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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8067).

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite) Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont,

MM. Maurice Ligot, Daniel Paul, Mme Marie-Hélène Aubert,

MM. Henri Nayrou, Stéphane Alaize, Philippe Duron, Aloyse Warhouver, André Vauchez, Jean-Pierre Balligand, Michel Grégoire.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

R éponses de Mme la ministre aux questions de : MM. Serge Poignant, Roland Francisci, Christian Estrosi, J ean Proriol, Gérard Voisin, Charles Ehrmann,

Mme Nicole Feidt, MM. Yves Dauge, Jean Launay, Jacques Barrot, Léonce Deprez, Michel Bouvard, Michel Hunault, Patrice Martin-Lalande, Paul Patriarche, Michel V ergnier, Jean-Pierre Baeumler, Edouard Landrain, François Sauvadet.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET ENVIRONNEMENT I. - Aménagement du territoire

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 8107)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 8107)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôts de projets de loi (p. 8107).

3. Dépôts de propositions de loi (p. 8107).

4. Dépôt d'un rapport (p. 8108).

5. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 8108).

6. Dépôts de rapports d'information (p. 8108).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8108).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) (Suite de la discussion d'un projet de loi)

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite)

M. le président.

Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, concernant l'aménagement du territoire.

La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

M me Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, M. le rapporteur spécial a, à juste titre, mis en exergue le contexte d'attente dans lequel doit être examiné le budget que vous nous présentez, budget de continuité qui réaffirme le rôle essentiel de la DATAR à travers une dotation stabilisée.

Hors contexte, ce budget pourrait, à bon droit, être jugé décevant dans la mesure où il est en stricte reconduction par rapport à celui de 1998, qui avait, lui, marqué une inflexion positive par rapport aux années antérieures. Toutefois, plusieurs éléments autorisent une approche plus optimiste.

En ce qui concerne d'abord le volet qui relève de façon stricte de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire le FNADT et la PAT, nous savons bien que les crédits inscrits tiennent compte de la consommation de l'année passée. Or force est de constater qu'en dépit de la reprise économique tous les crédits inscrits pour 1998 n'ont pas été consommés. Ainsi le dernier reliquat de la sousconsommation de la PAT s'élevait à 267 millions de francs, ce qui ne peut manquer de nous interroger.

Eu égard au FNADT, il convient de souligner la volonté d'augmentation des crédits gérés par la section l ocale au niveau des préfectures de région, cette déconcentration devant permettre de façon effective une simplification des conditions d'affectation et une plus grande souplesse d'utilisation, extrêmement souhaitée par tous les partenaires.

Il convient aussi de saluer la demande faite à la DATAR à l'issue du CIAD de décembre 1997 de mettre en oeuvre une révision des conditions d'emploi de la PAT en vue d'assurer une plus grande efficacité et une meilleure cohérence de l'ensemble des dispositifs développés en faveur de la création d'emplois et d'activités. Je retiendrai singulièrement le souhait de voir la PAT venir en soutien au financement d'investissements, même de taille modeste, mais susceptibles de fixer des activités pérennes sur des territoires souffrant de difficultés démographiques et d'une faiblesse du tissu économique.

On ne peut qu'espérer que le nombre minimal de v ingt créations d'emplois exigé antérieurement soit abaissé, celui-ci étant d'évidence trop élevé pour permettre valablement l'émergence ou le développement de petites entreprises dans des zones fragiles.

Par ailleurs on ne peut parler du budget de l'aménagement sans rappeler que les crédits de votre ministère ne sont pas seuls en cause et que divers financements mobilisés par d'autres ministères participent également à la politique d'aménagement territorial.

En outre, et cela plaide en faveur du budget, il ne peut être fait abstraction de la période de transition dans laquelle se situe ce budget, qui est le dernier du genre, oserai-je dire, avant le vote de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire dont nous débattrons dans quelques semaines ; le dernier aussi avant les nouveaux contrats de plan et avant la délicate réforme des fonds structurels européens, tellement difficiles à mettre en oeuvre. On ne peut donc que regretter la faiblesse de leur consommation, constat qui plaide en faveur d'une nécessaire évaluation de la consommation des crédits en cours d'exercice et de la mise en place de procédures d'attribution moins lourdes.

En tout état de cause, cette réforme, tout comme la révision de la loi de 1995, et la négociation d'une nouvelle génération de contrats de plan sont autant d'éléments qui peuvent justifier un statu quo budgétaire momentané dans le domaine de l'aménagement du territoire.

Cela dit, madame la ministre, et sans vouloir anticiper sur le débat qui va s'engager, vous savez comme nous que l'attente est grande après la déception engendrée par le manque de résultats de la loi de 1995. Soyez donc assurée que nous examinerons avec la plus grande vigilance les budgets qui suivront le vote de la loi, tant l'aménagement du territoire passe aussi par des lignes budgétaires, même s'il ne se réduit pas à cela.

Le texte que vous allez nous présenter devra donner les moyens de lutter contre l'hyperconcentration dominante en n'oubliant pas que seule une discrimination positive en faveur des territoires les plus fragiles peut y contribuer, en n'omettant pas non plus d'intégrer la nécessité de veiller à une réelle péréquation des ressources.

En conclusion, et sans entrer prématurément dans la discussion qui nous attend et qui promet d'être riche, si j'en crois les orateurs qui m'ont précédée, permettez-moi dès aujourd'hui de mettre l'accent sur la fonction essentielle des services publics en termes d'équilibre territorial


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et sur la nécessité de les conforter en tous points du territoire, ainsi que sur la pertinence d'une politique concertée mais volontariste de délocalisations. A ce propos, il conviendrait sans doute, lorsque les délocalisations engagées seront menées à terme, d'ouvrir une nouvelle réflexion sur ce sujet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Lorsque vous avez pris vos fonctions en juin 1997, madame la ministre, avec l'arrivée de la majorité de gauche qui soutient le Gouvernement, il a été clairement affirmé que des réformes importantes allaient être entreprises en ce qui concerne l'aménagement du territoire, l'intercommunalité et les pouvoirs économiques des collectivités territoriales. Il s'agissait donc d'une remise en chantier profonde, s'accompagnant d'une réorientation de la DATAR, avec la nomination d'un nouveau délégué.

Quelles que soient les opinions politiques des uns et des autres au sein tant des collectivités locales, régionales, départementales et communales que de notre assemblée, il y avait une réelle attente entourée d'un intérêt certain.

Nous sommes à un an et demi de votre prise de fonctions. Où en êtes-vous dans les réflexions et les décisions du Gouvernement ? Nous voudrions le savoir.

Pour l'instant, nous savons que nous nous trouvons devant un puzzle de quatre textes : votre projet de loi sur l'aménagement du territoire, dont nous aurons l'occasion de reparler ; le texte que vient de présenter le ministre de l'intérieur sur l'organisation urbaine et la simplification de la coopération intercommunale ; un texte de loi sur les pouvoirs économiques des collectivités locales et sur les sociétés d'économie mixte élaboré par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; enfin, la réforme de la taxe professionnelle incluse dans le projet de loi de finances pour 1999 et présentée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tous ces textes auront une influence importante sur le développement local et l'aménagement du territoire.

Ce puzzle correspond-il à une politique d'ensemble ? A lire ces textes, on peut en douter. Je relève plutôt des contradictions. Sans m'attarder sur le sujet, car tel n'est pas l'objet du débat de ce soir, je tiens à en souligner une, car elle risque d'avoir de graves conséquences, entre votre texte et celui de M. Zuccarelli. Alors que vous voulez accroître les pouvoirs économiques de la région, il semble plus enclin à développer ceux des départements. Il y a donc, pour le moins, une ambiguïté.

Pour ce qui est plus particulièrement de la politique que vous conduisez, votre approche de l'aménagement du territoire a été, me semble-t-il, caractérisée par une erreur de méthode, source de graves retards. Vous avez en effet c hoisi d'arrêter la mise en oeuvre de la loi du 4 février 1995 afin de la corriger et de préparer un nouveau texte qui, d'ailleurs, la reprend à bien des égards. Le résultat, est que, depuis plus de dix-huit mois, la politique d'aménagement du territoire est arrêtée.

L'abandon du schéma national d'aménagement et de développement du territoire a créé un contexte d'incertitude tel que plus aucune décision n'est prise. Les projets envisagés sont bloqués. Je vous en donnerai un exemple tout à l'heure. Le contexte ne sera clarifié que lorsque votre projet de loi, qui reprend très largement l'architecture de la loi du 4 février 1995, sera voté et que les décrets d'application seront parus.

Ainsi trois années au moins auront été perdues en termes d'équipement de notre pays, de développement des infrastructures de toute nature ; trois années auront été perdues pour l'aménagement du territoire et pour l'emploi, tout cela pour remplacer le schéma national par des schémas de services collectifs. Un tel enjeu, qui fleure bon la technocratie, valait-il cet arrêt de trois ans ? Il s'agit d'une lourde erreur de méthode dont les effets seront aggravés par le flou entourant la préparation des contrats de plan Etat-régions, lequel donne un bon exemple de dysfonctionnement de la politique d'aménagement du territoire. En effet, comment sont-ils élaborés ? A cet égard je reprendrai pratiquement les propos parus dans Le Monde parce qu'ils sont le reflet de la situation que nous vivons dans nos régions.

Tout se passe comme si l'Etat et les régions travaillaient chacun de son côté. Tel est le constat dressé par nombre d'élus régionaux de votre majorité et de l'opposition qui parlent de parodie de concertation, ou soulignent que l'Etat nous laisse devant un flou total.

Nous sommes dans la situation paradoxale et, à tout prendre, non démocratique, où l'Etat veut faire appliquer, au travers de contrats, des textes de loi qui ne seront présentés au Parlement que l'an prochain. Cette façon de procéder correspond peut-être à une logique d'action, mais, juridiquement, elle n'a pas de fondement et justifie incompréhensions et réticences.

Je rappelle enfin que le CIADT du 15 décembre 1997 a précisé : « Une plus grande modulation des interventions de l'Etat, en fonction de la situation et des besoins de chaque région, s'avère indispensable ». Or la négociation des contrats de plan était l'occasion de faire jouer cette modulation. Pourtant, depuis cette date, les représentants de l'Etat sont bien discrets sur le principe de cette plus grande modulation.

Un bon exemple de l'absence de modulation est donné par la conception de la DATAR sur les équipements d'infrastructures. A cet égard, je veux dénoncer une vision fausse des équipements d'infrastructures routières et ferroviaires.

Nous sommes, en effet, nombreux à nous inscrire très vigoureusement en faux contre les thèses actuelles de la DATAR, selon lesquelles la France serait maintenant bien équipée et n'aurait plus besoin d'investir en infrastructures. Lorsque l'on regarde l'état actuel de réalisation du schéma autoroutier, on constate à quel point de telles thèses dénotent une ignorance profonde de ce qui se passe, sinon au-delà du périphérique parisien, du moins au-delà de la Francilienne.

Le schéma autoroutier, dans sa réalisation actuelle, est en train de reproduire le réseau en étoile, avec Paris pour centre. Or chacun sait à quel point le réseau ferré en étoile, tel qu'il a été conçu au

XIXe siècle, a contribué à déséquilibrer la France et à handicaper nos territoires, en ne réalisant pas de liaisons transversales. Ainsi, aujourd'hui encore, pour aller en train de Bordeaux à Lyon ou de Nantes à Marseille, il faut, pour aller vite passer par Paris.

Le fait que les autoroutes aient, dans un premier temps, suivi le même schéma, dénote tout simplement à quel point notre pays est déséquilibré. Mais que l'administration en charge de l'aménagement du territoire affirme aujourd'hui, contre l'opinion du ministre de l'équipement, que nous n'aurions plus besoin d'autoroutes ou de routes supplémentaires, dès lors que le schéma en étoile est sur le point d'être achevé, cela est réellement consternant.


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Cette administration nous a, à juste titre, abreuvé d'analyses sur « la banane bleue », sur les risques d'un déplacement du centre de l'Europe vers l'Est et sur le risque corollaire de « finistérisation » de toute la moitié ouest de notre pays. Mais, de ces risques, il faut tirer les conséquences. Pour atteindre l'Allemagne et le centre de l'Europe à partir de pôles aussi importants que Le Havre, Rennes, Nantes, La Rochelle ou Bordeaux, il est indispensable et urgent de disposer de voies autoroutières directes afin d'éviter le passage par l'Ile-de-France, avec tout ce que cela comporte de kilomètres, de délais, de pertes de temps, de coûts, d'embouteillages et de pollutions supplémentaires.

Cette absence de grands axes transversaux, qui est la marque de l'aspect le plus nocif de la tradition jacobine française, ne présente pas seulement de graves inconvénients sur les liaisons de longue distance. Elle handicape tout aussi lourdement les relations de proximité indispensables au développement économique.

Chacun sait l'intérêt des réseaux de villes fondés sur les relations et les complémentarités entre les villes. En effet, elles ne peuvent exister que lorsque ces villes sont bien reliées. Tel est le cas de Rennes, Nantes et Angers, souvent citées en exemple. Mais aucune collaboration de ce type n'est aujourd'hui possible entre Nantes, Poitiers, Limoges et leurs territoires, en raison de l'absence d'une liaison routière ou autoroutière de qualité.

Cette liaison entre capitales régionales - Mme PérolDumont aurait pu en parler puisqu'elle fait partie de la même association que moi - est indispensable. Elle est d'ailleurs réclamée par tous les responsables politiques et économiques. Il faut que le prochain contrat de plan

Etat-région pour Poitou-Charentes et le Limousin permette la réalisation d'un tel projet qui s'inscrit dans la réalisation de l'axe Centre-Europe Atlantique.

Sur cet axe, des barreaux manquants pourraient être réalisés rapidement, par exemple l'autoroute A 870 entre Cholet et Bressuire sur l'axe Nantes-Poitiers. Malheureusement, ce dossier est bloqué, pour cause de changement de loi.

Ce qui est vrai pour les autoroutes l'est souvent tout autant pour le rail.

Sur ce thème des infrastructures, nous allons vers un affrontement plutôt rude entre les élus des différentes régions, toutes tendances confondues, et les technocrates des administrations centrales. Peut-on espérer, madame la ministre, que vous pèserez de toute votre autorité pour que les travaux d'infrastructures autoroutières et ferroviaires transversales soient poursuivis, avec détermination et sans état d'âme, notamment lors de l'élaboration des futurs contrats de plan Etat-région ? Sinon, la marginalisation menacera beaucoup de territoires.

Jusqu'à ce jour, la politique d'aménagement du territoire, dans notre pays, n'a pas pris suffisamment en compte le bouleversement positif introduit par les lois de décentralisation. L'Etat a continué et continue de penser et de diriger l'aménagement du territoire comme il le faisait dans les années 60 et 70.

Le nom même de la DATAR est devenu anachronique.

Dans le sigle, il y a aménagement du territoire et action régionale. Or chacun sait que l'action régionale est désormais exercée par les collectivités territoriales. Cela ne signifie en rien que le rôle de l'Etat soit amoindri, bien au contraire. Il lui appartient - au travers du financement des équipements de toute nature, des infrastructures, des contrats de plan, des dotations aux collectivités territoriales - d'assurer une réelle péréquation voire une modulation entre les territoires, en fonction de leur richesse, de leurs potentialités et de leurs handicaps. Toutefois, il doit se concentrer sur cet objectif en laissant aux collectivités la plus grande latitude possible pour mener leurs propres actions de développement.

Cette modification radicale et nécessaire de l'aménagement du territoire n'a pas encore été faite et je ne crois pas qu'elle sera opérée par le projet de loi que vous allez nous présenter, à moins que des propositions intéressantes apparaissent au cours du débat. Sans doute, cette modification nécessiterait-elle, en parallèle, de nouveaux progrès dans la voie de la décentralisation : attribution de nouvelles compétences aux collectivités, clarification de ces compétences, modification des règles de financement et des règles fiscales. Mais ces sujets ne sont pas à l'ordre du jour dans le projet de loi présenté par le ministre de l'intérieur.

Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle constitue, dans sa forme actuelle, un retour à la centralisation. Il n'y aura, par conséquent, pas grand chose de n euf en matière d'aménagement du territoire. En témoigne votre budget, tristement étale, qui ne peut recueillir notre approbation. Si l'on y ajoute le contenu du projet qui va nous être soumis et compte tenu du rythme de la réforme, nous ne pouvons que penser que l'aménagement du territoire, pourtant l'une des nécessités absolues de la France actuelle, ne constitue pas une priorité du Gouvernement et de sa majorité.

C'est pourquoi l'UDF ne peut être qu'en désaccord avec vous.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, madame la ministre, les questions d'aménagement du territoire sont d'actualité, compte tenu de l'examen prochain de deux projets de loi - le vôtre et celui du ministre de l'intérieur - des négociations en cours sur les contrats de plan

Etat-région et de la réforme des fonds structurels européens pour la période 2000-2006. On doit tenir compte de ce contexte de transition pour porter une appréciation sur le projet de budget pour l'aménagement du territoire pour l'année 1999.

Celui-ci confirme l'effort de rattrapage opéré l'an passé ; en 1998, les crédits de l'aménagement du territoire ont en effet augmenté de 6,06 %, ce qui a mis fin à la décroissance budgétaire de 28 % enregistrée entre 1994 et 1997. Il est vrai - les chiffres parlent d'eux-mêmes - qu'il y a encore des progrès à faire pour compenser les faiblesses passées. Avec 1,799 milliard de francs en 1999 contre 1,805 milliard de francs pour 1998, le présent projet de budget stabilise donc l'effort entrepris.

La même stabilité caractérise les emplois à la DATAR, ce qui met un terme au programme pluriannuel de réduction des effectifs précédemment arrêté par le gouvernement de droite. Je souhaite que, comme vous l'avez annoncé en commission, ces effectifs soient renforcés dès l'année prochaine.

Il s'agit là d'une nécessité. La DATAR, particulièrement dans ses missions de prospection et d'accueil des investissements étrangers, influe très positivement sur la création d'emplois en France. On peut lire dans l'excellent rapport de mon ami Félix Leyzour qu'« en 1997, 362 projets permettront de créer ou de maintenir 24 212 emplois sur les trois prochaines années, ce qui représente une augmentation continue depuis 1992 et une augumentation de 6 % par rapport à 1996. »


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La création d'emplois publics constitue donc, contrairement à ce qui se dit beaucoup trop souvent, un invest issement porteur de développement dans tous les domaines de notre société. En dotant la DATAR de moyens humains plus importants, vous pourriez, madame la ministre, en apporter une belle illustration.

Un autre outil d'importance est la prime à l'aménagement du territoire qui permet d'accompagner les créations, les délocalisations ou les extensions d'entreprises dans des zones classées prioritaires. Les crédits affectés à la PAT sont sous-utilisés, ce qui est déplorable. Cela ne tient pas à ce que l'essentiel des objectifs ont été atteints dans ce domaine - il s'en faut de beaucoup - mais plus certainement à ce que l'ambition politique a fait défaut pour soutenir les projets existants.

Il était effectivement urgent de réviser les politiques d'emploi des crédits de la PAT et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, pour assurer un meilleur développement de l'activité économique et de l'emploi dans les parties du territoire qui en ont besoin. Les premiers résultats devraient pouvoir se mesurer dès la fin du premier semestre 1999. C'est du moins ce que j'espère.

Les critiques qui ont été émises quant à l'insuffisance de l'impact de la PAT et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire pour créer des emplois sont significatives. Avec le taux de chômage important et persistant que nous connaissons, l'efficacité de toute politique - et celle relative à l'aménagement du territoire n'y échappe pas - s'évalue à sa capacité à fav oriser les créations d'emplois.

L'affichage politique du projet de loi d'aménagement du territoire, qui sera soumis au débat parlementaire dès janvier, ne peut manquer de retenir l'attention : il vise à atteindre la performance économique, la cohésion sociale, la qualité et la préservation des ressources naturelles tout en mettant fin à des conceptions dirigistes et aux méfaits de l'ultralibéralisme. Des entités plus ou moins nouvelles voient leurs rôles développés ; elles ont pour nom régions, agglomérations, pays, schémas de services collectifs.

Ainsi se profile un changement institutionnel qui tend à modifier les rôles et les responsabilités qui étaient jusqu'à présent confiés, au fil de deux siècles d'histoire, à l'Etat, aux départements et aux communes. La notion du territoire « pertinent » ne manque pas d'intérêt, à condition que l'on s'entende sur le sens de ce mot et qu'au regard de l'action envisagée, elle facilite l'implication des citoyens.

Comment en effet pourrait-on soutenir la construction d'une Europe où les citoyens seraient éloignés - plus encore qu'ils ne le sont aujourd'hui - des instances et des lieux de décisions ? Je sais par expérience, comme beaucoup ici, que l'échelon communal peut offrir un espace très accessible à l'expression des besoins et des attentes des gens, et qu'il est aussi celui où s'expérimentent le mieux des formes d'interventions citoyennes.

Encore ne faudrait-il pas que les conseils, élus directement, perdent leurs pouvoirs de négociation et de décision au profit d'une instance d'agglomération, désignée, elle, au second degré.

M. René Mangin.

Très bien !

M. Daniel Paul.

Il ne saurait y avoir de place à l'autoritarisme dans un projet intercommunal.

Craignons donc que, par un mouvement apparent vers plus de souplesse et d'efficacité, on ne s'achemine vers une construction institutionnelle plus européenne et assurément moins démocratique. Si tel était le cas, je ne suis pas sûr que les inégalités se résorberaient, en particulier celles qui séparent aujourd'hui certaines régions entre elles.

Les régions se voient d'ailleurs confier un rôle pivot dans l'aménagement du territoire. Mais quelle possibilité ont-elles de corriger les inégalités interrégionales ? L'Etat apparaît seul capable d'assurer équilibre et cohérence entre les territoires régionaux. Si ce n'était lui, le soin en serait laissé à un dialogue entre les régions et l'Union européenne. Or je crois qu'à l'heure de son élargissement à l'Est cette dernière n'a que faire de certaines préoccupations nationales. Je pense notamment au devenir de l'Ouest français.

Comment ne pas évoquer l'importance de la façade maritime atlantique de notre pays et le rôle joué par les places portuaires dans le développement de toutes les régions concernées ? Il est nécessaire de les conforter, en particulier par des moyens de communication leur permettant d'irriguer l'hinterland national mais aussi européen. Faute d'avoir, au cours des dernières décennies, développé comme nos voisins des réseaux fluviaux et ferroviaires, nous voyons aujourd'hui nos grands ports peiner à gagner la place qui devrait leur revenir sur le marché français et européen. Or le rééquilibrage des trafics maritimes avec le développement des ports français est un enjeu majeur. Cela passe, certes, par des investissements dans les ports eux-mêmes - c'est le cas du projet Port 2000 au Havre -, mais également, tous les partenaires, dans les communautés portuaires, en soulignent l'urgence,- par l'ouverture d'axes Ouest-Est, en particulier ferroviaires, permettant d'éviter la région parisienne.

Cette question est d'importance pour le développement équilibré de notre pays et la mise en valeur de ses atouts.

N'oublions pas en effet que les transits portuaires génèrent emplois et plus-values et que, tout au long des axes de communication - routiers, autoroutiers, ferroviaires ou fluviaux -, les territoires irrigués peuvent aussi s'intégrer dans des chaînes d'activités, ce qui peut favoriser l'emploi.

Ce n'est pas dans un dialogue entre régions et Communauté européenne que ce développement équilibré peut s'opérer. Il y faut le poids de l'Etat : son rôle d'aménageur au-delà des particularismes régionaux vise l'intérêt général sans se contenter de privilégier l'existan t.

M. Maurice Ligot.

Exact !

M. Daniel Paul.

A lui de susciter les coopérations interrégionales, mais qu'il prenne garde à ne déléguer, à aucun moment, sa responsabilité dans le domaine de l'aménagement du territoire.

Le Conseil économique et social, dans l'avis qu'il a rendu sur le projet de loi qui nous sera présenté au début de 1999, note d'ailleurs ce fait en ajoutant que : « si l'optimisation des équipements existants doit être recherchée, cela ne doit pas conduire à l'abandon de toute politique de construction d'infrastructures et d'équipements nouveaux, lorsque ceux-ci sont nécessaires, notamment pour terminer le maillage des zones en difficulté et assurer leur raccordement aux grands réseaux ».

Nos concurrents nord-européens - Rotterdam, Hambourg, Anvers - accélèrent aujourd'hui leurs investissements portuaires et développent des voies de communication vers le centre de l'Europe, afin de capter à leur profit une part prépondérante de l'augmentation des trafics maritimes au niveau international actuellement constatée.

L'urgence commande pour notre pays, comme pour l'intérêt général et nos objectifs d'emplois, que l'Etat joue


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sans tarder pleinement son rôle. L'idée intéressante consistant à partir des besoins pour définir l'offre de services collectifs ne doit en aucun cas conduire à le dispenser de l'accroître quantitativement quand c'est nécessaire.

Et, aujourd'hui, c'est nécessaire.

Nous ne pouvons courir le risque de voir nos ports être irrémédiablement dépassés et notre façade maritime, qui est l'un de nos atouts nationaux, limiter ses ambitions - et ce n'est pas péjoratif - à la création d'espaces naturels et de ports de plaisance, c'est-à-dire à une utilisation ludique de la mer et du littoral, qui serait en retrait par rapport à nos besoins d'industrialisation et de communication.

Votre projet de budget, madame la ministre, n'ignore pas les perspectives tracées par les projets de loi que nous aurons à examiner en 1999.

Les moyens dont il dispose constituent des signes encourageants. C'est pourquoi nous le voterons. Mais notre approbation de ce budget se complétera, le moment venu, de propositions visant à ce que les projets de loi touchant à l'aménagement du territoire dont nous aurons à débattre recherchent, par la démocratie, le développement équilibré et cohérent de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

C'est avec plaisir, madame la ministre, que j'interviens cette année sur le budget de l'aménagement du territoire. Les députés Verts sont en effet attachés au fait que l'aménagement du territoire reste un volet essentiel de votre ministère et qu'il prenne toute sa dimension, y compris budgétaire, avec la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire que nous examinerons prochainement.

Le budget de l'aménagement du territoire s'établit pour 1999 à 1,8 milliard de francs, soit au même niveau qu'en 1998. Il faut noter qu'en 1998 l'augmentation des crédits avait été de 6,06 % et marquait une rupture avec la décroissance régulière des exercices antérieurs.

Il s'agit donc d'un budget de consolidation, qui ne suscite pas non plus chez nous un enthousiasme excessif. S'y ajoute l'ensemble des moyens de l'Etat consacrés à l'aménagement du territoire, soit plus de 60 milliards de francs.

La délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, quant à elle, bénéficiera en 1999, à travers la prime d'aménagement du territoire, le PAT et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, des moyens nécessaires, en fonction des engagements contractés, sans oublier la négociation des contrats de plan Etat-région et les possibilités de contractualiser offertes jusqu'en 2003 aux agglomérations et au pays. Enfin, l'aide de l'Unione uropéenne et les fonds structurels dans le cadre d'Agenda 2000 seront révisés. Nous comptons sur votre action, madame la ministre, pour en redéfinir les objectifs avec nos partenaires et les abonder en conséquence.

Mais ces précisions liminaires sur les chiffres concernant l'aménagement du territoire ainsi que la consolidation des moyens de fonctionnement et d'intervention de la DATAR ne traduisent pas à elles seules, bien entendu, tout l'impact du débat qui s'ouvre sur la révision de la loi Pasqua de 1995. C'est là, en fait, que se situent les vrais enjeux. Nous voudrions les aborder - à grands traits, vu le temps imparti - avec des réflexions qui portent tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, tout d'abord. Les procédures retenues seront primordiales et devront accorder une place importante à la concertation. La politique d'aménagement du territoire doit s'appuyer sur une logique de projets prenant en compte les besoins réels des citoyens et de leurs collectivités locales plus que la mégalomanie dispendieuse de certains décideurs, élus ou non. Elaborés démocratiquement, ils doivent permettre à tous l'accès à des services publics de qualité et de proximité et accompagner leur nécessaire modernisation.

Ces procédures devront avant tout être lisibles, tant au niveau des élus locaux que de nos concitoyens. Faute de quoi nous pourrions à nouveau tomber dans le travers de moyens peu ou mal utilisés. De grâce, évitons les usines à gaz - c'est d'actualité - dont l'efficacité énergétique l aisse tant à désirer !

M. Michel Bouvard.

Le gaz est une énergie propre ! (Sourires.)

Mme Marie-Hélène Aubert.

Par ailleurs, les choix qui seront faits - car il faudra bien choisir - devront clairement réaffirmer la volonté du Gouvernement d'aller vers une véritable décentralisation donnant toute sa place aux régions, ce qui n'est pas incompatible avec les grands principes édictés par la future loi. A ce titre, les tristes épisodes constatés dans les conseils régionaux sous l'influence de l'extrême droite ne doivent pas constituer un prétexte pour aller dans le sens d'une recentralisation accrue. Les Verts restent attachés à la décentralisation car, à leurs yeux, elle est synonyme de démocratie locale et est seule à même de permettre à nos concitoyens de se réapproprier leur avenir, l'Etat restant garant des grandes orientations définies par le Parlement.

J'en viens aux réflexions sur le fond. Nous souhaitons donner toute sa signification à la notion de « développement durable », qui ne doit pas être confondue avec celle de « croissance durable », trop souvent utilisée ces derniers temps, et qui sème la confusion. La notion de développement durable n'est pas une idéologie simpliste, comme le prétendent certains « accros » du bitume et des grands équipements - et nous venons d'en avoir quelques exemples -, mais au contraire un projet éminemment moderne recherchant notamment une meilleure efficacité de nos procédés industriels et l'économie de moyens, pour préserver ou préparer le bien-être de ceux qui nous succéderont.

Le développement durable met ainsi davantage l'accent sur le qualitatif, sur les biens immatériels, les services aux personnes, la circulation de l'information et des connaissances, le lien social et la solidarité, la qualité de la vie.

Ainsi, dans le domaine de la préservation du patrimoine naturel et de la biodiversité, comme dans celui des rapports humains et sociaux, le développement durable fait référence au principe de précaution, de responsabilité, d'autonomie et de solidarité.

C'est aussi « penser globalement, agir localement ». Par exemple, la convention de Kyoto comme les travaux de Buenos Aires concernant la lutte contre l'effet de serre, qui se sont ouverts cette semaine, peuvent et doivent se décliner au niveau local, de façon simple, afin que les actions engagées soient effectives. Nos concitoyens sont lassés des beaux discours sans lendemain et des mesures technocratiques incompréhensibles. Ils ne pourront adhérer à ces objetifs que si eux-mêmes peuvent agir et se sentir responsables.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

Un dernier point nous amène à préciser la notion de solidarité spatiale. Il faut impérativement sortir de l'opposition ville-campagne et des propos lénifiants en la matière. On entend dire que le développement de la ville irrigue la campagne.

M. Michel Bouvard.

Cela a même été écrit dans Le Monde !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Cette logique accentue de façon néfaste la concentration urbaine. Il n'est pas rare non plus d'entendre dire que la campagne constitue un terrain de loisirs pour urbains stressés ou la chasse gardée, si j'ose dire, de la profession agricole.

La vérité est qu'en France comme ailleurs les agglomérations ne cessent de grossir et les campagne de se désertifier. Beaucoup considèrent à tort cette évolution comme inéluctable. Il pensent donc qu'il est inutile et hypocrite de croire à l'aménagement du territoire.

Il serait intéressant d'oser parler enfin de limitation de la taille des agglomérations, en étudiant le seuil - certains l'ont déjà fait - qui fait qu'une ville est plus pathogène que bénéfique, engendre plus de coûts qu'elle n'offre de services. Les « pays », au sens de l'aménagement du territoire, ne devront pas être les « parents pauvres » des agglomérations. Il faudra donc faire preuve de volontarisme et y consacrer les moyens financiers nécessaires.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Il faudra, de plus, changer les règles du jeu en matière de fiscalité locale et renforcer l'intercommunalité, celle-ci faisant l'objet d'un projet de loi que nous étudierons prochainement.

Les politiques agricoles nationales et communautaires seront, elles aussi, déterminantes, et vous le savez bien.

Sur toutes ces questions, sur ce vaste chantier, nous savons que vous avez déjà de nombreuses propositions à nous faire. L'examen de votre budget nous donne l'occasion d'esquisser le débat.

Vous pouvez compter sur notre soutien, mais aussi sur notre exigence et notre vigilance pour faire vivre auprès de nos concitoyens ce qui n'est souvent encore pour eux qu'une abstraction : l'aménagement du territoire et le développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en guise de préambule, je dirai que l'ambiance enfiévrée de notre débat tranche singulièrement avec le calme de celui de la nuit dernière.

(Rires.)

M. Michel Bouvard.

L'aménagement du territoire intéresse moins que les homosexuels !

M. Henri Nayrou.

L'examen de la partie « aménagement du territoire » du budget de votre ministère ne saurait s'effectuer sans références à votre future loi d'orientation, qui promet d'ailleurs des débats animés, aux lois sur l'intercommunalité et les interventions économiques des collectivités locales, voire à la réforme des fonds structurels européens.

La seule expression « aménagement du territoire » induit automatiquement qu'il s'agit d'apporter une forme de correction aux déséquilibres constatés dans le pays. Le seul fait que la ville ait son ministère indique que les problèmes d'aménagements se posent avec acuité, là où il n'y a pas de ministère. Le seul fait de vous dire que je suis un élu de l'Ariège, vous fera comprendre que j'aborderai votre budget sous l'angle de la montagne et, par extension, des zones peu denses et donc défavorisées.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Henri Nayrou.

Je suis tout d'abord satisfait de voir que les crédits sont stabilisés. Tous les orateurs l'ont dit, je n'y insisterai donc pas. Pour ma part, je considère que ce budget ne sera réellement le vôtre, madame la ministre, qu'après la mise en application de la loi d'orientation.

J'apprécie également qu'apparaisse clairement votre volonté d'améliorer les conditions d'utilisation de la PAT, dont 267 millions de francs ne sont pas consommés. Ce dysfonctionnement a été abordé tout à l'heure lors de la séance des questions d'actualité. J'ai noté avec satisfaction que vous entendiez y remédier de manière énergique.

M. Michel Bouvard.

Il faut faire vite !

M. Henri Nayrou.

L'efficacité de la PAT n'étant pas satisfaisante, il est suggéré de la réorienter vers des opérations plus modestes dans des zones dégradées.

Le plancher de vingt emplois est jugé trop dissuasif pour enclencher un processus de développement durable.

Vous surprendrais-je, madame la ministre, si je vous disais que la revitalisation en milieu rural ou montagnard passe désormais par des projets de taille compatible avec les lieux d'accueils ? Ces projets sont moins ambitieux mais plus réalistes. N'est-ce pas là, après tout, la synthèse du développement durable que vous appelez de vos voeux ? Une logique de projet doit remplacer la logique de guichet, avez-vous affirmé. La formule est heureuse. Il reste à la rendre efficace.

Vous aurez donc compris, madame la ministre, que, comme vous, nous préférons que l'Etat apprenne à pêcher plutôt qu'il ne donne du poisson. Les élus ruraux appellent eux aussi de leurs voeux un développement durable dans leurs régions, moins d'ailleurs par corporatisme territorial, - il serait forcément dérisoire - que par volonté de ne pas vivre dans des zones transformées en sanctuaire.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Henri Nayrou.

Dans cet esprit, nous sommes plusieurs à regretter la dilution progressive des crédits spécifiques de la montagne dans votre budget. Le FIAM, issu de la loi montagne 1985, s'évapore au fil des années. Il s'agit pourtant là d'un remarquable outil de développement mis au service de politiques de massif pour des projets innovants et pour une utilisation souple destinée au fonctionnement, ce qui est rare, et donc efficace.

Le FNADT a fait également tomber dans le pot commun les moyens nationaux et régionaux du FIDAR.

La critique avait fusé sous Pasqua ; désormais elle s'installe, et c'est dommage.

Troisième regret, la sous-consommation de la PAT et du FNADT est préjudiciable à l'esprit du dispositif ainsi qu'au développement de nos zones. Cela pose le problème des financements croisés avec cinq ou six partenaires, dont l'Europe qui d'ailleurs n'échappe pas au même mal ; cela pose enfin le problème de la course d'obstacle imposée aux postulants aux aides, en raison de règles trop rigides.

Mais finalement, madame la ministre, votre politique se superposerait assez bien avec les aspirations des élus de la montagne et du monde rural. Vous comme nous


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regrettons le montant des crédits non utilisés. Vous souhaitez recadrer la philosophie des attributions de la PAT pour des projets plus modestes et durables ; nous souhaitons que soit réaffirmée la spécificité montagne. Pourquoi ne pas concevoir une mini-PAT destinée aux zones à faible densité...

M. Michel Bouvard.

Bonne proposition !

M. Henri Nayrou.

... pour des mini-projets, une miniPAT plus souple d'usage, donc plus efficace ? Vous avez sans doute compris qu'il y a de l'intérêt de tous de passer du concept fourre-tout d'aménagement du territoire à celui d'occupation harmonieuse d'un territoire aménagé.

Et pour finir mon propos, je me risquerai à mêler quelques brins de sagesse et d'humour à votre adresse, en ce soir d'anniversaire : vous l'avez sans doute compris, madame la ministre, je préfère une sardine sur du pain qu'un oiseau qui vole.

(Sourires. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Stéphane Alaize.

M. Stéphane Alaize.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenterais volontiers d'être aussi bon poète que mon collègue Nayrou ; mais, doutant d'y parvenir, je concentrerai ma courte intervention sur trois points précis.

Le premier point a trait à l'usage, ou plutôt au mauvais usage, des fonds structurels, car c'est malheureusement bien de cela qu'il s'agit si l'on se réfère à leur état de consommation.

Pour pratiquer ces fonds depuis plusieurs années - et malgré mon jeune âge ici - dans mon département, je sais que cette réalité regrettable tient à deux raisons facilement vérifiables.

Tout d'abord, une impréparation certaine des acteurs de terrain à leur usage, à moins qu'il ne s'agisse d'un défaut de pertinence des fonds eux-mêmes. Peu d'acteurs en effet en connaissent les critères d'éligibilité et cela est regrettable. Nombre d'entre eux, du reste, faute de motivation solidement fondée, se bornent bien souvent à prendre rang pour un financement que l'on regretterait de n'avoir pas mobilisé au cas où.

E nsuite et surtout, les procédures administratives lourdes, complexes ou alambiquées, voire les trois à la fois, sont régulièrement la cause d'une accumulation de retards désastreux. Il faut voir là, à mon avis, non une volonté européenne de compliquer à souhait l'usage par les Etats des crédits communautaires - quoique les procédures communautaires soient parfois perverses -, mais une spécificité bien désolante de nos pratiques nationales. Elle trouve sa source, me semble-t-il, dans le manque de formation des agents instructeurs de l'administration française et dans l'invraisemblable absence, dans la plupart des préfectures, de services clairement spécialisés sur ce sujet. C'est ainsi que l'on aboutit à un tel niveau de sousconsommation de crédits que Mme Monika WulfMathies, membre de la Commission européenne, récemment auditionnée par la commission de la production et des échanges, a avoué ne voir cela qu'en France, en le regrettant. Il convient donc de prendre ce problème très au sérieux et de lui porter des remèdes efficaces.

A ce propos, pour m'en tenir toujours à mon expérience, le pilotage bicéphale que nous avons mis en place dans le département de l'Ardèche pour l'instruction des dossiers avec d'un côté l'Etat, de l'autre le département, et la création d'un bureau technique instructeur allégé et doté de personnels formés, a prouvé son efficacité : nous dépassons régulièrement les 100 % de notre enveloppe de référence. Il conviendrait d'y penser pour la prochaine génération de fonds structurels et d'envisager peut-être dès maintenant un recueil des pratiques locales les plus efficaces, ne serait-ce que pour ne pas perdre les crédits européens auxquels nous avons droit.

Cela m'amène tout logiquement à la deuxième partie de mon propos : la gestion pluriannuelle des crédits européens. En application des règles mises en place par la Commission, si les enveloppes régionales ne sont pas consommées à hauteur de 70 % l'année x, les enveloppes de l'année x + 1 se voient elles aussi pénalisées, au point d'aboutir à des situations totalement ubuesques...

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Stéphane Alaize.

... où des programmes bouclés ne peuvent être financés en raison du mauvais niveau de consommation constaté l'année précédente. Des départements très actifs, comme l'Ardèche, parce qu'ils ont particulièrement besoin de ces crédits, se trouvent doublement pénalisés, d'abord par le niveau régional, puisque l'on n'atteint pas la limite des 70 %, ensuite par la Commission européenne qui y voit un défaut de fonctionnement.

Ce système pervers doit cesser avant que n'expire le programme 1994-1999. De la même façon, il conviendrait, sur la base d'un bilan précis à dresser au plus tôt, de déterminer les départements ou les régions, s'il y en a, qui auront déjà consommé leur enveloppe de référence afin de les faire bénéficier de rallonges grâce à une réelle fongibilité des fonds concernés. N'est-il pas profondément injuste que les plus efficaces, bien souvent les plus déshérités, perdent le bénéfice de crédits non utilisé s par des voisins mieux servis par la nature ou l'histoire économique ? Enfin, ce que je viens de dire des fonds structurels pourrait parfois aussi valoir pour le FNADT.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Stéphane Alaize.

Mon dernier point s'adresse au ministre en charge de la politique de la montagne, car ce sujet me tient, moi aussi, à coeur.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Stéphane Alaize.

J'entends vos mots d'encouragement, mais il faut tout de même reconnaître à ce Gouvernement une réelle volonté d'oeuvrer activement.

Lorsque vous êtes venue à Autrans, madame la ministre, vous avez annoncé au cours du congrès de l'ANEM la tenue prochaine du conseil national de la montagne. C'est une très bonne initiative. Après de si longs mois de sommeil...

M. Michel Bouvard.

Deux ans !

M. Stéphane Alaize.

... il est temps de sortir de la léthargie, compte tenu des difficultés de tous ordres auxquelles sont confrontées les zones de piedmont et de montagne qui constituent pourtant autant d'espaces prometteurs pour enrayer le processus de surconcentration, d'explosion, sinon d'asphyxie urbaines. Ces difficultés peuvent être surmontées à la condition exclusive qu'uner éelle volonté politique nouvelle s'affirme dans le domaine de l'aménagement du territoire.

Madame la ministre, dans le cadre des politiques transversales et de vos compétences en matière d'aménagement du territoire, il vous revient de freiner, sinon de stopper net les velléités de certains de vos collègues qui misent tout, à tout le moins beaucoup trop, sur l'urbain. Ainsi,


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le processus de redéploiement des gendarmeries et des commissariats et autres actions du même ordre ont de quoi inquiéter dans le monde rural. La sortie du moratoire sur les services publics, par exemple, est un nouveau signe d'un possible retrait de l'Etat des fritures politiques de rééquilibrage.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. Stéphane Alaize.

Sachez, madame la ministre, que nous serons nombreux à vos côtés si vous travaillez à sensibiliser vos collègues à cet aspect des choses, comme nous l'avons été lorsque vous avez imaginé, puis engagé un programme concret de plans spécifiques « massif » du type de celui initié lors du CIADT de Mende en décembre dernier pour le Massif central.

Celui-ci, en réhabilitant la montagne dans le cadre des politiques publiques, avait surtout amorcé un processus novateur et pertinent qu'il faut poursuivre. Car cette démarche, bien plus qu'une démarche d'ordre national, s'inscrit excellemment dans les orientations politiques communautaires en matière d'aménagement du territoire de l'Union européenne, notamment au regard du schéma de développement de l'espace communautaire qui préconise, à travers des initiatives expérimentales du type de celle menée pour le Massif central, d'assurer une meilleure fonction comme une meilleure répartition géographique des activités productives, une occupation des sols plus soutenable ainsi qu'une plus grande sensibilité aux besoins spécifiques découlant des caractéristiques propres aux différentes parties du territoire.

Mais cette démarche vient aussi judicieusement renforcer l'action opiniâtre conduite au sein des comités de massif. Je pense plus spécialement à celui du Massif central qui envisage très prochainement la validation d'un corps de propositions concrètes à mettre en oeuvre dans le c adre d'un contrat de plan spécifique pour les années 2000 à 2006, il pourrait avoir valeur d'exemple p our les futures politiques publiques nationales et communautaires en matière d'aménagement du territoire et en direction de la montagne.

Ne serait-il pas opportun, madame la ministre, de compléter l'action entreprise depuis le CIADT de Mende par un dispositif expérimental pour l'année 1999 d'abord, pour les années 2000 à 2006 ensuite, en faisant des comités de massif autant de lieux d'expérimentation des politiques publiques nationales et communautaires ayant valeur d'exemple pour les programmes nationaux et européens en cours de définition ? Bien souvent, outre la difficulté de coordonner les actions des régions concernées par un massif, on se heurte bien souvent à la logique actuelle qui érige celles-ci en partenaires exclusifs de l'Etat, au mépris parfois d'initiatives innovantes qui mériteraient de voir le jour et de permettre à la montagne d'exister mieux encore.

C'est donc, pour finir, un plaidoyer en faveur du monde rural que je voudrais faire ici, non pour l'opposer au monde urbain, mais dans un souci de complémentarité.

Madame la ministre, des orientations politiques lourdes se dessinent aujourd'hui, qui ne se limitent pas à une question de fonds ou de crédits. Je veux parler du projet de loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire, des contrats de plan, Etat région ou encore de la réforme des fonds structurels. Sur chacune de ces nouvelles dispositions, des inquiétudes légitimes se manifestent. Je pense à l'intermodalité et à la notion de pays programmes qui pourraient être retenues dans ce cadre d'un prochain contrat du plan, mais qui intéressent trop spécifiquement les villes. En effet, pour certains secteurs ruraux, l'intermodalité relève du charabia, faute de disposer des services susceptibles d'en bénéficier ou de centres urbains à même de constituer à eux seuls un pays. N'allons pas mettre à l'écart des pans entiers du territoire en développant de nouveaux dispositifs auxquels ils seraient incapable d'émarger.

Par-delà ce qui peut séparer une conscience urbaine d'une conscience rurale, il convient de faire confiance au monde rural, madame la ministre, pour mieux nourrir la réflexion et l'action de l'Etat. Je sais que vous y êtes prête. Le monde rural est fait de valeurs sûres, de potentialités humaines et territoriales réelles qui peuvent enrichir utilement notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget 1999 de l'aménagement du territoire est un bon budget, que je voterai, avec mes collègues du groupe socialiste. C'est un budget de consolidation ; d'un montant de 1,8 milliard de francs, il s'établit à peu de choses près au même niveau qu'en 1998. Il consacre la rupture, engagée l'an dernier, avec la décroissance régulière observée au cours des exercices antérieurs. Cela prend toute son importance au regard du contexte dans lequel nous nous trouvons en matière d'aménagement du territoire.

En effet, 1999 sera une année de transition, une année décisive pour nos territoires, et cela pour trois raisons au moins : la discussion de préparation et de négociation de la prochaine génération des contrats de Plan Etat-région, la révision des fonds structurels communautaires, votre projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, modifiant la loi du 4 février 1995, qui sera débattu ici-même au mois de janvier 1999.

Ayant l'honneur d'avoir été nommé rapporteur de ce projet de loi, j'aimerais y consacrer le reste de cette courte intervention ou en souligner l'intérêt et vous faire part de nos premières interrogations.

Ce projet de loi, adopté en conseil des ministres le 29 juillet dernier, marque la volonté du Gouvernement, en particulier la vôtre, madame la ministre, de relancer l'aménagement du territoire, en panne depuis la précédente loi du 4 février 1995.

M. François Vannson.

Et même avant !

M. Philippe Duron.

Votre projet de loi ne vise pas à se substituer à la loi de 1995. Il en conserve certains dispositifs, comme la notion de pays qui avait rencontré un écho très favorable.

Mais, à côté de ces éléments de continuité. ce texte n'en est pas moins innovant. Il introduit d'abord une nouvelle notion, celle de développement durable du territoire, c'est-à-dire un développement qui concilie progrès économique, protection sociale et qualité des milieux et des ressources.

Il pose également de nouveaux principes dans l'aménagement du territoire, rompant avec la logique de l'offre qui avait prévalu jusqu'ici en matière d'aménagement du territoire pour définir des choix stratégiques répondant aux besoins des territoires et de leurs habitants.

Il s'agit pour notre pays de trouver toute sa place au sein de l'Union européenne, en oeuvrant pour le développement de pôles offrant une alternative à l'aire urbaine parisienne.


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Votre projet de loi vise ensuite à réduire les inégalités entre les territoires et à établir un nouvel équilibre entre le développement urbain et le développement rural.

L'Ariège et l'Ardèche, un département cher à M. Alaize, doivent garder des raisons d'espérer.

La définition des grands objectifs du Gouvernement s'accompagne également d'une réforme des moyens d'action dans le domaine de l'aménagement du territoire : le schéma national d'aménagement du territoire est abandonné au profit de choix stratégiques qui constituent le cadre des huit schémas de services collectifs. Ceux-cis eront élaborés en concertation avec les partenaires locaux, comme l'a souligné Mme Aubert, dans une perspective de vingt ans.

Par ailleurs, votre projet affirme la volonté de renforcer la décentralisation et de substituer une logique de projet à l'actuelle logique de guichet, en suscitant l'émergence d'initiatives portées par le terrain. Il confirme la place et le rôle des pays et des agglomérations qui pourront contractualiser avec l'Etat et la région.

L'aménagement et le développement durable du territoire doivent résulter d'un partenariat entre l'Etat et les promoteurs de projets locaux.

Votre projet de loi renforcera enfin la participation démocratique à plusieurs niveaux, en intégrant pour la première fois les associations au sein des instances nationales, régionales et locales de l'aménagement du territoire.

Plusieurs contraintes pèsent toutefois sur ce texte ambitieux. La première, et non la moindre, tient au calendrier.

Il faut en effet que les huit schémas nationaux de services collectifs ainsi que les vingt-deux schémas régionaux d'aménagement et de développement coïncident autant que faire se peut avec la préparation des prochains contrats de plan Etat-région, qui entreront en vigueur en l'an 2000, et avec la réforme des fonds structurels européens, prévue pour la même date. L'exercice sera difficile.

L'égal accès de tous aux services publics, c'est-à-dire la présence de l'Etat sur le territoire, devra être garanti. Il faut en rechercher, en imaginer les formes nouvelles répondant aux besoins de demain.

La mise en place des schémas de services collectifs ne manquera pas de susciter nombre d'interrogations quant à leur contenu, leur élaboration et leur validation. Le concept est nouveau ; il faut lui donner de la matière, le rendre plus concret.

Comment prendre en compte enfin la dimension sociale dans une logique d'aménagement du territoire ? C'est là aussi une des questions importantes posées par ce texte. En tout état de cause, le débat qui aura lieu, ici même, dans quelques semaines, s'annonce tout à la fois passionnant et essentiel. Il prépare le siècle à venir ; ce n'est pas un mince enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Madame la ministre, le budget de votre ministère, à travers les actions menées par la DATAR, à travers l'apport des fonds structurels et à travers les contrats de plan, traduit l'enjeu que représente l'aménagement du territoire, avec la recherche constante des grands équilibres : équilibre entre le monde rural et le développement urbain, cela a été dit ; équilibre entre les zones de plaine et les zones de montagne ; équilibre aussi à l'intérieur d'un hexagone resté par définition géomét rique, mais à l'intérieur duquel les composantes, variables, sont soumises à des flux qu'il faut corriger dans la mesure des possibilités encore existantes ; équilibre enfin entre les espaces européens.

Mon intervention portera sur quatre aspects qui, à mes yeux, nécessitent des correctifs.

Tout d'abord, les primes d'aménagement du territoire.

Je partage les appréciations entendues sur leur rôle. Ces primes sont déterminantes dans le choix par les industriels des lieux d'implantation, mais aussi des extensions.

A titre d'exemple, j'assiste en ce moment même au départ d'une grande industrie du bois installée dans le massif vosgien. Son approvisionnement y était assuré, mais ses dirigeants ont préféré se développer d'autres sur sites où les investissements sont soutenus par des primes et la main-d'oeuvre plus abondante et moins chère. Il est bien dommage de perdre ainsi 250 millions de francs de crédits, non par absence de projet, mais à cause de la carte géographique des aides.

Des cantons entiers se voient exclus du dispositif de la PAT. J'ai remis à vos services, madame la ministre, des p ropositions concernant certains des secteurs ruraux concernés. La réforme de la PAT de 1995 devra être revue dans les départements, dont celui de la Moselle ; nous vous faisons entière confiance pour que les correctifs nécessaires soient apportés.

Ma deuxième préoccupation a trait à la politique des pays. Le développement local a connu ces trente dernières années beaucoup d'initiatives intéressantes : contrats de pays, protocoles de développement des zones de montagne et de piedmont, programmes d'intérêt locaux, qui tous ont généré la création de structures porteuses de projets. Syndicats intercommunaux, SIVUT, SVT, associations mixtes ont fleuri et existent toujours, même lorsque l'objet de leur constitution est devenu caduc.

Vient à présent la politique de « pays », en superposition. Nous sommes donc en présence d'une multitude de structures, avec chacune ses commissions internes et autant de lieux de pouvoir, de proposition, voire de décision, qui n'ont plus rien à voir avec la représentation issue du suffrage électoral, M. Paul l'a souligné tout à l'heure et je l'ai applaudi, d'autant que ces différentes structures sont souvent dirigées par les mêmes responsables, ce qui rend encore plus opaque la notion de

« pays ».

Augustin Bonrepaux le disait tout à l'heure, il faut garder ce qui fonctionne bien. Je le pense aussi, mais il y aura des choix à faire. Pour un développement durable du territoire, il faut simplifier tout cet enchevêtrement, sous peine d'étouffer la politique de développement local, car, bien souvent, la structure de développement représente plus un tremplin vers des mandats électoraux qu'un outil au service de l'emploi et du développement économique et social nécessaire à nos régions.

Le troisième aspect que je souhaite évoquer concerne les conséquences d'un certain aménagement du territoire dont on commence à mesurer les conséquences.

La loi du 4 février 1995 a créé les directives territoriales d'aménagement, les DTA, fixant les orientations fondamentales en matière d'aménagement. Or les régions de l'Est de la France, notamment les vallées de la Sarre et de la Meurthe, viennent d'être frappées par des inondations qui touchent pour la première fois des immeubles qui n'étaient jamais atteints par de hautes eaux. Ce n'est certes pas l'Amérique centrale, mais il s'est passé quelque chose pour arriver à cette situation.

En premier lieu, les villes manquant d'espaces plats se sont mises à remblayer les fonds de vallée pour y mettre des zones artisanales, industrielles, voire des habitations.

Les cours d'eau, ne retrouvant plus leur lit d'étalement, se mettent à monter à des cotes jamais atteintes.


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Ajoutez à cela tous les drainages effectués sur les terres agricoles, les digues créées par les voies nouvelles - routes, rails -, le déboisement, les remembrements supprimant les parcellaires, la disparition des haies séparatives entre les propriétés, et l'expertise est vite établie : une accélération de l'écoulement des eaux, des apports quantitatifs de masse d'eau provenant des surfaces bétonnées, goudronnées, macadamisées, tous les ingrédients pour faire des inondations catastrophiques avec une seule nuit de pluies.

Que seront les dégels après des hivers de forte neige ? Madame la ministre, l'aménagement urbain, routier, fluvial a ses ministères de tutelle et de responsabilités, mais la mise en place des schémas de service collectif devra s'accélérer. Pourriez-vous coordonner ce qui est encore possible, imposer notamment la protection des fonds de vallée, et leur déboisement chaque fois qu'ils ont été boisés excessivement, l'élaboration de plans d'écoulement, voire la création de retenues d'eaux pour dompter les flots, et peut-être de réserves hydrauliques. Je lisais récemment les chiffres fournis par l'agence du bassin Rhin-Meuse annonçant l'écoulement annuel de 54 millions de mètres cubes d'eau sur son aire géographique sans aucune exploitation, ni utilisation pratique.

Notre pays est suréquipé en centrales nucléaires, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont arrivées trop tôt au niveau des connaissances scientifiques, notamment en matière de traitement des déchets radioactifs.

Mme Marie-Hélène Aubert et M. Noël Mamère.

Très bien !

M. Aloyse Warhouver.

Il faut suivre l'exemple allemand et fermer ces « marmites » infernales pour les remplacer par des usines hydroélectriques ou thermiques dont il est possible de contrôler les conséquences d'un bout de la chaîne à l'autre.

Dernier point : les prochains contrats de plan. Les trente-trois réformes proposées par M. Jacques Chérèque vont dans le bon sens, mais je ferai deux remarques. Pour le volet régional, veillez à la qualité des équipements structurants plutôt qu'au quantitatif. On a sacrifié l'environnement à des quantités, à des kilomètres. Pour le volet territorial, mettez également des garde-fous car certains élus informés ont tendance à se servir à deux ou trois sources, ces financements croisés se faisant toujours au détriment des petites communes, mal informées, loin des sources de décision, loin de la manne gouvernementale.

Le cadrage financier devra assurer une meilleure répartition entre les zones rurales et les zones urbaines et surtout concourir à un développement harmonieux de notre territoire.

La réforme en cours des fonds structurels doit aboutir aux mêmes objectifs. A l'heure des bilans, il serait intéressant de connaître la destination par région et à l'intérieur des régions des programmes communautaires pour la période en cours, et spécialement la répartition de l'objectif 5 b entre les villes et le monde rural, l'analyse de tels bilans, pour utiliser une formule qui vous est chère, permettant de tirer les leçons du passé.

En conclusion, je voterai le budget de l'aménagement du territoire pour 1999 compte tenu des nouvelles orientations en préparation et des perspectives qu'il ouvre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'aménagement du territoire, qui s'élève à 1,8 milliard de francs, retrouve sa dotation de 1998. Cela confirme l'intérêt que le Gouvernement accorde à ce domaine, alors que, jusqu'à l'année dernière, ce budget était en régression régu lière.

Aménager le territoire pour les hommes, c'est le défi que vous voulez relever, madame la ministre. Je connais l'attention toute particulière que vous portez à cette question vitale pour notre pays, je sais comment vous parcourez les villes et les champs, dans ce pays aux multiples facettes qu'est le Jura, pour recueillir les aspirations des hommes et des femmes de la région, leurs souhaits pour que vive leur territoire dans une France en développement, au seuil du

XXIe siècle.

Chaque région doit pouvoir vivre un développement durable. Certes, les rythmes sont différents, mais on ne veut plus de villes asphyxiées par la concentration d'activités qu'elles supportent de plus en plus mal, ni des territoires qui continuent leur lente mais immuable désertification, parce que le développement de l'agriculture n'a pas veillé à fixer les hommes, parce que les techniques nouvelles et le libéralisme économique ont cru pouvoir se passer de nos campagnes.

Ces constats étant faits, les politiques nationales successives, de droite comme de gauche, ont tenté d'enrayer ce mécanisme, avec plus ou moins de réussite ou d'échec.

Certains ont même rêvé de transporter les usines dans les villages en proposant des primes importantes, là où il n'y avait plus guère d'âmes. Ainsi, sur une multiplicité de zones couvrant la moitié du territoire, l'aide proposée est apparue souvent inefficace.

C'était sans doute oublier que mettre l'accent pratiquement uniquement sur ce que j'appellerai le « ruralisme primaire », c'était opposer le rural, qui doit être revitalisé, aux petites unités plus peuplées constituant des pôles de développement locaux, sans pour autant apporter une solution aux grandes concentrations urbaines.

Le pays vit grâce à tous ces centres vitaux que sont les communes de France, 36 000, appartenant à des territoires différents, ayant un passé différent, un avenir différent, mais dans lesquels le phénomène de proximité joue un rôle plus important qu'on ne le croit. Le pays vit parce que le maillage du territoire français tient bon, parce que tous les noeuds sont solidement réunis, du plus gros, au centre de la France, vers les plus petits qui, par tailles dégressives, irriguent nos campagnes profondes, font vivre la ruralité.

Ne faut-il pas s'orienter aussi de plus en plus vers une logique de projet plutôt que passer par la logique de guichet, cette expression, vous le savez, n'est pas de moi - pour redynamiser ces noeuds actifs du territoire français ? A la veille de la présentation devant le Parlement de votre projet de loi d'aménagement et de développement durable du territoire, votre projet de budget pour 1999, marque sans aucun doute la fin d'un cycle, et doit préfigurer la rupture pour la mise en place d'un aménagement durable du territoire.

Pour cela, des équilibres devront être recherchés, fondés sur la solidarité nationale certes, mais aussi sur la solidarité de proximité, qui est l'assurance que le maillage ne se rompt ni en amont ni en aval du noeud.

Si cette solidarité existe pour la défense du service public - on le voit pour la poste, les perceptions, gendarmerie, c'est d'actualité - elle est moins vérifiée pour les flux économiques, sociaux et culturels, chacun rêvant de sa zone de développement d'activités, d'infrastructures sociales ou culturelles se rapprochant de celles existant dans la commune d'à côté, souvent plus importante.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

C'est la raison pour laquelle j'approuverais que sur le budget pour 1999, de 1,8 milliard, de la DATAR, qui représente un faible pourcentage des crédits mobilisés pour la politique globale d'aménagement du territoire inscrits dans les différents ministères, vous puissiez dès cette année réorienter les deux fonds que sont la prime d'aménagement du territoire et les crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire vers une meilleure logique de développement durable, ce qui devrait entraîner une meilleure consommation des crédits affectés à des projets améliorant le cadre de vie et favorisant la création d'emplois.

Ma question, en conclusion, sera simple : êtes-vous d'accord sur cette proposition, et si oui, comment pouvez-vous la mettre en oeuvre ? Cela dit, je n'attends pas votre réponse. Il va sans dire que votre budget 1999 prépare l'avenir et nous le voterons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Quelques mots, madame la ministre, sur le thème de l'aménagement économique des territoires.

Le débat sur l'aménagement du territoire pèche quelque peu par le manque de réflexion collective sur le développement et l'environnement économique des territoires et des collectivités locales, alors même qu'on serait en droit de penser que la dimension économique est une dimension structurante de l'aménagement de nos territoires, à savoir la prospection, la création d'entreprises, les services aux entreprises, la recherche et le développement pour les éléments plus urbains.

L'absence, en particulier, d'un vrai discours sur l'aménagement économique du territoire fait à mon sens le jeu du libéralisme et laisse libre cours aux mutations économiques en marginalisant le rôle du politique.

Or il est une question majeure à laquelle est confronté l'aménagement du territoire, comme du reste la décentralisation. C'est pourquoi je milite avec un certain nombre des mes collègues du groupe socialiste pour qu'on étudie de manière concomitante la loi Chevènement, la loi Zuccarelli et la loi Voynet. Même si, malheureusement, elles ne sont pas discutées en même temps dans cet hémicycle ou dans une commission spéciale comme nous l'avions souhaité, nous nous efforcerons de donner une cohérence à cet ensemble. Il va bien falloir un jour qu'on sache réellement comment on avance dans ce dossier. Nous sommes aujourd'hui un certain nombre d'élus à nous demander avec inquiétude si l'Etat sait et veut intervenir en partenariat avec les collectivités locales.

On a quelquefois le sentiment qu'il entend agir seul en utilisant la structuration pyramidale et hiérarchique qui le caractérise dans notre pays. J'en veux pour preuve, parmi d'autres illustrations récentes, le bouclage programmé des contrats de plan avant l'adoption de la loi sur le développement durable du territoire.

M. Christian Estrosi.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Balligand.

Si l'on suit les procédures normales, ce n'est qu'à la fin de 1999 que pourra être adopté le texte créant les structures juridiques des pays et des agglomérations, alors que les contrats de plan devront être signés avant la fin de l'année 1999. Ou alors je n'ai pas bien compris.

M. Christian Estrosi.

Vous avez très bien compris !

M. Jean-Pierre Balligand.

Par voie de conséquence, soyons clairs, il faut que le Gouvernement déclare l'urgence sur le texte relatif à l'aménagement du territoire.

C'est le seul moyen de pouvoir contractualiser sérieusement avec les pays et les agglomérations. (« Très bien ! » sur divers bancs.) Je le dis au nom de nombreux collègues responsables de collectivités qui commencent à s'interroger, sans aucune mauvaise foi, et sur tous les bancs, je pense.

M. Christian Estrosi.

Merci d'agir en notre nom ! Nous vous déléguons tous nos pouvoirs !

M. Jean-Pierre Balligand.

Soyons clairs. On peut privilégier, une approche par pays, réunissant des intercommunalités organisées. Nous le comprenons tout à fait.

On privilégie l'agglomération et, antérieurement, on crée la taxe professionnelle d'agglomération, car si l'on ne dégage pas de moyens et si on laisse jouer l'égoïsme communal à l'intérieur de chaque agglomération, je ne vois pas comment on pourra contractualiser sérieusement.

On définit donc des espaces, et l'on prévoit des moyens adaptés à ces espaces. Dans ce cas, il est tout à fait possible et même intéressant d'avoir une action publique territorialisée par la voie contractuelle dans le cadre des contrats Etat régions qui pourrait être déclinée sur les pays et sur les agglomérations.

M. Gérard Voisin.

Nous sommes d'accord !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je crois qu'on pourrait mobiliser les acteurs.

Mais, pour cela il faut faire attention au timiny institutionnel, et déclarer l'urgence sur le texte...

M. Christian Estrosi.

Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand.

... non pas pour violer la procédure parlementaire, mais pour nous permettre de statuer rapidement ici, puis au Sénat, afin qu'au milieu de l'année 1999, vers mai ou juin, le texte soit définitivement adopté.

M. Jean-Claude Lenoir.

Nous y sommes favorables !

M. Jean-Pierre Balligand.

Nous ne voulons pas du tout vous brusquer, madame la ministre, nous pensons même servir la cause de l'aménagement du territoire et de la contractualisation : cela vaux mieux que de nous enliser dans des procédures qui déboucheront probablement sur une forme d'incohérence.

M. Gérard Voisin.

Excellent !

M. Jean-Pierre Balligand.

Il faudra contractualiser avec les pays et avec les agglomérations, alors qu'ils n'existeront pas juridiquement, et donc pas financièrement,...

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est tout à fait vrai !

M. Jean-Pierre Balligand.

... à l'exception des communautés urbaines.

M. Christian Estrosi.

Je disais la même chose au préfet de région la semaine dernière.

M. Jean-Pierre Balligand.

Toujours sur la même thématique, je souhaiterais savoir, avec un certain nombre de collègues, si le Gouvernement a d'autres positions qu'on ne connaît pas.

Il existait par exemple, une structure dépendant de la DATAR, qui s'appelait, « Entreprise Territoires et développement », avec laquelle nous étions en contact, nous les provinciaux - je ne parle pas de certains de mes collègues comme M. Nayrou qui essaient d'être poétiques


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pour compenser l'absence d'interventions, la disparition des moyens, noyés dans le FNADT de M. Pasqua, la politique de la montagne, par exemple, ayant été petit à petit liquidée.

M. Christian Estrosi.

Ne soyez pas désagréable. Vous étiez parfait jusque-là !

M. Jean Delobel.

Il est réaliste !

M. Jean-Pierre Balligand.

Je parle de l'ensemble des zones où il y a encore de l'activité économique, que l'on essaie de développer.

« Entreprises, Territoires et Développement » était une structure qui, il y a peu de temps encore, pouvait être contactée par les agences de développement des régions, des départements, des agglomérations, pour faire sortir de la région parisienne et installer un certain nombre d'activités qui ne sont pas des activités de recherche-développement et qui sont créatrices d'emplois. Et l'on découvre, tout à fait par hasard, qu'elle n'est plus du tout chargée de faire l'interface avec nos structures et qu'il est même interdit aujourd'hui de l'utiliser pour démarcher les entreprises en région parisienne.

J'aimerais savoir si maintenant la région parisienne doit être « hyperprotégée ». N'est-ce pas d'ailleurs l'une des conséquences des zones franches systématiques qui font que l'on privilégie le « grand urbain », lequel subit la crise, en particulier en zone francilienne ? Mais la crise en zone francilienne ne résulte-t-elle pas d'abord du refus d'une péréquation de la taxe professionnelle entre le département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, et le département le plus pauvre de France, la SeineSaint-Denis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Delobel.

C'est vrai !

Mme Nicole Feidt.

Il a raison !

M. Christian Estrosi et M. Jean-Claude Lenoir.

C'est bien cela !

M. Jean-Pierre Balligand.

Est-ce nous, les provinciaux, qui devons payer la facture de l'absence de toute organisation intercommunale dans la région la plus riche de France, dans la région qui a le produit intérieur brut le plus élevé ?

M. Christian Estrosi.

Certainement pas !

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Bien sûr que non !

M. Jean-Pierre Balligand.

Non, ce n'est pas possible ! Ce n'est pas aux villes moyennes, aux petites villes, aux villes métropoles de nos régions, qui ont besoin d'avoir de l'activité économique, de le faire. Au reste, elles ont encore besoin d'une structure nationale qui joue le rôle d'interface.

En ce qui concerne la PAT, j'ai découvert, à la lecture de l'excellent rapport de M. Rodet et du rapport pour avis de M. Leyzour, des chiffres quelque peu inquiétants.

On voit que la prime à l'aménagement du territoire baisse. Entre 1995 et 1997, elle a diminué en moyenne de 11 % par dossier, alors que ce n'était pas le cas lors de la décennie précédente.

Je crains, et je le dis ici avec un peu de solennité, que l'on ne porte pas assez d'attention au fait que, quels que soient les gouvernements, Bercy a toujours voulu - et Rivoli auparavant - démanteler la politique d'aménagement du territoire, en particulier la politique de prime à l'aménagement du territoire.

Par conséquent, si nous ne sommes pas particulièrement attentifs sur ce secteur important, celui de la localisation de l'activité, il est évident que nous laissons le champ libre à Bercy, qui ne rêve que d'une seule chose : épuiser, petit à petit, cette ligne.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très juste !

M. Jean-Pierre Balligand.

Nous le savons, c'est une constante de Bercy. Soyons vigilants, à moins que nous ne voulions pas faire de l'aménagement économique du territoire. Cela va même au-delà, car c'est tout l'environnement de l'économie qui est en cause.

S'agissant toujours de la PAT, il va falloir être vigilant par rapport aux petites et moyennes entreprises. Je rappelle que la réforme Méhaignerie de 1987 a consisté à renationaliser totalement la PAT et à la concentrer sur les dossiers dit internationalement mobiles. Or pour être efficace, il faut une PAT bien ciblée pour les PME-PMI - je ne parle pas, bien sûr, des toutes petites entreprises dont on peut s'occuper au niveau des départements des régions.

Lorsqu'une entreprise d'une dizaine de salariés peut passer à la dimension d'une entreprise d'une trentaine ou d'une quarantaine de salariés, nous sommes en présence d'une vraie niche d'emplois. Pour accompagner cette mutation, il faut une politique fiscale conduite par le ministère de l'économie - et c'est ce qui se fait peu à peu avec la mise en place des sociétés de capital risque -, mais il faut en même temps des crédits déconcentrés, car tout n'a pas besoin d'être géré depuis Paris. On peut déconcentrer, voire décentraliser : les élus départementaux ou régionaux sont encore capables de mener correctement ce type d'action avec l'Etat.

Honnêtement, si nous voulons être efficaces sur le plan économique, il serait bon, car il y là des niches d'emplois et peut-être une possibilité de dynamiser le territoire, de créer une PAT à destination des PME-PMI, c'est-à-dire de viser des objectifs plus modestes. Cela permettrait peut-être d'accompagner le développement de très petites entreprises, leur passage à une échelle différente. Et je pense à ce propos à tout ce qui se met en place autour de France Initiative Réseau ou d'autres structures. Sur ce plan-là, il serait peut-être heureux d'infléchir la politique des primes à l'aménagement du territoire.

J'espère, madame la ministre, que ces quelques mots ne seront pas interprétés comme une critique de votre politique ; bien au contraire. Je répète simplement que je souhaiterais que l'urgence soit déclarée sur le texte que vous nous présenterez bientôt. Car, s'il y a urgence, il y aura une cohérence par rapport à la contractualisation.

Beaucoup d'élus socialistes souhaitent que votre texte, qui est bon, soit bien articulé par rapport à la contractualisation et vienne vite en discussion. Nous souhaiterions que la loi Voynet soit « bouclée » pour le mois de mai ou de juin - c'est un défi à relever - afin que l'Etat français puisse, dès le second semestre de 1999, contractualiser avec les structures infrarégionales réellement existantes et ayant été dotées de par la loi d'un substrat juridique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Grégoire.

M. Michel Grégoire.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisqu'on parle de budget de l'aménagement du territoire, puis-je me permettre de ne pas parler d'argent, mais tout simplement de projets, d'équilibre et de philosophie, car l'aménagement du territoire c'est aussi cela.


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L'enjeu auquel nous sommes confrontés et auquel nous serons confrontés encore longtemps - et nous l'avons bien vu avec l'intervention de Jean-Pierre Balligand c'est la maîtrise des évolutions tant en milieu rural qu'en milieu urbain. De nombreux orateurs ont expliqué comment nous nous retrouvons aujourd'hui avec 80 % de la population dans les villes et 20 % dans les campagnes.

Au-delà des chiffres, la vraie logique de l'aménagement du territoire, c'est de savoir non seulement où se situent les espaces propres au développement, à l'aménagement et aux créations d'emplois, donc où se trouvent les endroits p our investir judicieusement, mais aussi comment répondre à des phénomènes de saturation qui créent des situations néfastes pour la population comme la précarité, l'exclusion ou le chômage.

Je crois très sincèrement que nous devons pouvoir contractualiser plus près du terrain et que ce que nous avons connu jusqu'à ce jour n'est pas le mieux adapté à nos attentes. Je sais, madame la ministre, que cela correspond à votre volonté, qu'il s'agit d'un axe de votre futur texte, mais cela doit être mis en cohérence avec la nécessité d'une meilleure coordination entre les différents échelons territoriaux et d'une meilleure répartition des compétences.

Une telle démarche, que j'approuve, permettrait aussi de s'opposer à une logique pure de gestion de rentabilité, logique qui, malheureusement, conduit parfois à la suppression de service public dans les zones les plus difficiles.

Cela signifie que l'effort à fournir pour répondre aux différentes attentes implique un engagement, un partenariat avec les collectivités où chacun comprendra bien la place qu'il occupe et la raison de son engagement.

La loi sur l'intercommunalité ne pourra, je l'espère, qu'encourager positivement une telle démarche, surtout si elle est bien coordonnée avec la vôtre, madame la ministre.

Une telle logique est de plus en plus d'actualité dans les transports, les services postaux, les communications, la gestion de l'espace et, bien entendu, l'agriculture ainsi que l'aide aux collectivités. Vous connaissez toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les communes rurales pour financer l'assainissement et la distribution de l'eau, pour financer des réseaux qui sont indispensables à leur développement. Je suis convaincu que l'espace rural est un espace d'accueil économique pour le futur.

Je crains pour notre pays que nous n'ayons laissé s'installer inexorablement une rupture entre le rural et l'urbain, et que, bien que conscients intellectuellement du phénomène, nous n'éprouvions de la difficulté à l'enrayer.

Pourquoi ai-je cette crainte ? Tout simplement parce que l'évolution culturelle et sociologique de notre pays a été, en un siècle, et surtout durant les cinquante dernières années, traumatisante en allant toujours dans le même sens, c'est-à-dire du rural vers l'urbain. Je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de corriger le tir.

Les Français sont en mal de leur territoire, ils l'aiment, mais les racines, ils ne les ont plus. L'aménagement du territoire se fait avec des femmes et des hommes attachés au territoire qu'ils occupent, soit pour des raisons familiales, soit parce qu'ils sont rassemblés autour d'un projet.

J'éprouve le sentiment que le nombre de concitoyens en rupture avec leur territoire est considérable et que cela se traduit par une érosion identitaire, que ce soit chez nos concitoyens habitant au dixième étage d'un immeuble en banlieue ou chez ceux qui se sentent du vague à l'âme au coeur d'un village perdu dans nos campagnes. Le mal-être des banlieues ne tient pas qu'au chômage ou à la précarité, il est dû aussi au manque de repères territoriaux.

Dans le mot « territoire », il y a « terre », et dans la terre il y a des racines, et l'homme en a besoin pour se construire une société.

Nous sommes à une époque charnière, après des siècles d'une France bâtie sur le rural et cinquante ans d'une France moderne. La France d'aujourd'hui veut retrouver son souffle en rompant avec une société qui a aussi usé les hommes. L'Europe a certainement un rôle à jouer en ce sens. Les prochaines décennies comportent un enjeu formidable. L'aménagement du territoire, n'est-ce pas déjà commencer par mener une politique de l'espoir pour notre environnement, pour notre quotidien et pour innover ? En tout cas, les vieux schémas ont vécu. Mais je puis vous dire, madame la ministre, que votre ministère a, s'il le veut, du pain sur la planche et du grain à moudre, même s'il n'a pas encore suffisamment de moyens ou, tout au moins, d'autorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames messieurs les députés, pour l'aménagement du territoire, l'année 1999 sera décisive à plusieurs titres.

Les contrats de plan Etat-régions s'achèveront, et nous préparerons déjà les contrats du XIIe Plan.

La prochaine génération des aides communautaires à finalité régionale devrait être mise au point, s'accompagnant d'une refonte importante des objectifs des zonages et de leurs cartes.

Dès le 19 janvier prochain, l'Assemblée nationale examinera, en première lecture, le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du ter-r itoire. Elle examinera également, au cours de l'année 1999, comme l'ont rappelé M. Ligot et M. Balligand, d'autres réformes importantes, notamment le projet de loi de Jean-Pierre Chevènement destiné à mettre en place les communautés d'agglomération, lesquelles seront dotées d'importantes compétences, soumises à une taxe professionnelle unique et auront sans doute un impact durable sur la vie de nos villes - j'y reviendrai évidemment pour répondre à l'intéressante question évoquée par

M. Balligand au cours de son intervention.

J'ai noté que vous avez été nombreux à plaider en faveur d'une approche cohérente et globale des problèmes d'aménagement du territoire.

L'année 1999 sera également décisive pour l'aménagement du territoire, car les schémas de services collectifs, prévus par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable et destinés à se substituer aux schémas sectoriels de la loi Pasqua, devront être opérationnels dès l'an 2000.

La révision des doctrines d'emploi des instruments financiers de l'aménagement du territoire gérés par la DATAR devrait être également achevée au cours de l'année 1999. Il s'agit, bien sûr, de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.

Dans ces conditions, le budget de l'aménagement du territoire que j'ai le plaisir de vous présenter ce soir est à la fois, comme l'ont bien compris vos deux rapporteurs, Alain Rodet et Félix Leyzour, que le tiens à remercier dès à présent pour la pertinence et la clarté de leur présentation et de leur analyse, un budget de transition et un budget de consolidation.


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C'est un budget de transition - le mot est, je crois, de Mme Pérol-Dumont. Les travaux qui nous attendent en 1999 et que je viens d'énumérer en sont l'illustration.

C'est aussi un budget de consolidation car, après la forte augmentation de 1998, il reconduit celui de l'an passé au centime près - et non à 0,4 % comme l'a dit M. Deniaud -, puisqu'il s'agit évidemment du budget calculé avant abondement par la réserve parlementaire.

Je vous rappelle l'évolution antérieure : le budget de la DATAR avait diminué de 3 % en 1995, de 12,2 % en 1996 et de 14,1 % en 1997. De 1994 à 1997, le budget de l'aménagement du territoire a, comme vos deuxr apporteurs l'ont judicieusement souligné, diminué d'environ 27 %.

L'an dernier, je vous avais présenté un budget en augmentation de 6,06 %, soit une des plus fortes augmentations des budgets de l'Etat, au moment où le budget de l'environnement suivait la progression des dépenses de l'Etat. Je ne me souvient pas que M. Deniaud ait, à l'époque, dénoncé la misère de l'environnement par rapport à l'aménagement du territoire.

Je vous avais aussi rappelé que la qualité d'un budget ne se mesurait pas seulement à l'aune de sa progression.

Cela vaut pour le budget de l'environnement qui, pourtant, augmentera très fortement l'année prochaine. Cela vaut également pour le budget de l'aménagement du territoire de 1999.

M. Lenoir m'a reproché un manque d'ambition, comme si l'ambition se mesurait à l'aune d'inscriptions budgétaires (sans évaluation de ce qui se passe sur le terrain), dont l'expérience a montré qu'elles étaient souvent suivies de gels et d'annulations durant ces désastreuses années que j'ai évoquées tout à l'heure.

Je suis attachée à la maîtrise globale des dépenses publiques. Comment peut-on imaginer y parvenir si les ministres et les parlementaires plaident systématiquement pour que le budget qu'ils présentent ou qu'ils rapportent progresse davantage que le budget présenté ou rapporté par un de leurs collègues ? Je vous rappelle que j'ai pronocé ces phrases, quasiment mot pour mot, en présentant mon budget de l'environnement. Je considère que, là où il y a besoin de renforcer les moyens et les effectifs, il faut le faire, mais que ce n'est pas systématiquement en alourdissant les prélèvements obligatoires et en créant des postes qu'on répond aux questions que les gens se posent au quotidien.

Il ne s'agit pas de vouloir partout et à tout instant plus d'Etat et plus de dépenses, mais d'avoir un Etat et des dépenses publiques plus efficaces au service de chaque citoyen. Il s'agit là d'une responsabilité individuelle de chaque ministre, mais aussi d'une responsabilité collective du Gouvernement.

C'est pourquoi j'ai demandé moi-même au Premier ministre, lors des arbitrages budgétaires, non une nouvelle augmentation du budget de l'aménagement du territoire, mais une simple consolidation. Il me paraissait important en effet de confirmer la rupture avec la baisse constante des années 1994 et 1997, mais les conditions ne me paraissaient pas réunies pour aller au-delà en 1999.

Je sais que cette manière de raisonner chagrine quelques-uns d'entre vous - et pas seulement dans l'opposition -, mais elle me paraît adaptée à la réalité. Nous avons plus besoin de matière grise et de réflexion que de crédits.

Beaucoup d'entre vous ont plaidé pour une réorientation forte des choix publics vers un développement plus durable, vers un développement plus attentif à l'emploi.

Cela ne peut pas se faire en prolongeant des courbes ou en continuant à faire comme on a toujours fait par le passé. Chacun à leur façon, Marie-Hélène Aubert, André Vauchez, Stéphane Alaize, ont défini ce que devrait être ce développement durable, donnant la priorité à l'initiative locale et aux projets.

En quoi les conditions ne me paraissaient-elles pas réunies pour aller au-delà ? D'abord parce que les chantiers interministériels et communautaires sont en cours. Je les ai énumérés tout à l'heure.

Ensuite, parce que les instruments d'aménagement du territoire gérés par la DATAR n'ont pas encore atteint une efficacité maximale et sont donc soit sous-utilisés, voire parfois mal utilisés.

« L'efficacité laisse à désirer », a dit Alain Rodet. Je partage son avis. Nous n'avons pas seulement besoin de gestionnaires lucides, nous avons aussi besoin de gestionnaires avisés. Pour autant, ne voyez pas dans mes propos une critique de la DATAR.

Les effectifs de la DATAR sont très modestes au regard des missions qui lui sont confiées, missions qui supposent non seulement une grande diversité de compétences réunies dans cette délégation, mais aussi une présence importante sur le terrain. Je suis très heureuse d'avoir pu ainsi rompre avec la baisse régulière des effectifs notée depuis 1994.

M. Jean-Pierre Balligand.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La stabilisation de cette année constitue un premier pas ; 113 emplois, c'est pourtant bien peu.

M. Jean-Pierre Balligand.

Ce n'est pas assez ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

S'agissant de la prime d'aménagement du territoire, qui est un des deux instruments gérés par la DATAR, la sélectivité des projets reste faible. Près de 80 % des projets présentés sont acceptés et bénéficient ainsi d'une prime.

M. Michel Bouvard.

Il y en a qui ont de la chance ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il s'ensuit de grandes difficultés, surtout en l'absence d'instruments d'évaluation satisfaisants. Vous l'avez compris, je ne parle pas ici simplement d'évaluation quantitative, je parle surtout d'évaluation qualitative.

Quel est l'impact réel de la PAT en termes de créations d'emplois durables ? Quel est son effet d'entraînement sur d'autres activités ? L'obtention de la PAT ne résulte-t-elle pas essentiellement d'un simple effet d'aubaine ? Premièrement, y a-t-il création d'emplois durables ? On constate que 63 % des emplois annoncés lors de l'examen des dossiers sont effectivement créés trois ans plus tard, 65 % le sont cinq ans plus tard. Ce taux ne s'établit cependant qu'à 51 % si l'on exclut les facteurs exogènes aux programmes primés, comme les croissances d'effectifs imprévues liées à la conjoncture.

Deuxièmement, y a-t-il effet d'aubaine ? Il s'avère que la plupart des entreprises bénéficiant de la PAT ont plus facilement accès que les autres à d'autres sources de financement.

La PAT contribue peu au financement d'investissements à risques ou faiblement capitalisés.

La PAT vole au secours des entreprises les mieux armées pour faire face à la modernisation, comme l'a très justement pointé Daniel Paul tout à l'heure.


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De plus, la PAT ne représente qu'une part très réduite des projets bénéficiant d'une aide : 4,9 % en moyenne pour la période 1994-1996. Cette part est même très marginale pour les plus gros investissements : dans le cas de l'implantation de Toyota à Valenciennes, la PAT ne représente que 1 % de l'investissement.

Enfin, contrairement à la mission qui lui est confiée, la PAT ne tient qu'un rôle mineur dans le choix, par les entreprises bénéficiaires, du lieu de leur investissement.

Lors d'une récente enquête, deux tiers des chefs d'entreprise sondés ne citaient pas les aides publiques directes comme facteur d'installation ou de développement.

Les éléments décisifs d'implantation résultent de la fiscalité, de la stabilité de l'environnement industriel, de la qualité de l'environnement social, industriel ou technologique, de la qualité des infrastructures, de la proximité d'un marché.

Parce que la PAT est un élément secondaire dans le choix d'un investisseur, les décisions d'octroi prises en CIALA, comité interministériel d'aide à la délocalisation, sont insuffisamment suivies d'effets. Lorsqu'elles le sont, les montants effectifs sont inférieurs aux plafonds autorisés, comme l'a rappelé Jean-Pierre Ballingand tout à l'heure.

Je ne crois pas pourtant que le responsable en soit le vilain Bercy, suspect de vouloir tuer l'aménagement économique des territoires. Je rappelle que 80 % des projets présentés sont retenus. Il n'y a donc pas seulement un problème de recevabilité des dossiers, il existe peutêtre un problème plus profond. C'est ainsi que pour la période 1994-1998, le stock d'autorisations de programme disponibles au titre des années antérieures représente en moyenne plus de trois fois la moyenne des autorisations de programme ouvertes en loi de finances.

S'agissant des crédits de paiement, les crédits reportés étaient, chaque année, depuis 1994, d'un montant supérieur aux crédits ouverts en lois de finances initiales. Ce n'est plus le cas, heureusement, en 1998.

Dans ces conditions, j'ai décidé de faire porter mon effort dans trois directions : Tout d'abord, un grand nettoyage comptable. Les autorisations de programme dormantes depuis plus de quatre ans sont systématiquement annulées, les autres le seront au cas par cas.

Ensuite, un effort plus poussé de consommation effective. A cet égard, et grâce aux efforts de gestion que j'ai entrepris dès 1997, le taux de consommation 1998 sera le meilleur des quatre dernières années, contrairement aux affirmations légères de M. Deniaud. Ce taux s'établissait déjà, au 1er octobre 1998, à 37 % pour les autorisations de programme et à près de 72 % pour les crédits de paiement. Cela représente douze points de mieux que sur la moyenne annuelle 1995-1997 pour les autorisations de programme et dix-huit points pour les crédits de paiement.

Enfin, la réforme de la doctrine d'emploi de la PAT est engagée, comme l'ont demandé de nombreux parlementaires l'année dernière et réaffirmé Daniel Paul et Jean-Pierre Balligand cette année. Je vous l'avais annoncé l'an dernier, le comité interministériel pour l'aménagem ent et le développement du territoire du 15 décembre 1997 l'avait confirmé, je présenterai au prochain CIADT, courant décembre, les grandes lignes de cette réforme.

Je m'interroge, à cet égard, sur la possibilité d'un découpage de la PAT en deux rubriques : L'une destinée à quelques investissements internationalement mobiles, particulièrement structurants, pour lesquels la PAT pourrait jouer un rôle catalyseur. On pourrait l'appeler une PAT exogène ; L'autre concentrée sur les régions en difficulté démographique ou connaissant d'importantes restructurations industrielles ou militaires. Cette partie de la PAT concernerait davantage les projets de plus petite taille. Elle serait plus ouverte qu'elle ne l'est aujourd'hui vers des services et vers des projets pour lesquels elle pourrait jouer un rôle de déclencheur. On pourrait l'appeler une PAT endogène, sans doute mieux adaptée aux petits projets qui fleurissent sur le territoire.

« Vingt emplois d'un coup, c'est trop », ont dit Mme Pérol-Dumont, M. Nayrou et M. Balligand. Nous avons eu l'occasion d'évoquer ce point en commission.

Nous sommes d'accord.

M. Christian Estrosi.

Vingt emplois, c'est trop ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Venons-en au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire. Je souhaite que ses conditions de gestion soient améliorées dans la durée pour qu'il soit utilisé de façon plus efficace au service des projets présentés par les élus et au service des nouvelles orientations du Gouvernement.

La lenteur de la consommation des crédits ouverts s'avère, là encore, trop importante, alors que ces crédits correspondent à des engagements actés. Le montant total des crédits reportés d'un exercice à l'autre représente, en moyenne annuelle, plus de 25 % des autorisations de programme et des crédits de paiement ouverts chaque année en loi de finances.

L'effort d'amélioration de la gestion, demandé par le président de la commission des finances l'année dernière, est déjà perceptible. Pour les crédits de paiement, le taux de consommation de la dotation disponible s'établissait, au 30 septembre 1998, à 70 %, soit un taux comparable au taux de consommation annuel des trois exercices précédents.

J'ajoute qu'une amélioration durable de la gestion ne sera possible que si, d'une part, les conditions d'emplois du FNADT sont réexaminées sur le fond et que, d'autre part, sur la forme, des règles de procédure claires sont établies. Aujourd'hui encore, près de 30 % des dossiers présentés en CIADT ou en réunion interministérielle sont ajournés, car incomplets. Ces dossiers ont pourtant fait l'objet d'un premier « écrémage » par les préfets de région, avant d'être adressés, pour instruction définitive, à la DATAR. De quoi relativiser les discours un peu simples sur le mauvais Etat qui bloque et les bonnes régions qui explosent de projets et qui ne seraient pas reconnues !

M. Michel Bouvard.

Certaines régions sont trop grosses, on ne peut pas les gérer ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le niveau du FNADT, en particulier pour son titre VI, me paraisse convenable.

A montant comparable à celle de 1998, la dotation 1999 donnera d'ailleurs davantage de liberté de manoeuvre au Gouvernement. Le poids des engagements pris au cours des exercices antérieurs qui pèsent sur le budget 1999 sera en effet inférieur d'environ 150 millions de francs à ce qu'il était en 1998.


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Cela permettra en particulier d'augmenter de 43 % la dotation affectée à la section locale libre d'emploi en la portant à 200 millions de francs, tout en augmentant également légèrement les crédits disponibles pour la section générale.

Votre rapporteur, Alain Rodet, s'était interrogé l'année dernière sur la part du FNADT utilisée dans les zones de revitalisation rurale. La part du FNADT affectée à ces zones, qui représentent 39,1 % de la surface du territoire et près d'un tiers des communes, représentait 40 % de la programmation en 1994, 44 % en 1995, 1996 et 1997.

C'est donc une part tout à fait prépondérante.

La commission des finances, par la voix de son président, a insisté sur la nécessité de revoir les outils mobilisés au profit des zones de revitalisation rurale. J'y reviendrai.

J'ajoute enfin, sur le fond, que les conditions d'emploi du FNADT ne me paraissent pas, elles non plus, satisfaisantes. Trop souvent, les crédits n'ont qu'un impact faible en termes d'aménagement durable du territoire. Ils ne permettent ni d'impulser de nouveaux projets, ni de faciliter leur émergence, ni de résorber les handicaps territoriaux. Ils complètent simplement des projets montés ailleurs, pour lesquels les autres bailleurs ne peuvent ou ne souhaitent aller au-delà de la clé d'affectation qu'ils ont préalablement déterminée.

M. Michel Hunault.

C'est faux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il n'est évidemment pas question d'interdire au FNADT de cofinancer des projets, mais il s'agit bien de ne plus permettre au FNADT de se substituer, de manière passive, aux dotations normales des autres administrations publiques.

M. René Mangin.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le FNADT doit être un déclencheur de projet, un catalyseur de développement et non une simple variable d'ajustement des budgets des autres ministères.

Comme pour la PAT, le CIADT du 15 décembre 1997 m'a donné mandat pour préparer une réforme de la d octrine d'emploi du FNADT. Lors du prochain CIADT, je serai en mesure de proposer des éléments précis de cette réforme, centrée autour du soutien aux projets intercommunaux, à l'émergence des pays et des agglomérations en appui à leur contrat.

Telles sont, mesdames et messieurs les parlementaires, les raisons pour lesquelles j'ai demandé au Premier ministre non pas une progression mais une consolidation de ce budget. Je suis, à cet égard, fidèle aux principes que j'ai exposés il y a quelques minutes.

J'ajouterai qu'une augmentation de 6 %, comme l'an dernier, n'aurait représenté qu'une centaine de millions de francs et qu'une augmentation de 3 %, vous l'aurez calculé vous-mêmes, aurait correspondu à une augmentation d'une cinquantaine de millions de francs. Cela n'aurait pas été à la hauteur des questions que je viens d'évoquer ni, plus généralement, à la hauteur des enjeux de la politique d'aménagement du territoire.

Soyons lucides, en effet, les instruments financiers dont dispose la DATAR jouent un rôle d'aiguillon ou de catalyseur, mais ils ne sont pas, loin de là, les seuls outils de la politique d'aménagement du territoire, même sur un plan budgétaire, comme l'a démontré M. Leyzour, par la voix de Mme Jambu.

La lecture du « jaune » est à cet égard édifiante : les crédits de la DATAR représentent environ 3 % de l'ensemble des dotations en y incluant les moins-values de recettes fiscales auxquelles M. Rigal a fait allusion.

Ces dotations sont évaluées à plus de 65 milliards de francs. Vous l'aurez noté, elles n'incluent pourtant pas la politique agricole commune, puissant outil d'aménagement du territoire, le plus puissant peut-être, sur lequel je reviendrai.

Chaque année, soixante milliards de francs sont attribués sans condition environnementale, sans engagement de maintien des emplois agricoles, sans évaluation sérieuse de l'effet sur le développement rural et sur la dynamique de pans entiers de notre territoire.

La politique d'aménagement du territoire que j'entends conduire est donc davantage conditionnée par ma ferme volonté d'impliquer l'ensemble de mes collègues que par le seul niveau de mes propres crédits. Certes, ni l'un ni l'autre ne sont à négliger, mais, sans effort de conviction transversale, comment imaginer bâtir, avec 2 milliards de francs, une politique susceptible de contribuer à un aménagement équilibré et durable du territoire sans s'être assuré, préalablement, que les 63 autres milliards sont bien mobilisés dans la même direction, qu'ils ne contribuent pas au déménagement du territoire, à l'aggravation des inégalités, à la destruction des solidarités et des res-s ources de demain, comme l'a si bien démontré Mme Aubert ? C'est en particulier le cas dans le domaine des transports terrestres. Nous veillons ensemble, Jean-Claude Gayssot et moi-même, à ce que la réorientation de la politique des transports s'effectue rapidement.

M. Christian Estrosi.

Vite, très vite ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Certains ont ironisé, ici, sur les réorientations que nous avions choisies de mettre en oeuvre.

M. Michel Bouvard.

Bientôt deux ans qu'on doit avoir un débat parlementaire sur les investissements dans les transports ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Bouvard, soyez gentil, lucide et équitable !

M. Michel Bouvard.

Nous essayons ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La plupart des grands projets structurants d'aménagement du territoire se réalisent au même rythme que par le passé. Ce n'est pas parce que vous avez commis par le passé des schémas nationaux qui additionnaient des infrastructures infinançables sans hiérarchiser les priorités...

M. Michel Bouvard.

Le schéma TGV, c'est la gauche ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qu'on est obligé de continuer de la même façon !

M. Pierre Cohen.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

On pourrait vous citer beaucoup de projets bloqués ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous avons souhaité non pas accumuler des prouesses technologiques mais répondre à des besoins. Cette démarche est d'ailleurs très bien comprise par les citoyens. Je tiens ici à disposition de l'orateur du


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groupe RPR tout à l'heure une étude réalisée par un institut de sondage, que je ne citerai pas pour des motifs que vous comprendrez, qui s'est attachée à comprendre ce qu'attendaient les Français d'une politique de l'aménagement du territoire. Parmi une dizaine d'items, 77 % des Français ont jugé prioritaires, ils l'ont mis en première position, le soutien au développement économique et l'emploi au niveau local.

M. Jean-Pierre Balligand.

Ils ont raison ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ils sont 68 % à avoir jugé prioritaire, en deuxième position, la préservation de l'environnement.

Ils sont 24 % seulement, trois fois moins, en dixième position, à souhaiter que la priorité soit donnée à la construction de grands équipements, comme les autoroutes, les lignes TGV, par exemple.

M. Michel Hunault.

Vous dites n'importe quoi ! C'est une honte !

M. Michel Bouvard.

Evidemment, si vous demandez aux Parisiens s'ils veulent des autoroutes...

M. Christian Estrosi.

Est-ce que vous m'autorisez à vous interroger, madame la ministre ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non ! Nous ne sommes pas à l'école.

Ici, il n'y a pas l'élève qui pose la question et le prof qui répond.

M. Christian Estrosi.

Vous m'autorisez à vous interroger ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Oh non, je ne vous autorise pas parce que je ne vous ai pas coupé la parole tout à l'heure.

Pourtant, Dieu sait si j'aurais eu des occasions de le faire!

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Estrosi.

Quel sens de la démocratie !

M. Alain Rodet, rapporteur spécial.

Vous avez un grand mérite, madame la ministre !

M. Michel Hunault.

Franchement, c'est nul ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il m'a été demandé tout à l'heure s'il y avait des modes de transport moraux de gauche et immoraux de droite, si je n'étais pas victime d'une vision déformée...

M. Christian Estrosi.

Et déformante ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... idéologiquement simplificatrice dérisoire de l'aménagement. Je voudrais rappeler que, en abondant de façon sérieuse le FITTVN avec un milliard de francs supplémentaire en 1998, milliard reconduit en 1999, nous nous sommes donné les moyens de faire ce que nous disons, à la différence de ce qui se passait dans le passé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Rudy Salles.

Arrêtez, cela ne veut rien dire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous ne prononçons pas un discours sur les infrastructures, nous prévoyons la réalisation d'équipements dont nous avons besoin, notamment dans le domaine du transport ferroviaire.

M. Christian Estrosi.

Vous avez tout arrêté ! Nous en revenons à la diligence ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'attache une très grande importance au futur schéma de services collectifs des transports. Cette réorientation, choisie, accompagnée, soutenue par les deux ministères, celui de l'aménagement du territoire et de l'environnement d'une part, mais surtout par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, est comprise par nos concitoyens.

C'est aussi le cas dans le domaine des services publics.

M. Rigal a consacré une bonne partie de son intervention à un vigoureux plaidoyer en faveur des services publics.

Nous y sommes, vous y êtes, tous et toutes, à juste titre, très sensible.

M. François Sauvadet.

Ah oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais, que peut la ministre chargée de l'aménagement du territoire si chaque ministre responsable, ou tutelle d'un service public, le ministre des finances pour le Trésor public, les services fiscaux et la Banque de France, le secrétaire d'Etat à l'industrie pour La Poste, le ministre des transports pour la SNCF et RFF,...

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce n'est pas bien de dénoncer ses petits camarades ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... le ministre de l'éducation nationale pour la carte scolaire, le ministre de l'emploi et de la solidarité pour la carte hospitalière, le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense pour les services publics de sécurité, police et gendarmerie, que peut donc, disais-je, la ministre de l'aménagement du territoire...

M. François Brottes.

Protester ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... si chacun agit de manière isolée...

M. François Sauvadet.

Cette remarque s'adresse au Premier ministre.

M. Christian Estrosi.

Voyez avec Balligand et Jospin !

M. Rudy Salles.

M. Jospin ne peut-il ordonner tout ça ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... sans tenir suffisamment compte des impacts des réorganisations de services publics sur l'aménagement du territoire ? Cette question des services publics est cruciale, en particulier pour les villes petites et moyennes, comme pour les quartiers défavorisés. Nous en avons discuté récemment avec le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Balligand.

Très bien !

M. François Sauvadet.

C'est déjà un premier signe.

M. Rudy Salles.

Il serait temps ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous avons décidé que le Gouvernement devait traiter cette question collectivement, et non plus secteur par secteur, ministère par ministère.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très bien, c'est la bonne méthode.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Un bilan précis des réorganisations de services publics en cours sera fait. Les évolutions de ces


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services ne doivent pas se faire au détriment des zones les plus fragiles. MM. Rigal, Alaize et Grégoire ont, sur cette question, plaidé, je crois, en votre nom à tous.

Je compte, naturellement, mettre cette conviction transversale au service du monde rural, particulièrement affecté par la concentration des activités et des hommes dans les grandes métropoles, ou le long de nos principaux fleuves.

Plusieurs d'entre vous ont plaidé pour le monde rural, en insistant sur le fait que le monde rural, ce n'était pas forcément un monde à caricaturer.

M. Christian Estrosi.

Avec le loup ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous ne sommes pas dans le ruralisme primaire, comme l'a dit André Vauchez.

Bien des intervenants, dont Augustin Bonrepaux, ont souligné l'impact néfaste de la suppression des cotisations d'allocations familiales pour la création d'emplois dans les zones de revitalisation rurales.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait, mauvaise disposition ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Estimée à une somme de 100 à 400 millions de francs, cette mesure a sans doute un impact modeste sur l'emploi. En effet, 100 à 400 millions de francs sur 40 % du territoire national, cela reste modeste. Mais nous avons besoin aujourd'hui de faire le bilan complet des mesures qui sont à mettre en place, à garder ou à modifier dans ces zones de revitalisation rurales.

M. Michel Bouvard.

Gardons ce qui existe !

M. Alain Rodet, rapporteur spécial.

Du passé faisons table rase. (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Je voudrais en tout cas vous en convaincre, l'enjeu n'est pas mince. Comme l'a dit M. Duron tout à l'heure, il s'agit de rompre avec une certaine tradition bavarde de l'aménagement du territoire,...

M. François Sauvadet.

Là, c'est un peu excessif. Même Balligand ne serait pas d'accord avec vous.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... réduite à un discours sur le monde rural, avec des moyens extrêmement modestes sur 40 % du territoire...

M. Michel Bouvard.

Vous en supprimez dans la loi de finances ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et un déni de la réalité urbaine, dont pas un mot n'était dit dans la loi du 4 février 1995.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Rodet, rapporteur spécial.

Il fallait que cela soit dit !

M. François Sauvadet.

C'est quand même cette loi qui a lancé la notion de pays ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il s'agit donc de reconstruire des solidarités entre le rural et l'urbain, en se privant de la commodité que constituerait l'opposition entre le rural et l'urbain. Il s'agit de privilégier le maillage, la mise en réseau, les synergies, les coopérations. Tel est l'enjeu de la révision de la LOADT, j'y reviendrai tout à l'heure.

La concentration des activités et des êtres humains, due en bonne partie aux effets de la mondialisation, n'a pas seulement un impact sur le monde rural, elle se traduit paradoxalement, à l'échelle locale et régionale, par un étalement urbain dévoreur d'espace et générateur de trafic automobile. N'en déplaise à Alphonse Allais, « construire des villes à la campagne » ne rend pas l'air plus pur pour tout le monde, au contraire ! L'aménagement du territoire devra donc s'attacher à refaire de l'urbain, structuré autour des réseaux de transport en commun, rompant avec le désastreux zonage des activités, source de mobilité contrainte et de destructuration des espaces de vie quotidienne. Là encore, l'approche transversale s'impose.

Je n'oublie pas, bien sûr, la montagne.

M. Michel Bouvard.

Ah ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si j'étais tentée de le faire, nombreux sont ceux qui m'auraient rappelée à la raison.

M. Jean-Louis Idiart.

Tout à fait.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sont présents dans l'hémicycle non seulement M. Nayrou et M. Alaize, mais encore M. Bonrepaux, président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, et M. Bouvard, tout nouveau président de l'Association nationale des élus de la montagne.

M. François Sauvadet.

Un excellent président ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je les salue ici bien volontiers.

J'ai eu l'occasion de leur dire à Autrans qu'environ la moitié des zones montagneuses connaissaient d'importantes difficultés économiques et sociales.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La moitié seulement et non pas la montagne en général.

Comme pour le monde rural, une nouvelle approche du développement doit y prévaloir, prenant en compte les handicaps géographiques, bien sûr, mais sachant aussi mettre en valeur les atouts, préserver des aménités qui sont autant de biens communs trop longtemps sousestimés parce que non monétarisés.

L'évaluation de la politique de la montagne est menée par une instance ad hoc placée auprès du commissariat général du Plan. Il semblerait, après de nombreux rappels, qu'elle soit en train d'aborder la dernière ligne droite de son rapport.

M. Michel Bouvard.

Il serait temps ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Celui-ci doit être remis au Premier ministre dans les prochaines semaines et rendu public avant la réunion du Conseil national de la montagne, qui se tiendra avant la fin de l'année. Ce sera l'occasion non seulement d'évaluer l'efficacité des dispositifs en direction de la montagne, mais aussi de relancer la dynamique des schémas interrégionaux de massif. M. Alaize a cité le plan pour le massif Central. Je dois en faire le constat. Ici, l'Etat a joué un rôle de moteur dans la dynamique régionale. J'aimerais beaucoup que des démarches du même ordre se mettent enfin en place dans d'autres régions ou interrégions.

Le tour d'horizon ne serait pas complet si j'omettais le littoral, qui partage avec la montagne certaines caractéristiques comme la richesse et la fragilité des milieux natu-


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rels. Le littoral possède aussi des atouts spécifiques - activités industrialo-portuaires, pêche et tourisme -, mais aussi de lourds handicaps - je pense bien sûr au délicat dossier des reconversions d'industries civiles et militaires.

M. Paul a évoqué le dossier de la modernisation et de l'extension de nos ports reliés de façon efficace à leur hinterland, dans une démarche de développement du transport combiné alliant de façon optimale le fluvio-maritime, le rail et la route. Je plaiderai quant à moi pour une efficacité passant par une définition précise des stratégies de développement et de positionnement de chacun de ces ports. Ils sont en concurrence avec les premiers ports du monde - Anvers et Rotterdam -, encore faudrat-il veiller à ce qu'ils ne le soient pas entre eux.

Enfin, je souhaite mettre cet effort de conviction transversale au service des entreprises, afin de passer, là aussi, d'une logique de guichet à une logique de projet et, partant, de favoriser un développement endogène de territoires qui ne demandent qu'à émerger dès lors que l'Etat remplit son rôle à leur égard.

Ainsi, alors que mes prédécesseurs, dont Charles Pasqua, n'y étaient pas parvenus - M. Lenoir l'a souligné avec un peu d'amusement -, j'ai obtenu que le Fonds national de développement des entreprises soit doté dès 1998 à hauteur de 200 millions de francs.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Une centaine de millions devraient être engagés cette année, ce qui est convenable pour un premier exercice. Cette dotation devra naturellement être renouvelée en tant que de besoin.

Enfin, à côté de la réforme des instruments nationaux de l'aménagement du territoire, qu'ils soient budgétaires ou non, j'attache la plus grande importance à ce que la France réussisse la négociation du prochain programme des aides communautaires à finalité régionale.

M. Michel Bouvard.

Il y a fort à faire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'enjeu est de taille : plus de 10 milliards de francs l'an, soit cinq fois le budget de la DATAR. Là aussi, dans le cadre des négociations combinées de l'Agenda 2000, veillons à ne pas lâcher la proie pour l'ombre en mélangeant inutilement deux négociations différentes, celle sur la PAC et celle sur les fonds structurels ! Nous serons d'autant plus performants dans la négociation si nous faisons également la preuve que nous savons consommer convenablement les crédits communautaires.

Je le répète : il n'y a pas d'un côté un mauvais Etat qui gêne les bonnes collectivités locales qui vibrionnent de projets. N'en restons pas aux images d'Epinal. Notre taux d'exécution des programmes communautaires n'est pas satisfaisant. Les causes en sont multiples. Certaines régions ont pris un retard important, alors que paradoxalement d'autres souhaiteraient un abondement supplémentaire. Certains d'entre vous l'ont dit, les procéd ures de gestion de ces crédits sont obsolètes et inefficaces, lourdes et tracassières. Certains orateurs ont été plus cruels. Je ne suis pas sûre qu'ils n'aient pas raison.

Ces procédures sont aussi parfois contraires aux règles communautaires. Ainsi, par exemple, la réglementation communautaire impose un commencement d'exécution du projet pour en financer le complément. Le décret de 1972 portant réforme du régime des subventions d'investissement accordées par l'Etat prévoit, au contraire, que la décision attributive de la subvention doit être préalable au commencement d'exécution de l'opération à subventionner !

M. Michel Bouvard.

Bonne remarque ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Comme vous l'imaginez, et comme vous le vivez sans doute, cela pose d'autant plus de problèmes que le FNADT est largement utilisé comme contrepartie aux fonds européens.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Heureusement, le chantier de la réforme du décret de 1972 est désormais en cours. J'ai bien noté les propositions que vous avez formulées pour améliorer les modalités de gestion des fonds structurels.

J'imagine que le délégué à l'aménagement du territoire, ici présent, en a pris bonne note, tout comme moi.

Ainsi, 1999 sera une grande année de réforme. Les fronts sont multiples. J'y mettrai toute mon énergie, toute ma volonté. Mais je compte aussi sur vous pour réussir, sur votre mobilisation, votre énergie et votre volonté. Je sais qu'elles sont grandes et qu'elles se sont souvent manifestées.

Telles sont, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, les grandes orientations dont je voulais vous faire part à l'occasion de la présentation du budget de l'aménagement du territoire.

Permettez-moi à présent de répondre aux remarques et aux observations formulées par les orateurs des différents groupes politiques.

M. Duron, qui a annoncé qu'il avait été retenu comme rapporteur du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, m'a invité à répondre à certaines questions, ne remettant pas en cause les grandes orientations du texte. Il a évoqué le choix d'un développement durable qui allie progrès économique, solidarité et justice sociale, une gestion responsable des ressources, le choix d'une réponse aux besoins de la population qui rompe avec une logique d'offre et réponde, dans une perspective de vingt ans, à l'évolution prévisible de ces besoins sur le territoire, la reconnaissance et la consolidation des projets des territoires, la prime à l'organisation des territoires en pays, en agglomérations et en parcs naturels régionaux. Il a insisté sur les problèmes de calendrier auxquels nous allons être confrontés en raison de la superposition de sujets qui sont étroitement imbriqués.

Il est vrai qu'il sera très lourd pour la DATAR, pour les préfectures de région et pour les régions elles-mêmes de travailler en même temps sur les schémas régionaux d'aménagement du territoire, sur les schémas de services collectifs et sur la préparation des prochains contrats de plan Etat-régions. Je n'ai pas choisi ce calendrier, vous non plus, monsieur Duron. Sans doute une partie des difficultés est-elle liée à des choix faits avant le 1er juin 1997. Je pense à la décision de prolonger d'un an les prochains contrats de plan, qui avait pourtant sa logique propre puisqu'elle permettait un phasage entre les programmes européens et les contrats de plan. Sans doute était-il également difficile d'imaginer qu'une refonte aussi lourde des priorités de l'aménagement du territoire puisse se faire en quelques mois. Sans doute était-il difficile d'anticiper sur la durée très longue d'examen de certains projets de loi que le Gouvernement et la majorité parlementaire considèrent comme fondamentaux, puisqu'ils


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correspondent à des engagements pris devant les électeurs.

Nous ne perdrons pas trop de temps à dresser la liste de ces arguments et à nous demander : à qui la faute ? Nous essaierons de mobiliser nos forces pour que l'exercice, pour difficile qu'il soit, soit exécuté de façon harmonieuse.

En tout cas, monsieur Balligand, je n'aurais jamais osé proposé l'urgence. Je connais l'attachement des parlementaires, députés et sénateurs, à l'aménagement du territoire et je n'aurais pas voulu m'exposer à la critique de vouloir passer trop vite cette discussion. En même temps, je le reconnais volontiers, un débat très important a été mené dans notre pays en préalable à la loi du 4 février 1995. Il a permis de dresser des constats, qui restent vrais à cette heure, et je ne verrais pour ma part que des avantages à ce que ce projet de loi soit examiné selon la procédure d'urgence afin de passer assez vite aux travaux pratiques, aux exercices concrets qui permettront d'appliquer sur le terrain cette politique d'aménagement du territoire.

Je reviendrai plus longuement tout à l'heure sur la question des services publics puisque j'ai noté que vous êtes nombreux à avoir prévu des questions sur ce sujet.

En effet, secteur par secteur, ministère par ministère, région par région, bassin d'emplois par bassin d'emplois, nous sommes en train de procéder à un réexamen complet des modalités et des pratiques qui permettront de garantir un service public de qualité à l'ensemble des citoyens français.

M. Paul a plaidé tout à l'heure pour une démocratisation des structures de coopération intercommunales. Je ne verrais que des avantages à ce que les parlementaires se saisissent de cette question et puissent même aller au-delà de ce qu'a retenu le Gouvernement concernant l'élection au deuxième degré des conseils d'agglomération.

M. Daniel Paul.

Très bien ! C'est une invitation ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je sais que ce débat anime votre assemblée. Je suis convaincue qu'il traverse l'ensemble des groupes politiques et que nous devons étudier de façon concrète, en faisant preuve d'une grande ouverture d'esprit comment les choses pourraient se mettre en place sur le terrain.

Un mot maintenant pour M. Ligot, qui m'a fort méchamment suspectée tout à l'heure de vouloir bloquer certains équipements. La route Centre-Europe-Atlantique à laquelle il a fait allusion n'a jamais été remise en cause par mon ministère, au contraire. Dans l'esprit des orientations décidées par le Gouvernement lors du CIADT du 15 décembre 1997, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement est intervenu auprès du ministre des transports pour que les opérations programmées sur la route Centre-Europe-Atlantique soient réalisées comme prévu au cours de l'actuel contrat de plan, non pas en cinq ans, mais en sept ans. En tout cas, nous n'avons pas à craindre un report important sur les prochains plans. Il suffirait que les dépenses de 1999 soient proches de celles de 1997 pour que le contrat soit quasiment respecté.

M. Michel Vergnier.

L'héritage ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Nayrou a évoqué des sujets auxquels j'ai déjà répondu. Il a plaidé pour l'occupation harmonieuse d'un territoire aménagé. Il a plaidé aussi pour la sardine et contre l'oiseau, si j'ai bien compris.

M. Henri Nayrou.

Non ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

J'espérais justement que vous me confirmeriez que j'avais mal compris. Je préfère que les choses soient ainsi, monsieur Nayrou ! Je pense en effet que l'on peut à la fois protéger les oiseaux, les ressources halieutiques, être un gastronome et un défenseur de l'environnement. Je ne doute pas que vous vous y soyez employé depuis fort longtemps.

M. Alaize nous a invités à une certaine audace dans la redéfinition de certaines politiques. Je reconnais bien là les jeunes parlementaires. Au motif qu'ils sont jeunes, ils osent des choses, à une heure tardive de la soirée, que des parlementaires plus expérimentés n'osent plus aborder.

(Sourires.)

M. Christian Estrosi.

Remarquez, vous n'avez jamais été parlementaire, madame la ministre ! Alors, vous ne pouvez pas savoir ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je l'ai été quarante-huit heures, monsieur Estrosi ! Quoi qu'il en soit, j'invite M. Alaize à se pencher sur le schéma de développement de l'espace communautaire pendant ses heures d'insomnie, sur les bancs de l'Assemblée. C'est en effet un document passionnant...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qu'il nous a été demandé de soumettre à l'avis des collectivités pendant la période de renouvellement des conseils régionaux. Nouvellement élus, les présidents des régions n'ont sans doute pas trouvé le temps de se saisir de ce dossier pour animer un débat sur l'aménagement du territoire régional en concertation avec les autres collectivités territoriales de leur territoire.

M. Christian Estrosi.

Ils ont du mal à le faire !

M. Jean-Louis Idiart.

Millon a des problèmes ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ils n'ont pas pu non plus animer des concertations avec les régions voisines dans une logique interrégionale et parfois transfrontalière qui était pourtant celle du schéma de développement de l'espace communautaire.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pourtant, ce document dessine ce que pourraient être demain nos priorités en ce qui concerne la dimension interrégionale pour laquelle vous avez plaidé tout à l'heure, notamment dans les zones de montagne. Il sera à mon avis également très utile pour relancer la discussion sur les moyens à mettre en oeuvre pour permettre un aménagement équilibré de la façade littorale de l'Atlantique, par exemple, dont les élus craignent d'être encore davantage marginalisés par les perspectives d'élargissement de la Communauté à l'Est. Sur tous ces points, ce document est une bonne base de débat. Il devrait nous permettre de rénover notre réflexion sur certains programmes d'intérêt communautaire pour les programmes ruraux, pour les zones transfrontalières, et bien sûr, pour les zones de montagne.

M. Warhouver est revenu sur le dispositif des directives territoriales d'aménagement mis en place par la loi de 1995 et dont nous devons bien reconnaître qu'il est encore dans une large mesure expérimental. La DTA est en cours de préparation sur six zones du territoire où les


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enjeux sont importants, parfois contradictoires, ce qui invite à un arbitrage de l'Etat après une large concertation.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il a été proposé d'élargir ce dispositif soit à des zones plus petites, soit à des zones concernées par les affaissements miniers ou par des désordres naturels graves comme les inondations. Je ne suis pas sûre que cela soit possible. En tout état de cause, avant de choisir, je voudrais que le bilan des DTA expérimentales préparé à la demande du CIADT du 15 décembre 1997 soit disponible pour nous permettre de conclure à la pertinence de ce dispositif comme outil de planification et de développement. Je ne suis pas hostile à l'idée d'élargir ce dispositif, mais il s'agit d'une démarche très lourde, qui consiste à prendre des décisions arbitrées par l'Etat, à l'issue d'une concertation très approndie là où des enjeux d'aménagement sont difficiles à concilier. Je ne suis pas sûre que nous ne nous exposerions pas à l'accusation de recentralisation si ce dispositif devait être mis en oeuvre sur des pans trop importants du territoire. Mais, vous l'aurez noté, le projet de loi que je présenterai au mois de janvier prévoit que les régions pourront prendre l'initiative de demander à l'Etat que telle ou telle zone fasse l'objet d'une directive d'aménagement.

Je n'évoquerai pas les marmites nucléaires infernales, sinon pour rappeler que le schéma de services collectifs de l'énergie doit nous permettre de faire un diagnostic fin des besoins des territoires et des moyens à mettre en place pour répondre de façon efficace et économe aux besoins industriels et domestiques. Cela me paraît d'autant plus indispensable que la directive communautaire sur l'électricité va nous amener à des évolutions dans ce domaine.

Autre préoccupation : la réforme de la carte de la PAT et celle des zonages. Certains d'entre vous l'ont dit avec beaucoup de pudeur et de discrétion, je serai peut-être un peu moins pudique et discrète : dans certains endroits, il est permis de s'interroger sur les dessins curieux de la carte des zonages. Je pense par exemple à mon département. Les plus optimistes considèrent que les cantons dans lesquels des conseillers généraux de l'actuelle majorité parlementaire exercent leurs talents n'ont pas besoin d'être zonés puisqu'ils sont extraordinairement bien gérés et bien défendus. Mais je ne suis pas sûre que cet argument suffise.

M. Christian Estrosi.

Il faut vous expliquer ! On n'a pas compris ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En tout état de cause, je souhaite que l'on puisse reprendre cette discussion sur les zonages.

M. François Sauvadet.

C'est un vilain procès car les zonages répondent à des critères bien précis !

M. Michel Bouvard.

Les zonages existaient avant 1993 ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je trouve dommage que vous criiez chaque fois que l'on dit quelque chose qui ne vous fait pas plaisir ! Cela peut être la vérité quand même ! Il faut se méfier des critères « objectifs ».

M. François Sauvadet.

Je peux vous citer des exemples ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Un taux de chômage, par exemple, n'a pas la même signification selon qu'on le constate dans une ville extrêmement dynamique sur le plan économique, où le chômage est bas parce qu'il y a beaucoup d'actifs, ou dans une zone de montagne désertifiée où le taux de chômage est bas parce que tous les jeunes l'ont quittée. Je voudrais donc que l'on examine de très près ces critères et l'impact sur le territoire de ces zonages. Un zonage, ce n'est pas un droit ad vitam aeternam, cela répond à des difficultés conjoncturelles et nous devons nous attacher à réviser régulièrement ces zonages pour les adapter aux politiques que nous souhaitons mettre en oeuvre.

Jean-Pierre Balligand m'a interrogée sur « Entreprises, Territoires et développement » qui, jusqu'en 1997, avait deux activités : une activité d'entreprises et une activité de prospection de développement local.

M. Michel Bouvard.

Cela existe encore ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

« Entreprises, Territoires et développement » a rencontré d'énormes difficultés, notamment financières, pour faire face à ses missions. Je le précise d'autant plus volontiers que c'était avant 1997. Ne me faites donc pas de mauvais procès ! Nous avons dès lors souhaité rénover ETD, la principale innovation portant sur la méthode et le positionnement. ETD ne doit pas se substituer aux acteurs locaux, mais leur apporter un appui technique et méthodologique et construire avec eux et pour eux un réseau de savoirs et de savoir-faire. Les trois missions de ETD sont donc l'anticipation et l'innovation pour sensibiliser les acteurs aux nouvelles clés de l'efficacité territoriale et favoriser l'émergence de démarches innovantes, l'ingénierie du développement pour pemettre une meilleure appropriation par les acteurs locaux des méthodes les plus efficaces, l'échange pour capitaliser les compétences et les moyens entre des acteurs d'horizons différents.

Cette démarche s'appliquera évidemment aux priorités définies par le Gouvernement : durabilité du développement, recomposition du territoire, prise en compte de la dimension européenne, usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Mesdames et messieurs les députés, j'ai terminé de répondre aux intervenants. Je suis maintenant à votre disposition pour vous apporter des éléments peut-être plus précis et plus concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions. J'en ai compté à peu près vingt-cinq. A raison de cinq minutes par question, nous n'aurons pas terminé à une heure du matin. Je souhaiterais donc que les interventions, dont le cycle est de trois questions par groupe, se déroulent à un rythme soutenu : pas plus de deux minutes pour l'interrogation, mes chers collègues, et pas plus de trois minutes pour la réponse, madame la ministre.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Madame la ministre, vous nous avez annoncé un budget 1999 stable parce que de transition, comme vous l'avez répété à la tribune : il faut attendre la discussion de votre réforme de la loi d'orientation de l'aménagement du territoire de 1995, la négociation des contrats de plan Etat-régions et la mise en place, dans le cadre du plan européen Agenda 2000, des nouveaux fonds structurels communautaires. Autrement dit,


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une autre année d'attentisme quand nos entreprises ont besoin de conseils, d'aides financières pour exporter ou s'implanter face à la mondialisation et quand les collectivités territoriales ont besoin de trouver les appuis nécessaires à la mise en place de projets de développement et d'aménagement du territoire ainsi que d'accueil d'entreprises.

En commission de la production et des échanges, nous avons tous regretté l'insuffisante consommation des crédits de la PAT pour 1998. Beaucoup de collègues étant intervenus, je ne citerai que ces quelques chiffres : 27,3 % d'autorisations de programme, 47 % de crédits de paiement seulement ont été consommés au 30 septembre dernier. Madame la ministre, qu'avez-vous fait depuis un an pour améliorer le dispositif ? Le 4 novembre 1997, vous disiez déjà qu'il fallait l'adapter. Un an s'est écoulé et je n'ai pas l'impression que le dossier ait avancé. Que nous direz-vous donc l'an prochain ? Mais cette question ayant effectivement été posée par nombre de mes collègues, permettez-moi, madame la ministre, de vous en poser une seconde.

J'ai déjà eu l'occasion, lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, de demander qu'on renforce notre présence à l'étranger en rassemblant les différents outils mis en place. Les postes d'expansion économique, la délégation aux investissements internationaux mènent des actions parallèles. Et je ne parle pas des initiatives des régions ou des départements qui mènent leurs propres actions sans aucune coordination nationale. Vous disiez aussi déjà, l'année dernière, que la DATAR, compte tenu des faibles moyens dont elle dispose, ne pouvait pas jouer efficacement son rôle. Lors de l'examen de votre budget en commission des finances, le rapporteur a annoncé pour l'avenir un renforcement de la DATAR. Je ne vois malheureusement pas les moyens que vous pourrez lui apporter dans le cadre de ce budget. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, ce n'est pas parce que les règles sont trop lourdes à utiliser, parce que l'Etat n'a pas l'intention de consommer les crédits, que la prime à l'aménagement du territoire a un taux de consommation historiquement mauvais, mais simplement parce qu'il y a une sorte de distorsion entre les modalités d'utilisation de ce fonds et les projets qui font le quotidien du développement et de l'aménagement du territoire.

Pour un projet de l'ampleur de Toyota, il y en a des centaines d'autres plus modestes, qui collent peut-être mieux à notre aspiration à un développement local avec effet d'entraînement de l'implantation d'entreprises sur d'autres activités existant sur le territoire.

C'est pourquoi, comme je l'ai annoncé très longuement tout à l'heure, nous avons engagé une réforme de l'utilisation de ce fonds en procédant à un nettoyage comptable complet de la PAT pour annuler les AP dormantes, et pour adapter les modalités de décisions et d'utilisation de cette prime à la réalité des projets.

L'idée d'une PAT exogène pour les grands projets internationalement mobiles et d'une PAT endogène pour les projets plus modestes, les projets de services, les projets industriels de moins de 20 emplois, a été retenue.

Je ne vous raconterai pas de salades : il n'y a pas, à la DATAR, de surhommes. J'ai listé tout à l'heure tous les chantiers à mener de façon simultanée. Je me réjouis d'avoir pu sauver les deux emplois menacés, cette année encore, à la suite de l'accord pluriannuel passé par le précédent gouvernement.

Je me réjouis de l'aide, prévisible, que vous allez m'apporter pour obtenir le renforcement des effectifs de la DATAR. Je ne vois pas comment on peut toujours demander plus et mieux à cet outil qui s'est fait connaître historiquement par un travail de prospective et une aide à la réflexion, mais auquel on demande de plus en plus de responsabilités concrètes de gestion, de pilotage, d'évaluation, quantitative et qualitative et de mise en place des politiques sur le terrain.

Il est effectivement nécessaire de passer à la vitesse supérieure. Cela ne peut pas se faire dans une année de transition. Cela pourra se faire dès l'an 2000, quand les éléments essentiels de la politique d'aménagement du territoire seront en place : une loi, des contrats, des schémas régionaux, des schémas de services collectifs et des dynamiques locales que nous comptons évidemment beaucoup encourager à l'avenir.

M. le président.

La parole est à M. Roland Francisci.

M. Roland Francisci.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire, le contrat de plan entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse va être signé, comme pour les autres régions, en 1999. N'ayant, à ce jour, reçu aucune réponse au courrier que je vous avais adressé à ce sujet, j'appelle à nouveau votre attention sur deux points essentiels pour le développement économique de la Corse.

D'abord, EDF impose à la Corse un régime particulier et pénalisant pour toute une catégorie d'usagers. En effet, il n'y a pas en Corse d'option « effacement jour de pointe ». Cette dernière, qui est très intéressante pour les consommateurs, est mise à la disposition de tous les usagers de France continentale, mais n'a jamais existé sur l'île.

En Corse, le ticket de raccordement n'existe pas dans le secteur rural, ce qui pénalise très lourdement le consommateur qui, pour une prestation similaire, devra payer une somme de dix à quinze fois plus élevée que celle payée par l'entreprise ou le particulier continental.

Une autre anomalie existe en matière d'application du taux de TVA sur les factures EDF. L'usager qui a souscrit un contrat au tarif bleu paie une TVA au taux réduit de 8 %, alors que l'usager qui a souscrit un contrat au tarif jaune en paie une au taux de 20,6 %. Cette différence de traitement à l'intérieur d'une même région et concernant le même service est difficilement compréhensible.

Dans le cadre du nouveau contrat de plan, il conviendrait de mettre un terme à ces anomalies. Il est à noter que le tarif jaune, très avantageux pour les gros consommateurs et les entreprises, n'est disponible en Corse que depuis le mois de juillet 1996. Le Premier ministre de l'époque, M. Alain Juppé, l'avait accordé dans le cadre de la zone franche.

Ensuite, dans le courrier que je vous avais adressé, j'avais appelé aussi votre attention sur la situation particulière que l'on rencontre dans le domaine de la voirie.

La Corse possède un réseau routier composé de 4 500 kilomètres de routes départementales vétustes et inadaptées et de 555 kilomètres de routes régionales. Ces dernières sont les anciennes routes nationales, transférées depuis les lois de décentralisation à la collectivité territoriale, avec une enveloppe financière substantielle de 100 millions de francs par an.


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Pour améliorer les routes dont elle a la charge, la collectivité territoriale dispose chaque année de cette somme de 100 millions de francs provenant de l'Etat, plus d'une autre enveloppe de 40 millions de francs provenant de la Communauté européenne. Avec ses fonds propres, elle peut ainsi investir sur chaque kilomètre de route régionale une somme de plus de 465 000 francs par an.

Dans le même temps, le département de Corse-du-Sud peut investir péniblement une somme de 18 000 francs sur chacun des 2 200 kilomètres de routes dont il a la charge, c'est-à-dire 26 fois moins. Cette disparité de moyens est choquante et contraire à une amélioration harmonieuse et cohérente du réseau routier, de laquelle dépend au premier chef le développement économique et démographique de l'intérieur de l'île.

Si la Corse est malade de beaucoup de maux, l'intérieur est aujourd'hui en voie de désertification et mériterait à ce titre un traitement prioritaire. Or, dans le domaine essentiel de la voirie, force est de constater que c'est le contraire qui se produit. Il serait donc souhaitable, madame la ministre, de corriger rapidement la disparité de traitement existant entre les routes régionales et les routes départementales. C'est d'ailleurs ce qu'avait commencé à faire le gouvernement de M. Alain Juppé qui, en 1996, toujours dans le cadre de la zone franche, avait accordé une subvention d'Etat d'un montant de 60 millions de francs destinée à l'amélioration de la voirie des deux départements.

Dans sa volonté proclamée d'accompagner le rétablissement de l'Etat de droit de mesures économiques susceptibles d'aider la Corse à sortir du marasme économique dans lequel elle se trouve, je demande au Gouvernement de reconduire une subvention exceptionnelle d'un même montant pour toute la durée du contrat de plan.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Le temps est écoulé !

M. Roland Francisci.

Si cela ne se réalisait pas, nous aurions bientôt en Corse 555 kilomètres de routes régionales pavées d'or et 4 500 kilomètres de routes départementales délabrées.

Permettez-moi de conclure sur ce sujet en rappelant qu'il y a en Corse deux fois plus d'accidents que sur le continent : 25 pour 10 000 habitants pour l'ensemble du pays contre 52 pour le même nombre d'habitants en Corse. C'est une raison supplémentaire, et non des moindres, pour aider la Corse à améliorer rapidement et harmonieusement son réseau routier départemental.

Ma question, madame la ministre, est la suivante (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) : quelles uite le Gouvernement compte-t-il donner à ces demandes que j'avais adressées à M. le Premier ministre au mois de juillet dernier ? Le Gouvernement compte-t-il reconduire, dans le nouveau contrat de plan, les aides exceptionnelles en matière d e voirie départementale que le gouvernement de M. Alain Juppé avait accordées à la Corse dans le cadre de la zone franche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je me demande si je dois passer la parole à madame la ministre. La question à laquelle elle est censée répondre a duré cinq minutes quarante et une ! A ce rythme-là, nous serons encore là à 2 h 30 ! Soyons raisonnables, essayons de poser des questions courtes et précises, pour obtenir des réponses courtes et précises.

C'est possible.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, ma réponse sera courte et précise.

Concernant EDF, le principe de l'application rigoureuse de la péréquation tarifaire absolue entre tous les usagers de la distribution d'électricité assurée par EDF est réaffirmé. Ceux-ci n'ont donc aucune crainte à avoir.

J'observe toutefois que, à certains égards, un tel principe constitue un handicap lourd ; je pense aux énergies renouvelables, qu'il serait intéressant de développer sur une île comme la Corse.

Concernant les routes, la topographie de la Corse est ce qu'elle est : c'est une montagne, c'est une île. Il serait vain d'espérer changer radicalement cet état de choses par des travaux routiers aussi gigantesques qu'on puisse les imaginer. La population de la Corse est relativement peu nombreuse. Elle se concentre, pour 40 % environ des 250 000 habitants, dans les deux villes d'Ajaccio et de Bastia. La dispersion du reste de la population sur un territoire vaste et montagneux ne permet d'envisager que des améliorations marginales du réseau routier qui la dessert.

L'assainissement en cours des modes d'intervention des financements publics en Corse implique que l'on s'attache, là plus encore qu'ailleurs sur le territoire, à la satisfaction de la demande et des besoins réels des usagers de la desserte routière par une répartition raisonnable des m oyens financiers disponibles, à l'exclusion d'autres considérations inadaptées, sur l'activité du secteur des travaux publics par exemple.

On ne fera plus désormais de travaux sur les routes pour donner du travail aux entreprises mais bien pour satisfaire les besoins des usagers.

M. Michel Hunault.

Cela a toujours été le cas ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cette politique devrait conduire normalement la collectivité territoriale corse et l'Etat, dans le futur contrat, à concentrer leurs efforts conjugués sur un nombre réduit d'itinéraires routiers, les plus propres à favoriser le développement durable de la Corse.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Madame la ministre, vous avez développé votre politique d'aménagement du territoire en l'appuyant essentiellement sur la création d'emplois, sur la prime à l'aménagement du territoire, sur le développement économique, bref, sur la nécessité de répondre au besoin d'activités au bénéfice des hommes et des femmes.

De toute part, dans cet hémicycle, ce soir, j'ai bien compris qu'il y avait une volonté de rapprocher les hommes et les femmes entre eux sur les territoires, que ce soit par des axes de communication, que ce soit par le moyen des transports ferroviaires, que ce soit par des moyens de transports fluviaux.

Et pourtant, madame la ministre, vous n'avez pas manqué, dès votre arrivée aux affaires, de rayer d'un trait de plume, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans sa périphérie, le canal Rhin-Rhône, l'autoroute A 51 entre Grenoble et Sisteron, l'autoroute A 58 pour dédoubler l'autoroute A 8 dans le département des Alpes-Maritimes, les percées internationales alpines, les liaisons énergétiques entre Boutre et Carros. Et la liste est encore longue de tous les projets sur lesquels nos gouvernements avaient travaillé, lancé les procédures, et à l'avancée desquels vous avez mis un terme.

On ne peut pas avoir de double langage, madame la ministre. Vous nous parlez des procédures de consultation pour les schémas collectifs et pour le prochain contrat de


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plan. Mais, réellement, quelle est la méthode à suivre ? M. Balligand a illustré de manière très réaliste et très concrète le fait que, dans l'attente des prochains dispositifs que vous nous proposerez en matière d'agglomérations comme en matière de pays, nous ne disposons d'aucune règle du jeu. Comment voulez-vous que, de manière démocratique, le débat, le dialogue, la concertation puissent s'instaurer sur nos territoires afin de proposer des dispositions susceptibles de répondre concrètement à ces besoins d'infrastructures qu'aujourd'hui vous refusez autoritairement de prendre en compte, par exemple en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ? Madame la ministre, expliquez-moi où est la cohérence. Ne considérez-vous la région Provence-Alpes-Côte d'Azur que comme ce lieu de villégiature qui ne devrait satisfaire qu'aux besoins de vacances des Parisiens ? Ou croyez-vous, comme nous en avons la conviction, qu'il s'agit d'un lieu d'épanouissement culturel, d'un lieu de développement de haute technologie, d'un lieu où les hommes et les femmes, par leur intelligence et leur bon sens, peuvent développer nos territoires, pour autant que vous nous restituiez ce sur quoi nous avons travaillé : le canal Rhin-Rhône, l'autoroute A 51, le dédoublement de la nationale 202, l'A 58 et surtout les percées internationales alpines vers l'Italie qui nous rapprocheraient du Piémont, la région du Sud de l'Europe qui connaît aujourd'hui le plus fort taux de croissance.

M. Michel Bouvard.

En effet !

M. Christian Estrosi.

Madame la ministre, l'ancien président du Conseil italien, Romano Prodi, a proposé récemment qu'un grand emprunt européen finance des projets à vocation européenne. M. Jospin a approuvé cette initiative. Etes-vous favorable à ce que les projets auxquels vous avez mis un terme, il y a un peu plus d'un an et demi de cela, puissent bénéficier d'un financement de cette sorte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Rapprocher les hommes et les femmes entre eux, quel beau programme ! D'ailleurs, ne parliezvous pas de cela hier soir ici même ? (Sourires.)

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas tout à fait la même chose ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Estrosi, en la matière comme sur bien d'autres sujets, les promesses ne suffisent pas. Et pourtant, on a connu ici de grands programmes d'équipement, de grands programmes d'infrastructures qui, pour c ertains d'entre eux, avaient une caractéristique commune : ils ne se réalisaient pas, soit par manque de crédits, soit parce qu'ils étaient, de façon flagrante, en inadéquation avec les attentes de la population et qu'ils généraient de graves contentieux et de graves incompréhensions. Ainsi, pendant trente ans, on a laissé espérer le canal Rhin-Rhône à des régions, alors qu'on savait pertinemment qu'on n'avait pas les moyens de le financer et qu'il ne répondait pas aux problèmes posés par l'augmentation continue du nombre de poids lourds sur les routes, et on a laissé se dégrader de façon tout à fait incompréhensible le réseau Freycinet.

De même pour le schéma national des TGV, qui manifestement était conçu de façon un peu optimiste, alors que le réseau conventionnel se dégradait, que des lignes dites secondaires fermaient, que de petites gares voyaient leur guichet disparaître, et j'en passe.

De même encore pour les projets autoroutiers conçus pour répondre à des trafics dérisoires ou traversant sans aucun accès des territoires difficiles, alors que les problèmes liés à l'entretien du réseau national et départemental, à la sécurité, aux points noirs du bruit demeuraient entiers.

Je ne suis ni contre les aménagements, ni contre les équipements, ni contre les infrastructures.

M. Christian Estrosi.

Vous ne répondez rien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je n'ai que quelques exigences : qu'ils répondent aux besoins de la population, qu'ils soient économes en fonds publics et qu'ils se réalisent dans des délais raisonnables, pour ne pas être seulement du vent.

M. Michel Hunault.

Ce que vous dites est du vent !

M. Christian Estrosi.

Vous êtes un moulin à vent ! Je p ose des questions précises, ayez la délicatesse de répondre précisément ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai répondu, monsieur Estrosi : un projet qui ne sert à rien ne doit pas être réalisé.

M. Christian Estrosi.

Vous ne connaissez pas vos dossiers ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'en viens au franchissement des Alpes.

Comme vous le savez, lors du sommet franco-italien de Chambéry, il y a plus d'un an, les gouvernements français et italien ont réaffirmé leur intérêt commun pour une meilleure coordination entre nos pays à travers les Alpes.

On appelle cela, en général, le projet Lyon-Turin.

M. Christian Estrosi.

Je n'ai pas parlé de celui-là ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous avez parlé aussi du franchissement alpin.

M. Christian Estrosi.

J'ai parlé du tunnel sous le Mercantour ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ah bon ! Un député censé faire la loi dans l'intérêt général ne s'intéresse qu'à sa circonscrip tion et à sa région ? Drôle de conception de l'intérêt public ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. René Mangin.

C'est le conflit d'intérêts entre deux mandats ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Estrosi a présenté une longue liste de projets difficiles. Mais j'ai déjà utilisé mes trois minutes et la réponse lui suffit peut-être...

M. Christian Estrosi.

J'adresserai votre réponse à mes administrés. Ils apprécieront. Vous me rendez service !

M. le président.

Terminez votre propos, madame la ministre. M. Estrosi va maintenant vous écouter.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Concernant le franchissement des Alpes par le Lyon-Turin, le gouvernement français, en concertation avec le gouvernement italien, a décidé de privilégier


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la dimension fret du projet, d'une part, et le franchissement ferroviaire du massif alpin, d'autre part. Il nous paraît en effet essentiel de ne pas continuer à encourager l'augmentation de la part du trafic de marchandises qui utilise la route. Et la plupart des communes traversées partagent notre souci.

M. Christian Estrosi.

Ce n'est pas ce que pense Mme Guigou ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous avons tenu compte de la consultation des élus et acteurs locaux, conduite par le préfet de la région Rhône-Alpes, et nous préparons la réalisation d'une première section entre Lyon-Satolas et LepinLe Lac, pour améliorer à la fois les liaisons vers Grenoble et vers Chambéry.

Concernant le tunnel du Mercantour...

M. Charles Ehrmann.

Arrêtez, madame la ministre, ou on est là jusqu'à deux heures du matin ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Si cela ne vous intéresse pas, je m'arrête !

M. Charles Ehrmann.

Si, moi, ça m'intéresse.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Alors je poursuis.

Le rapport du Conseil général des Ponts et chaussées sur la politique française des transports dans les Alpes, rendu en mars 1998 à Jean-Claude Gayssot, démontre que le projet de tunnel du Mercantour ne répond pas aux besoins et aux intérêts français, ni nationaux ni locaux. Il préconise l'étude de solutions alternatives et un retubage du tunnel de Tende.

M. Christian Estrosi.

Il est nul, ce rapport ! Et il a été rejeté par Mme Guigou et M. Vauzelle ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je communiquerai ce qui me semble un point de vue extrêmement argumenté à M. Brossier et à

M. Gayssot.

M. Michel Bouvard.

Le rapport Brossier est grossier et truffé d'erreurs !

M. Christian Estrosi.

Quelle incompétence, madame la ministre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Quelle grossièreté, monsieur Estrosi !

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Trois circulaires ont tenté de définir la procédure d'élaboration des prochains contrats de plan

Etat-région et des schémas régionaux d'aménagement du territoire : les vôtres, madame la ministre, en date des 1er et 17 juillet derniers et celle du Premier ministre, en date du 31 juillet. Il est indiqué que ces travaux doivent tenir compte, à la fois, de la stratégie de l'Etat dans la région et des schémas de services collectifs prévus dans votre futur projet de loi, lequel ne sera voté, au mieux, qu'au cours de l'année prochaine, comme M. Balligand l'a déjà fait remarquer.

A ce jour, les régions n'ont pas connaissance officiellement de la stratégie de l'Etat dans leur zone, qui est élaborée par les préfets de région et corrigée par Paris. Elles n'ont, bien sûr, aucune orientation sur les huit secteurs des schémas de services collectifs, lesquels remplacent le schéma national d'aménagement du territoire prévu dans la loi du 4 février 1995. Il est même précisé que les schémas de services collectifs doivent être adoptés par décret au plus tard le 31 décembre 1999. C'est une date bien tardive. Ils doivent, en effet, servir de référence non seulement pour les schémas régionaux, qui seront suivis d'une enquête publique de deux mois, mais aussi pour la négociation des contrats de plan Etat-région, qui débutera au deuxième trimestre 1999.

Pour ne pas être prises au dépourvu par un calendrier imposé, quinze régions, au moins, ont déjà lancé des consultations avec leurs partenaires territoriaux habituels : élus, milieux consulaires, associations, voire citoyens.

Mais ces régions avancent à tâtons, dans un brouillard certain.

Pouvez-vous, madame la ministre, lever leurs craintes quant aux échéanciers annoncés, qui sont à la limite de l'ingérable, compte tenu de procédures complexes et contradictoires au regard des objectifs que le Gouvernement s'est fixés ?

M. Serge Poignant.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous en conviendrez avec moi, la situation n'est pas facile dans bon nombre de régions. Certaines d'entre elles ont plaidé pour que la réflexion sur les contrats de plan avance plus rapidement ; d'autres ont souhaité, au contraire, qu'on leur laisse davantage de temps pour, après les difficultés de la mise en place de majorités parfois fragiles, mener une concertation au sein du conseil régional et avec les partenaires du développement territorial. Nous avons souhaité, de ce fait, revoir le calendrier pour tenir compte à la fois des desiderata des régions et de la campagne des élections européennes. Il est en effet difficile d'imaginer que la négociation proprement dite entre l'Etat et les régions commence en pleine campagne, au mois de mai ou au mois de juin.

Nous ne remettons pas en cause l'objectif de démarrage des prochains contrats de plan au 1er janvier 2000.

En effet, le prolongement d'un an des contrats de plan a été déjà relativement mal vécu par les régions. Il est ho rs de question que l'on ne respecte pas cette date. D'ici à la fin de l'année, l'Etat aura achevé l'élaboration de ses propositions de stratégie en régions. Les préfets de région lanceront donc, après le CIADT du mois de décembre, la première phase de consultation. Elle devrait être développée sur quatre mois pleins, pour permettre de rapprocher les stratégies des régions et celle de l'Etat. A l'issue de ce rapprochement, le Gouvernement arrêtera à la fin du premier semestre, les mandats de négociation des préfets.

L'allongement de la phase de consultation devrait nous permettre de travailler avec des régions plus au clair dans leurs propositions et plus avancées dans la démarche de c onsultation qu'elles ont engagée pour leur propre compte avec les collectivités. Il devrait également nous permettre d'évaluer de façon plus complète les contrats en cours pour réorienter notre travail au service de l'emploi, de la solidarité et du développement durable. Il s'agit, dans les prochains contrats de plan, d'être plus qu'hier à l'écoute des innovations locales et des projets de développement issus du terrain.

Les préfets de région ont été évidemment destinataires de circulaires de mon ministère et du Premier ministre.

J'ai promis aux présidents de région, dans les semaines


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

qui viennent et, en tout état de cause avant le prochain CIADT, une lettre qui leur précise tous les éléments de c ette stratégie et les grandes orientations de notre réflexion. Cette lettre devrait permettre une approche suffisamment personnalisée par région pour répondre aux questions concrètes que se posent les présidents.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin.

Madame la ministre, 1999 sera une année décisive pour l'avenir de nos territoires, et l'on peut se demander si votre budget permettra d'y faire face.

La préparation de la prochaine programmation des contrats de plan Etat-région et des fonds structurels européens réclame une forte mobilisation des élus locaux à tous les échelons territoriaux. Mais du fait de l'action quelque peu désordonnée du Gouvernement, ils auront b eaucoup de difficultés à aborder ces différentes échéances.

Depuis mai 1998, les services déconcentrés de l'Etat ont pour mission d'engager la réflexion locale sur la préparation des contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006. L'accent est mis notamment, dans la lignée du rapport Auroux, sur l'incitation des exécutifs locaux à se regrouper en « territoires pertinents de projet ». Les pays et les agglomérations pourront seuls prétendre participer à la négociation de ces contrats qui constitueront le volet territorial des contrats de plan Etatrégion.

On peut alors s'interroger sur la pratique de certains préfets qui, avec un zèle tout particulier, anticipent les dispositions de deux projets de loi, l'un relatif à l'aménagement du territoire, l'autre à l'intercommunalité, qui n'ont pas encore été soumis à l'examen des députés.

« Organisez-vous, l'Etat vous aidera », avez-vous dit, madame Voynet. Encore faudra-t-il pouvoir le faire en toute liberté et non sous la contrainte, et sur la base de textes votés par le Parlement. Encore faudra-t-il en avoir le temps, puisque les contrats de plan devront être signés avant le 1er janvier 2000. Notre collègue Balligand avait raison de demander l'urgence.

Un an seulement pour repenser le maillage de nos territoires ! Avec quels moyens et dans quel objectif ? Les projets de loi font mention de chartes de territoire, de projets d'agglomération. Cela implique de nombreuses, longues et coûteuses négociations, notamment dans les zones où ces pratiques ont peu cours aujourd'hui.

L'Etat nous aidera-t-il ? On ne connaît pas l'ampleur des moyens qui seront affectés à ces nouveaux contrats particuliers.

Madame la ministre, vous prévoyez de réviser la doctrine d'emploi du Fonds national d'aménagement du territoire sans préciser quelle part réelle du fonds pourra être consacrée à l'avenir au financement des contrats locaux et dans quelles conditions l'aide de l'Etat sera accordée.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ces différents points ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, la tâche qui nous attend pour 1999 est très lourde. C'est pourquoi nous n'avons pas souhaité pousser les feux en ce qui concerne l'organisation des pays et des agglomérations. Nous entendons que les collectivités locales puissent mener de façon sereine un exercice de réflexion approfondie sur l'organisation de leur territoire là où cette réflexion n'est pas d'ores et déjà engagée et en bonne voie.

Nous aurons évidemment à coeur de reconnaître les projets qui existent ou qui sont sur le point d'être bouclés. Des projets de pays sont en préparation, certains pays existent même déjà, mais, dans l'écrasante majorité des cas, l'organisation du territoire demandera un peu plus de temps. C'est pourquoi le volet territorial des contrats de plan, qui devrait concerner à peu près un cinquième du montant total des crédits, sera mobilisable jusqu'à la fin de la première période des contrats de plan, c'est-à-dire jusqu'en 2003. Nous réévaluerons alors l'efficacité de nos politiques et nous pourrons dresser un premier bilan de la mise en place de ces outils de développement que sont les pays et les agglomérations.

Dans bon nombre de cas, les pays, qui sont avant tout des espaces de projets, seront conduits à piloter des politiques mettant en jeu d'autres compétences de mon ministère. Bien des pays sont en train d'analyser l'expérience accumulée par les parcs naturels régionaux. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappeler devant l'Association nationale des élus de la montagne, les parcs naturels régionaux, qui sont le modèle et l'ancêtre du développement local, doivent être protégés et consolidés dans le cadre de cette démarche. Il n'est pas du tout exclu que l'Etat encourage les projets des parcs en les reconnaissant à même hauteur que les pays ou les agglomérations.

M. le président.

La parole est à M. Charles Ehrmann.

M. Charles Ehrmann.

Madame la ministre, pour rendre l'atmosphère plus sereine, je vous souhaite bon anniversaire. A vous de répondre au doyen de l'Assemblée que je suis : bonne fête ! (Sourires.)

Ma question a trait à l'aménagement des AlpesMaritimes. Ce département est enclavé, encerclé par les Alpes, d'où des relations peu faciles entre l'ouest et l'est et très difficiles du sud au nord. Les habitants pensent souvent que leurs problèmes sont méconnus à Paris.

La population des Alpes-Maritimes a doublé en trente ans, atteignant plus d'un million d'habitants, alors que celle de la France, y compris le Sud-Est, n'augmentait que de 38 %. Les neuf dixièmes de la population se sont installés sur le littoral, soit sur moins de 10 % du territoire, et ont ainsi créé une « quasi-zone urbaine » continue, avec tous les problèmes d'insécurité, de bruit, de circulation, d'impôts très lourds, et ne communiquant bien avec Paris que par l'aéroport de Nice, le deuxième de France.

La Côte d'Azur étouffe littéralement. L'industrie du bâtiment est en crise profonde. Le tourisme prend conscience qu'avec l'avion à bon marché, la concurrence sera difficile avec les pays lointains aux salaires bas. Le chômage y est supérieur à la moyenne nationale. On constate aussi la paupérisation de certains quartiers. Telle est la situation.

Cependant, les efforts de la quasi-totalité des élus - moi-même en 1994 et 1996, ou encore Rudy Salles ont amené le ministre Bernard Pons...

M. Michel Bouvard.

Bon ministre !

M. Charles Ehrmann.

... qui reconnaissait que « la Côte d'Azur avait été oubliée depuis quarante ans par les gouvernements » à établir en octobre 1995 un programme de chemin de fer amélioré et de nouvelles routes d'ouest en est et surtout du sud au nord, permettant aux touristes venus d'Europe centrale et septentrionale d'accéder directement à la Côte d'Azur, au lieu de faire un détour de deux cents kilomètres par la vallée du Rhône, ce qui incite beaucoup de voitures à aller directement dans le Languedoc ou en Espagne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

Ce programme, préparé depuis plus de dix ans, a été abandonné par le gouvernement actuel, en des termes peu élogieux. Or le nouveau président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le député socialiste Vauzelle, ancien ministre, a déclaré au mois d'octobre : « Il faut désenclaver intérieurement et extérieurement le département des Alpes-Maritimes, améliorer les chemins de fer, créer des routes à travers les Alpes, développer le port de Nice », il cite même la route Nice-Digne.

Madame la ministre, qu'allez-vous faire pour donner du travail aux 60 000 chômeurs, des Alpes-Maritimes et aider le tourisme de la Côte d'Azur, qui a besoin de c ommuniquer avec le grand marché touristique de l'Europe centrale et septentrionale par une route digne de ce nom, Nice-Digne-Grenoble ?

M. Michel Bouvard.

Digne de Napoléon ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je vous souhaite volontiers bonne fête ! (Sourires.)

Comme vous le savez, les enjeux sur cette portion de territoire sont suffisamment lourds pour qu'il ait été décidé d'élaborer une directive territoriale d'aménagement sur les Alpes-Maritimes. La phase d'études préalables est achevée et le mandat d'élaboration de la DTA proprement dite a été adressé au préfet de département le 12 novembre 1997. Le périmètre définitif a été fixé à l'ensemble du département des Alpes-Maritimes. Les dispositions contenues dans la DTA devront traduire en particulier les orientations suivantes : C onforter le positionnement de la Côte d'Azur, notamment par la valorisation et la restructuration de territoires stratégiques tels que Sophia-Antipolis ou la vallée du Var, et l'amélioration des communications avec le grand Sud-Est ; Maîtriser le développement urbain de l'ensemble azuréen au moyen de politiques d'urbanisme, d'habitat et de déplacements appropriées tant pour le littoral que dans le moyen pays ; Préserver et valoriser un cadre patrimonial d'exception par l'identification d'un réseau d'espaces naturels et paysagers de qualité et par la revalorisation du haut pays.

Ces éléments ont été publiquement présentés par le préfet en décembre 1997 lors de l'ouverture de la concertation prévue par la loi. Ont été également présentées à cette occasion les études lancées pour approfondir le contenu de la DTA, notamment celles qui ont trait à l'application des lois littoral et montagne, et aux transports dans une approche intermodale, afin d'étudier les alternatives possibles au doublement de l'autoroute A 8 dont la congestion est due à un trafic essentiellement urbain. Cette dernière étude sera disponible au début de l'année prochaine.

Le projet de DTA devrait être achevé à l'été 1999 pour une période de consultations légales prévue au second semestre de la même année.

Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls sujets dont j'aie eu l'occasion de m'entretenir avec le président de la région.

Nous avons également examiné divers grands projets d'aménagement qui intéressent la région au-delà du département des Alpes-Maritimes et dans lesquels l'Etat est très engagé. Je pense aussi bien à la revalorisation de la zone de Gardanne ou à la réhabilitation de l'étang de Berre qu'au suivi de programmes pluriannuels comme Euro-Méditerranée. Je serai également très attentive, pour les raisons que j'ai déjà exposées, à l'évolution du trafic fluvio-maritime en Méditerranée. Je songe d'abord, bien sûr, au port de Marseille. J'avoue ne jamais avoir été informée des perspectives de développement du port de Nice, mais je ne serais pas hostile à ce que nous en discutions une autre fois.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Madame la ministre, il n'échappe à personne que la diversité socio-économique de notre pays implique que l'Etat doit conserver une place prépondérante dans l'aménagement du territoire. Le Conseil économique et social l'a d'ailleurs très justement souligné dans son avis sur l'avant-projet de loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, en posant cette exigence forte : « Mieux d'Etat mais pas moins d'Etat », regrettant que « ne soit plus affirmé avec une force suffisante le rôle éminent de l'Etat ».

Pour prendre en compte l'intérêt collectif de la nation, c'est cette exigence que nous devons avoir pour l'aménagement du territoire. Celui-ci ne doit pas être exclusivement une politique d'équipement au financement partagé. La contractualisation a des limites immédiates que sont les ressources et capacités différentes de nos régions.

Au cours de la préparation des futurs contrats de plan, le risque est grand, si nous n'y prenons garde, de voir s'amplifier la fracture territoriale et sociale. La juxtaposition de schémas régionaux, parfois incohérents entre eux, la multiplication des pays ne peuvent pas réellement remplacer une politique nationale.

Face à ce danger, le service public constitue une réelle réponse, car il est le ciment de l'unité républicaine.

Par conséquent, seul l'Etat, garant de l'intérêt collectif, possède la capacité de veiller à la cohérence des diverses politiques régionales portant sur l'aménagement du territoire. Il doit donc prendre en compte cette réalité, si l'on veut réellement qu'existe le principe constitutionnel selon lequel « le service public garantit au citoyen le même service quelle que soit sa position sur le territoire ».

Dans la perspective d'un aménagement du territoire cohérent, voulu et organisé, l'Etat a un rôle d'autant plus important que l'organisation du territoire doit maintenant se construire dans la perspective de l'Union européenne.

Cela veut dire très clairement que le « strictement local » doit s'apprécier non seulement en fonction de l'unité du territoire dans sa dimension hexagonale, mais aussi dans sa démarche vers une organisation cohérente de l'Union, qui, ne l'oublions pas, contribue financièrement au développement local.

Aussi, madame la ministre pouvez-vous nous indiquer la place que vous entendez réserver à l'égalité de chaque citoyen devant le service public dans le cadre de l'aménagement du territoire ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, je pense que nous sommes d'accord sur le rôle à réserver à l'Etat, loin du débat caricatural entre ceux auxquels on reprocherait d'être recentralisateurs et ceux qui seraient accusés de vouloir brader l'Etat.

Je souhaite que la décentralisation continue, qu'elle soit plus solide, plus cohérente, plus démocratique. En même temps, je pense que l'Etat doit garder un rôle irremplaçable. Il est en effet le garant de la cohérence de l'aménagement du territoire, à la fois dans la dimension inter-


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régionale, transfrontalière et dans la déclinaison des grandes politiques publiques. Il est aussi le garant de l'équité dans l'accès aux équipements et aux services et dans la répartition des ressources par la voie de la fiscalité ou par celle de la péréquation et de la redistribution.

Dans cette stratégie nationale, le service public joue un rôle essentiel.

L'amélioration de la qualité des services, leur répartition plus équilibrée sur le territoire sont des préoccupations fortes du Gouvernement. Elles devraient l'être encore davantage au cours de la période à venir. De nombreuses expériences ont montré que des solutions existent en la matière : maisons de services publics, services mobiles, bureaux à horaires partagés, utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, pratiques intercommunales, par exemple.

Le statut du fonctionnaire autorise une certaine souplesse de gestion des personnels et les dispositifs de concertation mis en place par les gouvernements successifs devraient nous permettre de voir de façon lucide quelle peut être la contribution de ces évolutions dans la façon de rendre le service. Toutefois, cela ne suffira pas, nous le savons bien. Nous devons donc mettre en cohérence ces expériences et faciliter la mise en place de ces dispositifs.

Le préfet doit retrouver un pouvoir réel de coordination en matière d'implantation et de relocalisation de services publics. Ce pouvoir passe d'abord par le renforcement de sa capacité de prévision et d'anticipation. Il doit aussi avoir la possibilité de refuser des réorganisations et, a fortiori, des suppressions quand celles-ci ne sont pas accompagnées d'une stratégie crédible du maintien du niveau et de la qualité du service.

Les territoires, les communes, les départements, les agglomérations et, demain, les pays, doivent disposer des moyens pour construire des stratégies innovantes, pour adapter les services publics, pour appuyer les opérateurs, pour développer les partenariats. Au plan budgétaire, l'Etat doit mobiliser des crédits d'études, d'ingénierie, de démarrage pour des montages autorisant de véritables fonctionnalités multiservices. Il doit contribuer au fonctionnement des opérateurs locaux ainsi installés. Il doit faire participer financièrement les secteurs qui suppriment les services à leur reconversion ou à leur transformation sur place et mieux surveiller, dans ces cas-là, la qualité des mesures de compensation, par exemple en matière d'habitat, et celle des dispositions d'incitation et d'installation en matière d'activités.

Le Premier ministre, avec lequel j'ai récemment évoqué ces questions, partage ce souci d'une politique mieux coordonnée. Cela devrait nous permettre d'annoncer des priorités claires lors du prochain CIAOT avec la mise en place d'un dispositif national d'observation, d'appui à l'innovation, d'alerte, de suivi et de meilleure articulation des efforts effectués par les uns et les autres en la matière.

M. le président.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Madame la ministre, ma question est dans le droit-fil de vos derniers propos.

Si nous manquons de projets dans le domaine public ou privé, c'est parce que nous manquons de matière grise dans les territoires, qu'il s'agisse des pays ou des agglomérations. Je me permets d'insister sur cette question parce que je suis frappé de voir le retard considérable que nous avons en matière de projets d'amont, de projets pouvant avoir des effets de levier sur les systèmes de développement et nous permettant de mener enfin des politiques cohérentes au niveau géographique qui convient.

Pour essayer de combler ce déficit, je fais une proposition : le premier des projets à inclure dans les contrats de plan - vous pourriez même l'expérimenter dès 1999 - est l'embauche de professionnels dans les collectivités en préfiguration de pays, dans les pays, dans les agglomérations, afin de renforcer des équipes déjà existantes ou d'en créer de nouvelles. Si nous ne donnons pas la priorité à cette action, nous continuerons à privilégier les projets d'aval, les projets lourds, les projets capteurs d'argent choisis à la dernière minute pour essayer de remplir les lignes des programmes. Nous demeurerons alors dans nos handicaps et nous ne pourrons pas surmonter les difficultés que nous rencontrerions en matière d'aménagement du territoire.

Avant de donner de l'ampleur à ce projet dans le cadre des contrats de plan, ne pourrait-on pas, dès l'année prochaine, avec les crédits disponibles, encourager les partenaires locaux à embaucher des jeunes ? Je précise que je ne parle pas d'emplois-jeunes, préférant une stratégie d'embauche de professionnels. Ils sont trop nombreux, en France, à pointer au chômage après être sortis des écoles d'architecture, de paysage, ou d'aménagement, alors qu'ils sont porteurs de bons projets, au moment même où l'on se plaint d'en manquer. Il faut en finir avec cette contradiction.

C'est pourquoi j'insiste vraiment pour que soit lancé un grand programme d'embauche de professionnels dans les territoires. En affichant clairement cette volonté dès 1999 par l'embauche de quelques centaines de jeunes, on marquerait cette année d'une pierre blanche.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous savez que la politique d'aménagement du territoire peut se traduire par une aggravation des inégalités entre les régions et, au sein des régions, entre différentes portions d'un territoire.

Il est, en effet, indéniable que les outils sophistiqués que nous développons sont moins accessibles aux petites collectivités et aux territoires les plus difficiles, ceux dont les jeunes sont partis, ceux dont les acteurs du développement ont été tentés de baisser les bras.

Nous avons donc besoin de réactiver la matière grise afin que des projets et des idées apparaissent dans ces territoires. Cela étant, je ne suis pas convaincue que les emplois auxquels vous pensez doivent s'adresser prioritairement à des jeunes. En effet, pour remobiliser autour de projets de développement, il est préférable d'avoir de l'expérience, de la motivation et une certaine solidité. Les jeunes peuvent en avoir, mais il ne faut pas oublier que les accompagnateurs de projet ont un travail très lourd et très difficile à accomplir.

Depuis longtemps, la DATAR attribue des subventions qui sont affectées au FNADT, titre IV. Elles sont notamment allouées à des réseaux de développement local, à des associations qui participent à l'aménagement du territoire, à des projets de développement qui parient sur cette inventivité, sur cette créativité des territoires.

Je pense également à de nombreux réseaux dont l'expérience nous est très précieuse car ils ont su développer ou maintenir des emplois dans des zones difficiles. Leur travail a même pu avoir un effet d'entraînement et d'exemple dans des territoires a priori un peu moins difficiles. Je peut citer l'UNADEL, les comités de bassin d'emploi, le réseau national des entreprises d'insertion, le


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réseau d'économie alternative et solidaire. Ils ont parfois fait des miracles avec bien peu d'encouragements de la collectivité.

La mobilisation de ces réseaux, la détection de matière grise sur le territoire et la mise en place d'agents de développement local, notamment par le biais du volet territorial des contrats de plan, doivent nous permettre d'identifier de nouveaux métiers, de créer de nouvelles activités, de monter de nouveaux projets. J'insiste sur le fait qu'ils seront souvent modestes, avec la création de seulement un, deux ou trois emplois. Ce sont donc des moyens extrêmement fins et différenciés qui seront mis en oeuvre sur le terrain. Conduire cette action sera difficile pour un ministère aussi peu armé sur le plan humain que le mien, mais ce n'est évidement pas cela qui conduira les 113 employés de la DATAR à baisser les bras.

M. le président.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay.

Ma question rejoint celle d'Yves Dauge. Des articles récents parus dans la presse quotidienne régionale ont alerté et ému le public et les élus locaux en soulignant le faible degré de consommation des crédits européens. Tel est notamment le cas dans le département du Lot où, en ma qualité de président de l'Association des élus, j'ai animé notre dernier congrès départemental en partie sur ce thème. En effet, au moment où la réforme des fonds structurels communautaires se profile, une information de cette nature pose de nombreuses interrogations.

Pourquoi, alors qu'il paraît si complexe à des élus communaux de bâtir des projets et, surtout, des plans de financement, ces fonds sont-ils sous-utilisés ? Dans mon département, l'objectif 2 pour le bassin de FigeacDecazeville et l'objectif 5 b pour le reste du département sont concernés. La question que nous nous posons est celle de savoir comment développer, demain, une politique rurale encore plus efficace grâce au nouvel objectif 2.

Comment maintenir le niveau d'intervention globale des fonds européens dans notre département en activant nos processus administratifs et en le faisant savoir à chacun des opérateurs, à commencer par les plus petits d'entre eux, même réunis, c'est-à-dire pour ceux qui sont en capacité d'irriguer le territoire profond ? Comment leur donner les moyens de faire avancer concrètement et rapidement leurs projets ? C omment mieux gérer le solde des enveloppes actuelles ? Quels mécanismes de gestion faut-il mettre en place pour être globalement plus efficace, c'est-à-dire soutenir les projets communaux et intercommunaux de développement local sans que les nécessaires arbitrages entre ville et campagne soient incompatibles avec un aménagement harmonieux du territoire ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Elue locale, comme la plupart d'entre vous, il m'est arrivé souvent de me perdre dans le maquis des objectifs et des programmes communautaires. La proposition de la Commission de simplifier l'ensemble du dispositif en réduisant le niveau des objectifs et le nombre des programmes d'intérêt communautaire, en faisant en sorte que les modalités de la gestion soient plus lisibles, plus compréhensibles, devrait faciliter les choses pour les élus locaux.

Elle devrait s'accompagner, pour ce qui nous concerne - je l'ai déjà annoncé -, d'une réforme du décret de 1 972 et d'une amélioration du dispositif afin de permettre une délégation plus rapide des crédits, ce qui aurait un impact très direct sur le moral de ceux qui montent des projets et qui se découragent parfois face à la lourdeur des procédures, à leur complexité et au nombre de formulaires à remplir pour des sommes parfois extrêmement modestes.

La Commission propose, pour la prochaine génération de fonds structurels, que l'actuel objectif 5 b consacré au développement rural soit inclus au sein d'un objectif 2 nouveau qui regrouperait les trois problèmes : dynamique urbaine, problèmes industriels et développement rural.

Cette proposition a été motivée par un souci de plus grande solidarité au profit des régions les plus en difficulté. Elle vise à une concentration géographique des territoires éligibles et à une intensification des aides sur ces territoires. Cela devrait se traduire par une réduction significative du pourcentage des populations éligibles. En France il serait ainsi ramené, selon les premières projections, de 43 % à 38 % de la population. Même si cette évolution n'est pas pleinement satisfaisante, elle nous permettrait de conserver une situation plus favorable que celle de nos partenaires de niveau comparable.

La deuxième difficulté tient au fait que l'intensification des aides sur des territoires plus restreints risque de poser des problèmes de consommation des crédits et de montage des projets. Il nous appartiendra d'être suffisamment inventifs pour développer des actions et des projets adaptés.

La proposition de la Commission prévoit aussi le maintien du programme d'initiative communautaire LEADER. La France souhaite que les moyens mis à sa disposition soient renforcés. La ministre plaide aussi pour que LEADER III soit, si possible, d'un usage plus simple, plus commode, plus limpide que LEADER II, ce qui ne devrait pas être compliqué. (Sourires.)

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Là vous avez raison ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les actions de développement rural financées sur la ligne directrice agricole bénéficieront, c onformément à la décision de la Commission, à l'ensemble du monde rural. Elles devraient avoir une plus grande souplesse dans la mesure où elle ne seraient pas soumises à un zonage.

Il faut néanmoins savoir que ces orientations ne sont pas encore définitivement arrêtées. Elles font toujours l'objet de discussions à Bruxelles. Dans ces négociations le Gouvernement veillera à ce que ce dispositif permette de préserver l'essentiel des moyens d'action communautaires destinés au monde rural. Ils ne sont peut-être pas aussi connus que les politiques spécifiquement agricoles, mais ils ont, dans bon nombre de nos régions, un effet majeur sur le développement local.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, ma question porte sur les négociations relatives aux contrats de plan et sur le rôle que peuvent y jouer les conseils généraux et les départements. Je ne vous la pose pas par une sorte de f étichisme parce que je serais un départementaliste acharné ni pour le principe.

En fait je crois que, s'agissant d'aménagement durable, le département est, qu'on le veuille ou non, le lieu privilégié d'une vraie solidarité territoriale, humaine et sociale.

Tous ceux qui ont la responsabilité de gérer des départe-


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ments relativement pauvres, bénéficiant de dotations de fonctionnement minimales, le savent bien, car ils doivent faire jouer la solidarité départementale entre territoires riches et pauvres afin d'assurer une bonne cohésion.

Par ailleurs le département est incontestablement celle des collectivités locales où l'on prend le plus en compte le problème des infrastructures qui sont absolument nécessaires pour assurer un vrai développement, qu'il s'agisse de communication ou d'assainissement.

Enfin les départements sont toujours sollicités par les régions pour compléter les dotations régionales.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je voudrais savoir comment vous envisagez le rôle des départements. La lecture de votre circulaire qui laisserait à penser que les départements n'auront pas voie au chapitre seraitelle une lecture sommaire ? J'en profite pour souligner qu'en dépit de toutes les novations qui interviendront dans les contrats de plan il ne faudrait pas perdre de vue la nécessité de poursuivre une politique des infrastructures. Responsable d'un département où, manifestement, le développement a suivi le désenclavement - même si cela ne se voit pas de Paris je ne voudrais pas, personnellement, que les nouveaux contrats de plan oublient l'importance primordiale du désenclavement.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

Excellente remarque !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Barrot, je veux vous répondre très sérieusement.

La loi Pasqua ne disait pas un mot des villes.

M. Jacques Barrot.

Ce n'est pas une référence pour moi ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Pour autant, personne n'a accusé M. Pasqua de vouloir supprimer les villes ! Il est donc évident que les départements seront associés à la phase de consultation et de concertation comme auparavant. Dans la mesure où ils sont porteurs de projets, dans la mesure où ils interviennent sur le territoire, ils pourront être des partenaires des contrats de plan comme ils l'ont été par le passé.

Cela étant, je tiens beaucoup au respect des compétences. Or la région a un rôle particulier à jouer en matière d'aménagement du territoire et je ne pense pas qu'une autre collectivité locale lui conteste ce rôle de chef de file, de pilote, d'animateur du débat. Si le législateur a confié au département la responsabilité de l'action sociale, il a laissé à la région le soin d'animer la réflexion en matière d'aménagement du territoire et de piloter les grandes politiques d'aménagement du territoire. C'est donc dans ce cadre que nous travaillerons au cours des prochains mois.

Contrairement à ce que certains ont cru, il est probable que, dans certaines régions au moins, le rôle des départements sera accru au cours de la phase préliminaire.

Il pourrait ainsi leur être demandé d'être plus créatifs et plus innovants en matière d'aménagement du territoire qu'ils ne l'ont été dans le passé.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre, l'aménagement du territoire impose une logique, et je voudrais savoir si elle sera respectée.

D'abord la stratégie de l'Etat est exposée dans la région, où elle doit être assimilée par les élus régionau x. Ensuite le schéma des services doit orienter, éclairer les schémas régionaux d'aménagement du territoire. Enfin les schémas régionaux doivent inspirer les contrats de plan

Etat-région pour la période 2000-2006. Cette logique, qui impose une certaine chronologie dans les travaux afin que les contrats de plan Etat-région soient la première étape opérationnelle de schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire cohérents, s'inspirant des directives nationales et du schéma des services sera-t-elle respectée ? Il conviendrait donc que vous éclairiez les régions par un document approprié afin d'assurer le respect de cette logique d'aménagement du territoire. Considérez-vous bien qu'il faille associer étroitement schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire et contrats de plan Etat-région ? Deuxième question : le volet territorial est constitué par les contrats de pays et les contrats d'agglomération.

Ces pays, qui sont constitués par plusieurs entités géographiques couvertes par des structures intercommunales à vocation multiple, vont-ils pouvoir coordonner leurs projets dans le cadre d'une association loi de 1901 ou d'une agence de développement associative, ou leur demanderez-vous de constituer des syndicats mixtes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Très bonne question.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je n'ai pas caché tout à l'heure la difficulté qu'il y aura à mener à bien les chantiers lourds et étroitement imbriqués qui nous attendent dans les mois à venir.

Cela étant, les régions ne decouvrent pas aujourd'hui la nécessité d'élaborer un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire. L'artile 6 de la loi Pasqua exigeait que le contrat de plan Etat-région tienne compte des orientations de ce schéma.

M. François Sauvadet.

Tout à fait.

M. Patrice Martin-Lalande.

Vous avez de très bonnes lectures ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je sais par ailleurs que certaines régions, avant même les élections régionales, se sont lancées dans des exercices de réflexion prospective à moyen terme et même de programmation plus concrète.

M. Patrice Martin-Lalande.

Les départements aussi.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En tout état de cause, nous ne sommes pas complètement démunis.

Il nous faudra, c'est vrai, assurer la cohérence entre les grandes orientations des schémas de services collectifs et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire. Je vous rappelle que, pour ces schémas, la perspective est de vingt ans, ce qui permet de ne pas avoir le nez sur le guidon, alors que, pour les contrats de plan, même s'ils prévoient des phases de réalisation de grands équipements, elle est de sept ans.

Nous ferons en sorte d'accélérer la réflexion au moins sur deux schémas qui, l'expérience l'a démontré, sont indispensables pour éclairer les contrats de plan : le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

schéma des services de transport et le schéma des services de l'enseignement supérieur. Les discussions pourront ainsi s'engager entre l'Etat et les régions sur une base équilibrée.

En ce qui concerne les schémas de services collectifs des transports, le cahier des charges a été communiqué aux régions il y a déjà plusieurs semaines. Les préfectures de région se sont mises au travail. Celui-ci avance donc au rythme prévu.

Enfin, le schéma régional, tel que nous l'avons conçu, comporte, outre des éléments cartographiques, une charte de développement régional qui devrait traduire de façon très concrète la priorité donnée à l'emploi et au développement local tout en favorisant des éléments de réflexion prospective à long terme, tenant compte de l'évolution démographique, économique, touristique et culturelle d'une région.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Barrot, pour sa seconde question.

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, ma seconde question concerne vos deux départements ministériels, l'environnement et l'aménagement du territoire : elle a trait à notre chère Loire, à laquelle nous sommes très attachés mais qui nous a valu beaucoup de déboires.

Nous sommes aujourd'hui un peu prisonniers du conflit qui oppose l'Etat et l'EPALA, l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents.

Vous connaissez bien le dossier : des populations sont menacées, le long du fleuve, de même que certaines activités auxquelles nous tenons et que nous voudrions protéger ou réinstaller. Nous qui habitons la Loire amont sommes les victimes du blocage de la situation, né du problème de Chambonchard. Il ne faudrait pas que cette situation s'éternise. Je le rappelle : des gens sont inquiets pour leur vie et celle de leur famille et des activités qui font partie du développement de la Loire amont sont menacées. C'est un appel au secours que je vous lance.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Barrot, le département de la Loire n'a pas été trop mal traité par l'Etat au cours des derniers mois, mais ce n'est pas de cela que vous voulez parler aujourd'hui. Je mettrai donc de côté la liste des mesures arrêtées par le dernier CIADT pour permettre la diversification des activités, le renforcement des compétences, à Roanne et à Saint-Etienne notamment. Je me c ontenterai de vous rappeler que le décret créant l'EPORA, l'établissement public foncier, tant attendu par les élus de la Loire, a été présenté au conseil des ministres le 14 octobre.

Vous avez évoqué le plan décennal « Loire grandeur nature ». Approuvé le 4 janvier 1994, il arrive au terme de sa première phase de cinq ans en 1998. L'Etat, en mettant en place des outils pour réglementer l'occupation du sol, a mis un frein à la construction en zones inondables. Il a rénové le système d'annonce des crues, participé à hauteur de 160 millions de francs, en partenariat avec les départements et régions concernés, à la restauration du lit et au renforcement des levées de la Loire entre la Haute-Loire et Nantes. Il a totalement financé en Haute-Loire la protection de Brives-Charensac pour un montant de 321 millions de francs. Le barrage de BrivesCharensac avait été durement touché par la crue de 1980 et a été doté d'équipements de protection lors de la crue importante de l'année dernière.

L'Etat a engagé un important programme d'étude sur le fonctionnement de la Loire de Nevers à l'estuaire, qui devrait permettre de préciser la stratégie de gestion de la Loire et de ses levées, notamment en période de crues exceptionnelles.

Le barrage de soutien d'étiage de Naussac 1 a été complété par Naussac 2. Un important programme de restauration du milieu naturel a en outre été engagé avec, en particulier, des crédits européens. Dans le même objectif, les barrages de Maison-Rouge et de SaintEtienne-du-Vigan ont été ouverts.

Il importe maintenant de préparer une deuxième phase de ce plan Loire. Elle doit s'orienter autour des axes suivants : poursuite de la prévention des inondations avec l'achèvement du réseau d'annonce des crues, la réalisation de PPR - de plans de prévention des risques -, et la poursuite de la restauration des digues et du lit ; restauration du milieu naturel et, en particulier, action pour le retour de poissons grands migrateurs et sauvegarde des milieux naturels de l'estuaire, valorisation du patrimoine ligérien, mise en oeuvre de schémas locaux de développement par sous-bassins, en particulier dans le secteur de Montluçon et ce, quelle que soit la décision du Gouvernement sur Chambonchard. Celle-ci devrait être prise prochainement et, en tout cas, annoncée avant le prochain CIADT.

D'une manière générale, cette deuxième phase visera à mieux inscrire le plan Loire dans un processus de développement durable en s'appuyant davantage sur l'amélioration de la gestion des milieux que sur la programmation de grands travaux.

M. Patrice Martin-Lalande.

L'un n'exclut pas l'autre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Comme vous l'avez dit, l'EPALA a décidé le 7 juillet 1998 de suspendre sa participation au plan « Loire grandeur nature », compromettant la réalisation de projets acceptés par tous, au prétexte que l'Etat souhaitait prendre le temps d'expertiser l'utilité du barrage de Chambonchard.

Je déplore la décision de l'EPALA, car elle pourrait mettre en péril la quasi-totalité du plan. J'espère que l'EPALA se ravisera et que nous pourrons revoir l'ensemble des programmes qui peuvent paraître aujourd'hui mal dimensionnés ou mal adaptés pour répondre en priorité aux besoins des habitants de la vallée de la Loire, qu'il s'agisse de développement économique et touristique ou de la sécurité et de l'approvisionnement en eau des habitants de ce bassin.

M. le président.

Chers collègues, nous sommes à peu près à la moitié des questions. A ce rythme-là, nous n'aurons pas fini avant deux heures du matin ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

J'insiste donc auprès de vous pour que vous soyez plus concis.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Michel Bouvard, dont tout le monde connaît à la fois la concision et la densité de pensée. (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, comme vous l'avez observé, les élus de la montagne sont nombreux ce soir.

Vous avez rappelé tout à l'heure les décisions prises à Autrans : le volet montagne du contrat de plan, les schémas régionaux de massifs, le retour du Conseil national


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de la montagne. M. Augustin Bonrepaux pourra être élu président de la commission permanente de ce Conseil lorsqu'il se réunira. Mais, pour l'instant, ce n'est pas le cas.

Nous avons tout de même quelques inquiétudes. Le débat sur l'instance d'évaluation a été relancé tout à l'heure. Vous nous avez dit, madame la ministre, que les travaux de l'instance d'évaluation verront leur achèvement à la fin de l'année mais c'est exactement ce que vous avez dit en 1997 à M. Bonrepaux. En réponse à la question écrite qu'il avait posée le 15 décembre 1997, à ce sujet, vous indiquiez : « Les travaux de l'instance d'évaluation seront achevés pour la fin de l'année en cours. »

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce n'est pas moi qui tient la plume !

M. Michel Bouvard.

Peut-être que, cette année, ce sera le cas.

Le problème de l'évolution des crédits du Fonds d'interventiion pour l'aménagement de la montagne, le FIAM, a été évoqué aussi. Mais je voudrais m'en tenir à une double préoccupation qui concerne la montagne et les fonds structurels européens.

L'Agenda 2000 est une opération importante pour l'ensemble du territoire et peut-être encore plus pour les zones de montagne parce qu'elles sont les plus fragiles.

Or nous avons constaté que l'identité de la montagne et sa spécificité n'étaient pas reconnues au niveau communautaire. Aucune déclaration n'en fait mention.

Ma première question est donc la suivante : le Gouvernement entend-il se battre pour que soit prévu, dans les fonds structurels, un volet montagne ou, au moins, un programme d'intérêt communautaire montagne ? Et, le Gouvernement entend-il, pour cela, s'appuyer sur la charte européenne des régions de montagne du Conseil de l'Europe ?

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

Ce document d'essence européenne peut nous servir de point d'appui et de levier pour obtenir enfin de Bruxelles la reconnaissance des zones de montagne et une politique spécifique en leur faveur. C'est une préoccupation pour nous tous.

A cette question, j'en ajoute une autre relative au zonage. Nous avons longuement évoqué aujourd'hui les problèmes de la prime d'aménagement du territoire, la PAT. Or, il se pose un problème. Les zones reconnues au niveau communautaire comme des zones en difficulté, au regard de l'objectif 5 B aujourd'hui ou du nouvel objectif 2, demain, ne coïncident pas avec les zones éligibles à la PAT. Les régimes d'aides nationales et communautaires sont incohérents.

Je donne un seul exemple...

M. le président.

Un seul, oui !

M. Michel Bouvard.

... et j'en terminerai par là.

Vous avez, cet été, madame la ministre, cosigné un décret réformant le décret de 1982 relatif à l'immobilier d'entreprises. Celui-ci a plafonné le montant des aides de manière identique pour toutes les zones qui ne sont pas éligibles à la PAT. La construction d'un bâtiment dans une zone industrielle située à 800 ou à 1 000 mètres d'altitude coûtant 30 % plus cher qu'en plaine, comment les communes de montagne pourront-elles, si les aides sont plafonnées au même niveau qu'en plaine, attirer de nouvelles implantations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Bouvard, vous connaissez certainement mieux la montagne que moi.

M. Michel Bouvard.

Vous la connaissez aussi ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le Jura, dont je suis originaire, n'est sans doute pour vous qui avez des moutons qu'une montagne à vaches.

M. Michel Bouvard.

Pas du tout. Nous avons beaucoup de respect pour le Jura ! Nous avons une tradition de coopératives fruitières commune ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je suis heureuse de l'entendre, et tous les Jurassiens avec moi.

Quant on regarde de près les éléments dont nous disposons sur la montagne, on se rend compte que la montagne n'existe pas vraiment comme une entité cohérente.

Il y a des zones de montagne dont la situation est très difficile et d'autres qui s'en tirent fort bien et sont très dynamiques et qui ne devraient pas logiquement bénéficier des mêmes attentions que celles qui voient partir leur population et cesser les activités rurales, commerciales, artisanales et industrielles.

Je vous le dis tout net : je serais gênée de devoir défendre l'idée de dispositifs montagne qui ne feraient pas la différence entre ces deux types de zones, que ce soit dans des discussions communautaires, nationales ou plus locales.

La refonte complète de la carte des zonages devrait nous permettre d'avoir une approche plus fine du territoire pour cibler de façon prioritaire les zones confrontées à la désertification rurale, à des suppressions d'emplois artisanaux et industriels et à des difficultés géographiques et climatiques particulières.

Certains ont proposé d'ajouter un critère : l'effort consenti pour protéger un patrimoine naturel et culturel d'intérêt collectif. J'ai l'intention d'y contribuer, pour ma part, par le biais du fonds de gestion des milieux naturels mais cela ne suffira pas et, si nous pouvions obtenir que le maintien de la qualité des milieux soit reconnu au niveau communautaire comme donnant droit à des fonds structurels, j'en serais ravie.

La carte des aides européennes devra, vous le savez, coller assez étroitement à celle de la carte des aides nationales puisque la Commissaire européenne a déclaré qu'elle ne tolérerait pas une distorsion de plus de 2 % entre les deux cartes. Il nous faudra revoir de façon très précise les zones qui pourraient bénéficier de cette souplesse. La discussion sera d'autant plus difficile que beaucoup d'élus considèrent qu'un zonage est presque acquis ad vitam aeternam , indépendamment de l'évolution ultérieure des conditions économiques du territoire auquel il s'applique. Or, les zones de montagne bien organisées qui ont monté des projets et créé une dynamique locale pourraient ne pas garder les zonages dont elles bénéficient aujourd'hui de façon intégrale.

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Madame la ministre, vous nous avez expliqué que l'année 1999 était très importante pour l'aménagement du territoire parce qu'elle verra la discussion des futurs contrats de plan, de la réforme des fonds européens et des futurs schémas de services collectifs.


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Ma question est très précise. Vous avez parlé des schémas régionaux. Mais, sur des investissements importants, il faut que l'Etat se détermine. Dans le Grand Ouest, sont prévus la construction d'un aéroport au nord de Nantes et la modernisation des voies ferrées sur la façade atlantique, entre Nantes et Bordeaux et vers la Bretagne.

L'Etat entend-il, à l'occasion de ces schémas nationaux, privilégier des investissements d'intérêt interrégional ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je vous remercie pour votre concision, monsieur le député.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, de nombreuses régions ont prévenu qu'il ne serait pas question pour elles de contribuer au financement d'équipement d'ampleur nationale. Elles entendent s'en tenir à leurs compétences et non de venir systématiquement aider l'Etat à boucler définitivement ses grands projets. Il faudra donc bien distinguer ce qui relève de la dimension interrégionale de ce qui relève de la dimension nationale au moment de négocier la contribution à un projet des différents partenaires.

Le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes fait évidemment l'objet d'une discussion dans le cadre de l'élaboration du schéma de service collectif des transports.

L'actuel aéroport de Nantes-Atlantique n'est pas saturé, mais il est la cause de survols fréquents du centre-ville de Nantes, qui gênent beaucoup les habitants. Quant à l'aéroport de Rennes - Saint-Jacques, à sept kilomètres de Rennes, il a perdu une partie importante de son trafic depuis la mise en service du TGV Ouest. La liaison aérienne Rennes-Paris subsiste néanmoins, ainsi que plusieurs lignes transversales et internationales.

La desserte aérienne des villes de province reste encore largement tributaire du passage par Paris. A l'avenir, les développements de ces dessertes passera sans doute davantage par des lignes directes nationales et internationales et par le développement de hubs régionaux qui permettront d'éviter une saturation de la capitale. Nantes est une de ces quelques villes de province dont l'importance en termes d'aménagement du territoire justifiera et alimentera une desserte internationale diversifiée, comportant à terme des liaisons intercontinentales. Dans cette perspective, l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique présente de larges réserves de capacité. Il serait dès maintenant en mesure d'accueillir les liaisons longs courriers.

Toutefois, du fait de la proximité de l'agglomération, les survols du centre de Nantes occasionnent des nuisances qui limiteront ce trafic. Le déplacement de l'aéroport sur le nouveau site de Notre-Dame-des-Landes permettrait de s'affranchir de ces contraintes, mais il vous faudra examiner plus en détail si une telle hypothèse répond bien à l'objectif de satisfaction des besoins de la clientèle et à celui d'une optimisation de l'appareil multimodal des moyens de transport, sans oublier son impact sur l'environnement. C'est l'objet de la réflexion en cours dans le cadre de l'élaboration du futur schéma de service collectif de transport des personnes et des marchandises.

S'agissant de la desserte de l'arc atlantique, je suis particulièrement attentive à ce que le maillage du territoire s'effectue avec des moyens adaptés aux besoins des populations, qu'il s'agisse du réseau routier, du réseau ferroviaire ou de l'appareillage portuaire et aéroportuaire. Je n'ai pas encore pu vérifier si les projets élaborés, souvents éparément, par les régions Bretagne, Pays-de-Loire, Aquitaine, sans oublier Poitou-Charente, chère à M. Raffarin, pourront être utilement repris dans le cadre des prochains contrats de plan.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Madame la ministre, j'appelle à nouveau l'attention du Gouvernement sur une double remise en cause d'outils d'aménagement du territoire.

L'entrée en vigueur de loi relative à la réduction du temps de travail a supprimé, au moins durant la phase transitoire, toute possibilité de cumul des aides, même partiel. Une entreprise réduisant le temps de travail dans les conditions prévues par la loi a droit à une aide pour compenser en partie le surcoût salarial. Il s'agit donc d'une mesure générale de compensation due à toute entreprise, quel que soit son lieu d'implantation en France.

Si un cumul des aides, même partiel, reste interdit dans les ZRR, les entreprises choisiront bien évidemment la plus intéressante. Si c'est la prime aux 35 heures, l'incitation à s'installer ou à se développer dans les ZRR disparaîtra. L'interdiction de cumul se traduira donc par une brutale régression de la politique d'aménagement du territoire. Si l'aide la plus intéressante s'avère être liée à la ZRR, l'avantage voulu par le législateur en 1995 pour inciter au développement dans les ZRR en sera, de façon mécanique, considérablement réduit, puisqu'il ne correspondra plus qu'à la différence entre les aides aux ZRR et la prime aux 35 heures touchée par les entreprises du reste du territoire. Dans cette hypothèse-là, l'interdiction de cumul aboutit à une diminution importante de l'incitation dont les zones de revitalisation rurale ont pourtant grand besoin.

Dans les deux cas, l'interdiction de cumul remet gravement en cause les moyens de rééquilibrer le territoire. Il me semble profondément illogique qu'une mesure générale vienne éliminer une mesure spécifique dont l'objet est pourtant radicalement différent.

Le cas de figure est pratiquement identique pour l'impossibilité de cumuler une aide au titre du fonds de reconversion des entreprises de défense avec les aides liées à une implantation ou à un développement dans les ZRR. Là aussi, les objectifs sont bien distincts : il est illogique que ces dispositifs ne puissent pas s'ajouter, puisque l'objet du FRED est justement de compenser le handicap lié aux destructions d'emplois dans les industries de défense situées dans des zones déjà défavorisées.

L'interdiction de tout cumul, c'est, me semble-t-il, l'interdiction des politiques d'aménagement du territoire, puisque l'on traite partout les entreprises de la même manière. La possibilité d'un cumul, au moins partiel, doit être ouverte.

Q u'entend faire le Gouvernement, madame la ministre ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, le principe de noncumul des aides spécifiques aux ZRR était déjà prévu par la LOAT, exception faite de l'exonération sur les bas salaires et de l'aide prévue au titre du contrat initiative emploi.

La nouvelle mesure réduit effectivement l'avantage accordé aux ZRR.

M. Philippe Martin.

Dramatiquement !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

M. François Sauvadet.

C'est un réel problème, madame.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il est nécessaire de mesurer l'impact réel des avantages accordés aux zones de revitalisation rurale. Celles-ci avaient vocation à être des lieux d'expérimentation de nouvelles dispositions réglementaires, ou non. Un bilan d'ordre financier sera établi pour le 1er janvier 2000.

M. Philippe Martin.

Pourquoi attendre ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le coût budgétaire de ces dispositifs est estimé à 750 millions de francs environ, dont 10,5 millions au titre de l'exonération de la TP, 150 au titre de l'abaissement des droits de mutation sur les commerces, 400 environ au titre de l'abaissement des cotisations d'allocations familiales, 103 au titre de la suppression pendant un an des charges sociales liées à l'embauche du premier salarié. Il semblerait effectivement que l'abaissement des cotisations d'allocations familiales dans les zones de revitalisation rurale soit remis en cause. Pour ma part, je le déplore,...

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande.

Il ne fallait par le supprimer avant de connaître le bilan.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... puisque nous n'avons pas encore pu tirer le bilan des dispositions en faveur des ZRR : il nous faudra attendre le 1er janvier 2000.

En ce qui concerne le FRED, le cumul est possible lorsque ce fonds intervient sous forme d'aides à l'investissement.

M. Patrice Martin-Lalande.

Mais pas dans les autres cas.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pour me résumer, s'il ne me paraît pas évident qu'il faille cumuler les avantages liés aux trentecinq heures avec celui prévu pour les zones de revitalisation rurale, il me semble, en revanche, qu'aucun bouleversement ne devrait être décidé sans une évaluation sérieuse de l'impact en termes de créations d'emploi des mesures décidées en faveur de ces zones. Or celle-ci n'a pas été faite.

M. François Sauvadet.

En effet.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai écrit à ma collègue ministre de l'emploi et de la solidarité pour appeler son attention sur ce point. J'ai l'intention de lui en reparler. J'espère qu'il sera possible, éventuellement en deuxième lecture, de revenir sur des dispositions qui apparaîtraient insuffisamment claires ou de nature à remettre en cause la dynamique créée dans les ZRR, si tant est que cette dynamique soit confirmé.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je vous remercie de cette réponse. Il est dommage qu'elle n'ait pas été faite préalablement.

M. Jean-Louis Idiart.

Cela vous aurait privé de l'occasion de poser des questions...

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Madame la ministre, vous avez affirmé en juillet dernier, et répété tout à l'heure, que les régions devaient être les chefs de file de l'aménagement du territoire. Je me réjouis de cette annonce qui reconnaît à sa juste valeur la spécificité régionale. Mais je m'étonne, avec d'autres, de la multiplication des structures, qui rendra plus opaque, et donc moins efficace, la mise en oeuvre de la solidarité entre les territoires et le développement durable.

Que pensez-vous, par exemple, de l'initiative de votre collègue Claude Allègre, toujours si prompt, qui a lancé seul U3M, Université 3000, en demandant à ses recteurs de constituer des groupes régionaux placés sous la double autorité des recteurs et des préfets de région. Ces groupes doivent remettre leur copie fin 1998. Or les régions n'ont pas été consultées sur cette procédure, à notre sens étra ngère à l'esprit comme à la lettre de la circulaire du Premier ministre.

Que pensez-vous aussi du comportement des préfets de nos départements couvrant avec ardeur, sinon à toute force, leur territoire de pays parfois artificiellement découpés et baptisés, bref, de cette activité quelque peu vibrionnante, pour reprendre vos propres paroles de tout à l'heure, sous couvert de concertation ? Que penser également de la création ex nihilo des conseils de développement, réminiscences des conseils d'arrondissement disparus depuis plus de soixante-dix ans, étroitement associés à l'élaboration des chartes de pays ? Nous craignons que les collectivités locales, à commencer par les régions, ne s'en trouvent dépossédées de leur pouvoir d'initiative dans la conduite d'une politique territoriale, alors même qu'elles en ont la culture et la compétence, notamment dans la mise en oeuvre des contrats régionaux de pays.

Pouvons-nous connaître votre position madame la ministre, sur ces questions ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, il m'a été rappelé tout à l'heure que mon expérience de parlementaire était fort brève ; j'en conviens tout à fait. Mais point n'est b esoin d'avoir été longtemps parlementaire pour connaître quelques-unes des mauvaises habitudes qui sévissent. L'une d'elles, péché véniel, consiste pour un ministre à essayer de gagner un peu de temps sur ses petits camarades pour faire en sorte que ses préoccupations soient mieux prises en compte que d'autres.

Je n'ai pas pour habitude de citer des proverbes. Mais je rappelle que si, en sport, on est disqualifié lorsqu'on part avant les autres des starting-blocks, cette règle ne vaut pas pour l'exercice d'élaboration des contrats de Plan.

Je salue Claude Allègre pour son culot...

M. Jean-Louis Idiart.

Oh ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... mais je signale que les régions auront bien à dire leur mot sur U3M ; elles y prendront ce qu'elles considèrent comme répondant à leurs besoins, et contesteront vigoureusement, comme elles savent le faire, ce qui ne leur conviendra pas.

Je rappelle que les pays sont des territoires de projet ; en d'autres termes, ce n'est pas le périmètre qui fait le pays, mais bien le projet. Aussi la démarche qui a conduit des aménageurs à anticiper la réflexion des acteurs locaux du développement en imaginant ce que pourrait être demain la carte des pays me paraît-elle quelque peu précipitée. Même en étant très optimiste, je ne pense pas que les pays se mettront en place en six mois ou même en


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deux ou trois ans. Cela se fera petit à petit. Nous connaissons les difficultés de la coopération intercommunale, nous savons le temps qu'il faut pour consolider des projets, pour les faire répondre aux besoins du territoire, pour qu'ils soient affinés par les élus locaux et qu'ils fassent l'objet d'une concertation avec les acteurs de la société civile. Il me paraît donc inutile de chercher à accélérer à l'excès la réflexion en la matière cette anné e. Je souhaiterais, en revanche, que nous nous efforcions d'harmoniser nos expériences. Les contrats régionaux de pays n'existent pas dans toutes les régions, ils ne sont pas construits de la même façon, ils n'ont pas la même exigence, ils ne supposent pas les mêmes niveaux d'intégration ni les mêmes participations financières des différents partenaires d'une région à l'autre. Le concept de pays, tel qu'il sera mis en place et précisé dans le projet de loi d'aménagement durable du territoire que je présenterai au mois de janvier, devrait faciliter cette réflexion et faire en sorte que les expériences menées par certaines régions alimentent la réflexion commune.

La région est-elle, oui ou non, le chef de file de l'aménagement du territoire ? Les lois de décentralisation de 1983 et 1986 répondent à votre question : elles confient aux régions la compétence générale d'aménagement du territoire. Les régions sont donc les partenaires de l'Etat pour la contractualisation, les collectivités de référence pour l'Etat et pour l'Union européenne dans la mise en oeuvre des fonds structurels. Leur rôle est donc fondamental, dans le respect des compétences de chacun. Il ne doit pas être confondu avec celui des départements qui aspirent à intervenir peut-être davantage dans la politique d'aménagement du territoire. Je le rappelle donc bien volontiers : c'est aux régions que revient la compétence d'aménagement.

M. Jean Proriol.

Merci.

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche, pour une première question.

M. Paul Patriarche.

Madame la ministre, dans un contexte marqué par de nouvelles exigences liées à l'application de normes européennes dans les domaines du traitement des déchets, de l'eau et de l'assainissement, les petites communes rurales sont inquiètes. Ces exigences nouvelles entraîneront à courte échéance des coûts financiers très importants en termes de dépenses d'équipement.

De nombreuses communes, notamment dans les régions montagneuses ou désertifiées, ne peuvent se regrouper, souvent pour de simples raisons d'ordre géographique.

L'élévation substantielle du coût de l'eau, de l'assainissement et de l'enlèvement des ordures ménagères pour les usagers dans ces communes, outre qu'elle est source de mécontentements, est sans commune mesure avec les possibilités financières de ces communes. Vous le savez, leur marge de manoeuvre fiscale est inexistante, même lorsqu'elles sont regroupées en syndicats intercommunaux, et les concours de l'Etat inappropriés.

J'ajouterai que de nombreuses communes, qui ne disposent pourtant pas de structures d'accueil particulières, et donc ne perçoivent aucune taxe professionnelle, voient leur population multipliée par dix, voire par vingt en période estivale.

Le coût engendré par l'engouement des touristes pour nos villages de montagne se trouve donc exclusivement supporté par une population permanente très réduite.

Chaque semaine, nous sommes saisis par des maires de petites communes souvent découragés par les exigences croissantes de l'Etat qui se retranche derrière Bruxelles sans apporter le soutien financier indispensable. De nombreuses communes n'ont tout simplement pas les moyens de financer les équipements exigés, pour l'assainissement en particulier. De nombreux maires refusent l'idée d'une augmentation trop importante des factures imposées à leurs administrés.

Accepter de vivre dans un village représente aujourd'hui de nombreux sacrifices. Il ne faudrait pas y ajouter un coût prohibitif de l'eau, de l'assainissement ou du traitement des ordures ménagères. Si cette tendance devait se poursuivre, il ne restera bientôt plus dans nos villages de montagne que quelques personnes âgées, et encore, et de nombreuses ruines. Je ne crois pas que cette évolution corresponde à une conception moderne et voulue de l'aménagement du territoire.

Aussi, souhaiterais-je, madame la ministre, savoir ce que l'Etat propose pour aider ces communes à faire face à ces investissements qu'il impose sans discernement et qu'elles ne pourront financer.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Comme vous y allez, monsieur le député ! « Des investissements imposés sans discernement » ! Comme si, décidément, on pouvait encore faire semblant d'ignorer que la qualité de nos cours d'eau s'est considérablement dégradée, que la gravité et la multiplication des émissions polluantes ont rendu l'eau non potable dans des régions entières. Ainsi, en Bretagne, la moitié des cours d'eau affichent des taux de nitrate largement supérieurs aux normes de potabilité ! Les efforts de dépollution sont, non seulement rendus nécessaires par les engagements internationaux souscrits par la France, mais aussi par l'exigence de protection de notre environnement et comme de la santé des habitants.

L'eau distribuée à plusieurs millions de personnes dans notre pays ne respecte pas les normes de potabilité. Nos concitoyens n'acceptent plus cette situation. Ils exigent des poissons dans les rivières, de l'eau potable au robinet, des plages où ils puissent se baigner. Bref, ils exigent des efforts de dépollution et d'assainissement.

Ces efforts sont prioritaires par rapport à d'autres investissements plus visibles, que certaines communes rurales ont parfois eu tendance à réaliser avant les réseaux d'assainissement ou les dispositifs de tri des déchets.

Je n'ignore pas toutefois la lourde charge que représentent ces investissements, notamment pour les petites communes rurales. Aussi un effort particulier a-t-il été consenti en leur direction. Ainsi, les agences de l'eau consacreront 51 milliards de francs entre 1997 et 2001 à l'amélioration de la ressource en eau. Des dispositifs particuliers sont mis en place dans le milieu rural, avec l'instauration dans certains bassins de contrats ruraux garantissant un taux d'aide préférentiel.

De même, le FNDAE, qu'il est prévu de doter de près d'un milliard de francs en 1999, est réservé au financement des travaux d'assainissement et d'adduction d'eau en zone rurale.

Dans le domaine des déchets, le taux des aides du FNGD a été augmenté en 1998 de 20 % à 50 %. Des aides plus incitatrices encore seront mises en place au bénéfice des collectivités qui pratiquent pour l'instant une élimination des déchets limitée à la collecte et à la mise en décharge, afin de leur permettre d'améliorer leur dispositif.

D'autres mesures dinancières seront décidées prochainement. Les aides du fonds de modernisation de la gestion des déchets seront élargies aux équipements per-


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mettant la prévention de la production de déchets et non plus aux seuls équipements de traitement. Elles seront également étendues au traitement des déchets industriels spéciaux. Qunat à l'accès au fonds de compensation de la TVA, il sera réexaminé afin de déterminer dans quelle mesure les investissements en matière de traitement des déchets, même s'ils génèrent des recettes commerciales, peuvent être éligibles à ce fonds.

Je terminerai en précisant que la dépollution coûte toujours cher et que la prévention est souvent une solution plus économique.

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche, pour sa seconde question.

M. Paul Patriarche.

Madame la ministre, mon collègue Marc Laffineur est à l'origine de cette question qui porte sur l'avenir et le devenir des fonds du FEDER.

Nous savons que l'enveloppe globale réservée à notre pays restera pour la période 2000-2006 à peu près à la hauteur de son niveau actuel. Mais ce que nous ne savons pas, c'est comment elle sera répartie au niveau national.

Pour commencer, à quel échelon sera déterminée l'éligibilité des territoires ? Les départements sont-ils vraiment appelés à remplacer les cantons en tant que territoires éligibles aux fonds communautaires ? Ensuite, quels seront les critères retenus pour déterminer les bénéficiaires ? Si la moitié des critères seront d'origine européenne, l'autre moitié sera du ressort des pays membres. Quels seront alors, pour cette part, ceux que vous comptez retenir ? Vous arrêterez-vous à des critères démographiques ? Prendrez-vous en compte les taux de chômage locaux, la concentration de population ? Enfin, la disparition de la distinction entre objectif 5 et objectif 2 ne risque-t-elle pas de menacer les fonds affectés au monde rural ? Vous savez à quel point ces aides communautaires sont importantes pour les zones rurales. Vous connaissez leurs besoins en infrastructures.

Une vraie politique de l'aménagement du territoire doit prendre en compte ces besoins et tout faire pour les satisfaire.

Les fonds commnautaires affectés au monde rural ont jusqu'à présent répondu en partie à ces nécessités. J'esp ère que ces préoccupations sont les vôtres ce que vous allez me rassurer sur le devenir des aides financières que percevaient ces territoires.

M. le président.

Rassurez-nous, madame la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'essaierai de vous rassurer brièvement, monsieur le président. (Sourires.)

Monsieur le député, tenant compte de l'élargissement et de la stabilisation des ressources propres de l'Union, la Commission a proposé une concentration géographique des territoires éligibles aux objectifs 1 et 2, l'objectif nouveau regroupant les anciens objectifs 2 et 5 b. La France ne sera pas épargnée par cette réduction. En effet, les zones qui étaient concernées par l'objectif 1, le Hainaut et la Corse, cesseront d'être éligibles à cet objectif. Au total, la France devrait pourtant connaître une réduction plus modeste que la moyenne communautaire des populations éligibles aux objectifs 2 et 5 b, j'ai cité les chiffres tout à l'heure.

La diminution du zonage communautaire, du fait de la prise en compte, désormais, dans la population éligible, de certains quartiers en crise, ne devrait pas être la seule conséquence. En effet, l'intensification des aides sur des portions plus réduites du territoire pourrait rendre plus difficile la consommation des crédits.

Les propositions de la France en matière d'objectif 2 couvriront les trois enjeux de la réhabilitation des zones sensibles, urbaines, industrielles et rurales. Les préfets engageront une consultation qui se déroulera entre février et avril 1999 pour permettre aux propositions françaises d'être négociées à Bruxelles à partir de juin 1999. Les préfets seront invités à tenir compte dans les propositions soumises à consultation des besoins réels relatifs aux situations les plus critiques, sachant que l'éligibilité antérieure à un zonage communautaire ne constitue pas un droit acquis. Ils tiendront compte des capacités d'absorption, c'est-à-dire du dynamisme démontré par les partenaires locaux, et de leur disponibilité à se constituer autour de projets en fonction des grandes priorités assignées aux DOCUP, les documents uniques de programmation communautaires. Ils feront valoir autant que possible les potentialités d'intégration et de mutualisation offertes par les futurs pays et agglomérations. Ils prendront en compte naturellement les critères que vous avez cités, ainsi qu'un critère dont nous commençons seulement à cerner les contours, le service rendu à la collectivité, sous forme notamment de la prise en charge d'enjeux liés à des éléments de patrimoine naturel ou culturel.

M. le président.

Nous revenons au groupe socialiste.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier.

S'agissant des zones fragiles dont je vous parlais déjà l'année dernière, il n'y a pour nous qu'une seule solution pour maintenir les services publics, elle est simple, c'est ramener de l'emploi. Le jour où l'on ramènera de l'emploi dans nos départements, il n'y aura plus de fermetures de salles de classe, plus de fermeture de bureaux de poste, etc.

Dans nos réunions, nous expliquons que nous sommes dans des zones en difficulté et que nous aimerions bien que l'Etat soit solidaire, parce que la solidarité joue toujours dans le même sens. C'est nous qui donnons aux autres. Nous sommes d'accord pour faire preuve de solidarité, mais on ne voit rien venir en échange. Les systèmes sont souvent très complexes et très compliqués.

L'aide de l'Etat doit être proportionnelle au handicap.

C'est pourquoi je voudrais revenir en deux mots, madame la ministre, sur le problème de la PAT, cette PAT qui peut être essentielle pour nos départements.

Pouvez-vous nous préciser à nouveau si vos intentions en ce domaine sont très claires ? En dehors de critères d'attribution connus, la révision a-t-elle toute chance de prendre en compte trois critères essentiels pour nous : favoriser les petites entreprises, réduire les zonages comme c'est préconisé par la Commission européenne, et, enfin, avoir une attention tout à fait particulière pour les territoires les plus fragiles ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ramener de l'emploi dans les zones en difficulté, telle est bien la priorité. Maintenir l'emploi grâce à des services de qualité, c'est aussi un enjeu évidemment. Là, on est bien incapable de dire si ce sont les services qui permettent de maintenir l'emploi ou si c'est l'emploi qui permet de maintenir les services. Disons que les deux éléments sont intimement liés et que nous avons à porter attention à l'un et à l'autre.

Concernant les services publics en milieu rural, je voudrais vous faire part à la fois de mon engagement en faveur du maintien du service rendu à la population et de ma conviction qu'une des meilleures façons de répondre à


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cette obligation qui s'impose à nous, c'est de mener une réflexion approfondie sur les conditions dans lesquelles ce service est rendu. Reprenons l'exemple désormais fameux de la modification de la carte des commissariats de police et de gendarmerie. En tant qu'élue locale, je suis absolument convaincue que la question ne se limite pas à la question de savoir s'il faut les maintenir ou les supprimer.

L'essentiel est de savoir comment on peut organiser le service pour que la sécurité des personnes et des biens soit assurée, y compris lorsque l'on modifie les modalités par lesquelles le service est rendu.

La mobilisation des potentialités des nouvelles technologies de l'information et de la communication est l'un de ces éléments. La mise en place de maisons de services publics, de points multiservices publics dans les zones rurales en est un autre.

Concernant la PAT, c'est bien volontiers que je rappelle ce que j'ai détaillé tout à l'heure, partageant les critiques formulées par les parlementaires sur la sousutilisation de ces fonds et les reports d'année en année, et la volonté de modifier les critères d'utilisation.

Premier effort, le nettoyage comptable. Nous avons découvert des autorisations de programme qui dorment depuis des années. Elles ont été systématiquement annulées quand elles dataient de plus de quatre ans. Les autres seront examinées au cas par cas.

Deuxième effort, un effort de consommation des crédits de la PAT. Grâce aux efforts de gestion déployés par mes services, et notamment par la DATAR, le taux de consommation de 1998 sera le meilleur des quatre dernières années. Il s'établissait, au 1er octobre 1998, à 37 % pour les autorisations de programme et à 72 % pour les crédits de paiement, soit, pour ces derniers, 18 points de mieux qu'au cours de la période 1995-1997.

Enfin, nous sommes en train de travailler à la révision de la doctrine d'emploi de la PAT. Je pense proposer lors du prochain CIADT une réforme qui permettrait d'avoir deux sortes de PAT. L'une serait destinée à quelques investissements internationaux mobiles, considérés comme particulièrement structurants. C'est ce qu'on appellerait une PAT exogène. Et on attendrait de l'installation de ce type d'entreprise qu'elle joue un rôle d'entraînement fort sur un territoire difficile. L'autre, concentrée sur des régions en difficulté démographique, connaissant d'imp ortantes restructurations industrielles et militaires, concernerait des projets de plus petite taille. Elle serait plus ouverte qu'elle ne l'est aujourd'hui à des services ou à des projets pour lesquels elle jouerait un rôle de déclencheur du développement local. C'est ce qu'on pourrait appeler une PAT endogène, accessible aux entreprises bien plus modestes que celle d'aujourd'hui. Vingt emplois à créer d'un coup, c'est inaccessible pour bien des zones rurales !

M. Michel Vergnier.

Merci de me le reconfirmer !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Madame la ministre, ma question porte sur le devenir des programmes d'aménagement concerté du territoire, les PACT urbains, dispositif qui a été mis en place dans le cadre du contrat de plan

Etat-région 1994-1999. Les PACT urbains accompagnent la mise en oeuvre de politiques de développement économique, social et urbain de territoires fragilisés ou en reconversion industrielle. Je pense par exemple aux bassins miniers. Procédures innovantes, proches des attentes du terrain, les PACT urbains ont su s'organiser autour d'une intercommunalité de projet. Ils ont fait du développement durable, de la cohésion sociale, de la formation, de l'environnement et de l'aménagement du territoire leurs priorités.

Au dernier trimestre de 1997 a été conduite une mission d'évaluation portant sur six PACT urbains, considérés comme les plus significatifs, dont le PACT du bassin potassique alsacien. Cette mission d'évaluation a montré que les résultats de ce dispositif étaient inégaux. En revanche, elle a mis en évidence la réussite indéniable du PACT du bassin potassique, dont le taux de réalisation des actions engagées avoisine les 80 %. Ce pacte urbain a permis, dans le cadre d'une stratégie d'ensemble, d'accélérer la mutation économique et la diversification de notre bassin minier, grâce en particulier à une forte implication de l'EMC, Entreprise minière et chimique, grâce aussi aux fonds européens et à la PAT, et d'assurer dans les meilleures conditions le transfert aux communes des équipements publics appartenant aux Mines de potasse d'Alsace.

Il a permis de mener à bien diverses actions à caractère social ou des animations socioculturelles en direction des jeunes, d'engager plusieurs projets de requalification de l'environnement - je pense à des opérations de traitement des terrils - et de réaménagement des centres urbains.

Il a eu pour effet de renforcer le partenariat entre l'EMC/MDPA, les collectivités locales, les organismes consulaires, les organismes de développement économique ou les services de l'Etat, ceux de la DATAR en particulier, qui ont fait un excellent travail.

Le PACT a surtout conforté le dynamisme de la coopération intercommunale, notamment à travers l'action exemplaire et l'engagement déterminé des élus de la communauté de communes.

La réussite de ce dispositif et les résultats obtenus nous conduisent à demander la reconduction des PACT urbains dans le prochain contrat de plan Etat-région.

Trouveront-ils place dans le prochain contrat de plan, notamment pour le bassin potassique ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous avez pratiquement tout dit déjà concernant la démarche des PACT urbains, ces programmes d'aménagement concerté du territoire.

Effectivement, une évaluation d'un certain nombre d'entre eux a permis de mettre en évidence des éléments qui nous seront particulièrement utiles dans la préparation des futurs contrats d'agglomération qui devraient relayer et amplifier les effets des plus probants des PACT urbains : enracinement de la notion de projet, réflexion sur la pertinence des périmètres d'intervention, instauration de nouvelles modalités de dialogue entre l'Etat et les collectivités, recherche d'une cohérence plus étroite des politiques publiques qui convergent sur un territoire, renforcement de l'agglomération comme maître d'ouvrage du développement local.

Si les PACT urbains ont fait sens et ont constitué un outil constructif pour la conversion des territoires, ils n'ont cependant fait que poser les prémices d'un management local du développement. Au cours du prochain plan, il nous faudra aller plus loin pour passer d'une logique de réparation, dont la nécessité demeure, certes, à la promotion d'une démarche d'innovation en matière économique, sociale et d'aménagement. C'est à cet objec-


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tif que devront s'attacher les démarches contractuelles d'agglomérations des territoires urbains qui bénéficient aujourd'hui d'un PACT urbain.

Le PACT urbain du bassin potassique a mis en oeuvre un partenariat Etat-région-département-communauté de communes-entreprises MDPA. Il est constitué de fonds publics et d'une participation de l'entreprise minière. Il représente globalement et pour la durée du plan 250 millions de francs dont 30 millions issus du FNADT. Il est aujourd'hui compris et utilisé comme un outil de développement qui permet de préparer l'après-potasse. Dans le cadre de l'actuel contrat, le PACT urbain du bassin potassique a été un facteur déterminant de l'intercommunalité. Il a été saisi comme une opportunité pour dynamiser un espace considéré comme délaissé à l'échelle du département ou de la région.

Il appartiendra à l'Etat, dans l'optique des prochains contrats, de légitimer tant la performance institutionnelle des communes du bassin potassique que leur mobilisation à travers la structure de décision dont elles se sont dotées autour d'un projet collectif. Je proposerai donc que le soutien de l'Etat aux efforts des collectivités du bassin potassique soit garanti à travers la pratique contractuelle d'agglomération.

M. le président.

Nous revenons au groupe UDF.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre, vous expliquiez tout à l'heure que le ministre de l'aménagement du territoire devait jouer un rôle de coordination interministérielle au niveau national. C'est la raison pour laquelle il serait peut-être souhaitable que vous soyez déléguée auprès du Premier ministre ! Au niveau des régions, c'est l'objectif des schémas régionaux d'aménagement du territoire d'assurer un certain équilibre de la vie économique et sociale à travers les différents territoires de chaque région. Or l'Etat ne donne pas toujours l'exemple du respect des conditions de cet équilibre. Comme le soulignait mon collègue Jean-Pierre Abelin, que j'associe à ma question, on voit des administrations supprimer tel et tel service, ce qui enlève toute cohérence à une politique d'aménagement du territoire.

Les pays qui se constituent, et vont de plus en plus se constituer, qui doivent donner une dynamique nouvelle dans chaque région, ne devraient-ils pas donner lieu, dans le cadre même d'un contrat Etat-région, à un engagement de l'Etat de maintenir des services publics, pour que les milieux ruraux ne soient pas dévitalisés comme ils le sont aujourd'hui, pour que certaines maternités, par exemple, puissent survivre dans telle ou telle partie de la région, dans le cadre d'une coopération interhospitalière assurant la sécurité des mamans et des enfants ? L'Etat ne pourrait-il pas s'engager à ce que les différents territoires de la région ne soient pas dévitalisés par sa propre action, lorsqu'il supprime des services sans cohérence avec la volonté des élus régionaux ? Je pense que c'est une question importante.

Enfin, pour que le pays ait une voix, maintenez-vous le principe d'une association de la loi de 1901 ou allez-vous demander à ces pays qui sont constitués de structures intercommunales à vocations multiples associées de se doter d'une autre structure ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics ont été créées par l'article 28 de la loi du 4 février 1995. Ces commissions se sont mises en place de façon progressive mais je crois ne pas dire de bêtises en affirmant qu'elles se sont réunies au moins une fois dans chaque département.

De nombreuses préfectures ont souhaité que soient mis en place des groupes de travail composés non seulement des membres de la commission, mais aussi de personnalités qualifiées, pour évaluer les besoins et faire des propositions pour l'élaboration des schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics. Les commissions seront obligatoirement consultées sur le schéma départemental. Les délais de réalisation de ces schémas prévus par la circulaire du Premier ministre du 21 février 1996 ont été différés jusqu'à la fin de l'année 1998. Ces schémas devraient permettre de définir, sur une période pluriannuelle, les moyens nécessaires pour parvenir à une véritable égalité d'accès au service public sur l'ensemble du territoire. La condition de la concertation locale sera donc remplie.

Je ne suis pas convaincue que cela suffise. Il faudra en juger quand nous disposerons de la totalité de ces schémas, quand nous les examinerons. Nous verrons s'ils répondent aux besoins de la population et à ce que nous attendions de cet exercice.

En tout cas, l'Etat a bien pris ses responsabilités en ce qui concerne l'élaboration de ce travail, qui devrait permettre, bassin d'emploi par bassin d'emploi, bassin de vie par bassin de vie, de faire en sorte que les services offerts à la population soient adaptés à la localisation de la population, à sa concentration, à sa structuration sociologique par exemple.

Concernant les pays, je souhaite me donner un peu de temps, car, si certains territoires ont déjà commencé à travailler dans la perspective de la construction de pays, si certains pays reposent, ce n'est pas le cas général. Certains pays reposent sur les épaules de quelques personnes, parfois d'un seul homme, d'autres ont été judicieusement utilisés par certains acteurs du développement local pour dépasser des tensions, des incompréhensions, des impuissances, mises en évidence lors de la mise en place de l'intercommunalité. Les contenus sont extrêmement hétérogènes.

Quoi qu'il en soit, j'espère que cette possibilité accordée aux acteurs du développpement local permettra de mettre en place une meilleure organisation du territoire, permettra à des projets de remonter, d'être pris en compte et reconnus par l'Etat et les régions.

Actuellement, le projet de loi prévoit soit une structure légère sous forme d'un syndicat mixte, soit une structure plus lourde, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, l'essentiel restant le projet, donc la charte de territoire, et pas l'organisation.

Certains parlementaires, certains élus locaux et certains animateurs de pays nous ont suggéré d'autres formules d'organisation. Ce sera au débat parlementaire d'éclairer cette discussion. Je ne suis pas hostile, pour ma part, à l'idée de syndicats d'intercommunalité...

M. François Sauvadet.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... ou à d'autres formules, permettant de reconnaître la diversité des situations sur le terrain.

Vous en conviendrez avec moi, je reste tout de même très prudente, pour ne pas donner prise à l'accusation de vouloir ajouter une nouvelle structure institutionnelle à toutes celles qui existent déjà sur le territoire national (Sourires.)


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M. François Sauvadet.

Ah ! ça, c'est intéressant !

M. Léonce Deprez.

C'est une bonne réponse, madame !

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Madame la ministre, je connais au moins un pays heureux : le pays d'Ancenis, qui a la p articularité de regrouper en un district vingtneuf communes d'un même arrondissement, soit un même génome pour trois structures. Comme quoi on peut parfois réussir les choses avant même le vote d'une loi. Mais s'il compte 50 000 habitants, la ville principale de ce pays n'en a que 7 000 habitants, ce qui posera sans doute problème au regard de votre projet de loi. La formule du district a par ailleurs été choisie parce qu'elle permettait de conserver le SIVOM.

Je suis persuadé que la réussite d'un pays passe par son indépendance. Cette dernière met en jeu de nombreux aspects qui ont déjà été évoqués, comme la santé, le commerce, la formation, l'éducation, la culture ou le sport. Mais il y a un aspect qui me paraît déterminant : la facilité des communications.

On évoque toujours les modes « classiques » : route, autoroute, rail, TGV. Mais il existe un autre mode de communication qui me paraît totalement indispensable, en particulier si on veut réussir l'Europe, c'est l'aviation.

Je reste persuadé que la petite aviation commerciale et d'affaires, se servant de petites pistes de 1 500 mètres situées au pied d'usines, sera déterminante demain pour la réussite des pays. Et comme j'ai lu avec intérêt que le fonds de péréquation des transports aériens est excédentaire depuis toujours, ne serait-il pas possible que vous puissiez aider d'une façon sérieuse l'installation des petites pistes pour renforcer le maillage qui se met en place en France ? Cela permettrait, aux pays, j'en suis convaincu, non seulement d'avoir leur indépendance mais aussi de réussir leur entrée dans l'Europe de demain ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Oserais-je, monsieur le député, vous avouer ma perplexité ? Pour la masquer, je dirai d'abord quelques mots sur les pays. Le vôtre compte plus de 5 0 000 habitants, avec une petite ville centre de 7 000 habitants. Autant le dire nettement, bien que 50 000 habitants soient rassemblés, ça ne pourra pas constituer une agglomération. Celle-ci doit être un espace très fortement intégré avec des compétences obligatoires très importantes et une taxe professionnelle unique. Et le pays n'est pas le deuxième choix pour ceux qui ne pourraient pas constituer une agglomération, c'est un espace - rural ou urbain - de projets qui a ses limites propres et son intérêt propre.

En tout cas, on ne doit pas constituer un pays, uniquement parce que l'on ne peut pas constituer une agglomération. On « fait » un pays parce que le projet qu'on construit n'est pas le même et n'a pas la même ampleur que celui qui sous-tend la constitution d'une agglomération. Classiquement, le modèle agglomération s'adresse plutôt à des villes plus importantes, qui ont des problèmes de quartiers, de politique de la ville, d'urbanisme ou de transports collectifs, par exemple.

Quant au développement de formules d'aviation légère, afin de permettre de nouer des liens non pas au sein d'un pays mais d'un pays à l'autre, ou d'une partie plus précise du territoire à une autre, je souhaite que nous puissions faire une étude approfondie. Elle devra prendre en compte la lourdeur des investissements, à la fois pour l'infrastructure et pour le moyen de déplacement, et l'impact sur l'environnement, notamment le bruit, qui, je vous le rappelle, est la première nuisance dont se plaignent les Français et qui fait l'objet d'à peu près la moitié du courrier que reçoit mon ministère.

Par ailleurs, nous ne sommes pas certains de pouvoir échapper encore longtemps, dans le cadre de la mise en oeuvre des programmes d'élimination des gaz à effet de serre, à une taxe sur le kérosène, qui pourrait remettre en cause l'efficacité économique de ce secteur.

Tous ces éléments doivent être pris en compte. Je doute donc de la possibilité de développer l'aviation légère sur un nombre significatif de sites.

M. Edouard Landrain.

Ça existe et ça marche ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Oui, je sais. J'emprunte aussi des avions légers.

Le coût économique pour la collectivité de ce que vous me proposez n'est peut-être pas aussi séduisant que vous avez bien voulu le dire en quelques minutes. Mais il n'est peut-être pas aussi mauvais que je l'ai indiqué en vous répondant. En tout cas, il faudra pour en décider une étude plus approfondie.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Je ne vais pas allonger un débat qui a été déjà très nourri et qui ne fait, si j'ai bien compris, que commencer puisqu'il sera poursuivi au début de l'année 1999. Toutefois, je vais vous faire part, madame la ministre, de quelques réflexions car il y a très longtemps que je pense au problème qui se pose en la matière. En tout cas, ce que nous attendons aujourd'hui, c'est tout simplement une forme d'action.

Vous avez parlé d'un budget d'attente. Eh bien, je vais vous faire part de quelques une de nos attentes, notamment en revenant sur ce qu'ont dit bon nombre de mes collègues, notamment Maurice Ligot qui était le porteparole de notre groupe.

La première attente porte sur le développement de certaines infrastructures indispensables au développement de l'activité. Or on abandonne les schémas nationaux, notamment au motif qu'ils n'ont jamais été appliqués.

Mais nombre d'entre nous ont demandé, lors du débat sur la loi d'aménagement et de développement du territoire de 1995, que ces schémas fassent l'objet d'une véritable programmation, afin de pouvoir vraiment lancer les infrastructures attendues. Leur abandon ne doit pas conduire au gel et au blocage de projets réellement attendus, tant à droite qu'à gauche, au motif que nous allons maintenant aborder tout cela sous l'angle de schémas de services collectifs. Je pense non seulement aux liaisons autoroutières, mais aussi au reste du réseau routier. Vous avez répondu à notre collègue Barrot que la vocation des départements était l'aide sociale. Mais cette vocation ne se limite pas à cela : les départements s'occupent aussi de la voirie départementale, des équipements scolaires des maternelles et de bien d'autres choses.

Il faut donc absolument rentrer dans le vif du sujet pour ce qui est des équipements.

Je n'évoquerai pas tous les projets relatifs au développement des axes Est-Ouest, ou le TGV Rhin-Rhône tant attendu, bien que ce dernier projet soit cher non seulement à notre coeur, mais aussi à celui du ministre de l'intérieur.

Les infrastructures exigent une politique volontariste, et c'est l'une des clés du développement. Je crois utile de vous rappeler, madame la ministre, que les activités se


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

sont toujours développées là où existaient des infrastructures. Cela remonte à la plus haute antiquité. Il suffit de regarder une carte, pour voir que les centres d'activités sont toujours situés à proximité de voies de communication.

En matière de services publics, et plus généralement de services au public, je voudrais revenir sur une question qui a été posée par l'un de nos collègues. Nous avons des craintes quant au coût de l'eau et de l'assainissement pour les petites communes. Et ça aussi, ça rejoint une préoccupation liée à l'aménagement du territoire.

Vous savez que les agences de l'eau viennent en aide aux communes. Elles en ont besoin. Or vous nourrissez le projet d'étendre la TGAP aux redevances des agences de l'eau. Outre le risque d'une recentralisation d'une politique décentralisée qui a fait ses preuves sur le territoire - et l'élu local que je suis, comme vous, madame la ministre, en a fait l'expérience -, vous créerez celui de soumettre aux aléas budgétaires les ressources des agences qui concourent à l'équipement de nos communes. C'est une préoccupation partagée tant par la droite que par la gauche.

Vous avez rappelé les exigences qui s'imposent à nous et que nous partageons - d'arriver à une meilleure maîtrise de nos assainissements. Or, et c'est le seul exemple que je citerai, le fonds de gestion de l'espace rural, que n ous étions nombreux à souhaiter, est abondé de zéro franc ! J'aimerais avoir des précisions sur la façon dont vous allez aborder ces sujets, avant le grand débat que nous souhaitons, car il y a vraiment urgence, madame la ministre.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, compte tenu de l'heure tardive, permettez-moi de ne pas répondre à la deuxième partie de votre question qui relève du budget de l'environnement.

M. François Sauvadet.

Non ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si, j'ai déjà abondamment répondu à cette question, à une heure plus décente, lors de l'examen du budget de l'environnement.

M. François Sauvadet.

Puisque vous avez déjà répondu sur le rôle des agences pour venir en aide aux petites communes, je me permets d'insister sur ce point.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Puisque vous insistez, tant pis pour vous ! Je m'étonne que vous soyez inquiet que ce budget soit soumis à l'approbation du Parlement alors qu'aujourd'hui, cet élément vous échappe.

M. François Sauvadet.

Il y a une différence entre êtres oumis à l'appréciation du Parlement et budgétisé - compte tenu des aléas budgétaires - et des risques qui en découlent.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous votez tous les ans le budget, monsieur le député.

M. François Sauvadet.

Je parle d'expérience ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Si vous êtes, comme je le suis, convaincu que nous avons besoin d'une politique vigoureuse et ambitieuse en faveur de l'épuration de l'eau et de l'assainissement, vous ne devriez pas nourrir la moindre inquiétude à ce sujet.

M. François Sauvadet.

Si, précisément ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En ce qui concerne ce budget, je n'ai pas parlé de budget d'attente, mais de budget de transition et de consolidation, après la forte augmentation de l'an dernier. A l'heure où nous sommes en train de procéder à un remaniement assez profond de notre stratégie en matière d'aménagement du territoire, je ne voudrais pas laisser croire qu'il s'agit pour nous d'attendre : pendant que nous réfléchissons, la politique continue à être menée sur le terrain, les dispositifs financiers prévus antérieurement sont en train de s'appliquer. J'ai rappelé, par exemple, que le Fonds national de développement des entreprises avait, pour la première fois, été doté et que 100 millions de francs avaient été utilisés cette année pour permettre l'installation de toutes petites entreprises.

Par conséquent, nous ne sommes absolument pas en train d'attendre, nous sommes en train de consolider une politique et de préparer son remaniement.

En ce qui concerne les grandes infrastructures et les grands équipements, nous avons travaillé en assez étroite harmonie avec Jean-Claude Gayssot à partir de quelques réflexions simples. Nous considérons, d'une part, qu'il est interdit à un ministre de faire rêver sur des équipements infinançables et, d'autre part, qu'il est de notre responsabilité de faire en sorte que ces investissements lourds permettent d'améliorer de façon significative la qualité de vie et le service rendu.

En ce qui concerne les projets TGV, pour lesquels vous aviez retenu la réalisation de plus de 2 000 kilomètres dans le schéma national, nous estimons que ce ne sont pas les kilomètres de voies nouvelles qui comptent, mais les minutes gagnées sur les temps de transport. Ce ne sont pas les gares implantées au milieu de champs de betteraves et à distance respectacle des agglomérations qui sont utiles, mais les points d'arrêt dans les agglomérations, assortis d'un bon maillage avec le réseau de voies ferrées secondaires.

Sur chacun des sujets que nous avons examinés, nous avons raisonné en fonction des services rendus à la population, des économies réalisées pour les fonds publics, du phasage des opérations pour améliorer d'emblée la qualité de vie de nos concitoyens et pour permettre d'associer cette qualité de vie avec le dynamisme économique dont nous avons besoin.

Je voudrais vous convaincre que chacun des équipements et chacune des infrastructures que nous avons retenus cherchent à répondre à un objectif de gestion responsable de l'argent public. Nous gérons celui-ci comme s'il était le nôtre et nous ne pensons pas que la fuite en avant constitue la réponse aux difficultés financières de l'heure.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET ENVIRONNEMENT I. - Aménagement du territoire

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 20 086 978 francs ;

« Titre IV : 3 840 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles).

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : ;

« Crédits de paiement : francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 600 700 francs ;

« Crédits de paiement : 545 700 000 francs. »

M. le président.

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement concernant l'aménagement du territoire.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔTS DE PROJETS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-522 du 24 juin 1998, no 98-731 du 20 août 1998, no 98-973 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Ce projet de loi, no 1173, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du réglement.

J'ai reçu le 4 novembre 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-580 du 8 juillet 1998, no 98-582 du 8 juillet 1998, no 98-728 du 20 août 1998, no 98-729 du 20 août 1998, no 98-730 du 20 août 1998, no 98-732 du 20 août 1998, no 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Ce projet de loi, no 1174, est renvoyé à la commisison des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-524 du 24 juin 1998, no 98-525 du 24 juin 1998, no 98-581 du 8 juillet 1998, no 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Ce projet de loi, no 1175, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-520 du 24 juin 1998, no 98-521 du 24 juin 1998, no 98-523 du 24 juin 1998, no 98-526 du 24 juin 1998, no 98-776 du 2 septembre 1998, no 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Ce projet de loi, no 1176, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔTS DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Roger Meï et plusieurs de ses collègues une proposition de loi relative au travail temporaire.

Cette proposition de loi, no 1162, est envoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Roger Meï et plusieurs de ses collègues une proposition de loi relative à la négociation obligatoire sur les salaires.

Cette proposition de loi, no 1163, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Claude Gaillard et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à préciser le statut des experts traducteurs-interprètes, traducteurs jurés et traducteurs agréés.

Cette proposition de loi, no 1164, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. André Thien Ah Koon une proposition de loi tendant à ériger deux départements à la Réunion.

Cette proposition de loi, no 1165, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. André Thien Ah Koon une proposition de loi relative à la titularisation d'agents non titulaires de la fonction publique territoriale de la Réunion.

Cette proposition de loi, no 1166, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Guy Drut une proposition de loi relative à l'organisation d'une police intercommunale.

Cette proposition de loi, no 1167, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Michel Hunault une proposition de loi rendant obligatoire l'instauration d'une part réservée de logements dans toute nouvelle construction.

Cette proposition de loi, no 1168, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. François Sauvadet une proposition de loi tendant à exonérer les établissements d'enseignement de la redevance audiovisuelle.

Cette proposition de loi, no 1169, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Alfred MarieJeanne une proposition de loi modifiant la loi no 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux.

Cette proposition de loi, no 1170, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Bernard Birsinger et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à assurer la présence d'une infirmière ou d'un infirmier dans chaque groupe scolaire.

Cette proposition de loi, no 1171, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Serge Janquin et plusieurs de ses collègues une proposition de loi relative à la cessation d'activité des salariés ayant acquis 160 trimestres de cotisation d'assurance vieillesse en contrepartie d'embauches.

Cette proposition de loi, no 1172, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. René Dosière un rapport no 1177 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, rejeté par le Sénat, après déclaration d'urgence, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu le 4 novembre 1998, de M. Alain Barrau un rapport no 1178 fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne (no 1117), sur les recommandations de la Banque centrale européenne relatives aux réserves obligatoires, à la collecte d'informations statistiques et à ses pouvoirs en matière de santions : recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil concernant l'application de réserves obligatoires par la BCE ; recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil concernant l a collecte d'informations statistiques par la BCE ; recommandation de la BCE pour un règlement (CE) du Conseil concernant les pouvoirs de la BCE en matière de santions (no E 1145).

6 DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Henri Bertholet un rapport d'information no 1160, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires étrangères, sur la mission effectuée en Israël et dans les territoires palestiniens par une délégation de la commission.

J'ai reçu, le 4 novembre 1998, de M. Didier Mathus un rapport d'information no 1161, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur les évolutions actuelles du paysage audiovisuel américain.

7

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures quarantecinq, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078) ; M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1998

Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation : Fonction publique : M. Jean Vila, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 31 au rapport no 1111) ; M. Christian Paul, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome I).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (no 1078) ; M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Intérieur : Sécurité : M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 32 au rapport no 1111) ; Police : M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome II) ; Sécurité civile : M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République (avis no 1115, tome III) ; Collectivités locales : M. Gérard Saumade, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 33 au rapport no 1111) ; M. René Dosière, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome IV).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 5 novembre 1998, à une heure trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, lois et décrets, du 5 novembre 1998) (130 membres au lieu de 129)

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE Ajouter le nom de M. Jean Auclair.

APPARENTÉS AUX TERMES DE L'ARTICLE 19 DU RÈGLEMENT (7 au lieu de 8) Supprimer le nom de M. Jean Auclair.

TRANSMISSION DE PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les propositions d'actes communautaires suivantes : Communication du 3 novembre 1998 No E 1167. Proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1612/98 du Conseil relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 68/360/CEE du Conseil relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des Etats membre et de leur famille à l'intérieur de la Communauté. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant un comité consultatif sur la libre circulation et la sécurité sociale des travailleurs communautaires et modifiant les règlements du Conseil (CEE) no 1612/68 et (CEE) no 1408/71 (COM [98] 394 final).

No E 1168. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions visant à approfondir l'union douanière CE-Turquie. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions visant au développement économique et social de la Turquie (COM [98] 600 final).