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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

LAURENT FABIUS

1. Déroulement de la séance (p. 9276).

M. le président.

2. Médiateur des enfants. - Inéligibilité du médiateur des enfants. - Discussion d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique (p. 9276).

Mme Claudine Ledoux, rapporteur de la commission des lois.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE

COMMUNE (p. 9279)

M.

Jean-Paul Bret, Mme Martine Aurillac,

M.

Bernard Birsinger.

M. le président, Mme Bernadette Isaac-Sibille,

M.

José Rossi.

Clôture de la discussion générale commune.

Proposition de loi instituant un médiateur des enfants

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 9285)

Avant l'article 1er (p. 9285)

Amendement no 31 de M. Rossi : M. José Rossi, Mmes le rapporteur, Catherine Tasca, présidente de la commission des lois ; la ministre, M. Jean-Paul Bret, Mme Bernadette Isaac-Sibille. - Rejet.

Article 1er (p. 9287)

Mme Dominique Gillot, M. Pierre-Christophe Baguet.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

Amendement no 18 de Mme Isaac-Sibille : Mmes Bernadette Isaac-Sibille, le rapporteur, la ministre. - Rejet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Amendement no 4 de M. Birsinger : M. Bernard Birsinger,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendement no 15 de M. Blisko : M. Serge Blisko, Mmes le rapporteur, la ministre, M. Jean-Paul Bret, Mme Bernadette Isaac-Sibille. - Adoption.

Amendements identiques nos 5 de M. Birsinger et 14 de

M. Bret : MM. Bernard Birsinger, Jean-Paul Bret,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 6 de M. Birsinger : M. Bernard Birsinger,

M mes le rapporteur, la ministre, M. le président, Mmes Michèle Alliot-Marie, la présidente de la commission, M. José Rossi. - Rejet de l'amendement no 6, deuxième rectification.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 9291)

Amendement no 19 de Mme Isaac-Sibille : Mme Bernadette Isaac-Sibille. - Cet amendement n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 2.

Après l'article 2 (p. 9291)

Amendement no 32 de M. Rossi : M. José Rossi, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Article 3 (p. 9292)

M. François Colcombet.

L'amendement no 20 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Amendement no 21 de Mme Isaac-Sibille : Mmes Bernadette Isaac-Sibille, le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 3.

Article 4 (p. 9293)

L'amendement no 22 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Amendement no 11 rectifié de M. Birsinger : M. Bernard Birsinger, Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 10 de M. Birsinger : M. Bernard Birsinger.

, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 (p. 9293)

L'amendement de suppression no 23 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 5.

Article 6 (p. 9293)

L'amendement de suppression no 24 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 6.

Article 7 (p. 9293)

Amendement de suppression no 16 de M. Blisko : M. Serge Blisko, Mmes le rapporteur, la ministre, Bernadette IsaacSibille, M. Bernard Birsinger. - Adoption.

L'article 7 est supprimé.

Les amendements nos 34 de M. Rossi et 25 de Mme IsaacSibille n'ont plus d'objet.

Article 8 (p. 9294)

Amendement no 17 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Ce texte devient l'article 8.

Après l'article 8 (p. 9294)

Amendement no 33 de M. Rossi : M. Pierre-Christophe Baguet, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Article 9 (p. 9295)

L'amendement no 26 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 9.

Article 10 (p. 9295)

L'amendement no 27 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 10.


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Article 11 (p. 9295)

L'amendement no 28 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 11.

Article 12 (p. 9295)

L'amendement no 29 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 12.

Article 13. - Adoption (p. 9295)

Titre (p. 9295)

L'amendement no 30 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 9295)

M mes Bernadette Isaac-Sibille, le rapporteur, M. le président.

MM. José Rossi, Jean-Paul Bret, Bernard Birsinger, Mme Martine Aurillac.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 9296)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants Les amendements nos 1 et 2 de Mme Isaac-Sibille n'ont plus d'objet.

Article unique. - Adoption (p. 9296)

Rappel au règlement (p. 9296)

MM. Michel Inchauspé, Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances ; Mme la ministre, M. le président.

Mme la ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 9297)

Rappel au règlement (p. 9297)

MM. Robert Pandraud, le président, le président de la commission des finances.

3. Interdiction d'achat de fournitures fabriquées par des enfants. - Discussion d'une proposition de loi (p. 9298).

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9300)

Mmes Martine Aurillac, Muguette Jacquaint,

MM. Pierre-Christophe Baguet, Pierre Carassus, José Rossi, Mme Geneviève Perrin-Gaillard,

M.

Anicet Turinay.

Clôture de la discussion générale.

Mme le rapporteur.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 9308)

Avant l'article 1er (p. 9308)

Amendement no 3 de M. Rossi : M. José Rossi, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Article 1er (p. 9308)

Amendement no 1 de Mme Le Texier : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 9308)

Amendement no 2 de Mme Le Texier : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3. - Adoption (p. 9309)

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 9309)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 9309)

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

4. Conseils régionaux. - Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 9309).

QUESTION PRÉALABLE (p. 9309)

Question préalable de M. José Rossi : MM. Pascal Clément, Renaud Donnedieu de Vabres, Christian Estrosi, Jacques Brunhes, José Rossi, Christian Paul. - Rejet.

Rappel au règlement (p. 9315)

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Fin de missions temporaires de députés (p. 9316).

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9316).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 DÉROULEMENT DE LA SÉANCE

M. le président.

Mes chers collègues, nous avons une séance un peu particulière, puisque nous consacrerons, cet après-midi, un certain temps à l'examen de trois propositions concernant les droits des enfants.

Nous allons d'abord débattre de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants et de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants.

Ensuite, nous examinerons la proposition de loi de Mme Le Texier, qui vise à interdire l'achat, par les établissements scolaires et les collectivités locales, de fournitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés. Vous vous souvenez sans doute que cette proposition avait été adoptée par le Parlement des enfants au mois de mai dernier.

Je vous signale d'ailleurs, que les enfants de l'école Saint-Exupéry, de Sarcelles, qui avaient proposé ce texte, sont présents dans les tribunes.

Nous allons donc étudier d'abord les premières propositions relatives au médiateur des enfants. Sur ces textes, je vais successivement donner la parole à Mme Ledoux, rapporteur de la commission compétente, et à Mme la ministre Ségolène Royal, que je salue. Ensuite, nous aurons une discussion générale commune, puis nous passerons à l'examen des articles et des amendements.

2 MÉDIATEUR DES ENFANTS Discussion d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique

M. le président.

L'ordre du jour appelle donc la discussion de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants (no 1144, 1190) et de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants (nos 1145, 1190) de M. Bret et de votre président.

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à Mme le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'enseignement scolaire, mes chers collègues, la commission des lois m'a fait l'honneur de me nommer rapporteur des propositions de loi de M. Laurent Fabius et de M. Jean-Paul Bret instituant un médiateur des enfants.

Ces dernières années ont vu émerger une double préoccupation en ce qui concerne les enfants. En tant qu'êtres faibles, ils doivent être protégés, notamment de la violence des adultes ; le projecteur de l'actualité braqué depuis malheureusement trop peu de temps sur les milliers d'enfants victimes de maltraitances, la grande majorité au sein de leur famille, a rendu cette nécessité évidente. Dans le même temps, personnes à part entière, identités en construction, citoyens en devenir, désireux de faire entendre leur parole et d'exprimer une singularité, les enfants doivent se voir reconnaître la qualité de sujets de droit, d'acteurs du droit.

Ce double souci s'est traduit par de nombreuses initiatives, aussi bien internationales que nationales.

A u niveau international, après la déclaration de l'assemblée générale des Nations unies de 1959, qui affirmait la nécessité d'une protection spécifique de l'enfant, la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, dite convention de New York, ratifiée par la France dès le 7 août 1990, a consacré la conception de l'enfant comme une véritable personne, dotée de droits à faire reconnaître et respecter.

Au plan national, sans vouloir bien évidemment dresser une liste exhaustive, je rappelle que plusieurs lois ont également pris en compte cette double exigence. La loi du 22 juillet 1987 sur l'autorité parentale, par exemple, a reconnu à l'enfant le droit d'être élevé, dans la mesure du possible, par ses deux parents et le droit d'exprimer son point de vue sur les questions qui le concernent. S'agissant de procédure pénale, la loi du 30 décembre 1987 relative au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire ainsi que la loi du 6 juillet 1989 ont limité la possibilité et la durée de la détention provisoire des mineurs. Plus récemment, la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs, permet à ces derniers, lorsqu'ils sont victimes de violences sexuelles, d'être enregistrés par un procédé audiovisuel au cours de l'enquête et de l'information.

Conformément à la philosophie qui a conduit à l'adoption de ces textes, la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, présidée par Laurent Fabius et dont le rapporteur a été Jean-Paul Bret, a plaidé à l'unanimité, dans ses conclusions, pour la création en France d'un médiateur des enfants, en s'appuyant sur les expériences de médiation pratiquées avec réussite à l'étranger, notamment en Suède, en Norvège et en Wallonie. Cette proposition de la commission d'enquête, conforme d'ailleurs à


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la recommandation no 1121 du 1er février 1990 du Conseil de l'Europe, demandant aux Etats « s'ils ne l'ont pas encore fait, de nommer un médiateur spécial pour les enfants », vise à combler un vide dans l'édifice déjà dense de la protection et de la promotion de l'enfance.

La proposition de loi tente de remédier à cette carence en créant un médiateur, porte-parole de l'enfant dans ses récriminations face à l'administration et en promouvant la conception de l'enfant issue de la convention de New York.

La vision de l'enfant qui a dominé pendant des siècles repose sur l'image d'un être passif qui subit en silence.

L'une des conséquences de cette représentation traditionnelle est l'incapacité juridique de l'enfant, ce dernier se voyant, notamment, refuser la possibilité d'enclencher une procédure, contentieuse ou non. La convention de New York a dessiné une figure de l'enfant contraire à cette conception, celle d'un futur adulte, d'un apprenti citoyen à la fois objet et sujet de droit. Cependant, tout en étant un acteur reconnu de la cité, l'enfant n'en demeure pas moins un acteur spécifique, puisque fragile, dépendant, désarmé.

La création d'un médiateur des enfants répond donc simultanément à ces deux exigences, en apparence contradictoires : d'une part garantir le respect des droits des enfants considérés, aujourd'hui, comme des personnes à part entière et, d'autre part, encadrer leur parole en leur offrant la possibilité de s'exprimer par une voie indirecte.

A cette population spécifique doit correspondre un médiateur spécifique en charge de porter, selon des modalités particulières, les revendications des mineurs, comme cela est le cas dans les pays dont l'expérience en la matière est déjà fort riche, comme la Suède ou la Norvège. Je pense, par exemple, à la possibilité pour les enfants de saisir directement le médiateur sans passer par le filtre des parlementaires, procédure actuellement en vigueur pour les réclamations adressées au médiateur de la République, ou encore, comme l'a accepté la commission, à la dispense, pour l'enfant, d'effectuer, préalablement à la saisine, des démarches auprès des administrations intéressées, lesquelles sont prévues par le premier alinéa de l'article 7 de la loi de 1973 instituant un médiateur de la République.

Ce rôle de porte-parole de l'enfant, de « bras juridique » de l'enfant, le médiateur l'exerce de trois façons.

Il est d'abord habilité à faire des recommandations à l'administration mise en cause lorsqu'il est saisi d'une requête qui lui paraît justifiée ou qu'il constate de luimême qu'un organisme mentionné à l'article 1er de la proposition de loi méconnaît les droits des enfants, ou encore que des dispositions législatives ou réglementaires contreviennent au respect de ces droits. Le médiateur des enfants a donc la possibilité de s'autosaisir lorsqu'il remarque des dysfonctionnements graves dans l'administration ou des imperfections dans l'état du droit.

Cependant, la coïncidence des organismes auxquels s'appliquera la loi instituant un médiateur des enfants et qui entrent déjà dans le champ de la loi de 1973 relative au médiateur de la République - les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public - peut conduire à se demander s'il n'aurait pas été plus opportun d'élargir tout simplement les compétences du médiateur de la République. Il est vrai que cette proposition de loi a privilégié les relations des enfants avec les administrations.

Ce droit paraît cependant légitime dans la mesure où, dans une logique d'apprentissage de la citoyenneté, donc de responsabilisation de l'enfant, les rapports des mineurs avec les représentants de l'Etat sont particulièrement significatifs, surtout dans un pays comme le nôtre où les services publics font partie du quotidien des enfants et de leurs parents, où on peut parler d'une sorte de « socialisation par les services publics ».

Toutefois, il a paru clair à la commission que le médiateur des enfants avait vocation à voir à terme ses compétences élargies aux questions touchant la sphère privée, comme cela est le cas, par exemple, en Suède. Tel est le sens de l'article 13 proposé par la commission des loi qui suggère de procéder, dans un délai de trois après la promulgation du texte, à une évaluation de l'institution créée pour envisager éventuellement une extension de ses prérogatives.

Pour l'heure, la commission prévoit également, dans un souci d'efficacité, que les deux médiateurs devront collaborer activement. Le médiateur des enfants devra informer le médiateur de la République des dysfonctionnement dont il aura eu connaissance, tandis que le médiateur de la République transmettra au médiateur des enfants les dossiers relevant exclusivement de sa compétence.

Au-delà de ce rôle de porte-parole des enfants mineurs, le médiateur se voit confier une autre mission, celle de promouvoir un nouveau type de droits : les droits des enfants.

Au moment où nous examinons ce texte, les droits des enfants demeurent une notion aux contours encore flous.

Si de nombreux textes de droit international assurent, depuis plusieurs décennies, la capitalisation de sources de plus en plus importantes, les esprits se montrent encore très réticents à l'émergence d'un droit des enfants, c'est-à dire à l'émergence d'un ensemble de règles dont les mineurs sont sujets et objets, à titre personnel. Aujourd'hui, l'intervention d'un tiers adulte - le représentant légal - demeure indispensable du fait de la nonreconnaissance à ces enfants mineurs de la capacité juridique que j'évoquais il y a quelques instants.

La reconnaissance de véritables droits des enfants dont nous entendons affirmer la nécessité sociale suppose donc une adaptation de la situation des mineurs face à la règle, dans une évolution vers la reconnaissance du fait que les mineurs forment une catégorie spécifique de sujets de droit. Il me semble que cette évolution du statut de l'enfant dans les mentalités est la condition de l'inscription des droits des enfants dans la tradition juridique. Le médiateur des enfants doit être l'un des vecteurs de ce changement dans les esprits et les pratiques.

Par conséquent, nous proposons d'instituer une autorité indépendante qui soit spécifique. Nous entendons prendre acte de cette spécificité et notre démarche consiste simplement à élaborer les aménagements permettant aux mineurs d'être entendus, pris en compte dans leurs relations avec les services publics qu'il s'agisse de l'éducation nationale, du service public hospitalier, de celui de la culture, c'est-à-dire ceux avec lesquels ils sont le plus souvent en contact.

Le médiateur des enfants aura donc pour mission de faire connaître les droits spécifiques des enfants. Elle lui est confiée explicitement par le texte qui, en son article 4, modifié par la commission des lois, met à sa charge des actions d'information et de promotion des droits de l'enfant.


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Depuis maintenant plusieurs décennies, la médiation appartient à la tradition juridique occidentale sous l'impulsion de la Scandinavie, puis de la France, de l'Espagne et de l'Italie. Toujours sous l'impulsion de l'Europe du Nord, le médiateur des enfants entrera dans notre législation. Il est de tradition que cette institution prenne la forme d'une autorité indépendante. C'est dans le but de garantir cette autonomie d'action du médiateur qu'il est soumis simultanément à votre examen une proposition de loi organique visant à rendre incompatible l'exercice de la fonction de médiateur avec tout mandat parlementaire.

Pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, je me réjouis de cette innovation dont l'idée est l'un des fruits des travaux d'une commission d'enquête parlementaire achevés en mai dernier et qui donne l'occasion à notre assemblée, moins de six mois après la publication de son rapport, de se pencher sur un texte qui en assure le prolongement dans le droit positif.

Toute procédure qui vise à l'amélioration du service qu'offrent nos administrations s'analyse en fait comme un moyen supplémentaire de défense des services publics.

J'invite les agents à accueillir ce texte avec confiance. Je sais pouvoir compter sur leur bonne volonté pour aider cette future autorité à fonctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est avec le plus grand intérêt que le Gouvernement a pris connaissance de la proposition de loi déposée par Laurent Fabius, Jean-Paul Bret et les membres du groupe socialiste instituant un médiateur dese nfants. Les importants travaux de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant connaissent ainsi rapidement leur première traduction législative. Cette efficacité parlementaire mérite d'être soulignée.

Comme vous, monsieur le président, je suis persuadée qu'une société se juge par le sort qu'elle réserve à ses enfants. C'est pourquoi il nous appartient de faire progresser dans notre pays la juste cause des droits de l'enfant. A cet égard, le développement de la médiation est une nécessité. Je m'exprimerai d'abord brièvement sur ce principe avant d'essayer de montrer en quoi le médiateur des enfants ne fera aucune ombre au médiateur de la République.

Le développement de la médiation est donc une nécessité. En effet, le gigantisme de l'administration, le nombre de décisions rendues, la masse des dossiers ne peuvent que susciter, ici ou là, des frustrations, des incompréhensions et des injustices. La médiation permet d'éviter le face-à-face, de faire le lien entre deux points de vue, de les rapprocher, voire de les concilier. La volonté d'une proximité toujours plus grande à l'égard des problèmes concrets, des préoccupations quotidiennes, des attentes réelles des citoyens se trouve ainsi particulièrement bien défendue par les procédures de médiation.

Enfin, l'affirmation d'une solidarité renforcée envers les plus fragiles, les plus vulnérables, par une contribution volontaire à la lutte contre toutes les formes d'exclusion sociale est aussi la logique même de la médiation. Or les enfants ne sont-ils pas les plus vulnérables parmi les usagers de l'administration ? Je voudrais, en second lieu, pour répondre à différentes réactions dont j'ai pris connaissance dans la presse, vous assurer que le médiateur des enfants en aucun cas ne fera d'ombre au médiateur de la République.

Certains pourraient craindre, en effet, que la création de divers médiateurs risquent de mettre en cause l'institution du médiateur de la République dont l'expérience et la légitimité sont reconnues par tous. En réalité, je ne crois aucunement que cela puisse gêner l'action du médiateur, bien au contraire.

D'abord, parce que, par bien des aspects, la présente proposition de loi reprend les dispositions de la loi du 3 janvier 1973 instituant le médiateur de la République.

C'est donc bien en s'inspirant - on connaît le succès du médiateur de la République et l'efficacité de son action d'un dispositif voté par le Parlement il y a vingt-cinq ans, que votre Assemblée envisage aujourd'hui de créer une autre autorité plus spécifiquement consacrée aux droits de l'enfant. Il ne s'agira pas d'institutions concurrentes mais complémentaires, l'une chargée des conflits ente l'administration et une personne majeure, l'autre chargée des réclamations émises par un mineur ou ses représentants légaux au regard des droits de l'enfant. Il n'y a donc aucun risque de confusion, d'autant plus qu'un système de régulation est prévu aux articles 5 et 6 de la proposition de loi.

Enfin, ce dispositif permet de clarifier la notion des droits de l'enfant. Je suis heureuse qu'à l'occasion de l'examen par la commission des lois de l'Assemblée nationale, la notion des droits de l'enfant ait été précisée afin d'éviter d'éventuelles difficultés d'application.

Chacun sait, en effet, que l'applicabilité directe de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 a donné lieu à des interprétations divergentes de la Cour de cassation, d'une part, et du Conseil d'Etat, d'autre part.

La formule adoptée par votre commission permet d'aplanir toute difficulté puisque l'on fait expressément référence dans l'article 1er de la proposition de loi aux

« droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ayant un effet direct ».

Il restera pour le médiateur des enfants la tâche de vérifier, pour chaque cas, si le droit invoqué a un effet direct dans notre droit interne.

Le Conseil d'Etat a jugé que l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui consacre le droit de l'enfant à ne pas être séparé de ses parents, est dépourvu d'effet direct, de même que les articles 12 - droit d'exprimer librement son opinion - et 14 - droit à la liberté de conscience, de pensée et de religion. Le Conseil d'Etat a jugé, en revanche, que l'article 16, garantissant le droit de l'enfant au respect de sa vie privée et familiale, est d'effet direct. Or on sait bien que toutes les difficultés qu'affrontent les enfants renvoient à ce droit fondamental. Le médiateur pour les droits de l'enfant trouvera là un champ d'action considérable.

Dans la continuité de sa jurisprudence antérieure, par l'un des derniers arrêts en date à se prononcer sur l'application de la Convention de New York sur les droits de l'enfant par le juge administratif, le Conseil d'Etat a jugé que les stipulations de l'article 3-1 de la Convention visant l'intérêt supérieur de l'enfant comportent un effet direct qui permet de les invoquer utilement à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, et a annulé en conséquence un acte administratif sur son fondement. Cet arrêt date du 22 septembre 1997. C'est dire comme le


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médiateur des enfants arrive à point nommé, au moment où le droit interne commence à consacrer la Convention internationale des droits de l'enfant.

La rapidité avec laquelle votre assemblée, à l'initiative de son président, a su ainsi donner une suite directe aux travaux de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, qu'il avait d'ailleurs mise en place, ainsi qu'à la jurisprudence la plus récente des tribunaux administratifs et du Conseil d'Etat, montrent à quel point le Parlement a pris la juste mesure des travaux du Parlement des enfants, réuni ici depuis plusieurs années.

Au terme de ces quelques remarques qui seront, je l'espère, de nature à enrichir notre débat, je tiens, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à vous exprimer la volonté du Gouvernement d'être à vos côtés dans la mise en oeuvre et le renforcement des droits de l'enfant, ici, en France. Le parlement français donnera ainsi l'exemple aux autres pays européens, et au-delà.

Les enfants bénéficient dorénavant des moyens légaux de faire entendre leur voix et d'exiger la prise en compte par l'administration de leurs droits.

Ainsi, à la veille de la journée internationale des droits de l'enfant, alors que la France s'apprête aussi à célébrer le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10 décembre prochain, chacun aura à coeur de comprendre la portée de cette proposition de loi qui fait progresser, dans notre pays, les droits de la personne humaine. Que l'Assemblée nationale, et le Parlement tout entier, soient remerciés pour cette contribution tout à fait essentielle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et vert.) Discussion générale commune

M. le président.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons le texte relatif à la création d'une nouvelle institution, le médiateur des enfants. Et nous avons aujourd'hui au moins trois raisons de nous réjouir d'avoir à débattre d'un texte comme celui-ci à l'Assemblée nationale.

Première raison, nous sommes le 19 novembre 1998, veille de la Journée internationale des droits de l'enfant, qui commémore le 20 novembre 1989, jour où l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à New York la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et a opéré, à travers ce texte fondateur, une véritable

« révolution copernicienne » autour de l'enfant et de ses droits.

Il y a neuf ans, en signant la Convention de New York, l'assemblée générale de l'ONU a rendu caduc ce concept ancestral d'un enfant dénué de parole, si l'on se réfère à l'étymologie latine du mot enfant, pour en faire une personne humaine, une personne à protéger, certes, mais davantage à respecter, une personne appelée à jouir des droits et à exercer les devoirs d'un citoyen.

Le 20 novembre 1989, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un nouveau personnage entre sur la scène du droit international, c'est l'enfant. Et, pour la première fois, le droit international de l'enfance devient une norme contraignante pour tous les Etats qui ratifient la Convention de New York.

Ainsi, lorsque le 7 août 1990, la France procède à lar atification, elle adopte cette nouvelle approche de l'enfant et admet ce principe que l'enfant est une personne et qu'il est une personne dotée de droits.

Aujourd'hui, dans notre pays, la création d'un médiateur des enfants est la traduction concrète de la ratification de 1990. C'est, en effet, le médiateur des enfants qui veillera à l'application de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et à la consécration de l'enfant comme une personne.

Deuxième raison de se réjouir, il y a quelques mois, en mai dernier, la commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant a rendu son rapport dans lequel elle a formulé une quarantaine de propositions. Parmi elles, figurait la création d'un médiateur des enfants.

La commission s'est appuyée sur plusieurs expériences réalisées en Norvège depuis 1981, en Belgique et en Suède, et elle a comparé les différentes modalités de fonctionnement entre les médiateurs de chacun de ces pays.

Elle a également auditionné Mme Louise Sylwander, médiateur des enfants du royaume de Suède, qui, à travers l'évocation de sa mission quotidienne et des difficultés qu'elle rencontre, a nourri notre réflexion de parlementaires français.

La France n'a pas, à proprement parler, de culture de médiation. C'est pourtant un exercice auquel elle aspire.

Preuve en est la création du médiateur de la République et, depuis quelques années, les multiples initiatives de médiation pénale ou de médiation sociale. En tant que rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant, j'ai souligné cette nouvelle propension française à se servir de la médiation pour affermir ou renouveler les liens entre les citoyens.

Je ne vous cacherai donc pas aujourd'hui ma satisfaction. Avec la création d'un médiateur des enfants, le travail de la commission parlementaire sur les droits de l'enfant trouve justification et reconnaissance. Plus largement, c'est aussi le travail de notre assemblée qui est reconnu et c'est en cela que le texte que nous examinons aujourd'hui est important. Il est la quintessence de notre travail. Il est la traduction de ce que notre activité parlementaire a de meilleur.

Permettez-moi aussi de saluer l'engagement personnel du président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, dans la création de ce médiateur et dans l'inscription de cette proposition à l'ordre du jour de notre assemblée.

M adame la ministre, comme l'a indiqué Claudine Ledoux en rapportant ce texte, j'exprime également le souhait que les crédits budgétaires du médiateur des enfants soient rattachés aux services généraux du Premier ministre, compte tenu du caractère interministériel de cette institution.

Troisième raison de se réjouir : le contenu du même texte. A l'édifice complexe de la protection de l'enfance, il manquait une clé de voûte, ce sera le médiateur des enfants. En France, il subsistait un espace où pourrait se développer une démarche nouvelle et qui ferait de l'enfant une véritable personne.

Qu'est-ce qu'une médiation ? C'est une notion que les juristes et les philosophes connaissent bien et qui induit une articulation entre deux êtres. Le médiateur des enfants est donc celui qui, dans une affaire, va assurer le lien entre deux personnes reconnues comme telles quel que soit leur âge. Cela signifie qu'il va d'emblée considérer l'enfant comme une personne pour deux raisons, d'une part, parce que l'enfant est une personne réelle,


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d'autre part, parce que l'objet de sa mission de médiateur se fonde sur cette nouvelle définition de l'enfant et du droit de l'enfant.

Si, en novembre 1989, la Convention internationale relative aux droits de l'enfant a précisé la création de médiateurs des enfants, quelques mois plus tard, en février 1990, le Conseil de l'Europe a recommandé aux

Etats européens « de nommer un médiateur spécial pour les enfants qui pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et éventuellement ester en justice des poursuites en leur nom ». Si la France ne retient pas tous les termes de cette résolution, elle retient l'essentiel et franchit ainsi un pas important.

La création d'un médiateur représente donc une avancée considérable pour notre société, pour le droit en général, pour l'enfant en particulier et, au-delà, pour l'entité au sein de laquelle il grandit, je veux bien sûr parler de la famille.

J'avais imaginé que tous ceux qui ont exalté jusqu'à la caricature les vertus de la famille et de l'enfant lors du débat sur le pacte civil de solidarité, brilleraient aujourd'hui par leur présence dans l'hémicycle et trouveraient à travers un texte aussi essentiel que celui-ci, l'occasion de redire leur attachement d'une manière plus vraie aux droits de l'enfant. A regret, j'observe leur absence, une absence manifeste qui en dit long sur la réelle conception de l'enfant qu'ont ces défenseurs de l'enfance.

Mme Christine Boutin.

Les meilleurs sont là !

Mme Raymonde Le Texier.

Quelle modestie !

M. Jean-Paul Bret.

Trois raisons au moins de se réjouir, disais-je, et de se féliciter d'une telle mesure.

La création du médiateur des enfants est la première mesure initiée par notre assemblée qui s'inscrit dans la suite immédiate du travail de la commission d'enquête parlementaire.

D'autres propositions figurent dans ce rapport. Elles seront, je l'espère, soumises à la discussion des parlementaires. Je pense tout particulièrement aux propositions liées à l'autorité parentale, à celles liées aux droits à la connaissance des origines, à d'autres encore liées au droit de la famille.

Sur ce dernier point, Mme la garde des sceaux a annoncé que l'année 1999 serait, en matière de réforme, celle de la famille. Elle a mis en place un groupe de travail qui comprend des magistrats, des avocats et des notaires et s'appuie sur le droit des enfants pour reconsidérer le droit des parents et imaginer des solutions qui, à une époque où la famille ne revêt pas les mêmes caractéristiques qu'il y a quelques années, enfants et parents puissent maintenir le lien qui les unit et cela, au-delà des aléas de la vie du couple.

Que ces questions fassent aujourd'hui l'objet d'analyse et de préoccupation témoigne que notre société a changé.

Nous pourrions refuser ce changement et nous raidir dans des comportements qui n'auraient plus beaucoup de sens. La commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant - comme aujourd'hui, le groupe de travail sur la famille - a accepté de comprendre ce mouvement.

La création d'un médiateur des enfants traduit cette volonté d'aller dans le sens de la vie. De cette démarche, je le redis, je me réjouis et je me félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe RPR.

Mme Martine Aurillac.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est vrai que les droits reconnus aux enfants sont en général satisfaisants en F rance, il est cependant certaines exceptions. Par exemple, un enfant n'a pas de droits réels à être toujours entendu par la justice, il n'a pas pleinement le droit d'association, il n'a pas le droit de connaître toujours ses origines familiales.

Ratifiée depuis huit ans, la Convention de New York du 20 novembre 1989 sur les droits de l'enfant fait aujourd'hui l'objet d'une application parfois nuancée. On ne peut en effet passer sous silence les enfants victimes de maltraitance, le record des suicides d'enfants, l'inégalité des chances à l'école.

Au-delà de la réflexion sur une meilleure insertion de la Convention dans le droit français, il était nécessaire de s'interroger sur les réformes permettant de mieux garantir à l'enfant les conditions de son développement. Identité à construire, personne à protéger, être en devenir, ce sont toutes ces dimensions qui ont été prises en compte par la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, créée à l'initiative du président Fabius, et dont l'excellent rapport de notre collègue, Jean-Paul Bret, a été adopté à l'unanimité.

Une des dispositions les plus novatrices, et les plus consensuelles de ce rapport, étayée d'ailleurs par la jurisprudence la plus récente et notamment celle du Conseil d'Etat - vous l'avez rappelé, madame la ministre - est en effet la création d'un outil supplémentaire de protection : le médiateur des enfants. Au-delà du rôle irremplaçable du juge pour enfants, il était en effet nécessaire de mettre en place une médiation, en reconnaissant l'enfant comme un véritable partenaire. Dans cette voie, d'autres pays nous avaient précédés, et des expériences nombreuses et positives ont été menées à l'étranger, notamment en Norvège depuis 1981, en Suède depuis 1993, ainsi qu'en Belgique, plus précisément en Wallonie, dès 1991.

Dans sa recommandation du 1er février 1990, le Conseil de l'Europe demandait que les Etats européens envisagent « s'ils ne l'ont pas encore fait, de nommer un médiateur spécial pour les enfants qui pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et éventuellement ester en justice des poursuites en leur nom ».

L'instauration en France d'un médiateur des enfants apparaît donc aujourd'hui utile, et c'est à cet objet que répond le projet que nous examinons cet après-midi. Ce médiateur doit constituer une entité autonome. Il doit posséder des moyens et un statut analogue à ceux du médiateur de la République. Mais cette institution ne peut aller à l'encontre de la médiation judiciaire, de même qu'elle doit laisser entière la responsabilité du Gouvernement, en matière de coordination des actions de l'Etat en faveur de l'enfant.

Les dispositions prévues sont simples : S'agissant de la saisine du médiateur, celui-ci reçoit, soit directement, soit par l'intermédiaire du représentant légal de l'enfant, les réclamations individuelles concernant les administrations de l'Etat, les collectivités locales, les établissements ou tout organisme investi d'une mission de service public, s'agissant d'une méconnaissance des droits de l'enfant ou d'un dysfonctionnement d'une administration.

Le médiateur des enfants, qui est assisté par des délégués départementaux, est nommé par décret pour six ans, pour un mandat non renouvelable. Un amendement pré-


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v oit d'ailleurs qu'il transmet au médiateur de la République les réclamations relevant de sa compétence, et réciproquement.

Quant à ses pouvoirs, ils sont assez larges : il fait toutes les réclamations qui lui paraissent nécessaires. Il peut aussi proposer à l'autorité compétente des mesures pour pallier les difficultés d'une situation. Il peut enfin proposer des modifications des dispositions législatives ou réglementaires. Il organise également - et c'est important des actions d'information et de promotion sur le respect des droits de l'enfant. Un rapport annuel est prévu à cet égard et doit être publié, ainsi qu'une évaluation des effets de la loi par l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.

Enfin, son indépendance est organisée par les articles 6, 7 et 8 ainsi que par la proposition de loi organique : le m édiateur des enfants, comme le médiateur de la République, ne peuvent être candidats à un mandat local s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. Ils sont par ailleurs inéligibles aux élections législatives et sénatoriales.

L'enfant est une personne. Alors qu'il a longtemps été considéré comme un être passif, il importe de lui donner sa pleine légitimité.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

Mme Martine Aurillac.

L'institution d'un médiateur répond à un vrai besoin et s'insère dans notre droit positif comme l'un des éléments qui permettra de faire de nos enfants des femmes et des hommes qui prendront demain pleinement leur place, toute leur place, dans la cité.

C'est pourquoi le groupe RPR votera bien volontiers ces deux propositions.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour le groupe communiste.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer, au nom du groupe communiste, ma satisfaction de voir instaurer dans notre pays un médiateur des enfants.

Cela traduit la volonté de mettre en oeuvre l'une des mesures préconisées par le rapport de la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France.

La proposition est signée par Jean-Paul Bret, Laurent Fabius et le groupe socialiste. Lors de la commission d'enquête, il s'est dégagé un consensus sur cette question du médiateur des enfants mais aussi sur l'ensemble du rapport de la commission. C'est assez remarquable pour le noter. Finalement, l'ensemble des députés qui ont participé à la commission d'enquête auraient pu signer la proposition de loi.

Six mois après la fin de travaux de la commission d'enquête, l'une des dispositions essentielles qu'elle préconisait, l'instauration d'un médiateur des enfants, vient en discussion à l'Assemblée nationale. C'est le signe que ce rapport n'était pas un rapport de plus. C'est le signe d'un engagement fort du président de cette assemblée pour que les droits de l'enfant soient reconnus à leur juste importance.

Dans son avant-propos, M. le président Fabius avait retenu cinq séries de mesures susceptibles de faire progresser fortement les droits de l'enfant en France. La création d'un médiateur national ou d'une médiatrice nationale des enfants était la première mesure. Je me félicite de la rapidité avec laquelle l'engagement pris a été tenu et je souhaite que les quatre autres puissent également voir le jour rapidement.

Il s'agit de rendre applicable la convention internationale des droits de l'enfant dans le droit français, de créer des comités communaux de l'enfance, d'améliorer le suivi médical des enfants au sein de l'éducation nationale, et notamment d'accroître le nombre d'infirmières scolaires, et enfin, de mieux informer les enfants sur leurs droits. Il est incontestable que l'existence du médiateur contribuera grandement à faire progresser les droits des enfants dans ces quatre domaines, et plus généralement dans tous ceux qui les concernent.

En adoptant cette proposition de loi, nous allons inscrire dans le droit la reconnaissance de l'enfant comme individu à part entière. Plus encore, l'instauration d'un médiateur pour les enfants marque leur reconnaissance en tant que citoyens. Les enfants pourront saisir le médiateur lorsqu'ils considéreront qu'une institution ou une administration a bafoué leurs droits : ils feront ainsi l'apprentissage d'une dimension importante de la citoyenneté, le refus de l'arbitraire, le refus d'une violence faite par la collectivité à un individu ou à un groupe d'individus.

Pour aider le médiateur dans sa tâche, il faut que nous disions très clairement que la convention internationale des droits de l'enfant est directement applicable en droit français, pour mettre fin à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.

L'instauration du médiateur s'inscrit également dans la double optique de la convention : protection des mineurs et apprentissage de la citoyenneté. Cette seconde dimension est nouvelle et la commission d'enquête a souligné son importance, notamment en proposant de créer des comités communaux d'enfants.

En effet, depuis qu'on a découvert la spécifité de l'enfance en tant qu'âge de la vie, un arsenal juridique de protection des mineurs s'est peu à peu construit. Cette notion de protection des mineurs est largement présente dans notre droit, mais il s'agit de la protection du mineur par les adultes. C'est bien évidemment nécessaire, mais les enfants peuvent jouer un rôle déterminant dans la protection de leur dignité.

Faire respecter sa dignité, pour tout individu, c'est être capable de refuser, de combattre l'arbitraire, c'est avoir la possibilité de faire entendre ce refus, de faire aboutir son combat.

Le médiateur pourra aider les enfants à faire respecter tous les droits contenus dans la convention, mais il me semble qu'il pourra particulièrement les aider dans des domaines où notre pays a encore de nombreux progrès à accomplir. Je pense à la liberté d'expression prévue par l'article 13 de la convention, à la liberté de pensée, de conscience et de religion prévue par l'article 14, et à la liberté d'association et de réunion pacifique évoquée dans l'article 15.

L'affirmation de ces droits peut permettre de rompre avec les visions segmentées des âges de la vie d'un individu. Schématiquement, il y aurait l'enfant qui a besoin de protection, l'adolescent qui est en révolte et l'adulte qui possède toutes ses capacités intellectuelles et qui est capable de protéger et d'expliquer le monde. Même si ce schéma n'est pas totalement infondé, il a le défaut, justement, d'être schématique.

L'enfant n'est pas un individu complètement différent de l'adolescent et de l'adulte qu'il sera plus tard. L'adulte ne devient pas citoyen par une métamorphose subite dans la nuit de ses dix-huit ans. Devenir citoyen, c'est un pro-


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cessus d'apprentissage permanent. Les outils nécessaires à la compréhension du monde dans lequel on vit doivent être accessibles dès le plus jeune âge. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'embrigader les enfants et les jeunes, mais bien de leur permettre d'agir sur les problèmes qui les préoccupent, et de ne pas agir à leur place. En ce sens, le respect des droits de l'enfant est un enjeu politique majeur.

C'est aussi en permettant aux enfants d'être les artisans des règles de vie commune qu'ils se construiront des repères collectifs allant à l'encontre des pires solutions individuelles comme la violence.

Il nous appartient de leur dire que nous prenons au sérieux leur parole. C'est pourquoi je me félicite que la proposition de loi du Parlement des enfants de 1998 soit discutée après celle-ci cet après-midi. Voilà la preuve que le Parlement des enfants n'est pas un simple exercice de style ! Permettez-moi à ce sujet de m'étonner que la proposition de loi du Parlement des enfants de 1997 ne soit pas encore venue en discussion dans cet hémicycle. Les enfants réclamaient une infirmière par groupe scolaire. Or la commission a préconisé un effort urgent concernant la santé à l'école, et, comme de nombreux orateurs, Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire a reconnu, lors de la discussion du budget de l'éducation nationale, l'insuffisance des effectifs pour la santé à l'école, et en particulier du nombre d'infirmières.

Certains ici le savent, j'ai lancé dans le pays une campagne de pétition pour réclamer la présence d'une infirmière par groupe scolaire. La pétition recueille aujourd'hui plus de 7 000 signatures dans toute la France.

Evidemment, la proposition de loi de 1997 a un coût supérieur à celle de 1998, mais la parole des enfants ne doit pas être prise en compte en fonction du coût plus ou moins élevé des propositions qu'ils font. Ou alors il faut les prévenir avant.

Le droit à la santé contenu dans l'article 24 de la convention doit être le même pour tous les enfants de ce pays. Comment le médiateur pourra-t-il faire respecter ce droit si des postes d'infirmières ne sont pas créés rapidement en beaucoup plus grand nombre ? Enfin, il est indéniable que le médiateur contribuera à l'information des enfants sur leurs droits. Il aidera sûrement à faire connaître la convention. L'école peut aussi avoir un rôle majeur dans ce cadre, mais il serait dommageable que l'on enseigne la convention sans que les enfants puissent exercer leurs droits.

Le rapport souligne que l'éducation citoyenne se résume aujourd'hui à une ou deux heures dans le programme d'éducation civique de la classe de quatrième. Il est un peu court d'imputer les limites de cette disposition à « l'intérêt souvent limité du corps professoral pour l'enseignement de cette discipline ». Je pense que le fonctionnement même des établissements scolaires ne favorise pas le débat démocratique à l'intérieur de l'institution. Si les élèves souffrent de ne pas être entendus par les adultes - les lycéens l'ont rappelé à l'occasion de leur mouvement de lutte -, le corps enseignant souffre dans ses pratiques quotidiennes d'être confronté à un système hiérarchisé et cloisonné.

Si M. le ministre de l'éducation nationale a affirmé sa volonté de voir vivre la démocratie lycéenne, il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, des lycéens, dans certains établissements, - et je pourrais parler de ceux de ma circonscription -, sont santionnés pour fait de grève. On le voit, il y a beaucoup de travail à accomplir pour promouvoir les droits des enfants et la philosophie de la convention.

Le médiateur aidera, mais il ne pourra le faire que dans le cadre des lois votées par la représentation nationale. Aussi convient-il de réfléchir à la mise en place d'un dispositif de formation des professionnels qui sont au contact des enfants et des jeunes.

L'instauration du médiateur pour les enfants ouvre donc la voie à de vastes chantiers pour améliorer la situation des enfants et des jeunes dans notre pays. Pour cela, il devra disposer des outils nécessaires à l'accomplissement de sa tâche : outils législatifs, je l'ai déjà dit, mais aussi moyens matériels.

Il est important, dans ce cadre, d'avoir présente à l'esprit la situation dans laquelle se trouve le centre international de l'enfance et de la famille, qui a beaucoup contribué au travail de la commission d'enquête.

Sa dissolution a été votée par un conseil d'administration nommé par le Gouvernement. Aujourd'hui, après que le personnel s'est battu pour cela, il semble qu'il y ait une évolution et que des solutions de reclassement commencent à être étudiées avec eux. Cela dit, tous ces personnels ont une expérience professionnelle dans le domaine des droits de l'enfant, et la question de l'avenir du fonds documentaire du CIDEF reste posée et inquiète nombre de militants de l'enfance.

Ne faut-il pas, au moment où nous discutons de l'instauration d'un médiateur des enfants, réfléchir au reclassement du personnel qui le souhaite dans les services du médiateur des enfants ? Ne faut-il pas mettre sous l'autorité et à disposition du médiateur des enfants le fonds documentaire du CIDEF ? Vous comprendrez, au vu de ma démarche, que j'ai déposé des amendements qui visent à rendre possible la saisine collective du médiateur. Qu'avons-nous à craindre d'une expression collective des enfants ? Qu'avons-nous à craindre de l'intervention des associations qui militent pour les droits de l'enfant ? Il me paraît particulièrement intéressant que nous prenions le temps de discuter ces amendements. C'est le résultat d'un travail mené en étroite collaboration avec le président du tribunal pour enfants de Bobigny, JeanPierre Rosenczveig, qui a eu l'amabilité de travailler sur ce texte.

Je tiens d'ailleurs à exprimer un regret. J'aurais souh aité que les députés membres de la commission d'enquête soient consultés en amont du dépôt de ce texte. La commission d'enquête a fait une quarantaine de propositions. Le travail que nous avons mené dans ce cadre fut fructueux et constructif et je souhaite que nous puissions continuer à travailler de la même manière dans l'avenir.

C'est, j'en suis sûr, ce que nous allons faire dès à présent et nous soutiendrons bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle, puisque vous y avez fait allusion, que les propositions du Parlement des enfants doivent être traduites dans la loi. Il y en aura un nouveau au mois de mai ou de juin prochain. Par ailleurs, comme nous sommes à l'orée de l'an 2000, nous réunirons au mois de novembre, en liaison avec l'UNESCO, un Parlement mondial des enfants.

Un garçon et une fille de chaque pays du monde siége-


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ront ici, à l'Assemblée nationale, et adopteront une déclaration des enfants pour le

XXIe siècle. Cela me paraît très intéressant. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très bonne initiative !

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille, pour le groupe UDF.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je voudrais, avant de parler de ces propositions, remercier très sincèrement le président de l'Assemblée nationale pour l'attention qu'il porte au problème de l'enfance en difficulté, qui est sans doute le plus grand problème de notre société puisque cette enfance est notre avenir.

Le président Fabius ne s'est pas contenté de voeux pieux. Il a décidé la création d'une commission d'enquête parlementaire. Je tiens à souligner, comme mes collègues qui m'ont précédée, le sérieux du travail réalisé pendant plusieurs mois. Le président nous a permis d'auditionner toutes les personnalités compétentes, et tous les membres de la commission d'enquête étaient invités à chaque réunion.

L'excellent rapport de M. Bret, voté à l'unanimité, avec juste quelques remarques, traduisait bien cette volonté de déboucher sur des textes devant améliorer les conditions de vie qui permettront à nos enfants de devenir des êtres humains à part entière, libres et responsables. Les animaux n'abandonnent jamais leurs petits avant qu'ils ne soient indépendants et responsables. Les êtres humains peuvent en faire autant, ce qui n'est pas toujours le cas.

Le texte proposé aujourd'hui est la première manifestation de cette volonté.

La lecture de la première proposition de loi aimablement envoyée par le président Fabius dès le 6 novembre à tous les membres de la commission était claire. Il fallait juste éclaircir un point dans le premier alinéa de l'article.

En tant que porte-parole de l'UDF, j'avais déjà rédigé une intervention, ne pensant pas que le texte changerait à ce point.

Mon premier étonnement est venu du fait qu'aucun des membres de la commission d'enquête que j'ai interrogés n'avait été averti du jour et de l'heure de la discussion en commission des lois. Mon deuxième étonnement est venu du fait que le rapport n'était pas à la distribution lundi mais seulement mardi en fin de matinée. Mais mon plus grand étonnement est venu de la lecture de la nouvelle proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui. Ce n'est plus le même texte.

On peut lire dans le rapport de M. Bret que le médiateur des enfants peut être saisi de toute affaire concernant le demandeur ou qu'il n'a pas compétence pour connaître directement d'un conflit de personnes, par exemple d'un conflit familial, dont la prise en charge relève de l'autorité administrative ou judiciaire. Le médiateur joue donc vraiment le rôle d'une passerelle entre les enfants et le monde des adultes. C'était clair, net et précis. Or le nouveau texte complique au lieu de simplifier.

Vu le temps qui m'est imparti, je n'insisterai que sur trois points essentiels qui ont été ajoutés par la commission des lois.

La notion de parentalité, je le sais, madame la ministre, vous est très précieuse. C'est la notion essentielle de notre code civil, dont l'article 371-2 dispose que

« l'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité ». « Ils ont à cet égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. »

L'autorité appartient au père et à la mère, même après le divorce, sauf s'il y a eu une intervention du juge des affaires familiales qui en a décidé autrement.

Ce sont donc les parents, qu'ils soient biologiques ou adoptants, qui doivent assurer en premier lieu la protection et l'éducation de leur enfant. Si, pour des raisons qui leur appartiennent, ils souhaitent pendant un certain temps confier cette charge à d'autres, ils demandent au président du conseil général, qui, après une décision de justice, choisit avec eux la meilleure solution : placer l'enfant auprès d'une famille d'accueil ou dans une institution, le conseil général assurant le prix de journée. S'ils sont vraiment des parents indignes, un jugement les déchoit de leurs droits de parents, mais il n'y a pas d'autre état pour enfant. Pas une fois dans ce texte, il n'est fait référence au travail de médiation entre les parents responsables de leur enfant et le médiateur. Il est impensable de rayer aussi catégoriquement cette fonction essentielle de parentalité qui est la plus noble de l'humanité.

Deuxième point, les lois de décentralisation ont donné au président du conseil général la compétence de la prévention et de la protection des enfants. Or, dans l'ajout fait par la commission des lois à l'article 3, le médiateur fait une déclaration à l'autorité judiciaire. Que se passerat-il lorsque le président du conseil général fera également une déclaration à l'autorité judiciaire, à la demande de différentes organisations ? N'y aura-t-il pas court-circuit ? On sait qu'avant de faire une déposition auprès du juge, le président du conseil général fait une longue enquête approfondie. Le médiateur, lui, n'a aucun moyen. Il y a un médiateur central et un médiateur par département, c'est tout. Qui fera une enquête pour assurer le respect de l'enfant et de sa famille ? Il n'en est pas fait mention, ce que je trouve très grave.

E nfin, l'article 5 original de la proposition de M. Fabius et de M. Bret est complètement dénaturé par les ajouts de la commission des lois. Le nouvel article mérite d'être corrigé.

Ce que propose la Commission nationale consultative des droits de l'homme me paraît tout à fait intéressant : approuvant le constat dressé par la commission parlementaire d'enquête sur les droits de l'enfant en France et convaincue de la justesse de l'argumentation présentée par le médiateur de la République, elle propose que le médiateur de la République s'adjoigne un délégué général à l'enfance, ce qui maintiendrait l'unicité de la médiation institutionnelle au regard de l'indivisibilité des droits de l'enfant. Ce délégué examinerait les réclamations individuelles d'enfants mineurs.

Ce délégué général à l'enfance serait exactement ce que nous demandions pour le médiateur. Ils ne se gêneraient pas l'un et l'autre et leurs compétences s'ajouteraient, ce qui me paraît intéressant.

Je souhaiterais que l'on revienne au texte initial du président Fabius et de M. Bret, et j'ai déposé des amendements tendant à supprimer les aménagements apportés par la commission des lois.

Avant que nous ne nous prononcions par un vote, j'aimerais connaître le résultat de la concertation entre le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dont les propositions me paraissent importantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

L'UDF attendra la fin de la discussion pour se prononcer, même si la première proposition que le président Fabius et M. Bret avait portée à notre connaissance nous paraissait très positive.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. José Rossi, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. José Rossi.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la Déclaration des droits de l'homme de 1948 proclamait le droit des enfants à bénéficier d'une aide et d'une assistance spéciales. Son cinquantième anniversaire peut être aujourd'hui dignement fêté puisque les droits de l'enfant sont mieux protégés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient en 1948. La proposition de loi dont nous allons débattre a pour objectif d'améliorer encore la protection des droits de l'enfance car, incontestablement, beaucoup reste à faire.

Je rappellerai, après ceux qui se sont exprimés à cette tribune, que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'état des droits de l'enfance en France a fait un excellent travail. Son objectif de donner aux enfants une plus grande place dans la cité a abouti à une proposition très concrète sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer : la création d'un médiateur des enfants.

L'intention est louable et le groupe Démocratie libérale et Indépendant, partage les objectifs généraux affichés par la commission d'enquête. Néanmoins, il nous appartient de réfléchir ensemble aux modalités de création de cette institution nouvelle. A ce titre, les solutions proposées peuvent diverger de celles des auteurs de la proposition de loi. Certes, il est opportun de renforcer l'accès des enfants mineurs à la médiation comme de s'assurer qu'une autorité indépendante veille bien au respect des droits des enfants en tant que personnes, par les administrations publiques, mais on peut légitimement s'interroger sur le point de savoir s'il est nécessaire de créer une nouvelle institution administrative indépendante par rapport a ux organisations existantes, comme l'a indiqué Mme Isaac-Sibille il y a un instant, pour arriver à l'objectif que nous voulons atteindre ensemble.

Quoi qu'il en soit, la création d'un médiateur des enfants ou, en tout cas, la création d'un interlocuteur privilégié pour les enfants est à la fois une demande forte de la société et une formule qui se développe dans les pays voisins, marquant un intérêt évident pour l'objectif poursuivi avec un degré de réussite non négligeable et correspondant à une attente des populations concernées.

Ces pays ont cependant une vision plus large du rôle du médiateur que celle qui est proposée dans la proposition de loi qui vous est soumise. Leurs expériences, par ailleurs, sont difficilement transposables dans notre pays compte tenu des traditions juridiques et de la pratique des uns et des autres.

Le médiateur des enfants norvégien, par exemple, créé en 1981, a pour mission de promouvoir les intérêts des enfants, non seulement vis-à-vis du secteur public mais a ussi du secteur privé, en suivant l'évolution des conduites de développement des enfants ; il doit, de sa propre initiative ou sur information, protéger les intérêts des enfants ; il doit veiller à l'observation de la législation relative aux droits de l'enfant, proposer toute mesure législative tendant à renforcer la sécurité des enfants ; il peut accéder directement à toute institution publique ou privée.

La Wallonie a aussi une délégation générale aux droits de l'enfant, et ce depuis 1991. Elle a pour mission d'informer le public des droits des jeunes, d'adresser des recommandations aux autorités concernées, qu'elles soient publiques ou privées.

La Suède, à son tour, s'est dotée d'un médiateur des enfants qui s'assure que les autorités locales appliquent réellement la convention sur les droits de l'enfance. Ce médiateur traite de l'enfance maltraitée, il remplit un rôle de coordination entre différentes institutions et dispose même d'une ligne d'appel gratuite, assez largement utilisée.

On pourrait poursuivre avec l'Espagne et son Defensor del Pueblo, l'Allemagne et sa commission des questions de l'enfance...

Ce mouvement est dans le droit-fil de la Convention de New York sur les droits de l'enfant, mais aussi des recommandations du Conseil de l'Europe, notamment celle du 1er février 1990 qui conseille aux Etats européens

« de nommer un médiateur spécial pour les enfants qui pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et éventuellement ester en justice des poursuites en leur nom ».

J'en viens à la proposition elle-même.

Le médiateur des enfants que vise à instituer la présente proposition est à la moitié du chemin : il n'est pas chargé de l'ensemble des problèmes des enfants, il ne veille qu'au respect des droits de l'enfant par les autorités publiques et, en même temps, il a une position privilégiée, puisqu'il devient une autorité indépendante, ce qui marque une sorte de distorsion par rapport aux pouvoirs qui sont les siens, plus réduits que dans d'autres pays.

Il ne sera pas « une clef de voûte à l'édifice complexe de la protection de l'enfance » ni « une passerelle entre les mineurs et le reste de la société » comme vous le souhaitez vous-même, monsieur le président.

La proposition de loi que vous présentez avec M. JeanPaul Bret pourrait ne pas atteindre tous les objectifs ambitieux qu'elle se fixe à juste titre.

En effet, en instituant une nouvelle autorité indépendante, chargée de la médiation des enfants, la proposition de loi donne des compétences limitées à cette nouvelle institution : il ne s'agit, je le répète, que des relations avec l'administration. Le médiateur des enfants ne sera pas l'interlocuteur privilégié des enfants, mais un interlocuteur supplémentaire, parmi d'autres, et il aura des compétences limitées. Sa compétence est limitée aux seules plaintes relatives au fonctionnement d'une administration : la compétence du médiateur des enfants n'est ainsi pas reconnue pour connaître directement d'un conflit de personnes. Or cette disposition est au coeur même des difficultés que soulève votre proposition de loi.

De cette manière, le médiateur des enfants risque d'être en concurrence directe avec le médiateur de la République qui assure déjà la protection du droit des enfants, de façon, hélas ! trop limitée, mais certaine. En effet, le médiateur de la République reçoit très régulièr ement des réclamations qui concernent les enfants et qui lui sont adressées par leurs parents, leurs grands-parents, leurs représentants légaux ou encore des associations. Plusieurs exemples pourraient être développés sur le rôle du médiateur de la République sur ce sujet, ayant concerné directement ou indirectement des mineurs : il s'agit de traiter des conflits impliquant des mineurs ou dont les conséquences les concernent directement, alors même que le conflit en cause n'aurait aucune raison d'être signalé par un enfant ou que le problème ne résulte nullement


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d'un non-respect des droits de l'enfant par une administration. En instaurant un médiateur des enfants, vous risquez alors de troubler les intéressés : les parents devrontils saisir le médiateur des enfants ou le médiateur de la République pour un domaine concernant indirectement leurs enfants ? Ainsi, tout à fait paradoxalement, le médiateur des enfants aurait un rôle à la fois concurrent et plus limité que le médiateur de la République. Certes, la commission des lois, sous l'autorité de sa présidente et de son rapporteur, a tenté de résoudre la difficulté en adoptant des amendements pour permettre la transmission à l'un des médiateurs des réclamations relevant de la compétence de l'autre. Tout le monde a donc compris la difficulté, mais la solution n'est pas parfaitement claire.

En dernier lieu, cette solution pose un réel problème de principe sur le rôle et la place du médiateur de la République dans nos institutions, car la création d'un médiateur des enfants constitue incontestablement un démembrement de sa fonction.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants a proposé un dispositif alternatif par le biais d'un amendement qui, présenté tardivement, n'a pas été adopté par la commission des lois. Nous avons d'ailleurs, ce matin, madame la présidente de la commission, fait le constat ensemble, que nous n'avions pas eu, moi le premier, la possibilité d'approfondir la proposition de loi lorsque celle-ci est venue en discussion : il suffit de se reporter au rapport pour s'en apercevoir. Aussi, au cours de la réunion prévue par l'article 88 du règlement, avons-nous improvisé. Mais ce texte ira au Sénat, reviendra et il peut donc s'améliorer encore.

M. Jean-Paul Bret.

On fait confiance au Sénat.

M. José Rossi.

En tout cas, pour le principe, je défendrai l'amendement, que j'ai présenté ce matin dans le cadre de l'application de l'article 88, qui propose un dispositif alternatif poursuivant les mêmes objectifs que la proposition de loi. Pour garantir l'efficacité de la protection des enfants mineurs, nous proposons de permettre la saisine directe du médiateur de la République par les enfants et d'instituer un délégué général. C'est peu ou prou la proposition de Mme Isaac-Sibille, d'instituer un délégué général de l'enfance auprès du médiateur de la République, qui serait spécialisé dans les droits de l'enfant.

Le délégué général examinerait les réclamations individuelles des enfants mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme investi d'une mission de service n'ont pas respecté les droits de l'enfant. Et ainsi, ce délégué général bénéficierait d e l'expérience acquise depuis vingt-cinq ans par le médiateur de la République qui a une réelle autorité auprès des administrations et jouit d'une doctrine sur les conditions et les limites de son intervention, tout en ayant le c oncours de spécialistes compétents dans tous les domaines du droit et parfaitement formés aux techniques de médiation.

Notre société, qui souffre de l'affaiblissement des liens sociaux, a certainement besoin de médiateurs. L'objectif poursuivi est louable, et comme nous le partageons, nous nous associerons à cette démarche.

Pour ma part, j'aurais préféré comme de nombreux collègues, une gestion plus ambitieuse de ce dossier - mais nous ne faisons que commencer notre parcours législatif et plus proche du terrain, car les relations des enfants avec les administrations lointaines, même s'il y a des délégués départementaux, ne sont peut-être pas aussi simples qu'on l'imagine. Il est clair que les enfants, qui sont l'avenir du monde, ont le droit d'être entendus et protégés plus que tous les autres êtres humains.

Comme le dit Charles Péguy : « Tout ce que l'on fait, on le fait pour les enfants, et ce sont les enfants qui font tout faire. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La discussion générale commune est close.

ME DIATEUR DES ENFANTS

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9 du règlement. les articles de la proposition de loi, dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Rossi a présenté un amendement, no 31, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« La loi no 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République est ainsi modifiée :

« 1o Le premier alinéa de l'article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il est institué auprès du médiateur de la République, un délégué général à l'enfance. Il reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ayant un effet direct." »

« 2o L'article 14 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le médiateur de la République organise des actions d'information sur les droits de l'enfant et leur respect effectif. »

La parole est à M. Rossi.

M. José Rossi.

Ma démarche sera sans doute vaine dans la mesure où les travaux de la commission ont pris ce matin une orientation différente. Cela dit, je vous propose néanmoins d'adopter un article additionnel avant l'article 1er qui s'inspire d'une autre logique que celle du texte qui nous est proposé. Si cet amendement était adopté, la proposition de loi n'aurait plus d'objet. Je propose d'écrire ceci : « Il est institué auprès du médiateur de la République, un délégué général à l'enfance. Il reç oit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ayant un effet direct. »

Il est en outre précisé que « le médiateur de la République organise des actions d'information sur les droits de l'enfant et leur respect effectif ».

Nous estimons en effet préférable, pour maintenir l'unicité de la médiation institutionnelle, d'instituer un délégué général à l'enfance chargé de veiller au respe ct des


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droits de l'enfant en étendant les compétences du médiateur de la République plutôt que d'instituer un autre médiateur spécialisé des enfants.

U ne nouvelle autorité indépendante présente des risques de conflits de compétences et pourrait poser des problèmes de lisibilité. L'existence de deux autorités indépendantes chargées des mêmes missions dans un domaine de compétence identique contribuerait, de plus, à obscurcir la situation institutionnelle.

Pour garantir l'efficacité de la protection des droits des enfants mineurs, il est ainsi envisagé d'autoriser la saisine directe du médiateur de la République par les enfants mineurs ou par leurs représentants légaux et de prévoir que le médiateur organise des actions d'information sur les droits de l'enfant et leur respect effectif.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement. Cependant, cet amendement, tout le monde l'aura compris, vise à ne surtout pas créer un médiateur des enfants. J'y suis donc défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration général de la République.

Monsieur Rossi, en abordant la question de cette manière vous nous permettez de préciser à nouveau l'objectif de cette proposition de loi.

La commission a estimé que le texte permet d'éviter les risques de conflits de compétences et organise même une information réciproque qui sera profitable aux deux institutions.

Sur le fond, monsieur Rossi, si, en effet, la fonction est comparable, la nature même de l'institution est différente par le public qu'elle concerne. C'est ce à quoi tendaient les travaux de la commission sur les droits de l'enfant et ceux que nous avons menés sur ce texte.

Il s'agit, en effet, de donner la parole aux enfants mineurs. Cela n'est pas comparable avec la prise de parole du citoyen adulte qui, en pleine responsabilité, se trouve confronté à un certain nombre de difficultés dans ses relations avec l'administration. Nous avons donc estimé qu'il était souhaitable de créer deux lieux d'écoute clairement distincts, en raison même du statut juridique des publics concernés, mineurs et adultes.

J'ajouterai qu'il y a une autre raison pour bien identififer cette nouvelle « médiature » : contribuer à l'éducation à la citoyenneté. Sur ce point, nous savons que le rapport à la cité doit être enseigné dès le plus jeune âge. C'est pourquoi il a paru très important à la commission des lois d'entamer cette démarche, de former les futurs adultes à la saisine du médiateur par le biais d'une institution qui leur soit propre. La confusion au sein d'une même institution, si respectable soit-elle, nous priverait de la spécificité de la prise de parole des mineurs et de ce travail d'éducation à la citoyenneté.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. J'ai répondu tout à l'heure par anticipation, en montrant à quel point la spécificité du texte réside dans l'institution du médiateur des enfants. Le fondement de ce texte repose sur la reconnaissance des droits de l'enfant. Il n'y a pas de risque par ailleurs de confusion entre le médiateur de la République et le médiateur des enfants, puisque la proposition de loi prévoit explicitement des modalités de coordination entre les deux. Ce serait affaiblir le dispositif que de l'édulcorer dans une annexe du médiateur de la République.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Je suis quelque peu étonné par cet amendement portant article additionnel. En effet, comme l'a fait remarquer Mme Claudine Ledoux à M. Rossi et à Mme Issac-Sibille, qui ont déposé des amendements presque identiques, comment peut-on à la fois dire qu'on est d'accord avec un texte qui vise à instituer un médiateur des enfants et proposer de créer, à la place, un poste de délégué général à l'enfance auprès du médiateur de la République ? Cela revient à arrêter la discussion maintenant et à annuler la proposition de loi !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Pas du tout !

M. Jean-Paul Bret.

Mme la ministre, Mme la présidente de la commission et Mme Ledoux ont insisté sur la spécificité du médiateur des enfants et rappelé que plusieurs articles prévoyaient des liens avec le Médiateur de la République. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter sur ce point.

Mme Isaac-Sibille nous a dit qu'il ne s'agissait pas des conclusions de la commission d'enquête parlementaire.

J'ai ici une photocopie du texte que nous avons adopté à l'unanimité. Permettez-moi d'en donner lecture : « Au plan institutionnel, le médiateur des enfants doit constituer une entité autonome et avoir un statut et des m oyens analogues à ceux du Médiateur de la République. » Il n'est pas possible d'être plus clair.

Si vous n'êtes pas d'accord aujourd'hui, dites-le, mais ne vous appuyez pas pour cela sur les conclusions de la commission d'enquête parlementaire avec lesquelles vous étiez d'accord.

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je crois que je me suis mal fait comprendre. J'ai bien dit que j'étais d'accord avec le rapport, à quelques nuances près que j'ai citées.

Toutefois, à l'époque, n'étant pas juriste, je n'avais pas mesuré les inconvénients que présenterait l'institution d'un nouveau médiateur et que souligne le rapport du président de la commission des droits de l'homme, qui recommandait, pour une meilleure lisibilité et pour plus de facilité, de créer un poste de conseiller spécial pour l'enfance auprès du médiateur.

La fonction de médiateur de la République a toujours été occupée par des hommes remarquables. Chacun connaît le travail effectué par M. Pelletier. Les documents que nous recevons tous les ans nous montrent bien que le médiateur de la République intervient sur des problèmes qui concernent des enfants.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Très rarement !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

J'estime qu'il est plus simple pour les enfants et pour les adultes de n'avoir qu'un seul interlocuteur.

C'est après avoir pris connaissance de ce rapport que j'ai regretté d'avoir été à 100 % pour la proposition de la loi Fabius et estimé qu'il aurait été préférable, pour les enfants et pour les adultes, d'instituer auprès du médiateur de la République un adjoint qui s'occupe des enfants.

M. le président.

Je pense que le débat a été intéressant.


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Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Il est institué un médiateur des enfants, autorité indépendante.

« Celui-ci reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leur représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié, ou approuvé, ayant un effet direct.

« Il reçoit en outre, selon les mêmes modalités, toute réclamation individuelle concernant un organisme visé à l'alinéa précédent avec lequel l'enfant est en rapport et qui n'a pas fonctionné conformément à la mission de service public qu'il doit assurer. »

La parole est à Mme Dominique Gillot, inscrite sur l'article.

M me Dominique Gillot.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 1er de cette proposition vise à instituer un médiateur des enfants.

La création de cette insitution s'inscrit dans la droite ligne des initiatives prises depuis l'adhésion en 1990 de la France à la convention interntionale relative aux droits de l'enfant. Je rappellerai la modification du code civil instituant le juge aux affaires familiales, la reconnaissance à l'enfant âgé de plus de treize ans du droit à donner son accord pour procéder au changement de son prénom, le droit dévolu au mineur d'être entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet dans toute procédure le concernant et l'extension du bénéfice de l'aide juridictionnelle aux mineurs.

Par ailleurs et parallèlement, une culture de médiation, pourtant étrangère à nos habitudes, a imprégné peu à peu notre vie sociale : de façon ponctuelle, pour résoudre des conflits ; de façon institutionnelle, à l'initiative de collectivités locales ou de services publics, voire dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale.

Alors que, aujourd'hui, nombre d'initiatives relèvent du souci de rechercher une médiation entre le monde des enfants et des jeunes et la société, il aura fallu la recommandation du Conseil de l'Europe de février 1990 demandant aux Etats européens d'« envisager de nommer un médiateur spécial pour les enfants », la résolution du Parlement européen de juillet 1992 relative à la charte européenne des droits de l'enfant invitant les Etats membres à nommer un défenseur des droits de l'enfant au niveau national et, enfin, en mai dernier, les conclusions de la commission d'enquête sur l'application des droits de l'enfant en France et l'appel à l'attention du l égislateur sur l'utilité d'instituer un médiateur des enfants - qui serait en quelque sorte la clé de voûte à l'édifice complexe de la protection de l'enfance -, pour que nous soyons saisis, aujourd'hui, à la veille de la journée nationale des droits de l'enfant, de cette proposition de loi présentée par notre président, Laurent Fabius, et par le rapporteur de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, Jean-Paul Bret.

Est-ce en raison de la rapidité de l'examen de la proposition, du scepticisme français à l'égard des procédures d'ombudsman importées des pays anglo-saxons, de l'autosatisfaction des institutions publiques de l'enfance, de la multiplicité et de la diversité des réponses déjà existantes , de l'affirmation nouvelle d'un discours politique fort sur la définition de l'enfant à partir de sa filiation ainsi que sur celle de la famille à partir de l'autorité et de la responsabilité parentales qui ont fait que ce texte a suscité des réactions, il faut l'admettre, mitigées, situées à égal distance entre la forte adhésion et la plus grande réserve ? Pour ma part, je soutiens cette institution nouvelle parce que notre société se doit de développer le maximum de passerelles entre les enfants et le reste de la société, de lutter contre l'absence d'espoir en l'avenir et le sentiment d'injustice qui se développent de plus en plus chez nombre de nos jeunes qui se sentent exclus des droits fondateurs de notre République.

Le champ d'intervention du médiateur des enfants devra se cantonner à la classe d'âge des moins de dix-huit ans qui a un statut juridique commun : celui de la minorité.

Dans la tradition juridique française, l'enfant mineur est titulaire de droits. Il lui sont reconnus pour lui-même, parce qu'il est un individu et que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 affirme que

« les hommes naissent libres et égaux en droits », sans distinction d'âge.

Cependant, si l'enfant est titulaire de droits, il ne faut pas oublier que ce sont ses parents ou ses représentants légaux qui les exercent en son nom pour veiller à la défense de ses intérêts matériels et moraux.

Reconnaître, affirmer les droits des enfants ne signifie pas que leurs parents doivent renoncer à exercer leur propre responsabilité. Il revient aux parents de préparer les enfants à l'exercice de leurs droits. Cependant, dans des cas de manquements, notamment de la part des institutions publiques, des administrations ou des collectivités territoriales, il sera juste et utile qu'une autorité morale indépendante puisse être saisie.

Les adultes pourront toujours saisir le médiateur de la République, mais les mineurs qui estiment leurs droits bafoués ou mal respectés disposeront, eux aussi, une procédure de recours auprès de cette autorité attachée à l'enfance et aux enfants dans leur pluralité de situation ; ils pourront y être aidés par leur représentant légal.

De plus, les missions et le champ d'intervention du médiateur tels qu'ils sont définis par les autres articles de cette proposition introduiront une dynamique dans nos politiques publiques en direction de l'enfance et de la jeunesse, notamment en direction de ceux qui sont le plus exposés aux injustices et au processus d'exclusion, deux éléments sont combattus de façon déterminée et cohérente par le projet de politique globale mis en oeuvre dans notre pays depuis juin 1997.

Ce texte contribuera : à améliorer les conditions de vie des enfants dans notre pays ; à rechercher des solutions aux situations conflictuelles que supportent les enfants, sans pour autant entrer dans la gestion directe des crises familiales qui relèvent de l'intervention judiciaire ; à mettre en évidence les zones d'ombre qui existent dans le domaine du respect des droits de l'enfance et de ses besoins ; à informer les enfants mais aussi les adultes, y compris les responsables administratifs et politiques, sur leur droits et leurs devoirs ; à promouvoir une approche de notre droit, qui privilégie la prise en compte de l'enfant et sa participation à son devenir. Si certains ont aujourd'hui tendance à remettre en cause le droit de l'enfant à l'innocence, l'enfant doit rester, dans le cadre de sa famille ou de son substitut, un


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citoyen en devenir qui a besoin pour se construire du cadre de l'autorité parentale, de l'affection et de l'attention de son père et de sa mère mais aussi des pouvoirs publics.

L'affirmation des droits de l'enfant ne s'inscrit donc p as dans une problématique d'affrontement ou de concurrence avec les devoirs des adultes qui ont la charge de son évolution.

Nous savons bien que l'exercice de la parentalité, exercice qui participe d'un double processus de socialisation et de personnalisation de l'enfant, doit être accompagné lorsque les parents se trouvent dépassés.

Le médiateur des enfants sera un des outils de cette aide à l'exercice de la parentalité dans le sens où il permettra de pallier l'impuissance des parents face à des procédures complexes, impuissance qui conduit trop souvent au sentiment de déqualification et de dévalorisation des adultes aux yeux de certains enfants.

Permettez-moi de réaffirmer qu'un enfant n'a que des droits, qui confèrent des obligations aux adultes qui en ont la charge. Il appartient aux pouvoirs publics de vérifier l'exercice de ces responsabilités et de pallier leurs carences autant que de besoin.

Le médiateur des enfants, par son autorité morale, sa personnalité, ses convictions et ses missions sera un élément essentiel de cette nouvelle étape dans l'affirmation des droits imprescriptibles de l'enfant.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet article 1er dans sa rédaction initiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du goupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

(M. Patrick Ollier remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Je tiens d'abord à préciser que je donne mon accord de principe à cette proposition de loi. Je me réjouis en effet que, six mois après l'adoption de l'excellent rapport de Jean-Paul Bret, nous puissions débattre dans cet hémicycle de l'une des cinq propositions qu'il comportait. Il faut souligner ici la volonté du président Fabius de vouloir aborder de front ces sujets, et ça méritait d'être reconnu publiquement.

Même si ce texte ne permettra pas de mettre fin à toutes les horreurs qui nous ont été rapportées tous les jeudis matin durant quatre mois, il ne peut en tout cas pas nuire, bien au contraire.

Pour autant, avant d'organiser la protection des enfants de ce pays et leur ouvrir des voies de recours, il faudrait peut-être se poser la seule vraie question qui nous concerne tous, petits et grands : quelle place voulons-nous réellement accorder aux enfants dans notre société ? Or, ce ne sont pas les attaques régulières dont sont victimes les familles depuis quelque temps ni l'organisation d'un PACS dans lequel la situation des enfants n'est même pas évoquée qui pourraient nous rassurer à ce sujet.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Néanmoins, monsieur Bret, je considère, car je suis constructif, que cette proposition de loi constitue une première étape positive (Exclamations sur les mêmes bancs) dans la voie de la prise en considération des enfants, qui sont l'avenir de notre pays.

Il faudra toutefois s'assurer que le médiateur puisse bénéficier de la promotion nécessaire de sa fonction. En effet, il est à craindre que son existence n'échappe aux plus démunis des enfants, et donc à ceux qui pourraient en avoir le plus besoins.

A ce propos, le président Fabius a saisi le président du CSA pour qu'il étudie la possibilité de diffuser sur une chaîne publique nationale de télévision à une heure de grande écoute un journal d'information des enfants. Or, jusqu'à présent, aucun des membres de la commission n'a eu connaissance d'une réponse qu'aurait pu adresser le président du CSA à ce courrier.

M. Jean-Paul Bret.

Si !

M. Pierre-Christophe Baguet.

J'en suis ravi pour vous.

La création d'un médiateur des enfants ne nous fera pas faire l'économie d'une réflexion plus large sur la situation des enfants dans notre pays, mais elle peut contribuer à une plus grande sensibilisation de l'opinion publique, notamment par la rédaction d'un rapport annuel remis au Président de la République et au Parlement. Rien que pour cette raison, cette proposition de loi mérite d'être approuvée. A titre personnel, je voterai donc cette proposition, en espérant qu'elle sera suivie rapidement d'autres démarches, notamment en faveur des adolescents et des jeunes plus âgés.

M. le président.

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Rédiger l'article 1er :

« Il est institué un délégué général à l'enfance auprès du médiateur de la République.

« Le délégué général à l'enfance reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs qui estiment qui les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales, les établissements publics ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant. Le délégué général à l'enfance doit prendre obligatoirement contact avec les parents de l'enfant, avant de prendre toute décision.

« Les réclamations peuvent également être présentées par le représentant légal du mineur. »

La parole est à Mme Isaac-Sibelle.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement. Il est proche de l'amendement précédent et, pour les mêmes raisons, j'y suis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Birsinger et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'article 1er , après le mot : "individuelles" insérer les mots : "et collectives" ».

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Nous souhaitons élargir le droit de saisine. La saisine individuelle, qui constitue certes la saisine essentielle puisqu'elle reconnaît l'enfant comme un


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individu et sa responsabilité individuelle, ne s'oppose pas à la saisine collective, laquelle permettrait à un groupe d'enfants de pouvoir saisir le médiateur des enfants sur toutes questions ou difficultés qu'ils peuvent rencontrer.

Cette possibilité correspond bien à l'article 15 de la convention relative aux droits de l'enfant qui reconnaît le droit d'association. Et comme le médiateur sera le principal défenseur du droit des enfants dans notre pays, il est i mportant que les modalités de saisine de celui-ci prennent en compte les droits contenus dans la convention, notamment cet article 15.

Certains avancent l'idée que l'esprit de cette proposition vise à la responsabilisation individuelle des enfants.

Or je crois que la saisine collective n'entre pas en contradiction avec cette responsabilisation individuelle. Responsabilité individuelle et responsabilité collective ne s'excluent pas l'une l'autre sauf si on a une vision totalitaire du collectif. - et j'ose espérer que personne ici n'a une telle vision. (Sourires.)

Pour moi, l'intervention collective se nourrit des idées et des entités des individus, et mon expérience m'amène à penser que la réflexion et l'action communes sont bénéfiques à la collectivité à plus d'un titre. D'une part, parce qu'elles permettent de ne pas se contenter d'avoir une vision parcellaire d'un problème. D'autre part, parce qu'elles donnent la possibilité de mesurer l'ampleur des exigences d'une population. Pour ma part, la logique de la pétition, y compris quand celle-ci émane d'enfants, ne me gêne pas.

Nous parlons de droit à l'éducation. Mais, je parlerai plus d'exercice de la citoyenneé. Or l'exercice de cette citoyenneté au travers de l'exercice de la vie en collectivité ne me paraît pas gênant. Par conséquence, la possibilité de saisine collective me semble extrêmement judicieuse.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Cet amendement a été repoussé par la commission.

La commission est en effet attachée à l'idée de démarche individuelle des réclamants dans la mesure où celle-ci suppose une certaine responsabilisation des personnes.

De toutes les façons, rien ne fait obstacle à ce qu'il y ait plusieurs réclamations individuelles, auquel cas cela reviendrait effectivement à une réclamation collective.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

En effet, je crois que l'éducation à la citoyenneté nécessite la prise de conscience d'une responsabilité individuelle. En acceptant des requêtes collectives, on risque d'ouvrir la voie à des jeux ou à des canulars.

Mme Christine Boutin.

Très juste !

Mme Muguette Jacquaint.

Oh ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Les enfants doivent apprendre ce qu'est la responsabilité individuelle, mais cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des démarches coordonnées. En tout cas, chaque enfant doit s'impliquer personnellement dans sa propre démarche.

Mme Christine Boutin, Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Blisko a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Lorsqu'il a été saisi par l'enfant mineur luimême, il peut, s'il le juge utile, en informer son représentant légal. »

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Par cet amendement, je souhaite que, lorsqu'il a été saisi par un enfant, le médiateur puisse, s'il le juge utile, informer le représentant légal de cet enfant.

En effet, il me semble que, dans les affaires sensibles ou les plus sensibles, les parents doivent être prévenus. Il serait bon que ceux-ci ne soient pas mis complètement hors jeu.

M. Michel Inchauspé.

Enfin, un peu de bon sens !

M. Serge Blisko.

Le dispositif prévu sera relativement difficile à appliquer sur le plan technique. Il ne faudrait pas que, en plus, sur le fond, les parents soient complètement exclus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. En effet, il lui paraît inutile, car elle estime que, de toute façon, le médiateur des enfants procédera à une information.

A titre personnel, je remercie M. Blisko d'avoir appelé notre attention sur cette question. Car s'il est inutile d'inscrire une telle précaution dans la loi, il est utile, en tout cas, que le législateur mentionne que cette possibilité existe pour qu'il en soit fait effectivement application.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. Michel Inchauspé.

Ah ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le médiateur des enfants n'a pas été créé pour disqualifier les parents. Je pense que chacun doit assumer sa responsabilité.

M. Michel Inchauspé.

Mais oui ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Dans certains cas, par exemple quand les parents portent atteinte gravement aux droits de leur enfant - ça existe, hélas ! malheureusement trop souvent -, le médiateur pourra ne pas informer les parents.

Le système scolaire s'est engagé dans la voie d'un partenariat approfondi avec les parents, qui va dans le sens d'une reconnaissance des droits et des devoirs réciproques des parents et de l'école à l'égard des enfants. Donc, compte tenu de la logique de cette démarche qui consiste à placer les parents devant leurs responsabilités parentales, et en même temps à les aider à assumer celles-ci et à valoriser leur rôle de parents chaque fois que c'est nécessaire pour l'éducation de leurs enfants, le Gouvernement estime qu'ils n'ont pas à être tenus systématiquement à l'écart de l'action engagée par leur enfant, mais, au contraire, en être informés, dans la mesure où - et heureusement dans la plupart des cas - la protection de l'enfant par les parents va de pair avec les intérêts mêmes de cet enfant.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Comme l'a dit Mme Claudine Ledoux, la commission a repoussé cet amendement ce matin. Notre collègue nous a néanmoins indiqué son


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

sentiment personnel et Mme la ministre a également précisé son point de vue. Tout cela conduit le groupe socialiste à voter cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je suis tout à fait favorable à cet amendement. Je me demande même s'il ne faudrait pas remplacer « peut » par « doit », afin que les parents de mineurs soient obligatoirement prévenus.

(« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Gillot.

Sinon, il n'y a plus de médiateur des enfants !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

En effet, aux termes de l'article 371 du code civil, ce sont les parents qui sont responsables des enfants. Les enfants peuvent prendre contact tout seuls avec le médiateur, mais il me paraît ennuyeux que les parents n'en soient pas prévenus.

M. le président.

Il s'agit d'ouvrir une faculté, non d'imposer une obligation.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 et 14.

L'amendement no 5 est présenté par M. Birsinger et les membres du groupe communiste ; l'amendement no 14 est présenté par M. Bret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Le médiateur des enfants est en droit de s'autosaisir sur des sujets qui lui apparaîtraient comme des atteintes aux droits des enfants tels que définis par les lois de la République et les engagements internationaux de la France comme la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant. »

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Bernard Birsinger.

Il est important que le médiateur puisse s'autosaisir, surtout au début de son mandat ; il pourra ainsi préciser son rôle et susciter des saisines.

Cet amendement fait explicitement référence à la convention internationale sur les droits de l'enfant.

On peut certes rétorquer que cette loi doit simplement faire référence à l'ensemble des traités internationaux et ne pas privilégier l'un d'eux, mais je crois que la convention en question a marqué une date dans l'histoire du droit en général et des droits de l'enfant en particulier ; elle fonde en fait une nouvelle démarche.

Jean-Paul Bret a parlé de révolution copernicienne.

C'est bien de cela qu'il s'agit avec certains textes et traités internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

Il n'est bien évidemment pas question d'exclure les futurs traités internationaux, mais la formulation de l'amendement évite cet écueil puisqu'elle fait référence à cette convention parmi d'autres textes. Faire ce rappel, c'est mettre en évidence le long chemin qui a été parcouru pour arriver à ce texte. Un texte de référence qui est le fruit d'une histoire qui a débuté en 1924, avec la déclaration sur les droits de l'enfant, élaborée par l'Union internationale de secours aux enfants.

Je souhaite qu'il soit explicitement fait référence à la convention des Nations unies dans le texte de la loi.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret, pour défendre l'amendement no

14.

M. Jean-Paul Bret.

M. Birsinger a déjà parfaitement défendu cette proposition.

J'insisterai à nouveau sur la notion d'autosaisine. Le médiateur des enfants sera, de par sa définition même, saisi par les enfants, mais les auditions auxquelles la commission a procédé montrent que, à l'étranger, le médiateur est une sorte de vigie des droits de l'enfant, qui a une grande capacité d'autosaisine et doit veiller notamment à l'application de la convention internationale de New York. C'est la raison pour laquelle le rappel de cette convention, qui est l'acte fondateur des droits de l'enfant depuis dix ans, nous paraît important.

L'article 1er avait été amendé par le rapporteur lors du premier examen du texte en commission, et il avait été fait référence à un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé. Cette formulation était plus large et englobait la convention internationale de New York, sans y faire explicitement référence ; elle avait l'avantage d'englober les engagements internationaux pouvant intervenir ultérieurement.

Je soutiens donc l'amendement no 14, mais la rédaction initiale me donnait également satisfaction, et je laisse l'Assemblée décider.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission les a repoussés.

S'agissant de l'autosaisine, elle a estimé que la rédaction du deuxième alinéa de l'article 3 de la proposition de loi répond à cette préoccupation. S'agissant de la référence à la convention de New York, il lui est apparu que cette référence était inutile, dans la mesure où la proposition de loi dans son ensemble est inspirée par cette convention.

Enfin, il lui est apparu que la mention proposée pouvait être contre-productive dans la mesure où l'on ne pouvait pas exclure que d'autres conventions internationales soient concernées à l'avenir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. L'article 4 permet déjà au médiateur d'assurer, en dehors de toute saisine individuelle, la promotion des droits de l'enfant. Par ailleurs, il prévoit expressément que celui-ci présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel. Le rôle du médiateur des enfants ne se limite donc pas aux saisines individuelles de la part des enfants. Mais si le Parlement estime que le texte doit être plus explicite et être complété par un dispositif plus adéquat, le Gouvernement ne s'y oppose pas.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5 et 14.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

M. Birsinger et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Les réclamations peuvent être présentées au médiateur pour les enfants par des associations défendant les droits des enfants. »

La parole est à M. Bernard Birsinger.


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M. Bernard Birsinger.

Cet amendement vise à permettre aux associations qui militent pour les droits de l'enfant de saisir le médiateur des enfants. Il s'agit de valoriser le droit d'association contenu dans l'article 15 de la convention internationale des droits de l'enfant. Je souhaite que toutes ces associations, qui ont beaucoup oeuvré pour les droits des enfants, soient prises en compte et que cette loi y fasse référence.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement pour deux raisons, tout en saluant le rôle éminent de certaines associations qui militent pour la défense des droits de l'enfant.

Il va en effet à l'encontre de la démarche individuelle qui est prévue par le texte, dans une perspective bien comprise de responsabilisation des enfants et de leurs représentants légaux.

Par ailleurs, fidèle à sa logique, la commission craint que, par ce biais, on n'assiste à une extension du champ de compétence du médiateur des enfants, dans la mesure où l'objet social des associations visées est très large.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement souhaite modifier cet amendement et ajouter, après le mot : « associations », les mots : « reconnues d'utilité publique », pour éviter que des associations ne se constituent à seule fin d'intenter des actions plus ou moins justifiées.

Cela permettra également de reconnaître certaines associations qui se constituent partie civile pour défendre les atteintes aux droits de l'enfant. Une fois reconnues d'utilité publique, elles pourront présenter des réclamations au médiateur des enfants.

M. le président.

Monsieur Birsinger, acceptez-vous la modification suggérée par le Gouvernement ?

M. Bernard Birsinger.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je propose également, bien que ce ne soit pas mon rôle, de remplacer l'expression « médiateur pour enfants » par celle de « médiateur des enfants », qui semble plus adaptée.

M. Jean-Paul Bret.

C'est conforme au titre de la proposition !

M. le président.

Si l'on tient également compte de la suggestion de Mme la ministre, l'amendement serait donc rectifié par deux fois.

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie.

Mme Michèle Alliot-Marie.

L'adoption des amendements nos 5 et 14 rend l'amendement no 6 sans objet.

Dans la mesure où le médiateur pourra dorénavant se saisir lui-même, il sera, par la force des choses, à l'écoute des associations. Il serait donc dommage d'introduire une précision qui va alourdir la loi.

Mme Muguette Jacquaint.

Le fait que les associations puissent également saisir le médiateur complète le pouvoir d'autosaisine de celui-ci !

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je m'associe aux propos de Mme Alliot-Marie. Il faut maintenir le cap et être logique avec la philosophie du texte.

Le médiateur - cela fera partie de sa mission - sera à l'écoute des différents organismes qui s'occupent des droits des enfants, et je pense que nous devons en rester à la rédaction initiale.

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

L'esprit de ce texte est d'instaurer une relation directe entre les enfants et le médiateur. Nous venons de prévoir que le médiateur pourrait s'autosaisir.

Si nous introduisons un intermédiaire, quel qu'il soit, entre le médiateur et les enfants, nous nous éloignons de l'objectif que nous visons tous, à savoir affirmer cette relation directe entre le médiateur et les enfants. L'esprit qui a conduit à limiter la possibilité d'informer les parents, laquelle n'est pas une obligation, traduit le même souci. S'il est oublié, la relation personnelle risque de se transformer en une démarche purement administrative,

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Cet amendement ne remet nullement en cause le rapport individuel de l'enfant avec le médiateur. C'est au contraire renforcer le combat pour les droits des enfants que de permettre à des associations reconnues d'utilité publique, qui sont par définition des associations sérieuses, de saisir le médiateur des enfants.

Je maintiens donc mon amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 6, tel qu'il a été rectifié par deux fois.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art.

2. Le médiateur des enfants est nommé pour six ans par décret en conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de ce délai qu'en cas d'empêchement constaté dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Son mandat n'est pas renouvelable. »

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Au début de l'article 2, substituer aux mots : " médiateur des enfants ", les mots : " délégué général à l'enfance ". »

La parole est à Mme Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

L'amendement n'a plus d'objet.

M. le président.

En effet, cet amendement no 19 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

M. Rossi a présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le médiateur des enfants ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Cet amendement reprend la rédaction relative au médiateur de la République.

Puisque nous n'avons pas retenu l'idée d'un délégué g énéral aux enfants rattaché au médiateur de la République et qu'une majorité d'entre nous a reconnu l'utilité d'un médiateur des enfants autonome, ayant une autorité forte, il faut lui donner le relief, le prestige et l'indépendance qui conviennent à sa mission.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? Mme Claudine Ledoux rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement.

A titre personnel, j'estime qu'il est inutile puisque l'article 12 de la proposition de loi prévoit cette garantie.

M. le président.

Votre avis est donc défavorable.

Quel est celui du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

La proposition prévoit déjà cette garantie et l'amendement est donc sans objet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en droit ou en équité la situation de l'enfant mineur, auteur de la réclamation.

« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants qu'un organisme mentionné à l'article 1er de la présente loi n'a pas respecté les droits de l'enfant mineur, il peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation.

« Il peut porter à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.

« Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent opportunes. »

La parole est à M. François Colcombet, inscrit sur l'article.

M. François Colcombet.

Cet article précise la tâche du médiateur. Celui-ci jouera un peu le rôle de juge de paix, car il fera des recommandations et tentera d'apaiser les conflits individuels et collectifs, à l'instar de ce que fait le médiateur de la République.

Lorsqu'il estimera qu'une mesure de portée générale est nécessaire, il s'adressera au Parlement, au Gouvernement, à une administration ou à un organisme particulier, ou à un conseil général, auxquels il proposera la réforme qui lui semble s'imposer.

La commission a envisagé une troisième hypothèse, concernant les cas où l'on est aux confins des conflits de caractère privé. Il est suggéré que le médiateur se retourne alors vers le juge des enfants, qui est normalement compétent, aux termes de l'article 375 du code civil, pour l'assistance éducative.

Mme Isaac-Sibille a insisté tout à l'heure sur le danger que le médiateur ne marche sur les pieds des conseils généraux, si tant est que ceux-ci aient des pieds.

Cet amendement répond à cette préoccupation. Le juge des enfants sera l'instance compétente lorsque le conflit ne sera pas exactement de la compétence du médiateur ou que, le médiateur étant saisi, une autre démarche est manifestement nécessaire.

M. le président.

L'amendement no 20 de Mme IsaacSibille n'a plus d'objet.

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 3. »

Vous avez la parole, ma chère collègue.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je suis presque totalement d'accord avec M. Colcombet mais un problème persiste néanmoins. Pour le moment, nous avons parlé du médiateur et de ses relais dans les départements, mais nous n'avons pas du tout parlé des moyens qui seront mis à sa disposition.

Avant qu'un conflit n'aboutisse devant la justice, une enquête très approfondie est faite par le conseil général, et nous examinons des cas graves sinon tous les jours, du moins toutes les semaines.

Il est donc extrêmement grave d'ajouter une autorité à celle qui, de par la loi de M. Defferre, ministre socialiste, que je sache, a été confiée aux conseils généraux. Lorsque ceux-ci sont saisis, c'est au président du conseil général de porter plainte et de saisir la justice. Si deux institutions saisissent la justice en même temps, l'enfant risque d'être fortement perturbé, surtout s'il n'a que quatre ou cinq ans. C'est dangereux pour son équilibre intérieur. Une personne suffit, et je sais les difficultés qu'éprouvent les enfants pour supporter ce genre de conflit.

Prévoir une autorité supplémentaire me paraît donc extrêmement dangereux pour les enfants, dont nous cherchons à faire des êtres responsables.

C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 3 et de revenir au texte originel de M. Fabius et de M. Bret, en ne conservant que les deux autres paragraphes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? Mme Claudine Ledoux rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement.

J'y suis à titre personnel défavorable parce qu'il remet en cause la philosophie même du médiateur, qui doit pouvoir proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à la situation pour laquelle il a été saisi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Défavorable.

Bien évidemment, le médiateur des enfants doit pouvoir fournir toutes informations utiles à la justice, c'est même l'une des raisons d'être de sa création.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Comment fera-t-il ?

M. François Colcombet.

Il prendra le téléphone !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)


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Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Le médiateur des enfants assure la promotion des droits de l'enfant et organise des actions d'information sur ces droits et leur respect effectif.

« Il présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il établit le bilan de son activité. »

L'amendement no 22 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

M. Birsinger et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 11 rectifié, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 4, après le mot : "présente", insérer les mots : "à l'occasion de la journée nationale des droits de l'enfant". »

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Vous comprendrez l'attachement du groupe communiste à la date du 20 novembre, puisque c'est sur l'une de ses propositions que l'Assemblée a adopté à l'unanimité l'instauration de la journée nationale des droits de l'enfant.

L'amendement no 22 tend à mettre cette journée en évidence, en prévoyant que le rapport du médiateur soit présenté à son occasion.

Que nous soyons aujourd'hui non pas le 20 novembre mais le 19 n'enlève rien à la pertinence de notre amendement.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Favorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Birsinger et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 4 par les deux alinéas suivants :

« Le médiateur des enfants est consulté par le Gouvernement avant que celui-ci remette au comité des experts de l'ONU son rapport quadriennal sur l'application de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant.

« Ses observations sont jointes en annexe au rapport français. »

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Cet amendement tend à rendre obligatoire la consultation du médiateur avant que le Gouvernement ne remette son rapport au comité des experts de l'ONU, comme le prévoit l'article 44 de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant.

Par là même, il rappelle au Gouvernement qu'il doit présenter un rapport, cet engagement n'ayant toujours pas été respecté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, considérant que la disposition proposée était inutile et qu'elle était au surplus d'ordre réglementaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

La disposition proposée est en effet d'ordre réglementaire : avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no 11 rectifié.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - Le médiateur des enfants transmet au médiateur de la République les réclamations relevant de la compétence de ce dernier.

« Il informe le médiateur de la République, tous les trimestres, des dysfonctionnements des organismes visés au deuxième alinéa de l'article 1er dont il a eu connaissance. »

L'amendement no 23 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. - Il est inséré après l'article 7 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République un article 7-1 ainsi rédigé :

« Le médiateur de la République transmet au médiateur des enfants, institué par la loi no du , les réclamations relevant de la compétence de ce dernier. »

L'amendement no 24 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - Le médiateur des enfants est assisté dans sa tâche par des délégués départementaux selon des modalités définies par décret. »

M. Blisko a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 7. »

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

J'avoue qu'en lisant l'article 7, j'ai un peu sursauté. D'où mon amendement.

Alors que nous étions partis pour créer un médiateur pour enfants, voilà qu'il est prévu d'en créer quatre-vingtdix-neuf autres - un dans chaque département.

Devons-nous déjà nous arroger le pouvoir, d'ordre quelque peu réglementaire, d'organiser la façon dont le médiateur des enfants travaillera à l'échelon national ? Ne serait-il pas préférable de voir comment les choses se passeront ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement, ne souhaitant pas revenir sur la décision qu'elle avait prise la semaine dernière en adop-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

tant le principe selon lequel l'action du médiateur des enfants est relayée à l'échelon local par un réseau de délé gués départementaux.

A titre personnel, je me demande toutefois si la disposition de l'article 7 n'est pas d'ordre réglementaire.

M. Bernard Birsinger.

Il vaux mieux tenir que courir !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement.

Non seulement la disposition de l'article 7 est de nature réglementaire, mais elle affaiblit un peu la portée de la création d'un médiateur des enfants : il s'agit de créer un médiateur des enfants, pas une bureaucratie supplémentaire ! Il sera toujours temps, au vu du fonctionnement du dispositif, de se rendre compte si le nombre des affaires justifie un échelon départemental, qui constituera pour les enfants une contrainte administrative. Le médiateur national pourra être connu, mais ce sera plus difficile pour le médiateur départemental.

Faudra-t-il instaurer une obligation de passage des dossiers devant le médiateur départemental ? Des renvois de dossiers seront-ils nécessaires ? L'article 7 induit la mise en place d'une procédure bureaucratique lourde, qui contraste avec la force et la simplicité de la proposition de loi.

Cela dit, si, à l'examen de la situation, il se révèle nécessaire de créer dans certains départements - pas forcément dans tous - plus peuplés que d'autres un échelon administratif supplémentaire, il sera toujours temps de le faire par voie réglementaire.

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Madame la ministre, nous discutons d'une loi qui est destinée à mettre en place un médiateur au plus près de l'enfant. Mais certains de nos quatre-vingt-dix-neuf départements sont à plusieurs milliers de kilomètres de Paris. Comment procédera le médiateur pour entendre, de Paris, un enfant qui ne sait pas écrire ou qui vit des drames à des milliers de kilomètres ?

Mme Véronique Neiertz.

Il ira voir son député !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Je suis contre cet amendement, qui tend à supprimer l'un des seuls articles traitant des moyens réels du médiateur.

Nous allons nous retrouver avec un médiateur des enfants. Mais quels moyens aura-t-il pour travailler ? Mme Bernadette Isaac-Sibille et Mme Muguette Jacquaint.

Très bonne question !

M. Bernard Birsinger.

Je suis donc, je le répète, contre l'amendement.

(Mme Bernadette Isaac-Sibille applaudit.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 7 est supprimé et les amendements nos 34 de M. Rossi et 25 de Mme Isaac-Sibille n'ont plus d'objet.

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Les dispositions du premier alinéa de l'article 7 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée ne sont pas applicables à la présente loi.

« Toutefois la réclamation individuelle adressée au médiateur des enfants n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes. »

Mme Ledoux a présenté un amendement, no 17, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 8 :

« La réclamation individuelle adressée au médiateur des enfants n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes. »

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Cet amendement rédactionnel a été accepté par la commission.

Le premier alinéa de l'article 8 est inutile : ses dispositions sont déjà contenues dans l'article 12.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.

Après l'article 8

M. le président.

M. Rossi a présenté un amendement, no 33, ainsi rédigé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Les ministres et les autorités publiques doivent faciliter la tâche du médiateur des enfants.

« Ils sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions du médiateur des enfants. »

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Je laisse à M. Baguet le soin de défendre cet amendement, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement no

33.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cet amendement est nécessaire pour bien préciser les moyens du médiateur des enfants.

Le médiateur des enfants doit pouvoir bénéficier de la coopération des ministres et de toutes les autorités publiques, s'il veut mener à bien sa mission.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Cet amendement me semble inutile dans la mesure où l'article 12 de la proposition de loi renvoie à la loi du 3 janvier 1973, qui prévoit une telle disposition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je n'ai pas sous les yeux le texte de la loi du 3 janvier 1973.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement car il lui paraît nécessaire de bien faire comprendre aux autorités administratives et aux agents placés sous leur autorité qu'ils doivent répondre aux questions du médiateur des enfants et ne pas se refugier derrière le secret. La loi du silence - j'en sais quelque chose étant chargée de l'enseignement scolaire - est ce qui nuit le plus à la reconnaissance des droits de l'enfant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

33. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - L'article L.

194-1 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art.

L. 194-1. - Pendant la durée de leurs fonctions, le médiateur de la République et le médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller général s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »

L'amendement no 26 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - L'article L.

230-1 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art.

L. 230-1. - Pendant la durée de leurs fonctions, le médiateur de la République et le médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller municipal s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »

L'amendement no 27 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - Le cinquième alinéa de l'article L.

340 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art.

L. 340. - Pendant la durée de leurs fonctions, le médiateur de la République et le médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller régional s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »

L'amendement no 28 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - Les dispositions du second alinéa de l'article 1er , de l'article 3, du second alinéa de l'article 9, des articles 10 à 13, de l'article 14 bis et du troisième alinéa de l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République sont applicables au médiateur des enfants. »

L'amendement no 29 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - Trois ans après la promulgation de la présente loi, il est procédé à une évaluation de la mise en oeuvre de ses dispositions selon les modalités prévues par l'article 6 quater de l'ordonnance no 581100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Titre

M. le président.

Je donne lecture du titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi instituant un médiateur des enfants ».

L'amendement no 30 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

M. Michel Inchauspé.

Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président...

M. le président.

Je vous la donnerai après les explications de vote, mon cher collègue.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Dans mon propos liminaire, j'avais demandé au rapporteur si elle pouvait nous informer de la teneur de l'entrevue qu'elle avait eue, à la demande de celui-ci, avec le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui avait émis divers avis sur la proposition de loi, mon vote pouvant être influencé par cette information.

Le président de la Commission des droits de l'homme avait souhaité que le terme « médiateur » soit remplacé par le terme « délégué ».

Depuis le début de la discussion, j'attends la réponse à ma question.

M. le président.

Je suis navré, madame, que l'on vous fasse attendre.

E tes-vous prête à répondre à Mme Isaac-Sibille, madame le rapporteur ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Bien sûr, monsieur le président.

Madame Isaac-Sibille, je vais vous rassurer et tout vous dire sur ma correspondance.

(Sourires.)

Effectivement - vous en savez des choses -, j'ai reçu avant-hier une lettre du président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui a demandé à me rencontrer. Dès hier, je lui ai répondu favorablement. Je pourrai vous adresser une copie de mon courrier, et vous saurez ainsi tout de nos échanges.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Madame le rapporteur...

M. le président.

Pardonnez-moi, madame Isaac-Sibille, mais Mme le rapporteur vous a répondu !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme a demandé que le terme « médiateur » soit remplacé par le terme « délégué » et, à ce propos, il a demandé une entrevue à Mme le rapporteur. Qu'en est-t-il résulté ? C'est un point très important...

M. le président.

Mme le rapporteur vous a comprise et vous a répondu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

M. Robert Pandraud.

Non !

M. le président.

Prenez sa réponse comme elle est venue...

M me Bernadette Isaac-Sibille.

Ce n'est pas une réponse !

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, malgré toutes les réserves que j'ai faites au début de la séance, je voudrais dire que le groupe Démocratie libérale votera la proposition de loi.

Nous aurions préféré une autre organisation juridique institutionnelle pour la défense des droits de l'enfant.

Allant un peu plus loin que les interrogations de Mme Isaac-Sibille, je rappellerai que la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait proposé que le médiateur de la République s'adjoigne un délégué général à l'enfance, ce qui, à ses yeux, aurai t maintenu l'unicité de la médiation institutionnelle au regard de l'indivisibilité des droits de l'enfant. Le schéma était parfaitement clair, et c'est sans doute ce qui sera dit à Mme le rapporteur lorsqu'elle rencontrera, après notre débat, le président en question.

Nous avions donc proposé une organisation différente.

La majorité a, à partir de la proposition de loi, choisi d'instituer un médiateur des enfants. Nous avons amendé le texte. Compte tenu de la portée symbolique et politique forte, au bon sens du terme, qui s'attache à la défense des droits de l'enfant, il serait utile qu'il recueille l'unanimité de l'Assemblée. Certes, il pourra être amélioré au cours des navettes, et notamment lors de la lecture qui aura lieu au Sénat avant qu'il ne revienne à l'Assemblée nationale. Quoi qu'il en soit, dès la première lecture, notre groupe votera pour la proposition de loi.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Je me réjouis que l'unanimité se fasse à la fin de notre discussion.

Le groupe socialiste a été étroitement associé à la présentation de la proposition de loi, tout comme le rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant que j'étais.

Nous avons tout lieu de nous réjouir qu'une initiative parlementaire - qui plus est faisant suite aux travaux d'une commission d'enquête - trouve ainsi sa concrétisation à travers le vote de notre assemblée.

Naturellement, le groupe socialiste votera pour.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

La convention internationale des droits de l'enfant - c'est sa force - implique la mise en conformité des législations nationales avec elle-même.

Le texte créant un médiateur des enfants est un pas important dans cette direction, qui en appelle bien d'autres. C'est en tout cas conforme à l'engagement que nous avons pris en élaborant avec la commission des droits de l'enfant une quarantaine de propositions que nous voulons voir adoptées au fil des semaines par cette assemblée.

Le groupe communiste votera la proposition de loi avec enthousiasme.

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Dans la discussion générale, j'ai précisé, au nom du groupe du RPR, que l'institution d'un médiateur nous paraissait répondre à un vrai besoin.

Il faut l'insérer dans notre droit positif comme un des éléments qui permettront de faire de nos enfants des citoyens à part entière.

Sous le bénéfice de l'amélioration du texte à la faveur des navettes, avec nos collègues et amis du Sénat, nous sommes favorables à cette proposition de loi et à la suivante.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Monsieur le président...

M. le président.

Vous vous êtes déjà exprimée, ma chère collègue. Les explications de vote sont terminées.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

INÉLIGIBILITÉ DU MÉDIATEUR DES ENFANTS

M. le président.

Nous en arrivons à l'examen de l'article unique de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants.

Compte tenu des votes intervenus sur la proposition de loi que l'Assemblée vient d'adopter, les deux amendements présentés par Mme Isaac-Sibille sur l'article unique et sur le titre de la proposition de loi relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants n'ont plus d'objet.

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi organique.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - L'article L.O.

130-1 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art.

L.O.

130-1. - Le médiateur de la République et le médiateur des enfants sont inéligibles dans toutes les circonscriptions. »

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi organique.

(L'article unique de la propostion de loi organique est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Michel Inchauspé, qui m'avait demandé la parole pour un rappel au règlement.

M. Michel Inchauspé.

Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur les articles 58 et 92.

Evidemment, je me réjouis comme tout le monde du vote de ces textes. Je regrette néanmoins de devoir vous dire que récemment la commission des finances, en particulier son président, a estimé que l'article 40 s'appliquait à toute création d'une nouvelle entité. Or nous venons de créer un nouvel organisme complètement indépendant du médiateur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

Comme, selon l'article 92 du règlement, « les dispositions de l'article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions, rapports et amendements par le Gouvernement ou par tout député », je demande que le bureau de la commission des finances se réunisse pour dire si l'article 40 ne s'applique pas à la création de cette nouvelle entité.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Mais on vient de voter !

M. Michel Inchauspé.

Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi, mais d'une proposition de loi.

M. le président.

Monsieur Inchauspé, la présidence prend acte de votre rappel au règlement et en fera part à l'autorité concernée, à savoir la commission des finances.

M. Michel Inchauspé.

M. le président de la commission des finances est dans une salle proche de l'hémicycle en train de lire le journal ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

On pourrait lui poser la question.

M. le président.

Monsieur Inchauspé, vous dépassez le cadre du rappel au règlement. J'ai pris acte de celui-ci et je le transmettrai.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je voudrais préciser à la représentation nationale que le Gouvernement n'a nullement l'intention d'opposer l'article 40, puisqu'il a soutenu l'adoption de ces textes.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, qui vient de nous rejoindre fort à propos.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Effectivement, monsieur Inchauspé, s'il y a création d'une entité nouvelle, et si cela entraîne des dépenses supplémentaires, l'article 40 peut être appliqué.

M. Michel Inchauspé.

C'est le cas !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances.

Mais la commission des finances n'a pas examiné un tel problème ; donc, le problème ne doit pas se poser.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

C'est évident !

M. le président.

M. le président de la commission des finances étant dans l'hémicycle, il a pu répondre tout de suite. Mais je ne voudrais pas qu'un débat s'ouvre dans le débat.

Je donnerai donc la parole à M. Inchauspé pour lui permettre de réagir aux propos du Gouvernement et de M. Bonrepaux. Ensuite, le débat sera clos.

M. Michel Inchauspé.

Madame la ministre, le Gouvernement n'est pas le seul pouvoir à « agiter » l'article 40.

(« Il n'y a pas d'agitation ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Carassus.

Il n'y a pas d'agitateur dans le Gouvernement !

M. Michel Inchauspé.

Relisez donc l'article 92. Tout député peut invoquer l'article 40.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Quant à vous, monsieur le président de la commission des finances, vous venez de dire exactement ce que j'ai dit : quand on crée une nouvelle entité, tout député peut invoquer l'article 40. La présidence de la commission des finances ne l'a pas fait, mais, encore une fois, tout député peut le faire en application de l'article 92 du règlement !

Mme Nicole Bricq.

« Peut » le faire !

M. le président.

Les propositions de loi étant adoptées,o n ne peut plus leur opposer les dispositions de l'article 40 en invoquant l'article 92 du règlement.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Voilà ! C'est fini !

M. Michel Inchauspé.

Je n'ai pas eu la parole avant le vote !

M. le président.

C'est exact, monsieur Inchauspé. Mais je vous ai laissé vous exprimer à propos de ce problème d'irrecevabilité. Chacun a dit ce qu'il avait à dire.

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

M. le président.

Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Robert Pandraud.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud, pour un rappel au règlement.

M. Robert Pandraud.

Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 92.

Nous avons écouté avec grand intérêt les échanges entre M. Inchauspé et le président de la commission des finances...

Mme Raymonde Le Texier. C'est terminé !

M. Robert Pandraud.

... lequel a développé une interprétation très libérale de l'article 40. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous lui en donnons acte, mais qu'il sache bien que nous allons en tirer parti lors des débats futurs.

M. le président.

Monsieur Pandraud, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances.

Je veux préciser que le président de la commission des finances, pour appliquer l'article 40, s'inspire d'un rapport rédigé par M. Jacques Barrot. C'est sur cette base que la commission décide de déclarer irrecevables ou non certains amendements.

Je n'ai pas cru devoir faire un autre rapport, car celui-ci me semble suffisant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

Maintenant, s'il y a un autre problème, je suis prêt à m'en expliquer.

M. le président.

L'incident est clos.

3

INTERDICTION D'ACHAT DE FOURNITURES FABRIQUÉES PAR DES ENFANTS Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à interdire l'achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fournitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés (nos 1069, 1201).

La parole est à Mme le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre de l'enseignement scolaire, mes chers collègues, le 20 novembre 1989, à New York, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Nous y avons fait allusion à plusieurs reprises lors de la discussion des deux textes précédents.

A l'occasion de la troisième journée nationale des droits de l'enfant, qui permet de célébrer l'anniversaire de cette convention, nous examinons cet après-midi la proposition de loi qui a été adoptée par le dernier Parlement des enfants. Ce texte concerne le respect des droits de l'enfant dans le monde et vise, notamment, à interdire le travail des enfants.

Le Parlement des enfants s'est déjà réuni cinq fois.

Lors de sa dernière réunion, le 16 mai 1998, les 577 députés juniors ont choisi de retenir la proposition de loi présentée par les élèves de la classe de CM2 de l'école Saint-Exupéry-2 de Sarcelles, visant à interdire l'achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fournitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés. Députée de la huitième circonscription du Val-d'Oise où est située cette école, j'ai déposé cette proposition de loi dans son texte initial, conformément à une tradition maintenant bien établie.

Il faut avant tout souligner le message fort de solidarité et de générosité qu'ont exprimé les enfants en proposant, puis en adoptant ce texte. Au lieu de souhaiter approfondir leurs propres droits en France, ils ont préféré penser aux enfants qui ont beaucoup moins qu'eux et dont la vie est perpétuellement mise en danger par des conditions de travail souvent inhumaines. Les jeunes Sarcellois à l'origine de cette initiative reconnaissent avoir été particulièrement émus par des reportages sur le travail des enfants dans le monde. Il leur a semblé honteux que les consommateurs des pays occidentaux puissent acheter des produits fabriqués par des enfants dans des conditions aussi dangereuses pour leur vie et leur santé.

C'est pourquoi ils souhaitent que toutes les écoles de France montrent l'exemple et deviennent ainsi des défenseurs actifs des droits de l'enfant dans le monde. A ce titre, cette proposition de loi mérite incontestablement d'être adoptée.

Face au défi universel que constitue le travail des jeunes enfants, une action internationale est nécessaire.

Lors de son audition par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Mme Bellamy, directeur général de l'UNICEF, a confirmé qu'il y a 250 millions d'enfants entre cinq et quatorze ans qui font un travail pouvant être considéré comme de l'exploitation, qu'il s'agisse de produire des tapis, des chaussures de sport ou des ballons de football, sans compter le travail au foyer ou dans les champs, voire dans les mines. Et ce sont des dizaines de milliers d'enfants qui doivent subir le travail forcé dans des conditions inhumaines, portant gravement atteinte à leur santé et à leur dignité.

Pourtant, plusieurs engagements internationaux prohibent ou limitent le travail des enfants. Ainsi, la convention internationale relative aux droits de l'enfant traite spécifiquement du travail des enfants dans son article 32.

Cette convention a été signée et ratifiée par tous les

Etats membres des Nations unies, à l'exception de deux pays seulement : la Somalie et les Etats-Unis. Il importe toutefois de noter que cinq pays ont formulé des réserves spécifiquement sur l'article 32, notamment le RoyaumeUni.

La convention no 138 de l'Organisation internationale du travail fixe, quant à elle, les âges limites avant lesquels le travail des enfants est interdit. Pour prolonger cette convention et donner de nouveaux moyens d'action à l'Organisation, le Bureau international du travail a été chargé de préparer, pour la 87e session de la conférence générale de l'OIT, qui devra se tenir en juin 1999 à Genève, une convention et une recommandation concernant l'interdiction et l'élimination effective des pires formes de travail des enfants.

De manière générale, le débat sur l'introduction d'une clause sociale dans les rapports commerciaux internationaux donne l'espoir de voir enfin le travail des enfants effectivement combattu.

En ce domaine, il faut se garder des résolutions à l'emporte-pièce qui, souvent, aggravent le mal plus qu'elles ne le soulagent. Au Bangladesh, par exemple, les menaces de boycott par les Etats-Unis des produits fabriqués dans des usines employant des mineurs ont entraîné des vagues de licenciements qui ont contraint les enfants à chercher du travail dans des conditions encore plus sordides, voire à s'adonner à la prostitution.

On comprend mieux, dès lors, l'attitude de nombreuses organisations non gouvernementales, associations et syndicats, parfois regroupés en collectifs, qui militent plus pour l'amélioration des protections qui entourent l'enfant au travail que pour le relèvement de l'âge minimal requis. Les mêmes ONG ont entrepris depuis quelques années des actions de sensibilisation sur le travail des enfants. Il s'agit de faire prendre conscience aux consommateurs des pays développés de la nécessité d'avoir un comportement citoyen. On peut raisonnablement espérer en retour que les entreprises et les grands distributeurs occidentaux feront preuve de plus de vigilance dans le choix de leurs fournisseurs.

Il ne faut pas sous-estimer l'impact des pressions de l'opinion publique sur le thème du travail des enfants.

Elles contribuent à sensibiliser les opinions mondiales, à dévoiler crûment certains problèmes et à dégager des moyens de pression. En France, par exemple, des sondages concordants montrent que plus de 70 % des consommateurs seraient prêts à acheter des produits plus chers, à condition d'avoir l'assurance qu'ils n'ont pas été fabriqués par des enfants. Le coût supplémentaire en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

main-d'oeuvre qu'accepterait de payer le consommateur permettrait aux distributeurs d'exiger de leurs fournisseurs la qualité sociale de fabrication demandée. Sur cette base, le collectif de « l'éthique sur l'étiquette », regroupant syndicats, associations de consommateurs et ONG, a proposé à plusieurs grands groupes de distribution d'engager des négociations pour mettre en place de tels critères.

Il faut enfin encourager l'institution, au niveau de la Communauté européenne, d'un label social dont les normes seraient précisément définies et concerneraient notamment la main-d'oeuvre enfantine. Sur le modèle du label écologique communautaire, il pourrait être octroyé aux entreprises acceptant le contrôle d'une autorité indépendante accréditée. A la différence du boycott, le label social est une solution se situant non pas à l'origine de la chaîne de fabrication, mais à l'issue de la chaîne de distribution. Il exerce ainsi un effet amortisseur et donne du temps aux pays en développement pour s'adapter aux nouvelles dispositions. Il faut toutefois que les contrôles soient sans faille car, face aux capacités publicitaires des grands groupes commerciaux, les moyens des ONG pour dénoncer le non-respect des engagements pris ont moins de portée.

A cet égard, il importe de soutenir activement l'initiative du Parlement européen, qui a adopté, en mai 1997, une résolution demandant notamment à la Commission européenne d'élaborer une directive rendant obligatoire l'apposition d'un label social sur les produits textiles, les chaussures et les tapis, indiquant que les droits des travailleurs ont été respectés.

La proposition de loi des enfants s'inscrit dans cette perspective. Elle vise à prolonger au niveau national les actions qu'il faut mener au niveau international et au sein de la Communauté européenne. La commission des affaires culturelles a toutefois jugé indispensable de mofifier son dispositif initial au regard des engagements internationaux souscrits par la France.

L'Organisation mondiale du commerce repose sur le principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Il n'est pas possible non plus d'instaurer des barrières non tarifaires : une disposition législative ignorant le critère de la nationalité pour viser le respect par les seules entreprises de l'interdiction du travail des enfants serait susceptible d'être considérée comme un obstacle non tarifaire à la libre concurrence internationale, prohibé en droit communautaire comme en droit international.

S'il n'est donc pas possible d'interdire l'achat de produits fabriqués dans des pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés, il peut par contre être envisagé de mettre en place un mécanisme de discrimination positive visant à favoriser, au travers des marchés publics, les entreprises qui s'engageraient à ne pas avoir recours au travail des enfants. Un tel mécanisme pourrait reposer sur une clause incitative constituant un critère additionnel dans les marchés.

L'insertion d'un critère additionnel aux critères réglementaires dans les marchés publics doit être spécifiée dans l'avis d'appel d'offres et justifiée par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. Il est loisible au législateur de fixer dans la loi un tel critère additionnel, sous réserve qu'il ne constitue pas un obstacle non tarifaire au sens des engagements internationaux souscrits par la France.

C'est ce que vous propose la commission avec un nouvel article 1er . Il est possible de traduire dans la législation l'intention des enfants auteurs de la proposition de loi initiale, en incitant les collectivités publiques et les établissements scolaires concernés à ne pas acheter de fournitures fabriquées par les enfants.

La commission a également souhaité prolonger cette action incitative par une action d'information à tous les stades de l'enseignement scolaire. Le nouvel article 2 de la proposition de loi vise les fournitures scolaires qui demeurent à la charge des familles. Lorsque chaque enseignant présente la liste des matériels d'étude à usage individuel dont chaque élève doit être muni - cahiers, papeterie, vêtements de sport ou instruments de musique -, il devra informer les élèves sur l'éventuel recours à la maind'oeuvre enfantine dans le monde pour fabriquer ces produits. Lorsqu'ils iront eux-mêmes effectuer leurs achats avec leurs familles, les enfants seront ainsi particulièrement sensibilisés à ce problème et feront attention dans leur choix.

Enfin, le nouvel article 3 que vous propose la commission prévoit la mise en place, dans le cadre de l'enseignement d'éducation civique et à tous les niveaux de la scolarité, d'un enseignement spécifique sur les droits de l'enfant en général, tels qu'ils sont définis notamment par la convention de New York, et sur la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Cet enseignement compléterait utilement la formation aux droits de l'homme prévue par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Il comportera également une information sur le rôle des ONG oeuvrant pour la protection de l'enfant.

Ainsi revu, le dispositif de la proposition de loi pourra s'intégrer dans la législation existante en conformité avec le droit international, et permettra de concrétiser les intentions des enfants. Ils auront ainsi grandement contribué à accélérer une prise de conscience de la nécessité de contribuer à l'élimination effective du travail des enfants dans le monde. Le cadre scolaire est particulièrement adapté au développement d'une telle démarche citoyenne.

Au-delà de son caractère largement symbolique, le texte est une invitation à aller beaucoup plus loin dans la défense des droits de l'enfant dans le monde. La France se doit de soutenir résolument cette juste revendication au niveau international. En effet, face à l'universalité du problème, seule une action multilatérale et concertée permettra d'obtenir des résultats tangibles.

M. le président.

Madame le rapporteur...

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur.

Pour conclure, monsieur le président, il convient de remercier les enfants auteurs de la proposition de loi qui est à l'origine de notre débat. Si nous avons dû adapter leur texte en fonction des engagements internationaux, nous nous sommes attachés à en préserver l'esprit. Cette proposition de loi se veut incitative et pédagogique. Aujourd'hui, nous faisons un pas de plus vers la fin de l'exploitation des enfants dans le monde et le mérite en revient à nos jeunes a uteurs. Cette démarche solidaire d'enfants envers d'autres enfants mérite d'être saluée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le 16 mai dernier, dans cette même enceinte, le Parlement des enfants adoptait une proposition de loi visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde lors de l'achat des fournitures sco-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

laires.

Cette proposition de loi a été rédigée par des élèves de l'école Saint-Exupéry à Sarcelles, dont je salue la présence dans les tribunes. Je tiens également à remercier les enseignants qui ont permis à cette idée de faire son chemin, puis ont contribué à la rédaction de ce texte et à son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Peut-être les élèves ici présents se disent-ils que les parlementaires sont beaucoup moins nombreux que lorsque tous les enfants remplissent l'hémicycle. Je voudrais les rassurer en leur disant que cette proposition de loi a déjà fait l'objet d'un travail très important de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, comme vient de le prouver l'excellent rapport de Mme Raymonde Le Texier. Ce travail a été souhaité par de nombreux parlementaires, même s'il n'assistent pas tous à cette séance.

En présentant votre proposition de loi, vous aviez à l'esprit les conditions dans lesquelles certains objets qui vous sont familiers, les ballons de football ou les chaussures de sport, sont fabriqués ou conditionnés par des enfants exploités, travaillant dans des conditions totalement contraires au droit du travail et non conformes aux principes affirmés par la Convention internationale des droits de l'enfant, plus particulièrement en son article 32 qui précise : « Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement. »

Le Gouvernement ne peut donc que se réjouir de voir l'Assemblée nationale réunie aujourd'hui pour examiner une proposition de loi s'inspirant très largement du travail effectué par les élèves et par les enseignants qui les éduquent à la citoyenneté.

Pour permettre l'adoption de ce texte, il fallait prendre en compte l'ensemble de nos engagements internationaux.

Le travail auquel s'est attelée Raymonde Le Texier, en sa qualité de rapporteur, ainsi que la commission des affaires culturelles, constitue une belle avancée pour la prise en compte concrète des droits de l'enfant, à l'occasion d'achat de fournitures destinées aux établissements scolaires. Désormais, il appartiendra à la collectivité souhaitant passer un marché d'obtenir les renseignements lui permettant de s'assurer que les fournitures dont l'achat est envisagé n'ont pas requis l'emploi d'une main-d'oeuvre enfantine dans des conditions contraires aux engagements internationaux ou, pour être plus précis encore, dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues.

Bien sûr, il faudra vérifier la fiabilité des informations transmises par les fournisseurs. Mais on peut légitimement supposer que, selon l'origine géographique de la marchandise, les collectivités locales ou les établissements publics concernés sauront faire preuve d'une particulière vigilance.

S'agissant de l'information donnée aux élèves telle que prévue par l'article 2 de la proposition de loi, je considère qu'elle s'intègre en quelque sorte dans l'article 3, lequel dispose : « L'enseignement d'éducation civique comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation à la connaissance et au respect des droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international... »

Or, comme j'ai eu l'occasion de l'écrire dans la très importante circulaire interministérielle relative à la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans l'enseignement scolaire, les droits de la personne humaine sont déjà présents dans les programmes d'enseignement de l'école, du collège et du lycée, programmes que nous oeuvrons à renforcer.

Ainsi, à l'école, en CM 2, le programme d'éducation civique mentionne expressément l'éducation aux droits humains.

Au collège, les déclarations de 1789 et de 1948 constituent des documents de référence obligatoires en éducation civique ; les programmes d'histoire et de géographie des classes de quatrième et de troisième accordent également une large part aux droits de la personne humaine.

Au lycée, les classes de seconde et de première étudient ce thème en histoire-géographie et l'éducation à la citoyenneté, enseignée à titre expérimental cette année, comporte un important volet relatif aux droits de l'homme.

J'ai voulu également donner chaque année à la journée internationale des droits de l'enfant une résonance particulière dans le système scolaire. Ce matin, j'ai visité dans une école d'Alfortville une exposition relative au respect des droits de l'enfant, et j'ai assisté à un travail dans la classe autour du passeport de prudence qui aide les enfants à prendre la parole contre toutes les formes de maltraitance.

La volonté du législateur de généraliser dans l'ensemble du système scolaire, par cette proposition de loi, « la formation à la connaissance et au respect des droits de l'enfant » concorde pleinement avec la démarche gouvernementale.

La journée des droits de l'homme à l'école, fixée au 10 décembre prochain, permettra à tous les partenaires institutionnels, mais aussi au monde associatif qui milite et qui oeuvre en faveur des droits de l'homme, de la femme et de l'enfant - car les droits de l'homme, ne l'oublions jamais, recouvrent tous les droits humains -, de rendre compte de leurs efforts, de leurs actions, de leurs combats pour cette juste cause.

Je peux donc assurer à la représentation nationale que le texte adopté par le Parlement des enfants et soumis aujourd'hui à son appréciation, constitue un nouveau signe fort de nature à faire reculer l'oppression, l'exploitation, l'esclavage le plus intolérable qui soit dès lors qu'il atteint l'enfant, dont le droit fondamental est le droit à l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Monsieur le président, madame la ministre, le Parlement des enfants a inventé une proposition de loi d'une excellente inspiration : que les enfants de France ne puissent utiliser à l'école des fournitures scolaires fabriquées par des enfants exploités du tiersmonde. Il fallait y penser.

Nous devons saluer comme il convient ce geste de solidarité des enfants d'un pays développé envers ceux des pays pauvres, à l'Etat de droit incertain. Le sujet est d'aill eurs d'actualité, puisqu'en France de nombreuses marques de grande distribution se sont engagées sur la voie des produits « éthiquement corrects ».

La convention no 138 du 6 juin 1973 de la Conférence internationale du travail ratifiée par soixante-deux Etats - soixante-deux Etats seulement ! - demeure la norme


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

fondamentale de l'OIT en matière de travail des enfants.

Elle détermine notamment l'âge minimum pour travailler. Alors que bon nombre de ces pays ont fixé un âge minimum entre quatorze et dix-huit ans lors de leur ratification de la convention, beaucoup disposent d'une législation qui autorise l'admission à un travail dangereux avant cet âge ou qui n'indique pas clairement les occupations ou les secteurs interdits.

La proposition de loi du Parlement des enfants permet de sensibiliser non seulement les établissements scolaires, élèves et enseignants, mais aussi, à travers les collectivités locales, les politiques sur un problème qui dépasse largement nos compétences et nos frontières. Cette mesure hautement symbolique s'inscrit d'ailleurs très largement dans le travail de la réflexion entamée par l'Organisation internationale du travail.

Une nouvelle convention est, en effet, en préparation pour compléter la convention no 138 du 6 juin 1973 et d oit être définitivement arrêtée l'année prochaine.

L'apport principal de cette nouvelle convention devrait résider dans la définition des formes extrêmes de travail des enfants : l'esclavage, la prostitution, la pornographie enfantine, les travaux compromettant la santé, la sécurité et la moralité des enfants. Il sera également demandé à tout membre qui ratifie la convention d'établir « des mécanismes appropriés » pour surveiller l'application des dispositions de la convention proposée.

L a convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 de l'ONU traite, elle, dans quelques articles, de la protection des enfants contre l'exploitation économique et du droit fondamental à l'éducation. Elle a été signée par 191 pays.

Cependant, dans maints Etats, malgré la ratification de la convention no 138 et la signature de la convention de l'ONU, les mécanismes d'application des lois sont déficients et constituent un obstacle majeur à une protection juridique efficace contre le travail des enfants.

Les estimations de l'OIT sont accablantes : 250 millions d'enfants sont exploités dans le monde. Le problème est donc considérable tant par son ampleur que parce qu'il se pose sur tous les continents. Il touche essentiellement les pays en développement, mais certains pays industrialisés ou en économie de transition ne sont pas épargnés par ce phénomène.

Le Conseil de l'Europe a adopté, en mai dernier, un règlement incitatif mais non restrictif, qui permet aux pays bénéficiaires du système de préférences généralis ées d'obtenir, s'ils le demandent, des réductions de droits de douane supplémentaires, à condition de prouver qu'ils appliquent effectivement les normes de l'OIT sur le droit d'organisation et de négociation collective et sur le travail des enfants.

Il s'agit d'un pas supplémentaire mais insuffisant. La présente proposition de loi, que nous examinons à la veille de la journée nationale des enfants, vise à permettre aux écoles et aux collectivités publiques de montrer l'exemple et de devenir les premiers défenseurs symboliques des droits de l'enfant dans le monde.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de nos très jeunes collègues d'un jour n'aurait pu être utilement votée, car elle ne tenait pas compte des engagements internationaux et européens de la France - convention de l'OIT, code des douanes européen - sans parler des engagements pris au sein de l'OMC sur la liberté du commerce international.

En outre, la proposition faisait reposer sur les collectivités territoriales, les conseils d'administration, les élus, les chefs d'établissement et les fonctionnaires, des responsabilités qu'ils n'avaient aucun moyen d'assumer, puisque les contrôles s'effectuent essentiellement aux frontières de l'Union européenne, sur la base d'une obligation déclarative des importateurs.

Une solution aurait consisté à voter une résolution d emandant au Gouvernement de faire prendre par l'Union européenne les mesures nécessaires, notamment au sein de l'OMC et de l'OCDE.

On aurait pu aussi, pour rendre le texte réellement applicable, organiser pour les pays extérieurs à l'Union européenne un système déclaratif à la charge du grossiste, c'est-à-dire du fournirsseur, permettant une vérification sur pièces au moment de la signature du marché ou du paiement de la facture et sanctionné au niveau des fausses déclarations.

Enfin, il était également nécessaire d'appliquer ces dispositions aux établissements privés sous contrat et aux groupements d'achats publics.

Ainsi amélioré dans un climat très consensuel, ce texte aurait mérité l'approbation unanime de notre assemblée.

Malheureusement, une autre voie a été choisie, puisque l'on est passé, si je puis dire, de l'obligatoire à l'incitatif, lequel, au demeurant, n'est pas moins contraire à nos engagements internationaux, mais en insistant, il est vrai,s ur l'importance de l'information et de l'éducation civique.

Il semble cependant qu'aucune recherche sérieuse n'ait été faite pour savoir, au nom du principe de subsidiarité, quelles mesures la France pouvait adopter pour faire respecter chez elle la cohérence entre les différents engagements internationaux qu'elle a signés. La saisine pour avis de la commission des affaires étrangères et de celle des finances aurait sûrement permis d'y voir plus clair.

Le document qui nous est présenté ferait, à la vérité, la matière d'une circulaire dont l'administration chercherait en vain comment l'exécuter. Légiférer vraiment, en fixant des normes, ce qui est le métier du Parlement, serait, paraît-il, contraire aux engagements internationaux de la France, ce qui laisse entendre que la convention de l'OIT n'a aucune valeur. Triste constatation mes chers collègues, et triste réponse, si nous ne voulons pas mentir aux enfants qui nous ont apporté leur fraîcheur d'âme, que cette pâle traduction un peu hypocrite de leur si sympathique souhait.

Le Parlement s'honorerait à dire tout haut, dans une vraie loi, qu'il croit toujours dans les droits de l'homme et plus encore dans le respect de l'enfance.

C'est au nom de ce respect, mes chers collègues, que je v ous indique avec beaucoup de tristesse, que le groupe RPR s'abstiendra sur cette proposition illusoire et sans portée pratique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous féliciter de débattre aujourd'hui de la proposition de loi, directement issue des travaux du Parlement des enfants, qui vise à interdire l'achat de fournitures fabriquées dans des pays où les droits des enfants ne sont pas respectés. Cette discussion intervient à la veille de la journée nationale des droits de l'enfant, decrétée à l'unanimité par notre parlement, à l'initiative du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

Parler du travail des enfants est toujours une question difficile, car un tel scandale interpelle directement la conscience humaine.

A Oslo en 1997, l'Organisation internationale du travail estimait à 250 millions le nombre d'enfants exploités dans le monde. Le travail des enfants représente une part non négligeable du revenu de certains pays alors qu'il constitue un obstacle majeur au développement, lequel implique, plus que jamais, l'accès du plus grand nombre à l'école, au droit à la formation et à la qualification.

Les enfants des mines de Bolivie, des plantations du Brésil ou des rues du Sénégal ont un point commun : c'est la pauvreté de leur famille qui pousse ces dernières à les mettre au travail à un âge où ils devraient être à l'école et rêver d'être des enfants.

Faute de politiques sociales publiques, les familles pauvres n'ont souvent aucun moyen de scolariser leurs enfants : ils sont ainsi 141 millions de par le monde à ne pouvoir apprendre à lire ou à écrire et à ne pas être en mesure de préparer leur avenir qui est aussi celui de leur pays.

Ce sont les enfants des familles pauvres que s'approprient les prêteurs véreux, en vertu des servitudes pour dette, comme en Inde ou au Népal, ou qui sont livrés à la prostitution, comme aux Philippines, en Thaïlande ou au Brésil.

La plupart des enfants, qui se disent travailleurs dans les pays du tiers monde, participent aux tâches agricoles et domestiques de la famille. Seule une minorité serait effectivement salariée. Si l'on en croit les statistiques du BIT, ils seraient 8 % dans les commerces et les services, 6 % dans les services et 1 % dans les mines. Que ce soit sous forme autonome ou salariée, les enfants actifs tiennent une place importante dans l'économie de leur pays. Cela est vrai pour leur contribution à l'artisanat, à la culture de rente du simal, de la canne à sucre, du coton du thé ou du café. Ils occupent une grande place dans l'économie populaire, qu'il s'agisse des métiers de rue, de l'artisanat informel ou dans les services.

Pour le secteur industriel, la raison de leur utilisation est la recherche des plus bas coûts et d'une main-d'oeuvre docile. Ainsi il n'est malheureusement pas rare de voir des enfants extraire du charbon des mines en Bolivie, au Pérou ou en Colombie, façonner des briques ou fabriquer des vêtements, des tapis, des meubles, ou des articles de sports comme en Inde, au Bangladesh, au Pakistan ou en Chine.

Sur ce plan, les pays industrialisés se savent concernés.

On voit ainsi des enfants coudre le cuir en Italie, travailler sur des chantiers au Portugal, livrer des pizzas aux

Etats-Unis. Malgré son taux de chômage parmi les plus bas d'Europe, le modèle économique britannique détient un record : deux millions d'enfants au travail selon le rapport de la commission Low pay unit paru en février dernier. Sur ces deux millions, les trois quarts sont employés illégalement et 25 % auraient moins de treize ans. C'est dire combien le travail des enfants demeure un phénomène majeur qui illustre les maux de notre société.

La géographie de l'exploitation des enfants recouvre celle du développement inégal, de la crise, de la dette, des politiques d'ajustement structurel et, plus récemment, de la transition vers l'économie de marché des pays de l'Est européen. Dans tous ces pays, l'exploitation des enfants exerce ses ravages sur les populations les plus fragiles, les plus discriminées sur une base sociale, ethnique ou culturelle.

S'opposer au travail des enfants est indissociable des luttes pour la dignité et le progrès social menées par les peuples, ainsi que de la nécessité de faire évoluer les relations économiques internationales afin de faire prévaloir un vrai codéveloppement contre la logique d'exploitation, de pillage et de guerre économique.

Cette insulte à la dignité humaine que constitue le travail des enfants n'est pas un phénomène local. Dans bien des secteurs les plantations, l'agriculture, le textile, les tapis, les articles de sport, etc. les produits du travail des enfants sont distribués dans les pays développés, directement par les firmes ou à travers un écran de soustraitants qui prélèvent ainsi de copieux bénéfices.

Pour s'opposer à cette dérive un mouvement d'opinion proposant l'attribution d'un label européen à certains produits s'est développé, afin de garantir qu'aucun enfant n'a été impliqué dans leur fabrication. Il est également demandé qu'une clause sociale soit introduite dans les rapports commerciaux internationaux. Si des mesures d'interdiction et de pénalisation du recours au travail des enfants doivent s'imposer, elles ne peuvent que s'inscrire dans un combat plus vaste visant à garantir et à faire respecter la dignité et les droits de l'homme, mais aussi tendant à venir à bout des causes structurelles favorisant le recours au travail des enfants.

Dans ce but, ne pourrait-on pas conditionner l'aide internationale et la coopération, en exigeant que 20 % de l'aide publique attribuée à un pays en voie de développement soit consacrée à l'éducation primaire ? C'est l'une des revendications portées par la marche des enfants.

Cette mesure, qui n'entraînerait aucune charge supplémentaire, favoriserait indéniablement la scolarisation des enfants en devenant l'un des moyens essentiels de la lutte contre le travail des enfants. Elle établirait une autre coopération, fondée sur le respect des droits de l'homme.

Adoptée à l'unanimité par l'ONU le 20 septembre 1989, la convention internationale des droits de l'enfant constitue à cet égard une étape importante dans la reconnaissance de l'enfant en tant qu'individu et un point d'appui pour continuer à agir.

Tous ceux qui luttent de par le monde doivent pouvoir se mobiliser de manière convergente. C'est aussi cela construire une mondialisation de coopération, de fraternité, d'aide et de paix. Comment ne pas saluer la marche internationale accomplie, au début de 1998, avec pour mot d'ordre « De l'exploitation à l'éducation », par des enfants originaires des quatre continents, lesquels, après avoir traversé quelque 107 pays, sont venus dénoncer, devant la quatre-vingt-sixième conférence internationale du travail organisé par le BIT, les situations vécues par 250 millions de leurs camarades.

Cette marche a eu un écho considérable. Elle a concrétisé la capacité d'agir ensemble dans un but commun de centaines d'associations et d'organisations si diverses par ailleurs.

Organisée afin de répondre à l'exigence proclamée par les enfants, cette marche n'a pas été pour rien dans l'adoption par le Bureau international du travail d'une nouvelle convention contre le travail des enfants, à l'amélioration et au contrôle de laquelle il faudrait associer les enfants qui travaillent et leurs représentants.

Cette convention traite aussi des droits fondamentaux.

Son ambition est d'obliger les Etats à abolir immédiatement les formes les plus extrêmes du travail des enfants, toutes les formes d'esclavage, de vente, de traite des enfants, de travail forcé ou obligatoire, y compris la servitude pour dette ou servage...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Pensez à conclure, madame Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je conclus, monsieur le président.

... et toute utilisation d'enfants à des fins illicites, telle la prostitution, ou son engagement dans tout type de travail susceptible de compromettre sa santé, sa sécurité ou sa moralité.

Il s'agit d'une étape importante dans une action forcément de longue haleine, mais qui est essentielle car, pardelà même la souffrance intolérable vécue au quotidien par des centaines de millions d'enfants, c'est le caractère civilisé de la société humaine qui est en jeu.

Tout pas en avant dans cette perspective se doit d'être favorisé. Notre groupe émettra donc un vote positif sur cette proposition de loi qui constitue une avancée pour le respect des droits des enfants et de l'article 32 de la convention sur les droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut saluer l'excellente initiative qui consiste à combattre, par tous les moyens, l'exploitation des enfants de par le monde. Il convient même de regretter que les nations signataires ne soient que soixante-deux à avoir signé la convention de l'OIT et ne se mobilisent pas davantage contre cette exploitation lamentable.

Nous devons également saluer une nouvelle fois le bon sens des enfants, notamment ceux de Sarcelles qui nous ont proposé ce texte.

Malheureusement, si l'on reprend les articles de cette proposition en les analysant les uns après les autres, on ne peut pas se satisfaire de la rédaction proposée. Je pense en particulier à l'article 1er . D'ailleurs, dans le rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre rapporteur, Raymonde Le Texier écrit : « On doit toutefois s'interroger sur la pertinence juridique des notions utilisées » et : « On voit mal comment une telle obligation pourrait être imposée à des entreprises étrangères ».

Même pour la France, son application pose des problèmes, eu égard au code des marchés publics. Il n'est pas possible de favoriser, dit-elle plus loin, sur la base du critère de l'exploitation des enfants, « un candidat par rapport à d'autres entreprises qui auraient présenté des offres équivalentes, en raison des règles du commerce international ».

Le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ajoutait que « le texte de la proposition de loi se situait dans un cadre seulement incitatif et qu'il correspondait en fait à une bataille politique devant être menée au niveau international contre le travail des enfants dans le monde ». En fait, il reconnaît lui-même que l'impact de ce texte est extrêmement limité, surtout dans sa rédaction actuelle.

A l'article 2, on aurait pu durcir le texte, par exemple en interdisant tout simplement la vente des produits.

Ç'aurait été beaucoup plus efficace que d'inciter les enfants à ne pas les acheter dans les grandes surfaces ou dans les librairies. Mais sur quelle base, là encore, s'appuyer pour prendre une telle décision ? L'article 3 serait satisfaisant s'il n'était très général et manquait de précision. Il est encourageant ; il faut effectivement communiquer et nous sommes tout à fait favorables à l'idée de sensibiliser l'opinion publique à la monstruosité de l'exploitation des enfants de par le monde.

Mais si le texte précédent relatif au médiateur, qui était une émanation du groupe de travail sur les droits de l'enfant en France, est une réalisation concrète - et nous avons voté pour, avec enthousiasme - le présent texte manque de rigueur et de précision. Aussi, au risque de décevoir les initiateurs de la proposition - mais l'Assemblée nationale et Mme la ministre ont rendu hommage au sens des responsabilités des enfants - ils pourront comprendre la position du groupe UDF qui s'abstiendra car il souhaite qu'elle soit améliorée, soit par le Sénat, soit par nous en deuxième lecture, afin de lui apporter la configuration juridique nécessaire, digne de notre assemblée.

Nous regrettons, comme nos collègues du groupe RPR, de devoir adopter, pour l'instant, cette position d'attente, en espérant de tout coeur que, lors de la deuxième lecture, nous pourrons donner à ce texte un contenu jurid ique satisfaisant pour une meilleure application.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « l'univers ne mérite pas d'exister s'il doit coûter une larme à un enfant ».

Parce que je crois à la justesse, à la pertinence et, hélas ! à l'ardente actualité de ce mot prononcé, il y a déjà plus d'un siècle, par Dostoïevski, vous comprendrez ma satisfaction de voir enfin notre assemblée délibérer pour lutter contre l'exploitation du travail des enfants dans le monde.

J'avais déjà suggéré au précédent gouvernement, en usant d'une question écrite, la mise en place d'un label de conformité sociale destiné à prohiber les importations de produits ayant fait intervenir une main-d'oeuvre enfantine. On m'avait alors renvoyé, d'une manière très hypothétique, au niveau européen. Je cite pour vous, madame Aurillac : « La mise en place d'un label de conformité exige que ce label soit européen ». J'ai quelque peu l'impression qu'aujourd'hui, le RPR fait preuve d'une audace qui était émoussée, hier, au Gouvernement.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur.

Très bien !

M. Pierre Carassus.

Et voilà qu'en 1997, l'une des propositions de loi retenues par le quatrième Parlement des enfants tendait à faire figurer un logo sur toute marchandise pour garantir aux consommateurs qu'aucun enfant n'avait travaillé à sa fabrication.

J'interrogeais immédiatement Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, pour savoir si elle entendait modifier la législation en ce sens. En réponse, elle avait informé notre Assemblée du combat mené par le gouvernement français aux réunions de l'OMC, à Marrakech et à Singapour, pour que cette clause sociale soit inscrite dans les règles de l'organisation du commerce international, le refus de certains pays n'ayant pas permis d'aboutir.

Les députés du Mouvement des citoyens peuvent comprendre que soit privilégié le niveau international pour mettre en place ces labels sociaux, mais il considère que devant des blocages, rien, bien au contraire, n'interdit à la France, sur une question aussi sensible, de prendre des initiatives réglementaires ou législatives.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

Aujourd'hui, heureusement, le Parlement des enfants nous y invite. Nous ne cacherons pas notre plaisir, même si l'on peut regretter que le champ d'application du secteur commercial visé soit fort restreint. Ne sont concernées que les fournitures scolaires.

Cette réserve étant faite, nous considérons que cette proposition de loi constitue une avancée remarquable.

Nous la voterons en privilégiant quatre objectifs : encourager les élans de solidarité qui se manifestent spontanément au sein de notre jeunesse et qui ont inspiré fortement la proposition de loi du Parlement des enfants ; agir ici et maintenant contre la progression du travail des enfants dans le monde ; favoriser l'intervention et la responsabilité des consommateurs pour lutter contre ce fléau ; s'opposer à la logique du « moins-disant » social imposé par la concurrence sauvage et le tout libéral qui régissent les échanges commerciaux internationaux.

Comme l'a rappelé notre rapporteur, la proposition de loi que nous examinons a été élaborée par les élèves de l a classe de CM2 de l'école Saint-Exupéry de Sarcelles.

Dans leur exposé des motifs, ces enfants soulignent qu'ils ont été particulièrement touchés par des photos prises par une journaliste-photographe, Mme Marie Dorigny, dont l'oeuvre réalisée sur ce thème vient d'obtenir le prix du meilleur jeune photographe-reporter de l'année.

Au-delà de la beauté artistique, je sais, pour l'avoir présentée dans ma circonscription, que cette exposition est d'abord un documentaire éloquent qui nous fait découvrir que des enfants, même très jeunes, fabriquent des marchandises dans des secteurs divers : habillement, chaussure, équipement sportif, agriculture, briqueterie, tapisserie. Les travaux qu'ils accomplissent sont souvent pénibles.

C'est dire que devant ces images rudes, l'émotion des élèves de la classe de CM2 de Sarcelles est fort compréhensible. Ils l'expriment avec clarté : « Il nous a semblé honteux, écrivent-ils, que des gens puissent acheter des produits fabriqués par des enfants dans de telles conditions ». Et si je peux me permettre, madame la ministre, de vous faire une suggestion, il me semble que cette exposition mériterait d'être mise à la disposition des écoles par l'éducation nationale.

En effet, nos enfants, nos scolaires doivent savoir que ces enfants, qui sont mis au travail très jeunes, ne connaissent pas de véritable jeunesse, qu'ils travaillent dans des conditions fort dangereuses. D'ailleurs, la mortalité enfantine dans les pays concernés est inquiétante.

Notre jeunesse doit aussi savoir que, dans le monde moderne, les plus grandes douleurs sont souvent muettes.

C'est pourquoi le premier mérite de la proposition de loi dont nous débattons est de favoriser la sensibilisation des enfants à cette cruelle réalité qu'est le travail des enfants dans le monde. D'autant que celui-ci ne cesse de croître, notamment avec certaines formes d'organisation du travail.

Les Etats-Unis et l'Europe ne sont pas épargnés. En F rance même, des enfants aident leurs parents et complètent les revenus de la famille avec des petits boulots, métiers de la rue notamment.

Mais ce fléau concerne surtout les pays en voie de développement. Le bureau international du travail estime à 250 millions le nombre d'enfants exploités, dont 120 millions à plein temps, sans parler du travail domestique, pratique courante dans de nombreux pays, surtout pour les jeunes filles.

Différents facteurs contribuent à conforter cette réalité, mais, pour l'essentiel, ce qui explique le recours à la main-d'oeuvre enfantine, c'est que celle-ci est moins chère et plus docile - et elle ne se syndique pas ! Notre proposition de loi ne peut qu'aider, même modestement, à faire reculer ce fléau. Agir ici et maintenant, notamment sur le plan législatif et réglementaire se justifie plus que jamais. Certes, notre intervention se limite aux matériels scolaires. Mais c'est une première brèche, une invitation à combler le vide juridique actuel.

Les consommateurs - ou les « consommo-acteurs », pour reprendre le vocabulaire de leurs associations - ont ouvert la voie. Les entreprises commerciales sont confrontées à une exigence nouvelle de plus en plus pressante : les consommateurs veulent acheter « propre socialement ».

Ainsi, une trentaine d'associations de consommateurs et d'organisations syndicales, suite à diverses campagnes, notamment celle « de l'éthique sur l'étiquette » ont obtenu que de grands distributeurs adoptent un code de bonne conduite fondé sur le respect des règles de l'organisation internationale du travail. Certains, moins nombreux, ont même accepté un contrôle indépendant de l'application de ce code.

C'est là, le seul moyen, me semble-t-il, de donner une garantie aux consommateurs. Nous souhaitons que le Gouvernement prolonge ces engagements contractuels, tant au niveau international et européen que dans notre pays, par des réformes réglementaires plus globales. Mais ne nous méprenons pas, les nouvelles mesures que nous nous apprêtons à prendre, malgré leurs limites, peuvent entraîner un changement salutaire des mentalités.

Le discours dominant qui accompagne la mondialisation des échanges commerciaux vise à amener les peuples à un sentiment d'impuissance : il serait impossible d'être acteurs et donc citoyens.

Il nous est donc proposé de refuser cette prétendue fatalité pour aller, par la loi, avec le soutien des consommateurs, vers la suppression du travail des enfants dans la f abrication des matériels scolaires commercialisés en France. C'est un engagement limité, mais novateur.

Mais pour éradiquer le travail des enfants dans le monde et les formes d'exploitation qui s'y rattachent, l'éducation reste l'outil fondamental. Il sera nécessaire d'inciter les Etats à inscrire l'obligation et la gratuité de l'école dans leurs législations.

Les pays développés doivent accroître par ailleurs leur financement de l'IPEC, programme international pour l'abolition du travail des enfants, et la France qui, en 1998, a doublé ses crédits par rapport à 1996 doit poursuivre son effort.

Chers collègues, nous le savons tous, les échanges commerciaux internationaux sont inéluctables. Ils peuvent même être facteurs de progrès. Mais ce qui n'est pas inéluctable, c'est la concurrence sauvage et le tout libéral qui régissent ces échanges en aggravant les inégalités et la pauvreté. Bien au contraire, nous devons viser à la mondialisation du progrès social.

Pour la bonne marche de l'humanité, la voix des enfants qui souffrent, l'écho que va lui donner dans notre pays le Parlement des enfants, nous interpellent tous.

Il ne peut y avoir désormais dans le monde des adultes, je veux dire des responsables, ni aveugles, ni sourds, ni naïfs, mais uniquement des indifférents, voire des complices.

Aujourd'hui l'enjeu est grand. Il faut se battre avec force et ardeur, pour faire avancer, et pourquoi pas triompher, l'idée d'un minimum social universel tel que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

vient de le définir, en juin 1998, la conférence internationale du travail, qui regroupe, rappelons-le, les représentants des gouvernements, mais aussi les représentants des employeurs et des travailleurs de 174 pays.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Carassus.

M. Pierre Carassus.

Quatre droits fondamentaux ont été affirmés : liberté d'association et droit de négociation collective ; élimination de toute forme de travail forcé ; abolition effective du travail des enfants ; élimination de la discrimination en matière d'emploi.

Pour que ces droits sociaux soient respectés, il est impératif qu'ils fassent partie intégrante des accords commerciaux internationaux à venir, notamment au sein de l'OMC.

Dans ce domaine, nous avons une ardente obligation : faire entendre au monde des grands la voix des justes, la voix des enfants, la voix de la raison, du coeur et du courage.

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Mes chers collègues, en préambule de mon propos, je veux vous citer un poème de Victor Hugo, qui, plus d'un siècle après, reste d'une actualité frappante.

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?

« Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?

« Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?

« Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;

« Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement

« Dans la même prison le même mouvement.

« Accroupis sous les dents d'une machine sombre,

« Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,

« Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,

« Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.

« Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.

« Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las. »

M. Jacques Brunhes.

C'est la dénonciation du capitalisme !

M. François Goulard.

Il a changé de visage, depuis !

Mme Muguette Jacquaint.

Vive Victor Hugo !

M. José Rossi.

C'est un constat qui nous rassemble aujourd'hui, cher collègue, pour lutter non pas contre le capitalisme aujourd'hui, mais contre le travail forcé des enfants et l'exploitation dont ils sont les victimes dans des régimes qui sont loin d'être tous capitalistes. C'est donc un problème qui dépasse largement votre réflexion, monsieur Brunhes ! Car si, aujourd'hui, en France, le travail des enfants a heureusement bien disparu, ce sont encore 250 millions d'enfants de moins de quatorze ans qui travaillent dans le monde.

Pourtant, tant sur le plan national que sur le plan international, le travail des enfants a été un des domaines dans lesquels une réglementation a été adoptée. C'est le même souci de protéger les enfants contre des conditions de travail qui avaient révolté les consciences qui a inspiré, à l'origine, la notion même d'une législation tant nationale qu'internationale. Bref, la nécessité de protéger les enfants contre tout travail à un âge trop jeune et contre les conditions de travail trop pénibles est restée le souci prédominant de beaucoup de pays démocratiques. Parallèlement, le souci de formation, de développement et d'emploi des jeunes a aussi inspiré de multiples mesures en direction des enfants.

Sur le plan national, c'est la protection des enfants qu'ont visée les premières lois du travail, il faut le rappeler. La loi française du 22 mars 1841 fixait l'âge minimum d'admission aux travaux industriels à huit ans : que de chemin parcouru depuis, monsieur Brunhes !

M. Bernard Birsinger.

Grâce à la gauche !

M. José Rossi.

Sur le plan international, la protection des enfants et des adolescents a été considérée, à sa fondation, comme l'une des tâches essentielles de l'organisation internationale du travail. Dès 1919, elle figurait tant dans le préambule que dans les principes généraux de sa c onstitution. Depuis, douze conventions de l'OIT concernent l'âge minimum et le travail forcé. Une nouvelle convention internationale concernant l'interdiction et l'élimination effective des pires formes de travail des enfants devrait être adoptée encore l'année prochaine.

Or, malgré tout l'arsenal juridique international existant, les droits des enfants ne sont pas respectés dans de trop nombreux pays : 61 % des enfants travailleurs vivent en Asie - 153 millions -, 32 % en Afrique - 80 millions -, et 7 % en Amérique latine - plus de 17 millions.

L'existence du travail des enfants est également attestée dans beaucoup de pays industrialisés, d'après le bureau international du travail, comme les Etats-Unis, l'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni. Ce problème fait aussi son a pparition, évidemment, dans de nombreux pays d'Europe de l'Est et d'Asie qui libéralisent leur économie.

L'enquête du BIT passe en revue les formes d'exploitation et les dangers les plus graves auxquels sont soumis les enfants : esclavage et travail forcé, prostitution et traite des enfants. Ils travaillent dans l'agriculture, les mines, les fabriques de céramique et verreries, les fabriques d'allumettes et de feux d'artifice, la pêche hauturière, les travaux domestiques et le bâtiment.

Il faut donc agir, nous en sommes tous d'accord. Et, c'est pour cela que nous sommes là ce soir.

Cependant, malgré tous les outils, nous sommes le plus souvent impuissants - il faut aussi le constater. Pourtant, la mondialisation et la libéralisation des échanges doivent, certes, aller de pair avec le respect des droits fondamentaux des travailleurs. Car, il s'agit d'un problème politique et social dont la solution est délicate. Mais, le boycott ou le renvoi immédiat des enfants des industries dans lesquelles ils travaillent peuvent conduire aussi - on le sait - à une situation d'exploitation pire encore.

L'angélisme en la matière n'est pas de mise et peut aboutir à des résultats pires encore que des solutions adaptées que l'on se doit de rechercher. De plus, les engagements internationaux de la France ne lui permettent pas d'invoquer un critère de nationalité dans ses relations commerciales.

En fait, ce qui paraît le plus important dans la démarche collective qui peut être la nôtre, c'est la sensibilisation de l'opinion publique et la mobilisation des volontés politiques pour aller aux racines du problème et éradiquer ce fléau.

La cause la plus décisive du travail des enfants, c'est la persistance de la pauvreté dans de nombreux pays. La pauvreté est l'une des menaces les plus graves qui pèse sur le droit de l'enfant, dont la survie doit être recherchée à travers le développement économique et social. La pauvreté est la cause fondamentale du manque de scolarisation, de la malnutrition et de l'insuffisance de soins


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médicaux. La pauvreté mène à l'utilisation des enfants comme des forçats. C'est pourquoi la lutte contre l'exploitation des enfants et le combat pour les droits de l'enfant font partie de la lutte générale contre la pauvreté.

C'est au cercle vicieux de la pauvreté qu'il faut mettre fin.

Je ne veux pas critiquer le travail réalisé par ceux qui ont pris l'initiative de cette proposition de loi mais je rejoins les remarques présentées par Mme Aurillac, au nom du groupe du RPR, et par M. Baguet au nom du groupe UDF. Le groupe DL ne va pas la voter en première lecture car, en dépit de la générosité qui l'inspire e t de la bonne volonté qu'elle traduit, elle ne donne pas suffisamment de garanties et ne répond pas au rôle qui doit être celui du Parlement et de l'Assemblée nationale en particulier, à savoir établir des normes qui peuvent se traduire ensuite par des actes.

Ce que vous allez sans doute voter majoritairement dans cette assemblée, c'est un acte de bonne volonté, une déclaration de principe. En soi, c'est utile, mais je crains que, si nous répétions ce type de démarche, on ne dévalorise en définitive le rôle de l'Assemblée nationale qui doit être en mesure, une fois qu'elle a voté un texte, de le faire appliquer et respecter. Cela ne sera pas le cas et, en outre, les règles posées à l'article 1er risquent de compliquer le fonctionnement de certains établissements publics et notamment scolaires.

L'article 1er est ainsi rédigé : Pour les achats de fournitures destinés aux établissements scolaires, les collectivités publiques et établissements concernés veillent à ce que la fabrication des produits achetés n'ait pas requis l'emploi d'une main-d'oeuvre enfantine dans des conditions contraires aux engagements internationaux. Les renseignements correspondants peuvent être demandés à l'appui des candidatures ou des offres.

Cela, vous en êtes bien conscients, ne peut que créer des complications. Les établissements qui voudront passer leurs marchés publics dans la plus grande transparence pourront être en butte à des difficultés invoquées par les uns et les autres qui compliqueront leur tâche. La loi, en la matière, est déjà bien complexe ! Je vous appelle donc à faire preuve de prudence dans la suite de la discussion. Ce texte va en effet aller au Sénat, puis revenir à l'Assemblée nationale. Nous souhaitons pouvoir le voter en deuxième lecture mais il faudrait qu'il soit considérablement enrichi et amélioré pour que ce soit un véritable acte législatif qui engage la représentation nationale et sur lequel nous puissions nous mobiliser collectivement comme nous l'avons fait tout à l'heure, en dépit de certains désaccords, sur la création d'un médiateur des enfants. Dans un premier temps, nous nous abstiendrons, dans une position d'attente. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Madame la ministre, ils s'appellent Mary, Gwenn, Siri, Alfred, Kevin et portent encore bien d'autres prénoms. Ils ont de cinq à quinze ans. Elle décharge des sacs d'engrais toute la journée, lui travaille à la ferme, un autre vend son corps pour quelques pièces de monnaie qui lui permettront de manger. Tous ces enfants ont comme point commun d'être livrés, comme les 250 millions d'autres enfants dans le monde, aux dures lois du travail anarchique et de la pauvreté.

Enfants artisans, enfants ouvriers, enfants paysans, enfants prostitués, ce sont des enfants travailleurs. Même si, à mon sens, elle ne suscite pas encore la mobilisation que l'on serait en droit d'attendre, l'exploitation économique des enfants est néanmoins perçue comme l'une des atteintes les plus intolérables aux droits de l'homme de cette fin de siècle.

Déjà, le 2 mai 1837, à une époque où notre pays était encore confronté à ce fléau, le docteur Villermé, dans un discours sur la durée trop longue du travail des enfants, disait : « Les industries n'exigent guère, il est vrai, de la part des enfants, qu'une simple surveillance. Mais ils restent seize à dix-sept heures debout, chaque jour, dont treize au moins dans une pièce fermée, sans presque changer de place. Ce n'est plus là un travail, c'est une torture ; et on l'inflige à des enfants de six à huit ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir, dès cinq heures du matin, la longue distance qui les sépare de leurs ateliers. C'est ce long supplice de tous les jours qui ruine principalement leur santé. » Nous étions, je le

répète, en 1837.

Depuis, un certain nombre de textes, de règlements, de déclarations ont vu le jour sur le thème du travail des enfants, mais nos sociétés occidentales ont évolué, et, aujourd'hui, le travail des enfants, ou plutôt l'exploitation des enfants par le travail, quelle que soit sa forme, est engendré essentiellement par la pauvreté : pauvreté des pays rendus dépendants par une forte dette extérieure, par les aléas du prix des matières premières, par les plans d'ajustement structurels imposés par le FMI ; pauvreté, aussi, des familles poussées à engager le plus grand nombre de leurs membres sur le marché du travail, enfants inclus ; pauvreté, enfin, de systèmes éducatifs provoquant le recul de la scolarisation depuis le début des années quatre-vingt, au point que les études du bureau international du travail annoncent qu'un enfant sur deux conjugue aujourd'hui école et travail.

Gouvernements, associations, syndicats s'emparent du problème. Certaines entreprises communiquent sur cette base, en garantissant que tel ou tel bien n'a pas été produit par des enfants. Mais, au-delà de la condamnation morale ou des effets d'annonce, il convient d'engager le combat effectif contre l'exploitation des enfants.

Tel est le sens de cette proposition de loi, fruit d'un double mouvement : anniversaire de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, et travaux du cinquième Parlement des enfants. Le 16 mai 1998, les 577 députés-juniors ont retenu la proposition de loi présentée par les élèves de CM2 de l'école Saint-Exupéry 2 de Sarcelles, visant à interdire l'achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fournitures fabriquées par des enfants dans les pays où les droits de l'enfant ne sont pas respectés.

Comment des adultes pourraient-ils ne pas rendre hommage à ces jeunes Français, que leur générosité, leur sensibilité et leur sens des réalités ont amenés à formuler cette proposition de loi ? S'il est vrai que nous devons soutenir activement et fortement nos jeunes compatriotes dans cette démarche, je ne puis m'empêcher cependant de céder parfois à la colère.

Personne dans cet hémicycle, personne dans notre pays ne contestera les horreurs que nous voyons, que nous lisons, que nous imaginons à ce propos très régulièrement. Pourquoi n'est-il pas suffisant d'interdire tout simplement le travail des enfants ? Pourquoi ne suffit-il pas


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de le dire pour être entendu ? Pourquoi le monde des adultes, les sociétés évoluées, comme on dit, doivent-elles toujours, pour résoudre de tels problèmes, entrer dans des c onsidérations juridiques qu'aucun enfant, qu'aucun jeune ne peut comprendre ? Comment expliquer aux élèves de Sarcelles et d'ailleurs que l'on ne peut interdire véritablement le travail de leurs congénères, que l'on ne peut obliger les collectivités à ne pas acheter de fournitures scolaires en provenance de pays où les enfants travaillent, mais simplement les inciter à la vigilance, que la société organisée qui est la nôtre, que les équilibres internationaux qui sont ceux que tous les pays ont créés, ne nous permettent pas d'effacer la douleur de ces enfants ? Pourtant, c'est aujourd'hui notre devoir, à travers cette proposition de loi, aussi difficile soit-il.

Ce texte, amendé, gardera, je l'espère, le côté généreux qui est le sien, et je souhaite, pour ma part, qu'il soit effectivement diffusé, comme le prévoit l'article 2, auprès de chaque école, pour qu'il pénètre au coeur de chaque famille, dans le but de sensibiliser la totalité des consommateurs que nous sommes, jeunes et moins jeunes.

Ma collègue rapporteur l'a en effet souligné, ce texte peut et doit être l'occasion de dire à la population, aux chefs d'Etats du monde entier, qu'il est intolérable, au XXe siècle, d'entendre des enfants dire, comme Kip Obenda : « Les crocodiles font mal à leurs enfants pour les éduquer, mais les hommes le font pour le profit. »

Alors aidons ensemble, grâce aux moyens dont nous disposons, ces pays qui exploitent les enfants. Continuons à informer des actions qui sont menées, à dénoncer encore et toujours le travail des enfants, à demander toujours la signature d'accords au plus haut niveau entre les associations, les gouvernements, les syndicats, mais aussi d'accords plus locaux, à l'instar de l'opération de

« l'éthique sur l'étiquette ».

Soutenons ensemble les organisations non gouvernementales qui s'impliquent fortement sur le terrain dans l'objectif de rendre plus humaine la vie de tous les jours.

Votons et diffusons ensemble ce texte de loi. C'est une pierre de plus apportée aux générations futures dans la construction d'un monde meilleur, même s'il en manque encore beaucoup trop. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Anicet Turinay.

M. Anicet Turinay.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, due à l'initiative des élèves du CM2 de Saint-Exupéry 2 de Sarcelles, et retenue par une grande majorité des députés juniors le 16 mai 1998, lors de la séance du Parlement des enfants, démontre que nos jeunes ont pris conscience du problème du travail des enfants dans le monde.

Cette prise de conscience était d'autant plus symbolique que, le 23 mai 1998, arrivait à Paris, sur la place du Trocadéro, la Marche mondiale de l'exploitation des enfants au travail, à l'éducation.

En effet, aujourd'hui, en dépit des différentes législations interdisant le travail des enfants, plus de 250 millions d'enfants âgés de cinq à quatorze ans travaillent à temps partiel ou à temps complet dans des conditions pénibles, dangereuses, dégradantes, en échange de salaires insignifiants. C'est inacceptable à l'aube du

XXIe siècle.

Les jeunes, dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, écrivaient : il est honteux que des gens puissent acheter des produits fabriqués dans de telles conditions.

Pour prendre part à la lutte contre ce fléau, le Parlement examine la proposition visant à inciter les établissements scolaires et les collectivités à ne pas acheter des fournitures fabriquées par des enfants.

Pourquoi les enfants travaillent-ils ? L'une des causes fondamentales du travail des enfants est la pauvreté. Travailler à plein temps est une question de survie pour les enfants des familles pauvres, lesquelles, de toute façon, n'auraient pas les moyens de les envoyer à l'école.

En Europe, le travail des enfants a diminué à grande échelle avec l'industrialisation, même s'il persiste sous des formes nouvelles, en raison de la récession économique.

Aux Etats-Unis, les enfants qui travaillent sont surtout des immigrés faisant partie de minorités ethniques. En France, des enfants turcs ou tamouls sont cachés dans les sous-sols des ateliers clandestins et travaillent sans relâche.

Par leur travail, les enfants récupéreront de petits gains qui sont indispensables aux familles.

Le second facteur est d'ordre culturel. Dans de nombreux pays encore, l'enfant est considéré comme un élément de la communauté d'appartenance et non comme une « individualité » qui a le droit de s'exprimer. Dans de tels cas, l'enfant a le devoir de se plier au code du comportement implicite propre à son groupe d'appartenance et au mode de division du travail qui y prévaut.

De plus, l'école est encore perçue dans de nombreuses régions comme une institution étrangère qui vient supplanter « l'apprentissage » offert par le groupe.

Inciter les établissements scolaires et les collectivités à ne pas acheter des fournitures fabriquées par des enfants n'aura que très peu d'impact sur le règlement du problème du travail des enfants. Dans un marché mondial ouvert, l'abolition du travail des enfants dans un pays donné pourrait avoir simplement pour effet de transférer l'activité vers d'autres pays qui n'ont pas encore abandonné cette pratique. La demande de main-d'oeuvre enfantine a une composante internationale, et les mesures prises pour la décourager doivent s'appliquer à l'ensemble des grands producteurs pour être efficaces. D'une manière générale, les actions entreprises se limitant aux sanctions commerciales imposées par certains pays ne répondent pas aux problèmes de la pauvreté et de l'injustice sociale qui sont le résultat de politiques économiques dominantes sur le plan international.

L'action la plus probante pour résoudre ce problème est l'aide au développement, qui a pris, à l'Organisation internationale du travail, depuis 1991, la forme d'un programme international pour l'abolition du travail des enfants, appelé IPEC, dont les principaux donateurs sont l'Allemagne et l'Espagne. L'IPEC gère aujourd'hui des centaines de programmes d'action dans plus de cinquante pays.

Son objectif est triple : contribuer à l'abolition progressive du travail des enfants en renforçant la capacité des pays à s'attaquer à ce problème ; donner la priorité à l'élimination des formes extrêmes du travail des enfants ; insister sur les mesures préventives. Son originalité et son succès tiennent au fait qu'il fonde toute son action sur l'engagement politique des gouvernements et la création, par l'ensemble des acteurs nationaux, d'une sorte d'alliance sociale à l'échelle du pays.

De même l'UNICEF, fonds des Nations unies pour l'enfance, participe à des programmes novateurs destinés à mettre un terme au travail des enfants et à assurer une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

scolarité souple et adaptée à la situation locale. Ainsi quelque 8 000 petits travailleurs, dont 85 % sont des filles, sont rémunérés pendant qu'ils fréquentent l'école dans plus de 300 salles de classes créées près des usines.

Par ailleurs, les campagnes de sensibilisation ont, à long terme, un rôle crucial à jouer dans la prise de conscience du travail des enfants par la société. Les médias et les organisations non gouvernementales peuvent faire oeuvre très utile dans la détection des problèmes de l'enfance exploitée en attirant l'attention du public.

Dix ans après la Déclaration des droits de l'homme, l'ONU a adopté, en 1959, à l'unanimité, la Déclaration des droits de l'enfant. Concernant les enfants travailleurs, elle précisait : « l'enfant ne doit pas être admis à l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié, il ne doit en aucun cas être astreint à prendre un emploi nuisible à sa santé ou à son éducation ».

A la veille de la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, et du quarantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'enfant, je souhaite que la France s'investisse davantage dans des actions de coopération internationale destinées à aider les enfants exploités par le biais de programmes de réhabilitation et de réformes bien pensés.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est Mme le rapporteur.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur.

Mme Aurillac, au nom du RPR, et M. Baguet, au nom du groupe UDF, ont regretté que le texte proposé n'aille pas assez loin, mais, pour aller plus loin, il faut faire évoluer la législation internationale et communautaire, il faut faire pression pour aller plus vite, et nous faisons confiance à la volonté du Gouvernement.

En outre, si cette proposition de loi leur paraissait digne d'intérêt, il leur était possible de déposer des amendements pour l'enrichir, ce qu'ils n'ont pas fait.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Rossi a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Un enseignement spécifique des droits de l'enfant est donné lors des cours d'éducation civique à tous les stades de la scolarité afin de sensibiliser les élèves au respect des droits de l'enfant. »

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Cet amendement n'a pas été examiné en commission car je ne l'ai déposé qu'avant le début de la discussion générale. Il tend à poser le principe de l'enseignement systématique des droits de l'enfant. Une t elle mesure pourrait être appliquée de façon très concrète.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur.

Comme vous l'avez précisé, monsieur Rossi, cet amendement n'a pas été examiné en commission. Je comprends votre souci de mettre l'accent sur la pédagogie en matière de lutte contre l'exploitation des enfants. Toutefois, nous nous sommes efforcés de respecter la volonté des enfants qui, dans leur texte initial, posaient volontairement et de façon symbolique l'interdiction d'acheter des fournitures fabriquées par des enfants dans les pays où les droits des enfants ne sont pas respectés. A titre personnel, je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Défavorable, d'autant plus que l'article 3 de la proposition de loi répond déjà à cette préoccupation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Pour les achats de fournitures destinés aux établissements scolaires, les collectivités publiques et établissements concernés veillent à ce que la fabrication des produits achetés n'ait pas requis l'emploi d'une main-d'oeuvre enfantine dans des conditions contraires aux engagements internationaux.

« Les renseignements correspondants peuvent être demandés à l'appui des candidatures ou des offres. »

Mme Le Texier a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'article 1er , substituer aux mots : "engagements internationaux", les m ots : "conventions internationalement reconnues". »

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur.

Amendement de précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

1. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Lors de la présentation de la liste des fournitures scolaires, les élèves reçoivent une information sur la nécessité d'éviter l'achat de produits fabriqués par des enfants dans des conditions contraires aux engagements internationaux. »

Mme Le Texier a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« A la fin de l'article 2, substituer aux mots : "engagements internationaux", les mots : "conventions internationalement reconnues". »

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur.

Amendement de précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

2. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3 - L'enseignement d'éducation civique comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation à la connaissance et au respect des droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Dans ce cadre est donnée une information sur le rôle des organisations non gouvernementales oeuvrant pour la protection de l'enfant. »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Titre

M. le président.

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée nationale que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :

« Proposition de loi visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires. »

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

4

CONSEILS RÉGIONAUX Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (nos 1142, 1177).

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, u ne question préalable déposée en application de l'article 91, aliné 4, du règlement.

La parole est M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par une sorte de rappel au règlement car les conditions dans lesquelles nous examinons ce projet sont choquantes. Hier soir, la suite du débat sur la lutte contre le dopage a été reportée à ce matin, alors que nous aurions très bien pu finir dans la nuit. Ensuite, des amendements sont miraculeusement apparus sur des textes qui ont été examinés cet après-midi. Vous avez aussi réussi à écourter l'exception d'irrecevabilité présentée par mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres, et vous espérez maintenant examiner cette nuit, en catimini, ce projet de loi qui présente, mes chers collègues, des caractéristiques particulièrement choquantes, surtout pour ceux qui font, depuis quelque temps, profession de moralisme.

Nous sommes aussi saisis de ce projet de loi après déclaration d'urgence, alors qu'on voit mal où est l'urgence.

Mais revenons d'abord sur la genèse de ce texte. Qui a institué proportionnelle à un tour, sans effet majoritaire ?

M. Alain Le Vern.

Que ne l'avez-vous modifiée !

M. Pascal Clément.

Vous, les socialistes ! Qui, par la suite, a découvert que ce texte ne fonctionnait que d'une façon imparfaite ? Tout le monde, y compris nous. Vous êtes arrivés au pouvoir en 1997, avant les élections régionales, et vous n'avez pas trouvé une minute pour changer leur mode de scrutin que nous comme vous ! critiquions depuis dix ans ! Les élections régionales ont eu lieu en 1997 ; vous aviez donc déjà plusieurs mois de pouvoir derrière vous.

Vous saviez très bien ce qui allait arriver, comme nous d'ailleurs, et, à cet égard, la responsabilité peut être partagée.

Puis est arrivé ce qui devait arriver : vous avez adopté cette posture morale dont vous avez le secret, vous qui avez donné l'exemple des alliances les plus contre nature, l es moins morales, et qui sont aujourd'hui, je le reconnais, totalement banalisées. Et maintenant, de postures morales en déclarations vertueuses, voici que vous organisez le mode de scrutin le plus inique qu'ait jamais connu la République.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Vous forcez le trait !

M. Pascal Clément.

Pouvez-vous me citer, dans l'histoire de la République, un scrutin proportionnel à deux tours ? Que ce soit sous la IIIe République, la IVe ou la Ve jamais on n'a osé ce que vous osez. Vous nous acculez à cette alternative : l'alliance impossible, et c'est le déshonneur, ou l'échec assuré. Mais vous ne pourrez longtemps survivre politiquement à cette mauvaise action ! On ne peut pas organiser la vie démocratique à partir d'un mode de scrutin dont on sait déjà qu'il ne peut assurer l'alternance, sauf si nous passions - et c'est en fait ce que vous souhaitez et à quoi vous nous poussez alliance contre nature avec le Front national.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

La vocation d'un gouvernement n'est pas simplement de faire des lois de circonstance. Son devoir : favoriser l'exercice de la vertu républicaine. Or, nous quittons complètement les rivages de la morale pour voguer vers le cynisme le plus complet.

Quant à l'urgence, voulez-vous m'expliquer pourquoi celle-ci a été déclarée pour ce texte ? Les prochaines élections régionales auront lieu dans un peu plus de cinq ans, et pourtant vous refusez de respecter le cheminement normal d'un projet de loi : deux lectures par l'assemblée, deux lectures par le Sénat. C'est bien l'aveu, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas tellement fier, que vous préférez que cela passe le plus rapidement possible, de préf érence de nuit - d'ailleurs, c'est organisé ainsi aujourd'hui ! - et que personne, dans l'opinion publique, ne s'en aperçoive.

Je suis frappé, dans cette législature, par l'incroyable abondance de textes que vous soumettez au Parlement.

J'ai une certaine expérience de la vie parlementaire et je n'ai encore jamais vu cela. A tel point du reste qu'on ne différencie plus les textes dits secondaires des textes importants. Hier, la commission des lois était saisie d'un des textes les plus importants qui soit - la modification constitutionnelle qu'implique la ratification du traité d'Amsterdam - et je ne suis pas sûr que nous fussions dix.

Je ne reviendrai pas non plus sur la session unique, dont le but, paraît-il, était d'organiser rationnellement les travaux de l'Assemblée nationale.

M. René Dosière, rapporteur.

Nous n'y sommes pour rien !

M. Pascal Clément.

Certes, mais tout le monde est convaincu qu'il faut une meilleure organisation. Avant, on avait des excuses, la session parlementaire durait six mois par an. Maintenant, on n'en a plus, et cela relève de votre responsabilité. Alors, comment faire en sorte qu'on puisse examiner les textes à des heures convenables les jours où l'Assemblée se consacre traditionnellement au travail parlementaire ? En déclarant l'urgence, alors qu'il n'y en a pas et en saucissonant l'examen de ce texte comme vous le faites, vous espérez cacher aux Français un mode de scrutin indigne de vous comme de tout gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est frappant que vous ayez adopté le principe qui n'est pas accepté par tous - au Sénat en particulier - de la circonscription régionale : tant à l'UDF qu'à Démocratie libérale nous en sommes d'accord. Mais le mode de scrutin que vous proposez n'est pas cohérent avec l'existence des départements. A moins que vous soyez de ceux qui organisent de façon quelque peu hypocrite la disparition progressive, mais sûre, de nos départements. Car avec le système que vous organisez pour les grands électeurs, vous verrez, dans certaines grandes régions, la vôtre en particulier, monsieur le ministre, des conseillers régionaux qui ne seront peut-être pas élus du département où ils voteront aux sénatoriales. Ainsi, un certain décalage commece à s'organiser. De la même manière, vous essayez en ce moment, dans le cadre de contrats de Plan, avec la notion de pays, de casser les structures départementales.

Je conçois fort bien qu'il y ait une circonscription régionale, mais, en parallèle, je sens une volonté de faire petit à petit disparaître les départements. Alors parlons-en ! Tout le monde réclame une plus grande décentralisation. Vous-même, hier, mais depuis que vous êtes au pouvoir, plus du tout ! C'est effrayant. Tout le monde l'a dit, un débat récent vient d'ailleurs d'avoir lieu au Sénat, la décentralisation est en panne et vous ne voulez pas aller plus loin, alors que vous voulez donner une conscience régionale en retenant une circonscription régionale.

Qu'est-ce qu'un bon mode de scrutin ? Un bon mode de scrutin est un scrutin qui satisfait l'électeur, non point quant aux résultats, car il y en a toujours un sur deux qui est déçu -, mais quant à sa représentation, et qui permet à l'exécutif de gouverner.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est le scrutin municipal !

M. Pascal Clément.

S'agissant de la satisfaction de l'électeur croyez-vous vraiment qu'il pourra se reconnaître dans une grande région l'Ile-de-France, par exemple, où l'on comptera une dizaine de listes avec 200 noms chacune, soit environ 2 000 noms au total ? Dans ce mode de scrutin, s'agissant d'une circonscription aussi grande que la région et surtout pour les grandes régions, l'électeur ne peut se reconnaître en la personne d'un conseiller régional élu sur une liste aussi longue et dont la plupart des gens sont totalement inconnus, surtout que vous venez, avant l'heure et de façon strictement inconstitutionnelle, d'affirmer qu'il faut en plus la parité.

Mme Nicole Bricq.

Et le maintien du scrutin européen que vous n'avez pas voulu changer, c'est pareil !

M. Pascal Clément.

Je vous pose la question. Pourquoi réformerions-nous la Constitution pour arriver à une certaine parité ? De plus, le Conseil constitutionnel a, par une décision bien connue, s'agissant d'une loi que vous avez fait voter en 1982, expliqué clairement qu'il ne pouvait pas y avoir rupture d'égalité dans ce domaine. Donc, attendez au moins la réforme constitutionnelle, si elle advient, pour faire ce genre de choses.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous êtes contre la parité ?

M. Pascal Clément.

Dix listes de près de 200 noms, avec la parité obligatoire...

M. René Dosière, rapporteur.

Vous êtes contre ?

M. Pascal Clément.

... avec des élus pour la plupart inconnus. Et vous voulez que la région, demain, gagne en puissance et en autorité.

M. René Dosière, rapporteur.

Chacun connaîtra la tête de liste !

M. Pascal Clément.

Alors, vous avez voulu privilégier la capacité de gestion des gouvernants. Je dois vous dire que l'article 49-3 commence à être vaguement connu dans l'opinion publique s'agissant de l'Assemblée nationale, mais au niveau de la région, je vous souhaite bon courage ! Les gens n'y comprendront rien ! Et que dire quand un beau matin, le citoyen de base ouvrira son journal et découvrira avec stupeur que le président de la région n'est plus le même ! Il va se demander par quel tour de passe-passe cela a pu se produire. On va lui expliquer qu'il y avait un budget alternatif, qu'un nom avait été donné... Enfin bref, c'est incompréhensible ! Permettez-moi de vous dire que, pour les Français, ce

« mode de scrutin » - je mets l'expression entre guillemets, car ce n'est pas un vrai mode de scrutin - ne vaudra jamais l'élection d'un nouveau président, seul moyen considéré par eux comme démocratique.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous caricaturez !

M. Pascal Clément.

La seule volonté qui vous guide, c'est celle de régler vos propres problèmes. Je pense à l'Ile-de-France, je pense à la région PACA chère à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

M. Estrosi. Pour sauver des situations, vous êtes à la recherche de petites finesses, d'arrangements avec la loi, et, sous prétexte d'avoir une majorité, vous faites n'importe quoi c'est bien le mot qui convient.

Mme Nicole Bricq.

Il faut que la démocratie fonctionne !

M. Pascal Clément.

Le mode de scrutin que vous avez retenu n'est ni bon pour la région, ni cohérent pour l'électeur, qui n'y comprendra rien, ou qui comprendra autre chose que ce qu'il faut comprendre.

Eh bien, oui, l'ère des manoeuvres politiciennes est revenue ! Cela rappelle étrangement je dis cela pour les historiens - ce qui s'est passé sous la IVe République, et que nous avons appris dans nos livres d'histoire faute de l'avoir vécu - sauf le président Giscard d'Estaing, devant lequel je m'incline car c'est lui qui me l'a rappelé -, je veux parler des apparentements. Sous ce régime, il était possible de faire des listes et ensuite de comptabiliser, avec une ignorance complète des souhaits des électeurs, les rutabagas avec les poireaux, quand on n'y ajoutait pas les carottes ! Pour qualifier les apparentements, le doyen Vedel utilisait une expression merveilleuse en disant d'eux qu'ils sont à la fusion ce que l'union libre est au mariage.

M. René Dosière, rapporteur.

Il n'y avait pas le PACS à l'époque !

M. Pascal Clément.

En effet, c'était très largement avant le PACS ! Là, vous nous faites un PACS électoral. En quelque sorte, c'est le deuxième tour. Comment voulez-vous que les Français comprennent une telle affaire ? Car, en l'espèce, on ne s'adresse pas à la classe politique, mais aux citoyens, et on veut même instaurer un mode de scrutin pour les représenter en leur expliquant qu'il n'y a pas mieux ! Si vous regardez bien autour de vous, vous verrez que les Français comprennent déjà mal la proportionnelle à un tour. En effet, ils sont habitués à un deuxième tour.

Toutefois, ils n'en comprennent la nécessité qu'en cas de scrutin majoritaire. Or, là, vous mélangez les deux modes de scrutin ! Vous me rétorquerez certainement : il y a le cas des élections municipales. Eh bien, c'est justement pour ce type d'élections que je vous accuse d'immoralité profonde.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Nicole Bricq.

Ça commence mal !

M. René Dosière, rapporteur.

C'est le mode de scrutin qui est le mieux accepté par les Français !

M. Pascal Clément.

Disons d'immoralisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je me réjouis que vous m'écoutiez !

M. Patrick Lemasle.

Votre jugement n'est guère clément ! (Sourires.)

M. Pascal Clément.

C'est vrai, et je le déplore ! J'eusse aimé qu'il le fût ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

J'en reviens à une démonstration.

L'actuel mode de scrutin pour les municipales a été retenu en 1982, et c'était déjà vous qui étiez au pouvoir.

A cette époque, le pourcentage des voix du Front national était légèrement inférieur à 5 %. Et, déjà, on trouvait ce mode de scrutin bien compliqué en un mot, très socialiste. Pour autant, personne n'en avait encore vu le côté immoral. Mais, quinze ans plus tard, le Front national recueille en moyenne 15 % des voix, quand ce n'est pas plus de 20 %, comme c'est le cas dans certaines régions françaises et j'en sais quelque chose ! En dépit de cela, de cette posture morale qui est pour vous l'avoine quotidienne du cheval socialiste (Rires), ...

Mme Nicole Bricq.

Certes, mais c'est un pur-sang !

M. Pascal Clément.

... vous allez nous expliquer que c'est le meilleur mode de scrutin. Mais c'est le meilleur mode de scrutin, soit pour jeter la droite républicaine dans les bras d'un parti...

M. Alain Néri.

Ça, c'est du consentement mutuel !

M. Pascal Clément.

... dont elle ne peut accepter ni les déclarations ni les projets, soit pour la condamner à l'échec pour très longtemps ! Comment osez-vous ? A votre place, je n'oserai pas.

Comment accepter froidement un mode de scrutin qui empêche l'alternance et qui ne donne le choix qu'entre l'échec ou le déshonneur. Vous oubliez qu'il n'est tout de même pas interdit, quand on instaure un nouveau mode de scrutin, d'interroger les partis politiques qui, selon la Constitution, participent au suffrage, donc à la démocratie. Agir seul, uniquement avec ses partisans, et s'appuyer pour cela sur l'échec récent d'une droite incapable de trouver un mode de scrutin mais l'échec des autres ne vous permet pas de faire quelque chose d'immoral - est pour le moins curieux ! Que nous ayont été incapables de trouver une solution, qui en disconviendrait ? Mais cela vous donne-t-il le droit de proposer un mode de scrutin qui, très honnêtement, soulève même les âmes les moins partisanes ? Ou alors, c'est que l'on n'a pas compris ce que vous faites ! Il est donc parfaitement clair que vous n'avez pas le droit moral de présenter un tel texte.

On peut choisir entre deux autres types de système. Et des amendements ont été déposés en ce sens. Le premier système a ma préférence, puisque j'ai déposé un amendement à cet effet ; il n'a pas rencontré un grand succès, et je le déplore. Cet amendement vise à faire en sorte que la région soit connue et aimée des Français. J'ai en effet, observé depuis longtemps - et vous aussi sans doute qu'un mode de scrutin est connu et apprécié des Français quand ils connaissent leurs élus. Or seul le scrutin majoritaire permet d'y parvenir, qu'il soit à un tour - et je reconnais que ce n'est pas la tradition française - ou à deux tours.

Je propose, par cet amendement, qui reprend une proposition de loi que j'avais déposée, que chaque circonscription législative soit coupée en deux et que chaque conseiller régional représente la moitié d'une circonscription législative. Ainsi, non seulement on résoudrait le problème de la circonscription régionale, mais, de plus, on aurait des élus enracinés sur le terrain, connus, représentant leurs électeurs au sein du conseil régional.

M. Jacques Brunhes.

Avec un découpage façon Pasqua ?

M. Christophe Caresche.

Vos amis sont-ils d'accord ?

M. Pascal Clément.

Je reconnais que mon idée est peu partagée, sans doute est-ce parce qu'elle est trop simple.

Le second système consiste à conserver la proportionnelle, mode de scrutin que je n'ai jamais aimé. J'ai d'ailleurs été le rapporteur de la loi tendant à rétablir le


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scrutin majoritaire pour les élections législatives, c'est dire si j'ai un vieil atavisme pour cette question-là. C'est l'option que propose l'opposition. D'ailleurs, certains de mes amis sont favorables à un tel système. Mais, dans ce cas, instaurons une proportionnelle à un tour avec effet majoritaire. L'effet majoritaire est effectivement la seule solution valable, mais à condition qu'il soit de 50 % et non de 20, de 30 ou de 40 % : la liste arrivée en tête obtient la majorité et le reste est distribué à la plus forte moyenne, comme cela se fait traditionnellement.

Mais un scrutin proportionnel à deux tours, c'est proprement prodigieux, puisque cela revient à organiser les alliances.

Certes, vous avez réussi un magnifique coup politique en remportant les élections législatives avec l'union des gauches. Mais, depuis quelques jours - j'en veux pour preuve le titre d'un journal du soir que nous lisons tous dans cette maison -, vous commencez à connaître les ennuis de la gauche plurielle. Je citerai un exemple que je trouve patent. Dans cet hémicycle siègent six verts dont notre éminent président de séance, Yves Cochet. Or chacun aura observé comme j'ai pu le faire que, proportionnellement, on parle au moins autant d'eux que de la totalité de l'opposition.

Mme Nicole Bricq.

C'est le propre des minorités actives !

M. Pascal Clément.

Qui n'a pas vu dans les médias, de préférence au journal de vingt heures, M. Mamère ou M. Cochet sans parler de Mme Voynet ? Puis, le malheur vient de s'abattre sur vous - je ne vous dirai pas que cela me peine, car ce serait hypocrite -, notre « binational » Cohn-Bendit vient de faire son entrée pour le moins fracassante dans le paysage pluriel de la gauche !

M. Michel Bouvard.

C'est le nouveau Tapie !

M. Alain Néri.

Ce n'est plus clément, c'est cassant !

M. Pascal Clément.

Et là, vous allez découvrir ce que c'est que de vouloir marier la carpe et le lapin. Je ne préciserai pas qui est l'un et qui est l'autre, mais tout le monde aura compris ce que je veux dire ! Vous avez déjà réussi à vous allier au parti communiste...

Mme Dominique Gillot.

De quoi je me mêle ?

M. Pascal Clément.

... des amis de M. Khrouchtchev, Brejnev et Andropov (Protestations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Alain Néri.

Ne remontez pas aux calendes grecques !

M. Pascal Clément.

M. Georges Marchais, ce n'était pas les calendes grecques, j'étais déjà dans cette maison ! M. Georges Marchais disait déjà de l'Union soviétique que son bilan était « globalement positif ». Or, est-ce que, à l'époque, cela a empêché le parti socialiste de s'associer avec ces gens-là en prévoyant une réciprocité de désistement au deuxième tour ? Jamais ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Nicole Bricq.

C'est la tradition républicaine !

M. Jacques Brunhes.

Ils sont comme vous, ces genslà !

Mme Muguette Jacquaint.

Ces gens-là sont au moins aussi respectables que vous !

M. Pascal Clément.

Cela ne vous a pas empêchés de vous associer à ceux qui admiraient M. Marchais ! Vous avez maintenant des Verts (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)...

Dès qu'on vous touche là où cela fait mal, vous n'arrivez plus à exprimer vos idées qu'en criant ! Il est clair que vous avez essayé d'anesthésier les Français...

Mme Nicole Bricq.

Vous, vous voulez les endormir !

M. Pascal Clément.

... en passant des alliances contre nature sur le plan électoral. Et au fond de vous-mêmes, vous souhaitez que nous en fassions autant.

M. Jacques Brunhes.

Vous le faites déjà !

M. Pascal Clément.

C'est là où votre responsabilité est très grande.

Vous, vous avez choisi la voie la moins estimable pour gagner.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous, vous choisissez les alliances avec le Front national !

M. Pascal Clément.

Nous nous souvenons que votre marche vers la victoire fut lente.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

En effet, les Français ont considéré en 1978 qu'il n'était pas possible de faire alliance avec le parti communiste. Et il a fallu attendre 1981 pour qu'ils acceptent cette idée.

Bref, comment pouvez-vous considérer, parce que vous avez commis cette faute morale, il y a maintenant vingt ans, que nous devons à notre tour faire la même faute morale, de façon symétrique,...

M. Alain Calmat.

Non, ce n'est pas symétrique, c'est là l'erreur !

M. Pascal Clément.

... sauf - et vous envisagez cette perspective avec une assez grande joie - à ce que vous gardiez le pouvoir durant une vingtaine d'années grâce à un mode de scrutin profondément inique ? Dans ce brouhaha médiatique, plus rien n'a d'importance ! Or, ce texte est sûrement l'un des plus importants de la législature parce qu'il permettra demain d'éviter dans les régions l'alternance démocratique au profit de la droite républicaine.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ce texte démasque Jospin !

M. Pascal Clément.

Et vous allez faire probablement en sorte, demain ou après-demain, que d'autres modes de scrutin soient également orientés dans ce sens, afin qu'il y ait, dans ce pays, soit un blocage moral - et vous l'aviez déjà fait - soit un blocage de l'alternance, et c'est ce que vous proposez de faire.

Voilà, mes chers collègues, le sens de ma question préalable. Il est impensable de modifier, en ayant recours à la procédure d'urgence, un mode de scrutin cinq ans à l'avance, nuitamment, au cours d'un débat saucissonné (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), sans avoir une seule seconde consulté les présidents des conseils régionaux, les responsables des partis politiques ou les présidents des groupes, sans avoir même essayé de faire en sorte que se dégage un minimum de consensus sur le mode de scrutin qui devra présider à la destinée des régions françaises. C'est une grave faute politique. Je suis totalement convaincu que, en matière politique, l'immanence finit par l'emporter. Elle vous emportera, et c'est ma seule joie devant ce triste texte que vous présen-


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tez à l'Assemblée nationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion préalable, la parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour le groupe UDF.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonné si je vous dis que le groupe UDF votera la question préalable et si je vous répète, une fois encore, qu'il est très possible de séparer les deux parties de ce texte.

Bien évidemment, s'agissant du vote des budgets régionaux, la loi précédente montre ses imperfections. Par conséquent, même si je conteste le dispositif, je conçois qu'il puisse être urgent de pallier un certain nombre de difficultés.

En ce qui concerne le système électoral, qui est tout de même quelque chose de très important, il n'y a strictement aucune urgence, puisque les dispositions que vous allez faire adopter permettront à chacun des exécutifs régionaux de vivre très confortablement les cinq prochaines années, presque sans avoir besoin de réunir les assemblées des conseils régionaux.

Dans la période difficile que nous vivons, où la politique est très mal perçue par nos concitoyens, il est très important de montrer, par tous les moyens possibles, qu'une loi électorale n'est pas la propriété de quelquesuns, mais un moyen d'expression pour l'ensemble des Français.

Par ailleurs, ce texte aboutira non à l'unité régionale, non au progrès de la notion de région, mais au contraire à un éclatement. En effet, compte tenu des dispositions que vous prévoyez, le risque est grand que se constituent, non de vraies listes régionales ayant un véritable programme d'action régionale, mais des listes représentant des fractions de la région, des fractions d'intérêts catégoriels, des fractions de population. Voilà ce que votre loi va encourager. La conséquence de ce texte sera un recul de la décentralisation, un recul de l'idée régionale.

Je vous le répète, vous ne devez pas vous sentir esclave d'une partie de votre majorité. Sur un texte d'une telle importance, c'est-à-dire une loi électorale, il était possible de rechercher avec l'opposition un accord pour parvenir à un texte républicain permettant ensuite au débat démocratique d'avoir lieu. C'est la raison pour laquelle la question préalable opposée par Pascal Clément et le groupe de Démocratie libérale reçoit le soutien du groupe de l'UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe du RPR.

M. Christian Estrosi.

Réformer un mode de scrutin est toujours une affaire importante en matière de démocratie.

Cela permet de mesurer le bon fonctionnement de la République.

Au moment où nous sommes nombreux sur ces bancs à vouloir que l'institution régionale prenne progressivement une place plus prépondérante dans la vie de nos concitoyens, vous agissez dans l'urgence et vous camouflez l'importance de ce débat en le saucissonnant, ainsi que l'a fait remarquer M. Pascal Clément dans sa défense de la question préalable. L'organisation de débats précipités puis ralentis, comme cela a été le cas hier soir, et la modification de l'ordre du jour aujourd'hui nous ont apporté la preuve de votre volonté de vouloir faire passer un peu en catimini ce texte d'importance, qui permettra ou non, dans les années qui viennent, de parvenir à un équilibre de nos institutions régionales.

Oui, nous devons donner une place importante à l'institution régionale. Mais nous devons aussi faire en sorte que la collectivité régionale soit perçue par nos concitoyens comme une collectivité de proximité. Tout en retenant un mode de scrutin qui permette de traduire cette dimension régionale, il faut continuer à faire en sorte que nos concitoyens puissent identifier, dans le cadre du département, celles et ceux qui doivent défendre leurs intérêts, la vision qu'ils ont du développement de l'économie régionale et de l'aménagement du territoire régional.

Si nous ne sommes pas opposés au principe de la circonscription régionale, nous sommes fondamentalement contre l'impossibilité pour les électeurs d'identifier au sein du département les élus qui défendront leurs intérêts au sein de la collectivité régionale. De toute évidence, la réforme que vous nous proposez ne permettra pas cette indentification ; au contraire, elle contribuera à entourer cette dernière d'un véritable flou.

Au-delà de la représentation départementale se pose le problème du mode de scrutin. Celui qui a été retenu risque de nous faire courir, aux uns et aux autres, le plus grand danger. A cet égard, je vous renvoie à cette espèce de chasse aux sorcières qui a été lancée lors des dernières élections régionales contre une partie de l'opposition.

Vous serez, mesdames et messieurs de la majorité plurielle, j'en suis convaincu - et les élections européennes en seront les prémices - confrontés bientôt aux mêmes difficultés que celles que, pour notre part, nous rencontrons depuis quelques années.

Au lieu d'envisager un scrutin équilibré, à un seul tour, avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête, au lieu d'aboutir à un système pernicieux qui, en abaissant les plafonds, permet une participation au deuxième tour à une liste ayant obtenu 5 % des suffrages, ce qui permettra une ouverture et donnera satisfaction à une partie de la majorité plurielle, vous auriez dû vous astreindre à trouver la voie la plus juste pour que nous ne soyons pas confrontés demain à des alliances contre nature. M. Pascal Clément l'a dit très justement : c'est vous qui ouvrez très largement la porte à de telles alliances pour demain.

J'en viens au mélange des genres à l'intérieur du texte.

Vous prévoyez en effet également une nouvelle réforme du mode de fonctionnement de la collectivité régionale, qui interviendra avant la fin du mandat. Il s'agit d'accorder un confort de gestion à un certain nombre d'exécutifs qui sont aux mains de la majorité plurielle, mais en situation de minorité. L'exemple de la présentation des budgets de la région Ile-de-France et de la région Centre montre que la première mouture que vous aviez présentée l'année dernière n'a pas répondu à vos aspirations et que vous avez besoin de verrouiller le système pour vous assurer une majorité absolue sans avoir la majorité des sièges, afin de faire passer toutes vos décisions budgétaires, hormis les comptes administratifs.

Comment peut-on concevoir que, dans des assemblées locales qui doivent fonctionner avec la plus libre expression démocratique qui soit, où il doit y avoir un vrai dialogue sur les véritables intérêts locaux, sur le développement des zones périphériques des agglomérations, de l'ensemble des zones rurales,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Puis-je vous suggérer de conclure, monsieur Estrosi ?

M. Christian Estrosi.

Oui, monsieur le président, je m'achemine très rapidement vers ma conclusion.

Comment peut-on concevoir, disais-je, que, sur des projets d'intérêt local, vous n'acceptiez pas le processus d'amendement du budget primitif, chapitre par chapitre, article par article, qui permet à chacun d'apporter sa contribution à un débat loyal, démocratique et ouvert ? C omment pouvez-vous imposer un vote bloqué, comme au Parlement, à une assemblée régionale qui est simplement exécutive, et non législative ? Cela risque d'avoir des conséquences et d'être particulièrement mal perçu par les acteurs économiques, les acteurs politiques et les citoyens de nos régions, qui pouvaient espérer des changements sociaux au niveau local.

Vous allez tuer leurs ambitions à cet égard et vous allez décevoir beaucoup de nos concitoyens qui se détourneront de l'intérêt régional.

C'est très dommage pour la démocratie locale. Le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que le déplorer et c'est la raison pour laquelle nous voterons la question préalable de M. Clément. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Louis Mexandeau.

On s'en doutait un peu ! (Rires.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

M. Clément a du talent, mais il a aussi beaucoup d'aplomb quand il nous donne des leçons, comme à son habitude.

Mais, pour le mode de scrutin régional, c'est tout de même un peu fort ! Lorsque vous étiez dans la majorité, vous aviez la possibilité de modifier le mode de scrutin, mais vous en avez été absolument incapables. Le Premier ministre de l'époque a convoqué tous les groupes de la majorité et de l'opposition. Je suis allé dans son bureau, au nom de mon groupe, et nous avons présenté nos propositions pour les régionales. Alors que je l'interrogeais pour savoir ce que pensaient les groupes de la majorité, il m'a dit qu'il n'arriverait pas à modifier le scrutin régional, parce que personne n'était d'accord dans sa majorité et qu'il ne pouvait parvenir à un consensus.

Et aujourd'hui, vous voulez nous donner des leçons alors même que nous prenons des dispositions toutes simples (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) dues au fait que les conseils régionaux ne peuvent pas vivre normalement ! Alors, je vous en prie : cessez de nous donner des leçons ! Elles sont d'autant moins acceptables que vos amis du Sénat ont même refusé de débattre de cette question.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Les débats au Sénat prennent tout de même 35 pages au Journal officiel !

M. Jacques Brunhes.

Vous vous érigez en censeur, en disant que nous ne faisons pas ce qu'il faut ! Ce qui me frappe dans vos discours, c'est que vous laissez la porte grande ouverte aux alliances contre nature, comme vous dites,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oh ! Ça va !

M. Jacques Brunhes.

... c'est-à-dire aux alliances avec le Front national. Et vous prenez par avance prétexte de cette loi pour dire que vous y êtes prêts,...

M. José Rossi.

C'est inadmissible !

M. Jacques Brunhes.

... que nous vous y obligeons.

Mais nous n'avons pas obligé M. Millon, nous n'avons pas obligé M. Blanc, nous n'avons pas obligé, dans d'autres régions encore, la droite à s'allier avec le Front national. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.) Et celle-ci se prépare à de nouvelles alliances, demain, en prenant le prétexte d'un nouveau mode de strutin électoral.

Il faut être franc, plus franc que vous ne l'êtes, messieurs. Vous êtes prêts, comme MM. Millon, Soisson et Blanc, à des alliances inacceptables !

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. Jacques Brunhes.

Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. Exclamation sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Michel Bouvard.

Ce que vous dites est insupportable !

M. Christian Estrosi.

La vérité, c'est qu'avec votre scrutin, vous permettez à M. Blanc de rester en place ! C'est votre choix !

M. le président.

Pour le groupe DL, la parole est à

M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale...

M. Alain Barrau.

Qui a accueilli M. Blanc en son sein !

M. José Rossi.

... votera évidemment la question préalable défendue avec un grand talent par notre orateur. Ses arguments on d'ailleurs été si percutants que le principal objectif de M. Brunhes a été de les combattre. Je voudrais cependant citer quelques éléments supplémentaires qui incitent à voter cette question préalable.

Nous ne pouvons comprendre la précipitation avec laquelle le Gouvernement nous propose une réforme électorale qui va peser sur l'avenir des régions, ou plutôt, nous la comprenons trop bien. Il aurait peut-être fallu réfléchir d'abord à l'avenir de la région, à ses compétences.

M. Jacques Brunhes.

Que ne l'avez-vous fait ? Vous étiez ministre !

M. José Rossi.

Il aurait peut-être fallu, dans le cadre de la réforme dont il est aujourd'hui question, mais qui ne se traduira que par des réformettes, réfléchir à une redistribution des pouvoirs au profit des collectivités locales, et en particulier de la région, qui est incontestablement la collectivité territoriale d'avenir,...

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. José Rossi.

... mais ne remet pas en cause les départements et les communes. Dans cette optique, il faut songer, pendant les dix prochaines années, à l'organisation de la démocratie au sein de la collectivité régionale.

Il est clair que, quels que soient les dirigeants et les majorités, nous devrions aller vers un renforcement du pouvoir des régions.

Vous anticipez sur ce renforcement en créant un fait majoritaire extrêmement puissant qui, dès la prochaine élection régionale, conduira le président de région à disposer d'une majorité absolue sans aucun pouvoir de contrôle réel, car l'opposition, face à cette majorité absolue, sera totalement balkanisée, et il n'y aura plus le réel


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

pouvoir de contrôle que permet une opposition forte, capable d'assurer la fonction essentielle que nous assurons aujourd'hui dans cette assemblée.

Il y aura une sorte de colonisation, je le prédis, par la majorité et par l'exécutif régional, des oppositions éclatées, et vous cultiverez savamment ces divisions si l'on reste dans ce schéma.

Il aurait été souhaitable, avant d'en venir à un mode de scrutin aussi lourd de conséquence, de réfléchir globalement sur l'avenir de la région, à son architecture institutionnelle, à son rôle et à son organisation - en comparant avec d'autres pays -, en réfléchissant à l'équilibre des pouvoirs entre l'assemblée délibérante et l'exécutif régional.

Cette réflexion aurait pu nous conduire à une vision d'avenir commune et à une réforme qui ne soit pas de circonstance. Car le deuxième volet de cette réforme, qui concerne le fonctionnement de la région pendant la période de transition qui prendra fin lors des prochaines é lections, est proprement scandaleux ! Si on peut comprendre qu'une majorité choisisse le mode de scrutin qui lui convient - ce sera ni la première ni la dernière fois -,...

M. Alain Barrau.

Vous parlez en spécialiste !

M. José Rossi.

... ce qui est inacceptable, c'est que vous organisiez, pour les cinq années à venir, un mode de fonctionnement des régions tout à fait aberrant ! Vous le reconnaissez d'ailleurs vous-même puisque vous y mettez fin au bout de la période de transition.

Nous parlerons de tout cela si vous repoussez la question préalable de Pascal Clément, que nous allons pour notre part voter et nous nous expliquerons longuement cette nuit pour que vous compreniez notre position ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Je voudrais dire à nos collègues de l'opposition que leur aveu d'impuissance à réformer le scrutin régional ne leur donne aucun droit à nous donner en permanence des leçons de morale...

M. Pascal Clément.

Mais si !

M. Christian Paul.

... et enlève toute force à leur démonstration.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Nous n'avons pas fait cette réforme parce que nous avons eu des scrupules moraux !

M. Christian Paul.

Nous avons entendu depuis ce matin de splendides leçons d'immobilisme, et nous souhaitons précisément bien échapper à cet immobilisme.

Vous contestez le caractère d'urgence de cette réforme mais nous y reviendrons ce soir méthodiquement, très sereinement, et j'espère que M. Clément sera là pour entendre nos arguments.

Si nous avions proposé la réforme du mode de scrutin à quelques mois des élections régionales, alors même que les consultations menées par le Premier ministre n'auraient pas permis de dégager un consensus, vous auriez, monsieur Clément, crié à la manipulation ! Nous agissons maintenant, à la suite des élections régionales. Vous jugez cette réforme inopportune ; c'est votre droit. Mais souffrez que nous soyons persuadés que ce n'est pas à la veille de l'échéance de 2001 que nous devons la discuter. C'est ce soir que nous devons le faire, et le dispositif prévu par le projet nous paraît tout à fait équilibré, capable d'imprimer une nouvelle dynamique à l'institution régionale et de la faire entrer dans l'âge de la maturité. C'est pour cela, mes chers collègues, que je vous invite à rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Rappel au règlement

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Valéry Giscard d'Estaing, pour un rappel au règlement.

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Rassurez-vous : à cette heure, je serai bref.

Ce texte est hétérogène puisqu'il comporte à la fois une loi électorale, dans ses premiers articles, et des dispositions concernant le fonctionnement des conseils régionaux. Je crois d'ailleurs être le seul président de conseil régional en exercice à avoir fait part de mon sentiment.

Les titres II, III, IV et V répondent à une situation particulière de fragilité des conseils régionaux et peuvent parfaitement être discutés et adoptés, car ces dispositions de procédure pourraient être utiles.

Par contre, le titre Ier est d'une autre nature. C'est une loi électorale permanente. Or les lois électorales ont pour objet non de désigner à l'avance les vainqueurs des élections, mais d'établir un cadre stable - on peut le souhaiter - reposant sur le double principe de la clarté et de l'égalité démocratique.

On a utilisé comme argument le fait que les consultations menées n'auraient pas permis d'aboutir.

Mme Muguette Jacquaint.

Sur quel article du règlement fondez-vous votre rappel ?

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Sur l'article 58. ( Rires.)

Cela n'est pas exact. (Rires.) Nous avons été reçus le 14 janvier 1998 par M. le ministre de l'intérieur, auquel je souhaite, d'ailleurs, d'exercer bientôt à nouveau ses hautes fonctions. Je dirigeais la délégation de l'association des présidents de conseils régionaux, et nous avons dit trois choses.

La première, c'est que nous étions favorables au cadre régional pour les élections des conseillers régionaux, mais à condition - et je suis persuadé que l'Assemblée nationale aurait eu intérêt à travailler davantage ce point - que l'établissement des listes tienne compte de l'existence des départements. C'est une erreur de croire que vous pourrez faire des listes de soixante candidats et plus - plus de 200 candidats en Ile-de-France, c'est-à-dire deux fois plus que le nombre de nos députés européens, que vous avez tenté de régionaliser - sans aucune référence locale. A cet égard, le texte n'est pas mûr...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Valéry Giscard d'Estaing.

... et il va provoquer l'étonnement des petits départements ou des départements périphériques,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1998

M. Michel Bouvard.

Absolument !

M. Valéry Giscard d'Estaing.

... qui vont penser :

« Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? On va faire une liste mais nous n'aurons pas notre mot à dire pour sa confection ! » Nous avons donc dit au ministre de l'intérieur que nous étions d'accord pour un cadre régional, mais qu'il fallait introduire une disposition permettant une référence départementale.

M. Alain Néri.

C'est une véritable intervention de discussion générale ! Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Deuxième point : nous avons indiqué que nous étions d'accord sur le principe d'une prime majoritaire.

Mais, troisième point, nous n'étions pas d'accord, bien entendu, pour un scrutin proportionnel à deux tours. A ce propos, je dirai à M. Brunhes que si la droite ou le centre-droit étaient prêts à faire les accords qu'il redoute, nous voterions cette loi, parce qu'avec elle, nous gagnerions partout ! Le propre de cette loi est de permettre des alliances au second tour. Si nous voulions conclure de telles alliances, nous voterions cette loi et nous gagnerions dans toutes les régions, y compris Rhône-Alpes, PACA, etc.

C'est parce que nous voulons, au contraire, que le scrutin s'effectue dans le cadre de la normalité républicaine que nous ne pouvons pas accepter le retour au système des apparentements, qui a constitué un des points faibles de la IVe République. Il n'a d'ailleurs fonctionné qu'une fois et a abouti au triste résultat que vous savez : les élections de 1956 se sont déroulées sous le signe du slogan « Sortez les sortants ! ». Quand il a été appliqué, lors du scrutin de 1951, le parti socialiste, qui avait obtenu 2 700 000 voix, a eu 107 sièges, et le parti gaulliste de l'époque, qui s'appelait le RPF, a obtenu 4 millions de voix et 121 sièges.

M. Jacques Brunhes.

Ça n'a rien à voir !

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Voilà ce qu'on nous propose de rééditer sur le plan régional.

Je crois que beaucoup de députés, dont je respecte le jugement et l'authenticité républicaine, n'ont pas bien vu le contenu de ce dispositif. Les accords nécessaires, dans cinq ans, seraient peut-être possibles pour l'ensemble de la gauche, mais impossibles entre le centre, la droite et l'extrême-droite, eu égard à la force de nos convictions politiques.

Le régime des apparentements a discrédité le régime parlementaire et a contribué à l'affaiblissement de la IVe République.

La question est si importante que le Gouvernement eût été bien inspiré de continuer la discussion sur les titres II et suivants et de les faire adopter, mais de retirer le titre Ier , en vue d'une réflexion plus approfondie, à laquelle les présidents de région, de toutes tendances, sont prêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

FIN DE MISSIONS TEMPORAIRES DE DÉPUTÉS

M. le président.

Par lettre du 19 novembre 1998, M. le Premier ministre m'a informé que les missions temporaires précédemment confiées à M. André Aschieri, d éputé des Alpes-Maritimes, et à Mme Odette Grzegrzulka, députée de l'Aisne, avaient pris fin le 18 novembre 1998.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1142, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux : M. René Dosière, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1177).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT