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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRE

SIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Rappels au règlement (p. 8359).

MM. José Rossi, le président, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy.

Suspension et reprise de la séance (p. 8362)

MM. Jean-Claude Lenoir, le président.

2. Pacte civil de solidarité. Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 8363).

MM. le président, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy.

DISCUSSION GE NE RALE (p. 8365)

M. Bernard Birsinger.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 8369)

REPRISE DE LA DISCUSSION (p. 8369)

MM. Henri Plagnol, Georges Sarre, Dominique Dord, Jacques Floch,

MM. Bernard Accoyer, Patrick Braouezec, Mme Marie-Thérèse Boisseau.

MM. Henri Plagnol, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le président.

PRE

SIDENCE DE M. YVES COCHET

MM. Guy Hascoët, Claude Goasguen.

PRE

SIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

M.

Claude Goasguen, Mme Laurence Dumont,

MM. Thierry Mariani, Jean-Antoine Leonetti, Mme Frédérique Bredin,

MM. Pascal Clément, Bruno Le Roux, Christian Estrosi, Philippe de Villiers.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8396).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

1 RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. José Rossi.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. José Rossi, pour un rappel au règlement.

M. José Rossi.

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 de notre règlement.

M. Jean-Claude Lefort.

Quel paragraphe ?

M. José Rossi.

Avant d'en venir à des considérations purement juridiques, je tiens à exprimer à la fois l'émotion et l'indignation qui est la nôtre face aux conditions dans lesquelles l'orateur du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, qui exprimait le point de vue de l'ensemble des groupes RPR, UDF et DL, a été interrompu ce matin par notre président...

M. François Vannson.

C'est inadmissible ! Scandaleux !

M. José Rossi.

... au moment où il était sur le point, non pas de conclure, mais de terminer son exposé d'un des points essentiels et fondamentaux qu'il n'a donc pas pu développer.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Vannson.

Scandaleux ! Gaucho égale facho !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez poursuivre M. Rossi dans le calme, s'il vous plaît ! La dignité du Parlement y gagnera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous en prie, monsieur Rossi.

M. José Rossi.

Le président Fabius a rappelé qu'il y avait des précédents. Sur ce point, je n'ai rien à ajouter à ce qu'a répondu le président Seguin.

M. Didier Boulaud.

C'était faux !

M. José Rossi.

Ces précédents n'avaient manifestement rien à voir avec les conditions dans lesquelles se déroule le débat aujourd'hui et ils ne pouvaient en rien justifier la décision du président Fabius d'interrompre de manière aussi brutale l'intervention de M. Lenoir.

M. François Vannson.

C'était scandaleux, pitoyable !

M. José Rossi.

Je rappelle que, sur la feuille jaune de séance distribuée mardi dernier...

M. Jean-Claude Lefort.

Cela n'a aucune valeur !

M. José Rossi.

... et qui avait fait l'objet d'un accord en conférence des présidents, il était indiqué que JeanClaude Lenoir avait vocation à s'exprimer pendant cinq heures.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Claude Lefort.

Cela n'a aucune valeur !

M. Pierre Lellouche.

Lisez-la, la feuille !

M. José Rossi.

Il est vrai que, par la suite, les déclarations des uns et des autres ont pu conduire à penser que M. Lenoir pourrait s'exprimer un peu plus ou un peu moins, mais M. Lenoir lui-même n'a jamais dit qu'il parlerait moins de cinq heures. C'est donc à tort, nous semble-t-il, que le président de l'Assemblée nationale l'a interrompu brutalement dans son exposé.

M. François Vannson.

C'est une machination ! Socialiste égale facho égale ayatollah ! Maintenant on n'a pas le droit de penser différemment ! C'est lamentable !

M. José Rossi.

Au-delà de ce constat qu'ont pu faire tant les députés de la majorité que ceux de l'opposition, chacun appréciera ! Aux termes de l'article 58, alinéa 1er , de l'Assemblée nationale « Les rappels au règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion. La parole est accordée à tout député qui la demande à cet effet soit sur-le-champ, soit, si un orateur a la parole, à la fin de son intervention. »

L orsque le président de l'Assemblée nationale a demandé à M. Lenoir de s'interrompre,...

M. François Vannson.

C'était lamentable !

M. José Rossi.

... j'ai demandé la parole pour un rappel au règlement et solliciter une suspension de séance.

La présidence de l'Assemblée nationale, entourée des collaborateurs qui se trouvent autour de vous, monsieur le président, a parfaitement interprété ma demande, mais ne m'a pas donné satisfaction, au mépris du règlement.

J'émets donc les plus vives protestations sur ce point et je demande que le bureau de l'Assemblée nationale soit saisi mardi prochain...

M. François Vannson.

Aujourd'hui !

M. José Rossi.

... de cet incident de procédure et puisse préciser sa position face à la représentation nationale.

M. François Vannson.

C'est inadmissible !

M. José Rossi.

Voilà ce que je voulais dire très calmement et très sereinement, monsieur le président, en vous assurant que, pour notre part, nous souhaitons poursuivre le débat dans la sérénité, comme en ont témoigné


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d'ailleurs les propos très mesurés et réalistes de M. Lenoir, mais, en même temps, nous ferons preuve de la fermeté nécessaire qui découle tout naturellement de nos convictions ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Vannson.

Lenoir au micro !

M. le président.

Permettez-moi, monsieur Rossi, de vous remercier pour le calme dont vous avez fait preuve à l'occasion de ce rappel au règlement. Je souhaite que chacun s'en inspire à l'avenir.

M. Franck Borotra.

Nous n'avons pas besoin de vos leçons ! Gardez-les pour vous !

M. Pierre Lellouche.

Il fallait le dire à M. Fabius !

M. François Vannson.

Ils ont viré la presse ce matin ! C'est inadmissible ! La presse a été jetée dehors ! C'est une dictature de gauche !

M. le président.

Monsieur Rossi, j'ai assisté, comme vous, à la conférence des présidents. Lorsque la question vous a été posée du temps de parole qu'utiliserait

M. Lenoir dans le cadre de cette motion de procédure, vous n'avez pu y répondre. Ce n'est qu'ensuite, hors la conférence, que cette durée a été précisée.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. le président.

Cela dit, je prends note que vous souhaitez que la question soit évoquée, mardi, lors de la réunion du bureau qui se tiendra à dix heures. Je transmettrai, bien entendu, au président de l'Assemblée nationale, en l'appuyant, la requête que vous avez formulée.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

La conférence des présidents, que préside M. Fabius et à laquelle vous assistez désormais - nous en sommes heureux - avait décidé que

M. Lenoir parlerait cinq heures.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Non !

Mme Nicole Bricq.

C'était indicatif !

M. Jean-Louis Debré.

J'en veux pour preuve la feuille de séance, où il est indiqué que la question préalable de M. José Rossi sera défendue par M. Jean-Claude Lenoir pendant cinq heures.

Naturellement, j'étais à cette conférence des présidents, mais je ne me souviens pas qu'une démarche ait été effectuée à cette occasion auprès de M. Lenoir pour qu'il réduise son temps de parole. Il aurait d'ailleurs été anormal de le limiter puisqu'une brochure diffusée officiellement par l'Assemblée nationale précise que la durée de l'intervention en faveur d'une motion de procédure n'est soumise à aucune limitation par le règlement, mais qu'il est d'usage que les orateurs se fixent à eux-mêmes un temps de parole qui les engage vis-à-vis de la présidence.

M. Lenoir était engagé vis-à-vis de la présidence et de la conférence des présidents à ne pas dépasser cinq heures.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pourquoi l'avoir interrompu alors qu'il n'avait parlé que trois heures.

M. François Vannson.

Parce que c'est la dictature !

M. Jean-Louis Debré.

Rien dans ses propos n'était agressif. Rien n'était infamant. Rien ne troublait l'ordre public. Rien n'était inconvenant.

M. François Vannson.

Gaucho égale facho !

M. Jean-Louis Debré.

M. Lenoir expliquait, justifiait, argumentait la question préalable que nous avions décidé de poser.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. François Vannson.

Il va revenir !

M. Jean-Louis Debré.

Il avait annoncé une argumentation en quatre idées principales. Il n'a pu complètement les exposer. Il n'en a évoqué que deux. La présidence l'a interrompu avant qu'il n'ait pu entièrement présenter son argumentation justifiant la question préalable.

M. Didier Boulaud.

Thèse, antithèse, foutaise !

M. Jean-Louis Debré.

Il est très important de le noter, monsieur le président. En effet, dans l'hypothèse où l'opposition déciderait de saisir le Conseil constitutionnel, qui est présidé par quelqu'un qui vous est proche et qui a toujours veillé aux droits du Parlement - il faut lui en rendre hommage -, le Conseil ne manquerait pas, comme en atteste une jurisprudence constante, de considérer que lors de la défense d'une motion de procédure les orateurs peuvent s'exprimer aussi longtemps qu'ils en ont décidé, en accord avec la conférence des présidents.

M. Didier Boulaud.

Allez le dire à Séguin !

M. Jean-Louis Debré.

Le président Fabius a expliqué, pour justifier son geste,...

M. Pierre Lellouche.

Inqualifiable.

M. Jean-Louis Debré.

... qu'il existait des précédents.

Vous l'avez vu, ces précédents ne concernent pas des situations semblables.

Par ailleurs, je souhaite, monsieur le président, que vous informiez l'Assemblée du nombre de députés qui se sont prononcés pour la question préalable, car alors que l'on doit normalement demander « Qui est pour ? », puis

« Qui est contre ? », ces questions n'ont pas été posées.

(« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Elle a été posée ! Vous êtes sourds !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous appelle au calme !

M. Jean-Louis Debré.

Mesdames, messieurs de la majorité, le président vous a demandé un peu de sérénité ! Vous êtes très intolérants ! Laissez au moins l'opposition s'exprimer ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Vous dites n'importe quoi !

M. Jean-Louis Debré.

Ainsi, comme n'ont été comptés ni ceux qui étaient pour, ni ceux qui étaient contre, ni ceux qui s'abstenaient, j'émets les plus grandes réserves sur le scrutin.

En réalité, on a agi ainsi pour des raisons politiques.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les Français se rendent compte que cette


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proposition de loi est inopportune en l'état, confuse, et vous voulez hâter le débat pour qu'ils n'en connaissent pas la réalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est une argumentation qui est non pas juridique, mais politique et le Conseil constitutionnel devra y veiller.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Monsieur Debré, permettez-moi, à la place où je suis, de formuler deux remarques de fait, car je m'interdis évidemment de prendre position de quelque manière que ce soit sur les questions que vous avez évoquées, M. Rossi et vous-même.

Ce matin, lorsque M. Lenoir est monté à la tribune, interpellé par le président de l'Assemblée nationale qui l'interrogeait sur la durée de son intervention - j'ai sous les yeux le compte rendu analytique de la séance de ce matin -, il a répondu : « j'ai dit à titre indicatif que ce pourrait être cinq heures, ce pourrait être moins, et même beaucoup moins. »

(« Et alors ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Rochebloine.

Ce n'est pas une réponse !

M. le président.

C'est un élément de fait ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Le deuxième élément, monsieur Debré, est que dans quelques heures - si vous voulez bien écouter la présidence (« Non ! » sur les mêmes bancs) -

M. Devedjian, dans le cadre de la motion de renvoi en commission, aura la possibilité de s'exprimer.

M. Jean-Claude Lenoir.

Rappel au règlement !

M. le président.

M. Devedjian a lui-même indiqué qu'il interviendrait entre une heure et deux heures (Vives protestations sur les mêmes bancs) - ce dont nous prenons acte, bien entendu.

Mme Christine Boutin et M. Richard Cazenave.

Merci, monseigneur !

M. le président.

Je pense que les rappels au règlement peuvent s'arrêter là, si vous le voulez bien.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Mais bien entendu, je vais donner la parole à M. Douste-Blazy, en sa qualité de président du groupe.

M. Richard Cazenave.

Merci encore, monseigneur !

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, depuis le début de ce débat, la majorité essaie de passer en force.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

C'est un coup d'Etat !

M. Philippe Douste-Blazy.

La dernière violation de notre tradition républicaine et démocratique est probablement la plus grave, car elle risque d'influencer grandement l'esprit des travaux de notre assemblée.

M. Didier Boulaud.

Allez voir Séguin !

M. Philippe Douste-Blazy.

Il y avait un principe et ce principe était clair.

M. Didier Boulaud.

Demande à Séguin !

M. Philippe Douste-Blazy.

C'était la liberté des orateurs de motion sans aucune contrainte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Séguin !

M. Richard Cazenave.

Oh, assez de mensonges !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de tolérance, s'il vous plaît ! Monsieur Douste-Blazy, poursuivez !

M. Philippe Douste-Blazy.

Aujourd'hui, mesdames, messieurs, vous êtes au pouvoir, mais il n'est pas impossible que, demain, vous soyez dans l'opposition.

M. Jacques Myard.

Ils vont y retourner !

M. Philippe Douste-Blazy.

Et vous pourriez alors vous plaindre des manquements au respect dû à notre assemblée.

(« Quel aveu ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la République et du groupeDémocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Séguin !

M. Richard Cazenave.

Ça suffit les mensonges ! C'est vous les fayots !

M. Philippe Douste-Blazy.

Ce qui se passe est en totale contradiction avec les propos que tenait, lors de sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre, quand il affirmait sa volonté de réduire la fracture républicaine en rééquilibrant nos institutions par un renforcement des pouvoirs du Parlement.

S i vous aviez accepté un examen du texte en commission,...

M. Christian Estrosi.

Exactement !

M. Philippe Douste-Blazy.

... en procédant aux auditions nécessaires,...

M. Bernard Accoyer.

Honnêtement...

M. Philippe Douste-Blazy.

... vous auriez été fondés, alors, à considérer que nos prises de position étaient excessives.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Bataille.

Vous ne croyez pas à ce que vous dites !

M. Philippe Douste-Blazy.

Mais ces débats préalables, vous nous les avez refusés, alors que le texte dont nous débattons touche à un élément fondamental : le droit de la personne.

Nous pouvons dire aujourd'hui que l'actuel président de l'Assemblée nationale aura été le premier président à fixer de lui-même la longueur des motions de procédure.

M. Didier Boulaud.

Séguin ! Séguin ! Séguin !

M. Philippe Douste-Blazy.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous demandons une suspension de séance d'une demi-heure et la convocation du bureau de l'Assemblée nationale.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et


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du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, pour rétablir le calme, je suspends la séance dix minutes.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Claude Lenoir.

Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole au titre de l'article 58 du règlement de l'Assemblée nationale. J'ai été involontairement au centre de turbulences.

M. Yves Rome.

Non, bien volontairement !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je voudrais apporter quelques précisions.

Il y a une dizaine de jours, lorsque le débat a été organisé et lorsque j'ai été désigné pour être le porte-parole du groupe Démocratie libérale et Indépendants, la question de savoir combien de temps j'entendais disposer pour intervenir sur la question préalable m'a été posée par la présidence de l'Assemblée nationale et par les services.

Dès le milieu de la semaine dernière, et cela a été communiqué d'une façon encore plus claire par mon président José Rossi à la conférence des présidents, il a été indiqué que j'aurai sans doute besoin, et c'était à titre purement indicatif, de cinq heures. Le débat a été organisé sur cette base. Je tiens à la disposition de tous les parlementaires un document qui a, sans doute, rejoint la corbeille de beaucoup d'entre eux ; il date de mardi dernier mais précisait la façon dont le débat devait se dérouler. J'y apparaissais comme devant défendre la question préalable pendant une durée de cinq heures.

A aucun moment, ni le cabinet du président ni les services de l'Assemblée nationale ne m'ont demandé de confirmer ce temps de parole - qui avait été très clairement indiqué par le président de mon groupe - ou, simplement, d'être plus compendieux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

C'est normal, il n'y a pas de magouilles !

M. Jean-Claude Lenoir.

La question m'a d'ailleurs été posée par des journalistes, qui voulaient savoir si des pressions avaient été exercées sur ma personne pour m'amener à réduire mon temps de parole.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

J'ai répondu de la façon la plus claire que personne, ni le président, ni son cabinet, ni les services de l'Assemblée, ne m'avait demandé de revoir à la baisse mon temps de parole. Je me suis donc engagé dans la préparation de mon dossier sur cette base qui avait été très clairement établie puis acceptée en conférence des présidents.

Ce matin, lorsque je suis monté à la tribune, le président, souhaitant savoir quel était, en définitive, le temps dont j'avais besoin, parce que des rumeurs assez fantaisistes avaient circulé, je lui ai indiqué, selon le compte rendu analytique : « J'ai dit à titre indicatif que ce pourrait être cinq heures, ce pourrait être moins et même beaucoup plus. »

(« Ah ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) J'ai alors commencé mon intervention en informant l'Assemblée du cheminement que j'allais suivre, en posant des jalons qui prenaient la forme de quatre parties que j'ai très clairement identifiées, chacune s'ajoutant à celle qui précédait pour former un ensemble cohérent.

Lorsque le président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, m'a fait savoir, vers midi...

M. Jean Launay.

Non, dès neuf heures et demi.

M. Jean-Claude Lenoir.

... que l'Assemblée pourrait être suffisamment instruite du sujet dont je l'entretenais depuis le début de la séance, j'ai réalisé qu'il y avait de sa part une tentative, peut-être timide, néanmoins très claire, de réduction du temps de parole.

Je lui ai alors répondu deux choses - ce sera au Journal officiel puisque le micro fonctionnait. Premièrement, que l'Assemblée ne pourrait être instruite qu'une fois mon raisonnement terminé. Deuxièmement, que je me mettais en position de faire en sorte que mon temps de parole ne soit pas dépassé. C'est ainsi que j'ai proposé qu'au terme de la suspension liée au déjeuner, je puisse conclure de façon plus concise mon intervention, de manière à respecter les cinq heures qui m'avaient été accordées.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Claude Lefort.

Ce n'était pas à vous d'en décider !

M. Jean-Claude Lenoir.

J'ajoute, monsieur le président, qu'il y a eu entre M. Fabius et moi-même, au moment où il y avait des mouvements divers dans l'hémicycle, un é change personnel hors micro. J'ai fait savoir à

M. Fabius...

M. Didier Boulaud.

On s'en fout !

M. Jean-Claude Lenoir.

... que j'étais prêt à faire en sorte que le temps de parole qui m'avait été attribué fût respecté, et je lui ai indiqué de la façon la plus claire que je ne dépasserais pas les cinq heures qui m'avaient été officiellement attribuées dans les conditions qui ont été rappelées par le président de mon groupe. Je pensais donc que les choses étaient extrêmement claires.

J'ai même ajouté - j'en ai presque terminé, monsieur le président, si vous voulez bien m'accorder quelques instants supplémentaires...

M. Georges Hage.

Au fait !

M. Didier Boulaud.

Il recommence comme ce matin, monsieur le président !

M. Jean-Claude Lenoir.

J'ai même indiqué au président de l'Assemblée que, dans l'intérêt du débat, afin que soit assurée la sérénité à laquelle j'estime avoir dès le dé part contribué (Applaudissements sur les mêmes bancs), il était préférable - et c'était de ma part un conseil empreint de respect vis-à-vis de notre président - que le temps de parole qui m'avait été accordé soit respecté, ajoutant que j'étais prêt, dès lors, à m'adresser à mes amis pour que le débat puisse ensuite se poursuivre dans les meilleures


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conditions.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

J'ai cru comprendre - mais les mouvements divers auxquels je faisais allusion, le brouhaha qui s'est amplifié d'un côté de l'hémicycle m'ont empêché de tout entendre - que le président s'était trop avancé dans ses propos pour revenir sur sa décision.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je ne veux pas le mettre en cause.

(Mêmes mouvements.)

M. Didier Boulaud.

Ça recommence !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez M. Lenoir terminer son rappel au règlement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) J'imagine qu'il me porte le même respect qu'au président de l'Assemblée nationale, et qu'il sait que le rappel au règlement doit durer cinq minutes.

M. Jean-Pierre Blazy.

Pas cinq heures !

M. le président.

Monsieur Lenoir, terminez, s'il vous plaît.

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je voudrais à un double titre, et d'abord à titre personnel, regretter d'avoir été au centre d'un incident extrêmement grave (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), le premier depuis 1958 (Rires sur les mêmes bancs. - Approbations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance)...

M. Didier Boulaud.

Et Séguin !

M. Jean-Claude Lenoir.

... à l'issue duquel un orateur, qui plus est de l'opposition, a été privé du temps de parole qui lui avait été officiellement accordé en conférence des présidents.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je le regrette également à titre politique, parce que j'étais en l'occurrence non seulement le député de la deuxième circonscription de l'Orne...

M. Jean-Yves Le Déaut.

Eh oui ! Le boudin, c'est à Mortagne !

M. Jean-Claude Lenoir.

... mais également le porteparole et du groupe Démocratie libérale, et de l'opposition tout entière, pour soutenir une question préalable.

J'ai ainsi été privé de l'opportunité qui m'aurait été do nnée, si j'en avais eu le temps, de convaincre mes collègues de la majorité de voter cette question préalable, afin de prévenir les difficultés inévitables vers lesquelles nous allons maintenant. Bref, si j'ose dire (Sourires), j'aurais sans doute permis à la majorité d'éviter un faux pas et même, oserai-je dire, de gagner du temps.

M. le président.

Merci, monsieur Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir.

Monsieur le président, vous m'avez donné cinq minutes et je crois qu'il me reste trente-cinq secondes pour vous dire que les problèmes posés dans cette affaire sont extrêmement graves. Ils mettent en cause les droits de l'opposition à s'exprimer dans les délais prévus initialement et arrêtés de façon formelle par la conférence des présidents. Au-delà de l'opposition, un autre droit a été bafoué, celui de la presse de pouvoir assister à la séance (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance)...

M. François Vannson et M. Jean-Yves Besselat.

Scandaleux !

M. Jean-Claude Lenoir.

... puisque certains journalistes ont été expulsés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), le mot n'est pas trop fort, de la loge où ils étaient.

J'entends, monsieur le président, que cette affaire soit portée à la connaissance du bureau de l'Assemblée nationale, et que le président de l'Assemblée puisse nous faire savoir dans quelles conditions, et l'opposition, et la majorité, car elle est également concernée par le comportement auquel nous avons assisté ce matin, pourront continuer à accomplir la tâche pour laquelle nous avons été élus et à exercer le mandat que nous tenons du suffrage universel.

Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé et que, vous le voyez, j'ai respecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Monsieur Lenoir, je constate avec beaucoup de satisfaction, si vous me permettez cette boutade, que l'entraînement que vous avez suivi porte ses fruits, puisque votre rappel au règlement a duré douze minutes.

Je prends acte, évidemment, de vos remarques. Elles seront examinées par le bureau, qui se réunira le 10 novembre, à dix heures du matin.

Nous allons maintenant, si vous le voulez bien, mes chers collègues, passer à l'ordre du jour.

M. Jean-Yves Besselat.

Il n'y a pas eu de réponse !

M. François Vannson.

Il nous faudrait une réponse !

M. Jacques Baumel.

La réponse !

M. Jean-Yves Besselat.

Les ayatollahs ne répondent jamais ! 2 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (no 1138).

Mes chers collègues, ayant entendu ou lu ce qui a été dit ce matin, ici et ailleurs, par certains d'entre vous, je souhaite, avant d'ouvrir la discussion générale et de donner la parole au premier orateur inscrit, faire une proposition d'organisation de nos débats à venir sur les articles.

A chacun d'y réfléchir, et nous en avons le temps.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Un millier d'amendements ont été déposés. Plusieurs solutions sont évidemment envisageables pour les examiner.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Le 49-3 ?

M. le président.

Ou bien, ce qui est la règle, sans doute regrettable à certains moments, ils seront examinés dans l'ordre d'appel, suivant leur dépôt sur les articles, le Gouvernement conservant alors ses prérogatives pour réserver ou non tel ou tel d'entre eux.

M. Maurice Leroy.

Avec courage !

M. le président.

J'observe en effet que de nombreux amendements sont semblables, soit portant sur des thèmes identiques, soit déposés à des endroits différents de la proposition de loi.

Je crains, mes chers collègues, que si nous procédions ainsi le débat n'y perde en clarté.

M. Jean-Yves Besselat.

C'est le texte qui n'est pas clair !

M. le président.

Aussi - et c'est le sens de ma proposition -, si l'ensemble des groupes y souscrit, nous pourrions tenir un débat sur chacun de ces sujets, lorsque sera appelé le premier amendement le concernant. Ainsi, si vous me suiviez, j'organiserais, en accord avec les responsables des groupes, sept débats sur les thèmes les plus fréquemment abordés par vos amendements. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vous demande de réfléchir à cette proposition...

M. Bernard Accoyer.

Qu'est-ce que c'est que ça ?

M. François Vannson.

Magouille !

M. le président.

... et de bien vouloir m'écouter jusqu'au bout.

Le premier de ces thèmes porterait sur la dénomination du PACS : vingt-sept amendements ont été déposés sur ce sujet.

(« Magouille ! Magouille ! » sur les mêmes bancs.)

Le deuxième de ces thèmes porterait sur la place que le PACS devra occuper dans le code civil.

(Vives protestations sur les mêmes bancs.)

M. Philippe Douste-Blazy.

Rappel au règlement !

M. le président.

Le troisième de ces thèmes porterait sur la capacité à conclure un tel contrat. Le quatrième sur les nullités. Le cinquième sur l'inclusion dans les articles définissant le PACS des droits et devoirs qui en découlent et des références aux droits et obligations du mariage.

M. Maurice Leroy.

On n'est pas à la Samaritaine !

M. le président.

Le sixième sur la possibilité ouverte ou non aux signataires d'un PACS de recourir à la procréation médicalement assistée ou à l'adoption.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Le septième sur la composition des unions.

(Mêmes mouvements.)

Mes chers collègues, ces sujets sont suffisamment importants pour qu'ils soient abordés complètement.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Yves Nicolin.

C'est l'hôpital qui se fout de la charité !

M. le président.

La responsabilité du président est de faire en sorte que les débats soient conduits de manière à ce que chacun, opposant ou partisan de cette proposition de loi, puisse se faire entendre et comprendre.

M. Dominique Dord.

Tricheurs !

M. le président.

En regroupant ainsi les thèmes en un seul moment plutôt que de pratiquer de façon pointilliste, le débat gagnera en clarté et en cohérence. (« Pas du tout ! C'est faux ! » sur les mêmes bancs.)

Le règlement de l'Assemblée ne me permet pas de vous y contraindre. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.) Toutefois, si chaque groupe souhaite comme moi que la suite de la discussion se déroule dans la sérénité et la clarté (Exclamations sur les mêmes bancs), je suis certain que nous parviendrons à un accord. Je donnerai alors des instructions aux services de l'Assemblée nationale pour qu'ils préparent le dossier de la séance suivant ces modalités.

M. Jacques Myard.

C'est grave !

M. le président.

Je demande donc à chacun des groupes de m'indiquer sa position sur l'organisation des débats que je viens de proposer.

M. Dominique Dord.

C'est non !

M. le président.

Je ne vous demande pas de me donner une réponse immédiate, mais d'y réfléchir, puisque nous n'aborderons la discussion sur les amendements qu'en fin de soirée.

Par conséquent, si vous en êtes d'accord, passons à la discussion générale. (« Non ! Non ! Pas question ! » sur les mêmes bancs.)

Plusieurs d'entre vous me demandent la parole. Je veux bien la donner à un seul orateur (Protestations sur les mêmes bancs),

M. Debré, pour qu'il m'indique...

Mes chers collègues, je vous en prie. Il me semble que ces propositions méritent à tout le moins d'être examinées, à défaut d'être acceptées.

M. Yves Nicolin.

Vous nous prenez pour des imbéciles !

M. le président.

Et je vous demande de bien vouloir les regarder de près. (« Non ! » sur les mêmes bancs.) Je suis à votre disposition et à la disposition des présidents de groupe pour que nous nous en entretenions, si cela est nécessaire.

La parole est à M. Jean-Louis Debré, pour une brève intervention, s'il vous plaît.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole.

Nous avons entendu votre proposition. Vous êtes convenu qu'elle était dérogatoire au droit, à nos habitudes et à la tradition de cette assemblée.

M. Yves Nicolin.

Depuis ce matin, c'est pareil !

M. Jean-Louis Debré.

Il nous apparaît suspect - je vous le dis comme je le pense - que cette proposition arrive maintenant...

Mme Nicole Bricq.

Il n'est pas interdit d'innover ! L'imagination au pouvoir !

M. Jean-Louis Debré.

... alors que la conférence des présidents, à plusieurs reprises, s'est penchée sur l'organisation de ce débat et que, à plusieurs reprises, elle a été informée du nombre de nos amendements.

Mais nous avons entendu votre proposition et je pense que, tout à l'heure, vous nous accorderez une suspension de séance suffisamment longue pour que nous puissions réunir nos groupes, afin d'y réfléchir, d'en parler et de vous donner une réponse.

M. le président.

Un mot, monsieur Douste-Blazy.

Ensuite, nous passerons à la discussion générale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Philippe Douste-Blazy.

Un mot, monsieur le président, pour vous demander une suspension de séance immédiate, car j'ai besoin de réunir dès à présent mon groupe pour examiner votre proposition, compte tenu de son importance.

M. le président.

Mes chers collègues, si vous en êtes d'accord, je vous propose de commencer la discussion générale. (« Non ! Non ! » sur les mêmes bancs.) Dans le courant de l'après-midi, nous interromprons la séance pour quelques instants, le temps de réunir les groupes.

(Vives protestations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Birsinger.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

M. Bernard Birsinger.

Madame la ministre, monsieur le président, chers collègues (Protestations et claquements de pupitres sur les mêmes bancs), le groupe communiste peut-il avoir quelques minutes après les heures de l'opposition ?

M. le président.

Très franchement, mes chers collègues, je pense que l'on ne gagne pas beaucoup à se comporter de cette manière.

Monsieur Birsinger, vous avez la parole et vous seul ! (Claquements de pupitres ininterrompus.)

M. Yves Nicolin.

Zéro !

M. Félix Leyzour.

Fachos !

M. Bernard Birsinger.

Enfin, nous allons pouvoir discuter du PACS ! Avec l'examen de la proposition de loi visant à instaurer le pacte civil de solidarité, nous entrons de plain-pied dans un grand débat de société, comme l'ont été en leur temps les débats sur l'interruption volontaire de grossesse, sur la réforme du mariage ou encore sur l'abolition de la peine de mort.

(Claquements de pupitres.)

C'est l'opposition démocratique, ça ? Vous êtes si bruyants qu'il est impossible à un orateur de parler ! Je vous rappelle une chose : cette majorité n'a jamais utilisé le 49-3 depuis qu'elle est au pouvoir ! Voilà la vraie démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les députés communistes conserveront jusqu'au bout une attitude de nature à assurer la sérénité et la clarté des débats. L'enjeu est trop important, le PACS trop attendu par nos concitoyens pour que nous nous laissions distraire par les procédures d'obstruction, par les fausses vérités bruyamment assénées, qui n'ont pas manqué et qui ne manqueront pas jusqu'à la fin du débat.

(Claquements de pupitres.)

C'est lamentable ! Vous ne vous grandissez pas !

M. François Vannson.

C'est le goulag !

M. Bernard Birsinger.

Je le dis tout de suite, les députés communistes se prononcent pour le PACS...

M. le président.

Monsieur Birsinger, un instant s'il vous plaît.

Mes chers collègues (Les claquements de pupitres s'interrompent), le président que je suis est là pour faire appliquer le règlement.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Justement, appliquez-le ! Suspendez !

M. le président.

Je tiens à vous dire très sereinement et très calmement que ce ne sont pas les claquements de pupitres qui me feront changer d'avis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Les claquements de pupitres reprennent de plus belle.)

M. Birsinger a la parole, et lui seul !

M. Bernard Birsinger.

Les députés communistes, disais-je, se prononcent pour le PACS et feront preuve d'esprit constructif dans le débat, pour ouvrir le plus possible de droits nouveaux. Si certains qui connaissent mal, ou ne veulent pas connaître, nos évolutions s'étonnent d'une telle position, il faudra qu'ils s'y habituent : le parti communiste français a changé.

(« Suspension ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.) Pour nous, rien n'est plus important que le respect de la dignité humaine - ce n'est pas le cas ici, messieurs ! l'égalité des droits et la reconnaissance des différences.

Nous combattons toutes les discriminations qui visent une femme ou un homme, parce qu'il pense différemment, qu'il est d'une autre couleur de peau ou qu'il a une sexualité différente.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Dans ce débat, nous nous situons du côté du progrès et de la modernité. Il faut vivre avec son temps ; les moeurs et les mentalités ont évolué. D'ailleurs, nous constatons avec satisfaction que deux Français sur trois et neuf jeunes sur dix se disent aujourd'hui favorables à l'adoption d'un tel texte.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.) Nous sommes de ceux qui se félicitent de ne plus être à l'époque de la famille fondée sur la puissance paternelle, sur la domination de l'homme dans le couple.

Cette évolution vient pour l'essentiel d'une place nouvelle de la femme dans la société et c'est tant mieux.

Mme Yvette Benayoun-Nakache et Mme Catherine Génisson.

Oh oui !

M. Bernard Birsinger.

Les femmes ont investi le monde du travail. En 1968, 60 % des femmes, en âge de travailler, étaient au foyer. En 1990, elles n'étaient plus que 30 %. Les femmes ont acquis plus d'autonomie, d'indépendance économique. Leur émancipation s'est aussi construite dans de magnifiques luttes pour réformer le code de la famille, pour accéder à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse. Il reste beaucoup à faire pour une réelle égalité, mais cette place nouvelle a d'ores et déjà d'importantes répercussions sur la famille.

Le rapport homme/femme s'est quelque peu rééquilibré.

Les modalités de formation des couples se sont modifiées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Jusqu'à ces dernières décennies, dans l'immense majorité des cas, la famille était fondée sur le mariage.

En 1960, seules 15 % des unions se formaient hors mariage. Aujourd'hui, la proportion s'est inversée pour atteindre 87 %. Non seulement les modalités de formation du couple ont changé. Le mariage n'intervient qu'après une première naissance, mais surtout de plus en plus nombreux sont ceux qui font un projet commun de vie sans vouloir se marier, particulièrement les jeunes.

(Les c laquements de pupitres s'arrêtent progressivement. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La famille est en pleine mutation. On estime aujourd'hui à 4,2 millions le nombre de personnes qui vivent en couple sans être mariées.

M. François Vannson.

Vous les encouragez !

M. Bernard Birsinger.

En outre, 2 millions d'enfants vivent avec leurs deux parents non mariés.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A ce sujet, je veux ici signaler combien la place des enfants dans la famille contribue à l'évolution de celle-ci. Deux enfants sur cinq naissent aujourd'hui hors mariage.

M. François Vannson.

Et vous trouvez ça bien ?

M. Bernard Birsinger.

Cela n'est pas l'objet du débat sur le PACS, mais il sera nécessaire de remodeler les dispositions juridiques à l'égard des enfants...

M. François Vannson.

Commencez par leur donner le bon exemple !

M. Bernard Birsinger.

... de mieux affirmer le respect d e leurs droits familiaux fondamentaux, comme la commission parlementaire d'enquête sur les droits de l'enfant en a fait unanimement la recommandation.

(Applaudissement sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je pense que le pacte civil de solidarité est de nature à favoriser l'exerice en commun de l'autorité parentale sur les enfants nés hors mariage. Il favorisera également la place des beaux-parents dans l'éducation des enfants au sein des familles recomposées.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Familles décomposées !

M. Bernard Birsinger.

Toute cette nouvelle réalité de la famille, ce sont bien les individus qui la façonnent. C'est leur libre choix. Et il n'appartient pas au législateur de juger de la façon dont les couples conçoivent leur union.

C'est pourtant la situation que nous connaissons aujourd'hui où, par défaut, la loi pénalise ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier.

Certains, à droite, affirment que le pacte civil de solidarité remettrait en cause la politique familiale.

(« Oui ! » sur les mêmes bancs.)

Nous aurions bien aimé que de telles personnes aient eu autant à coeur l'intérêt des enfants et des familles lorsqu'elles avaient, en leur temps, diminué l'allocation de rentrée scolaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

Hors sujet !

M. Pierre-André Wiltzer.

C'est nul !

M. Bernard Birsinger.

Mais qu'elles se rassurent. Pour s'épanouir pleinement, les individus, et particulièrement les enfants, ont besoin d'un cadre familial solidaire et protecteur.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En ouvrant des droits nouveaux dont vont bénéficier des millions d'individus, en respectant les choix de la vie familiale, le PACS s'inscrit dans le renforcement des liens sociaux.

M. Jean-Yves Besselat.

On a honte d'être français quand on entend ça !

M. Michel Voisin.

N'importe quoi !

M. Bernard Birsinger.

En étendant la couverture sociale à un partenaire lié par un PACS, en modifiant le code du travail pour octroyer des jours de congés à l'occasion d'événements familiaux, en prévoyant une imposition commune, en apportant des garanties sur le droit de bail, en organisant les droits de mutation et les abattements afférents, en affirmant une priorité de mutation pour le partenaire membre de la fonction publique séparé pour des raisons professionnelles, le pacte civil de solidarité est un outil de cohésion pour les familles, pour les enfants, pour la société dans son ensemble. Il favorise une politique familiale qui intègre mieux les contours contemporains de la famille.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Yves Besselat.

Allez raconter ça dans votre circonscription !

M. Bernard Birsinger.

Qui peut sérieusement croire qu'avec le PACS la France s'achemine vers l'effondrement d e ses institutions fondamentales de la famille ? (« Nous ! » sur les mêmes bancs.)

M. Dominique Dord.

C'est ce que vous souhaitez !

M. Bernard Birsinger.

Il suffit de regarder du côté des pays qui ont déjà adopté des législations similaires. Làbas, des années après avoir légiféré, on continue quotidiennement de vivre, de se marier ou non, d'avoir des enfants ou non. Il en sera de même dans notre pays.

M. Jean-Yves Besselat.

Quelle médiocrité !

M. Bernard Birsinger.

A droite, beaucoup font semb lant de s'émouvoir en ramenant le PACS à un mariage bis . Je veux ici leur rappeler que le mariage est une institution, qu'il mobilise 167 articles du code civil, alors que le PACS ne propose d'en créer qu'un. Le PACS est un contrat de solidarité entre deux personnes, c'est un cadre juridique inédit avec de nouveaux droits et des obligations. Pour l'esprit doué de bonne foi, toute confusion est impossible. Mais, et c'est peut-être là où le bât blesse, c'est aussi une reconnaissance sociale des couples qui ne souhaitent ou ne peuvent pas se marier.

M. Jean-Yves Besselat.

Faites donc plus attention aux Français !

M. Bernard Birsinger.

C'est la raison pour laquelle nous sommes contre l'idée d'ouvrir le bénéfice du pacte aux fratries. Bien sûr, il y a là un vrai problème et nous proposons que le législateur intervienne rapidement - du reste c'est déjà prévu avec l'examen prochain d'une loi sur la famille. Mais il s'agit d'un autre débat que celui qui nous occupe aujourd'hui. Une telle disposition altérerait la nature et le symbole du texte initial. La gauche peut être fière d'instituer le PACS.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Mais elle doit aussi assumer jusqu'au bout le débat.

Nous pensons que la loi doit éviter toute ambiguïté en affirmant clairement la notion de couple, à savoir deux personnes, de sexe identique ou de sexes différents, unies par une communauté de toit et de lit. Par conséquent, comme le soulignait Mme la garde des sceaux, le 9 octobre dernier, « il faut exclure du PACS toutes les relations potentiellement incestueuses ». Nous osons croire que le bon sens l'emportera et que nos travaux supprimeront cette disposition.

Depuis plusieurs semaines, le débat a exploré la question des couples homosexuels. Aujourd'hui, je souhaite saluer particulièrement ceux, de plus en plus nombreux au fil des ans, qui se sont battus pour que l'instauration d'un tel pacte devienne une idée majoritairement partagée par nos concitoyens.

M. Jean-Yves Besselat.

Etait-ce vraiment une priorité nationale ?

M. Bernard Birsinger.

Nous pensons particulièrement aux homosexuels et à leurs associations qui ont su poser des questions pertinentes pour l'ensemble de la société.

M. Dominique Dord.

Démago !

M. Bernard Birsinger.

Cela n'a pas été simple au début. Mais leur voix s'est amplifiée, a été reprise, est devenue le bien commun de millions d'autres concitoyens.

M. Jean-Yves Besselat.

Oh oui, elle est belle la gauche !

M. Bernard Birsinger.

Leur détermination, leur volonté d'aller au bout, a permis de faire émerger l'idée de nécessaires mesures pour les couples non mariés. Cette dynamique a rencontré une volonté politique, celle de la majorité de la gauche plurielle, d'ouvrir les grandes réformes que notre peuple attend. Et nous voilà aujourd'hui devant la responsabilité de faire entrer dans la vie de tous ce qu'une minorité a commencé à revendiquer au tournant des années 90 lorsque le sida entraînait des drames humains.

Preuve est faite qu'une société tout entière peut progresser en étant à l'écoute de ses sans-droits. La leçon vaut pour les exclus en général. En se battant contre les discriminations dont ils sont victimes, les homosexuels auront permis de lancer un débat bien plus vaste et au final d'ouvrir des droits pour l'ensemble des couples non mariés, homosexuels et hétérosexuels.

Lors d'une récente réunion, organisée par le collectif du Parti communiste français (« Ah ! » sur les mêmes bancs) de lutte contre les discriminations liées à l'homosexualité...

M. Yves Nicolin.

A une certaine époque, vous envoyiez les homosexuels au goulag !

M. Bernard Birsinger.

... un citoyen, militant de la première heure, appelait à mesurer le chemin parcouru en sept ans depuis que l'idée d'un contrat d'union sociale a été énoncée. Oui, en effet, que de chemin parcouru ! C'est bien la preuve que nul ne peut dire, au moment où commence à s'exprimer une exigence, ce qu'il en adviendra. Nous voyons là un encouragement lancé à chacun à prendre la parole, à formuler et structurer ses exigences...

M. Dominique Dord.

Ah, ça c'est sûr !

M. Bernard Birsinger.

... à envahir le débat. Si ce pacte concerne en grande majorité des millions de concitoyens hétérosexuels, il concerne aussi les couples homosexuels.

A l'encontre de ces derniers se niche une des grandes hypocrisies de notre temps, résumée par un : « Cachez ces couples que nous ne saurions voir ! » Mais derrière l'écran de fumée, il faut surtout voir la censure exercée par la société sur des individus, sur leur sexualité, sur leur affectif. En l'absence de droits énoncés, la vie de couple de ces hommes et de ces femmes est réduite à la plus grande précarité en matière de logement, de fiscalité, de travail, de couverture sociale, de droit au séjour pour les étrangers, et d'héritage.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, le temps de parole de M. Birsinger est écoulé !

M. Bernard Birsinger.

En clin d'oeil à Georges Orwell, nous pourrions faire ce constat :...

M. Yves Nicolin.

Vous l'avez suffisamment inspiré pour y faire référence !

M. Bernard Birsinger.

... tous les citoyens sont égaux, mais certains le sont moins que d'autres.

M. Yves Nicolin.

L'Assemblée est suffisamment éclairée, monsieur le président !

M. Bernard Birsinger.

Avec le débat d'aujourd'hui - et le vote de mardi - notre société a enfin acquis maturité et force. Pour mettre fin à cette hypocrisie, ne gâchons pas cette opportunité de faire un nouveau pas vers l'égalité des droits. Malgré ces avancées démocratiques, notre pays n'est pas encore un modèle achevé de respect des individus. En matière de discrimination liée à l'homosexualité, le chemin des droits de l'homme nous a été balisé par le Parlement européen. A deux reprises, celui-ci a adopté des textes demandant aux pays membres de hâter le pas.

M. Dominique Dord.

C'est l'heure, monsieur le président !

M. Bernard Birsinger.

Je tiens à rappeler la résolution du 8 février 1994, reprise par le rapport sur le respect des droits de l'homme, adoptée le 17 février dernier, auquel mon amie Aline Pailler a beaucoup contribué. Par son point 67, ce récent rapport « invite tous les Etats m embres à reconnaître l'égalité des droits des homosexuel(le)s, notamment par l'instauration, là où ce n'est pas encore le cas, de contrats d'union civile visant à supprimer toute forme de discrimination dont sonte ncore victimes les homosexuel(le)s, notamment en matière de droit fiscal, de régimes patrimoniaux, de droits sociaux, etc., et à contribuer par l'information et l'éducation à lutter contre les préjugés dont ils sont l'objet dans la société ».

Ce texte a pu être adopté grâce à la volonté des différents partis de la gauche européenne, mais aussi grâce au soutien de nombreux membres du groupe libéral.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, les rouges font de l'obstruction !

M. Bernard Birsinger.

Aussi, nous invitons tous nos collègues à emboîter le pas aux députés européens. Parce qu'il contribue au combat contre les discriminations, parce qu'il avance vers l'égalité des droits en ouvrant un cadre juridique nouveau, le Pacte civil de solidarité ne délite pas la société. Il en renforce la cohésion.

Aussi, depuis le début, la démarche des députés communistes est clairement affirmée, logique, cohérente et n'a pas varié au fil des jours et des pressions des uns et des autres. Cette démarche est celle qui nous avait poussé à déposer un texte de loi sur le droit des couples


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

non-mariés lors de la précédente législature, texte dont mon ami Georges Hage était le premier signataire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. - « Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est cette démarche qui motive aujourd'hui notre soutien clair à toute avancée dans le sens initial de la proposition.

C'est cette démarche qui explique notre satisfaction devant l'amendement déposé par le Gouvernement visant à rétablir l'ouverture de la qualité d'ayant droit d'assuré social, mesure figurant dans la proposition initiale, mais qui avait été jugé irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution. Mais c'est aussi cette démarche qui explique notre opposition à l'ouverture du PACS aux fratries qui, si elle était définitivement adoptée, dénaturerait le sens premier de la loi. La majorité plurielle a toutes les raisons d'assumer le débat de manière offensive, en faisant preuve de courage et de clarté, comme elle le fait.

Pour ce qui nous concerne, un seul débat nous intéresse : celui des droits des individus, celui de la fin des discriminations. Pour le mener à bien, il est sage d'éviter les dramatisations selon lesquelles les fondements de notre société seraient remis en cause. Parallèlement, toute tentative de contournement, d'évitement des débats serait contre-productive. Enfin, c'est encore cette démarche qui explique nos amendements et notre volonté d'améliorer le texte sur certains aspects insatisfaisants. Comme sur d'autres débats, nous voulons apporter notre contribution constructive.

Nous pensons, pour ne pas laisser à la jurisprudence la responsabilité d'interpréter les silences de la loi, qu'il convient d'inscrire très clairement dans le texte que le PACS est ouvert aussi aux homosexuels. Nous nous félicitons donc que la commission des lois ait adopté l'amendement que nous avions déposé en ce sens, et nous invitons l'Assemblée à en faire de même.

La commission des lois a adopté un autre amendement visant à transférer vers les tribunaux d'instance le lieu de signature du PACS. Cela montre bien que la préfecture n'est pas une solution satisfaisante. Depuis le début, nous pensons qu'il serait logique et simplificateur que le PACS soit signé au service d'état civil de la mairie.

M. Arnaud Lepercq.

Jamais !

M. Bernard Birsinger.

C'est là que sont déjà consignés tous les actes d'état civil importants - naissance, mariage, décès -, que sont déjà délivrés les certificats de vie commune et de concubinage, les fiches d'état civil. Si l'on veut aller vers la reconnaissance sociale des couples non mariés, il convient que le PACS soit signé en mairie, qui demeure l'institution la plus proche des habitants, la plus connue, la plus accessible. Comme maire, je ne vois pas d'un très bon oeil que les compétences d'état civil clairement attribuées à la commune depuis la loi du 20 septembre 1792 lui soient aujourd'hui refusées.

Il n'est jamais bon que le législateur ouvre la porte à la suspicion. Aussi, nous demanderons l'abandon des délais prévus par le texte avant l'accès aux dispositions énoncées pour les signataires d'un pacte civil de solidarité. A ce propos, nous regrettons que trois de nos amendements aient été jugés irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution, ce qui empêchera leur discussion dans cet hémicycle. Je pense en particulier au délai prévu avant de pouvoir bénéficier d'une imposition commune, mais aussi à tous les autres, qui laissent planer un doute malsain sur les motivations réelles des signataires du PACS. Nous prenons acte que, dans la nouvelle proposition de loi, ces délais ne s'appliquent plus pour le droit au bail ou encore lorsque l'un des partenaires est atteint par une affection de longue durée. Nous nous en félicitons. Mais il faut aller plus loin. Nous voulons ouvrir des droits nouveaux, ouvrons-les vraiment pour tous, tout de suite ! Pourquoi, par exemple, demander à deux personnes qui vivent déjà ensemble depuis plusieurs années, d'attendre encore deux ans pour bénéficier des droits ouverts par le PACS ?

M. Jean-Yves Besselat.

Monsieur le président, pour le temps, il y a deux poids deux mesures !

M. le président.

Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît, monsieur Birsinger ?

M. Bernard Birsinger.

Avouez, monsieur le président, que le début de mon intervention a été particulièrement difficile !

M. Patrick Braouezec.

C'est vrai !

M. Bernard Birsinger.

Nous sommes aussi très sensibles à la situation des partenaires étrangers. La stabilité familiale, l'intégration de ces personnes appellent des dispositions plus favorables en ouvrant très clairement un droit au séjour pour ces étrangers dont la vie affective se situe ici. Il faut que, comme pour les gens mariés, ils puissent bénéficier du droit à un titre de séjour dès le pacte signé

Concernant les droits de mutation, nous pensons que les PACS doit permettre l'égalité des droits avec les couples mariés. Il faut donc relever l'abattement sur les droits de succession à 400 000 francs pour 1999, à 500 000 pour l'an 2 000, et revoir à la baisse les barèmes d'imposition.

Enfin, nous pensons que le PACS doit encore élargir son champ d'intervention à toute une série de mesures destinées à garantir la stabilité sociale de ses signataires.

Certaines peuvent être prises dès aujourd'hui, comme l'attribution de la pension de réversion au partenaire survivant. Je regrette que l'amendement que nous avions déposé à cet effet ait été déclaré irrecevable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais nous demeurons persuadés que, lorsque le PACS sera devenu le bien commun de millions de personnes, il conviendra de dresser l'inventaire et de revoir les modalités d'attribution et de calcul de nombreuses prestations sociales. Le PACS ouvre aussi une période nouvelle pour y travailler et les députés communistes y veilleront.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Démago !

M. Bernard Birsinger.

Chers collègues, cette année, nous célébrons le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il est hautement symbolique que notre Assemblée examine aujourd'hui un tel texte. Notre pays s'apprête, par cette loi, à faire progresser tout à la fois le droit à la différence, et l'égalité des droits. Parce qu'il va ouvrir des droits nouveaux...

M. Yves Nicolin.

Et les droits de l'opposition ?

M. Bernard Birsinger.

... et des améliorations concrètes dans la vie de tous les jours, le pacte civil de solidarité est une contribution vivante à cet anniversaire.

L a déclaration débute par ce considérant : « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine, et de leurs droits égaux et inaliénables, constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

A mon sens, il n'y a pas d'enjeu plus moderne, et c'est bien celui qui nous concerne aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'ai cru comprendre que la proposition que j'ai formulée tout à l'heure ne recueillait pas, c'est le moins que l'on en puisse dire, l'agrément de l'ensemble des groupes. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Il faut en parler !

M. le président.

Pour ne pas compliquer notre tâche, je la retire.

Cependant, comme M. Douste-Blazy a sollicité une suspension de séance, je la lui accorde. Je vous suggère que nous la limitions à une dizaine de minutes. (Protestations sur les mêmes bancs.) Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Mes chers collègues, à ce stade de notre débat, nous devons collectivement nous poser la question : comment a-t-on pu en arriver à un tel spectacle, pour ne pas dire un tel gâchis ?

M. Thierry Mariani.

C'est bien le cas !

M. Henri Plagnol.

Un gâchis en effet pour l'image de notre assemblée ; beaucoup plus grave, un gâchis pour la cause des familles. Un gâchis pour la sérénité qui doit nécessairement prévaloir lorsqu'on prétend réformer le droit des personnes, des couples, et remettre en cause les fondements mêmes de notre code civil.

M. Stéphane Alaize.

Mais non, lisez le texte !

M. Didier Boulaud.

Il faut demander à Mme Boutin !

M. Henri Plagnol.

Qu'est-ce qui a pu justifier un tel acharnement de la part de la majorité au point d'avoir, en l'espace de trois semaines, créé deux précédents lourds de conséquences pour les travaux de notre assemblée ? Le premier en prenant le risque de redéposer à peu près la même proposition de loi que celle qui avait été déclarée irrecevable à la suite du discours de mon collègue JeanFrançois Mattei...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République.

Ce n'est pas le même texte !

M. Henri Plagnol.

Le second est révélateur d'un certain affolement, pour ne pas dire plus...

M. François Goulard.

De leur désarroi !

M. Henri Plagnol.

... dans les rangs de ceux qui s'acharnent à nous proposer ce texte : la brutale interruption de mon collègue Jean-Claude Lenoir exposant sa question préalable...

M. Thierry Mariani.

Une censure !

M. Henri Plagnol.

... et, plus grave encore, la remise en cause d'une décision de la conférence des présidents.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

Une véritable voie de fait !

M. Henri Plagnol.

Je commence par là, non pour revenir sur ces incidents de procédure...

(« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

... Si, il faut y revenir !

M. Bernard Accoyer.

Ils méritent qu'on y revienne !

M. Henri Plagnol.

... mais pour me demander : pourquoi ce passage en force ? Pourquoi une telle méthode, à l'opposé, vous me l'accorderez, de la fameuse méthode Jospin ? La méthode Jospin, c'est donner le temps au débat...

M. Alain Calmat.

La méthode Boutin, c'est cinq heures et demie !

M. Henri Plagnol.

... c'est expliquer à la société les réformes, assumer les contradictions ; cette fois-ci, on fait preuve d'un acharnement que je qualifierai d'idéologique.

M. Patrick Sève.

C'est la méthode Boutin !

M. Henri Plagnol.

A l'arrivée, il y a un perdant, bien sûr : l'image de notre assemblée. Mais surtout, et c'est beaucoup plus grave, vous provoquez la division des Français sur un sujet qui, depuis la Libération, rassemblait l'immense majorité : la cause des familles et la conception même des fondements de la société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie librale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Ils s'en moquent !

M. Serge Janquin.

La famille n'est pas en cause !

M. Henri Plagnol.

En ce moment même, mes chers collègues, votre projet amène des dizaines de milliers de familles à défiler, inquiètes par votre texte.

M. Thierry Mariani.

Des centaines de millions ! M. Patrick Bloche rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Aux côtés du Front national !

M. Didier Boulaud.

C'est la bourgeoisie réactionnaire !

M. André Schneider.

C'est vous qui êtes élus avec les voix du Front national !

M. Henri Plagnol.

Malgré tout, vous prétendez escamoter le débat.

Pourquoi donc un tel écart entre la présentation du gouvernement, pateline, modeste, consensuelle, paisible, presque clandestine...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. Thierry Mariani.

Sans papiers !

M. Henri Plagnol.

Souvenez-vous comment M. Jospin, sur France 2, la veille même du rejet de ce texte en premier examen, s'étonnait que l'opposition ose même s'exprimer sur ce texte !

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

M. Henri Plagnol.

Mais pourquoi ne le votez-vous pas, disait-il. Il va de soi ! Une petite adaptation, inévitable, pour tenir compte de l'évolution de la société !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Quelle ne fut pas sa déconvenue !

M. Henri Plagnol.

Et le Premier ministre de déclarer ne pas comprendre comment l'opposition pouvait prendre à ce point le risque de se ringardiser !

M. Henri Bertholet.

C'est Topaze !

M. Alain Belviso.

C'est plagnolesque !

M. Henri Plagnol.

Trois semaines après, regardez où nous en sommes : vous avez accumulé les irrégularités de procédure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) L'intolérance est désormais de ce côté-ci de l'hémicycle, et tous les Français le savent.

(Mêmes mouvements.)

M. Didier Boulaud.

Ne parlez pas des maisons de tolérance !

M. Henri Plagnol.

Pourquoi donc en sommes-nous arrivés là ? Tout simplement parce que le texte dont nous allons débattre n'a rien à voir avec la présentation qu'en ont fait le Gouvernement et la majorité, à l'exception, d'ailleurs, des rapporteurs et des promoteurs du texte (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), sincères dans leur démarche : eux ont toujours dit qu'ils entendaient bien en faire un premier pas vers un réel bouleversement de la conception de la famille et du mariage dans ce pays.

M. Michel Terrot.

On se demande pourquoi !

M. Henri Plagnol.

J'ai d'ailleurs ici le texte d'un face-àface qui m'a opposé à mon collègue Jean-Pierre Michel, rapporté dans La Manche libre , un journal que vous ne lisez sans doute pas tous les jours.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est pourquoi je me permets de le citer. M. Michel, dont je salue encore la sincérité et le courage,...

M. Thierry Mariani.

C'est vrai, il faut le lui reconnaître !

M. Bernard Accoyer.

Les autres sont des menteurs ; lui, il est sincère !

M. Henri Plagnol.

... car c'est un homme de convictions, qui dit la vérité, y déclare qu'il ne voit aucune raison pour laquelle des couples homosexuels ne pourraient pas adopter et élever des enfants. Et comme M. Michel est en plus un homme cultivé, il cite même Lévi-Strauss et le modèle des sociétés traditionnelles précédant les sociétés chrétiennes,...

M. Didier Boulaud.

Il y a aussi Irène !

M. Henri Plagnol.

... dans lesquelles le tabou de l'inceste et le refus de l'éducation par des parents homosexuels n'existent pas.

M. Didier Boulaud.

On connaît mieux Irène !

M. Henri Plagnol.

Cela, c'est un vrai débat. Malheureusement, le Gouvernement et la majorité n'ont pas eu ce courage et n'ont pas dit la vérité aux Français. Et c'est parce que cette vérité commence à apparaître que vous auriez aimé escamoter le débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Revenons à la réalité du texte. « Pacte civil de solidarité », qu'est-ce que cela veut dire ? Un pacte, c'est en principe quelque chose qui dure. Or, il n'y a rien de plus précaire, de plus fragile, de plus révocable que le pacte que vous nous proposez, puisqu'on peut y mettre fin par simple lettre recommandée ! Vous avez introduit un préavis de trois mois, comme s'il s'agissait d'une lettre de licenciement ! Un pacte « civil » : pour le juriste et le législateur que je suis, cela signifie, par définition, qu'il touche au droit des personnes. Il figurera d'ailleurs au titre Ier du code civil. Mais dans ces conditions, pourquoi le présenter comme un banal contrat de vie commune ? J'y perds déjà mon latin ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bloche, si je ne me trompe, a dit en préambule que la vie, pour l'opposition, c'était facile. J'ai envie de lui répondre qu'avec la majorité, la vie va devenir très compliquée !

M. Christian Cuvilliez.

Vous voulez vous « pacser » avec la majorité ? M. Henri Plagnol Et, comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'on ajoute à ce jargon le mot « solidarité » : pacte civil de solidarité !

M. Arnaud Lepercq.

Pacte civil, pacte de solidarité, PC-PS !

M. Henri Plagnol.

Comment peut-on prétendre mêler dans le même texte, une logique matrimoniale et une logique de solidarité ? Certes, ouvrir de nouveaux droits, briser les solitudes, aller vers plus de fraternité, cela fait bien dans le tableau. Evidemment ! Qui pourrait s'y opposer ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais pour ma part, je l'avoue, je ne sais toujours pas ce que c'est que ce pacte civil de solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Catherine Picard.

Il est bouché !

M. Henri Plagnol.

Alors j'ai lu le texte, pour essayer de comprendre.

M. François Liberti.

Heureusement !

M. Christian Cuvilliez.

Apparemment, vous n'avez pas réussi !

M. Henri Plagnol.

Et qu'y ai-je vu ? Que l'on prétendait assujettir au même statut juridique et fiscal tous les couples - le mot de couple étant d'ailleurs à prendre comme s'il s'agissait d'une paire d'électrons libres, indépendamment des liens que les deux personnes entretiennent, puisqu'un couple peut aussi bien, dans votre rédaction, être formé de deux personnes qui n'entretiennent aucune espèce de lien sentimental ou sexuel.

M. Arnaud Lepercq.

C'est ce qu'ils veulent en faire ! Après tout, pourquoi pas trois personnes ?

M. Henri Plagnol.

Tous les couples se verront donce nfermés dans la même boîte, soumis aux mêmes contraintes juridiques et fiscales.

Une première question : est-il légitime que le législateur, pour la première fois dans l'histoire de notre droit, prétende décider à la place des personnes de ce que seront les conséquences de leur choix de vie privée ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M me Frédérique Bredin.

Personne ne comprend.

Parlez plutôt en latin !

M. Henri Plagnol.

Que je sache, le fait que deux personnes décident de vivre ensemble ne regarde en rien le législateur.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mais absolument !

M. Henri Plagnol.

C'est un choix de vie privée (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui relève du contrat.

Mme Jacqueline Lazard.

Quel est le problème ?

M. Henri Plagnol.

Rien ne justifie que le législateur, pour des raisons totalement artificielles et idéologiques, prétende que tous les couples qui décident de vivre ensemble seront désormais assujettis aux mêmes droits et aux mêmes devoirs.

M. Jacques Floch.

Alors supprimons le mariage !

M. Francis Hammel.

Le PACS n'est pas obligatoire !

M. Henri Plagnol.

J'ai relu l'histoire du code civil et du droit du mariage.

M. Christian Cuvilliez.

Vous ne savez pas lire !

M. Henri Plagnol.

Il n'y a, me semble-t-il, que trois fondements à l'intervention du législateur dans la vie des couples : le premier, c'est l'intérêt éminent, évident de la société d'encourager la stabilité. Le deuxième de ces fondements, c'est la protection du plus faible des deux. Le troisième, le plus important, c'est l'accueil de l'enfant si le couple décide d'en avoir un.

Je voudrais brièvement analyser le PACS au regard de ces trois fondements traditionnels de l'intervention de la loi dans la vie du couple, afin de faire ressortir l'imposture de la présentation qui nous est faite de ce texte.

Le rôle du législateur est d'assurer la stabilité de la cellule majeure de la vie sociale qu'est le couple. Or votre texte fait exactement le contraire. Non, il ne créera pas de nouvelles solidarités, mais il aggravera l'atomisation de notre société.

M. François Vannson.

C'est le mariage Moulinex ! Le mariage Tampax !

M. Henri Plagnol.

Nous mesurons déjà tous dans nos circonscriptions les conséquences de la décomposition de la famille. Non seulement le PACS n'y remédiera pas, mais il ne pourra qu'aggraver la situation, puisqu'il repose, du fait de sa construction même, sur le bon plaisir et le libre arbitre de chacun des signataires. Aucune contrainte n'est imposée, pas plus au point de départ qu'au point d'arrivée, c'est-à-dire en cas de dissolution.

M. Michel Lefait.

Et vous êtes des spécialistes de la dissolution !

M. Henri Plagnol.

Même la condition de résidence commune ne figure pas réellement dans le texte. En d'autres termes, les fraudes et abus de toutes sortes seront possibles, puisque vous allez dispenser de toute contrainte les signataires du PACS ; et votre texte reste muet quant aux conséquences éventuelles d'une séparation. Avec l'opposition, la vie est facile, disiez-vous ; mais avec la majorité, bonjour les dégâts ! Et si la vie du couple devient plus difficile, quel sera le recours du plus faible en cas de rupture ?

M. Yann Galut.

C'est inscrit dans la loi !

M. Thierry Mariani.

Ils s'en moquent du recours du plus faible !

M. Henri Plagnol.

Et cela m'amène au deuxième fondement : la protection du plus faible. Le PACS, c'est la loi du plus fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Hammel.

C'est du délire complet !

M. Yann Galut.

Il n'a pas lu le texte ?

M. Henri Plagnol.

Il est d'ailleurs assez étonnant de voir une majorité si portée à dénoncer régulièrement l'ultralibéralisme et ses méfaits pour la société, adopter une législation qui institue en quelque sorte un supermarché de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Désormais, le consommateur-roi pourra choisir au rayon du bazar de la famille le produit qui lui convient...

M. Michel Lefait.

C'est nul !

M. Henri Plagnol.

... et, bien entendu, c'est le plus fort qui gagnera à l'arrivée, le mieux armé juridiquement et fiscalement.

M. François Vannson.

Et socialement !

M. Henri Plagnol.

Vous refusez le libéralisme dans l'économie, mais vous introduisez l'ultralibéralisme dans les fondements mêmes de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Claude Lefort.

On dirait que vous connaissez cela très bien !

M. le président.

Monsieur Plagnol, il vous faut conclure.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, vous avez pris l'habitude d'interrompre les orateurs...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Monsieur Plagnol, je n'ai pris qu'une seule habitude, celle de faire respecter le règlement.

M. Richard Cazenave.

L'orateur précédent a doublé son temps !

M. Thierry Mariani.

C'est insensé !

M. Bernard Accoyer.

M. Birsinger a parlé quatorze minutes !

M. le président.

Monsieur Plagnol, vous étiez inscrit pour quinze minutes : votre temps de parole est épuisé.

Veuillez conclure.

M. Henri Plagnol.

Mon collègue Jean-Claude Lenoir n'a pu exposer des éléments très importants ; j'essaie de compléter son propos sans prétendre l'égaler.

M. Francis Hammel.

Chaque chose en son temps !

M. Henri Plagnol.

Je n'ai pas l'intention d'être trop long, monsieur le président.

Il restait un troisième fondement à l'intervention du législateur, et c'est probablement là que se situe l'imposture la plus lourde de conséquences contenue dans ce texte.

J'ai dit tout à l'heure que toute la loi sur le mariage était dans notre tradition conçue pour permettre l'accueil et l'épanouissement de l'enfant dans les meilleures condi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

tions. Or Mme la garde des sceaux a prétendu, dans sa présentation du projet, que l'on pouvait légiférer sur les couples sans poser le problème des conséquences pour les familles.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

M. Henri Plagnol.

Sérieusement, qui peut le croire un seul instant ?

M. Richard Cazenave.

Personne !

M. Michel Terrot.

Les socialistes !

M. Henri Plagnol.

Les millions de couples potentiellement concernés par ce texte ont déjà des enfants ou en auront, vous le savez bien. Comment voulez-vous séparer la législation sur le couple de celle sur la famille ? Cela n'a tout simplement pas de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et c'est grave, car vous présentez le PACS comme si c'était un contrat entre deux adultes.

Mme Raymonde Le Texier.

C'est ça !

M. Henri Plagnol.

Dans l'hypothèse d'une séparation - et qu'y a-t-il de plus fragile qu'un couple ?...

Mme Raymonde Le Texier.

Deux couples !

M. Henri Plagnol.

... les enfants vont devoir aller chez le juge des affaires familiales.

M. Yann Galut.

Et alors ? Et à l'heure actuelle ?

M. Henri Plagnol.

En ce qui concerne le patrimoine, il faudra se présenter devant le juge du contrat ! Imaginezvous les contentieux inextricables qui vont en résulter ?

M. Didier Boulaud.

Il y en a qui se séparent au bout de trente ans ! (Sourires.)

M. Henri Plagnol.

Imaginez-vous les conséquences désastreuses pour l'équilibre des enfants ? Et, dès lors que vous admettez que les couples qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels ont tous le même statut juridique et fiscal, comment justifierez-vous que l'on refuse à certains de c es couples la possibilité d'adopter et d'élever des enfants ?

Mme Raymonde Le Texier.

Ça suffit !

M. Henri Plagnol.

C'est évidemment impossible ! Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Parfaitement !

M. Henri Plagnol.

Pour conclure, car, et vous le voyez, je suis soucieux du bon déroulement du débat...

M. Yann Galut.

Quelle mauvaise foi !

M. Henri Plagnol.

... je dirai que ce texte n'est pas ce que la majorité et le Gouvernement ont prétendu qu'il était. Le PACS remet en cause les fondements même de notre droit civil, de la conception que nous avons de la famille, du couple et de la société.

Mme Catherine Picard.

Nous n'avons pas la même !

M. Henri Plagnol.

C'est parce que le débat a fait progressivement apparaître ce formidable décalage entre l'exposé des motifs et la réalité du texte et parce que les familles en prennent de plus en plus conscience, que nous assistons à ces réactions d'intolérance, à ces infractions répétées et délibérées au règlement de notre Ass emblée et, plus grave, à la Constitution.

Le PACS n'est pas ce qu'il prétend être, c'est-à-dire une solution pragmatique, modeste aux problèmes de vie commune des couples, y compris des couples homosexuels. Si cela avait été le cas, nous aurions eu ensemble un débat serein...

M. Didier Boulaud.

Que ne l'avez-vous fait ?

M. Henri Plagnol.

... qui exigeait de la durée et de la concertation. Nous avons d'ailleurs proposé des amendements, qui permettaient de résoudre tous les problèmes concrets de façon pragmatique.

M. Stéphane Alaize.

Il y en a mille ! Ça ne sufffit pas ?

M. le président.

Monsieur Plagnol, vous avez annoncé votre conclusion : veuillez y venir à présent.

M. Henri Plagnol.

C'est parce que le PACS n'a rien à voir avec cela, parce qu'il aura des conséquences graves et néfastes sur l'équilibre des couples, des familles et de la société, que le groupe UDF votera contre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Stéphane Alaize.

On en reparlera !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Et si nous parlions du PACS, monsieur Plagnol ! Et du texte qui le porte ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La proposition de pacte civil de solidarité qui nous est soumise vise à organiser les relations de celles et de ceux qui vivent ensemble sans vouloir ou sans pouvoir se marier.

M. François Goulard.

Ça a déjà été dit !

M. Georges Sarre.

Rien d'étonnant : la surprise viendrait davantage du fait que le législateur ne s'en soit guère soucié jusqu'à présent.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Il s'agit de définir des règles concrètes, simples et pratiques, pour en finir avec des tracasseries qui n'ont plus de sens. Il s'agit d'apporter des améliorations dans la vie quotidienne des cohabitants, en matière de logement, de droits sociaux et de successions.

Ce texte relève d'un sage équilibre. Il est la réaffirmation de ce principe clair selon lequel la République distingue la sphère publique et la sphère privée. Chacun dans notre société est libre de conduire sa vie comme il l'entend. Mais la loi doit garantir l'égalité là où le préju gé a instauré l'inégalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. Georges Hage.

Et vive Cambacérès !

M. Georges Sarre.

La proposition de loi concerne des situations fort différentes, mais tant mieux ! Il ne s'agit pas de porter un jugement sur le mode de vie de nos concitoyennes ou de nos concitoyens. Cela relève exclusivement de la sphère privée.

M. Jean-Claude Lefort.

Comme la religion !

M. Georges Sarre.

Mais il s'agit de constater que ces hommes et ces femmes qui vivent ensemble, dans des situations très différentes allant des concubins aux couples homosexuels, rencontrent dans la vie de tous les jours les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

mêmes tracasseries : comment acheter ou louer ensemble un appartement, comment répondre ensemble des dettes communes, comment disposer l'un envers l'autre de sa succession.

Le choix du PACS est de répondre pratiquement à ces questions pratiques sans porter de jugement sur un choix de vie. C'est un regard laïque, un regard capable de distinguer ce qui relève du privé et ce qui relève de la vie publique, respectueux de la liberté des choix dans la vie privée, mais exigeant pour le droit à l'égalité de tous les citoyens dans la sphère publique. Et lorsque les frères et soeurs vivant ensemble rencontrent les mêmes difficultés pratiques, je ne vois qu'avantage à ce qu'un même texte vienne y répondre.

Le Mouvement des Citoyens en initiant, par la voix de Jean-Pierre Michel et d'autres, cette proposition dès 1993 a d'abord voulu entendre et comprendre l'évolution de la société. La situation actuelle du droit ne permet pas, quoiqu'on en dise, de prendre en compte les difficultés que rencontrent les personnes ayant un projet de vie commun, même si des avancées timides ont été enregistrées en 1993. J'ajoute que cette démarche répond pour nous à un défi : l'idée républicaine est-elle capable de prendre en compte ces problèmes nouveaux ? Est-elle capable de répondre à ces situations sans sombrer dans le communautarisme, sans rédiger des textes pour telle minorité ou tel lobby, mais en légiférant pour la société tout entière ?

M. Alain Barrau.

Très bon argument !

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Mais, chers collègues, si la République n'était pas en mesure de répondre à ces problèmes, à ces questions, à ces difficultés, de combattre ces préjugés, craignons que, pour beaucoup, le communautarisme dissolvant ne soit plus que le seul recours.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) C'est, fort heureusement, une autre voie qui nous est proposée.

D'abord, mettons fin aux tracasseries et aux ennuis que rencontrent de nombreux couples. Si le nombre des unions hors mariage est croissant, si la part des naissances hors mariage est de plus en plus importante, le législateur peut-il se désintéresser des couples de fait ?

M. Didier Boulaud.

Non !

M. Georges Sarre.

Il faut mettre ces couples à l'abri des situations inextricables...

M. Richard Cazenave.

Pas comme ça !

M. Georges Sarre.

... et garantir une sécurité juridique, pour le logement, la fiscalité, mais aussi, en cas de décès de l'un des cohabitants. Le PACS comprend un ensemble indissociable de droits et de devoirs : il faudra répondre solidairement des dettes, l'imposition commune sera la règle ; mais le droit au bail commun, les successions, le droit au rapprochement de conjoint seront grandement facilités.

Faire cela, mesdames, messieurs de la minorité, ce n'est pas amoindrir la famille, c'est, au contraire, la renforcer.

M. Robert Lamy.

C'est votre conception !

M. Georges Sarre.

Car nous devons compter avec des centaines de milliers de familles non mariées, avec deux millions d'enfants nés hors mariage.

M. Didier Boulaud.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Tout ce qui peut stabiliser ces ménages sera bon pour les familles et pour les enfants.

M. Georges Hage.

Et pour la société !

M. Georges Sarre.

Le PACS est à mes yeux un élément d'une politique familiale moderne ! (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vous le dis, chers collègues de la minorité, sans aucun souci de provocation. Vous savez que les élus du Mouvement des citoyens et moi étions hostiles au plafonnement des allocations familiales...

M. Yves Nicolin.

Vous étiez ultra-minoritaires !

M. Georges Sarre.

... que nous nous sommes prononcés franchement pour une politique active favorisant les naissances, pour faire en sorte que les femmes puissent avoir le nombre d'enfants qu'elles désirent et que le renouvellement des générations soit assuré.

M. Richard Cazenave.

Comme c'est ringard !

M. Georges Sarre.

La préoccupation de la démographie ne doit jamais être étrangère à un citoyen soucieux de l'avenir de la République. Nous nous sommes exprimés avec force là-dessus, parfois à contre-courant, parce que la France a besoin d'une politique familiale active. Le PACS, loin de s'opposer à cette perspective, y contribue, à mes yeux, en stabilisant les couples non mariés, alors que la crispation conservatrice les ignore.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Bravo ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'est pas sérieux !

M. Georges Sarre.

Je ne veux pas faire semblant de passer sous silence les couples homosexuels qui sont, au premier titre, concernés par ce sujet.

M. François Vannson.

Au premier titre !

M. Richard Cazenave.

C'est bien ce qu'on avait cru comprendre !

M. Georges Sarre.

Ces couples n'ont pas attendu le PACS pour exister.

M. François Vannson.

Pourquoi ne pas associer les animaux de compagnie ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yann Galut.

Lamentable !

M. Guy Hermier.

Inadmissible ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Honteux !

M. Yann Galut.

Facho !

M. le président.

Mes chers collègues, faisons en sorte de ne pas rabaisser le débat à un niveau qui nous désolerait tous ! Poursuivez, monsieur Sarre.

M. Georges Sarre.

La représentation populaire a parfois des ratés...

Le PACS, loin de s'opposer à la perspective d'une politique familiale active, y contribue, je pense, de façon tout à fait exemplaire.

Monsieur l'interpellateur, pourquoi le préjugé a-t-il jusqu'à ce jour empêché le législateur de reconnaître que les couples homosexuels existent ? Pourquoi accepter plus longtemps qu'à la mort de l'un, l'autre puisse être exclu


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

d e la succession, chassé de l'appartement loué en commun ? La loi n'a-t-elle pas le devoir de rétablir l'égalité entre les citoyens, quelle que soit leur préférence affective ?

M. Jean-Paul Charié.

Nous n'avons jamais été contre cela !

M. Georges Sarre.

Cette proposition est fondée sur le souci de l'égalité. Elle accordera à nos concitoyens homosexuels la reconnaissance de ce qu'ils sont et l'égalité en droit, dès lors qu'ils veulent vivre à deux.

Le législateur, mes chers collègues, n'a pas à porter de jugement sur ce qui est d'ailleurs un fait de nature et non un choix. Il doit, en revanche, installer l'égalité contre le préjugé.

Le PACS ne portera pas atteinte à la famille traditionnelle et j'ai le pressentiment qu'il n'empêchera pas un seul mariage, bien au contraire. Parce que les choses sont tout à fait différentes. D'un côté la fondation d'une famille, la transmission du nom, la filiation ; de l'autre, un contrat pratique et la reconnaissance du droit à conclure ce contrat. C'est par un excès de polémique qu'on a voulu déformer le débat sur le PACS. Mais nos concitoyens sont beaucoup plus réalistes que les polémistes ou les démagogues. Ils savent bien qu'il faut répondre en droit à des situations de fait.

M. François Vannson.

Ils sont 100 000 dans la rue !

M. Didier Boulaud.

Que Vannson sorte !

M. Georges Sarre.

Notre pays, notre jeunesse ont besoin de repères. Nous ne les trouverons pas dans la nostalgie ou dans l'évocation de l'âge d'or. Nous les trouverons en étant capables de décliner aujourd'hui, face aux p roblèmes d'aujourd'hui, des règles inspirées d'une éthique toujours valide : des règles de solidarité entre adultes qui ont choisi de vivre ensemble, des règles d'égalité entre tous les citoyens et des garanties pour les enfants.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Sarre, s'il vous plaît ?

M. Georges Sarre.

Bien entendu, monsieur le président, car je respecte la présidence et mes collègues.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La question de l'adoption a été soulevée, alors qu'elle ne figure nullement dans ce projet. Elle ne doit pas y figurer, d'ailleurs, pour la bonne raison que personne n'a un « droit à l'adoption ». C'est le seul intérêt de l'enfant qui doit prévaloir. Je veux bien admettre qu'il y ait des situations particulières, mais qu'un enfant ait un père et une mère ne me semble ni infondé, ni réactionnaire ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) Fort loin des caricatures qu'on a faites parfois, ce projet apporte davantage de solidarité, davantage de stabilité, dans une société de plus en plus compétitive, mobile et agressive. Le PACS stabilisera les unions et les cohabitations au regard du droit. Il traduira une évolution sociale indéniable.

M. Thierry Mariani.

Faux !

M. Georges Sarre.

Mes chers collègues, je vous donne volontiers rendez-vous dans quelque temps ; loin de déplorer l'apocalypse, nous pourrons nous réjouir d'avoir résolu, par des moyens conformes à notre tradition républicaine, les difficultés concrètes de beaucoup de nos concitoyens, d'avoir fait progresser la tolérance - on en a besoin - qui n'est pas l'indifférence mais l'amour de l'égalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m'appartient de vous exposer la position du groupe Démocratie libérale. Je veux le faire le plus sereinement possible malgré, je vous le dis comme je je pense, le climat désastreux dans lequel notre débat s'est installé...

M. Louis Mexandeau.

La faute à qui ?

M. Dominique Dord.

... en raison des événements inadmissibles de ce matin : du jamais vu dans l'histoire de la Ve République !

M. Didier Boulaud.

Et Séguin !

M. Dominique Dord.

Et ce, en dépit des promesses du Gouvernement, puisque madame la ministre, vous aviez affirmé que vous laisseriez ces débats se tenir jusqu'à leur terme, sans jamais essayer de les abréger.

M. Bernard Accoyer.

Encore un mensonge !

M. Dominique Dord.

Nous avons vu qu'il n'en était rien, hélas ! La position de notre groupe n'a pas varié. Et l'histoire de notre République vous révélerait que les libéraux n'ont jamais essayé de figer le droit, qu'ils ont toujours été favorables à ce qu'il soit adapté à l'évolution des moeurs.

Je vois qu'on sourit sur ma gauche. J'affirme pourtant qu'il existe des exemples nombreux de cette attitude à laquelle, aujourd'hui pas plus qu'hier, nous ne dérogerons.

Toutefois, avant de savoir quelles évolutions du droit il convient de conduire, cherchons quelles évolutions des moeurs il faut prendre en compte. Selon nous, elles se situent à trois niveaux - je pense que cette opinion sera largement partagée sur l'ensemble de ces bancs, même si nous ne proposons pas les mêmes adaptations du droit.

La première évolution des moeurs, M. Sarre l'a d'ailleurs rappelé, c'est, hélas, l'affaiblissement de la famille et du mariage. A notre avis, il aurait été de bon ton ici, dans notre assemblée, d'accorder la priorité à la revalorisation du mariage et, par là même, de la famille. Certes, le mariage n'est plus la panacée. Sa dissolution est devenue courante. Malgré tout, que cela vous plaise ou non, il reste encore la structure la plus stable et la plus féconde. Or notre société a grand besoin de stabilité et de fécondité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Deuxième évolution nous ne sommes pas aveugles ! - les relations hors mariage ont considérablement augmenté : concubinage ou union libre hétérosexuelle. Nous ne sommes pas hostiles à ce que le droit en tienne compte.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Qu'attendez-vous ?

M. Dominique Dord.

Tous ceux qui ont pris la peine de nous écouter ou de lire nos nombreux écrits sur le sujet le savent.

Soyons clairs : nous sommes opposés à tout ce qui, par le biais de ce nouvel outil, pourrait permettre la régularisation de l'immigration clandestine. Mais en matière de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

sécurité sociale, de logement, de droit du travail, monsieur Sarre, et même de fiscalité ou de fiscalité des successions, nous sommes pour une évolution de la législation.

A mon sens, dans ce que nous aurions voulu être un grand débat, mais qui est tronqué, il aurait fallu aussi débattre des problèmes de réversion, qui se posent aux c oncubins hétérosexuels ayant passé toute leur vie ensemble. Cela ne figure pas dans le présent texte.

M. Maurice Leroy.

Très juste !

M. Dominique Dord.

Troisième évolution des moeurs, à laquelle nous sommes confrontés, l'émergence du fait homosexuel. Foin de la caricature ou de l'invective ! Nous ne sommes pas obtus et nous ne sommes pas fermés à toute adaptation de notre droit. D'ailleurs, s'agissant de sécurité sociale, ou de logement, le droit à déjà fait des avancées.

M. Jean-Marie Le Guen.

Contre vous !

M. Dominique Dord.

Si nous devons aller plus loin, nous pouvons effectivement le faire. Nous pouvons aussi débattre de la fiscalité des successions. En revanche, nous sommes très résolument hostiles à toute avancée en matière de régularisation des immigrés clandestins par ce biais - ce serait trop facile.

Je ne sais si, au regard de ces évolutions dans la vie quotidienne, nous sommes des obscurantistes, des conservateurs, comme cela a souvent été dit ici ou là, des gens qui ne veulent pas en finir avec ces « petits tracas », selon l'expression de M. Sarre. En tout cas, je n'en ai pas le sentiment. Je pense que nous sommes, tout autant que vous, mes chers collègues, soucieux de l'évolution du droit et de son adaptation à l'évolution des moeurs. Simplement, nous pensons que vous prenez les choses dans le mauvais sens.

Si vous caricaturez autant nos positions, c'est probablement que vous-mêmes, au-delà de cette adaptation, vous poursuivez un autre but que nous ne partageons pas : introduire dans le droit de la famille un nouveau contrat, une nouvelle vision emblématique de l'union sociale entre deux êtres, que vous avez appelée le pacte civil de solidarité.

Nous pensons que ce contrat n'est pas nécessaire et qu'il conduira à des impasses de deux types.

La première concerne les hétérosexuels.

Quand vous êtes marié, vous ne consultez pas le code civil. En général, ce n'est qu'au moment de la dissolution que les mariés se rendent compte du statut qu'il représente.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Dominique Dord.

Eh bien, quand il y aura dissolution du PACS, les « pacsés » s'apercevront, comme l'a expliqué Henri Plagnol, que la société les a trompés, les a entraînés dans une impasse, car le PACS ne représente absolument pas un statut protecteur pour celui des deux conjoints qui sera le plus exposé et le plus fragile.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Et cette seule raison fonde notre opposition au principe même du PACS pour les concubins hétérosexuels.

La deuxième impasse concerne les partenaires homosexuels. Sur ce sujet, je tiens à mon tour à rendre hommage à M. Michel, car lui, au moins, nous a dit la vérité sans arrière-pensées.

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est comme sous l'inquisition, il faut avouer !

M. Dominique Dord.

Monsieur Michel, nous ne sommes pas de votre avis, mais nous respectons votre sentiment.

Cela dit, pour nous, le PACS pour les homosexuels est inacceptable dans son principe. Car, comme vous l'avez très bien dit plusieurs fois, il ouvre la voie - ce sont vos propres mots - à une nouvelle étape, celle de l'ouverture du droit à l'adoption et à la procréation médicalement assistée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je sais bien, madame la ministre, que vous nous avez dit qu'il s'agissait de fantasmes de la droite. Mais ce n'en sont pas, ce sont tout simplement les déclarations de M. Michel.

M. Jean-Paul Charié.

Très juste !

M. Dominique Dord.

Au reste, l'instauration du PACS ne manquera pas d'entraîner des sanctions juridiques, notamment de la part de la Cour européenne des droits de l'homme.

De telles déclarations nous font redouter que le PACS ne soit que la première étape d'une démarche à laquelle nous ne voulons pas souscrire. Une telle position fonde notre hostilité au principe du contrat emblématique d'une nouvelle organisation, à côté de celle du mariage, qui viendrait régir la vie des couples dans notre société.

Pour conclure - et vous verrez, monsieur le président, que je vais à peu près respecter mon temps de parole - je vous proposerais bien, madame la ministre, non un PACS (Rires)...

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Oh !

M. Dominique Dord.

... ou un pacte, mais un défi, un pari.

Si vous vouliez bien m'écouter, madame la ministre, cela me ferait très plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. René André.

Quel mépris pour la représentation nationale de la part du Gouvernement !

M. le président.

Monsieur Dord, comprenez que, après de telles propositions, Mme la ministre soit émue. Laissez-lui le temps de reprendre ses esprits. (Rires.)

M. Dominique Dord.

Madame la ministre, si vous voulez rassembler largement les Français sur cette évolution que vous considérez comme une évolution très importante de notre société, abandonnez le principe du contrat, abandonnez la formule que constitue le PACS, contentezvous d'une attestation d'union civile, d'une attestation reconnaissant la vie commune, passée devant notaire, et laissez de côté les adaptations de l'ensemble de nos législations qui sont contenues dans ce texte en matière de sécurité sociale, de logement et de droit du travail. Laissez de côté tout cela, et vous pourrez rassembler largement les Français. Mais si, comme je le crains, vous vous obstinez...

M. Yves Nicolin.

Par idéologie !

M. Dominique Dord.

... à vouloir maintenir ce contrat, j'ai le regret de vous dire que nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Merci, monsieur Dord, vous avez scrupuleusement respecté votre temps de parole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à chaque fois qu'il est nécessaire d'adapter la loi ou nos institutions à la réalité de notre société, nous, les Français, nous ne savons que faire pour transformer un débat...

M. Yves Nicolin.

Vous n'en avez pas voulu de ce débat !

M. Jacques Floch.

... qui devrait être posé, raisonnable, en une sorte de pseudo-guerre civile des idées. Aux vrais arguments, certains préfèrent l'anathème. A la discussion, ils préfèrent la dispute. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Vous n'avez pas écouté votre prédécesseur !

M. Dominique Dord.

Caricature !

M. Jacques Floch.

Si l'Assemblée pouvait se contenter d'observer la réalité de notre situation sociétale face à la vie de couple en cette fin de siècle, en cette fin de millénaire, en se rappelant ce qu'elle était au siècle dernier ou au début du siècle.

Vers 1880, 40 % des couples issus de la classe ouvrière n'était pas mariés ; dans les couples mariés, un ou plusieurs enfants étaient déjà nés lorsque les parents régulari saient ; en milieu rural, le mariage n'avait pas beaucoup de sens s'il n'y avait pas quelques biens à partager. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Georges Hage.

Très juste !

M. Jacques Floch.

Léon Blum, en 1907, décrit fort bien le mariage bourgeois (Exclamations sur les mêmes bancs) du début de la IIIe République, « un peu arrangé, un peu consenti ».

M. Yves Nicolin.

Quelle caricature !

M. Eric Doligé.

On se mariait à treize ans à l'époque !

M. Jacques Floch.

La guerre de 1914 a fait évoluer considérablement la condition féminine.

M. Yves Nicolin.

Où est la tolérance ? C'est vous les modernes ?

M. Jacques Floch.

Les femmes travaillant au champ, à l'usine, au bureau, ont commencé à prendre quelque responsabilité et indépendance. Savez-vous que les concubines de combattants de 1914-1918 avaient les mêmes droits que les épouses ? La République, ayant besoin de tous ses enfants, s'était, si je puis dire, assise sur la morale bourgeoise d'alors ! Mais pendant cinquante ans, ce ne fut que quelques avancées et beaucoup de retours en arrière : la loi scélérate de 1920 sur l'avortement ; la lutte permanente pour l'égalité ; l'attente jusqu'en 1945 pour pouvoir voter ; ...

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas vous qui avez donné le droit de vote aux femmes !

M. Jacques Floch.

... l'attente des années 60 pour la contraception, celle des années 70 pour le divorce par consentement mutuel et pour le droit à l'IVG,...

M. Yves Nicolin.

Qui l'a institué ?

M. Jacques Floch.

... celle des années 1980 pour que le concubinage ait droit naturel de cité.

M. Thierry Mariani.

Vous mélangez tout !

M. Jacques Floch.

Car enfin, pour qui avons-nous l'intention de légiférer ? Pour quelques-uns de nos concitoyens, quelques marginaux issus des beaux quartiers parisiens, quelques groupuscules très actifs (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Yves Nicolin.

Oui, précisément !

M. Jacques Floch.

... quelques privilégiés demandant toujours plus ? Non ! Nous allons légiférer, si je puis dire, pour près de 2,4 millions de couples, près de 5 millions de nos concitoyens qui, avec leurs enfants et leurs ascendants directs, représentent près d'un quart de la population vivant en France !

M. François Vannson.

Caricature !

M. Jacques Floch.

On a souvent légiféré pour des groupes moins importants.

Oui, mais, aujourd'hui, on va traiter, non de problèmes économiques, non d'une situation sociale, de sécurité de la nation ou de notre avenir européen, mais d'un problème de société. Et là, comme je le disais précédemment, on a quelques difficultés à ne pas entrer en conflit.

Alors, comme d'autres, je peux rappeler les grands débats qui ont divisé les Français et, pour insister, je vais reprendre les arguments les plus sectaires, les plus injustes, les plus stupides que les intégristes de tous bords des différentes périodes ont osé proférer ici.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A propos de la contraception, proposée par des femmes progressistes de gauche, qu'un des vôtres, à droite, Lucien Neuwirth, avait défendu avec talent et courage avant d'obtenir gain de cause grâce à l'aide de la gauche, certains à droite avaient dit à cette tribune : « C'est le dévergondage des épouses, des filles, l'acte sexuel banalisé. »

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

S'agissant du divorce par consentement mutuel, voulu par les partis de gauche, proposé par Valéry Giscard d'Estaing et Jean Lecanuet,...

M. Jean-Paul Charié.

Des hommes de gauche, comme chacun sait ! (Sourires.)

M. Jacques Floch.

... et voté grâce à l'appui de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), il a été dit à cette tribune qu'il allait

« assurer la destruction de la famille, l'épouse dévergondée par l'usage de la pilule n'étant plus soumise à son mari ».

Pour ce qui est de l'interruption volontaire de la grossesse,...

M. Patrick Devedjian.

C'est la droite qui l'a proposée !

M. Jacques Floch.

... les débats ont atteint les sommets de la sottise, de la malveillance, de l'insulte, au point d'en faire pleurer dans cet hémycicle cette femme forte, digne, qui défendait le projet, Mme Simone Veil. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Thierry Mariani.

Mme Veil n'est pas à gauche !

M. Jacques Floch.

Mais elle obtient néanmoins gain de cause grâce au concours de toutes les forces de gauche.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Robert Lamy.

Quelle mauvaise foi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Yves Fromion.

Il vaut mieux en rire qu'en pleurer !

M. Jacques Floch.

En relisant certaines déclarations, brochures, lettres, cartes non signées que, comme vous, j'ai reçues depuis quelques semaines, j'ai l'impression que si cette droite extrême venait par malheur au pouvoir,...

M. Bernard Accoyer.

C'est elle qui vous a permis d'être là où vous êtes !

M. Thierry Mariani.

C'est grâce à elle que vous êtes là !

M. Jacques Floch.

... elle nous inventerait un ordre moral furieux, celui dont la République, la démocratie et l'intelligence du peuple nous protègent. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Voilà pourquoi il ne faut pas que nous mélangions les genres.

(Mêmes mouvements.)

M. le président.

Mes chers collègues, conservez votre calme ! Vous aurez besoin de votre énergie, le débat va être long !

M. Jacques Floch.

Il ne faut pas mélanger les genres : la morale qui regarde chacun de nous ; l'organisation de la société dont on peut avoir des visions diverses, et je n'ai pas été choqué que les représentants des Eglises donnent leur point de vue. C'est leur droit, c'est leur devoir.

M. Yves Nicolin.

Votre intervention est lamentable !

M. Dominique Dord.

Vous êtes une caricature, monsieur Floch !

M. Jacques Floch.

En revanche, ils n'ont pas à nous dicter notre conduite et le sens du vote que nous exprimerons. Cela est valable pour tous ceux qui, depuis un certain temps, pensent devoir faire pression sur le Parlement.

M. François Goulard.

D'où sortez-vous cette caricature grossière ?

M. Jacques Floch.

Oui, nous socialistes, nous souhaitons le débat, mais il ne faut pas se tromper d'arguments et surtout ne pas mentir (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Car l'on ment lorsque l'on dit que le pacte civil de solidarité est mis sur le même pied que le mariage. Si nous avions voulu cela, nous aurions simplement proposé une modification du code civil, un seul article du code civil et cela nous aurait certainement simplifié la vie.

M. Thierry Mariani.

Le Gouvernement n'a même pas eu ce courage !

M. Jacques Floch.

On ment aussi quand on dit que le PACS porte atteinte à la famille. De quelle famille parlet-on ? Celle dont les deux principaux responsables sont passés devant M. le maire.

Mme Christine Boutin.

C'est la famille traditionnelle !

M. Jacques Floch.

Mais les autres, tous les autres responsables de familles, qu'en fait-on ? La famille aujourd'hui, c'est une mère, un père, des enfants, mais aussi des grands-parents, les adultes étant mariés ou pas.

On ment lorsque l'on parle de la famille, alors que l'on veut parler des couples. Si vous ne voyez pas le distinguo, c'est que vous avez une vue très restreinte de la société française contemporaine. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les mêmes bancs.)

On ment également lorsqu'on dit, comme on vient de l'entendre, qu'il aurait suffi de modifier quelques articles de nos lois fiscales pour régler le problème des couples non mariés. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Christine Boutin.

On ne vous a rien demandé ! Vous nous avez pris en otages !

M. Jacques Floch.

Et, parfois, on ajoute dans un mouvement de grande générosité que les homosexuels pourraient en bénéficier.

Il y a près de trois ans, c'est la voie qu'avait essayé d'emprunter Jacques Toubon, à la demande d'un certain nombre d'entre vous. Il pensait, ainsi, régler le problème : un article par-ci, un article par-là, la pseudo-morale bourgeoise étant sauve (Vives protestations sur les mêmes bancs) et l'on devenait, ainsi, un grand démocrate ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mais, comme l'a dit Jean-François Mattei, la droite n'a pas fait ce qu'il fallait ! C'est avec un grand intérêt que j'ai entendu et lu les déclarations du professeur Mattei, car, sur les problèmes de société, il mérite souvent d'être écouté. Ses propos montrent que ses amis ne lui ont pas facilité la tâche.

Mme Christine Boutin.

N'importe quoi ! Cela vous gêne ?

M. Jacques Pélissard.

Qu'en pense la gauche caviar ?

M. Jacques Floch.

Il me semble même qu'il suffirait de peu de choses pour qu'il vote, avec d'autres, cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce texte, qui s'inscrit dans le cadre de la solidarité et qui met en phase la loi et la vie, ne parle pas de filiation, d'adoption, de procréation ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le PACS est un contrat librement signé par ceux qui veulent partager une vie commune. Il règle ou tente de régler un projet sociétal. Il met un terme à des inégalités toutes injustes et perturbantes pour la société tout entière.

L'Etat doit-il s'en mêler ? Oh oui ! Ô combien ! Car je ne vois pas pourquoi des associations, des groupements, des partis politiques,...

M. René André.

C'est une espèce en voie de disparition !

M. Jacques Floch.

... des sociétés philosophiques, des Eglises diraient le droit. Cela, c'est notre travail, à nous, ici, dans cette assemblée et pas ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je ne vois pas pourquoi les associations, dont certaines issues du monde sectaire (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe D émocratie libérale et Indépendants), dicteraient leur morale ou leurs oukases, alors que le législateur, s'appuyant sur la neutralité de l'Etat pour protéger les choix personnels des citoyennes et des citoyens, n'aurait pas à se prononcer !

M. Robert Lamy.

Vous êtes lamentable !

M. Jacques Floch.

La proposition de loi, telle qu'elle nous a été présentée par nos collègues Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche, est un texte équilibré ! (« Mais non ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) C'est loin d'être le monstre juridique injustement décrit ! (Protestations sur les bancs du groupe du Ras-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

semblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous pouvons faire un travail constructif.

M. Dominique Dord.

C'est mal parti !

M. Yves Nicolin.

En tout cas, pas avec nous !

Mme Christine Boutin.

On l'aurait fait, si le Gouvernement avait bien fait les choses !

M. Jacques Floch.

Nous pouvons, par exemple, parler des fratries, même si le droit organise déjà des relationse ntre collatéraux, sauf pour les déclarations fiscales communes.

Nous pouvons parler de l'élargissement du PACS à d'autres qui vivent ensemble sans relation affective.

On peut parler, amender, proposer ce texte dont je rappelle qu'il a pour origine un débat engagé depuis longtemps...

M. Thierry Mariani.

Pas au Parlement !

M. Jacques Floch.

... par des associations d'homosexuels mais qui, très vite, a porté d'autres ambitions que celle de régler un problème ou des problèmes particuliers, si importants, si prégnants soient-ils ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mes chers collègues, vous voterez ce texte (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), car il dépasse le symbole, il crée un nouvel espace de liberté (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ...

M. Thierry Mariani.

Ils n'ont pas le choix !

M. Jacques Floch.

... dans notre société qui en est de plus en plus avare.

Enfin, mes chers collègues, vous voterez ce texte, même s'il vous inquiète un tant soit peu (Exclamations sur les mêmes bancs),...

Mme Christine Boutin.

C'est la vérité !

M. Robert Lamy.

Quel aveu !

M. Jacques Floch.

... parce que, ainsi, vous renforcerez le mariage, qui, grâce à la concurrence du PACS, restera une institution retrouvant toute son exigence ! Ceux qui se marieront ne le feront pas à défaut d'autre chose, mais parce qu'ils en auront fait le choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

J'indique à Mme Boisseau, qui me désignait sa montre que l'orateur qui vient de s'exprimer, a parlé très exactement dix minutes et trente secondes.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

« J'ai appris avec effroi la loi qui sera votée. J'ai quinze ans et suis en classe de seconde.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) N'oubliez pas que vous, les députés, vous devez aujourd'hui décider de notre avenir, et vous les députés vous serez un jour responsables du malheur des enfants ayant pour parents deux hommes ou deux femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et vous, les députés vous serez responsables du mal être d'un enfant privé d'un père ou d'une mère, qui légalement rompront leur contrat d'union à durée limitée si cette loi passe. Notre avenir est entre vos mains, mais je sais qu'une personne qui est député est quelqu'un de sage, qui jamais ne voterait une telle loi. Pouvez-vous, s'il vous plaît, lire cette lettre de façon anonyme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) à l'Assemblée nationale.

Pourrais-je encore vous demander de répondre à ma lettre si cela ne vous dérange pas. Veuillez agréer, monsieur le député, mes salutations respectueuses. Merci, je compte sur vous. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'ai choisi cette lettre parmi les quelque 956 courriers que j'ai reçus à ce jour. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Jamais, depuis que je remplis mon mandat de représentant de la nation, je n'ai eu le sentiment d'exprimer à cette tribune une conviction si forte et si majoritairement ressentie.

La lettre que je viens de vous lire va à l'essentiel. C'està-dire, qu'après l'étape du PACS, l'aboutissement logique sera l'adoption, aboutissement qu'a déjà annoncé le principal promoteur du PACS, le rapporteur Jean-Pierre Michel.

Ne prenons pas cet avertissement à la légère.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ne jouez pas avec les épouvantails.

M. Bernard Accoyer.

La Grande-Bretagne a accordé, en 1996, la première adoption officielle d'un enfant à un homosexuel.

M. Didier Boulaud.

Mais cela ne vous gêne pas qu'elle fasse travailler les enfants !

M. Bernard Accoyer.

Les Etats-Unis l'accordent également dans certains Etats depuis quelques années, la Californie notamment. A ce sujet, permettez-moi de vous citer ces quelques mots : « Aujourd'hui, la famille telle qu'on la conçoit en Europe n'existe plus en Californie.

Dans ce gigantesque laboratoire, c'est peut-être la société de demain qui éclôt ou l'illusion la plus folle et la plus destructrice de cette fin de siècle ». Ce n'est pas un extrait d'une quelconque feuille sectaire ou extrémiste, mais une citation du magazine Marianne en date du 5 octobre.

C ette proposition de loi touche aux fondements mêmes de notre société. Elle instaure une nouvelle institution pour les couples, qui concurrence l'institution du mariage civil, et elle n'apporte aucune protection à la femme ou à l'enfant. Le PACS, à l'inverse du mariage civil, est dangereux pour les plus faibles. Pour la femme, qui peut être répudiée sans autre formalité qu'une simple lettre recommandée.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le mari aussi ! Pourquoi toujours la femme ?

M. Bernard Accoyer.

Pour l'enfant, qui n'est même pas mentionné dans le texte.

S'agissant d'une question de société aussi fondamentale, pourquoi notre assemblée l'examine-t-elle dans la précipitation, sous la pression d'un ordre du jour surchargé ? Pourquoi les commissions compétentes n'ont-


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elles, contrairement à l'usage, auditionné ni experts scientifiques, ni pédiatres, ni pédopsychiatres, ni philosophes ou sociologues, ni autorités religieuses, ni aucune association familiale ? Pourquoi le rapporteur a-t-il choisi d'entendre seul...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est faux ! Pas seul !

M. Bernard Accoyer.

... dix associations homosexuelles, lors de dix-neuf auditions personnelles dont nous n'avons même pas le compte rendu ?

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

Entendons-nous bien. Si je regrette cette opacité, ce n'est pas pour contester quelque droit que ce soit, particulièrement les choix de vie privée ou de sexualité ; notre Constitution et notre législation nous en protègent.

Au demeurant, certaines situations pouvaient être améliorées par des mesures très simples dans les domaines fiscal et social ; tel était d'ailleurs l'objet de plusieurs propositions et d'amendements du groupe RPR, notamment à la loi de finances.

C'est exactement ce que soulignait récemment le Président de la République devant l'assemblée générale de l'UNAF : « Quand le don de vie est exclu, pourquoi le législateur irait-il étendre des règles qui n'ont en réalité été posées que dans l'intérêt de l'enfant ? Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas prendre en compte certaines situations humaines, parfois douloureuses. Elles peuvent être traitées autrement que par une imitation des règles du mariage, sans affaiblir la loi commune. »

En effet, il n'était nullement besoin d'une loi spécifique révolutionnant le code civil. Il y a surtout, derrière le cheminement tortueux et surréaliste de ce texte, la volonté de masquer son objet en prétendant que le PACS serait utile pour les couples concubins de sexe différent, alors qu'il s'agit en vérité de la volonté de masquer son objet : l'accès à des avantages substantiels pour les couples homosexuels. Avantages fiscaux sur les revenus et les successions, avantages sociaux dans les entreprises et la fonction publique, avantages accordés aux étrangers voulant séjourner en France ou voulant acquérir la nationalité française. Tel quel, le PACS sera une aubaine matérielle et migratoire, et tout cela sera concédé et financé sur le dos des personnes et des familles, pour un montant de 8 milliards de francs.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

Presque deux fois le coût de la diminution du quotient familial ! Au nom de quoi les personnes isolées, veuves, veufs, mères seules et célibataires ne verraient-elles pas, elles aussi, leur solitude compensée par des avantages fiscaux ?

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Bernard Accoyer.

Sur ces avantages, quelques considérations fort pertinentes de l'avocate Odile Davernas publiées par Libération méritent d'être rapportées. Je cite :

« L'INSEE nous apprend qu'un couple n'a besoin que d'une fois et demie le revenu d'un célibataire pour atteindre le même niveau de vie. A niveau de vie égal, un couple dépense seulement 1,3 fois plus qu'une personne seule pour l'occupation et le chauffage de son appartement. On verra donc, d'un côté, des personnes quis'entraident et améliorent leur confort en vivant ensemble, gratifiées par la République, et les isolés, les solitaires, les abandonnés, ceux à qui personne ne tend la main, appelés à contribuer à la réalisation de la grande oeuvre. Il y a bien une farce et des dindons ! Drôle d'égalité ! »

M. Didier Boulaud.

Merci pour les dindons !

M. Bernard Accoyer.

En fait, les personnes seules ne se voient pas accorder d'avantages fiscaux car, pour assurer l'équilibre des générations, l'Etat a naturellement vocation à privilégier les seuls couples, femmes et hommes, qu'ils soient mariés ou non, car ils sont seuls susceptibles de renouveler les générations. L'Etat n'a assurément pas le même intérêt et le même devoir envers les couples homosexuels et les personnes isolées, mais certains lobbies sont manifestement moins influents auprès de l'actuelle majorité que d'autres.

Toujours est-il que le Gouvernement procède aujourd'hui à une véritable inversion coupable des priorités. J'ai donc déposé plusieurs amendements démontrant les effets pervers de ce texte, auquel je m'opposerai avec détermination.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aucune bataille de procédure, aucun combat d'arrière-garde ne pourra empêcher q ue la volonté d'une majorité de nos concitoyens devienne la loi. Sans doute assisterons-nous encore, d'ici à mardi, à d'autres manoeuvres d'obstruction, mais soyez sûrs de deux choses : premièrement, le PACS passera, deuxièmement, vous pouvez compter sur les députés communistes pour cela.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Cela dit, je souhaite réaffirmer, à la suite de mon collègue et ami Bernard Birsinger, notre opposition à l'introduction des fratries dans ce texte, car elle accentue la confusion de nos débats. La situation parfois difficile des fratries mérite d'être examinée, mais ce problème n'a pas sa place dans une discussion consacrée aux couples non mariés ayant un projet commun de vie.

De même, les délais nécessaires pour l'ouverture des droits sont en contradiction avec l'exposé des motifs du texte et laissent perdurer une suspicion et une discrimination injustifiables à nos yeux.

Cette confusion va à l'encontre de la nécessité de dépassionner ce débat, de le ramener sur le terrain de la raison et de la réalité.

C'est regrettable car nous restons convaincus que ce texte de liberté, visant à faire reculer les discriminations et qui ne lèse personne, devrait être voté par une large majorité de députés, car nous aspirons tout simplement a officialiser et donc à renforcer les liens entre les individus.

Le pacte civil de solidarité représente un progrès, il officialise une nouvelle forme de vie à deux qui va permettre de structurer dans la société la réalité et la richesse des expériences individuelles.

En donnant droit de cité à ces nouvelles formes de solidarité, on ne déstructure pas la société, et encore moins la famille, mais on la stabilise en renforçant les liens à l'intérieur des couples existants. On comprend mal alors qu'une grande partie de l'opposition s'enferme ellem ême dans des arguments jusqu'au-boutistes, ou

« jusqu'au boutinistes » (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et


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du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Mme Christine Boutin Merci !

M. Patrick Braouezec.

... alors qu'il s'agit d'instaurer un élément fort de structuration et de solidarité active au sein des couples qui ne peuvent ou ne veulent pas se marier.

Je respecte les convictions religieuses de Mme Boutin.

Mais les positions qu'elle exprime, car elle souhaite voir ses valeurs religieuses personnelles inspirer l'organisation de la société civile, sont trop dangereuses et trop contraires à la laïcité et à notre République pour que l'on cède à la facilité de l'ironie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Eric Doligé.

Ce que vous dites est lamentable !

M. Patrick Braouezec.

Quand les adversaires les plus farouches de ce texte convoquent la nature et les vérités biologiques au secours d'un idéal abstrait et symbolique de famille, cela est plus que suspect.

La lecture des historiens de la vie privée et des ethnologues nous enseigne au contraire le relativisme, dans le temps et dans l'espace, de ces modèles prétendument naturels.

Mme Christine Boutin.

Le relativisme, c'est dépassé ! Vous n'êtes plus dans le coup !

M. Patrick Braouezec.

La famille idéale, madame Boutin, que cela vous gêne ou non, n'existe pas. Il n'appartient pas au législateur d'imposer un modèle, ni de juger de la façon dont les couples conçoivent leur relation. Le pacte civil de solidarité se propose de partir de la réalité des couples et de la famille façonnée par le libre choix des individus.

M. Eric Doligé.

Pour vous, c'est quoi, la famille ?

M. Patrick Braouezec.

Respectueux des libertés individuelles, il permettra de mettre fin au retard de notre droit par rapport à l'évolution des moeurs, en proposant une forme d'organisation adaptée.

Mme Christine Boutin.

C'est dépassé ! Vous êtes un ringard !

M. Patrick Braouezec.

Avec le pacte civil de solidarité, il ne s'agit pas de poser l'homosexualité en norme.

Mme Christine Boutin.

De la reconnaître ! (Exclamations sur les mêmes bancs).

M. Bernard Birsinger.

Kenneth Star féminin !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues ! Madame Boutin, du calme ! L'Assemblée nationale a déjà eu l'occasion de vous entendre ! Monsieur Braouezec, vous seul avez la parole. Poursuivez, s'il vous plaît !

M. Eric Doligé.

Les femmes ont tout de même le droit de s'exprimer !

M. Patrick Braouezec.

Avec le pacte civil de solidarité, disais-je, il ne s'agit pas de poser l'homosexualité en norme, mais bien de reconnaître les couples homosexuels pour ce qu'ils sont, et de tendre vers une plus grande égalité des droits.

La reconnaissance de droits aux couples non mariés ne se fait sur le dos de personne. Les défenseurs du mariage apparaissent en tout état de cause bien complexés et ils semblent ne pas croire eux-mêmes à la valeur de cette institution puisqu'ils réclament le maintien de discriminations à l'encontre des couples non mariés.

C'est un raisonnement bien curieux. Un peu comme si l'on affirmait que l'Edit de Nantes combattait le catholicisme, ou que le droit de vote a été accordé aux femmes pour combattre le droit de vote des hommes.

M. Robert Lamy.

N'importe quoi !

M. Patrick Braouezec.

En renforçant les liens de solidarité entre les personnes et l'Etat, nous sommes donc bien dans notre rôle de législateurs. Mais cette responsabilité, nous devons l'assumer jusqu'au bout et avec détermination.

Je pense notamment au fait que la conclusion d'un PACS serait un simple élément d'appréciation par les préfectures des liens personnels des étrangers en France. Là encore, nous ne devons pas reporter notre responsabilité sur le pouvoir d'appréciation des préfets, car cela risque de multiplier les contentieux et de favoriser une inégalité de traitement sur le territoire.

De même, je ferai référence au lieu de signature du PACS, qui devrait, pour des raisons symboliques et de commodité, être la mairie. L'Etat ne doit pas renoncer à son rôle d'application de la loi sur l'ensemble du territoire sous prétexte que certaines municipalités s'y refuseraient. Ce non-respect de la loi doit pouvoir être poursuivi.

Ces situations présenteraient en outre l'avantage de favoriser un débat démocratique et décentralisé dans le pays.

Pour éviter que les intéressés ne fassent les frais d'éventuelles décisions de blocage, il suffirait d'introduire la possibilité d'une signature au tribunal d'instance en cas d'opposition de la commune de résidence.

Aussi, ne soyons pas timorés, affichons notre détermination de voir reconnaître aux couples hétérosexuels et homosexuels leurs droits, tous leurs droits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme la garde des sceaux s'est absentée !

M. François Léotard.

Disparue...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Le Gouvernement est représenté !

M. Maurice Leroy.

Elle n'est pas là parce que cela ne l'intéresse pas !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je voulais parler de responsabilité avec Mme la garde des sceaux, mais, comme elle n'est pas là, je poserai d'entrée de jeu la question à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui vient de nous rejoindre. Combien coûtera le fameux PACS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

« La pérennité de la cité dépend de nous, de notre vigilance et de la conviction de chacun sur les choix fondamentaux masqués derrière les luttes des politiques et/ou des experts », écrivait Hannah Arendt. Nous sommes devant un de ces choix. Véritable enjeu de société, le pacte civil de solidarité soulève des questions de fond qui concernent toutes la responsabilité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Celle de l'Etat, d'abord, qui doit assurer le fonctionnement harmonieux de la société. Or le PACS, qui offre des droits sans imposer des devoirs, permettra au fort et au riche de profiter encore plus du faible et du pauvre ; il risque d'accentuer les inégalités sociales. Ainsi, la proposition de loi autorise la rupture après une décision unilatérale non motivée qui n'est rien d'autre qu'une répudiat ion, n'en déplaise à Mme la garde ces sceaux (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Pas du tout ! C'est nul !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est bien une répudiation, monsieur Bloche.

Or le PACS ne prévoit aucune réparation du préjudice moral subi, il se contente de renvoyer les parties devant le juge.

M. Yann Galut.

Et alors ? Le juge ne sert à rien ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ainsi, il va légitimer cette loi du plus fort que nous dénonçons par ailleurs avec tant de véhémence dans le domaine économique.

L'Etat se doit aussi de préparer l'avenir. Qu'il soit composé de gens mariés ou de concubins, le couple hétérosexuel a une fonction capitale : assurer le renouvellement des générations.

L'Etat a le devoir de conforter les parents et de protéger les enfants issus de leur union. Il n'a pas le choix ! Car toute préoccupation nataliste mise à part, une société sans enfants court à sa perte.

Il est donc essentiel de distinguer, d'une part, les projets de mariage ou de concubinage pouvant entraîner l'arrivée d'enfants et, d'autre part, les projets homosexuels ou simplement amicaux. La ligne de partage, ce sont les enfants.

Autant il est nécessaire de légiférer pour protéger les enfants, autant l'Etat n'a pas à s'occuper des liens affectifs qui se tissent entre les personnes, liens qui ne relèvent que de la vie privée. Ce serait sinon une démarche très dangereuse.

Et ne faisons pas d'amalgame entre la loi et la morale.

Le refus de légiférer sur l'homosexualité n'est pas synonyme de condamnation. Nous faisons tous nôtre le principe d'égalité entre les personnes, mais ne passons pas, à tort, à l'égalité de toutes les relations.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cette interprétation purement individualiste des droits de l'homme, aux dépens des droits de la société, est grave, elle risque d'ébranler profondément les fondements du droit.

M. Bernard Roman.

Incroyable !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Si vous ne voulez pas me croire, écoutez les spécialistes. « Tout ce fracas », dit Philippe Malaurie, « n'est sans doute que la traduction c aricaturale des extraordinaires bouleversements des moeurs de notre temps. Il ne s'agit ni de les combattre, ni de les ignorer, ni de les approuver, mais de les prendre pour ce qu'ils sont : du fait, et non du droit ».

Les auteurs de ces propositions de loi ont une position diamétralement opposée lorsqu'ils disent à qui veut l'entendre : le fait crée le droit. C'est une affirmation lourde de conséquences. Jamais, peut-être, ne s'est exprimée avec autant de désinvolture l'exigence d'irresponsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Réactionnaire !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En d'autres termes, il n'y a plus de limites,...

M. Didier Boulaud.

Une certaine France est bien vivante ! La réaction n'est pas morte !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... et nous nous retrouvons au coeur du problème, qui est la responsabilité individuelle.

Dans le courant de ce siècle, l'acquisition d'indéniables avantages sociaux s'est doublée d'un sentiment de dilution générale de la responsabilité personnelle. Contrairement au mariage, qui donne des droits mais impose aussi des devoirs envers les enfants,...

M. Didier Boulaud.

On s'en rend compte tous les jours !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... envers le conjoint et envers la société, le PACS admet que l'homme est un individu solitaire ; on doit respecter ses actes et ses désirs, dont il n'a pas à répondre, ou si peu !

M. Yann Galut.

Ce n'est pas toujours le cas dans le mariage !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Sourds au discours sur la limite, ce qui n'est pas nouveau, nous sommes aujourd'hui capables de contourner des barrières hier infranchissables, ce qui est inédit. Mais ce temps de tous les possibles est aussi le temps du désarroi.

J'ose espérer pour ma part qu'au milieu de trop de mots usés comme autant de coquilles vides, celui de la responsabilité continuera à nous toucher, à nous interpeller, et qu'il restera un point de repère pour nos enfants. Il s'agit de se confronter dignement à la question : qu'avons-nous reçu, qu'avons-nous donné ? Je répondrai : ce qu'une génération doit à l'autre, c'est la limite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Amen !

M. le président.

Madame Boisseau, vous avez remarqué que j'ai eu quelque scrupule à vous rappeler l'heure.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, je demande la parole.

M. Georges Hage.

Il a son son missel à la main !

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, nous sommes très honorés de l'arrivée de M. le ministre de l'économie et des finances, car il pourra nous donner certains éclaircissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Mais il ne peut pas, malgré son immense talent et sa polyvalence bien connue, suppléer à Mme la garde des sceaux en son absence.

M. Bernard Roman.

Ah !

M. Henri Plagnol.

Nous comprenons très bien que celle-ci soit obligée de s'absenter quelques instants, mais c'est elle qui nous a présenté le projet, c'est elle qui répondra à la fin de la discussion générale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

C'est une proposition de loi !

M. Yann Galut.

Il ne fait même pas la différence !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Didier Boulaud.

Pour un membre du Conseil d'Etat !...

M. le président.

Mes chers collègues, si vous voulez que nous poursuivions, il faudrait que M. Plagnol puisse en arriver à l'essentiel.

M. Henri Plagnol.

Si je dis cela, c'est parce que j'ai la plus grande considération pour le rôle de Mme le garde des sceaux, et qu'il s'agit d'une réforme fondamentale du code civil. Il ne me paraît pas aberrant de demander qu'elle assiste à l'intégralité de nos débats, pour qu'elle puisse nous répondre avec la pertinence que chacun lui reconnaît ! Je demande donc une suspension de séance, en attendant son retour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Etes-vous habilité à demander une suspension de séance ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur le plan de la forme, comme vous le savez, le Gouvernement est représenté. Dans ces conditions, l'Assemblée peut poursuivre. Que vous saisissiez toutes les occasions pour faire durer le débat est votre affaire, mais votre argument ne tient pas. Si le règlement intérieur a prévu que l'Assemblée ne siégeait pas hors la présence du Gouvernement, lorsque le Gouvernement est là, l'Assemblée siège valablement ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Combien ça coûte ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur le fond, vous êtes très nombreux à vous exprimer sur cette affaire, dans cette enceinte et en dehors, et j'en conclus que vous avez tous le sentiment d'être compétents pour le faire. Souffrez donc que je le sois au moins autant que vous et que je puisse valablement écouter ce que vous dites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie français-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Permettez-moi, mes chers collègues, d'ajouter un mot. Le seul dans cette assemblée qui pourrait trouver anormal, si je puis dire, que Mme la garde des sceaux ne soit pas présente est M. Hascoët et, comme il doit intervenir pour dix minutes, je lui donne la parole.

(« La suspension est de droit ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Chers collègues, je vous rappelle, au cas où vous l'auriez oublié, que la suspension de séance n'est de droit que pour réunir un groupe. Telle n'a pas été la demande formulée par M. Plagnol. Par conséquent, la parole est à

M. Hascoët, et à lui seul.

M. Guy Hascoët.

Je vous en remercie, monsieur le président et, une fois n'est pas coutume, je vais dire à nouveau : madame le ministre. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je savais que vous vous amusiez de peu ! (M. Yves Cochet remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. Guy Hascoët.

Mes chers collègues, nous nous réjouissons qu'un tel texte vienne enfin devant l'Assemblée nationale. Si, depuis quelques années, nous n'avions pas été témoins et parfois acteurs d'un véritable mouvement social, nous n'aurions pas aujourd'hui ce débat. Ce serait une erreur que de considérer que la revendication de ce qui deviendra, dans quelques heures, je l'espère, le PACS...

M. Thierry Mariani.

Dans quelques heures ? Dans quelques semaines !

M. Guy Hascoët.

... ne serait le fait que d'une revendication communautariste. Ce texte vise à adapter notre droit au mouvement réel de la société et, sans doute, à une élévation de la tolérance parmi nos concitoyens.

Le temps n'est pas si éloigné où nous étions seuls aux côtés de quelques associations à revendiquer un tel texte.

Il aura fallu deux renouvellements de majorité, cinq changements de gouvernement, dix propositions de loi au Parlement pour qu'enfin ce texte concernant les couples non mariés, homosexuels ou hétérosexuels, soit débattu ici.

M. Thierry Mariani.

En pleine session budgétaire !

M. Guy Hascoët.

Certains parlent de priorité à l'ordre du jour. Sept, huit ou neuf ans de gestation n'est-ce pas un délai suffisant ? Pour ma part, je crois volontiers que si.

Nous avons donc assisté à une évolution de la société.

Personne ne peut plus nier que la vie commune a pris des formes qui se sont diversifiées. Notre longévité amène souvent des personnes à avoir plusieurs vies en une. La complexité des situations au regard des enfants ou des petits-enfants peut amener des personnes qui vivent ensemble à ne pas envisager un remariage sans pour autant renoncer à protéger l'autre. Le PACS pourra répondre à des situations qui concernent nombre de personnes, même celles d'un âge certain.

De nombreuses familles se sont recomposées et ce phénomène est loin d'être marginal. Des situations concrètes existent et le PACS pourra y répondre. Bien évidemment, ce sera une possibilité pour toutes celles et ceux qui vivent en concubinage.

Je parlais d'une évolution vers une plus grande ouverture d'esprit chez nos concitoyens. Oui, la société a profondément évolué dans le regard qu'elle porte sur celles et ceux qui, un jour, ont découvert une autre orientation sexuelle qu'ils et elles assument. Faut-il faire ici quelques rappels sur ce qu'a été le comportement de la société à l'endroit des homosexuels ? Sans aucun doute, même si je ne veux pas m'y attarder.

Bien sûr, nous nous sommes éloignés d'une vision pseudo-scientifique qui, au nom du rationalisme, cherchait à classer l'homosexualité parmi les anomalies génétiques ou mentales. C'était à la fin du siècle dernier. Mais un Français sur cinq pense toujours ainsi et il est grave de flatter ce sentiment. La première moitié de ce siècle a vu les personnes concernées vivre des parcours affectifs


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

déchirés, n'ayant bien souvent comme perspectives que l'incompréhension, la solitude et le rejet de la société. Il y a quelques années, j'ai répondu présent lorsqu'une association homosexuelle du Nord, les Flamands roses (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), m'a sollicité pour déposer avec elle et au nom de ses membres...

M. Bernard Accoyer.

Les Flamands roses, c'est joli !

M. Guy Hascoët.

Oui, c'est poétique n'est-ce-pas ! Cette association m'avait donc sollicité pour aller déposer, avec elle et au nom de ses membres, une gerbe au monument de la déportation le jour anniversaire de sa commémoration. Je vous assure que l'exercice ne fut pas simple.

Un dialogue difficile s'est engagé avec les associations de déportés politiques. « Mais eux, ils portaient un triangle d'une autre couleur, ça n'a rien à voir avec nous. »

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Une étoile rose !

M. Guy Hascoët.

Cette remarque, je l'ai entendue, comme si la gêne de l'assimilation faisait oublier l'essentiel : au nom d'une idéologie, cette communauté a été victime, elle aussi, de la déportation.

Les années qui ont suivi la guerre n'ont pas profondément changé la donne au point que, lors de la manifestation que j'évoquais, un soupçon de négationnisme aurait sans doute arrangé certains. Mais voilà, le devoir de mémoire est un et indivisible.

Puis sont apparus, dans une période plus récente et après le choc culturel de 1968, les mouvements revendicatifs homosexuels. Ils se sont affirmés. Mais, hélas, au cours de ces années la génération en âge de s'éveiller à la politique a assisté à l'apparition du sida. La prudence est alors devenue nécessaire chez les hétérosexuels, l'emploi des préservatifs est devenu une obligation pour tous.

N'en déplaise à quelques-un ici. Mais, pour les homosexuels, le sida est devenu synonyme de mort. Pas celle d'êtres chers que l'on voit disparaître à regrets après une vie longue et accomplie, mais une hécatombe : celle qui conduit une génération de jeunes gens à aller enterrer l'un des siens tous les deux ou trois mois. Nonobstant l'omniprésence de la mort, sont venus s'ajouter des réactions de rejet, les incompréhensions, les biens communs qui ne le sont plus, le logement que l'on perd, etc. Vous connaissez les problèmes.

Cette situation aurait pu conduire à un mouvement de résignation. Eh bien non ! Les jeunes concernés se sont organisés, structurés, ont fait preuve d'une capacité de solidarité, d'un investissement qui fait honneur à la citoyenneté. Je le disais au début de mon intervention, c'est bien l'existence de ce mouvement ayant su élargir sa base initiale qui permet aujourd'hui le débat. Nous avons le devoir de préserver la cohésion sociale ! Mais les droits nouveaux que nous pouvons ouvrir en ce sens doivent trouver leur limite lorsqu'ils mettent en péril un droit qui concerne une frange plus large de la société. En l'occurrence, on tente de faire croire, depuis quelques semaines, que le PACS portera atteinte aux droits des autres. Il n'en est rien. Contrairement à certains arguments politiciens, le PACS ne portera pas atteinte au droit de la famille.

M. Thierry Mariani.

Si !

M. Guy Hascoët.

Il ne remettra pas en cause le mariage et vous le savez parfaitement.

M. Thierry Mariani.

Oh non ! Absolument pas !

M. Guy Hascoët.

Si, aux yeux de certains, la morale peut réprouver l'éthique, celle-ci nous commande d'adopter un texte qui s'inscrit dans la longue lignée des avancées humanistes...

M. Jean-Yves Besselat.

Humaniste, c'est beaucoup dire !

M. Guy Hascoët.

... et participe de l'élévation de l'intelligence des sociétés humaines. Je crois profondément que ce que vous n'osez pas dire depuis quelques heures ou quelques jours...

M. Maurice Leroy.

Laissez-nous du temps !

M. Guy Hascoët.

Oh, je vous en laisserai, ne vous inquiétez pas, mais ne me coupez pas !

M. Pierre Lellouche.

Mais c'est Fabius qui coupe, monsieur Hascoët, pas nous !

M. Guy Hascoët.

Je crois que ce qui vous gêne au plus profond, c'est la nature même du texte dans ce qu'il a de symbolique...

M. Jean-Yves Besselat.

Cela gêne profondément les Français !

M. Guy Hascoët.

... non pas par rapport à des textes antérieurs ou à d'autres droits, mais par rapport à la reconnaissance effective qu'il constitue pour une partie des personnes dans notre société.

Depuis quelques semaines nous recevons de nombreaux courriers, certains encourageants, d'autres qui dénotent une certaine désinformation - je le dis tout net -, des lettres stéréotypées, recopiées souvent où quelques arguments spécieux sont utilisés qui ont habilement été diffusés. C'était pour ceux qui rejettent le texte ou qui s'y opposent de manière farouche. Il y a dans l'attitude de certains collègues, dans leur indécision, quelque chose d'incompréhensible pour moi.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Certains ont cru à la pétition des maires. Sur le principe d'abord. Accepter de signer une pétition disant « Je suis maire, donc je représente la République sur un territoire, mais je n'appliquerai pas la loi » ne me paraît pas acceptable en soi.

(« Et les sans-papiers ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A en juger à votre réaction, j'ai le sentiment de gratter là ou ça démange !

M. Bernard Accoyer.

Avec les Verts, c'est la démocratie caméléon !

M. Guy Hascoët.

On s'est donc très vite « engouffré » dans l'idée qu'il fallait abandonner la mairie, alors qu'il aurait été si simple de permettre aux personnes souhaitant conclure un PACS de s'inscrire au service de l'état civil, comme le font aujourd'hui les concubins. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilbert Meyer.

Demandez aux maires s'ils sont d'accord !

M. Guy Hascoët.

On n'a jamais vu la liste de ceux qui ont signé la pétition !

M. Bernard Accoyer.

Les fonctionnaires municipaux ne sont pas d'accord et 27 000 maires sont contre !

Mme Christine Boutin.

Allez voir sur Internet !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Guy Hascoët.

Madame Boutin, je vous ai écoutée pendant cinq heures,...

M. Didier Boulaud.

Quelle horreur ce fut !

M. Guy Hascoët.

... si vous vouliez bien me donner quelques minutes ! On a donc d'abord abandonné la mairie. Ensuite, on a eu le sentiment, et je partage de ce point de vue l'analyse de certains collègues de l'opposition, que l'on cherchait à noyer le poisson en élargissant la base du texte.

M. Pierre Lellouche. Vous avez vraiment noyé tous les poissons !

M. Guy Hascoët.

Nous restons convaincus pour notre part qu'il faut avoir un vrai débat sur les solidarités intrafamiliales, mais que ce serait une erreur de mélanger ce débat avec celui sur le PACS,...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Guy Hascoët.

... d'une part, parce qu'il peut en résulter une confusion, d'autre part, parce que certains pourraient l'exploiter.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

J'ai donc donné acte ici même, le 9 octobre dernier, à M. Mattei que je partageais une partie de l'analyse qu'il avait faite dans un article du Monde . Il expliquait en effet qu'il s'agissait de traiter la question des couples et non celle des paires et que la question des fratries, telle qu'elle était posée, devait être comprise au sens large et devait concerner plusieurs frères et soeurs, mais que l'on ne pouvait se c ontenter de cet habillage. (Mme Christine Boutin approuve.)

M. Pierre Lellouche.

N'importe quoi ! Cela n'a aucun sens !

M. Guy Hascoët.

Les Français, eux, sont beaucoup plus simples et beaucoup plus clairs.

M. Jean-Yves Besselat.

Les Français ? Lesquels ? M. Guy Hascoët. Une très large majorité ! Ne vous trompez pas ! Toutes les enquêtes d'opinion le montrent.

M. Didier Boulaud.

Lisez le Figaro !

M. Pierre Lellouche.

Faites un référendum !

M. Guy Hascoët.

Monsieur Lellouche, ce n'est pas à vous que je vais apprendre que le référendum dépend du Président de la République ! M. Pierre Lellouche. Non, du Premier ministre en l'espèce ! Relisez la Constitution !

M. Yann Galut.

Cela n'a pas vraiment été un succès la manif contre le PACS !

Mme Christine Boutin.

Si, 100 000 personnes !

M. Bernard Roman.

Ils n'étaient que 7 000 !

Mme Christine Boutin.

Vous n'avez pas lu la bonne dépêche !

M. Yann Galut.

7 000 personnes seulement !

M. le président.

Mes chers collègues, calmez-vous, je vous en prie ! Monsieur Hascoët, veuillez poursuivre !

M. Guy Hascoët.

Les Français, eux, disais-je, sont plus simples et plus clairs. Ils ont compris, madame Boutin, qu'il était normal que le législateur traite le problème des couples non mariés, homosexuels ou hétérosexuels. Certains voudraient faire croire que l'enfant n'a pas sa place dans ce débat. Mais ce qu'ils n'ont jamais dit dans leurs interventions, c'est que le droit qui s'appliquera aux enfants dans le cadre du PACS en cas de séparation sera celui du divorce ou du concubinage. Vous ne le dites jamais comme si, d'un seul coup, il y avait un oubli. Il n'y a pas un oubli, c'est une volonté de ne pas mélanger les débats. La clarté politique, comme celle des débats, nécessitent d'appeler un chat un chat.

Si j'avais voulu, avec une note d'humour, me laisser aller à l'attitude qui consiste à masquer une partie du débat, j'aurais pu déposer un amendement autorisant le PACS entre l'anémone de mer et l'escargot. En effet, la première se divise par bourgeonnement, de sorte qu'elle est considérée comme asexuée, et le second, hermaphrodite, est soupçonné de se débrouiller seul. Mais je n'ai finalement pas déposé cet amendement, car je suis convaincu que nous aurons un débat sérieux et que, loin des exploitations politiciennes, loin des affirmations fantasmatiques, nous aurons à coeur d'élaborer un texte qui évite à l'avenir des situations qui pourraient se révéler injustes ou inextricables. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements visant à régler les situations de rupture qui apparaîtront d'ici à quelques années.

M. le président.

Concluez, monsieur Hascoët !

M. Guy Hascoët.

Je conclurai très simplement. Je vous ai écouté attentivement, madame Boutin, analyser ce qu'était, pour vous, l'approche de la différence et de l'altérité. Vous m'avez plongé dans un doute, mais il n'était pas relatif à ce qui serait l'incapacité des homosexuels à comprendre l'autre sexe. Ce que certains ont du mal à comprendre c'est que, lorsqu'on ouvre un droit nouveau pour certains, on ne crée pas une obligation pour d'autres. On ne touche en rien aux droits des autres, au choix individuel des personnes ou à leurs responsabilités. Vous voulez une société de normes, nous voulons, nous une société de choix et de libertés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Pour rendre service à 60 000 personnes, vous cassez le mariage !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion où visiblement les opinions sont faites et où, de toute évidence, nous nous orientons vers un dialogue de sourds, je m'arrêterai sur une réflexion, parmi les longues remarques qui ont été faites pour souligner le caractère nocif de ce texte, pour la société et sur les plans politique et juridique.

(M. Raymond Forni remplace M. Yves Cochet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. Claude Goasguen.

Cette réflexion, soulevée par M. Michel en séance plénière, traduisait certaines contradictions entre l'attitude du Gouvernement et celle du rapporteur. Ce dernier nous a clairement dit - je me souviens de l'intervention de M. Brard qui lui a vertement répondu - que ce texte ouvrait la voie à une évolution, notamment à la reconnaissance du droit à l'adoption pour les couples homosexuels. Il l'a déjà dit ailleurs. Le Gouvernement a répondu à la remarque de M. Michel en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

affirmant publiquement, à plusieurs reprises, le Premier ministre en tête, qu'il n'y avait aucune référence dans ce texte à une quelconque évolution vers le droit à l'adoption pour les homosexuels. Or, après avoir étudié quelque peu l'évolution jurisprudentielle, le texte de loi, le droit comparé, la doctrine, je me permets de dire très nettement que ce texte y conduira immanquablement. (« C'est voulu ! Ils le savent ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Par conséquent, il ne sert à rien de nous raconter que vous arrêterez par votre seul discours une évolution que vous savez intangible et qui est d'ailleurs déjà entamée. Je vais essayer de vous le démontrer.

Monsieur le rapporteur, vous êtes un très bon juriste, je vous en donne acte,...

M. Bernard Accoyer.

Un juriste engagé disons !

M. Claude Goasguen.

... vous savez donc bien que nous vivons les conséquences civiles de la réforme du code pénal et de son article 225-1, que l'on traduit en général par : le droit à la différence.

Or, depuis quelques années, le législateur ne semble pas avoir mesuré les conséquences civiles de cet acte pénal de première importance, sur lequel il n'est bien sûr pas question de revenir. Cela étant, l'évolution civile est entamée dans la jurisprudence depuis de longues années.

L'étude comparée des jurisprudences de la Cour de cassation, des cours d'appel et du Conseil d'Etat le montre, c'est un véritable problème pour le juge que d'avoir à trancher individuellement la question de l'adoption et de l'homosexualité.

Il le fait d'ailleurs dans des circonstances diverses, étudiées cas par cas, qui aboutissent à des résultats différents.

Ainsi, des décisions de 1991 et de 1994 ont dénié le droit à l'adoption, alors que d'autres, de 1988 et de 1994 également, l'ont reconnu. Il est clair que la question n'est pas tranchée sur le plan juridique. Les conclusions du Gouvernement sur un arrêt du Conseil d'Etat de 1996 montrent d'ailleurs que, de toute évidence, les juges ne savent pas véritablement quelle est l'option du législateur en ce domaine. La question fondamentale qui reste posée est donc la suivante : quel est l'avis du législateur dans ce domaine ? Y a-t-il égalité ou pas dans ce domaine entre l'homosexualité et l'hétérosexualité ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

A cette question fondamentale, qui traduit le trouble du juge se prononçant au cas par cas, vous allez donner une réponse allant incontestablement dans le sens de l'assimilation de l'hétérosexualité et de l'homosexualité dans le droit des personnes, par conséquent allant vers le droit d'adopter pour les homosexuels. Vous le savez parfaitement bien, vous l'avez dit à plusieurs reprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Par conséquent, dites la vérité aux Français ! Ne nous leurrons pas sur l'avenir de cette législation. Après celle de l'adoption 1996, elle donnera naissance à une jurisprudence hypocrite qui permettra de dire encore que c'est toujours le célibat qui compte et pas l'homosexualité.

Vous savez que vous venez de faire un pas décisif vers l'adoption et que, dans quelques années, un texte sera présenté...

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Claude Goasguen.

... qui reconnaîtra le droit à l'adoption.

En 1994, semblable débat a eu lieu en Suède. Celle-ci avait inauguré, parmi les pays européens, ce qu'elle a appelé : « le partenariat homosexuel », proche de la formule que vous suggérez. Or le gouvernement socialdémocrate de l'époque s'était engagé explicitement, à la tribune d'une assemblée à peu près identique à celle-ci, à ce que jamais la question de l'adoption ne soit évoquée.

Le responsable du parti social-démocrate reconnaissait d'ailleurs quelques mois plus tard : « Si nous avions évoqué le droit à l'adoption, nous n'aurions rien obtenu. »

(« Eh oui » ! sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Aujourd'hui, en 1998, devant le Parlement suédois, le débat - conséquence logique de la loi du 1er janvier 1995, adoptée depuis - la question du droit à l'adoption, de l'insémination artificielle...

M. Henri Plagnol.

Ils se taisent !

M. Claude Goasguen.

... et de l'autorité parentale conjointe pour les homosexuels, tant il est vrai que vous ne pouvez pas impunément donner une direction à la jurisprudence à venir, unifier une jurisprudence hésitante, et refuser ensuite la concrétisation législative qui est toute naturelle dans un tel débat. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Je vous demande de conclure !

M. Claude Goasguen.

Vous ne pouvez en aucune manière vous engager à dire devant les Français, sauf à faire voter les amendements que nous avons déposés en ce sens au cours du débat, que cette loi ne préfigure en rien l'adoption par les homosexuels.

M. Richard Cazenave.

Absolument !

M. Claude Goasguen.

C'est exactement le contraire qui va se passer, et M. Michel, lui, a eu l'honnêteté de le reconnaître implicitement.

En ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas entrer dans cette société, dans cette société fondée sur l'isolement, fondée sur la précarité, fondée sur l'individualisme poussé jusqu'à l'utilisation de l'enfant. Nous ne sommes pas, nous, de cette France-là ! La France refusera les institutions que vous proposez.

Certains d'entre vous le savent déjà, et le disent. Vous verrez que le PACS ne sera qu'un épiphénomène de votre travail législatif. Il ne verra pas le jour ! Je le souhaite à l'ensemble de la France, parce que je refuse l'évolution qui est contenue en germe dans votre législation.

C'est la raison pour laquelle, au cours des débats qui dureront longtemps sans doute, mais qui seront tumultueux aussi, le groupe Démocratie libérale et Indépendants montrera, amendement par amendement, à quel point votre texte est nocif et pourquoi nous devrons nous y opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

M me Laurence Dumont.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à bas l'hypocrisie ! Et si nous cessions, tous autant que nous sommes, de proclamer haut et fort le droit à la différence prétendument reconnu, pour dénoncer objectivement, humblement mais résolument, la différence des droits, surtout et seulement constatée ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Alors, nous pourrions peut-être avancer et progresser dans notre réflexion. Mais, malheureusement, tout a été dit aujourd'hui ici et ces jours derniers dans la presse pour nous embrouiller.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Toutes les caricatures ont été offertes et tous les fantasmes sortis des placards.

(Sourires.)

Ce déchaînement de la droite contre le PACS ne m'étonne guère.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Gilbert Meyer.

Et l'obstination de la gauche ?

Mme Laurence Dumont.

Les avancées sociales n'ont jamais été faciles à réaliser. L'histoire nous le démontre : il a toujours fallu se battre, ici contre les intégrismes, là contre les intérêts, ici encore contre les archaïsmes ou les tenants de l'ordre moral (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Elle est radieuse !

M. le président.

Mes chers collègues, ayez un minimum de respect pour l'orateur !

M. André Schneider.

C'est vrai pour lui aussi !

M. le président.

Madame Dumont, vous avez la parole, et vous seule.

M. Christian Jacob.

Elle nous souriait !

M. le président.

Monsieur Jacob, Mme Dumont donne son sourire à qui elle veut.

Madame Dumont, poursuivez.

Mme Laurence Dumont.

Le PACS constitue une avancée sociale incontestable en ce qu'il définit des droits nouveaux. Mesdames, messieurs de la droite, si je fais de la politique et si mon engagement se situe résolument à gauche, c'est pour deux objectifs principaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : la défense des plus démunis et la promotion de nouvelles avancées sociales pour tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Le PACS répond à ce deuxième objectif. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'insiste sur le caractère général de ce nouveau droit ouvert à tous. Il n'est pas dans la tradition française d'établir par la loi des ségrégations : l'idée d'un texte qui n'aurait servi que les seuls homosexuels a été d'entrée de jeu écartée.

M. Jean-Yves Besselat.

Ce n'est pas ce que disent vos collègues communistes !

Mme Laurence Dumont.

Pas étonnant donc, disai-je, de voir se déchaîner la quasi-totalité de la droite sur un tel thème. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Sous couvert de défendre la famille, la droite combat la reconnaissance de l'homosexualité (Exclamations sur les mêmes bancs), avec cette vision rétrograde qui transparaît de l'homosexualité conçue comme une souffrance vous avez tous en mémoire les propos de Christine Boutin mardi soir (Exclamations sur les mêmes bancs) ou comme une pathologie - et je citerai Jean Foyer, de l'Académie des sciences morales et politiques, puisque cela existe encore, qui parle de la « reconnaissance légale d'une union contre nature, qui me choque ».

Mme Christine Boutin.

Vous avez vos caricatures, hein ?

Mme Laurence Dumont.

Mais il y a encore la campagne orchestrée par cette bien mal nommée « Association d'avenir de la culture », avec les catholiques traditionnalistes. Mais écoutez, madame Boutin ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Madame Dumont, ne vous laissez pas interrompre, poursuivez, malgré les interpellations de Mme Boutin ! Madame Boutin, je vous en prie !

Mme Laurence Dumont.

Cette campagne ne visait rien de moins que « sommer les élus de renoncer à ce projet infâme qui détruira les restes de civilisation nous séparant encore de la barbarie. »

(Protestations et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

C'est l'apocalypse d'Halloween !

Mme Laurence Dumont.

La barbarie n'est pas forcément où l'on croit ! Ce sont en effet les mêmes qui, il y a deux ans, dans une lettre adressée au président de la République, écrivaient que : « La sodomie est un vice abominable, contre nature, qu'il s'agit d'un coup mortel contre la société, une révolte ouverte contre l'ordre naturel établi par Dieu. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pas étonnant, alors, que ce clivage apparaisse entre une droite ancrée sur un ordre « naturel » des choses, faisant du mariage l'alpha et l'oméga de l'organisation sociale, et une gauche qui constate et souhaite savoir appréhender une réalité plus complexe, plus riche où intervient le libre choix des personnes, et la main de Dieu pas forcément.

Et l'Etat, dans tout cela ? Et la représentation nationale ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Ma conviction est qu'il ne nous revient pas de dire comment les gens doivent vivre et s'aimer mais de les aider à bien vivre et à bien s'aimer, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, qu'ils aient choisi l'institution du mariage, l'union libre ou le concubinage.

Le rôle du législateur n'est-il pas d'établir un droit à l'égalité, qui traverse les différences de situation ? Encore faut-il qu'il y ait effectivement choix. C'est le mérite de ce texte d'offrir un choix supplémentaire, un droit nouveau, beaucoup l'ont dit, aux couples qui ne souhaitent pas se marier.

Pour moi, il est important d'insister sur le fait que ce texte concerne le couple. En effet, l'enjeu, ici, est aussi de reconnaître - et ce n'est pas, à mes yeux, son moindre mérite - qu'un couple peut se composer de personnes de même sexe ou de sexe différent (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

Mme Christine Boutin.

Et les frères et soeurs ?

Mme Laurence Dumont.

... que l'union libre est un fait social qui concerne, aujourd'hui, entre 4 et 5 millions de personnes (Exclamations sur les mêmes bancs), qui est créateur de droits et qui est aussi respectable que le mariage.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Yves Besselat.

Le mariage est un modèle.

M. Jacques Floch.

Pourquoi voulez-vous un modèle ?

Mme Laurence Dumont.

En reconnaissant dans le couple deux personnes du même sexe ou de sexe différent, on affirme qu'il n'y a de différence ni de valeur ni de nature entre un couple homosexuel et un couple hétérosexuel. C'est là un point fondateur et fondateur de droits.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

C'est toujours d'amour qu'il s'agit, d'où ma grande réticence - mais nous en reparlerons lors de la discussion des articles -, à intégrer dans ce texte les fratries.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, madame Dumont, s'il vous plaît ?

Mme Laurence Dumont.

Je conclus, monsieur le président.

Voilà ce qui me guide, mes chers collègues, dans ma réflexion sur ce texte. Voilà pourquoi je voterai cette proposition de loi avec fierté. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.)

Je considère qu'elle honore notre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

Mme Christine Boutin.

C'est une petite jeunette, ce n'est pas grave ! Mme Laurence Dumont ... et le travail que nous y menons, en établissant un droit nouveau sans en retrancher à quiconque (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), en ancrant un peu plus le caractère laïc de l'Etat qui n'a pas à dicter aux gens la manière de vivre et en renforçant le lien social, dans la mesure où elle permettra d'établir de nouvelles solidarités.

Enfin et d'un mot, s'il fallait un dernier argument pour en convaincre certains ou certaines - qui sait ? (« Oui ! Oui ! » sur les mêmes bancs), je le voterai parce que je crois que ce qui est juste est possible. Ce texte en fait la preuve. Quoi de plus injuste, en effet, que de laisser perdurer, d'autres l'ont dit mieux que moi, ce hiatus entre l'affirmation d'un droit à la différence, prétendument reconnue et la différence des droits, seule constatée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Jacques Floch.

Un peu de provocation, monsieur Mariani ?

M. le président.

J'invite les futurs orateurs à respecter leur temps de parole, même s'il est difficile d'intervenir dans le cadre de cinq minutes et si cela contraint à « faire dans le succinct ».

La parole est à M. Mariani, pour cinq minutes.

M. Jacques Floch.

Un peu de provocation, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, même en cinq minutes, on peut se rendre compte qu'on vit aujourd'hui une époque bien singulière.

En deux ans, avec votre majorité, les familles auront perdu près de 15 milliards de francs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Et aujourd'hui, vous voulez nous amener à légiférer pour accorder des avantages fiscaux et sociaux, à hauteur de 8 milliards de francs, aux personnes vivant en union libre, qu'elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles.

Autant le dire dès à présent, votre proposition de loi est totalement inacceptable. Je passerai très rapidement sur sa rédaction improvisée. Chacun a souligné qu'elle est source d'interrogations multiples. Elle suscitera très certainement le développement d'un contentieux important.

Nous aurons l'occasion d'en parler lors du débat article par article.

Dans le cadre de cette discussion générale, je me contenterai de vous donner les raisons pour lesquelles je considère que votre proposition de loi est tout à la fois dangereuse pour la société, source de fraudes et perverse pour ceux qui sont supposés en bénéficier.

Dangereuse pour la société tout d'abord. Quoi qu'on en dise, le mariage constitue un des fondements de notre société.

M. Yann Galut.

On n'a jamais dit le contraire !

M. Thierry Mariani.

Par l'amélioration progressive, à travers le temps, des règles juridiques qui l'encadrent, il est devenu aujourd'hui la seule institution pouvant protéger avec efficacité le plus faible et garantir aux enfants un statut tel qu'ils ne seront pas lésés en cas de séparation des parents.

J'entends déjà certains nous dire qu'il s'agit là d'une vision ringarde de la société, que les moeurs ont évolué, et que nous sommes archaïques et dépassés. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Même si vous criez

« oui ! » sur ces bancs, vous savez très bien que cela est faux.

Non ! nous ne constestons le droit à quiconque de vivre en union libre, et cela quel que soit son sexe.

Cependant, nous considérons qu'il s'agit là de situations de fait qui sont du strict ressort de la vie privée et du libre choix des intéressés.

Le législateur n'a pas à courir après les modes. Le législateur n'a pas à suivre ceux qui veulent que leur exception devienne la règle. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Quant l'Etat accorde des avantages aux couples mariés, il ne le fait pas en considération de l'amour que se portent les époux, mais bien en considération des services que l'institution du mariage offre à la société tout entière.

Ce n'est qu'un juste retour des choses. Vous ne pouvez donc pas mettre sur le même plan mariage et union libre.

C'est pourtant ce que vous faites avec votre texte, et nous ne vous suivrons pas sur ce point.

De plus, votre proposition de loi ne manquera pas de susciter tous les détournements possibles. Je n'en prendrais que deux exemples. Comment comptez-vous, mes chers collègues, contrôler l'efficacité et la sincérité du p rojet de vie que les futurs « pacsisés » auront conclu ? Vous le savez très bien, cela est impossible.

J'insisterai un peu plus longuement sur le second exemple. Si, par malheur, votre texte devait être adopté, les fraudes ne manqueront pas, notamment en matière d'immigration. Si l'on en croit vos déclarations, monsieur le rapporteur, vous auriez limité les effets de votre texte en matière d'entrée et de séjour des étrangers en France.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je tiens à souligner qu'il n'en est rien.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

Certes, l'article 6 de votre proposition de loi se contente de prévoir pudiquement que la conclusion d'un PACS « constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France au sens du 7e paragraphe de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 ».

Mais, monsieur le rapporteur, mes chers collègues de la majorité, à qui voulez-vous faire croire que la conclusion d'un PACS ne sera pas, dans tous les cas, considérée comme un motif suffisant, à partir du moment où vous y faites expressément référence dans la loi ? En tout état de cause, même si d'aventure un préfet décidait de ne pas considérer le PACS comme un élément suffisant pour justifier des « liens personnels en France », l'article 6 de votre proposition servira amplement de base légale à l'introduction de recours gracieux ou contentieux.

De plus, comment pouvez-vous concevoir que la conclusion d'un PACS puisse conférer un droit quasi automatique à l'obtention d'un titre de séjour,...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Jamais automatique !

M. Thierry Mariani.

... cela sans délai, y compris pour les étrangers entrés en situation irrégulière ou ne disposant pas d'un titre de séjour valable ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est faux !

M. Thierry Mariani.

Vous pouvez bien me dire que c'est faux. Mais je me souviens que lors des débats sur l'immigration ou sur le code de la nationalité, on m'avait assuré - je le montrerai à Mme Guigou ou à M. Chevènement - que jamais le PACS ne serait une cause de régularisation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie Libérale et Indépendants.) Or je constate que ce texte, contrairement à ce que vous avez dit à l'époque (« Ce sont des menteurs ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), contient bien de telles dispositions.

Dès lors, permettez-moi de ne pas vous croire. Que vous le reconnaissiez ou non, le PACS, messieurs de la majorité plurielle, est la « voiture-balai de la régularisation des sans-papiers ». (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Nous l'avons vu, votre proposition est dangereuse pour la société ; elle sera incontestablement à la source de fraudes multiples, mais répond-elle pour autant de façon satisfaisante aux attentes des personnes concernées ? Nous ne le pensons pas.

Votre texte est également dangereux pour les bénéficiaires eux-mêmes. Le PACS est tout, sauf protecteur pour les partenaires. Et à ce titre, plusieurs questions peuvent être posées.

Vous prévoyez une totale liberté contractuelle quant au contenu des PACS, c'est-à-dire que l'on pourra y mettre tout et n'importe quoi. Quelle sera, dans ces conditions, la réelle portée juridique du PACS ainsi rédigé ? D evrons-nous appliquer le droit des contrats ? Devrons-nous considérer que les incapacités liées à ce même droit seront transposables à la conclusion d'un PACS, c'est-à-dire que les mineurs et les adultes sous tutelle ne pourront pas en conclure ? Tout cela, nous ne le savons toujours pas.

En outre, votre PACS n'établit aucune présomption de paternité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Parlez moins vite !

M. le président.

Mes chers collègues, M. Mariani a raison de s'activer, car il a déjà dépassé son temps de parole.

M. Thierry Mariani.

J'ai été interrompu tout le temps, comme d'habitude !

M. le président.

Je suis sûr, monsieur Mariani, que vous allez conclure.

M. Thierry Mariani.

Je termine, monsieur le président.

C'est ainsi que les enfants nés au sein d'une telle union ne seront pas protégés de la même manière que les enfants issus du mariage,...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ah, non ! C'est sûr.

M. Thierry Mariani.

... alors même que leurs parents bénéficieront quasiment des mêmes avantages. Où trouvez-vous dans cette interrogation l'équité à laquelle vous faites sans cesse référence ? Quelle sera la protection réelle du partenaire le plus faible en cas de rupture ? Il n'y en a aucune.

M. Yann Galut.

C'est faux !

M. Thierry Mariani.

Je peux comprendre que nous ayons des différences idéologiques. Je peux comprendre que sur certains points précis touchant les couples homosexuels, nous puissions apporter quelques améliorations, même si je considère que cela peut attendre et que leur situation réelle n'est pas si mauvaise, notamment si l'on prend en compte les récentes évolutions de la jurisprudence.

Je ne peux en revanche admettre que vous nous présentiez un texte bâclé - nous en sommes aujourd'hui à la cinquième version -, en fait totalement inapplicable et que vous confondiez égalitarisme et égalité. Cela, il est vrai, a toujours été le défaut majeur des socialistes. Décidément, vous n'avez rien retenu de vos erreurs passées ! Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre cette proposition de loi. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat beaucoup de choses ont été dites, enfin un certain nombre, pas toujours les meilleures. Vous me permettrez donc de me concentrer sur un des aspects de ce texte qui m'ont profondément déçu. Ma déception vient de ce que l'Assemblée nationale a loupé un rendez-vous important avec la démarche qui s'impose pour un texte de société.

Cette occasion perdue de réfléchir ensemble, de manièrer ichement contradictoire, « aura-t-été » escamotée.

(« Oh ! » sur de nombreux bancs.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Quelle liaison dangereuse !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Oh ! Ce n'est pas un « t » de plus qui changera quelque chose.

M. le président.

Mes chers collègues, ne vous arrêtez pas à ce genre de détail !

M. Georges Hage.

Ce n'est même pas un lapsus ! (Sourires.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Puisque vous êtes si sensible sur la forme, j'ajouterai que c'est effectivement la forme qui est la plus choquante dans ce débat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Guy Hascoët a tenu des propos intéressants, qui montrent à quel point ce texte est hypocrite et ambigu.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ambigu, parce qu'on a voulu masquer que c'est la communauté homosexuelle qui a proposé cette loi.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et alors ?

M. Yann Galut.

Ça vous dérange ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Absolument pas ! Mais que le débat à l'intérieur de l'Assemblée nationale soit dicté de l'extérieur par une minorité (Rires sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Didier Boulaud.

Elle est bien bonne !

M. Jean-Claude Lefort.

Et le grand patronat, il n'est pas minoritaire ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

... le fait évoluer vers un aspect parcellaire et communautaire qui ne me semble pas conforme à l'esprit de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est une première erreur.

La deuxième consiste à avoir dit une chose probablement vraie, mais ponctuelle, presque anecdotique et qui, finalement, nuit aux homosexuels, à savoir, M. Hascoët l'a encore répété, que cette loi est venue devant l'Assemblée à cause du sida.

M. François Vannson.

Heureusement que le préservatif est plus efficace que ce texte !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cette deuxième erreur est donc double : faire accroire que le sida est une maladie homosexuelle ; faire porter à la communauté homosexuelle la responsabilité d'une maladie qui, malheureusement, est répandue dans l'ensemble de la population.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Faut-il rappeler ici que les transfusés et les hétérosexuels souffrent aussi de cette maladie qui a emporté des jeunes gens, des jeunes femmes, des jeunes hommes ? Cette loi serait donc dictée non seulement par une minorité, mais de surcroît par des raisons de circonstance.

La troisième erreur, c'est que le Gouvernement a semblé, dans un premier temps, se désintéresser de ce texte laissant à l'initiative parlementaire socialiste le soin de le porter. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce recul était probablement nécessaire, car le texte lui paraissait un peu trop sulfureux, ainsi probablement que les propos du rapporteur, lequel a déclaré, non pas dans une interview à la presse, mais ici même, à la tribune de l'Assemblée nationale, que les couples homosexuels avaient vocation à adopter des enfants. Comme l'a très bien montré M. Goasguen, ces propos ont jeté la confusion non seulement dans les rangs de la majorité, mais dans la population tout entière.

M. Yann Galut.

Le ministre vous a répondu sur ce point !

M. Eric Doligé.

Ça ne suffit pas !

M. Jean-Antoine Leonetti.

A partir de l'intervention du Gouvernement, on se trouve devant un texte qui devient obligatoirement ambigu, car la synthèse à laquelle il a abouti avec les proposants essaie d'être lissée, respectabilisée, et donc dénaturée. Fini la mairie : trop solennel ! Fini les possibilités d'union devant tout le monde.

On va se trouver des petites solutions, sans trop le dire, pour faire en sorte que ce PACS, finalement, ne soit pas réservé aux homosexuels, mais concerne aussi les hétérosexuels, lesquels, pourtant, ne demandent rien.

Mme Monique Collange.

Ils sont quand même la majorité !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et puis on ajoute les frères et soeurs, parce que « faire famille », de temps en temps, cela plaît aussi à la majorité.

La majorité elle-même s'est trouvée un peu décontenancée devant cette proposition un certain vendredi.

Vous n'étiez ce moment-là, mes chers collègues, pas plus nombreux qu'à présent, c'est-à-dire minoritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Alors là, à l'erreur s'ajoute une faute. La majorité ne soutient pas le texte ! Député absent, député coupable, c'est M. Jospin qui vous le dit ! MM. Germain Gengenwin et Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et voici encore une erreur : faire croire d'abord que les députés n'ont pas droit à la liberté de vote, qui existe dans l'opposition (Rires sur les bancs du groupe socialiste) ;...

M. Michel Lefait.

La liberté des godillots !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... vous mettre ensuite dans une situation telle que vous êtes aujourd'hui tenus par un mandat impératif. On vous l'a rappelé ici : vous devez voter cette loi ! Vous êtes devenus les godillots du Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Leonetti ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et le Premier ministre est devenu le chef de la majorité.

De deux choses l'une.

Ou bien il s'agit d'un petit texte et il est juste qu'il soit d'initiative parlementaire. Mais alors, devant les problèmes des lycéens, des enseignants et des chercheurs, devant la situation dans les transports en commun, devant l'insécurité, devant l'enfance mise en danger par la déstructuration de la famille, les Français ne comprendront pas que vous ayez fait de ce petit texte votre priorité.

Ou bien il s'agit d'un grand texte, qui mérite un grand débat démocratique. Mais alors, il ne fallait pas escamoter le débat en commission. Il fallait écouter les experts. Il fallait écouter les juristes.

M. Yann Galut.

La dictature des experts !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il fallait écouter, publiquement, tous ceux dont l'avis pouvait être nécessaire.

Enfin, puisque vous êtes si certains qu'il recueille dans la population une large adhésion, pourquoi, sur un texte que vous avez qualifié vous-mêmes de fondamental, pourquoi, sur ce texte qui, selon vous, engage l'avenir de notre société et de nos familles, pourquoi donc n'envisageriez-vous pas un référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Pierre Lellouche.

Voilà !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous avez refusé le référendum pour la nationalité, envisagez-le pour le PACS.

Puisque vous êtes si sûrs d'avoir la majorité, donnez la parole au peuple ! (« Chiche ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Didier Boulaud.

Le seul référendum que vous ayez fait en quatre ans, c'était la dissolution ! Vous avez bu la tasse !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Malheureusement, parce que vous avez abordé ce débat avec l'hypocrisie dans une main et la démagogie dans l'autre, vous avez manqué ce rendez-vous démocratique. Le PACS ne sera pas la victoire de la gauche sur la droite, ce sera la victoire des ultras sur les modérés, et des thèses communautaristes sur les valeurs de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

M me Frédérique Bredin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, je n'ai pas cinq heures, mais cinq minutes.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

On vous les donne si vous voulez !

Mme Frédérique Bredin.

Cinq heures ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Chiche !

M. le président.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas au PMU, pas de paris inconsidérés ! Vous avez cinq minutes, madame Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Je ferai donc cinq remarques.

Première remarque : sur ce projet, l'opposition, la droite, a une attitude surprenante et déplacée.

M. Pierre Forgues.

Déplacée oui, surprenante non !

Mme Frédérique Bredin.

Le PACS est une réforme de société importante, mais la droite a préféré, à un vrai débat, une caricature de bataille parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est tout le contraire !

Mme Frédérique Bredin.

La droite a préféré l'obstruction à la réflexion.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

Mme Frédérique Bredin.

La droite a préféré la quantité à la qualité.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme Frédérique Bredin.

Cinq heures de jogging parlementaire de Mme Boutin ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M ille amendements incohérents, contradictoires ! (« Oh ! » sur les mêmes bancs.)

Deuxième remarque : l'opposition, pour contrer ce texte, a choisi un porte-drapeau extrémiste.

Mme Christine Boutin.

Bravo !

M. le président.

Madame Boutin, calmez-vous donc ! Pensez à tous ceux qui vous ont supportée pendant cinq heures ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Christian Estrosi.

C'est un jugement, monsieur le président, vous n'avez pas le droit !

M. Pierre Lellouche.

Vous devez rester neutre !

M. Michel Hunault.

Vous n'avez pas à prendre parti !

M. le président.

Mme Bredin, elle, n'a que cinq minutes, madame Boutin. Laissez-la s'exprimer.

Mme Frédérique Bredin.

La droite, donc, a versé dans un discours caricatural et désagréable fait de clichés et d'anathèmes. Nous n'avons pas un débat sur le PACS dans sa réalité, mais sur un PACS fantasmé.

M. François Vannson.

Sectaire !

Mme Frédérique Bredin.

Et faute de pouvoir attaquer un texte équilibré, on nous a parlé d'étranges choses, de nos intentions cachées, forcément diaboliques...

M. Maurice Leroy.

Halloween !

Mme Frédérique Bredin.

... avec une succession de procès d'intention, alors que, dans cette assemblée particulièrement, les mots devraient avoir un sens. Le texte qui vous est présenté...

M. Pierre Lellouche.

N'en a pas !

Mme Frédérique Bredin.

... est clair : il dit ce qu'il dit, et il y a également ce qu'il ne dit pas. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Richard Cazenave.

Baratin ! Achetez-lui un pipeau !

Mme Frédérique Bredin.

Vous nous avez fait une démonstration étonnante d'une forme d'apocalypse familiale où nous avons erré en plein fantasme...

Mme Christine Boutin.

En plein réalisme !

Mme Frédérique Bredin.

... avec d'un côté le paradis : le mariage quasi-perfection, de l'autre l'enfer : le PACS, une insulte à la tradition et, bien sûr, la décadence promise de notre société si elle se dirigeait dans cette voie.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Ce qui m'a choqué, moi, c'est ce discours de fausse morale, ce discours de culpabilisation et d'exclusion.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Car personne, chers collègues, ne doute de l'exemplarité de la vie familiale, de la vie conjugale de tous les députés de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui se posent aujourd'hui en héros meurtris de la famille.

M. Christian Jacob.

Quel rapport ?

Mme Frédérique Bredin.

Et pourtant, vous me permettrez un certain scepticisme, une certaine ironie, et en tout cas une interrogation : comment peut-on ainsi diviser le monde entre le bien et le mal, le péché ? Qu'est-ce qui donne ce droit supérieur à juger les vies et les personnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Troisième remarque : la droite a montré dans ce débat à quel point elle était figée et crispée, dès qu'on parlait d'évolution des moeurs, d'évolution de la société, à quel point elle était coupée, décalée des réalités.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Bernard Birsinger.

Elle est archaïque !

Mme Frédérique Bredin.

Mes chers collègues, vous ne semblez pas voir comment vivent vos concitoyens, nos concitoyens, comment vivent les jeunes.

M. Patrice Martin-Lalande.

Bourgeoise !

M me Frédérique Bredin.

Vous ne semblez pas comprendre les difficultés de la vie, les difficultés des existences, la complexité des choses, et finalement l'évolution des modes de vie.

M. Louis Mexandeau.

Ils sont encore en 1940 !

Mme Frédérique Bredin.

Regardez autour de vous, et je pense particulièrement à Mme Boutin.

Mme Christine Boutin.

C'est pour cela que je mets des lunettes !

Mme Frédérique Bredin.

Le mariage n'a pas attendu le PACS pour rencontrer de vraies difficultés. Depuis 1973, le nombre de mariages ne cesse de chuter : 40 % en vingt ans. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le nombre de divorces a quadruplé depuis 1960.

M. Christian Estrosi.

Il faut justement inverser la tendance !

Mme Frédérique Bredin.

Il n'y avait pas le PACS, ce n'est pas la faute au PACS. C'est bien sûr plus profond que cela : ce sont des évolutions réelles de nos modes de vie, de nos comportements. L'union libre est devenue un mode de vie choisi par de très nombreuses personnes : 4 millions aujourd'hui.

M. Eric Doligé.

Vous avez l'air vraiment heureuse...

Mme Frédérique Bredin.

Un enfant sur trois naît hors mariage.

M. Christian Jacob.

Qu'est-ce que le PACS apporte aux enfants ?

Mme Frédérique Bredin.

Les raisons sont très nombreuses. Il y en a une essentielle, sans doute, c'est que nous ne sommes plus à l'époque du mariage social, à l'époque du mariage de raison et qu'il y a aujourd'hui cette quête de bonheur, mais aussi cette exigence de vérité qui ne peut pas forcément s'accorder avec les mensonges d'antan. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Frédérique Bredin.

Quatrième remarque : le PACS...

M. Richard Cazenave.

Elle a dépassé son temps de parole !

Mme Frédérique Bredin.

On m'a beaucoup interrompu, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le PACS, contrairement à ce qui a été dit, n'est ni une parodie du mariage ni un mariage bis. Il ne touche pas à la philosophie du mariage...

M. Eric Doligé.

Il ne touche à rien !

Mme Frédérique Bredin.

... qui est fondé sur la durée et sur la fidélité. Il ne touche pas aux conséquences pratiques, aux attributs symboliques du mariage. Il s'agit d'un cadre juridique nouveau, mais pour vous le mot est peut-être difficile à comprendre ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

Un cadre juridique nouveau qui va permettre des associations libres et partenariales, de vrais soutiens et de vraies solidarités.

M. Christian Jacob.

Vous n'avez pas lu le texte !

M me Frédérique Bredin.

Cinquième et dernière remarque : pour ces raisons, le PACS est une grande réforme de société et nous avons de la chance de pouvoir le voter.

C'est un texte de liberté...

M. Robert Lamy.

Vous ne diriez pas cela si vous l'aviez lu !

Mme Frédérique Bredin.

... parce qu'il respecte les personnes et les comportements.

M. Richard Cazenave.

Il n'y a pas la queue d'un argument !

Mme Frédérique Bredin.

C'est aussi un texte de progrès social parce qu'il va permettre de protéger toutes les personnes qui vivent aujourd'hui hors mariage et qui ont besoin, en cas de décès d'un des partenaires, de maladie ou simplement d'abandon, qu'on leur permette de rencontrer une forme de sécurité juridique.

M. Arthur Dehaine.

Parlez-nous de la répudiation !

Mme Frédérique Bredin.

C'est un texte, enfin, qui va remailler la société, qui va permettre de créer de nouveaux liens sociaux, de nouvelles solidarités. Nous serons fiers de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Robert Lamy.

Lamentable !

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Richard Cazenave.

Sois explicite, Pascal ! Ils ont tous dépassé leur temps de parole à gauche !

M. le président.

Rassurez-vous, monsieur Cazenave, j'ai accordé la même proportion de dépassement à tous les orateurs. (Sourires.)

M. Richard Cazenave.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Nous ferons le compte, mais en dehors de cet hémicycle.

Je vous en prie, monsieur Clément.

M. Pascal Clément.

Madame la garde des sceaux, l'objet de votre proposition de loi ou plutôt de celle du groupe socialiste, puisqu'il s'agit d'une proposition, est d'étendre la solidarité nationale à plusieurs catégories de personnes qui ne souhaitent pas ou qui ne pourront jamais se marier. Je note d'ailleurs au passage que vous n'avez pas pensé aux sept millions de personnes qui vivent seules et qui ont un statut fiscal et social également pénalisant.

M. Louis Mexandeau.

Cela viendra : chaque chose en son temps !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Et puis un n'est pas égal à deux !

M. Pascal Clément.

Au-delà du problème que vous croyez résoudre par cette proposition de loi, il y a la question que vous ne traitez pas, mais qui est en filigrane derrière le PACS, celle que vient de traiter Mme Bredin et que je vais traiter à mon tour : l'évolution de la famille dans notre pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

En fait, il y a deux façons de comprendre la sociologie de la famille.

La première, celle qu'a choisie Mme Bredin, se contente d'un regard purement mathématique. On se borne à interpréter qualitativement des soldes positifs ou négatifs, et la conclusion est alors sans appel : nos contemporains n'aiment plus la famille. En gros, c'est ce qu'a dit Mme Bredin.

Si l'on s'en tient à cette analyse strictement quantitative, que constate-t-on ? Au regard des soldes négatifs, on constate en effet moins de mariages, moins de naissances, moins de naissances légitimes, moins de familles nombreuses, moins d'enfants procréés aux jeunes âges de la vie adulte.

Au regard des soldes positifs, on constate, et cela va dans le même sens, plus de concubinage, plus de divorces, plus de naissances hors mariage, plus de ménages unipersonnels, plus de foyers monoparentaux, plus de familles recomposées.

Telle est effectivement l'analyse quantitative de la démographie française. Mais ces chiffres n'ont d'intérêt que s'ils aident à comprendre ce qui se passe, et ils doivent être complétés par des études qualitatives. Il convient donc d'analyser la famille de l'intérieur.

La famille française semble traversée par trois mouvements : le souhait de la famille reste fort, mais il est dominé par des contraintes économiques, par des politiques inadaptées et par une idéologie malthusienne ou par des doutes, qui le restreignent.

En dépit de ces trois mouvements qui secouent la famille - où l'on peut voir la peur de la différence, l'hésitation devant les efforts demandés par l'engagement qu'une famille et sa préservation exigent, et une certaine crainte de la profusion de vie, symbole du futur - les enquêtes et les sondages, tant auprès des adultes que des jeunes, montrent une fidélité sans faille à l'idée de famille, union espérée durable d'un homme et d'une femme ayant vocation à accueillir un ou plusieurs enfants.

Il faut donc en finir avec le mythe de la pluralité des modèles familiaux. Il résulte d'une double erreur d'analyse : d'une part, penser que la vie privée aurait été systématiquement ordonnée à une certaine époque, selon un schéma ne varietur ; d'autre part, confondre l'existence de vies privées différentes avec une pluralité d'intentions familiales, alors que l'époque reste marquée par le maintien d'une aspiration fondamentale à la famille. Il est vrai, en revanche, que cette aspiration a du mal à trouver sa voie et son accomplissement, dans un environnement politique - nous y sommes - médiatique et psychologique qui lui est défavorable.

Voilà le constat, et non pas l'affirmation d'une évolution vers d'autres organisations humaines qui verraient la famille traditionnelle devenir un vestige social.

Si, comme vous le soutenez, vous n'avez que la solidarité pour préoccupation, je vous propose, madame la garde des sceaux, d'exercer simultanément et dans les mêmes proportions la même solidarité pour la famille.

Le coût de votre proposition se monte, dit-on, à six milliards de francs.

(« Huit ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

A huit milliards ? Eh bien, je vous demande d'inscrire huit milliards de francs dans une politique familiale renforcée. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Vous dissiperiez tous les doutes qui planent ici et là, vous dissiperiez les arrière-pensées et vous éclaireriez d'une lumière différente cette proposition de loi. Ainsi, vous ne tomberiez pas dans le travers d'une solidarité comme toujours, avec vous, sélective. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, reconnaître le couple en dehors de l'institution du mariage n'est pas une idée originale. D'autres pays l'ont fait avant nous : Danois, Norvégiens et Suédois ont mis en place des lois sur le partenariat. Le PACS n'est finalement que la reconnaissance par le droit français d'une réalité universelle, celle de couples vivant en dehors du mariage.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. Bruno Le Roux.

Ainsi, paradoxalement, le texte dont nous débattons aujourd'hui témoigne d'une avancée banale et considérable, car, face à l'injustice, contre la discrimination, notre code civil va évoluer. Cela étant, le PACS n'est pas un aménagement mineur, que l'on pourrait trouver par exemple, comme on nous l'a proposé, dans un projet fiscal et portant diverses dispositions d'ordre moral ou religieux. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plus encore, il est une expression de notre refus de voir se perpétuer les principes organisant la marginalisation légale des homosexuels. Ce faisant pourtant, nous proposons aujourd'hui d'organiser un statut global pour les couples, en dehors de toutes considérations tenant à la vie privée, et donc forcément sans créer de statut spécifique pour les couples homosexuels. Certains, à un moment, l'ont imaginé, notamment dans un souci partagée. L'idée était généreuse, humaine - je l'ai d'ailleurs partagée. Elle s'accordait cependant mal à la tradition républicaine issue de la philosophe des Lumières qui garantit à l'individu le respect de sa liberté individuelle et de sa vie privée.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Nicole Bricq.

Parfaitement !

M. Bruno Le Roux.

Nous avons fait le choix d'organiser un statut pour les couples. Cela ne veut pas dire que nous souhaitons passer sous silence la reconnaissance du couple homosexuel, bien au contraire : c'est une réalité sociale dont nous prenons acte et, plutôt que de continuer à feindre l'ignorance, nous la reconnaissons.

M. Robert Lamy.

On ne vous a pas attendus pour le faire !

M. Bruno Le Roux.

Nos principes républicains et laïques ne peuvent qu'être confortés par un texte qui assure aux concubins homosexuels les mêmes droits que ceux dont disposent les concubins hétérosexuels. Dans la liste des exclusions et des discriminations, cela en fait une de moins.

M. Christian Jacob.

C'est vous qui les mettez sur fichier, tout de même !

M. Bruno Le Roux.

Ceux qui organisent la fronde contre le PACS crient à l'abandon des valeurs du mariage et de la filiation. Ils se trompent et cela a d'ailleurs été


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

plusieurs fois démontré ici. En aucun cas, le PACS ne vient empiéter sur le mariage. Prévoit-on une obligation de conclure un PACS avant de s'engager par mariage ? Non. Préconise-t-on une publicité particulière au détriment du mariage ? Non. Alors, à qui veut-on faire croire que le PACS mettrait cette institution en danger ? La République, berceau de la laïcité, ne doit pas rester figée dans des principes d'un autre temps. Elle doit au contraire accompagner le mouvement de la société pour assurer au mieux un traitement semblable à l'ensemble de ses citoyens placés dans des situations de fait similaires.

La loi, par sa portée symbolique, peut accompagner l'évolution de notre société, même si quelquefois, et c'est tant mieux, elle est en avance sur l'évolution de certains Français ou de certains députés. Le Premier ministre rappelait, il y a quelques jours, la nécessité de mettre en phase la loi et la vie. Le PACS répond à cette nécessité en s'appuyant sur des principes forts de notre République comme le principe de non-discrimination.

Oui, la reconnaissance par le droit d'un statut du couple non marié constitue une réelle avancée fidèle à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Convention européenne.

M. Eric Doligé.

C'est faux !

M. Bruno Le Roux.

Ce texte porte résolument l'empreinte d'une assemblée majoritairement à gauche, d'une assemblée moderne et généreuse, d'une assemblée à l'écoute de son temps.

M. Didier Boulaud.

Très bien !

M. François Vannson.

Vous n'êtes pas très convaincant, monsieur Le Roux !

M. Bruno Le Roux.

L'histoire politique des socialistes et de la gauche, en particulier, est marquée de ces grandes avancées. Que ce soit en matière sociale ou dans le domaine de la vie privée.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. Bruno Le Roux.

On a rappelé tout à l'heure le soutien que Simone Veil a trouvé parmi les socialistes : grâce à eux, elle a pu avoir la majorité dans les débats sur l'avortement.

(Exlamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Rudy Salles.

Propos malhonnête !

M. Didier Boulaud.

Ça vous fait mal d'entendre ça ! Mais c'est la vérité ! Elle avait été insultée !

M. Bruno Le Roux.

Rappelons-nous donc et observons que la droite reste la droite, figée, rétive aux évolutions (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) mais, finalement, assez hypocritement bien contente de trouver la gauche pour apporter à la loi le souffle de la vie et du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien !

M. Bruno Le Roux.

Et je m'amuse de cette ficelle que l'on nous sort à tous les débats, au moment de l'examen du code de la nationalité - il n'y a pas si longtemps, madame la garde des sceaux - aujourd'hui avec ce texte : ce fameux référendum que l'on nous demande d'organiser quand on est sûr de ne pas l'obtenir !

M. Bernard Roman.

Quelle hypocrisie !

M. Bruno Le Roux.

Pour nous, les élections valent le référendum pour légitimer l'application de notre programme politique.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Absolument !

M. Robert Lamy.

Non, le PACS n'était pas dans votre programme !

M. Bruno Le Roux.

Au-delà de l'homme de gauche, le parlementaire attaché à la force symbolique du droit que je suis s'inscrit dans cette tradition de progrès.

M. Eric Doligé.

Ça se voit !

M. Bruno Le Roux.

Sans porter atteinte aux consciences, sans mettre en danger aucune institution, nous allons, par cette loi, fortifier notre société...

M. Rudy Salles.

La ruiner !

M. Bruno Le Roux.

... et mettre fin à une discrimination sociale ! Madame la ministre, le maire que je suis va donc bientôt arrêter de signer des certificats de concubinage aux couples homosexuels. Je resterai fier de l'avoir fait dès mon élection à la mairie d'Epinay, comme beaucoup d'autres maires. Je suis heureux aujourd'hui que la loi vienne relayer nos convictions et notre volonté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Ça, c'est la gauche !

M. le président.

Mes chers collègues, prenez exemple sur M. le Roux (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour ce qui concerne le respect du temps de parole ! (Sourires.)

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les centaines de lettres...

M. Yann Galut.

Non, les milliers !

M. Alain Cacheux.

Les millions !

M. Christian Estrosi.

... de citoyens de gauche comme de droite que nous recevons nous le démontrent, ce débat revêt pour l'immense majorité des Français un caractère complètement irréaliste.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Irréaliste d'abord sur la forme car la discussion de cette même proposition de loi qui a été déclarée inconstitutionnelle par l'adoption de l'exception d'irrecevabilité, le 9 octobre, s'assimile à un véritable coup de force. En voulant faire adopter le PACS, contre l'avis de la représentation nationale, vous vous livrez à un coup de force institutionnel.

Ce débat n'a pas lieu d'être, il a déjà été tranché, contre vous, et surtout contre la provocation permanente qui sous-tend cette proposition.

Madame la ministre, vous savez bien que si l'exception d'irrecevabilité a obtenu dans cet hémicycle une adhésion majoritaire, c'est parce que ce vote traduisait fidèlement le sentiment d'une majorité de députés, aussi bien à gauche qu'à droite. Vous avez dû mettre de l'ordre dans vos rangs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Sous la pression !

M. Christian Estrosi.

Vous l'avez fait de façon coercitive, les menaces ont plané, les sanctions ont pointé.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Des manifs ! Des manifs ! (Sourires.)

M. Christian Estrosi.

Bref, après un coup de force institutionnel, vous avez pratiqué un coup de force politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Les exclusions, c'est bon pour le RPR, pas chez nous !

M. Christian Estrosi.

Même si votre majorité est mise au pas, sous les ordres des lobbies,...

M. Yann Galut.

Enfin, la droite se dévoile !

M. Christian Estrosi.

... vous commettez une grave erreur, en n'écoutant pas les Français, et vous le savez bien. C'est pourquoi vous n'avez pas hésité, pour faire adopter le PACS, à engager une vaste entreprise de désinformation.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous n'avez pas le courage d'assumer la seule et unique vocation de ce texte, c'est-à-dire l'introduction dans le droit français d'un véritable mariage homosexuel.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour masquer cet état de fait, vous avez créé un monstre juridique.

M. Henri Cuq.

Tout à fait !

M. Christian Estrosi.

Le PACS pourra s'appliquer à tous les couples non mariés. Il pourrait même concerner les frères et les soeurs. Tout cela n'est que leurre et diversion. En refusant de dire clairement la vérité aux Français, vous vous livrez à un coup de force médiatique.

M. Didier Boulaud.

Qu'est ce qu'on est forts !

M. Christian Estrosi.

Coup de force institutionnel, coup de force politique, coup de force médiatique : cela fait beaucoup pour ce texte qui est un mauvais projet pour la France ! Au-delà de sa forme éminemment contestable, le PACS est également irréaliste par son contenu. Il bouleverse l'équilibre juridique français tel qu'il a été fondé par le code civil, celui-là même que nous laissa Napoléon Ier

M. Georges Hage.

Quelle référence !

M. Christian Estrosi.

Jusqu'à l'Empire, les mariages en France étaient dépassés en nombre par les divorces. Ce ne fut plus le cas quelques années plus tard avec le code civil.

Le gouvernement socialiste de 1998 remet en cause cet héritage inestimable alors que l'institution du mariage organise la vie sociale en France depuis plus de deux siècles. Alourdir ainsi notre droit et multiplier les complications juridiques futures constitue une erreur et une faute.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

La liberté n'est pas une complication !

M. Christian Estrosi.

Ne sacrifions pas 200 ans d'histoire pour faire plaisir à quelques-uns,...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Qui sont les

« quelques-uns » ?

M. Christian Estrosi.

... et ce au détriment des familles.

M. Henri Cuq.

Eh oui !

M. Christian Estrosi.

Après avoir limité l'attribution des allocations familiales, après avoir supprimé les exonérations fiscales pour les allocations de gardes d'enfants dont bénéficiaient des mamans qui pouvaient s'épanouir par le travail, tout en éduquant leurs enfants (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), après avoir abaissé le plafond du quotient familial et retiré près de 7 milliards de francs aux familles...

M. Bernard Roman.

Avec vous, c'était 40 milliards !

M. Christian Estrosi.

... vous trouvez tout d'un coup 6 à 24 milliards de francs dans les caisses de l'Etat pour mettre en place les futurs PACS ! La vérité se dévoile : vous n'aimez pas la famille,...

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman.

On n'aime pas la droite surtout !

M. Christian Estrosi.

... fidèle en cela aux vieux oripeaux d'une idéologie collectiviste, aussi ridicule que désuète.

M. Yann Galut.

C'est caricatural !

M. Bernard Roman.

Affligeant !

M. Christian Estrosi.

Vous ne l'aimiez pas hier en l'asphyxiant financièrement. Vous ne l'aimez pas aujourd'hui en la condamnant juridiquement.

M. Yann Galut.

Les familles ont voté pour nous !

M. Christian Estrosi.

La justification des avantages accordés aux familles par l'Etat signe la juste contrepartie de leurs efforts pour préparer l'avenir de la France à travers la descendance des générations qu'elles assurent.

Comment justifier auprès de ces familles que les couples issus du PACS qui, par définition et à une très grande majorité, n'auront pas d'enfant, vont bénéficier d'avantages quasi-identiques à ceux dont elles disposent ? C'est en cela que ce projet est pernicieux, car il est déstabilisateur d'une société bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Alors que des jeunes n'ont plus d'échelle des valeurs...

Mme Monique Collange.

Mais non ! Les jeunes font des enfants !

M. Christian Estrosi.

... que certains de plus en plus jeunes tuent, violent, volent pour un oui ou pour un non (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), vous faites perdre encore un peu plus les repères à ceux qui en ont le plus besoin ; ceux qui sont en devenir.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Nous ne sommes pas à Nice ici !

M. Christian Estrosi.

Les dangers du PACS sont multip les. Tout d'abord, vous réinventez la répudiation légalisée.

M. Yann Galut.

N'importe quoi !

M. Christian Estrosi.

Dans le PACS un simple courrier suffit, en effet, pour mettre un terme à la vie commune.

Au XXe siècle en France, pays des droits de l'homme, une relation établie dans le cadre d'un PACS unissant deux êtres humains peut se terminer de façon unilatérale du jour au lendemain. Que se passe-t-il si l'un des deux


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

signataires du PACS est malade ? Rien, contrairement au mariage, n'empêche la rupture. Rien dans le PACS n'est prévu pour régler ces problèmes. Et il est bien évident que les plus faibles seront les premières victimes de ce dispositif et se retrouveront abandonnées sans recours possible.

L'orientation sociale de cette proposition est, dès lors, d ifficilement perceptible. Cet avantage systématique accordé au plus fort est particulièrement dangereux en cas de naissance dans le PACS ou encore d'intérêts ou de patrimoine importants de l'un des deux signataires.

Pourtant, les similitudes avec le mariage sont nombreuses. Le PACS bénéficie des avantages sans les inconvénients ou plus exactement sans les devoirs du mariage. Oh, les caractéristiques du mariage sont bien là ! Tenez, le PACS organise la répudiation, à la manière du divorce dans le mariage. Finalement, où est la différence ? Cela posera d'énormes difficultés de gestion pour les créanciers éventuels, en cas de naissance, pour l'héritage.

Rien n'est prévu dans ce texte qui permette de résoudre raisonnablement les situations conflictuelles.

Comment refuser demain, après que le PACS eut offert un certain nombre d'avantages sociaux et juridiques, une extension aux pensions de réversion, déstabilisant encore un peu plus nos régimes de retraite ? Et après-demain, comment s'opposer à des demandes de procréation médicalement assistée ou d'adoption pour les couples homosexuels, avec des conséquences extrêmement préjudiciables pour les enfants ? C'est pour moi le point le plus préoccupant du monstre juridique et social que vous êtes en train de mettre en place.

M. le président.

Monsieur Estrosi, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?

M. Christian Estrosi.

Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président.

M. le président.

Il ne s'agit pas de vous acheminer, il s'agit de conclure !

M. Christian Estrosi.

Les droits de l'enfant ne sont, en aucun cas, pris en compte dans ce texte. M. le rapporteur de la commission des lois a lui-même indiqué dans la presse que l'éducation d'un enfant par des parents de sexe différent n'était pas une fatalité immuable.

Comme ce sont les inspirateurs de ce texte qui ont triomphé en imposant cette discussion, je crains qu'ils ne parviennent, demain, à imposer également ce qui constituerait une dérive majeure de notre organisation sociale et qui ne manquerait pas de déstabiliser profondément notre société.

C'est pourquoi, pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), votre texte est inacceptable et même si votre vote l'impose, les Français ne l'accepteront pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Yann Galut.

Enfin un modéré ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe de Villiers.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mesdames, messieurs les députés, il est clair, pour chacun d'entre nous, que ce débat touche aux fondements, aux principes mêmes de notre société. Il mériterait qu'on se passe d'insultes, d'invectives et d'injures.

Pour ma part, je répèterai ici ce que toute l'opposition ne cesse de dire depuis quelques jours...

Mme Odette Grzegrzulka.

Toute ? Sauf Mme Bachelot !

M. Philippe de Villiers.

... et que nous entendons dans tous les départements français : le PACS est un antimariage.

Mme Monique Collange.

C'est faux !

M. Philippe de Villiers.

C'est un modèle concurrent du mariage, parfaitement décalqué de celui-ci. Mais c'est un dispositif à tiroirs. Dans le premier tiroir, on commence par affirmer des droits et quelques devoirs ; dans le second, on trouve la possibilité d'adopter des enfants pour les couples homosexuels. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je le dis en regardant M. le rapporteur Jean-Pierre Michel. Ce fin juriste, qui défend ce projet depuis longtemps avec honnêteté et en conscience, ne cesse de répéter, comme d'ailleurs l'évolution aux PaysBas...

M. Didier Boulaud.

En Suède !

M. Philippe de Villiers.

... l'a montré, et M. Goasguen l'a rappelé, qu'on ne peut pas s'arrêter là. Eh oui, mesdames et messieurs de la gauche, la logique du droit vous amènera à la conclusion inévitable de l'adoption des enfants par les couples homosexuels.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Monique Collange.

On n'en est pas là !

M. Philippe de Villiers.

Ces quelques vociférations ne m'intimident nullement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) En réalité, j'en ai la conviction, les initiateurs du PACS sont de plus en plus mal à l'aise.

(Rires sur les mêmes bancs.)

M. Henri Cuq. C'est clair ! M. Philippe de Villiers. ... parce qu'ils sentent au fil des jours que les Français sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur les motivations et les conséquences d'un projet absurde. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yann Galut. C'est faux ! Monsieur de Villiers, il n'y avait personne à votre manifestation ! M. Philippe de Villiers. Eh oui, vous avez cru, mesdames, messieurs de la majorité, que les choses se passeraient facilement, et que vous pourriez faire passer la loi par effraction ! M. Bernard Roman. Arrêtez de provoquer ! M. Philippe de Villiers. Vous vous êtes aperçu que le coup était manqué. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Alors, ce matin, vous avez demandé au président de l'Assemblée nationale lui-même, Laurent Fabius, ce qui est grave, gravissime même, et inédit dans les annales parlementaires (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) d'attenter à nos us et coutumes et au règlement de l'Assemblée nationale.

M. Didier Boulaud. Séguin ! Séguin ! Séguin ! M. Jean-Pierre Blazy. Rendez-nous Boutin ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1998

M. Philippe de Villiers. Le modèle que vous nous proposez est un modèle de consumérisme et de violence.

Comment pouvez-vous parler de liberté, de paix sociale et de justice alors que le PACS signifie la fin de la protection du plus faible, avec le droit unilatéral de répudiation ? M. Yann Galut. C'est le diable ! (Mêmes mouvements.)

M. Philippe de Villiers. Le PACS est profondément hostile à l'idée même de justice sociale. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Et puis, il y a cette coïncidence symbolique, que tous ceux qui m'ont précédé à cette tribune ont souligné : au moment où vous mutilez le statut fiscal des familles,...

M. Alain Cacheux. Riches ! M. Philippe de Villiers. ... vous créez un statut juridique pour les couples homosexuels. C'est 6 milliards d'un côté et 6 milliards de l'autre. Ce n'est pas qu'une coïncidence symbolique, c'est une volonté de détruire les bases de la société. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Or, pour demain, plus qu'hier encore, la famille c'est une question de justice, de survie, et d'équilibre affectif pour les enfants. Mme la garde des sceaux l'a dit elle-même dans son propos introductif, en installant une sorte de pare-feu et de masque : un enfant a besoin d'un père et d'une mère. Tirez-en les conclusions et retirez ce texte qui, en guise d'innovation, annonce le retour à la barbarie. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, conservez un peu de calme, je vous prie ! M. Philippe de Villiers. Vous vous inscrivez dans la tradition de tous ceux qui ont sapé les bases de la société, en commençant par s'attaquer à la famille.

M. Yann Galut. Vous vivez dans un autre monde, monsieur de Villiers ! M. Philippe de Villiers. Vous vous apprêtez à violenter la loi la mieux établie de notre vieille civilisation, celle qui nous a dotés d'une mémoire personnelle et culturelle.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Vous touchez aux fondements de la société.

Vous avez beau vociférer (Rires et exclamations sur les mêmes bancs), un jour les victimes se lèveront (Rires et exclamations sur les mêmes bancs) et se tourneront vers vous, en vous jetant à la face une expression terrible :

« Vous êtes le socialisme démolisseur ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Alors, permettez qu'avec toute l'opposition nous vous disions : « Oui, nous ferons tout pour vous empêcher de démolir la société (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), de démolir la famille (Exclamations sur les mêmes bancs), de démolir la France ! » (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Nous espérons, et nous savons, comme vous, que le Conseil constitutionnel anéantira votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, après une telle intervention, j'ose à peine proposer aux représentants de ce peuple barbare de lever la séance. (Sourires.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion des propositions de loi : de M. Jean-Pierre Michel ; de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues ; de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues ; de M. Guy Hascoët ; de M. Alain Tourret, relatives au pacte civil de solidarité (nos 1118, 1119, 1120, 1121 et 1122).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1138).

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1143).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT