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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 9155).

TRAVAIL PRÉCAIRE (p. 9155)

M. Didier Boulaud, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LA FRANCE ET LE SOUDAN (p. 9156)

MM. Louis Mermaz, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

FORMATION DES ENFANTS HANDICAPÉS (p. 9156)

MM. Francis Hammel, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

PARTICIPATION DES RESSORTISSANTS D E L'UNION EUROPÉENNE AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES (p. 9157)

MM. André Vallini, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

RYTHMES SCOLAIRES (p. 9157)

MM. Guy Drut, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

BANANE (p. 9158)

MM. Anicet Turinay, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE (p. 9159)

MM. Jean-Michel Dubernard, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

FISCALITÉ APPLICABLE AUX ACHATS DE TERRAINS À BÂTIR (p. 9159)

MM. Germain Gengenwin, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

MATERNITÉ DE BRIOUDE (p. 9160)

MM. Jean Proriol, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

EMPLOIS-JEUNES À L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 9161)

MM. Bernard Birsinger, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

IRAK (p. 9161)

MM. Michel Suchod, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

SECRÉTARIAT D'ÉTAT AUX DROITS DES FEMMES (p. 9162)

Mmes Marie-Hélène Aubert, Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

2. Loi de finances pour 1999. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 9163).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le rapporteur général.

MM. Philippe Auberger, Jacques Brunhes, Pierre Méhaignerie, Yves Cochet, Marc Laffineur, Jean-Louis Idiart.

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution Adoption, par scrutin, par un seul vote, des dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération et de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 9172)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

3. Lutte contre le dopage. Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 9172).

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9180)

MM. André Aschieri, Denis Jacquat, Jean-Claude Beauchaud, Christian Estrosi, Patrick Leroy, Edouard Landrain.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9190).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique d'ores et déjà qu'il n'y aura pas de suspension de séance après les questions au Gouvernement. Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe socialiste.

TRAVAIL PRÉCAIRE

M. le président.

La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, nous assistons depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, à une montée de la précarité se traduisant par une véritable explosion du travail intérimaire et des contrats à durée déterminée.

Selon les indications de la profession, le chiffre d'affaires des entreprises de travail temporaire a augmenté de 31 % entre mars 1997 et mars 1998. De nombreux salariés, employés sous contrat précaire, nous saisissent de leur situation et des multiples problèmes auxquels ils sont confrontés : absence d'indemnisation par le système d'assurance chômage, difficultés pour obtenir un crédit afin d'acquérir un logement ou pour suivre une formation.

Ces situations sociales sont d'autant plus choquantes que certaines entreprises recourent abusivement au travail précaire. Donnant la priorité à la flexibilité externe, elles emploient des salariés sous contrat précaire pour tenir des postes qui correspondent à leur activité normale. Il n'est pas exceptionnel de constater qu'un salarié a travaillé plusieurs années comme intérimaire dans la même entreprise sans bénéficier ni de la moindre action de formation ni des dispositions prévues dans le cadre d'un plan social.

Alors même qu'ils sont les plus exposés, les salariés précaires sont les moins bien protégés.

Quelles dispositions allez-vous prendre, madame la ministre, pour mettre un terme aux dérives actuelles et garantir aux salariés des droits effectifs, notamment en matière de formation et d'assurance chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, l'emploi précaire se développe en effet de manière très importante aujourd'hui en France : puisque 90 % des embauches se font sur un contrat précaire. A tout moment, 1,4 million de personnes travaillent sous ce statut dans notre pays. Le travail temporaire a progressé de 24 % l'année dernière et le nombre de contrats à durée déterminée a augmenté de 9 %. Nous pouvons tous comprendre que l'entreprise ait besoin de contrats à durée déterminée lorsque la croissance revient mais qu'elle n'est pas encore sûre - c'était le cas il y a un an, mais cela ne l'est plus aujourd'hui -, lorsqu'il y a un surcroît occasionnel d'activité, lorsqu'il faut lancer une nouvelle machine ou remplacer un absent.

Ce qui n'est pas acceptable, c'est que des entreprises s'en servent comme un mode de gestion normal sur des emplois permanents.

Aussi le Gouvernement est-il décidé à agir en permettant le recours à cette forme de contrat lorsqu'il est légitime, mais en assurant un meilleur contrôle. J'ai ainsi demandé aux inspecteurs du travail d'en faire une priorité de contrôle dans les semaines qui viennent et Mme Guigou va envoyer une instruction aux procureurs de la République pour qu'ils examinent avec attention les procès-verbaux constatant des abus et la suite à leur donner.

Nous devons aussi modifier la loi sur des points qui posent aujourd'hui des problèmes, par exemple pour le calcul des délais de prévenance ou entre plusieurs contrats. Nous devons faire en sorte que les salariés soient mieux protégés. Aujourd'hui, un travailleur temporaire a deux fois plus de risques d'avoir un accident du travail, et avec des conséquences beaucoup plus graves. Une personne sous contrat à durée déterminée et, dans une moindre mesure, celle effectuant un travail temporaire ont moins accès à la formation qu'un travailleur normal.

Dans les jours qui viennent nous devons prendre des dispositions pour améliorer cette situation, d'autant que le quart d'entre eux qui trouvent un contrat à durée indéterminée sont les mieux formés.

Nous devons aussi empêcher que certaines entreprises utilisent ce type de contrat de façon systématique et permanente. Dans les jours qui viennent, je vais engager une concertation avec les organisations patronales et syndicales afin de réfléchir à la mise en place d'une contribution pour les entreprises qui utilisent de manière permanente des salariés précaires. Si les partenaires de l'UNEDIC en était d'accord, cette contribution pourrait, par exemple, aider à l'indemnisation du chômage des travailleurs précaires et des contrats à durée déterminée, parmi lesquels il y a de nombreux jeunes, nous le savons.

M. Lucien Degauchy.

Ce n'est pas comme ça qu'on réglera le chômage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, depuis quatre ans, le nombre de chômeurs indemnisés a baissé de 10 %, passant de 52 % à 42 %, du fait de l'augmentation du nombrede salariés précécaires et de jeunes sans emploi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Nous allons essentiellement nous attacher à assurer un meilleur contrôle de l'utilisation de ces contrats, à renforcer les droits des travailleurs précaires, à empêcher les entreprises de recourir systématiquement au travail précaire en les incitant à utiliser d'autres formes de contrats, le contrat à durée indéterminée à temps partiel, par exemple. Nous allons aussi nous pencher sur les groupements d'employeurs pour que les entreprises puissent satisfaire leurs besoins sans précariser l'emploi, comme c'est le cas aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LA FRANCE ET LE SOUDAN

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie s'est récemment rendu au Soudan. Ce pays connaît probablement une des plus grandes catastrophes humanitaires de ces dernières années. Le pays est divisé entre le nord islamiste et le sud animiste et chrétien. La guerre civile y fait rage. Les pays du pourtour, divisés, n'arrivent pas à conduire une médiation.

On assiste aussi à une interférence des intérêts internationaux et le Soudan doit subir l'embargo américain.

Que peut envisager la France, dans le cadre de la politique de l'Union européenne plus ouverte, pour éviter que les souffrances extraordinaires de ce peuple ne se perpétuent ? La France, dont la présence dans ce pays est économique mais aussi culturelle, pourrait jouer un rôle de médiation important à quelques jours de l'arrivée à Khartoum du sous-secrétaire général des Nations unies, qui précédera probablement le secrétaire général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, la situation humanitaire au Soudan était déjà difficile à la fin de l'année 1997. Elle s'est détériorée depuis sous l'effet de conditions climatiques défavorables, et surtout de la guerre civile qui oppose au gouvernement de Khartoum les rébellions du sud, en particulier dans la région du Bahrel-Ghazal.

Sous la pression de la communauté internationale, en particulier de l'Union européenne et de la France, les autorités soudanaises ont accepté de reprendre la coopération avec les organisations non gouvernementales. Elles ont d'ailleurs mis à leur disposition une base, à El-Obeid, de façon à permettre l'acheminement des aides en vivres et en médicaments. Dans le même temps, un cessez-le-feu a été négocié, auquel la France a participé. Je me suis personnellement impliqué dans son prolongement. Norm alement, il devrait permettre l'acheminement des secours jusqu'au mois de janvier prochain.

La France s'est beaucoup impliquée dans l'aide au Soudan au travers de différents organismes comme le Secours catholique et l'organisation humanitaire de la Commission européenne ECHO. Pour l'instant elle y a consacré 113 millions de francs. Mais, vous avez raison, la vraie question c'est le rétablissement de la paix. Nous participerons demain, à Rome, à une réunion organisée par l'autorité intergouvernementale pour convaincre les participants au conflit de prolonger le cessez-le-feu. Nous y attachons beaucoup d'importance. Dans le même temps, le dialogue renouvelé avec les autorités soudanaises devrait permettre une détente dans la région. Mais la question reste posée de savoir jusqu'où certains doivent continuer à aider des rébellions qui n'ont d'autre effet que de prolonger les souffrances de la population civile. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

FORMATION DES ENFANTS HANDICAPÉS

M. le président.

La parole est à M. Francis Hammel.

M. Francis Hammel.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le 4 novembre dernier, les responsables de l'Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés, l'UNAPEI, et des parents d'enfants handicapés ont organisé une action de sensibilisation de l'opinion aux difficultés de ces jeunes pour lesquels il n'existe souvent pas de solution adaptée de soutien ou d'accueil.

L'instruction est vitale pour chaque enfant, a fortiori s'il est handicapé. Un élève handicapé est un élève à part entière et il est fondamental que les pouvoirs publics remplissent leurs obligations à son égard. Or, un récent sondage organisé par l'association de placement et d'aide aux jeunes handicapés, APAJH, indique que ces obligations à l'égard des personnes handicapées en général et des jeunes en particulier restent imparfaitement mises en oeuvre et que les objectifs d'intégration et d'autonomie en matière scolaire notamment doivent constituer une priorité.

La politique que conduit le Gouvernement - vous l'avez rappelé, madame la ministre, en avril dernier, devant le Comité national consultatif des personnes handicapées - vise en premier lieu à permettre une socialisation et une intégration des jeunes handicapés aussi précoce que possible, notamment grâce au programme en cours d'équipement en centres d'actions médico-sociaux précoces, les CAMSP, et grâce à l'amélioration de leur niveau de formation générale et professionnelle.

En ce qui concerne l'intégration scolaire et l'enseignement spécialisé, pour répondre aux attentes des parents et des jeunes concernés, vous avez, conjointement avec

Mme Ségolène Royal, annoncé de nouvelles initiatives.

Pourriez-vous nous en indiquer la teneur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je ne peux qu'être d'accord avec vous sur la nécessité pour les handicapés, comme pour tous les enfants de France, d'être socialisés et éduqués. Vous avez d'ailleurs fourni des éléments de réponse dans votre question pertinente.

D'abord, je vous rappelle que les lois d'orientation de 1975 et de 1980 définissent assez bien les nécessités, mais la réalité est différente, vous avez raison. Elle a évolué depuis 1990 pour des raisons psychologiques, sociales, politiques et parce que le handicap a changé, parce qu'il s'est alourdi pour certains enfants. La première des solutions passe par l'école pour tous. Les handicapés doivent avoir accès à l'école « ordinaire », si je puis dire. Des emplois-jeunes sont prévus pour les aider.

Ensuite, il existe 1 800 établissements spécialisés d'éducation et Mme Martine Aubry a lancé un programme

« nouveaux emplois, nouveaux services ». Aux responsables de ces établissements de saisir cette opportunité, s'ils le souhaitent, et de développer ces nouveaux emplois avec des techniques de prise en charge le plus en amont possible.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Comme nous le préciserons à l'occasion du Conseil national consultatif des personnes handicapées qui se tiendra à la fin de l'année, nous souhaitons encourager la coopération entre les établissements spécialisés et les services de l'emploi pour préparer la vie professionnelle des enfants handicapés.

Par ailleurs, il faut renforcer les partenariats qui existent entre le ministère de l'emploi et de la solidarité et les services de l'éducation nationale. Je vous rappelle aussi qu'une mission conjointe de l'IGAS et des services d'inspection de l'éducation nationale est à l'oeuvre et qu'elle va nous fournir des renseignements précieux sur l'ensemble du dispositif.

Enfin, dans quinze jours, avec Mme Ségolène Royal, nous tirerons l'enseignement de tous ces groupes de travail qui se sont mis en place. Puis, nous annoncerons des mesures lors de la réunion du comité consultatif des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PARTICIPATION DES RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES

M. le président.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini.

Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, les prochaines élections européennes de juin 1999 seront l'occasion de faire vivre concrètement la citoyenneté européenne, et notamment une disposition prévue par le traité de Maastricht relative au droit de vote dans chaque pays de l'Union pour les ressortissants des autres Etats membres.

Lors des dernières élections européennes, en juin 1994, le Gouvernement de M. Balladur n'avait pas fait preuve d'un enthousiasme débordant pour cette possibilité. Son ministre de l'intérieur, M. Pasqua, en avait assuré une publicité minimale et une application restrictive.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A tel point que, si la France est le pays d'Europe qui compte sur son sol le plus de ressortissants européens, seuls 4 % d'entre eux s'étaient inscrits sur les listes électorales.

Ce manque d'enthousiasme européen du gouvernement de M. Balladur (Protestations sur les mêmes bancs) a été confirmé un peu plus tard avec le refus de transposer en droit français la directive européenne relative au droit de vote des ressortissants européens aux élections municipales.

M. Charles Cova.

Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !

M. André Vallini.

Ma question est donc la suivante : à un mois de la clôture des listes électorales, quelles dispositions comptez-vous prendre pour inciter les ressortissants européens vivant en France à s'inscrire sur les listes électorales et à accomplir leur devoir de citoyen européen lors des élections de juin 1999 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, comme vous le rappelez fort justement, le traité de Maastricht a institué une citoyenneté européenne qui comporte notamment, pour les ressortissants communautaires habitant dans un autre

Etat membre, la capacité d'être éligible et de voter aux élections municipales et européennes. C'est une vraie question civique car cela concerne, dans l'Union européenne, plus de 4,5 millions de personnes dont, en France, 1,3 million ressortissants de la communauté de l'Union : 600 000 Portugais, plus de 200 000 Italiens, 200 000 Espagnols environ. C'est donc un problème tout à fait important.

Ces citoyens européens peuvent, pour les élections europénnes, voter par correspondance, par procuration, dans leur ambassade, mais beaucoup d'entre eux peuvent juger plus commode de le faire dans leur mairie dès lors qu'ils remplissent trois conditions : être âgé d'au moins dix-huit ans, résider depuis plus de six mois en France et, bien sûr, ne pas être privé du droit de vote.

Comme vous l'avez signalé, peut-être faute de temps car la directive européenne a été transposée très tard en 1994, le précédent gouvernement n'avait pas donné d'informations suffisantes et le résultat avait été assez faible, puisque seulement 44 000 citoyens de l'Union européenne s'étaient inscrits, soit moins de 4 % des ressortissants communautaires en France.

Cette fois le Gouvernement, peut-être parce qu'il dispose de plus de temps, est plus allant. Dès lundi dernier j'ai lancé en son nom une campagne de communication.

Un million de dépliants intitulés : « Citoyens européens vous avez le droit de voter en France » seront diffusés dans les mairies, les préfectures, les associations, les ambassades et un numéro de téléphone Azur - 01-801-1306-99 - sera mis en place.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les serveurs Internet du ministère des affaires étrangères, du ministère de l'intérieur, du Parlement européen et de Sources d'Europe seront mobilisés. Des spots radio seront diffusés régulièrement. Bref, il reste quarante-cinq jours pour s'inscrire sur les listes électorales. On parle souvent de citoyenneté européenne. C'est un sujet de colloques, de débats intellectuels. Il y a une manière très simple de l'exercer : voter en France. L'ambition du Gouvernement et de faire en sorte qu'aucun citoyen européen ne soit privé de droit de vote par défaut d'information.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

RYTHMES SCOLAIRES

M. le président.

La parole est à M. Guy Drut.

M. Guy Drut.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, en 1995, Alain Juppé et moi avons lancé une expérience de grande ampleur de réaménagement des rythmes scolaires.

Près de 400 communes, près de 900 écoles et plus de 110 000 enfants se sont engagés dans cette expérience, dont je vous rappelle rapidement les principes essentiels : une participation des collectivités locales sur la base du volontariat, un projet élaboré par l'ensemble des partenaires enseignants, parents d'élèves, médecins spécialisés, élus locaux - et bien sûr une gratuité totale pour les familles.

Notre objectif était de favoriser le qualitatif par rapport au quantitatif : travailler différemment pour apprendre mieux grâce à une éducation faisant davantage appel aux


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disciplines dites de la sensibilité, qu'elles soient culturelles ou sportives. Je me dois aussi de préciser que j'ai toujours refusé la formule réductrice et caricaturale de l'opposition entre les disciplines fondamentales, étudiées le matin et les disciplines d'éveil, pratiquées l'après-midi.

Monsieur le ministre, le rapport d'évaluation de ces expériences, qui vous a été remis, dresse un bilan très positif des actions entreprises ; ses auteurs proposent même, en conclusion, de généraliser progressivement à tous les niveaux d'enseignement, de la maternelle au lycée, cette politique d'aménagement du temps scolaire.

Je vous poserai donc une question : où en êtes-vous de vos idées successives de réforme ? Allez-vous prendre en compte le succès de ces expériences approuvées par les enfants, les parents, les enseignants et les élus ? Je vous ferai suggestion : des journées d'études seront organisées à l'occasion de la parution officielle dudit rapport, à la Documentation française, début 1999. Je suis conscient qu'il y a encore beaucoup à faire et beaucoup d'améliorations à apporter, notamment sur le plan financier. A cette occasion, monsieur le ministre, acceptez-vous que nous débattions publiquement de ces questions ? Je ne voudrais pas qu'avant d'être dégraissé le mammouth ne s'assoie sur une réforme positive, au risque de l'étouffer ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je le dirai d'entrée de jeu, l'expérience que vous avez initiée ne m'est pas du tout antipathique (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), d'autant plus qu'elle palliait l'inactivité de l'éducation nationale de l'époque.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Ensuite, le rapport dont vous parlez ne m'a pas été remis, pas plus qu'à Mme Buffet. Il a été diffusé par voie de presse et je m'en suis procuré ainsi quelques extraits.

Ce rapport, certes, contient des choses très positives.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais on y lit aussi : « ... nous n'avons fait aucune évaluation sur la réussite scolaire, parce que cela ne nous concerne pas ». Or figurez-vous que, pour moi, l'école n'est pas un jardin d'enfants : c'est d'abord un lieu pour apprendre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) J'ai d'ailleurs demandé à l'inspection générale de me faire un rapport sur la réussite scolaire.

Cela dit, j'ai eu l'occasion d'exprimer mes réserves sur cette expérience qui, vous avez raison, peut faire l'objet d'un débat.

Premièrement, je la trouve chère. Par conséquent, elle risque d'être restreinte aux communes riches.

M. Didier Boulaud.

En effet !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Pour nous, c'est un véritable problème. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Deuxièmement, dans cette expérience, l'aide à l'étude, qui m'est pourtant très chère, a été oubliée.

Monsieur le député, j'ai noté avec plaisir que, comme moi, vous ne souhaitiez pas distinguer entre les disciplines, considérant que l'acte éducatif est partout. Ce que nous faisons est très simple. D'une part, le projet de l'école du XXIe siècle...

M. Olivier de Chazeaux.

C'est nul !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... intégrera l'ensemble des expériences existantes en les adaptant et en veillant au respect de l'égalité républicaine. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) D'autre part, les contrats locaux éducatifs, signés entre la jeunesse et les sports, la culture, l'éducation nationale et la ville, tendront à assurer la continuité entre les rythmes de l'enfant pendant et après la période scolaire.

Mais naturellement, monsieur le député, le Gouvernement est prêt à débattre dans l'intérêt des enfants et de l'école à tout moment. Si nous pouvons trouver un consensus dans ce domaine, nous en serons contents.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

BANANE

M. le président.

La parole est à M. Anicet Turinay.

M. Anicet Turinay.

Monsieur le ministre chargé des questions européennes, une fois de plus, l'inquiétude gagne les producteurs antillais. En effet, les Etats-Unis ont déclaré la guerre de la banane à l'Union européenne en menaçant d'imposer des droits de douane allant jusqu'à 100 % sur certaines importations européennes si l'Union européenne ne modifiait pas son système d'importation de bananes, lequel a déjà subi des modifications tendant à le rendre conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Le nouveau règlement sur la banane entrera en vigueur en janvier 1999. L'utilisation de la section 301 du Trade act de 1974 permet aux Américains de prendre des mesures de rétorsion unilatérales vis-à-vis de leurs parten aires membres de l'Organisation mondiale du commerce. Ces mesures sont-elles compatibles avec la réglementation des différends à Genève ? Si elles ne le sont pas, que compte faire la France tant auprès de la Communauté européenne que des Etats-Unis pour que, une fois pour toutes, cessent les mesures d'intimidation vis-à-vis de l'Europe ? Au-delà du dossier de la banane, c'est toute la crédibilité de l'Organisation mondiale du commerce qui est visée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous avez totalement raison. (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépen-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

dants.) La décision prise par les Américains sous le diktat de la « banane dollar » est d'autant plus inacceptable qu'elle est unilatérale et contraire à toutes les règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Dans ce domaine, la position de la France est simple.

D'une part, seules sont valables les négociations menées dans le cadre de cette OMC, ce qui exclut toute décision unilatérale. D'autre part, pour obtenir le respect de ses décisions, la solidarité européenne doit jouer. De ce point de vue, nous ne pouvons que nous réjouir de ses décisions et des positions prises depuis deux jours à la fois par M. Santer et par le commissaire Brittan.

M. le secrétaire d'Etat au DOM-TOM et moi-même sommes en relation très étroite non seulement pour soutenir la Commission européenne dans ses efforts auprès de l'OMC pour faire respecter les règles du jeu de l'organisation, mais aussi pour permettre à la Commission de mettre en oeuvre les mesures de soutien aux producteurs qui ont été arrêtées il y a quelques mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE HOSPITALIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, vous connaissez l'état de démotivation des personnels hospitaliers-médecins, infirmières, aides-soignantes. Cette démotivation tourne à la mobilisation et, après d'autres, les praticiens h ospitaliers envisagent de se mettre en grève le 2 décembre.

Personnellement, je les comprends : pas un article, pas un alinéa, pas un mot sur l'hôpital dans la loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est tout de même énorme ! Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont vos propositions en matière de politique hospitalière ? Après tout, pourquoi ne faites-vous pas appliquer la loi, c'est-à-dire l'ordonnance hospitalière d'avril 1996 ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mesdames, messieurs les députés, je crois connaître la condition des personnels hospitaliers. C'est pourquoi nous avons porté nos efforts d'abord sur les aides-soignantes, efforts récompensés - en tout cas de leur point de vue - par une augmentation de salaires pour certaines catégories. Je reconnais évidemment qu'on peut toujours espérer plus. Ce sont des femmes qui travaillent dans des conditions difficiles.

Nous avons porté nos efforts ensuite sur les internes, et leurs gardes, et nous annoncerons dans quelques jours ce que nous entendons faire pour prendre en compte la pénibilité de certaines spécialités hospitalières ; les personnes qui font des gardes - et vous en connaissez bien les conditions, monsieur le député - doivent être traitées différemment de celles qui n'en assurent jamais.

Les praticiens hospitaliers n'ont pas été oubliés. Pendant que nous menions des négociations avec les internes - négociations qui ont abouti à un changement profond des conditions du concours de l'internat - nous discutions aussi avec les PH. Je sais qu'un mouvement s'annonce pour le 2 décembre. Mais je sais aussi que nous avons déjà un rendez-vous avec les praticiens pour leur proposer des mesures.

Nous avons longuement négocié à propos des rémunérations, de la pénibilité, de leur statut - je pense d'ailleurs ne pas les décevoir de ce point de vue - et du recrutement.

Certaines spécialités risquent en effet de se tarir vers 2003-2005. Le débat est ouvert, au sein même du corps médical et avec la CNAM. Car autant il est nécessaire de trouver des praticiens spécialisés à l'hôpital, autant il est difficile d'en maintenir en ville. Comment les séparer, comment les départager ? Le problème de la démographie est lié, bien sûr, au fonctionnement du service, à l'harmonisation des services hospitaliers, aux schémas de révision de l'organisation sanitaire no 2 qui sont actuellement à mi-parcours.

Nous leur exposerons tout cela dès que nous les recevrons, c'est-à-dire dans les premiers jours de décembre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

FISCALITÉ APPLICABLE AUX ACHATS DE TERRAINS À BÂTIR

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Monsieur le ministre, avec de nombreux candidats à l'accession à la propriété, nous nous étions réjouis du vote d'un amendement au projet de loi de finances, exonérant de la TVA les achats de terrain réalisés par les particuliers pour faire construire.

Nous espérions que cette mesure allait conduire à une baisse de 15 % du prix des terrains. Or si elle est susceptible de diminuer le prix d'un terrain hors lotissement - à condition toutefois que le vendeur ne le majore pas en conséquence - il n'en va pas de même pour les terrains situés dans des lotissements qui, comme vous le savez, constituent la très grande majorité. En effet, votre circulaire du 30 octobre dernier va renchérir le prix de ces terrains. Cet incroyable résultat s'explique par le fait que ceux-ci se verront appliquer la TVA à 20,6 % sur les frais de viabilisation et les droits de mutation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ainsi, sur un terrain vendu à 300 francs le mètre carré, 50 francs seront payés pour le terrain et 250 francs pour les frais de viabilisation et les droits de mutation.

Un tel résultat constitue une tromperie à l'égard de nos concitoyens ! Je suis persuadé, monsieur le ministre, que ce n'était pas votre intention. En effet, cette mesure, qui a été présentée comme une mesure généreuse et populaire, aboutit à un résultat complètement différent : le réajustement des prix à la hausse, au détriment des accédants à la propriété.

Quelle mesure comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que l'amendement adopté en loi de finances aboutisse à une réduction effective de 15 % sur les terrains à construire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, vous avez souligné qu'un amendement, survenu lors de l'examen du projet de budget pour 1999, dû au groupe communiste (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ...

M. André Santini.

C'est pas bien, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et d'ailleurs très largement voté, tendait à soutenir l'activité du bâtiment, et permettre l'accession à la propriété des jeunes ménages de toutes catégories, en supprimant la TVA de 20,6 % sur les terrains à bâtir et en la remplaçant par des droits de mutation très modestes, de 4,8 %.

Monsieur Gengenwin, vous prévoyez des difficultés. Il est vrai que cet amendement, excellent, était quelque peu inopiné.

M. André Santini.

Et inopérant !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous travaillons avec les professionnels pour sortir, dans les tout prochains jours, au Bulletin officiel des impôts, des dispositions qui régleront les problèmes que vous avez soulignés, tant sur les terrains en cours de vente que sur les terrains aménagés par les collectivités locales. Nous ferons en sorte que les opérateurs ne soient pas pénalisés et que les acheteurs bénéficient entièrement de la baisse de la TVA. Vous serez bientôt rassuré. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Mais, comment ? C'est cela la question !

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

MATERNITÉ DE BRIOUDE

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, vous avez signé, le 9 octobre dernier, un décret qui prévoit que les maternités ne justifiant pas d'une activité minimale annuelle constatée, ou prévisionnelle, de 300 accouchements n'auraient plus d'autorisation d'obstétrique. Une carte des établissements concernés, quelque cinquante et même davantage, a alerté nombre d'élus et surtout troublé nos populations.

Je vous ai entretenu, oralement et par écrit, du cas de la maternité de Brioude inaugurée il y a un peu plus de dix ans, qui réalise 200 accouchements par an, qui est dotée d'un personnel qualifié, d'un bon équipement, et qui n'a pas connu d'incident.

Le directeur de l'agence régionale hospitalière d'Auvergne a pris, début novembre, un arrêté de fermeture provisoire, parce que le centre hospitalier ne dispose, pour le moment, que d'un seul gynécologue. Les gynécologues candidats sont plutôt découragés pour venir renforcer ce pôle hospitalier. Nous sommes dans un département de montagne, où les trajets sont longs et difficiles l'hiver.

Le décret du 9 octobre prévoit explicitement que des dérogations peuvent être accordées lorsque l'éloignement des établissements impose des trajets excessifs à une partie significative de la population.

Monsieur le secrétaire d'Etat, saurez-vous faire la part des choses et reconnaître que le caractère très particulier de la situation géographique de Brioude constitue une dérogation au sens de votre décret ? Mais comment ne pas relier ma question aux décisions prises, au coup par coup, par plusieurs ministres fermant, qui des écoles, qui des collèges, qui des gendarmeries, qui des commissariats, qui des tribunaux de commerce, qui des perceptions, qui des bureaux de poste...

? C'est une avalanche de suppressions qui s'abat sous forme de

« déménagement durable ».

(« En effet ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Que resterat-il à Mme Voynet à mettre dans sa future loi ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Un peu de silence, chers collègues ! Concluez, monsieur Proriol.

M. Jean Proriol.

Je reviens du congrès des maires, qui sont nombreux autour de cette enceinte. L'un d'entre eux m'a fait cette remarque que je vous livre tout de go : « Il y avait jadis des tombeurs de ministère. Aujourd'hui, nous avons le ministère des tombeurs de service public ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je vous réponds tout de go : non ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Je connais les conditions de travail de la maternité et de l'hôpital de Brioude où ont eu lieu, en effet, 199 accouchements en 1996, soit un tous les deux jours, ce qui n'est pas beaucoup.

M. Jean Auclair.

Et alors ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et alors ? C'est dangereux ! Quand l'équipe n'est pas habituée à de tels actes, c'est dangereux pour la femme et pour l'enfant. Pouvez-vous le concevoir ? Par ailleurs, monsieur le député, vous avez oublié de dire que le seul gynécologue obstétricien qui était en poste à Brioude s'en va...

M. Jean Proriol.

Non !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... et que sans gynécologue obstétricien, car il vous faudra du temps pour que vous en trouviez un autre, je ne vois pas comment on pourrait accoucher à Brioude. Il vaut donc mieux fermer le service (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) d'autant, monsieur le député, que l'anesthésiste venait du secteur privé, c'est-à-dire occasionnellement. Reconnaissez que les conditions de sécurité n'étaient pas assurées.

Mais parce qu'il existe à côté, à Issoire, une équipe tout à fait prête à prendre en charge les accouchements et qu'il y a un réseau autour du CHU de ClermontFerrand, Brioude pourra sans doute renaître en créant un cercle périnatal de proximité, système qui a si bien marché dans d'autres régions où pourtant l'on protestait également, en particulier à Bitche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Vous le verrez, monsieur le député, les enfants et les femmes seront mieux pris en charge, ce qui ne peut que vous satisfaire.

Enfin, 500 personnes dans cette circonscription sont à plus de quarante-cinq minutes pour se rendre dans une maternité. Et pour celles-là, en effet, des transports doivent être prévus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

EMPLOIS-JEUNES À L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Le premier acte fort de notre majorité plurielle a été de mettre à l'ordre du jour l'emploi des jeunes. Le plan emplois-jeunes, avec 150 000 jeunes concernés d'ici à la fin de cette année, connaît déjà un succès parce qu'il rompt avec la logique des petits boulots sous-payés qui avait prévalu jusqu'à aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Sur le terrain, les élus communistes ont bien contribué pour leur part à cette réussite et l'éducation nationale, en partant la première, a sûrement eu un effet d'entraînement. Cela dit, monsieur le ministre, je veux vous alerter sur la grogne qui monte chez les aides-éducateurs. Leurs revendications portent surtout sur la question de la formation.

Aujourd'hui, les seules formations proposées à ces jeunes consistent en des préparations aux concours de l'éducation nationale par l'intermédiaire du Centre national d'enseignement à distance, concours qui préparent à des métiers déjà existants dans l'éducation nationale. Or, avec le plan emplois-jeunes, nous avions voté une loi visant à faire naître de nouveaux métiers et non à substituer ces emplois à d'autres déjà existants.

Pourtant, dans de nombreux établissements, le chef d'établissement, les enseignants, ces jeunes ne manquent pas d'idées et de projets nouveaux, mais ils se voient limités dans leurs ambitions. Ils ont bien souvent l'impression de pallier les manques de personnels ATOS, de surveillants ou de personnel médico-social. Certaines universités préparent des modules de formation. Quelles sont les modalités d'accès à ces modules ? Dans combien de temps seront-ils opérationnels ? Pourquoi ne pas offrir à ces jeunes des possibilités de formation qui correspondent aux projets qu'ils animent dans les établissements ? Pourquoi ne pas engager avec eux une nouvelle réflexion sur les profils de postes qu'ils occupent ? Si nous voulons que ces emplois soient pérennisés, il faut qu'ils deviennent de vrais métiers et que les formations correspondantes voient le jour.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles formations comptez-vous mettre en oeuvre en dehors des préparations aux concours déjà proposées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, vous avez raison de vous préoccuper du problème de la formation des emplois-jeunes, nous nous en préoccupons aussi.

Actuellement, la situation n'est pas tout à fait celle que vous avez décrite. Le pourcentage de jeunes qui bénéficient d'une formation annuelle de 200 heures gratuite, entièrement prise en charge par l'éducation nationale, est de 63 %, avec une grande variabilité selon les académies.

Cela va de 99 % pour celle de Besançon à quelque 45 % pour d'autres où c'est moins satisfaisant. En fait, cela dépend en grande partie de l'environnement universitaire.

Les projets des jeunes sont les suivants : un tiers veut devenir enseignant, un tiers désire être fonctionnaire hors de l'enseignement et un tiers envisage de quitter le service public.

Nous dispensons des formations, non pas exclusivement, comme vous l'avez dit, au CNDP, mais également dans les IUFM, dans les universités où, effectivement, des modules spéciaux ont été mis en place, dans les GRETA, et également dans un certain nombre d'établissements de la jeunesse et des sports et de la culture - pour 10 %.

L'ensemble de ces projets, qui ont été validés, se mettent en place plus ou moins rapidement. En tout état de cause, les heures de formation non dispensées pendant une année ou quelques mois sont reportées. Elles sont capitalisées sur cinq ans.

Par ailleurs, je peux vous indiquer que le turn over des emplois-jeunes est de 25 % par an, environ. Les jeunes trouvent du travail qualifié en dehors de l'école quand ils s'en vont. Cela prouve que le système marche. Mais je suis d'accord avec vous, il faut aller au-delà. Il faut que 100 % des emplois-jeunes aient une formation. C'est à cela que nous travaillons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen, Vert.

IRAK

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question porte sur les récents développements de l'affaire irakienne.

En apparence, tout est rentré dans l'ordre et nous nous félicitons du rôle que notre diplomatie a joué, comme en février dernier, pour contribuer à la sortie de la crise.

Mais, et c'est la question à long terme, l'Irak est légitimement exaspéré par la situation qui lui est faite et le maintien de l'embargo sur ses transactions internationales.

Comment est justifié cet embargo du point de vue officiel ? Par des contrôles pointilleux, tatillons, menés par un organisme des Nations unies mais inspirés par les

Etats-Unis eux-mêmes. On recherche des armements atomiques jusque et y compris dans les sous-sols des palais présidentiels. Et il n'y a pas d'armements atomiques. On cherche des armements biologiques. Et il n'y a pas d'armements biologiques. On cherche des armements balistiques. Et il n'y a pas d'armements balistiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Vous avez été y voir ?

M. Charles Cova.

M. Suchod travaille à la DGSE !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Michel Suchod.

N'est-il pas ridicule de continuer à chercher ce que sept ans de recherches n'ont pas permis de trouver, y compris avec des contrôles par satellite de très grande ampleur ? C e qui est bien réel, par contre, ce sont les 500 000 enfants morts en sept ans, ce sont les populations affamées. J'aimerais que sur tous les bancs on réagisse de la même manière sur ce sujet. Mais je n'en suis pas certain.

Il est clair aussi qu'en empêchant l'Irak de vendre son pétrole sur la scène internationale, on veut freiner la chute des cours alors que le baril est tombé à son prix de 1973. Les livraisons irakiennes ne pourraient que les faire plonger davantage encore.

Monsieur le ministre, quelle contribution la France peut-elle apporter pour sortir de cette politique de l'embargo ? Que peut faire notre pays au Conseil de sécurité pour faire enfin adopter un calendrier ? Nous nous acheminons vers dix ans d'embargo, ce qui est proprement intolérable ! (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, la France contribue à la gestion de la crise irakienne, qui n'en finit pas, en apportant un élément de raison et un sens des responsabilités.

Nous le faisons en proposant constamment - et dans chaque crise c'est le cas - une interprétation légaliste des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la fameuse résolution 687 qui subordonne la levée de l'embargo pétrolier non pas à toutes sortes de conditions inventées en cours de route, mais à la réalisation des contrôles décidés après l'invasion du Koweït et la fin de la guerre, sur l'ensemble des programmes irakiens d'armements de destruction massive.

Vous le savez, la France a fait beaucoup de propositions pour que ce contrôle soit complètement terminé.

Nous estimons pour notre part que la situation est claire à propos des armements nucléaires et balistiques, mais qu'elle ne l'est pas tout à fait encore pour les armements chimiques et bactériologiques. Ce point de vue est partagé par les inspecteurs de la commission, et pas seulement par les inspecteurs américains.

M. Pierre Lellouche.

C'est bien de l'avoir rappelé, monsieur le ministre !

M. le ministre des affaires étrangères.

Mais nous sommes aussi particulièrement sensibles à la situation du peuple irakien. Vous connaissez bien le rôle qu'a joué la France pour que soient prises, à deux reprises, les résolutions dites « pétrole contre nourriture ». Elles permettent aujourd'hui à l'Irak d'exporter presque autant de pétrole qu'avant la guerre du Golfe. Si le régime irakien utilisait cette ressource disponible autrement qu'il ne le fait, il pourrait traiter l'essentiel des problèmes de famine, de malnutrition ou de santé publique qui se posent aujourd'hui en Irak. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

N'empêche qu'il faut sortir de cette situation. Au cours des dernières semaines, nous avons obtenu du Conseil de sécurité, y compris des Anglo-Saxons, qui étaient particulièrement réticents en raison d'autres arrière-pensées, qu'il puisse procéder à un examen d'ensemble. Ainsi, nous pourrons dire aux Irakiens, une bonne fois pour toutes, je l'espère : voilà ce qui n'a pas été contrôlé jusqu'à maintenant, voilà ce qui doit être fait. Après quoi nous passerons au contrôle continu, ce qui devrait permettre de lever l'embargo pétrolier qui est uniquement lié à la question du contrôle des armes de destruction massive et non à toute une série d'autres questions que les Américains mettent en avant, ce qui n'est pas notre cas.

Sur ce point, comme sur d'autres, nous voulons, en effet, garder l'autorité des résolutions du Conseil de sécurité et préserver leur crédibilité, ce qui consiste à les respecter scrupuleusement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

SECRÉTARIAT D'ÉTAT AUX DROITS DES FEMMES

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Ma question s'adresse à

M. le Premier ministre.

Voilà un an, jour pour jour, était créée la délégation interministérielle aux droits des femmes. Aujourd'hui, elle se transforme en véritable secrétariat d'Etat aux droits des femmes, ce dont nous nous réjouissons. Mais, malgré l'énergie déployée par Geneviève Fraisse pour faire reconnaître la transversalité de la question des femmes dans chaque compétence ministérielle, il faut bien avouer que l'on peine à voir aujourd'hui, dans l'action du Gouvernement, une politique globale et lisible d'égalité entre les hommes et les femmes, à l'exception notable de la parité.

Par exemple, il nous a été impossible à nous parlementaires de faire passer des amendements concernant la situation spécifique des femmes, lors de la discussion des projets de loi sur la réduction du temps de travail, l'entrée et le séjour des étrangers, l'exclusion et le cumul des mandats.

Comme sur d'autres sujets d'actualité encore plus brûlants, nous attendons simplement de notre majorité plurielle qu'elle porte haut et fort les engagements qui font sa force, notamment la cause des femmes, pour laquelle toutes ses composantes luttent depuis des années : égalité professionnelle, droit à la contraception et à l'IVG, lutte contre les violences faites aux femmes, orientation scolaire des filles et, bien sûr, parité. Nous savons toutes et tous combien il reste à faire dans tous ces domaines pour passer des déclarations d'intention, et même du droit, à la réalité concrète. Les quelque 10 %, à peine, de députées le savent bien ! Aussi, ma question sera double.

P remièrement, quelles sont les missions confiées aujourd'hui à Nicole Péry et au secrétariat d'Etat aux droits des femmes ? De quels moyens sera-t-il doté pour les accomplir en lui préservant sa nécessaire transversalité ? Quel soutien va-t-il apporter aux associations qui oeuvrent dans ce domaine ? Deuxièmement, le projet de révision constitutionnelle sur la parité, dont nous discuterons prochainement, serat-il suivi, dans les meilleurs délais, de lois permettant sa mise en oeuvre effective ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la députée, le moins que l'on puisse dire est que vous abordez un sujet


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

d'actualité puisque j'ai été nommée hier soir. Néanmoins, je vais essayer de vous répondre avec le maximum de précision.

Tout d'abord, permettez-moi de souligner que Geneviève Fraisse, la déléguée interministérielle, a accompli avec beaucoup d'énergie et de conviction un excellent travail.

Madame la députée, vous avez soulevé des questions de fond. J'en retiendrai trois : l'égalité professionnelle, la contraception et la parité.

Quelques mots sur l'égalité professionnelle. La loi d'Yvette Roudy, qui date de 1983 - cela nous rajeunit n'a pas été suffisamment suivie d'effets. Je ne citerai que deux chiffres qui en témoignent : l'écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes est encore de 27 %,...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est scandaleux ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... et pour l'accès à la formation professionnelle, l'écart est du simple au double au niveau des ouvriers qualifiés. Donc, à l'évidence, il y a beaucoup à faire.

Au travers du plan d'action pour l'emploi qu'il a lancé à la suite du sommet de Luxembourg, le Gouvernement s'est engagé à aller de l'avant dans le domaine des contrats de mixité et des plans d'égalité, qui étaient d'ailleurs déjà inscrits dans la loi de 1983. Nous allons, je l'espère, nous saisir de cet engagement européen pour progresser. De même, Martine Aubry a demandé au délégué régional une étude pour connaître exactement la situation des femmes face à l'emploi.

Quelques mots, à présent, sur la contraception, autre sujet qui me tient à coeur. Je reste persuadée que c'est un droit majeur, qu'il nous faut constamment défendre.

C'est pourquoi je serai très attentive à la campagne d'information prévue pour 1999 et à laquelle le projet de loi de finances a d'ores et déjà affecté 20 millions de francs.

Je sais que nous aurons toutes et tous à coeur que cette campagne d'information soit la plus réussie possible.

M. Pierre Lellouche.

C'est révolutionnaire...

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le député, ce serait déjà bien d'appliquer ce qui est voté ! Comptez en tout cas sur ma détermination pour aller de l'avant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Quant au projet de loi constitutionnelle sur la parité, qui a été adopté en conseil des ministres en juin dernier, il devrait être discuté en commission des lois la semaine prochaine, et son examen en première lecture par votre assemblée est prévu début décembre. Là encore, nous ferons en sorte d'avancer, même si nous savons très bien que, entre le vote d'une loi et son application, il s'écoule toujours un certain temps.

Madame la députée, vous m'interrogez également sur les moyens qui seront attribués à mon secrétariat d'Etat.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que je ne connais pas encore exactement les décrets d'attribution, qui ne sont pas parus, mais comptez sur moi pour veiller, auprès du Premier ministre et de Martine Aubry, à ce que des moyens y soient affectés. Le projet de loi de finances pour 1999 nous permet d'ores et déjà de compter sur 100 millions de francs. Nous disposons également du service des droits des femmes, qui est une administration bien structurée. Mais au-delà de ces acquis, ne doutez pas, madame la députée, de ma conviction et de ma détermination à aller de l'avant sur ce dossier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Tous nos souhaits de réussite vous accompagnent, madame la secrétaire d'Etat.

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

(M. Raymond Forni remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

2 LOI DE FINANCES POUR 1999 Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 651 du règlement.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme de la première lecture du projet de loi de finances pour 1999.

A l'occasion de la première partie, qui a déjà donné lieu à un vote solennel, quelque 5 milliards de francs avaient fait l'objet de réaffectations à la demande de l'ensemble des parlementaires. Au cours de la discussion de la seconde partie, de nouvelles et substantielles modifications sont intervenues, notamment en matière scolaire, chacun l'a remarqué, puisque plus de 430 millions de francs ont été réaffectés au bénéfice des lycées, ains i que 14 000 postes, dans les lycées également, mais aussi dans les zones d'éducation prioritaire. Ces décisions seront d'ailleurs complétées, à l'occasion de la loi de finances rectificative qui vous sera prochainement soumise, par un crédit supplémentaire de 360 millions de francs qui viendra boucler le dispositif annoncé par le ministre de l'éducation nationale, voilà quelques semaines à l'occasion d'une séance de questions.

Une autre modification importante a été acquise en matière de retraites agricoles puisque, au-delà des 800 millions de francs prévus initialement, l'Assemblée nationale a souhaité un effort particulier en direction des petites retraites ; ainsi, 400 millions de francs supplémentaires ont été rajoutés, soit une augmentation de 50 %.

Au total, ce projet de loi de finances s'inscrit, à l'heure où je vous parle, dans la logique qui a prévalu au moment où il a été établi et présenté au conseil des ministres, début septembre.

C'est un projet de loi de finances qui vise à soutenir la croissance et, par là même, à susciter, autant qu'il le peut, l es créations d'emplois. Le Gouvernement attendait


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

280 000 créations d'emplois pour 1998 ; or l'INSEE, vous l'avez constaté, vient de faire état d'une prévision de 300 000, supérieure donc à nos estimations. De la même manière, la croissance pour 1998, prévue à 3 %, se réalisera sans doute à hauteur de 3,1 % ; symétriquement, le déficit que vous aviez voté à 3 % sera, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui vous sera bientôt présenté, ramené à 2,9 %.

M. François Patriat.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le projet de budget pour 1998 a donc atteint ses objectifs : la croissance et l'emploi, tout en réduisant sensiblement les déficits. C'est la même politique qui vous est présentée pour le budget de 1999 : soutenir la croissance - même si, pour des raisons liées à l'environnement international, celle-ci sera probablement un peu moins forte qu'en 1998 -, créer des emplois et poursuivre l'assainissement de nos finances publiques.

Tout cela a été bien compris par l'ensemble de cette assemblée, si j'en juge par la qualité des débats qui s'y sont déroulés. Je veux, à cet égard, remercier tous les parlementaires qui y ont activement participé, dans la majorité comme dans l'opposition, et tout particulièrement le président de la commission des finances, M. Augustin Bonrepaux, et le rapporteur général, M. Didier Migaud, qui ont permis à la discussion de se dérouler, en présence de M. Christian Sautter et de moi-même, dans des conditions que, pour ma part, j'ai jugées particulièrement agréables.

Vous allez maintenant indiquer vos intentions de vote.

Certes, ce ne sera véritablement une surprise pour personne, mais il est normal que vous puissiez développer vos positions juste avant le vote définitif.

M. Christian Sautter et moi-même serons au Sénat dans quelques jours, puis nous retournerons devant l'Assemblée nationale pour une seconde lecture. D'autres modifications pourront encore apparaître sur certains sujets et d'autres propositions émaner de tous les bancs de cette assemblée, comme cela fut le cas lors de cette première lecture dont, mesdames, messieurs, je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici au terme de notre marathon budgétaire annuel, commencé il y a maintenant cinq semaines. Je voudrais, après M. le ministre de l'économie, souligner la qualité et la sérénité de nos débats, qui ont permis de conforter les orientations du Gouvernement et même d'améliorer sur de nombreux points le projet initial.

M. Michel Bouvard.

Il en avait besoin !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

A quoi sert le Parlement ? Cette question a été posée dans cet hémicycle même hier soir par quelques-uns de nos collègues de l'opposition ; ici ou là dans la presse, elle revient tous les ans à la même époque.

Il est vrai que la pratique de la deuxième délibération, par laquelle le Gouvernement demande à l'Assemblée de revenir sur ses votes précédents, a un côté quelque peu choquant si l'on s'en tient à une analyse primaire.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait choquant !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais, si l'on y regarde de plus près, cette deuxième délibération ne mérite ni plus ni moins que le commentaire que faisait, dans les mêmes circonstances, le 20 novembre 1996, mon prédécesseur, M. Philippe Auberger : « Dans la deuxième délibération, on trouve la remise en cause de quelques amendements adoptés par l'Assemblée, qui supposaient un travail d'approfondissement complémentaire afin de pouvoir les transposer définitivement dans notre droit. »

M. Jean-Pierre Brard.

Lecture des bonnes pages d'Auberger !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

De fait, la majorité de l'Assemblée a, en première délibération, manifesté ses souhaits et défini des orientations. Si tous nos souhaits ne restent pas, dans l'immédiat, matérialisés dans le texte du projet de loi de finances, les dossiers que nous avons voulu promouvoir ont bien avancé. Des engagements fermes ont été pris par M. le secrétaire d'Etat au budget. J'observe que, jusqu'à maintenant, le Gouvernement a toujours respecté ses engagements. Nous lui faisons confiance pour la suite et l'aiderons de notre côté.

M. Philippe Auberger.

Les retraités jugeront !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

S'agissant de la pérennisation à 20 000 francs, à partir de l'imposition des revenus de 1999, du plafond de l'abattement de 10 % sur les revenus tirés de retraites et pensions, je veux redire que la commission des finances entend la considérer pour acquise et qu'elle souhaite que le Gouvernement la traduise concrètement l'année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) En ce qui concerne la défiscalisation outre-mer, le Gouvernement a retenu l'essentiel des trois amendements adoptés par l'Assemblée nationale, qui confortent le dispositif adopté l'an dernier et s'efforcent d'accroître son efficacité économique.

Quand aux résidences de tourisme, pour lesquelles l'Assemblée avait souhaité, dans certaines zones défavorisées, un dispositif incitatif calqué sur l'amortissement Besson, ...

M. Patrick Ollier.

Elles en ont bien besoin !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... nous avons bien noté que le Gouvernement nous fera des propositions dès la loi de finances rectificative pour 1998.

Un autre dossier n'est pas apparu en seconde délibération, car nous avons accepté de retirer nos amendements : c'est celui de la taxe professionnelle unique. Nous avons obtenu les précisions indispensables que nous souhaitions sur les conditions d'examen du projet de loi préparé par Jean-Pierre Chevènement. Rendez-vous a été pris dans cet hémicycle pour le tout début du mois de février proc hain, en vue d'une adoption définitive en cours d'année 1999 et d'une application, au moins partielle dès le 1er janvier 2000, pour certaines de ses dispositions.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

S'agissant par aill eurs du crédit d'impôt pour l'achat de véhicules propres,...

M. Michel Bouvard.

La « bricquette » !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... la suppression de l'article adopté par l'Assemblée nationale ne doit pas faire oublier tous les progrès qui ont été accomplis dans


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

le cadre de ce projet de loi en matière de fiscalité écologique, notamment par la voie d'amendements parlementaires : l'abaissement du taux de la TIPP sur le gaz de pétrole liquéfié, le gaz naturel et l'aquazole, ainsi que l'accroissement sensible du volume de carburant propre donnant droit à un remboursement de taxe pour les transports publics en commun de voyageurs et les taxis, sans oublier la possibilité pour les conseils régionaux d'exonérer les véhicules propres de la taxe régionale sur la carte grise. L'an I de la fiscalité écologique est bel et bien une réalité. Il conviendra que l'an II amplifie encore ces orientations.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce projet de loi de finances a été l'occasion de mettre en oeuvre une méthode nouvelle qui donne un autre élément de réponse, et de taille, à la question que j'évoquais sur le rôle du Parlement.

L e Gouvernement avait en effet annoncé, dès l'automne dernier, les principaux axes des réformes fiscales qu'il envisageait pour le présent projet de loi de finances. La commission des finances a ainsi pu, dès le début de l'année 1998, engager une réflexion parallèle à celle menée par le Gouvernement et l'administration. Ce fut le cas pour la fiscalité écologique avec le rapport de Mme Nicole Bricq, dont une première série de conclusions sont déjà inscrites dans le projet de loi de finances.

Ce fut le cas aussi, pour la fiscalité locale, avec le rapport de M. Edmond Hervé. Les réflexions qu'il a menées sur la taxe professionnelle unique devraient, comme je l'indiquais à l'instant, déboucher sur des avancées substantielles dès l'année prochaine. Quant à la taxe d'habitation et la révision des bases, j'observe, pour m'en réjouir, que le Gouvernement a accepté de ne pas présenter son projet dans le collectif adopté aujourd'hui au conseil des ministres...

M. Philippe Auberger.

Mais quand ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et ce, à la demande des parlementaires qui ont souhaité disposer de simulations exhaustives et d'un délai supplémentaire pour examiner cette réforme d'importance qui reste bien sûr d'actualité et figure toujours parmi les priorités.

M. Michel Bouvard.

C'est la sagesse.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

S'agissant de la fiscalité du patrimoine, nombre de mesures avancées dans le rapport d'information que j'ai eu l'honneur de présenter en juillet dernier sont également inscrites dans le projet aujourd'hui soumis à notre vote.

Il n'est pas, à ma connaissance, d'autres exemples d'une telle concertation préalable et d'une telle associat ion de notre assemblée, par l'intermédiaire de sa commission des finances, à l'élaboration des réformes fiscales.

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'ajoute que d'autres travaux, que la commission des finances a entrepris de sa propre initiative, trouvent leur aboutissement dans le présent projet. A l'initiative de M. Jean-Pierre Brard, près d'une dizaine de dispositions importantes ont été adoptées,...

M. Alain Barrau.

Bravo !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... qui permettront de renforcer sensiblement les moyens du contrôle fiscal.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le rapport d'information qu'il nous a présenté au début du mois d'octobre sur la fraude et l'évasion fiscales trouve ainsi un aboutissement rapide.

Il en est de même, comme je l'ai indiqué, pour les aménagements du régime de défiscalisation outre-mer, à la suite de la mission que nous avions effectuée.

Quatre-vingts amendements avaient été adoptés en première partie ; soixante-deux l'ont été au cours de l'examen de la deuxième partie, soit 142 au total, auxquels s'ajoutent les amendements proposés par le Gouvernement sur les crédits, ayant pour objet de répondre aux demandes et observations présentées au cours de l'examen des fascicules.

Reconnaissons cependant que cet examen n'a pas dérogé à la léthargie habituelle. Il nous faudra tenter de rénover l'exercice, tout en sachant que, chaque année, quelque 300 de nos collègues présentent au moins une intervention dans cette phase du débat.

(M. Laurent Fabius remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le groupe constitué par le président Laurent Fabius y réfléchit et fera dès janvier prochain des propositions en ce sens.

Sans revenir sur les appréciations déjà formulées à l'issue de l'examen de la première partie, je voudrai en quelques mots caractériser le projet soumis à notre vote.

Les hypothèses économiques qui le fondent restent, globalement, en phase avec ce que l'on peut raisonnablement prévoir. Le pire est certes toujours à craindre, mais évitons, mesdames et messieurs de l'opposition, de le tenir en permanence pour une certitude.

J'observe d'ailleurs qu'il reste des marges pour la politique monétaire car, au-delà de l'apparente faiblesse des taux nominaux, les taux réels restent très élevés. Le mouvement de baisse des taux d'intérêt en Europe peut et doit donc être prolongé pour soutenir les perspectives de croissance.

S'agissant des dépenses, j'ai pu souligner à cette tribune, à l'occasion du vote solennel de la première partie du projet de loi de finances, le 20 octobre dernier, que ce b udget marquait une « augmentation contenue des charges de l'Etat ».

Cette appréciation se trouve confirmée, une fois achevé l'examen des crédits, malgré le léger accroissement du plafond des charges et du déficit qui doit intervenir entre l'article d'équilibre voté en première partie et celui qui se trouve aujourd'hui soumis à vos suffrages.

Outre l'accueil réservé aux demandes ponctuelles et diverses transmises par la commission des finances, on notera en particulier que les engagements pris par le Gouvernement à la suite de la discussion des fascicules budgétaires se traduisent par des majorations de crédits de 601 millions de francs sur le budget général, notamment pour renforcer l'animation et la surveillance dans les lycées et pour financer des mesures en faveur des anciens combattants et du logement, majorations auxquelles il convient d'ajouter 400 millions de francs sur le BAPSA au titre de la revalorisation des retraites agricoles les plus modestes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Au total, la masse des crédits déplacés au cours de la discussion du projet de budget par l'Assemblée nationale s'élève à 2,8 milliards de francs, soit 2,3 % des crédits

« mesures nouvelles » pour les dépenses civiles.

Je tiens à rappeler par ailleurs que les votes de l'Assemblée intervenus en première partie ont conduit à déplacer un volume de recettes de 6 milliards de francs, dont 3,3 milliards de francs d'accroissement et 2,7 milliards de francs de réduction.

Pour les recettes, je me bornerai à rappeler les deux lignes directrices de ce projet : un effort de justice d'abord, notamment avec un effort de solidarité demandé aux détenteurs de gros patrimoines ; la poursuite ensuite de la décrue des prélèvements obligatoires. Après la diminution attendue pour 1998, la baisse prévue de deux dixièmes de point marque une heureuse rupture par rapport à la tendance continue à l'augmentation observée depuis 1994.

En définitive, ce budget est marqué par trois priorités : l'évolution maîtrisée de la dépense dans le respect de nos priorités - emploi et solidarité -, la réduction du défic it et la diminution des prélèvements obligatoires.

J'invite donc notre assemblée à adopter le projet de loi de finances pour 1999 et je renouvelle à cette occasion les remerciements que j'ai exprimés ici même, hier soir, à tous les acteurs de cette discussion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Les acteurs de cette discussion, c'est d'abord vous tous, mes chers collègues, mais c'est aussi les services de la maison, que je voudrais, en votre nom, remercier très chaleureusement de leurs efforts.

(Applaudissements sur tous les bancs. - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. le secrétaire d'Etat au budget applaudissent également.)

M. le président.

Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis un mois, notre assemblée se consacre à l'examen de la partie « dépenses » de la loi de finances. Jamais un tel examen n'avait paru aussi décevant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La Constitution a prévu des délais très stricts pour cet examen. Une seule coupure est prévue, pour la loi de financement de la sécurité sociale qui doit être mise en cohérence avec la loi de finances. Or, cette année, le Gouvernement a voulu insérer dans cette période l'examen d'un texte jugé important et dont l'adoption devait être rapide. Le résultat a été désastreux. Non seulement cela a nui à l'examen de ce texte, mais cela a perturbé aussi celui de la loi de finances. Il faut donc absolument proscrire de tels bouleversements de l'ordre du jour, qui portent atteinte à la sérénité et à la qualité de nos dé bats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour 1999, le Gouvernement a retenu un taux très élevé de progression des dépenses publiques : 2,2 %. Si l'on tient compte du fait que l'inflation prévisible sera certainement inférieure au 1,2 % escompté, on arrive à un taux de progression en francs constants deux à trois fois plus important que celui observé au cours des quatre dernières années. Dès que la conjoncture devient meilleure, l'Etat socialiste retrouve son vieux travers : un Etat avant tout dépensier, ultradépensier.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

On aurait pu penser qu'avec un tel taux de progression des dépenses publiques, les problèmes les plus aigus auraient trouvé une solution dans le cadre de la loi de finances. Malheureusement, il n'en est rien. Aucune mesure concrète n'est prévue pour les lycées, hormis un léger saupoudrage de maîtres d'internat, d'emplois-jeunes et d'appelés du contingent, alors que le mouvement des lycéens a montré combien le malaise était général et profond.

L'examen des moyens susceptibles de remédier à l'insuffisance notoire des moyens consacrés à la police a été renvoyée au collectif de fin d'année, comme si de telles dépenses relevaient d'une loi de finances rectificative. Le fonds de réserve des retraites fait l'objet d'une dotation si dérisoire que l'avenir des retraites par répartition n'est en aucun cas assuré.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est donc qu'on ne dépense pas assez ?

M. Augustin Bonrepaux.

président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'est plutôt contradictoire !

M. Philippe Auberger.

Même l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, si souvent encensée, ne fait l'objet d'aucune dotation dans cette loi de finances, au mépris des dispositions de l'ordonnance de 1959, s'agissant d'une dépense prévisible dès le début de l'année.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous, vous l'aviez réduite !

M. Philippe Auberger.

Enfin, le compte d'affectation spéciale des privatisations sera doté grâce à la mise sur le marché d'une nouvelle fraction importante du capital de France Télécom. Mais le Gouvernement n'a même pas jugé utile de présenter cette opération dans le cadre de la loi de finances.

Le Parlement est chargé d'autoriser la dépense publique et d'en contrôler l'exécution. C'est même l'une de ses vocations premières.

M. Jean-Luc Reitzer.

Eh oui !

M. Philippe Auberger.

Or l'on constate que l'on est parvenu à un degré proche de zéro dans ce domaine.

M. Jean-Luc Reitzer.

Malheureusement !

M. Philippe Auberger.

On ne peut en effet se contenter de discuter - ou de discourir - sur le point de savoir s'il faut une ou plusieurs implantations à l'Ecole nationale d'administration et s'il convient de supprimer 16 millions de francs du budget de cette école. Vraiment, il y a plus urgent et plus important !

M. Jean-Pierre Brard.

Enarque ! (Rires.)

M. Philippe Auberger.

Oui, vous avez raison, monsieur le président, d'engager une réflexion sur l'exercice du contrôle parlementaire. Il est souhaitable qu'elle aboutisse très rapidement. Il faut s'interroger sur le fait que notre pays est l'un de ceux où la dépense publique atteint les niveaux les plus élevés par rapport au PIB.

Il faut engager une diminution programmée des dépenses publiques et débattre simultanément d'une programmation triennale de l'évolution de nos finances publiques. D'ailleurs tous les pays qui veulent entrer dans l'euro vont devoir se plier à cet exercice. Et c'est le moment, alors que l'Etat va engager la procédure de renouvellement des contrats Etat-régions, de réfléchir à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

place occupée par les investissements, notamment les grands équipements, publics vecteurs de la modernisation de notre pays.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

La discussion de la loi de finances devrait être aussi l'occasion d'une large discussion sur l'évolution du secteur public, les moyens dont il est doté et la poursuite de la mise sur le marché des participations publiques qui ne devraient pas être décidées en fonction des seuls soubresauts du marché.

Bref, la discussion à laquelle nous venons de consacrer un mois est passée à côté de l'essentiel. Les véritables pro blèmes n'ont pas été traités ni même, bien souvent, effleurés.

M. Alain Rodet.

C'est un peu exagéré !

M. Philippe Auberger.

Il est temps donc de changer, de sortir de la vision conservatrice, passéiste de la dépense publique qui est celle du Gouvernement : on évite toute remise en cause importante ; on prolonge les tendances du passé ; on reconduit systématiquement les services votés ; on élude les problèmes qui se posent avec une certaine acuité. Ainsi, on veut ne faire de peine à personne, en particulier aux différentes composantes de la majorité plurielle et, surtout, on souhaite ne rien faire qui puisse compromettre l'avenir présidentiel espéré du Premier ministre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Rodet.

Ne mélangez pas tout !

M. Jean-Pierre Brard.

Jaloux ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Nous pensons qu'une telle attitude est contraire aux intérêts de notre pays et compromet à terme l'efficacité de l'Etat. Nous prenons un sérieux retard par rapport à d'autres pays qui, comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, mais aussi l'Italie, ont engagé des réformes courageuses et audacieuses dans ce domaine.

Nous voulons plus d'ambition dans le budget, pour plus d'ambition pour la France.

C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République confirmera son vote du 20 octobre dernier et refusera l'ensemble du budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jean Ueberschlag.

Nous allons assister à un exercice d'équilibrisme !

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la crise financière qui frappe l'Asie, les pays émergents et en voie de développement, ainsi que la Russie, aura inévitablement des répercussions sur les économies des pays développés. Quand la moitié de la planète vit dans la récession, les incertitudes s'accumulent sur la pérennité de la croissance.

Tout donne dès lors à penser que notre économie reposera largement sur le soutien de la demande intérieure.

Dans ce contexte, nous l'avons dit, la loi de finances pour 1999 aurait dû être plus dynamique, stimuler davantage le développement, donc l'emploi.

La droite française a conduit et propose encore des politiques monétaristes dont le credo libéral, selon lequel les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après-demain, mène inéluctablement aux mêmes conséquences : croissance du chômage, coût exorbitant pour les finances publiques, réduction des budgets sociaux, mesures d'austérité sélectives.

C'est de ce libéralisme qu'il faut se dégager.

C'est cette volonté qui nous a animés durant la discussion budgétaire, avec le souci d'être utiles, constructifs, de répondre davantage aux besoins, avec un budget plus efficace encore pour l'emploi et la justice sociale.

N ous avons proposé de manière responsable des recettes nouvelles pour contribuer à tarir la spéculation à la source en finançant des dépenses toutes axées vers la demande populaire et l'emploi.

Le Gouvernement a pris en compte plusieurs de nos propositions, sur le financement des allocations familiales sans conditions de ressources, par le plafonnement du quotient familial, sur la réduction de la TVA sur les abonnements de gaz et d'électricité. S'agissant des moyens d'enrayer une financiarisation à outrance de l'économie, des tabous ont commencé de tomber avec la réduction de l'avoir fiscal des entreprises, le relèvement de l'impôt sur la fortune ou la taxation des bons anonymes, mais - il faut en convenir - l'effort demandé reste symbolique, alors que dans le même temps les entreprises empochent immédiatement 13 milliards d'allégements sans contrepartie en matière d'emploi.

L'inquiétante réforme de la taxe professionnelle montre à l'évidence les pesanteurs d'une culture néo-libérale.

Une réforme démocratique de la fiscalité implique d'introduire les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle pour financer un fonds de péréquation, comme les revenus financiers des particuliers doivent l'être dans celle de la taxe d'habitation et, en matière de protection sociale, les revenus financiers des entreprises dans l'assiette de leurs cotisations.

Voilà la grande réforme de gauche, cohérente, efficace, favorable à l'innovation dans toutes les entreprises privées et publiques, que le Gouvernement se doit de réaliser en 1999.

M. Christian Sautter affirmait en novembre dernier :

« Nos orientations fiscales sont claires, nous devons rééquilibrer la fiscalité du travail et la fiscalité du capital, la fiscalité directe ou indirecte, dans le sens d'une plus grande justice sociale. » C'est pour que la loi de finances

aille dans le sens d'une réforme s'inspirant d'une telle orientation que nous avons avancé nos propositions tant dans les recettes, je viens d'en parler, que lors de l'examen des départements ministériels.

Certains secteurs sont préservés : justice, ville, environnement, tourisme, jeunesse et sports, outre-mer et, dans une moindre mesure, la culture. Je serais, monsieur le ministre de l'économie et des finances, beaucoup plus réservé quant à l'education nationale, compte tenu des besoins.

M. Philippe Auberger.

Lui aussi !

M. Jacques Brunhes.

Ces efforts notables n'ont, hélas ! pas été généralisés.

Dans nombre de cas, les revendications relayées par les élus n'ont pas permis d'abonder de manière significative les crédits initiaux. C'est ainsi que nous avons dû nous abstenir sur certains budgets et nous opposer à celui de la défense, à cause de leur insuffisance et faute de lisibilité en matière d'emploi.

M. Michel Bouvard.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Jacques Brunhes.

Nous souhaitons qu'avant la lecture définitive, des crédits viennent conforter ces budgets, nous permettant ainsi de les adopter.

Il serait possible, en taxant des profits financiers, d'app orter plusieurs milliards pour relever les minima sociaux...

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

... doter davantage l'éducation, le logement social, la recherche, la retraite anticipée attendue par les anciens combattants d'Afrique du Nord, ou encore pour réduire la TVA sur certains secteurs.

Je voudrais dire un mot qui est aussi une mise en garde, monsieur le ministre, sur la mise en oeuvre effective du budget 1999. Tout gel de crédits sur injonction de la Banque centrale, tout recul face au chantage permanent de l'ex-CNPF, qui cherche aujourd'hui à dénaturer les 35 heures, compromettrait l'avenir et la politique de l'emploi qui doit rester prioritaire.

Je ne cache pas, par parenthèse, notre inquiétude quand le gouverneur de la Banque de France, à qui l'on a confié des pouvoirs exorbitants, prétend s'opposer au pouvoir politique en matière de baisse des taux.

Par ailleurs, il est temps, monsieur le ministre, de renégocier le pacte de stabilité qui n'est pas, je le répète, un engagement international de la France.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

Il a été décidé par le seul Conseil européen au nom d'une logique monétaire et financière dont on mesure la perversité et la fragilité.

La France peut jouer un rôle décisif pour que des politiques budgétaires et des crédits volontaristes impulsent une croissance soutenue, fondée sur le pouvoir d'achat et l'emploi.

Une remarque avant de conclure. Après plus d'un mois de débats de jour, de nuit, lundis et samedis inclus, l'Assemblée nationale a modifié à peine un millième du budget initial.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas vrai !

M. Jacques Brunhes.

C'est dérisoire !

M. Michel Bouvard.

Bravo ! Il a raison !

M. Jacques Brunhes.

Une réflexion de fond, et pas seulement de méthode, sur la préparation, la discussion du budget et le contrôle de son exécution est urgente si l'on veut revaloriser vraiment les pouvoirs du Parlement.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

Nous ferons à nouveau des propositions en ce sens pour plus de transparence et de démocratie.

Nous sommes dans la majorité. Nous entendons y rester avec notre énergie, notre capacité d'initiative et de réflexion, nos propositions, nos remarques, nos critiques aussi.

A bien y regarder, le budget est la seule loi dont le vote conditionne vraiment l'appartenance à la majorité gouvernementale.

(Ah ! sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Avec la volonté d'être efficace et utile pour l'améliorer d'ici à la dernière lecture, le groupe communiste votera le projet de loi de finances.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la critique majeure faite à ce budget, non seulement par l'opposition, mais aussi par des leaders de la majorité actuelle, porte sur la forte montée des dépenses publiques, et donc l'utilisation très contestable des 75 milliards de recettes supplémentaires du budget de 1999.

Avec cette somme impressionnante, si le Gouvernement avait mieux maîtrisé la dépense publique, nous avions la possibilité de redonner du pouvoir d'achat aux salariés du secteur privé par la baisse des charges sociales sur les bas et moyens salaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie et Indépendants.)

Les chiffres parus hier dans le journal Le Monde, qui montrent que le fossé se creuse entre salariés du secteur p rivé et salariés du secteur public, devraient vous conduire, messieurs les ministres, sur la voie de l'allégement des charges sociales et de l'impôt.

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à faire cette analyse. Je le disais à l'instant, plusieurs personnalités nous ont rejoints.

Ainsi, le président de la commission des affaires étrangères a déclaré que la France aurait dû viser plus haut sur la réduction des déficits publics ; le président Delors suggérait d'être beaucoup plus ambitieux dans la réduction des dépenses publiques non prioritaires.

(« Eh oui ! sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Quant au président de l'Assemblée nationale, il a recommandé, à plusieurs reprises, de réduire plus fortement la dette et les impôts.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Messieurs les ministres, en accroissant sans cesse les dépenses publiques, vous poursuivez dans la voie de l'exception française qui n'est pas la voie européenne, c'est-àdire l'amour de la dépense publique, la non-réforme de l'Etat et la non-préparation de l'avenir des régimes de retraites tant du secteur privé que du secteur public.

Il nous reste cependant l'espoir, après avoir écouté certains leaders, que la deuxième lecture, à partir de la confection par le Sénat d'un nouveau budget, pousse des hommes lucides de nous rejoindre.

Le fond est critiquable mais la forme l'est aussi sur deux points.

Est-il normal que le Parlement, en dépit de vos engagements, monsieur Sautter, n'ait pas eu à sa disposition la moindre simulation de la réforme de la taxe professionnelle ?

M. Charles de Courson.

Il n'en a pas !

M. Pierre Méhaignerie.

A-t-on voulu cacher les conséquences de cette réforme ? Les surprises seront nombreuses, en effet, tant pour les entreprises que pour les collectivités locales.

M. Michel Bouvard.

Surtout pour ces dernières !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Pierre Méhaignerie.

Je n'ai toujours pas obtenu de réponse sur ce point.

Ignore-t-on, sur ces bancs, que la réforme donnera cinq à dix fois plus pour un salarié à 20 000 francs par mois dans une entreprise de services, que pour un salarié à 6 000 francs par mois dans entreprise industrielle soumise à la dureté de la concurrence internationale.

(« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

De même, est-il normal de voir réduire, une fois de plus, l'autonomie des collectivités locales et de les faire dépendre, encore un peu plus, du pouvoir central, de déresponsabiliser ceux qui ont fait l'effort de maîtriser l'impôt local, et de leur faire perdre confiance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Enfin, s'agissant de la forme, monsieur le président, constatant les limites du débat budgétaire, vous avez engagé une réflexion sur le rôle du Parlement et l'efficacité de la dépense publique pour échapper au triptyque énoncé par le président Edgar Faure : « litanie, liturgie, léthargie ». A quoi servira cette réforme si, dans un vote bloqué, lors d'une seconde délibération, l'essentiel de huit amendements adoptés la veille est réduit à néant et que les parlementaires sont obligés d'inverser leur vote ?

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission, et

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas vrai !

M. Pierre Méhaignerie.

Certes, il y a toujours eu des secondes délibérations, mais cette fois-ci, la majorité est revenue sur un amendement sur lequel nous nous étions tous réunis, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, et qui visait à alléger l'imposition sur les pensions de retraite.

Finalement, le seul vrai changement apporté au budget résulte davantage de la manifestation des lycéens que du travail des parlementaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Pour toutes ces raisons, de fond et de forme, le groupe UDF-Alliance votera contre ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démovratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Dans un projet de loi de finances, nous pensons, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, qu'il y a du bon et du moins bon. Je laisse à l'opposition le soin d'argumenter comme vient de le faire M. Méhaignerie. Je lui rappelle néanmoins que la moitié du budget de Mme Martine Aubry est précisément destiné à financer les exonérations de charges. Vous êtes donc, mes chers collègues, déjà très bien servis ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Personne ne se « sert », ici !

M. Yves Cochet.

Cela étant dit, contrairement à l'habitude, je commencerai par évoquer le moins bon.

Nous avons, nous les Verts, voté les crédits de tous les ministères, à l'exception de ceux qui impliquaient le nucléaire.

En matière de défense - et je crois qu'une partie de la majorité partage nos analyses - certaines dépenses sont beaucoup trop lourdes, notamment celles qui concernent la simulation prolongée des essais nucléaires ; je pense au laser mégajoule implanté près de Bordeaux, qui coûte près de deux milliards de francs par an. Dans le même temps, on ne sait comment financer - nous étions quelques-uns ce midi encore à nous creuser la tête pour trouver - la bugétisation de l'audiovisuel public dont nous débattrons dans trois semaines ! En ce qui concerne les crédits du ministère de l'industrie, que nous n'avons pas votés non plus, nous pensons que les crédits accordés au nucléaire, qui sont encore en hausse à cause de l'augmentation de ceux alloués au Commissariat à l'énergie atomique, ne sont pas clairement affectés. En outre, ils privent l'ensemble de la recherche-développement public en matière industrielle, de tout investissement sérieux dans d'autres vives toute de recherche. Je pense notamment à ce que l'on appelle les NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, dont nous reparlerons peut-être à l'occasion de l'examen du projet relatif à l'audiovisuel public.

Il y a là un choix politique à faire entre trop pour le nucléaire et pas assez pour tous les autres secteurs industriels.

M. Christian Bataille.

Vous fantasmez !

M. Yves Cochet.

Bien entendu, le ministère de l'environnement a vu sa dotation augmenter, mais l'un des plus grands défis lancés à notre pays à l'orée du

XXIe siècle,...

M. Michel Bouvard.

C'est l'aménagement du territoire !

M. Yves Cochet.

... est la « conversion écologique » de l'ensemble de l'industrie. De ce point de vue, il faut bien dire que, si le ministère de l'environnement a de grandes missions de politique d'intérêt général à remplir - et donc une responsabilité politique écrasante -, en matière budgétaire, il demeure, malheureusement, un nain.

Nous souhaitons que le débat continue, et qu'il s'ouvre dans d'autres domaines comme la diversification énergétique. Tous les groupes réclament régulièrement un débat sur l'énergie dans cette assemblée en conférence des présidents. J'espère que nous en aurons un bientôt, peut-être au printemps prochain. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)

S'agissant des aspects plus positifs de ce budget, il y a eu une bonne création, celle de la TGAP, qui a vocation à recevoir non seulement les petites taxes regroupées en son sein mais certainement aussi, plus tard, une part des prélèvements sur l'eau, et, enfin, je l'espère, la future pollu-taxe énergie-CO 2 , que la France devrait proposer à l'échelon européen. Cela nous donnerait un double dividende. D'une part, on pourrait essayer de réparer les dégâts causés à l'environnement. Selon le rapport de l'IFEN publié hier, et en dépit des efforts de tous les ministères de l'environnement depuis vingt-cinq ans, d'une certaine manière et objectivement, l'IFEN étant un institut de mesure presque métrologique, l'environnement, dans tous les domaines, va de plus en plus mal en France. D'autre part, la budgétisation de toutes ces taxes, y compris la taxe pollution énergie-CO 2 , aurait des retombées sociales.

Après l'an I de la fiscalité écologique, il y aura un an II.

En tout cas, nous le souhaitons. Il y a de très bonnes choses dans ce budget, M. le rapporteur général en a dit


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quelques mots. L'essentiel, c'est de récompenser la vertu, c'est-à-dire, contrairement à ce que vous croyez, mesdames et messieurs de l'opposition, de détaxer ce qui est vertueux.

Très positive, par exemple, est la baisse de la fiscalité sur les voitures électriques, sur le GPL, sur le GNV, ou la baisse de la taxe sur la carte grise, laissée à la discrétion des conseils régionaux, qui peut être réalisée en faveur des véhicules les moins polluants.

Par contre, il faut mettre en oeuvre sérieusement le principe pollueur-payeur, qui est un bon principe de fiscalité.

En augmentant, légèrement, la TIPP sur le gazole, le Gouvernement s'engage dans cette voie. D'autres mesures nous permettront dans les années qui viennent de mettre en oeuvre la vertu écologique et le principe pollueurpayeur.

A travers cette fiscalité écologique, c'est en fait à un déplacement de l'ensemble de l'assiette de la fiscalité qu'il faut réfléchir, et je salue l'effort de réflexion du Gouvernement pour cette première année. L'objectif est de moins taxer le travail et de taxer davantage les comportements pollueurs, et, peut-être, de déplacer l'assiette de la fiscalité des entreprises du travail vers la valeur ajoutée.

C'est pourquoi, avec nos amis du PRG et du MDC, les députés Verts voteront ce projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le ministre, ce budget que vous nous proposez aujourd'hui n'est pas un bon budget pour la France.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Il n'est pour s'en convaincre qu'à se pencher sur les recommandations exprimées par le FMI à notre pays, recommandations qui viennent confirmer à la fois nos positions et les craintes que nous vous avons déjà manifestées.

Le Fonds monétaire international juge en effet que le programme de réduction des déficits n'est pas assez ambitieux,...

M. Jean-Pierre Brard.

C'est la voix de l'étranger, ça !

M. Marc Laffineur.

... et qu'il l'est d'autant moins que les prévisions de déficit de la sécurité sociale sont irréalistes, des dérapages étant plus que prévisibles dans le domaine de l'assurance maladie. C'est bien l'avis que nous avons défendu depuis le début de la discussion budgétaire.

Les déficits restent effectivement beaucoup trop élevés, surtout au regard de ce qui les provoque. On ne peut accepter de tels déficits que s'ils visent à relancer la consommation en finançant une baisse des prélèvements obligatoires, ou s'ils servent à engager des réformes structurelles. Or qu'en est-il ? Non seulement les impôts ne baissent pas, mais la facture fiscale s'alourdit. En 1999, l'Etat percevra 75 milliards de francs supplémentaires, alors que les perspectives internationales exigeraient de soutenir la consommation intérieure en favorisant les entreprises et les ménages.

De même, en fait de réforme, il n'est rien qui soit de nature à justifier le déficit budgétaire que vous nous annoncez. Vous ne faites rien pour résoudre le problème des retraites alors que les échéances se rapprochent, vous n'engagez pas de réforme fiscale d'envergure, vous ne vous préoccupez pas davantage d'une pourtant nécessaire rationalisation de la fonction publique, appelée également de ses voeux par le FMI, vous ne diminuez pas la TVA, comme vous l'aviez promis.

Dans ces conditions, votre budget présente un déficit que rien ne peut légitimer. Il repose en effet sur des dépenses publiques qui vont augmenter trois fois plus vite que l'inflation, voire quatre fois. Le socialisme, c'est la dépense ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous faites supporter aux Français cette nouvelle hausse, alors que tous nos partenaires européens ont bien compris, eux, que tout devait être mis en oeuvre pour diminuer les dépenses publiques, afin de pouvoir aussi diminuer les prélèvements. Vous semblez ne pas vouloir l'entendre, ou ne pas pouvoir le comprendre. La direction dans laquelle vous conduisez la France n'est pas celle de son avenir.

Ce déficit sera sans doute d'ailleurs plus élevé que vous ne l'annoncez car votre hypothèse de croissance, 2,7 %, est trop optimiste, ainsi que votre hypothèse du dollar à six francs.

Les principales mesures de ce budget, et c'est significatif, sont des mesures fiscales habilement maquillées. Ainsi en est-il de la prétendue introduction d'une fiscalité écologique, qui n'est qu'une compilation de taxes existantes, augmentées au passage, et détournées au profit du budget général et au détriment de la politique environnementale.

Ainsi votre réforme de la taxe professionnelle sera-t-elle payée en partie par les communes.

En résumé, votre budget ne prépare pas l'avenir, va à l'inverse des autres budgets européens et à l'encontre du bon sens. Dans ces conditions le groupe Démocratie libérale votera contre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit dans les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, nous voici au terme d'un long processus de préparation puis de discussion de la loi de finances pour 1999.

Le Parlement a été associé très en amont à la réflexion du Gouvernement. Cela témoigne d'une façon nouvelle de travailler voulue par Lionel Jospin. La discussion ellemême s'est déroulée avec beaucoup de sérieux et de sérénité sur l'ensemble des bancs. L'Assemblée nationale et sa commission des finances ont tenu à donner de notre Parlement l'image qu'en attendent nos concitoyens.

Sérieux et sérénité ne dispensent pas, bien entendu, du nécessaire débat, des échanges, des confrontations sur les choix et les orientations.

Les trois grands objectifs du Gouvernement - réduction des déficits, réduction des prélèvements et accompagnement de la consommation - ont été consolidés par les votes de la majorité de notre assemblée. Cela nous a conduits à confirmer, parfois à accentuer ou à aménager la baisse de la TVA, la réduction de la taxe profes-


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sionnelle, la suppression de certains droits ou taxes, l'allégement de formalités administratives, montrant ainsi notre volonté de moderniser notre pays.

Les nombreux amendements venant concrétiser les conclusions du rapport Brard sur la lutte contre la fraude fiscale montrent que la modernisation passe aussi par une plus grande transparence de la vie des affaires.

Les nombreuses propositions et amendements relatifs à la fiscalité écologique témoignent qu'une orientation forte et durable est prise dans le domaine de la qualité de la vie et de la santé.

Les collectivités locales ont été mises au coeur de nos préoccupations par la sortie du pacte de stabilité et les engagements nouveaux de l'Etat dans le cadre du pacte de croissance et de solidarité, considérablement amélioré par des amendements parlementaires. La discussion du grand texte sur l'intercommunalité, annoncée pour le 2 février dans le cadre de la procédure d'urgence, répond à notre souhait de voir dynamiser la politique de décentralisation, moderniser nos structures locales. Le groupe socialiste, initiateur des lois de décentralisation, veillera à ce que ces textes aboutissent rapidement. L'Etat a besoin de partenaires territoriaux forts, organisés, car c'est en grande partie à leur niveau que se construisent le développement de notre pays et surtout la cohésion de notre société.

L'adoption de nos amendements sur l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA des travaux d'aménagement des rivières ou de la montagne, attendue depuis des années, est très positive.

Messieurs les ex-ministres de droite, nous avons fait ce q ue vous avez refusé de faire jusqu'à aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Reitzer.

Provocateur !

M. Jean-Louis Idiart.

L'exonération de charges sociales pour les associations et les collectivités intervenant dans les services à domicile témoigne de notre volonté de consolider ce secteur pour qu'une meilleure attention soit accordée aux personnes âgées, aux malades et aux handicapés.

M. Jean-Luc Reitzer.

Et les familles ? Matraquées !

M. Jean-Louis Idiart.

Nous nous félicitons de l'effort réalisé en direction des retraités agricoles. Nous devrons le poursuivre dans les prochaines lois de finances.

Les députés socialistes, monsieur le ministre, veilleront à ce que le Gouvernement tienne son engagement d'examiner, dès l'année 1999, la question de l'abattement de 10 % sur les retraites, la commission des finances ayant demandé un gel du plafond pour le 1er janvier 2000.

M. Alain Barrau.

Très bien ! Les députés socialistes, monsieur le ministre, veilleront à ce que le Gouvernement tienne son engagement d'examiner, dès l'année 1999, la question de l'abattement de 10 % sur les retraites, la commission des finances ayant demandé un gel pour le 1er janvier 2000.

M. Eric Doligé.

Les socialistes se sont fait avoir et ils aiment ça !

M. Jean-Louis Idiart.

Les crédits nouveaux accordés au logement permettront de conforter notre action dans ce d omaine, tout comme l'élargissement du crédit de récupération de TVA sur les travaux. De plus, d'ici au collectif, nous aurons mis sur pied ensemble un dispositif efficace pour les résidences de tourisme classées.

L'abondement des crédits du ministère de l'éducation nationale témoigne de l'intérêt constant et soutenu du Gouvernement pour la modernisation de l'outil éducatif.

La qualité des orientations et propositions du ministre des anciens combattants, dont le budget est abondé par des moyens nouveaux en vue de financer la carte du combattant et l'allocation de préparation à la retraite, témoigne du respect et de l'attention de notre majorité au monde combattant.

Le projet de loi de finances, tant dans ses orientations que dans sa méthode d'élaboration, va dans le sens souhaité. Ce projet de loi est positif. Notre pays s'engage dans la voie de la modernisation en faisant en sorte que développement, solidarité et esprit de responsabilité soient conjugués.

Nous avons entendu sur les bancs de l'opposition un certain nombre de remarques. On nous a notamment dit qu'il fallait diminuer encore les prélèvements.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Oui !

M. Jean-Louis Idiart.

Mais combien de budgets n'avezvous pas votés sous le prétexte qu'il n'y avait pas suffisamment de dépenses inscrites ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Lorsque vous étiez la majorité, vous augmentiez la TVA. Lorsque vous êtes l'opposition, vous réclamez des dépenses nouvelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M onsieur le ministre, nous voterons ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe radical, Citoyen et Vert.)

Application de l'article 44, alinéa 3, de la constitution

M. le président.

Je rappelle qu'à la demande du Gouvernement, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, l'Assemblée est appelée à se prononcer par un seul vote sur les dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération, à savoir : l'article 45 et l'état B, modifiés par les amendements nos 1 à 33 ; l'article 46 et l'état C, modifiés par les amendements nos 34 à 50 ; l'amendement no 51 supprimant l'article 64 A ; l'article 64 B, modifié par l'amendement no 52 ; l'article 64 C, modifié par l'amendement no 53 ; l'article 64 D, modifié par l'amendement no 54 ; l'amendement no 55 supprimant l'article 64 E ; l'article 68, modifié par l'amendement no 56 ; les amendements nos 57 et 58, supprimant les articles 69 bis et 70 bis ; l'article 43 et l'état A, modifiés par l'amendement no 59 ; ainsi que l'ensemble du projet de loi de finances.

Je rappelle également que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

555 Nombre de suffrages exprimés .................

555 Majorité absolue .......................................

278 Pour l'adoption .........................

308 Contre .......................................

247 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Arthur Paecht.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3

LUTTE CONTRE LE DOPAGE Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (nos 941, 1188).

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en vous présentant le projet de loi destiné à protéger la santé des sportifs et à renforcer la lutte contre le dopage, je pense d'abord aux milliers de personnes pour qui le sport est un moment de plaisir. Je pense au sport du dimanche après-midi, aux retrouvailles autour du terrain, à des visages d'enfants, de parents, d'éducateurs et de bénévoles. Je pense aux champions de la piste et du stade, à ceux qui les encadrent, à ces femmes et à ces hommes qui peuplent notre imaginaire de leurs exploits et auxquels s'identifient des millions de jeunes. Je pense au sport du village et à celui de la banlieue, au sport qui rassemble les différences, qui construit les solidarités et qui a valeur de repère.

Oui, nous devons penser au sport tel qu'il est aujourd'hui, pour peu qu'on le regarde lucidement, en ne cédant ni à la tentation de l'angélisme ni à celle du catast rophisme. Autant l'attitude qui a trop longtemps consisté à minimiser le dopage s'est révélée désastreuse, autant celle qui consisterait désormais à en rajouter dans le sens du « tous dopés » conduirait, de la même manière, à le banaliser et à s'y résigner.

Loin de ces deux visions fausses qui aboutissent à l'inaction, la démarche que j'ai engagée depuis seize mois vise à ne rien cacher de la gravité de la situation, à alerter l'opinion et à mener ce combat avec détermination en y associant constamment le mouvement sportif.

J'insiste particulièrement sur ce dernier point : après s'être fourvoyé dans l'idée que le problème du dopage pouvait se régler au sein de la famille, ce serait une nouvelle et grave erreur de mener ce combat sans le mouvement sportif.

Certes, l'existence du dopage dans le sport n'est pas une découverte récente, pas plus que la nécessité de s'y opposer par la loi. La France peut même se féliciter d'avoir été parmi les premiers pays à se doter de législations spécifiques, en 1965 sous l'impulsion de Maurice Herzog, puis en 1989 grâce à Roger Bambuck, deux ministres auxquels je tiens à rendre hommage devant vous.

Le phénomène n'est donc pas nouveau, Pierre de Coubertin l'évoquait déjà en 1923, mais il s'est considérablement transformé aux cours des dix dernières années. Le dopage ne se limite plus à quelques disciplines que l'on pensait prédisposées : de 1988 à aujourd'hui, le nombre de disciplines concernées par les cas de dopage a été plus que quadruplé.

Contrairement à une idée reçue, le fléau ne se limite pas non plus à la haute compétition ; il touche de jeunes pratiquants, il existe dans le sport loisir, dans des compétitions de niveau départemental et régional, et cela s'est déjà traduit par des drames.

Enfin, ce qui marque le paysage actuel du dopage, c'est l'apparition de nouveaux produits aux conséquences particulièrement redoutables et qui donnent lieu à un marché lucratif organisé. Face à une dérive banalisée, en pleine expansion et de plus en plus dangereuse, il était urgent de se doter d'un nouvel outil législatif.

Quand on mesure la gravité d'un problème, il ne faut pas attendre pour s'y attaquer. L'enjeu n'est pas mince. Il nous faut affronter un fléau social qui pose un véritable problème de santé publique et qui menace gravement l'éthique du sport, alors que le sport voit son rôle social, citoyen et économique renforcé.

Présenté en première lecture au Sénat en mai dernier, après un large travail de concertation, le projet de loi a été adopté à l'unanimité. Depuis cette date, tous les évé nements qui se sont produits n'ont démenti en aucune manière la justesse de ce travail législatif. Bien au contraire, les affaires de dopage liées au Tour de France cycliste, puis au championnat de football d'un pays voisin ont confirmé l'ampleur du mal, l'existence d'une véritable organisation de la tricherie et ont mis en évidence une chaîne de responsabilités portant atteinte à la liberté et à la dignité des individus, des hommes et des femmes que sont les sportifs et les sportives.

Nous avons encore en mémoire les témoignages bouleversants et - je pèse mes mots - courageux de sportifs racontant leurs rendez-vous quotidiens avec la piqûre interdite pendant une compétition. Nous avons en mémoire les témoignages d'une trentaine de jeunes sportifs faisant état de l'absorption régulière d'un mélange d'amphétamines, de cocaïne, d'héroïne, de caféïne, de morphine et d'antalgiques.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Oui, le dopage, c'est la mise en état de dépendance d'êtres humains ! Lutter contre cette dérive, c'est rendre toute sa dimension humaine au sport.

M. Alain Néri, rapporteur.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

La mise à jour d'une série de faits analogues, la multiplication de témoignages, la rupture salutaire d'une trop longue loi du silence ont provoqué beaucoup d'émotion - je la partage et ont suscité bien des questions tant dans le mouvements portif que dans l'opinion. Comment ne pas le comprendre ? Le sport est aussi un rêve, une fête que chacun, chacune a envie de vivre pleinement.

Quelques voix - peu en vérité - ont avancé l'idée d'organiser un dopage médicalement assisté, comme une sorte de moindre mal. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à refuser cette capitulation de l'éthique...

M. Bernard Charles.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

... et de la citoyenneté dont le sport est porteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Loin de nous accommoder du dopage, d'un dopage à plusieurs vitesses, il nous faut au contraire en chercher les causes profondes et nous y attaquer sans faiblesse.

N ous connaissons les raisons qui conduisent au d opage : c'est la surenchère permanente d'intérêts commerciaux dans les sports les plus médiatiques,...

M. Alain Calmat.

C'est vrai !

M me la ministre de la jeunesse et des sports.

... surenchère qui fonctionne comme un modèle à tous les niveaux de la pratique ; c'est la course infernale aux résultats, à l'argent, qui aboutit à des calendriers sportifs démentiels, à des surcharges d'entraînement, à des temps de récupération de plus en plus écourtés.

Comme le relève un rapport du CNRS qui m'a été remis il y a quelques jours, « associée à l'accroissement des enjeux et des résultats sportifs, l'extension du dopage met en cause les valeurs morales du sport et entraîne une forte augmentation des risques qu'encourent les athlètes. »

Des sportifs eux-mêmes le disent à partir de leur propre expérience.

Voici ce que déclarait un international français de football : « Nous, sportifs, nous sommes les principales victimes de la course à l'argent. Après ma blessure au genou, j'ai repris trop tôt car le club m'a mis la pression pour que je revienne. A un moment, tu en as tellement marre, que tu rejoues. J'en ai souffert et c'est là que peut intervenir la tentation ».

Que l'on m'entende bien, il ne s'agit pas de justifier tel ou tel comportement, et encore moins d'excuser qui que ce soit. Je refuse tout autant l'idée que le dopage serait soit le prix à payer du sport de haut niveau, soit la simple traduction dans le sport de pratiques répandues dans l'ensemble de la société. Ce serait nier le fondement même du sport en tant qu'école de conduite humaine, source de maîtrise et d'émancipation. Ce serait nier que, aujourd'hui, une majorité de sportifs sont au plus haut niveau international grâce, et uniquement grâce, à leur investissement et à leur talent personnels.

Non, le dopage n'est pas une fatalité ! Dans le mouvement sportif comme dans l'ensemble de la société, la volonté d'y résister est très forte. La mobilisation de nombreux acteurs du sport l'atteste, et plusieurs enquêtes d'opinion en témoignent. Cette volonté, et en tout premier lieu celle du mouvement sportif, sera indispensable pour mettre en oeuvre la nouvelle loi si la représentation nationale en décide ainsi.

Car une nouvelle loi est devenue nécessaire. Partagée par le Sénat en mai dernier, cette nécessité ressort égalem ent fortement du travail d'audition extrêmement important effectué par la commission compétente de votre assemblée.

De la même manière, nous voulons, avec mon collègue Bernard Kouchner, rendre un hommage particulier au travail remarquable effectué par le groupe de réflexion et de proposition coprésidé par le professeur Jean-Paul Escande et le magistrat Olivier Roussel. Le rapport remis par ce groupe est une contribution de qualité à une approche rigoureuse du rôle et de la responsabilité des médecins dans la lutte contre le dopage. Les propositions retenues en ce sens par le Gouvernement devraient enrichir le texte initial.

A partir de ces constats, et en prenant en compte une série d'apports, la nouvelle loi qui vous est proposée est marquée par trois dispositions essentielles.

La première porte sur la prévention. C'est la priorité absolue. Nous devons mieux protéger l'intégrité physique et morale des 13 millions de pratiquantes et de pratiquants. La prévention ne peut se réduire à une distribution de dépliants. Il faut agir pour l'information, la formation de tous ceux et de toutes celles qui, bénévoles ou non, encadrent le mouvement sportif, et il faut revaloriser la place de la santé dans le sport. Pour cela, nous vous proposons de retenir l'obligation d'un examen médical comme préalable à la délivrance de la première licence sportive, y compris pour celles et ceux qui ne participent pas aux compétitions.

Par ailleurs, il sera de la responsabilité des fédérations sportives de mener les actions de prévention auprès des licenciés. Cette prévention devra se retrouver dans l'organisation des calendriers sportifs et des compétitions.

De plus, il appartiendra aux fédérations d'assurer la surveillance médicale des sportifs de haut niveau, la nature et la périodicité des examens étant arrêtées conjointement par les ministères des sports et de la santé.

Ce suivi médical régulier fera l'objet d'un livret spécifique pour les sportifs de haut niveau.

C'est également, et j'y insiste, dans le cadre de notre politique de prévention que la nouvelle loi étendra les possibilités de contrôle. Ces contrôles seront élargis aux lieux d'entraînement et aux établissements sportifs à caractère commercial. Les médecins agréés pourront également les effectuer par convocation adressée aux sportifs.

La deuxième série de dispositions marquantes de la nouvelle loi vise à renforcer la lutte contre les pourvoyeurs de produits dopants. Jusqu'à maintenant, seuls les sportifs étaient inquiétés, jamais les pourvoyeurs.

M. Alain Néri, rapporteur.

Eh oui !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Les sanctions pénales qui leur sont applicables seront aggrav ées, en particulier lorsque l'incitation au dopage concerne des mineurs, et les moyens d'investigation seront élargis. A ce propos, j'ai la conviction que la lutte contre le dopage sera d'autant plus efficace qu'elle respectera scrupuleusement les droits de l'homme et du citoyen - car un sportif est un citoyen avant tout -, à commencer par le respect du secret de l'instruction et le droit à la présomption d'innocence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

De manière plus générale, s'agissant des actions de prévention, d'investigations et de contrôle, ainsi que des sanctions, nous avons tenu à distinguer clairement les responsabilités des agents de la jeunesse et des sports et du Conseil national de lutte et et de prévention contre le dopage de celles de la police et de la justice.

Cette remarque m'amène à la troisième disposition marquante de la nouvelle loi. Avec la création d'une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs réels en matière de sanctions et qui exercera un rôle de conseil auprès des fédérations, nous voulons enfin soustraire la lutte contre le dopage à toute tentative de pression, que celle-ci émane du pouvoir politique, de l'autorité sportive ou des sphères commerciales. Le mode de désignation des neuf membres de ce conseil ainsi que l'attribution d'un budget de fonctionnement seront la garantie de son indépendance.

En complément de ces mesures adoptées en première lecture, le Gouvernement propose d'introduire dans le projet de loi un dispositif d'alerte médicale.

M. Alain Néri, rapporteur.

C'est une très bonne chose !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Cette mesure est rendue nécessaire par un double constat : certaines nouvelles molécules mettent gravement en danger la santé des sportifs et, par ailleurs, les contrôles actuels ont montré leurs limites. En instaurant un véritable droit d'alerte, dans le strict respect de la déontologie médicale, le Gouvernement souhaite associer le corps médical, et en premier lieu les médecins du sport, à cette mobilisation urgente de santé publique et de préservation de l'éthique sportive.

Nous voulons également renforcer l'efficacité de la lutte contre les pourvoyeurs par un travail plus collectif des différentes administrations concernées.

Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les points forts et novateurs d'une loi qui, j'en suis pleinement consciente, aura besoin de moyens à la hauteur de ses ambitions. Vous le savez, ces moyens ont été doublés en 1998, et vous les avez de nouveau augmentés de 58 % dans le budget de 1999. C'est une avancée appréciable et appréciée mais, je le dis clairement, il nous faudra aller beaucoup plus loin.

Comment accepter l'idée que l'envie de faire du sport, d'aimer le sport, de se passionner pour le sport puisse aboutir à quelque chose de totalement inhumain ? Nous ne l'acceptons pas ! Ce qui paraissait quasiment insurmontable il y a peu de temps l'est déjà moins aujourd'hui.

Sachons reconnaître aussi que ce sont des sportifs, des entraîneurs, des dirigeants, des éducateurs qui ont eu le courage de ne pas tout accepter, de parler, appeler l'attention sur ce problème. La lutte contre le dopage demande de la volonté, une mobilisation quotidienne, une persévérance sur le long terme. Je crois le mouvement sportif et la représentation nationale capables de ce courage pour le sport et les sportifs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste ».)

La loi est indispensable mais elle ne suffira pas. Il faut donc saluer et encourager les fédérations sportives qui ont déjà adopté des mesures nouvelles propres à leur discipline, saluer et encourager la campagne de prévention menée par le Comité national olympique et sportif français en partenariat avec le ministère, saluer et encourager les licenciés, les bénévoles, les clubs, les associations et les collectivités qui adoptent des chartes, organisent des semaines de prévention, sollicitent des sportifs et des médecins.

A la nécessité de cette mobilisation citoyenne, on oppose parfois le risque d'un isolement de la France sur la scène sportive internationale. Bien évidemment, il n'est pas question de se livrer à une sorte de désarmement unilatéral. Mais, dans ce mouvement nécessaire, la France peut jouer un rôle de premier plan. Elle le joue déjà en montrant l'exemple au niveau national et en étant une force de proposition au niveau international.

Je ne vous surprendrai pas si je vous dis que, il y a environ un an, au cours d'un déplacement à Bruxelles, ma proposition de tenir une réunion européenne sur ce sujet avait été accueillie avec beaucoup de politesse ; aujourd'hui, le climat a vraiment changé. Tous les contacts pris, ces derniers jours encore, avec mes homologues de l'Union européenne montrent que ceux-ci partagent largement la volonté de se rencontrer, de débattre et de définir des possibilités d'action commune.

C'est pourquoi je souhaite qu'une réunion des ministres chargés des sports de l'Union européenne se tienne avant la conférence mondiale organisée par le Comité international olympique, conférence au cours de laquelle je prendrai la parole au nom du Gouvernement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Nous devons absolument agir ensemble, et des pistes d'action concrète existent déjà. Je pense en particulier à des actions communes dans la lutte contre les filières du dopage, à une coopération en matière de recherche médicale, à une harmonisation de certains dispositifs de contrôle et de certaines procédures.

Le projet de loi que je vous propose d'adopter, après examen des amendements, est très attendu, tant en France qu'au-delà de nos frontières. Et, puisque ces derniers jours ont vu resurgir le visage et les textes de Cocteau, permettez-moi de lui emprunter ces mots pour conclure : « Il n'y a pas de précurseurs, il n'y a que des retardataires. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, en des termes souvent lyriques, parfois poétiques, et toujours profondément humains, Marie-George Buffet vient de mettre en relief l'importance du projet de loi qui vous est soumis.

Ayant la charge de la santé, je suis à ses côtés pour souligner l'importance que revêt à nos yeux le rôle des medecins, des biologistes et des pharmaciens dans cette nécessaire mobilisation contre le dopage, mobilisation qui s'est traduite par un travail commun, mené en étroite collaboration entre nos deux ministères.

Le dopage, nous n'en doutons pas, est devenu un véritable enjeu de santé publique, pour ce qu'il est et pour ce qu'il représente, car la contagion est possible. Non seulement il met directement en danger la vie de ceux qui y ont recours - et nous ne voulons pas voir s'allonger la liste des malades et celle des morts - mais il contribue à la montée en puissance d'une véritable pharmaco-assistance, voire d'une pharmaco-dépendance dans la vie quotidienne, qui constitue, j'en suis sûr, une évolution


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

majeure de nos sociétés d'abondance, sans d'ailleurs totalement épargner les pays les moins fortunés, lesquels ont pourtant déjà fort à faire sans ces problèmes.

Ainsi, les médecins, et plus largement l'ensemble des professions de santé, ont une responsabilité majeure dans la lutte contre le dopage, au nom de la protection de la santé des sportifs de haut niveau, mais aussi de celle des millions de nos concitoyens qui pratiquent un sport en amateur. On se préoccupe beaucoup, dans les familles, de l'usage de drogues illicites par les adolescents, et on a raison, mais nous devons aussi affronter la réalité de ces jeunes de seize ans qui s'injectent clandestinement des produits avant une course amateur, ou bien qui avalent quotidiennement des pilules de hasard à la recherche de la force et de la performance.

Nous avions demandé, Marie-George Buffet et moimême, à un groupe de travail pluridisciplinaire, coprésidé par Jean-Paul Escande et Olivier Roussel, de réfléchir aux moyens de renforcer le rôle de la médecine dans la lutte contre le dopage. Je les remercie, ainsi que les membres de leur groupe, d'avoir travaillé aussi vite et de façon aussi efficace.

Ce rapport, que nous avons rendu public au début de la semaine, a apporté à mon sens deux contributions majeures.

La première consiste à passer de la biologie à la médecine, de la technique à l'humain et, si vous me permettez cette formule, de l'examen d'urine à la condition de l'homme.

Il faut certes poursuivre la politique fondée sur les dépistages biologiques, mais il faut sans cesse en améliorer l'efficacité, tout en sachant qu'il s'agira d'une course incessante et épuisante entre les nouveaux produits et les nouvelles capacités de détection.

M. Guy Drut.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et je crains que les nouvelles capacités de détection ne gagnent pas toujours cette course.

M. Bernard Charles.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il faut donc, bien sûr, élargir le spectre des produits que l'on cherche à détecter, mais ne nous faisons pas d'illusion : ce n'est pas la solution, cela ne suffit pas.

L'actualité récente nous a rappelé ces situations où l'on voit la morphologie des sportifs se modifier de façon spectaculaire en quelques mois - d'ailleurs, le public le voyait sur les photos -, sans que les tests de dépistage biologique aient été en mesure de révéler quoi que ce soit d'illicite.

Il faut donc aussi pouvoir faire appel à la médecine dans une conception plus large incluant l'évaluation clinique, enfait le sens clinique, le dialogue.

La deuxième contribution importante de ce rapport consiste à suggérer de mettre en place, aux côtés du système actuel de sanctions, fondé sur les contrôles biologiques, lesquels sont partiellement inefficaces, un système d'alerte reposant sur les professionnels de santé.

Les médecins seront au coeur de ce système d'alerte, qui est fondé sur des considérations de santé publique et non sur la délation.

M. Jean Le Garrec, président de la commission Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il ne s'agit en aucun cas de rompre le secret professionnel. Participaient d'ailleurs au groupe présidé par JeanPaul Escande et Olivier Roussel des représentants de tous les conseils des ordres, ainsi que les professionnels les plus éminents de la médecine sportive.

Si nous voulons renforcer le rôle des médecins dans la lutte contre le dopage, nous voulons aussi respecter le secret médical, l'indispensable confiance entre le patient et son médecin.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bien entendu !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ce n'était pas facile.

Les médecins seront désormais astreints, dans l'intérêt de la santé de leurs patients - de leurs patients sportifs, en l'occurrence -, de transmettre à leurs confrères de la cellule médicale de la commission indépendante,...

M. Alain Calmat.

Absolument ! Il faut bien préciser !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... et à personne d'autre, les informations pouvant laisser supposer l'utilisation de produits dopants.

Et ce sont des médecins qui pourront prendre la décision d'interrompre temporairement des activités sportives pour raisons médicales, afin de préserver la santé du sportif.

M. Alain Néri, rapporteur.

Ce sera une sorte d'arrêt de travail !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Tout à fait. Non une sanction, mais une décision visant, je le répète, à protéger la santé du sportif. Cette décis ion aura pourtant, j'en suis sûr, une vertu dissuasive, car les sportifs prendront conscience que cette interruption peut survenir quelques jours avant une compétition importante à leurs yeux.

Vous le voyez, nous restons dans un circuit médicalisé, autorisant des décisions dans l'intérêt de la seule santé des sportifs, et nous demeurons respectueux - je suis désolé de me répéter mais c'est nécessaire eu égard aux critiques qui ne manqueront pas de surgir - du secret médical puisque, au-delà de la cellule médicale de la commission indépendante, ce sont uniquement des informations non nominatives qui seront transmises pour contribuer, si nécessaire, au développement de l'enquête sur les trafics.

Nous voulons en somme que se constitue une culture de l'alerte médicale, en particulier dans le corps médical, si mal informé de la santé des sportifs, des pratiques sportives et de l'examen des sportifs. Il faudra à cet effet modifier la formation initiale et la formation continue des médecins,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... car il est certaines choses qu'ils croient connaître mais ne connaissent pas.

Par ailleurs, des rapports approfondis seront établis entre la commission indépendante et l'institut de veille sanitaire.

Vous le constatez, nous vous proposons un dispositif à la fois volontariste et équilibré.

M. Alain Calmat.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il vise à ce que ce ne soient pas les firmes pharmaceutiques et les laboratoires clandestins qui montent sur les podiums à la place des sportifs,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Alain Calmat.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... et à ce que la pratique sportive permette l'épanouissement et la santé de chacun, quel que soit son niveau sportif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je commencerai - une fois n'est pas coutume -, cédant à ce qui est devenu une mode dans cet hémicycle, par une citation de saint Augustin : ...

M. Michel Meylan.

Quelle conversion !

M. Alain Néri, rapporteur.

« On n'éteint pas le soleil parce qu'on se bande les yeux. »

L'hypocrisie n'a que trop duré ! Depuis de longues années, dans le milieu sportif et au-delà, nombreux étaient ceux qui savaient et qui se taisaient. Le dopage devenait une habitude, il était banalisé. Pour certains, il était même devenu partie intégrante d'une certaine culture ambiante.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Alain Néri, rapporteur.

Il était plus que temps de rompre cette conspiration du silence.

Si l'on a pu regretter, dans un premier temps, que le Tour de France, l'épreuve la plus populaire du monde, soit éclaboussé sans ménagement, si on a même pu craindre un moment pour sa survie, on peut remercier aujourd'hui cette épreuve...

(Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David.

Le Tour de France n'a été que l'occasion de cette prise de conscience !

M. Alain Néri, rapporteur.

... d'avoir été le détonateur qui a permis à l'opinion publique de prendre conscience de la gravité et de l'ampleur du fléau social qu'est le dopage, d'avoir permis un début d'examen de conscience pour certains.

Le dopage est un véritable phénomène de société. Il pose à la fois un problème d'éthique sportive et de santé publique et il convient de ne pas masquer la réalité : réalité des chiffres, des disciplines concernées, des techniques en jeu, des conséquences pout tous.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ces dernières années, les contrôles ont diminué, passant de 7 535 en 1994 à 5 228 en 1997. Pourtant, le nombre de contrôles positifs est resté le même, 221, ce qui veut dire que la proportion de contrôles positifs a augmenté. Chiffre encore plus brutal et plus accablant : le nombre de fédérations concernées est de 42.

On me dira que le nombre de contrôles positifs est f aible, mais il ne l'est pas. Combien de sportifs

« avouent » a posteriori, alors qu'un contrôle s'est avéré négatif du fait de la prise de produits masquants ou parce que le produit n'était pas décelable ? Combien de sportifs connaissent à l'avance la date d'un contrôle supposé

« inopiné » ? Combien de fédérations n'appliquent pas de sanctions ? Toutes les disciplines sont touchées.

Il a fallu, madame la ministre, que vous retiriez l'agrément à la fédération d'haltérophilie - ce sera peut-être bientôt le cas d'une autre. On montre du doigt le cyclisme, à cause du Tour de France. Mais la situation existait avant le Tour de France. Le dopage serait-il plus fréquent en cyclisme qu'ailleurs ? Il faut y regarder de plus près. La fédération française de cyclisme a en fait été exemplaire : elle a été la première à accepter les contrôles, et la première à accepter les contrôles sanguins,...

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

C'est vrai !

M. Alain Néri, rapporteur.

... et c'est tant mieux. Quelle est la discipline qui peut aujourd'hui se vanter d'un « zéro dopage » ? Aucune : ni le billard, ni le bowling, ni le tir à l'arc,...

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ni le golf !

Mme Martine David.

Ni le badminton !

M. Alain Néri, rapporteur.

... où des contrôles positifs ont été effectués.

Il faut prendre en compte la réalité des techniques : d'un dopage à deux vitesses, on retient l'image désolante d'une stratégie professionnelle « médicalisée », ou du moins « soignée » avec des produits très sophistiqués, comme l'EPO ou les perfluorocarbures, stratégie nocive parce que « scientifique ».

Il y a, à côté de celle-ci, un « tout-venant » du dopage qui, d'hormones de croissance en vitamines, utilise des produits nocifs parce que mal dosés : 38 % des produits trouvés sont des stupéfiants ou des tranquillisants. Les statistiques montrent que l'usage des produits dangereux, comme la testostérone, augmente régulièrement.

Les produits utilisés sont de plus en plus dangereux, certains n'étant même pas agréés par les agences du médicament. On assiste à une escalade fatale ! Mais il faut surtout tenir compte de la réalité des conséquences, et d'abord pour l'image du sport.

Aujourd'hui, le dopage ne fait plus gagner quelquesuns, il fait perdre tout le monde et, en vérité, le plus grand perdant, c'est le sport lui-même.

Le dopage donne une image truquée, tronquée du sport, qui devrait au contraire développer des valeurs de citoyenneté, de compétition, de lutte à armes égales.

Hélas ! ce que l'on ressent aujourd'hui à travers la banalisation du dopage, c'est le trucage, la tricherie et l'artifice.

Le sportif n'est plus l' « étoffe du héros », il n'est plus le « dieu du stade », le modèle, la référence : il devient un suspect perpétuel.

Le nombre de décès prématurés et le nombre d'anciens sportifs qui ne peuvent malheureusement pas cesser de prendre des produits et qui deviennent drogués prouvent qu'à l'évidence le dopage est avant tout un problème de santé publique. Le CNRS a publié des études récentes dont je me suis inspiré pour rédiger mon rapport écrit.

Elles sont la vitrine d'une sorte de musée des horreurs.

La créatine est en vente libre aux Etats-Unis et on n'en connaît pas scientifiquement les effets. Mais, comme pour d'autres produits, on constate à tout coup des effets secondaires : phases dépressives, troubles digestifs, accoutumance.

Aujourd'hui, les dopeurs se servent des sportifs dopés comme de cobayes. Ils se livrent dans certains cas à une v éritable expérimentation humaine. Va-t-on, peut-on tolérer encore longtemps des pratiques honteuses et déshonorantes pour l'humanité ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Bref, il faut d'urgence revenir à un sport propre, à un sport net. C'est, je le répète, un impératif de santé publique autant qu'un combat politique au sens premier et le plus strict du terme.

M. Denis Jacquat.

Très bien !

M. Alain Néri, rapporteur.

De même, des apprentis sorciers se prenant pour des docteurs miracles jouent sans vergogne avec la santé des athlètes, les transformant en gladiateurs des temps modernes qui, sans le savoir, risquent souvent leur vie dans les stades. Ces apprentis sorciers transformeront demain ces stades en arènes sanglantes si l'on ne met pas fin à leur activité terrifiante.

Chacun connaît le rôle intégrateur du sport, l'identification des jeunes à des sportifs, la mission du sport dans les banlieues les plus défavorisées. Le dopage est un mal qui affecte tout cela, qui déforme cette image et peutêtre, demain, la détruira. Il doit donc être mis hors la loi.

Il existe une contagion de la suspicion, qu'il faut combattre car, fort heureusement, tous les sportifs ne sont pas dopés. On peut réaliser de grandes performances, et même battre des records, grâce à ses qualités naturelles, son courage, sa volonté et un véritable entraînement de fond.

Alors, comment combattre ce mal ? Avant tout, je crois qu'il ne faut pas trop incriminer les sportifs eux-mêmes, ni dans les causes, ni dans les dénonciations du dopage.

Les causes sont multiples : la surcompétition, la part prise par l'événementiel, la surenchère des médias, les sommes en jeu s'agissant des professionnels, la brièveté des carrières et l'absence de débouchés à l'issue de celles-ci, le poids des entourages, voire des équipes médicales.

Les dénonciations ? Le sportif dopé ou supposé l'être fait l'objet, avant toute décision disciplinaire, d'un véritable lynchage médiatique. C'est intolérable, et il faut que la présomption d'innocence soit appliquée aux sportifs comme à chaque citoyen.

Le sportif doit avoir droit à un jugement équitable.

Pour cela, il faut que la contre-expertise soit faite dans un laboratoire agréé différent du premier ; il faut que la commission sportive qui juge en appel soit différente de celle de la première instance. C'est une règle fondamentale du droit français et, comme tout citoyen, le citoyen sportif y a droit.

Le projet de loi ne revient pas sur la distinction faite dès 1989 par la loi de Roger Bambuck sur le dopage entre des sanctions administratives pour les consommateurs ou les utilisateurs, et des sanctions pénales pour les pourvoyeurs de produits dopants. Je pense que cela est parfaitement légitime et, sur ce point, la commission a partagé la philosophie des articles 17, 18 et 19 du projet.

S'il est, certes, malsain de consommer des produits dopants - personne ne le conteste -, il est beaucoup plus grave de les fournir ou de les administrer. Leur fourniture est criminelle mais lucrative. Elle est facilitée notamment parce que ces produits peuvent être commandés sur Internet ou qu'ils sont en vente libre à l'étranger. Cela crée un véritable trafic par l'intermédiaire de filières organisées d'approvisionnement, comparable en tout point au trafic de drogue. Aussi, les pourvoyeurs doivent-ils être poursuivis avec la même sévérité que les fournisseurs de drogue, et la même volonté de les mettre hors d'état de nuire doit se manifester.

L a consommation peut parfois être involontaire, notamment par la prise de médicaments courants, tout en étant prohibée lorsque le patient est un sportif.

L'article 5 de votre projet de loi, madame la ministre, clarifie les choses et va dans le bon sens. Pour un professionnel, l'interdiction d'activité est en soi une sanction très grave. Mais il faut renforcer autant que faire se peut le caractère contradictoire de la procédure du prononcé des sanctions administratives et en réduire les délais. Il est en effet inadmissible que des sportifs contrôlés positifs continuent de pratiquer la compétition, y compris au niveau international.

M. Denis Jacquat.

C'est vrai !

M. Alain Néri, rapporteur.

Des amendements vous seront donc proposés à la fois pour réduire la durée de la procédure et pour respecter les droits de la défense dont on sait qu'ils s'appliquent même en dehors des procédures judiciaires, c'est-à-dire lorsqu'il revient à une autorité administrative le soin de prononcer une sanction.

Venons-en précisément au rôle du conseil de prévention et de lutte contre le dopage. La loi de 1989 avait institué un comité national de lutte contre le dopage qui n'a pas été efficace parce qu'il n'était doté ni de moyens ni de structures. On peut se féliciter a contrario que le conseil de prévention et de lutte contre le dopage soit quant à lui une autorité indépendante dotée de moyens : autorité indépendante, puisque ses membres ne seront pas nommés par le Gouvernement, qu'ils seront irrévocables et que leur mandat ne sera pas renouvelable. D'autre part, dès le budget de 1999 du ministère de la jeunesse et des sports, 4 millions de francs ont été affectés à son fonctionnement.

On peut naturellement douter de son efficacité. Mais avant de faire un procès d'intention, il vaudra mieux juger sur pièces et sur actes. Les exemples d'efficacité reconnue du médiateur, de la COB ou du CSA sont plutôt encourageants.

Si le volet répressif est bien abordé dans le projet, les moyens préventifs dont disposent le Conseil doivent être en revanche renforcés.

Vis-à-vis des fédérations, le Conseil est impuissant.

Certes, le texte prévoit que les fédérations pourront demander des contrôles, mais ce n'est pas en leur ouvrant une simple possibilité qu'on changera les pratiques et les mentalités : c'est en imposant.

Il importe donc, et la commission a adopté des amendements en ce sens, de donner au Conseil un pouvoir d'injonction en cas de mauvais vouloir, voire de laxisme, de certaines fédérations à demander des contrôles ou à punir. Il importe aussi d'assortir ce pouvoir de moyens réels allant jusqu'à des peines d'amendes et au retrait d'agrément à l'encontre des fédérations trop passives.

Il faut qu'une certaine complicité, que l'on a vue parfois se dessiner ou qui pourrait se dessiner entre le ministère et les fédérations pour ne rien changer au problème, soit brisée. Je le dis d'autant plus volontiers, madame la ministre, que vous n'êtes pas en cause,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'espère bien !

M. Alain Néri, rapporteur.

... vous qui avez eu le courage de retirer l'agrément à une fédération.

M. François Liberti.

En effet !

M. Alain Néri, rapporteur.

Nous ne légiférons pas seulement pour aujourd'hui, mais aussi dans l'espoir que, cette fois, le cadre juridique sera le bon pour demain, pour préparer l'avenir.

Il est évident qu'il manque au Conseil des moyens d'action indépendants, mais il lui manque aussi un pouvoir d'avis général sur les textes relatifs aux sports.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Quant aux fédérations, c'est là que tout se joue. Elles doivent se mobiliser. Elles ne disposent pas des moyens juridiques et financiers pour assurer pleinement cette mission, nous dit-on. Alors, donnons-leur ces moyens ! Le Conseil prodiguera ses conseils et son assistance, et la loi de finances pourvoira aux besoins en crédit. Mais il faut d'abord que les fédérations fassent bien leur police interne. L'exigence d'un certificat médical préalable à la délivrance initiale d'une licence va dans ce sens, tout comme l'article 3, même si la notion d'épreuve sportive, qui apparaît là assez floue, demande à être précisée.

Le renforcement des pouvoirs disciplinaires et la saisine d'office du Conseil en cas de carence de la fédération concernée, passé un délai de cinq mois - délai que la commission a jugé un peu trop long - vont dans le bon sens.

Les fédérations doivent demander systématiquement les contrôles. Pour que ceux-ci soient plus efficaces, des amendements aux articles 15 et 16 prévoient un meilleur cadrage juridique du droit de visite - qu'il faut étendre aux véhicules utilisés par les sportifs, leurs encadrements et les équipes - sous un contrôle plus strict du procureur de la République, ainsi qu'une simplification du droit de saisine.

Puisque j'ai commencé par citer saint Augustin, je conclurai par Sartre. Dans les Mains sales, il fait dire à l'un de ses personnages : « Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces. » Cette assertion appliquée au

dopage est complètement fausse.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

J'ai eu peur !

M. Alain Néri, rapporteur.

Peut-être efficace à court terme, le dopage, véritable fléau social, détruit la santé des sportifs et parfois les tue. Il rend la compétition artificielle, il érige la tricherie en principe, il fait planer le soupçon et le doute sur les performances.

En revanche, cette assertion trouve toute sa pertinence en matière de lutte contre le dopage.

Il ne faut négliger aucun moyen juridique pour gagner de vitesse les techniques de dopage et éliminer les pourvoyeurs, ces négriers des temps modernes, certes dans le strict respect des libertés publiques. C'est ce que la commission, sur une base très consensuelle, propose de faire en vous proposant de voter les amendements qu'elle a adoptés.

Le sport a aujourd'hui une dimension universelle. Le dopage est un phénomène mondial. Il faut donc que les mesures concrètes prises dans le cadre de cette loi ne soient pas réservées au seul usage franco-français : elles doivent être étendues au niveau européen et au niveau mondial, dans un souci de protection de la santé de tous les sportifs, mais aussi dans un souci d'équité pour garder ou rendre toute leur valeur aux records et aux compétitions, qui doivent voir s'affronter les concurrents soumis aux mêmes règles luttant avec les mêmes armes, dans les mêmes conditions.

Vous avez donc raison, madame la ministre, de vous engager dans une croisade contre le dopage en rencontrant vos collègues européens et en saisissant le CIO de propositions précises. Pour ma part, je suis déterminé à saisir nos collègues des parlements nationaux de l'Europe pour qu'ils légifèrent aussi sur le sujet, ainsi que l a Commission européenne pour lui demander de prendre une directive qui s'imposerait à tous les pays européens.

Combattre le dopage, c'est combattre pour libérer le sport et les sportifs d'un carcan qui les étouffe et qui, à terme, pourrait les broyer.

La France a toujours été à l'avant-garde de tous les combats pour la liberté. Dans la lutte contre le dopage, ce véritable fléau social destructeur de l'homme et de l'éthique sportive, la France est aussi à l'avant-garde, et c'est son honneur, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je me bornerai, après les excellentes interventions des ministres et de M. Néri, à quelques brèves remarques.

Votre texte, madame la ministre, est courageux et intelligent. Il était absolument nécessaire. Il a été adopté à l'unanimité par le Sénat mais, depuis lors, bien des événements se sont produits, notamment cet été : des rideaux se sont déchirés, des bouches se sont entrouvertes, des paroles ont été échangées. Chaque jour, on mesure encore plus l'ampleur du problème. Il suffit de lire certaines déclarations effrayantes, souvent déchirantes, de femmes et d'hommes complètement meurtris.

La matière sur laquelle nous légiférons est, il est vrai, difficile. Il nous faut en même temps parler d'éthique sportive et de santé publique, conserver en mémoire le mythe, le rêve, la beauté du sport, mais nous devons aussi parler de l'argent et du sport, ce que l'on n'ose malheureusement pas faire assez souvent.

Il nous faut en effet éviter la stratégie du soupçon, laquelle peut faire des ravages que nous, hommes et femmes politiques, connaissons bien. C'est dans cet esprit que se sont engagés les travaux de notre commission. Ces travaux ont été riches, vastes, et ont été l'occasion d'une grande capacité d'écoute, de contacts et de recherche de positions largement consensuelles. Je félicite M. Néri pour avoir, dans son rapport, traduit le plus exactement possible cette volonté collective.

De nombreux amendements ont été adoptés. Ils visent non pas à durcir le texte, car tel n'a pas été notre propos, mais à le rendre plus efficace, par exemple pour ce qui touche au droit d'interpellation du CPLD.

Je le dis avec force : il ne s'agit pas de durcir le projet de loi. Je le dis aussi avec un grand respect, une grande admiration pour les sportifs de haut niveau. Il n'est d'ailleurs pas si fréquent que, dans un débat, nous puissions entendre deux champions olympiques, en l'occurrence

M. Calmat et M. Drut.

Nous pensons qu'au nom de ce respect et de cette admiration, ce texte est indispensable. Nous voulons avant tout protéger les sportifs qui nous ont fait rêver, et c'est par respect pour eux que nous abordons le problème du dopage avec le même courage que celui avec lequel, madame, vous l'avez posé.

J'aborderai quatre points particuliers.

Premier point : on nous assure que le texte de la France serait le plus dur d'Europe et que nous risquerions ainsi l'isolement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

La question que l'on doit se poser est simple : doit-on adopter une attitude en demi-teinte au risque que rien ne bouge, ou doit-on avoir le courage d'adopter des positions fortes en essayant de faire bouger les autres ? Vous avez choisi, madame, la seconde option. Nous considérons que c'est la bonne et nous vous aiderons de toutes nos forces.

Les termes « désarmement unilatéral » me semblent mal choisis, car, madame, il s'agit bien d'armer pour lutter contre quelque chose. Cela dit, j'ai bien compris votre pensée.

La réunion avec le CIO du mois de février que vous préparez avec vos collègues ministres au niveau européen, vos contacts avec Manuel Oreja, commissaire européen chargé des sports, l'interpellation du Parlement européen - vous m'avez appris que le groupe socialiste européen souhaitait un débat sur un projet de résolution : tout cela participe de cette action de mobilisation internationale, qu'il faut poursuivre. Nous serons à vos côtés.

Deuxième point : une loi est bien entendu nécessaire, mais une loi n'est pas suffisante si elle n'est pas accompagnée de la mobilisation des acteurs à tous les niveaux, et d'abord de celle des fédérations.

Lors des auditions que nous avons conduites en commission avec M. le rapporteur Néri, nous avons eu le sentiment que les présidents de fédération avaient la volonté d'agir avec beaucoup d'efficacité. Je citerai pour l'exemple les auditions très passionnantes du président de la fédération du cyclisme - grand courage ! - et du président de la fédération d'athlétisme. Je pourrais en évoquer bien d'autres, mais ces deux auditions nous ont permis de débattre en commun.

Mobiliser les médecins est nécessaire. Je remercie M. Kouchner d'avoir, dans son intervention, comme d'habitude intelligente, dit ce qu'il fallait dire.

Il est vrai que les médecins étaient dans une position ambiguë, tenus par le secret médical, qui doit, bien entendu, être protégé car il y a un problème de confiance, mais en même temps en situation de constater ce qui se passait. Et quelle était leur possibilité d'action ? Vous avez écrit vous-même récemment vous voyez, je vous lis ! - que la loi du silence régnait en matière de médecine sportive. Et tout compte fait, face à ce problème de santé publique, vous créez une procédure et un droit d'alerte. C'est fondamental et cela devrait rassurer, d'une certaine manière, et encourager les médecins. Je vous félicite aussi pour la mise en place du groupe de travail dont font partie M. Olivier Roussel et le professeur Escande. Quelque chose d'important est en train de se dessiner.

Il faut, bien entendu, mobiliser les fédérations, les médecins, les directeurs sportifs, les éducateurs - nous en reparlerons - et les sponsors dont c'est d'ailleurs l'intérêt, car ils n'agissent que si un intérêt les pousse à bouger.

Or, comment l'image d'un sportif soupçonné pourraitelle être porteuse ? Il y a donc peut-être là le début de la sagesse, même si c'est une question d'intérêt. Après tout, prenons les choses comme elles sont ! On constate donc une amorce très forte de prise de conscience et il nous faut pousser encore plus loin les feux. J'interrogerais d'ailleurs volontiers les laboratoires pharmaceutiques. On le sait très bien, le dopage se fait en détournant des médicaments de leur usage thérapeutique.

Or, demain, d'autres molécules vont être inventées...

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Absolument !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... c'està-dire d'autres possibilités de détournement, et certaines molécules seront même des produits masquants. C'est pourquoi il est important d'interroger l'industrie pharmaceutique sur la négociation d'une charte déontologique d énonçant le détournement de médicaments et les risques, à terme, d'utilisation à des fins autres que médicales. Nous devons, en effet, mobiliser aussi les laboratoires pharmaceutiques.

Troisième point : il faut prévenir, informer et éduquer - c'est évident. Une réflexion doit être menée en la matière. Nous avons eu un débat sur la manière de donner cette information, cette éducation dès la première visite médicale. Il faut informer le médecin sur ce qui sera son rôle cela a été dit par M. Kouchner - et organiser cette première visite. Nous n'avons pas pu retenir certains amendements, car ils tombaient sous le couperet de l'article 40 de la Constitution, mais le problème est posé et il faut le creuser. En effet, les choses ne sont pas claires entre nous sur ce que doit être cette première visite. Comment doit-elle être organisée, et sur quel carnet doit-elle figurer ? Nous avons un champ immense à explorer. Je souhaitais poser ce problème.

Quatrième et dernière orientation : il faut poser le problème en termes de santé publique, c'est-à-dire combattre l'hypocrisie, y compris celle que l'on masque : celle de l'argent. Moi je veux en parler, de l'argent, car en définitive le dopage n'est que le révélateur, le point ultime d'une surexploitation du geste sportif.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est ainsi que nous devons poser le problème.

On peut le regretter, mais la nostalgie n'a pas sa place ici, le sport est un enjeu considérable sur le plan financier, en termes d'équipements, de matériels, de spectacle de masse, de jeu, et l'Etat n'est pas forcément celui qui a le plus de morale en la matière, osons le dire ! Il a aussi une dimension politico-économique. A cet égard, les échanges assez « aigus » qui ont lieu entre les gouvernements espagnol et portugais sur la future organisation du Mondial de football montrent bien l'enjeu considérable que représente le sport. Et le sportif de haut niveau peut être broyé par cette machine. Un excellent dossier est d'ailleurs paru dans le supplément d'un grand journal sportif, que je n'aurai pas l'hypocrisie de ne pas citer puisque c'est le seul : il s'agit de L'Equipe . J'y ai lu une phrase forte, prononcée par un sportif de haut niveau :

« Nous ferons de vilains vieux. »

M. Henri Nayrou.

Eh oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ceux qui, comme moi, sont amateurs de rugby, se souviennent que cette phrase avait été prononcée par Crauste, le soir d'un match homérique contre les Anglais. Mais Crauste, qui était un troisième ligne de devoir, jouait trente-quatre matches par an et faisait deux entraînements par semaine.

Califano, international de rugby, joue cinquante-cinq matches par an, fait un entraînement par jour, sans oublier les entraînements de sports de combat. Le troisième ligne de devoir que j'ai été, à un modeste niveau, sait ce que peut être le choc d'un pilier pesant 110 kg, courant le 100 mètres en moins de 13 secondes, rencontrant un brave troisième ligne, si ce n'est un centre.

M. Denis Jacquat.

Ça marque !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On peut donc vraiment parler de capacité à broyer. Il y avait dans cet article des choses très intéressantes. Le professeur Saillant déclare ainsi que l'on pousse la machine de plus en plus et il a ces mots terribles : « comme si le corps du sportif était devenu une machine et l'hôpital un garage. »

Phrase terrible que l'on peut méditer ! Les carrières commencent tôt. Elles durent de moins en moins longtemps. Elles sont souvent traumatisantes. Votre loi sur l'organisation du sport, madame la ministre, est donc indispensable. Elle doit compléter ce texte pour la santé des sportifs et la lutte contre le dopage. Vous allez ainsi amplifier l'action qui avait été engagée avec beaucoup de courage par mon ami Roger Bambuck - vous lui avez rendu hommage, madame la ministre.

Si l'on n'y prend garde la stratégie du soupçon empoisonnera tout l'espace sportif. Les responsables politiques que nous sommes en connaissent très bien les dangers.

Nous la vivons assez pour essayer de l'éviter aux gens que nous aimons, au nom de l'éthique sportive et au nom d'une éthique républicaine, car les deux se rejoignent.

P our conclure, je rappellerai simplement ce que racontent les historiens sur la dérive des jeux antiques à partir du IVe siècle avant notre ère. On écrit que Callipsos l'Athénien, en 322 avant Jésus-Christ, acheta ses adversaires qui lui laissèrent gagner le pentathlon. « Peu à peu l'opinion se détourne, la religion athlétique perd ses fidèles, elle n'a plus que des clients » écrivait Pierre de Coubertin.

Parce que nous ne voulons pas que se reproduisent des dérives, parce que nous nous refusons d'être des clients, parce que nous voulons un sport qui soit un élément de santé publique et d'équilibre individuel, parce que nous voulons un spectacle sportif respecté, nous soutenons fortement votre projet, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi semble venir à point nommé. Les récents développements judiciaires liés aux affaires de dopage lui donnent une brûlante actualité. Aujourd'hui, le dopage défraie la chronique. Ce n'est pourtant pas une nouveauté. Pourquoi ce thème occupe-t-il le devant de la scène ? Peut-être parce qu'il se situe dans le sillage d'une évolution sociale lourde, qui voit désormais le secret refusé, l'exigence de transparence affirmée et l'aspiration à une vie meilleure préférée au culte de l'argent et de la performance. Il est donc heureux que ce débat, qui anime aujourd'hui la société tout entière, trouve enfin une traduction parlementaire. Les députés Verts se réjouissent de cette synchronisation, malheureusement trop rare, entre les aspirations sociales et le renouvellement de notre droit.

Ce projet répond en effet à une véritable attente. Si les révélations relatives au dopage ont tant choqué l'opinion, c'est parce qu'elles prennent à contre-pied l'évolution des mentalités amorcée au début des années 90 : retour en grâce des valeurs telles que l'authenticité, l'honnêteté, la sincérité dans les rapports de concurrence, que ce soit au plan politique, financier ou sportif. L'assainissement des pratiques correspond à une attente sociale. Les affaires de dopage battent en ce moment leur plein. D'où l'écho médiatique qui leur est consacré et la pertinence de votre projet.

Pourtant, la condamnation du dopage ne va pas de soi.

Le dopage est partout : étudiants anxieux, employés stressés, qui prennent des médicaments pour tenir le coup.

Pourquoi, dans ces conditions, ne voir que le problème de la haute compétition ? La limite est franchie quand les sportifs se trouvent otages d'un système pervers où se doper devient inévitable. Nous devons condamner et le risque choisi, dommageable sur le plan sanitaire, et le risque subi, moralement inacceptable. Car le risque pour la santé est réel et c'est là qu'est le scandale qui peut justifier une posture morale. Le dopage choque non seulement parce qu'il est une tricherie, mais parce qu'il est une exploitation commerciale des efforts d'un sportif et de la ferveur de ceux qui l'admirent. Il est de notre devoir de dénoncer ce système.

Ceux-là mêmes qui incarnent la beauté de la maîtrise du corps, les vertus de l'effort, l'importance du respect des règles, se trouvent entraînés dans une parodie de c ompétition dans laquelle, finalement, personne ne gagne : ni les sportifs, dont la santé est ruinée, ni le public, qu'on a trompé, ni même les sponsors, pour qui le discrédit lié au dopage ne sera finalement pas une bonne affaire.

Le sport, on le sait, est un exutoire efficace et positif au dynamisme des jeunes. Il joue un rôle irremplaçable dans la qualité du tissu social et l'apprentissage des règles qui permettent la vie en société. Le club sportif, madame la ministre, reste quelquefois le seul lieu de socialisation des jeunes en rupture avec la famille et l'école. On ne peut pas y apprendre à tricher et à se droguer ! Le dopage, s'il signifie la victoire de ceux qui transgressent les règles, met à mal cette école de citoyenneté.

La santé des sportifs est également au coeur de vos préoccupations, madame la ministre. Vous rejoignez ainsi un thème qui m'est cher, celui de la prévention en matière de santé. La politique en faveur du sport peut être considérée comme une politique sanitaire. Si le sport rend malade, ce sont ses propres fondements qu'il détruit.

Mais il y a beaucoup plus grave encore. Dans le sport de haut niveau, que j'ai côtoyé en tant que dirigeant, les sportifs dopés ne maîtrisent parfois plus leur vie. Certains médecins les droguent, d'autres les contrôlent, aucun ne les soigne. Pourquoi ? Personne ne les soigne car, pour eux, parler de leur état de santé, c'est avouer leur faute, renier leurs performances, dénoncer leurs dirigeants. Plus encore que de sanctions sportives et pénales, c'est d'une injonction informative que les sportifs ont besoin : information pour la désintoxication ou pour la rééducation.

Il faut développer la recherche pour mieux connaître les limites et les doses, ainsi que la nocivité réelle des produits. Surtout, il faut dire la vérité à tous les stades de l'utilisation des produits sur les dangers des expositions, sur la place que prend le dopage dans le sport de haut niveau. C'est le meilleur moyen de distinguer les vrais passionnés des charlatans, de lever le soupçon qui peut frapper de façon aveugle tous les sportifs d'une discipline.

Enfin, madame la ministre, les députés Verts tiennent à saluer le caractère exemplaire de votre démarche pour élaborer ce projet de loi. Vous avez pris l'initiative de poser le débat au niveau international. Cela répond à un impératif d'efficacité. Vous avez également eu la patience


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d'associer les parlementaires à votre projet tout au long de cette année. Ce n'est pas toujours l'habitude et nous l'apprécions. Nous tenons à souligner ici votre initiative.

Vous l'avez compris, madame la ministre, les Verts soutiennent sans réserve votre projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis toujours, dans tous les pays, le sport fonctionne selon la trilogie : plus haut, plus fort, plus loin.

Il y a un certain nombre d'années, le sport-spectacle est apparu et a pris de l'ampleur grâce aux sponsors et aux médias. Pour devenir le meilleur, ou pour le rester, certains ont utilisé la pharmacopée à des fins autres que la protection de leur santé. Cette dérive a provoqué beaucoup de dégâts. Mais surtout, on a constaté que le nombre de personnes dopées augmentait de jour en jour, avec l'impression désagréable que certains sportifs et leur entourage s'estimaient au-dessus des lois.

La dope, c'est de la drogue, ne l'oublions pas, et on ne peut qu'être scandalisé quand on nous parle de dopage médicalement assisté.

M. Alain Néri, rapporteur.

Absolument !

M. Denis Jacquat.

Ce dernier doit être banni et puni.

Le sport doit rester porteur de valeurs, d'une éthique. Il doit constituer un modèle, un exemple à suivre dans une société en quête de repères positifs, notamment vis-à-vis de la jeunesse. Aussi peut-on se réjouir de la discussion ce jour à l'Assemblée nationale du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. A ce propos, je voudrais faire trois constats et proposer trois pistes.

S'agissant des constats, on peut tout d'abord affirmer que le dopage est lié non pas à la pratique sportive, mais à l'excès de compétitions. On peut ensuite dire que tous les sportifs et tous les niveaux sont touchés.

M. Alain Néri, rapporteur.

C'est exact !

M. Denis Jacquat.

En 1997, sur 221 contrôles positifs, près de 200 concernaient des compétitions de niveau régional ou départemental. Selon l'étude récente menée par Patrick Laure, sur 2 000 sportifs amateurs, 186 avouaient faire usage de produits prohibés.

Si l'on généralise cette enquête, cela revient à dire q u'un million de licenciés sportifs français seraient concernés par le phénomène - je n'ose y croire ! Ainsi, on comprend mieux le professeur Escande, coprésident du groupe de travail Médecins du sport et lutte contre le dopage, quand il prédit un problème de santé publique.

Enfin, cela doit être dit et répété sans cesse : on peut soigner sans doper.

A partir de ces constats, et comme je l'ai indiqué précédemment, des pistes et des axes forts se dégagent, s'appuyant sur la prévention, le contrôle et la punition des pourvoyeurs.

Les calendriers sportifs sont surchargés. Il faut donc limiter le nombre de compétitions officielles, surtout pour les sportifs de haut niveau. On doit arrêter de leur en demander toujours plus. Cette surchage est une porte ouverte au dopage.

M. Edouard Landrain.

Très juste !

M. Denis Jacquat.

Les dispositifs concernant les contrôles et les sanctions pouvant en découler doivent être harmonisés. Les listes de produits interdits, les modalités des contrôles, mais surtout les sanctions, doivent être régies par des règles internationales identiques pour toutes les fédérations et pour toutes les compétitions. Comme vous le dites fort justement, madame la ministre, les disparités actuelles affaiblissement l'action commune. A ce propos, je ne peux que partager les commentaires d'un journaliste spécialisé qui écrivait, ce lundi, suite à la pré sentation d'une épreuve sportive à l'étranger lors du week-end, au cours de laquelle le problème du dopage avait été très peu abordé : « Le remède prescrit semble avoir l'efficacité du mercurochrome contre le rhume des foins ». Je ne peux que partager son opinion.

La France paraît, d'ailleurs, isolée dans sa volonté de lutte contre le dopage. Or l'urgence existe. Il faut espérer que des projets concrets se dessineront lors de la réunion que doit tenir le Comité olympique international, en février 1999, à Lausanne.

Au sujet des contrôles, il existe un vrai problème.

Nous avons de plus en plus fréquemment des contrôles négatifs concernant des sportifs qui ont pris des thérapeutiques illicites.

Il est évident que la chimie et la pharmacie vont plus vite que nos bonnes intentions. Il nous faut donc augmenter considérablement les dotations budgétaires pour les laboratoires agréés, afin qu'ils puissent améliorer constamment leurs techniques de recherche. Il est urgent de mettre fin au bras de fer qui oppose médecins véreux ou pseudo-soigneurs aux laboratoires agréés.

Souvenons-nous : chaque fois qu'un laboratoire agréé a obtenu une augmentation de ses dotations budgétaires pour affiner ses techniques de recherche, il y a eu une vague de contrôles positifs. Il faut « fatiguer » les médecins véreux et les pseudo-soigneurs, car notre souhait est d'arriver à des contrôles vraiment négatifs.

La lutte contre le dopage doit être sans répit.

Des dispositions très strictes doivent, par ailleurs, être mises en place, pour éviter des durées d'instruction très longues en raison de la recherche maladive du vice de forme.

Enfin, la place de la médecine du sport dans la lutte contre le dopage doit être redéfinie - en particulier ses obligations et son rôle.

A ce titre, la production d'un certificat médical attestant l'aptitude à la pratique des activités physiques et sportives doit être exigée pour toute délivrance d'une licence sportive, et pas seulement pour la délivrance de la première licence.

En outre, il m'apparaît indispensable que ce certificat médical - je ne suis pas corporatiste - soit délivré par un médecin diplômé de médecine sportive.

C'est en effet à ce stade que doit commencer la lutte contre le dopage. Il faut éradiquer le mal le plus en amont possible.

Après la prévention, contrôle la sanction. Il faut avoir le courage de briser la loi du silence et de déférer, devant l'ordre des médecins et la justice, les médecins fautifs.

Nous ne pouvons plus admettre que certains praticiens déshonorent l'ensemble de leur profession. Plus généralement, il faut isoler complètement les médecins, soigneurs, organisateurs et autres conseillers techniques ayant fourni des produits dopants en leur interdisant, en outre, l'accès à toutes les compétitions et non à une seule catégorie de compétitions.

Pour conclure, je dirai, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous devons aboutir à une loi claire dans un cadre de solidarité internationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Guy Drut.

Très bien !

M. Denis Jacquat.

Cette loi doit montrer la nécessité absolue de préserver la santé de l'athlète car il est un fait certain : le sportif de haut niveau n'appartient ni à son club ni à sa fédération. Il appartient - malheureusement à son agent. Il faut protéger les sportifs.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Denis Jacquat.

Dans les sports collectifs, il est courant, mais fort juste, de dire : « Unis, on gagne. Désunis, on perd ». Il en est de même dans le type de discussion que nous avons ce jour.

Aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, avec tous mes collègues de Démocratie libérale que j'ai l'honneur de représenter ce jour, nous nous battrons, aux côtés de vous, pour qu'une nouvelle politique concernant la santé des sportifs et la lutte contre le dopage voie le jour dans notre pays. Pour nous, il ne peut y avoir de nouvel élan sans nouvelle politique.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud.

M. Jean-Claude Beauchaud.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est maintenant connu et si sa première lecture au Sénat n'a pas été très médiatis ée, les événements qui se sont produits depuis son examen ont fait sauter l'hermétique bouchon d'une hypocrisie parfaitement admise.

Il ne se passe pas de jours où, au détour d'une information écrite ou parlée, ne soit cité un fait lié au dopage.

Trop longtemps contenu, pour de multiples raisons que nous connaissons bien et que diverses auditions nous ont permis de mieux appréhender, le silence est maintenant rompu et permettez moi cette image : les abcès se vident, libérant parfois des plaies qui seront longues à cicatriser.

C'est le sport lui-même qui est affecté par ce phénomène du dopage, et c'est courageusement, sans esprit partisan, que nous devons légiférer pour éviter que ne s'installe la contagion du doute et que ne se brise l'éthique du sport.

J'ai passé trop d'heures de ma vie sur les stades comme beaucoup d'entre nous, au bord des piscines et dans les salles de sport pour laisser aujourd'hui se ternir l'image de ce qui doit rester un formidable moyen de contrôle de soi, de la règle acceptée, du goût de l'effort dans le respect de l'autre.

Faisons en sorte que le sport reste cet outil précieux d'intégration sociale au service d'une plus grande citoyenneté. Pour redonner au sport le visage que nous lui souhaitons tous, il était indispensable, dix ans après la promulgation de la loi de juin 1989, d'en analyser les effets, d'en mesurer les limites. C'est ce qui nous est proposé dans ce nouveau texte.

Informer, prévenir, contrôler, sanctionner.

Même si certains ont pu le penser, le dopage ne concerne pas que les athlètes de haut niveau, dont le nombre est estimé à environ deux mille dans notre pays.

Si tel était le cas, la tâche du législateur serait simplifiée.

La loi sur le sport, qui modifiera celle de 1984, pourra aborder les programmes d'entraînement et le calendrier des compétitions qui sont - cela a été souligné - une des raisons du sur-entraînement qui amène parfois les athlètes à prendre de tels médicaments.

Le texte que nous examinons ici contient des dispositions sur l'exercice de l'autorité du conseil de prévention et de lutte contre le dopage, sur la surveillance médicale des sportifs de haut niveau qui s'inscrira dans un cadre mieux défini, sur les actions des fédérations sportives, qui seront mieux connues, les chartes pouvant être conclues entre les sportifs, leur fédération et les sponsors.

Le fait d'appartenir au milieu professionnel, s'il sousentend l'implication dans le sport spectacle, le contact avec l'argent, le profit, voire la politique et l'esprit pervers de domination par le sport - certains pays en ont fait à une époque leur cheval de bataille - induit en même temps une exposition médiatique permanente des acteurs d'où, par là même, un grand risque de dénonciation.

L'évaluation du coup qui serait ainsi porté à l'environnement économique du sport peut être un frein à certaines pratiques condamnables, cela a été abordé par le président de notre commission tout à l'heure. A mon sens, et tant pis si je suis un peu naïf, cette analyse n'est pas étrangère à la prise de conscience récente de responsables de quelques fédérations sportives et de nombreux sponsors.

Je suis en revanche beaucoup plus inquiet pour la masse des pratiquants sportifs que l'on estime à près de 13 millions et qui, eux, ne sont pas des athlètes de haut niveau. Si l'entourage des premiers - entraîneur, dirigeant, médecin et partenaires - reste identifiable, celui de ces derniers est souvent flou et donc plus perméable à des pratiques mettant en cause des produits inadaptés, mal dosés, pris sans précaution, pratiquement sans information.

Il est intolérable que des parents puissent mettre en danger la santé de leurs jeunes enfants par vanité, celle d'avoir enfanté un petit prodige. Il est tout aussi regrettable qu'un simple pratiquant de course à pied, et amateur de surcroît, expose son corps à des conséquences graves pour briller aux yeux de ses copains ou de son proche entourage.

J'attache donc une importance prépondérante à l'information et à la prévention. Si demain nous voulons un

« sport propre », il nous faudra des fédérations propres, des dirigeants propres, des médecins propres, des pratiquants propres, des sponsors propres. (Sourires.)

Je salue, à ce niveau, le travail commencé dans ce domaine par le CNOSF. Mais il nous faudra aussi des spectateurs propres, c'est-à-dire une société prête à distinguer le vrai du faux champion.

C'est une grande ambition qui doit s'exprimer dès l'école, chez les tout jeunes enfants. L'image a sur eux un formidable impact, et les médias le savent bien. Zorro, Batman sont des héros qui ont dû, un temps, laisser la place aux Barthez, Zidane et autres. C'est dire la confusion et l'amalgame qui peuvent naturellement naître chez ces petits. Très tôt, il faudra bien, avec eux, répondre à la question : qu'est-ce qu'un champion ? Les campagnes d'information et de prévention, qui ont timidement commencé, ne sont pas sans rappeler celle de la lutte contre le sida en cela qu'elle traitait, d'une part, d'un fait de société et, d'autre part, d'un problème de santé publique.

Ne nous voilons pas la face : le travail sera long, car nous vivons dans un monde de moins en moins solidaire, où le besoin de se singulariser est grand. Faisons en sorte que ce projet de loi, par ce qu'il apporte de nouveau par rapport à la législation en vigueur, puisse s'appliquer sans ambiguïté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Souhaitons que tous les acteurs du monde sportif comprennent qu'il s'agit là de redonner au sport un nouveau visage.

Espérons que, demain, les familles puissent continuer à confier leurs enfants aux clubs sportifs pour qu'ils connaissent la joie de la pratique et le plaisir de l'effort en groupe.

Il y a quelques mois, on pouvait redouter que, avec ce texte, la France ne se trouve - d'autres l'ont dit avant moi - très en avant au niveau mondial sur les problèmes de dopage. Aujourd'hui, l'environnement international montre bien qu'après le constat et la condamnation du fléau, il faut passer à la lutte.

Pourquoi ne pas demander au CIO d'entrer dans le troisième millénaire avec des tables de record vierges ? C'est un match qu'il faut gagner pour que la tricherie ne vienne pas ternir l'éthique du sport, pour que les pratiquants gardent leur dignité humaine, pour que tous les bénévoles continuent à servir leur idéal et pour que nos enfants aient pour modèles de véritables champions.

Car s'il répond à la définition de vainqueur d'une compétition sportive, le champion doit aussi répondre à celle de sportif de grande valeur : je veux parler de valeur physique, intellectuelle et morale.

Certes, cette loi ne réglera pas tout, mais elle est un grand pas en avant au service de ces valeurs, et le groupe socialiste se réjouit qu'elle soit débattue aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Madame la ministre de la jeunesse et des sports, le débat était souhaitable et souhaité.

Le groupe du Rassemblement pour la République est heureux de s'y associer et le fait avec enthousiasme. Après les lois de 1965 et de 1989, la détermination d'aller plus loin est générale sur ces bancs. Il était temps, en effet, madame la ministre, de légiférer, d'améliorer les dispositifs en place dans les domaines de la protection de la santé des sportifs et de la prévention.

Le dopage, c'est la négation même des valeurs sportives, l'abolition des repères que nous voulons fixer à toute notre jeunesse et qui doivent lui donner envie, tout au long de leur existence, de tendre au dépassement de soi-même, de trouver un équilibre psychique et physique, d'adopter un juste comportement, en matière de santé, par les conseils qu'elle donnera aux autres, notamment dans le domaine de l'éducation physique.

Puisque votre gouvernement considère qu'il était temps que nous apportions notre touche à cette affaire importante pour notre société, je souhaite que ce débat en ouvre beaucoup d'autres dans des domaines qui, d'ailleurs, s'y rattachent. Lorsqu'un artiste réalise une performance culturelle ou artistique sous l'emprise de certains produits, on peut aussi s'interroger sur la valeur de cette performance.

Lorsque des intellectuels moralisateurs s'entretiennent à la cocaïne, on peut s'interroger sur leur attitude et leur comportement. Le mouvement sportif ne doit donc pas servir seul de bouc émissaire à notre société.

Je veux simplement, au début de ce propos, madame la ministre, m'interroger sur la date d'inscription de ce débat. Nous savons qu'il a été provoqué - ou du moins accéléré - par les événements sportifs du mois de juillet dernier...

M. Alain Néri, rapporteur.

Il avait commencé avant !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Le Sénat a voté en mai !

M. Christian Estrosi.

... lorsque l'événément de l'été a éclaté, a envoyé toutes les polices, toutes les instances judiciaires de France sur les routes du Tour de France...

Mme Martine David.

Il est en retard d'une guerre !

M. Christian Estrosi.

... et amené un certain nombre de décideurs politiques à se précipiter devant les caméras de télévision pour récupérer cette affaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Martine David.

C'est une polémique totalement inutile !

M. Christian Estrosi.

C'est en raison de l'actualité que le milieu sportif est aujourd'hui porté sur le devant de la scène.

Je vous le dis sereinement : nous avons une responsabilité collective, madame la ministre, et le cas de conscience qui, j'imagine, vous habite, nous le partageons : en abordant cette affaire, nous nous demandons si nous faisons du bien en allant dans ce sens ou si nous ne faisons pas plutôt du mal à ces milliers de champions et aux dirigeants sportifs qui sont d'honnêtes gens à la hauteur de leurs performances et qui sentent peser sur eux une suspicion permanente.

M. Alain Clary.

C'est justement l'occasion d'avancer sur ce dossier de manière responsable. Tous ensemble !

M. Guy Drut.

C'est ce qu'il est en train de proposer !

M. Alain Néri, rapporteur.

Temps mort !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Carton jaune !

M. Christian Estrosi.

Nous devons aborder ce débat avec sérénité et beaucoup de précautions, car, malgré tout ce qui est dit, la France a toujours été, par rapport à la plupart des autres nations, un pays exemplaire dans ce domaine. Elle a toujours été à l'avant-garde de la recherche, de l'encadrement, de l'organisation.

Dois-je rappeler que, l'an dernier, à l'occasion de la discussion budgétaire, je vous avais demandé d'organiser au plus vite un débat avec l'ensemble des autres ministres de l'Union européenne, pour que la France ne se retrouve pas, dans la préparation de ses épreuves et de ses performances internationales, en situation de faiblesse par rapport aux autres nations. La France, elle aussi, a envie de conquérir des titres, de susciter la fierté de tout un peuple...

Mme Martine David.

Pas à n'importe quel prix !

M. Christian Estrosi.

... et de se retrouver, à travers ses champions, sur un plan d'égalité avec les autres nations.

M. Alain Néri, rapporteur.

Avec des athlètes, pas avec des monstres !

M. Christian Estrosi.

Vous ne m'aviez pas répondu à l'époque, madame la ministre ! Aujourd'hui, vous enfourchez ce cheval. Je ne peux que vous en féliciter en vous demandant d'accélérer le pas.

C'est la raison qui m'amène à vous réinterroger sur le choix du calendrier. Nous savons que, les 2 et 3 février prochain, une réunion importante se tiendra à Lausanne, qui abordera au plan international l'ensemble de ce problème. N'eût-il pas été plus judicieux d'inscrire ce débat juste dans la foulée, pour que nous puissions tirer toutes les conclusions de ce rapprochement des comités olympiques nationaux et des propositions en émanant ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

P lusieurs députés du groupe socialiste.

C'est l'inverse ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Martine David.

C'est de la polémique inutile !

M. Christian Estrosi.

Nous sommes d'accord, madame la ministre : il nous faut aujourd'hui organiser l'information des sportifs, des entraîneurs, de l'encadrement et mettre en place un suivi médical, ainsi que d'autre dispositifs que je vais évoquer dans quelques instants.

Je m'arrêterai un instant sur la suspicion, qui pèse sur nos sportifs. Je veux redire que 95 % d'entre eux sont des gens honnêtes, à la hauteur de leurs performances.

M. Jean-Claude Lefort.

Plus encore !

M. Christian Estrosi.

Tout à l'heure, madame la ministre, faisant référence au pourcentage - finalement infime - de ceux qui trichent, vous avez raconté que certains sportifs vous disaient : « La piqure est mon lot quotidien ! » Mais une telle méthode n'émane pas d'une démocratie comme la France. C'est une méthode qui a été à la vue de tous les pays de l'Est pendant des années et des années...

M. Alain Néri, rapporteur.

Pas seulement là-bas !

M. Christian Estrosi.

... et que nous nous sommes toujours gardés de suivre, ce qui nous a valu, d'ailleurs, un certain nombre de contre-performances au plan international.

Je veux également rendre hommage ici aux fédérations délégataires pour la qualité de leurs responsables, de leurs bénévoles, de leur encadrement, pour leur expérience et leur organisation sur le terrain au plus près des problèmes des autres. Leurs animateurs sont, à mon avis, les mieux placés pour préserver nos jeunes. Nous aurions dû les écouter davantage que nous ne l'avons fait. Compte tenu de leur indépendance et de leur autonomie, ils doivent rester les acteurs privilégiés pour gérer le problème du dopage à partir des moyens que nous avons la possibilité de leur confier.

N'oublions pas que, comme tous vos prédécesseurs, vous n'avez de raison d'être, madame la ministre, que parce qu'il y a un mouvement sportif qui a généré près de 16 millions de licenciés. Si ce mouvement sportif n'avait pas eu un tel dynamisme et n'avait pas entraîné cet engouement pour le sport en France, aucun ministre de la jeunesse et des sports n'aurait de raison d'être ou de légiférer.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Bernard Charles.

Qu'est-ce que cela vient faire ?

M. Christian Estrosi.

A propos du dernier budget des sports...

M. Patrick Leroy.

Que nous avons voté et pas vous !

M. Christian Estrosi.

... qui présente une augmentation d'un peu plus de 3 %, j'ai rappelé que vous n'affectiez que 2,4 % supplémentaires aux fédérations délégataires, contre 5,7 % aux fédérations affinitaires...

M. Alain Néri, rapporteur.

Polémique inutile !

M. Bernard Charles.

C'est hors débat !

M. Christian Estrosi.

... qui sont pourtant beaucoup plus mal placées pour encadrer nos jeunes.

Prenons l'exemple du judo. La Fédération française de judo n'autorise pas nos jeunes à s'engager sur un tatami pour participer à des compétitions avant douze ou treize ans. Hélas, madame la ministre, ce type de compétition est possible dès l'âge de sept ou huit ans dans un certain nombre de fédérations affinitaires. M. Christian Estrosi.

Il faut donc distinguer ceux qui ont compétence sur le terrain pour encadrer nos jeunes et assurer la prévention de ceux qui l'ont beaucoup moins et répartir les moyens en conséquence.

M. Bernard Charles.

Il ne s'agit pas d'un débat budgétaire !

M. Christian Estrosi.

Alors évitons de taper sur le mouvement sportif.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Calmat.

C'est de la provocation !

M. Jean-Claude Beauchaud.

C'est scandaleux !

M. Alain Néri, rapporteur.

On fait cette loi parce qu'on aime les sportifs !

M. Bernard Charles.

Vous n'allez pas nous faire croire que le RPR est le seul défenseur du mouvement sportif !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande donc de ne pas vous provoquer les uns et les autres, si vous voulez terminer ce débat ce soir.

Poursuivez, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Le mouvement sportif réclame depuis des années des examens cliniques, des examens capillaires, des examens sanguins. Mais jusqu'à ce jour on n'a pas mis les moyens nécessaires à sa disposition. Du reste, vous n'êtes en mesure de le faire, malgré votre volonté, que je reconnais, madame la ministre. Alors essayons d'abord de leur donner des moyens scientifiques pour faciliter les contrôles. Ils ne demandent que ça, qu'on leur facilite la tâche ! Si nous leur offrons demain la possibilité de faire des contrôles à l'entrée des stades pour vérifier qui peut ou ne peut pas participer à la compétition, ce sera beaucoup plus simple.

M. Bernard Charles.

Ce n'est pas le problème, les contrôles ! Vous n'arriverez jamais à tout contrôler !

M. Alain Néri, rapporteur.

Ce n'est pas suffisant !

M. Christian Estrosi.

Quand on arrête un automobiliste sur la route et qu'on lui fait subir un alcootest, le résultat est simple et immédiat : si c'est vert, il peut rouler ; si c'est rouge, il doit s'arrêter. Eh bien, organisez la recherche scientifique de la même manière ! Vous rendrez service au mouvement sportif et aux fédérations sportives, et nous aurons fait un grand pas en avant.

Par ailleurs, la mise en place de l'autorité administrative indépendante constitue un élément important de ce texte. C'est une avancée par rapport à des compétences larges s'étendant à la prévention, à la répression, au rô le consultatif et de proposition. Incontestablement, c'est un progrès par rapport à la commission nationale de lutte contre le dopage que nous avions mise en place en 1989.

Mais, là aussi, je souhaiterais que l'on assure plus d'indépendance aux fédérations. C'est à elles qu'il appartient d'exercer les responsabilités et le pouvoir de sanction. Il ne faut pas que l'on puisse voir dans le nouvel organisme une volonté d'étatisation du sport. Ce serait dramatique pour l'esprit de liberté qui doit prédominer dans les activités sportives en France.

Aussi, nous avons déposé un amendement de suppression du quatrième alinéa de l'article 9. Le conseil de prévention n'a pas à se substituer au pouvoir de sanction du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

mouvement sportif. C'est à lui et à lui seul d'assumer cette responsabilité. Les fédérations ont des missions de service public, de promotion, de sélection des sportifs, elles sont garantes de l'éthique sportive. A cet égard, il serait inconcevable de leur retirer ce rôle de prévention et de sanction du dopage.

Quant au conseil, il ne faut pas qu'il soit conçu comme une superfédération, il doit conserver un simple rôle de conseil et de soutien. Surtout, nous devons veiller à ce qu'il soit parfaitement indépendant. Seule l'autonomie des médecins et des personnalités qui y siègeront ainsi que des moyens de contrôle garantira que certaines affaires ne seront pas étouffées.

Le dispositif relatif à la lutte contre les pourvoyeurs de médicaments, drogues ou autres éléments de dopage est le meilleur dispositif de ce texte, madame la ministre, et je le salue. Nous devons mener une lutte sans merci contre les pourvoyeurs et tous ceux qui contribuent au dopage de nos champions et de nos sportifs. En étendant les sanctions à ceux qui les prescrivent et les commercialisent, nous allons dans la bonne direction. Les peines encourues sont à mon sens totalement à la hauteur de l'enjeu.

Je mettrai cependant un bémol sur l'article 3 qui subordonne la participation aux épreuves sportives à la présentation d'une licence portant attestation d'un certificat médical pour les licenciés et à la seule présentation du certificat médical pour les non-licenciés. Nous avons eu un débat important en commission à ce propos, monsieur le rapporteur, et il doit revenir dans notre discussion aujourd'hui. J'attire votre attention sur le fait que la participation à des compétitions sportives représente souvent pour un petit comité des fêtes, pour un village, comme pour des structures sportives bien organisées, la possibilité de contribuer à l'épanouissement du monde sportif.

Je prendrai l'exemple du ski. Des parents qui partent en vacances avec leurs enfants et qui les inscrivent à une épreuve de première étoile, de chamois ou de flèche auront-ils forcément prévu, avant de partir d'aller chez le médecin pour disposer d'un certificat médical ?

Mme Martine David.

Ce serait bien !

M. Christian Estrosi.

Je pense que là nous allons un peu trop loin. Il nous faut réfléchir au moyen, difficile à trouver, de n'appliquer cet article qu'aux compétitions d'un certain niveau, inscrites dans un calendrier départemental, régional ou national et qui aboutissent à un classement de fin d'année, ou alors faire en sorte que seuls les licenciés présentés par leur club soient soumis à cet impératif.

M. le président.

Monsieur Estrosi, je vous invite à conclure.

M. Christian Estrosi.

J'ai été quelque peu interrompu, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mais je vais, bien sûr, m'acheminer vers ma conclusion.

Nous devons réfléchir à certaines améliorations notamment à propos de la fiabilité des contrôles ou de la définition des produits interdits. Où se situe la limite entre produits dopants et médicaments à strict usage de soin médical ? C'est un aspect délicat et difficile pour le Parlement, je le sais. Par ce texte nous ne réussirons vraisemblablement pas à régler définitivement ce type de problèmes. Pourtant, il faudra bien, un jour ou l'autre, trouver des solutions.

En conclusion, je dirai qu'il faut que nous préservions l'image du sport. M. Le Garrec a évoqué, fort justement, les moyens considérables qui étaient investis dans le sport aujourd'hui - les équipements, les enjeux, etc. Dites-vous bien, madame la ministre, que plus nous mettrons de moyens dans le sport en France mieux nous préviendrons les problèmes et les dérives.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

J'en suis convaincue, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi.

La sécurité sociale fera des économies et nous ferons oeuvre d'éducation et de civisme.

M. Alain Barrau.

Il fallait voter les deux derniers budgets !

M. Christian Estrosi.

En assurant la promotion du sport sans chercher à ternir ici ou là son image et en y investissant le plus de moyens possible, nous éviterons aussi des problèmes de santé.

Au plan international, je vous demande de vous engager de toutes vos forces au nom de notre pays.

Quant aux causes du dopage, elles reposent sur la pression, le poids des intérêts financiers, les médias, le calendrier, évoqué par plusieurs d'entre vous.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, c'est long !

M. Christian Estrosi.

Nous devons donc réfléchir à la mise en place d'un véritable statut du sportif de haut niveau dans notre pays.

M. Alain Néri, rapporteur.

Ce sera l'objet de la loi d'organisation du sport prévue pour l'année prochaine !

M. Christian Estrosi.

La carrière d'un sportif est particulièrement limitée dans le temps. En être conscient peut nous aider à comprendre certains comportements et certaines dérives. Si les sportifs bénéficiaient, comme dans certaines professions, de dispositions fiscales et sociales mieux adaptées, peut-être éviterions-nous quelques dérapages.

Madame la ministre, vous vous plaignez de ne pas avoir suffisamment de moyens. Nous sommes là pour vous aider. Les crédits du budget pour 1999 affectés à la lutte contre le dopage ne vous permettront de prendre en compte que 600 sportifs de haut niveau dans notre pays.

C'est largement insuffisant.

M. Alain Barrau.

Et vous, vous n'avez rien fait !

M. Christian Estrosi.

Je souhaite que, grâce à votre effort, grâce à la volonté du Parlement dans les années qui viennent, le mouvement sportif puisse disposer de suffisamment de moyens. C'est aux acteurs du mouvement sportif qu'il faut faire confiance parce qu'ils sont sur le terrain et que c'est sur le terrain que le dispositif devra faire la preuve de son efficacité.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Madame la ministre, je tiens avant toute autre considération à affirmer la ferme volonté du groupe communiste de voir régler le grave problème du dopage qui vient ternir la performance des sportifs. Ce fléau touche non seulement la santé publique, mais aussi l'éthique et le respect de la loyauté et les droits fondamentaux. Le monde sportif - entraîneurs, médecins, bénévoles, sportifs - attend des réponses adaptées et équ itables.

Pour ce qui concerne le sport de haut niveau, un entraîneur cycliste a déclaré récemment lors de son audition devant une commission antidopage : « Tous pre-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

naient quelque chose pour être plus forts ». Il est donc indispensable de s'interroger sur les causes sociales et sportives de l'extension du dopage. Avec la mercantilisation, le sport devient avant tout un enjeu économique, un moyen de conquête des marchés et de profits financiers ; il est donc à haut risque pour le sportif. Les sollicitations incessantes des médias et des sponsors, la succession effrénée des compétitions, les entraînements intensifs et les performances en constante progression pèsent sur l'équilibre du sportif. Ils pèsent sur la régularité de son entraînement sans respecter les délais de récupération physique et psychique, ni préserver les rythmes de sa vie personnelle. Ce système vise à obtenir coûte que coûte, même artificiellement, une performance ou un résultat.

J'avais par un amendement à l'article 11, non retenu par la commission, évoqué les spécificités de l'entraînement, dont les cadences, qui se situent en dehors de tout fonctionnement naturel de l'espèce humaine, peuvent, tout comme le dopage, être un danger pour l'intégrité physique présente et future du sportif.

Je regrette que le projet de loi ne tienne pas compte non plus du facteur entraînement lorsqu'il traite du suivi médical. De même, les dosages biologiques et les seuils devront considérer l'intensité dans l'entraînement. Le niveau des performances désormais atteint ne peut être expliqué, dans de nombreux cas, par le patrimoine génétique du champion. Le sportif est souvent un salarié évoluant dans un milieu où l'argent commande tout, et qui doit, par son effort, remplir le tiroir-caisse de son employeur. Il devient source de gains élevés au lieu de compétiteur loyal.

Ainsi, pour être dans l'actualité, le Tour de France dépend de sponsors pour près de 60 % de son budget et ces derniers exigent un retour sur l'investissement. Le nom de la marque devra être associé au succès. Pis, c'est la marque qui doit gagner ; la santé financière des entreprises passe donc avant la santé des sportifs.

Or les sportifs professionnels salariés ont droit à des conditions de travail normales et au respect d'un certain nombre de règles élémentaires applicables à tout salarié, pour protéger leur santé, leur intégrité physique et assurer le droit à la parole. Si le sport s'apparente parfois au spectacle, il convient de rappeler que les artistes, eux, possèdent des syndicats confédéraux et une convention collective, ce qui ne déteint ni sur leur talent, ni sur leurs exploits. L'époque des jeux du cirque, faut-il le dire, est révolue.

Toutefois, en l'absence d'une politique d'éducation, d'information et de prévention dès le plus jeune âge, et de la mise en place d'une autre conception du sport libérée des pressions financières, que va choisir l'athlète entre les risques éventuels et minimisés pour sa santé et l'assurance tant vantée d'une nette amélioration de ses résultats sportifs ? La réponse est facile à deviner si aucune campagne informative ne vient combattre ou contredire de telles assurances et affirmer avec force que l'on y peut obtenir des performances avec une bonne préparation scientifique et sportive sans recours au dopage.

Les combattants de la dérive anti-naturelle du dopage ne sont nullement opposés, en effet, aux exploits qu'ils apprécient comme tous. Si le dopage n'existe pas en dehors du sport, on peut dire aussi qu'éthique et équité sportives sont incompatibles avec tricherie. Le dopage est la négation de la morale sportive et médicale. La réflexion sur les causes sociales du phénomène du dopage doit se poursuivre et une rédéfinition de la mission de service public du sport devra faire partie de la future loi sur le sport. Or, c'est l'analyse des causes de la pathologie qui dicte la thérapie. Ces causes sont, dans le cas présent, intimement liées à la définition de service public.

Le projet de loi associe prévention, contrôle et répression. Le volet prévention et éducation doit être, à nos yeux, prioritaire car plus il y aura d'actions dans ce domaine, moins il y aura nécessité de recourir à des sanctions.

N'oublions pas, comme par le passé, que les dispositions législatives nouvelles, si fondées soient-elles, ne sauraient à elles seules régler le problème du dopage. Elles devront être accompagnées par des campagnes d'information et de sensibilisation et par une politique d'éducation civique à l'école, dans les centres de loisirs et dans les clubs.

De même, une formation spécifique des entraîneurs, des sportifs et de la médecine du sport et du travail, portant entre autres sur la physiologie du sportif et la connaissance du fonctionnement du corps, devrait être mise en place. Sur ce dernier point, comme pour le développement de la recherche, des discussions doivent être rapidement engagées avec le ministère de l'éducation nationale pour aboutir à des décisions et à des actions interministérielles.

L'efficacité de la lutte contre le dopage dépend pour beaucoup aussi de l'évolution de la recherche, car la valeur scientifique des contrôles est souvent mise en cause. A cet égard, de nombreuses questions scientifiques demeurent aujourd'hui sans réponse du fait de produits non décelables lors des contrôles, ou uniquement décelables pendant une courte période, ou encore de l'arrivée de nouveaux produits. La recherche devra déterminer le taux endogène des produits et définir la compatibilité des obligations professionnelles des sportifs et de leurs possibilités physiques.

Il conviendrait également d'étendre la recherche sur le dopage à la médecine du sport car les risques de santé auxquels sont exposés les sportifs seraient ainsi mieux connus.

Cela permettrait aussi d'approfondir la connaissance des mécanismes de récupération et des causes physiologiques et biologiques des phénomènes de mauvaise condition physique, dits « méforme ».

La recherche devrait contribuer à une définition plus précise du dopage et de certaines entités pathologiques, comme l'asthme d'effort, qui autorisent, moyennant ordonnance médicale et justification thérapeutique, l'utilisation d'anesthésiques locaux ou de broncho-dilatateurs.

C'est là une question importante : où s'arrêtent les soins de santé et où commence le dopage ? L'actuelle liste des produits dopants semble nécessiter une révision en profondeur.

L'évolution de la recherche devrait rendre les contrôles de dépistage sûrs et incontestables, évitant que des sportifs non dopés ne se trouvent déclarés positifs, tandis que les sportifs réellement dopés échapperaient à la détection.

La loi devrait pouvoir mettre la sanction hors de portée de toute pression, tout en respectant les droits de la défense et la présomption d'innocence.

Les droits fondamentaux de la défense, - le droit d'être entendu, de présenter des preuves, la présomption d'innocence et le bénéfice du doute - doivent être impérativement respectés pour des raisons éthiques et juridiques.

Le doute doit toujours profiter à l'accusé : c'est un des fondements de notre droit.

M. Alain Tourret.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Patrick Leroy.

Ce principe est d'autant plus essentiel dans le domaine spécifique du sport que la sanction est lourde de conséquences pour la courte carrière du sportif. La défense devrait pouvoir demander une contreexpertise auprès d'un laboratoire autre que celui qui a procédé à l'expertise, et faire la preuve contraire des procès-verbaux de contrôle.

La confidentialité des résultats du contrôle doit également être assurée tant que la preuve de la positivité n'est pas établie de façon irréfutable ; la saisine enfin du conseil de prévention et de lutte contre le dopage devrait avoir un effet suspensif. Sur tous ces points, nous avons déposé des amendements.

Les fédérations sportives portent la responsabilité de certaines sanctions disparates, aléatoires et peu dissuasives, et d'actions de prévention peu efficaces. Il conviendrait donc d'élargir les missions du conseil auprès des fédérations. Celui-ci devrait être destinataire des procès-verbaux d'analyse et disposer d'un pouvoir d'injonction pour les procédures disciplinaires mises en oeuvre par les fédérations sportives.

Il conviendrait également que le CPLD dispose d'un pouvoir de vérification de la conformité de la mise en application des textes avec les objectifs définis par la loi.

Sa cellule scientifique devrait, en association avec les m inistères concernés, organiser des conférences de consensus pour faire le point sur les questions scientifiques relatives au dopage.

L'harmonisation de la législation européenne et internationale en matière de prévention, de médecine sportive et de recherche paraît indispensable. En effet, dans la Communauté économique européenne, seuls quelques pays, dont la France et l'Espagne, disposent d'un arsenal législatif national.

En l'absence d'une norme européenne ou internationale, certains pays pourront craindre de pénaliser leurs sportifs ou leur économie sportive au bénéfice d'autres pays.

Par ailleurs, la limitation du calendrier et de l'activité sportive ne peut dépendre des seules fédérations nationales ; cela suppose une coordination aux niveaux national, européen et international.

M. Bernard Charles.

Tout à fait !

M. Patrick Leroy.

Il conviendrait aussi de définir sans tarder une réglementation d'Internet et du commerce électronique, de plus en plus utilisés pour le trafic de drogues et de produits dopants.

Dans le domaine médical également, le présent texte peut être complété et amélioré sur plusieurs points. L'ét ablissement d'une série de paramètres mesurés à échéances régulières avec les tests de dépistage les plus perfectionnés et sanctionnés par la certification des pratiques sportives devrait remplacer le contrôle ponctuel, souvent inefficace.

L'harmonisation du suivi médical et biologique exige que la définition des modalités de la surveillance médicale relève de la seule compétence du ministère de la jeunesse et des sports.

Un protocole médical devrait être préalablement établi et suivi d'une visite médicale complète et systématique avant toute pratique sportive. La médecine spécialisée devrait effectuer des tests d'effort et des analyses biologiques afin d'évaluer les déficits en vitamines et autres substances indispensables au bon équilibre du sportif. Il conviendrait enfin que la surveillance médicale soit étendue à tous les sportifs au lieu de se limiter aux athlètes de haut niveau, qu'il s'agisse de prévenir les risques dus à une activité sportive intense ou de déterminer les pratiques interdites.

Malheureusement, comme je l'ai relevé dans mon intervention lors des débats sur le budget pour 1999, les 4,5 millions de francs qui y sont consacrés permettront d'effectuer le suivi médical et biologique de seulement 600 sportifs de haut niveau sur les 3 000 existants. Le coût du suivi des seuls athlètes de haut niveau est en effet estimé à 60 millions de francs, en faisant abstraction de tous les autres.

La délivrance d'une licence sportive doit être subordonnée à la production d'un certificat médical annuel.

M. Bernard Charles.

Tout à fait !

M. Patrick Leroy.

Ce contrôle médical vaudrait pour toutes les disciplines sportives, à l'exception des disciplines signalées par le médecin et des disciplines à risques.

Pour celles-ci, un examen plus approfondi serait exigé.

Les frais du suivi médical et biologique et des visites médicales annuelles devraient enfin être pris en charge par la sécurité sociale.

Nous ne saurions concevoir un texte relatif à la lutte contre le dopage sans évoquer également la problématique d'ensemble, fondamentale, de la santé des sportifs.

Bien des familles dont les enfants pratiquent un sport dès leur plus jeune âge doivent consentir de multiples sacrifices. Une aide accrue de l'Etat dans ce domaine permettrait de démocratiser davantage encore les activités sportives.

Si l'on considère, avec raison, que la prévention médicale des sportifs relève d'un enjeu de santé publique, il convient que les examens médicaux soient pris en charge par la Caisse nationale d'assurance maladie. Cette mesure serait d'autant plus utile que la santé scolaire a montré ses limites et que l'examen de santé publique pratiqué lors de la conscription a disparu avec la suppression de celle-ci.

La lutte contre le dopage ne saurait être victorieuse sans une véritable médecine du sport, qui fait toujours figure de parent pauvre. Ainsi, dans le budget du ministère de la jeunesse et des sports pour 1999, sur les 39,7 millions de francs consacrés au dopage, seuls 5,5 millions de francs lui sont attribués. La notion de protection de la santé des sportifs semble s'effacer devant celle du dopage, alors qu'elles sont intimement liées.

Les carences dans le domaine de la médecine du sport sont criantes. Faute de structures spécifiques pour les soins aux sportifs - on ne compte que trois centres de santé agréés par la DASS - la médecine du sport se cantonne à la prévention dispensée dans les centres médicosportifs, mal équipés en personnel et en matériel et dont certains sont près de la fermeture. Nous le savons pourtant tous, la santé des sportifs, à l'instar de celle de tout individu, passe par la prévention et les soins.

Or le budget de 1999 consacre à peine 1 million et demi de francs pour l'équipement des 400 centres médico-sportifs existants...

M. François Rochebloine.

C'est insuffisant !

M. Patrick Leroy.

... et ne prévoit aucun crédit pour la création ou la rénovation des centres de santé des sportifs.

Il serait opportun de redéfinir les responsabilités financières que doivent assumer dans ce domaine les divers acteurs : collectivités locales, Etat, milieu sportif et assurance maladie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Il faudrait enfin former les médecins à cette véritable spécialité qu'est la médecine sportive, et instituer une formation optionnelle de trois ans spécialisée en médecine du sport au cours du troisième cycle des études médicales, comme cela existe dans d'autres pays européens, pour permettre à ces médecins d'assurer des soins spécifiques, notamment en matière de traumatologie du sport, et la surveillance médicale de l'entraînement.

Il est urgent que le ministère de la jeunesse et des sports entame des pourparlers sur ce sujet avec le ministre de l'Education nationale, qui envisage de réformer les études médicales et de créer de nouvelles filières spécifiques, sans malheureusement songer à la médecine sportive.

Malgré ces imperfections, qui, nous l'espérons, seront corrigées par des amendements ou dans des budgets futurs ou encore dans le cadre de la future loi sur le sport, le projet de loi constitue une avancée certaine. Il contient d'excellentes mesures, parmi lesquelles la création du conseil de prévention et de lutte contre le dopage en tant qu'autorité indépendante, dotée de pouvoirs et insensible aux pressions politiques et médiatiques, le renforcement de la répression pénale, notamment envers les pourvoyeurs et les personnes morales, l'extension des perquisitions aux installations sportives privées, sans oublier l'institution d'un contrôle médical avant la délivrance de la licence et l'ensemble des mesures de prévention et de sensibilisation. Toutes ces dispositions vont dans le bon sens et méritent notre appui.

Nous nous félicitons, madame la ministre, de votre engagement et du courage politique dont vous faites preuve pour rendre au sport son symbole de pureté et d'équité, pour qu'il devienne un vrai modèle pour les jeunes comme pour les moins jeunes. C'est pourquoi les d éputés communistes voteront votre projet de loi.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Monsieur le président, madame l a ministre, mes chers collègues, souvenons-nous : en 1989, plusieurs d'entre nous étaient déjà là et nous débattions d'une loi sur la prévention et la répression du dopage dans le sport. Nous avions le sentiment du travail bien fait, du devoir accompli. Certes, nous avions quelques interrogations, quelques incertitudes. Or ce que nous craignions à cette époque s'est hélas révélé juste.

François Rochebloine m'a engagé à relire dans le Journal officiel les débats de 1989. Je me suis donc relu et, si vous me le permettez, madame la ministre, je vais vous citer les propos que je tenais alors. (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Excellente citation !

M. Edouard Landrain.

« Cette loi est bonne, mais on cherchera à la contourner ; les "sorciers du sport" la guettent et trouveront la faille !

« Il faudra qu'elle soit, dans son application, suffisamment souple et évolutive. Il conviendra de se donner les moyens pour que l'éducation et la formation aient toute la place qu'elles méritent. Il faudra créer une nouvelle "pensée du sport" dans laquelle la réussite, le mythe du champion soient ramenés à leur juste valeur. »

Et j'ajoutais à l'adresse de Roger Bambuck : « Il faut que nous réussissions, que votre loi réussisse !

« L'espoir des jeunes ne peut, ne doit pas reposer sur les recherches pharmaceutiques ou, pire, bientôt génétiques !

« On doit punir les vrais coupables et fortement punir tous ceux qui, délibérément, intoxiquent, assassinent notre jeunesse !

« Il convient sans doute aussi d'apprendre à pardonner aux athlètes, souvent davantage victimes que coupables. »

Propos hélas prémonitoires !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Cette citation vaut bien celle de saint Augustin par M. Néri !

M. Edouard Landrain.

Merci, l'auréole me convient !

M. Alain Néri, rapporteur.

C'est saint Edouard ! (Sourires.)

M. Edouard Landrain.

Dix ans bientôt, et les choses ont continué comme nous l'avions prévu : la pharmacie, la chimie sont allées plus vite que les décrets d'application et les bonnes intentions ; nous voilà de nouveau devant le même et terrible problème.

Comment faire pour empêcher le dopage, pour protéger la santé des jeunes Français, pour éviter que le sport ne devienne une entreprise de trafics et de triches ? A l'évidence, nous sommes tous coupables, politiques, parents, éducateurs, médias, journalistes, monde du sport.

Vaincre, triompher, être le premier, réussir, dominer, dépasser l'autre sont les verbes, les slogans à la mode. Nos enfants sont élevés dans le mythe du plus fort. « Seule la victoire est belle » est pourtant une odieuse, terrible et mauvaise formule qu'il nous faut oublier.

Pour cela il nous faut la loi et croire dans les vertus de la loi. Sans la loi, on ne peut pas intervenir. Sans la loi, on ne peut rien ! Encore faut-il que la loi soit suffisamment intelligente et contraignante et qu'elle soit appliquée dans toute sa rigueur ; encore faut-il qu'elle soit accompagnée d'éducation morale et citoyenne. Tout le monde semble d'accord pour ne pas se doper, mais en observant son voisin, mais à condition que tout le monde fasse de même ! Arrêtons l'hypocrisie, examinons lucidement le problème !

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Edouard Landrain.

Le recours aux herbes, aux plantes, à l'alcool, aux recettes miraculeuses existe, on le sait, depuis l'Antiquité. Voilà trente ans que le dopage systématisé s'est mis en place en France ! Nous en sommes à la troisième loi ! Rien n'a changé, si ce n'est les produits utilisés ! Certains disent même que les groupes sportifs ou les nations sportives dominants le sont toujours grâce à la chimie et fort peu grâce à l'entraînement...

Le dopage ? On frissonne de terreur en entendant Gérard Dine, président de l'institut de biologie de Troyes : « Avec les thérapies cellulaires et génétiques, nous pourrions aboutir, dans dix ou quinze ans, à la modification totale de la physiologie des sportifs de haut niveau.

Ils ne ressembleront plus alors aux gens qui les regardent à la télévision ! » Et il s'interroge : « Est-ce cela que nous voulons ? » Sans doute, avec Bertrand de Gallé, président de la Française des jeux, devons-nous nous interroger sur la nécessité qu'il y a à se dépasser en utilisant des produits extérieurs. « Sans morale, il n'y a plus de sport », dit-il.

Message très clair, vers lequel notre loi doit tendre.

M. Hubert Grimault.

Très bien !

M. Edouard Landrain.

Alexandre de Mérode rappelle que le CIO a construit le système sur trois principes fondamentaux : la protection de la santé de l'athlète, la défense de l'éthique médicale et de l'éthique sportive, le maintien des chances égales dans la compétition.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

M. Alain Néri, rapporteur.

Absolument !

M. Edouard Landrain.

C'est à partir de ces trois principes que la fameuse liste des produits interdits a été mise en place. Tous les produits qui y figurent sont dopants, dès lors qu'ils contreviennent à l'un d'eux.

Le Comité international olympique et les grandes fédérations internationales doivent cependant exprimer clairement leur volonté d'harmonisation dans le domaine de la lutte contre le dopage.

M. Gérard Bapt.

Très bien !

M. Edouard Landrain.

Leur détermination à éradiquer le mal sera déterminante dans notre combat. De même, les recommandations du Conseil de l'Europe, calquées sur celles du CIO, pourraient très vite être transformées en directives européennes, applicables ensuite à l'échelon de chaque pays.

M. Alain Calmat.

Tout à fait ! C'est la seule façon de faire !

M. Gérard Bapt.

C'est capital !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très juste ! C'est ce que nous proposons !

M. Edouard Landrain.

Car si la France est seule à prendre des décisions, on peut craindre qu'elle ne pénalise seulement ses propres sportifs et son économie sportive, au bénéfice des pays voisins ! Les choses vont si vite...

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Gérard Bapt.

C'est autrement plus intelligent que ce que raconte Estrosi !

M. Bernard Charles.

Pour sûr !

M. Edouard Landrain.

Depuis le mardi 5 mai où le Sénat a, dans un premier temps, examiné cette loi, bien des choses se sont passées. Ce que l'on pouvait estimer comme définitif ou presque il y a six mois encore a été bouleversé pendant la période estivale, à la suite de trop nombreuses révélations. Nous nous retrouvons conduits, madame la ministre, à pratiquement réécrire la loi votée par le Sénat... Je reste persuadé qu'elle ne sera efficace que si nous savons informer, éduquer et punir.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Bravo !

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Edouard Landrain.

Informer, éduquer le monde sportif et les jeunes en particulier, à l'école, dans les clubs, dans les associations, dans les familles. Oui, il faut aussi former, responsabiliser les parents qui, inconsidérém ent, fournissent parfois eux-mêmes des produits dopants à leurs propres enfants : prends ça, mon petit, tu verras, ça ira mieux !

M. Alain Tourret et M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Edouard Landrain.

Il faut former les professionnels de santé que l'on rencontre dans le sport - médecins, kinésithérapeutes -, les entraîneurs et les dirigeants.

Ne nous leurrons pas cependant : l'homme est ainsi fait que seule une répression sévère peut avoir effet de dissuasion. N'hésitons pas, comme la loi le permet pour les stupéfiants, à nous montrer sans pitié devant ceux qui assassinent notre jeunesse - les fabriquants, les laboratoires - quand, sciemment, ils permettent que des médicaments soient vendus ou délivrés dans un autre but que celui pour lequel ils ont été créés.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Très bien !

M. Edouard Landrain.

Les fournisseurs, les dealers, les gourous, les passeurs de drogue, tout ce monde interlope à l'égard duquel il ne faut céder à aucune complaisance, doit être impitoyablement poursuivi.

M. Jean-Paul Bacquet.

Bravo !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Très bien !

M. Edouard Landrain.

Ne ménageons pas non plus les sponsors. L'argent qu'ils amènent au sport est fondamental. Ils se rendent compte aujourd'hui que l'image de la drogue ternit leur propre image, celle qu'ils recherchaient par la victoire, par la réussite.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Evidemment !

M. François Rochebloine.

Très juste !

M. Edouard Landrain.

Ils doivent, par une charte de bonne conduite, montrer qu'ils désirent que le sport soit exempt de toute déviance. Les sponsors ont les moyens, s'ils le veulent, de combattre le dopage, dans leur intérêt.

Et s'ils faillissent, s'ils ferment les yeux, s'ils laissent faire, alors qu'ils soient eux aussi poursuivis !

M. François Rochebloine.

Et sanctionnés !

M. Edouard Landrain.

Mais il faut surtout que nous nous donnions les moyens de montrer à nos jeunes que nous les protégeons. Or, madame la ministre, pardonnezmoi, mais le bugdet de la jeunesse et des sports est ridiculement bas et les sommes destinées à la lutte contre le dopage, je le crains, insuffisantes ! Il faudrait que vous ayez véritablement les moyens que cette loi nécessite. L'Etat doit jouer son rôle de protecteur de la jeunesse et de sa santé. Ce serait pour tous le signal fort de notre volonté de réussir.

Il nous faut, à l'exemple de ce qui se fait pour les grandes causes médicales, disposer de moyens puissants : comme dans la lutte contre le cancer, car le dopage est un cancer, comme dans la lutte contre le sida, car le dopage est pour les jeunes une forme de sida dégradant.

Notre jeunesse est en danger ! Montrons-lui la vérité, différente de l'image du champion, du surhomme adulé qu'on aime à lui présenter.

N'hésitons pas à montrer la déchéance physique des plus grands champions ! N'hésitons pas à dévoiler le taux anormal de décès avant l'âge des sportifs de haut niveau dopés ! N'hésitons pas à montrer, pour faire peur !

M. Alain Calmat.

Très juste !

M. François Rochebloine.

N'hésitons pas à montrer qui triche !

M. Edouard Landrain.

Il faudra pour cela faire appel à tous les spécialistes de l'information et notamment à la télévision. Les chaînes publiques doivent être tout particulièrement impliquées. Nous avons déposé un amendement dans ce sens, que la commission a retenu.

Il faudra, dans le cadre de la médecine sportive, de la médecine scolaire, passer des documentaires quelquefois terribles, brutaux, qui mettront en éveil, en garde, les jeunes contre le dopage. On lutte contre le tabac, on lutte contre l'alcool ; on peut lutter contre les produits interdits utilisés dans le seul but d'améliorer ses performances.


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Mais il faudra que cette harmonisation se fasse d'abord au niveau européen, puis mondial. Nous avons su nous donner les moyens de réussir l'euro ; nous pouvons très bien envisager de gagner aussi, tous ensemble, la bataille contre le dopage.

Il nous faudra sans doute diminuer le nombre de compétitions sportives, qui oblige les sportifs à naviguer dans la zone dangereuse comprise entre l'extrême et l'excès.

En 1905, le cycliste Petit-Breton courait 25 jours par an ; en 1946, Robic avait 65 jours de course à son programme ; Hinault en comptait 250 en 1980 ! Et maintenant ?

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Très juste !

M. Edouard Landrain.

Henri Batevin, rédacteur en chef de la revue « Etudes » le dit fort bien : « Le héros sportif montrerait par ses performances la possibilité de devenir un surhomme. Mais, quand celui-ci est admiré et adulé par des milliers de fidèles, sans que l'on s'aperçoive des risques mortels qu'il court, ne faut-il pas parler de dopage des masses ? » Le problème est là, nous sommes tous des dopés en puissance, nous sommes tous coupables ! Le culte de la performance au-delà des normes raisonnables se déploie sous nos yeux. Il explique aussi bien les essais de procréation chez les femmes ménopausées, les recours au clonage ou le succès du Viagra pour remédier à l'impuissance. Le monde, l'humanité deviennent fous !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est excessif !

M. Edouard Landrain.

On s'inquiète de voir que, pour le dopage sportif, c'est la chaîne des responsables qui semble contaminée. Les sportifs ne font souvent qu'obéir à des prescriptions professionnelles coûteuses présentées comme indispensables et concoctées par des laboratoires spécialisés qui poussent à la consommation.

Aujourd'hui nous apprenons l'utilisation de l'interleukine, médicament rare, non commercialisé, destiné - avec précautions - à soigner des maladies sévères, et détourné , volé, pour se doper. C'est une honte !

M. Alain Calmat.

Tout à fait !

M. Edouard Landrain.

Il faut avoir le courage de compter les morts et protéger les sportifs, y compris d'eux-mêmes. C'est ce que dit le professeur Escande, et il a raison. Ecoutons-le ! La veille médicale pour les sportifs de haut niveau doit être constante ; elle permettra à la fois de surveiller mais aussi de conseiller. Un suivi médical avec des appréciations physiologiques élémentaires permet de renseigner les entraîneurs sur les phases de préparation. Il peut aussi mettre en éveil, quand l'apparition brutale de modifications physiologiques peuvent laisser à penser que des produits externes ont pu être utilisés.

Le carnet individuel, demain la carte Vitale s'avèrent indispensables et doivent être utilisés régulièrement. Si le carnet n'est pas rempli, l'athlète ne doit pas avoir accès à la compétition.

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Edouard Landrain.

Mais il nous faudra aussi nous interroger, outre sur les produits interdits, sur les conditions d'entraînement de demain. La stimulation électrique pour le développement musculaire, est-ce du dopage ? Les caissons hypobares pour augmenter la qualité des globules rouges : est-ce du dopage ?

M. François Rochebloine.

Eh oui ! Tout commence par là !

M. Edouard Landrain.

Le dopage ne doit sûrement pas être une réponse à la nocivité de la suractivité physique, comme certains le proposent. Doper n'est pas guérir et la compensation extérieure est difficilement acceptable ! La suractivité physique, nous l'avons vu, n'est liée qu'à l'abus de compétitions. Il nous faut limiter, pour ne pas être dépassés.

Sauvons les plus jeunes ! Peut-être, comme le dit Xavier Allouis, faudra-t-il parfois « tuer le champion » à leurs yeux, à leur interdire l'émerveillement, leur inculquer une culture du doute salvateur, nécessaire car le sport assiégé n'aura de chances de tenir son rempart sans faiblir que si sont fondées les bases solides d'un « véritable autre sport ».

C'est en sauvant le sport que nous sauverons notre jeunesse. Il faut démythifier pour mieux protéger.

C'est la raison pour laquelle le groupe UDF qui, dès le mois de juillet, demandait la création d'une commission d'enquête « sur la santé des sportifs, l'éventuelle utilisat ion de produits interdits et ses conséquences sur l'éthique sportive et la sincérité des compétitions », participera, de son mieux, au débat sur cette loi.

Sportifs, de base ou de haut niveau, parents, médecins, éducateurs et dirigeants doivent s'unir et acquérir les plus grandes compétences.

Nous autres, politiques, devons tout faire pour gagner,e nsemble, pour notre jeunesse et ne pas avoir à recommencer trop tôt ! Donnons-nous des règles mais faisons en sorte qu'elles soient adaptables ! Rappelons-nous enfin que cette loi n'est pas faite pour solutionner les problèmes du moment, mais pour prévenir, pour éviter les problèmes futurs.

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Edouard Landrain.

C'est une loi d'avenir, c'est une loi que nous devons réussir de la meilleure façon ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

Ayant entendu un orateur par groupe, nous allons à présent interrompre nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 941, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage : M. Alain Néri, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1188).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mercredi 18 novembre 1998 SCRUTIN (no 141) sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999.

Nombre de votants .....................................

555 Nombre de suffrages exprimés ....................

555 Majorité absolue ..........................................

278 Pour l'adoption ...................

308 Contre ..................................

247 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 241. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude B eauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , A ndré Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul B ret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , A lain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André C apet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique D enise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre D ucout , Jean-Pierre Dufau , Jean-Louis Dumont , Mme Laurence Dumont , MM. Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt ,

M M. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Joël G oyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunst ler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. François Lamy , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern ,

M ichel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou ,

M M. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , L ouis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon

M ontané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Henri Nallet , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , JeanClaude Perez , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , René Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane TaubiraD elannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Jean Glavany (membre du Gouvernement).

Groupe R.P.R. (137) : C ontre : 132. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1998

Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , JeanMichel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre D elalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric D oligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Marc D umoulin , Jean-Pierre Dupont , Nicolas DupontAignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , Jean-Claude Guibal , L ucien Guichon , François Guillaume , Jean-Jacques G uillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , J acques Lafleur , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , P ierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud L epercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Renaud Muselier , Jacques Myard , Patrick Ollier , Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Michel Péricard , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Q uentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , JeanClaude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (68) : Contre : 67. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme MarieThérèse Boisseau , MM. Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 43. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Renaud Dutreil , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin

Groupe communiste (36) : Pour : 34. - MM. François Asensi , Alain Belviso , Gilbert Biessy , Claude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Guy Hermier , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine J ambu , MM. André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard O utin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Contre : 2. - MM. Patrice Carvalho et Georges Hage

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 32. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves C ochet , Michel Crépeau , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Guy Hascoët , Claude Hoarau , Elie H oarau , Robert Honde , François Huwart , Guy L engagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver

Non-inscrits (5) : Pour : 1. - M. Emile Vernaudon.

Contre : 3. - MM. Charles Millon , Jean-Pierre Soisson et Philippe de Villiers

Mises au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) MM. Dominique Dupilet et Jean-Paul Durieux, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».

M. Jean-Antoine Leonetti, qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote a fait savoir qu'il avait voulu voter « contre ».