

Le retour du financement de l'accession sociale à la propriété dans le budget de l'Etat, soit 6,2 milliards pour 125 000 opérations, devrait garantir la pérennité de l'effort public en faveur des familles qui, éligibles au prêt à taux zéro, souhaitent acquérir leur logement, sous réserve bien entendu de l'annualité budgétaire.

Ce retour s'accompagne de la mise en place d'un mécanisme de sécurisation sous deux formes différentes, selon que les bénéficiaires sont ou non salariés d'entreprises assujetties à la participation des entreprises à l'effort de construction.

Vous ne vous étonnerez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, si je trouve cette sécurisation insuffisante, au regard de celle que développent actuellement les organismes du logement social. Cette généralisation était devenue néanmoins indispensable dans le monde aléatoire où nous vivons, du fait de la précarité économique croissante.

La gamme des instruments spécifiques à destination d es personnes les plus modestes s'est consolidée : 20 000 PLA à loyer minoré pour les foyers à faibles ressources sont programmés et 10 000 PLA d'intégration pour les familles à ressources modestes nécessitant de plus un accompagnement social. S'y ajoutent les 50 000 PLA classiques, dont 5 000 réservés à l'ancien et 5 000 construction-démolition, ainsi que les 120 000 PALULOS.

Au total, 2,9 milliards seront consacrés au secteur locatif social.

La complexité accrue du système d'aide ne doit pas occulter le gain d'efficacité lié à un meilleur ciblage des aides publiques.

L'engagement gouvernemental d'un rapprochement entre l'allocation de logement et l'APL, pour se diriger à terme vers une fusion, procède également d'un bon principe, celui de l'égalité de tous les citoyens devant l'aide publique.

E nfin, la réforme des attributions de logements sociaux, orientée elle aussi vers l'égalité de traitement des citoyens et une meilleure affectation des aides publiques, constitue, sous réserve de sa bonne application, un progrès important, en particulier pour la région Ile-deFrance. Quoiqu'il semble déjà que cette réforme, faite pour la région parisienne, n'aurait, au bout du compte, aucun effet sur les pratiques en cours.

En somme, la politique du logement progresse dans le sens de l'équilibre et de l'égalité. La discussion budgétaire est, pour la seconde fois, monsieur le secrétaire d'Etat, l'occasion annuelle de le constater.

Mais il vous faut aujourd'hui vous attaquer à de nouveaux chantiers pour consolider ces acquis.

L'aide personnelle au logement est le premier thème sur lequel nous devons être vigilants, car les moyens qui lui sont consacrés sont en forte croissance d'année en année, sans que nous mesurions toute l'efficacité du système. D'une loi de finances à l'autre, les crédits mobilisés augmentent ainsi de plus de 6 %, atteignant 35 milliards de francs.

L'aide personnelle au logement est un facteur fondamental d'égalité sociale qui concerne plus de 6 millions de ménages. Pour une partie importante des locataires qui perçoivent l'APL, le taux d'effort financier a augmenté entre 1995 et 1998, plus ou moins selon la taille de la famille et le revenu. Il ne faudrait pas que l'unification des aides personnelles entamée il y a peu se traduise par une perte de pouvoir d'achat pour les familles les plus modestes.

Si le bouclage des aides personnelles a eu pour effet d'améliorer la solvabilité de nombreux ménages, l'INSEE a cependant constaté qu'il est loin d'avoir été suffisant pour couvrir l'augmentation des loyers et des charges. Les locataires très modestes ont donc vu leurs dépenses de logement croître au cours des dernières années, plus particulièrement du fait du recalage des charges.

Parallèlement, le nombre de bénéficiaires de l'APLaccession a diminué de presque 10 % entre 1995 et 1997.

Si, comme nous le disent les bénéficiaires du prêt à taux zéro, il s'agit de personnes à revenus modestes ou moyens, cette évolution fragilise les ménages accédant à la propriété et ne peut être poursuivie.

Deuxième thème de préoccupation, la remise en cause de la construction locative sociale par trois phénomènes : le nombre de logements PLA mis en chantier, 72 000 en 1993, n'était plus que de 46 000 en 1997, année noire pour le logement social ; la consommation des crédits PLA en 1998 semble - la lisibilité n'est pas parfaite proportionnellement plus faible que les années précédentes ; la vacance augmente dans le parc social, probablement de manière inégale selon les sites.

Il est indispensable que l'Etat établisse rapidement un bilan avec les professionnels. Autant il ne paraît pas admissible que des problèmes proviennent d'égoïsmes locaux ou d'un manque d'engagement et de professionnalisme des constructeurs sociaux, autant les vrais problèmes doivent être dégagés. Le diagnostic est désormais indispensable et il sera demandé à l'occasion de l'examen du prochain budget. Il devra être accompagné d'un bilan de l'opération « logements de qualité à coût maîtrisé » - LQCM. Si l'expérimentation de cette approche s'avérait concluante, elle serait l'une des conditions pour mieux équilibrer les opérations, et économiser du même coup les crédits budgétaires.

Le troisième chantier à ouvrir est celui du logement intermédiaire. Votre rapporteur désigne par là des logements qui, dans les grandes villes, où les loyers sont élevés, permettent à des familles de se loger pour 50 francs le mètre carré par mois. Faute d'un tel produit, la ville se déséquilibre, concentre les ménages aisés et rejette en périphérie les familles modestes. Toute la politique du Gouvernement va dans le sens inverse à cette tendance.

Or le prêt locatif intermédiaire - PLI - conçu pour cet objectif est un produit qui, de notoriété publique, ne fonctionne pas. C'est ainsi qu'en 1997, 2 500 PLI seulement ont été financés dans toute la région Ile-de-France.

Cela ne nous prépare nullement aux échéances à venir.

Enfin, il est navrant de constater que, malgré les interventions parlementaires dénonçant le caractère coûteux et injuste de l'épargne-logement, la direction du Trésor continue à s'opposer à toute évolution, même progressive.

Il y a là 15 milliards de francs utilisés à contre-courant du souci d'égalité et d'efficacité qui anime le Gouverne-


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ment. Ce sont les familles aisées qui en tirent le plus grand avantage. Les primes versées par l'Etat peuvent être acquises sans même que cette épargne soit utilisée en faveur du logement. L'épargne-logement est même l'un des derniers mécanismes à freiner la baisse des taux d'intérêt. L'utilisation de l'argent public dans ces conditions est un véritable gaspillage. Qu'il s'agisse de l'aide personnelle, du logement locatif social ou de l'accession sociale à la propriété, il y aurait pourtant bien d'autres utilisations plus utiles et plus efficaces socialement et économiquement.

Dernier thème de préoccupation pour votre rapporteur : l'habitat ancien à réhabiliter et les copropriétés dégradées.

Il est absurde et inefficace de séparer l'habitat locatif et l'habitat occupé par son propriétaire dans les copropriétés situées dans les quartiers, les opérations programmées ou dans les zones rurales. Il serait au contraire logique d'étendre les compétences de l'ANAH, qui est un organisme efficace doté pour 1999 de 2 milliards de francs en autorisations de programme, à l'aide aux propriétaires occupants. Cette réforme pourrait s'accompagner de mesures préventives, comme l'obligation d'un diagnostic technique avant toute mise en copropriété.

Monsieur le ministre, vous avez su, avec habileté et art, vous sortir des impasses budgétaires semées par votre prédécesseur.

M. Gilbert Meyer.

Oh ! Nous en reparlerons, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Je note que vous suivez les propos du rapporteur ! Merci, mon cher collègue.

(Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez aujourd'hui défendre un budget à la hauteur des enjeux qui se présentent à nous. Soyez assuré de notre soutien. Soyez également assuré que je poursuivrai mes efforts pour vous suggérer de nouvelles pistes afin d'améliorer les actions du Gouvernement.

En conclusion, la commission de finances a adopté les crédits de votre ministère et émet le voeu que notre assemblée fasse de même.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour le logement et l'urbanisme.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour le logement et l'urbanisme.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'avais salué l'année dernière, à cette même place, l'effort tout particulier que la majorité à laquelle j'appartiens décidait de consentir en faveur du logement, dans le prolongement du discours de politique générale du Premier ministre le 19 juin dernier.

Depuis cette date, le Parlement a adopté ce texte majeur qu'est la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions qui comprend un important volet logement. Assortie par le Gouvernement d'une programmation financière jusqu'en l'an 2000, ellee st à la mesure de la situation très difficile que connaissent beaucoup de nos concitoyens pas ou mal logés.

Dans le contexte économique difficile que nous traversons, marqué par la nécessité de maîtriser la dépense publique sans fragiliser les équilibres sociaux, je donne volontiers acte au Gouvernement de consolider la politique du logement au niveau auquel la loi de finances pour 1998 l'a portée.

Les dotations inscrites à la section « logement » du projet de loi de finances aujourd'hui soumis à l'adoption de notre assemblée se montent à 45,4 milliards de francs au lieu de 39,9 milliards dans la loi de finances pour 1998.

Cette progression de 13,9 % repose toutefois pour partie sur un effet d'optique puisqu'il faut tenir compte de la réintégration au sein du budget général de recettes inscrites l'année dernière à un compte d'affectation spéciale.

Corrigée de cette variation de structure, la progression réelle est certes plus modeste - 2,2 % - mais correspond néanmoins à un accroissement des dotations en valeur réelle.

En moyens d'engagement, le budget du logement et de l'urbanisme pour 1999 s'établit ainsi à 48,7 milliards de francs en hausse de 3,6 % par rapport à 1998. En moyens de paiement, le total se monte à 48,8 milliards, c'est-à-dire plus 2,2 % par rapport à 1998.

Au-delà des chiffres, ce sont trois axes principaux qui se dégagent de ce budget : la consolidation de l'effort budgétaire, augmentation de l'action publique en faveur des personnes les moins favorisées, la pérennisation et la modernisation des outils de la politique du logement.

Du point de vue des principaux programmes physiques, le projet de loi de finances qui nous est soumis reconduit l'effort consenti en 1998.

Les crédits d'aide à la pierre mobilisés en faveur du parc locatif doivent ainsi permettre d'assurer le financement de 80 000 PLA et de 120 000 PALULOS. Il faut espérer que l'attractivité des premiers sera confortée par l'ajustement du taux des prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations, après la baisse de la rémunération du livret A intervenue le 15 juin dernier. Je reviendrai toutefois sur ce point dans quelques instants.

En ce qui concerne les opérations de réhabilitation dans le parc privé, le Gouvernement s'est également assigné un objectif de maintien nominal de l'effort consenti l'année dernière. Les crédits de la prime à l'amélioration de l'habitat sont définis pour permettre la réhabilitation de 80 000 logements alors que les moyens budgétaires affectés à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat - l'ANAH - sont reconduits à 2,2 milliards de francs.

Il faut en revanche saluer comme vient de le faire M. Dumont, la réintégration du financement du prêt à 0 % au sein du budget général, qui met fin à une débudgétisation. Son financement ne dépend plus désormais exlusivement de la contribution prélevée dans le cadre de la participation des employeurs à l'effort de construction, ce qui ne peut que favoriser une présence plus active du 1 % sur la scène de l'investissement locatif social. A barème inchangé, les moyens prévus doivent permettre la distribution de ces prêts au même niveau qu'en 1998, soit 110 000 prêts par an environ.

Mobiliser l'effort public en faveur des personnes les moins favorisées constitue le deuxième axe prioritaire des mesures prévues par le budget pour 1999.

Les aides personnelles au logement, qui représentent au sein du projet de loi de finances une enveloppe de plus de 35,3 milliards de francs, représentent un moyen de justice sociale primordial, à travers un accès au logement facilité pour les personnes à revenus modestes.

Comme le Gouvernement s'y était engagé, la politique d'actualisation régulière de ces prestations a été reprise en 1997 après quatre années d'interruption. Elle a été poursuivie avec une révision au 1er juillet 1998 des barèmes de


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l'aide personnalisée au logement et des allocations de logement à caractère familial, dont les incidences financières sont prises en compte à travers la progression de 4,4 % du montant des crédits.

Le budget pour 1999 traduit aussi les engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen et du vote de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

Les dotations aux fonds de solidarité pour le logement sont très fortement revalorisées et donneront à la politique de prévention des expulsions les moyens qui lui sont nécessaires. L'Etat s'engage également aux côtés des associations assurant une gestion locative intermédiée, à hauteur de 60 millions de francs, renforce les moyens accordés à l'aide au logement temporaire - plus 18 % -, met en place des financements spécifiques pour lutter contre le saturnisme. Tout cela révèle une attitude qui tranche avec la période précédente, car on met en place les moyens financiers nécessaires pour traduire dans les actes des objectifs généreux.

Le Gouvernement a enfin entrepris une série d'actions visant à pérenniser et à renouveler les outils de la politique du logement. Il fallait donner un prolongement au dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif dans la construction neuve mis en place par la majorité précédente. L'amortissement Périssol s'est révélé coûteux pour les finances publiques et injuste sur le plan de l'équité sociale, puisque dénué de toute contrepartie à la charge du bailleur.

La solution retenue par le Gouvernement maintient le principe d'une option en faveur d'un amortissement accéléré. Mais en complétant le dispositif par un plafonnement des loyers et des ressources du locataire, elle lui donne cette contrepartie sociale qui peut le légitimer et est le gage de sa pérennité.

Plusieurs aménagements fiscaux viennent par ailleurs relayer les actions engagées et soutenir l'activité du secteur immobilier. Je les mentionne rapidement : il s'agit de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les opérations d'acquisition et d'amélioration de logements locatifs sociaux adoptée dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, de la réduction de 20 % depuis le 1er septembre 1998 des taxes locales grevant les ventes de locaux d'habitation ou de l'application d'un taux de TVA réduit à 5,5 % aux dépenses d'amélioration de l'habitat subventionnées par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

L'adoption, le 16 octobre dernier, d'un amendement présenté par la commission des finances de cette Assemblée doit enfin permettre de doubler le montant du crédit d'impôt prévu au titre des dépenses d'entretien effectuées par les ménages. Sans doute faudrait-il cependant donner une définition plus large de ces dépenses d'entretien courant.

L'appréciation positive que porte votre rapporteur sur les crédits du ministère du logement pour 1999 n'est toutefois pas exempte d'une véritable inquiétude, sur laquelle je voudrais conclure.

L'absence de reprise de l'investissement locatif social, alors que les autres composantes du marché immobilier sont engagées dans un mouvement de croissance plus ou moins soutenu, constitue aujourd'hui un élément particulièrement préoccupant.

Les données du ministère du logement et de la Caisse des dépôts et consignations attestent en effet le creusement de l'écart entre ce que sont les moyens budgétaires, reconduits nominalement d'une année sur l'autre et ce qu'est la réalité des crédits consommés par suite de l'ouverture effective des chantiers. Alors que 80 000 PLA ont été budgétés en 1996 et 1997, leur taux de consommation s'inscrit respectivement à 68 % et 57 %. Il est probable que l'année 1998 ne verra pas de redressement significatif de ce point de vue : au 16 octobre 1998, les versements opérés par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ces mêmes PLA étaient encore en baisse de 5 % par rapport au point atteint l'année dernière.

Je n'ignore pas qu'en matière de consommation de crédits, l'année ne se finit pas comme elle commence et qu'une reprise saisonnière interviendra jusqu'au mois de décembre. Il est d'ores et déjà certain qu'elle ne parviendra pas, toutefois, à atteindre les objectifs assignés.

Sur l'analyse de cette situation et les remèdes à envisager, il faut sans doute prendre le temps de la réflexion.

Mais il importe aussi d'agir. Les élus locaux n'exercent pas une pression forte pour obtenir ces logements sociaux, soit parce qu'ils en ont déjà beaucoup et ne veulent pas accroître les difficultés sociales de leur commune, soit parce qu'ils en ont peu et refusent une véritable mixité urbaine. Leur engagement financier significatif est d'ailleurs requis pour réaliser de telles opérations. Les organismes font preuve d'une égale prudence.

Les opérations demeurent très difficiles à équilibrer financièrement et, lorsqu'elles le sont - souvent artificiellement d'ailleurs - elles aboutissent à des loyers de sortie trop élevés pour la population à laquelle elles s'adressent.

Au-delà d'ajustements sans doute nécessaires, mais marginaux, comme les PLA mixtes, le temps d'une réflexion d'ensemble sur le volume et la nature des aides à la pierre me semble venu. J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce point.

M. le président.

Le temps de conclure me semble également venu, monsieur le rapporteur pour avis. (Sourires.)

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

C'est tout à fait le cas, monsieur le président.

C'est donc avec la satisfaction de voir le Gouvernement fidèle à ses convictions et avec la certitude que de nouveaux chantiers de réflexion doivent s'ouvrir que j'ai demandé à la commission de la production et des échanges d'approuver les crédits de l'urbanisme et du logement. J'invite aujourd'hui les membres de notre assemblée à adopter la même attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez quasiment respecté votre temps de parole et je vous en remercie.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Nous sommes disciplinés, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez s'inscrit dans une conjoncture économique qu'il exploite à plein. Croissance retrouvée, baisse des taux jusqu'à un niveau plancher historique et recul du chômage sont en effet autant de facteurs extrêmement favorables à une activité qui dépend beaucoup du degré d'optimisme quant à l'avenir et du niveau des taux d'intérêt, compte tenu des emprunts importants qu'elle implique.

Seule nuance à ce tableau, du fait de la volonté, respectable en soi du Gouvernement de protéger l'épargne populaire, les taux d'intérêt pour la construction et l'entretien du logement social restent à un niveau élevé, et relativement proche de ceux en vigueur dans le secteur


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privé. Cela dit, la baisse des taux est une donnée générale extrêmement favorable dont il faut tirer un profit maximum.

Cette situation justifie d'ailleurs que vous ayez revu à la baisse la prime excessive qui était donnée à l'effort de construction par l'amortissement Périssol ; un tel don n'était pas nécessaire pour encourager la construction.

Ce budget prévoit donc les moyens de tirer parti de la conjoncture économique favorable. Ainsi, la baisse des droits de mutation est un élément extrêmement important. En effet, la vente de l'ancien tire les décisions de travaux ou de construction dans le neuf et à chaque fois qu'on diminue les droits de mutation on favorise la mobilité et la relance de travaux.

De même, la baisse de la TVA et le crédit d'impôts, dont viennent de parler les rapporteurs, vont également encourager la mobilité et la mise à niveau des logements.

La majoration de la déduction forfaitaire pour l'investissement locatif privé, avec un conventionnement quant au plafond de ressources, et le recalibrage de l'amortissement Périssol, constituent une réponse intelligente au problème du logement locatif intermédiaire. Avec le plafond de ressources fixé, 40 % au-dessus du plafond de PLA, on pourra toucher une catégorie de la classe moyenne pour laquelle, M. Dumont avait raison, nous avons échoué avec le PLI. Certes, cette mesure fonctionnera incontestablement mieux en province et dans la grande couronne parisienne qu'au centre de l'agglomération. Mais c'est là un problème constant de la réglementation du logement. Il faudra bien finir par admettre qu'il est impossible de mettre en place une réglementation du logement identique sur l'ensemble du territoire.

Je terminerai sur deux points essentiels. Tout d'abord, le prêt à taux zéro. Il représente, pour l'Etat, un coût de plus en plus faible du fait de la diminution des taux d'intérêt. Toutefois, il me semble que l'on peut faire plus avec les sommes inscrites dans ce budget que ce que permet la réglementation actuelle.

M. Gilbert Meyer.

Vous avez entièrement raison !

M. Jacques Guyard.

De ce fait, il restera vraisemblablement de l'argent disponible à la fin de l'année 1999.

A moins que nous n'étendions la mesure aux propriétaires qui ont besoin de s'agrandir pour loger leur famille ou que nous abaissions le seuil de travaux dans l'ancien en cas d'achat. Il y a là un outil intéressant qu'il faut utiliser à plein.

La seconde piste - et vous l'avez déjà largement ouverte - consiste à progresser dans la sécurisation. C'est un thème essentiel.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Jacques Guyard.

La création d'un fonds « sécurisation chômage » pour les souscripteurs de PAS - prêt à l'accession sociale - et celle d'un fonds « prévention 1 % » pour les salariés d'entreprises assujetties au 1 %, qui interviendra en cas de chômage, de divorce ou de mobilité professionnelle, sont essentielles.

Toutefois, si cette sécurisation est la bienvenue, elle peut être source d'inégalité. Certains, en effet, seront bien couverts, tandis que d'autres accédants resteront soumis à des propositions économiquement instables. Je pense à l'assurance chômage qui est présentée dans des conditions très diverses.

Aller plus loin, c'est aussi s'inspirer de ce qu'ont réalisé un certain nombre d'organismes HLM en faveur du copropriétaire en difficulté, avec la reprise du logement et l'offre d'un logement locatif. Il y a là un dispositif indispensable si l'on veut encourager les ménages à petits revenus à devenir propriétaires, d'autant que la possibilité est bien réelle aujourd'hui, en raison du prix de l'argent.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les pistes très favorables que me paraît offrir ce budget bien adapté à la conjoncture. C'est la raison pour laquelle, bien sûr, le groupe socialiste le votera avec enthousiasme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Meyer.

M. Gilbert Meyer.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, venant d'un parlementaire de l'opposition, mes propos vont peut-être vous surprendre, mais il faut savoir reconnaître ce qui est juste.

Je dois, en effet, admettre que bien des actions présentées, et des moyens financiers prévus, vont dans la direction souhaitée par les uns et les autres.

Je pense d'abord à la suppression de la distinction entre actif et inactif, que vous venez d'opérer. Cette modification majeure a permis de gommer l'injustice dont certaines catégories de ménages, les retraités en particulier, étaient victimes. J'avais déposé une proposition de loi, le 16 avril dernier, pour atteindre cet objectif.

Vous avez pris cette proposition à votre compte. C'est très bien, et je vous en félicite.

L'actualisation des plafonds de ressources, malheureusement restée trop modeste, a néanmoins ouvert l'accès au logement social à de très nombreuses familles. Une nouvelle grille, plus équitable, a également été établie en matière de supplément de loyer de solidarité.

Dans un autre registre, le taux de TVA a été ramené à 5,5 % pour les travaux de réhabilitation effectués dans le parc locatif public. Vous proposez d'étendre ce taux aux travaux réalisés dans des logements privés entrant dans le financement de l'ANAH. Cette disposition ne peut être qu'applaudie.

Parallèlement, vous avez décidé la mise en place d'un secteur privé conventionné à vocation sociale dont les loyers sont appelés à être sensiblement inférieurs à ceux du marché. L'effort de réhabilitation et de modernisation doit pourtant être fortement densifié dans ce secteur.

Dès lors, rien ne justifie une discrimination entre un logement conventionné ANAH et un logement conventionné Etat. Il est important que le taux de TVA à 5,5 % s'applique également aux travaux de réhabilitation dans le nouveau secteur privé conventionné. Je sais que vous y êtes favorable, monsieur le secrétaire d'Etat. Il faudrait donc essayer de conclure dans ce sens.

Je veux également citer le toilettage des dispositions concernant le bail à réhabilitation. Des obstacles majeurs au développement du bail ont ainsi été levés.

J'ai indiqué d'emblée qu'il convenait de relever les avancées réalisées. J'ai tenu à le faire. Cela m'a aussi permis de souligner la pertinence de votre connaissance personnelle du terrrain.

Pour autant - permettez-moi ce jeu de mots -, tout n'est pas rose. (Sourires.) Ce constat vaut tant pour le bilan actuel de l'année 1998 que pour des options très pessimistes au regard du projet de budget que vous nous présentez.

Une disposition suscite spécialement l'inquiétude : celle destinée à remplacer l'amortissement Périssol. Selon l'évolution annoncée, en effet, 50 % seulement du prix du logement seront amortissables au lieu de 80 % ; le taux


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d'amortissement des premières années sera ramené à 8 % et le plafond déductible et reportable sera abaissé de 100 000 F à 70 000 F par an.

Ces conditions sont moins favorables que les précédentes et vous avez aussi l'intention de subordonner leur mise en oeuvre à une limitation du loyer - de 30 à 75 francs le mètre carré, selon le lieu d'implantation - et de réserver ces logements aux personnes dont les revenus sont inférieurs à 140 % des plafonds de ressources.

Un tel régime de limitation a déjà été expérimenté et il a connu un fiasco retentissant. Or vous voudriez l'associer à un régime Périssol fortement minoré. Vous courez droit à l'échec ! Sur cette question, les experts sont unanimes : dans sa forme actuelle, votre projet de remplacement de l'amortissement Périssol, ferait perdre entre quinze de vingt mille logements par an.

Par ailleurs, j'ai examiné très attentivement le bleu du projet de loi de finances, concernant l'urbanisme et le logement. J'y ai trouvé d'autres sujets de déception qui me semblent hypothéquer fortement l'avenir du logement social.

Les indicateurs d'activité et de moyens qui figurent page 33 de ce document sont particulièrement révélateurs, mais malheureusement pas dans le sens positif. En fait, le constat qui ressort de l'examen du « bleu » est catastrophique pour l'année 1998. En effet, il montre que, en 1997, 59 911 logements ont été financés et réalisés à l'aide de PLA, toutes catégories confondues, avec le détail suivant : 4 510 par des PLA-CFF, 43 583 par des PLA-CDC et 11 818 par des PLA-TS. Quant à la programmation pour 1998 elle porte sur 80 000 logements dont 50 000 par des PLA normaux et 30 000 par des PLA-LM et des PLA-I.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Pour le savoir j'ai consulté non plus le « bleu » mais Le Moniteur du 25 septembre 1998. J'ai ainsi pu lire, page 7, que moins de 8 000 agréments avaient été donnés en huit mois pour des PLA neufs. Ce chiffre est accompagné du commentaire suivant : « La conjoncture reste toujours aussi morose dans le logement social : au cours des huit premiers mois de l'année, 7 902 PLA neufs ont reçu l'agrément, contre 15 528 l'an passé. En acquisition amélioration, le chiffre est tombé à 706, contre 2 145 ».

Aussi, et au mieux de ce que pourrait être la situation au 31 décembre 1998, nous n'allons pas financer plus de 25 000 logements, soit un peu plus du quart des 80 000 prévus pour 1998.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Vous êtes vraiment pessimiste !

M. Gilbert Meyer.

Ces 25 000 logements représentent tout juste 41 % de ceux financés et réalisés en 1997 ! Le même constat s'impose pour les PALULOS : alors que 176 178 opérations avaient été réalisées avec leur aide en 1997, 120 000 ont été programmées pour 1998.

D'emblée nous avions donc un déficit de 56 000 logements.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

C'est déjà beaucoup plus que du temps de M. Périssol !

M. Gilbert Meyer.

Et combien seront-ils réellement réalisés ? Très certainement moins que ce qui est prévu. Le déficit par rapport à 1997 dépassera probablement les 60 000 logements.

Par ailleurs, le nombre de prêts à taux zéro a diminué de plus de 10 000. Ce dispositif n'est d'ailleurs pas le seul pour lequel les crédits sont mal affectés. Ainsi ceux de la PAH seront reconduits à l'identique par rapport à l'année dernière. Comme l'an passé, ils ne seront donc pratiquement pas consommés.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Si, les PAH sont consommées !

M. Gilbert Meyer.

Les conditions d'attribution de cette prime n'ont, en effet, pas été actualisées depuis plusieurs années. Elles sont devenues beaucoup trop sévères. Même notre collègue M. Cacheux avait relevé ce manque d'évolution dans le critère lors de la réunion de la commission de la production et des échanges du 14 octobre dernier.

Par conséquent 1998 sera bien une année catastrophe pour le logement social.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Non, il va se redresser !

M. Gilbert Meyer.

J'ai encore en mémoire les propos de M. Fabius déclarant sur RMC, le 13 mai 1997, que, en cas de victoire, la droite allait démolir le logement social.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Elle avait commencé !

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

C'était bien engagé !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez terminer M. Meyer !

M. Patrice Carvalho.

Il fait de la provocation !

M. Gilbert Meyer.

Je me souviens aussi des vives critiques formulées par M. Guyard lorsqu'il s'indignait, ici même le 28 mai 1996, de la non-consommation des crédits PLA, alors qu'elle n'atteignait que 13,3 %, sur douze mois.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Tout à fait !

M. Gilbert Meyer.

Or nous en sommes aujourd'hui non pas à 13,3 %, mais à 60 % de non-consommation par rapport aux crédits prévus au titre de l'année 1998 ! Fustigeant le prêt à taux zéro, M. Kucheida avait accusé le 26 mars 1997, à cette même tribune, la majorité de l'époque d'étrangler la construction de logements sociaux.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Tout à fait ! On est passé de 70 000 à 50 000. Il avait raison.

M. Gilbert Meyer.

Le bilan que l'on peut dresser pour 1998 - 60 000 logements sociaux perdus - doit nous amener à nous interroger sur la véritable identité des démolisseurs du logement social !

M. Henry Chabert.

Très bien !

M. Gilbert Meyer.

Mes chers collègues, 1998 sera une année noire pour le logement public.

Des mesures d'incitation plus efficaces auraient pourtant permis de faire jouer son rôle au logement social. Les raisons du blocage n'étant pas levées, il va encore sombrer en 1999.

Il ne suffit pas de prévoir des crédits d'intervention dans le budget. Encore faut-il qu'ils puissent être utilisés sur le terrain, compte tenu des contraintes imposées depuis des années. Tel n'a pas été le cas cette année et si nous n'apportons pas les corrections nécessaires à ce projet, 1999 sera une deuxième année catastrophe.

Monsieur le secrétaire d'Etat, prenez l'année 1998 comme exemple. Vous deviez provoquer une refonte des interventions. Vous ne l'avez pas fait. Il ne sera donc pas


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possible au groupe RPR d'approuver ce projet de loi de finances pour le logement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset.

Monsieur le secrétaire d'Etat, dans le projet de budget pour 1999, vous articulez la politique globale du logement autour de cinq axes prioritaires : la consolidation de l'effort budgétaire, la réaffirmation d'une politique sociale du logement, la création d'un statut de bailleur privé, la pérennisation des prêts à taux zéro, la modernisation du 1 % logement.

Nous ne pouvons qu'approuver ces orientations qui ont pour ambition, d'une part, d'offrir à chacun un logement selon ses choix et ses moyens, et, d'autre part, de soutenir, par le logement, l'activité et les emplois.

Les mesures prises ou annoncées sont réelles et vous nous avez donné quelques gages pour la réussite de ce programme, mais des incertitudes subsistent. Rapporteur en 1996 du projet de loi créant l'Union d'économie sociale pour le logement, vous comprendrez facilement que je commence par le dossier relatif au 1 % logement.

Je ne peux d'abord que vous remercier d'avoir tenu les engagements pris devant notre assemblée l'année dernière.

Nous pouvions en effet craindre une amputation définitive par Bercy de l'essentiel des ressources du 1 % logement à l'occasion de la préparation de la loi de finances.

Vous avez préféré, à juste titre, suivre l'avis donné par le Conseil économique et social, en vous prononçant clairement pour la pérennisation et la modernisation du 1 % logement, ce qui va permettre aux organismes collecteurs de travailler avec plus de sérénité sur les orientations proposées.

Certes, cette convention fait peser sur les organismes collecteurs, pour quelques années encore, il faut le rappeler, un lourd prélèvement de l'Etat qui représentera plus de 16 milliards pour les quatre prochaines années. Avec les 14 milliards déjà prélevés en 1997 et 1998, ce sont donc plus de 30 milliards qui auront été ponctionnés sur les ressources du 1 % logement.

Les règles du jeux sont donc désormais plus claires et les organismes collecteurs vont ainsi récupérer progressivement leurs capacités d'investissement. Nul doute qu'ils auront à coeur de respecter les objectifs fixés : faciliter l'accès des salariés au logement locatif et les sécuriser, rassurer les accédants à la propriété, accompagner les salariés en mobilité.

La durée va permettre aux organismes collecteurs, pour la première fois depuis longtemps, d'avoir une visibilité à cinq ans afin d'adapter l'emploi des fonds du 1 % logement à l'évolution des besoins des salariés et des entreprises.

Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour proposer au Parlement les modifications législatives nécessaires autorisant la mise en oeuvre rapide des dispositions de la convention. En effet nous restons persuadés que le redéploiement des fonds envisagés devrait participer à la relance de la construction.

Si nous pouvons avoir quelques éléments de satisfaction sur la pérennité du 1 % logement, il n'en n'est pas de même pour la construction sociale. M. Meyer vient de donner les chiffres.

Les premiers éléments du projet de loi de finances font certes état d'un maintien du volume des engagements dans le secteur aidé, ce qui consolide l'effort réalisé en 1997. Toutefois, la sous-consommation des PLA rend illusoire pour 1999, comme d'ailleurs en 1998, l'affichage d'un programme physique de 80 000 logements. Tout au plus en effet, 60 000 PLA seront consommés. Combien de logements seront-ils mis en chantier ? A cet égard, je vous laisse le soin, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous indiqué si nous devons retenir les chiffres du Moniteur ou ceux qui figurent dans les rapports.

Il convient donc d'analyser et de trouver des éléments d'explications à cette sous-consommation des PLA et il devient urgent de lancer une large réflexion sur la question du financement du logement locatif social.

Nous pourrions trouver une première explication dans les attitudes de prudence des organismes d'HLM face aux problèmes de montée de la vacance, à la progression des impayés, aux préoccupations liées à la montée de l'insécurité et à l'absence de fonds propres.

Nous pourrions imputer ce décalage aux collecteurs du 1 % qui, parfois, ne suivent pas les demandes des organismes d'HLM en matière de financement. En réalité, quand les financements sont demandés, ils sont accordés, mais la demande suit la consommation des PLA, chacun connaît le rythme actuel.

En fait, les deux séries d'explications qui peuvent être avancées pour comprendre l'origine de cette sous-consommation des crédits PLA sont le problème du déficit structurel de ce dispositif et la lenteur de l'instruction des dossiers pour obtenir les agréments.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Et les maires qui n'en veulent pas !

M. Jean-Marie Morisset.

Les situations financières deviennent de plus en plus serrées et obligent à une gestion au plus juste. Il est donc clair que les conseils d'administrations des sociétés anonymes d'HLM sont de moins en moins enclines à lancer des opérations nouvelles de construction qui leur imposeront un déficit pendant plusieurs années.

Malgré la nouvelle baisse du taux du livret A, le niveau des loyers est en effet radicalement insuffisant pour équilibrer une opération dont le bilan d'exploitation sera déficitaire sur une période plus ou moins longue, selon les quotas de fonds propres et de 1 % injectés.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat - j'insiste pour ce point -, les délais d'instruction des dossiers se sont rallongés, entraînant un retard certain dans la consommation des crédits.

En fait la raison de ce retard provient de la nécessité d'une double instruction des dossiers, sachant qu'à ce jour il est imposé, pour les opérations traditionnelles, d'intégrer des PLA à loyer modéré et des PLA insertion, ce qui rallonge les circuits : d'une part la procédure pour obtenir la TVA à taux réduit pour les PLA traditionnels et, d'autre part, la procédure pour obtenir la subvention accordée dans le cadre des PLA à loyer modéré et des PLA à insertion.

Par ailleurs, il faut savoir que les dossiers doivent être bouclés pour le 15 novembre et non plus au 15 décembre, comme auparavant, ce qui réduit encore la durée de l'exercice. De plus, les dotations n'arrivent que vers la fin du premier trimestre, voire au début du deuxième.

Ces dysfonctionnements sont à l'origine d'une sousconsommation des crédits. A l'évidence, il convient de simplifier pour être plus efficace et pouvoir ainsi consommer les crédits prévus. En effet il est à craindre, encore cette année, que l'objectif ambitieux ne soit pas réalisé.

Nous comptons donc sur vous, monsieur le secrétaire


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d'Etat, pour améliorer le dispositif car la construction sociale est indispensable si l'on veut prendre en compte les besoins recensés à l'occasion de la loi sur l'exclusion.

Si la relance de la construction sociale doit être une priorité, les aides à la réhabilitation et au développement du parc privé ne doivent pas être négligées.

Certes, des mesures significatives sont proposées et doivent apporter un plus, mais elles restent parfois insuffisantes.

Pour ce qui est du dispositif fiscal de soutien à l'investissement locatif, nous pourrions, dans un premier temps, nous féliciter du maintien du principe de l'amortissement et d'un dispositif fiscal spécifique pour le neuf. Nous devons toutefois regretter que l'aide fiscale se trouve réservée au seul secteur conventionné. L'intérêt de l'investisseur dépend donc désormais de nombreux paramètres réglementaires, ce qui constitue un facteur d'incertitude, de rigidité et, parfois, de blocage.

F inancé pendant deux années par les fonds du 1 % logement, le prêt à taux zéro est rebudgétisé avec une dotation de 6,2 milliards de francs et les barèmes restent inchangés. On ne peut donc que se féliciter du maintien d'un produit qui a fait ses preuves et qui finance actuellement la moitié du marché de la maison individuelle.

La réduction des droits de mutation pour les logements devrait dynamiser le marché de l'ancien et permettre ainsi la réalisation de travaux supplémentaires.

La baisse du taux de TVA sur les logements sociaux sera bien accueillie par les porteurs de projets. S'appliquant aux logements sociaux conventionnés bénéficiant de l'ANAH, environ 10 000 par an, la portée de cette mesure est modeste. Toutefois, elle constitue un premier pas allant dans le bon sens. Vous le savez, le secteur du bâtiment reste très attaché à cette mesure et apprécierait un élargissement de ce dispositif.

Je terminerai mon intervention en faisant le point sur les traditionnels outils concernant la réhabilitation, à savoir les aides de l'ANAH, la prime d'amélioration de l'habitat et les opérations programmées de d'amélioration de l'habitat.

Le budget de l'ANAH est stable avec 2,2 milliards de francs mais on peut regretter, une fois de plus - car cela est fait tous les ans - son décrochage de la collecte de la taxe additionnelle du droit au bail, qui rapporte près de 4 milliards de francs, d'autant que cet outil est apprécié des porteurs de projets.

Il faut donner à l'ANAH les crédits nécessaires à la réalisation de cette ambition, d'autant que les logements vacants - on le voit bien en zone rurale - sont souvent très vétustes et méritent de bénéficier d'un dispositif ANAH adapté et renforcé.

Quant au dossier relatif à la prime d'amélioration de l'habitat, je le qualifierais d'oublié. Certes, la dotation a été revalorisée en 1997, passant de 600 à 800 millions de f rancs, mais elle est proposée à niveau identique pour 1999. Cette situation se retrouve dans les départements. Pour celui des Deux-Sèvres, la dotation s'élevait à 6 millions de francs en 1998, diminuée de 880 000 francs par rapport à 1997, malgré l'augmentation de 30 % au niveau national. En conséquence, 290 dossiers sont actuellement en instance.

Il apparaît, d'autres l'ont dit, urgent et nécessaire dans ce secteur de relever les aides, inchangées depuis 1975, d'harmoniser les critères entre départements, d'actualiser les plafonds de revenus qui font référence aux plafonds des PAP disparus depuis trois ans. Ces mesures ne pourraient que contribuer aux priorités de solidarité nationale et d'emploi que s'est fixées le Gouvernement.

Je terminerai par les opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Le dossier des OPAH reste en instance, bien que cet outil ait fait ses preuves sur le terrain.

E n octobre 1997, vous annonciez, monsieur le ministre, un renouveau dans la conduite de ces opérations, avec la sortie imminente d'une circulaire et d'un cahier de charges type.

Cet outil est le seul, vous le savez, qui permette aux collectivités locales de reverser des crédits à l'amélioration de l'habitat pour revitaliser les centres bourgs et les zones rurales fragiles. Il s'agit donc d'un outil social et territorial indispensable qu'il faut consolider, pérenniser et développer. En conséquence, il apparaît urgent de renforcer le rôle des OPAH, pour en faire des instruments privilégiés de la mise en oeuvre des politiques locales de l'habitat.

En outre, les OPAH autorisent des actions en partenariat. Elles sont souvent mises en place par les pays ou communautés de communes dans le cadre de contrats de territoire avec les régions et les départements.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, une réflexion s'engage sur le terrain dans le cadre de la préparation des prochains contrats de plan. Le diagnostic établi à ce jour dans différentes instances fait régulièrement état de la nécessité d'améliorer et de développer un habitat adapté.

Certes, des opérations expérimentales sur les logements vacants ont été mises en place, mais trop souvent les dotations restent insuffisantes : 85 logements dans le département des Deux-Sèvres en 1998, pour une population de 350 000 habitants.

Si nous voulions faire preuve d'imagination et de proposition, il serait opportun d'envisager une action forte dans le prochain contrat de plan pour privilégier la rénovation du bâtiment ancien, tout spécialement dans les zones de revitalisation rurale.

Cette orientation serait appréciée des acteurs du terrain. Elle répondrait à leurs préoccupations. Elle deviendrait un instrument privilégié d'aménagement du territoire, vous le savez, le développement de l'habitat conditionne le maintien des activités, de la population et des services de proximité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je remercie les orateurs qui, jusqu'à présent, ont respecté leur temps de parole. Voilà qui prouve que l'on peut dire beaucoup de choses en dix minutes, sans avoir besoin de cinq heures.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Très bonne observation !

M. Gilbert Meyer.

Ce n'est pas gentil, monsieur le président ! C'était parfaitement réglementaire.

M. le président.

C'était une remarque badine, M. Meyer. (Sourires.)

M. Gilbert Meyer.

Pour ce qui me concerne, j'ai respecté mon temps de parole.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Encore faut-il un très bon président, et c'est le cas ce matin.

M. le président.

Merci ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le secrétaire d'Etat, peutêtre vais-je vous étonner, mais la lecture de votre projet de budget, tout comme vos propos tenus en commission


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de la production et des échanges, m'ont plutôt agréablement surpris. Mon collègue Gilbert Meyer l'a du reste tout comme moi remarqué.

Pour commencer, vos crédits sont en hausse par rapport à 1998 - plus 3,50 % en moyens d'engagement, plus 2,2 % en moyens de paiement -, même si cette augmentation doit être relativisée du fait de l'intégration dans le fascicule budgétaire du logement des crédits affectés à l'urbanisme.

En outre, votre action proprement dite apparaît adroitement menée, avec prudence,...

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Avec efficacité !

M. Jean Proriol.

... par petites touches.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Et beaucoup de ténacité !

M. Jean Proriol.

Il y a incontestablement un style Besson ; il faut le reconnaître.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Une fois n'est pas coutume !

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Jean Proriol.

J'ai cependant constaté, globalement, une fâcheuse tendance chez ce gouvernement à dénaturer les mesures existantes en leur donnant une connotation étatiste, et parfois à occulter certains problèmes, comme la crise du logement social : le rapporteur spécial de la commission des finances, me semble-t-il, aurait lui-même parlé d'année noire. Ce sont ces deux points que je souhaiterais développer.

Ce n'est pas sans une certaine satisfaction que l'opposition constate qu'aucune des grandes réformes réalisées sous les gouvernements Balladur et Juppé, avec MM. de Charette et Périssol, n'a été sur le fond remise en cause.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Mais elles ont été amendées et enrichies par une réflexion.

M. Gilbert Meyer.

Oui, mais amoindries en termes de réalisations.

M. le président.

Mes chers collègues, ce n'est pas un débat de banc à banc.

M. Jean Proriol.

M. Dumont se laisse emporter par son élan, monsieur le président...

M. le président.

Mes chers collègues, M. Proriol a été jusqu'à présent très gentil avec M. le secrétaire d'Etat au logement ; laissez-le poursuivre. (Sourires.)

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Nous verrons bien, monsieur le président. Cela ne durera peut-être pas...

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

Mieux vaut l'applaudir maintenant !

M. le président.

Il y reviendra forcément dans sa conclusion...

(Sourires.)

M. Jean Proriol.

Mais ce n'est pas sans une certaine inquiétude que nous assistons à leur dénaturation, à coup de modifications d'inspiration, ai-je dit, étatistes.

Ainsi, vous avez souhaité substituer à l'amortissement Périssol, qui a produit 45 000 logements cette année, un statut de bailleur privé. Le système d'incitation à l'investissement locatif a constitué un facteur important de soutien à l'investissement immobilier. Placer ce dispositif, qui a fait ses preuves, sous conditions de ressources et le soumettre à des critères étatiques et non plus liés au marché, c'est laisser planer un doute sur les perspectives de redressement du secteur du bâtiment ; c'est scinder les questions posées par le logement social et celles de l'économie de la construction, du logement locatif et de l'emploi ; c'est introduire une lourdeur administrative de nature à décourager l'investissement privé ; c'est enfin mettre en péril les programmes de construction en instance, aussi bien dans le secteur du logement locatif que dans le secteur touristique, aspect évoqué en commission de la production et des échanges, par notre collègue Patrick Ollier notamment.

Il en est de même pour le nouveau mode de financement du crédit à taux zéro. Le prêt à taux zéro a rencontré un très grand succès, ce qui démontre qu'il correspond bien à un besoin et à une aspiration des Français.

M. Dumont cite le chiffre dans son rapport : à fin août 1998, 315 693 prêts à taux zéro ont été octroyés et environ 30 000 dans le secteur ancien.

Le retour à un financement budgétaire du prêt à taux zéro ne fait plus dépendre les ressources du système de la contribution dite « prélèvement exceptionnel » du 1 %, mais directement du budget du logement, avec tous les risques que cela comporte en termes de réduction des recettes de l'Etat, voire de convoitise de Bercy.

Je voudrais maintenant évoquer à mon tour la crise du logement social. Si j'ai bien compris votre politique, tout serait prétexte au soutien du logement social, comme vous l'avez dit au cinquante-neuvième congrés HLM à Marseille en septembre dernier. Pourtant, le but recherché est loin d'être atteint ; c'est pour nombre d'élus un sujet majeur de préoccupation.

Les crédits relatifs aux logements sociaux, vous le constatez comme nous, ne sont pas consommés. Pourq uoi les mesures visant à résorber cette situation demeurent-elles sans effet ? Cette question fondamentale, nous devons tous nous la poser.

Il y a d'abord pour les organismes HLM un défaut majeur dans le montage de leurs opérations de construction : c'est l'énorme difficulté à les bâtir équilibrées. Or vous n'apportez pas de solutions dans votre budget.

Deux voies pourtant sont à explorer : l'allongement de la durée des prêts, solution imaginée par certains, mais aussi la baisse des taux. Certes, ceux-ci ont déjà beaucoup diminué, passant de 5,8 %, à 4,8 %, puis à 4,3 %, puis à 3,8 %. Mais ce n'est peut-être pas encore suffisant.

Ensuite, je me demande si la politique du logement social ne souffre pas d'un défaut de cohérence, avec des mesures individuellement bonnes mais qui, globalement, se contrarient. Ainsi, il semblerait que tous les dispositifs imaginés portent en eux des effets pervers. La demande du locatif auprès des organismes HLM s'en trouve ralentie, et paradoxalement pour de bonnes raisons, oserai-je dire. Le prêt à taux zéro contribue à la reprise de l'accession à la propriété, et c'est tant mieux ; les OPAH produisent autant de logements et même plus que les PLA, et c'est tant mieux aussi pour revitaliser centres-bourgs et centres-villes ; l'exonération de taxe foncière sur l'acquisition-amélioration pendant quinze ans comme sur le neuf et le taux de TVA réduit sur les travaux d'entretien suscitent peu d'enthousiasme, alors qu'il s'agit pourtant de bonnes mesures.

En revanche, je formulerai deux critiques. Premièrement, le nouveau statut du bailleur privé issu d'un Périssol resserré ou dégradé aura pour conséquence le départ de nombreux locataires HLM attirés par des propriétaires-bailleurs louant à des ménages dont les revenus nets


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pourront atteindre jusqu'à 140 % des plafonds fixés pour l'entrée dans une HLM locative. On comprend dès lors que les organismes craignent pour l'avenir la perte d'une clientèle qui leur assure pourtant un équilibre social et financier indispensable. Et nous savons tous hélas ! que les impayés et les vacances se multiplient et que la paupérisation des gens qui rentrent dans les logements sociaux s'aggrave, rendant d'autant plus difficile le bouclage des budgets des OPAC, offices ou SA HLM.

Deuxièmement, la récente convention entre l'Etat et l'Union d'économie sociale du logement sur le 1 % logement, signée le 3 août 1998, contribuera certes à la sécurisation des accédants à la propriété et des locataires du privé en alimentant des fonds de garantie, mais aura également pour conséquence de pomper des parts de 1 % si utiles pour boucler financièrement une opération de logement HLM et diminuer le prix des loyers de sortie, obstacle au placement des logements HLM neufs, à la qualité reconnue actuellement par tous, mais surtout aux prix relativement élevés.

Fallait-il aller vers une re-budgétisation du 1 % ? Certains en doutent. L'avenir nous départagera. Depuis le temps qu'on manipule le 1 %, est-ce « la der des der », vous avais-je dit à la commission ? Nous écouterons avec attention votre réponse.

Je formulerai pour terminer une suggestion, monsieur le secrétaire d'Etat : puisque vous vous retrouverez avec des crédits PLA hélas inutilisés, pourquoi ne pas permettre aux collectivités locales de bénéficier des mêmes taux de prêts que les HLM pour les équipements de vie dans leurs quartiers ? L'arrivée de la gauche plurielle, votre présence, appréciée, à ce ministère, avaient fait naître chez certains partenaires du logement social des espoirs.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial.

A juste raison !

M. Jean Proriol.

Hier, pour ne prendre qu'un exemple, monsieur Dumont, vous avez dû entendre les récriminations de la CNL, qui montrent déjà sa déception.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Elle en disait bien davantage du temps de la loi Périssol !

M. Jean Proriol.

Quand une réforme du financement du logement locatif social verra-t-elle le jour ? Ce n'est pas dans votre budget que nous la trouvons. Pourtant, la construction sociale a besoin d'une relance et d'un nouveau souffle. Aussi, en attendant vos réponses, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne pourra approuver votre budget.

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, maintes fois a été év oquée, dans cet hémicycle, l'importance de la question du logement pour nos concitoyens. Avoir un toit, confortable, à un prix raisonnable, en location ou en accession dans toutes les communes et régions de notre pays est une aspiration de tous et, à mes yeux, un droit fondamental.

Le budget du logement, s'il ne saurait à lui seul contenir toute la politique du logement, doit contribuer à répondre aux besoins exprimés et à impulser de nouvelles orientations en ce domaine.

Qu'en est-il du budget qui nous est présenté pour 1999 ? Avec 49,2 milliards de francs de moyens d'engagement, on note une légère progression par rapport au budget de 1998. Il reconduit des mesures que nous avions appréciées l'année précédente, notamment la baisse de TVA sur les travaux de réhabilitation et d'amélioration, étendue cette fois aux bailleurs privés bénéficiant d'une subvention de l'ANAH.

Les crédits à la prime à l'amélioration de l'habitat, tout comme ceux destinés à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, sont renouvelés, ce qui devrait contribuer à améliorer le parc ancien et social de fait.

De même, les aides à la personne, après quatre années de stagnation, auront été à nouveau revalorisées en 1998 et 1999, traduisant un effort réel et salutaire à l'égard des familles. L'enveloppe budgétaire progresse de 1,9 milliard.

Ce n'est certes pas négligeable ; pourtant des financements supplémentaires restent nécessaires afin de solvabiliser les ménages les plus modestes. Et la mise en application du nouveau conventionnement du parc HLM ne va-t-elle pas se traduire par une augmentation du nombre de bénéficiaires ? En ce qui concerne l'accession à la propriété, le financement du prêt à taux zéro est désormais intégré dans le budget. Mais cela n'empêchera pas l'Etat d'opérer encore une lourde ponction sur le 1 %, soit 16,6 milliards de francs en cinq ans. Quant à la participation annoncée du 1 % au financement du logement social à hauteur de 4,5 milliards de francs, elle restera pour 1999 un effet d'annonce : cette somme ne sera pas intégralement atteinte avant 2003.

La convention signée en août dernier apporte une stabilité et un redéploiement progressif de la collecte en direction des salariés ; il s'agit de poursuivre dans cette voie pour rendre au 1 % son rôle initial.

Les mesures débattues lors de la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions trouvent aussi leur traduction dans ce budget. En témoigne l'augmentation de 44 % de la dotation d'Etat au fonds de solidarité pour le logement, qui devrait permettre une prévention plus efficace des expulsions.

Il faut encore mentionner l'amorce de revalorisation des plafonds d'accès au logement social et la suppression du critère actif-inactif dans les barèmes de calcul du surloyer, réclamée à juste titre par des milliers de retraités.

Nous pensons qu'il faut aller plus loin en revalorisant plus nettement les plafonds et en abrogeant totalement le surloyer, car c'est le concept même du logement social, tout comme la notion de mixité qui sont en jeu.

Ce budget organise par ailleurs la sortie du système de l'armotissement Périssol avec la mise en place du statut du bailleur privé. Il était en effet nécessaire d'assortir l'exonération fiscale d'une contrepartie sociale, sous la forme d'une limitation du prix du loyer. C'est là un principe juste, que nous défendons depuis de nombreuses années.

Toutefois, pour la construction neuve, les grands gagnants de l'intervention publique resteront les propriétaires puisque, en fin de parcours et après un délai de location de neuf ans, ils auront tout de même amorti la moitié de leur bien sans jamais avoir été tenus de modérer le prix du loyer en cas de relocation. Le logement social est bien loin de bénéficier d'un tel soutien.

De même, les plafonds d'accès à ce nouveau parc privé conventionné seront supérieurs de 40 % à ceux du parc HLM. Pourquoi ce qui est possible pour le privé ne le serait-il pas pour le public ? Ne risque-t-on pas de perpétuer une logique de gestion de l'existant : le parc public pour les pauvres, le parc privé et l'intermédiaire pour ceux qui ont un peu plus de moyens ? Cela pourrait être dangereux en termes d'équilibre social, particulièrement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

dans les grandes agglomérations. D'autant qu'un problème majeur ne trouve qu'une réponse partielle dans votre budget : je veux parler de la relance de la construction sociale.

Pour la deuxième année consécutive sont programmées la construction de 80 000 logements locatifs aidés et la réhabilitation de 120 000 logements du parc HLM. Ces objectifs correspondent à des engagements de crédits ; ce n'était pas le cas avec les budgets de la droite. Mais, si les crédits budgétaires pour la réhabilitation répondent bien à la demande et permettent un effort d'investissement élevé, il n'en est pas de même des crédits PLA, qui se consomment très difficilement. C'est déjà un fait admis : pour 1998, les objectifs ne seront pas atteints. Le serontils pour 1999 ? Rien n'est moins sûr.

Depuis plusieurs années, le rapport se creuse entre le nombre de logements construits et les besoins.

La demande auprès des organismes HLM va s'accroître davantage, non pas parce que les plafonds de ressources ont été relevés mais parce qu'il y a une insuffisance d'offre accessible.

Les causes de déficience de la construction sociale sont connues : le coût du foncier est trop élevé, notamment en région parisienne, il est impossible, dans le contexte actuel des financements du logement social, d'équilibrer les opérations, les loyers de sortie des constructions neuves sont trop élevés et 80 % du montant des loyers sert à rembourser les emprunts, le financement 1 % est raréfié.

La baisse d'un demi-point du taux d'intérêt des prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations aux organismes HLM devrait être assortie du ralentissement de l'évolution des loyers, mais la perte récente d'un milliard de francs par la Caisse dans des opérations spéculatives nous confirme qu'il n'était nul besoin de pénaliser l'épargne populaire. C'est d'autant plus choquant lorsque l'on connaît les exigences de la CDC à l'égard des organismes HLM pour obtenir des garanties.

M. Christian Martin.

C'est vrai !

Mme Janine Jambu.

Je crois qu'il est temps d'instaurer un fonctionnement et un contrôle démocratique de cet organisme financier.

J'ajoute que, depuis de nombreuses années, le budget du logement est pour les trois quarts consacré à l'aide personnelle au logement. Cette année, 39,6 milliards de francs lui sont consacrés. Si on ajoute à l'APL l'allocation de logement à caractère social et l'allocation de logement à caractère familial, ce sont 73 milliards de fonds publics qui leur sont consacrés chaque année.

Serait-il nécessaire d'engager des sommes aussi importantes pour aider les ménages modestes à payer leur loyer, si la construction sociale était plus développée et moins chère ? N'est-ce pas la question de l'efficacité économique et sociale qui est ainsi posée, celle du rétablissement d'une véritable aide à la pierre et d'une réforme des financements du logement social ?

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme Janine Jambu.

Cette question est au coeur de nos propositions pour une nouvelle politique du logement.

Ainsi, les taux d'emprunt pour les organismes HLM ne devraient pas dépasser le niveau de l'inflation, la durée des remboursements devrait s'étaler sur quarante ans et il faudrait agir sur la durée d'exonération de la taxe foncière.

Les prélèvements de l'Etat sur la collecte du livret A, qui se chiffrent à plusieurs milliards de francs, pourraient être progressivement affectés à la bonification des prêts consentis pour la construction des logements sociaux.

Combien d'autres milliards la Caisse des dépôts et consignations a-t-elle placés dans la spéculation ? Ne faut-il pas rééquilibrer la gestion financière de cet organisme pour aider les organismes HLM qui sont dans une situation de quasi-faillite et pour lancer dans notre pays un vaste programme de construction sociale ? Le Gouvernement a su prendre en compte un certain nombre de propositions que le groupe communiste défend de longue date.

Au-delà du budget lui-même, c'est un encouragement à poursuivre le débat avec tous les acteurs du logement.

Nous avons la volonté de nous appuyer sur tout ce qui avance positivement. C'est le cas de plusieurs mesures de ce budget que nous voterons, tout en souhaitant que des réformes de fond soient prochainement adoptées, notamment dans le cadre du projet de loi sur l'habitat et l'urbanisme en cours d'élaboration. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 ; Logement (suite) : M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 26 au rapport no 1111) ; M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome XI) ; M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Aménagement du territoire : M. Alain Rodet, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 6 au rapport no 1111) ; M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1116, tome III).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT