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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

1. Loi de finances pour 1999 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi.

(p. 8867).

INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'industrie.

M. Claude Billard, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'industrie.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances, pour La Poste et les télécommunications.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour La Poste et les télécommunications.

Suspension et reprise de la séance (p. 8875)

MM. Christian Bataille, Franck Borotra, Claude Gaillard, Claude Gatignol, Roger Meï, Yves Cochet, Jacques Guyard, Félix Leyzour, François Brottes, Daniel Paul, Alain Gouriou, Jean-Pierre Kucheida.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Réponses de M. le secrétaire d'Etat aux questions de : MM. Alain Gouriou, Jacques Guyard, Olivier de Chazeaux, Robert Galley, Claude Gatignol, Georges Hage, Roger Meï, Franck Borotra.

ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE III. - Industrie

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 8904)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 8904)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8905).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 1999 (DEUXIÈME PARTIE) Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1078, 1111).

INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits de l'industrie, de La Poste et des télécommunications.

La parole est à M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'industrie.

M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, « il n'y a pas d'économie forte sans industrie forte » : cette formule, pourtant battue en brèche par le mouvement de désindustrialisation de ces dernières années, garde aujourd'hui toute son actualité.

Faut-il rappeler que, par les richesses qu'elle crée, par la valeur ajoutée qu'elle produit, l'industrie est la principale source de développement du secteur tertiaire ? Faut-il souligner que son emprise sur l'économie est estimée à plus de 50 % du PIB national, qu'elle assure près des deux tiers de l'effort de recherche et développement et qu'elle emploie près de 4 millions de personnes, auxquelles correspondent autant d'emplois indirects dans le secteur des services et dans la sous-traitance ? L'industrie, enfin, est un élément essentiel de l'aménagement du territoire.

Faut-il regretter, dans ces conditions, que depuis seize mois, l'Etat attache à l'industrie une nouvelle et bénéfique attention ? Faut-il regretter que vous cherchiez, monsieur le secrétaire d'Etat, à développer une nouvelle politique offensive dans un environnement dominé par les effets de la mondialisation ? Sûrement pas ! En 1997, l'industrie a joué un rôle moteur dans la croissance économique française. Dans un environnement international demeuré favorable malgré la crise asiatique, les exportations industrielles françaises, en progression de 14 %, ont été le principal soutien de la croissance. La reprise est donc nette, avec une production industrielle qui croît au rythme exceptionnel de 7 % par an depuis l'hiver 1997, le tout débouchant sur des créations d'emplois, et c'est bien là, évidemment, le plus important.

L'examen du projet de budget pour 1999 s'inscrit dans ce contexte nouveau. Les défis auxquels doivent faire face les entreprises françaises sont multiples. Ils vont de la mise en place de l'euro et de la réduction du temps de travail à l'adaptation des entreprises du secteur de l'énergie à l'ouverture du marché européen de l'électricité et du gaz.

La poursuite de la reprise dépend désormais de la place que les entreprises sauront réserver à l'innovation. C'est sur ce point que doit se concentrer le soutien de l'Etat, au service de l'emploi et d'une vision à long terme de notre économie.

C'est d'ailleurs cette orientation qui inspire clairement le projet de loi de finances pour 1999. Il se caractérise par une légère progression des crédits de l'industrie, qui doit être replacée dans le contexte de très faible inflation que connaît notre pays. A structure constante, les moyens de paiement s'élèvent à 15,3 milliards de francs, en progression de plus de 1 % par rapport à 1998, et les autorisations de programme à 5,6 milliards de francs. La réduction apparente des crédits disponibles est liée, nous le savons tous, à des variations d'imputation budgétaire, la nouvelle organisation du ministère de l'économie et des finances conduisant à regrouper au sein d'une même section les crédits de personnel et de fonctionnement de son administration.

Il s'agit donc d'un budget dynamique, qui prolonge avec force les actions définies en 1998, en mettant l'accent sur l'innovation technologique, en orientant plus particulièrement le soutien public en direction des PMI et en veillant à promouvoir un environnement favorable au développement des entreprises. Il permet aussi de relancer une véritable politique de maîtrise de l'énergie et de soutien aux énergies renouvelables.

Parmi les points saillants de ce projet de budget, j'évoquerai d'abord la politique énergétique.

Elle doit évoluer - vous le souhaitez, nous le souhaitons - pour être, d'une part, plus transparente et plus ouverte, et, d'autre part, plus équilibrée, en maintenant le nucléaire à un haut niveau de performance tout en développant une politique de maîtrise de l'énergie avec des moyens adaptés.

Au cours du colloque que nous avons organisé à l'Assemblée nationale en juin dernier, j'ai appelé l'ensemble des responsables - élus, professionnels ou associatifs - à aborder ce thème avec une nouvelle logique, une nouvelle culture moins manichéenne, bref une a pproche qui dépasse le traditionnel affrontement nucléaire-antinucléaire et qui refuse de borner l'horizon de nos réflexions aux limites de l'Hexagone.

M. Yves Cochet.

Très bien !


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M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

On avance ! Ainsi, sur le plan de la démocratie, je me réjouis de l'évolution des esprits - effort de transparence des opérateurs, mise en place annoncée d'une autorité indépendante -, mais il faut aller plus loin, à commencer par cette maison. Il est, en effet, un peu surréaliste de constater que le programme électronucléaire français, avec la réalisation de plusieurs dizaines de centrales et la création du CEA, n'a jamais fait l'objet d'aucune loi. En dehors de quelques débats, d'ailleurs conclus le plus souvent sans vote, on ne peut guère mentionner dans ce domaine que l'adoption de la loi Bataille, dont je salue ici l'auteur, en 1991. On pourrait, me semble-t-il, améliorer la performance, et sans trop de difficulté. En commençant, monsieur le secrétaire d'Etat, par appliquer la loi Bataille, en décidant notamment sans tarder des sites où seront installés les laboratoires de stockage souterrain. C'est une question de respect de la représentation nationale tout autant que de bon sens technique.

De même, la diversification du programme MOX doit être poursuivie : l'avenir de la COGEMA dans ses prestations avec ses partenaires étrangers, pour l'essentiel japonais, en dépend. Toutes les études de contrôle et de sûreté étant achevées, il ne manque désormais, à ma connaissance, qu'une seule signature pour la publication du décret d'autorisation. Qu'attendons-nous, monsieur le secrétaire d'Etat ? On pourrait améliorer aussi les choses sur le plan démocratique en organisant un grand débat sanctionné par un vote au Parlement sur un projet de loi d'orientation pluriannuelle. Vous y êtes, je le sais, personnellement favorable.

Sur le fond, notre politique énergétique se doit de répondre au défi de l'ouverture des marchés. En Europe, cette ouverture représente un enjeu majeur qui nous impose d'assurer la compétitivité des approvisionnements et des opérateurs énergétiques, de façon à diminuer le coût de l'énergie pour l'ensemble des acteurs économiques et des usagers. Ce contexte pourrait conduire à un rapprochement entre EDF et GDF afin de proposer des offres multi-énergies. Ces deux entreprises seront également amenées à rechercher des partenariats locaux, européens et internationaux. A cet égard, on doit se féliciter des nouvelles ambitions d'EDF à l'international, qui se sont déjà traduites, ces derniers jours, par une candidature bien placée au rachat de London Electricity.

Je suggère également d'en venir à une politique de régulation, avec la création d'une agence capable de favoriser les relations entre les collectivités - européenne, nationale et locales - et les sociétés de services, capable aussi de promouvoir ces sociétés en France et à l'étranger.

Notre politique énergétique repose d'abord sur le choix nucléaire. Toutefois, une politique équilibrée doit passer par la recherche d'une plus grande diversification énergétique ainsi que par des efforts en matière de maîtrise de l'énergie.

Les engagements pris à Kyoto nous incitent fort heureusement à prendre à nouveau avec détermination des mesures fortes en faveur du développement des énergies renouvelables, dans les applications où leurs performances propres les rendent compétitives, et en faveur de la recherche, qui prépare l'avenir à long terme dans des domaines le plus souvent éloignés de la compétitivité économique. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir pris les mesures politiques et budgétaires permettant de mener cette politique de rééquilibrage dans le domaine énergétique. D'ailleurs, la France n'est pas si mal placée puisqu'elle est le premier producteur européen d'énergies renouvelables, secteur qui représente la deuxième source d'énergie nationale.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, a un rôle essentiel à jouer dans cette relance. Ses crédits explosent et je m'en réjouis.

M. Yves Cochet.

Moi aussi !

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

L'agence va pouvoir recentrer sa mission sur ses objectifs.

C'est très bien. Mais il faudrait aller plus loin en engageant une politique fiscale plus favorable aux choix écologiques et permettant de corriger la demande, en particulier dans les transports. C'est dans ce domaine, nous le savons tous, qu'il y a le plus de progrès à faire, en matière de maîtrise de l'énergie, de réduction des coûts et même d'organisation, pour le troisième millénaire, d'une société plus respectueuse de l'environnement.

L'impact en termes d'emploi n'est pas non plus à négliger, puisque le contenu-emploi d'un kilowatt-heure produit par énergie renouvelable est le double de celui des énergies fossiles. La diversification des moyens de production d'électricité, avec le développement de la cogénération par exemple, les expérimentations sur les transports propres avec l'utilisation du GPL et du GNV sont à encourager, comme j'essaie de le faire moi-même dans ma ville de Grenoble.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

T outes ces technologies favorisent de surcroît une approche plus décentralisée des questions énergétiques et donnent un rôle accru - c'est le cas de Grenoble - aux collectivités locales.

Mener une politique efficace de maîtrise de l'énergie, diversifier les sources de production non polluantes et décentralisées, instaurer une instance de régulation, toutes ces initiatives sont indispensables et complémentaires de la valorisation du savoir-faire et de l'expertise de la France dans le secteur électronucléaire. C'est devenu une habitude de citer, parmi les plus belles réussites industrielles de la France de l'après-guerre, le programme électronucléaire, presque comme si ces résultats allaient de soi.

Pourtant, près de 1 000 milliards de francs d'investissement cumulé, un taux d'indépendance de 52 % rendu possible par une production d'électricité à 80 % d'origine nucléaire, 30 000 emplois directs, 28 milliards d'exportation annuelle d'électricité et services, ce sont des résultats exceptionnellement solides, fruits d'une politique volontaire et soutenue.

Mais ne nous y trompons pas : les problèmes de demain, c'est-à-dire de l'échéance 2006, d'abord, avec la gestion de l'aval du cycle du combustible, puis de l'échéance 2010, avec le début du renouvellement du parc le plus ancien et le démantèlement associé, exigeront une détermination et une intelligence collective comparables à celles des trente années écoulées.

J'ajoute que l'évolution des choses en Allemagne renforce la responsabilité de la France dans le domaine du nucléaire et de la sûreté.

M. Yves Cochet.

Et son isolement.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Il y là une responsabilité nationale, mais aussi internationale, à laquelle nous ne pouvons nous dérober.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Nous devons valoriser ce patrimoine national qu'est notre industrie électronucléaire et, pour cela, donner les moyens à EDF, à GDF, à Framatome et à la COGEMA, de construire un outil leur permettant d'être encore plus conquérants à l'exportation.

A l'international, le projet EPR franco-allemand est un bon exemple qu'il faut absolument mener à terme et concrétiser, comme l'a annoncé le Premier ministre à notre colloque de juin dernier, car il présente un triple intérêt : partenarial, économique et technologique. Par ailleurs, qu'attendons-nous pour ouvrir une partie, la partie non publique, du capital de Framatome à nos partenaires étrangers afin d'amplifier nos chances à l'exportation ? Monsieur le ministre, je sais que vous avez pris des contacts avec l'Allemagne et avec la Grande-Bretagne.

Vous êtes sur la bonne voie, il faut poursuivre.

Enfin, concernant les crédits du CEA, si j'approuve la poursuite de la rebudgétisation, je veux souligner néanmoins son insuffisance, en raison des difficultés auxquelles cet organisme peut se trouver confronté en 1999, et parce que le recours à des cessions d'actifs de CEA-I ne peut être envisagé à long terme.

M. François Brottes.

Exact !

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Il faut assurer plus que jamais l'avenir de cet établissement prestigieux et irremplaçable en maintenant son unité et sa dynamique propre. Il faut lui donner les moyens de travailler sur la gestion des déchets radioactifs à vie longue et sur le recyclage du plutonium, mais aussi d'aborder des domaines aussi variés que la filière électronucléaire numérique et les biotechnologies, qui font maintenant partie d'un patrimoine national que nous avons à valoriser. La décision d'implanter une nouvelle usine de microcomposants à Grenoble-Crolles, prolongement de tous les efforts de recherche accomplis au CEA et à France Télécom, va dans ce sens. Un grand merci au passage, monsieur le secrétaire d'Etat, pour votre concours politique et financier, qui a été décisif dans cette grande bataille.

L'innovation et le soutien aux PME constituent la deuxième priorité de votre budget.

Face à la concurrence des pays à bas niveau de rémunération ou à celle des entreprises des grands pays industrialisés, l'innovation constitue l'arme la plus importante pour nos entreprises. A cet égard, nous avons à tirer le meilleur profit de l'excellent rapport que nous devons à Henri Guillaume. Tirons-en quelques conséquences pratiques.

Pour une meilleure lisibilité du dispositif des aides régionales, je propose que le soutien à l'innovation et au développement technologique soit géré par l'ANVAR, et le soutien au développement industriel et à l'exportation par les DRIRE et les DRCE.

Pour une plus grande efficacité, je souhaite qu'on adopte enfin une bonne échelle territoriale. Dans l'économie européenne du XXIe siècle, les pôles de développement sont à la taille d'un Land allemand, ou d'une prov ince espagnole. Les politiques de transport, d'aménagement du territoire, de développement de la recherche et de l'économie doivent être définies à cette échelle. Cela signifie clairement qu'il faut encourager le travail en réseau des grandes agglomérations et des grandes régions avec des méthodes de type « bottom-up » inspirées des programmes Eurêka. Cela veut dire que les futurs contrats de plan Etat-régions devront impérativement inclure un volet « innovation et transfert de technologies ».

Pour donner à tout cela un affichage politique fort, il faut enfin un projet gouvernemental de soutien à l'innovation et de transfert de technologies qui fasse suite aux Assises nationales de l'innovation du 12 mai dernier. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, de savoir que cette priorité accordée au couplage recherche-industrie doive faire prochainement l'objet d'un acte législatif, le premier d'importance, dans ce domaine, depuis les lois du 15 juillet 1982 et du 26 janvier 1984.

J'en viens à présent au soutien aux PMI. Celles-ci recèlent, en effet, des potentialités de développement considérables. Toutefois, s'agissant de l'effort public de recherche industrielle, il est nécessaire d'accélérer encore l e rééquilibrage en leur direction. Favorable à la reconduction du crédit impôt-recherche, je vous suggère néanmoins de cibler cette mesure sur les PMI, qui consacrent un effort important à la recherche-développement, sans bénéficier autant que les grandes structures des aides mises en place.

Enfin, le soutien que vous accordez au système de formation constitue l'un des axes majeurs d'une politique volontaire de développement industriel. Il n'existe pas d'industrie forte sans système de formation performant.

Nous disposons d'un réseau d'écoles de très haut niveau qu'il faut préserver. C'est pourquoi les subventions d'équipement aux écoles des Mines progressent de 3 %, pour atteindre 58 millions de francs, et les bourses d'élèves de 11,5 %.

Pourtant, cet effort significatif en direction des écoles des Mines ne doit pas faire oublier le nécessaire soutien de l'Etat à Supélec. Pour sortir de difficultés budgétaires, cette école a besoin de 6 millions de francs supplémentaires. Le ministère de l'éducation nationale est prêt à mettre 50 % s'il est suivi, ou précédé, par celui de l'industrie. Les preuves de la qualité pédagogique de cette école et de la rigueur de ces gestionnaires ne sont plus à faire. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande donc de bien vouloir procéder à un redéploiement de crédits de 3 millions de francs en faveur de Supélec pour permettre une remise à niveau indispensable.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quel chemin parcouru en seize mois ! Thomson consolidée, alors qu'il y a deux ans, on voulait brader cette entreprise pour le franc symbolique, France Télécom dopée par un succès interne et externe indiscutable, l'emploi industriel en croissance : poursuivons dans cette voie ! En conclusion, la commission des finances ayant adopté les crédits du budget de l'industrie à l'unanimité, je vous invite, mes chers collègues, à faire de même en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille.

Très bon rapport !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'industrie.

M. Claude Billard, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'an dernier, à pareille époque, je notais avec satisfaction, dans mon rapport pour avis des crédits du secrétariat d'Etat à l'industrie, une rupture profonde dans le soutien public à l'industrie avec les précédentes années de gestion libérale, tout en souhaitant voir votre département doté pour 1999 de moyens supplémentaires afin de donner une impulsion significative et d'affirmer une véritable politique industrielle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui, puisque, avec 15,280 milliards de francs et après avoir progressé de 3,8 % dans la loi de finances de 1998, les crédits de l'industrie n'augmentent cette fois que d'un peu plus de 1 %.

Mais au-delà du niveau des crédits, c'est plutôt sur la conception et l'ampleur du soutien public à l'industrie que je m'interroge et que je vous avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, mes préoccupations. Un budget est l'expression d'une politique, même s'il ne la résume pas à lui tout seul.

Le budget de l'industrie devrait permettre une présence forte et cohérente de l'action publique dans toute la filière industrielle, en amont avec l'énergie, la gestion des ressources et des matières premières jusqu'aux services aux industries. Il concerne, en effet, un domaine économique qui s'étend entre autres de la production d'énergie nucléaire à La Poste, en passant par la construction navale et les nouvelles technologies de la communication.

Contribuer à assurer et à conforter la place de l'industrie française dans le cadre d'une économie mondialisée, implique de promouvoir et de stimuler la modernisation de nos entreprises industrielles et de favoriser le développement de leurs productions et des services à l'industrie ; autant d'objectifs bénéfiques pour l'emploi. Malh eureusement, dans la réalité de l'action gouvernementale, le budget n'est pas toujours l'instrument privilégié d'une véritable politique industrielle.

Les crédits affectés au secteur industriel sont mis à la disposition de programmes en faveur de la recherche. Ils accompagnent les actions de formation, celles visant à la qualité des produits ou à la reconversion des sites. Mais on ne leur fait pas jouer un rôle déterminant d'impulsion pour l'appareil industriel et d'orientation de la production en fonction des besoins de la population. Ils ne contribuent que peu à la modernisation de notre économie.

Sans vouloir tomber dans les erreurs de l'économie administrée, je dirais que l'Etat joue insuffisamment son rôle régulateur dans ce domaine.

Sans être non plus partisan de l'élaboration de grandes stratégies industrielles abstraites, s'apparentant à un Meccano industriel, je pense que, pour garantir l'intérêt général, l'Etat a mieux à faire que de se limiter à accompagner des stratégies d'entreprises définies en fonction de leur technologie, de leurs produits et de leurs marchés.

Cette vision d'une politique industrielle - conçue comme simple appui stratégique aux entreprises et pilotée en dernière instance par les objectifs que celles-ci se fixent - explique peut-être que, lorsque dans les secteurs de l'industrie et de l'énergie, l'Etat fait preuve de quelques velléités d'interventions, celles-ci ne soient pas toujours bien perçues puisqu'elles ne s'intègrent pas dans un ensemble.

Les aternoiements sur l'avenir de Framatome, l'évolution imprimée à Thomson Multimédia, les hésitations persistantes sur la nécessité de construire le réacteur franco-allemand EPR qui devrait équiper notre parc électro-nucléaire au XXIe siècle, les retards pris pour annoncer la création et les emplacements des laboratoires souterrains destinés à l'étude du stockage des déchets radioactifs, ne témoignent pas d'une démarche suffisamment assurée.

Ces remarques et ces réserves préliminaires faites sur la conception gouvernementale de la politique industrielle, je voudrais noter que, dans le cadre qui lui est ainsi défini, le budget du secrétariat d'Etat à l'industrie traduit néanmoins une volonté et des efforts réels dans un certain nombre de domaines.

Les axes prioritaires dégagés dans la précédente loi de finances se trouvent confirmés et souvent confortés dans le budget pour 1999. Ils permettent de donner des moyens financiers significatifs dans quatre domaines primordiaux : le soutien aux secteurs à fort potentiel de croissance, l'amélioration de l'environnement des entrep rises, l'accompagnement des restructurations industrielles, et la relance de la politique de l'énergie et du développement des énergies de substitution.

C'est ainsi que les crédits de paiement destinés au développement des petites et moyennes industries progressent de 1,4 %. Un effort important est également renouvelé afin d'améliorer l'environnement des entreprises, tant en direction des actions de normalisation et de qualification que par le renforcement des dispositifs de formation au service des entreprises.

Je relève particulièrement que la recherche industrielle et le soutien à l'innovation demeurent des priorités essentielles comme en témoignent les 800 millions de francs d e nouvelles autorisations de programme alloués à l'ANVAR et l'augmentation de 15 % de la part civile des crédits attribués au CEA.

Etre en situation de relever les défis posés à notre industrie passe, en grande partie, par une politique de soutien à l'innovation qui conditionne aujourd'hui largement la compétitivité et la pérennité des entreprises. C'est un des points du budget qui doit être noté. Les autorisations de programme sont en légère croissance puisqu'elles sont portées à 1,8 milliard. Elles permettront néanmoins de développer les actions engagées en faveur du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les sommes toujours plus élevées, indispensables à la maîtrise d'une technologie comme à sa diffusion, exigent que soit maintenue une sélectivité rigoureuse dans les thèmes susceptibles d'être l'objet d'un soutien public. Il est tout à fait positif que, dans ce domaine, vous souhaitiez, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'effort public soit recentré sur les entreprises de petite taille et que les soutiens financiers soient mieux identifiés en leur direction.

Je me félicite de l'effort consenti pour soutenir le développement et pour améliorer l'environnement des PMEPMI. Il faut, en effet, toujours avoir présent à l'esprit que c'est dans ce tissu que se trouve le gisement d'emplois le plus important. Les PMI sont plus créatrices d'emplois mais aussi plus vulnérables et c'est la raison pour laquelle l'Etat est pleinement dans son rôle lorsqu'il contribue à leur modernisation au moyen de procédures adaptées. Je pense en particulier à l'efficacité de la procédure ATOUT qui leur permet de maîtriser et d'intégrer des technologies nouvelles. Il en est de même lorsqu'il favorise leur accès aux financements.

Pour aider à la reconversion des régions en crise, les actions de restructuration et de reconversion industrielle continuent à disposer de capacités d'intervention non négligeables avec les 80 millions de francs du Fonds d'industrialisation de la Lorraine, le FIL, et les 85 millions p our les crédits dits de politique industrielle. En revanche, la dotation du Fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, et le programme « aprèsmines » marquent une régression discutable.

Certes, ce ralentissement constaté tant dans le Nord Pas-de-Calais qu'en Lorraine correspond à l'arrivée vers son terme du processus de reconversion. Les candidats se


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font plus rares et le soutien budgétaire accompagne ce repli. Les crédits de paiement consacrés à la reconversion des zones minières ont, par exemple, baissé de 31 % dans le projet de loi de finances pour 1999. Mais l'oeuvre de ré-industrialisation des grands bassins houilliers, ferrifères et sidérurgiques est loin d'être achevée. Cela étant, comme les crédits étaient loin d'être consommés à la fin de chaque exercice, leur report permet encore de mener d'importantes reconversions. Toutefois, l'effort ne doit pas être relâché car la survie de grands bassins d'emploi en dépend.

La persistance et l'intensification des difficultés rencontrées par certaines entreprises et les menaces qui pèsent sur divers secteurs comme le textile et l'habillement, l'électronique, l'automobile et récemment encore la c onstruction navale nécessitent d'accentuer en 1999 l'effort précédemment engagé. C'est à cette dernière que j'aimerais revenir un instant.

Avec la non-ratification par les Etats-Unis, le Japon et la Corée de l'accord de 1994, négocié dans le cadre de l'OCDE, le secteur de la construction navale vit dans un climat d'inquiétude peu propice à la mise en oeuvre d'une politique à long terme d'aides aux chantiers navals.

Certes, les autorisations de programme, ainsi que les crédits de paiement demandés pour 1998 ont été reconduits dans le projet de loi de finances pour 1999. Mais la façon dont le Gouvernement a brutalement réglé le sort des Ateliers et chantiers du Havre - les ACH - s'inscrit en sens contraire d'une réelle volonté de préserver notre construction navale. Offrir comme seule perspective une illusoire reconversion du site manque singulièrement d'ambition.

Sans doute faut-il regarder de plus près la question des aides et l'utilisation qui en est faite. Ce n'est pas le fait d'aider la construction navale qui est choquant, car tous les pays, y compris les pays européens, contribuent financièrement à la qualité de leur construction navale. Ce n'est pas non plus le fait que l'argent public aide l'industrie privée. Depuis des années, les gouvernements ont injecté des centaines de milliards de francs au titre des aides à l'emploi, aux plans sociaux, ou des exonérations de charge. Non, ce qui est choquant, c'est que rien de sérieux n'ait été entrepris pour assurer une bonne gestion des ACH.

Plutôt que de faire brutalement un constat de carence, il y avait lieu d'élaborer des mesures affirmant une forte ambition nationale en faveur de la construction navale.

On aurait pu sauvegarder et développer ce formidable potentiel humain de connaissances, de savoir-faire, de capacités de recherche. Cela passait par une mise à plat des besoins et par un véritable plan de développement s'appuyant sur une coopération coordonnée entre les différents chantiers nationaux qui demeurent en activité.

En vérité, c'est surtout dans le domaine de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables que votre budget marque une forte volonté de relance. C'est ainsi que les moyens mis à la disposition de l'ADEME augmentent de 500 millions de francs dont un tiers est inscrit au budget de l'industrie.

L'apport important d'une partie des recettes issues de la nouvelle fiscalité écologique sur les activités polluantes soit environ 170 millions de francs qui seront affectés à des actions relevant du ministère - permettra de tripler les moyens de l'ADEME.

Je ne voudrais pas terminer la présentation de ce rapport pour avis sans vous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, d'interrogations sur la politique menée par le Gouvernement dans le domaine de l'énergie. Vous dites souvent que vous souhaitez une politique énergétique efficace et équilibrée et que l'existence forte de missions de service public dans notre pays suppose la permanence d'une politique volontariste de l'Etat dans ce domaine.

Pour autant, vous soulignez aussi que des évolutions et des adaptations sont rendues nécessaires par un contexte changeant.

Notre politique énergétique s'articule autour de la primauté de l'énergie nucléaire pour la production électrique, liée à la diversification de nos sources d'énergie et de nos approvisionnements. Cette politique devrait permettre à notre pays de jouer sur une palette d'options tout en ne remettant pas en cause la primauté de l'énergie nucléaire.

Or il est aujourd'hui très difficile de se faire une idée précise du rôle que le Gouvernement entend voir jouer au nucléaire. Les objectifs affichés laissent à penser que notre politique énergétique s'inscrit dans la continuité et que l'énergie nucléaire en est toujours la clé de voûte.

Mais dans les faits, il me semble qu'il existe un décalage certain entre les déclarations gouvernementales et la réalité de la politique menée.

J'en veux pour preuve la façon dont sont différées les décisions qui conditionnent l'avenir. Ainsi, en ne choisissant pas rapidement des sites pour les laboratoires des tockage des déchets, c'est l'ensemble de la filière nucléaire qui est mise en péril. De même, en ne lançant pas rapidement la construction d'un nouveau réacteur EPR, alors que nos voisins allemands s'orientent vers un abandon progressif du nucléaire, c'est la pérennité de notre programme électronucléaire et de notre parc de production qui est menacée.

A ce contexte incertain et à cette absence de vision d'avenir clairement affirmée, vient s'ajouter la proximité de la réforme de notre organisation électrique voulue par les instances européennes qui suscitent de grandes inquiétudes dans l'ensemble du secteur. A cet égard, la presse s'est fait l'écho de propos récemment tenus par le président d'EDF qui souhaiterait modifier par décret le statut du personnel issu de la loi de nationalisation de 1946, ce qui ne peut qu'accroître les craintes des agents concernés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, toutes ces questions doivent être clarifiées. Il n'est pas possible de s'engager en février dans une réforme fondamentale de notre filière électrique sans que la représentation nationale ne puisse se faire une idée claire de la politique énergétique du Gouvernement.

C'est sous le bénéfice de ces observations que la commission de la production et des échanges a émis un avis majoritairement favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'industrie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour La Poste et les télécommunications.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour La Poste et les télécommunications.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget pour La Poste et les télécommunications s'inscrit dans la continuité de celui de 1998. Par là même, vous confirmez le rôle légitime de l'Etat au travers notamment de l'Autorité de régulation des télécommunications, de l'Agence nationale des fréquences et du groupe des écoles de télécommunications.

Et pour tout cela, je veux vous féliciter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Permettez-moi quelques très courtes remarques introductives concernant l'ART. Je note que les rémunérations principales croissent de 2,67 % alors que l'enveloppe des indemnités et allocations augmente de 7,07 %. Veillons, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que l'autorité ne prenne pas les plus mauvais plis de la fonction publique.

En ce qui concerne les moyens de fonctionnement, l'ART ne semble pas surdotée par rapport à ses homologues européens et, surtout, par rapport aux dossiers complexes dont elle a à connaître.

Je vous entretiendrai successivement des télécommunications et de La Poste.

S'agissant des télécommunications, j'ai toujours beaucoup apprécié les expressions philosophiques, qui sont les vôtres à propos de cette nouvelle économie vers laquelle nous allons, fondée sur la connaissance, le savoir, et résumée par l'expression « civilisation de l'information ».

Le développement des nouvelles technologies engendre des mutations profondes, diverses. Nous devons bien évidemment prendre toute notre place dans la dynamique mondiale, sous peine d'être submergés. Deux orientationss tratégiques nous guident : la première concerne la recherche, la seconde les alliances ; et bien sûr, c'est une politique économique et financière qui doit servir de socle à ces orientations.

La recherche, d'abord. Je pense que l'importance d'une politique de recherche dans le domaine des télécommunications doit faire l'unanimité. Depuis 1996, une nouvelle organisation a été mise en place sur la base du rapport de MM. Lombard et Kahn. Bien sûr, la coordination des différentes actions de recherche publiques et privées s'avère vitale, tout comme le rapprochement entre la recherche et les entreprises. Plus que jamais, il importe de ne pas démobiliser des chercheurs du secteur public, qui peuvent s'interroger sur leur champ professionnel et leur devenir. Les autorités doivent comprendre qu'il faut utiliser de manière optimale toutes les ressources que nous pouvons mobiliser. Je sais que vous pouvez compter sur les régions intéressées. Elles sont disponibles pour une telle mobilisation. Telle est le cas de la Bretagne et je suis sûr que notre collègue Alain Gouriou développera ce thème.

Vous avez mis en place une fédération d'organismes d épendant de différents ministères. Cette fédération s'avère absolument nécessaire. C'est tout le rôle du réseau national de recherche en télécommunication. Un rapport privilégié est à établir entre lui et France Télécom.

L'an dernier, ce réseau a bénéficié d'un soutien spécifique de 260 millions de francs : 210 millions pour soutenir des projets coopératifs et 50 millions pour soutenir des projets compétitifs. Pour être complet, il convient de citer également les 300 millions de francs qui ont été provisionnés dans le budget au bénéfice de la société d'information. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de poursuivre l'effort en 1999 à hauteur de ce qu'il a été en 1998.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je viens de séjourner dans la Silicon Valley et je peux témoigner de l'audience dont bénéficient nos chercheurs et de l'admiration que l'on porte à la fois à notre système d'enseignement, exceptionnel et envié, à notre recherche et à nos entreprises, et tout spécialement à France Télécom pour laquelle on a les yeux de Chimène.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Très bien !

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial pour La Poste et les télécommunications.

Je le dis, non pas pour conforter notre fierté mais tout simplement pour rappeler une évidence que l'on a quelquefois tendance, dans certains rangs, à oublier.

Notre place dépendra bien évidemment de notre capacité à organiser les synergies nécessaires, et à entretenir la qualité des services de France Télécom. C'est la seule voie qui nous permettra de compenser, si ce n'est de limiter, les différences d'échelle et de densité qui nous séparent de certains de nos concurrents.

Recherche et alliances sont les deux mots-clés du développement international.

Afin de renforcer son offre de services globaux, de bénéficier de l'ouverture du marché européen et de profiter de la forte croissance attendue des marchés émergents, France Télécom a intensifié son développement à l'international. Cette stratégie s'articule selon trois axes : consolider et développer ses positions d'opérateur global, s'imposer avec ses partenaires sur le marché européen, procurer des relais de croissance sur les marchés émergents à fort potentiel, en valorisant le savoir-faire du groupe.

En 1997, France Télécom a doublé son chiffre d'affaires à l'international et diversifié ses investissements à l'étranger. Fin 1997, ces derniers atteignaient au total et nets de désinvestissements 27 milliards de francs.

Le partenariat avec Deutsche Telekom occupe bien évidemment une place particulière.

L'achat croisé d'actions - 2 % du capital de Deutsche Telekom par France Télécom et 2 % du capital de France Télécom par Deutsche Telekom - crée un lien nouveau et fort entre ces deux opérateurs, tout comme l'accord aux termes duquel l'un et l'autre ne pourront plus engager seuls des coopérations avec un tiers sans accord préalable.

Un pôle est en train de se renforcer. Il compte notamment EUCOM, EUNETCOM, ATLAS, Sprint, Global One et Wind. Je rappelle que Spring est le troisième opérateur longue distance américain et que la création de la société Wind résulte d'un partenariat avec la compagnie italienne d'électricité ENEL.

France Télécom et Deutsche Telekom vont mettre en oeuvre un programme de coopération afin de développer des synergies sur des thèmes porteurs d'avenir et de croissance : la recherche et le développement, le multimédia, les systèmes d'information et les cartes téléphoniques.

Le dynamisme de France Télécom mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'être reconnu et soutenu.

J'aurais une suggestion à faire à notre entreprise : qu'elle favorise la création et le soutien de jeunes entreprises et qu'elle fasse confiance à l'esprit de créativité.

C'est là en effet une excellente manière de répondre à l'impératif du marché mondial. Car beaucoup d'entreprises concurrentes à l'extérieur, avant de se lancer dans une recherche, se posent toujours la même question :

« quel est l'état du marché et quel est l'usage qui peut être fait par les clients du résultat de cette recherche ? » Troisièmement, il faut comme socle de ces axes une politique économique et financière. Je m'en tiendrai à trois points.

Quelques mots rapides tout d'abord sur l'évolution du capital de France Télécom et une question.

L'Etat, conformément à ses engagements, vient de décider la mise en vente de 5 % du capital de France Télécom. Il reste, il est bon de le rappeler, propriétaire


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de 62 % des actions. Cela était prévu et le calendrier a été, me semble-t-il, très bien choisi. Le rapport pour l'Etat serait, si je vous ai bien lu, monsieur le secrétaire d'Etat, de 30 milliards de francs. Quelle utilisation sera faite de ces 30 milliards ? Pouvez-vous nous confirmer les annonces qui ont été faites à ce sujet ? Pour indispensable qu'elle soit, la rentabilité financière à court terme ne doit pas faire oublier la primauté des impératifs techniques, industriels, économiques, culturels et sociaux inhérents à une société telle que France Télécom.

Quelques mots également sur la situation fiscale de France Télécom. Vous ne serez pas surpris par ce que je vais vous dire.

L'anomalie que constitue le versement de la taxe professionnelle de France Télécom au bénéfice de l'Etat a été très régulièrement dénoncée et ce à juste titre, d'autant que ce système est, dans le cadre concurrentiel actuel, préjudiciable à France Télécom.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous en revenions à la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de télécommunication qui prévoyait qu'à partir de 1994, France Télécom serait assujettie aux impositions directes locales perçues au bénéfice des collectivités locales et de divers organismes. Je souhaite que le droit fiscal local commun s'applique à la taxe professionnelle de France Télécom.

M. Robert Pandraud.

Tout à fait !

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial pour La Poste et les télécommunications.

Outre le fait que cela figure dans le dispositif législatif précité, nous pouvons, à l'appui de cette demande, rappeler que France Télécom bénéficie, comme toute entreprise, des investissements réalisés par les communes sur le territoire desquelles siégeront le ou lesdits établissements.

Par l'application qui est faite actuellement du système fiscal local de France Télécom, la société se trouve, je l'ai dit, dans une situation tout à fait désavantageuse par rapport à ses concurrents étrangers ou par rapport à d'autres concurrents nationaux. Or, le principe de l'égalité dans la concurrence doit s'appliquer à elle comme aux autres entreprises.

Les sommes en jeu sont, je le sais, importantes puisqu'il s'agit de quelque 5,6 milliards francs. Mais je suis persuadé que nous pouvons trouver un consensus pour étaler dans le temps la mise en application d'une loi que le Parlement a votée.

Dernier point : évitons qu'un système tarifaire n'aille à l'encontre d'un aménagement équilibré du territoire et ne favorise les grandes concentrations. C'est, monsieur le secrétaire d'Etat, l'une de mes principales interrogations et l'une de mes principales inquiétudes. La tendance, il y a une quinzaine d'années, était, vous le savez bien, à l'uniformisation des tarifs sur l'ensemble du territoire. Il n'est pas trop tard pour réfléchir à un système indépendant de la distance, ce qui ne veut pas dire que nous devrions mettre en place un système totalement égalitaire.

Il existe des différences, mais je pense que nous pouvons prendre exemple sur le système Transpac. Car, si nous n'y faisons pas attention, cela peut constituer un levier de surconcentration qui risque de pénaliser un certain nombre de régions.

Voilà pour les télécommunicatins. J'en viens maintenant à La Poste.

Avant d'en détailler le budget, je veux tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, vous féliciter pour la part que vous avez prise dans la négociation du contrat d'objectifs et de progrès que vous avez signé avec La Poste le 25 juin 1998. Ce contrat, le dispositif législatif que nous connaissons, encadre de manière dynamique et prospective la place et l'action de La Poste. Les responsables de celle-ci savent qu'il faut aborder, « les années qui viennent avec l'objectif d'assurer la pérennité de ses missions, en recherchant la plus grande satisfaction des diverses catégories de clients au meilleur coût. » Cet

accord définit trois impératifs principaux pour La Poste.

Premièrement elle doit adapter, diversifier et développer ses offres de services dans le cadre d'une démarche solidaire et d'un environnement concurrentiel. Il faut savoir que La Poste, n'a plus aucun monopole de fait, mais des devoirs que ses concurrents n'ont pas. Je pense notamment à la distribution des mandats.

Deuxièmement, elle doit assurer une présence internationale.

Enfin, elle doit avoir une politique du personnel exemplaire.

Pour rester dans le temps qui m'est imparti, je me bornerai à quelques remarques.

Tout d'abord, la politique du personnel. La Poste recrute, forme et insère. C'est ainsi que 11 000 personnes ont été recrutées sur un emploi permanent en 1997. Il doit y avoir 1 000 apprentis actuellement en formation et, à la fin de l'année 1998, ce seront 3 600 emploisjeunes qui auront été créés. Je souhaite aussi que La Poste améliore la situation des agents contractuels.

Le grand défi demeure la réduction du temps de travail. Des objectifs ont été arrêtés. Ils sont justes. Un dispositif a été présenté, il est opérationnel. La mise en application de la loi sur la réduction du temps de travail va commencer en décembre 1998. Elle se fera de manière progressive entre la fin de 1998 et le premier semestre de l'an 2000, établissement par établissement, après négociation avec les responsables locaux des organisations syndicales représentatives.

Je ne suis heureux de constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans le cadre de ce contrat d'objectifs et de p rogrès, vous avez abordé l'épineuse question des retraites, car elle a souvent fait l'objet de débats. Le contrat que vous avez signé prévoit que, à partir de son application, la charges globale des retraites pour La Poste sera stabilisée en francs constants. Cela renvoie à la solidarité générale et n'est que justice car cette prise en charge libère La Poste d'un frein à son développement.

L'article 8 du contrat précise en effet que : « Parrallèlement aux engagements de La Poste relatifs à l'amélioration de ses performances, l'Etat accompagne l'exploitant (...) en stabilisant en francs constants au niveau des charges dues au titre de 1997, les charges de retraites de La Poste dues au titre des années du contrat d'objectifs et de progrès. » C'est un partenariat tout à fait positif.

Quant à l'évolution de la charge de la dette, elle suit un cours favorable. En 1997, le service de la dette est passé sous le seuil des 4 milliards de francs. La dette en devises s'est éteinte en 1997 et, en juin 1998, un emprunt obligataire de 1,5 milliard a été lancé. Il s'agit du premier emprunt de ce genre depuis février 1993. Le désendettement sera poursuivi, malgré cette émission.

Deux précisions de nature fiscale, à présent.

Les activités postales sont explicitement exclues, sur le plan européen, du champ de la TVA. La Poste, de ce fait, ne peut récupérer la TVA sur ses achats et sur ses investissements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Le contrat d'objectifs et de progrès définit également les compétences de La Poste en matière de services financiers. Le développement en partenariat d'activités d'assurance des risques liés aux personnes - décès, invalidité, incapacité, santé, dépendance - en constitue l'un des axes de développement. La Poste entend proposer des offres innovantes, certaines présentant un fort degré d'utilité sociale, comme des assurances complémentaires santé ou emploi visant à protéger les chômeurs. Il s'agit de développer majoritairement des prestations que les acteurs traditionnels du marché n'offrent pas à ce jour.

Autre thème : l'internationalisation. Elle nécessitera un effort très important. C'est une priorité incontournable.

Avec l'ouverture des frontières, le marché européen devient le premier marché économique du monde.

La Poste ne peut s'imposer qu'en nouant des alliances.

C'est ce qu'elle fait et je veux rendre hommage, après vous, au président de La Poste et à ses collaborateurs.

Quelques mots en fin sur la présence postale dans nos communes rurales et, monsieur le secrétaire d'Etat, on l'oublie souvent, dans les quartiers urbains.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Oui !

M. Edmond Hervé, rapporteur pour avis, pour La Poste et les télécommunications.

Il y a un équilibre qu'il faut respecter. Cette présence est nécessaire, spécifique et peut être le point de départ d'une diversité de services publics et privés. Elle est aussi source de lien social et d'animation. C'est également un exemple de modernisation qui n'est plus à démontrer.

En conclusion, si l'adaptation de France Télécom comme de La Poste est une constante permanente, nous ne devons pas en oublier une autre, qui s'appelle la conquête. A nous de conjuguer les deux, tout en sachant concilier efficacité et solidarité. C'est ce qui identifie notre modèle et nous différencie des autres. C'est la conjugaison de l'efficacité et de la solidarité qui nous permettra de remporter les victoires que nous convoitons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour La Poste et les télécommunications.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour La Poste et les télécommunications.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits alloués à La Poste et aux télécommunications, l'an passé, en très légère régression, progressent cette année de façon sensible, 1,34 %, soit une augmentation, en francs constants, de l'ordre de 0,6 %, ce qui témoigne de votre volonté et de celle du Gouvernement de défendre et de promouvoir ce service public.

Le projet de loi de finances pour 1999 conforte la présence de l'Etat dans le secteur des télécommunications.

En effet, les crédits destinés à l'ART, à l'Agence nationale de fréquences, au groupement des écoles de télécommunications, progressent respectement de 5,8 %, 5,6 % et 4,2 %. Cette forte progression assurera le bon fonctionnement de la régulation du secteur et la qualité de notre enseignement.

Les rapports financiers entre l'Etat et les télécommunications sont moins complexes, moins porteurs d'enjeux que ceux entretenus avec La Poste. La conclusion du contrat de plan que, symboliquement, vous avez choisi d'appeler contrat d'objectifs et de progrès, marque l'engagement financier de l'Etat et répond à des attentes fortes de l'exploitant.

La dérive des charges de retraite pesant sur La Poste est fort heureusement arrêtée. Dès cette année, 600 millions de francs sont inscrits au budget des charges communes à cet effet. Il serait d'ailleurs logique d'affirmer que votre budget ne progresse pas uniquement de 35 millions, comme nous l'indique sa présentation comptable, mais de plus si l'on y ajoute les 600 millions qui viennent alléger les charges de La Poste. Dans ce cas, c'est d'une progression de 24 % qu'il faudrait parler, ce qui mesure infiniment mieux la profonde inflexion de la politique de l'Etat et de son engagement financier pour assurer la pérennité de l'exercice des missions de l'exploitant public.

Ajoutons que cet effort sera poursuivi pendant la durée du contrat de plan et qu'aux termes de celui-ci, ce sont près de 3 milliards qui viendront en déduction des charges de retraite de La Poste.

De la même façon, la stabilisation de l'aide au transport de la presse au niveau de 1998 et une augmentation de 50 millions en l'an 2000 marquent une rupture heureuse avec l'argumentation évoquée lors du débat budgétaire de 1998. L'interprétation, alors avancée, des accords sur le transport de presse affirmait qu'il y aurait partage entre l'Etat et La Poste des recettes supplémentaires tirées des hausses tarifaires arrêtées par cet accord. Vous avez su, monsieur le secrétaire d'Etat, faire cesser cette dérive. Ainsi, ce sont 350 millions supplémentaires qui viendront, sur cinq ans, conforter les recettes de La Poste lui permettant de mieux assurer ses missions.

Cependant, s'agissant des deux opérateurs publics, leur capacité de répondre à leurs missions de service public est essentielle dans un environnement où la concurrence se durcit. Le 1er janvier 1998 a marqué leur ouverture à la concurrence sur le réseau commuté. Nous sommes maintenant à l'heure du bilan de cette première année d'ouverture à la concurrence, et le ton se durcit. Certains espoirs mis dans l'ouverture du marché ont été déçus.

Bouygues se retire de ce secteur, cédant en quelque sorte sa place à Telecom Italia. Ce sont les petits opérateurs exploitant des segments spécialisés du marché qui réalisent les meilleures performances. Ce résultat n'est-il pas, d'une certaine façon, contradictoire avec l'esprit de la loi de réglementation qui, ouvrant le secteur à la concurrence, souhaitait favoriser les groupes qui réalisaient des investissements importants ?

M. Claude Billard, rapporteur pour avis pour l'industrie.

Très bien !

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis, pour La Poste et les télécommunications.

Ainsi, comme il était prévisible, le paysage, après un an d'ouverture à la concurrence, n'est pas très exactement celui qui avait été imaginé. Oserais-je dire que ce déplacement des lignes renforce la pertinence de la mission d'information de la commission de la production et des échanges dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur ?

M. François Brottes.

Certainement !

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis, pour La Poste et les télécommunications.

La directive postale européenne n'a modifié qu'à la marge les règles de la concurrence pour l'exploitant public qui exerce de longue date, comme cela a été dit, une activité soumise, pour 40 % de son chiffre d'affaires, à la concurrence. Il vous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, de proposer rapidement au Parlement le projet de loi de transcription de cette directive dans la mesure où les dispositions d'une directive acquièrent un effet direct si les objectifs qu'elle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

définit ont la précision d'une loin ou d'un règlement.

Ainsi, faute de transposition rapide, des dispositions du code postal pourraient se trouver menacées.

L'activité courrier et colis de La Poste est très exposée à la concurrence, dans la mesure où plus de 90 % du chiffre d'affaires de cette activité est réalisé avec des structures commerciales ou administratives par définition plus soucieuses d'économies qu'un simple particulier. Le défi majeur de La Poste est donc de tenir ses parts de marché en France. Par ailleurs, la directive laissant ouverte la possibilité de poursuivre la libéralisation, la Commission européenne souhaite exploiter cette possibilité.

On peut craindre que la France ne se retrouve minoritaire dans sa volonté de freiner la déréglementation du secteur postal. Aussi faut-il noter avec satisfaction la volonté de l'exploitant de développer « à marche forcée », selon l'expression de son président, de nouvelles technologies se substituant au courrier papier.

Si les missions de service public des exploitants peuvent s'exercer dans un environnement concurrentiel, il faut prendre garde à ce que l'affirmation doctrinale de la libéralisation de ce secteur ne fasse parfois passer au second plan les principes fondateurs du service public. La tarification de l'accès des écoles à Internet est révélatrice de ce type de conflit. Au nom de la libre concurrence, France Télécom a dû modifier son offre, la rendant de ce fait moins opérationnelle et moins attractive pour les écoles et les collectivités locales. Ainsi, les exigences de démocratisation et de modernisation de l'enseignement sont-elles passées après celles de la libéralisation. Cette anomalie devra à l'évidence être corrigée.

La présence postale en milieu rural et dans les quartiers d ifficiles pose des questions du même ordre. Les contraintes de l'exploitant public le conduisent à rechercher des économies et à modifier à la baisse sa présence dans le monde rural. Les élus s'en sont émus ; la mise en place de commissions départementales de la présence postale offre désormais un espace de concertation qui peut pallier certaines difficultés. Il sera cependant nécessaire d'aller plus loin et de prévoir au niveau de votre ministère, comme le demandait la commission supérieure du service public, les crédits à même d'aider à conforter le partenariat que mettront en place les commissions départementales.

France Télécom et La Poste sont concernés par les dispositions de la loi sur la réduction du temps de travail. Je regrette que La Poste ne bénéficie pas à ce titre, pour ce qui relève de son activité soumise à concurrence, des aides de l'Etat.

Force est de constater que les négociations sur la réduction du temps de travail s'engagent lentement et difficilement. Certes, les difficultés liées à la diversité des situations et à la taille des deux exploitants sont réelles, mais elles ne peuvent plus longtemps être mises en avant.

Des solutions concrètes doivent être rapidement trouvées.

Il est temps désormais que La Poste et France Télécom se souviennent qu'il s'agit d'un des axes essentiels de l'action gouvernementale et s'engagent résolument dans la réduction du temps du travail.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le rapport pour avis est l'une des rares occasions d'évoquer les enjeux de ce secteur et il était donc bien naturel de les évoquer. L'examen de vos crédits, les engagements nouveaux et importants pris dans le contrat d'objectif partagée et de progrès de La Poste témoignent de votre volonté, partagée par le Gouvernement, de voir l'Etat assumer pleinement ses responsabilités dans ce secteur si riche de promesses. Aussi la commission de la production et des échanges a-t-elle émis un avis favorable sur les crédits qui lui étaient soumis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président La parole est à M. Christian Bataille, premier orateur inscrit.

M. Christian Bataille.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mon propos portera d'abord sur le budget de l'industrie, de La Poste et des télécommunications, qui nous réunit aujourd'hui. J'évoquerai ensuite l'actualité d'un domaine qui relève également de votre responsabilité : l'énergie.

Le projet de budget de l'industrie pour 1999 s'élève à plus de 15 milliards de francs, soit un peu plus de 16 milliards de francs à structure constante. En tenant compte des nouvelles subventions à l'ADEME, dans le cadre de la réforme de la fiscalité écologique, la progression atteint 1,1 % ; il nous faut la saluer.

S ur cet ensemble, 59 % sont constitués par les dépenses d'intervention, 35 % par les dépenses d'investissement et seulement 6 % par les dépenses de personnel et de fonctionnement. Je veux souligner que la faiblesse de ce dernier chiffre est due au regroupement budgétaire des moyens de fonctionnement d'une entité depuis peu dénommée grand Bercy et dont on ne sait, monsieur le secrétaire d'Etat, s'il nous faut saluer ou craindre l'émergence. (Sourires.)

Six priorités caractérisent ce budget.

Première priorité, la consolidation du soutien aux petites et moyennes industries. Les moyens consacrés au développement industriel régional, en augmentation de 1,5 %, sont fixés à 650 millions de francs en crédits de paiement et à plus de 700 millions en autorisations de programme. Au sein de ces enveloppes, 50 millions de francs seront consacrés à la poursuite du programme d'encouragement des PME à l'utilisation des technologies de l'information à des fins commerciales engagé en 1998.

Deuxième priorité, une action réaffirmée en faveur de la recherche industrielle et du soutien à l'innovation. Les moyens d'intervention en faveur de la recherche industrielle progressent par rapport aux moyens disponibles en 1998. Le programme « Société de l'information », engagé en 1998, sera poursuivi, de même que l'effort en faveur du réseau national de recherche en télécommunications.

La capacité d'intervention de l'ANVAR en soutien de l'innovation dans les PMI est maintenue à près de 1,5 milliard de francs et l'agence bénéficie d'une progression de ses crédits de paiement de plus de 1 %. La contribution de l'Etat aux investissements civils du CEA s'accroît de 15 % ; comme en 1998, la dotation au CEA de 750 millions de francs est répartie à parts égales entre le budget de l'industrie et celui de la recherche.

Troisième priorité, l'accompagnement des transitions économiques. Le soutien aux zones de reconversion industrielle et aux entreprises en restructuration est poursuivi afin de préserver au mieux l'emploi. Je veux souligner l'importance du maintien de cette politique pour les nombreuses régions en reconversion depuis des décennies et m'élever en faux contre les arguments de ceux qui plaident pour son arrêt ou son ralentissement. Les crédits


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qui y sont consacrés sont fixés à près de 300 millions et les moyens d'engagement nouveaux s'élèvent à 305 millions de francs.

Quatrième priorité, le renforcement de l'appui aux organismes de formation au service des entreprises. Les subventions d'équipement aux écoles des Mines et les subventions de fonctionnement aux écoles du secteur des postes et télécommunications sont également en progression. Les chiffres traduisent la volonté d'accompagner l'adaptation des équipements pédagogiques et de favoriser l'utilisation des nouvelles technologies au service de la modernisation des entreprises.

Cinquième priorité, la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Les moyens mis à disposition de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie s'élèvent à 242 millions de francs contre 75 millions de francs en 1998. De surcroît, le Gouvernement a ouvert une enveloppe nouvelle de 500 millions de francs, dont un tiers inscrits au budget de l'industrie, pour marquer sa volonté de relancer les actions en faveur des économies d'énergie et des énergies renouvelables. Toutefois, comme chaque fois qu'une politique fait un bon remarquable, on peut s'interroger sur notre capacité à consommer les crédits nouveaux.

Sixième et dernière priorité, le rôle de l'Etat dans le secteur des télécommunications, ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier 1998, est réaffirmé.

Au total, monsieur le secrétaire d'Etat, nous trouvons dans ce budget les moyens d'un exercice 1999 tout à fait convenable ; c'est la raison pour laquelle je peux vous assurer du soutien du groupe socialiste au moment des votes.

En ce qui concerne maintenant l'énergie, il faut encore une fois se réjouir de la très remarquable progression des crédits de l'ADEME inscrits au budget de l'industrie ou, par ailleurs, au budget de l'environnement. Il faut redire que les économies d'énergie peuvent justement constituer notre première source d'énergie et bénéficier à ce titre d'une action volontariste et exemplaire de l'Etat, et notamment de votre ministère.

Les actions expérimentales conduites dans le domaine des énergies renouvelables seront relancées ; nous nous ménagerons ainsi de nouvelles possibilités de développement industriel.

S'il est des domaines où l'Etat peut beaucop, il en est d'autres où la France subit la contrainte extérieure. Il en va ainsi des cours du pétrole et du gaz. Le niveau de 12 dollars le baril modifie en effet considérablement la donne mondiale, mais nous n'avons que peu de possibilités d'influer sur un marché qui pourrait redevenir erratique du fait des incertitudes internationales.

Il en va tout autrement de l'énergie nucléaire, dont le développement est aujourd'hui à maturité, et grâce à laquelle nous sommes à l'abri, pour plusieurs décennies encore, des crises internationales et des aléas du marché.

Dans les nombreux rapports rédigés pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ou pour l'Assemblée nationale, j'ai démontré de manière constante la nécessité de faire évoluer le cadre et les esprits en ce qui concerne l'énergie nucléaire. Parmi les premiers, au niveau de la représentation nationale, j'ai souligné, en 1990, la nécessité forte de donner une priorité à la responsabilité, à la transparence et à la démoc ratie.

Cependant, vouloir un fonctionnement de l'énergie nucléaire plus en accord avec nos règles démocratiques ne signifiait pas une volonté d'abandon de cette énergie.

Bien au contraire, une meilleure transparence, un meilleur dialogue, le contrôle parlementaire et la loi doivent contribuer à maintenir l'électricité au premier rang de nos sources d'énergie.

De ce point de vue, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a maintenu une orientation d'équilibre, sans dogmatisme et sans les a priori idéologiques qui nous éloigneraient des réalités économiques et sociales.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Très bien !

M. Christian Bataille.

Surtout, l'action du Gouvernement s'inscrit, comme le dit Fernand Braudel, dans « la longue durée ». En matière d'énergie, elle doit choisir le long terme ou le marché spot.

Plusieurs décisions sont attendues, et je vous poserai quelques questions précises après que mes collègues les ont posées sous d'autres formes.

Où en est la création de plusieurs laboratoires en sites souterrains pour la recherche - j'insiste sur ce mot de recherche, car on a parlé à tort de stockage - sur le stockage profond des déchets hautement radioactifs ?

M. Yves Cochet.

Et la recherche sur le stockage en surface ?

M. Christian Bataille.

Depuis février 1998, vous nous avez dit et redit que la décision ne saurait tarder ; or, comme soeur Anne, nous ne voyons toujours rien venir.

En la matière, c'est pourtant simple, il s'agit d'appliquer la loi no 91-1381, votée le 30 décembre 1991 : rien de plus, mais rien de moins.

M. Franck Borotra.

Quel nom porte donc cette loi ? (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La loi Bataille !

M. Christian Bataille.

En ce qui concerne les réacteurs nucléaires du futur, pour la deuxième génération de centrales, j'avais, dans le rapport de la commission d'enquête sur l'arrêt de Superphénix, soutenu la proposition d'arrêt du Gouvernement. Mais j'avais en même temps affirmé la nécessité de mettre en oeuvre le nouveau réacteur EPR.

M. Yves Cochet.

Avec les Allemands !

M. Christian Bataille.

Connaissant la volonté du gouvernement allemand de sortir du nucléaire, mais sachant aussi que l'Allemagne n'est pas la France, pouvez-vous nous dire si le partenariat Framatome-Siemens est toujours de mise ou si de nouveaux partenaires industriels sont envisageables pour Framatome ? Enfin, pouvez-vous nous renseigner sur le calendrier de redémarrage des nouveaux réacteurs de Civaux et de Chooz, actuellement arrêtés ? D'avance, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos réponses qui, sur ce sujet important, renforceront, j'en suis persuadé, le dialogue nécessaire entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Franck Borotra.

M. Franck Borotra.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez eu votre brassée de fleurs et de louanges ! (Sourires.)

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Il faut bien reconnaître la réalité !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

M. Franck Borotra.

Il est donc bien naturel que vous entendiez à présent des avis contraires. Je vais m'y employer.

Depuis dix-huit mois déjà, vous êtes au pouvoir, et je crois qu'on peut porter un jugement, ou en tout cas commencer à le faire, sur votre action et, parfois même, sur ce que vous n'avez pas fait.

On vous a tressé des couronnes de louanges. J'ai écouté en commission de la production la présentation exaltante que vous avez faite vous-même de votre budget, non sans un peu d'amusement. Disons-le franchement : pour moi, c'est un budget comme les autres, qui ne mérite ni excès de louanges - mais, après tout, je comprend que votre majorité l'en couvre - ni excès de critiques.

Quand on comptabilise les dépenses obligatoires - crédits pour le CEA, Charbonnages de France, les engagements pluriannuels, les crédits pour l'Ecole des mines et l'Ecole nationale supérieure des télécommunications - on voit bien que les ajustements budgétaires sont des ajustements à la marge. Du reste, je ne vous en fais pas grief : il en va pour vous comme pour tous vos prédécesseurs ! L'action d'un ministère de l'industrie réside moins dans son budget que dans les impulsions qu'il peut ou non donner à la mise en oeuvre d'une stratégie, d'une perspective, d'une approche industrielle.

S'agissant de votre budget, l'ayant examiné de près, je modérerai un peu l'optimisme.

Vous avez réaffirmé l'action en faveur de la recherche industrielle et du soutien à l'innovation. Pourtant les crédits du chapitre 66-01 ont baissé, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement.

Vous prétendez maintenir le soutien aux zones de reconversion et de restructuration industrielle. Pour pouvoir établir une comparaison entre les deux années, il faut additionner les anciennes lignes du fonds d'industrialisation de la Lorraine, FIL, du fonds de reconversion des mines, les restructurations du comité interministériel de restructuration industrielle, CIRI et hors CIRI en 1998 et le mettre en regard du nouveau chapitre 64-96 en 1999 : on s'aperçoit que les autorisations de programme et les crédits de paiements ont diminué.

Parmi les crédits aux actions de développement industriel régional en faveur des PMI - chapitre 64-92 - les crédits de paiement pour les actions de développement industriel régional en faveur des PMI - ligne 10 - diminuent, même si la diffusion des techniques progresse.

Les crédits de fonctionnement du CEA n'augmentant qu'à cause des crédits de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN. Il est vrai que les crédits du titre VI augmentent de 50 millions de francs. Au total, une augmentation de l'ordre de 100 millions sur les 3,3 milliards de francs. Je reconnais qu'il vaut mieux que ça aille dans ce sens qu'à l'inverse. Mais admettez, à votre tour, qu'il s'agit d'une augmentation à la marge.

Quant à Charbonnages de France, sa subvention baisse, ce qui, par effet boule de neige, accroît son endettement.

Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas sur ces points que je souhaite faire porter l'essentiel de mes remarques. Ce que je vais dire ne s'adresse pas d'ailleurs à votre personne, car, je le répète, j'ai de l'estime pour vous, à la fois dans vos fonctions d'élu local et de secrétaire d'Etat.

Mon premier reproche est que l'on ait, pour des raisons obscures - peut-être pas tant que cela - laissé défaire le ministère de l'industrie. Ce département ministériel est en déconfiture ! Quand on a annoncé que le ministère de l'économie aurait la tutelle sur celui de l'industrie, naïf de nature, je me suis dit qu'il s'agissait de rééquilibrer le périmètre de compétences du ministre de l'économie et des finances par rapport au tentaculaire ministère des affaires sociales. (Sourires.) A défaut d'être acceptable, c'était compréhensible.

L'erreur fatale, comme le pensent une bonne partie des excellents fonctionnaires de l'ancien ministère de l'industrie, est de placer les choix industriels sous la coupe du ministère des finances, dont l'incompétence dans ce domaine n'a d'égale que la certitude de son omniscience.

(Sourires.)

Les intérêts industriels et budgétaires sont, monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez bien, contradictoires. Il fallait maintenir une administration d'ingénieurs indépendante pour défendre le point de vue de l'entreprise face au point de vue comptable des finances.

Or, en l'état actuel des choses, le point de vue de l'entreprise n'est pas pris en compte. En laissant faire cela, ou plutôt en le subissant, vous vous êtes amputé, et je le regrette, moi qui me fais, ici, à cette tribune, votre défenseur.

Désormais, le ministère de l'industrie n'est plus qu'un secrétariat d'Etat à l'énergie, aux télécoms et à La Post e. Comme le pétrole et les télécoms n'ont plus besoin de l'Etat, le ministère n'est plus aujourd'hui qu'un secrétariat d'Etat au gaz, à l'électricité et à La Poste ! Les présidents de ces grandes entreprises apprécieront ! Il y a à tout cela, malheureusement, une logique : le Gouvernement n'a pas de réelle stratégie industrielle. Et ce n'est pas à vous seul que m'en prends parce qu'il y a d'autres secteurs industriels qui sont traités dans le Gouvernement. Celui-ci est empêtré dans ses propres contradictions, il est prêt à lâcher les entreprises françaises au premier froncement de sourcil de Bruxelles, au nom du principe de l'eurocompatibilité sans se rendre compte que cette complaisance à l'égard de la Commission européenne l'entraîne sur le chemin de l'ultralibéralisme, qui est très exactement ce qu'il dénonce dans son discours, et qu'en acceptant cette situation on tourne le dos à l'exigence d'un puissant socle industriel européen nécessaire pour résister en particulier à la pression hégémonique américaine.

Au surplus, la France ne devrait pas avoir de complexes dans ce domaine, car elle accorde plutôt moins d'aides aux entreprises que ses voisins. Selon les derniers chiffres disponibles, elles s'élèvent à 800 écus par personne employée en France contre 1 090 en Allemagne, 1 665 en Italie et 1 513 au Luxembourg.

Une deuxième contradiction s'exprime dans l'incapacité du Gouvernement à sortir de l'ambiguïté, plurielle, lorsqu'il est question de l'évolution du secteur public et parfois même du secteur nucléaire civil. Des collègues très compétents en ont parlé tout à l'heure. Le Gouvernement est engagé, en outre, sous la pression des événements, dans des privatisations qu'il n'ose pas, pour des raisons idéologiques, mener à leur terme.

Enfin, il est sourd, pour des raisons d'affichage budgétaire, aux inquiétudes croissantes des industriels qui constatent le ralentissement de leur activité et il reste dans l'incapacité de préserver l'environnement de ces entreprises.

L'industrie reste préoccupée en dépit d'une demande particulièrement dynamique dans l'automobile et les biens d'équipements professionnels. Il y a, d'un côté, les entreprises qui sont engagées dans une action mondiale et qui subissent de plein fouet les effets de la crise. Il y a, de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

l'autre, celles qui sont présentes quasi exclusivement sur le marché européen comme l'automobile et qui réussissent à maintenir leur activité. Il n'empêche que tout le secteur industriel s'inquiète de l'évolution des prix industriels : moins 0,6 % au troisième trimestre, moins 0,5 % au deuxième, moins 0,8 % au premier. Aucun secteur n'est épargné. Plus que le recul de commandes, le risque de déflation est l'inquiétude première chez les industriels.

Or, je n'ai entendu aucun ministre dire un seul mot pour l'apaiser.

Avoir une politique industrielle, c'est d'abord défendre je dis défendre et non protéger nos intérêts industriels majeurs et donc placer les entreprises du secteur industriel dans une situation de concurrence. Je le répète, nous n'avons, dans ce domaine, rien à attendre de la Commission de Bruxelles.

Vous vous apprêtez, monsieur le ministre, à faire rembourser aux entreprises du textile les aides qu'elles ont reçues pour faire face à une concurrence déloyale parce que votre complaisance à l'égard des fonctionnaires de Bruxelles prime sur la défense des intérêts du deuxième secteur industriel français ! Vous avez, pour plaire à Mme Voynet, qui ne vous en est guère reconnaissante, accéléré le rattrapage de la TIPP du gazole sur le super, prenant ainsi le risque de fragiliser un peu plus l'industrie automobile française, au moment où tous les pays vont s'ouvrir à la concurrence, en particulier des voitures asiatiques, à la suite de l'accord catastrophiquement négocié, en particulier par Mme Guigou. Pourtant, tout le monde sait, vous le premier, monsieur le secrétaire d'Etat, que le problème environnemental tient d'abord à la vétusté des véhicules.

Vous mettez en danger l'industrie pharmaceutique en étendant la contribution financière des laboratoires à ceux qui ont signé des conventions avec le comité économique du médicament.

Vous tenez des propos fermes de soutien au nucléaire civil et, sur ce point, je ne vous ferai pas le moindre procès d'intention. Mais pour des raisons politiques, vous avez fermé Superphénix en agitant le leurre de Phénix, convaincu que cela suffirait aux Verts alors que, forts de ce succès, ils n'ont plus qu'un seul objectif : s'attaquer à La Hague et, du même coup, remettre en cause la filière de retraitement, élément essentiel pour le bouclage définitif du cycle du combustible.

Comme l'ont dit Christian Bataille et d'autres parlementaires, il est nécessaire de prendre rapidement la décision au sujet d'au moins deux laboratoires souterrains. Il faut aussi engager l'extension des tranches autorisées à moxer jusqu'aux vingt-six tranches prévues. Il convient de mettre en oeuvre une expérimentation de combustibles à haut taux de combustion parce que c'est le seul moyen de conformer le recyclage du plutonium sous forme de Mox pour attendre l'égalité des flux de plutonium, c'est-à-dire retraiter à concurrence de ce que l'on peut recycler et du même coup éteindre la polémique qui accompagne, en période transitoire, l'entreposage de ces produits.

Vous avez engagé, sans doute à la suite de la décision du gouvernement précédent, des restructurations industrielles, en particulier dans le domaine de l'aéronautique.

Le rapprochement d'Aérospatiale et de Matra Hautes Technologies est une bonne décision parce qu'elle permet la constitution d'un ensemble majoritairement privé, l'Etat ne gardant que 47 %. Et le rapprochement de ce groupe avec Dassault devrait pouvoir permettre la constitution d'un groupe de 100 milliards de francs. Seulement, en face, est engagé le rapprochement de DASA et de British Aerospace. Or, c'est seulement en les rapprochant qu'on peut constituer un groupe de taille suffisante pour faire face à Lockheed-Martin et à Boeing. Le risque existe toujours de voir BAe et DASA se marier en ignorant France Aerospace à cause de la présence de l'Etat français dans le capital.

Et que dire d'Air France qui n'est pas privatisée pour éviter d'affronter le ministre communiste des transports ? Tout cela, monsieur le secrétaire d'Etat, résulte des ambiguïtés dans lesquelles vous vous êtes placé vousmême. Les entreprises en paient le prix : sur 1998 et 1999, ce sont quelque 70 milliards de francs de plus de prélèvements ou de manque à gagner.

Vous avez mis en place une loi sur les 35 heures qui va accroître la précarisation des emplois dans les entreprises privées. Elle va faire peser ces réformes sur les 15 millions de salariés du secteur privé, pendant que les 13 millions de personnes qui vivent des salaires et des aides de l'Etat, eux, seront à l'abri de cette précarité. Chaque année, 40 % des entreprises privées suppriment des emplois et à peu près 40 % en créent. C'est donc entre 3 et 4 millions de personnes par an qui sont touchées par ces mouvements. Vous allez accélérer ces mouvements, en particulier par la mise en place des 35 heures. Et c'est parmi les sept millions qui ont de bas salaires que se trouveront les employés du secteur privé les plus touchés par la précarité.

M. le président.

Monsieur Borotra, il faudrait conclure.

M. Franck Borotra.

Mon appartenance à votre département des Yvelines ne me vaut-elle pas un peu d'indulgence ? (Sourires.)

M. le président.

Non, monsieur Borotra !

M. Franck Borotra.

J'espère que vous ferez preuve de la même rigueur pour tout le monde.

M. le président.

Assurément !

M. Franck Borotra.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous réduisez pas les charges sociales, alors que le rapport Malinvaud confirme que la baisse des charges sur les bas salaires est la seule solution pour créer de l'emploi.

L'inquiétante taxe générale sur les activités polluantes desservira les industriels car la disparition du mécanisme de redevance proportionnelle à la pollution générée, avec aide à la dépollution, sera catastrophique.

Les restrictions au licenciement après cinquante ans vont rendre très difficiles les embauches à partir de quarante ans.

Je trouve cela détestable et préjudiciable aux entreprises.

Votre seule réponse, c'est de prétendre que c'est la faute de vos prédécesseurs,...

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Il ne s'est pas encore exprimé ! (Sourires).

M. Franck Borotra.

... comme si, au cours des dix-huit ans qui viennent de s'écouler, vous n'aviez pas été plus de douze ans au pouvoir. Dans de telles conditions, mon groupe ne peut que voter contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Après avoir écouté avec le plus grand intérêt les rapporteurs parler de votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, et mettre l'accent sur l'essentiel


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

des points positifs - c'est la règle - et après avoir écouté avec intérêt mon ami Franck Borotra, je voudrais à mon tour, au nom du groupe UDF, vous faire part de mes réflexions ou, plutôt, car ce budget n'appelle ni louanges particulières ni commentaires passionnés, de mes inquiétudes, en essayant de ne pas être trop redondant. Je signale par avance que je suis en harmonie intellectuelle avec Franck Borotra,...

M. Franck Borotra.

On va faire un PACS ! (Sourires.)

M. Claude Gaillard.

... puisque ma première inquiétude concerne le rattachement de votre secrétariat d'Etat.

Certains choix guidés par de fortes contraintes politiques de votre majorité plurielle et le silence relativement assourdissant du Gouvernement sur certains dossiers industriels me conduisent d'abord à émettre des doutes sérieux sur l'existence d'une stratégie industrielle pour notre pays.

La fusion de la direction de la stratégie industrielle avec celle des postes et télécommunications, désormais rattachées, avec l'ensemble des directions des anciens ministères de l'industrie, du commerce et de l'artisanat et du commerce extérieur, à l'omnipotent ministère de l'économie et des finances ne vous permettra plus de mener une véritable politique c'était déjà difficile au service du développement industriel. Au mammouth de M. Allègre, nous pourrons désormais ajouter le moloch de M. Strauss-Kahn !

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Bof, bof !

M. Claude Gaillard.

On peut s'interroger sur les motivations de la frénésie centralisatrice qui s'empare de la gauche. Je n'en prendrai que deux exemples que je ne développerai pas : la taxe professionnelle, non l'idée de la supprimer, mais la façon dont c'est compensé, et la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes. Alors qu'il y avait une approche partenariale et un consensus au niveau régional, vous faites tout remonter à Bercy. Le président du comité de bassin que je suis vous alerte et vous fait part de ses inquiétudes les plus profondes.

Le Gouvernement rompt ainsi avec un siècle d'histoire de notre République et prend le contre-pied des Etats européens qui, contrairement à la France, allègent leurs structures administratives et déconcentrent leurs actions en direction des entreprises.

Je pense que cette fusion-absorption va se traduire par un resserrement de l'appui au secteur industriel et que le Gouvernement organise ainsi le désengagement de l'Etat de la politique industrielle.

Cette perspective est confortée par une réalité sociologique : la culture industrielle n'est pas particulièrement celle du ministère de l'économie et des finances. Quels que soient d'ailleurs les ministres, le ministère en charge des finances n'a jamais fait preuve d'une grande sollicitude à l'égard des ministères des entreprises, qu'ils défendent les entreprises industrielles ou les entreprises artisanales.

Le risque industriel et le risque PME ne sont pas une dimension de la culture du ministère de l'économie et des finances et je crains que le secteur industriel n'en paie rapidement le prix.

Le désengagement de la politique industrielle n'est pas une tradition française, mais elle est une réalité chez nos principaux partenaires européens du nord de l'Europe ou chez nos voisins britanniques.

Si le Gouvernement s'engage dans cette voie - pourquoi pas ? - il faut le dire et il faut en débattre.

Le désengagement de l'Etat de la politique industrielle peut être une option intéressante, à condition qu'il s'accompage d'une libéralisation de l'économie. Or, manifestement, le gouvernement socialiste pluriel ne prend pas cette voie.

Ce désengagement est déjà une réalité en ce qui concerne la politique énergétique, en dépit de vos propos qui se veulent rassurants.

La coalition des Verts et du SPD en Allemagne et la programmation annoncée de la sortie du nucléaire de notre principal partenaire sont une nouvelle source d'inquiétude - cela a été dit et redit et je voudrais m'y associer. Je m'inquiète de l'effet d'une telle décision sur nos entreprises, je pense à Framatome et à la COGEMA.

La décision purement politique, sans concertation ni débat, de l'arrêt de Superphénix nourrit pour le moins les incertitudes sur les décisions de concession qui pourraient être prises par le Gouvernement au détriment de la filière nucléaire, après les élections européennes.

Vous le savez, la politique industrielle nécessite avant tout une lisibilité à long terme, M. Bataille l'a rappelé.

C'est particulièrement vrai pour la politique énergétique d'un pays car les décisions en ce domaine sont stratégiques. C'est pourquoi je m'associe, au nom de mon groupe, à ceux qui ont réclamé un débat au Parlement sur la politique énergétique française.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Claude Gaillard.

L'ouverture du marché de l'électricité aura lieu le 19 février prochain et l'examen du texte au Parlement est prévu pour le début de février. C'est un peu tard ! Je me demande d'ailleurs si nous n'aurions pas dû prendre davantage modèle sur l'ouverture du marché des télécommunications. Ces réformes se préparent. Le système s'accélère et une réflexion est nécessaire, y compris sur la séparation entre les clients éligibles et les clients captifs, ménages, PMI, pour éviter d'avoir une ouverture un peu bancale.

Autre dossier industriel sur lequel nous manquons singulièrement de lisibilité et surtout de perspectives, le textile et l'habillement, dossier que vous connaissez bien puisque vous êtes élu d'une région qui a été touchée. Je rappelle que ce secteur, qui a déjà perdu de nombreux emplois en dix ans, occupe encore 240 000 personnes. Or les perspectives d'avenir paraissent bien sombres.

La remise en cause par Bruxelles du plan de notre excellent collègue Franck Borotra ne semble pas aujourd'hui trouver d'issue acceptable. Ces entreprises de maind'oeuvre qui, comme d'autres, doivent déjà faire face à l'évolution interne liée à l'euro, aux 35 heures, au durcissement de la compétition internationale, vont encore avoir des problèmes majeurs de compétitivité, d'autant que, dans le cadre de la libéralisation du commerce international, avec la fin programmée pour 2005 de l'accord multifibres, d'autres pays communautaires vont accroître leur concurrence, ainsi que les pays asiatiques. Là encore, nous manquons de lisibilité.

Enfin, je voudrais aborder rapidement le dossier moins épineux, me semble-t-il - quoique ! - de La Poste et des télécommunications.

Plus de 40 % des activités de La Poste sont déjà dans le secteur concurrentiel. Elle a des obligations de service public. Elle joue un rôle déterminant dans la solidarité des territoires, que ce soit en zone rurale ou dans les zones urbaines fragiles. Elle doit faire face à l'évolution rapide des différentes technologies, qui, pour l'instant, la concurrencent. Comme le soulignait un journaliste, on


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passe de la lettre à l'octet. Parallèlement, l'Etat lui demande d'assurer un résultat brut d'exploitation de 6 % du chiffre d'affaires pourquoi pas ? de faire progresser les charges de personnel moins vite que la valeur ajoutée de ses activités, et c'est certainement sain, de développer les emplois-jeunes. Je me demande si tout cela est compatible, même si, ce que j'approuve, vous plafonnez le surcoût des retraites, dossier ô combien ! difficile.

L'environnement évolue profondément et rapidement.

Les autres pays s'organisent pour faire face à l'ouverture internationale. Chez nous, rien de significatif n'est prévu dans les dix ans. Une fois de plus, nous allons prendre du retard.

On parle beaucoup de futurs projets de loi de M. Emile Zuccarelli ou de Mme Dominique Voynet, mais on n'a pas encore bien précisé, me semble-t-il, comment nous sortons du moratoire Balladur.

En ce qui concerne France Télécom, je me réjouis qu'aient été votées les deux lois de 1996, portées par Franck Borotra et François Fillon, sur la régulation et le statut de France Télécom. J'étais le rapporteur et j'ai encore en mémoire ce que j'entendais sur ces bancs. Ces deux textes permettront à notre opérateur public d'être armé pour la compétition et de continuer son développement. Je salue d'ailleurs les efforts faits par le personnel pour s'adapter.

Néanmoins, il faut rester attentif au coût supporté par le service public, qui reste un coût majeur, à l'évolution de la boucle locale et à l'éventuel « dégroupage », à la technique de l'écrémage qui semble dépasser ce qui avait été prévu à l'époque. La partie « opérateurs de services » ne doit pas devenir trop importante par rapport à la partie « opérateurs de réseaux », ce qui ne correspondrait pas tout à fait à la philosophie qui était la nôtre quand nous en avons délibéré.

Je souhaite, enfin, comme M. Hervé, que l'on supprime la distorsion , due à la taxe professionnelle nationale, en assujettissant France Télécom au droit commun.

Cela m'apparaît fondamental, notamment pour développer la qualité des relations entre France Télécom et l'ensemble des collectivités territoriales. Quand nous l'avions demandé à l'époque, Bercy nous avait expliqué que ce n'était pas raisonnable. Je soutenais alors le gouvernement, je suis donc crédible aujourd'hui. La fusion avec Bercy pourrait au moins servir à cela ! En raison de ces critiques vous l'aurez compris, critiques qui ne s'adressent pas à votre personne, monsieur Pierret, le groupe UDF ne votera pas votre budget car, au-delà de ce seul budget, c'est le manque de lisibilité de la politique industrielle et le caractère imprévisible des décisions prises par le gouvernement, dictées par les contraintes d'une majorité relativement divisée, que nous souhaitons sanctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Ce n'est pas très convaincant !

M. le président.

La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons donc, aujourd'hui, à débattre des crédits alloués au secrétariat à l'industrie pour 1999.

De prime abord, autant vous le dire, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux vous féliciter de la façon dont se présente votre budget cette année.

Les restructurations internes du ministère des finances qui vous été imposées et qui vous ont obligé à déplacer les crédits de personnel et de fonctionnement vers la section « Services communs et finances », la budgétisation de certaines dépenses, comme l'intégration du fonds de soutien aux hydrocarbures, ne nous ont pas facilité notre travail de parlementaires. Les comparaisons d'une année sur l'autre ne sont pas aisées.

Plus généralement, on ne comprend pas bien la stratégie industrielle qui devrait s'en dégager. Comment voir le suivi d'une telle politique quand le périmètre de votre secrétariat d'Etat est aussi mouvant ? En données brutes votre budget est en baisse de 6,6 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998. Il passe, en effet, de 16,36 à 15,28 milliards. Vous nous faites alors remarquer qu'il ne faut pas prendre en compte ce que vous appelez une réorganisation administrative. Il s'agit plutôt d'un désordre budgétaire, qui rend votre budget peu lisible.

Vous parlez également d'une politique industrielle volontariste. Que signifie, cependant, un budget qui ne fait que reconduire des subventions à des organismes publics à hauteur des deux tiers de ses crédits, organismes publics qui ne sont financés qu'en partie par votre secrétariat d'Etat.

L'ANVAR, l'Agence nationale pour la valorisation et la recherche, est financée à parité par le budget de l'industrie et celui de la recherche. Je pense, au contraire, que vous devriez avoir la maîtrise totale de cette structure, favorisant l'application industrielle de procédés nouveaux.

Elle doit relever entièrement de votre domaine. Même chose pour l'ADEME, financée à la fois par le budget de l'industrie, le budget de l'environnement et des taxes nouvelles, ce qui n'est pas nécessairement une bonne affaire. L'énergie, dans ses sources, sa production, ses pratiques industrielles, doit relever entièrement de votre autorité. C'est un secteur trop lourd dans l'économie nationale pour qu'il ne soit pas sous l'autorité du ministre de l'industrie.

Dans l'agrégat le plus important de votre budget, l'énergie et les matières premières, qui représente 26 % de la masse totale des crédits, 72 % sont des subventions aux Charbonnages de France.

Sur 15,28 milliards de francs que représente votre budget, seulement 5,3 milliards seront destinés à une véritable politique industrielle. Peu lisible sur la forme, votre budget devient aussi peu lisible sur le fond. C'est tout à fait regrettable au moment où les fonds structurels européens sont appelés à diminuer. Votre secrétariat d'Etat doit, au contraire, s'impliquer plus fortement.

La lecture d'un tel budget me donne-t-elle de vraies informations sur ce que sera la politique industrielle de demain ? Je ne le pense pas. D'ailleurs, y aura-t-il encore demain une place pour une politique industrielle de l'Etat ? L'industrie française est tout entière marquée par les modifications qu'engendrent notre environnement européen et la mondialisation de l'économie. Le secteur public concurrentiel est tout à fait concerné par les directives européennes sur l'électricité et le gaz. La directive sur le marché intérieur de l'électricité devra être transposée avant le 19 février 1999, celle sur le marché intérieur du gaz avant le 10 août 2000.

Les grands opérateurs publics devront s'ouvrir à la concurrence. EDF et GDF s'y préparent déjà, en ayant donné ces dernières années la priorité au désendettement.

France Télécom ouvre également son capital aux investis-


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seurs privés, et ce avec succès. Cette ouverture à la concurrence est plutôt souhaitable puisqu'elle conduit l'Etat à abaisser de façon significative le niveau de ses participations dans les entreprises du secteur concurrentiel. La privatisation, la mise en concurrence sont bien des réalités qui affecteront demain le secteur public industriel.

A quoi servira donc demain le budget de l'industrie ? Sa part relative dans le budget général n'a cessé de baisser, hélas ! depuis 1994 : elle est passée de 2,09 % à 0,94 %. Les changements de périmètre incessants, la réorganisation actuelle puis, bientôt, la restructuration, ce que nous ne souhaitons pas, prouvent bien que la crise que traversent la politique industrielle française en général et le secrétariat à l'industrie en particulier est réelle.

Un grand nombre de questions spécifiques restent en suspens. J'en citerai trois.

L'énergie tout d'abord.

La directive européenne sur l'électricité prévoit notamment la mise en concurrence des énergies, qui rend l'avenir de la politique nucléaire française incertain. La France a fait le choix de produire 75 % de son électricité grâce aux centrales nucléaires et à la maîtrise totale du cycle des combustibles. C'est un bon choix et nous attendons du Gouvernement qu'il confirme notre partenariat avec l'Allemagne puis avec le Japon. La mise en concurrence des énergies sur le sol français va plutôt favoriser le recours au gaz, moins coûteux, plus pratique, surtout lorsqu'il s'agit d'investissement à court terme. Le nouveau gouvernement allemand envisage de fermer dix-neuf centrales nucléaires alors qu'il est notre principal partenaire en la matière. Par exemple, le retraitement par la COGEMA des combustibles allemands usés représente 20 % du chiffre d'affaires de l'usine de La Hague. La plus grande entreprise fabriquant des centrales nucléaires, Framatome, s'est déjà recyclée dans des activités voisines, en réalisant 35 % de son chiffre d'affaires avec la connectique. L'augmentation des crédits que vous proposez pour le Commissariat à l'énergie atomique va au moins dans la bonne direction, et c'est une bonne nouvelle après la très mauvaise qui, il y a quelques mois, concernait Superphénix.

Deuxième question, la recherche industrielle et l'innovation.

Vous proposez d'abaisser les crédits de 1,26 % par rapport à 1998. Ce sont surtout des crédits alloués à l'ANVAR et aux grands programmes de recherche industrielle, de type PREDIT ou REACTIF. La baisse de cet agrégat est l'un des aspects les plus négatifs de votre budget, et pour cause, étant donné que la recherche industrielle donne lieu à des programmes extrêmement coûteux, de plus en plus coûteux, que l'épargne privée en la matière est largement insuffisante, et, surtout, que les modes d'allocation de l'épargne vers les entreprises innovantes sont encore embryonnaires et peu encouragés par l'ensemble des mesures fiscales actuelles.

La recherche privée n'est, en outre, pas encouragée. Or vous savez bien quelle plus-value elle peut apporter à l'industrie.

Le seul point positif de ce budget, mais il est modeste, reste l'initiative en faveur de la diffusion des technologies dans les PME. La procédure ATOUT voit ses crédits reconduits à hauteur de 212 millions de francs. Cette aide est substantielle, mais elle constitue une goutte d'eau face aux difficultés de financement des PME, et surtout des PME innovantes. Envisagez-vous de renforcer cette ligne budgétaire à l'avenir ?

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Gatignol.

M. Claude Gatignol.

Je termine, monsieur le président.

Par ailleurs, l'utilité de la subvention en la matière est plus que discutable. Afin de favoriser les PMI et les PME innovantes, il faut créer un environnement plus propice, généraliser la constitution de fonds propres au moyen de sociétés de capital-risque, favoriser et développer la recherche par le biais des joint-ventures, et, bien sûr, accompagner et stimuler toutes les actions menées par ce qu'on appelle aujourd'hui les « business angels ». Serezvous attentif aux initiatives dans ce domaine ? Troisième question enfin, les secteurs en reconversion.

Je ne vois pas dans votre budget les grands moyens qui seraient nécessaires pour répondre à la redynamisation des bassins industriels touchés par la crise, que ce soit dans le secteur de la construction navale ou dans la sidérurgie.

J'espère que nous n'aurons pas à ajouter demain le secteur du nucléaire. Les aides aux secteurs en difficulté ont toutes diminué, que ce soit pour le fonds pour l'industrialisation de la Lorraine, la reconversion des zones minières, ou même les restructurations industrielles.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, ressemble donc plus à un vaste saupoudrage de crédits, à un amonc ellement de subventions résiduelles qui ne nous paraissent pas avoir une grande efficacité. Le budget de l'industrie pour 1999 traduit plus, hélas ! une crise du secrétariat d'Etat, qui n'est plus que l'ombre de ce que fut un grand ministère de l'industrie, qu'une politique volontariste. Le recours permanent à la technique, contestable, de la subvention à des organismes publics spécialisés sont pour nous de mauvaises recettes.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera pas les crédits alloués au secrétariat à l'industrie pour 1999, mais je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous présentez un budget pour 1999 en augmentation de 1 % par rapport à celui de l'an dernier, soit l'équivalent, en gros, du taux de l'inflation, alors que le budget 1998, lui, progressait de 3,8 %, ce que nous n'avions pas manqué de saluer. Bref, c'est surtout un budget d'accompagnement des restructurations et des récessions.

Après avoir perdu une grande partie de la recherche, votre secrétariat d'Etat voit la gestion du personnel passer sous la coupe directe du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce qui est significatif.

Je relèverai quelques points positifs : l'augmentation de 15 % du budget de la recherche du CEA, qui reste sous v otre responsabilité ; le maintien du budget de l'ANVAR ; l'augmentation de 500 millions de francs, dont un tiers au titre de votre secrétariat d'Etat, du budget de l'ADEME.

Je voudrais saluer la reprise d'une politique de maîtrise et d'économie d'énergie, comme la relance de la politique de développement des énergies renouvelables dont on sait qu'elles pourront représenter d'ici à quelques années jusqu'à 10 % de la production totale d'énergie si cet effort se poursuit dans le futur. C'est un point fort de votre budget.

Je souligne aussi une légère progression de l'aide aux petites et moyennes entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Mais, globalement, c'est peu.

Peut-on d'ailleurs encore parler d'une véritable politique industrielle française, alors que les puissances financières et industrielles décident en fonction du marché et de la recherche d'un maximum de profits, mettant en avant la nécessité d'être concurrentielles, tout en oubliant les hommes ? Pour illustrer mon propos, je citerai deux exemples récents : la fermeture de l'usine SEITA à Morlaix et le transfert de son activité à Strasbourg afin d'être plus compétitif ; la fermeture, dans les Bouches-du-Rhône, des Salins du Midi, société contrôlée par des intérêts amé ricains, au motif que leurs bénéfices destinés à rémunérer des fonds de pension américains n'étaient pas jugés suffisants. Je pourrais aussi citer la construction navale - Daniel Paul en parlera plus longuement -, l'industrie textile, l'industrie sidérurgique et l'industrie charbonnière.

On peut d'ailleurs se poser la question de savoir s'il y aura une politique européenne capable de s'opposer à ces puissances économiques ? D epuis 1990, notre industrie perd en moyenne 75 000 emplois par an, pertes qui s'accompagnent d'une précarisation croissante des emplois. Donc, l'Etat, par le truchement de son budget de l'industrie, accompagne les récessions et les restructurations en finançant les plans sociaux.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous demander au passage quand sera mise en place la commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation des fonds publics.

J'aborderai maintenant la politique du secteur énergétique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie particulièrement de l'attention que vous portez au bassin minier de Provence avec votre proposition d'implanter un nouveau groupe de 300 mégawatts à la centrale thermique de Gardanne, de créer 200 emplois au statut EDF, ainsi que 200 emplois-jeunes et 100 à 150 emplois industriels. Je vous en sais particulièrement gré. Toutefois, cet effort ne compensera pas les conséquences de la fermeture d e la mine, laquelle entraînera la disparition de 2 000 emplois dans une région où le taux de chômage est proche de 20 %.

Vous avez accepté de reconsidérer le champ d'application du FIBM à des secteurs autres que le secteur industriel. J'ai pris acte que cette reconsidération se fera dans le cadre d'une concertation avec les élus.

Quant à la politique charbonnière, dont peu de députés parlent, nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer avec l'application du pacte charbonnier et la fermeture prévue des puits en 2005. Elle est - je le dis avec beaucoup de force - l'antithèse de la politique de gauche en matière d'emplois.

Continuer la politique de Longuet et de Juppé sur les bassins miniers, c'est tourner le dos à tous les efforts de notre gouvernement en matière d'emploi et en matière sociale ! Le pacte charbonnier, c'est l'acte de décès de nos régions minières encore en activité, c'est l'encouragement au travail au noir - sans jeu de mots -, c'est la création d'une situation sociale ingérable en mettant des jeunes hommes de quarante à quarante-cinq ans à la retraite ! Je pourrais parler plus longuement des drames humains que les élus des bassins miniers connaissent.

Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande solennellement, devant la situation catastrophique de l'emploi, de reporter de cinq ans la fermeture de nos puits, à l'instar de ce qu'ont fait les Anglais.

J'aborderai maintenant la politique conduite en matière électrique et nucléaire.

Je rappelle que la France produit 80 % de son électricité à partir des centrales atomiques...

M. Yves Cochet.

Hélas !

M. Roger Meï.

... ce qui, soit dit en passant, monsieur Cochet, la place en tête des pays qui luttent contre l'effet de serre et lui permet d'avoir le plus bas prix du kilowattheure.

Vous allez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous soumettre dans quelques semaines un projet de loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité et sur la transposition en droit français des directives européennes. Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre opposition résolue à la tansposition des directives de Bruxelles, car il s'agit en fait d'ouvrir le marché électrique aux producteurs privés, lesquels sont exclusivement intéressés par les profits et non par le service de l'usager.

L'ouverture de 27 % des parts de marché touche exclusivement le secteur industriel.

J'imagine qu'avec la possibilité de pratiquer des tarifs différents, c'est l'usager qui va payer, comme cela se fait à travers la cogénération. Je souhaite, et je ne suis pas le seul sur ces bancs, que soit mis fin au scandale du tarif préférentiel d'achat par EDF du surplus électrique.

La surabondance du gaz et le bas prix de celui-ci entraînent des appétits considérables. Alors qu'avec cette énergie noble nous avons mieux à faire qu'à fabriquer du courant électrique et à aggraver l'effet de serre, l'apparition de producteurs privés dans ce secteur va entraîner, c'est une évidence, la diminution de la part de l'énergie électrique d'origine nucléaire.

Permettez-moi de vous faire part de notre inquiétude quant à l'avenir du nucléaire français, en dépit des discours rassurants que vous-même, M. Dominique StraussKahn et M. le Premier ministre nous prodiguent.

L'arrêt du Superphénix, pour sa partie recherche, est une faute immense contre l'avenir de notre pays, contre ses chercheurs et contre nos avancées technologiques. Cet arrêt, qui a été décidé sans que le Parlement ait eu à en débattre, n'est que le fruit d'un accord électoral passé entre deux composantes de la majorité et pas la troisième ! L'arrêt de Superphénix est un encouragement donné aux antinucléaires. Maintenant, c'est l'usine de La Hague qui est visée et, au-delà d'elle, toute la filière nucléaire française.

M. Claude Gatignol.

C'est vrai ! Il a raison !

M. Roger Meï.

A ce sujet, ce qui se passe au-delà du Rhin ne nous rassure aucunement. Monsieur le secrétaire d'Etat, quand allez-vous annoncer la décision de mettre en place les laboratoires souterrains de recherche sur le stockage des résidus nucléaires, comme le prévoit la loi Bataille de 1991...

M. Franck Borotra.

M. Bataille va toucher des droits d'auteur !

M. Roger Meï.

... afin que, en 2006, le Parlement puisse décider des choix à faire ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Le 11 juin dernier, M. le Premier ministre déclarait :

« Le Gouvernement fera prochainement connaître ses choix concernant les sites des laboratoires souterrains. »

Le 11 juin, c'est loin ! Quand la décision de réalisation du prototype des nouvelles centrales atomiques, l'EPR, va-t-elle être prise pour que la France puisse être équipée à l'horizon 2010 des centrales de la nouvelle génération ? Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat - et j'insiste fortement sur ce point -, quand aura lieu le débat sur l'énergie et l'environnement promis à plusieurs reprises par le Gouvernement ? Ne pensez-vous pas qu'il devient urgent et nécessaire, avant toute discussion sur la transposition ou sur la nouvelle proposition de loi sur l'électricité, que le Parlement joue son rôle de force de propositions ? Le groupe communiste s'abstiendra sauf si, entretemps, des réponses à ces questions lui étaient apportées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Des réponses positives, bien sûr !

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Franck Borotra.

Le courant ne passe plus !

M. Yves Cochet.

Nous sommes pour l'électricité, monsieur Borotra, contrairement à ce que vous croyez.

M. Franck Borotra.

En tout cas, vos propos ne sont pas toujours éclairants !

M. Yves Cochet.

Vous allez pouvoir en juger.

Je porterai une appréciation sur votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, en fonction de deux critères : l'orientation vers la reconversion écologique de l'industrie ; la défense et le développement des services publics.

En dépit de quelques inflexions intéressantes, notammet celle qui concerne l'ADEME, je ne crois pas que ce budget satisfasse suffisamment à ces deux critéres. C'est pourquoi nous ne pourrons pas le voter. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Ça commence bien !

M. Yves Cochet.

En outre, les choix en matière de politique énergétique nécessitent une approche internationale et à long terme. Or il ne semble pas que ces deux éléments soient très présents dans le projet de budget.

Par exemple, la France peut-elle s'affranchir de la décision de l'Allemagne de sortir du nucléaire ?

M. Franck Borotra.

Oui !

M. Yves Cochet.

A mon avis, non ! Or, rien dans ce budget ne traduit cette décision de l'Allemagne, pays qui, comme l'ont rappelé d'ailleurs plusieurs intervenants, est notre principale partenaire, notamment en matière d'aval du cycle nucléaire.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

C'est le contraire ! Cela renforce la position de la France !

M. Yves Cochet.

Dans le rapport de M. Destot, il est écrit à la page 28 que le nucléaire est une énergie d'avenir.

M. Claude Gatignol.

Absolument !

M. Yves Cochet.

Je ne le crois pas. La France est maintenant presque le seul pays au monde à persévérer de façon massive dans ce domaine.

M. Yves Nicolin.

Elle a raison !

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Sa responsabilité est donc écrasante !

M. Yves Cochet.

Je voudrais citer quelques exemples qui ont déjà été évoqués.

En matière d'aval du cycle, la loi Bataille prévoit trois voies : l'entreposage en surface ou en subsurface ; la transmutation, dont je crois malheureusement que c'est un rêve d'alchimiste - un peu comme Superphénix, qui devait être surgénérateur et qui a été diablement sousgénérateur, puisqu'il n'a jamais réellement fonctionné ; enfin, l'enfouissement profond dans des couches géologiques. Or, alors que tout le monde, sur tous les bancs, réclame un débat sérieux, objectif et équilibré sur la politique énergétique de la France,...

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Avec un vote !

M. Yves Cochet.

... pourquoi décider tout de suite, avant même la tenue de ce débat, des sites d'implantation des laboratoires d'enfouissement profond ? Nous aussi souhaitons avoir ce débat.

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Suivi d'un vote !

M. Yves Cochet.

Nous ne voulons pas qu'une décision soit d'ores et déjà prise en faveur de l'une de ces trois voies. Si l'on considère le coût financier de chacune des trois voies - il se chiffre en dizaines de millions de francs -, c'est justement celle de l'enfouissement profond qui exige le plus d'investissements.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Appliquons déjà ce qui a été voté, c'est-à-dire la loi de 1991 !

M. Yves Cochet.

Nous ne souhaitons pas qu'une décision soit prise pour l'une ou l'autre de ces trois voies tant que n'aura pas eu lieu ce débat réclamé sur tous les bancs.

M. Yves Nicolin.

De la gauche !

M. Yves Cochet.

En matière de programmation future des centrales nucléaires, j'observe que vos orientations budgétaires prévoient un renforcement de la sûreté, ce dont je ne peux que me réjouir, bien entendu. Mais je constate par ailleurs que l'une des missions du CEA consiste à préparer EPR. Pourquoi devons-nous consacrer plusieurs milliards de francs à préparer un tel projet, alors qu'on ne pourra le réaliser qu'en collaboration internationale, notamment avec Siemens ? Toutefois, quelle va être la politique de cette société, compte tenu des décisions actuelles du Gouvernement allemand ? Vous allez peut-être pouvoir nous éclairer, si je puis dire.

S'il faut choisir les moyens de la diversification au début du prochain siècle, j'en suis d'accord, mais encore faut-il que chaque source d'énergie primaire ait une chance égale de pouvoir défendre son point de vue par rapport au nucléaire. Or, si on continue à accorder autant d'argent au CEA, cela ne sera guère possible.

Bien entendu, je ne peux que me féliciter des 500 millions accordés à l'ADEME. Ce secteur enregistrait un retard considérable depuis 1986, depuis que M. Madelin avait voulu casser l'AFME. Il y avait d'ailleurs presque réussi. Heureusement que l'ADEME a été créée en 1991.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Bref, il faut que toutes les énergies primaires ou que toutes les filières énergétiques aient la même chance de pouvoir faire valoir leur point de vue. Or je ne crois pas que les orientations budgétaires actuelles le permettent.

Je présenterai maintenant quelques remarques sur la partie du budget concernant l'énergie, en particulier sur le CEA.

Je lis à la page 13 de votre rapport écrit, monsieur Destot, que la France s'engage dans une « politique de relance de l'énergie ». Je ne sais pas si c'est une coquille ou si c'est bien cela que voulez dire, mais je ne pense pas qu'il faille relancer la consommation et la production énergétiques en France. Je crois que ce qu'il faut - mais le mot ne figure malheureusement pas dans votre rapport -, c'est une politique de diversification énergétique, ...

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Je l'ai écrit dans mon rapport et dit dans mon intervention !

M. Yves Cochet.

... et non une politique de relance.

Depuis maintenant une vingtaine d'années, on observe un découplage entre la croissance de la richesse et celle de la production énergétique.

Tout le monde s'est félicité de l'augmentation de 15,2 % des crédits d'investissement du CEA. Sauf moi, évidemment, pour les raisons que je viens d'évoquer.

Pour autant, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est la part de ces investissements qui est dévolue aux activités de contrôle, à celles de sûreté et à celles de démantèlement. Car il faudra bien démanteler non seulement Superphénix, mais aussi d'autres centrales, d'autres réacteurs nucléaires. Fessenheim, par exemple, qui est l'un de nos plus anciens réacteurs - il doit avoir trente-deux ou trente-trois ans - devra lui aussi être démantelé un jour.

M. Robert Galley.

Ils ne savent que détruire !

M. Yves Cochet.

Il ne faut pas limiter le choix auquel on pourra procéder après que se sera tenu le débat que nous attendons tous, et peut-être le vote d'une loi d'orientation dans quelques années. C'est un point sur lequel nous devons réfléchir profondément, car, je le répète, toutes les filières doivent avoir leur chance.

A la page 14 de votre rapport écrit, monsieur Destot, vous écrivez qu'il faut « diminuer le coût de l'énergie pour l'ensemble des acteurs économiques et les usagers ».

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Pourquoi, vous êtes contre ?

M. Yves Cochet.

Il faut, je crois, être plus précis en matière d'économie d'énergie. Mieux vaudrait internaliser les coûts de toutes les filières de l'énergie, afin de développer celles qui présentent le meilleur bilan. De ce point de vue, nous contestons que l'énergie nucléaire a internalisé tous ces coûts, ne serait-ce, par exemple, que celui du démantèlement de Superphénix.

Par ailleurs, il convient d'encourager considérablement et rapidement la recherche et le développement en matière d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables. Pour cela, il faut les aider, ce qui passe par un meilleur équilibre des budgets de recherche.

Par exemple, il convient de proposer progressivement des quotas d'électricité issue des énergies renouvelables. Il faut également que la France propose de nouveau à l'échelon européen l'instauration d'une « pollutaxe » - je ne dis pas « écotaxe », bien sûr - sur l'énergie et le CO 2

Enfin, nous devons détaxer les matériels efficaces que constituent d'ores et déjà les capteurs solaires et les piles photovoltaïques - nous avons loupé le coche lors de l'examen de la première partie du budget, puisque M. le secrétaire d'Etat chargé du budget s'est opposé à une telle mesure, mais nous ne désespérons pas de la faire adopter l'an prochain.

J'en viens à la deuxième et à la troisième partie de mon intervention, qui concernent respectivement les télécommunications et La Poste. A ce sujet, je me pose plusieurs questions.

L'autorité de régulation des télécoms aura-t-elle les moyens de sa mission ou non ? Elle devrait être garante de l'égal accès au service public alors qu'il semble qu'elle soit plutôt une sorte d'arbitre de l'égale concurrence entre les opérateurs.

Quelle sera la répartition des fréquences ? Etant donné que celles-ci sont en nombre limité, la réponse à cette question est éminemment politique. Je note qu'une fréquence a été accordée à un SAMU. Mais la question ne doit-elle pas, compte tenu du développement des satellites de basse altitude, prendre une dimension internationale ? Se pose aussi la question du danger du mécanisme de mise aux enchères.

S'agissant de l'aspect social, tant pour les télécoms que pour La Poste, nous assistons actuellement à un début de commencement de discussion sur les 35 heures, ou plus exactement sur la réduction du temps de travail, puisque tel est l'objectif de la loi. Or le directeur des ressources humaines de France Télécom a indiqué qu'il avait l'intention de supprimer 2 % à 3 % d'emplois par an pendant plusieurs années. Cette déclaration a, d'ailleurs, été confirmée dans une interview qu'il a accordée le 8 octobre dernier à L'Humanité.

M. Daniel Paul.

Bonne lecture !

M. Yves Cochet.

Rappelons que, de 1996 à 1998, il y a eu 23 000 départs naturels, par retraite ou congés de fin de carrière, à France Télécom, et seulement un peu p lus de 9 000 recrutements. En trois ans, 14 000 emplois, des CDD essentiellement, ont été supprimés.

France Télécom est l'une des entreprises françaises les plus rentables, les plus performantes. Elle a réalisé 15 milliards de bénéfice en 1997 et elle s'autofinance à 140 %. Elle est éligible aux aides financières prévues par la loi Aubry concernant la réduction du temps de travail. Comment le Gouvernement pourrait-il demander aux entreprises privées de créer des emplois, car tel est bien le but de la loi Aubry, dans le cadre de la réduction du temps de travail, s'il est lui-même incapable de demander à une entreprise publique telle que France Télécom de le faire ? Et c'est la même chose pour La Poste, où l'on assiste à un début de négociation concernant les 35 heures assez inquiétant. A la page 60 de son rapport, M. Hervé indique que La Poste doit identifier ses marges de manoeuvre financières pour appliquer la loi Aubry. Je crois que le Gouvernement doit montrer une volonté plus forte d'appliquer la loi sur les 35 heures à La Poste. Les mouvements sociaux actuellement en cours dans mon département, le Val-d'Oise, ou du côté d'Arles, où les services postaux ont fait une grève extrêmement longue, nous posent question et j'aimerais avoir une réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.

Enfin, quelle est la situation de l'emploi à La Poste ? D'après le rapport Hervé - page 56 - 11 000 emplois ont été créés en 1997, dont 1 500 emplois sous statut, autrement dit des fonctionnaires, 2 000 emplois-jeunes, 5 000 CDD à temps partiel et 2 500 emplois contractuels. Les contrats intermittents et la flexibilité se déve-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

loppent, vous le savez. Nous nous demandons donc, nous parlementaires, mais aussi les syndicats, si la flexibilité et la précarité ne sévissent pas dans ce domaine aussi, ce que bien entendu je regretterais.

M. Yves Nicolin.

Et les emplois de Superphénix ?

M. le président.

La parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une grande partie des activités individuelles fortes de notre pays, celles qui exigent des investissements lourds et qui ont des temps de retour assez longs, sont liées à l'Etat depuis fort longtemps. C'est le cas encore de la production d'énergie.

Pour ma part, je me félicite qu'une quarantaine d'années de consensus national sur l'électricité d'origine nucléaire, sûre, propre et bon marché, nous ait permis de rester indépendants dans ce domaine. C'est le cas aussi des industries aéronautiques et spatiales, de la fabrication du matériel ferroviaire. C'est le cas encore, en matière de services, des activités postales et des télécommunications.

Dans tous ces domaines, la France est forte grâce à une longue tradition d'association entre l'Etat et des entreprises ou des services de haute qualité.

L a mondialisation de l'économie, l'installation de l'Union européenne et la nécessité d'accroître les capacités d'investissement ont profondément modifié la règle du jeu. La mise en bourse d'une partie du capital de nos entreprises aéronautiques ou de France Télécom fait basculer leur stratégie économique. Le taux de profit devient vital, car il détermine la valeur boursière des entreprises, ce qui les conduit à privilégier les activités et les clientèles rentables. Si l'on veut que les intérêts à long terme du pays et les exigences du service public soient sauvegardés, l'Etat doit à la fois édicter une législation protectrice et rester un actionnaire majoritaire très présent. De ce point de vue, la réglementation est assurée, dans de bonnes conditions, par une autorité que vous avez dotée de moyens. J'insiste à nouveau sur le fait que l'Etat doit disposer de moyens le rendant capable d'aller négocier à Bruxelles, où nous devons être plus présents que nous le sommes.

En même temps, l'Etat doit veiller à ce que les valeurs de service public soient intégrées dans le cadre réglementaire européen. Ce dernier point est essentiel pour les activités postales, car ma conviction - c'est d'ailleurs aussi celle des membres de la commission supérieure du service public - est que la qualité du service dans les quartiers en difficulté et dans les zones rurales peu denses ne survivrait pas à une trop forte réduction du domaine réservé, actuellement satisfaisant, qu'il faut consolider au plus vite par une transcription de la directive européenne.

L'Etat doit aussi rester présent dans les activités amont décisives que sont la recherche et la formation. De ce point de vue, je salue un bon budget en matière de formation supérieure. Il est de nature à assurer l'avenir de nos écoles, même si je m'associe à la remarque de Michel Destot pour Supélec. Certes, on peut encore faire mieux, mais il est aussi satisfaisant s'agissant de la recherche et de l'investissement à long terme. C'est sur ces bases de la présence en amont de l'Etat que le succès d'Airbus a été préparé avec un fort investissement public. Il en est de même pour la fusée Ariane - nous venons de saluer le succès d'Ariane 5.

Aujourd'hui, les Américains consacrent d'importants crédits militaires à la préparation des futures générations d'avions et de moteurs. Nous prenons du retard dans ce domaine. SNECMA, premier motoriste mondial dans son association avec General Electric, n'étudie plus de nouveaux moteurs, pour la première fois depuis sa naissance.

Or il faut quinze à vingt ans pour développer un moteur d'avion.

Dans l'industrie des télécoms, Alcatel et Matra ont longtemps vécu sur la recherche de France Télécom. On vient de mesurer la fragilisation qui a résulté pour Alcatel de la coupure du cordon ombilical qui l'a longtemps relié à France Télécom. Cette coupure devenait inévitable - c'est une évolution nécessaire -, mais elle ne sera supportée et elle ne sera source de dynamisme que si l'Etat et l'Europe garantissent le long terme.

Ce budget apporte des réponses positives en matière de formation. Un effort est encore nécessaire pour la recherche, mais le relais européen tarde à intervenir. J'espère que le récent coup d'arrêt à la vague ultralibérale en Europe permettra d'agir sur une longue durée en la matière.

Dans le secteur des télécommunications, la technique va plus vite que la réglementation. L'explosion du portable se poursuit. La convergence fixe-mobile avance à pas de géant. Le prix des communications longue distance s'effondre, ce qui est une bonne chose. Le téléphone sur Internet est déjà là et le micro-ordinateur rattrape son retard dans les foyers et les entreprises. Cela a provoqué de forts investissements et des créations d'emplois qui légitiment la distinction introduite dans la loi de réglementation entre la licence accordée aux opérateurs qui investissent lourdement pour créer un réseau national et celle délivrée aux opérateurs qui se contentent d'exploiter une niche ou un site particulièrement rentable. Il faut que la distinction entre les licences L. 33-1 et L. 34-1 soit maintenue. Ceux qui investissent doivent pouvoir avoir une vision à long terme du cadre réglementaire et des conditions de la concurrence. Ainsi les usagers du téléphone pourront-ils tirer le meilleur parti de la baisse des prix, y compris au plan local, et la concurrence entraînera à la baisse le prix plafond du service universel.

S'agissant de la situation de La Poste, le budget tranche avec une longue tradition d'abandon de La Poste par l'Etat. La prise en charge par l'Etat de la stabilisation des retraites est un fait majeur. La liberté laissée à La Poste de gérer les fonds des CCP en est un autre.

Cela permettra à La Poste d'aborder une évolution difficile à deux conditions : qu'elle soit dotée de capitaux propres pour nouer les alliances internationales aujourd'hui indispensables et urgentes, et qu'elle soit accompagnée par l'Etat pour le passage aux 35 heures qui ne peut s'accompagner du rythme de suppression de postes de ces dernières années, à savoir 3 000 ou 4 000 par an.

La Poste doit se battre pour de nouveaux marchés : la gestion de l'adresse, y compris électronique, la certification des transmissions, la gestion de l'annuaire universel pour laquelle elle est la mieux placée. Elle doit avoir de nouveaux services en perspective en exploitant son exceptionnelle couverture du territoire et la confiance de nos concitoyens dans ce grand service public.

De ce point de vue, il est vital d'annuler l'amendement voté le 29 octobre dernier au Sénat dans le cadre du règlement de la loi de finances de 1995. Sous prétexte d'un déficit cumulé de La Poste, bien connu depuis des années par la Cour des comptes, de 18 milliards qui n'a pas été apuré dans la loi de finances initiale de 1995 parce que le gouvernement de l'époque ne voulait pas aborder la négociation européenne dans des conditions trop difficiles, le Sénat vient, en effet, de proposer de réduire les revenus annuels de La Poste de 860 millions, soit le coût de 2 000 bureaux de poste en zone rurale !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

M. François Brottes.

C'est irresponsable !

M. Jacques Guyard.

Compte tenu du difficile équilibre du budget de La Poste, ce serait un coup de poignard dans le dos. Vous pouvez compter sur la majorité parlementaire à l'Assemblée pour supprimer cette disposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Mon intervention portera sur La Poste et les télécommunications.

S'agissant tout d'abord de La Poste, le contrat de plan qui trace, pour cinq ans, les orientations et les objectifs qui devront être atteints par l'entreprise a été signé en juin dernier. Je ne suis pas sûr qu'il traduise effectivement un réengagement de l'Etat à son égard. La participation de celui-ci au financement des retraites traduit plutôt l'accompagnement du système propre aux postiers vers un régime qui leur serait moins favorable. Comment La Poste va-t-elle utiliser les trois milliards qui lui seront versés ? Je ne doute pas que la question ait été évoquée entre la direction de La Poste et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat. L'amélioration de la présence postale en milieu rural et dans les zones sensibles est renvoyée à la recherche d'un partenariat avec les collectivités locales. Je suis favorable à ce que l'on associe les communes aux choix à faire pour les services publics, mais il faut éviter que les plus pauvres d'entre elles soient encore amenées à payer le plus pour ne pas être dépouillées de la présence postale.

Quant à l'emploi et la résorption de la précarité, laquelle concerne près de 60 000 contractuels, aucun élément chiffré n'apparaît dans le contrat de ce plan. Il y a pourtant moyen de parvenir à des résultats satisfaisants avec l'application des 35 heures à La Poste, comme cela vient d'être indiqué. Je regrette que la plupart du temps on opère des réductions de postes avant que le problème des 35 heures ne soit abordé. Les postiers ont déjà apporté leur contribution puisque 8 milliards de francs en gains de productivité ont été réalisés en quelques années

Rapportées au chiffre d'affaires, les charges de personnel ont baissé d'un peu plus d'un point entre 1995 et 1997.

S'agissant des services financiers, l'Etat laisserait La Poste gérer directement les fonds de roulement des CCP, qui représentaient 180 milliards de francs en 1997. Il est prévu que ces fonds soient placés en obligations, c'est-àdire que l'argent des titulaires d'un compte postal, dont la plupart ont de petits revenus, servirait à alimenter le marché financier. N'y a-t-il pas d'autres ambitions à assigner au service public ? Ne devrait-il pas plutôt apporter au logement social le soutien financier nécessaire pour répondre à la demande très forte de nos concitoyens dans ce domaine ou favoriser l'accès au crédit immobilier pour les ménages aux revenus très modestes ? Le contrat de plan ne définit pas précisément les charges des missions de services publics. Avec quels moyens en termes financiers, d'emploi, d'effort de formation et de recherche, La Poste va-t-elle assurer ses missions traditionnelles comme celles d'aménagement du ter-r itoire ou de péréquation, mais aussi ses missions nouvelles pour un service public plus solidaire, de cohésion sociale ? S'agissant des télécommunications et des technologies de l'information, les enjeux en termes de développement sont considérables puisqu'elles constituent actuellement un vecteur essentiel de la croissance des entreprises.

L'augmentation de 40 % des crédits consacrés aux aides à l'utilisation des technologies de l'information dans le projet de budget pour 1999 est tout à fait positive, d'autant plus que les PMI en seront, pour partie, bénéficiaires. Il s'agit d'un soutien qui est leur nécessaire, mais 35 millions de francs n'est-ce pas encore une enveloppe bien modeste au regard de l'importance des enjeux ? Pour les télécommunications, France Télécom respecterait son cahier des charges en consacrant plus de 4 % de son chiffre d'affaires à la recherche et au développement, mais les interrogations et les inquiétudes sont vives concernant l'avenir des activités du CNET. Par exemple, à Lannion, dont parlera tout à l'heure Alain Gouriou, où l'implantation du centre de recherche a joué le rôle moteur que l'on sait pour le développement de la région, près de 150 emplois de chercheurs, techniciens et administratifs ont disparu depuis 1997. Selon diverses informations distillées par différents canaux, le centre de transm issions satellites à Pleumeur-Bodou et celui de formation des télécommunications à Lannion seraient menacés de fermeture d'ici à cinq ans. Vers quel type de développement s'achemine France Télécom si elle sacrifie ses capacités de recherche fondamentale et appliquée qui constituent un point d'appui vital dans un secteur de pointe à évolution rapide comme les télécommunications ? Avec France Télécom, notre pays dispose d'un outil de d éveloppement considérable. Dans les conditions actuelles, quelles orientations le Gouvernement comptet-il défendre au sein de l'entreprise sur ces questions fondamentales ? Au moment où nous entrons dans la période de préparation des contrats de plan Etat-régions, quel rôle le Gouvernement entend-il faire jouer à la recherche en particulier et aux télécommunications en général pour le développement du pays et de nos régions ? Ce sont autant de préoccupations que nous ne pouvons pas ne pas avoir et auxquelles je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous apportiez des éléments de réponse en liaison avec la discussion de ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

A la faveur de ce budget qui est, d'autres l'ont dit avant moi, un bon budget au service de l'innovation, de la formation des hommes et de la création d'activité, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, de vous parler d'aménagement du territoire.

Cette préoccupation est inséparable de vos objectifs de développement de l'activité économique et de l'emploi.

C'est pourquoi je ne me considère pas hors sujet, d'autant que mon propos vise à solliciter votre avis sur la mise en oeuvre du service public dans le nouveau contexte qui est celui de la transposition, en droit français, d'un certain nombre de directives européennes.

Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d'Etat, certaines missions de service public - et je ne parle ici ni du Trésor public, ni de l'ANPE, ni de l'éducation nationale, ni des transports, ni de la santé - s'inscrivent désormais dans le cadre du service universel énoncé dans des directives spécifiques qui concernent par exemple l'énergie, les télécommunications ou La Poste - le cas de la Banque de France étant un peu différent.

Toutes ces directives ne sont pas encore transcrites en droit français, et le Parlement est bien placé pour le savoir, mais pour certaines d'entre elles, c'est imminent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous ne sommes pas aujourd'hui en train de parler des services collectifs, chers au coeur de votre collègue Mme Dominique Voynet et sur lesquels notre assemblée sera saisie dans le cadre du prochain débat sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire ; mais j'appelle votre attention sur cette question du service public qui préoccupe au plus haut point le secteur rural, car nous risquons d'assister à un empilement de textes incompatibles entre eux, non pas comme la carpe et le lapin, mais plutôt - et j'en appelle à vos souvenirs d'enfance, chers collègues comme le Meccano et le Lego. En effet, deux logiques s'affrontent, qui ont chacune leur légitimité.

Il y a une logique verticale, par secteur d'activité, au service de la compétitivité et de la performance, y compris au niveau international : les Télécoms, La Poste, l'énergie ; et puis il y a une logique horizontale, par territoire, au service des populations et de l'intérêt général, qui doit veiller à ce que chacun, où qu'il se trouve sur le territoire, ait les mêmes possibilités d'accès à certaines prestations de base.

La question qui nous est collectivement posée est de savoir comment concilier ces deux logiques, car c'est bien l'homme qui doit être au coeur du dispositif. La récente loi contre l'exclusion votée par notre majorité a de ce point de vue déjà apporté des réponses concrètes. Comment conjuger efficacité et solidarité, demandait Edmond Hervé dans son rapport.

Pour être un peu moins théorique, je prendrai deux exemples concrets.

Pour La Poste, d'abord, ce que nous garantit le service universel, c'est la régularité en tous points du territoire de la distribution du courrier, mais ce n'est pas la présence postale au sens de l'accueil au guichet.

Pour les Télécoms, ensuite, la contrainte qui est faite à l'opérateur du service universel est d'implanter des cabines téléphoniques dans chaque commune en fonction du nombre d'habitants. Mais cette règle ne prend pas en compte l'étendue de la commune ou son nombre de hameaux, et je connais dans ma circonscription des communes de vingt-cinq à trente hameaux.

Imaginez, dans des communes qui essaient de développer une économie touristique, des promeneurs qui ne peuvent se servir de leur téléphone portable, faute de signal, et qui ne trouvent pas de cabine : autre exemple du fait que la logique verticale n'a pas trouvé de point d'ancrage avec la logique horizontale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis de ceux qui pensent, comme plusieurs de mes collègues, que le moment est venu de définir, pour le milieu rural, une sorte de base incompressible de garantie de l'offre de services publics.

Il y a des seuils en dessous desquels il ne faut pas descendre, parce que la revitalisation - la reconquête - de notre espace rural deviendra impossible, alors qu'elle est nécessaire, y compris d'ailleurs pour le bien-être et l'équilibre des populations urbaines.

Nous avons parfaitement conscience que les communes rurales concernées, déjà dépourvues de ressources - l'orateur précédent vient de l'évoquer très précisément - ne peuvent à elles seules assumer cette reconquête et que les opérateurs ont des contraintes financières qui les obligent à se détourner des zones non rentables.

Nous avons parfaitement conscience également que ce gouvernement exerce une forte vigilance pour limiter certaines dérives. Monsieur le secrétaire d'Etat, je profite de l'occasion pour souligner à mon tour l'excellente coopération que vous avez tenu à mettre en oeuvre avec la commission supérieure du service public de la poste et des télécommunications, lors de la préparation du nouveau contrat d'objectif et de progrès passé avec La Poste.

Ainsi, parmi de nombreuses autres très bonnes dispositions, déjà évoquées par Jacques Guyard et Gabriel Montcharmont, l'installation, ce mois-ci, dans chaque département, d'une commission départementale de la présence postale territoriale constitue une réelle avancée pour affronter dans le dialogue et la sérénité cette question cruciale pour le développement rural.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai une question : quelle initiative pourrait être prise pour qu'au niveau européen - et la période de redéfinition des procédures d'intervention constitue de ce point de vue une véritable opportunité - des passerelles soient établies entre l'usage des fonds structurels et un maintien plus ambitieux des missions de service public, donc du service universel en milieu rural ? Cette question, vous l'aurez compris, ne m'empêchera pas de voter votre projet de budget, d'autant que mes propos me conduisent à solliciter un autre budget : n'est-ce pas à une Europe collectivement solidaire de veiller à trouver le meilleur équilibre entre l'application de ses directives et le bon usage de ses fonds structurels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, le 22 octobre dernier, un communiqué ministériel annonçait la fermeture des Ateliers et Chantiers du Havre.

Une telle décision aurait des conséquences lourdes sur l'ensemble de la navale française, sur la filière maritime, sur des milliers d'emplois et pas seulement en région havraise.

D'autres solutions, pourtant, sont possibles.

Vous savez l'intérêt que représente le projet associant les deux chantiers normands de Cherbourg et du Havre et les coopérations possibles avec celui de Saint-Nazaire pour constituer une véritable filière navale française.

Ce projet est soutenu par l'ensemble des forces régionales normandes. Il rompt avec la logique désastreuse qui a fait de notre pays le bon élève de l'Europe pour fermer des chantiers et supprimer des emplois.

L'aide publique au chantier havrais a été évoquée. Il est exact, et vous avez vous-même apporté publiquement toutes les précisions à ce sujet, que l'Etat aura fourni une subvention de 1 800 millions de francs à ce chantier depuis 1995, afin qu'il mène à bien la commande que l'Etat lui avait imposée voilà trois ans.

Le contexte dans lequel évolue notre industrie navale, le dumping social qui domine, la privatisation de la CGM, les atermoiements français et européens sur les aides à la navale ont conduit le gouvernement Balladur, en 1995, à imposer aux ACH une commande hors normes pour les capacités de ce chantier. Une responsabilité fondamentale pèse donc sur la droite, à l'époque au pouvoir.

L'Etat a estimé, dès février 1997, c'était le gouvernement de M. Juppé, qu'il devait aider le chantier à s'en sortir ; quand le libéralisme voyait les banques retirer tout soutien, c'est l'argent public qui sauvegardait l'emploi et l'activité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

L'armateur, par ses exigences excessives, certains fournisseurs, par des retards très importants, sont aussi responsables de cette situation.

Les actionnaires des ACH ont fait la preuve - au mieux - de leur incapacité à éviter et à régler le problème. En réalité, ils ont montré, à l'instar de la Compagnie Delmas, du groupe Bolloré, qu'ils étaient prêts àe ncaisser les dividendes - c'est ce qu'ils ont fait jusqu'en 1995. Et ils entendent bien, à présent, que l'argent public assume les pertes.

En quoi les 2 000 emplois havrais et l'équilibre de la filière navale, au plan national, doivent-ils souffrir de l'incurie dont la droite a fait preuve en 1995 ? En quoi les intérêts de nos industries navales devraientils être soumis à des conditions qui mettent en cause nos intérêts vitaux ? Vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'aide de la France aux ACH serait illégale. En quoi le serait-elle ? Que signifie ce mot « illégale » quand des milliers d'emplois sont en jeu, quand l'intérêt national, d'une certaine façon, est en cause ?

M. Yves Nicolin.

Voilà la seule bonne parole !

M. Daniel Paul.

Tous les chantiers navals du monde sont aidés par des fonds publics ! Certains reçoivent même des fonds publics provenant de pays amenés à fermer leurs propres chantiers, ce qui, vous l'admettrez, est un comble ! Qu'il s'agisse des USA qui ne signent pas les accords OCDE visant la suppression des aides à la navale et quis urprotègent leurs chantiers en les aidant par des commandes militaires ; qu'il s'agisse des Allemands qui, depuis la chute du mur de Berlin, ont modernisé leurs chantiers, à l'Est comme à l'Ouest, à coups de milliards de marks ; qu'il s'agisse des chantiers du Sud-Est asiatique, et des aides apportées par le biais du FMI, chacun sait les modalités utilisées.

La Communauté européenne ne peut-elle interdire à un Etat de sauvegarder et ses intérêts vitaux et ses emplois ? Le repreneur des ACH - dites-vous - devrait rembourser l'aide reçue. Si le chantier s'arrêtait - c'est-à-dire, s'i l fermait et s'il supprimait des emplois - il ne faudrait pas la rembourser ? Cela ne tient pas, monsieur le secrétaire d'Etat. On ne bâtit pas l'avenir d'un pays et d'une communauté européenne sur le renoncement aux intérêts nationaux.

On ne bâtit pas une communauté européenne sur des décisions dont la première conséquence sera de supprimer 2 000 emplois sur une région déjà affectée par un taux de chômage de plus de 17 %. On ne propose pas un avenir européen à une population en lui imposant la libre concurrence et l'ultralibéralisme. Cela signiferait que la France, dans le cas précis, devrait réduire ses chantiers navals au moment où, ailleurs, ils augmentent leurs capacités. Car le commerce m aritime est en expansion, comme les besoins de construction de navires.

Pour avoir la confiance des peuples, la construction européenne doit signifier coopération, emplois et transparence. Elle doit signifier perspectives, alors qu'aujourd'hui elle porte les germes de la désillusion.

Vous le savez, les communistes refusent cette Europe ultralibérale. Les peuples aussi d'ailleurs, qui, en provoquant, ces derniers mois, de nouvelles majorités dans nombre de pays, appellent à de nouvelles orientations.

Nous voulons, en clair, une Europe des hommes et non plus une Europe de l'argent. Une Europe qui préserve les atouts des pays qui la composent et qui pousse aux coopérations nécessaires. Et non une Europe guidée par les grands intérêts financiers, les principes libéraux rejetés par les peuples eux-mêmes dans leurs propres pays, qu'il s'agisse du nôtre, depuis juin 1997, de la GrandeBretagne, de l'Allemagne ou de l'Italie.

Chacun sait le leurre que recouvre le mot « reconversion ». Si vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, les moyens nécessaires, mettez-les dès à présent au service des 17 % de chômeurs de la région havraise. N'attendez pas qu'ils soient 2 000 de plus à l'ANPE pour envisager un tel plan. Et que l'on ne dise pas que la fermeture des ACH serait compensée par des investissements déjà annoncés, sauf à reconnaître que, depuis plusieurs mois, les choses étaient réglées ! Il y a des navires à construire, il y a des hommes qui savent les construire. Une solution est à portée de main avec la constitution d'un pôle normand dans la navale.

Dès le début de ce problème, j'ai incité les collectivités locales à unir leurs moyens de pression et d'intervention.

Toutes ont dit leur accord pour participer à un plan de relance répondant aux besoins en investissements et en fonds de roulement par le recours aux aides directes, aux garanties d'emprunts, aux bonifications d'intérêts. C'est ce qu'elles s'apprêtent, à nouveau, à rappeler au cours d'une réunion, lundi prochain, au Havre.

Dans ces conditions, après avoir permis aux ACH de franchir un cap difficile, l'Etat, votre gouvernement, notre gouvernement, n'aurait plus qu'à favoriser les contacts nécessaires entre les différentes parties - c'était le sens du courrier que j'avais adressé à M. le ministre de l'économie le 30 octobre dernier. Il n'aurait plus qu'à autoriser une commande dans le cadre du dispositif actuel d'aide à la navale. Ainsi, il valoriserait l'aide importante apportée depuis 1995 et préserverait et les emplois et les filières. Ne cassez pas cette dynamique, monsieur le secrétaire d'Etat, appuyez-vous au contraire sur cette volonté unanime de sauver la filière navale.

Je vous appelle à refuser les injonctions liées à une construction européenne d'un autre âge, quand la droite dominait notre pays et l'Europe. Il nous faut, comme l'a rappelé M. le Premier ministre, dans une réponse récente à Robert Hue, réorienter les choses en prenant en compte

« l'accent sur la croissance et l'emploi, la nécessité d'une coordination accrue des politiques économiques nationales, le caractère inacceptable de la concurrence et du dumping social... »

Donner toutes ses chances à une Europe de progrès, c'est aussi permettre et favoriser les coopérations - y compris européenne - synonymes d'un autre avenir pour la navale havraise et française.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux pas voter votre budget. Je le regrette. Je vous demande tout simplement de donner toutes ses chances, réellement, aux propositions qui sont faites actuellement en Normandie pour que la navale vive en Normandie et en France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, j'ai déjà eu l'honneur, il y a quelques jours, au nom du groupe socialiste, d'appeler l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation de la recherche dans le domaine des télécommunications. Il nous paraît en effet


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

essentiel que soit définie et mise en oeuvre rapidement une stratégie et que le Gouvernement oriente l'ensemble des secteurs, assurant ainsi une meilleure lisibilité dans le domaine de la recherche publique.

Cette recherche publique est un moyen privilégié, sinon le seul, à la disposition de l'Etat pour aider et dynamiser les entreprises industrielles de ce secteur.

C ertes, l'effort de recherche consenti par France Télécom reste considérable. Il est estimé à plus de cinq milliards de francs. Mais ces moyens, depuis 1996, se concentrent sur la recherche et développement concernant son métier d'opérateur, au dépens de la recherche en amont menée, par exemple, sur les différents sites du CNET à travers notre pays. Ce retrait relatif n'est pas sans poser des problèmes aux autres partenaires du secteur, en particulier les industriels équipementiers. Même si des partenariats de type GIE se mettent en place dans le domaine de l'opto-électronique, comme à Marcoussis entre Alcatel et le CNET, d'autres, entre le CNET et le CNRS, progressent à mon sens beaucoup trop lentement, en particulier sur les sites bretons.

Je rappelle que, sur le fond, ce retrait est justifié par la mise en concurrence de l'opérateur historique. Et, comme disent certains de ses dirigeants, « France Télécom n'a pas à financer ce qui pourrait bénéficier à ses concurrents ».

Mais, dans la forme, on peut souligner le caractère inquiétant de ce retrait, qui n'est pas sans risque au plan national, lorsqu'il s'agit de recherche et développement.

Les industriels équipementiers français de dimension internationale peuvent installer leurs centres de développement et de production en dehors du territoire national.

Je note, monsieur le secrétaire d'Etat, que les crédits affectés au réseau national de recherche en télécommunications, le RNRT, sont maintenus à 260 millions de francs pour 1999. Ces crédits ont à l'évidence un effet de levier, puisqu'ils viennent abonder des plans de financement de recherche présentés par d'autres centres de recherche et d'autres industriels. Ils semblent avoir été suffisants en 1998 pour prendre en charge la plupart des projets présentés pour la première année de fonctionnement de ce RNRT. A l'avenir, ne pourrait-on pas suggérer que le RNRT bénéficie, en partie tout au moins, des ressources créées par la vente prochaine en bourse des titres de France Télécom ? Je note aussi que, le 3 novembre dernier, le Gouvernement a publié un nouveau décret réorganisant, entre autres, les directions de votre ministère, en créant une

« direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes ». Celle-ci comporte de nombreux services manifestement destinés à conduire des études prospectives nécessaires dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Nous nous en réjouissons, et je ne doute pas que ces nouveaux services sauront, en liaison avec ceux du ministère de la recherche, définir et mettre en oeuvre des programmes nationaux et communautaires de recherche-développement portant sur l'ensemble du secteur des télécommunications.

Je souhaite, en second lieu, attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la proposition de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale visant à créer une commission d'enquête parlementaire de trente membres relative aux pratiques de délocalisation, d'externalisation d'activités de la part de grands groupes industriels et à l'utilisation des aides publiques qui leur sont versées au regard de l'emploi, de l'aménagement du territoire et de la création de richesses sur le territoire national.

Ce procédé d'externalisation, très pratiqué aux EtatsUnis sous le nom d'

« outsourcing », est de plus en plus pratiqué par les entreprises françaises désireuses de se recentrer sur leurs seules activités stratégiques afin de réduire leurs coûts. L'opération consiste à sous-traiter à l'extérieur une partie des services qui étaient auparavant assurés en interne. Il s'agit en général d'activités comme l'accueil ou la maintenance en informatique. Les organisations syndicales s'inquiètent à juste titre de ce transfert de salariés d'une entreprise à une autre, parce que ceux-ci se voient soudain déplacés quasiment sans préavis, parce qu'ils se sentent rejetés par l'entreprise et parce qu'ils y voient un risque de rejet définitif.

Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous suiviez ces procédés avec une particulière attention.

Assuré, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez coordonner les actions des nouveaux services de votre département ministériel pour financer et conduire les études et les développements qui relèvent de la recherche publique dans le domaine des télécommunications, tellement essentiel pour notre pays, le groupe socialiste votera votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Jean-Pierre Kucheida.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, un budget volontariste permet quelques perspectives rappelées par mes collègues. Certes, monsieur Borotra, on peut toujours l'améliorer. Mais, que ne l'avez-vous fait à votre époque ? Je ne vous dirai donc que mon attachement à l'énergie nucléaire, énergie d'avenir, l'énergie de Kyoto.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Très bien !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Je vous rappellerai notre attachement au service public du gaz et de l'électricité, à ces deux entreprises nationales pour lesquelles je dis mon admiration, tout en soulignant avec force qu'une transposition douce des règles européennes leur permettra d'être encore meilleures. Mais le respect du service public est impératif.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a rappelé Roger Meï, on pourrait encore accepter la fermeture des mines si les gouvernements - je les mets tous dans le même sac - s'investissaient pleinement dans la conversion des bassins miniers.

A travers trois exemples, je vais rapidement vous montrer que tel n'est pas le cas et que la situation mérite d'être améliorée. Je m'adresse à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que vous fassiez avancer les choses. Je compte sur votre bonne volonté.

J'étais hier encore dans le Puy-de-Dôme, à Brassac-lesMines et à Saint-Eloy-les-Mines, pour étudier ces différents points.

Le fonds d'industrialisation du bassin minier, le FIBM, permet aménagements et investissements. Félicitations, monsieur le secrétaire d'Etat, pour les progrès réalisés par rapport à ce que M. Juppé et M. Borotra ont pu vous laisser. Les crédits étaient insuffisants au regard des


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drames des régions minières. Ils restent néanmoins infimes en comparaison de ceux qui sont consacrés en permanence aux chantiers navals. Ce n'est pas que les chantiers navals en aient trop, c'est que les régions minières n'en ont pas assez. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.

). Je souhaiterais que, dans ce domaine, on puisse au moins en revenir au niveau atteint sous François Mitterrand en 1983-1984, c'est-à-dire quelque 250 millions de francs pour l'ensemble des bassins.

Certains vous diront d'ailleurs, en particulier au ministère de l'économie et des finances, que ces crédits sont mal consommés. Cela est dû pour partie à l'attitude des préfets. Savez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que le préfet du Puy-de-Dôme signalait hier - je l'ai moi-même entendu - que le GIRSOM, fonds qui relève du budget de l'aménagement du territoire, avait complètement disparu, ce qui est archifaux, puisque nous continuons à en bénéficier ? Peut-être les préfets pensent-ils que le FIBM et la SOFIREM ont également disparu.

Il faudrait revoir les critères d'attribution, qui sont trop restrictifs, pour étendre le FIBM aux emplois tertiaires industriels et aux emplois tertiaires touristiques. Par exemple, dans le haut pays de l'Hérault, où l'on faisait autrefois du charbon, on pourrait faire aujourd'hui du tourisme. La région y est propice. Mais ces crédits, pour le moment, ne peuvent être utilisés à cette fin.

On pourrait investir également dans le domaine de la formation pour répondre aux besoins des lycées techniques où il existe une véritable tradition industrielle. Ce serait utiliser à bon escient les crédits du FIBM.

Je m'interroge en permanence sur la sincérité des gouvernements et surtout sur celle de l'administration de Bercy. On fait semblant de donner, tout en restreignant les critères, afin de mieux reprendre.

Deuxième exemple : la Soginorpa. Cette société immobilière du Pas-de-Calais gère 70 000 logements, en principe sociaux. Transformée par M. Borotra en société par actions simplifiée, elle est gérée autoritairement, aujourd'hui, par un comité de direction qui ne comprend pas un seul élu. Un conseil des partenaires regroupant les syndicats, les élus et les représentants des locataires doit en principe donner des indications pour améliorer son fonctionnement. Tout cela doit être transformé. Nous y travaillons. Vendredi dernier, le conseil des partenaires a décidé, à l'unanimité, l'arrêt de travaux inadaptés dans une cité d'une commune de mon secteur, BouvignyBoyeffles. Dès mardi, ces travaux reprenaient comme si de rien n'était. De qui se moquent Charbonnages de France et la SAS Soginorpa ? Mais après qui les habitants en ont-ils ? A vous, monsieur le secrétaire d'Etat, parce qu'ils estiment que le Gouvernement ne fait pas son boulot, alors que tout est dévié par Charbonnages de France et les dirigeants de la Soginorpa.

Vous devez impérativement réagir, car il s'agit d'uns ecteur essentiel dans le Nord-Pas-de-Calais, où 1 200 000 habitants sont concernés. Il faut accélérer la transformation de la gestion du patrimoine et fixer définitivement par la loi les garanties que l'Etat doit aux mineurs et aux anciens mineurs. Je sais que vous en avez la volonté.

Enfin, le code minier, créé sous le Premier Empire pour réglementer l'ouverture des gisements miniers, doit être adapté à leur fermeture. Certains finiraient par penser que cette révision, dans laquelle vous avez mis toute votre énergie, est un peu l'Arlésienne. Je pense, pour ma part, qu'elle est en marche, mais il serait intéressant que vous fassiez le point. Le problème est urgent, en Lorraine, en particulier - nous l'avons vu ces derniers jours à Moyeuvre, avec des inondations catastrophiques liées à des affaissements miniers - ou encore en Bourgogne.

Je sais votre engagement personnel, qu'il s'agisse de l'observation et de l'information, de la réparation des dégâts dus aux affaissements ou à l'eau, ou encore de l'indemnisation des particuliers victimes des bouleversements miniers. Mais il faut traduire tout cela dans la loi rapidement, en prenant en compte, dans les abandons de concessions, la volonté raisonnable des élus miniers. Raisonnable parce que, nous le savons, aucun Etat ne serait capable de tout faire. Mais raisonnable aussi parce qu'il y a un minimum à prendre en compte.

Nous attendons vos décisions avec impatience, car 4 millions de personnes habitent les bassins miniers et une centaine de parlementaires sont plus ou moins concernés. Je voterai donc votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je vous demande de faire avancer au plus vite ces différents dossiers qui, pour nous, sont essentiels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mesdames et messieurs les députés, au-delà des formules convenues, je tiens sincèrement à remercier les rapporteurs de la commission des finances et de la commission de la production ainsi que l'ensemble des intervenants qui, à cette tribune, ont montré tout l'intérêt qu'ils prenaient à la discussion des crédits de l'industrie, crédits importants pour l'avenir de notre économie et pour la bataille de l'emploi que mènent le Gouvernement et sa majorité.

Dans la gestion de ces crédits, nous devons désormais avoir, des rapports entre l'Etat et l'entreprise, une conception différente de celle qui a prévalu dans le passé. Il ne s'agit plus d'élaborer et d'appliquer une « politique industrielle » au sens où on l'entendait il y a vingt ans, mais plutôt de favoriser la mise en oeuvre des stratégies définies par les entreprises elles-mêmes. Il faut les soutenir, les stimuler, les tourner vers l'innovation. Instaurer une vérit able culture d'entreprise tournée vers l'innovation compétitive constitue bien le dessein de ce budget et le moteur de mon action.

A périmètre constant, la progression du budget de l'industrie sera de 1,1 % en 1999. Après le redressement tout à fait remarquable de mon budget en 1998 - 3,8 % en loi de finances initiale -, on aboutit sur les deux exercices à une progression de 5 %, alors que l'inflation a été inférieure à 2 % sur deux ans.

Le secteur industriel reste la source par excellence de la création de richesse et, partant, de la création d'emplois.

Ainsi la reprise de l'activité économique depuis deux ans repose-t-elle essentiellement sur l'industrie. La production industrielle a crû de 8 % au cours de l'année 1997 et cette expansion s'est poursuivie au premier semestre 1998 : à un rythme certes plus modéré, mais dépassant encore les 4 %, c'est-à-dire plus que le taux de croissance du produit intérieur brut. L'emploi industriel a repris : stabilisé dès 1997, il augmente de plus de 50 000 personnes au premier semestre 1998. Surtout, les gains de la productivité horaire du travail sont proches de 4 % depuis dix ans. Le surplus ainsi créé, même en période de stagnation, a bénéficié à l'ensemble de l'économie, du fait de la baisse relative des prix des produits manufacturés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

L'industrie doit certes s'adapter à la mondialisation des échanges, mais je perçois celle-ci, et beaucoup d'entre v ous sont sans doute d'accord, non comme une contrainte, mais plutôt comme une formidable opportunité. La mondialisation nous impose d'être en permanence en situation favorable de compétitivité. Au-delà de la compétitivité par les coûts, certes nécessaire mais insuffisante en elle-même, la clef de la réussite réside, en premier lieu, et de plus en plus, dans l'innovation, l'avance technologique et la capacité d'adaptation. Pas de création d'emplois sans compétitivité - est-il nécessaire de le redire à l'Assemblée nationale ? -, pas de compétitivité sans innovation ! La réussite suppose, d'autre part, l'optimisation de la taille, comme le montrent les partenariats développés dans les secteurs de l'aéronautique, de la chimie et de la pharmacie, de l'électronique de défense et de l'électronique grand public. Je sais que la commission de la production, sous la présidence de M. Lajoinie, y est très attentive, ainsi que son bureau.

Enfin et surtout, la réussite industrielle repose sur la qualité et la formation des hommes et des femmes. Soulignons-le clairement : ils ne doivent pas être absents de nos débats sur l'industrie et sur l'économie industrielle.

Ce sont les ouvriers, les agents de maîtrise et les cadres qui donnent aux entreprises leur avantage concurrentiel.

La compétence des salariés permet aux entreprises de s'adapter plus vite aux mutations industrielles, en favorisant une mise en oeuvre rapide des choix stratégiques, qu'ils soient technologiques, organisationnels ou opérationnels, comme l'ont souligné à juste titre M. Billard,

M. Leyzour, M. Meï et M. Paul.

Le ministère chargé de l'industrie doit accompagner et soutenir les évolutions fortes de notre industrie. J'ai déterminé avec Dominique Strauss-Kahn ses six missions principales : éclairer l'avenir et faciliter l'élaboration des stratégies tout en développant les compétences ; soutenir la modernisation et le développement des petites et moyennes industries ; contribuer à l'acquisition des technologies de l'avenir ; faciliter les reconversions et la création d'emplois industriels ; exercer de manière plus efficace les missions régaliennes de l'Etat - métrologie, normalisation, propriété industrielle, régulation sectorielle et gestion des fréquences ; enfin, j'y suis très attaché, moderniser les services publics et maîtriser l'ouverture à la concurrence, avec le double objectif d'accroître la gamme des services et de rendre les meilleurs services aux meilleurs prix.

Première mission : éclairer l'avenir, faciliter l'élaboration des stratégies et développer les compétences dans une perspective de long terme.

Même si l'évolution des crédits de l'industrie est favorable en 1998 et 1999 - je remercie les rapporteurs de l'avoir souligné -, l'action de l'Etat dans le domaine industriel ne se mesure pas uniquement au volume des crédits dépensés. Mon département ministériel doit être, pour nos entreprises, d'abord un centre de ressources et de conseil. Il doit s'inscrire dans la perspective d'un renforcement de l'information économique. J'entends favoriser le développement de la veille économique concurrentielle.

C'est un sujet nouveau, mais important, que l'information économique et sectorielle, mission qui revient, au sein de mon administration, au service des statistiques industrielles. Je veille à ce que le SESSI collecte, traite et restitue une information sans équivalent, par sa couverture et sa cohérence, sur les 23 000 entreprises industrielles que compte notre pays. J'entends qu'il procède à des retours d'information individualisés et quasi systématiques, permettant à chaque chef d'entreprise de situer son action par rapport à celle de ses concurrents.

Mais il faut aussi assurer l'information économique, l'animation de la réflexion et le développement des compétences. L'intelligence économique, trop souvent et trop longtemps négligée, est l'une des missions du ministère chargé de l'industrie, qu'il exerce soit directement avec son administration centrale, soit par le canal des directions régionales, soit par l'intermédiaire des organismes placés sous sa tutelle, comme l'ANVAR. La veille technologique mondiale est nécessaire, notamment dans le domaine des hautes technologies, comme les télécommunications. Tous les élus, sur tous les bancs, connaissent l'efficacité de mes services et plusieurs l'ont saluée à juste titre.

Je veux contribuer également à l'animation de la prospective et à la diffusion de la réflexion industrielle, économique et stratégique, comme l'attestent les Entretiens de l'industrie, dont les actes vous parviennent régulièrement. Les premiers entretiens ont été consacrés au textile : habillement, cuirs et peaux, chaussures ; les seconds, il y a quelques jours, à la convergence en matière de multimédia. Les multiples tables rondes et sectorielles que nous organisons à cette occasion et le soutien que mon administration apporte aux manifestations collectives sont la marque d'une véritable réflexion qui approfondit les perspectives de long terme de ces entreprises et de ces secteurs.

Enfin, nos services contribuent à l'excellence de la formation de nos ingénieurs. Tous les groupes l'ont souligné ici : c'est une fierté nationale que d'avoir de telles écoles d'ingénieurs. Je souhaite rappeler l'importance que j'attache à nos écoles et à la vitalité du lien organique qui les unit au ministère chargé de l'industrie - donc à la fertilité pour les jeunes d'un rapport constant à l'esprit d'entreprise dont ce ministère est plus particulièrement porteur. Les moyens de nos écoles augmentent : 3 % pour les subventions d'équipement des mines, 4,1 % pour les moyens des écoles des télécommunications, 8 % pour la subvention de Supélec. Pour cette dernière, je précise à M. le rapporteur Destot que mon département ministériel est prêt à réexaminer la situation dans le courant de 1999, pour s'assurer que la subvention prévue permette la mise en oeuvre du plan de développement prévu par l'école elle-même. Si nécessaire, je procéderai à l'ajustement en cours d'exercice.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Merci !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La « charte de qualité » des écoles d'ingénieurs, la formation d'ingénieurs-créateurs d'entreprises - il nous en faut beaucoup plus - ainsi que la réactivité du réseau des écoles, épro uvée récemment lors du lancement, très remarqué, du prog ramme FIDJIT de formation à l'informatique de 2 500 jeunes ingénieurs et techniciens, sont la preuve du dynamisme de nos écoles. La formation n'est pas une charge, c'est un investissement humain.

M. Franck Borotra.

Il faut sauver les prépas : dites-le à Allègre !

M. secrétaire d'Etat à l'industrie.

Merci de m'approuver, monsieur Borotra.

Deuxième mission : soutenir la modernisation et le développement des petites et moyennes industries.

L'incitation au développement des petites et moyennes industries - dynamiques, innovantes et créatrices de nouvelles activités - est stabilisée à un niveau élevé. Le p rojet


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d e budget que je vous présente prévoit de doter l'ANVAR de 800 millions de francs, soit une capacité d'engagement supérieure à 1 400 millions de francs. Les moyens d'engagement de l'agence sont donc maintenus au niveau très élevé qu'elle avait déjà atteint en 1998.

Les contrats de plan Etat-région seront dotés de 470 millions de francs, la procédure de diffusion des techniques ATOUT de 212 millions et le programme Internet-PMI de 50 millions.

Un quart de la recherche industrielle - sur le fameux chapitre 66-01 - sera consacré aux petites et moyennes industries ! Vous l'avez souligné à juste titre, l'effort doit être poursuivi et je pense que ce chiffre peut évoluer afin de faire toujours plus pour les petites et moyennes industries à l'intérieur de l'enveloppe des crédits d'innovation industrielle du chapitre 66-01.

A l'instar des crédits gérés par les DRIRE, les crédits de l'ANVAR feront l'objet d'un effort de simplification, au travers de la conclusion avec chaque entreprise d'un unique contrat d'innovation technologique, dans lequel viendront se fondre les différentes catégories d'incitations à l'innovation existantes. Les réseaux de diffusion technologique pilotés par l'ANVAR font l'objet d'un nouvel effort budgétaire - 16 millions de francs, soit une progression de 18 % - qui, prolongeant celui déjà effectué en 1998, sera assorti d'une évaluation visant à définir les moyens de renforcer leur efficacité.

Les engagements figurant dans les contrats de plan

Etat-région sont respectés, qu'il s'agisse du fonds de développement des petites et moyennes industries, le FDPMI, ou des aides au conseil ou à la diffusion des techniques.

L'effort budgétaire en direction du développement industriel des petites et moyennes industries vise à renforcer les fondements de la croissance. Il s'accompagne de nouvelles méthodes, qui ont pour objet un meilleur accompagnement des petites entreprises dans leur projet de développement. Pour favoriser le développement industriel, j'entends notamment mettre en oeuvre un redéploiement de moyens de l'administration centrale vers les DRIRE, afin de les doter d'une force de frappe en matière de développement industriel local et régional par le conseil permanent qu'elles apportent aux petites et moyennes industries.

Dans vos circonscriptions, cela doit se traduire par une attention, encore plus soutenue qu'à l'ordinaire, vers la création et le développement d'emplois et de technologies capables de diffuser la croissance économique dans l'ensemble de nos régions et de nos bassins industriels.

L'objectif est bien de renforcer l'action des DRIRE, pour donner une inflexion au développement industriel.

L'effort budgétaire vise ensuite la facilitation, l'accélération et l'intégration de l'innovation technologique. Il recherche enfin une plus grande lisibilité des dispositifs d'aide publique, dont l'efficacité se trouve renforcée. Pour y parvenir, un peu à l'instar de ce que j'ai demandé à l'ANVAR, nous allons mettre sur pied des contrats glob aux de développement recouvrant l'ensemble des composantes du projet d'entreprise. Entre les DRIRE et l'entreprise, il y aura un rapport global de développement de l'entreprise qui prendra en compte tous les problèmes sur lesquels les DRIRE sont capables d'intervenir.

Les différents volets de la procédure de diffusion des techniques ATOUT sont appelés a être unifiés. J'ai demandé par ailleurs aux DRIRE de renforcer leur action en direction des PMI les plus grandes. En France, en effet, nous avons beaucoup de toutes petites PMI et de magnifiques grandes entreprises, mais contrairement à l'Allemagne, par exemple, nous n'avons pas de PMI moyennes ou moyennement grandes. Et cela nuit à l'équilibre du tissu industriel français. D'ailleurs, ces entreprises sont souvent tenues à l'écart des dispositifs d'aides et de conseil, alors qu'elle recèlent des capacités importantes d'innovation et de création d'emplois dans de nombreuses filières.

Prolongeant l'action engagée dès l'avènement du Gouvernement pour encourager les entreprises à accéder à la société de l'information - comme l'a souhaité ardemment le Premier ministre - une nouvelle enveloppe de 50 millions de francs d'autorisations de programme est prévue pour le financement d'actions individuelles ou collectives visant à promouvoir les usages de l'Internet dans les petites et moyennes industries. L'appel à propositions lancé par le ministère en charge de l'industrie en 1998 se poursuivra tout au long de l'année 1999.

Troisième priorité, il faut contribuer à l'acquisition des technologies de l'avenir. La troisième mission du ministère chargé de l'industrie est bien de préparer l'industrie à l'acquisition de ces technologies du futur par appui à la recherche industrielle. Au titre du fameux chapitre 66-01, 1,818 milliard de francs consacré à cette priorité - plusieurs rapporteurs l'ont souligné, notamment M. Destot.

Les crédits disponibles sur ce chapitre, monsieur Borotra, n'étaient que de 1,541 milliard en 1997. Je les ai portés à 1,806 milliard en 1998. Ils seront de 1,818 milliard en 1999.

M. Franck Borotra.

Et les grands programmes ? Il faut lire le bleu !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est dire si le souci d'innovation industrielle et de promotion concrète et pragmatique de l'innovation dans nos entreprises est bien une des priorités essentielles du gouvernement auquel j'appartiens ! Je prendrai comme exemple mon engagement intense et multiforme, depuis un an et demi, en faveur de la préparation de l'an 2000. Ou encore, en matière énergétique, l'action engagée sur l'aval du cycle nucléaire, les laboratoires souterrains et l'EPR - le nouveau réacteur auquel je suis, comme beaucoup ici, très attaché.

A ce propos, je préciserai qu'il ne m'appartient pas de commenter les annonces du gouvernement allemand. Du reste, celles-ci sont trop récentes pour que nous puissions encore en mesurer toutes les conséquences et pour que les industriels allemands aient pu s'adapter à la nouvelle donne et à la négociation qui leur est offerte par le gouvernement d'outre-Rhin. Des contacts seront donc noués très rapidement entre mon ministère et son équivalent allemand et entre moi-même et mon homologue allemand, notamment au cours du sommet qui doit réunir nos deux gouvernements les 3 et 4 décembre prochains à Potsdam. J'y reviendrai nécessairement devant la représentation nationale pour évoquer les suites que nous pourrons donner.

En tout cas, je veux dire ici mon attachement à la poursuite des travaux et des recherches sur l'EPR qui en est maintenant à sa phase définitive puisque nous en sommes à l'avant-projet détaillé. Une décision devra intervenir le plus vite possible pour développer la tête de série de ce réacteur.

Les méthodes de mon département ministériel ont été profondément renouvelées. Elles s'appuient sur des partenariats entre entreprises et centres de recherche publics ou privés, comme c'est le cas pour le RNRT. J'accorde la plus grande importance à la recherche en télécommunica-


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tion et je partage sans réserve les souhaits exprimés à cette tribune par MM. Brottes, Gouriou, Hervé et Leyzour, pour améliorer encore, dans le cadre de la coopération avec le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie l'efficacité du dispositif mis en place et qui est déjà assez remarquable.

En effet, le RNRT fonctionne bien. Les 260 millions qui lui ont été alloués sont bien utilisés. Les nouvelles méthodes de l'action de l'Etat recherchent une adaptation rapide par des appels à propositions, qui font participer les entreprises et les laboratoires à ces recherches - et non plus par des contrats pluriannuels au profit exclusif des grands groupes -, en ciblant de nouveaux secteurs comme les biotechnologies, les transports, les industries de contenus culturels ainsi que les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Elles s'appuient sur une meilleure synergie avec d'autres ministères notamment avec celui de l'éducation nationale. Elles favorisent enfin le développement du capital-risque, priorité du Gouvernement pour la création d'emplois par la création d'entreprises.

En liaison avec mon collègue Claude Allègre, et conformément aux conclusions des Assises de l'innovation, le Gouvernement présentera prochainement un projet de loi qui facilitera la création d'entreprises, la prise de risque économique par les chercheurs du secteur public avec toutes les garanties nécessaires quant à leur propre carrière. Il y a là une véritable révolution dans l'approche du problème du capital-risque, de la création d'entreprise et de la mise à disposition de l'innovation et de l'invention vers les entreprises pour produire de la richesse et donc de l'emploi.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les technologies de demain font des emplois dès aujourd'hui. J'ai pu récemment le vérifier avec M. Brard à Montreuil, ou avec M. Destot à Grenoble. J'en veux pour preuve le succès de l'entreprise ST-Microelectronics.

M. François Brottes.

Implantée à Crolles et non à Grenoble ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Au sein du secteur d es semi-conducteurs, cette entreprise, anciennement SGS-Thomson - M. Borotra l'aura reconnue -, est devenue l'acteur majeur en France. Partie d'une situation très difficile au début des années 90, elle a su se hisser à la dixième place mondiale en 1997 et a créé plus de 2 000 emplois directs nouveaux, notamment grâce au soutien important apporté par les pouvoirs publics.

Forts de ses succès, les pouvoirs publics français ont décidé de poursuivre le soutien à l'entreprise sur la période 1998-2002, notamment dans le cadre du programme européen de microélectronique MEDEA.

Le retard technologique face aux Etats-Unis et au Japon était considéré par certains, ici même, comme irrémédiable il y a deux ou trois ans, comme irrattrapable au début des années 90. Tel n'est plus le cas aujourd'hui.

Nous sommes maintenant avec ces entreprises dans les premiers mondiaux, et il faut le dire car c'est une fierté pour notre pays d'être en tête du palmarès. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je rappelle qu'en matière d'industrie électronique, qu'il s'agisse de l'électronique de défense ou de l'électronique grand public, nous avons pris depuis dix-huit mois des initiatives fortes, là où nos prédécesseurs avaient soit tergiversé, soit adopté la démarche que l'on sait pour Thomson Multimédia qui, prétendument pour l'industrie, ne valait même pas un franc en 1996 !

M. Franck Borotra.

Moi, je ne l'ai jamais dit !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Voilà une entreprise, mesdames, messieurs les députés, qui a redressé sa situation grâce à ses équipes et qui, désormais, grâce à des partenariats actifs et à une recapitalisation engagée par le Gouvernement de Lionel Jospin, réussit avec de grands industriels comme Alcatel, comme le Japonais Nec, comme Microsoft ou comme Direct TV, à jouer un rôle l eader mondial, non seulement dans la production d'objets physiques liés à son activité mais, de plus en plus, à partir de services autour des produits physiques qu'elle va développer.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je remercie

M. Destot de l'avoir rappelé. C'est là encore, mesdames, messieurs les députés, un motif de fierté nationale.

Quatrième priorité, il faut faciliter les reconversions et la création d'emplois industriels. L'action de mes services doit faciliter la mutation de secteurs soumis à des difficultés structurelles ou à des fins de cycles technologiques.

L'introduction de technologies performantes peut permettre des poursuites d'activités et des succès dans des secteurs considérés comme traditionnels. Je pense notamment au textile, à l'habillement et aux secteurs connexes.

Il a bien fallu - comment ne pas en parler ? - que mon ministère accompagne la fin, je le dis en toute sympathie et amitié, de l'erreur Borotra. On sait que le plan dit Borotra était condamné par écrit, dès l'origine, en mai 1996 par la Commission européenne.

M. Robert Galley.

Cela n'avait pas d'importance !

M. Franck Borotra.

Vous avez préféré condamner le textile !

M. le président.

Messieurs, s'il vous plaît !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

L'Etat doit naturellement accompagner la rationalisation de certaines activités. On ne comprendrait pas, en effet, que je n'évoque pas ici les chantiers navals.

Oui, monsieur Paul, avec vous et l'ensemble des élus locaux de Haute-Normandie, je mesure les difficultés humaines, le désarroi que rencontrent aujourd'hui les ouvriers, les ingénieurs, les cadres, les techniciens des ateliers et chantiers du Havre, et le défi que doit relever Le Havre et sa région.

Nous entendons y apporter des réponses qui engageront avec intensité, une intensité que je peux qualifier d'exceptionnelle, les efforts de l'Etat. Le Gouvernement fera connaître dans les prochaines semaines les très importantes mesures qu'il entend mettre en oeuvre à cet égard. Comme M. Strauss-Kahn l'a indiqué devant l'Assemblée nationale, nous nous associerons aux perspectives de réindustrialisation de la région du Havre, avec beaucoup d'attention, dans la concertation et en consentant un réel effort.

Toutefois, on ne peut pas réduire la construction navale française aux ACH. Les Chantiers de l'Atlantique, par ailleurs, vont bien et le programme CAP 21 est, comme chacun le sait ici, en bonne voie, avec les soutiens nécessaires que lui accorde, dans le cadre des règles de Bruxelles, le gouvernement français.

Ce qui me paraît très important avec ce programme, mesdames et messieurs - et j'en ai discuté avec les élus de la région de Nantes et de Saint-Nazaire - c'est que les


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Chantiers de l'Atlantique s'estiment capables, après le 31 décembre 2000, date à partir de laquelle Bruxelles n'autorise plus à procéder à des aides à la commande, de poursuivre de manière bénéficiaire l'exploitation du chantier sans aide publiques. C'est la preuve que, lorsque les capacités réelles des entreprises en dégagent la possibilité, le Gouvernement peut ouvrir une perspective à long terme de développement d'un secteur important pour l'économie française je vous rejoins sur ce point.

Les moyens d'intervention en faveur des zones minières et en Lorraine sont bien connus de vous. Il s'agit du FIBM, dont M. Kucheida et d'autres orateurs ont parlé, de la SOFIREM et du FIL qu'il convient en effet d'adapter pour les rendre plus efficaces.

Les élus de l'ACOM, l'association des communes minières, que j'ai rencontrés - M. le président Kucheida a évoqué ce récent voyage - le savent bien, je souhaite moderniser les procédures de gestion du FIBM et du FIL afin de renforcer notre action en faveur de la création d'entreprises dans ces régions affectées par des lourdes reconversions industrielles et de faire en sorte que tous les crédits soient consommés. Mais il faut aussi faciliter les créations d'emplois dans les zones subissant une cessation d'activité. Le ministère chargé de l'industrie doit savoir mobiliter ses compétences et ses moyens sur ces bassins géographiques, en liaison avec les autres départements ministériels concernés.

Toutefois, il ne me paraît pas possible, monsieur Meï, de répondre positivement à votre demande de remise en cause des accords passés. Le pacte charbonnier prévoit la cessation d'activité en 2005 et il ne serait pas raisonnable, étant donné l'économie réelle de chacun de nos sites miniers, d'aller au-delà de ce qui a été conclu. En effet, la tonne de charbon sur certains de nos sites est produite à 1 200 francs, alors que, ailleurs en Europe, on la trouve à 250 francs, ce prix incluant le transport jusqu'au lieu d'utilisation en France.

On ne peut donc procéder autrement que par une décroissance organisée, responsable et soucieuse des problèmes humains et de conversion économique des bassins miniers. La franchise, l'honnêteté et le courage me conduisent à déclarer ici que nous ne remettrons pas en cause la durée de validité du pacte charbonnier ni en le prolongeant ni d'ailleurs en le raccourcissant. Il s'arrêtera bien en 2005.

M. Roger Meï.

Je le regrette fortement !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le projet de budget pour 1999 maintient par ailleurs la capacité d'intervention de l'Etat dans l'accompagnement des mutations industrielles. En atteste la stabilité des dotations du fonds d'industrialisation de la Lorraine - 80 millions de francs d'autorisations de programme, après d'ailleurs une augmentation de 24 % en 1998 par rapport à la loi de finance initiale de 1997 - et des crédits de politique industrielle, hors CIRI, qui s'élèvent à 85 millions de francs en autorisations de programme. La diminution apparente des autorisations de programme destinées au fonds d'industrialisation des bassins miniers comme au CIRI n'altérera pas la capacité d'intervention de l'Etat au regard des prévisions de ressources restant disponibles, hélas ! en 1998. Les règlements présidant à la gestion de ces différents fonds n'ont pas permis, en effet, qu'on les utilise.

Mais, au-delà des aspects budgétaires, j'engage une réflexion, dès maintenant, en concertation avec les élus, sur l'utilisation des crédits du FIBM ou du FIL, de façon à identifier les voies et moyens d'une gestion plus dynamique, au service des régions dans lesquelles ces fonds peuvent trouver des applications, élargissant - c'est la demande de plusieurs députés - le champ des actions éligibles et répondant aux besoins des régions concernées.

M. Christian Bataille.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

J'ai d'ailleurs envoyé une circulaire en décembre 1997 pour bien préciser les conditions dans lesquelles les interventions de ces fonds pouvaient être multipliées au profit de la création d'activités économiques dans les bassins concernés.

Je rassure à ce sujet M. Billard, qui a présenté un excellent rapport tout à l'heure. Mon souci est bien de poursuivre l'effort en faveur des bassins miniers.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis, pour La Poste et les télécommunications.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Loin de le remettre en cause, je veillerai à ce que l'effort financier de l'Etat soit plus efficace - c'est d'ailleurs ce que vous demandez, monsieur le rapporteur - pour donner aux bassins miniers de plus grandes chances de créer de nouvelles activités économiques.

Les événements survenus notamment en Lorraine ont montré que l'accompagnement de ces régions devait porter sur tous les aspects de la sécurité de l'ex-activité minière.

Aussi ai-je souhaité que ce budget intègre pleinement cette dimension, au-delà de l'indemnisation des dommages subis et des travaux de mise en sécurité des sites miniers, dont les dotations progresseront très fortement en 1999. Une mesure nouvelle de cinq millions de francs a été inscrite sur le titre IV, intitulé « Interventions publiques », pour renforcer les actions de prévention, de veille d'expertise, et de surveillance des affaissements miniers en Lorraine.

J'ai bien entendu les souhaits exprimés par M. Bocquet, le président du groupe communiste, et par M. Janquin, qui est député d'une région minière, et je comprends et je partage leurs préoccupations. J'ai bien entendu aussi la demande de M. Kucheida. J'annonce que le Gouvernement y apportera une réponse dans le futur projet de loi dit « Après-Mines », qui sera rapidement inscrit à l'ordre du jour de votre assemblée, après son adoption prochaine en conseil des ministres. Ce projet de loi renforcera la responsabilité de l'exploitant minier, en particulier au moment de la fermeture de la mine. Il reconnaîtra le droit à l'indemnisation pour toutes les victimes d'affaissements en cas de catastrophe minière. Il organisera, enfin, une surveillance préventive des sites après la disparition de l'exploitant.

La logique du projet de loi correspond parfaitement à la demande de celles et ceux qui, élus d'une région minière, ont beaucoup travaillé sur cette question. Nos travaux convergent, je le crois très sincèrement. Le projet de loi « Après-Mines » répondra à beaucoup d'interrogations et satisfera à beaucoup de demandes exprimées par les députés.

Cinquième priorité : exercer de manière plus efficace les missions régaliennes de l'Etat.

Conformément aux engagements pris par le Premier ministre, le 2 février 1998, le budget pour 1999 est marqué par la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Il se caractérise aussi par l'encouragement de la recherche nucléaire. M. Bataille et M. Galley l'ont noté avec satisfaction. Le CEA, dont M. Destot a souligné, à juste titre,


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l'indispensable dynamique et l'indispensable unité, voit ses moyens renforcés tout particulièrement pour la gestion des déchets nucléaires. Il est également prévu de faire converger ses travaux de recherche avec ceux d'autres organismes.

Une enveloppe nouvelle de 500 millions de francs en autorisations de programme et crédits de paiement a été dégagée en vue de mieux maîtriser l'énergie. Un tiers est inscrit sur le budget de l'industrie, dont la dotation fait ainsi plus que tripler ! Cette relance attendue s'inscrit dans un contexte marqué par la nécessité de répondre aux engagements ambitieux pris par la France à Kyoto en 1997 pour la période 2000-2010. Elle ne négligera pas le fait que le nucléaire est propre...

M. Yves Cochet.

Non ! Vous ne pouvez pas dire ça !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et que, seul avec les énergies non renouvelables,...

M. Yves Cochet.

Alors, le nucléaire est très sale !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... il n'aggrave pas l'effet de serre.

M. Claude Billard, rapporteur pour avis pour l'industrie.

C'est la vérité !

M. Christian Bataille.

Très juste !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cela doit être clairement réaffirmé ! Cette relance conduira, dans le cadre notamment de l'ADEME, à définir un programme volontariste en faveur de l'utilisation rationnelle de l'énergie et des énergies renouvelables. M. Cochet a salué cet effort et je l'en remercie.

M. Yves Cochet.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elle constitue l'un des axes forts d'une politique qui, alors que vont se mettre en place les premiers éléments d'un marché intérieur de l'énergie, doit à la fois maintenir la sécurité d'approvisionnement à long terme - et le nucléaire répond à cette préoccupation -...

M. Robert Galley.

Merci de le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... la préservation dans un cadre modernisé - du service public auquel les Français demeurent pleinement attachés, et le souci d'assurer aux grandes entreprises consommatrices une énergie compétitive.

En outre, réaffirmer le rôle de l'Etat passe par une attention toujours plus grande à la sûreté.

Le rapport remarquable présenté par M. Le Déaut et ses réflexions sur la création d'une autorité indépendante en matière de sûreté nucléaire me semblent, pour ma part, très intéressants. Je suis favorable à la création d'une autorité de sûreté indépendante.

Ceux qui, comme moi, soutiennent avec raison et maîtrise l'énergie nucléaire comme une des énergies du panel auquel la France recourt pour produire son électricité, alors que notre pays, il faut le souligner, est leader mondial dans cette magnifique technologie, ne craignent ni la transparence ni les jugements objectifs et dépassionnés sur cette énergie et sur sa sûreté. Ils sollicitent au contraire sans désemparer toutes informations objectives, transparentes et démocratiques comme autant de soutiens éclatants à cette forme moderne et non polluante d'énergie.

M. Michel Destot, rapporteur spécial pour l'industrie.

Très bien !

M. Yves Cochet.

Encore une fois, on ne peut pas dire qu'elle soit non polluante !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Par ailleurs, le bon exercice des missions de l'Etat dans un secteur récemment ouvert à la concurrence - celui des télécommunications suppose que soient confortés les moyens de l'Autorité de régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences. Leurs subventions de fonctionnement progressent respectivement de 6 % et de 4 %. Dix emplois seront créés à l'Agence nationale des fréquences pour améliorer l'exercice de ses missions, qui montent progressivement en puissance. M. Hervé et M. Montcharmont ont souligné, à juste titre, qu'il s'agissait d'une bonne direction et M. Cochet peut être rassuré sur la pertinence des missions de l'ART : elles correspondent bien à celles définies et organisées par la loi, c'est-à-dire la régulation des télécommunications.

Enfin, un exercice plus efficace des prérogatives régaliennes de l'Etat appelle un effort accru en matière de normalisation, de propriété industrielle et de métrologie.

La métrologie, discipline de la mesure, est indispensable pour la protection du consommateur et du citoyen, c'està-dire pour la santé comme pour l'environnement. Elle est aussi nécessaire au développement des technologies nouvelles, à la compétitivité des industries, à la qualité de leurs produits et à la recherche. Je ferai une communication sur le renouveau de la métrologie au conseil des ministres du 2 décembre prochain. Même si elle n'est pas spectaculaire, la métrologie est une discipline importante parce que concrète et précise.

Le Bureau national de métrologie, groupement d'intérêt public sous tutelle du secrétariat d'Etat à l'industrie, chargé du développement et de la mise en oeuvre de la politique d'amélioration et de diffusion des références nationales, verra ses moyens passer de 86 à 96 millions de francs en 1999.

Sixième et dernière priorité : moderniser les services publics et maîtriser l'ouverture à la concurrence.

J'ai pour habitude de dire que le ministère chargé de l'industrie est le garant des services publics placés sous sa tutelle dans les domaines de l'énergie - EDF, GDF - de La Poste et des télécommunications.

La concurrence n'est pas une fin en soi. Elle est une valeur admise par notre société, dans la mesure où elle permet d'assurer une offre variée et peu coûteuse, et dans la perspective où elle permet de stimuler les énergies créatrices. Dans le respect de nos engagements européens, qui sont très exigeants sur ces questions, mon objectif est que nos services publics demeurent et qu'ils se développent.

Pour ce faire, ils doivent s'adapter et, ainsi, donner naissance à des services encore meilleurs, plus nombreux, aux prix moindres. Les valeurs du service public, mesdames, messieurs, doivent être maintenues à l'occasion de toutes ces évolutions. Je pense au souci du long terme : la recherche en particulier, monsieur Gouriou, participe du service public. C'est le cas du CNET. C'est par souci du long terme également, monsieur Hervé, que l'entreprise France Télécom profite de l'ouverture de son capital pour tisser de nouveaux liens capitalistiques et industriels avec Deutsche Telekom.

On m'a a ce propos demandé quelle serait l'utilisation des 30 milliards de francs de recettes résultant de la vente des actions France Télécom. Ils serviront à couvrir les besoins en dotations en capital des entreprises publiques


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

sur 1998 et 1999 lesquels s'élèvent à 64 milliards de francs. Ils permettront notamment de financer des entreprises du secteur financier, du secteur des transports - on a évoqué à juste titre le cas de RFF - et du secteur minier : Charbonnages de France et l'Entreprise minière et chimique. L'ouverture du capital de France Télécom permettra également de participer à une opération croisée avec Deutsche Telekom. Il restera des crédits importants pour le développement à la fois national et international de France Télécom.

A titre d'illustration de la pérennisation et de l'évolution d'un service public, j'évoquerai brièvement la transposition en droit interne de la directive « électricité ».

Depuis plus de huit mois, elle fait l'objet d'une concertation exemplaire - je veux le souligner parce que je l'ai vécue comme telle et qu'elle m'a pris beaucoup de temps et d'énergie - et a donné lieu à l'élaboration d'un Livre blanc, au rapport Hadas-Lebel du Conseil économique et social, à la consultation des conseils économiques et sociaux régionaux, et à l'excellent rapport d'un parlem entaire en mission, votre collègue M. Jean-Louis Dumont. Je veux saluer ici le travail approfondi qui a été effectué et qui nous permet de présenter aujourd'hui même au Conseil d'Etat les principes de la prochaine loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité.

J'indique brièvement, de manière cursive, ces principes : premièrement, conserver les moyens de définir, dans la transparence, la politique énergétique du pays - dont la définition appartient au Gouvernement et le contrôle au Parlement -, deuxièmement, affirmer les grandes orientations du service public - auquel je crois, comme vous -, par exemple, les aides aux personnes en situation de grande précarité,...

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... troisièmement, créer une commission de la régulation de l'électricité définissant les règles de fonctionnement du gestionnaire du réseau, afin d'assurer une concurrence fair-play , ouverte, objective et loyale, quatrièmement, confirmer le rôle des collectivités locales, notamment en tant que concessionnaires et, enfin, favoriser une évolution maîtrisée du principe de spécialité, afin de donner toutes ses chances à l'entreprise EDF dans le nouveau contexte du marché intérieur de l'électricité, ouvert, comme vous le savez, par la directive européenne.

J'évoquerai, pour terminer, La Poste. Le président de la Commission supérieure du service public de La Poste et des télécommunications, M. Guyard peut en témoigner, et plusieurs d'entre nous l'ont rappelé, M. Montcharmont notamment : conclu en juin dernier, le contrat d'objectifs et de progrès de l'Etat et de La Poste est exemplaire de notre volonté de pérenniser et de moderniser les services publics. Je serai très attentif à la fois à la poursuite des missions de service public de La Poste et à l'assurance que celles-ci seront conduites dans le respect de son équilibre financier. Comme vous l'avez dit, l'Etat s'est engagé à accompagner le développement de l'exploitant public, en confortant ses missions de service public et d'intérêt général.

Cela implique l'adaptation continue de l'offre de services et des structures dans un environnement en évolution rapide. Cela suppose l'amélioration de la qualité des prestations et de la compétitivité pour garantir des prix abordables, voire en baisse pour les services sous monopole. Cela repose sur l'accessibilité du service public postal - vous avez eu raison de le souligner, monsieur Brottes -, l'intensification de sa présence au niveau international, et son investissement dans les nouvelles technologies - c'est en effet très important ! - afin de mettre en oeuvre de nouveaux produits et de nouveaux services pour accroître son chiffre d'affaires.

L'amélioration des performances de l'exploitant public implique évidemment d'associer pleinement l'ensemble des personnels et de leurs représentants. Le nouveau contrat définit des orientations fortes, qui portent sur l'amélioration des conditions d'emplois des contractuels, la réduction de l'emploi précaire...

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et la prise en charge - pour la première fois dans l'histoire des rapports entre l'Etat et La Poste - de l'excédent annuel de charge des retraites. Je vous remercie de l'avoir souligné, monsieur Hervé.

Les services publics doivent être, socialement aussi, exemplaires. Je pense notamment à l'aménagement-réduction du temps de travail, qui donne aux exploitants p ublics l'occasion d'approfondir le dialogue social.

Celui-ci n'est en effet pas toujours à la hauteur de ce que nous en attendons les uns et les autres. J'y veillerai personnellement.

Oui, les services publics ont un avenir ! J'y travaille et je les défends, en particulier dans les instances communautaires, dans des négociations quelquefois difficiles.

Mon prédécesseur, M. Borotra, connaît bien ces difficultés.

Il n'y aura pas de dérégulation sauvage en France ! Mais il y aura, naturellement, des évolutions, conduites dans le débat et suivant deux principes : la progressivité et la subsidiarité.

En conclusion, ainsi que je l'ai dit en commençant mon propos, il faut dépasser le concept de « politique industrielle », au sens où nous l'entendions il y a vingt ans, et mettre en oeuvre des dispositifs explicites de soutien des stratégies industrielles des entreprises : faire émerger ces stratégies industrielles, aider à leur mise en oeuvre et promouvoir en les modernisant les services publics de demain, en en conservant les valeurs et les principes.

Oui, il y a une place pour l'intervention de l'Etat dans le champ économique ! Nous récusons l'ultralibéralisme fustigé à juste titre, à cette tribune, il y a quelques minutes. Oui, cette intervention est utile, voire nécessaire au développement de notre industrie ! Oui, toute notre action est tendue vers l'emploi, l'innovation et l'avenir ! Nous voulons, avec Dominique Strauss-Kahn, permettre à la France d'affronter avec succès la mondialisation des économies, en lui donnant les seules armes qui vaillent dans ce combat pacifique : la capacité à conduire des stratégies industrielles, le courage de revendiquer pleinement l'esprit d'entreprise, la volonté de fonder son développement sur l'innovation stratégique et, monsieur Borotra, l'impérieuse nécessité, à laquelle j'ai satisfait sans complaisance et sans défaillance, de défendre nos intérêts à Bruxelles en présentant une vision dynamique où la France doit jouer un rôle moteur dans la définition des modes d'action de l'Union.

Cela a été fait et cela continuera d'être notre ligne de conduite, car notre combat pour l'industrie française est, naturellement, notre combat collectif pour une économie plus productive, plus compétitive, ouverte sur le monde, pour une économie qui serve l'objectif ultime de l'emploi dans la société française de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Mes chers collègues, je ne vous en rappelle pas les règles. Je vous fais simplement remarquer que vous avez intérêt à poser vos questions le plus brièvement possible si vous voulez l'examen de ce budget au cours de la présente séance.

Nous commençons par le groupe socialiste.

La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Ma question a trait à un point qui a déjà été soulevé au cours de ce débat par M. le rapporteur Edmond Hervé et par un autre orateur.

La taxe professionnelle à laquelle est assujetti France Télécom depuis la loi de juillet 1990 est perçue par l'Etat. Il en résulte une perte de ressources potentielles pour les collectivités locales et territoriales. Même si cette taxe contribue au financement du fonds de péréquation de la taxe professionnelle, elle est redistribuée, pour une part seulement, au profit de grandes communes de plus de 200 000 habitants.

D'une part, il nous paraîtrait juste que les recettes de la taxe professionnelle soient réaffectées aux collectivités locales.

D'autre part, ce régime dérogatoire risque de créer pour l'opérateur France Télécom des difficultés particulières sur le marché concurrentiel. Les collectivités locales, les établissements publics de coopération intercommunale, les départements et les régions ont la possibilité de mettre aujourd'hui en concurrence plusieurs opérateurs pour assurer leur service de téléphone et de télécommunications et, dans bien des endroits, ces négociations sont déjà très largement engagées. Les autres opérateurs sont évidemment assujettis au régime général de la taxe professionnelle. Les collectivités en question seront naturellement tentées de négocier favorablement avec des opérateurs qui seront en mesure de s'acquitter d'une taxe professionnelle substantielle pour la collectivité.

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette situation est de nature à créer une distorsion de concurrence préjudiciable pour l'opérateur France Télécom ? N'est-il pas opportun d'envisager la suppression de ce régime dérogatoire ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, la loi du 2 juillet 1990 a posé le principe de l'assujettissement de France Télécom au régime fiscal de droit commun et donc aux impositions directes locales de droit commun. Toutefois, dans le but d'assurer la neutralité budgétaire de la réforme des postes et télécommunications, la loi avait prévu d'affecter au budget de l'Etat le produit de ces impositions locales - en 1989, la contribution du budget annexe des postes et télécommunications au budget de l'Etat avoisinait 4 milliards de francs. Les modalités retenues par la loi permettent aux collectivités locales de bénéficier pour une part croissante du produit de la taxe.

Aujourd'hui, 30 % de la taxe payée par France Télécom sont reversés aux communes.

Je comprends néanmoins votre souci de voir évoluer le système. J'avais moi-même plaidé dans ce sens alors que j'étais membre du bureau de l'Association des maires de France, et je n'ai pas changé. Toutefois - je vais rassurer mes soigneurs à cet égard (Sourires.) - une éventuelle réforme doit faire l'objet d'une évaluation préalable très précise.

En effet, l'affectation de la totalité de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom aux collectivités locales, si l'on procédait comme vous le souhaitez, aurait sans aucun doute des effets importants, mais également très différenciés, sur les ressources fiscales des collectivités locales en raison de l'inégale répartition des bases de taxe professionnelle. C'est pourquoi nous devons poursuivre les études en liaison avec les élus locaux et leurs associations, dont l'AMF que je viens de citer, pour que ce sujet important pour les finances publiques locales et nationales puisse trouver, au cours des prochaines années, une heureuse résolution.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard.

Ma question a trait à la réponse que se doit d'apporter le service universel des télécommunications au problème spécifique des sourds et des malentendants. Nous avons accumulé un grave retard dans ce domaine : nous faisons désormais figure de lanterne rouge en Europe alors que nous étions, il fut un temps, plutôt en avance avec le minitel et le dispositif du 36-18. Le minitel a constitué une excellente réponse aux problèmes de communication des sourds et des malentendant ; il exigeait évidemment qu'il y ait un appareil aux deux bouts de la ligne. Or il laisse de plus en plus place aux micro-ordinateurs et à Internet, qui reviennent évidemment beaucoup plus chers.

Plusieurs pays voisins ont trouvé une réponse adaptée.

Ainsi, en Grande-Bretagne, pourtant caractérisée par un cadre réglementaire ultralibéral, 20 000 abonnées, pris en charge par British Telecom sur injonction de l'OFTEL, sont raccordés à un service qui les met en communication avec un opérateur facilitateur chargé d'assurer la liaison avec leur interlocuteur. Ce système a en outre l'avantage d'apprendre aux non-handicapés à converser avec des malentendants. Aux Etats-Unis, j'ai constaté avec surprise qu'il existe un service du même type, financé par un fonds alimenté par les factures de téléphone.

En France, nous n'avons qu'un service archi-expérimental qui concerne vingt personnes. Créer un système de type anglais supposerait de recruter à terme à peu près 300 personnes et de prévoir une dépense globale d'une centaine de millions de francs.

Nous avons aujourd'hui à définir les conditions de mise en place des tarifs sociaux dans le secteur des télécommunications. Le financement en est prévu. Comptezvous, monsieur le secrétaire d'Etat, y traiter cette question, ce qui apporterait une extraordinaire ouverture sur le monde à plus de 500 000 de nos concitoyens ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président Guyard, dans un monde où la communication devient une des données essentielles, il est en effet difficile d'admettre que 3 millions de personnes souffrant d'un défaut d'audition ne puissent avoir accès à l'ensemble des moyens de communications. France Télécom est attentif à leurs difficultés. Ainsi, tous les publiphones sont dotés d'un dispositif d'amplification et France Télécom met au point une nouvelle génération de cabines dotées d'un écran de taille significative pour afficher plusieurs services en ligne disponibles.

Pour l'usage privé, les abonnés malentendants disposent d'un choix d'appareils spécifiques d'un coût abordable. Mais c'est surtout par le Minitel que l'on peut résoudre une partie du problème auquel sont confrontées 3 millions de personnes. Grâce au 3618, un service peut ê tre apporté en cas d'impossibilité totale d'écoute.


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Peut-on envisager une prise en charge partielle du coût de ce service dans le cadre des tarifs sociaux prévus dans le cadre global du service universel ? Il me paraît tout à fait légitime d'en étudier la possibilité, sachant que cette éventualité doit être examinée au regard de l'évolution que je crois possible de la tarification de ce service.

Je suis naturellement disposé à étudier avec la commission supérieure du service public de la poste et des télécommunications toutes les suggestions que celle-ci pourrait nous présenter. Je vous invite, monsieur le président Guyard, à vous rapprocher de mes services afin que nous les étudions concrètement avant de les proposer ensuite à France Télécom.

Dans l'immédiat, il faut ajouter que le développement d'Internet est aussi un des moyens pour les malentendants et les sourds de communiquer dans des conditions de prix, chacun le sait, avantageuses ; en effet, Internet permet un dialogue écrit en direct, national et international, pour le prix d'une communication locale. Le développement d'Internet permettra de réaliser de nouveaux progrès pour satisfaire les besoins en communication d'une clientèle à laquelle, je vous le confirme, nous sommes très attentifs. J'attends vos propositions et celles de votre commission ; nous essaierons de les mettre en oeuvre.

M. Jacques Guyard.

Espérons-le !

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe RPR.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question portera sur les crédits de fonctionnement de l'Autorité de régulation des télécommunications et plus particulièrement sur le point de savoir si vous les considérez à la hauteur du rôle que l'ART s'est vu confier, de par la loi, dans le dispositif de libéralisation du secteur des télécommunications.

Cette question est motivée par une étude comparative des différentes autorités de régulation, autres que le régulateur britannique que vous avez bien voulu citer. L'autorité de régulation allemande notamment a bénéficié de crédits autrement plus importants que ceux de l'ART et dispose d'un millier d'agents, ce qui est sans aucune mesure avec les 140 emplois de l'ART dont vous faites état dans votre projet de budget. Sans aller si loin, je pourrais comparer l'ART avec un autre organisme de régulation français, celui du secteur audiovisuel, qui se voit doté, lui, d'un budget de 200 millions de francs.

Vous considérerez avec moi qu'avec un peu moins de 90 millions de francs, les crédits de fonctionnement de l'ART sont manifestement sous-évalués au regard des moyens colossaux que peuvent lui opposer l'Etat comme les opérateurs privés et publics.

Le rapporteur souligne lui-même que l'ART ne disposerait pas des moyens nécessaires, notamment dans le domaine de la bureautique, pour prendre des décisions nécessitant des moyens propres de stimulation des coûts des réseaux et de l'évolution des prix du marché. Cette remarque n'est pas sans fondement ; il serait légitime de considérer que, compte tenu des conflits à venir et de la nécessité de mettre en place les sanctions appropriées, une douzaine de postes supplémentaires au moins seraient nécessaires.

En ne prévoyant aucune hausse significative de ces crédits, ne cantonnez-vous pas l'ART à un rôle sans commune avec les missions qui lui sont dévolues ? Ne faut-il pas y voir une suite logique à la politique de nonapplication gouvernementale des décisions de l'ART ? En effet, quelle est l'utilité de cette autorité de régulation si l'Etat, actionnaire majoritaire de France Télécom, se refuse à respecter, en tant que puissance administrative, les décisions qui s'imposent à lui ? Il s'agit là d'une question du fond qui engage la crédibilité de l'Etat vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs et détermine en fait l'exercice de la concurrence dans notre pays. Mieux encore, il y va de votre capacité a asseoir l'ART comme une référence parmi l'ensemble des autorités de régulation en Europe et dans le monde.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, tout cela me conduit à m'interroger sur la réalité de votre politique en matière de libéralisation du secteur des télécommunications.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, la loi du 28 juillet 1996 a effectivement confié à l'ART de nombreuses missions : instruction des autorisations données aux nouveaux opérateurs, avis sur les tarifs de France Télécom, évaluation du coût du service universel, approbation des tarifs d'interconnexion, numérotations, fréquences, arbitrage en cas de désaccord entre opérateurs. Un immense champ technique lui est ainsi ouvert. En 1998, comme en 1997, l'ART a dû faire face, c'est vrai, à une charge de travail très importante. On peut du reste constater qu'elle a assumé ces tâches techniques avec une efficacité réelle et a permis l'instauration d'une concurrence loyale et équitable.

Les moyens de l'ART sont comparables à ceux des autorités du même type présentes dans les Etats membres de l'Union, exception faite de l'Allemagne que vous avez citée. Ainsi, le régulateur anglais, l'OFTEL, dispose de moyens sensiblement équivalents à ceux de l'ART. Nous nous sommes du reste attachés à les accroître. Pour 1999, le budget prévoit un renforcement des moyens de fonctionnement de l'ART, qui passent de 38 millions à 40,45 millions pour couvrir notamment ses frais de contentieux ou d'étude.

En revanche, il n'a pas paru nécessaire d'augmenter les effectifs. Je ne voudrais pas que l'ART devienne un monstre : vous avez parlé de 1 000 personnes en Allem agne. Même s'ils ont beaucoup de travail, nos 142 experts de l'ART suffisent parfaitement, en raison des effets de productivité que l'on peut attendre de la meilleure maîtrise des problèmes qu'ils sont pu acquérir en deux ans et demi d'expérience. Les agents de l'ART disposent dorénavant d'une forte capacité d'expertise et il convient de les remercier. Du reste, les opérateurs et les autres intervenants institutionnels dans ce secteur, particulièrement la commission supérieure du service public, que préside M. Guyard, reconnaissent la qualité du travail de l'ART.

M. Jacques Guyard.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Dans un secteur en pleine évolution comme celui des télécommunications, des adaptations ne sont pas à exclure, qu'il s'agisse des règles de mise en oeuvre ou de l'articulation des responsabilités. Mais n'attendez aucun bouleversement du système de régulation mis en place par la loi de 1996 ; l'ART doit poursuivre son action en toute tranquillité, avec le souci d'impartialité et de transparence qui a toujours guidé ses pas depuis sa création, ce dont nous la félicitons.

M. le président.

La parole est à M. Robert Galley.

M. Robert Galley.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais revenir sur le plan textile dont vous avez parlé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

L'abaissement des charges dans le secteur du textilehabillement, opéré sous le gouvernement Juppé par Franck Borotra et Jacques Barrot, a connu un franc succès. Tout le monde convient que 35 000 emplois y ont ainsi été sauvés en dix-huit mois, pour les exercices 1996 et 1997, et nous pouvons, sans nous tromper, dire que 3 000 emplois ont parallèlement été créés durant cette période malgré un contexte difficile. Nous avions initié là une demande de nature à réenclencher dans un secteur sinistré que vous connaissez bien, une véritable dynamique de créations d'emplois, à tel point que nous avions désiré étendre cette proposition à un abaissement des charges ciblé sur les populations de salariés les plus sensibles au risque de chômage.

C'est ainsi que, le 30 janvier 1998, avec nos collègues de l'UDF, nous avons présenté à l'Assemblée nationale une proposition de loi prévoyant une diminution des charges dans les entreprises comptant certaines proportions de bas salaires et d'ouvriers. Cette propostion avait été reprise à l'identique au Sénat et votée quelques mois plus tard.

Cette voie de progrès et de développement aurait pu s'appliquer avec succès aux secteurs de l'agriculture, du BTP, de la réparation automobile, de l'agro-alimentaire, du bois, des équipements du foyer. Toutes les projections indiquaient que c'était là un moyen efficace d'entraîner des créations d'emplois significatives.

Devons-nous par ailleurs, vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que Franck Borotra et Jacques Barrot avaient reçu confirmation du commissaire Karel van Miert qu'une telle extension du plan textile aurait précisément permis à la France de ne pas se trouver en contradiction avec le droit communautaire en joignant aux diff érents Etats de ne pas subventionner, même indirectement, certains secteurs de l'économie en violation des règles concurrentielles ? Malheureusement, votre gouvernement a choisi d'abandonner cette démarche, juste avant - comble de la contradiction - d'appeler de ses voeux des diminutions de charges dont certaines, comme l'a prouvé M. Malinvaud, ont montré qu'elles constituaient une solution à la crise de l'emploi en France. Nous le regrettons profondément.

Il serait aujourd'hui question, vous-même l'avez indiqué à la commission de la production et des échanges, de demander aux entreprises du secteur textile de rembourser les baisses de charges dont elles ont bénéficié. J'imagine que vous avez mesuré, monsieur le secrétaire d'Etat, l'indignation des commissaires spécialement chargés des problèmes du textile. Et vous n'ignorez pas que, au-delà du manquement de l'Etat à la parole donnée, vous allez, de fait, placer ces entreprises dans une situation dramatique.

Je vous ai écouté tout à l'heure parler avec beaucoup de bonheur de restaurer le climat de confiance entre l'Etat et les entreprises. Vous avez même conclu en disant, d'une manière beaucoup plus sophistiquée que moi, que l'Etat devait à tout prix assurer la promotion des entreprises. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est très simple : êtes-vous décidé, pour sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons, à reprendre les négociations avec la Commission au point où Jacques Barrot et Franck Borotra les avaient laissées ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Loin de moi l'idée, monsieur le député, de nier l'effet réel des mesures que mon prédécesseur avait mises en oeuvre. Nous pouvons tomber d'accord sur le fait qu'elles ont permis de stabiliser les effectifs dans le secteur du textile et de l'habillement. Vous affirmez qu'ils auraient même crû de 0,2 ou 0,3 % ; je préfère parler de stabilisation, mais je ne contesterai pas vos chiffres.

Le seul problème, malheureusement, je l'ai dit tout à l'heure, c'est que ces mesures, dès le départ, n'avaient pas été jugées conformes, aux règles de fonctionnement de l'Union, parce que sectorielles ; les instances communautaires avaient fait savoir au Gouvernement de l'époque qu'il ne devait pas les mettre en oeuvre. Nous nous trouvons donc aujourd'hui à choisir entre deux possibilités : ou bien retenir la solution que vous venez d'évoquer, i maginée par le gouvernement auquel appartenait M. Borotra, qui consisterait à étendre à l'ensemble des secteurs économiques les mesures initialement prévues par le seul textile ; ou bien s'en tenir au respect des règles juridiques de l'Union, tout en faisant en sorte d'en atténuer les conséquences pour les entreprises.

La première solution n'avait pu être retenue par le Gouvernement de M. Juppé, conscient du coût d'une telle mesure : entre 20 et 40 milliards de francs. Très objectivement, jamais le budget de l'Etat n'aurait pu supporter une telle dépense et M. Borotra le sait parfaitement.

La deuxième solution reste donc la seule qui s'offre à n ous : restaurer des relations de confiance avec le commissaire Karel Van Miert, chargé des questions de concurrence, pour négocier un nouveau délai - j'ai déjà obtenu dix-huit mois. Nous mettrons à profit cette période pour aider les entreprises du textile-habillement à s'adapter et pour trouver des modalités de remboursements suffisamment étudiées afin de ne pas les fragiliser.

C'est sur ce point que portent vos craintes ; c'est à cela que je m'emploie, soyez-en certain, par des contacts répétés, par un travail précis et soutenu auprès de la Commission européenne.

Au-delà, le Gouvernement a maintenu le principe d'une baisse générale des charges, avec possibilité de ristourne pour des salaires allant jusqu'à 1,3 fois le SMIC.

C'est justement en pensant au textile-habillement que Mme Aubry et moi-même avons mis au point un dispositif additionnel de réduction des charges sociales pour les entreprises de main-d'oeuvre : en plus des 9 000 francs par salarié versés la première année aux entreprises qui procèdent à un aménagement - réduction du temps de travail -, il sera accordé 4 000 francs supplémentaires aux entreprises comptant une proportion déterminée d'ouvriers, au sens du code du travail, et de salariés rémunérés entre une fois et 1,3 fois le SMIC. En d'autres termes, les entreprises de main-d'oeuvre qui caractérisent ce secteur bénéficieront largement de ces mesures qui, tout en étant de portée générale, ne déséquilibreront pas pour autant le budget de l'Etat en se traduisant par des dépenses insupp ortables comme l'auraient été les dispositions un moment prévues par le gouvernement de M. Juppé, mais auxquelles celui-ci a finalement dû renoncer.

Mais, et ce sera ma conclusion, dans ce secteur également, ce qui compte avant tout, c'est de promouvoir l'innovation et la créativité. Et je tiens à ce que la politique que nous menons en direction du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux et des chaussures s'attache d'abord et avant tout à soutenir les entreprises innovantes. Travaillons-y ensemble : c'est là qu'est le véritable avenir industriel de ce secteur.

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Claude Gatignol.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

M. Claude Gatignol.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez d'évoquer un sujet particulièrement important dans votre réponse à Robert Galley.

La question que je vais vous poser au nom de M. Yves Nicolin porte également sur le problème des industries de main-d'oeuvre. Yves Nicolin, qui est député de Roanne, a pu mesurer l'importance chez lui - mais c'est aussi le cas dans d'autres régions de France - de l'application du plan Borotra, qui était un plan d'allégement des charges.

Localement, ce plan avait réussi à stopper la forte hémorragie d'emplois que subissait l'industrie du textile et de l'habillement. A Roanne - chiffres du tribunal de commerce à l'appui - grâce à ce plan, les pertes d'emplois avaient été divisées par quatre.

Depuis que ce dispositif a cessé, on constate que les dépôts de bilan et les liquidations d'entreprises se multiplient de nouveau. De grandes entreprises comme Ferret, Désarbre, Marcelle Griffon et de plus petites ont disparu depuis le début de l'année 1998.

M onsieur le secrétaire d'Etat, pour cette variété d'industrie, le textile-habillement, mais aussi pour toutes les entreprises où le poids de la main-d'oeuvre dans le coût du produit fini est particulièrement important, quelles actions le Gouvernement entend-il mener, dès 1999, sachant qu'il faudra bien, compte tenu de son efficacité, trouver un moyen de remplacer le plan Borotra ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je vais, monsieur le député, prolonger ma réponse précédente puisque votre question recoupe largement celle de M. Galley.

Dans le domaine de l'innovation et de la créativité pour les entreprises dont il s'agit, textile et habillement, nous avons mis au point un soutien, par un appel à propositions, aux nouvelles fibres textiles ou aux nouvelles applications des fibres textiles existantes. Nous avons également mis au point, très récemment, un soutien aux jeunes créateurs de mode et nous appuyons les partenariats de filière entre producteurs et distributeurs - ce dernier sujet étant, d'ailleurs, très important pour la filière textile-habillement - notamment sur la base d'échanges de données informatisées avec un appel à propositions correspondant.

Par ailleurs, nous encourageons, dans les petites et moyennes industries, l'accès à Internet qui, dans le secteur de l'habillement, est tout à fait fondamental pour les liaisons en amont avec les fournisseurs et en aval avec les clients. Cela permet d'adapter en temps réel la demande et l'offre et de la faire varier en fonction de la mode, des goûts et des inflexions du marché.

Je rappelle aussi qu'à la demande de mon ami Jean Auroux, maire de Roanne, nous soutenons la biennale textile de cette ville, qui se tiendra à la fin du mois. Je sais que vous êtes, ainsi que M. Nicolin, très attaché à son succès.

Voilà un ensemble de mesures qui, ajoutées à celles déjà prises pour le textile-habillement et à celles qui concernent l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, est de nature à dynamiser ce secteur dont il ne faut pas stigmatiser systématiquement la situation. Le secteur textileh abillement comprend beaucoup d'entreprises très modernes, qui font du profit et partent à la conquête des marchés français, européen et mondial.

N'ayons pas une vision négative de ce secteur. Au contraire, donnons-en, par nos actions de politique et de stratégie industrielles, une vision dynamique, créative et innovante. C'est le meilleur service à lui rendre.

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

La parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la haute couture française, laboratoire de création et d'excellence esthétique, domaine où la main, féminine le plus souvent, se fait artiste, connaît une renommée internationale qui ne s'est encore jamais démentie.

Elle parle, dans son langage, et dans un style sans pareil, de la France à l'étranger. Les médias mondiaux commentent largement, deux fois par an, la présentation des collections qui se tiennent à Paris.

Fleuron renommé de notre culture, elle contribue à faire de la France la première destination touristique mondiale. Elle influe positivement sur l'équilibre de la balance commerciale, elle impulse de multiples activités dans le secteur du textile, prêt-à-porter, fourrures, lingerie, parfumerie et accessoires.

Les maisons de couture, dont certaines sont nées au siècle dernier, ne sont toutefois pas restées insensibles aux évolutions sociologiques et économiques ; elles ont su se renouveler, diversifier leurs activités, sans pour autant toujours échapper à la domination de quelques groupes financiers dont le seul souci est de récupérer la renommée de la marque sans en assurer la continuité créatrice. Voilà un exemple évident de libéralisme prédateur. C'est ce que le groupe espagnol Puig a recherché en achetant la maison Nina Ricci en janvier 1998.

De la sorte, l'emploi se raréfie et les conditions de travail des salariés se dégradent. Dans la maison Givenchy, 1 680 heures supplémentaires ont été réalisées en 1997 par dix-sept salariés et trois intérimaires contraints au travail de nuit et de week-end.

La haute couture existerait-elle sans ces magiciennes qui, comme le dit la chanson - peut-être l'avez-vous entendue comme moi dans mon enfance - « d'un bout de tissu font des manteaux de reine », que sont les couturières des grandes maisons, mais qui font les frais des évolutions en cours ? Je les ai reçues récemment. Ce sont elles aujourd'hui qui défendent la création et la qualité de la haute couture. Elles en appellent au respect, par les maisons concernées, des critères d'appellation et à l'utilisation correcte des aides allouées par les pouvoirs publics.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures comptezvous mettre en oeuvre pour aider le secteur de la haute couture, le préserver des atteintes d'un libéralisme qui attente à notre génie national, et pour faire évoluer le statut et les rémunérations de ses salariées ? Monsieur le secrétaire d'Etat, serait-il déplacé que je rappelle ici, pour excuser l'émotion qui s'est sans doute traduite dans mon élocution, que ma mère, Alsacienne,e st venue en 1900 travailler dans ces maisons-là ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur Hage, votre évocation à la fois émouvante, empreinte de poésie et d'esthétisme apporte un soutien très précieux au Gouvernement qui veut, en effet, développer la haute couture et conserver à Paris sa place dans la haute couture mondiale.

Vous l'avez dit, le nombre des maisons de couture diminue en France régulièrement ainsi, hélas ! que les effectifs employés, Il y a donc un vrai problème. Car la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

haute couture - et ce n'est pas sans rapport avec les questions précédentes sur le textile - constitue une activité phare pour la mode française par le renom qu'elle apporte à la place de Paris et par son chiffre d'affaires, qui en surprendra plus d'un dans cet hémicycle : près de 8 milliards de francs ! Il s'agit donc de conforter ce secteur. Nous menons actuellement, en liaison permatente avec mon excellente collègue, Mme Lebranchu, une réflexion avec la profession et les représentants du personnel pour conforter Paris, grâce au renom de ses créateurs, dans son rôle de capitale de la mode et ainsi promouvoir le savoir-faire du personnel de ces maisons.

Les dispositions envisagées visent à moderniser les critères d'accès à la profession, dans le respect des caractéristiques de qualité et de technicité que vous avez soulignées.

Les entreprises du secteur doivent prendre conscience que les dépenses réalisées dans la haute couture constituent un investissement immatériel à long terme, bénéfique pour le reste de leurs activités. Cet investissement a, en effet, des retombées positives avec la diffusion des grandes marques.

J'en viens au cas difficile de la reprise de Nina Ricci par le groupe espagnol Puig et à l'annonce de l'arrêt de l'activité haute couture qui, déficitaire, ne laisse pas de nous inquiéter. Mes collaborateurs ont reçu les salariés de la maison Nina Ricci au ministère et nous étudions toutes les pistes de reprise de l'activité, en explorant absolument toutes les solutions possibles pour ne pas laisser s'éteindre ce fleuron de l'activité française.

M. Jean-Pierre Balduyck, ici présent, député du Nord et président du groupe d'études Industrie textile, dont je rappelle qu'il est un des premiers groupes de l'Assemblée nationale par le nombre et la qualité de ses interventions, m'a alerté plusieurs fois sur ce point.

Je vais donc remettre en route la réflexion. Je vous invite, monsieur Hage, à vous joindre à nous, ainsi que

M. Balduyck.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Georges Hage.

Bien volontiers !

M. le président.

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Ma question concerne les intentions du Gouvernement en ce qui concerne le marché des combustibles nucléaires, et plus particulièrement la situation de l'entreprise COMURHEX, dont le siège social est à Velizy. Cette entreprise possède deux usines, l'une dans l'Aude, qui emploie 283 salariés et l'autre dans la Drôme, 349 salariés.

Aujourd'hui, EDF achète à la COMURHEX un peu plus de la moitié de sa production et satisfait ainsi 90 % de ses besoins.

La direction a annoncé sa volonté de supprimer cent postes statutaires ; vingt-sept le sont d'ores et déjà à Malvézy, près de Narbonne.

La démilitarisation nucléaire en Russie et l'augmentation du nombre d'opérateurs, notamment aux Etats-Unis, à la suite de privatisations, offrent un éventail très large d'approvisionnement en combustible à base d'uranium enrichi.

Ainsi, COMURHEX, maillon unique de la conversion de l'uranium en France, est soumise aux orientations stratégiques et économiques de deux entreprises publiques, la COGEMA et EDF.

Ma question sera simple, elle concerne notre indépendance en matière d'énergie nucléaire et le devenir de centaines de salariés. Comment envisagez-vous, monsieur l e secrétaire d'Etat, les relations entre EDF et la COMURHEX, notamment à partir de 2001 ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur Meï, l'entreprise Comurhex transforme du concentré minier en hexafluorure d'uranium, UF 6, une forme gazeuse indispensable pour enrichir l'uranium - c'est dire la portée de votre question.

Les opérations de conversion de l'uranium sont réalisées en deux étapes par la société Comurhex, sur les sites de Malvézy, près de Narbonne, et de Tricastin, près de Pierrelatte.

C omurhex est détenue à 100 % par l'entreprise Cogema. En 1997 elle a réalisé un chiffre d'affaires de 659 millions, et elle emploie 700 personnes. Elle est le premier convertisseur du monde occidental, puisqu'elle fournit un tiers du marché mondial d'UF 6 et exporte 40 % de sa production. D'ailleurs, elle est l'une des rares sociétés du monde à réaliser la tranformation en UF 6 de l'uranium issu des opérations de retraitement-recyclage des combustibles usés.

L'avenir de la conversion, c'est vrai, est affecté par l'existence de surcapacités de production au niveau de l'enrichissement d'uranium. Pour autant, je crois que Comurhex dispose d'atouts importants pour les prochaines années, grâce à la qualité de ses prestations et à l a valeur remarquable de ses salariés.

Sur le plan social, Comurhex Malvézy a connu une très grave crise il y a quelques mois. Des négociations sur le déroulement des carrières n'ayant pu aboutir, les syndicats ont pratiqué sur le site des grèves tournantes que la direction a encadrées sévèrement, pour des motifs de sécurité de l'activité industrielle. Des sanctions ont été prises. Finalement, un accord est intervenu rapidement, ce qui a permis de lever les sanctions en contrepartie de l'application par les syndicats des mesures de sécurité.

Nous restons vigilants en ce qui concerne les relations entre Comurhex et ses clients dans le cadre de la politique énergétique, notamment nucléaire, dont je rappelais tout à l'heure les grands axes.

M. le président.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Franck Borotra.

M. Franck Borotra.

Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant de textile, il faut être objectif.

Pour compléter votre information, je vous rappelle que le gouvernement précédent avait envisagé d'étendre la baisse des charges sur les bas salaires. L'objectif à atteindre était une diminution de 40 milliards de francs ; le Gouvernement avait décidé d'y affecter, pour la première année, 9 milliards. Il avait obtenu de la Commission de B ruxelles l'autorisation de généraliser, sur plusieurs années, l'abaissement des charges.

Je voudrais maintenant, au nom de M. Warsmann, vous interroger sur la présence de La Poste dans les zones rurales.

La présence de ce service public y est extrêmement importante car il contribue largement à l'égalité de traitement entre les habitants des zones rurales et des zones urbaines. Les annonces contradictoires faites en 1997 ont développé l'inquiétude dans les zones rurales. La question qui vous est posée est double.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Quelle est la politique de présence de La Poste en milieu rural ? Au cas où des modifications dans le dispositif postal seraient prévues, est-ce qu'une concertation aurait lieu avec les élus locaux ? Si les élus locaux étaient tous opposés à une fermeture ou à une réduction forte d'horaires, La Poste respecterait-elle leur avis ou l'autoriserez-vous à passer outre, ce qui ôterait tout son sens au mot concertation ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur Borotra, j'ai rappelé tout à l'heure les principes qui guidaient l'action du Gouvernement en matière de service public et je vous remercie de poser la question au nom de M. Warsmann.

Ces principes sont simples. Nous voulons maintenir les valeurs du service public et développer La Poste, porteuse de ces valeurs, même si, vous en conviendrez avec moi, les charges d'aménagement du territoire - je parle sous le contrôle de M. Brottes et de M. Guyard qui connaissent parfaitement ces questions - sont lourdes : environ 4,3 milliards en charges brutes et un peu moins de 3 milliards en charges nettes annuelles. Sur les 17 000 bureaux de poste, en effet, 5 000 ont une activité inférieure ou égale à quatre heures par jour - et cela a un coût d'entretenir des locaux et des personnels pour assurer un service public quatre heures par jour - et 3 000 ont une activité inférieure ou égale à deux heures par jour. Il y a donc une charge réelle. Cela ne veut pas dire qu'il faut supprimer ou réduire le concept de service public en milieu rural, mais il faut en affirmer les valeurs et déterminer dans quelles conditions le renforcer.

Par parenthèse, nous avons l'intention de faire de même dans les quartiers d'habitat social où se pose le même problème de la présence de La Poste comme élément de lien social, notamment dans les zones urbaines sensibles. Dans un quartier sur deux, en effet, La Poste n'est pas encore présente.

Je reviens au monde rural. Pour organiser le maintien ou le développement du service public de La Poste en milieu rural, et en accord avec la commission supérieure du service public de la poste et des télécommunications, nous avons souhaité établir le principe du dialogue préalable et de la concertation préalable à toute réorganisation. La Poste, avec la puissance qui est la sienne, et la puissance du service public est grande, ne peut pas décider de réorganiser en disant à une petite commune, à un maire, à un conseil municipal, que c'est à prendre ou à laisser. Nous voulons qu'il y ait un véritable dialogue pour organiser en commun, avec les collectivités locales concernées, leurs groupements, des collectivités territoriales comme le département ou la région, d'autres services publics ou d'autres entreprises publiques, un partenariat destiné à trouver les formes nouvelles, créatrices et innovantes, qui permettront de maintenir ou de développer le service public, en étroite liaison avec les collectivités territoriales et les entreprises du service public.

C'est pourquoi, afin de rompre avec la méthode utilisée depuis des années et des années, sous tous les gouvernements, pour cette épineuse question du maintien du service public en milieu rural, j'ai décidé, et cela fait partie de l'accord entre La Poste et l'Etat dans le cadre du contrat d'objectifs et de progrès signé au mois de juillet, de créer une commission départementale de la présence postale territoriale qui aura à connaître, préalablement à toute réorganisation éventuelle, l'évolution proposée par La Poste.

Nous allons ainsi soumettre tout projet au jugement, au partenariat, à la codécision des élus locaux, dans un cadre défini par l'Etat et par le contrat d'objectifs et de progrès signé avec La Poste. Nous permettrons ainsi à La Poste de développer ses propositions et aux élus locaux de faire preuve d'initiative, d'invention et de responsabilité pour maintenir et développer le service public en zone rurale, comme c'est l'intention très ferme du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais revenir sur la question des moyens accordés au développement du programme d'action « préparer l'entrée de la France dans la société de l'information » dans le cadre de ce budget.

Le Gouvernement a multiplié les déclarations sur son intention de développer ce secteur, mais force est de constater que, sur des points essentiels, rien n'a été fait.

A titre d'exemple, je rappellerai notamment la mauvaise gestion du dossier Internet dans les écoles. Le Gouvernement, après avoir préféré l'offre tarifaire de France Télécom, contre les avis de l'ART et du conseil de la concurrence, a dû revoir sa copie après une décision de confirmation de la cour d'appel de Paris. Au total, ce sont plusieurs milliers de jeunes Français, souvent les plus modestes, qui sont pénalisés par la mauvaise préparation de ce dossier. En effet, un an après l'annonce du plan, sa mise en place reste très partielle.

Deuxième exemple, le développement d'Internet sur le câble. En tant qu'actionnaire principal de France Télécom, vous n'avez pas imposé à l'opérateur public le respect de la réglementation afin de permettre à quelques dizaines de milliers de foyers raccordés au câble d'accéder p lus facilement à Internet, notamment dans les communes de Paris, Boulogne, Neuilly et LevalloisPerret.

Dernier exemple, le décret libéralisant la cryptologie n'a toujours pas été publié.

Il est, en effet, nécessaire de faire entrer la France dans la société de l'information. On peut cependant vous reprocher le manque significatif de moyens accordés en France à ce programme.

Sur la base des éléments que votre ministre de tutelle m'avait fournis en réponse à l'une de mes questions écrites, force est de constater le manque de lisibilité politique et budgétaire de votre plan d'action pour la société de l'information. Je crains que vous ne cachiez la faiblesse des moyens à votre disposition derrière un argumentaire dont chacun perçoit les limites, argumentaire que vous développez sur le thème du soutien public à caractère ponctuel et ciblé, alors qu'il s'agit en fait d'un saupoudrage budgétaire, l'absence de moyens d'envergure étant plus généralement enrobée sous le concept d'effet de levier.

Je souhaiterais donc savoir si, compte tenu de l'enjeu, les moyens de votre ministère ne sont pas manifestement sous-évalués, et si vous ne nous faites pas prendre un retard coupable dans le développement d'une véritable société de l'information.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Grâce à votre intervention, monsieur le député, car cela ne m'a pas paru être une question, je vais revenir sur le programme dont le gouvernement de Lionel Jospin a donné le coup


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

d'envoi dès le mois de juillet 1997 à Hourtin sur le thème de la société de l'information. Votre question est donc particulièrement opportune parce qu'elle me permet de rappeler une mesure nouvelle que j'ai annoncée au secteur industriel concerné il y a deux jours, et donc de bien informer la représentation nationale.

Tout d'abord, il s'agit d'un chantier prioritaire. Merci de me donner l'occasion de le redire.

Notre premier objectif est de relever le défi de l'innovation industrielle et technologique de la société de l'information. Pour l'atteindre, nous avons décidé, Dominique Strauss-Kahn et moi-même, de mettre en place dès 1998 et de reconduire en 1999 un programme de dynamisation sur le chapitre 66-01 dont je parlais tout à l'heure, un programme « Société de l'information », pour soutenir, à hauteur de 300 millions de francs par an, des projets d'innovation liés aux technologies de l'information et pour expérimenter de nouveaux services, qui sont en fait le véritable enjeu. Cela concerne le commerce électronique, les systèmes de paiement sécurisés, la cryptologie, le porte-monnaie électronique - sur lequel, d'ailleurs, La Poste a quelque chose à dire, comme sur le commerce électronique - mais aussi les terminaux d'accès, la télémédecine, etc.

Vous voyez donc que le Gouvernement a lancé un programme qui a déjà des applications concrètes dans l'industrie et les services. Je vous les ferai connaître si vous le souhaitez.

M.

Olivier de Chazeaux.

Volontiers !

M.

le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il y a deux jours, j'annonçais aux professionnels du secteur la mise en oeuvre du PRIAM, le programme d'action pour l'audiovisuel et le multimédia, doté de 100 millions de francs, qui va s'attacher plus particulièrement à soutenir l'innovation et les usages liés à l'apparition des technologies numériques dans l'audiovisuel et le multimédia, notamment la télévision numérique hertzienne, récemment expérimentée en Bretagne, monsieur Gouriou, qui doit beaucoup à notre recherche dont vous souligniez tout à l'heure l'importance, la numérisation des contenus, et d'autres recherches du même type qui doivent placer l'industrie et les services français dans ce domaine au premier rang européen et bientôt dans les premiers rangs mondiaux.

Notre second objectif est de favoriser la diffusion des t echnologies de l'information et en particulier le commerce électronique dans les entreprises françaises. On sait qu'il y a du retard dans les petites PMI par rapport à certains de nos concurrents, les Allemands, les Italiens, et évidemment par rapport aux Etats-Unis d'Amérique.

C'est pourquoi j'ai mis en place un programme de dynamisation appelé « Internet PMI », doté de 50 millions de francs en 1998 qui sont déjà pratiquement consommés.

M.

Olivier de Chazeaux.

C'était est trop peu !

M.

le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il est jugé si intéressant par les professionnels du secteur et les PMI que de très nombreuses entreprises y font appel collectivement, en s'organisant soit au niveau régional, soit au niveau sectoriel. Je vous propose de le reconduire en 1999.

Merci, monsieur le député, d'avoir montré la dynamique qui est celle du gouvernement Jospin dans le domaine de la société de l'information.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Olivier de Chazeaux, C'est bien insuffisant !

M.

le président.

La parole est à M. Robert Galley.

M. Robert Galley.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait un vibrant plaidoyer en faveur du maintien du nucléaire et nous avons remarqué l'importance que vous y attachiez. Cependant, dans nombre de publications qu'il n'y a pas lieu de citer ici, on lit que le gaz naturel doit jouer un rôle central dans la diversification de la production d'électricité en Europe.

Il est indéniable que les turbines à gaz à cycles combinés ont fait de remarquables progrès, atteignant des rendements de l'ordre de 60 %. Il est également clair qu'à la suite du gaz russe, le prix du gaz a baissé dans le monde d'une manière appréciable. Mais il est également clair que le souci de la sécurité d'approvisionnement et l'évolution du coût amoindrissent fortement l'intérêt de cette voie. Il suffit pour s'en rendre compte de consulter le rapport

« Energie 2010-2020 » qui retient trois hypothèses chiffrant de 13 à 17 centimes par kilowattheure la part du gaz dans le prix de l'électricité future, compte tenu, naturellement, des frais d'infrastructure, avant, probablement, une stabilisation en 2005. Le prix du combustible représentant 60 % du prix du kilowattheure produit, on mesure par l'écart entre ces deux chiffres, les incertitudes qui pèsent sur une telle solution.

Par ailleurs, si la conférence de Buenos Aires s'est quelque peu enlisée dans des discussions de marchands de tapis, il est évident que l'effet de serre est une cruelle réalité. Recourir au gaz ne pourrait donc que dégrader la position exceptionnelle de la France dans ce domaine.

Comme l'a indiqué ici M. Strauss-Kahn, le nucléaire a permis à notre pays de faire progresser son taux d'indépendance énergétique, mais aussi de devenir exportateur, non seulement d'électricité - tout le monde a prob ablement été comme moi sidéré d'apprendre que l'énergie nucléaire française fournissait 6 % de l'électricité consommée en Grande-Bretagne et qu'elle n'était limitée que par la capacité du câble, et je regrette que M. Cochet ne soit plus là pour applaudir -...

M. Alain Gouriou.

On lui dira !

M. Franck Borotra.

Il lira le compte rendu analytique !

M. Robert Galley.

... mais aussi de composants industriels, de services, pour près de 40 milliards de francs par an au total.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le renouvellement de notre parc de réacteurs nucléaires doit être préparé pour une échéance qui se situe entre dix et quinze ans. Dans cette voie, le projet d'EPR dont vous avez parlé sera soumis avant la fin de l'année aux autorités de sûreté. Il débouche, vous le savez, sur une conclusion très positive de 17 à 18 centimes par kWh, si l'on se fonde sur une série limitée de dix réacteurs, ce qui est faible par rapport aux cinquante-sept réacteurs aujourd'hui installés.

Pour qu'une décision puisse être prise - peut-être par vous, mais plus sûrement par vos successeurs - en 2010, il faut absolument que le prototype soit lancé au milieu de l'année 1999, de manière que plusieurs années d'exploitation puissent étayer la décision. Or le plan de financement du prototype n'est pas établi, et l'évolution du gouvernement allemand rend très aléatoire la participation des Allemands, même si les compagnies allemandes d'électricité sont, elles, intéressées.

Vous avez réitéré tout à l'heure l'engagement de la France dans une politique énergétique. Vous avez évoqué le rendez-vous des 3 et 4 décembre qui va vous permettre d'essayer de sauver la collaboration franco- allemande sur ce point. Néanmoins, cela me paraît insuffisant, comparé à l'importance de l'enjeu, et nous n'avons pas trouvé, mes


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

amis et moi, dans votre projet de budget pour la France pour l'année 1999, les crédits substantiels que devrait consacrer votre ministère à ce prototype, que les Allemands nous suivent ou qu'ils ne nous suivent pas.

Par ailleurs, quelle part comptez-vous demander à Electricité de France au moment où son désir d'être compétitive va manifestement l'inciter à réduire les dépenses ? Cette question est fondamentale pour l'avenir. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai souhaité vous la poser.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je vous remercie, monsieur Galley, de votre question, qui est très importante.

J'ai abordé certains points du haut de la tribune. Je rappellerai, de manière très simple, que la politique énergétique de la France est équilibrée, et qu'il faut maintenir deux valeurs essentielles.

Première valeur, la sécurité d'approvisionnement, dont vous avez parlé excellemment. Notre approvisionnement ne doit pas être soumis aux évolutions géostratégiques mondiales qui peuvent affecter, dans les dix, vingt, trente ou quarante prochaines années, la distribution des cartes dans le monde énergétique.

Seconde valeur essentielle de cet équilibre, le prix.

C'est un impératif absolu de livrer à notre industrie, à notre économie, une énergie au coût le plus bas possible.

Aujourd'hui, le kilowatt-heure en base produit par l'énergie nucléaire est de 19 centimes. Il sera demain, avec l'EPR, de 17 centimes. Le kilowatt-heure produit par cogénération au gaz coûte, suivant les installations et les types de production, entre 20 et 27 centimes. Ces chiffres sont donnés par le rapport Mandil publié il y a un an ou un an et demi.

Nous devons réaffirmer la nécessité - on le voit bien en ce moment dans nos relations avec l'Allemagne - de produire une énergie au coût le plus bas possible, car c'est un avantage décisif dans la compétition internationale.

Notre politique est équilibrée également entre les différentes formes d'énergie.

Nous avons de l'énergie fossile - le gaz, le fioul - pour la production électrique en semi-base ou en pointe. Nous faisons appel à l'hydroélectricité, sans pouvoir aller plus loin, malheureusement, étant donné les sites géographiques concernés. Par ailleurs, mon ministère essayant de promouvoir les énergies nouvelles, nous faisons de lar echerche dans le domaine photovoltaïque, dans le domaine de la biomasse, dans le domaine éolien, et nous pouvons envisager d'accomplir de très réels progrès au cours des cinq, six ou sept prochaines années dans le rendement des diverses installations concernant ces énergies renouvelables, en produisant peut-être l'équivalent d'une tranche, d'une tranche et demie ou de deux tranches, si nous savons pousser les choses au maximum.

En tout état de cause, au cours des vingt, trente ou quarante prochaines années, pour satisfaire par ailleurs les objectifs de Rio, de Kyoto et de Buenos Aires, la production d'énergie électrique devra continuer de reposer largement sur l'énergie nucléaire, d'où l'importance de la coopération franco-allemande et des autres coopérations européennes que l'on peut développer, notamment avec la Grande-Bretagne et même avec la Russie - j'ai des contacts très fréquents avec mon homologue russe qui permettent d'ouvrir des perspectives sur le plan scientifique et technologique pour un futur sans doute plus lointain, mais de manière certaine et évidente -, et d'où l'importance que j'attache personnellement aux travaux sur l'EPR. Ils doivent passer du stade où ils sont arrivés aujourd'hui, à savoir l'avant-projet détaillé, à un développement que j'espère le plus rapide possible. Une décision pourrait être prise en 1999 pour une tête de série dont la localisation restera à déterminer.

Nous montrerons ainsi qu'en prenant des dispositions dès 1999 et en prenant le temps - M. Bataille est beaucoup intervenu sur cette question auprès de moi, de M. Strauss-Kahn et de M. Jospin - de développer technologiquement une tête de série au cours des prochaines années, nous pourrons disposer en 2010 ou 2015 d'un réacteur dont je rappelle les deux caractéristiques fondamentales : il est moins consommateur de combustible et il est encore plus sûr - si jamais certains pensaient qu'il y a des problèmes de sûreté, ce qui n'est pas le cas - que les réacteurs du palier N4 dont on a parlé tout à l'heure dans le débat.

La voie est donc tracée : une politique énergétique équilibrée quant à ses objectifs géostratégiques et politiques d'ensemble à long terme, une politique énergétique équilibrée quant à l'appel aux différentes formes d'énergie, un ministère de l'industrie réactif, qui joue le jeu des énergies renouvelables, tout en sachant, parce que c'est un impératif national, l'intérêt national absolu, faire toute sa place à la forme d'énergie qui, pour nous, dans les trente, quarante ou cinquante ans qui viennent, sera décisive, l'énergie nucléaire modernisée, avec un nouveau système, l'EPR, dans lequel je place beaucoup d'espoir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions.

ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE III. Industrie

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Economie, finances et industrie : III. Industrie. »

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : moins 4 385 382 504 francs ;

« Titre IV : 2 903 972 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 34 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 12 780 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 5 614 800 000 francs ;

« Crédits de paiement : 1 937 595 000 francs. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1998

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.

(La réduction de crédits est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits de l'industrie, de La Poste et des télécommunications.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heure trente, troisième séance publique : Communication, lignes 44 et 45 de l'état E et article 63 : M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 10 au rapport no 1111) ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1112, tome IV).

La séance est levée.

(La séance est levée à ving heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT