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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

ARTHUR PAECHT

1. Modification de l'article 88-2 de la Constitution. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 9459).

QUESTION PRÉALABLE (p. 9459)

Question préalable de M. Bocquet : M. Alain Bocquet, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Didier Quentin, Gérard Fuchs, Michel Suchod, Pierre Lequiller, François Sauvadet. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9466)

MM. René André, François Huwart, Alain Madelin,

MM. Gérard Gouzes, Hervé de Charette, Georges Hage, Maurice Ligot, Guy Hascoët, Mme Nicole Ameline,

MM. Alain Barrau, Pierre Lellouche, Claude Billard, Georges Sarre, Mme Nicole Bricq.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'un rapport (p. 9487).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9487).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1 MODIFICATION DE L'ARTICLE 88-2 DE LA CONSTITUTION Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (nos 1072 et 1212).

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, monsieur le président, mes chers collègues, l'Union européenne est à la croisée des chemins. Des changements importants sont en cours. Si la gauche européenne en exprimait la volonté, l'Europe pourrait, en effet, s'engager désormais dans une alternance originale, mettant en cause l'ultralibéralisme étouffant des marchés financiers, pour s'orienter enfin vers une Europe sociale et démocratique.

C'est bien parce que les communistes sont pour l'Europe, parce qu'ils sont euroconstructifs, qu'ils regrettent que l'Assemblée nationale soit appelée, à travers la révision constitutionnelle, à discuter maintenant, mais de manière biaisée, du traité d'Amsterdam, un traité marqué par des schémas anciens ne dérogeant pas à la logique ultralibérale actuellement dominante, niant sans la résoudre la crise du système capitaliste.

Les incantations sur un euro qui garantirait un havre de paix au milieu de la toumente mondiale sont déjà contestées, y compris par des hauts responsables. Le récent sommet européen de Prztschach a montré l'inc ompatibilité entre l'orthodoxie maastrichienne et l'attente profonde des peuples. Il faut que l'un des termes domine l'autre, que la politique domine l'économie et le financier, sinon l'être humain restera toujours au bord du chemin.

L'urgence est de progresser vers un ordre international plus juste avec une Europe pacifique et solidaire, une Europe de coopération sans domination. En effet, il faut sortir des politiques ultrarestrictives de déréglementation et de modération salariale pour mener une politique volontariste donnant la priorité à l'emploi.

Amsterdam reste le symbole, comme Maastricht, d'un pouvoir fermé à l'intervention populaire européenne ou plus large. Les cheminots l'ont dit hier dans une eurogrève pour la défense du service public des transports et contre la privatisation du rail.

Pour relever les immenses défis de notre époque, les peuples européens doivent renforcer leurs liens de coopération, d'échanges, de travail en commun. Toutefois ce n'est pas en ce sens que se construit l'Europe actuelle.

Quand, au nom de la libre concurrence, la Commission de Bruxelles cherche à imposer ses vues en édictant, par exemple, des directives sur les services publics qui mettent en cause leurs missions essentielles sacrifiées au nom de la rentabilité financière, il s'agit, en réalité, les faits le prouvent, d'une concurrence destructrice d'emplois, donc d'une logique de guerre économique en retard d'une mutation.

Les Françaises et les Français en ont assez de ce chantage permanent et stérile : soit l'alignement sans condition sur le pacte de stabilité et la déréglementation à outrance, soit le rejet pur et simple de l'édifice européen.

Comme si, en Europe, contrairement à ce qui se passe partout ailleurs, on ne pourrait jamais changer les lois ! Les tabous ultralibéraux traduisent d'abord le refus de prendre en compte l'expérience. L'exigence du débat européen d'aujourd'hui est bien de réfléchir ensemble pour ouvrir des perspectives neuves. Les communistes agissent clairement pour cette réorientation progressiste de la construction européenne.

L'absence d'enthousiasme pour Amsterdam est perceptible dans tous les groupes de cet hémicycle. Personne n'ose en vanter les mérites ; tout le monde préfère évoquer l'après Amsterdam.

Si Amsterdam concerne les institutions, l'ultralibéralisme financier, le pacte de stabilité, les critères de convergence, qui ne sont que des critères d'austérité, ont fait la preuve de leur incapacité à répondre aux promesses comme aux aspirations des peuples en termes d'emploi, de croissance et de justice sociale. A cette aspiration profonde des citoyens européens, la seule réponse peut-elle être une concurrence exacerbée à coups de délocalisations ou la course sans fin au dumping social ? Quand donc les salariés, les exploitants agricoles, les dirigeants des PME-PMI trouvent-ils des décideurs européens à l'écoute de leurs problèmes ? Les instances européennes restent inaccessibles et la France officielle ne sait prodiguer, le plus souvent, que des condoléances anticipées.

La réalité, c'est cette souveraineté confisquée et une démocratie introuvable, un carcan qui n'a rien à voir avec l'aspiration généreuse à la solidarité, que l'Europe devrait pourtant incarner pour les démocrates qui refusent l'égoïsme des Etats. Quel rapport entre les Etats unis d'Europe de paix et de fraternité, pour lesquels militait


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Victor Hugo, et cette zone de libre-échange dominée par la finance où tout, sans exception, n'est que marchandise ? Le débat juridique d'aujourd'hui ne saurait masquer ce grand écart entre l'aspiration à changer d'Europe pour enrayer la spirale du chômage et de la précarité et une pensée unique, monolithique et fataliste qui ressasse les mêmes appels au sacrifice. Là où devraient s'approfondir la coopération et le codéveloppement, la supranationalité détruit les solidarités au profit d'un développement inégal où les hommes, les communes, les régions sont mis en concurrence.

L'obsession de la supranationalité, du fédéralisme, devient même compulsive quand elle dispute les chasses traditionnelles au principe de subsidiarité. Les institutions européennes - Commission ou Conseil européens - ne sont pas responsables - au sens exact du terme - de leurs actes.

Dans cette guerre économique, les nations sont dérangeantes, gênantes car elles sont un champ de résistance et de propositions solidaires. Elles permettent de rassembler des citoyens au lieu de les livrer dans l'anonymat aux exigences du profit.

L'Europe, ce n'est pas le consortium des banquiers.

L'Europe, ce n'est ni Amsterdam ni l'euro. Sinon, dans cette Europe-là, où sont la croissance et l'emploi ; la politique agricole commune et la préférence communautaire ; les fonds structurels pour corriger les multiples inégalités régionales ? La priorité est bien de combattre les spéculations financières et de faire servir l'argent de l'Europe à la croissance. La France se doit de prendre des initiatives afin de taxer les mouvements de capitaux au niveau européen, et de mettre en place, avec les autres pays de la Communauté, des projets et des initiatives communs, c onçus pour la relance industrielle et la création d'emplois.

La déclaration commune du parti socialiste et du parti communiste, le 29 avril 1997, l'affirmait : « Avec toutes celles et tous ceux qui dénoncent les dogmes actuels de l'ultralibéralisme et qui, dans le même temps, considèrent non seulement que le repli nationaliste n'est pas la solution, mais que la France peut et doit affronter avec ses partenaires européens la mondialisation et les défis du monde tel qu'il est aujourd'hui, avec celles et ceux qui refusent de sacrifier la nation et sa souveraineté à la construction européenne, nous disons non à l'Europe libérale, à l'Europe de l'argent-roi et de la soumission aux marchés financiers. »

On y lisait aussi : « Nous sommes convaincus que l'Europe a un modèle de civilisation à affirmer. Nous estimons que la France doit proposer à ses partenaires européens d'engager des discussions, avec la volonté de faire l'Europe et de réorienter la construction européenne vers une Europe sociale, de progrès, de paix et de sécurité. »

Dans cet esprit, n'est-il pas temps d'harmoniser par le haut les législations sociales sur les 35 heures, sur l'interdiction du travail des enfants, sur l'assurance maladie ? N'est-il pas temps, comme mon ami Robert Hue l'a proposé au Premier ministre, de renégocier, d'une part, le pacte de stabilité, et, d'autre part, le statut et les missions de la Banque centrale européenne ? Cela est possible, ainsi que l'a montré l'attitude courageuse du Gouvernement français se retirant des négociations de l'AMI, contribuant à donner à l'Europe son identité culturelle.

Au plan juridique, nous sommes aujourd'hui dans la même situation qu'en 1992 avant la ratification du traité de Maastricht. La révision de la Constitution est le préalable nécessaire à une ratification du traité d'Amsterdam.

Q ue restera-t-il de notre Constitution à force de construction européenne fédéraliste ? Le Conseil constitutionnel a jugé à juste titre que le texte d'Amsterdam comportait des dispositions mettant en cause la souveraineté nationale. En effet, cinq ans après l'entrée en vigueur de ce traité, l'attribution des visas, le droit d'asile, la politique d'immigration dans sa globalité seront définis à la majorité qualifiée. Cela signi fie que la France ou tout autre pays n'aura plus le pouvoir de dire non.

Nos pays ont pourtant des traditions différentes ; les uns sont progressistes, les autres un peu moins. Certains, comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Irlande, ont été longtemps des pays d'émigration. Ce n'est pas l'histoire de la France. Les pratiques sont différentes.

Ce sont donc des dispositions plus restrictives qui s'appliqueraient sans auun doute, notamment en matière de droit d'asile et concernant les sans-papiers, dont, du même coup, les interlocuteurs ne seraient plus à Paris ou dans les préfectures, mais à Bruxelles ! Le débat d'aujourd'hui, pour préalable qu'il soit, n'est pas second. Il est indissociable de la discussion ultérieure sur le traité. Mettre la Constitution en conformité avec le traité, c'est bien inscrire déjà - et personne ne doit s'y tromper - le traité d'Amsterdam dans la Constitution.

A cet égard, il convient de prendre l'exacte mesure de l a portée de la révision proposée par certains de l'article 88-4 concernant les droits de contrôle du Parlement. Qui peut dire l'inverse, à savoir que le traité a une valeur supérieure à la loi française et s'impose dès sa ratification ? Quels que soient les additifs à cet article 88-4, - qui, en soi, ne nous sont pas désagréables à l'oreille - et n otamment l'élargissement du champ d'examen au second et troisième piliers, il reste, l'expérience le prouve, qu'une résolution exprimant l'opposition, même unanime des députés et des sénateurs français, à un projet d'acte communautaire, n'empêcherait pas son adoption par le Conseil des ministres européens ! Le caractère formel d'une telle résolution est si vrai qu'elle ne lie pas le gouvernement français.

Dès lors, comment comprendre l'insistance de certains de faire d'une modification de l'article 88-4 la condition de leur vote du traité d'Amsterdam ? Cela traduit, à tout le moins, un certain embarras. C'est pourquoi d'aucuns veulent ouvrir une fausse fenêtre. La droite voudrait sans doute faire oublier que c'est elle qui a négocié le traité et que c'est le Président de la République qui l'a signé.

M. Christian Cuvilliez.

Tout à fait !

M. Alain Bocquet.

Elle ne peut pas faire oublier qu'elle a, au fil du temps de cette Ve République, abaissé régulièrement le rôle du Parlement !

M. Patrick Malavieille.

Très bien !

M. Alain Bocquet.

L'article 88-4,...

M. Pierre Lellouche.

Introduit par la droite.

M. Alain Bocquet.

... même élargi à d'autres aspects, permet certes au Parlement de s'exprimer, d'alerter, de suggérer - et ce n'est pas négligeable - mais il ne lui permet pas de participer à la décision, de s'opposer ou d'améliorer. L'efficacité des amendements qui pourront naître du débat sur cet article et qui seront le fruit de majorités à géométrie variable sera à mesurer à cette aun e.


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Les communistes, quant à eux, ont à coeur de mener une politique de gauche, et seulement de gauche, car c'est de ce côté-là qu'elle est favorable à l'homme.

Que l'on soit bien clair : les communistes n'ont aucune frilosité devant des transferts de compétences effectués dans l'intérêt de peuples indépendants. Les traités internationaux en opèrent par définition. L'identité nationale, à laquelle nous sommes attachés, ne peut exister qu'en s'enrichissant sans cesse au contact du monde extérieur. Il n'y aura, à nos yeux, jamais assez de coopération internationale et d'échanges librement consentis.

En tout cas, par principe, les transferts de souveraineté ne peuvent pas se décider dans le dos des peuples ! Il est temps de lever toute ambiguïté. Les traités européens ont tous une importance majeure et reconnue comme telle par tous les partis politiques et les Français eux-mêmes.

Pourquoi la consultation ou non des Français fait-elle à chaque traité l'objet d'un enjeu politique ? C'est malsain et ce n'est pas démocratique. Le constituant souverain, c'est le peuple français. Le Parlement l'est en tant que son représentant.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. Alain Bocquet.

S'il est un amendement que notre assemblée devrait voter, c'est bien celui exigeant que tout traité européen ou autre comportant un transfert de souveraineté soit, par principe, soumis à référendum, car la souveraineté nationale appartient au peuple et à lui seul !

M. Christian Cuvilliez.

C'est inscrit dans la Constitution !

M. Alain Bocquet.

Il est clair que la prise en compte de cet amendement conditionne le vote des députés communistes sur ce projet.

La souveraineté est trop sérieuse pour prétendre décider à la place des citoyens. C'est, pour les communistes, une question de principe. Sinon, il serait paradoxal - le

« oui » à Maastricht l'ayant emporté - que nous mettions ainsi le référendum en avant. Ceux qui le refusent aujourd'hui craignent peut-être que le « non » à Amsterdam l'emporte. Mais, il ne faut pas avoir peur de la démocratie et assumer coûte que coûte le choix du peuple.

De surcroît, si l'on sait en Europe que les traités seront désormais soumis à référendum en France, il s'ensuivra une modification de l'attitude des gouvernements dans les négociations.

S'il existe un immense déficit démocratique dans l'Union européenne et que tout le monde l'admet, commençons donc à le résorber. Sinon, c'est l'idée européenne elle-même qui se disloquera à force d'être éloignée des peuples.

Il ne faudrait pas que, alors que l'on parle de plus en plus d'Etat de droit et d'Europe des libertés, les Français aient de moins en moins la maîtrise des choix majeurs qui les concernent et puissent de moins en moins agir pour leur emploi et leur avenir. Mais pas seulement eux.

Il ne peut y avoir de citoyenneté européenne si le Français, l'Allemand, l'Espagnol ou le Grec, par exemple, sont de moins en moins citoyens chez eux sans devenir pour autant des citoyens ayant prise sur l'Europe. C'est une carence fondamentale qu'on voudrait imposer comme modèle unique et obligatoire à l'Europe actuelle, qui éloigne les citoyens des centres de décision.

Il faut plus de démocratie en France et plus de démocratie en Europe. Chacun doit être citoyen sur son lieu de travail, dans sa commune et son pays, pour devenir acteur d'une coopération européenne audacieuse.

Le Parlement français doit avoir la primauté dans les institutions nationales. Cela appelle des réformes dans le domaine de la loi, une révision des dépenses, l'augmentation du nombre des commissions permanentes, le contrôle de l'exécutif. Il faudrait aussi que la commission compétente définisse un mandat de négociations précis pour les ministres avant les conseils européens. Si l'Assemblée est plus forte, le Gouvernement le sera aussi pour négocier des coopérations novatrices en Europe.

Par souci de cohérence, ces questions essentielles à l'équilibre de nos institutions devraient trouver leur place dans une prochaine révision de la Constitution.

Comme je l'ai dit en commençant mon propos, l'Union européenne est à la croisée des chemins. Cette Europe de nations libres associées, cette Europe des peuples contre l'intégrisme du « tout-financier », il est urgent de la créer.

Dans ce nouvel âge de l'Europe, et pour l'Europe, les communistes français sont prêts à s'engager pleinement, pour contribuer à la dynamique de l'ambition sociale. La g auche ne doit pas laisser passer cette chance de construire une Europe de la paix, de l'emploi et de la justice sociale.

C'est pourquoi, je vous demande de voter la question préalable que je présente au nom du groupe communiste, et partenaire, tant il est vrai que le préalable à toute ratification du traité d'Amsterdam est de permettre au peuple français de se prononcer par voie de référendum.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Michel Suchod.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président du groupe communiste, permettez-moi, d'abord, de vous dire que j'aurai plaisir à relever les convergences qui existent entre nous plutôt que de m'attarder sur ce qui peut encore nous séparer.

Vous dites : « Les communistes sont pour l'Europe, ils sont euroconstructifs. » C'est aussi la position de la majo-

rité et de nombreuses personnes siégeant sur tous les bancs de cette assemblée.

Vous souhaitez que le politique domine l'économique et le financier. C'est en effet la vocation de l'Europe de faire comprendre qu'il doit y avoir dans le monde d'aujoud'hui d'autres lois que celle du plus fort et celle de l'argent.

Vous souhaitez que l'Europe des citoyens soit renforcée. C'est également notre souci et celui de nombreux autres démocrates et je peux d'autant plus vous rejoindre sur ce point que cela fait très longtemps que je pense que l'Europe ne pourra pas se construire uniquement à coup de traités, et encore moins de directives et de règlements, mais qu'elle ne pourra se faire que si les citoyens de l'Europe sont parties prenantes de sa construction.

C'est vrai, nous devons refuser le manichéisme ambiant selon lequel soit on refuse l'Europe, soit on accepte un libéralisme qui nivelle tout vers le bas et fait finalement bon marché de ce qu'est notre modèle de civilisation européen.

M. François Sauvadet.

Quelle vision d'avenir !

Mme la garde des sceaux.

Il faut que nous ouvrions des perspectives nouvelles. C'est la vocation, la mission, le devoir de l'Europe et de l'Union européenne que de dire au reste du monde : il y a autre chose que l'égoïsme et la soumission aux lois mécanistes, du marché ou de l'argent.


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Comment répondre aux aspirations des citoyens européens ? C'est une question fondamentale à laquelle il n'est pas facile de répondre. Mais nous avons à essayer de combler l'écart qui existe entre l'idéal européen et la réalité. Vous avez cité Victor Hugo. Je ne reprends pas quant à moi l'idée des Etats-Unis d'Europe parce que les

Etats-Unis d'Amérique se sont bâtis alors qu'il n'existait pas de nations sur le nouveau continent. L'Europe ne peut se faire que sur un schéma original...

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

... parce qu'il existe des nations européennes et que nous n'avons pas à copier des schémas préexistants.

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Il nous faut trouver non pas une troisième voie - c'est le mot à la mode - mais une voie nouvelle.

M. Gérard Gouzes.

Une voie spécifique.

Mme la garde des sceaux.

Il nous faut l'inventer ensemble sur les objectifs qui nous sont communs.

Comme vous, nous récusons bien entendu les recettes du libéralisme, lequel demande toujours les mêmes sacrifices aux mêmes catégories sociales et aux mêmes personnes.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Nous avons le devoir de construire une Europe qui place au premier rang de ses objectifs la croissance et l'emploi, et nous devons gérer l'euro en conséquence. Nous avons la possibilité de le faire. Les traités nous le permettent : le pacte de stabilité n'était pas prévu dans le traité de Maastricht. Encore faut-il que nous en ayons la volonté politique.

M. Jean-Claude Lefort.

Faisons-le !

Mme la garde des sceaux.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, nous avons dit ensemble, il y a bientôt deux ans, que nous refusions le repli nationaliste, parce que nous considérions que ce n'était pas la solution, parce que nous disions non à l'argent roi et que nous avions un modèle de civilisation à proposer. Non seulement je ne retire pas un seul de ces mots, mais je pense que nous devons les répéter encore et toujours, et expliquer à notre peuple ce que nous souhaitons lui offrir et ce que nous voulons faire de la construction européenne.

Nous poursuivons le même objectif, même si nous pouvons diverger sur les modalités ou sur les chemins à emprunter pour y parvenir.

Je ne dirai que quelques mots sur le vote à la majorité, car peut-être Pierre Moscovici souhaitera-t-il lui aussi intervenir. Jamais jusqu'à ce jour, l'utilisation du vote à la majorité n'a été préjudiciable aux intérêts de notre pays , tout simplement parce que la France est au coeur de l'Europe, sur le plan géographique, comme sur le plan stratégique et structurel. Sur les questions agricoles, par exemple, nous avons toujours su l'utiliser de manière à ce que l'Europe se construise au mieux de nos intérêts, si tant est que ce soit notre perspective à moyen terme.

Vous souhaitez un référendum.

J'aurais mauvaise grâce à ne pas le comprendre puisque je crois avoir été en 1992 le seul membre du Gouvernement à conseiller au président Mitterrand de recourir au référendum en dépit des risques, que nous n'avions pas sous-estimés. Je pensais que c'était le seul moyen de rapprocher l'Europe des citoyens européens. Il fallait briser le cercle dans lequel nous étions. La construction de l'Europe était alors le fait d'un petit nombre d'initiés fiers de parler un jargon qui isolait le peuple.

Aujourd'hui, le contexte est différent. Je rappelle que la p rocédure de révision constitutionnelle, régie par l'article 89 de la Constitution, comporte deux étapes : le vote du projet par les deux assemblées, dans les mêmes termes, puis son adoption définitive, soit par référendum, soit par le Congrès. Nous n'en sommes aujourd'hui qu'à la première étape de la procédure. La question du recours à un référendum ne se pose donc pas pour le moment.

M. Pierre Lellouche.

La décision appartient au Président de la République !

Mme la garde des sceaux.

En tout état de cause, vous avez raison, en vertu de l'article 89 de la Constitution, le choix entre les deux modalités d'approbation de la révision constitutionnelle relève de la compétence exclusive du Président de la République. Ni le Parlement ni le Gouvernement ne disposent du moindre pouvoir d'appréciation en la matière.

M. Christian Cuvilliez.

On peut changer cela !

Mme la garde des sceaux.

L'importance du traité d'Amsterdam ne saurait être sous-estimée. Avec du recul, les historiens pourront mesurer la valeur respective des deux traités. Pierre Moscovici et moi-même considérons que les deux comportent des avancées réelles ou potentielles. Cependant, le traité d'Amsterdam demeure essentiellement un texte qui modifie - ponctuellement - les précédents traités. Il n'a donc pas à nos yeux une portée comparable.

Telle est la réponse que je souhaitais vous faire. Je tiens tout de même à la relativiser, car le choix du mode d'adoption définitive est une prérogative du Président de la République.

C'est pourquoi, malgré notre convergence sur les objectifs à atteindre, le Gouvernement souhaite que la question préalable que vous présentez ne soit pas adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d'entrée de jeu, le groupe RPR ne votera pas la question préalable. Il y a en effet bien lieu de débattre et de réviser la Constitution afin de procéder à la ratification du traité d'Amsterdam dans les meilleurs délais.

Ce traité a fait l'objet de nombreux sarcasmes et ici même, cet après-midi, d'aucuns ont, me semble-t-il, joué à se faire peur. Certes, le traité présente des insuffisances et des imperfections, y compris dans sa rédaction, mais un texte élaboré à quinze ne peut avoir la pureté de style du code civil. Il fait néanmoins franchir à la construction européenne une étape nécessaire.

Le traité offre deux intérêts pour les citoyens.

Premièrement, il améliore leur sécurité dans un espace de libre circulation des personnes. Le renforcement de l'action de l'Union européenne en matière d'immigration et d'asile permettra de rendre plus efficace la lutte contre l'immigration illégale et la grande criminalité grâce à une coordination judiciaire et policière renforcée entre les quinze.


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Deuxièmement, il améliore la politique sociale et de l'emploi. C'est là la principale avancée du traité. Un nouveau chapitre sur l'emploi instaure une meilleure coordination entre les politiques nationales de lutte contre le chômage et prévoit aussi la possibilité de financer, grâce à des fonds communautaires, des mesures incitatives et des contre-projets de création d'emplois.

M. Jean-Claude Lefort.

Vous pensez être crédible en parlant d'emploi ?

M. Didier Quentin.

En outre - je le dis nettement à M. Bocquet qui n'a cessé de parler d'ultralibéralisme -, le protocole social qui concerne essentiellement les conditions de travail auxquelles avaient souscrit les Etats membres en 1992, à l'exception du Royaume-Uni, est inclus dans le traité. Il est ainsi mis fin dans ce domaine à l'exception britannique.

M. Jean-Claude Lefort.

On croit rêver.

M. Didier Quentin.

Le traité d'Amsterdam a aussi le mérite d'assurer le renforcement du rôle des parlements nationaux, notamment à travers la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires. Nous souhaitons d'ailleurs voir encore accentuer ce contrôle parlementaire grâce à l'adoption des amendements que nous proposerons pour élargir le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution.

Le traité assure aussi la reconnaissance, comme le souhaitait la France, de la spécificité des DOM-TOM et de celle des services publics. Il confirme la fixation dans le traité du siège des institutions et donc celui du Parlement européen à Strasbourg.

M. Jean-Claude Lefort.

Il y a du savon sur la planche.

M. Didier Quentin.

Il offre la possibilité pour les Etats qui le souhaitent - et seulement pour eux -, dès lors qu'ils sont au moins huit, d'aller de l'avant, sans attendre les plus hésitants. C'est ce que le traité appelle les coopérations renforcées dans les domaines communautaires, premier pilier, et de la justice et de la police, troisième pilier.

Enfin, à celles et à ceux, y compris dans nos rangs, qui s'inquiètent de certains risques de dérives supranationales,...

M. Jean-Claude Lefort.

Il y en a ?

M. Didier Quentin.

... je me permets de faire remarquer que la compétence nationale demeure dans les domaines essentiels pour l'intérêt de notre pays.

M. Jean-Claude Lefort.

Si vous le dites !

M. Didier Quentin.

Premièrement, l'unanimité demeure la règle dans des domaines essentiels.

En matière de politique étrangère et de sécurité, les chefs d'Etat et de gouvernement arrêtent, à l'unanimité, les grandes stratégies communes qui forment le cadre de la politique étrangère commune. Toutes les décisions liées à la défense sont prises à l'unanimité. Quant à la politique d'immigration et d'asile, les décisions resteront prises à l'unanimité pendant cinq ans, le passage à la majorité qualifiée ne pouvant intervenir à l'issue de ce délai que si l'unanimité des Etats membres en décide ainsi. Le cas des visas excepté, chaque Etat pourra faire obstacle au passage à la majorité qualifiée s'il estime les progrès accomplis insuffisants ou déséquilibrés. En outre, la compétence des Etats membres pour le maintien de l'ordre public est expressément réservée.

Enfin, dans des domaines essentiels, chaque Etat pourra s'opposer à l'adoption d'une décision à la majorité qualifiée en invoquant des raisons de politique nationale importantes. Cette possibilité est prévue dans le domaine communautaire et dans celui de la coopération policière et judiciaire en matière pénale ; il en sera de même pour la politique étrangère et de sécurité commune. Les mesures d'exécution seront décidées à la majorité qualifiée, mais chaque Etat pourra invoquer des intérêts nationaux importants pour s'y opposer.

La liberté de chaque Etat demeure donc entière dans les domaines jugés essentiels pour notre intérêt national.

C omme l'a déclaré récemment le Président de la République devant nos ambassadeurs, l'Union ne veut pas être les Etats-Unis d'Europe, elle veut être l'Europe unie des Etats.

Tout ces éléments plaident en faveur de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam. Celle-ci est, en outre, indispensable si l'on veut que la France continue de peser sur l'avenir de la construction européenne. Sans revenir sur la question du référendum, un refus de ratifier provoquerait en Europe une crise majeure qui, loin de favoriser une réforme institutionnelle préalable à l'élargissement, ne ferait que la retarder et en compliquer la réalisation. Le vote de cette question préalable conduirait à un blocage et nous éloignerait de ce qui doit être maintenant notre priorité, audelà même du traité d'Amsterdam : la réforme des institutions européennes qui devra se traduire, nous sommes très nombreux à en être d'accord, par le renforcement du pouvoir d'expression populaire, et qui reste un préalable indispensable à tout nouvel élargissement.

Avec le Président de la République, nous pensons qu'une Europe s'affirmant sur la scène de l'histoire constitue pour la France le meilleur moyen de préserver son influence et de promouvoir ses intérêts dans un monde globalisé. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre la question préalable.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Fuchs.

M. Gérard Fuchs.

Alain Bocquet, au nom du groupe communiste, vient de nous dire que l'Europe était à la croisée des chemins et qu'une alternance était possible. Il y a là entre nous une convergence que la situation renouvelle...

M. Pierre Lellouche.

Heureusement. Sinon ce serait inquiétant : vous êtes ensemble au Gouvernement, que je sache !

M. Gérard Fuchs.

... et qui, en raison même de son caractère exceptionnel, mérite d'être soulignée.

Nous venons d'assister successivement dans onze pays au rejet de l'ultralibéralisme. Et les derniers pays n'étaient pas les moindres, puisqu'il s'agissait de la GrandeBretagne, de l'Italie, puis de l'Allemagne.

Nous sommes d'accord, au sein de la majorité plurielle, pour reconnaître que la question centrale aujourd'hui posée est la suivante : comment convertir ce rejet de l'ultralibéralisme dans onze pays en un rejet de l'ultralibéralisme au niveau de la construction européenne ellemême ? Cela passe, dites-vous, par une réorientation de la construction européenne. Oui, cent fois oui. Cela passe par une réorientation de la politique où dominait jusqu'alors l'économie. Evidemment oui. Où l'homme doit désormais passer avant la concurrence. Oui encore. Où les peuples passent avant les banquiers. Quel socialiste ne serait pas d'accord avec vous là-dessus ?

M. Pierre Lellouche.

Il y a beaucoup de banquiers de gauche !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

M. Gérard Fuchs.

Mais il est un point sur lequel nous n'avons probablement pas encore la même analyse : nous ne pensons pas, nous, que le traité d'Amsterdam implique forcément la supranationalité. Cela suppose, certes, un exercice en commun dans des domaines où les souverainetés nationales sont devenues inopérantes. Ainsi faut-il combattre la spéculation financière au niveau européen ? Nous répondons oui. Parce qu'au niveau strictement français, ce n'est probablement plus possible. Encore faut-il des règles.

Il faut une harmonisation sociale vers le haut, ditesvous. Mais comment, cher collègue Bocquet, éviter le dumping social sans règles communes et même sans règles communautaires ? Après tout, quelle est la meilleure réponse à une euro-grève, sinon des euro-règles ?

M. Gérard Gouzes.

Très juste !

M. Gérard Fuchs.

Il est un point sur lequel nous n'avons probablement pas encore la même analyse, c'est la question du référendum, et je voulais vous expliquer ce qu'en pense le groupe socialiste.

Il y avait dans le traité de Maastricht un point dur : la monnaie unique. On pouvait être pour ou contre et, comme le rappelait Elisabeth Guigou tout à l'heure, il y avait effectivement matière à référendum, parce que matière à une question simple posée au peuple français.

Mais comment résumer le traité d'Amsterdam avec ses avancées, rappelées par Pierre Moscovici, mais aussi, chacun l'a reconnu, ses insuffisances ? Si l'on me le demandait, je serais bien en peine de le faire. En revanche, si demain un traité devant conduire à de véritables révisions institutionnelles de la construction européenne nous était présenté, je répondrais prudemment, et à titre personnel, que la question du référendum mériterait probablement d'être à nouveau posée.

Pour conclure, cher collègue, il y a les textes, mais aussi les rapports de forces. Ce n'est pas moi qui vous l'apprendrai. Vous dites rejoindre l'optimisme de Victor Hugo, être « euroconstructif ». Certes. Mais je crois justement que le nouveau rapport de forces entre la gauche et la droite en Europe autorise à faire preuve d'optimisme, à se montrer euroconstructif. Et c'est bien pourquoi le groupe socialiste pense qu'il faut engager la discussion et ne souhaite pas voir adopter la question préalable. Mais, après vous avoir entendu, cher Alain Bocquet, je suis franchement persuadé que, plus que jamais, nous allons nous retrouver dans le débat qui va venir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

L'espoir fait vivre !

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Pierre Lellouche.

Encore une tonalité de la majorité plurielle !

M. Michel Suchod.

La majorité plurielle a cinq tonalités, comme vous le savez.

Ce n'est pas la première fois que nous nous retrouvons pour réformer la Constitution à l'occasion d'un traité européen. Je me souviens, madame la ministre, alors que vous exerciez les responsabilités aujourd'hui détenues par

M. Moscovici, de ces longues soirées de juin 1992 où, déjà, nous réformions la Constitution pour le traité de Maastricht. Cette fois-ci, le Conseil constitutionnel luimême a déclaré le traité en cause, en l'occurrence celui d'Amsterdam, non conforme à la Constitution, estimant que les transferts de compétences qu'il prévoit affectent les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Pour commencer le Mouvement des citoyens regrette le processus de déstabilisation constitutionnelle engagé ces derniers temps. De toilettage en réformette, le chemin de Versailles, ignoré pendant trente ans par nos collègues, est pris quasiment chaque année par les deux chambres du Parlement.

Mme Christine Boutin.

Ça, c'est vrai !

M. Michel Suchod.

Cette fois-ci, j'en conviens, il ne s'agit pas d'une réformette, mais bien d'un acte grave : le renoncement à une partie essentielle de notre souveraineté.

Nous regrettons également l'impasse à laquelle nous conduit le traité d'Amsterdam. Le mandat de Turin, en mars 1996, était clair : il s'agissait d'élaborer des propositions sur l'élargissement de l'Union et sur une réforme des institutions. Car ce qui était déjà difficile à douze l'est encore plus à quinze et deviendra tout à fait impossible si cet élargissement prend demain des proportions plus importantes encore.

Malheureusement, les résultats de dix-huit mois de négociations du gouvernement Juppé se révèlent bien piètres. Au fond, cette négociation bâclée a conduit à une fuite en avant, à un résultat regrettable : la communautarisation par défaut du reste des principales dispositions en matière de sécurité intérieure. Je ne résiste pas du reste à citer M. Nallet, notre rapporteur, qui décrit le traité d'Amsterdam comme un foisonnement technocratique qui reflète si clairement les laborieux compromis ayant préludé à son adoption ! Cela dit, d'un point de vue strictement politique, force est de reconnaître que nous vivons une fin de partie, une partie commencée avec Maastricht et qui s'achève cette année avec la décision de passage à l'euro prise en juin et notre débat de ce soir sur Amsterdam, avant la ratification en février prochain. Nous voterons la question préalable posée par le parti communiste...

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. Henri Plagnol.

Ah !

M. Michel Suchod.

... estimant qu'il faut être cohérent et savoir terminer une période comme il convient et surtout comme on l'a commencée : tant de gens ont oscillé de manière finalement bien désagréable pour nos concitoyens ! Mais nous pensons aussi à la suite. Nous considérons qu'il faut maintenant appliquer pleinement les quatre conditions posées par Lionel Jospin, au besoin avec toute la gauche européenne, avec Gerhard Schrder, avec Tony Blair, avec M. d'Alema : comment créer un gouvernement économique face à la Banque centrale ? Comment peut-être réformer le statut de celle-ci ? Comment faire en sorte que le pacte de stabilité et de croissance insiste sur la croissance, sur l'emploi, sur les grands t ravaux indispensables ? Comment enfin, quatrième condition un peu oubliée, peser sur la parité entre l'euro et le dollar ? En six mois, le dollar a baissé de 15 % et cette dérive est dramatique pour les exportations.

Mme Nicole Bricq.

Il remonte !

M. Michel Suchod.

Voilà en tout cas, pour nous, le combat des années qui viennent. Et après avoir entendu le Gouvernement dans ce débat, nous avons le sentiment que, pour la suite, nous pourrons le mener ensemble.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera pas la question préalable de M. Bocquet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Nous ne la voterons pas d'abord pour des raisons de forme, parce qu'il y a bien lieu à délibérer. Non seulement nous avons besoin de modifier la Constitution, puisque le Conseil constitutionnel en a décidé ainsi, mais nous avons le devoir de ratifier le traité d'Amsterdam.

Nous sommes même l'un des derniers pays à avoir engagé la procédure, à tel point que le Président de la République a réagi en insistant sur la nécessité de le ratifier très rapidement, comme le souhaite également notre groupe.

Nous ne la voterons pas aussi pour des raisons de fond. Vous avez, monsieur Bocquet, développé une conception de l'Europe qui n'est en rien conforme à la réalité, une critique qui confine à la caricature. Vous n'avez cessé de parler d'ultralibéralisme, de concurrence exacerbée.

M. Jean-Claude Lefort.

Appelez un chat un chat !

M. Pierre Lequiller.

Mais il est temps d'ouvrir les yeux, de s'apercevoir que nous vivons dans un contexte de mondialisation, de concurrence exacerbée.

M. Jean-Claude Lefort.

A quoi sert l'Europe alors ?

M. Pierre Lequiller.

Imaginer que l'on pourrait étendre les 35 heures à tous les pays de l'Union européenne comme vous l'avez proposé,...

M. Daniel Paul.

Ce serait bien !

M. Pierre Lequiller.

... c'est un leurre total : aucun pays n'acceptera de les adopter.

Vous voulez revoir le statut de la Banque centrale européenne...

Mme Muguette Jacquaint.

Eh oui !

M. Michel Vaxès.

Pas vous ?

M. Pierre Lequiller.

... en revenant sur un vote déjà intervenu, et qui constitue un des principaux acquis du traité précédent.

M. Jean-Claude Lefort.

Vous êtes le seul à le dire !

M. Pierre Lequiller.

Vous parlez de l'Europe des banquiers, de la souveraineté confisquée, vous réclamez un référendum.

M. Jean Vila.

La démocratie le veut !

M. Pierre Lequiller.

En fait, tout ce que révèle cette question préalable, et les interventions de Mme la garde des sceaux et de M. Fuchs l'ont bien montré, c'est la division profonde de la gauche sur le thème européen.

M. Jean-Claude Lefort.

Comme vous y allez !

M. Pierre Lequiller.

Vos attendrissantes déclarations de convergence ne font que précéder la présentation de trois listes concurrentes au sein de la majorité plurielle, et ne cachent pas vos désaccords très profonds en matière de conception de l'Europe.

Nous ne voterons donc pas la question préalable, car nous pensons que le traité d'Amsterdam constitue un progrès pour l'Europe. Il y a donc évidemment lieu d'en délibérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Autant vous le dire très franchement, monsieur Bocquet : votre discours ne nous a pas convaincus.

M. Georges Hage.

Il n'est pire sourd... (Sourires.)

M. François Sauvadet.

Et surtout, on ne peut accepter vos théories sur un prétendu affaiblissement du rôle du Parlement orchestré depuis le début de la Ve République.

M. Alain Bocquet.

Mais c'est une évidence !

M. François Sauvadet.

Je vous renvoie simplement aux initiatives, y compris sur le plan constitutionnel, prises par la précédente majorité dans le but précisément de renforcer le rôle du Parlement. Du reste, le groupe UDF comme l'opposition tout entière aimeraient que vous fassiez preuve de la même exigence quant à la façon dont travaille aujourd'hui ce même Parlement : la multiplicité des textes qui se bousculent n'en permet pas, c'est le moins qu'on puisse dire, un examen serein par la représentation nationale.

O ui, monsieur Bocquet, nous avons besoin de débattre. Et l'on ne peut tout à la fois appeler à un renforcement du rôle du Parlement et dénier à la représentation nationale la responsabilité de discuter tout simplement de notre avenir.

Vous parlez de référendum. Mais avez-vous lu le texte dont il est question aujourd'hui ?

Mme Muguette Jacquaint.

Nous l'avons lu, nous ne sommes pas des ignares !

M. François Sauvadet.

Comment pouvez-vous résumer toutes ses dispositions, très utiles au demeurant, en une question simple à poser aux Français ?

M. Jean-Claude Lefort.

Etes-vous pour ou contre le traité d'Amsterdam ? C'est simple, ça !

M. François Sauvadet.

Je vous rappellerai également, monsieur Bocquet, que le peuple s'est déjà prononcé sur l'essentiel à l'occasion du traité de Maastricht. Aujourd'hui, il nous appartient de débattre, comme les représentations nationales d'autres pays l'ont déjà fait. Au-delà du traité, cela nous permettra du même coup d'afficher très clairement la vision que nous avons de notre avenir commun en Europe, celle aussi de l'avenir de la France en Europe et dans le monde.

Quant à vous, madame Guigou, je suis extrêmement surpris de la tonalité que vous donnez à ce débat. Vous opposez systématiquement les catégories entre elles, vous dépeignez le libéralisme le plus échevelé. Votre vision, directement inspirée de la lutte des classes, apparaît des plus archaïques.

(Rires sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Claude Lefort.

Karl Marx, Guigou, même combat !

M. François Sauvadet.

Le monde a évolué depuis ce temps-là. La France et l'Europe, madame la ministre, ont autant besoin d'entrepreneurs que de solidarité. L'un ne va pas sans l'autre, et votre façon systématique de les opposer l'un à l'autre ne rend pas service aux entrepreneurs et ne répond pas à la vision que nous avons de la solidarité active. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous vivons dans une économie qui s'est mondialisée.

L'enjeu est désormais de savoir comment la France, qui est un grand pays, peut prendre sa place dans une organisation européenne et dans un monde qui s'est, au niveau des échanges, considérablement ouvert.

Bien sûr, il y a des carences dans l'organisation européenne.

M. Jean-Claude Lefort.

Oui, dix millions de chômeurs !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

M. François Sauvadet.

Elles ont été décrites par les uns et les autres depuis le début de ce débat. Mais ces carences ne doivent pas nous faire oublier l'objectif que nous poursuivons d'une construction européenne à même tout à la fois de développer l'initiative et la solidarité et de renforcer la place de notre pays en Europe et de l'Europe dans le monde.

Il faut se garder d'opposer les intérêts de la France à ceux de l'Europe, car nos intérêts sont tout simplement solidaires. Il nous appartient, par une vision moderne et active, de construire cette Europe dans laquelle la France est appelée à prendre toute sa place ; en tout cas, nous y aspirons. A cette vision d'avenir, monsieur Bocquet, vouso pposez une vision du passé. Oui, nous voulons construire l'Europe...

Mme Muguette Jacquaint.

Nous aussi !

M. François Sauvadet.

... et nous entendons que la France y prenne toute sa part. Et parce que nous ne partageons pas la même vision de l'Europe, nous appellerons à repousser votre question préalable.

Mme Muguette Jacquaint.

La banque centrale compte ses troupes !

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

Mme Christine Boutin.

Pour !

M. Georges Hage.

Bravo Christine !

M. François Sauvadet.

Vous n'avez pas toujours dit ça ! (Sourires.)

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. René André.

M. René André.

« J'ai toujours préconisé l'union de l'Europe, je veux dire l'Union des Etats européens. Lisez ce que j'en dis depuis un quart de siècle, je n'ai pas varié.

Je souhaite l'Europe, mais l'Europe des réalités. » C'est

ainsi, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le général de Gaulle s'exprimait en janvier 1960, il y a bientôt quarante ans.

Cet héritage, nous en sommes fiers, même si on nous a parfois reproché de manquer de lyrisme. Manquer de lyrisme, ce n'est pas manquer de foi. Cette ligne de conduite pragmatique n'est d'ailleurs pas restée lettre morte. S'appuyant sur la magnifique et émouvante réconciliation franco-allemande, elle a su, pas à pas, nous conduire de la mise en place du marché agricole commun à la monnaie unique. Le général de Gaulle, Georges Pompidou et, aujourd'hui, le président Jacques Chirac ont, au moins autant que d'autres, agi pour que l'Europe existe face au monde.

Riche de cet héritage, notre vision de l'avenir de la construction européenne est vraiment généreuse, ouverte à de nouveaux partenaires et profondément réaliste, c'està-dire enracinée dans le fait national.

Oui, nous aimons l'Europe et nous voulons que la France soit à la tête de ses évolutions, de ses progrès, de ses adaptations. L'Europe doit être pour nous l'ambition française. La France doit entraîner les autres peuples européens, ceux qui sont déjà dans l'Union et ceux qui, d emain, nous rejoindront. Nous voulons renforcer l'Europe de la paix, de la sécurité. Nous voulons organiser une Europe vraiment démocratique, une Europe de prospérité et de progrès social. Oui, pour nous, cette Europe-là est possible, à la portée du siècle prochain.

Aujourd'hui, notre assemblée a un nouveau et important rendez-vous avec l'histoire de la longue, difficile, mais si nécessaire construction européenne. Cette nouvelle étape mérite notre attention la plus vigilante et exige de nous un vrai courage. Saurons-nous saisir la chance de cette révision constitutionnelle pour renforcer les liens entre la France et l'Europe, entre l'Europe et les Français ? Pour sa part, le groupe RPR le souhaite ardemment.

Le RPR a conduit depuis des mois, à l'initiative de Philippe Séguin, une réflexion de fond sur ces questions. Il souhaite aujourd'hui faire des propositions qui répondent vraiment aux problèmes graves et sérieux que soulève, pour le Parlement et pour la France, cette nouvelle étape de la construction européenne. Seul l'intérêt national doit nous guider. La France veut l'union des nations européennes, de toutes les nations. Ce ne sont pas les EtatsU nis d'Europe que nous voulons construire, mais l'Europe unie des Etats. Un long chemin nous reste à parcourir, mais nous n'aspirons pas au repos, et notre volonté est bien là, ferme et déterminée.

Pour ce faire, le traité d'Amsterdam est une étape nécessaire, et la révision constitutionnelle une chance pour la démocratie.

Certes, le traité d'Amsterdam n'est pas une panacée.

Aucun traité européen ne le fut d'ailleurs. Mais, grâce à la diplomatie française, le traité d'Amsterdam contient d'ores et déjà de bonnes décisions. Il permet d'aller de l'avant, notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune, et, comme la France l'a souhaité, un poste de haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune est créé.

M. Pierre Lellouche.

Peut-être pour Mme Guigou ! (Sourires.)

M. René André.

La réforme du deuxième pilier permettra l'établissement progressif d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Chaque jour, nous voyons combien cet espace nous est nécessaire.

Le nouveau titre sur l'emploi ainsi que le protocole social intégré au traité sont un premier pas, tant souhaité par le Président de la République, vers une Europe qui puisse mieux conjuguer l'économique et le social.

La mise en place de coopérations renforcées entre les pays qui le souhaitent est également positive.

Enfin, et nous aurons l'occasion d'y revenir, le traité d'Amsterdam ne se désintéresse pas, lui, de la grande question de la démocratisation de la construction européenne. Il conforte sérieusement le rôle et les pouvoirs du Parlement européen et il reconnaît, à la demande d'abord isolée mais obstinée de la France, le rôle collectif des parlements nationaux.

Je forme des voeux pour que notre Parlement sache vraiment saisir les opportunités qui arrivent et qu'il apporte ainsi une forte contribution à la prise de décision européenne. Malheureusement, nous le verrons plus loin, le gouvernement français semble peu désireux d'associer pleinement le Parlement à la construction de l'Europe.

Tout compte fait, la France a bien défendu ses positions, sa diplomatie a obtenu de vrais résultats grâce à l'action du Président de la République et d'Alain Juppé, alors Premier ministre. Le groupe RPR salue leur action.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ces aspects positifs, qui ne sont pas secondaires, ne peuvent pas toutefois cacher notre déception dans le domaine des institutions, qui était pourtant l'un des objectifs des négociations tout au long de ces quinze mois de discussion.

L'élargissement de l'Europe, que nous souhaitons tant, et depuis si longtemps, ne pourra répondre aux attentes des différents Etats que si la réforme des institutions est menée à bien et à son terme, avant l'entrée dans l'Union de nouveaux membres, chacun aujourd'hui le reconnaît.

Le moment venu, nous proposerons un article additionnel à la loi de ratification du traité d'Amsterdam, afin que l'Europe se dote d'une nouvelle charte institutionnelle, qui, certes, doit concilier un grand nombre d'exigences : elle doit être démocratique, respecter les droits souverains des nations et, ce n'est pas la moindre des difficultés, être efficace.

Le débat institutionnel européen est donc le grand défi auquel nous sommes confrontés. C'est parce que nous souhaitons pouvoir ratifier le traité d'Amsterdam, en dépit de ses imperfections, que nous mettons aujourd'hui tant de passion dans ce débat constitutionnel préalable.

Quand s'installe l'Europe, quand notre drapeau côtoie de plus en plus souvent celui de l'Union européenne, nul n'a le droit de se moquer, de mépriser ou d'ignorer la peur ou la crainte de tant de nos compatriotes. C'est à nous de les aider à mieux vivre ces changements et, surtout, c'est à nous de leur expliquer pourquoi ces changements sont devenus nécessaires et pourquoi ils sont bénéfiques, même s'ils sont parfois difficiles à vivre. Mais nous n'y parviendrons que si la nation est replacée au coeur de la construction européenne.

A cette étape, notre devoir, je le répète, est de remettre la nation, toutes les nations d'Europe, matrices de toutes les démocraties, au coeur de notre engagement européen.

Sans les nations, enracinées dans l'histoire, vivifiées par les solidarités multiples, protectrices des plus faibles, pas de démocratie en Europe et, sans démocratie, sans le soutien des peuples, la construction européenne serait sans lendemain et d'ailleurs sans objet.

Si, par malheur, les gouvernements et les bureaucraties bridaient les sentiments nationaux, tôt ou tard, mais inévitablement, ceux-ci resurgiraient alors démultipliés, sans doute aigris, peut-être pervertis. C'est tout l'enjeu de la réforme qui, malheureusement, ne nous est pas proposée aujourd'hui.

M. Arthur Dehaine.

Tout à fait !

M. René André.

Cette réforme est, en effet, à nos yeux, largement insuffisante. Rien, pas une ligne dans le texte qui nous est soumis par le Gouvernement sur le rôle et les pouvoirs du Parlement dans cette nouvelle étape européenne. Etrange conception que celle d'une construction européenne qui n'aurait pas besoin de s'appuyer sur les assemblées, et en premier lieu sur la nôtre, et donc sur le peuple ! Une fois de plus, nous constatons noir sur blanc que les socialistes distinguent avec une parfaite aisance, sinon avec bonne foi, ce qu'ils disent sur le déficit démocratique et ce qu'ils font par ailleurs lorsqu'ils sont au pouvoir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

Le projet qui nous est présenté aujourd'hui ne fait que retranscrire dans le texte constitutionnel la décision naturellement strictement juridique du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997. Cette approche minimaliste, selon vos propos mêmes, madame la garde des sceaux, traduit une vision politique bien pauvre.

M. Pierre Lellouche.

Etriquée !

M. René André.

L'amendement de notre rapporteur ne parvient pas, tant il m'apparaît timoré, à masquer ce vide.

I l prévoit d'étendre le champ d'application de l'article 88-4 aux projets d'actes relevant des deuxième et troisième piliers.

M. Pierre Lellouche.

Cela va de soi, c'est dans le traité !

M. René André.

Cela, mes chers collègues, me paraît être la moindre des choses et aller de soi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Nicole Catala.

C'était déjà prévu !

M. René André.

Pour les projets ou propositions qui ne relèvent pas du domaine législatif au sens de l'article 34 de notre Constitution, le Parlement n'aurait aucun droit.

Il dépendrait du bon vouloir du Gouvernement. Est-ce vraiment cela la conception socialiste de la revalorisation du Parlement ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Que proposons-nous pour pallier ce déficit démocratique et renforcer les pouvoirs du Parlement ? A l'issue du conseil des ministres du 29 juillet dernier, M. le président de la République a déclaré qu'il serait ouvert à toute initiative qui renforcerait le contrôle du Parlement sur l'élaboration des textes européens.

M. Alain Barrau.

D'où l'amendement Nallet !

M. René André.

Le groupe RPR propose des réponses à cette invitation que le Gouvernement a malheureusement négligée.

M. André Schneider.

Evidemment !

M. Jean Ueberschlag.

Comme d'habitude !

M. René André.

Les trois amendements que nous voulons défendre n'ont qu'un seul objectif : renforcer le poids du Parlement qui, je le répète, ne peut pas, ne doit pas abandonner au seul exécutif tous les pouvoirs en matière européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous voulons renforcer, préserver le contrôle parlementaire sur les actes européens.

M. Hervé de Charette.

Excellent !

M. Alain Barrau.

C'est l'objet de l'amendement Nallet !

M. René André.

En cette fin du XXe siècle, la démocratie parlementaire, à laquelle, bien entendu, nous sommes tous ici attachés, doit développer, à côté du vote de la loi , les fonctions de contrôle des assemblées, et c'est dans le domaine européen que doit s'épanouir en priorité ce contrôle parlementaire.

Qui ne comprendrait que seul le contrôle systématique du Parlement évitera les excès de règles jugées souvent trop tatillonnes, trop bureaucratiques ? Seule la vive conscience que les Français auront de notre capacité à exercer un vrai contrôle donnera à ces règles et à ces normes une légitimité suffisante et permettra une réelle adhésion de nos concitoyens à l'Europe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Aujourd'hui, le contrôle issu de l'article 88-4 de notre constitution n'est pas, de l'avis de tous ici, suffisant. Trop de textes ne sont soumis à l'examen de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée qu'à la dernière minute. Le groupe RPR ne comprend pas, monsieur le rapporteur, que vous ne proposiez que la simple extension de la pratique actuelle de l'article 88-4. Parce que nous voulons accroître et préserver le pouvoir de contrôle du Parlement, nous proposons une large refonte de cet article.

En permettant, en premier lieu, au Parlement de choisir librement sur quels projets d'actes ou documents il souhaite émettre un avis, nous mettons les assemblées au coeur du dispositif. Il ne s'agit pas d'attendre le bon vouloir du Gouvernement, mais de créer une obligation pour celui-ci de transmettre au Parlement tout document d'une instance européenne. Les assemblées, éclairées par les avis du Conseil d'Etat, opéreront seules les choix nécessaires, et selon leurs propres critères.

Cette première réforme est fondamentale. Comment, en effet, parler sérieusement de combler le déficit démocratique si l'on ne permet même pas au Parlement de choisir sur quels projets de textes européens il peut déposer une résolution ? Il n'est pas sérieux de prétendre que le vote d'une résolution - d'une simple résolution, diraient nos collègues communistes - porterait atteinte aux équilibres constitutionnels !

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. René André.

L'amendement que nous proposons tend également à faire en sorte que l'Assemblée nationalee t le Sénat adoptent une résolution commune et adressent un message commun au Gouvernement quand le sujet est particulièrement important. Il s'agit là tout simplement de permettre la réunion d'une commission mixte paritaire pour présenter solennellement l'avis du P arlement français. Ainsi, le message parlementaire adressé au Gouvernement, sur des textes essentiels bien entendu, serait clair et fort.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. René André.

Enfin, nous proposons d'inscrire dans notre constitution la notion de réserve d'examen parlementaire qui n'est actuellement prévue que par une circulaire de M. Edouard Balladur, alors Premier ministre.

A la suite d'incidents répétés - adoption définitive de textes communautaires sans que les assemblées aient disposé du délai nécessaire pour se prononcer, voire les examiner -, M. Edouard Balladur a prévu fort opportuném ent d'accorder un délai minimal d'un mois aux assemblées pour manifester, par le dépôt d'une proposition de résolution, l'intention de prendre position sur un projet d'acte communautaire. Le Gouvernement s'engageait à invoquer pendant ce délai une réserve parlementaire au sein du conseil pour empêcher l'adoption du texte en cause.

Bien que cette circulaire ait incontestablement amélioré considérablement le fonctionnement de l'article 88-4, la pratique de l'examen d'urgence par les délégations parlementaires, à la demande du Gouvernement, d'un grand nombre de propositions d'actes communautaires demeure trop fréquente. Notre rapporteur lui-même s'en est récemment ému au sein de la délégation pour l'Union européenne.

Nous proposons donc un délai de six semaines, reprenant ainsi le délai prévu par le protocole sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam. Ce dispositif doit être souple. Ainsi, des mesures commerciales peuvent justifier que le Gouvernement demande l'urgence, et l'amendement que nous proposons en tient compte.

Le droit communautaire ne connaissant pas la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement au sens de la Constitution française, il n'y a pas de justification à la maintenir en l'espèce. De plus, aucun de nos partenaires ne l'applique. Cette distinction n'a de sens, bien entendu, que lorsque notre assemblée est délibérative et non consultative. En adoptant cet amendement qui ne porte pas atteinte aux grands équilibres constitutionnels, notre assemblée pourra s'enorgueillir d'avoir enfin rapproché le Parlement de la construction européenne et les Français de l'Europe.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. René André.

Avec notre deuxième amendement, nous voulons aborder franchement un problème qui devient de plus en plus aigu : comment organiser le contrôle de constitutionnalité du droit européen dit dérivé, c'est-à-dire des normes à valeur législative édic tées par les instances communautaires ? Il existe deux niveaux de droit européen. Le premier, celui des traités, s'impose à notre droit national. Le second, en revanche, le droit dérivé, qui découle de l'application des traités, c'est-à-dire les règlements et les directives qui s'imposent à notre droit national, échappe aujourd'hui à tout contrôle de constitutionnalité.

C'est notre droit de préférer l'arbitrage de notre Conseil constitutionnel à celui de la Cour européenne de justice, car c'est cela dont il s'agit.

Or ce droit dérivé se développe avec une telle rapidité que notre ancien collègue Mazeaud a pu parler, dans cette enceinte, de prolifération. Dans ces conditions, le risque de violation de notre droit constitutionnel national par le droit européen ne peut plus être négligé. Il est de notre responsabilité de nous saisir de cette question. S'il est possible d'admettre la supériorité du droit communautaire sur les normes nationales lorsqu'elles relèvent de la loi ou du règlement, le problème est tout différent lorsqu'il s'agit de normes constitutionnelles.

Projetons-nous dans quelques années. La France, après avoir été mise en minorité au sein du Conseil, pourrait être mise en demeure de réviser sa constitution pour l'adapter à un texte qu'elle n'aurait pas approuvé. Il ne s'agit plus d'une hypothèse d'école. Prenons-y garde ! Dans les domaines qui relèvent du troisième pilier, soit la sécurité et les affaires intérieures, un grand nombre de dossiers touchent directement les libertés publiques et pourraient donc se trouver en contradiction avec notre constitution.

Le moment est donc venu de poser ces questions.

Notre constitution ne doit pas devenir un chiffon de papier que Bruxelles pourrait allègrement méconnaître.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. René André.

Pour notre part, en nous inspirant d'une proposition de loi de notre ancien collègue Pierre Mazeaud et de nos collègues Nicole Catala et Robert Pandraud,...

Mme Nicole Bricq.

Ce sont des Européens convaincus !

M. René André.

... déposée dès 1989, nous proposons la possibilité d'une saisine du Conseil constitutionnel avant l'adoption d'un projet d'acte communautaire susceptible d'être contraire à la Constitution. Le Président de la République, le Premier ministre ou le président de


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l'une ou l'autre Assemblée pourrait, en s'appuyant sur ce nouvel article, saisir le Conseil constitutionnel de cette éventuelle difficulté.

M. Jean Ueberschlag et M. Bernard Schreiner.

Très bien !

M. le président.

Pourriez-vous conclure, monsieur André, s'il vous plaît !

M. Jean Ueberschlag.

C'est important !

M. René André.

Je termine, monsieur le président ! Notre troisième amendement a d'ores et déjà suscité de nombreux commentaires dont beaucoup soulignent, si nous écartons l'incompréhension, de nombreux malentendus que je souhaite dissiper.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. René André.

Le traité d'Amsterdam ouvre une simple faculté de vote à la majorité qualifiée sur certaines des matières qu'il traite au terme d'une période de cinq ans et à condition bien entendu que tous les pays en soient d'accord le moment venu. Seule l'unanimité des

Etats pourra décider du passage à la majorité qualifiée. Chaque pays prendra sa décision librement et conformément aux règles constitutionnelles qui sont les siennes.

Ainsi, pour chaque pays, il s'agira d'une affaire strictement intérieure. Le passage à la majorité qualifiée est, je vous le rappelle, une simple faculté ouverte aux Etats, les signataires du traité ont délibérément instauré un processus pragmatique par étape. Il convient donc, pour chacun d'entre nous, de respecter l'esprit de cette clause centrale du traité.

Le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée constituera, bien entendu, le moment venu et s'il est choisi, une étape de première importance dans l'histoire de la construction européenne telle que nous la connaissons depuis plus de quarante ans.

L'amendement que nous entendons soumettre à l'Assemblée nationale tend à prévoir, lors du passage de l'unanimité à la majorité qualifiée, le vote d'une loi.

Simple loi, loi organique ou loi référendaire, le choix ne nous appartient pas. Il sera, comme il se doit, sous la Ve République, du seul ressort du pouvoir exécutif.

L'amendement que nous proposons n'est donc en rien une condition mise à l'application du traité. Il ne préjuge nullement du choix qui sera alors retenu par les Etats européens en fonction des événements, des pratiques et de l'expérience commune acquise durant les cinq prochaines années.

Mes chers collègues, à l'occasion de cette réforme constitutionnelle, nous voulons réellement permettre au Parlement français d'exercer et de préserver son contrôle sur l'élaboration des normes européennes.

M. François Fillon.

Ils ne le veulent pas dans la majorité.

M. René André.

Il ne s'agit nullement, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, d'entraver l'action de l'exécutif et encore moins de le contraindre, par je ne sais quel mandat impératif, aux antipodes de ce que nous pensons.

Nous disons tous, sur ces bancs, vouloir combler le déficit démocratique de l'Europe et préserver le pouvoir de contrôle du Parlement, certains ajoutant même qu'il en va du maintien de la démocratie. C'est le moment ou jamais, mes chers collègues, de mettre nos actes en adéq uation avec nos paroles. Le RPR vous propose trois amendements qui, tout en sauvegardant les grands équilibres constitutionnels,...

M. Henri Nallet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Non !

M. René André.

... doivent nous permettre de contrôler et la construction européenne et l'action du Gouvernement en la matière, de mieux lutter contre le déficit démocratique que j'évoquais tout à l'heure, d'accroître les pouvoirs du Parlement, ce que chacun réclame sans cesse dans cette enceinte. Si vous voulez réellement établir ces contrôles et accroître les pouvoirs du Parlement, je ne puis que vous inviter à voter les amendements que le R assemblement pour la République vous proposera.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. André Huwart.

M. François Huwart.

Madame la ministre, vous ne serez sûrement pas étonnée d'entendre par ma voix exprimer, une fois de plus, les convictions européennes des radicaux de gauche.

Depuis les débuts de la construction européenne, les radicaux socialistes ont toujours été des euro-convaincus, j amais des euro-sceptiques. Leur conviction initiale, jamais démentie, leur aura épargné la démarche parfois bien inconfortable des euro-convertis. Encore que nous soyons bien entendu parfaitement satisfaits de constater que la construction européenne aura rallié, fût-ce par réalisme ou pragmatisme, nombre de ceux qui ont manifesté tant de réticences pendant si longtemps. Encore sommesnous heureux de constater aussi que ces conversions ont souvent coïncidé avec l'accession des sceptiques ou des opposants aux responsabilités présidentielles ou gouvernementales.

Ce n'est pas la moindre des victoires de l'idée européenne qu'en accédant aux responsabilités suprêmes de dirigeants des Etats-nations qui la composent les hommes politiques aient si vite acquis une claire conscience de l'intérêt des peuples dont ils ont l'avenir en charge. Cette simple constatation ramène à de plus justes proportions les débats franco-français où l'intérêt électoral à co urt terme prend trop souvent le pas sur une vision plus globale, plus ouverte et au total plus efficace de l'intérêt des peuples de notre vieux continent.

Oui, pour des raisons qui ont tenu à leur souci de créer en Europe les conditions d'une paix durable, oui parce qu'ils ont une conception profondément républicaine et profondément ouverte de la citoyenneté, oui, les radicaux ont chaque fois pris leurs responsabilités dès lors qu'il s'agissait d'aller plus loin dans la construction d'une Europe plus intégrée et plus citoyenne. Depuis Maurice Faure, notamment, nous, radicaux, n'avons cessé de considérer que le génie de la France incontournable, irréfragable, loin de se diluer dans l'ensemble européen, y trouverait au contraire le moyen de mieux s'exprimer.

C'est dans la déclaration des Droits de l'homme, dans son universalisme que nous avons toujours trouvé les meilleures raisons d'être des militants de l'Europe.

Pour autant, avons-nous été des Européens béats ? N'avons-nous pas constamment éprouvé le besoin d'être aussi des euro-vigilants ? N'avons-nous pas été inquiets de voir se dessiner la silhouette d'une Europe, géant économique et financier, et celle d'une Europe en panne de croissance politique au point d'avoir été et d'être encore un nain politique ? Ce constat nous a d'autant plus inquiétés et laissés sur notre faim que nous avons toujours été convaincus que le progrès économique n'a de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

sens pour la vie quotidienne des peuples ou de façon plus ambitieuse pour leur bonheur, que s'il est maîtrisé, organisé par le politique, seule expression de la démocratie.

Chaque fois qu'un traité - Rome, l'Acte unique, Maastricht, Amsterdam aujourd'hui - resserrait les liens au sein de l'Europe, nous avons vécu cette contradiction en arbitrant favorablement, même si nous étions conscients que dans le domaine social, et celui du contrôle démocratique, l'Europe choisissait des chemins trop lents, voire trop détournés.

Cette acceptation s'est toujours faite sans résignation, même lorsque nous avions conscience que s'organisait l'Europe d'un libéralisme excessif et triomphant. Pourquoi ? Parce que nous savions combien le chemin était long et qu'avant de trouver un contenu plus conforme à l'intérêt de nos concitoyens, il fallait d'abord, et coûte que coûte, créer un cadre pour des solidarités futures plus accomplies. De ce point de vue, nous souhaitons plus que jamais que le retard de l'Europe sociale soit comblé et que l'Europe sorte de l'ambiguïté dans laquelle la confine aujourd'hui, dans l'esprit public, ce qu'il faut bien appeler une sorte de déficit démocratique.

Sous l'impulsion du Premier ministre, Lionel Jospin, et en meilleur accord avec la plupart des gouvernements européens, un changement d'esprit, très positif à nos yeux, s'est ébauché avec le début d'une réelle prise en compte de la question de l'emploi au sein de la Communauté. Nous souhaitons ardemment que soit remise en cause une conception de la croissance économique, du fonctionnement des marchés et de l'orthodoxie financière qui sacrifie manifestement l'emploi.

Quoi qu'il en soit, en avançant de façon significative bien qu'insuffisante sur des questions aussi fondamentales que celles des libertés, de la sécurité, de la justice, des droits du citoyen, des politiques étrangère et de sécurité commune, le traité d'Amsterdam nous paraît un incontestable progrès par rapport aux traités antérieurs qu'il décline dans des domaines insuffisamment abordés et qu'il élargit à des espaces nouveaux de la vie communautaire. C'est sur ces questions, décisives, que nous sommes aujourd'hui euro-vigilants. Par exemple, sur notre conception du service public comme un des plus puissants moyens de réduire les inégalités ; sur la déréglementation dès lors qu'elle remet en cause l'exercice de droits sociaux chèrement acquis ; sur de nouvelles réglementations européennes, qui devraient, selon nous, prendre en compte un meilleur équilibre entre ce qui doit relever de la compétence européenne et ce qui doit rester de la compétence des Etats. Nous ne voulons pas d'une Europe insuffisante pour ce qui est essentiel et par trop présente pour ce qui est contingent. Par conséquent, nous sommes particulièrement attentifs aux conditions de l'application du principe de subsidiarité qui borne les décisions européennes au champ dans lequel elles sont le plus aptes à intervenir en lieu et place des Etats. C'est là précisément qu'intervient le débat sur la souveraineté qui, aux dires de certains, serait au coeur de la réforme constitutionnelle dont nous discutons aujourd'hui.

Première remarque : la souveraineté ne peut pas être un vain mot. Il n'y a pas de souveraineté contenue dans des textes qui ne trouverait son efficacité dans la réalité.

Si l'exigence de la construction communautaire, notamment en matière de droits des citoyens, est réelle et si la réalité de la libre circulation des personnes rendent inefficace et inopportun l'exercice de la seule souveraineté nationale, alors en effet la délégation de souveraineté est la seule solution sans qu'il soit besoin d'opposer en l'occurrence la souveraineté nationale et la souveraineté européenne. Créer et, en même temps, sécuriser un nouvel espace de liberté, cela exige au contraire de rendre c omplémentaires deux souverainetés - nationale et communautaire - que, en la circonstance, on oppose à tort.

Deuxième remarque : c'est bien une manifestation de souveraineté que d'organiser sa propre délégation et les conditions du contrôle de son application par le Parlement.

Il nous paraît d'ailleurs paradoxal que, à cette occasion, certains souhaitent opposer à la manifestation de la souveraineté par le Parlement celle du référendum. Il ne paraîtrait pas très sain non plus de faire écho au référendum sur Maastricht par un référendum sur Amsterdam.

C'est une simple question d'ajustement du niveau de réponse en fonction de l'importance des traités soumis à ratification. Les radicaux ont le souci de considérer la démocratie représentative comme la règle, et la démocratie directe et référendaire comme l'exception réservée à des textes d'orientation fondamentaux, comme le traité de Maastricht, et pas aux textes importants certes, mais plus techniques, qui en découlent, comme le traité d'Amsterdam.

Par conséquent, les radicaux de gauche disent oui, bien sûr, à la révision constitutionnelle nécessaire et opportune ; oui, bien sûr, au choix de la voie parlementaire, et oui, enfin, à une délégation de souveraineté consacrée par le Parlement et au renforcement raisonnable, pour ce même Parlement, du contrôle des conditions d'application des textes européens de nature législative.

Pour ces raisons, les députés radicaux de gauche voteront sans réserve le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de notre Constitution, et sont attentifs et favorables aux propositions tendant à renforcer le rôle du Parlement dans l'appréciation et le contrôle des actes européens, dans les domaines de nature législative, dans le cadre de l'article 88-4.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Alain Madelin.

M. Alain Madelin.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons voulu construire une Europe sans frontières intérieures, celle de la libre circulation des personnes. Mais pour pouvoir effacer les frontières intérieures de l'Europe, il nous faut être capables de contrôler en commun les frontières extérieures de l'Europe. Il ne saurait y avoir de point faible. Le contrôle des frontières extérieures doit s'exercer partout de la même façon.

C'est pourquoi, nous avons besoin d'harmoniser les procédures d'entrée et de séjour des étrangers, les pièces justificatives, la liste des pays soumis à visa, de nous donner des règles communes en matière de droit d'asile. Pour tout cela, le traité d'Amsterdam nous propose de mettre en oeuvre une nouvelle politique commune.

Et pour rendre possible, le moment venu, l'application des dispositions du traité d'Amsterdam sur ce point, et sur ce point seulement, voici que le Président de la République et le Premier ministre nous demandent conjointement de modifier notre Constitution.

C'est pourquoi, à la fois par conviction et par fidélité à nos choix européens, nous dirons oui à cette modification constitutionnelle, comme nous dirons oui, le moment venu, au traité d'Amsterdam. C'est un oui sans ambiguïté et sans condition.


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Cependant, au-delà du problème spécifique de cette révision spécifique, notre « oui » mérite d'être éclairé par quelques remarques sur le traité d'Amsterdam lui-même et par quelques perspectives sur la poursuite de la construction européenne.

J'ai bien conscience que pour certains cette modification constitutionnelle suscite une nouvelle fois l'inquiétude.

Ne sommes-nous pas engagés, malgré nous, dans un processus inexorable qui, morceau après morceau, transférerait à des institutions européennes lointaines des pans entiers de notre souveraineté nationale ? J'ai bien conscience aussi que pour beaucoup d'autres - et c'est d'ailleurs ce que les libéraux ressentent - le traité d'Amsterdam constitue une déception.

Après la chute du mur de Berlin et devant l'exaltante perspective de la réunification européenne, on espérait qu'Amsterdam consacrerait les avancées institutionnelles et constitutionnelles d'une nouvelle Europe, une Europe élargie aux pouvoirs clairement délimités et limités.

On espérait aussi, après la honte de l'impuissance européenne à Sarajevo, une plus grande ambition pour définir et mettre en oeuvre une politique étrangère et de sécurité commune. Sans doute placions-nous trop d'espoirs dans le sommet d'Amsterdam.

Au moment où en cette fin de siècle deux générations se croisent en Europe, celle de l'après-guerre et celle de l'après-mur de Berlin, celle des pères fondateurs de l'Europe à qui l'on doit l'Europe de la paix bâtie sur lar éconciliation franco-allemande, et celle qui aura à construire la grande Europe réconciliée avec elle-même, peut-être l'Europe a-t-elle inconsciemment souhaité une pause avant de dessiner son nouveau visage.

Mais dans le flou qui entoure encore les contours de la future Europe, il est à craindre que prisonnier de nos vieilles habitudes de pensée, celles qui nous poussent à imaginer l'Europe de demain en projetant sur elle le modèle de nos Etats-nations d'hier, nous ne ressuscitions le vieux débat qui oppose ceux qui n'imaginent l'Europe que comme un cartel d'Etats-nations et ceux qui la rêvent comme un futur grand Etat-nation agrandi, avec son supergouvernement, son superparlement, sa superadministration, ses superlois, ses superrèglements ou encore ses superimpôts. Tout le monde sent bien aujourd'hui la nécessité de dépasser ce vieux clivage pour imaginer l'Europe autrement.

En juin dernier, à quelques jours du Conseil européen de Cardiff, le Président de la République Jacques Chirac et le chancelier allemand Helmut Kohl avaient tenu à rappeler que « l'objectif de la politique européenne n'a jamais été et ne peut être d'édifier un Etat central européen ». Fort bien. Mais ce qui compte, ce n'est pas ce que l'on dit vouloir faire des institutions, mais ce que les institutions vous donnent le pouvoir de faire.

M. Philippe de Villiers.

Oui.

M. Alain Madelin.

Or les risques de dérive existent.

Nous devons les appréhender avec lucidité. Et justement parce que nous sommes profondément attachés à la construction européenne, nous devons pour préparer l'avenir nous donner les moyens institutionnels d'éviter ces risques, et je prendrai quelques exemples.

P remier risque de dérive : le traité d'Amsterdam confère au Parlement européen un pouvoir d'approbation de la désignation du président de la Commission européenne, et confère à celui-ci un certain nombre de pouvoirs nouveaux sur la composition et le fonctionnement de la Commission.

Ainsi, le président de la commission voit son autorité politique renforcée par le traité d'Amsterdam. Mais on sait qu'un tel renforcement, qui n'est pas accompagné d'un renforcement parallèle du Conseil, s'inscrit pour certains dans la perspective de voir un jour la Commission devenir le gouvernement de l'Europe.

C'est d'ailleurs un peu en ce sens que Jacques Delors et vingt-deux personnalités européennes...

M. Henri Nallet, rapporteur.

Dont M. Bayrou !

M. Alain Madelin.

... ont proposé récemment que les courants politiques en lice, lors des prochaines élections européennes, fassent campagne non seulement sur leur programme mais aussi pour un candidat à la présidence de la commission.

M. Gérard Gouzes.

M. Bayrou n'a-t-il pas demandé la même chose ?

M. Alain Madelin.

Car, disait Jacques Delors, qui mérite d'être cité, « on se trouverait alors dans une situation proche de celle des Etats-Unis, où les citoyens de chaque Etat désignent de grands électeurs qui élisent ensuite le président. »

Proposer cela, c'est vouloir faire de la France la Louisiane de futurs Etats-Unis d'Europe. Et cela nous n'en voulons pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du Rassemblement pour la République.)

Mme Nicole Bricq.

N'exagérons pas !

M. Alain Madelin.

D'autre part, le traité de Maastricht a fort heureusement introduit le principe de subsidiarité comme principe organisateur de l'Union européenne.

Affirmer la subsidiarité, c'est affirmer l'antériorité et la supériorité des droits de la personne sur toute autorité publique qui n'est ainsi que subsidiaire.

Ce principe porte en lui le recul du pouvoir politique sur la société civile. Il est le garde-fou nécessaire pour prévenir les risques de dérive vers ce super-Etat fédéral centralisateur dont nous ne voulons pas.

Encore faut-il, et ce n'est pas chose facile, savoir traduire ce principe dans les faits et les institutions.

C'est ce que nous attendions du traité d'Amsterdam : une meilleure délimitation des compétences confiées à l'Europe, et des contrepoids institutionnels pour prévenir tout débordement.

M. Hervé de Charette.

Eh oui !

M. Gérard Gouzes.

Et qu'ont fait Chirac et Juppé ?

M. Alain Madelin.

Il n'en a, hélas ! rien été. Je dirai même : au contraire.

Car si, dans le nouveau protocole sur la subsidiarité, no 30, annexé au traité d'Amsterdam, le principe de subsidiarité fait l'objet d'une affirmation solennelle, son application est dans les faits laissée à la discrétion de ceux-là mêmes dont il est censé encadrer le pouvoir : la Commission et la Cour de justice.

L'« acquis communautaire » se voit consolidé. Autrement dit : « tout ce qui est à la Commission est à la Commission, et tout ce qui est aux Etats se discute ». De cette interprétation extensive de la subsidiarité, nous ne voulons pas davantage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

J'en arrive au troisième risque.


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La construction européenne nous a déjà apporté la dynamique des libertés économiques et de la concurrence.

Elle a fait reculer le dirigisme et même les idées socialistes en France.

Le traité de Maastricht, pour lequel nous avons fait campagne, a limité, heureusement, le pouvoir des gouvernements de s'endetter et de gouverner dans les facilités de l'inflation et de la planche à billets, en instituant une Banque centrale européenne indépendante qui, dans quelques semaines, va nous permettre de réaliser l'euro.

Mais voilà que naît l'idée de dresser face à cette banque centrale un gouvernement économique européen, avec sans doute, pour les uns, la nostalgie d'un pouvoir politique perdu sur la monnaie, et pour d'autres l'ambition de créer le super-Etat européen dont ils rêvent.

S'il s'agit seulement de coordonner les politiques des différents pays en les comparant pour savoir quelle est la meilleure politique de l'emploi, la politique fiscale la plus efficace, je n'y vois vraiment aucun inconvénient.

Mais le risque existe de voir un tel gouvernement économique constituer non pas un contre-pouvoir face à la banque centrale, mais un super-pouvoir au-dessus des gouvernements nationaux. Et cela, nous n'en voulons toujours pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il y a un quatrième risque.

Nous avons voulu l'euro et l'union monétaire européenne. L'euro peut être un formidable atout pour la prospérité et pour l'emploi, à une condition toutefois : il faut introduire toujours plus de souplesse et de capacité d'adaptation au sein de nos économies, engager les réformes de structures nécessaires, réduire le poids de la fiscalité, privatiser, déréglementer.

Mais nous savons aussi que l'euro pourrait se traduire par davantage de chômage si nous maintenions ou si nous aggravions nos rigidités économiques et sociales.

Si l'on supprime l'ajustement par les taux de change, si l'on veut éviter que le chômage devienne la seule variable d'ajustement, il faut permettre, le cas échéant, l'ajustement des différences de productivité, de durée du travail, de démographie, par des différences de coûts, de charges et d'impôts.

C'est dire que toutes les politiques qui se proposent, au nom de l'harmonisation fiscale ou sociale, de gommer les différences nécessaires en Europe doivent être regardées avec beaucoup de prudence et de méfiance.

Notre vieux continent est un ensemble hétérogène qu'on ne peut comparer à l'Allemagne ou aux Etats-Unis.

Ne pas tenir compte des langues, du fait national, des traditions régionales, de la diversité des structures familiales conduirait à créer des tendances centrifuges destructrices pour l'Europe elle-même.

M. Jacques Myard.

Très juste !

M. Alain Madelin.

Ce serait rendre un mauvais service à l'Europe que de lui donner des institutions qui, du fait de dérives successives, sans qu'on le veuille, aboutiraient à faire d'elle un super-Etat unitaire et centralisateur.

M. Jean-Jacques Guillet.

Très bien !

M. Alain Madelin.

Ne cédons pas au syndrome du Pont de la rivière Kwaï, qui a conduit le colonel Nicholson et ses prisonniers, emportés par le goût du travail bien fait, à édifier pour les Japonais un pont d'une importance stratégique capitale, jusqu'à oublier le sens de cette construction.

M. Jean-Jacques Guillet et M. Pierre Lellouche.

Tout à fait !

M. Alain Madelin.

C'est pourquoi, face à ces risques de dérive, nous pensons que nous devons saisir l'occasion de cette modification constitutionnelle pour améliorer encore notre contrôle des projets de règlements et de directives communautaires par l'Assemblée nationale et le Sénat.

C'est en ce sens que notre groupe présentera et soutiendra des amendements visant à modifier l'article 88-4 de la Constitution.

C'est pourquoi aussi nous pensons que le moment est venu d'une nouvelle approche de l'Europe.

Il ne s'agit pas seulement d'être pour l'Europe, d'être fidèle aux choix européens qui ont toujours été ceux des libéraux. Il s'agit de dire quelle Europe nous voulons.

Vous me permettrez d'en tracer rapidement les grandes lignes et d'anticiper sur nos débats futurs.

Nous voulons, j'y reviens d'un mot, une vraie politique étrangère et de sécurité commune.

Nous voulons l'Europe de tous les Européens.

S'il est certain que l'élargissement de l'Europe aux pays candidats de l'Europe de l'Est ne peut se faire sans modification de nos institutions, il est clair que les pays candidats à l'élargissement n'ont pas à faire les frais de notre impuissance à engager les révisions nécessaires à Amsterdam. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Nous voulons enfin, alors que nous avons pour l'essentiel assuré les fondations matérielles de l'Europe, dépasser la seule dimension économique du projet européen, penser l'Europe autrement qu'au travers des logiques traditionnelles de la souveraineté nationale ou de la puissance, pour lui ajouter aujourd'hui une dimension philosophique, morale, culturelle et politique.

L'Europe n'est pas une addition d'Etats : 6, 10, 12, 15, 20, 25. C'est une idée, un point de vue sur l'humanité et sur le monde.

Au moment où les anciens pays de l'Est rejoignent le camp de la liberté et comptent sur leur adhésion aux traités européens pour les y amarrer définitivement, il est clair que l'union de l'Europe ne peut avoir de sens autrement que dans un ancrage à des valeurs communes.

Permettez-moi de citer Vaclav Havel : « L'une des grandes traditions européennes que l'Europe semblait oublier de plus en plus profondément pendant la première moitié du XXe siècle met en avant le citoyen libre, source de tout pouvoir. Et même si, dans ses débuts, l'intégration européenne était avant tout une intégration économique, son point de départ ainsi que ses objectifs étaient clairs. Il s'agissait d'une grande renaissance du citoyen. »

Aussi, je crois qu'avec la réunification de l'Europe, ce n'est pas seulement leur espace géographique naturel que les Européens vont retrouver, c'est aussi les fondements mêmes de l'Europe.

L'inscription du principe de « subsidiarité » dans le traité de Maastricht et celle du principe de l'« Etat de droit » dans l'article 6 du traité d'Amsterdam, qu'on n'a pas assez remarqué, constituent une rupture avec notre héritage jacobin, un retour aux sources de la civilisation européenne.

La marque du génie européen, c'est la proclamation que l'homme a, en tant que tel, des droits fondamentaux supérieurs à tout pouvoir, que ce soit celui d'un tyran,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

d'un roi ou même d'une assemblée parlementaire. L'autorité publique ne fait pas le droit, elle est soumise au règne du droit.

La construction européenne porte ainsi en germe le dépassement de notre conception traditionnelle de la souveraineté, liée à la fois à un Etat-nation-territoire et à l'identification de la volonté souveraine de la nation avec la volonté toute-puissante du peuple, exprimée démocratiquement, selon les seules règles de la majorité. La majorité ne fait pas le vrai, la majorité ne fait pas le juste, il faut chercher ailleurs.

Mme Nicole Bricq.

Où ça ?

M. Alain Madelin.

A mon sens, un tel dépassement ne constitue pas un risque mais, au contraire, une chance pour l'Europe.

Le principe fédérateur pour l'Europe de demain est avant tout un principe éthique qui revient à affirmer l'antériorité et la supériorité des droits de la personne.

C'est ce principe qui est à la source de l'humanisme européen.

C'est pourquoi mais nous aurons l'occasion d'en reparler - cette nouvelle Europe sera d'abord l'Europe de la culture, de la connaissance et du savoir, celle des libertés universitaires à la recherche du vrai, le socle à partir duquel s'organise la hiérarchie des valeurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ce sera aussi l'Europe de la justice, comme puissance autonome qui borne le pouvoir et la loi.

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas celle d'Amsterdam !

M. Alain Madelin.

Si je devais risquer une référence pour cette nouvelle Europe, je dirais qu'elle est d'inspiration fédérale, authentiquement fédérale, au sens que l'on prêtait à ce mot au siècle dernier, au sens que lui donnait Victor Hugo lorsqu'il parlait des « Etats unis d'Europe », et non à l'image des Etats-Unis ou de l'Allemagne.

L'Europe n'a plus et n'aura jamais plus pour mission de régner sur le monde, ni de lui inculquer par la force ses idées, ni de lui imposer sa culture, ni même de lui donner des leçons.

M. Jean Ueberschlag.

Et pourquoi ?

M. Alain Madelin.

Cependant, l'Europe, qui a déjà tant apporté au monde, peut, je crois, encore lui offrir un modèle, un exemple, celui d'un espace de liberté, de responsabilité et de droit où peuvent coexister pacifiquement des hommes différents, libres et responsables, hors d'une contrainte politique forte, et sans devoir soumettre les minorités ou les personnes aux caprices de la majorité, dans une civilisation plus civilisée qui remette l'homme au coeur de la société.

Permettez-moi, dans l'oeuvre aujourd'hui en cours, de ne retenir pour conclure que cette promesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd'hui serait finalement juridiquement très simple à démêler si certains voulaient bien cesser de biaiser avec leur conviction et mettre, comme l'a dit tout à l'heure M. André, leurs actes et leurs paroles en adéquation.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Gérard Gouzes.

Il y a dans notre assemblée deux conceptions des rapports entre la souveraineté et la constitutionnalité.

Y a-t-il, mes chers collègues, une objection véritable à ce que certaines règles de droit international soient supérieures à notre Constitution nationale ? Lorsque cette supériorité découle de la Constitution elle-même, que répondent les gardiens vigilants de notre constitution nationale ? L'article 55 ne précise-t-il pas que les traités « ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve [...] de [leur] application par l'autre partie », c'est-à-dire de la réciprocité ? Nous avons connu déjà une révision constitutionnelle pour permettre la ratification du traité de Maastricht.

C'est la même procédure qui nous est soumise aujourd'hui pour permettre, cette fois, la ratification du traité d'Amsterdam.

Car l'article 88-1 de la Constitution, voté en 1992, a déjà consacré l'appartenance de la France à l'Europe, n ous l'oublions trop. Or cet article dispose : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences. »

M. Jean Besson.

Certaines ! Pas n'importe lesquelles !

M. Gérard Gouzes.

Nous sommes dans l'Europe et tous ceux qui n'évoquent que la perte de souveraineté en se lamentant se trompent à mon avis d'époque et de combat.

La France a la compétence de sa compétence, la souveraineté de sa souveraineté,...

M. Jean Besson.

Belle formule !

M. Gérard Gouzes.

... et elle a déjà affirmé ce principe par référendum.

Aujourd'hui, je ne m'égarerai pas en vous disant que le traité d'Amsterdam, négocié et signé par le Président de la République, Jacques Chirac, et par Alain Juppé est décevant. Je note simplement la différence d'efficacité dans la négociation des uns et des autres et j'estime, avec une majorité de députés sur tous les bancs, que les nouveaux pouvoirs que ce traité va attribuer au Parlement européen peuvent, à terme, rapprocher davantage nos concitoyens de l'idée européenne. Et, dans ce domaine, toute avancée est la bienvenue, surtout lorsqu'on a compris que la France est plus forte dans l'Europe que seule et isolée.

Sur le plan juridique, le Conseil constitionnel a jugé que l'application éventuelle de la procédure de codécision avec le Parlement et de la majorité qualifiée aux modalités de contrôle des personnes aux frontières extérieures, ainsi qu'aux politiques d'asile et d'immigration, affecterait l'exercice de notre souveraineté dans cinq ans, lorsque le Conseil déciderait à l'unanimité, ou automatiquement pour les visas, d'appliquer à tout ou partie de ces matières le principe de la majorité qualifiée.

Y a-t-il là une perte de puissance et d'efficacité, voire d'influence ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Cette même question, vous le savez, a été déjà posée en 1992, et j'entends encore notre collègue Séguin s'indigner et avouer perfidemment qu'il eût mieux valu, à l'évidence, que des voix plus fortes que la sienne engagent le combat sur ce plan.

Est-il si loin que cela le temps où les tenants de cette

« antithèse » constitutionnelle déclamaient que l'on enterrait la conception même de la souveraineté nationale et les grands principes de la révolution ? Est-il si loin le temps où ils oubliaient le considérant de principe du Conseil constitutionnel, qui précisait déjà en 1992 : « Le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de 1946, la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création et au développement d'une organisation internationale permanente dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétence consentis par la France » ? Continuer dans ces conditions à clamer que la France est perdue, comme l'affirmait M. Séguin en 1992 ou comme l'affirme M. de Villiers aujourd'hui, c'est faire un raisonnement faux. A moins - et sur ce point chacun doit prendre ses responsabilités - de donner une valeur supraconstitutionnelle à ce que l'on appelle la souveraineté nationale.

O r, pour les meilleurs constitutionnalistes, parmi lesquels je range le doyen Vedel, la souveraineté nationale ne peut, au regard de la Constitution, bénéficier d'aucun statut de supériorité.

Elle est l'une des normes de valeur constitutionnelle avec d'autres, et elle peut être modifiée par une révison constititionnelle autorisant à y déroger. Je l'ai dit tout à l'heure : « La France a la compétence de sa compétence ».

C'est purement de cette fonction que découle la possibilité d'une supraconstitutionnalité de caractère international ou communautaire.

Voilà pourquoi nous devons ouvrir l'article 88-2 de la Constitution et rejeter, mon cher collègue André, toute tentative d'obstruction qui consisterait à feindre d'accepter d'un côté ce que l'on voudrait voir rejeter, dans cinq ans, par l'impossible vote d'une loi organique ou par un nouveau référendum qui porterait en fin de compte sur tout sauf sur la question posée.

Et si certains parmi nous veulent essayer, par divers amendements, de doter la souveraineté nationale d'un statut de supraconstitutionnalité, il faut qu'ils sachent qu'ils ne pourraient plus parler de supraconstitutionnalité internationale puisque, à l'instant même où celle-ci prendrait naissance, elle se heurterait à la souveraineté nationale en possessions d'état de supraconstitutionnalité.

Quel isolement ce serait pour la France ! Quel rétrécissement de notre influence dans le monde ! Qui pourrait nier, par ailleurs, qu'il existe des règles de caractère éthique ou politique de portée internationale ? Ceux qui veulent juger le dictateur Pinochet devraient méditer cette dimension institutionnelle de la souveraineté nationale érigée en dogme ! En outre, il y a eu, ne l'oublions pas, un référendum sur ce sujet le 20 septembre 1992. Celui-ci, qu'on le veuille ou non, a consacré le principe de la révision constitionnelle avant la ratification.

Voilà pourquoi il ne sert plus à rien de rentrer dans l'avenir à reculons, ou l'oeil fixé sur son rétroviseur.

Le traité de Maastricht pronait dans ses annexes, pour la première fois dans un traité européen, « une plus grande participation des parlements nationaux aux activités de l'Union européenne ». Aujourd'hui, avec Amsterdam, on va plus loin : les gouvernements sont invités « à ce que les parlements nationaux puissent disposer des propositions législatives de la Commission en temps utile, pour leur information ou pour un éventuel examen ».

C'est dans un protocole ayant juridiquement la même valeur que le traité lui-même que cette question est examinée dans le traité d'Amsterdam.

Aussi, sans remettre en cause nos institutions, le traité d'Amsterdam nous invite à étendre le champ du contrôle parlementaire aux actes des deuxième et troisième piliers de l'Union européenne.

J'approuve par conséquent la volonté du rapporteur d'étendre le champ des résolutions que nous pourrons adopter dans le cadre de nos compétences législatives.

Faut-il rappeler ici comment, lors de la révision constitutionnelle du 4 août 1995, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, s'était opposé à un amendement de

M. Pandraud qui voulait étendre le champ de l'article 88-4 aux projets relevant du titre V et du titre VI du traité sur l'Union européenne ? Je suis heureux de voir que les positions évoluent, que les gens changent. Après tout, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ! Il faut donc aujourd'hui faire encore évoluer les esprits.

Pourquoi notre assemblée ne pourrait-elle pas être informée des questions portant sur la politique européenne de sécurité commune ou sur la coopération policière et judiciaire ? Il ne s'agit pas de donner à notre assemblée un rôle d'autorisation a priori. Cela remettrait en cause la Constitution de 1958 en ses articles 34 et 37, la distinction entre la loi et le règlement, car l'intervention du Parlement sur des matières réglementaires constituerait bien une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Que ceux qui veulent, dans notre débat, déposer des amendements tendant à tout autoriser aillent jusqu'au bout de leur logique en changeant complètement la Constitution. Car, comme le souligne l'excellent rapport d e Henri Nallet, « la modification souhaitable de l'article 88-4 ne doit pas conduire à changer de Constitution sans s'en apercevoir. Le nouveau texte doit être conforme à l'esprit général de notre loi fondamentale.

Introduire, même à faible dose, des éléments de régime d'assemblée dans une Constitution fondée sur le parlementarisme rationalisé menacerait rapidement tout l'équilibre de nos institutions ».

Cruel dilemme, dès lors, pour ceux qui se veulent les gardiens de la pensée gaulliste : retourner aux délices de la IVe République ou bien admettre, une fois pour toutes, que la souveraineté nationale n'est pas de nature supraconstitutionnelle et que l'Europe politique se construit lentement, mais sûrement, qu'elle intègre désormais des coordinations indispensables en matière d'immigration, de justice et de police. Ce ne sera pas le moindre mérite de cette révision constitutionnelle indispensable à l'objectif social européen que nous nous sommes fixé.

Voilà pourquoi, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, avec la majorité progressiste de cette assemblée, je voterai la révision constitutionnelle que le Gouvernement nous propose d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charrette.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

M. Hervé de Charette.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'efforcer de traiter trois des plus importantes questions auxquelles nous sommes appelés à apporter des réponses dans ce débat.

La première concerne l'opportunité de la révision constitutionnelle, c'est-à-dire, en fait, le bien-fondé ou non de la ratification du traité d'Amsterdam.

La deuxième question est soulevée sur certains bancs de notre assemblée et je gage qu'elle va devenir une question importante dans ce débat. Elle concerne le passage prévu au système de la majorité qualifiée, qui est inscrit dans le traité, au terme d'un délai de cinq ans, pour les décisions du conseil des ministres européens s'appliquant à la circulation des personnes. Faut-il que ce passage ne puisse être approuvé, le moment venu, par le gouvernement français qu'après un accord exprès donné par le Parlement national ? Enfin, la troisième question n'est pas nouvelle, mais elle revient avec une belle constance : comment élargir les prérogatives du Parlement à propos de l'élaboration des textes et des décisions européennes ? Je dis « comment » parce que j'ai le sentiment que, sur ces bancs, il y a un large accord sur l'objectif. J'utiliserai donc le temps qui m'est imparti pour exprimer ici le point de vue de l'UDF sur ces trois questions.

Le groupe UDF, je ne vous étonnerai pas en le disant, ratifiera le traité d'Amsterdam. Ainsi manifesterons-nous, une fois de plus, la constance et la netteté de notre engagement européen. Toutefois, je dois vous dire que cette ratification sera, pour nous, résolue mais sans enthousiasme.

M. Philippe de Villiers.

Ah ! Tiens, tiens !

M. Hervé de Charette.

Dans la négociation ouverte en 1995, le gouvernement français avait fixé cinq objectifs : Réformer les institutions européennes, menacées de paralysie par les élargissements successifs de l'Union ; Permettre aux pays qui veulent aller plus loin et plus vite que les autres de le faire dans des conditions acceptables par tous : c'est ce qu'on appelle « les coopérations renforcées » ; Traiter à quinze des flux migratoires et de la libre circulation ; Conforter la dimension sociale de l'Union européenne dans l'esprit du mémorandum adressé par le Président de la République aux dirigeants des Etats membres sur le thème du « modèle social européen » ; Enfin, favoriser l'émergence d'une politique extérieure et de sécurité communes. En bref, passer autant qu'on le pourrait de l'Europe économique à l'Europe sociale et politique.

Au terme d'une négociation qui fut assez laborieuse, marquée par l'étalage, chez la plupart de nos partenaires, des réticences nationales et au cours de laquelle pas une seule fois n'a soufflé le vent d'une quelconque ambition européenne, nous pouvons cependant constater ensemble que les résultats sont modestes, mais plutôt positifs et équilibrés pour quatre objectifs sur cinq. Voilà pourquoi notre vote en faveur de la ratification sera résolu.

Mais force est de reconnaître que la réforme institutionnelle n'a pas pu aboutir parce qu'une majorité d'Etats membres n'y était pas disposée, en particulier les plus petits d'entre eux, et parce que l'Allemagne nous a fait défaut. Or cette question institutionnelle est cruciale.

D'une part, chacun reconnaît que la Commission fonctionne mal parce qu'elle devient pléthorique. D'autre part, et surtout, la France ne peut pas accepter qu'au fil des élargissements passés et de ceux à venir son poids dans les mécanismes de décision soit réduit dans des conditions qui menacent nos grands intérêts. C'est pour cette raison, évidemment capitale, que notre vote de ratification sera dépourvu d'enthousiasme et assorti d'une condition précise concernant l'aboutissement nécessaire de la réforme institutionnelle.

Au total, le traité d'Amsterdam fait accomplir à la c onstruction européenne des progrès réels, quoique d'ordre technique. Il sera surtout perceptible par nos concitoyens parce qu'il ouvre la voie à la création d'un espace européen de libre circulation, de contrôle de l'immigration et de lutte contre la criminalité organisée et la drogue. Encore ne pourra-t-on parler sérieusement de progrès réels qu'une fois passée la période probatoire de cinq ans et adoptée la procédure du vote à la majorité qualifiée pour les questions de libre circulation.

Il y a donc lieu de ratifier le traité et, par voie de conséquence, de souscrire à la révision constitutionnelle qui nous est proposée par le Président de la République et par le Premier ministre.

Vous me permettrez cependant d'ajouter ceci, au risque d'en choquer certains : je constate que, désormais, tout progrès européen, tout nouveau traité exigeront une révision constitutionnelle. S'il en est ainsi, c'est que le contrôle de la constitutionnalité s'est développé à l'extrême dans le droit public français. Au moment du traité de Rome, on se posait moins de questions. S'agit-il d'un progrès ?

Mme Nicole Bricq.

Pas sûr !

M. Hervé de Charette.

S'agissant des affaires nationales, certainement. Mais s'agissant des affaires européennes, j'en doute.

M. Gérard Gouzes.

Certains veulent en rajouter !

M. Hervé de Charette.

Car, dans le même temps, nous n'avons pas pris en considération l'existence et le développement de l'Union européenne dans notre vie quotidienne, donc dans notre droit. Nous continuons à traiter des progrès de la construction européenne par la voie d iplomatique traditionnelle, alors qu'il s'agit d'une démarche nouvelle qui, en fait, n'appartient ni tout à fait à l'ordre juridique international ni tout à fait à l'ordre juridique interne. Il serait donc nécessaire que notre droit en tire les conséquences.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Hervé de Charette.

Voilà pourquoi j'appelle de mes voeux l'introduction dans la Constitution de ce que j'appellerai une « clause d'intégration », qui nous éviterait ces révisions constitutionnelles à répétition,...

M. Pierre Lellouche.

Sûrement pas ! Ce serait un chèque en blanc !

M. Hervé de Charette.

... lesquelles affaiblissent la portée de notre texte fondateur. Des dispositions équivalentes existent dans plusieurs pays européens. Introduites dans notre Constitution, assorties évidemment des précautions nécessaires, elles ne feraient que reconnaître notre engagement durable dans le voie de l'Europe.

L a deuxième question que je voudrais aborder concerne le passage à la majorité qualifiée, prévu au terme de cinq ans, pour les questions concernant la libre circulation. Chacun voit bien l'importance de cette décision. C'est pourquoi il a été suggéré que la décision du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Gouvernement français puisse être soumise, le moment venu, à une autorisation du Parlement. Je dois dire ici, très clairement, que l'UDF ne peut pas souscrire à cette proposition...

M. Pierre Lellouche.

C'est fort dommage !

M. Gérard Gouzes.

Ils sont logiques avec eux-mêmes, eux !

M. Hervé de Charette.

... pour des raisons de fait et de droit.

Premier argument : une telle proposition n'a de sens que si elle est fondée sur une analyse critique qui voit dans le vote à la majorité qualifiée un inconvénient, un é lément négatif, un risque, voire un danger pour la France. Donner un nouveau recours au Parlement, c'est utile si on pense devoir protéger le pays contre un engagement dangereux. Or une telle analyse est inexacte.

En matière de maîtrise de l'immigration, de lutte contre le crime organisé et contre le trafic de drogue, une action étroitement concertée entre les Etats membres est non seulement utile, mais indispensable. Songeons à l'afflux de réfugiés venant de l'ex-Yougoslavie en Allemagne au cours des années récentes - plus de 2 millions de personnes -, à l'exode des Albanais en Italie il y a un an, aux arrivées massives de fugitifs Kosovars sur les côtes de l'Italie du sud ces derniers mois ! Sur le continent européen, l'idée qu'on peut faire face à ces situations nouvelles en jouant le « chacun pour soi » est devenue totalement obsolète.

Mais pour travailler en commun sur ces sujets difficiles, la règle de l'unanimité constitue de toute évidence un obstacle dirimant.

Prenons un exemple simple : la drogue. Elle afflue aux Pays-Bas parce que ce pays a choisi, en la matière, une politique laxiste. A l'unanimité, nous ne pourrons pas faire changer d'avis les Hollandais. Croyez-moi, nous avons essayé ! Avec la majorité qualifiée, nous pouvons, demain, espérer les mettre en minorité et les conduire à se plier à une discipline collective.

M. Philippe de Villiers.

Ce sera plutôt l'inverse ! Ce n'est pas sérieux !

M. Pierre Lellouche.

M. de Villiers a raison !

M. Hervé de Charette.

Le raisonnement est simple : dans ces domaines essentiels pour la sécurité de nos concitoyens, l'action doit être collective. La règle de l'unanimité s'y oppose. Celle de la majorité qualifiée jouera en faveur de ceux qui veulent plus de rigueur parce qu'il y a désormais une majorité de pays, autour de la France, de l'Espagne, de l'Italie et de l'Allemagne, pour exiger cette rigueur.

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Hervé de Charette.

Il serait donc paradoxal, voire contradictoire, que notre formation, l'UDF, qui privilégie la sécurité intérieure, veuille s'opposer au passage à la majorité qualifiée pour les décisions européennes qui s'y rapportent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Et ce qui serait contradictoire pour nous ne manquerait pas de l'être pour d'autres.

Second argument, le dispositif qui nous est proposé reviendrait à imaginer une ratification en deux temps : une première ratification immédiate, une deuxième dans cinq ans.

M. Pierre Lellouche.

Non !

M. Hervé de Charette.

C'est en quelque sorte la double chance pour les adversaires de la ratification, comme au tac-o-tac : une chance au grattage et, dans cinq ans, une nouvelle chance au tirage !

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. Pierre Lellouche.

C'est une caricature !

M. Hervé de Charette.

Je passe sur l'idée d'exiger une loi organique, voire une loi organique assortie de l'accord exprès du Sénat, ce qui aurait la double conséquence, évidemment ahurissante, d'étendre le champ des lois organiques en dehors du domaine relevant de l'organisation des pouvoirs publics et d'imposer, à terme dans cinq ans, une contrainte plus forte que ne l'exige la Constitution en matière de ratification des traités. On rêve !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Absolument !

M. Hervé de Charette.

Nous ne saurions souscrire à ce qui constituerait un bouleversement profond de l'ordre constitutionnel français et, par là même, un précédent extrêmement dangereux. La vérité est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît : ce que le traité prévoit, c'est le passage à la majorité qualifiée et je crois avoir expliqué en quoi cela correspond à l'intérêt de la France. Le maintien de la règle de l'unanimité dans la période initiale fait plutôt figure d'exception. Dès lors, ratifier aujourd'hui, c'est accepter par avance que, dans cinq ans, et sauf défaillance dans la période initiale, le système passera à la majorité qualifiée. C'est donc bien maintenant qu'il faut refuser ou accepter ce système. Il est, pour le Parlement, impossible de repousser l'heure du choix. La ratification aura lieu en 1999, pas en 2004 ! Pour autant, le Parlement dispose des moyens nécessaires pour être associé, le moment venu, à la décision que le Gouvernement devra prendre et celui-ci peut d'ores et déjà s'engager à l'y faire participer. D'une part, en effet, rien n'empêchera notre assemblée de voter une résolution à ce sujet quand elle le jugera bon. D'autre part, le Gouvernement serait bien avisé de nous donner l'assurance qu'il organisera - lui, ou son successeur, au nom de la permanence de l'Etat -, au moment opportun, un débat devant notre assemblée dans cinq ans, lorsqu'il sera sur le point de prendre la décision qui doit rester la sienne. Je rappelle à l'Assemblée que c'est très exactement ce qui s'est passé lors du passage à l'euro, il y a quelques mois. Et je ne me souviens pas que quiconque ait trouvé à y redire. La sagesse est d'adopter le même dispositif. Je demande donc au Gouvernement de prendre ici les engagements nécessaires en ce sens.

Voici enfin la dernière question. Elle est relative à l'élargissement du contrôle parlementaire sur les actes de l'Union européenne. Il est naturel que l'Assemblée et le Sénat soient désireux d'améliorer l'information dont ils disposent et le contrôle qu'ils exercent à l'occasion de l'élaboration des textes européens de nature législative.

Oui, bien sûr, nous y sommes très clairement favorables.

Sans doute y a-t-il plusieurs façons d'aborder le sujet, mais je ne regarderai que l'aspect le plus positif. Je voudrais rappeler ici que, pendant la négociation, la France a constamment recherché la meilleure manière de renforcer le rôle des parlements nationaux en dépit des unanimes réticences de nos partenaires. C'est sur notre proposition qu'a été rédigé le protocole annexé au traité d'Amsterdam, qui - point essentiel - a la même valeur juridique que lui. Ainsi a été, pour la première fois, institutionnalisée la conférence dite des organes spécialisés dans les affaires communautaires, créée à Paris en 1989 à l'initiative du président Fabius, laquelle réunit deux fois par an


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

les représentants des parlements nationaux et du Parlement européen. De même, le protocole encourage à une meilleure information des parlements nationaux. C'est dans cette direction que notre commission des lois a travaillé à renforcer cette intervention et ce contrôle du Parlement.

M. François Guillaume.

C'est du vent !

M. Hervé de Charette.

Nous approuvons l'extension de l'article 88-4 de la Constitution, qui fait obligation au Gouvernement de saisir le Parlement des projets de textes européens ayant un caractère législatif. Cette obligation concernerait non plus seulement les actes relevant du premier pilier, c'est-à-dire les affaires économiques, mais aussi ceux relevant du deuxième pilier - politique étrangère et de sécurité communes - et surtout du troisième pilier - la sécurité intérieure.

De même, nous approuvons la faculté donnée au Gouvernement de soumettre aux deux assemblées tous autres actes et documents, offrant ainsi au Parlement la possibilité, pour ceux de ces actes ayant une réelle importance politique, de se prononcer par le vote de résolutions.

Enfin, il nous paraît possible de concevoir que les deux assemblées puissent se concerter pour élaborer et adopter des résolutions communes. Cela ne manquerait pas de renforcer la valeur politique de telles résolutions et pourrait, à ce titre, conforter l'autorité du Parlement tout en secondant le Gouvernement dans ses négociations européennes.

Mes chers collègues, avec la ratification du traité d'Amsterdam on ne va pas manquer de ressortir de la naphtaline les débats les plus éculés sur la souveraineté nationale.

Mme Nicole Bricq.

Cela a déjà commencé !

M. Hervé de Charette.

Avant que la politique politicienne prenne le dessus, ce qui ne saurait tarder, je le crains, laissez-moi vous dire pour conclure ce qu'a été mon expérience à ce sujet et ce que sont mes convictions.

L'Europe ne nous affaiblit pas. Elle n'enterre pas notre souveraineté. Elle est tout au contraire un extraordinaire amplificateur de puissance pour les nations européennes et d'abord pour les plus grandes d'entre elles. Il est assez difficile, je l'avoue, de comprendre ce que recouvrent exactement les discussion bien françaises sur la souveraineté. Ce qui me paraît plus conforme à l'expérience des hommes et des femmes de notre temps, c'est ce que j'appellerai « l'éveil de la conscience européenne ». C'est un mouvement profond qui met en jeu mille ans de notre histoire. Pour nous, qui sommes souvent, par la force des choses, aveuglés par l'actualité, il est difficile de mesurer toutes les conséquences de ce mouvement. Mais il est impossible de ne pas y être attentif. Tout cela prendra du temps. Les nations sont résistantes. Il n'est donc ni utile ni souhaitable d'accélérer le mouvement. Il faut seulement le comprendre et l'organiser. C'est cela le combat des Européens.

En revanche, plutôt que de parler sans cesse, et sans grande conséquence pratique, d'une souveraineté dont chaque citoyen sait bien qu'elle est désormais partagée avec d'autres peuples, nous ferions mieux de nous passionner pour un autre sujet, qui y est lié. L'heure vient en effet où l'Europe aura besoin d'une constitution. Le plus tôt sera le mieux. Cette constitution lui donnera des institutions démocratiques. Elle fondera un nouveau pacte avec les nations d'un côté et entre les peuples, d'un autre.

Elle exigera que soient fixées, dans le marbre d'un texte fondateur, les compétences européennes et les compétences nationales, selon le principe de subsidiarité, ce principe de subsidiarité dont chacun parle mais que personne n'organise, ni ne respecte, ni ne contrôle ! Croyezmoi, rien ne serait plus important et plus actuel que de donner un contenu concret à la subsidiarité et de lui donner un juge qui en assure le respect ! Ce n'est pas le jour d'ouvrir ce chantier, mes chers collègues. Mais j'exprime devant vous tous le souhait qu'il y ait bientôt en France une majorité pour cela.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Permettez-moi de conclure en reprenant ici les propos tenus par M. le président de la République au sommet franco-espagnol de La Rochelle il y a quelques jours :

« L'Europe n'est ni de gauche ni de droite. »

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Hervé de Charette.

Mais il ajoutait : « S'il y a à choisir entre les Anciens et les Modernes, l'Europe est du côté des Modernes. » Soyez aussi de ce côté, mes chers

collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision constitutionnelle sorte le préalable du traité d'Amsterdam.

Ce traité n'est pas l'Arlésienne du projet de révision, puisqu'il est visé explicitement dans la nouvelle rédaction de l'article 88-2. Réviser la Constitution, c'est donc bien installer d'ores et déjà Amsterdam dans la loi suprême de la République.

Le Conseil constitutionnel a eu raison de relever que ce traité dérogeait à la souveraineté nationale sur les questions essentielles que sont les visas, la politique d'immigration, mais aussi le droit d'asile, dès lors que cinq ans après la ratification, une majorité qualifiée suffira contre la France pour réécrire l'ordonnance de 1945 sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers.

Il s'agit bien d'un transfert de souveraineté majeur.

Mais précisément, quoique l'on pense par ailleurs du traité dont plusieurs des objectifs ne sont pas sans intérêt, une question préjudicielle se pose : peut-on éluder, pour des problèmes de cette importance, la voie référendaire qui est la voie première, ordinaire, voire originelle de la démocratie ? Elle avait été utilisée en 1972 pour un premier élargissement de la Communauté et vingt ans après pour le traité de Maastricht. Elle devrait l'être d'une manière simple, normale et évidente quand un traité européen prévoit des transferts de compétences. C'est le cas pour le traité d'Amsterdam, ce le sera aussi pour les futurs traités qui sont envisagés.

Il n'est pas juste de faire de la consultation - ou non du peuple souverain un enjeu politique à l'occasion de chaque traité.

Nous ne sommes pas hostiles à des transferts de compétences européens, dès lors que c'est le choix d'un pays souverain dont, par définition, la souveraineté demeure imprescriptible. Mais on ne peut pas le faire à la sauvette et je reviendrai là-dessus en fin d'intervention.

L'actuelle révision constitutionnelle a au moins le mérite de la clarté et a bien - le Conseil constitutionnel l'a dit - le caractère d'un nouvel abandon de la souveraineté nationale. C'est sans doute pour masquer cette


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dimension essentielle et « inévacuable » du débat qu'une inflation d'amendements sur l'article 88-4 tente de détourner l'attention du Parlement sur la question se son contrôle.

Je n'en nierai pas la nécessité. Mais la lisibilité des intentions des uns et des autres aurait été meilleure si cette modification avait fait l'objet d'une autre réforme constitutionnelle. On a l'impression que cette brusque fièvre pour amender l'article 88-4 cache mal une tentative de noyer le poisson.

Il y a un décalage entre le peu d'enthousiasme pour un traité d'Amsterdam, subi par beaucoup de ceux qui vont le voter comme un pis-aller ou une fatalité, et l'intérêt manifesté pour renforcer les droits du Parlement, alors même que la supériorité du traité sur la loi réduit singulièrement par avance la portée de la mesure.

L'article 88-4, introduit à l'occasion du traité de Maastricht, donne à l'Assemblée nationale et au Sénat le droit d'exprimer leur avis sur les projets d'actes communautaires. La belle affaire ! Peut-on valablement parler de contrôle alors que sur dix-sept résolutions votées en séance publique par notre assemblée, aucune n'a été suivie d'effet ? La procédure reste largement formelle. Il s'agit plus d'une information partielle, d'une occasion de manifester son humeur, de se défouler ou d'une sorte de catharsis parlementaire que d'une concertation. Le processus de décision échappe au Parlement élu au suffrage universel au profit d'instances supranationales.

Les communistes sont attachés à de vraies réformes.

Il est important de dépasser l'opposition entre souveraineté nationale et Europe pour que chaque Parlement contribue à une meilleure coopération européenne.

Il faut instaurer la primauté du Parlement dans le processus de décision, car les ministres ne sont pas responsables des décisions qu'ils prennent dans les instances supra-étatiques.

L'élargissement aux deuxième et troisième piliers ne suffit pas. Les ministres concernés devraient venir avant chaque Conseil des ministres européens important devant la commission compétente de l'Assemblée et présenter la politique qu'ils entendent conduire dans les négociations sur les dossiers.

La commission compétente doit pouvoir sur ces dossiers, comme sur tout sujet ne faisant pas l'objet d'un acte communautaire, voter une résolution à l'initiative d'un de ses membres - par exemple, pour que la France invoque une clause de sauvegarde ou qu'elle demande une initiative européenne.

Cette résolution valant mandat de négociation pourrait, comme au Danemark, fixer le cadre que le ministre devrait respecter et les points dont l'acceptation ou le refus seraient déterminants pour le vote de la France. A la suite du Conseil européen, le ministre viendrait rendre compte des négociations devant la même commission.

D'autres questions se posent comme le droit de lever l'impôt. Actuellement, un article de la loi de finances fixe le montant de la contribution de la France au budget communautaire de l'année suivante - 95 milliards en 1999 - sans que soit prévue aucune participation à la préparation du budget, sans même que soit évoqué le lieu commun des fraudes et autres approximations communautaires. Il s'agit d'un véritable chèque en blanc ! Les commissions chargées de l'économie et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat devraient être associées en amont, par le ministère, à la définition du montant de la contribution française.

Il serait également concevable qu'à côté du Parlement européen élu au suffrage universel direct soit institué un conseil européen où siégeraient de droit les députés membres ou une moitié, désignée à la proportionnelle des groupes, de la délégation à l'Union européenne constituée à l'Assemblée de chaque pays membre. Ce conseil européen examinerait plus spécialement les questions économiques et sociales et pourrait exercer un contrôle plus précis sur la Commission.

Le Parlement européen pourrait décider de consulter les parlements nationaux sur un problème précis.

Quant à la souveraineté, inaliénable, imprescriptible, indivisible dans son essence, elle implique pour nous la valeur pérenne du compromis de Luxembourg et le droit pour tout pays de modifier souverainement ses choix antérieurs. Au niveau du Parlement, cela signifie que la loi postérieure à un traité doit être réputée conforme à ce traité, afin de permettre à la loi nationale d'introduire une exception à l'application du traité.

Mais cette réforme, comme le renforcement des droits du Parlement pour rééquilibrer ses pouvoirs face à l'exécutif, devrait faire l'objet d'une révision ultérieure globale.

C'est la raison pour laquelle les députés communistes ne participeront pas au vote sur les nombreux amendements des différents groupes. Si les pouvoirs du Parlement méritent d'être sérieusement rehaussés et imposent une vraie réforme constitutionnelle, faire rentrer des éléments incertains, par le biais du traité d'Amsterdam dans la Constitution n'est pas à la hauteur des enjeux.

Il n'y a qu'un amendement décisif sur le projet d'aujourd'hui : c'est celui affirmant que tout traité européen impliquant transfert de compétences sera soumis à référendum.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Georges Hage.

Il conditionnera le vote des députés communistes sur le projet, car nous voterions ce texte si cet amendement était accepté.

Avant de quitter la tribune, je voudrais m'adresser à

M. Vauzelle.

M. Jacques Myard.

Il n'est pas là !

M. Georges Hage.

En commission des affaires sociales, j'ai sans doute fait preuve d'une ironie facile : il n'y aurait pas d'abandon de souveraineté lorsqu'on transfère ou lorsqu'on délègue ou lorsqu'on partage une compétence ? Pourquoi utiliser trois verbes pour dire la même chose ? Quoi qu'il en soit, j'avais fait observer qu'on parlait d'abandonner sa souveraineté et d'y consentir souverainement.

On m'avait rétorqué que, dès 1923, la Cour permanente de justice internationale avait expliqué qu'elle

« se refusait à voir dans la conclusion d'un traité quelconque, par lequel un Etat s'engage à faire ou à ne pas faire quelque chose, un abandon de sa souveraineté ». Et elle ajoutait : « Sans doute toute convention engendrant une obligation de ce genre apporte une restriction à l'exercice des droits souverains de l'Etat, en ce sens qu'elle imprime à cet exercice une direction déterminée. Mais la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l'Etat. »

On peut donc souverainement décider des abandons de souveraineté et n'en être pas moins souverain ! Paradoxe ou sophisme ? Je n'ai pas suivi d'études me permettant de trancher des questions aussi rudes, et je ne sais faire la distinction, mais j'ai l'impression que Gribouille n'eût point dénoncé un tel raisonnement. En tout cas, cette


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

manière d'abandonner souverainement des pans de sa souveraineté traduit un consentement subtilement délibéré qui ouvre la voie juridique privilégiée du fédéralisme.

(« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Certes, il y a la subsidiarité. Mais celle-ci serait plus fiable si son objet était défini au niveau national et non par les instances européennes.

M. Vauzelle s'est livré tout à l'heure à un panégyrique de la souveraineté nationale. Sa sincérité m'a touché, mais au regard du traité d'Amsterdam, elle me consterne sans me convaincre, car j'ai l'intime conviction du contraire.

Enfin, j'ai entendu dire ici et là, dans la majorité plurielle, que raisonner comme je le fais, en étant sensible à la force de certains arguments, gaulliens ou autres...

M. Jacques Myard.

Vous avez raison !

M. Georges Hage.

... sur la souveraineté nationale, serait une collusion avec la droite.

M. Hervé de Charette.

Quelle horreur !

M. Georges Hage.

Je me dois donc de dire très fraternellement à mes camarades de la gauche que je les invite à méditer la parabole de la paille et de la poutre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

Bravo, compagnon !

M. Philippe de Villiers.

Très bien, monsieur Hage !

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

L'un des grands problèmes que pose aujourd'hui l'Europe, c'est le sentiment de moindre attachement, voire de suspicion, qu'une partie de l'opinion publique éprouve à son égard.

M. François Guillaume.

C'est vrai !

M. Maurice Ligot.

On se souvient du résultat, tout juste positif, du référendum sur le traité de Maastricht, en 1992. Qu'en serait-il, aujourd'hui, si l'on interrogeait le peuple par référendum ? Il faut donc se préoccuper avec sérieux de la relation qui doit exister entre nos concitoyens et l'Europe que nous faisons. Le Parlement européen est lointain ; nos députés au Parlement européen sont sans rapport direct avec la population, sans attache territoriale. Le Gouvernement négocie avec la Commission et au sein du conseil des ministres et du Conseil européen dans la discrétion, sinon le secret.

M. Jacques Myard.

C'est une oligarchie !

M. Maurice Ligot.

Le Parlement français se sent peu concerné par les questions européennes. Les délégations travaillent beaucoup, elles examinent un grand nombre de textes, mais avec une efficacité souvent faible.

Les résolutions que nous pouvons voter en vertu de l'article 88-4 de la Constitution n'ont qu'une valeur d'avis, ce qui n'est pas inutile, mais limité. D'autre part, ces résolutions ne concernent pas les seuls textes à caractère législatif, ce qui fait que nombre de sujets échappent à l'appréciation des assemblées.

Quant aux traités européens, le Parlement ne peut que les ratifier sans changement. Son pouvoir est donc très réduit.

Est-ce raisonnable face à l'attente ou au scepticisme de l'opinion publique sur les questions européennes ? On peut dire qu'il existe un véritable déficit démocratique de nos assemblées en la matière. On le dit globalement pour l'ensemble des institutions européennes, mais on peut le dire aussi.

Je pense, pour ma part, que plus le Parlement et notamment l'Assemblée nationale seront amenés à dire leur mot sur les affaires européennes, plus l'idée européenne sera favorablement accueillie.

Ce qui signifie qu'il ne faut pas limiter la compétence parlementaire aux seuls textes à caractère législatif. Ce droit d'intervention est trop limitatif. Il y a beaucoup de textes - documents, rapports - d'origine communautaire qui sont de grande importance politique sans être de caractère législatif. La représentation nationale peut-elle les ignorer ? Peut-on continuer à lui interdire de les connaître ? On nous répond que l'Assemblée nationale peut être compétente sur attribution du Gouvernement, donc de l'exécutif. C'est exact. Mais n'est-ce pas reconnaître ainsi que, s'agissant des affaires européennes, le législatif est dans la dépendance de l'exécutif, signe manifeste du déficit démocratique dans les affaires européennes ? N'est-ce pas aussi le signe que l'exécutif ne veut pas être gêné dans la conduite des affaires européennes par les questions et les appréciations des parlementaires qu'ils soient au Sénat ou à l'Assemblée ? Est-ce acceptable ? Juridiquement peut-être. Mais politiquement, je pense que c'est dangereux. Cela encourage l'éloignement de l'opinion par rapport à l'Europe, faute de débats publics et actifs là où ils doivent avoir lieu, c'est-à-dire dans cette enceinte et dans celle du Sénat - et non dans des cénacles non représentatifs ou dans la rue.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

Je pense donc que l'article 88-4 de la Constitution doit être modifié et que son contenu doit être élargi pour permettre aux deux assemblées de se prononcer librement, par résolution, sur tous les textes d'origine communautaire, sur proposition des délégations pour l'Union européenne dont la mission serait de faire le tri entre ce qui est important et ce qui l'est moins pour la représentation nationale.

M. René André.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

Rappelons deux éléments d'ordre juridique, qui fondent largement cette proposition.

D'abord, ce pouvoir parlementaire, selon l'article 88-4 de la Constitution, n'est que consultatif. C'est un avis donné au Gouvernement, donc une indication pour les négociations. Mais ce peut-être aussi, pour le Gouvernement, un instrument de force dans les rapports entre

Etats membres.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Maurice Ligot.

Donc, même s'il n'est que consultatif, l'avis a une valeur forte.

Ensuite, le traité d'Amsterdam, dans les déclarations 13 et 14 annexées au traité et dans le protocole 13 sur le rôle des parlements nationaux qui ont une valeur juridique égale à une stipulation du traité, et cela à la demande instante de la France et après un débat très dur - et j'en ai été le témoin, à la COSAC de Dublin, en 1996, où le point de vue français a été consensuellement accepté - reconnaît à la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires la possibilité d'appeler l'attention des institutions de l'Union européenne sur certaines questions. A son initiative, elle peut se saisir de toutes questions qu'elle juge appropriées.

On imagine mal que les questions que les parlements nationaux pourront traiter en commun ne puissent l'être directement par notre parlement. Nous serions manifestement dans le domaine de l'absurde.


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Avec ma proposition, qui d'ailleurs se retrouve dans les amendements, les populations que nous représentons dans cet hémicycle auront enfin le sentiment que nous, parlementaires, sommes associés au processus de prises de d écisions européennes, au moment où celles-ci concernent de plus en plus leur vie de tous les jours et leurs activités dans les domaines les plus divers. A trop vouloir brider le pouvoir d'action des assemblées sur les affaires européennes, on risque, et ce serait dangereux, de renforcer l'incompréhension et le sentiment d'un ras-lebol européen.

Je terminerai en élargissant la réflexion. La prérogative de l'exécutif en matière de négociation des traités, qui est une règle de droit international public, est-elle encore just ifiée s'agissant des traités européens ? La politique communautaire peut-elle être encore considérée comme partie intégrante de la politique étrangère, alors qu'elle modifie profondément les règles internes françaises qui sont, en dernier ressort, de la compétence du législatif ?

M. Hervé de Charette.

Très juste !

M. Maurice Ligot.

Peut-on admettre que le pouvoir du Parlement se limite sur ces questions à ratifier, alors que la source de l'Europe réside dans les traités qui la créent progressivement et que ces traités sont de compétence parlementaire ? On voit donc bien que sur ce sujet - comme sur celui des compétences parlementaires en matière européenne il faudra savoir évoluer plutôt que de se laisser déborder par deux mouvements aussi dangereux l'un que l'autre : antiparlementaire et anti-européen.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'appartiens à un mouvement, les Verts, qui est profondément convaincu de la nécessité de construire l'Europe.

M. Jacques Myard.

Nous le sommes aussi !

M. Guy Hascoët.

Je l'espère bien ! C'est à partir d'un petit retour en arrière que j'expliquerai quelle sera notre position sur le présent projet.

Je veux revenir sur le débat auquel a donné lieu le traité de Maastricht. Le débat au sein de notre groupe, avec un invité d'honneur qui était alors le président de la Commission européenne, Jacques Delors, dura de longues heures.

M. Jacques Myard.

Ça se gâte !

M. Guy Hascoët.

Puis le vote est intervenu et il a donné, à la voix près, 50-50. Nous sommes donc arrivés à la division stricte sur l'attitude à tenir quant à ce traité et au référendum, alors que nous étions tous favorables à la construction européenne.

En fait derrière ce vote, il y avait un doute. Certains considéraient que l'acceptation du traité dans sa dimension strictement monétaire et financière pourrait entraver dans la durée la construction qualitative de l'Europe.

D'autres, dont j'étais, pensaient qu'une mauvaise copie était tout de même un acte politique susceptible d'accélérer les étapes suivantes.

Nous sommes donc sortis de ce débat libres de nos propos et d'aller porter la bonne parole.

Mais les années se sont écoulées et nous avons toujours cette envie d'Europe. Nous espérions que les étapes suivantes contrediraient les plus sceptiques sur la nature et la qualité du traité qui nous avait été soumis par référendum. Or Amsterdam ne répond pas à cette attente et à cette exigence d'Europe.

Sur le vote intervenu récemment sur l'euro, mes six collègues présents ici, ayant fait le choix du pari des étapes suivantes et ayant dit « oui » à Maastricht, ont donc dit « oui » à l'euro. De même, parce que nous sommes des Européens convaincus, nous ne voterons pas contre l'adaptation de notre Constitution au principe du transfert de souveraineté, mais nous ne voterons pas la ratification du traité d'Amsterdam.

J'ai écouté avec attention les propos de M. de Charette sur le rythme de la construction européenne. Certes, nous savons bien qu'il est long et compliqué. Cette construction met en jeu, en effet, des cultures, des géographies, des histoires, des politiques différentes - et l'Europe est riche de toutes ces diversités. Mais le problème est que les citoyens sont aujourd'hui saisis d'un doute sur la nature de cette construction politique ou plutôt des pouvoirs qui la dirigent.

Le temps est donc venu de s'interroger sur l'initiative p olitique forte qu'il conviendrait de prendre pour répondre à la question de la légitimité des pouvoirs et de la conduite des affaires européennes. On ne peut plus prendre l'opinion à revers. Nos concitoyens sont favorables à 86 % à l'Europe qui propose une directive visant à protéger les oiseaux migrateurs. Mais qu'en est-il lorsqu'on signe, parce qu'il faut bien avancer, la directive européenne sur le rail ? Surtout quand on s'aperçoit que, ce faisant, on a peut-être commis l'irréparable pour le service public voyageur parce qu'il faudra faire place à la concurrence pour le fret. A cet égard, la récente grève européenne n'est que le reflet de l'inquiétude légitime de ceux qui se demandent où va le train et qui le conduit.

Le moment est donc important, si nous voulons avancer qualitativement. Le calendrier à venir permettra, je l'espère, des débats constructifs à cet égard. Quelqu'un a dit qu'il faudra dire l'Europe que nous voulons. Oui, il faudra dire si l'on est prêt à prendre le risque de transferts de souveraineté vers un pouvoir pourtant pas encore assez défini et pas assez légitime en termes de souveraineté populaire, ou qui est prêt à remettre en cause des acquis. Le tout est de savoir si le désir d'avancer l'emportera sur les réticences.

J'ai pu suivre M. Madelin dans la première partie de son intervention mais pas du tout dans la seconde.

L'affirmation de l'individu, je ne sais pas ce que ça veut dire. En tout cas, la société n'existe que lorsqu'elle est capable d'organiser des solidarités, de construire des politiques, d'y renoncer parfois. Or, faute des outils nécessaires, et à force d'égrainer des décisions successives sans emporter la conviction de nos concitoyens, nous risquons de mettre en péril ce qui est sans doute la plus belle construction politique engagée pour les décennies à venir.

C'est donc un rendez-vous que nous prenons, un acte que nous posons, avec la volonté d'ouvrir un débat pour sortir de la schizophrénie. En effet, d'un côté, nous nous plaignons que l'Europe ne dispose pas de structures suffisamment démocratiques ni de légitimité dans les décisions, et, en même temps, nous lui mettons des freins, nous ici comme d'autres ailleurs.

Cela nous ramène à la sempiternelle question de savoir si un pouvoir politique constitué - avec l'ensemble des éléments que cela signifie au niveau européen - risquerait


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de déclasser ou d'affaiblir les pouvoirs des nations. Mais, si nous voulons avancer dans la construction européenne, il va falloir choisir, et poser les éléments politiques qui permettent d'en assurer la qualité et de donner aux citoyens le sentiment que nous avançons avec la possibilité de maîtriser l'attelage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Au-delà du paradoxe qui frappe un traité dont l'une des caractéristiques essentielles, est de reporter son principal objet - la réforme des institutions européennes - à une date ultérieure, ce texte constitue néanmoins une étape importante de la construction de l'Europe.

Pour fragmentaires qu'elles soient, ses dispositions prévoient, en effet, un renforcement des mécanismes institutionnels, par le biais notamment de processus de décision nouveaux - codécision, extension de la majorité qualifiée -, par le renforcement des coopérations, dans les domaines de la politique étrangère et de la sécurité commune, et également par la communautarisation partielle du troisième pilier, sur lequel nous avions depuis longtemps émis un avis positif.

A ce stade, on peut cependant regretter que ces mesures ne s'inscrivent pas dans une logique d'ensemble.

Elles s'analysent davantage dans une sorte de fuite en avant institutionnelle et elles ne mettent pas en exergue l'absolue nécessité de procéder à une réforme que rend indispensable une loi du nombre devenue contre-productive à quinze, et a fortiori , demain, à vingt ou vingt-cinq.

La deuxième faiblesse du traité réside dans le fait que la prise en compte de l'élargissement n'ait pas été suffisamment intégrée et qu'il y manque la vision de l'Europe de demain.

La vraie question est de savoir quelle Europe nous voulons, quelle en sera l'architecture. Car, à vingt ou vingtcinq membres, l'Union européenne change de nature et appelle une approche fondamentale.

Avant d'intervenir sur les procédures et les compétences, il eût donc été plus avisé de s'interroger, comme l'a fait Alain Madelin, sur notre vision de l'Europe de demain. Elle seule doit en déterminer l'organisation et le fonctionnement.

Est-ce l'Europe du monolithisme, ou celle des différences et de la décentralisation ? Est-ce l'Europe des marchés ? Ses futures frontières seront-elles celles de la géographie ou de la chrétienté ? Est-ce l'Europe de la technocratie, celle d'un super-Etat qui reproduirait les conservatismes que nous dénonçons trop au niveau national ? Est-ce l'Europe de l'innovation, des responsabilités ou des libertés ? Par ailleurs, si chacun doit s'habituer à l'idée que l'on ne pourra sans cesse rêver d'une Europe forte dotée d'institutions faibles, c'est davantage au niveau des compétences de l'Europe et de leurs conditions d'exercice que l'on doit montrer une vigilance accrue.

L'Europe n'a pas de structures fédérales. Elle n'a donc pas de compétences strictement définies et limitatives et, de ce fait, le principe de subsidiarité doit jouer pleinement. Je regrette que cette question centrale ait été insuffisamment traitée dans ce projet et je rejoins tout ce qui a été dit sur ce point par ceux qui m'ont précédé à cette tribune.

Par ailleurs, les progrès de l'Europe sont indissociables d'un renforcement de la démocratie. L'Europe doit commencer à Paris. La base juridique existe puisque, dans le traité, le protocole relatif aux parlements nationaux a bien été prévu. Mais sa portée reste faible. Nous n'avons pas encore intégré dans notre ordre juridique et institutionnel la dimension de l'Europe.

J'ai noté, madame la garde des sceaux, qu'évoquant, tout à l'heure, une éventuelle réforme du Parlement vous avez indiqué que celle-ci n'était pas opportune. Je suis de l'avis inverse car je considère que nous sommes au contraire au coeur du débat.

Puis-je rappeler le précédent de 1992 ? Lors de la discussion, nous avons pu enrichir le projet de loi par des amendements parlementaires qui ont d'ailleurs débouché sur l'article 88-4.

L'augmentation des pouvoirs du Parlement aujourd'hui n'est donc pas contradictoire avec les grands équilibres institutionnels. Comment imaginer de renforcer l'idée européenne et la perception qu'en ont nos concitoyens, si les représentants de la nation sont durablement privés d'une implication positive sur l'ensemble des matières communautaires dont certaines, n'ayant pas de caractère législatif au sens de l'article 34, ne lui sont pas soumises pour avis ? Je ne citerai que deux exemples : l'agenda 2000 et la réforme actuelle sur la comitologie.

Qu'est-ce qu'un Parlement moderne si ce n'est un Parlement qui sait s'adapter aux évolutions positives des moeurs et des temps - voire les anticiper. Nous avons un double rendez-vous avec le temps, un siècle nouveau, et l'espace, l'Europe élargie que nous appelons de nos voeux.

Pourrait-on conserver une vision passéiste de nos institutions et leur fonctionnement au moment où l'histoire comme le monde change et s'accélère autour de nous ? Cette attitude n'est plus de mise en l'an 2000. De quoi aurions-nous peur ? D'une prise de conscience plus quotidienne, plus forte par notre assemblée, des questions européennes ? Il me semble que les résultats jusqu'ici acquis dans le cadre du 88-4 ont largement étayé les positions gouvernementales en leur apportant, le cas échéant, un éclairage particulièrement utile.

Le rôle du Parlement demeure consultatif, là où d'autres exemples et d'autres audaces nous auraient peutêtre permis d'envisager une participation plus forte à la détermination de la politique européenne.

Regardons l'Europe d'aujourd'hui : les Etats se sont organisés en fonction de leur tradition, mais aussi du rôle et de l'influence qu'ils souhaitent avoir dans l'Europe de demain.

L'élargissement du rôle du Parlement est donc autant une condition d'une plus grande adhésion des parlementaires eux-mêmes et des citoyens à la construction de l'Europe, mais aussi celle d'un poids accru dans la définition et la défense de nos intérêts nationaux dans cette nouvelle Europe.

Sans aller jusqu'à prendre modèle sur d'autres Parlements européens, j'aurais aimé que nous fassions preuve de pragmatisme et que vous ne fermiez pas d'emblée le débat.

Que l'on ne s'y trompe pas : s'agissant des questions de sécurité et de défense, la future saisine du Parlement, pour importante qu'elle soit, sera probablement rarissime.

S'agissant du secteur de la justice et des affaires intérieures, les questions essentielles intéressant l'asile, l'immigration, le franchissement des frontières seront pour la plupart immédiatement intégrées au premier pilier et obéiront de ce fait aux procédures actuelles.


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C'est donc une extension a minima qui nous est proposée. Or elle ne me paraît pas répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés, de surcroît à un moment où se pose, en droit interne, la question de la revalorisation du rôle du Parlement.

Pour conclure, je vous dirai que ma conviction profonde est que l'Europe se construira sur la démocratie.

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas demain la veille !

Mme Nicole Ameline.

Si le traité d'Amsterdam est une négociation inachevée, j'en dirai autant de notre réflexion sur l'intégration de l'enjeu européen dans notre vie parlementaire et démocratique. Les deux sont indissociables, et si la conduite de la politique européenne reste de la compétence naturelle de l'exécutif, rien ne saurait remplacer une vision partagée et constructive sur les grands choix européens entre le Gouvernement et la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Le Gouvernement a saisi le Parlement d'une modification de l'article no 88-2 de la Constitution.

Sur ce point, il n'y a pas véritablement débat entre nous.

Toute la question est de savoir s'il faut s'en tenir uniquement à l'article 88-2 - je vous renvoie à la démonstration de Georges Hage - ou s'il importe au contraire, comme le proposent certains de nos collègues pourtant à l'origine de la Constitution de 1958, d'utiliser ce débat pour accroître la compétence du Parlement dans le cadre de l'article 88-4.

M. Jacques Myard.

Oui !

M. Alain Barrau.

Je dirai tout d'abord qu'il est important d'avoir sur le traité d'Amsterdam un débat avec des étapes marquées : d'abord la révision constitutionnelle, ensuite la ratification du traité. A cet égard, M. de Charette a admirablement montré que l'amendement déposé par nos collègues du RPR, concernant la double détente à cinq ans, posait un problème par rapport à la ratification du traité lui-même.

M. Hervé de Charette.

Merci !

M. Alain Barrau.

Nous verrons comme les choses évolueront. Mais c'est tout à fait contradictoire. Un traité sera soumis à la ratification du Parlement dans quelques mois. Il a été signé par un Gouvernement français et un Président de la République française, et il prévoit un dispositif en deux temps. Si l'on n'est pas d'accord avec ce dernier il faut voter en son temps contre la ratification.

M. Jacques Myard.

C'est évident !

M. Alain Barrau.

Cette option est d'ailleurs proposée par certains au RPR.

Si l'on pense au contraire que l'extension des décisions du conseil des ministres à la majorité qualifiée sur un certain nombre de points de la compétence d'Amsterdam peut entraîner une modification importante, il faut le dire aussi au moment de la ratification.

L'autre question qui se pose est celle de l'extension des pouvoirs des parlements nationaux. On reproche au Gouvernement de prétendre vouloir renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement et de ne pas présenter de dispositions visant à modifier l'article 88-4. Mais il y a là une certaine logique. En effet, c'est au Parlement de manifester le désir de pouvoir se prononcer, comme il le fait déjà, dans le cadre de la délégation pour l'Union européenne, ou dans les commissions permanentes. A cet égard, René André a quelque peu sous-estimé le travail qu'il fait avec nous au sein de la délégation et l'amendement de notre rapporteur, par ailleurs président de la délégation, qui modifie un certain nombre de dispositions de l'article 88-4.

Peut-on aller plus loin dans ce débat ? La discussion va le montrer.

En tout état de cause, il est important de confirmer, dans cette discussion générale, le fait que l'Europe est certainement, sur le plan du contrôle démocratique, non pas nécessairement à un tournant, mais aux portes d'une évolution décisive.

Bien que cela ait été peu souligné jusqu'à présent, l'un des aspects positifs du traité d'Amsterdam est de conforter les pouvoirs du Parlement européen. Dans quelques mois, nous demanderons tous aux électeurs de voter pour nos listes respectives aux élections européennes parce que le Parlement européen va avoir plus de pouvoirs. Or cette a ugmentation des pouvoirs du Parlement européen, l'amélioration de l'aspect démocratique du contrôle de la vie communautaire seront, entre autres, des conséquences du traité d'Amsterdam. Essayons donc de compléter cette amélioration par une mesure concernant les parlements nationaux en nous évadant de la vieille allégation selon laquelle donner des pouvoirs au Parlement européen réduirait ceux des parlements nationaux.

Au contraire, nous démontrons en ce moment et la C OSAC dont il a été question en est un bon exemple qu'il peut y avoir un travail en commun entre le Parlement européen et les parlements nationaux pour exprimer le point de vue des parlementaires, aussi bien nationaux qu'européens, dans ce type de décision.

Faut-il considérer avec M. de Villiers que cela n'a aucune importance ? Présent hier, avec M. Ligot, à la COSAC de Vienne, j'ai présenté le texte que nous avons adopté ensemble sur la réorientation de la politique européenne en matière d'emploi, non pas au nom simplement de la délégation, mais aussi de la commission des affaires sociales puisqu'elle en a commencé l'examen ce matin.

Elle le poursuivra demain et j'espère qu'elle l'adoptera.

Je suis d'ailleurs intervenu après que le président en exercice du Conseil, qui est le chancelier fédéral autrichien, eut indiqué les orientations que la présidence autrichienne entend appuyer pour faire du prochain sommet de Vienne un atout dans cette réorientation de la construction européenne. Cela n'est pas négligeable.

Certes, il ne s'agit pas d'un texte voté formellement par la COSAC, ni d'un document d'où ressort l'ampleur des prises de position des opinions publiques, mais il constitue un instrument non négligeable qui n'existait pas il y a quelques années et qui pourrait peu à peu prendre de plus en plus d'importance.

La question est aujourd'hui de savoir quelle Europe nous voulons.

M. Jacques Myard.

Pas celle-là !

M. Alain Barrau.

Nous ne voulons pas d'une sorte de zone de libre-échange généralisé. Même s'il s'agit d'une définition négative, elle peut nous réunir. En effet, le modèle européen, sur les plans social, économique et culturel, est différent de celui qui existe dans d'autres régions de la zone atlantique, notamment aux Etats-Unis.

Nous avons notre histoire, et le génie européen est composé des génies nationaux, pierres complémentaires dans la construction européenne.


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M. Jacques Myard.

Et je resterai le mauvais génie !

M. Alain Barrau.

Il faut absolument faire reconnaître cet aspect de la question.

Après Amsterdam, nous sommes peu à peu parvenus à réorienter la construction européenne, mais il reste encore bien du chemin à parcourir. Il ne s'agit plus seulement d'un marché unique, d'une monnaie unique. Nous voulons faire de l'Europe un instrument décisif pour la croissance et pour lutter contre le chômage. Nous voulons lui donner une dimension culturelle, une dimension environnementale car cela est essentiel dans l'Europe aujourd'hui des Quinze, demain encore plus élargie.

Tous ces moyens et l'appui des parlements nationaux comme du Parlement européen doivent répondre à la volonté de représenter les opinions publiques qui, pour l'instant, sont encore trop mal entendues dans cette construction européenne. C'est l'une des retombées positives du traité d'Amsterdam et c'est pourquoi l'instauration d'un nouvel équilibre entre un article 88-2 précis et un article 88-4 dont le champ sera élargi constituera, dans l'état actuel de la discussion et sous réserve des amendements qui seront examinés demain, un pas important dans la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je laisserai de côté le traité d'Amsterdam lui-même pour traiter directement des amendements. A cet égard, je tiens à exprimer ma déception et même ma surprise devant l'attitude du Gouvernement.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

C'est aussi celle de M. Chirac !

M. Pierre Lellouche.

Vous avez voulu avancer en direction de l'Europe économique, politique et sociale ; nous approuvons cette démarche. Vous avez voulu signer le traité d'Amsterdam, négocié par le Président de la République ; nous nous en sommes réjouis.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

C'est Chirac qui l'a signé !

M. Pierre Lellouche.

Vous avez, avant les élections et depuis, fait campagne sur le thème du déficit démocratique et demandé plus de démocratie, ce que nous approuvons.

Mais alors pourquoi tant de frilosité au moment où nous devons revoir notre Constitution ? Pourquoi ne voulez-vous pas profiter de cette révision constitutionnelle non seulement pour faire de la technique minimaliste - pour reprendre votre expression, madame la ministre mais aussi pour renforcer la démocratie, pour faire en sorte que le peuple français soit pleinement associé à cette nouvelle étape de la construction européenne ? Ainsi que chacun a pu le constater tout au long de la journée, la question européenne ne provoque pas une opposition gauche-droite. On voit bien que les divisions partagent les bancs, y compris à l'intérieur d'une même formation politique. Le problème qui nous est posé ne relève pas d'une question idéologique. Il s'agit de faire en sorte que, dans l'évolution de la construction de l'Europe, nous ne perdions pas le peuple français. Tel est le sens de nos amendements à propos desquels j'aurais souhaité que vous fassiez quelques pas utiles dans notre direction. Mon collègue René André en ayant longuement exposé le contenu, je me bornerai à rappeler très rapidement l'essentiel.

Nous proposons d'abord d'élargir la saisine des délégations à l'ensemble des actes. En effet, alors qu'elles peuvent être saisies de directives relatives à l'importation de fleurs coupées en provenance de tel ou tel pays, cela n'est pas possible pour Agenda 2000, pour les fonds structurels ni pour bien d'autres questions importantes touchant à l'avenir de l'Europe. Cela tient à une distinction de droit interne français, celle opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution. Le seul problème, c'est que cette distinction franco-française est totalement inopérante en droit européen. Cela est d'autant plus regrettable que la compétence parlementaire dont nous parlons n'est pas normative mais consultative.

Nous demandons donc, et cela n'a rien d'exagéré, qu'il soit donné au Parlement la possibilité de débattre des grandes questions qui peuvent se poser à l'Europe. En quoi cela gêne-t-il l'exécutif ? En quoi cela modifie-t-il les grands équilibres de la Constitution ? Très franchement je n'arrive pas à comprendre votre raisonnement, madame la ministre. Un tel dispositif accroîtrait la transparence et la démocratie.

M. René André.

Très bien !

M. Pierre Lellouche.

En outre il renforcerait le poids de l'exécutif dans les négociations avec nos partenaires.

Il en va de même pour la veille constitutionnelle.

A mesure que l'Europe se construit, elle touche de plus en plus au domaine des libertés publiques. Il est donc évident que les milliers de textes de droits dérivés qui entrent déjà dans le droit français vont inévitablement toucher aux principes fondamentaux de notre droit.

Devons-nous attendre de saisir la Cour européenne de justice ou bien, à l'occasion de la saisine des délégations, n'est-il pas plus raisonnable de mettre en place un système, d'ailleurs fort modeste, de saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des assemblées ? Rien de tout cela n'est franchement révolutionnaire. Il s'agit d'une précaution juridique et politique de base et je m'étonne que vous ne nous suiviez pas, ou pas encore, sur ce point.

Reste l'affaire des cinq ans. En la matière existe un vrai désaccord.

Avec M. de Charrette que j'ai eu envie d'appeler ce soir « super-Guigou » tellement il s'est situé sur sa ligne en termes juridiques et politiques, Mme Guigou a indiqué que la ratification du traité d'Amsterdam, à laquelle nous allions procéder, porterait non seulement sur la mécanique en deux temps qu'il prévoit, mais aussi sur le deuxième temps, c'est-à-dire le passage à la communautarisation, donc à la prise de décision à la majorité qualifiée de la gestion de l'immigration.

J e constate d'ailleurs que, assez paradoxalement, Mme Guigou et M. de Charrette d'un côté, M. de Villiers et les communistes de l'autre ont exactement la même analyse sur le plan juridique. Mais alors que les uns en tirent la conséquence qu'il faut un référendum tout de suite, les autres estiment, qu'il ne faut surtout pas d'amendement touchant à ce mécanisme. Cela est fort intéressant, sauf que nous pensons que cette analyse est juridiquement et politiquement infondée.

Le traité d'Amsterdam, madame la ministre, n'est pas celui de Maastricht. En effet ce dernier impliquait l'automaticité dans le déroulement des trois phases préparant l'arrivée à la monnaie unique qui était inéluctable à la fin du processus. En revanche le traité d'Amsterdam propose un système qui est véritablement en deux temps.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Dans le premier temps, il nous est proposé un passage éventuel à la communautarisation, sur la base d'un accord politique, entre quinze pays ou vingt, si cet accord a lieu dans cinq, sept ou huit ans. Il s'agit donc d'un accord que nous ne connaissons pas, dans une Union politique dont nous ne connaissons pas la composition aujourd'hui.

Dès lors, qu'y a-t-il de déraisonnable à consulter le peuple à ce moment-là ? Au nom de quel argument voulez-vous le refuser ? Comment prétendre que l'exécutif serait seul détenteur de la souveraineté nationale ? Comment prétendre que l'intervention du Parlement par le vote d'une loi serait contraire à la Constitution, et au nom duquel de ses articles ? Comment prétendre que la modification constitutionnelle d'aujourd'hui vaut accord pour dans cinq, six ou sept ans alors qu'il constitue une sorte de chèque en blanc délivré à l'exécutif sur un accord dont nous ignorons tout ?

M. Philippe de Villiers.

Il faut donc voter contre la ratification !

M. Pierre Lellouche.

Portera-t-il sur les visas de longue durée, sur les conditions de séjour, sur les conditions de travail, voire sur l'harmonisation des codes de la nationalité ?

M. Alain Barrau.

C'est dans le traité.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Il ne l'a pas lu !

M. Pierre Lellouche.

Pouvez-vous nous dire qui sera membre de l'Union à cette époque ? Pour toutes ces raisons, madame la ministre, la décision de passage à la majorité qualifiée dans cinq ans n'est pas une décision de droit dérivé. Elle sera politique. C'est seulement une fois que cette décision politique aura été prise qu'il en découlera une série de conséquences en droit dérivé, mais pas avant.

M. Alain Barrau.

Dans ces conditions, vous devez refuser de ratifier le traité.

M. Jacques Myard.

Absolument !

M. Philippe de Villiers.

C'est évident !

M. Pierre Lellouche.

Non, madame la ministre, le Gouvernement ne peut pas décider seul de ne pas consulter le Parlement. Cela correspond à la simple logique.

Ainsi vous avez fait voter, l'an dernier, une loi importante, la loi Chevènement, qui a modifié tout notre régime législatif en matière d'immigration et de statut des étrangers en France.

M. Gérard Gouzes, vice-président de la commission.

Justement ! Maintenant, nous sommes prêts !

M. Pierre Lellouche.

Mais qu'adviendra-t-il dès lors qu'un autre exécutif décidera de changer le système dans cinq, six ou sept ans ? Il faudra revenir devant le Parlement, ne serait-ce que pour abroger cette loi et faire voter une loi compatible avec les nouvelles directives européennes.

M. le président.

Puis-je vous demander de conclure, monsieur Lellouche ?

M. Pierre Lellouche.

Je termine, monsieur le président.

Notre proposition n'implique nullement une réécriture du traité. D'ailleurs, en son article 67, il n'interdit pas la consultation des parlements nationaux lors du passage à cette seconde phase, ni une seconde ratification, contrairement à ce qu'ont affirmé d'un même élan Mme Guigou et M. de Charrette. Cette nécessité relève tout simplement d'une exigence de démocratie, voire du simple bon sens.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de révision constitutionnelle qui nous est soumis vise à inscrire dans notre Constitution la possibilité de concéder des parts de notre souveraineté.

L'enjeu est donc clair : il s'agit d'adapter notre texte constitutionnel afin qu'il soit compatible avec l'intégralité du traité d'Amsterdam.

Signé en juillet 1997 par les chefs d'Etat et de gouvernement des quinze pays de l'Union européenne, le traité d'Amsterdam doit être ratifié par les parlements nationaux pour entrer en vigueur. Cependant cette ratification doit être précédée d'une révision de la Constitution, puisque le Conseil constitutionnel a relevé que le traité conférait des compétences nouvelles à la Communauté européenne en matière de visas, d'asile, d'immigration et d'autres politiques liées à la libre circulation des personnes.

Pendant un délai de cinq ans, c'est à l'unanimité des E tats membres que des décisions concernant ces domaines seraient prises, mais, au-delà, si le Conseil europ éen en décidait, le passage à une procédure de co-décision et de majorité qualifiée pourrait être adopté.

C'est sur ce point précis - et limité - que notre Constitution doit être rendue compatible avec le traité qui sera ultérieurement proposé à une ratification.

Mes chers collègues, il faut dire la vérité à notre peuple : accepter cela c'est accepter à terme qu'un pays - en l'occurrence le nôtre - se voie retirer son droit de dire « non », et que lui soit imposées des décisions contraires à ses intérêts, aux intérêts de notre peuple.

Nous ne souhaitons pas, pour notre part, dissocier ce point précis et limité, mais fondamental puisqu'il s'agit de la souveraineté de notre pays, des questions posées par le traité d'Amsterdam. Nous sommes, en fait, placés dans la même situation qu'à l'époque du traité de Maastricht.

En mettant en conformité notre Constitution avec les dispositions du traité, ce projet de loi constitutionnelle inscrit en fait le traité d'Amsterdam dans la Constitution, dans la suite du traité de Maastricht. C'est la raison pour laquelle, tant sur le principe du transfert de souveraineté que sur la méthode qui consiste à adapter notre loi fondamentale à un traité que nous jugeons néfaste aux intérêts de notre peuple, nous sommes hostiles à ce projet de loi.

Estimant qu'accepter cette révision constitutionnelle serait, à terme, accepter un traité contraire aux intérêts du pays et de la construction d'une Europe sociale et démocratique, nous ne pouvons approuver ce texte.

Cela ne signifie pas pour autant que nous soyons par principe opposés à tout partage de souveraineté dans tel ou tel domaine, mais nous sommes opposés à tout partage de souveraineté sinon décidé par notre peuple par référendum.

De nombreuses voix dans la majorité de gauche se sont élevées pour considérer que le traité d'Amsterdam n'était pas satisfaisant et qu'il était imprégné de l'idéologie libé rale ultradominante qui régnait sans partage en Europe, il y a quelques mois encore.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Dans ces conditions, pourquoi ne pas saisir l'opportunité de la nouvelle donne politique qui a cours aujourd'hui dans plusieurs pays de l'Union européenne ? Celle-ci s'est clairement manifestée lors du Conseil européen de Po rstchach en Autriche. Les attentes des peuples d'Europe en matière d'emploi, de recul de la précarité semblent avoir été entendus, même si les principaux acteurs de ce sommet persistent à considérer que l'euro et ses conséquences en matière de politique budgétaire demeurent le passage obligé de la construction européenne.

L'Europe bouge ; des opportunités sont offertes en faveur d'une réorientation progressiste de la construction européenne. Le Premier ministre l'a lui-même reconnu devant notre assemblée en estimant que l'Union européenne devait « réorienter les hiérarchies de ses politiques économiques » à un moment où elle est « dans une nouvelle période historique ».

Ainsi, le nouveau contexte politique issu des récentes élections en Allemagne devrait conduire à la prise d'initiatives communes franco-allemandes visant à réorienter la construction européenne dans un sens progressiste, à oeuvrer en faveur d'une renégociation du traité d'Amsterdam permettant de réelles avancées vers une Europe de l'emploi et de la croissance, vers une Europe plus respectueuse des droits des citoyens et de la démocratie.

Ce sont d'ailleurs ces exigences que viennent d'exprimer les récentes luttes des cheminots dans les différents pays européens. Ce sont ces aspirations au changement dont sont porteurs les peuples que le traité d'Amsterdam met à mal. Il est possible de faire l'Europe sans pour autant défaire la France en prenant précisément appui sur toutes ces aspirations. Pour réussir le changement en F rance, nous avons absolument besoin de réussir l'Europe, mais, pour cela, il faut changer l'Europe, il faut réorienter la construction européenne.

Parce que nous sommes de ceux qui pensons qu'il est possible de conjuguer construction européenne et progrès social, nous n'avons cessé d'appeler à un autre type de construction européenne s'appuyant sur de véritables coopérations entre tous les peuples, profitable à tous et oeuvrant à une réelle harmonisation vers un haut niveau de l'emploi, de la protection sociale, de la qualité de la vie.

Nous voulons une Europe qui contribue efficacement à relever les défis du chômage et de l'exclusion. Dans le monde tel qu'il est, c'est agir pour que, face à la logique de guerre économique, l'Europe fasse prévaloir des rapports de solidarité et de codéveloppement.

La réorientation de la construction européenne dans un sens progressiste pourrait ouvrir sur une Europe sociale, une Europe démocratique et une Europe solidaire.

Une Europe sociale nécessite une autre utilisation de l'argent pour l'emploi et le progrès social.

Cela implique un contrepoids politique à la Banque centrale, une rediscussion de ses pouvoirs et de ses missions et une réduction des taux d'intérêt de façon sélective pour favoriser l'emploi et la formation.

La taxation des capitaux financiers et des mouvements internationaux de capitaux est indispensable pour soutenir une politique monétaire et de crédit socialement et économiquement efficace.

Cela suppose également, cela a été évoqué, une harmonisation vers le haut des législations sociales, la défense et la promotion des services publics et de leur rôle de cohésion sociale.

Une Europe démocratique implique la conquête de droits nouveaux pour les citoyens dans le processus d'élaboration et de mise en oeuvre des décisions communautaires.

Enfin, une Europe solidaire au sein de l'Union ne peut se concevoir sans la mise en oeuvre de projets permettant de réduire les inégalités de développement. Elle doit être solidaire avec ses partenaires extérieurs et, en premier lieu, avec ceux de l'Europe centrale et orientale en redéfinissant les règles de l'élargissement.

Une Europe solidaire, c'est aussi une Europe de paix, substituant à la logique militaire de l'OTAN une rénovation de l'organisation de la sécurité en Europe, garante d'une sécurité partagée.

C'est également une Europe qui définit avec le Sud d'autres relations que celle de la guerre économique et agit dans les instances internationales pour la définition d'autres règles et d'autres rapports de force face à la logique libérale de la mondialisation.

Tels sont, à nos yeux, les éléments qui pourraient contribuer à dégager l'Europe du poids de l'idéologie libérale.

L'un des reproches récurrents qui est souvent fait à l'actuelle construction européenne est qu'elle s'effectue loin des citoyens et en dehors d'eux. Cela est parfaitement vrai. Or, il n'y aura pas de véritable construction européenne sans que les citoyens en soient véritablement les acteurs, sans qu'ils soient partie prenante des décisions qui conditionnent leur avenir, celui de leurs enfants, celui de leur pays.

Pour nous, la notion de souveraineté nationale est indissociable de celle de souveraineté populaire. C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'il est nécessaire que tout traité qui suppose un transfert ou un abandon de souveraineté soit soumis au peuple par référendum.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, nous sommes conviés à nouveau à modifier la loi fondamentale de notre ordre juridique et, à nouveau, cette modification intervient sous la pression de la construction communautaire.

A force d'adapter ce texte à toutes les circonstances, le risque est grand qu'il ne devienne un texte de circonstance, un assemblage de dispositions plus ou moins hétéroclites, cristallisées à des époques différentes et visant des objectifs potentiellement contradictoires. Je dois dire que j'attends avec intérêt la prochaine proposition de modification de la Constitution préconisée par M. de Charette.

M. Jacques Myard. Il n'y aura plus rien dans la Constitution ! Il faudra la supprimer.

M. Georges Sarre. Au moins, cela aura le mérite d'être expéditif.

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

M. Jean-Jacques Guillet. Très bien ! M. Georges Sarre. Cette formulation ancienne s'inteprète clairement : elle rend compte de la forme républicaine du gouvernement, et le dernier alinéa de l'article 89 précise qu'elle ne peut faire l'objet d'une révision. La question que je me pose et que je vous pose, madame la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

garde des sceaux, monsieur le ministre, est celle-ci : à force de transférer à Bruxelles des pouvoirs de décision, q uelle souveraineté, finalement, sera exercée par le peuple ? M. Lionnel Luca. Voilà ! M. Philippe de Villiers. Il a raison ! M. Jacques Myard. Ils s'en foutent du peuple ! M. Georges Sarre. De quels choix politiques peut-il réellement décider ? M. François Guillaume. Bonne question ! M. Georges Sarre. C'est au regard de cette interrogation que le Conseil constitutionnel, jusqu'à une décision de 1986, distinguait entre limitation de souveraineté, possible, et transfert de souveraineté, impossible. Mais, depuis, le Conseil constitutionnel a abandonné cette distinction... trop contraignante.

Depuis l'Acte unique, le nec plus ultra de la construction européenne, c'est la « communautarisation » des décisions.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Georges Sarre.

Par ce barbarisme, les européistes désignent une procédure qui réserve le monopole de l'initiative à la Commission et prévoit un vote du Conseil à la majorité qualifiée.

M. Jacques Myard.

C'est le machin !

M. Georges Sarre.

La voix de la France se perd.

A la surprise de certains, le Conseil constitutionnel, dans son avis du 31 décembre dernier, a jugé que la

« communautarisation » de la politique de l'immigration, des visas et de l'asile portait atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. N'est-il pas paradoxal d'adapter notre Constitution à un traité quand le bon sens aurait voulu que ce fût l'inverse ?

M. Jacques Myard.

Il a raison !

M. Georges Sarre.

Quel est donc l'arrangement auquel nous invite cette révision ? De deux choses l'une : soit la réforme autorise des transferts de souveraineté à un organe souverain, et alors nous sommes dans un processus fédéral, ce que nous refusons ; soit elle autorise des transferts réversibles de compétences et alors le peuple ou ses représentants peuvent toujours revenir sur ces transferts. Tel est le sens d'un amendement que les députés du Mouvement des citoyens ont déposé et défendront.

Quelques mots pour conclure sur la procédure de révision de la Constitution. L'esprit comme la lettre de l'article 89 de notre Constitution exigent que cette révision soit soumise au détenteur du pouvoir constituant, le peuple. La décision appartient certes au Président de la République. Mais les enjeux justifient un vaste débat dans le pays, débat qui n'a pas eu lieu. Et pour cause ! Personne dans notre pays n'a lu le traité, personne n'en parle.

M. Philippe de Villiers.

Très bien !

M. Lionnel Luca et M. Jean-Jacques Guillet.

Très juste !

M. Jacques Myard.

Les députés de la majorité ne l'ont pas lu non plus !

M. Georges Sarre.

Et il faut que nous nous réunissions ce soir pour qu'apparaissent enfin quelques articles.

D'aucuns, pour sortir de ce mauvais pas, affirment que le traité d'Amsterdam ne mérite pas un référendum parce qu'il ne changerait aucun équilibre, n'apporterait aucune avancée communautaire forte. Voire ! Le traité d'Amsterdam entérine le transfert de notre politique d'immigration, d'asile, la négociation d'accords internationaux dans le domaine des services et de la propriété intellectuelle.

Excusez du peu ! Enfin, et c'est sans doute l'essentiel, la réforme constitutionnelle entérine la subordination de notre ordre constitutionnel à un ordre juridique étranger. C'est une première !

M. Philippe de Villiers.

Eh oui ! Très bonne analyse.

M. Georges Sarre.

Le protocole d'Amsterdam sur la subsidiarité consacre en effet systématiquement et totalement la suprématie des décisions de la Cour de justice de Luxembourg vis-à-vis de nos règlements, de nos lois et même, là est la nouveauté, de notre Constitution.

Les députés du Mouvement des Citoyens n'acceptent pas une telle limitation de notre référence constitutionnelle. La nation française existe certes depuis longtemps, et ce n'est pas un mauvais traité qui pourra la faire disparaître.

M. Jacques Myard.

Heureusement !

M. Georges Sarre.

Il n'empêche : on ne joue pas impunément avec les valeurs inscrites dans notre Constitution.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Georges Sarre.

La nation française est une construction politique : elle « marche » au projet. Il faut donc, mesdames et messieurs, énoncer clairement les enjeux.

Pour notre part, nous sommes favorables à une Europe des peuples, à une Europe de nations souveraines associées dans des projets communs et capables de faire face à l'empire.

Mme Nicole Bricq.

Lequel ?

M. Georges Sarre.

Américain ! Il ne me semblait pas qu'il y en eût un autre.

Voilà le sens que nous souhaitons donner à la réorientation de la construction européenne, la seule que les Français peuvent comprendre et accepter. A ceux qui en doutent, je dis : « chiche ! ».

En attendant, nous voterons contre la réforme de la Constitution.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Philippe de Villiers.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

M. Jacques Myard.

Dommage ! Avec l'orateur précédent, nous aurions terminé sur une note d'espoir.

(Sourires.)

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, nous sommes dans une situation paradoxale : la ratification du traité d'Amsterdam préparé et négocié par l'ancienne majorité donne aujourd'hui l'occasion à ceux qui sont devenus l'opposition - je parle du RPR - de déposer trois amendements, dans cette étape de révision constitutionnelle, pour limiter l'application de ce traité sous couvert de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement français.

Je ne mets pas en cause leur sincérité, mais ces amendements ne doivent pas servir de camouflage à ceux qui veulent défendre l'idée que tout à fait légitimement ils ont de l'Europe sans pour autant assumer entièrement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

leur position anti-européenne, ou à ceux qui voudraient se livrer à une opération tactique en vue des prochaines élections européennes.

Il est vrai que, depuis le débat national sur le traité de Maastricht, les europhobes ont tempéré leurs critiques et se sont transformés en eurosceptiques. En effet, depuis le débat de 1992, et malgré la dureté de la crise qu'a traversée l'Europe, le sentiment pro-européen n'a fait que grandir dans les populations.

Nous avons ici même accompli, en avril dernier, un acte politique majeur en votant la résolution sur l'euro. L'euro sera la monnaie unique de 290 millions d'Européens, qui ont ainsi décidé d'unir leur destin monétaire pour mieux exercer leur souveraineté.

Aujourd'hui, la nécessaire prise de conscience de la convergence des politiques économiques des Etats de l'Union européenne autorise l'espoir de faire de l'Europe non seulement un espace de paix et de liberté, mais aussi un espace de prospérité économique, un lieu d'expression sociale et, in fine, une véritable puissance politique.

La première grève européenne de lundi dernier est un signe tangible de l'espace pertinent où se situe l'enjeu aujourd'hui.

Fait significatif encore dans le sondage réalisé par le ministère délégué aux affaires européennes : ce sont les plus réticents à la construction européenne qui basculent dans la confiance, à savoir les femmes, les employés et les salariés du secteur privé.

Pour toutes ces raisons, l'expression du peuple que nous représentons ici ne peut, frileuse, se réfugier dans une bulle faussement protectrice, qui serait déconnectée de la réalité.

Et Amsterdam, dans tout cela ? C'est une modeste étape sur le difficile chemin qui conduit à la construction politique de l'Europe que nous appelons de nos voeux pour que les nations et les peuples y soient respectés.

On peut regretter que ce traité manque d'ambition, qu'il ne soit pas fondateur d'une réforme des institutions européennes. Néanmoins, il marque des avancées, notamment en renforçant les pouvoirs du Parlement européen.

La critique du Parlement européen est du reste mal venue de la part de ceux-là mêmes qui ont refusé une réforme du mode de scrutin aux élections européennes qui aurait eu le mérite de rapprocher les électeurs de leurs élus.

M. Alain Barrau.

Très bonne remarque !

Mme Nicole Bricq.

Autre projet de débat : le traité mettrait en cause notre souveraineté nationale sur le point précis de la libre circulation des personnes.

Nous savons bien qu'avec ou sans traité, les frontières demeureront poreuses aux migrations. Elles le seront tant que l'Europe constituera un rêve social et économique, un havre de paix pour des populations vivant dans des pays proches où les inégalités de développement et l'insécurité de certains régimes politiques sont tels qu'ils les conduisent à vouloir s'expatrier.

Il y a beaucoup de mauvaise foi à prétendre que les transferts de compétences qui seront permis par la modification constitutionnelle que nous voulons opérer signeraient la fin des nations. Il existe déjà bien des dispositions contraignantes et les nations sont pourtant toujours bien vivantes.

Ces transferts obligent sans doute les Etats à repenser leur rôle. Mais l'Etat n'est pas la nation. Et ce qui fait la grandeur de la notion de souveraineté nationale, c'est aussi qu'un Etat, le nôtre, en l'occurrence, puisse renoncer souverainement à certaines de ses prérogatives.

Sans doute peut-on vouloir poser des conditions au transfert de compétence, mais prenez garde de ne pas vous payer de mots en multipliant les dispositions de contrôle du parlement national sous prétexte de rééquilibrer son pouvoir face à l'exécutif.

M. Hervé de Charette.

Vous avez raison, madame.

Mme Nicole Bricq.

Il y a dans nos débats, bien francofrançais, d'autres occasions de rééquilibrage et de modernisation de la vie politique que vous n'avez pas voulu et que vous ne voulez pas saisir.

M. Hervé de Charette.

Ne mélangez pas les sujets !

M. Lionnel Luca.

C'est vrai, on est là en pleine confusion !

Mme Nicole Bricq.

Nous préférons, quant à nous, nous battre pour que l'Europe se construise économiquement, socialement et politiquement plutôt que de mener des combats chimériques et, pour tout dire, d'arrière-garde.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme Nicole Bricq.

Cela comporte bien évidemment une part de risque. Mais nous, socialistes, la préférons au maniement, voire à la manipulation, des peurs et de l'irrationnel. C'est pourquoi, sans complexe, sans états d'âme, nous voterons la modification de la Constitution que le Gouvernement nous propose.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 24 novembre 1998, un rapport, no 1215, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi, en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 1999 (no 1208) : Recettes et équilibre général, par M. Alfred Recours, Assurance maladie et accidents du travail, par M. Claude Evin, Assurance vieillesse, par M. Denis Jacquat, et Famille, par Mme Dominique Gillot.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1998

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur la proposition de loi organique, no 1151, de M. Nicolas Sarkozy et plusieurs de ses collègues modifiant l'ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, no 1072, modifiant l'article 88-2 de la Constitution : M. Henri Nallet, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1212) ; M. Michel Vauzelle, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 1209) ; Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1185, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux : M. Georges Sarre, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1207).

(Procédure d'examen simplifiée).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 25 novembre 1998, à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CESSATION DE MANDAT ET REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ MEMBRE DU GOUVERNEMENT Vu l'article 23 de la Constitution, Vu l'ordonnance no 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, notamment son article 1er et l'article L.O.

153 du code électoral, Vu le décret du 20 octobre 1998 publié au Journal officiel du 21 octobre 1998 relatif à la composition du Gouvernement, M. le président de l'Assemblée nationale a pris acte de la cessation, le 20 novembre 1998, à minuit, du mandat de député de M. Jean Glavany, nommé ministre de l'agriculture et de la pêche.

Par une communication, en date du 21 novembre 1998, de M. le ministre de l'intérieur, faite en application des articles L.O.

176-1 et L.O.

179 du code électoral, M. le président a été informé que M. Jean Glavany, député de la 3e circonscription des Hautes-Pyrénées, est remplacé jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par Mme Chantal Robin-Rodrigo.

MODIFICATION À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et décrets, du 22 novembre 1998)

GROUPE SOCIALISTE (241 membres au lieu de 242) Supprimer le nom de M. Jean Glavany.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (6 au lieu de 5) Ajouter le nom de Mme Chantal Robin-Rodrigo.