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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8115).

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ETAT ET DÉCENTRALISATION M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des lois.

MM. Charles de Courson, François Huwart, Lionnel Luca, Patrice Carvalho, Mme Claudine Ledoux,

MM. Dominique Bussereau, Pierre Micaux, Jacky Darne, Bernard Derosier.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Maurice Ligot, Eric Doligé, Jean-Luc Warsmann, Lionnel Luca.

MM. le rapporteur pour avis, le ministre.

Les crédits de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation seront appelés à la suite de l'examen des crédits de la communication.

Amendement no 45 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.

Amendement no 42 de la commission des lois : MM. le rapporteur pour avis, le ministre, Dominique Bussereau, Lionnel Luca. - Adoption.

Amendement no 44 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.

Amendement no 46 du Gouvernement : MM. le ministre, ler apporteur spécial, Jean-Luc Warsmann, Raymond Douyère. - Adoption de l'amendement no 46 rectifié.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8141).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET DÉCENTRALISATION

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je vous demande, mes chers collègues, compte tenu du début tardif de notre séance et du fait que je dois impérativement la lever avant treize heures, de respecter scrupuleusement le temps de parole qui vous a été imparti. Je vous en remercie par avance.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour quinze minutes.

M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, mes chers collègues, les crédits gérés par le ministère de la fonction p ublique et de la réforme de l'Etat s'élèveront à 1 450,5 millions de francs en 1999, au lieu de 1 452 millions de francs en 1998, soit une quasi-stagnation : - 0,1 %.

Ces dotations ne permettent pas d'appréhender la totalité de la politique de la fonction publique.

Elles sont en effet sans commune mesure avec les crédits de rémunération des fonctionnaires.

Si l'on ajoute les personnels en activité des trois fonctions publiques, soit 4,7 millions, et les titulaires de pensions directement indexées sur le traitement des fonctionnaires, soit 4,1 millions, ce sont près de neuf millions de personnes qui dépendent de la politique salariale conduite dans la fonction publique par le Gouvernement.

La fonction publique occupe une place essentielle et irremplaçable au sein de l'économie nationale.

Cela faisait d'ailleurs dire, en août dernier, au Premier ministre, devant l'université d'été du Parti socialiste :

« Pour nous, le service public représente une valeur. Il relève d'une union de la société à laquelle nous tenons absolument. Il est au coeur du lien social. Il est un des garants de l'égalité entre les citoyens. Le service public n'est ni archaïque ni dépassé ». Il ajoutait : « La cohésion sociale, c'est aussi un service public conforté ».

Vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré à plusieurs reprises votre attachement au service public, qui est au coeur de la conception française de l'Etat républicain, et à ses principes, qui fondent le lien social. Ces propos confortent tous ceux qui, comme votre rapporteur, sont attachés à garantir et à accroître le rôle essentiel du service public.

Ces déclarations venaient conforter le relatif optimisme qu'avait nourri le budget de 1998, lequel, en prévoyant la création de 490 emplois, marquait une rupture avec la politique menée par les précédents gouvernements.

La relance contractuelle, marquée par la conclusion d'un nouvel accord salarial - certes pas entièrement satisfaisant -, participait de cet indiscutable changement de cap de la politique gouvernementale. Hélas ! le projet de loi de finances pour 1999 ne vient pas, bien au contraire, prolonger une politique à peine ébauchée, dont on peut craindre qu'elle ne soit condamnée au respect des critères de convergence et à l'enfermement dans le pacte de stabilité, et qu'elle prépare notre pays à une administration conforme à la construction européenne.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Parce qu'il sacrifie au dogme du gel des emplois publics, avant de renouer peutêtre demain avec leur décrue, le projet de budget accrédite l'idée que le service public n'est qu'une charge pour le pays, alors qu'il est avant tout un instrument irremplaçable de cohésion sociale, et donc d'efficacité économique. La part des dépenses consacrées à la fonction publique au sein de la richesse nationale est restée stable, elle est même en baisse.

L'année dernière, au moment même où je vous présentais ce budget, un haut fonctionnaire, aujourd'hui disparu, déclarait qu'il fallait réduire le personnel de la fonct ion publique de 400 000 agents. Ces propos me paraissent irresponsables eu égard à toutes les missions que devrait assurer le service public ; ils ne sont que l'écho de propos souvent tenus sur les bancs de la droite.

M. Dominique Bussereau.

Le rapport de ce haut fonctionnaire était excellent !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Comment peut-on, dans le même temps, réclamer plus de forces de sécurité, dire que les emplois-jeunes, qui ont aujourd'hui trouvé toute leur place, se substituent aux emplois publics - ce qui est en partie vrai -, et demander, comme l'ancienne majorité avait commencé à le faire en 1997 en supprimant 6 000 emplois, de réduire les emplois dans la fonction publique ?


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Les derniers mouvements des lycéens sont là pour rappeler qu'il manque des postes dans l'enseignement, qu'il s'agisse du personnel enseignant ou non enseignant. Les infirmières nous rappellent par ailleurs régulièrement le manque d'agents hospitaliers et il en est de même pour les finances et l'équipement, entre autres.

Oui, la fonction publique doit être confortée. Elle a toute sa place, donc elle représente un élément essentiel dans l'aménagement du territoire.

Quel chef d'entreprise aura l'audace de s'implanter dans une région, un village où il n'y a plus d'école, de poste, de service public en général ? La fonction publique et tous ses services de proximité sont des partenaires, non des concurrents des entreprises privées.

Ce point étant établi, j'examine dans mon rapport les différents défis posés au ministre de la fonction publique au regard des attentes des fonctionnaires, d'une part, et de la volonté de poursuivre la rénovation du service public, d'autre part.

S'agissant de l'évolution des rémunérations, l'accord salarial du 10 février 1998 marque la reprise de la politique contractuelle dans la fonction publique, puisque le dernier accord datait de 1993. Signé par cinq syndicats, cet accord salarial porte sur les années 1998 et 1999. Il donne la priorité aux bas salaires, prévoit une augmentation des traitements et comprend des dispositions relatives au temps de travail et à la lutte pour l'emploi.

Le congé de fin d'activité, le CFA, est reconduit pour 1999, avec ouverture de son bénéfice aux agents ayant cinquante-six ans, justifiant de quarante années de cotisations, tous régimes confondus, et de quinze années de service public.

Les résultats de la première année d'application du CFA constituent un incontestable succès, dont je ne peux que me féliciter. Dès lors, la pérennisation de ce dispositif, et non sa seule reconduction pour 1999, est souhaitable. D'autant plus que, vraisemblablement, le nombre de personnes susceptibles d'en bénéficier devrait diminuer au cours des prochaines années, faisant par là-même reculer le coût de cette mesure pour le budget de l'Etat.

La mise en oeuvre des 35 heures doit être préparée.

L'attente des conclusions de la mission confiée à M. Roché ne saurait dispenser l'Etat de prendre des mesures préparatoires ou à tout le moins d'y réfléchir.

Dans cette optique, le gel des emplois publics constitue un signal pour le moins inquiétant.

Car de deux choses l'une : soit la fonction publique est arbitrairement écartée du champ de la réduction du temps de travail, soit celle-ci se traduit, en l'absence de créations d'emplois, par une dégradation des conditions de travail des agents publics, et donc de la qualité même du service public.

L'Etat employeur se doit de donner l'exemple dans une période où certains employeurs privés font la preuve de leur refus de la réduction du temps de travail.

Mme Catherine Tasca.

présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très juste !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

La préparation du passage aux 35 heures est d'autant plus indispensable qu'apparaissent, ici ou là, des campagnes de presse sousentendant que la grande majorité des fonctionnaires travailleraient moins de 39 heures, voire, pour certains, déjà moins de 35 heures.

A ces critiques à peine voilées sur les horaires de travail des fonctionnaires se sont ajoutées des allégations outrancières sur l'absentéisme. Je n'entends pas tirer des conclusions quelconques de ces chiffres, mais je ne peux que déplorer la multiplication de critiques infondées sur le comportement des fonctionnaires et autres agents publics.

Déjà l'année dernière, lors de la présentation de ce budget, je vous disais qu'il était temps de mettre un terme aux déclarations incantatoires sur la « mauvaise graisse » ou les fonctionnaires « nantis et privilégiés ».

M. Dominique Bussereau.

Le mammouth !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Dans leur immense majorité, les fonctionnaires ont, eux aussi, assumé leur part de rigueur, la baisse de leur pouvoir d'achat en témoigne.

Par ailleurs, la résorption de l'emploi précaire doit être accélérée.

La résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique a toujours constitué, à juste titre, une préoccupation des organisations syndicales de fonctionnaires, d'autant plus que les efforts menés à certaines périodes pour réduire le recours aux non-titulaires et organiser leur titularisation n'ont jamais atteint leurs objectifs.

L'ampleur du phénomène est difficile à appréhender.

En effet, le recrutement d'agents non titulaires, quelle que soit leur dénomination - auxiliaires, vacataires, contractuels, l'exemple le plus criant étant la Bibliothèque de France François-Mitterrand -, s'effectue à un niveau souvent très déconcentré et sur des supports budgétaires variables : emplois budgétaires de contractuels, crédits gagés par des emplois de titulaires, crédits de vacations, voire crédits de fonctionnement.

D'après les informations qui m'ont été fournies, et audelà des incertitudes statistiques, c'est l'importance du phénomène qui frappe.

L'examen des différents fascicules budgétaires permet de constater que l'application de l'accord salarial entraîne une augmentation de près de 8,5 milliards de francs de crédits inscrits dans les premières parties du titre III en 1999. Pour importantes qu'elles soient, ces sommes ne permettent pas de préserver le pouvoir d'achat des fonctionnaires.

Cette insuffisance résulte de l'habitude prise par l'Etat employeur de ne plus raisonner en termes d'augmentation en niveau, mais en termes de variation de la masse salariale. Cette approche, qui date de 1983, fait que le pouvoir d'achat du fonctionnaire n'est plus seulement garanti par les mesures générales, mais aussi par des mesures catégorielles et des mesures individuelles.

Une telle démarche aboutit au fait que, sur la période 1986-1998, l'évolution moyenne des prix a été de 2,2 %, alors que les mesures générales en niveau n'ont atteint en moyenne que 1,8 %. Encore l'appréciation en niveau estelle trompeuse, puisque l'évolution réelle moyenne est encore plus faible. On le voit dans le cadre de l'accord salarial actuel : l'augmentation en niveau de 1,3 % en 1998 et 1999 se traduit en fait par une augmentation moyenne de 0,68 % en 1998 et de 0,44 % en 1999, ce qui est largement en deçà de l'évolution des prix.

Concernant l'action sociale interministérielle, le maintien à un haut niveau des crédits de 1999 - ils n'atteignaient que 636,3 millions de francs en 1997 - résulte de la reconduction, conformément à l'accord salarial de février 1998, de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs accordée en 1998. Je ne saurais trop souligner l'importance de cette enveloppe, qui a incontes-


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tablement contribué à relancer la politique d'action sociale au profit des agents de l'Etat. Sa pérennisation audelà de 1999 et des conclusions de l'accord salarial s'impose donc à l'évidence.

En ce qui concerne le chèque-vacances, vous avez, monsieur le ministre, pris en avril 1998 des mesures, qualifiées de transitoires, liées aux craintes exprimées par le ministère des finances de voir sa progression mettre en cause l'équilibre budgétaire de l'action sociale dans la fonction publique.

J'ai lu attentivement le rapport du groupe de travail du comité interministériel d'action sociale, et je vous sais gré d'avoir répondu par le dialogue social aux critiques suscitées par la circulaire du 15 avril 1998.

Cependant, ces problèmes ne sont pas entièrement résolus et, surtout, la question fondamentale de l'accès des non-titulaires, en particulier ceux dont la situation est la plus précaire, reste posée, y compris pour les emploisjeunes.

L'enjeu social du chèque-vacances et l'avenir de cette prestation ne sauraient s'accommoder d'une approche restrictive alors même que seuls 10 % des fonctionnaires en b énéficient ; cette formule appelle un financement pérenne.

S'agissant du régime indemnitaire, le problème de l'intégration des primes dans les traitements devient insistant. C'est un manque à gagner important au moment du remplacement du revenu d'activité par la pension de retraite. Cette perte peut dépasser 50 %, voire 80 % dans la haute fonction publique.

C'est aussi un manque à gagner important pour les cotisations sociales : 2,9 milliards de francs en 1996, quand le taux de cotisation était de 6,05 %, et 1,3 milliard de francs en 1997, puisque le taux a été ramené à 2,8 %. Concernant l'évolution des effectifs, après la création nette de 490 emplois civils - 0,3 % des effectifs budgétaires - prévue par la loi de finances pour 1998, le projet de loi de finances pour 1999 ne confirme pas la rupture attendue avec les réductions d'effectifs. En stabilisant les emplois budgétaires civils à leur niveau de 1998, le projet de budget pour 1999 gage les créations d'emplois par autant de suppressions.

Les ministères qui bénéficient le plus de ces créations de postes sont ceux qui correspondent aux priorités affichées par le Gouvernement. L'enseignement supérieur est le plus gros bénéficiaire avec 800 emplois supplémentaires - nombre ramené à 615 créations nettes en raison de 185 suppressions de postes -, la justice, avec 930 créations, l'emploi, avec 215 créations, et l'environnement, avec 140 créations.

En revanche, quatre secteurs sont principalement mis à contribution, comme l'année dernière, pour gager ces créations d'emplois : l'équipement, avec 495 suppressions ; l'économie, les finances et l'industrie, avec 695 suppressions, dont 691 nettes ; l'intérieur, avec 502 suppressions, et les anciens combattants, avec 181 suppressions.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Vila !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Il est clair que la stabilisation des emplois ne permettra pas de gager la mise en oeuvre, dans la fonction publique, de la réduction du temps de travail.

Il convient certes de tenir compte de l'engagement de créer 350 000 emplois-jeunes dans le secteur public et associatif au cours des cinq années à venir. En effet, tout en mettant en oeuvre une croissance plus solidaire, cela permettra de renforcer le service public dans les secteurs où le besoin s'en fait sentir - éducation, sécurité, culture , aménagement du territoire. Mais ce projet ne jouera un rôle moteur dans la croissance qu'à la condition que les emplois-jeunes soient pérennisés dans la sphère publique au terme du contrat de cinq ans, sans se substituer néanmoins à des emplois publics existants.

Les chapitres budgétaires relatifs aux dépenses liées aux réimplantations d'administration ne sont pas dotés pour 1999, alors que le budget de 1998 prévoyait 26 millions de francs de crédits de paiement. Pourtant, les crédits qui devraient être disponibles à la fin de l'année ne pourront pas couvrir les dépenses d'ores et déjà programmées pour 1999. La poursuite des opérations nécessitera donc un abondement en loi de finances rectificative pour 1998 estimé à 62 millions de francs.

En conclusion, votre rapporteur rappellera l'attente exprimée par l'ensemble des organisations syndicales qu'il a entendues dans le cadre de ses travaux et qui porte prioritairement sur les effectifs, sur les rémunérations, l'accord salarial n'apparaissant pas entièrement satisfaisant à cet égard, sur l'intégration des primes dans les traitements et la revalorisation du bas de l'échelle indiciaire. Il s'associe à leur souhait de voir s'engager le plus rapidement possible une négociation sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique, que se poursuivent les plans de résorption de l'emploi précaire et que le congé de fin d'activité soit pérennisé.

Par fidélité à mes engagements, par respect à l'égard de l'ensemble des organisations syndicales, et malgré toute l'amitié que je porte au ministre de la fonction publique, je ne pourrai voter ce budget. Donc, je m'abstiendrai.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l'on interroge nos concitoyens sur leur perception de l'administration, si globalement son image n'est pas toujours positive tant l'Etat paraît trop souvent lointain et pas toujours équitable...

M. Dominique Bussereau, C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

... les agents publics avec lesquels les Français sont en contact peuvent se flatter, en revanche, d'une grande popularité. C'est vrai de l'instituteur, du sapeur-pompier, de l'infirmière et de bien d'autres. Réticents, c'est vrai, à financer par l'impôt de nouvelles créations d'emplois dans les trois fonctions publiques, les Français sont aussi les premiers à réclamer davantage d'enseignants, d'aides-soignantes et de policiers et se refusent à la fermeture des services publics dans les territoires ruraux comme dans les quartiers des grandes cités.

A l'écoute de ces attitudes, parfois contradictoires, le ministère que vous dirigez, monsieur le ministre, doit contribuer à redonner à la puissance publique son rôle de régulateur et de correcteur des déséquilibres économiques, sociaux ou géographiques dans une société dont le tissu se fragilise, dont les solidarités s'émoussent, dont les valeurs - celles de la République - sont trop souvent mises en doute.


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Votre ministère disposera, en 1999, de 1,467 milliard de francs, en additionnant les crédits des agrégats 1,

« administration générale », et 2, « fonction publique ».

Ces crédits augmentent de 2,2 % par rapport à 1998, essentiellement d'ailleurs - il faut le reconnaître - grâce aux crédits destinés aux dépenses en capital.

Pour que l'Etat puisse mieux jouer son rôle tout n'est cependant pas affaire de crédits. Pour entreprendre des réformes dans ce domaine, le dialogue social et le pragmatisme sont deux qualités essentielles. En renouant avec les organisations syndicales une concertation qui s'était interrompue en 1993, vous avez fait preuve de réalisme.

L'accord salarial du 10 février dernier, qui recouvre les exercices 1998 et 1999, permet en effet de faire progresser dès cette année de 4 % la rémunération moyenne des personnes en place et de 2,7 % la hausse des salaires par fonctionnaire. Parallèlement - nous avons insisté sur ce point dès l'année dernière -, un effort particulier a été fourni en faveur des bas salaires de la catégorie C pour un coût total évalué à plus de 1,5 million de francs.

Ce pragmatisme dont vous faites preuve se traduit également par la gestion des ressources humaines, ainsi que dans la conduite de la politique sociale et de la réforme de l'Etat. La stabilisation des effectifs de la fonction publique que vous avez décidée ne doit pas empêcher de répondre à ces attentes de nos concitoyens que j'évoquais tout à l'heure. Cette stabilisation ne doit pas être un dogme...

M. Dominique Bussereau.

Si, au contraire !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

... j'ai bien entendu en cela les observations du rapporteur spécial, M. Jean Vila -, ce doit être un effort de maîtrise et de modernisation.

Des priorités devaient être dégagées. Elles l'ont été. Les arbitrages auxquels vous avez participé permettent, en effet, de dégager un solde net de 930 emplois au ministère de la justice - il était temps ! -, de 615 emplois dans l'enseignement supérieur - c'était indispensable -, tandis que les ministères de l'emploi et de la solidarité et de l'environnement peuvent enregistrer respectivement la création de 215 et 140 nouveaux postes.

Il est vrai cependant que la présentation des emplois budgétaires devrait obéir à une plus grande transparence, les exemples des budgets de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur pour 1999 fournissant un exemple de cette opacité que doit lever la Cour des comptes, puisque celle-ci s'est attelée à la délicate tâche de comptabilisation des effectifs et d'identification de leur imputation budgétaire. La même opacité régit, depuis trop longtemps, les régimes indemnitaires - les primes des fonctionnaires. Je ne peux que le regretter.

S'agissant de votre politique sociale, le droit à un congé de formation-mobilité et le renforcement des droits sociaux des agents non titulaires sont à mettre à l'actif du Gouvernement. On ne peut que souhaiter aussi la reconduction de la procédure du congé de fin d'activité et son élargissement. Il serait bon que vous puissiez prendre l'initiative, par voie d'amendement, de proroger ce dispositif et d'abaisser à cinquante-six ans le seuil de l'âge auquel on peut y prétendre.

Ce tableau relatif aux droits sociaux des fonctionnaires serait incomplet si j'omettais de mentionner également la nouvelle orientation que vous avez souhaité donner aux crédits d'action sociale interministérielle en privilégiant les dépenses d'équipement, puisque le chapitre 57-06 affecté à cette action est crédité pour 1999 de 255 millions de francs, dont 230 millions de provision exceptionnelle non reconductible au titre de mesures prévues par l'accord salarial du 10 février 1998.

Quant à la réduction du temps de travail dans la fonction publique, faute de connaître les conclusions du rapport Roché qui devraient être transmises au Gouvernement à la fin de l'année, il est sans doute prématuré d'en parler, mais nous serions néanmoins heureux, monsieur le ministre, de connaître vos intentions sur ce point.

La réforme de l'Etat constitue également un terrain privilégié de votre ministère. La méthode choisie et les champs ouverts par cette réforme en apportent la preuve, mais suscitent néanmoins de nombreuses interrogations.

Au commissariat à la réforme de l'Etat, dont le mandat venait à expiration en septembre dernier, ont succédé un comité et une délégation interministériels placés auprès du Premier ministre, le directeur général de l'administration et de la fonction publique occupant les fonctions de délégué. Après des débuts en fanfare, l'action du commissariat s'était, il est vrai, quelque peu essoufflée et il convenait de donner un nouvel élan à cette politique de la réforme de l'Etat. La voie choisie est-elle cependant la meilleure ? L'action en la matière ne peut réussir que sie lle est interministérielle. Plusieurs ministères - la défense, l'emploi et la solidarité, l'éducation nationale ont mis en place cette année, ou vont mettre en place, des programmes d'action, mais il ne faudrait pas que l'on s'en remette trop à des initiatives isolées sans vision d'ensemble, qui finalement ne reposent que sur la bonne volonté de leurs auteurs, qui ne sont que des réformes sectorielles.

Si l'on veut s'attaquer à des réformes de fond il taut trouver un équilibre entre ce qui était l'activisme solitaire du commissariat à la réforme de l'Etat et l'initiative ministérielle, parfois par trop verticale. Certes, la circulaire du Premier ministre du 3 juin dernier prévoit la mise en oeuvre d'un programme pluriannel de modernisation de l'administration, mais chacune de ces actions dépend à l'évidence des contributions de chaque ministère. En d'autres termes, il ne faudrait pas que la réforme de l'Etat ne soit fondée finalement que sur le volontariat d'administrations qui sont prêtes à accepter des expériences, transformant les plus méritantes d'entre elles en laboratoires.

A titre d'exemple, le champ des technologies de l'information et de la communication permet d'éviter de tomber dans ce travers, car il intéresse toutes les administrations. Le programme d'action gouvernemental sur la société de l'information, auquel le Premier ministre a souhaité associer son nom, prévoyait de confier une mission à M. Jean-Paul Baquiast. Dans le rapport qu'il a remis il y a quelques mois, M. Baquiast a formulé des propositions très intéressantes. Nous attendons très vivement leur mise en oeuvre.

Cette action ne doit pas occulter les regrets que l'on peut avoir par ailleurs. Je veux en évoquer deux qui portent sur la gestion des ressources humaines.

Force est de constater que la loi du 16 décembre 1996 n'a pu venir à bout de la résorption des emplois précaires, la condition de concours réservé s'avérant souvent inadaptée à la réalité.

Par ailleurs, quatre ans après la circulaire fonction publique-budget sur ce sujet, j'observe également que la question de la titularisation des agents de catégorie A est t oujours pendante et que 25 % d'entre eux, soit 2 000 personnes, n'ont pu bénéficier des mesures d'intégration prévues par les décrets.


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J'en terminerai par trois interrogations. La première a trait au régime de notation des fonctionnaires. Dans la perspective de modernisation de l'Etat, il vous appartient de revoir les règles qui, depuis près de quarante ans, encadrent annuellement un exercice largement théorique.

Aussi souhaiterais-je connaître vos intentions dans ce domaine, qui est essentiel pour l'évaluation des services publics et la motivation des agents publics.

Ensuite, le Gouvernement a fait la preuve, contrairement à ce que soutenait l'opposition, qu'il avait à coeur de réfléchir sur l'avenir des retraites du secteur privé. Les propositions de nos collègues Migaud et Cahuzac en faveur d'un produit d'épargne à long terme concernent les salariés, mais il serait dommage que cette réforme exclue les fonctionnaires de son champ.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Comment le Gouvernement entend-il appréhender ce problème ? Enfin, il y a un an, je m'inquiétais lors de ce même débat du surcoût financier engendré par la double localisation de l'Ecole nationale d'administration, surcoût estimé par la Cour des comptes à 16 millions de francs.

Parce qu'elle est soucieuse du bon emploi des fonds publics et attentive à la nécessité de réformer cette institution, la commission des lois a adopté à l'unanimité un amendement diminuant de cette même somme les subventions de fonctionnement allouées à cette école.

M. Dominique Bussereau.

Revenons à Paris !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Il évident que cette initiative doit être l'occasion pour le Gouvernement de faire part à la représentation nationale de l'état d'avancement de cette relocalisation - oserais-je dire de son achèvement ? - et de sa réflexion sur la réforme de la scolarité, sur l'ouverture de l'ENA sur l'Europe et sur la fonction publique territoriale, ainsi que sur son aptitude à être un vecteur utile pour la formation continue des cadres de la fonction publique.

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Comme les IRA, l'ENA a vocation à s'ouvrir à des expériences prof essionnelles diverses qui enrichissent la fonction publique. Encore faudrait-il que les fonctionnaires issus du troisième concours voient cette expérience professionnelle reconnue dans leurs rémunérations. Il est souhaitable, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez à l'occasion de ce débat les décisions qu'entend prendre le Gouvernement.

Au total, ce budget, pour modeste qu'il soit, se donne les moyens de réaliser des avancées sociales intéressantes.

La réforme de l'Etat, entreprise de longue haleine à laquelle vous vous êtes attelé, mérite d'être poursuivie sans souffrir de relâchement, sans pécher par timidité et sans prêter à la dispersion. Nous vous soutiendrons pour ce faire. C'est la raison pour laquelle la commission des lois, suivant son rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la fonction publique pour 1999 sous réserve de l'amendement que j'ai évoqué et que nous maintiendrons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, avant de donner la parole au premier orateur inscrit, je vous rappelle la nécessité de respecter votre temps de parole, car je serai obligé de lever la séance à douze heures cinquante.

La parole est à M. Charles de Courson, pour dix minutes.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le budget de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation constitue traditionnellement l'occasion de faire le point sur la gestion de la fonction publique de l'Etat. En fait, la politique de l'actuel gouvernement en la matière se caractérise par un triple laxisme, tant dans la gestion des effectifs et des rémunérations publiques qu'en matière d'avenir des régimes de retraite des pensions civiles et militaires de l'Etat.

Tout d'abord, le laxisme dans la gestion des effectifs.

Si l'on met de côté l'évolution à la baisse des effectifs de la défense liée à la professionnalisation de l'armée, on constate qu'en 1999, les effectifs des ministères civils sont apparemment stables à 1 680 000 postes. Le rapporteur l'a d'ailleurs dénoncé en estimant que cela traduisait le maintien d'une politique de gel. En fait, les effectifs sont en forte hausse du fait des emplois-jeunes affectés à l'éducation nationale et à la police puisque nous passerons de 60 000 emplois, en 1998, à 96 000, en 1999, sans compter les annonces faites par votre collègue, ministre de l'éducation nationale, concernant les mesures sur les lycées.

Ainsi, alors que les effectifs des fonctionnaires titulaires et des contractuels n'avaient augmenté que très faiblement de 1991 à 1997 - de 1 % avec 1,7 million de postes -, en deux ans les emplois-jeunes accroîtront de 96 000 le nombre d'emplois publics, soit une augmentation de 5,6 %. Que deviendront ces emplois-jeunes au bout de cinq ans ? Juridiquement, les jeunes qui les occupent reviendront sur le marché du travail, mais je sais trop comment est géré l'Etat pour faire le pari qu'ils deviendront probablement contractuels dans un premier temps et qu'ils seront progressivement intégrés dans un deuxième temps. Cela posera d'ailleurs un énorme problème aux générations qui arriveront à cette époque sur le marché du travail, car on réduira alors fortement tout recrutement dans la fonction publique. Donc, jamais depuis dix ans, la croissance du nombre d'agents publics n'a été aussi forte.

Par ailleurs, monsieur le ministre, que ferez-vous sur les 35 heures ? Ce gouvernement est parfaitement représentatif de la République dite des rapports : quand on ne veut pas affronter les problèmes, on fait un rapport.

Encore un ! Si possible d'ailleurs on le cadre pour qu'il arrive après la discussion budgétaire, afin que, surtout, l'on ne discute pas du fond des problèmes. Monsieur le ministre, sur le dossier des 35 heures dans la fonction publique, vous êtes dans une situation extrêmement difficile, c'est le moins que l'on puisse dire. En effet, quand on connaît un peu les régimes de travail des fonctionnaires, dans leur grande diversité, on sait bien qu'appliquer les 35 heures dans la fonction publique n'a aucun sens, sauf pour certaines catégories éventuellement.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Ah !

M. Charles de Courson.

Oui, mon cher collègue, dans l'éducation nationale les 35 heures n'ont aucun sens vu l'organisation du travail !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Elles en ont pour la fonction publique territoriale.

M. Charles de Courson.

Je parle de la fonction publique d'Etat. Pour ce qui est de la fonction publique territoriale, mon cher collègue, il n'y a même pas de loi sur le temps de travail ! Si vous suiviez le dossier des pompiers vous sauriez que pour les non-logés, par exemple, le temps de travail peut aller de 83 jours à


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Dunkerque à 150 jours dans d'autres villes : on est dans un rapport de un à deux. Vous voyez donc bien, monsieur le ministre, que vous êtes coincé, car vous ne pourrez pas expliquer aux fonctionnaires qu'ils n'ont pas droit aux 35 heures si vous les appliquez dans le privé et si vous les appliquez à la fonction publique, tant d'Etat que territoriale, ou hospitalière d'ailleurs - on pourrait parler de la troisième fonction publique -, vous vous trouverez dans une situation totalement ingérable. Je vous en parle en connaissance de cause, car je suis président du SDIS de mon département et je vois les conséquences de l'absence de loi.

Encore une fois, il y aura une pression à la hausse, sans compensation en termes de salaires. Et cette nouvelle hausse de la masse salariale rendra encore plus difficile et encore plus rigide le budget de l'Etat.

La deuxième critique que je ferai au Gouvernement, au nom de mon groupe, porte sur le laxisme de sa politique salariale. Y-a-t-il encore un peu de bon sens dans ce pays ? La question de fond est simple : on ne peut pas faire évoluer les rémunérations des fonctionnaires d'une façon sensiblement différente de celles des salariés du privé. En effet, les salaires des fonctionnaires sont financés par les impôts. Si vous les augmentez plus vite que ceux du privé, vous allez contribuer à renforcer l'inégalité sociale. Il est vrai que ce pays n'est pas à deux vitesses, comme on le dit souvent ; c'est un pays à plusieurs vitesses où ceux dont les conditions de travail sont les plus dures, qui sont soumis à la concurrence internationale la plus brutale et à des restructurations continuelles sont aussi ceux qui ont les moindres rémunérations et les moins bons régimes sociaux.

Mme Claudine Ledoux.

N'importe quoi !

M. Charles de Courson.

Je vais vous le démontrer, monsieur le ministre. Je n'invente rien, je me base seulement sur les documents budgétaires - à la différence de certains de mes collègues.

L'évolution de la rémunération moyenne des personnels présents, la RMPP, fait réapparaître que le pouvoir d'achat des fonctionnaires, après une hausse de 2,4 % en 1996 et de 2,2 % en 1997, s'est accéléré, gagnant 3,7 % en 1998 et probablement autant en 1999.

Le rapport établit une comparaison très intéressante entre le privé et le public. On ne dispose pas de la RMPP pour le privé, mais on peut se baser sur l'évolution des salaires moyens nets. Nous constatons alors, mes chers collègues, qu'entre 1990 et 1996, le salaire net moyen dans la fonction publique - net de cotisations sociales et de prélèvements sociaux - a augmenté de 7,5 % de plus ! Les salariés du privé ont même connu, sur cette même durée, une légère baisse de leur pouvoir d'achat.

Pour ceux qui ont un minimum de sens de la justice sociale et de l'équité sociale, un tel écart pose un vrai problème.

La politique menée en ce domaine en particulier l'accord salarial de 1998 - a-t-elle modifié la situation ? Non, mes chers collègues, on continue ! Le système se rigidifie, car les hypothèses que vous aviez prises en compte, monsieur le ministre, au moment des négociations, n'étaient certainement pas basées sur un niveau d'inflation aussi bas que celui d'aujourd'hui.

Ainsi, mes chers collègues, l'écart entre les salaires du privé et les salaires du public ira croissant. En 1991, le salaire moyen net était à peu près identique dans la fonction publique de l'Etat : 10 140 francs et dans le privé : 9 820 francs. Six ans plus tard, il est de 11 880 francs dans le public contre 10 690 francs dans le privé.

La question dépasse très largement les bancs de cette assemblée : y a-t-il encore un sens de la justice sociale dans la gestion de la politique de rémunération dans la fonction publique par rapport au privé ? Je suis de ceux qui soutiennent la thèse - je l'ai toujours soutenue, dans l'opposition comme dans la majorité - qu'il ne faut pas faire plus pour le public que pour le privé.

Un dernier point est essentiel, monsieur le ministre.

C'est votre absence de courage et l'absence de réforme des régimes spéciaux de retraite, notamment du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat.

Le jaune budgétaire fait ressortir que les cotisations globales, patronales et salariés, des salariés du privé dépassent de 5 % celles des salariés de la fonction publique de l'Etat - puisqu'elles sont respectivement de 21 % contre 16 %. Quant aux cotisations patronales de la fonction publique de l'Etat, elles sont de l'ordre de 57 % - 39,8 % de cotisations sociales dites fictives, 5,4 % pour les allocations familiales et 12 % pour la maladie.

M. le président.

Je vous demande de conclure !

M. Charles de Courson.

Ainsi, le régime de la fonction publique est de plus en plus financé par le contribuable ; nous en sommes à 84 % ! Les cotisations sociales fictives de l'Etat sont de 39,8 % alors que la contribution des fonctionnaires, représente, avec leurs taux de pensions, à peu près 16 %. Et cela s'aggrave continûment - on prévoit 1,2 point par an pour les quatre ans qui viennent.

Mme Claudine Ledoux. Le service public est ultralibéral !

M. Charles de Courson.

Alors même que la part de l'Etat dans le financement des régimes de retraites des fonctionnaires augmente de façon continue - pour atteindre aujourd'hui 84 % -, le phénomène est exactement inverse concernant les retraites du privé. La part de l'Etat n'est que de 40 % et celle des salariés ne fait que croître.

Là encore, en matière de protection sociale, votre politique de non-réforme aggrave les inégalités sociales entre les Français.

Ma conclusion sera très simple : laxisme dans la gestion des effectifs,...

M. le président.

Et dans le temps de parole ! (Sourires.)

Veuillez conclure, je vous prie.

M. Charles de Courson.

... laxisme dans la gestion de la rémunération, laxisme enfin dans la non-réforme des régimes de pensions dans un cadre d'ensemble.

Vous ne vous étonnerez pas dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe UDF vote contre ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

J'insiste, mes chers collègues, pour que vous respectiez votre temps de parole. Sinon, je serai conduit à vous interrompre.

La parole est à M. François Huwart, pour quinze minutes.

M. François Huwart.

Monsieur le ministre, même si vous qualifiez vous-même habituellement votre budget de modeste,...

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Par rapport au tout !

M. François Huwart.

... le groupe RCV considère que par rapport à d'autres budgets et tel qu'il est présenté cette année, c'est-à-dire sans augmentation mais sans


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diminution non plus après un accroissement non négligeable l'année dernière, il est suffisant et adapté à vos préoccupations. En raison, notamment, de l'action sociale que vous développez au niveau interministériel et des crédits qui sont consacrés au fonctionnement des écoles de formation de la fonction publique, nous considérons qu'il s'agit d'un bon budget.

Cela étant, j'exprime un regret, qui ne vous concerne d'ailleurs pas, monsieur le ministre, pas plus qu'il ne concerne votre administration. Etant très « transversal », ce budget ne traduit pas l'importance des problèmes que vous devez gérer. Aussi formulerai-je le voeu, probablement pieux, que la direction générale de la fonction publique et vos services puissent gérer plus globalement les problèmes qui se posent à la fonction publique ; mais cela implique une autre conception de l'Etat.

Le propos de M. de Courson sur la fonction publique était d'ailleurs révélateur de l'existence de deux conceptions de la société.

Mme Claudine Ledoux.

Tout à fait !

M. François Huwart.

Il y a ceux qui considèrent que l'efficacité économique et la croissance passent par une réduction du rôle de l'Etat et de la fonction publique, et puis ceux, dont je suis, qui, considèrent que la fonction publique - avec le service public - est un puissant moyen d'instituer l'égalité territoriale et sociale. Par conséquent, rien ne sert de prolonger ce débat dans les termes où

M. de Courson le pose.

En revanche, l'action de votre ministère et de votre action, monsieur le ministre, par la reprise du dialogue qui la caractérise depuis un an, va dans le bon sens. Le dialogue est nécessaire entre vous-même, l'Etat et ses fonctionnaires ; vous avez affirmé à juste titre que la réforme de l'Etat ne se ferait pas contre, et surtout pas sans les fonctionnaires. Mais il va au-delà, car c'est aussi, d'une certaine façon, le dialogue de la société avec ellemême. Il est grand temps, d'ailleurs, de mettre fin à l'opposition systématique entre les fonctionnaires et le reste de la société civile.

De fait, le décalage qui existe entre eux est devenu aujourd'hui plus sensible. La fonction publique s'est construite depuis 1945, et bien avant, par une série de mesures stratifiées, protectrices et par un statut général destiné à régir les rapports entre le Gouvernement et ses agents, avec les garanties qui en découlaient.

Pour autant, vous l'avez demontré aussi, la volonté de dialogue manifestée par l'accord salarial et par la reprise de la politique contractuelle ne s'accompagne pas d'une absence de volonté de réformer l'Etat et l'administration.

Y a-t-il globalement trop de fonctionnaires ? La réponse me paraît assez claire, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure : c'est « non ».

Y a-t-il des fonctionnaires qui ne sont pas employés où ils devraient l'être ? La fonction publique est-elle adaptée aux missions nouvelles ? La réponse est aujourd'hui clairement « non ». Le redéploiement des effectifs auquel il est procédé, cette année en particulier, me paraît donc tout à fait justifié.

De toute façon, on ne peut pas, à la fois vouloir réduire les effectifs de la fonction publique et souhaiter davantage de professeurs, davantage de moyens dans les services de sécurité. Surtout, on ne peut éluder un besoin ressenti de plus en plus souvent par nos concitoyens dans leur quotidien : la présence effective des agents de l'Etat et dans les quartiers en difficulté et dans le monde rural.

Or tout cela a un coût, humain et social, qui est déterminant. La société civile évoluant vers plus de précarité, les lois du marché s'y imposant de façon de plus en plus dure, il y a lieu de mener clairement une politique de compensation.

Monsieur le ministre, et cela ne vous étonnera pas, notre groupe est très attaché au service public, qui est au coeur du pacte républicain. Mais attachement au service public ne signifie pas immuabilité des choses. C'est pourquoi vous avez engagé une réflexion - nécessaire, compte tenu de l'importance des effectifs de la fonction publique et des implications qu'auront de telles réformes - sur la modernisation de l'Etat, sur la décentralisation, sur la sécurisation des interventions des collectivités territoriales et sur la réduction du temps de travail. Nous attendont avec intérêt le résultat de ces démarches.

Pour l'avoir vécue dans la fonction publique ellemême, la première des préoccupations me semble être celle d'une meilleure gestion prévisionnelle des effectifs.

J'ai eu trop souvent le sentiment que l'évolution des effectifs de la fonction publique était davantage le fruit de négociations passées avec le ministère du budget et basées sur des évaluations forfaitaires, que de projections sur l'avenir gérées par les ministères - qui n'en avaient ni la possibilité ni la volonté. Je crois qu'il faut faire un effort important en la matière.

Je ne parlerai pas de flexibilité - c'est un mot tabou, mes chers collègues -, je parlerai de souplesse dans la gestion des carrières, car elle me paraît indispensable, notamment dans la fonction publique territoriale. Tout en resp ectant le principe de libre administration des collectivités territoriales et en garantissant le statut des agents, il conviendrait de prendre davantage en considération la mobilité dans l'avancement des carrières. On éviterait ainsi la cristallisation et la sclérose de certaines fonctions publiques territoriales.

Autre préoccupation : la proximité des services. On redéploie sans doute trop de fonctionnaires dans les administrations centrales et pas assez dans les services de proximité. C'est un problème ancien que l'on connaît bien. La solution passe par la correspondance entre la gestion des effectifs de la fonction publique et certaines réformes institutionnelles, notamment en matière de décentralisation et de déconcentration. On a trop souvent assisté à la volonté constante des ministères de vouloir m aintenir leurs effectifs centraux, voire les effectifs déconcentrés et de s'opposer à l'idée que les préfets pourraient être les interlocuteurs des collectivités territoriales.

Cela dit, la création de passerelles entre les corps, la n écessité d'une plus grande souplesse ne doit pas conduire à ce qu'il n'y ait pas de métier de la fonction publique. La fonction publique n'est pas seulement généraliste. Elle doit pouvoir créer des métiers, exercés par des fonctionnaires qui aient une vraie compétence et qui soient susceptibles, au long de leur carrière, de faire preuve de mobilité. Le chantier s'avère très important.

J'ai été frappé de constater, notamment dans la fonction publique territoriale, que les statuts particuliers ne sont pas adaptés et qu'ils ne permettent pas, du fait de la trop faible proportion de promotions au choix, de donner à des gens qui ne sont plus concernés par la qualification requise dans les concours des possibilités de carrière. Cela nuit à l'efficacité de l'administration locale.

Le statut général dans son immuabilité est un sujet assez difficile et quasi tabou. Mais il faudra bien, un jour, aborder la question du rapport entre les garanties dont jouissent nécessairement les fonctionnaires et certains de leurs devoirs en rapport avec la continuité du service


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public. Je suis - vous me connaissez, monsieur le ministre - très attaché au droit de grève. Je considère que les fonctionnaires et les agents des services publics sont des citoyens comme les autres. Mais, le sont-ils tout à fait en ce domaine ? Je ne le pense pas. Il conviendrait d'engager une réflexion dans la sérénité, avec le souci de garantir les droits des fonctionnaires, mais aussi d'assurer, plus sérieusement, dans certaines circonstances la continuité du service public.

S'agissant de la prise en compte des 35 heures dans la fonction publique, vous avez adopté une démarche pragmatique et prudente, qui devrait déboucher en 1999 sur un certain nombre de mesures. Au point où nous en sommes, la réforme entrant dans les faits et s'appliquant au secteur privé, un mouvement général devrait s'engager dès l'année prochaine dans la fonction publique. La question est de savoir quels financements pourront être dégagés dans le cadre du pacte de stabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales. L'Association des maires de France est tout à fait sensible à cet aspect des choses.

Monsieur le ministre, je ne partage pas avec M. de Courson le sentiment que le moindre laxisme caractérise l'action de votre ministère depuis un an et demi. Je ne partage pas non plus la critique selon laquelle les effectifs ne sont pas en hausse. Il était sans doute plus raisonnable de les stabiliser et de les redéployer. On verra bien plus tard si la nécessité d'agir autrement se fait sentir.

Enfin, s'agissant de la modernisation de l'administration, nous avons le sentiment que les rapports que vous avez commandés et les propositions que vous faites, vont très largement dans le bon sens.

Pour toutes ces raisons, le groupe RCV votera sans hésitation votre budget pour 1999.

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Monsieur le ministre, si je devais caractériser votre budget, deux mots me viendraient à l'esprit : clientélisme et immobilisme.

Le budget que l'on nous présente comme modeste pèse en fait bien lourd : 691 milliards de francs, soit 41 % du budget de l'Etat et 8 % du produit intérieur brut cette année. Voilà ce que représente la fonction publique ! Bien sûr, l'essentiel est constitué par les dépenses de personnel : 652 milliards pour 1999, soit une hausse de 6,8 %, quelque 41 milliards de francs. Cela nous donne, sur deux ans, une hausse de 15,45 % soit 87 milliards de francs. Cette augmentation spectaculaire pour le budget résulte de l'accord salarial du 10 février 1998. Vous nous parlez de dialogue social. Nous dirons plutôt racolage électoral.

Si l'on en croit le rapport sur les rémunérations de la fonction publique, le coût pour le budget de l'Etat sera de 5 milliards cette année et de 23 milliards pour l'an 2000. Pour la fonction publique territoriale et hospitalière, les chiffres sont respectivement de 2 milliards et de 10 milliards. Au total, nous arrivons à 33 milliards pour l'an 2000.

Charles de Courson a rappelé opportunément tout à l'heure le renforcement des inégalités entre le secteur privé et le secteur public. L'écart s'est effectivement accru de 3 à 10 % dans les sept dernières années. Mais ces inégalités marquées semblent ne susciter aucune réflexion de votre part.

Vous vantez la stabilisation apparente des effectifs, que regrette d'ailleurs le rapporteur : 2 358 suppressions, 2 358 créations. Toutefois, la présentation est trompeuse.

Charles de Courson a rappelé le problème des emploisjeunes. On sait également que, dans certains ministères, les créations de postes seront faites sur des crédits de fonctionnement qui n'apparaissent pas dans la présentation budgétaire qui nous est soumise. Rien que dans l'éducation nationale, plus de la moitié des postes créés ainsi n'apparaîtront pas. Tout cela était très bien expliqué dans Le Monde du 11 septembre.

On peut donc bien parler de dérive budgétaire - même pas camouflée d'ailleurs. Est-ce pour faire oublier une réforme de l'Etat en panne ? Deux cents hauts fonctionnaires sont chargés de réfléchir à la manière de rendre l'Etat plus proche des citoyens, nous avez-vous indiqué. Mais sont-ils les mieux placés pour le faire ? Peut-être pourrait-on commencer par rendre l'Etat plus proche des représentants du peuple que nous sommes, ne serait-ce que dans les documents qui nous sont présentés, car force est de constater que nous sommes dans le clair obscur ? Ainsi, deux chiffres différents sont énoncés pour le budget de la fonction publique. Une commission fait état de 1,450 milliard alors qu'un autre parle de 1,467 milliard. Et, selon les présentations, ce budget connaît une baisse de 0,1 % ou une hausse de 2,2 %.

Il en est de même dans le tableau de présentation des crédits. Entre la note de présentation du rapporteur et son rapport final, des lignes sautent, des années disparaissent, telle l'année 1997. On a ainsi perdu les chapitres du titre III, avec la ligne du commissariat à la réforme de l'Etat et ses 7 millions, retrouvés un peu plus loin dans le fonds pour la réforme de l'Etat mais seulement à hauteur de 5 millions. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous nous expliquerez ce que sont devenus les 2 millions manquants.

Quant au rapport mentionné par Charles de Courson et qui, aux termes de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1983, doit être présenté tous les deux ans, je m'étonne qu'il n'ait fait l'objet d'aucun commentaire. Pas un mot de quiconque ! Enfin, d'une manière plus générale, comment ne pas s'interroger sur le fait que le budget de la fonction publique ne présente pas de comptabilité patrimoniale de l'Etat, pas de comptabilisation des amortissements et provisions, ce que l'on exige de n'importe quelle collectivité territoriale, et notamment des communes qui elles, il est vrai, doivent présenter des budgets en équilibre ? Tout cela permet à l'administration de décider seule du juste niveau de ses propres dépenses et de la qualité de sa gestion patrimoniale. Car il s'agit bien du grand retour de l'administration. Celui-ci passe notamment par la suppression du commissariat à la réforme de l'Etat - décret du 8 juillet dernier - remplacé par une délégation ministérielle placée sous l'autorité du directeur général de la f onction publique, dont les moyens d'ailleurs sont réduits : 5 millions contre 7 millions, dont 1 pour le national.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Il fera plus avec moins !

M. Lionnel Luca.

Cela passe aussi par le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dont vous affirmez qu'il est dans le prolongement du projet de loi Perben sur l'amélioration des relations avec le public, alors qu'il en prend le contrepied formel avec l'article 19. Jugez plutôt : « ... le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. », et non

plus donc d'acceptation. Grâce à ce projet de loi, le citoyen va redevenir sujet. Quel recul !


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Mme Claudine Ledoux.

Mais non, c'est le contraire !

M. Lionnel Luca.

Quant au programme pluriannuel de modernisation, il se borne pour l'instant à promettre pour l'an 2000 - c'est la promesse millénariste ! - le paiement par carte bancaire. C'est vrai que c'est une grande avancée qui va sûrement de pair avec la réduction des crédits, de 40 millions à 34 millions de francs.

Dernier point, la recentralisation affirmée. L'inquiétude est grande chez tous les élus - et vous êtes aussi un élu local, monsieur le ministre - quel que soit leur bord, comme l'a montré le colloque qui s'est tenu avant hier au Sénat à l'initiative de son nouveau président, Christian Poncelet.

Malgré vos dénégations, les faits sont là et eux seuls comptent. Car il s'agit bien d'une centralisation avec une étatisation de plus en plus affirmée de la ressource publique locale qui marque la perte d'autonomie des collectivités territoriales. Il en est ainsi de la taxe générale sur les activités polluantes, écotaxe centralisée affectée au seul budget de l'Etat alors qu'elle remplace plusieurs taxes prélevées à un échelon déconcentré. Il en va de même de la compensation envisagée de la taxe professionnelle dont vous êtes bien le seul à vous réjouir et qui inquiète énormément tous les élus locaux.

Enfin, la transformation du pacte de stabilité en pacte de croissance et de solidarité relève vraiment de l'abus de langage. Gilles Carrez a bien démontré que les dotations de l'Etat ne seront indexées que sur 20 % de croissance, ce qui aura pour effet une baisse mécanique de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. L'Association des maires de France, le comité des finances locales, unanimes, vous ont demandé une indexation à hauteur d'au moins 50 %.

Il s'agit donc bien d'un budget racoleur et clientéliste, dont l'immobilisme masque le retour de la toutepuissance administrative centralisatrice. Finalement, le mammouth a toujours trop de graisse. Il ne valorise pas les agents dont la qualité ne demande qu'à s'exprimer et ne répond pas aux attentes des Français qui souhaitent de la proximité, de la sécurité, la non-rupture du service public et la même rigueur financière qu'on leur impose.

Monsieur le ministre, le RPR, bien sûr, ne votera pas un tel budget.

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une politique de gauche appelle des réformes administratives qui répondent à l'immense attente des Français en matière de service public et d 'approfondissement d'une démocratie décentralisée.

Cette ambition est d'autant plus légitime que la jungle du libéralisme montre bien les limites de la loi du marché pour assurer les droits sociaux élémentaires et un développement économique équilibré.

Or le budget n'apporte pas de réponse à cette inquiétude et aux aspirations des Français en matière de services publics efficaces. N'y a-t-il pas une contradiction entre l'objectif d'une augmentation maîtrisée des dépenses pour financer les priorités du Gouvernement, et l'absence de création nette d'emplois dans ce budget pour 1999 ? Le maintien strict des effectifs, même avec le recrutement d'emplois-jeunes ne suffit pas. Ce n'est pas votre budget lui-même, monsieur le ministre, qui est en cause, c'est une politique économique qui se moule aux exigences du pacte de stabilité européen. A cet égard, l'arrivée d'un nouveau chancelier en Allemagne ne nous donne guère d'illusions sur une meilleure prise en compte de la dimension « emploi ».

La monnaie unique et la stratégie de la Bundesbank se conjuguent pour une politique monétariste, accompagnant les aléas des marchés financiers. Le pacte de stabilité exige pour assurer la prééminence de la croissance financière sur l'économie réelle, une contraction des dépenses publique et donc de l'emploi et des agents de l'Etat. Les critères de convergence sacrifient l'emploi public en France.

Pour les communistes, il est dommage qu'après le frémissement de l'an passé, le budget ne crée pas de nombreux emplois dans un pays qui connaît trois millions de chômeurs. Notre préoccupation est d'autant plus grande qu'un tel choix va à l'encontre des revendications rappelées dans de multiples manifestations, que ce soit dans l'enseignement ou les transports.

La sécurité civile, la crise de la société à travers la crise de la ville, les besoins en matière de santé, de droits de l'enfant, d'aide aux personnes âgées sont autant de services publics pour lesquels les Français attendent une véritable politique de gauche refusant le bricolage et le coup par coup pour répondre aux besoins.

Je sais bien que cette orientation est d'abord celle de Bercy, mais ses effets sont particulièrement sensibles au niveau des fonctions publiques, celle de l'Etat comme de la fonction publique territoriale et hospitalière. Des d izaines de milliers d'emplois publics statutaires manquent. La mise en oeuvre des 35 heures aurait dû y inciter. Or force est de constater qu'on ne remplace pas des départs en retraite ou qu'on demande au nom de la productivité à des agents à temps partiel d'assumer la charge du temps complet.

Des services traditionnels et efficaces comme ceux de l'équipement sont réduits année après année par transfert de leurs missions aux collectivités territoriales, notamment aux départements. Notre inquiétude a encore été renforcée par les propos du ministre de l'éducation nationale, qui voudrait, à terme, faire gérer les personnels ATOS par les collectivités pour ne plus faire relever que les enseignants de la responsabilité nationale.

Et quand on évoque le problème important de la pérennisation des emplois-jeunes au terme des contrats de cinq ans, on a le sentiment qu'il existe une volonté de renvoyer cette pérennisation à la responsabilité des collectivités territoriales, ce qui perpétuera une forme de précarité. Or ces emplois devraient être intégrés dans la fonction publique. Il importe, monsieur le ministre, que vous rassuriez les intéressés sur leur avenir.

Le Monde du 14 octobre nous informait que le Gouvernement reconnaissait l'arrêt Berkani concernant les agents non titulaires de la fonction publique. Eh bien, les personnels de l'université Toulouse, le Mirail, qui compte 180 agents précaires, demandent l'extension des décisions de l'arrêt Berkani à ces derniers.

Une contraction des missions de l'Etat, et donc des effectifs publics pour y répondre, s'inscrit dans la logique de Maastricht et d'Amsterdam. Une nouvelle restructuration des échelons territoriaux traditionnels ne pourrait, en fin de compte, que rendre plus difficile la traduction d'une volonté politique pour contrecarrer les inégalités et la précarité inhérente à la loi du libéralisme.

Il serait au contraire important, alors que la conjoncture économique mondiale et européenne s'annonce pour le moins indécise, que le budget contribue à une croissance durable en créant des emplois publics et en répondant aux revendications des agents de l'Etat en matière de traitement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Les mesures générales prévues pour 1999 de deux revalorisations du point de fonction publique - 0,5 % en avril et 0,8 % en décembre -, sont insuffisantes. Un Français sur six dépend de la politique salariale de la fonction publique. Le traitement minimum dans la fonction publique est toujours en retard sur la dernière revalorisation du SMIC. La revalorisation significative du pouvoir d'achat est bien une nécessité.

D'autres questions pourraient trouver des réponses satisfaisantes dans ce budget. C'est le cas du respect du droit de grève et de la suppression du trentième indivisible, ou encore de l'intégration des primes dans le calcul de la retraite. Le congé de fin d'activité, comme les crédits de l'action sociale interministérielle, qui répondent à de réels besoins, doivent être pérennisés pour lever toute inquiétude.

Il y a un immense besoin de démocratie interne dans la fonction publique. La réforme de l'Etat et son adaptation, la transparence de la gestion publique ne pourraient se faire qu'avec les agents eux-mêmes. Or ils constatent aujourd'hui que les organismes de concentration sont transformés le plus souvent en chambres d'enregistrement. Et il existe une multiplication d'atteintes aux libertés syndicales, à La Poste, à l'équipement, à France Télé com, à l'ONF et parmi les personnels territoriaux. C'est là une pente dangereuse qu'il nous faut quitter rapidement : l'agent de la fonction publique doit être un citoyen à part entière dans son administration, son établissement, son service. Dans et hors de son administration.

Voilà les observations que je tenais à faire au nom des députés communistes. Je regrette d'autant plus leur tonalité critique que la gauche, à travers les 35 heures et les emplois-jeunes, s'est engagée avec détermination dans la lutte prioritaire pour l'emploi. Cette exigence première ne se retrouve pas dans le budget de la fonction publique, ce qui empêchera le groupe communiste de le voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Charles de Courson et M. Lionnel Luca.

Oh, quelle tristesse !

M. le président.

Je vous remercie, monsieur Carvalho, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

Mme Claudine Ledoux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an vous veniez défendre devant notre assemblée un budget de la fonction publique qui marquait une rupture nette avec la politique poursuivie depuis plusieurs années à l'égard des administrations et des services publics dans leur ensemble.

En effet, 1996 avait été marquée par le gel des revalorisations des salaires, pourtant contractuellement décidées ; 1997 a vu quelque 5 999 emplois budgétaires supprimés - sans doute n'avait-on pas osé aller jusqu'à 6 000.

En 1998, avec le retour de la gauche, la fonction publique a retrouvé enfin un budget de gauche. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Les crédits sociaux ont augmenté de 41,44 %, les effectifs ont enregistré une augmentation nette de 490 emplois. Il y avait là les quelques ingrédients permettant de rétablir entre l'Etat et ses agents la confiance, qui s'est traduite le 10 février par les accords salariaux que vous avez signés avec cinq des sept organisations syndicales les plus représentatives.

Pour 1999, l'équilibre retrouvé en 1998 est préservé.

Nous nous en félicitons, mais conservons le souci que vous partagez avec nous, nous le savons, de persévérer sur les chantiers de la modernisation et de la préservation de la fonction publique pour le « plus grand service » des usagers.

Ainsi que je le mentionnais il y a un instant, le climat serein des dialogues que vous avez engagés dès la fin de l'année 1997 avec les organisations syndicales de la fonction publique a abouti le 10 février dernier à des accords salariaux, les premiers élaborés contractuellement depuis les accords Durafour.

La politique contractuelle relancée a permis d'atteindre ou de viser trois objectifs principaux.

Premièrement, la revalorisation des traitements. En effet, 1,3 % d'augmentation en 1998 et en 1999 et l'attribution de deux points d'indice supplémentaires pour les agents civils et militaires en 1999 permettent un rattrapage du pouvoir d'achat par rapport aux années maigres de 1996 et 1997.

M. Charles de Courson.

Non ! Lisez donc le jaune budgétaire !

Mme Claudine Ledoux.

Les agents attendaient ce geste important, tant pour leur situation matérielle que du point de vue de la reconnaissance que nous, membres de la représentation nationale, Gouvernement ou usagers, nous leur devons. Le service public en France reste une idée forte, une organisation incomparable au monde, une collectivité de salariés qui ont fait le choix du service de l'intérêt du plus grand nombre par la fourniture de prestations d'une qualité incontestable.

Cela mériterait d'être souligné. La reconnaissance due aux agents est l'un des gages que nous pouvons leur donner de notre attachement indéfectible au service public.

Mais au-delà, les accords du 10 février ont pris une signification symbolique forte en donnant une priorité aux revenus les plus faibles. En effet, pour les traitements inférieurs à l'indice brut 316, ce sont trois points supplémentaires qui sont consentis et quatre pour tous les revenus inférieurs à l'indice 294.

Par ailleurs, pour que soit mis fin à la situation insoutenable des agents dont le traitement restait inférieur au SMIC, monsieur de Courson, la catégorie C enregistre des progressions allant jusqu'à quinze points supplémentaires. Ainsi, les catégories les moins favorisées et dont les personnels sont affectés, généralement, aux tâches les plus rudes - ainsi les services de l'équipement - voient leurs conditions générales de vie un peu améliorées. Cette amélioration est prolongée grâce - il s'agit du second volet principal des accords de février - aux mesures sociales.

Les mesures sociales en faveur des personnels constituent également une avancée importante. Je le soulignais dès l'introduction de cette intervention. Elles étaient en très forte augmentation en 1998 grâce à l'inscription, au chapitre 33-94 de votre budget réservé à l'action sociale i nterministérielle, d'une dotation exceptionnelle de 230 millions de francs, que les accords de février ont reconduite pour 1999.

A ffectés notamment aux dépenses consacrées au chèque-vacances, ces crédits revêtent pour les agents une importance très grande. Ils doivent être regardés comme étant un accompagnement des mesures de revalorisation des situations puisqu'ils s'analysent non pas, contrairement à ce que certains aimeraient à faire croire, comme un privilège des agents publics mais comme le résultat d'une volonté politique de faire de la fonction publique une sorte de laboratoire social qui puisse servir de référence à l'ensemble des partenaires salariés et employeurs du monde du travail. L'Etat doit donner l'exemple.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Au-delà des crédits sociaux à proprement parler, je souhaiterais encore évoquer le congé de fin d'activité qui me semble devoir également être considéré comme un élément clef de la volonté politique que je mentionnais à l'instant. Le CFA, prorogé jusqu'au 31 décembre 1998, devrait, toujours aux termes des accords de février, être à nouveau prorogé pour 1999. Il s'agit d'une mesure essentielle pour les personnels concernés puisqu'elle vise, à l'heure où je parle, ceux d'entre eux qui, ayant atteint l'âge de cinquante-huit ans, totalisent 160 trimestres de cotisation au titre de l'assurance vieillesse et quinze années de services effectifs au sein du service public. Les critères d'obtention du CFA que je viens d'énoncer parlent d'eux-mêmes et indiquent le caractère social et indispensable de la mesure.

Le troisième objectif concerne la réduction du temps de travail qui reste un sujet très sensible au sein des services. Les accords ont été l'occasion de l'évoquer et nous attendons les conclusions de M. Roché, que vous avez chargé d'une mission d'évaluation sur ce sujet. Nous savons qu'il existe des disparités d'un service à l'autre et que cette question ne peut être traitée synthétiquement et uniformément. Pour autant, cet important chantier ne saurait être laissé à l'abandon. Sur ce point encore, nous connaissons votre volonté d'avancer et sommes confiants sur la tenue des discussions qui devront être menées à ce propos.

Le maintien de la concertation, compte tenu de la réussite de la politique contractuelle, nous paraît, me paraît, un enjeu central de la politique à l'égard de la fonction publique et des services publics dans leur ensemble.

Cette contractualisation devra, bien entendu, être poursuivie au-delà de 1999, qui est la seconde et dernière année des accords de février. Je note à ce sujet que le texte desdits accords fixe la date de novembre 1999 pour un retour à la table des négociations entre votre ministère et les partenaires sociaux. Son champ d'application pourrait être encore étendu. Les agents et leurs représentants nous ont fait part de leur désir qu'ait lieu une concertation élargie sur l'ensemble des mesures d'application de la loi de finances, notamment en matière de crédits sociaux.

Vous nous avez, monsieur le ministre, convaincu de cette volonté de concertation. Nous n'ignorons pas que vous saurez l'exprimer dans la mesure des possibilités offertes, notamment par la conjoncture à laquelle les dispositions finales des accords de 1998 font expressément référence.

De la même façon, vous avez, je le crois, su convaincre les agents, et votre budget pour 1999 confirme ce sentiment.

Le budget maintient à niveau constant l'ensemble des crédits de votre ministère, ce qui représente un effort encore très important compte tenu des relèvements conséquents enregistrés en 1998.

Le maintien général des crédits s'observe notamment en matière de crédits sociaux interministériels, comme je l'indiquais déjà il y a quelques instants, et en matière de crédits affectés à la réforme de l'Etat.

L es crédits sociaux, à hauteur de 905 millions, connaissent par rapport à 1998, une augmentation de 5 millions de francs.

Affectés l'année passée en fonctionnement, ils sont répartis pour 1999 sur le chapitre 33-94 pour un montant de 650 millions et sur le chapitre 57-06 pour 255 millions, la politique en matière sociale appelant des opérations en investissement.

Les crédits pour la réforme de l'Etat s'élèveront pour leur part à 129 millions de francs contre 127,3 millions en 1998.

Destinés à toutes les opérations de modernisation des services, ainsi qu'aux opérations de communication nécessaires à leur diffusion dans le public, ces fonds seront pour une large part absorbés en 1999 quand s'appliquera - vous me permettrez de l'espérer - votre projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, projet de loi que j'aurai l'honneur de rapporter au nom de la commission des lois de cette assemblée au premier semestre 1999.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Très bon projet et excellent rapporteur.

M. Dominique Bussereau.

Vous n'avez pas encore lu le projet !

Mme Claudine Ledoux.

Ce texte, que nous attendons, tend à améliorer le service proposé aux usagers par des mesures telles que la réduction des délais de traitement des dossiers, la mise en oeuvre de nouvelles procédures d'enquêtes publiques ou la création de maisons de services publiques. Elles appellent des crédits à la fois de fonctionnement et d'investissement. C'est ce qui explique la dotation pour 5 millions de francs inscrite en 1999 au chapitre 57-04, qui n'était pas doté en 1998.

La question des effectifs de la fonction publique ne relève pas directement de votre ministère mais de chaque département « employeur ». Ils sont dotés à cet effet aux trois premières parties des titres III. Pour autant, monsieur le ministre, vous saurez être notre meilleur relais pour sensibiliser le Gouvernement à la double question du maintien des effectifs et d'un effort de gestion prévisionnelle de ces derniers.

M. Dominique Bussereau.

Hélas !

Mme Claudine Ledoux.

Le maintien des effectifs, qui est d'ailleurs obtenu pour l'année à venir, pose pour certains services la difficile question du redéploiement. Certains ministères, conformément aux priorités dégagées par le Gouvernement, se voient attribuer des postes budgétaires supplémentaires, et nous nous en réjouissons.

M. le président.

Il faut penser à conclure, madame Ledoux.

Mme Claudine Ledoux.

Cela est vrai pour la justice, l'éducation nationale, les services de l'emploi et l'environnement. Pour autant, les services comme l'équipement paieront l'année prochaine, et pour la seconde année consécutive, un lourd tribut.

La gestion prévisionnelle des effectifs nous apparaît comme devoir être un chantier prioritaire de la fonction publique. Le statut qui a retenu le principe du concours pour le recrutement des personnels souffre encore de trop nombreuses exceptions. Ainsi, çà et là, subsistent des poches de précarité qui soulèvent chaque année des questions humaines difficiles. Les agents contractuels qui ont accompli leur mission parfois plus de dix années avec compétence et fidélité au service comprennent mal que leur soit opposé le concours qui inévitablement laisse sur le bord du chemin une part d'entre eux.

M. le président.

Veuillez conclure, madame Ledoux.

Mme Claudine Ledoux.

Je termine, monsieur le président.

Monsieur le ministre, vous avez pu constater que nous sommes satisfaits de la politique menée en faveur des personnels, fondée sur le dialogue, sur la prise en compte


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

des moins favorisés. C'est sans réserve que nous apporterons nos voix à votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour cinq minutes.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la fonction publique est l'occasion pour nous de faire le point sur l'importance du secteur public dans notre pays.

Avec un secteur public qui, pris dans sa globalité, représente le quart de sa population active, la France bat tous les records au sein des pays développés. Héritage d'une longue tradition jacobine et interventionniste, cette situation est devenue insoutenable car elle conduit à imposer au pays un niveau inégalé de prélèvements obligatoires.

Cet accroissement s'est réalisé dans le désordre le plus complet. Permettez-moi de citer quelques extraits d'une note récente de la direction du budget. A propos de la croissance, il est indiqué que « les fonctionnaires ont engrangé, au cours des dernières années, une avance considérable sur le plan salarial, les fruits de la croissance actuelle et future leur ayant été largement distribués par a nticipation ». Sur la productivité de la fonction publique, la note précise que « les gains de pouvoir d'achat n'ont pas eu de contrepartie en termes de gains de productivité ». Par rapport aux salaires du secteur privé, la direction du budget écrit que « l'écart par rapport aux salariés du secteur privé ne cesse de se creuser » à l'actif du public. Enfin, s'agissant des effectifs, on lit que, « entre 1970 et 1992, les effectifs des trois fonctions publiques se sont accrus d'environ 55 % [...] soit à un rythme quatre fois supérieur à celui de la croissance de la population totale ».

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Nous vous remercions de vous faire le porte-parole de la direction du budget !

M. Dominique Bussereau.

Je reviendrai plus loin sur les retraites qui sont également épinglées par la direction du budget.

M. Choussat, socialiste, inspecteur général des finances, jacobin, énarque, écrivait de son côté : « Tous ceux qui ont longtemps cru [...] aux vertus de la gestion publique doivent avoir la lucidité et le courage de reconnaître que la gestion des administrations et des entreprises publiques a fait faillite. » Et plus loin

: « ... les sureffectifs de la fonction publique sont au minimum de 10 %, soit 500 000 agents (soit un coût minimal de l'ordre de 150 milliards, équivalant à la perte du Crédit lyonnais, à ceci près que ce coût est annuel). » Cette citaton est tirée

de l'excellent livre de notre collègue député européen Thierry Jean-Pierre.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Quelle lecture ! La politique du Gouvernement ne traite aucun de ces problèmes de fond.

De surcroît, vous avez acheté la paix sociale par un accord salarial particulièrement généreux, et noté comme tel, même au sein du Gouvernement, puisqu'il entraîne une revalorisation des salaires de 2,6 % en deux ans.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

C'est faux !

M. Dominique Bussereau.

Il coûte en année budgétaire 14,8 milliards alors que les rémunérations et les retraites représentent déjà 40 % du budget de l'Etat.

Par ailleurs, vous ne traitez pas le dossier des retraites, ni le problème de la durée des cotisations et de l'âge des retraites. La charge pour le budget de l'Etat pour les dix prochaines années représente 65 milliards par an. Elle est considérable.

Dans le rapport que j'avais présenté au nom de la commission des lois sur le budget pour 1997, à l'époque où j'exerçais la même fonction que celle de M. Christian Paul, j'avais écrit : « D'après les projections du ministère du budget, le rapport actifs/retraités, qui était de 2,53 pour les fonctionnaires civils en 1995, sera de 2,19 en l'an 2000, 1,86 en 2005, 1,59 en 2010 et 1,40 en 2015.

Les coûts croissants du poids des retraites - à savoir 8,5 % d'ici l'an 2000 indépendamment de toute variation de l'effectif des cotisants et de la valeur du point fonction publique - pourront-ils continuer à être supportés par le contribuable ? » Ma réponse est non. Mais vous n'apportez aucune réponse ni ne proposez aucune réflexion dans ce domaine.

Je terminerai par trois critiques qui expliquent le vote négatif du groupe Démocratie libérale sur votre budget, monsieur le ministre.

Je déplore, tout d'abord, le maintien de l'opacité complète en matière de primes.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Ça, c'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Cela fait des années que les membres et les rapporteurs de la commission des lois en font la critique. Ce n'est pas parce qu'apparaissent de-ci de-là quelques chiffres incompréhensibles dans le Journal officiel que le problème est traité. Non, il ne l'est pas.

Je regrette ensuite qu'aucune suite concrète n'ait été donnée au rapport Prada. Vous voulez une fonction publique... telle que l'a qualifiée M. Allègre - je ne reprendrai pas son terme ; vous l'avez deviné - mais vous ne traitez pas le problème des salaires de la haute fonction publique.

Enfin, se pose - et c'est ce qui me choque - un problème de déontologie. A été créée, à l'initiative d'un précédent gouvernement, une commission de déontologie chargée de vérifier les conditions du pantouflage, c'est-àdire les passages du secteur public au secteur privé. Or cette commission, qui est sous votre responsabilité, monsieur le ministre, n'a ni moyens ni autorité. A tel point qu'il arrive que des fonctionnaires auxquels un refus de mise en disponibilité est opposé donnent leur démission ou partent à la retraite pour exercer la fonction interdite par la commission. Mais vous vous refusez à opérer des retenues sur pension ou à saisir le procureur de la République pour tous ceux qui violent ainsi la loi. Ce n'est pas une bonne manière de gérer la fonction publique de l'Etat.

Monsieur le ministre, vous l'aurez deviné, malgré votre bonne volonté et votre engagement personnel en faveur de la décentralisation, votre budget n'est pas acceptable et le groupe Démocratie libérale et Indépendants, tout comme le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du Rassemblement pour la République, ne peut le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Derosier.

C'est l'alliance !

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Si on avait supprimé quelques emplois, ils seraient d'accord.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Micaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

M. Pierre Micaux.

Oui au service public ! C'est évident.

Mais trop, c'est trop ! Tel est l'essentiel de mon propos.

Notre pays compte entre 5,3 et 5,4 millions de fonctionnaires. C'est trop.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Vous ne voulez pas de fonction publique !

M. Pierre Micaux.

Lorsqu'on ajoute les retraités, on arrive à un total de 9 millions ! C'est trop !

M. Patrice Carvalho.

C'est comme la droite, elle est trop nombreuse.

M. Pierre Micaux.

Vous n'avez pas la parole !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Micaux.

M. Pierre Micaux.

Résultat : les prélèvements obligatoires s'élèvent à 44 % ! Un salarié ne reçoit que 45 % environ de son salaire, les charges sur sa feuille de paye se montant à 55 % en moyenne. Dans certains secteurs, comme le bâtiment et les travaux publics, le total des charges peut même atteindre 110 %.

S'il y a un problème de salaires et de niveau de revenus, et je vais dans le sens des propos de Charles de Courson, il y a aussi un problème de nombre et, donc, une des solutions...

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

C'est de réduire !

M. Pierre Micaux.

... c'est de geler les embauches en tenant compte des départs à la retraite. C'est un minimum.

A partir du moment où on gèle les embauches, il est souhaitable de mieux les répartir. Je vous renvoie à ce sujet à la grève qui a lieu actuellement dans le monde pénitentiaire. Des besoins existent aussi dans la justice, et des problèmes de sécurité, ou plutôt d'insécurité, se posent dans les hôpitaux. Une meilleure répartition et une plus grande compression me paraissent donc être la solution.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j'aurais besoin que les fonctionnaires de votre ministère m'aident à mettre en place les 35 heures.

Je préside un syndicat départemental de distribution des eaux...

M. Patrice Carvalho.

Cumulard !

M. Pierre Micaux.

... et je ne sais comment appliquer la loi des 35 heures sans augmenter le coût de l'eau, et donc les factures ! Vous avez sûrement des conseils à me donner et je suis preneur. Il est facile de décider mais il faudrait, au préalable, réfléchir aux conséquences.

Cela étant, je ne me fais pas d'illusions, monsieur le ministre. Dans cette assemblée et dans votre majorité plurielle, on compte environ 65 % de fonctionnaires. Ils ne viennent pas ici pour se faire hara-kiri !

M. le président.

La parole est à M. Jacky Darne, pour cinq minutes.

M. Jacky Darne.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon intervention à quelques aspects du budget sur lesquels je partage l'analyse qu'a présentée le rapporteur de la commission des lois, M. Christian Paul. Néanmoins, je répondrai préalablement à notre collègue Bussereau, que s'il lisait les rapports, et notamment celui de M. Vila qui détaille les emplois budgétaires de 1991 à 1997, il verrait que le nombre de fonctionnaires a diminué de 1 624 et qu'il a été décidé un gel des emplois en 1999. La fonction publique territoriale a crû, c'est vrai, de façon importante, mais on ne peut pas additionner ainsi, sans faire de distinctions, tous les fonctionnaires, les compétences n'étant pas de même nature.

Il y a lieu effectivement de réformer le fonctionnement des collectivités locales. Des projets de loi ont été déposés à cet effet. Ils nous permettront de débattre de leurs compétences et de leurs moyens.

Je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un dispositif très positif : le congé de fin d'activité. Il s'est révélé très attractif puisque 12 500 agents de l'Etat en ont bénéficié en 1977. J'ajoute pour M. Bussereau que les fonctionnaires des collectivités locales en ont également bénéficié.

M. Dominique Bussereau.

Je le sais, monsieur Bussereau, j'étais le rapporteur du projet de loi !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Darne.

M. Jacky Darne.

5 500 fonctionnaires des collectivités locales l'ont utilisé et 1 700 agents de la fonction publique hospitalière. Les fonctionnaires qui avaient 40 ans ou 37 ans et demi d'activité, suivant leur entrée dans la fonction publique, ont pu partir à la retraite à 58 ans. C'est donc un dispositif intéressant qu'il convient de poursuivre. En cette période où la priorité de l'action gouvernementale est tournée vers l'emploi, cette mesure est particulièrement opportune.

Elle a bien sûr un coût, puisque l'on maintient le salaire à 75 %, hors primes et indemnités. Néanmoins, ce coût est réduit puisque les fonctionnaires sont remplacés par des jeunes. Il y a en effet une obligation de réembauche. On estime le coût net pour un emploi à 100 000 francs, montant que l'on peut comparer de façon pertinente avec ceux des emplois-jeunes ou d'autres dispositifs d'aide à la création d'emplois.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, il m'apparaît tout à fait souhaitable d'assurer la pérennisation de ce système et même de l'amplifier. En particulier, la condition d'âge pourrait être supprimée ou réduite à 56 ans, ce qui revient quasiment à la supprimer, car on sait bien que, pour justifier de 40 années d'activité, il faut commencer à travailler très tôt, ce qui sera rarement le cas dans les années futures. Il y a là sans doute un devoir de reconnaissance que nous avons à assumer en permettant à ceux qui ont assuré le service public pendant quarante ans de donner la place à des jeunes.

J'aborderai maintenant très brièvement quelques autres points.

Tout d'abord, j'ai noté que le droit à congé-formationmobilité, mis en place en 1997, s'est révélé positif puisqu'il permet à des fonctionnaires une mobilité interne dans les administrations d'Etat. Je pense, monsieur le ministre, qu'il faudrait que nous allions plus loin dans la mobilité, en particulier entre les fonctions publiques - locale, hospitalière et Etat. Nous voyons quelques mouvements dans le sens Etat-collectivités locales, mais peu dans l'autre. Pour que chacun comprenne mieux la façon dont fonctionnent nos services publics aujourd'hui, il faudrait pouvoir amplifier la mobilité entre toutes les administrations.

Autre point. J'ai pris connaissance des programmes pluriannuels de modernisation des administrations.

Chaque administration doit déposer d'ici à la fin de l'année un plan de modernisation. J'attire votre attention sur le fait que la démarche est très verticale, et qu'elle risque de ne pas prendre suffisamment en compte la nécessité de la cohérence de l'action publique au niveau


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

local. L'action publique déconcentrée doit être cohérente aux yeux des citoyens, et la démarche individuelle de chacune des administrations pour se moderniser et rationaliser son action ne garantit pas la qualité du tout.

J'appelle également votre attention sur l'aspect information et communication. Comme d'autres, sans doute, je suis lecteur de Service public , revue de qualité, diffusée à 70 000 exemplaires aux administrations et aux collectivités locales, entre autres...

M. Lionnel Luca.

J'en reçois sept à la fois !

M. Dominique Bussereau.

Ils ont un problème de fichiers !

M. Jacky Darne.

Mais la communication auprès du grand public reste insuffisante. La bonne image de notre administration passe par une bonne connaissance de ses efforts de modernisation ; il nous faut un support destiné au grand public et non réservé à quelques-uns.

Restent enfin, monsieur le ministre, quelques problèmes qui mériteraient d'être abordés avec plus d'attention. Je pense aux contractuels, ceux notamment des collectivités locales. Le recrutement de fonctionnaires publics par concours est difficile, faute de compétences disponibles sur le marché. Si l'on veut réduire le recours au contractuels, il faut diversifier les formations des fonctionnaires ou permettre des intégrations dans le corps des fonctionnaires par le biais de concours fondés sur les titres universitaires, et non de concours spécifiques.

Le problème des primes a plusieurs fois été évoqué.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Darne.

M. Jacky Darne.

Il conviendrait peut-être d'examiner en priorité les cas les plus étonnants : les personnels des services financiers reçoivent des primes qui représentent 33 % de leur rémunération, contre seulement 10 % pour ceux de l'enseignement scolaire. Il ne suffit pas de dénoncer la difficulté de ce système. Peut-être pourrions-nous commencer par un bout, en l'occurrence celui qui montre le plus de dysfonctionnements.

En conclusion, monsieur le ministre, nous sommes à vos côtés pour que les fonctionnaires et l'administration en général soient au service de l'intérêt général et donc des politiques que mène votre Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les ministres de la fonction publique se suivent et ne se ressemblent pas. J'ai encore en mémoire le peu de considération qui caractérisait l'action du précédent gouvernement en direction des fonctionnaires...

M. Lionnel Luca.

C'est scandaleux !

M. Bernard Derosier.

Les relations entre l'Etat et les f onctionnaires sont aujourd'hui plutôt bonnes. La confiance a été rétablie...

M. Dominique Bussereau.

A quel prix !

M. Bernard Derosier.

Et cela mérite d'être souligné, n'en déplaise à mes collègues de l'opposition. Ils ont, c'est vrai, des références en la matière - mon collègue Bussereau faisait référence à ce torchon écrit par un député européen.

M. Dominique Bussereau.

« Torchon » !

M. Bernard Derosier.

Je voudrais néanmoins, monsieur le ministre, évoquer à l'occasion de ce débat quelques problèmes qui me préoccupent - et vous aussi, je l'espère.

Je veux parler tout à la fois de la fonction publique territ oriale et de sa relation avec les autres fonctions publiques, de la situation des contractuels et de la diminution du temps de travail dans la fonction publique.

La fonction publique territoriale a besoin d'une revalorisation morale, d'une meilleure prise en considération.

Si les lois de 1983 et de 1984 ont permis d'organiser notre système d'administration en l'articulant autour de trois fonctions publiques, il n'empêche que la fonction publique territoriale n'est pas toujours reconnue comme elle devrait l'être. Il subsiste une réelle méfiance réciproque : les fonctionnaires de l'Etat ne témoignent pas toujours suffisamment de considération à l'égard de leurs collègues de la fonction publique territoriale qui, en retour, en déduisent que les fonctionnaires de l'Etat n'ont pas forcément toutes les qualités pour exercer eux-mêmes dans les collectivités territoriales. Il convient donc de renforcer les passerelles, afin de donner sa réalité à une possibilité prévue dans les lois de 1983 et de 1984. J'en exprime en tout cas le souhait à l'occasion de ce débat budgétaire.

Deuxième point - pardonnez le style télégraphique : las ituation des agents contractuels, dans la fonction publique territoriale en particulier.

Que l'on ne se méprenne pas : je ne suis pas pour une généralisation du recours aux contractuels, mais, là encore, je voudrais souligner l'inégalité des situations entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Je comprends, je partage les préoccupations de celles et de ceux qui défendent le statut et, au-delà, la situation des agents de l'Etat, des collectivités territoriales de la fonction publique hospitalière. Cependant, les élus des collectivités territoriales ont des responsabilités vis-à-vis des populations qu'ils représentent. Ils doivent disposer de moyens leur permettant de les assumer, tout comme les dirigeants de l'Etat ont recours à des collaborateurs ne relevant pas du statut. Or les uns le peuvent, les autres pas. Les uns, ce sont les administrations d'Etat - je ne parle pas des ministères, mais de certains grands services publics de l'Etat qui peuvent faire appel à des collaborations contractuelles. Les autres, ce sont les collectivités territoriales, dont les possibilités en la matière sont limitées par les textes.

Et que l'on n'argue pas de la lutte contre la précarité ! Ou alors, il faudrait traiter de la précarité du statut de l'élu... Le statut des collaborateurs est forcément lié à celui de l'élu auprès de qui ils travaillent. Il est temps de rechercher des solutions pour que les élus - adjoints aux maires des grandes villes, vice-présidents des départements et des régions - disposent enfin de moyens leur permettant d'assumer correctement leurs fonctions.

Dernier point : la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Je sais, monsieur le ministre, votre réflexion, je sais le rapport en préparation sur ce sujet, pour la fonction publique en général. Mais si une démarche volontaire peut s'imaginer en matière de diminution du temps de travail, elle ne peut que résulter d'une analyse partagée entre les élus et les représentants de la fonction publique territoriale, de ce que doit être la mission des collectivités territoriales, c'est-à-dire une mission de service public, au service du public.

Or, si l'on peut, en vertu du principe de la libre administration des collectivités territoriales...

M. le président.

Monsieur Derosier, veuillez conclure.

M. Bernard Derosier.

Je termine, monsieur le président.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

... laisser les élus décider librement de la diminution du temps de travail - M. de Courson a rappelé le cas des services départementaux d'incendie et de secours -, il n'empêche que les collectivités territoriales restent trop soumises aux aléas des dotations de l'Etat. Elles ne peuvent prendre le risque de s'exposer à des dépenses qu'elles ne maîtriseraient pas, faute de disposer des recettes nécessaires pour financer les emplois nécessairement nouveaux qui viendront compenser la diminution du temps de travail. Je voulais appeler votre attention sur ce problème afin que nous puissions, ensemble, trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je vais devoir me livrer à un exercice peutêtre un peu difficile : vous exposer, dans un temps très court, tout ce que j'avais l'intention de vous dire à propos du budget de mon ministère, en insérant çà et là des réponses sur des points plus spécifiques soulevés par les différents intervenants. Je vous demande par avance de bien vouloir m'excuser si je ne réponds pas à toutes les interrogations ; nous aurons l'occasion d'y revenir dans les jours qui viennent et durant l'exercice 1999.

Lorsque j'avais présenté mon budget il y a un an, devant cette même assemblée, j'avais conclu mon propos en insistant sur l'impérieuse nécessité de rétablir le dialogue social avec les représentants de fonction publique.

J'avais clairement indiqué qu'il s'agissant d'une condition préalable à la poursuite de la réforme de l'Etat dans un climat de confiance. Le succès des réformes appelle toujours la pleine association de ceux qui sont chargés de les mettre en oeuvre, en l'occurrence les fonctionnaires. Après le Premier ministre lui-même, votre rapporteur M. Vila a rappelé qu'ils étaient les acteurs premiers du service public, qu'ils sont au coeur du pacte républicain ; ils doivent donc être pleinement associés à la mise en oeuvre des réformes. François Huwart l'a également constaté, mais M. de Courson ne semble pas en avoir encore totalement pris conscience. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est dans cet esprit que j'ai ouvert des négociations avec les organisations syndicales représentatives. Vous le savez, un accord a été signé le 10 février dernier par cinq d'entre elles ; c'est donc qu'elles l'ont trouvé positif. L'opposition, je l'ai relevé, le juge quant à elle trop généreux.

M. Dominique Bussereau.

Vous avez acheté la paix sociale ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur Bussereau, je vous laisse la responsabilité de cette appréciation.

Rappelons que depuis quatre années, aucun accord salarial n'avait été conclu ni même recherché et qu'en 1996, les salaires des fonctionnaires n'avaient pas connu la moindre revalorisation. L'accord signé cette année montre la volonté de dialogue partagée par les partenaires sociaux.

Quelles en sont les principales dispositions ? Il s'agit tout d'abord d'accorder la priorité aux bas salaires dont certains étaient, il est vrai, inférieurs au SMIC. Un coup de pouce spécifique a donc été donné aux traitements les plus bas. Ils ont bénéficié de l'attribution de points supplémentaires.

Deuxième priorité, il vise à préserver le pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires à situation professionnelle constante. C'est chose faite pour 1998 et 1999. La baisse plus forte que prévue de l'inflation devrait même permettre d'améliorer ce pouvoir d'achat en 1998, probablement aussi en 1999.

Je voudrais ouvrir une brève parenthèse pour m'adresser à M. de Courson. Il ne faut pas faire trop à la légère de comparaisons sur les salaires moyens. Une comparaison entre salaires moyens du secteur privé et de la fonction publique...

M. Charles de Courson.

Je ne parlais que de l'Etat, monsieur le ministre. Il fallait m'écouter ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je vous ai écouté attentivement ! ... ne vaut pas grand-chose si l'on ne prend pas en compte la pyramide des qualifications et des niveaux de formation de la fonction publique, radicalement différente de celle du privé.

M. Charles de Courson.

En effet ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

On ne peut pas comparer des salaires moyens de la fonction publique qui compte 45 % de cadres - je pense notamment à toute la population des enseignants - et ceux du secteur privé où l'on n'en dénombre que 15 %. Je rappelle que ces mesures salariales concernent la totalité des fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers, ainsi que des retraités des trois fonctions publiques, soit au total 9 millions de nos concitoyens.

La troisième priorité de cet accord a trait à l'action sociale interministérielle. Elle vise à corriger les disparités des budgets sociaux des différents ministères. Comme l'a rappelé M. Vila, une dotation de 230 millions en 1998, reconduite en 1999, permettra un effort important en matière de logements sociaux, de rénovation de restaurants administratifs, d'aide ménagère à domicile pour les retraités ou encore de chèques-vacances.

L'ensemble de ces mesures concerne évidemment en priorité les agents dont les traitements ou les pensions sont les plus faibles.

L'accord salarial prévoit en outre - ce qui répond au souci exprimé par M. Darne - la reconduction du congé de fin d'activité en 1999 et même son extension aux agents âgés d'au moins cinquante-six ans et justifiant de quarante années de cotisation. Un amendement vous sera tout à l'heure proposé pour mettre en oeuvre ce dispositif qui s'apparente à celui de l'ARPE pour les salariés du secteur privé. Il a rencontré un accueil positif, puisque 12 500 agents de l'Etat, 5 500 dans la fonction publique territoriale et 1 700 dans la fonction publique hospitalière en ont bénéficié en 1997. Les chiffres seront du même ordre en 1998.

Enfin, trois groupes de travail sont prévus, sur les pensions d'invalidité où l'on rencontre de réelles situations de détresse - les prestations dans ce domaine de la fonction publique sont parfois inférieures aux minima du régime général -, sur les frais de déplacement qui n'ont pas été revalorisés depuis le 1er janvier 1999, et sur l'articulation des dispositifs de cessation progressive d'activité et de congé de fin d'activité, pour lesquels il convient de modifier ou d'élargir certaines conditions d'attribution afin d'assurer davantage de cohérence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

La réflexion au sein de ces groupes a déjà largement avancé et les décisions relatives à ces trois sujets devraient pouvoir être prises dans les tous prochains mois.

S'agissant du temps de travail, j'ai, comme vous le savez, confié une mission à M. Jacques Roché, conseillermaître honoraire à la Cour des comptes, qui doit me rendre ses conclusions avant la fin de l'année. Il s'agit, avant toute décision dans ce domaine très délicat, de dresser un état des lieux de la réglementation et des pratiques effectives concernant le temps de travail et les heures supplémentaires. Les fonctionnaires ne resteront évidemment pas à l'écart de la mise en oeuvre des 35 heures. Toutefois, les conditions et les enjeux sont différents de ceux du secteur privé. L'amélioration de la productivité dans la fonction publique ne se traduit pas par des recettes supplémentaires ; la modération salariale est difficile à mettre en oeuvre dans le cadre du dispositif salarial globalisé de la fonction publique. C'est donc à la lumière de la réalité très hétérogène des régimes h oraires que nous pourrons définir les objectifs et le mode opératoire adapté.

Au total, cet accord marque une étape importante dans la reprise du dialogue entre le Gouvernement et les agents de la fonction publique.

La gestion des ressources humaines comporte d'autres chantiers. Le Gouvernement porte une attention particulière aux diverses formes d'emplois précaires qui ont pu se développer dans la fonction publique. Il s'efforce de rechercher des solutions adaptées pour stabiliser la situation des personnes concernées. Cette préoccupation est revenue dans nombre de vos interventions.

S'agissant du traitement de la catégorie A, dans le cadre de la loi Le Pors, monsieur Christian Paul, le dispositif est prêt pour engager la procédure d'intégration des 8 000 fonctionnaires du cadre A, directement concernés. En outre, j'ai signé hier un décret étendant, sous cert aines conditions, les dispositions de cette loi à 2 000 fonctionnaires ne répondant pas strictement aux conditions indiquées dans le texte, mais susceptibles de bénéficier d'une assimilation convenable.

M. Carvalho, qui nous a quittés, m'a interrogé sur l'arrêt Berkani.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Mais M. Vila est là ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le rapporteur, vous lui ferez part de ma réponse.

J'ai soumis, il y a quelques jours, au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, un texte de loi prenant acte de cet arrêt, afin de l'inscrire dans les faits et dans l'esprit, qui a été celui du juge en la matière.

J'ai noté les préoccupations de M. Derosier à propos des collaborateurs d'élus. C'est une question délicate ; j'en ai pris bonne note pour le soumettre à réflexion.

La loi du 16 décembre 1996, dite loi Perben, a prévu, sur une période de quatre ans, l'organisation de concours réservés à certains agents non titulaires de catégorie C et aux maîtres auxiliaires des établissements d'enseignement,s oit environ 45 000 personnes. D'ores et déjà, 6 000 agents de la catégorie C et 10 000 maîtres auxiliaires ont été titularisés après concours, soit 36 % de la population concernée. Le plan de marche est donc respecté. Il faut cependant prendre garde à ne pas recréer, en fonction de besoins ponctuels, des emplois précaires, en limitant notamment le recours aux vacataires.

L'obligation légale d'emploi de personnes handicapées n'est pas suffisamment respectée dans la fonction publique, nous n'en sommes qu'à 3,6 % au lieu de 6 %.

Cette situation n'est pas acceptable, même si l'écart réel est moins important qu'il n'y paraît, du fait de modes différents de comptabilisation. Il convient avant tout de sensibiliser les gestionnaires de personnel afin que les administrations adoptent une attitude plus volontariste en ce domaine.

Au cours du dernier conseil supérieur de la fonction publique d'Etat, j'ai donc lancé une concertation avec les partenaires syndicaux. Je souhaite qu'un accord-cadre, décliné ensuite par ministère, puisse être élaboré à l'issue de cette concertation. L'implication de tous les acteurs, y compris les associations représentatives, sera nécessaire pour parvenir à une réelle amélioration de l'emploi des personnes handicapées.

Les évolutions sociologiques et démographiques et les mutations technologiques imposent à l'administration de modifier son organisation et d'adapter en permanence ses moyens pour assurer pleinement ses missions. L'ajustement des moyens en personnel constitue l'une des clés de cette adaptation. La mobilité des agents à l'intérieur de la fonction publique de l'Etat, mais également entre les trois fonctions publiques est, à cet égard, un élément essentiel d'une gestion dynamique des ressources humaines.

Or la seule fonction publique d'Etat compte aujourd'hui près de 1 700 corps différents, même si beaucoup sont en voie d'extinction. Dans ces conditions, la fusion des multiples corps de l'administration centrale et des services déconcentrés constitue un préalable indispensable à une plus grande fluidité de cette gestion.

Un rapport doit m'être remis incessamment qui identifie les obstacles de toutes natures qui s'opposent à une plus grande mobilité. Je compte en tirer tous les enseignements et mettre en oeuvre, dans la concertation, toutes les mesures qui me seront apparues indispensables.

Sur un registre connexe, mais un petit peu différent, je veux parler de la déontologie des mouvements hors et vers la fonction publique, je veux bien donner acte à M. Bussereau que le système actuel, qui a malgré tout le mérite d'exister, peut encore être amélioré. J'y travaille depuis ma prise de fonction, et je ferai des propositions prochainement.

M. Dominique Bussereau.

Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Enfin, je dois évidemment parler de la question de la parité hommes/femmes au sein de la fonction publique.

Mme Claudine Ledoux.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

L'application du statut construit sur un principe d'égalité ne fait pas disparaître certaines inégalités de fait.

Les femmes occupent 56 % des emplois des ministères civils, 52,6 % des emplois de cadre A et seulement 12 % des emplois de direction. Même si l'on peut concevoir certaines explications à cet état de fait, il convient d'identifier et de lever les obstacles à une meilleure représentation des femmes dans l'encadrement supérieur. C'est la mission que j'ai confiée à Mme Anne-Marie Colmou, maître des requêtes au Conseil d'Etat, qui me remettra son rapport avant la fin de la présente année.

Mme Claudine Ledoux.

Très bien !


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M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Parallèlement, j'ai demandé à mes collègues ministres, par une circulaire du 2 avril dernier, de veiller tout particulièrement au meilleur équilibre possible dans les nominations et de renforcer l'outil de connaissance statistique de cette évolution.

Vous le constatez, de nombreux chantiers ont été ouverts. Un orateur a tout à l'heure critiqué le trop grand nombre de groupes de travail et de commissions. Mais il vaut mieux prendre le temps de la réflexion plutôt que des décisions précipitées. Les événements qui ont précé dé la dissolution de cette assemblée peuvent évidemment servir de contre-exemple.

M. Dominique Bussereau.

C'est ce qu'on appelle un ministre bien sous tous rapports ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Parmi les groupes de travail prévus, certains se poursuivront normalement, comme celui sur la résorption de la précarité. D'autres appelleront une forte mobilisation parce qu'ils supposent - il faut en être conscient - des changements de comportements et de mentalités.

La réforme de l'Etat est le deuxième aspect de mes prérogatives ministérielles.

Le Gouvernement a défini ses orientations lors du conseil des ministres du 5 novembre 1997 et du comité interministériel du 26 février 1998. Que veut-on ? Un

Etat plus proche des citoyens, plus accessible, plus efficace et acteur de l'entrée de la France dans la société de l'information.

Je vous le dis, ce qui a été décidé sera réalisé. D'ores et déjà, nous avons avancé sur une série de points essentiels, sans proclamations fracassantes mais avec obstination.

Tous nos efforts sont orientés vers l'objectif de remettre l'usager au coeur de notre système administratif et d'organiser les services publics en fonction de ses besoins.

Je le disais, il y a un instant, l'Etat doit adapter son organisation et ses missions à l'évolution des réalités démographiques et socio-économiques du pays.

L'amélioration de l'efficacité de l'Etat appelle d'évidence un nouvel équilibre des rapports entre les administrations centrales et les services déconcentrés. Il faut renforcer sensiblement l'autonomie et la capacité d'agir de l'Etat au niveau territorial pour rapprocher encore davantage les lieux de décision des citoyens. Par ailleurs, les collectivités décentralisées expriment le souhait de disposer d'interlocuteurs clairement identifiés et plus responsables.

Pour la première fois, une centaine de préfets et de chefs des services territoriaux des différentes administrations ont travaillé pendant cinq mois pour établir un diagnostic et des propositions permettant d'améliorer l'efficacité des échelons déconcentrés de l'Etat. Ces groupes de travail ont rendu leurs conclusions en juillet dernier. Mes services procèdent actuellement à leur validation et à leur mise en cohérence.

Je souhaite que les services déconcentrés élaborent collégialement, sous la responsabilité des préfets, un projet territorial à trois ou cinq ans. Les entreprises publiques de réseau, comme La Poste, EDF, ou la SNCF et les établissements publics y seront associés pour assurer une cohérence totale des contrats d'objectifs ainsi fixés avec les services centraux. C'est ainsi - et j'appelle votre attention sur ce point - que les modalités d'organisation et de fonctionnement des services pourront différer d'un département à l'autre pour tenir compte des spécificités locales.

C'est dans cet esprit que l'Etat doit poursuivre la déconcentration : qu'il s'agisse des décisions individuelles dont je rappelle que, depuis le 1er janvier 1998, les trois quarts sont prises au niveau local ; qu'il s'agisse des crédits budgétaires avec la poursuite de la simplification de la nomenclature budgétaire des crédits d'intervention ; ou qu'il s'agisse, enfin, de la gestion des personnels pour l aquelle l'organisation de concours déconcentrés communs et l'utilisation du congé mobilité formation favoriseront l'ajustement souhaitable des effectifs.

L'amélioration des relations entre l'administration et les usagers constitue une autre priorité. Dans ce but, j'ai saisi votre assemblée d'un projet de loi sur les droits des citoyens - j'ai préféré le mot de citoyens, qui est plus...

M. Charles de Courson.

... tonique ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... qui souligne une implication, une participation plus grande, moins de passivité - sur les droits des citoyens, donc, dans leurs relations avec les administrations. Ce projet a été déposé à l'Assemblée le 13 mai dernier. C'est Mme Claudine Ledoux qui le rapportera. Je me réjouis par avance d'y travailler avec elle. Ce projet de loi qui a pour objet d'améliorer de façon très concrète les relations entre les citoyens et les administrations sera examiné au cours du premier semestre 1999. Il soumet l'Etat, les collectivités et les organismes de sécurité sociale, l'ensemble des administrations délivrant un service public, à un certain nombre de règles de principe dont je donnerai quelques exemples.

Toute demande devra faire l'objet d'un accusé de réception, en l'absence duquel aucun délai ne sera opposable à l'usager. En règle générale, l'administration devra répondre dans les deux mois de la saisine, et non plus quatre, comme à l'heure actuelle. Une personne tenue de respecter une date limite y satisfera dans tous les cas par un envoi effectué au plus tard à la date prescrite, le cachet de la poste faisant foi. Il sera également possible de recourir à un procédé télématique ou informatique homologué.

Le projet de loi améliore également l'accès aux documents administratifs, en clarifiant leur définition et les conditions de leur communicabilité.

Le médiateur de la République a largement contribué, depuis vingt-cinq ans, à améliorer les relations des administrations avec les citoyens ; pour rendre plus efficace l'exercice des compétences qui lui sont confiées, le projet de loi consacre l'existence de délégués départementaux et accroît son pouvoir de proposition de réforme de la législation ou de l'organisation des administrations.

Enfin, les demandes des usagers doivent être facilitées par une coopération des différentes administrations entre elles. Le projet de loi ouvre à celles-ci la possibilité de créer des « maisons de services publics ». Pouvant regrouper des services de l'Etat, des collectivités, de la sécurité sociale, elles permettent aux usagers d'obtenir, dans un lieu unique, des informations, mais aussi des prestations.

Elles pourront être créées par convention entre les services concernés et, le cas échéant, par constitution d'un groupement d'intérêt public.

Enfin, le Gouvernement veut se donner les moyens de disposer des informations nécessaires pour préparer ses décisions : études d'impact, évaluation, développement de la fonction prospective, programmes pluriannuels de modernisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Ces derniers, instaurés par une circulaire du 3 juin 1998, constituent un instrument qui démontrera dans l'avenir, je l'espère, son efficacité. Ils sont un outil de conduite du changement. Ils exprimeront et rassembleront dans un document unique les choix et perspectives d'évolution de chaque ministère. Ils permettront de préciser les moyens nécessaires dont disposent les services pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Les personnels et les usagers seront associés à leur élaboration.

Ces programmes pluriannuels de modernisation seront arrêtés dès la fin de cette année. Ils seront rendus publics pour prendre en compte le souci de transparence de l'action publique, qui anime le Gouvernement.

S'inscrivant dans un cadre pluriannuel, la circulaire ouvre aux ministères la perspective d'une contractualisation de leurs moyens et de leurs effectifs à partir de l'an 2000, sur une période de trois années.

Cela me conduit à évoquer, en réponse à de nombreuses interventions, la question des effectifs. Dans ce domaine, nous entendons les propos les plus contradictoires. Ce matin encore, M. Micaux a évoqué le rapport dû à un inspecteur des finances aujourd'hui disparu, qui p réconisait que l'on supprimât 400 000 ou 500 000 emplois sans préciser dans quels secteurs ! Mais à l'examen secteur par secteur, sur tous les bancs de cette assemblée, on demande plutôt des augmentations que des réductions d'effectifs...

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

C'est exact ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... que ce soit dans la police, chez les enseignants, pour les personnels hospitaliers, les magistrats, etc.

Quand le Gouvernement fait savoir qu'il entend stabiliser les effectifs en 1999, ce n'est pas un dogme...

M. Dominique Bussereau.

Hélas ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

C'est simplement un arbitrage lucide, à un instant donné, entre le souhaitable, qui est illimité - on pourrait très facilement doubler le nombre des enseignants sans que personne y trouve à redire - et le possible.

J'ai écouté avec attention François Huwart qui a beaucoup insisté sur la qualité du service public et sur l'imp ortance qu'il peut prendre dans certaines parties urbaines ou rurales de notre territoire. Mais il a reconnu qu'il fallait avoir le courage d'opérer des redéploiements lorsque c'était nécessaire.

Nous devons en permanence adapter les moyens aux priorités et aux besoins. Cela appelle la gestion prévisionnelle que François Huwart et Claudine Ledoux ont évoquée - je les en remercie - et qui est au coeur de l'initiative des plans pluriannuels de modernisation et de contractualisation des moyens.

Le Gouvernement a également décidé de créer un conseil national de l'évaluation pour piloter une procédure d'évaluation des politiques publiques dans des conditions d'objectivité reconnues.

M. Dominique Bussereau.

Encore un « machin » ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Pas du tout ! Je regrette que la droite n'ait jamais pris la moindre initiative dans ce domaine, elle toujours si préoccupée d'efficacité manageriale !

M. Lionnel Luca.

Nous ne sommes pas restés assez longtemps !

M. Dominique Bussereau.

Nous reviendrons ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Si, à la fin des années 80 et au début des années 90 la gauche a pris des initiatives qui se sont révélées fort utiles, il ne faut pas en tirer la conclusion qu'il n'y a plus rien à faire. Car sous le gouvernement de M. Alain Juppé, ce qui existait a été complètement étêté. Nous allons relancer cette machine parce que cela correspond à un besoin réel et profond de notre pays dans un domaine où, par tradition, nous sommes toujours un peu en retard.

Le conseil national de l'évaluation comprendra quatorze membres dont des élus locaux - j'insiste sur ce point - des membres du Conseil économique et social et des personnalités qualifiées. La présence d'élus au sein du conseil et la possibilité donnée aux collectivités territoriales de s'associer aux évaluations favorisera la coordination des politiques qu'elles mènent conjointement avec l'Etat, notamment du fait de la décentralisation.

Ce dispositif sera plus rapide et plus accessible que le dispositif précédent mis en oeuvre en 1990. Chaque année, le Premier ministre arrêtera sur proposition du conseil, le programme d'évaluation qui sera publié au Journal officiel de la République française. Les rapports des instances d'évaluation seront rendus publics.

Le conseil des ministres du 18 novembre devrait adopter le décret mettant en place ce conseil national de l'évaluation.

Pour être plus proche des citoyens, plus accessibles et plus efficace, l'Etat doit également être acteur de la société de l'information.

Le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, le PAGSI, adopté par le comité interministériel du 16 janvier dernier, marque dans son volet III l'engagement de l'Etat d'intégrer l'évolution technologique au sein de l'administration, souligne les enjeux et les priorités et formule des propositions concrètes.

L'administration, au rendez-vous des nouvelles technologies, ne sera pas en arrière de la main, elle sera à la tête du mouvement.

Pour un nouveau service à l'usager, il doit s'agir avant tout de diffuser les informations administratives, d'informer sur les formalités, les droits et les prestations, de simplifier les démarches en dématérialisant les formulaires ; 2 000 formulaires seront disponibles à terme sur Internet.

Parallèlement, les administrations doivent bénéficier de ces nouvelles technologies pour améliorer leur efficacité et leur réactivité. La mise en réseau, la création d'Intranets ministériels ou interministériels, en centrale et sur le territoire constituent des priorités. De même, la multiplication de systèmes d'informations territoriaux, sous l'égide des préfets, permettra un travail commun avec les autres acteurs locaux, les collectivités, les associations et les organismes professionnels. Les initiatives se multiplient. Il faut les encourager, les coordonner et les systématiser.

Je voudrais à ce propos relayer ce que disait tout à l'heure, M. Christian Paul : je suis entièrement d'accord avec lui. La réforme de l'Etat appelle à la fois des initiatives au niveau de chaque ministère et des cohérences interministérielles qui sont précisément de ma responsabilité.

Troisième et dernier volet de mes attributions : la décentralisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, il y a quelques jours au Sénat, l'heure n'est pas à la décentral isation mais bien à l'approfondissement de la décentralisation.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je l'ai dit au Sénat avant-hier, je le redis à M. Luca dont le discours tout en nuances (Sourires) m'a donné à penser que la droite avait, dans ce domaine, opéré une conversion totale.

M. Bernard Derosier.

Eh oui !

Mme Claudine Ledoux.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

Nous sommes les derniers mitterrandiens ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je ne me souviens pas que, lorsque Gaston Defferre, sous le gouvernement de Pierre Mauroy, a fait passer, avec vigueur, cette révolution tranquille qu'est la décentralisation, qu'il y ait eu de votre côté le même soutien et le même enthousiasme !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

En effet !

M. Bernard Derosier.

C'est l'hommage du vice à la vertu ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Mais, dit l'Ecriture, il y a plus de joie au paradis pour un pêcheur qui se repent...

Je prends acte avec plaisir de cette adhésion nouvelle de la droite à la décentralisation.

Il n'y avait eu dans les dernières années aucun grand texte de décentralisation. Le Gouvernement présentera, en 1999, pas moins de trois textes, qui formeront un ensemble cohérent même s'ils sont défendus par trois ministres différents, pour consolider et approfondir la décentralisation.

M. Bernard Derosier.

Nos collègues ont le zèle des nouveaux convertis ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il ne leur sera pas reproché !

M. Bernard Derosier.

On leur pardonne !

M. Eric Doligé.

Nous n'avons que faire de votre pardon ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ces trois textes seront : la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire de Mme Voynet, la loi sur l'intercommunalité de Jean-Pierre Chevènement et, enfin, la loi sur l'intervention économique des collectivités locales, que je soumettrai prochainement au Conseil des ministres, et qui aura objet d'adapter les dispositifs d'intervention pour une meilleure efficacité au service de l'emploi.

M. Dominique Bussereau.

Et la réforme de la taxe d'habitation ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je suis convaincu de l'importance de l'intervention des collectivités locales pour l'emploi et pour le développement. Il faut encourager et faciliter cette intervention pour une sécurisation juridique et financière des élus. Dans le même but, je proposerai un toilettage de la loi de 1982 sur les SEM locaux.

Pour terminer sur la décentralisation, je voudrais dire quelques mots de la fonction publique territoriale et des suites que j'entends donner au rapport Schwartz.

Je rappelle que la mission confiée à M. Schwartz ne tendait pas à redéfinir le statut de la fonction publique territoriale dans son ensemble. Soyez rassuré monsieur Derosier, la fonction publique territoriale est, pour moi, une fonction publique à part entière ; elle a les mêmes devoirs et bénéficie du même respect et de la même considération que la fonction publique de l'Etat et que la fonction publique hospitalière. Il ne s'agit donc pas d'une remise en cause, mais d'une identification des points prioritaires sur lesquels des aménagements sont nécessaires dans le domaine du recrutement, de la formation et du déroulement de carrière.

Ce rapport m'a été rendu en mai dernier. J'ai rencontré récemment les représentants des élus locaux et les syndicats de fonctionnaires. La consultation se poursuit.

D'ores et déjà, un certain nombre d'orientations me paraissent pouvoir être retenues. Ce rapport suggère tout d'abord une meilleure coordination des différentes institutions : CNFPT, centres de gestion et grandes collectivités. Il faut progresser dans ce domaine. La formule du GIP, suggérée par le rapport me paraît pour l'instant la meilleure. Je reste attentif à toute proposition plus efficace, mais, en l'état actuel des choses, cette formule retient mon adhésion.

S'agissant de l'organisation des carrières, l'un des thèmes principaux auquel les élus locaux, je le sais, sont très attentifs, c'est celui des seuils. Je suis favorable à des a ssouplissements, notamment en abaissant de 5 000 à 3 500 le seuil de population pour le recrutement des secrétaires généraux.

La question des seuils est surtout importante pour la création du grade d'administrateur territorial. Un tel débat ne peut être abordé qu'autant que l'on aura apporté des garanties supplémentaires en matière de transparence et de régulation. Ce sont là des conditions indispensables au renforcement de la fonction publique territoriale, tant sur le plan de l'attractivité que sur celui de la qualité.

Après avoir brossé un tableau, certes rapide monsieur le président, - je ne veux pas vous mettre en difficulté par rapport à l'horaire - j'en viens maintenant au budget de mon ministère.

Il n'est pas modeste, simplement il ne retrace pas tous les enjeux de la fonction publique. Cela dit, les crédits de la fonction publique enregistrent une progression de 1,68 %, à 1,412 milliard de francs contre 1,388 milliard de francs en 1998.

Quelles en sont les principales caractéristiques ? Les crédits d'action sociale sont maintenus à un niveau élevé, passant de 900 à 905 millions contre 636 millions en 1997. Cette dotation permettra de consacrer 10 millions spécifiquement aux sections régionales interministé-r ielles pour favoriser la déconcentration de l'action sociale.

Le chèque-vacances poursuit sa progression, en passant de 223 à 245 millions.

Enfin une dotation de 15 millions au titre de l'insertion des personnes handicapées sera inscrite sur une ligne spécifique de manière à la pérenniser. Les autres postes sont sans changement.

Le chapitre 34-94, doté de 34 millions contre 32 millions en 1998, permettra des opérations interministérielles de formation déconcentrées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Les subventions de fonctionnement aux établissements de formation - ENA, IRA, IIAP, CEES - progressent légèrement pour prendre en compte l'augmentation du nombre des élèves - plus 12 millions pour les IRA - ou des stagiaires.

Le fonds pour la réforme de l'Etat connaîtra une progression de 112,5 millions à 115,3 millions en crédit de paiement et 120,3 millions en autorisations de programme. L'évolution de la répartition des financements t raduit clairement l'option forte en faveur de la déconcentration. Ces dotations sont consacrées principalement à l'amélioration du service rendu à l'usager accueil, information du public, maisons de services publics : 43 % - et dans une moindre mesure - 23 % à celle des outils de gestion.

Mesdames, messieurs les députés, vous aurez constaté que mon propos et mes préoccupations dépassent largement le budget de mon ministère. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentrali-s ation a avant tout un rôle d'impulsion et de coordination. Beaucoup reste à faire et la réforme de l'Etat ne s'achèvera pas en 1999.

M. Dominique Bussereau.

C'est sûr ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je fonde de réels espoirs pour que l'administration poursuive son évolution vers une plus grande modernité et une plus grande efficacité. Il fallait tout d'abord retrouver la confiance de ses agents, même si c'est dans l'affirmation sereine de leurs droits comme de leurs devoirs. C'est ce qui a été fait avec l'accord salarial ainsi qu'au travers de la concertation qui se poursuit dans de nombreux domaines. Il faut ensuite poursuivre l'exigence de rigueur et de qualité pour un emploi plus efficient des fonds publics. De nombreux chantiers ont été lancés qui visent à apprécier l'impact des politiques publiques. Il faut encore arriver à vaincre les rigidités traditionnelles qui font que l'interministérialité d emeure un objectif fondamental pour adapter les moyens de l'administration aux besoins exprimés par la société.

La réforme de l'Etat, c'est tout cela. Cette action n'est pas toujours visible pour l'usager, elle est rarement spectaculaire et ne sera jamais achevée. C'est cela qui peut être quelquefois frustrant pour un ministre comme pour tous les responsables politiques que vous êtes. Soyez cependant convaincus que le Gouvernement veut faire évoluer les choses et maintiendra ses efforts pour qu'il en soit ainsi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je suis sensible, monsieur le ministre, à votre effort de concision.

Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle, mes chers collègues, que je suis obligé de lever la séance à douze heures cinquante, aucun autre vice-président ne pouvant venir me remplacer. Je demande donc à chacun de respecter son temps de parole : deux minutes pour la question, trois minutes pour la réponse.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le ministre, la réforme de l'Etat, c'est un véritable serpent de mer. On en parle toujours, on nomme des ministres pour la faire, et généralement, on en reste là. Pourquoi ? Parce qu'on ne précise jamais de quoi il s'agit. On confond réforme de l'Etat et réforme de la décentralisation. Il est vrai que vous-même, ayant la compétence de la décentralisation, vous avez tendance à vous pencher davantage sur les réformes des collectivités locales, que sur celles de l'Etat.

Mais je constate aussi que le projet de loi concernant l'intercommunalité a été présenté par le ministre de l'intérieur. Confusion, soit dit en passant ! La vérité, c'est qu'on n'ose pas vraiment réformer l'Etat par crainte de soulever des problèmes aussi essentiels que le statut de la fonction publique, le nombre réel et effectif des agents de l'Etat ou les conditions réelles de travail.

Regardons donc les choses en face, mais sous un autre angle. Peut-on imaginer de parvenir à régler la question du déficit du budget de l'Etat - un déficit qui ne correspond pas à des dépenses d'investissement, mais majoritairement à des dépenses de fonctionnement - si les autorités de l'Etat ne s'attachent pas à lancer une réflexion en profondeur sur les structures étatiques et décentralisées, leurs modalités de fonctionnement et leurs interactions ? Cette réflexion devrait porter tant sur les administrations centrales pour tenir compte de la décentralisation sont-elles adaptées à cette évolution ? - que sur les administrations déconcentrées en contact avec le public, pour supprimer les doubles emplois, les confusions de compétence, les phénomènes d'irresponsabilité et, qui plus est, les gaspillages.

A mon sens, il faudrait un audit global, et non spécifique à telle ou telle administration - pas un audit de la justice, de la police ou des douanes -. Il devrait être totalement indépendant des hiérarchies en présence, même s'il était accompli par un organisme de l'Etat pour éviter que ne s'insinue l'idée que l'Etat est assimilé à une entreprise quelconque, ce qui n'est évidemment pas le cas.

Il ne s'agit, dans mon esprit, nullement de sataniser le rôle de l'Etat, comme vous l'avez dit vous-même dans une interview, mais de rendre à l'Etat un fonctionnement à la fois plus moderne, plus efficace vis-à-vis des usagers, moins coûteux au regard de l'économie et des contribuables, c'est-à-dire un fonctionnement qui serait budgétairement équilibré. En un mot, de rendre l'Etat plus compréhensible pour les citoyens.

Il s'agit donc moins de le juger que de le perfectionner, de le mettre à la portée de la population et de le situer à l'horizon du

XXIe siècle.

Le Gouvernement a-t-il une réelle volonté de réformer l'Etat ? Est-il prêt à envisager l'idée d'un audit global sur son organisation et son fonctionnement ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Vous m'interrogez, monsieur Ligot, sur un domaine que vous connaissez bien et auquel vous avez beaucoup réfléchi. Il me sera probablement difficile de vous répondre dans les trois minutes qui me sont imparties.

Je le vis, je le constate, un scepticisme un peu goguenard attend toujours celui qui se porte sur le devant de la scène en annonçant qu'il est chargé de la réforme de l'Etat. Même si, par le passé, des évolutions importantes ont été réalisées, les proclamations martiales sont souvent demeurées sans suite. Je prends la mesure de ce scepticisme. Mais, précisément parce que nous n'avons pas fait, contrairement à d'autres, de proclamations martiales, nous allons avancer.

Aucun élément de la réforme ne peut être détaché du reste. Des obstacles subsistent, ils concernent le statut, la mobilité, les fusions de corps ou les décloisonnements.

Nous y travaillons.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Parallèlement, nous conduisons des réorganisations.

Parmi les nombreux chantiers figure celui de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat. Il est très important et sera exemplaire. Nous y travaillons depuis des mois, dans des conditions qui n'ont jamais été réunies jusqu'ici. Plusieurs principes ont été changés : certaines opérations se feront sous l'égide du préfet. Une gestion déconcentrée des crédits va être mise en oeuvre.

Dès le début de 1999, les préfets définiront à la fois le projet territorial et l'organisation correspondante, vous pourrez alors constater que nous avons avancé. On peut imaginer une organisation différente en Lozère ou en Seine-Saint-Denis, sans pour autant mettre en péril l'unité de la République ! Vous avez parlé d'un audit général. Je ne sais pas s'il est très réaliste de l'envisager. En revanche, notre volonté, de développer les études d'impact et les évaluations, va dans le même sens. Ces études pourraient d'ailleurs être confiées à des organismes totalement indépendants, ce qui répondrait à votre préoccupation.

M. le président.

Nous en arrivons au groupe RPR.

La parole est à M. Eric Doligé pour deux minutes.

M. Eric Doligé.

Monsieur le ministre, comme de nombreux élus locaux, toutes tendances confondues, je m'interroge sur la volonté du Gouvernement de poursuivre la décentralisation et, plus particulièrement, la réforme de l'Etat. La position de cumul, en étant élu local et élu national, permet de constater qu'il y a loin de la parole aux actes. Je passe volontiers sur toutes les dispositions de recentralisation insidieuse inscrites dans les différents projets de lois traitant de l'aménagement du territoire. J'axerai mon propos sur la nécessité de mettre fin à ce que certains appellent l'Etat jacobin.

Après avoir laissé mourir le commissariat à la réforme de l'Etat, créé à l'initiative d'Alain Juppé, vous avez présenté le 7 juillet dernier en Conseil des ministres, un décret instituant, sous l'autorité du directeur général de l'administration et de la fonction publique, une délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, chargée de poursuivre les missions dévolues à l'ancienne structure.

Passons sur la pertinence de confier cette mission, à ceux-là mêmes qu'elle entend réformer. Vous demandez à l'administration de s'auto-réformer. Il ne faut pas être naïf.

Comme vous le savez, l'application de l'instruction du 5 septembre 1996, a permis de conduire des études de faisabilité sur les modalités de recomposition des services déconcentrés de l'Etat. Malheureusement, ces travaux de qualité n'ont pas retenu votre attention. Pourtant, ne c royez-vous pas qu'il est opportun d'octroyer, par exemple aux préfets, une autonomie fonctionnelle et décisionnelle sur les services déconcentrés de l'Etat, DDA ou

DDE ? Ne faudrait-il pas leur accorder une certaine autonomie financière ? Ne faudrait-il pas placer les ABF sous l'autorité du préfet ? Est-il impensable de confier partiellement aux collectivités le soin d'élaborer les normes de nature réglementaire applicables aux politiques dont elles ont la responsabilité ? Bien sûr, cela suppose une déconcentration des effectifs de fonctionnaires - orientation que vous semblez remettre en cause, si on en juge par votre budget 1999.

Monsieur le ministre, vous souhaitez rapprocher l'Etat du citoyen. Je constate que c'est loin d'être la réalité dans les petites communes. A la SNCF et à La Poste, les conditions de sécurité s'aggravent de jour en jour. Les t emps d'obtention des crédits auprès de l'Etat s'allongent ; l'augmentation du nombre des commissions préfectorales paralyse l'action des élus ; les décisions d'attribution des autorisations de logements sociaux se réduisent ; la fréquentation des communes par des gens du voyage s'accroît ; les attributions des OPAH et des ORAC sont de plus en plus difficiles à obtenir.

La seule déconcentration que je connaisse est celle des charges que l'Etat refuse d'assumer, alors qu'il conserve les recettes.

Le Gouvernement va-t-il déconcentrer et décentraliser ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur Doligé vous venez de vous livrer à un balayage de toutes les questions que j'ai évoquées en quarante minutes - et encore, en

« sprintant » - à la tribune. Je ne sais pas comment répondre à chacune de vos questions.

Simplement, je le redis, l'enthousiasme nouveau de la droite pour la décentralisation me touche : 1982, loi Defferre ; 1992, loi Joxe, maintenant trois projets. Entretemps, je n'ai pas vu venir grand-chose.

Vous avez évoqué l'organisation de services déconcentrés de l'Etat. C'est une réforme qui va se faire tranquillement. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Et si les projets de déconcentration entre la DDE et les DE et la DDA se sont interrompus, c'est précisément parce que, sous le précédent gouvernement, ils avaient été conduits ? Parce qu'ils avaient été conduits à la hussarde, et en faisant totalement litière des impératifs de concertation avec les intéressés. On peut mettre beaucoup d'énergie dans un mouvement, mais on ne fait jamais rien sans l'adhésion et la participation des acteurs.

Au cours du débat au Sénat, la question de la perte d'autonomie fiscale a été évoquée à plusieurs reprises. Si l'autonomie fiscale se mesure à la partie du prélèvement que les collectivités maîtrisent, la France se situe en très bonne place, au sein de l'Europe, devant des pays que l'on cite très souvent comme modèles de décentralisation et de responsabilisation des collectivités ; je pense à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.

On ne peut pas non plus agiter en permanence la nécessité de la péréquation. Pour le jacobin décentralisateur que je suis, à l'égalité des chances, la péréquation des ressources est une chose nécessaire. On ne peut pas vouloir la péréquation et refuser un recyclage des crédits dans le budget de l'Etat.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le ministre, on pourrait peut-être trouver des exemples de pays étrangers où les collectivités locales reçoivent des dotations de sources différentes. Mais le fait est qu'en France on assiste bien à un mouvement de perte de l'autonomie financière des collectivités locales. C'est ce que montrent la décision de compensation de la taxe professionnelle et l'indexation des dotations de l'Etat sur seulement 20 % de la croissance, avec pour effet une baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle - et vous connaissez bien la position très vindicative de l'Association des maires de France sur le sujet.

Je reviens sur la question d'Eric Doligé sur la suppression du commissariat à la réforme de l'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Vous avez tenu quelques propos polémiques, je n'y répondrai pas. Pourtant il existait bien une volonté d'engager cette réforme de l'Etat de manière interministérielle dans un souci d'efficacité et de transparence, mais aussi de mettre en oeuvre, sous l'autorité du Premier ministre, des démarches de rapprochement de certains corps.

N ous avons aujourd'hui l'impression que cette démarche interministérielle a été cassée et que à l'inver se vous tentez de petites réformes ou des aménagements ministère par ministère. La suppression du commissariat à la réforme de l'Etat et la diminution des dotations financières conduisent en quelque sorte à une victoire des ministères de chaque administration sur l'interministériel.

Après Eric Doligé, quelque peu déçu par la réponse qu'il a obtenue, je vous demande à mon tour où en est cette réforme générale de l'Etat.

Vous nous avez annoncé des réformes de services déconcentrés pour le début de 1999. C'est pour bientôt.

Pouvez-vous être précis et explicite sur le sujet ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, mes réponses ne sont pas polémiques, elles sont factuelles.

Et quand on me demande les raisons pour lesquelles certaines évolutions se sont « plantées » en cours de route, si vous permettez l'expression, je vous les donne.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce n'était pas la question ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Vous y avez fait allusion.

J'en viens au coeur de votre question. Vous me demandez pourquoi nous avons transformé le commissariat à la réforme de l'Etat en délégation interministérielle à la réforme de l'Etat.

M. Dominique Bussereau.

On se pose toujours la question ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je vais vous répondre.

Le commissariat à la réforme de l'Etat, qui avait été mis en place pour trois ans, arrivait pratiquement au terme de son mandat. Nous avons alors décidé de passer d'un commissariat, avec ce que cela peut évoquer d'actions très courtes et concentrées dans le temps, à une délégation pour indiquer que nous entrions dans une phase de longue durée.

Entrer dans une phase de longue durée ne signifie pas entrer dans une phase de ralentissement. La réforme de l'Etat doit s'inscrire dans la durée. On passe dans le cadre d'une mission. La nouvelle structure reste interministérielle même si, pour des raisons de coordination, elle est placée sous une autorité commune avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Cela rejoint la question posée par M. Ligot. Vous ne ferez pas évoluer l'Etat, vous ne réformerez pas l'Etat si, parallèlement, vous ne prenez pas des dispositions cohérentes intéressant la fonction publique afin que les choses se déroulent de manière harmonieuse.

Enfin, cette mission interministérielle est placée au plus près de la fonction publique. Je le répète, rien ne se fera sans une bonne concertation avec les fonctionnaires. Il ne s'agit pas d'être complaisant, mais réaliste : il faut savoir associer les acteurs à la pièce que l'on veut jouer.

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca, pour la dernière question du groupe RPR.

M. Lionnel Luca.

Monsieur le ministre, vous me permettez de rappeler que l'enthousiasme des élus du RPR à propos de la décentralisation n'a rien d'étonnant puisque c'est le général de Gaulle qui a proposé la régionalisation aux Français. Et ce sont vos amis qui n'en ont pas voulu.

Mais chacun peut ainsi s'envoyer des souvenirs à la figure.

Plus concrètement, je voudrais revenir sur la transparence - vous avez aussi parlé de revalorisation morale d e la fonction publique que certaines publications mettent actuellement en doute, ce qui est regrettable. Je fais bien entendu allusion au livre de Thierry Jean-Pierre, L'Argent des fonctionnaires, et à celui de Pierre Messmer, Les Blancs s'en vont, qui traite notamment de la fonction publique dans les DOM-TOM. Je souhaiterais donc que vous répondiez sur ce point ou que, tout au moins, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, la lumière puisse être faite sur ces sujets qui baignent dans le clairobscur.

Vous n'êtes pas en cause dans cette affaire, c'est un problème de longue date. C'est pourquoi ma question n'appelle pas une réponse précise et immédiate. Je voulais néanmoins soulever le problème de l'opacité de certains mécanismes, comme celui des rémunérations accessoires sur lesquelles Michel Rocard avait commandé un rapport, q ui n'a jamais été publié malgré de nombreuses demandes de citoyens. Sans doute ce rapport était-il un peu trop gênant ! Ce n'est pas en agissant de cette manière que l'on crédibilisera la fonction publique. Mieux vaut poser les problèmes. Et l'opposition est toute prête à cette démarche pour envisager les pistes d'une réforme nécessaire. De toute manière, les gouvernements qui se sont succédé depuis bien longtemps sont tous responsables de cette situation. Or il n'est pas sain que la fonction publique et les agents qui y travaillent soient ainsi discrédités, aussi facilement que peut l'être parfois la classe politique à l'occasion de certaines affaires.

Que ce soit bien clair, ma question cherche à vous aider dans votre volonté de transparence et non à vous piéger. Vous voyez que je peux aussi cultiver la nuance de temps en temps...

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je vous remercie, monsieur Luca, de poser cette question qui contraste en effet avec votre discours à la tribune, et je m'en félicite.

Cela me permettra certainement de vous parler de manière plus positive et de faire avancer les choses.

Je ne reviens pas sur la décentralisation. Mais il me semble qu'entre le général de Gaulle et le Sénat, par exemple, où s'est tenu un débat fameux l'autre jour, le courant n'était pas très bien passé sur ce thème-là, pas plus d'ailleurs qu'entre le général de Gaulle et M. Giscard d'Estaing. Voilà pour l'histoire.

En tout cas, je suis heureux que vous renonciez à jeter l'anathème sur les fonctionnaires et que vous ne disiez pas qu'il y en a trop ou que ce sont des nantis. Pour autant, cela peut servir pour écrire des livres. Tout à l'heure, on se plaignait du trop grand nombre de rapports ; certains préfèrent écrire des livres plutôt que rédiger des rapports car je suppose que ce type d'exercice rend plus célèbre, flatte davantage l'égo et permet peutêtre de faire grossir son patrimoine.

S'agissant d'un livre célèbre, tout au moins qui a eu un certain retentissement, et que l'on doit à un magistrat, je demande qu'on l'aborde avec une certaine prudence. En


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

effet si je m'en tiens strictement au chapitre concernant les rémunérations des ministres, cela me paraît relever de la plus haute fantaisie.

M. Dominique Bussereau.

Cela dépend de quel ministre on parle ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Et heureusement, une de mes collègues, qui est particulièrement malmenée dans ce livre, a opportunément dénoncé les chiffres fantaisistes qui y figurent.

M. Dominique Bussereau.

Elle ne nous a pas convaincus ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Cela dit, la fonction publique, tout comme l'Etat, doit être exemplaire en matière de transparence. Si ce n'est pas toujours le cas - cela a été relevé -, il faut corriger la situation. J' y travaille. Nous avons commencé à réaliser certaines publications, et je pense notamment au régime de rémunérations annexes de la police. Pour ma part, j'ai bien l'intention de continuer.

M. le président.

Nous avons terminé les questions.

Je donne la parole pour un court instant à M. le rapporteur pour avis.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Je souhaiterais interroger le ministre sur un point que j'ai très brièvement évoqué dans mon intervention.

L es instituts régionaux d'administration ainsi que l'ENA accueillent de futurs fonctionnaires issus de ce que l'on appelle le troisième concours, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui ont acquis au cours de leur carrière des expériences professionnelles très diverses. Il serait bon que cette ancienneté professionnelle soit reconnue dans la rémunération qui est servie à ces fonctionnaires à l'issue de leur scolarité sur les IRA ou à l'ENA.

Aussi, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour assurer une meilleure reconnaissance de leur expérience professionnelle aux fonctionnaires issus de ce troisième concours ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ma réponse sera peutêtre un peu technique et un peu longue, mais je crois que le sujet l'appelle.

L'amélioration de la situation des élèves issus du concours interne et du troisième concours et la consolidation ou le rétablissement de l'attractivité de ces deux voies sont nécessaires pour assurer à la haute fonction publique une diversité de recrutement suffisante.

La baisse simultanée du nombre d'inscrits et de présents au troisième concours en 1997 et en 1998 est en effet préoccupante, puisque le nombre de présents n'a jamais été aussi faible depuis 1993.

Cette situation illustre la perte d'attractivité d'un concours qui se traduit, pour des candidats fortement motivés par le service public, par des sacrifices financiers durables et souvent importants compte tenu de leur niveau de rémunération antérieur, voire par une prise de risque réelle, de nombreux candidats étant amenés à démissionner de leur emploi pour pouvoir se préparer valablement aux épreuves. Ils risquent ainsi, en cas d'échec, d'être privés de ressources, la bourse versée par l'ENA n'ouvrant pas droit à des prestations d'assurancechômage.

C'est pourquoi j'ai arrêté des mesures qui constituent un signal fort en direction des candidats potentiels, mesures qui doivent permettre de conserver un large vivier de recrutement, de maintenir un taux de sélectivité élevé et d'apporter à la haute fonction publique la diversité d'origines sociales, de profils et d'expériences dont elle a besoin.

S'agissant d'abord du niveau de classement indiciaire dans le corps des administrateurs civils, il convenait de concevoir un traitement équilibré selon les voies de recrutement.

Pour les élèves issus du concours interne, il est décidé un classement à l'échelon du premier grade comportant un indice égal ou immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps d'origine. Cette mesure constitue un alignement sur les conditions dont bénéficient, d'ores et déjà, les fonctionnaires nommés administrateurs civils par la voie du tour extérieur.

Pour les élèves issus du troisième concours, qui doivent justifier de l'exercice d'au moins huit années d'activités professionnelles ou de mandats électifs d'une collectivité territoriale, il est prévu un classement uniforme au sixième et avant-dernier échelon du premier grade, quelles que soient la durée et la nature des activités antérieurement exercées. Ce classement revient à attribuer quatre années d'ancienneté sur la base des durées de séjour dans chaque échelon, solution qui est cohérente avec celles déjà retenues pour d'autres corps.

Ces dispositions doivent être applicables aux élèves sortant de l'ENA en avril 1999, sachant qu'un droit d'option sera ouvert pour les fonctionnaires déjà entrés dans les corps concernés, afin d'éviter des effets d'inversion de carrière. Ces derniers pourront donc bénéficier d'un reclassement dans le nouvel indice à compter du jour d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, avec une ancienneté conservée dans certaines limites.

En matière de régime indemnitaire, le dispositif de l'indemnité forfaitaire mensuelle sera modifié en profondeur.

Cette indemnité est actuellement versée aux élèves du concours interne et du troisième concours pendant sept ans à compter de l'entrée à l'ENA, selon un barème fortement dégressif. De ce fait, le montant versé en cours de scolarité ne permet pas de compenser les frais liés à cette période. Il a donc été décidé de remédier à cette situ ation paradoxale, en concentrant le versement de l'indemnité forfaitaire mensuelle sur la période de scolarité et en la fixant à 5 000 francs par mois environ.

Ce nouveau régime sera applicable dès le 1er janvier 1999 aux élèves entrant à l'ENA à cette date, l'ancien régime ne restant applicable aux autres élèves et anciens élèves qu'à titre transitoire.

Un dispositif identique dans son principe, sera mis en place en faveur des élèves des concours interne et du troisième concours des IRA. Les arbitrages nécessaires auront lieu dans les jours à venir.

Je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir m'excuser du caractère un peu technique de cette réponse, mais à question précise, réponse précise.

M. le président.

Je ne vous adresse pas de reproche, monsieur le ministre. On vous interroge, vous répondez, c'est normal.

Toutefois, je regrette un peu d'avoir autorisé M. le rapporteur pour avis à intervenir de nouveau bien qu'il ait dépassé son temps de parole. En effet, il ne m'avait pas signalé que sa question entraînerait une réponse si


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

longue de la part du Gouvernement. En tout état de cause, je le répète, je lèverai la séance à douze heures cin quante.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat seront appelés à la suite de l'examen des crédits de la communication.

En accord avec la commission des finances, j'appelle toutefois trois amendements portant sur les crédits de la fonction publique et un amendement portant article additionnel rattaché à ce budget.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 45, ainsi rédigé :

« Sur le titre III de l'état B concernant les services du Premier ministre : I. Services généraux, majorer les crédits de 35 000 000 francs. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Un crédit de 905 millions de francs a été ouvert au budget des services généraux du Premier ministre au titre de l'action sociale interministérielle des agents de l'Etat. Cette somme comprend une enveloppe de crédits exceptionnels de 230 millions résultant de l'accord salarial pour 1998 et 1999.

La répartition de cette enveloppe exceptionnelle devant être débattue avec les partenaires sociaux au sein du comité interministériel d'action sociale, ce crédit de 230 millions a été inscrit globalement et à titre préliminaire sur le chapitre 57-06 du titre V du budget des services généraux du Premier ministre.

A la suite de cette concertation, il a été convenu de réaffecter 50 millions de francs du chapitre 57-06 vers deux autres chapitres. Tel est l'objet des amendements nos 45 et 44 du Gouvernement.

Une enveloppe de 15 millions de francs devrait être consacrée aux actions à développer en faveur de l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Il est proposé d'inscrire ce montant de 15 millions au chapitre 57-07, article 50, des services généraux du Premier ministre, chapitre qui accueille, par ailleurs, le crédit budgétaire propre au fonds interministériel pour l'accessibilité des immeubles administratifs aux handicapés, le FIH. Tel est l'objet de l'amendement no

44. Par l'amendement no 45, il est proposé d'affecter 35 millions de francs à différents types d'actions sociales, notamment déconcentrées, qui relèvent du titre III, en inscrivant cette somme au chapitre 33-94, action sociale interministérielle, prestations et versements facultatifs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission des finances sur l'amendement no 45 ?

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

La commission ne l'a pas examiné, mais son contenu avait été communiqué à votre rapporteur. A titre personnel, j'y suis favorable, puisqu'il s'agit de tenir compte des choix effectués par les partenaires sociaux.

Je rappelle le rôle important que joue l'enveloppe de 230 millions dans la relance de l'action sociale. Mon souhait est qu'elle soit pérennisée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

45. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis, MM. Caresche, Dosière, Gorce, Le Roux, Montebourg, Nauche, Peillon, Peiro, Mme Touraine et M. Vallini ont présenté un amendement, no 42, ainsi rédigé :

« Sur le titre III de l'état B concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux, réduire les crédits de 16 millions de francs. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Cet amendement tend à réduire de 16 millions de francs les subventions de fonctionnement de l'Ecole nationale d'administration au chapitre 36-10, article 11.

Le montant de la suppression proposée correspond au coût de la double localisation de l'Ecole nationale d'administration à Paris et à Strasbourg, estimation qui a été effectuée il y a un peu plus d'un an par la Cour des comptes. Nous avions d'ailleurs déjà évoqué les conséquences de cette double localisation lors du débat budgétaire de l'an dernier.

Nous considérons que, au-delà de l'aspect choquant de cette dépense supplémentaire, ce qui est en cause c'est le non-respect d'une décision politique importante prise par le Premier ministre de l'époque et confirmée depuis.

La poursuite et l'achèvement souhaitables de la localisation de l'ENA à Strasbourg doit également être l'occasion d'engager une véritable réforme de fond de cette institution en lui donnant une dimension plus européenne, en lui faisant jouer un rôle plus important dans la formation continue des cadres de l'administration de l'Etat, en lui permettant d'entretenir des rapports plus étroits avec la fonction publique territoriale.

Cet amendement vise donc à permettre au Gouvernement d'achever la localisation de l'ENA à Strasbourg et d'ouvrir enfin le chantier de réforme de cette école.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

La question de la localisation de l'ENA et des coûts qui peuvent y être associésr evient de manière récurrente. C'est une question complexe dont l'analyse doit être effectuée de la manière la plus objective possible.

Les évaluations réalisées par l'ENA - pour votre part, vous vous êtes référé à la Cour des comptes - sur la base d'une comparaison entre les comptes financiers des années 1991 à 1996 établissent le surcoût de la double implantation à 8 460 000 francs, sachant que, sur la période considérée, la durée de la scolarité a augmenté de deux mois, que son contenu a évolué et que le nombre d'élèves en cours d'études a crû de 27,8 %. Par ailleurs, le Centre des études européennes de Strabourg utilise de plus en plus les installations et les locaux d e l'ENA. Ses activités, qui n'ont véritablement commencé qu'au 1er octobre 1994, se sont développées de façon remarquable depuis 1996, ce qui atténue encore le coût financier de la bilocalisation de l'ENA.

Dans le même sens, le développement nécessaire de la coopération entre l'ENA et l'Institut national des études territoriales de Strasbourg en matière de formation des administrateurs territoriaux vient conforter cette analyse.

Compte tenu de ces éléments, il faut se garder de toute appréciation ou décision hâtive.

M. Jean-Luc Warsmann.

Qu'est-ce à dire ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

La problématique de l'ENA, vous le savez, dépasse largement l'aspect de sa localisation, même si celle-ci ne saurait être négligée.

C'est dans le cadre de la réflexion plus globale sur le devenir de l'école, et notamment sur les aménagements à apporter au système de formation initiale et continue que doivent être analysés les avantages et les inconvénients de cette bilocalisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Depuis de nombreuses années, l'ENA et parfois certains de ses anciens élèves font l'objet de critiques.

Celles-ci présentent, pour une part, un caractère rituel, et sont souvent injustes car trop globales.

Je rappelle que, lors de la campagne pour les dernières élections législatives, on a entendu des propos excessifs, et même fantaisistes. On a en effet évoqué la suppression de l'ENA, on l'a comparée à l'ETA, à la mafia - que sais-je encore ?

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas le sens de l'amendement no 42 !

M. Lionnel Luca.

L'ENA sert à former de futurs ministres ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je vous donne acte, monsieur le rapporteur, que votre propos est beaucoup plus nuancé, et que c'est votre attachement à cette école et au rôle qu'elle joue dans la fonction publique qui vous a conduit à déposer cet amendement, pour forcer les évolutions.

Deux points méritent toutefois une attention particulière : les questions liées au recrutement et celles qui concernent la formation.

Au concours externe de 1997, il est apparu que près de 80 % des reçus étaient issus de familles de cadres ou de professions intellectuelles. En outre, plus des trois quarts de ces mêmes reçus étaient titulaires d'un diplôme d'une grande école de commerce ou de l'IEP de Paris. Les élèves provinciaux issus de la seule université ne représentaient quant à eux que 8 % des reçus.

Cette uniformité des profils sociologiques, éducatifs et géographiques n'est pas satisfaisante en ce qui concerne l'égalité d'accès aux plus hautes responsabilités administratives.

Simultanément, la crise de recrutement du concours interne porte atteinte à la faculté de l'ENA d'assurer la promotion interne des fonctionnaires les plus méritants.

Depuis 1990, le nombre de candidats au concours interne a diminué de moitié et risque de conduire à entériner la situation de fait d'une école à deux vitesses. Nous avons d'ailleurs évoqué ce problème à l'occasion de la discussion d'un autre amendement.

Pour améliorer cette situation, il faut donc imaginer des dispositions destinées à élargir et à diversifier le recrutement des élèves.

L'amélioration du reclassement et de la situation indemnitaire des élèves issus du concours interne et du troisième concours est un élément de réponse.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais encore ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Au-delà, une telle réflexion doit prendre en compte les mesures susceptibles d'améliorer la préparation aux concours dans les centres universitaires de province, actuellement limités à trois, elle doit porter sur l'équilibre entre les concours, notamment sur la parité entre concours interne et externe, abandonnée en 1996, et sur la nature des épreuves, en particulier sur la valorisation des acquis professionnels.

La formation dispensée par l'Ecole fait également l'objet d'interrogations, émanant parfois des élèves euxmêmes. Le nombre trop élevé des épreuves de classement et leur caractère académique et encyclopédique sont contestés.

La réflexion doit tendre à mettre en accord le contenu de la formation et des épreuves avec le caractère d'école d'application de l'ENA. La politique des stages, la place accordée aux langues étrangères ou aux activités de recherche, la réduction du nombre et la diversification de la nature des épreuves sont des thèmes à privilégier si l'on veut former des cadres supérieurs capables de se remettre en question et d'accélérer la modernisation du service public.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ah ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

La bilocalisation de l'ENA n'est pas une question secondaire, mais elle doit être abordée dans le cadre d'une réflexion plus large sur les objectifs assignés à l'ENA, les voies d'accès à cette école et le contenu de ses enseignements. Je ne doute pas que, sur ce point, les avis les plus autorisés se manifesteront de toute part. Quant à moi, je me refuse à trancher sur des critères passionnels et souvent excessifs, trop souvent présents, je l'ai déjà dit, lorsqu'on parle de l'ENA. Derrière certaines de ces critiques - mais le propos du rapporteur est différent, je le répète -,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Alors, qui a formulé ces critiques ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... il faut voir en fait une remise en cause de la fonction publique et du service public.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement, qui est attaché à l'évolution et à la pérennité de l'ENA, souhaiterai t le retrait de cet amendement, dont l'adoption qui ne favoriserait pas la progression du dossier.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, retirez-vous votre amendement ?

M. Christian Paul, rapporteur pour avis.

Cet amendement, comme je l'ai déjà dit, a été adopté à l'unanimité par la commission des lois. J'ai bien entendu les propos de M. le ministre mais, considérant que nous avons lancé cette discussion il y a maintenant plus d'un an, je maintiens l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Pardonnez-moi, monsieur le président car j'ai commis un lapsus. Je savais que M. le rapporteur maintiendrait en toute hypothèse son amendement et je demande par conséquent à l'Assemblée de le rejeter.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Il y a des lapsus très révélateurs et celui-ci montre bien l'embarras du Gouvernement devant la position de la commission des lois.

Je rappelle simplement à M. le ministre, qui était d'ailleurs déjà au gouvernement en 1992, que si nous en sommes là, c'est parce que tout cela a été fait sans concertation. Le ministre de la fonction publique de l'époque, dont je ne citerai pas le nom puisqu'il a parcouru une longue carrière dans la vie publique de notre pays, a appris une heure seulement avant le conseil des ministres que Mme Cresson présenterait ce projet. Comm ent voulez-vous, les affaires ayant été aussi mal conduites à l'époque, que la situation soit aujourd'hui différente de celle qu'a décrite M. Paul ? Le groupe Démocratie libérale approuve cet amendement de la commission des lois, parce qu'il a au moins le mérite de poser un problème qui dure depuis des années et n'a jamais été réglé, par aucun des gouvernements successifs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

Ce que j'aimerais, c'est que l'adoption de cet amendement entraîne le départ de l'ENA de Strasbourg. Nous sommes en effet au royaume d'Absurdie, car on a fait partir en province une école qui est destinée à former les hauts fonctionnaires de l'administration centrale en se fondant sur l'expérience des fonctionnaires des ministères parisiens. Vous portez la responsabilité de cette erreur due à une absence de concertation. Bien que l'amendement de M. Paul soit d'une autre nature, puisque son auteur préfère que l'ENA soit à Strasbourg plutôt qu'à Paris, eu égard au fait qu'il a bien posé le problème, je voterai pour.

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Les membres du groupe RPR sont un peu étonnés car cet amendement propose de réduire les moyens mais n'ose proposer une solution. Nous avons é couté très attentivement les réponses de M. le ministre,...

M. Jean-Luc Warsmann ! Elles étaient normandes... ou plutôt radicales !

M. Lionnel Luca.

... qui ont balancé d'un côté et de l'autre.

Nous préférons ne pas en rajouter, et que le Gouvernement et la majorité prennent une fois pour toutes leurs responsabilités en ce qui concerne l'ENA. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 44, ainsi rédigé :

« Sur le titre V de l'état C concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux :

« Réduire les autorisations de programme de ...............................

50 000 000 F

« Réduire les crédits de paiement de ..............................................

50 000 000 F

« Majorer les autorisations de programme de .............................

15 000 000 F

« Majorer les crédits de paiement de ..............................................

15 000 000 F. » Cet amendement a déjà été défendu par le Gouvernement.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 46, ainsi rédigé :

« Après l'article 83, insérer les dispositions suivantes : Services du Premier ministre

« Art. 83 bis. - I. - Au premier alinéa de l'article 12 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, les termes : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998" sont remplacés par les termes : "pour une période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999".

« II. - Au premier alinéa de l'article 13, la mention : "et âgés de cinquante-huit ans au moins" et, au premier alinéa des articles 22 et 34, la mention : "âgés de cinquante-huit ans au moins," sont supprimées.

« III. - Les articles 13, 22 et 34 de la même loi sont ainsi modifiés :

« au 1o du premier alinéa, les mots : "soit justifier de" sont remplacés par les mots : "soit être âgé de cinquante-huit ans au moins et justifier de" ;

« au 2o du premier alinéa, les mots : "soit justifier de" sont remplacés par les mots : "soit être âgé de cinquante-six ans au moins et justifier de" ;

« au 3e alinéa de l'article 13 sont ajoutées les dispositions suivantes :

« La durée de vingt-cinq années de service, prévue au 1o ci-dessus, est réduite dans la limite de six années au maximum pour les fonctionnaires handicapés dans les conditions prévues au b du 3e alinéa d e l'article 2 de l'ordonnance no 82-297 du 31 mars 1982 portant modification de certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraites et relative à la cessation d'activité des fonctionnaires et des agents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ;

« au troisième alinéa des articles 22 et 34 sont ajoutées les dispositions suivantes :

« La durée de vingt-cinq années de service, prévue au 1o ci-dessus, est réduite dans la limite de six années au maximum pour les fonctionnaires handicapés dans les conditions prévues au b du 3e alinéa de l'article 1er de l'ordonnance no 82-298 du 31 mars 1982 relative à la cessation progressive d'activité des agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif.

« IV. - Aux articles 14, 31 et 42 de la même loi, l'année "1998" est remplacée par l'année "1999".

« V. - Au premier alinéa des articles 16, 26 et 37 de la même loi, les mots : "cinquante-huit ans" sont remplacés par les mots : "cinquante-six ans" et les mots : "vingt-cinq années" par les mots : "quinze années".

« VI. - A la première phrase des articles 17, 28 et 39 de la même loi, les mots : "six derniers mois"s ont remplacés par les mots : "douze derniers mois". »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

J'ai déjà défendu cet amendement dans mon intervention générale. Il s'agit de reconduire le CFA et de l'étendre aux fonctionnaires âgés d'au moins cinquante-huit ans qui ont cotisé trente-sept années et demie, tous régimes confondus, et qui ont vingt-cinq ans de service en qualité d'agents publics, et à ceux d'au moins cinquante-six ans qui ont cotisé quarante ans, tous régimes confondus, et comptent quinze ans de service en qualité d'agents publics.

Il convient néanmoins de rectifier l'amendement. Les mots : « après l'article 83 » sont remplacés par les mots :

« après l'article 79 » et la mention : « Services du Premier ministre » est remplacée mar la mention : « Economie, finances et industrie », la mesure en question étant rattachée aux charges communes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ainsi rectifié ?

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Luc Warsmann.

Je rappelle qu'il s'agit de la continuation d'une démarche entreprise par Dominique Perben. En conséquence, nous voterons pour.

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

Les quinze années de service public qui sont réclamées posent des problèmes insurmontables. Je connais beaucoup de fonctionnaires ayant plus de quarante années de cotisations, tous régimes confondus, et qui comptent parfois 170, voire 180 trim estres, mais ne remplissent pas la condition des quinze années de service et ne peuvent donc pas partir en retraite.

Il y a là une injustice car, s'ils étaient dans le secteur privé, ils pourraient, avec autant d'années de service, partir en retraite. La situation est donc inique.

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'amendement.

M. Raymond Douyère.

Vous ne répondez pas à ma question, monsieur le ministre ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 46, tel qu'il a été rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999, no 1078 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1111).

Intérieur : Sécurité M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 32 au rapport no 1111) ; Police M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome II) ; Sécurité civile M. Jean-Antoine Léonetti, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République (avis no 1115, tome III) ; Collectivités locales M. Gérard Saumade, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 33 au rapport no 1111) ; M. René Dosière, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1115, tome IV).

A vingt et une heures, troisième séance publique.

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT