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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 9595).

Rappel au règlement (p. 9595)

MM. Jean-Luc Préel, le président, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Ouverture de la discussion (p. 9596)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. le président de la commission.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 9599)

M.

Thierry Mariani, Mme Jacqueline Fraysse,

MM. Jean-Luc Préel, Pascal Terrasse, François Goulard, Mme Muguette Jacquaint.

Clôture de la discussion générale.

M. le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance (p. 9610)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 9610)

Article 1er et rapport annexé (p. 9610)

M. Jean-Luc Préel, Mme Jacqueline Fraysse.

Amendement no 1 de la commission des affaires culturelles : MM. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail ; le secrétaire d'Etat.

Sous-amendement no 60 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Rejet.

Sous-amendement no 61 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 63 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 65 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 66 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 67 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 68 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 50 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 51 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet.

Sous-amendement no 52 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Sous-amendement no 53 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9623).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE SIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 19 novembre 1998.

« Monsieur le Président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 17 novembre 1998.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 1208 1215).

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Luc Préel.

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 du règlement qui concerne l'organisation des débats et le fonctionnement de notre assemblée.

Légiférer, tout le monde en conviendra, est affaire sérieuse. Trop de lois, trop de lois bâclées et mal faites, déplore-t-on habituellement. Pour faire de bonnes lois, il faut un minimum de temps - celui qu'exigent la consultation des partenaires sociaux ou des organisations syndicales, par exemple, mais aussi la réflexion. Or, que constate-t-on aujourd'hui pour cette nouvelle lecture de la loi de financement de la sécurité sociale ? La commis-s ion des affaires culturelles s'est réunie mardi 24 novembre, à seize heures trente, sans que nous ayons connaissance d'amendements du Gouvernement dont nous avons entendu parler par ailleurs et que nous allons sans doute découvrir bientôt. Le compte rendu des trav aux de la commission n'a été disponible que le 25 novembre au soir. Ce matin, à neuf heures, le rapport n'était pas encore mis en distribution. Or la discussion du texte en séance publique, primitivement fixée à cet après-midi, a été avancée à ce matin : ce qui pose, bien sûr, des problèmes d'agenda pour plusieurs de nos collègues. Plus grave : des problèmes pour la rédaction des amendements.

Puisqu'il s'agit d'une nouvelle lecture, et que la commission souhaite rétablir le texte de l'Assemblée, nous ne pouvons que sous-amender les amendements de la commission. Encore faudrait-il les connaître et savoir leurs numéros. Une telle bousculade n'est pas de bonne pratique législative. Demandez aux services de la séance ce qu'ils en pensent. Pour ma part, je les remercie de leur capacité d'écoute, de compréhension et de travail. Je pense que tous mes collègues, notamment ceux de la commission, en seront d'accord avec moi.

Je vous demande donc, monsieur le président, de bien vouloir faire part, au nom de notre Assemblée et de mon groupe, de notre vive protestation au président de l'Assemblée nationale et au Gouvernement, pour qu'à l'avenir, nous puissions espérer pouvoir débattre dans la sérénité.

M. le président.

Monsieur Préel, tout cela a été décidé en conférence des présidents. Il y a eu des discussions, bien entendu, avec les présidents des différents groupes, y compris le vôtre. La décision d'examiner ce texte remonte à une dizaine de jours. Rien de surprenant donc si nous siégeons ce matin, comme nous avons siégé la nuit dernière, fort tard, pour terminer l'examen du projet de révision constitutionnelle en fonction du traité d'Amsterdam.

Malheureusement, tout cela est inhérent à la fin de la session parlementaire et à la charge de travail qui pèse sur le Parlement.

Quant aux fonctionnaires de l'Assemblée, et je m'associe évidemment à vous pour les féliciter et les remercier, chacun ici fait son travail, dans des conditions parfois difficiles.

En tout état de cause, je ne manquerai pas de faire état de votre remarque lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Un mot, monsieur le président. J'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt monsieur Préel, dont je connais la dextérité intellectuelle jointe à une parfaite connaissance des dossiers. Je sais donc qu'il est capable, en un temps très court, de bâtir les sous-amendements qu'il juge nécessaires, du reste, nous les connaissons, puisqu'il les a déjà largement évoqués en première lecture. En l'occurrence, je ne pense pas


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que nous puissions avoir la moindre surprise en la matière, ni venant de lui ni venant de nous. Il ne faut donc pas dramatiser la situation.

Il est vrai, au demeurant, que la commission travaille beaucoup. J'ai sous les yeux les statistiques de nos réunions de travail, et les chiffres sont impressionnants, puisque j'arrive à un total de 153 heures, bien au-delà des autres commissions.

A ce titre, je remercie les fonctionnaires de cette commission, en particulier les administrateurs, qui font un travail remarquable, dans des temps très courts, pour que les choses se passent au mieux et que les élus bénéficient du maximum d'information.

Sur le travail des députés, une remarque : nous sommes là pour ça ! Si nous travaillons beaucoup, c'est que se posent des problèmes urgents auxquels nous devons faire face. Nous n'en retirons aucun mérite, car nous avons été élus pour cela. Nous ne faisons que notre travail et notre devoir d'élus.

Pour ce qui est de la préparation des débats sur les lois de financement de la sécurité sociale, je suis de ceux qui considèrent qu'elles vont devenir un axe majeur du travail législatif, en particulier du travail de notre commission.

Or les conditions de cette préparation ne sont pas à la hauteur des enjeux, chacun en convient.

Comme je n'aime pas me contenter de protestations de principe, j'ai demandé l'accord du Bureau, et je l'ai obtenu pour mettre en place un groupe de travail qui c omprendra les quatre rapporteurs - M. Recours, M. Evin, Mme Dominique Gillot et M. Jacquat - plus un représentant de chaque groupe politique. Nous réfléchirons ainsi à une meilleure organisation d'un débat qui, je le crois, est tout à fait nécessaire. J'informerai, bien entendu, le président de l'Assemblée et le Gouvernement de nos propositions.

Ouverture de la discussion

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le président de la commission vient de parler d'or, en répondant à M. Préel qui bénéficie du soutien unanime...

M. Thierry Mariani.

De toute l'opposition ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse.

Elle n'est pas nombreuse...

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... de toute l'opposition. Deux députés, deux groupes (Sourires.)

Nous allons entreprendre l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant d'évoquer le texte tel qu'il vous est soumis, de retour du Sénat, je souhaiterais rappeler les objectifs majeurs autour desquels s'articulait le projet de loi initial et que votre Assemblée a enrichi sans en contrarier la logique. En deux mots, quels sont les objectifs de cette loi de financement pour 1999 ? Rétablir l'équilibre des comptes en 1999 sans augmenter les prélèvements, ni diminuer les prestations. Et à ceux qui, aujourd'hui, protestent ou, demain, protesteront, je pose une seule question : y a-t-il une autre méthode ? Elargir les possibilités d'actions, notamment celles des partenaires conventionnels, pour éviter les dépenses inutiles en matière de santé - beaucoup de travail reste à faire dans cette matière - et mettre en place des mécanismes d'ultime recours destinés à préserver, si nécessaire, l'assurance maladie.

Affirmer la priorité donnée à la prérennité de nos régimes par répartition, notamment en créant un fonds de réserve des retraites.

Construire une politique familiale rénovée, plus juste et plus solidaire ; améliorer, enfin, significativement la prise en charge des maladies professionnelles.

Ce texte a été profondément dénaturé lors de son examen par la Haute assemblée.

M. Jean-Luc Préel.

Amélioré !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Profondément dénaturé.

Ainsi la majorité sénatoriale qui ne s'est épargnée aucun paradoxe, a tout à la fois prétendu donner des leçons de rigueur de gestion et a multiplié les amendements qui dégradent les comptes. Si je comprends que la majorité sénatoriale soit prisonnière de ses contradictions, vous comprendrez que, pour le Gouvernement, une attitude comparable soit impossible. Construire une politique, c'est évidemment faire des choix, arbitrer entre des priorités.

C'est céder à la facilité que de s'exonérer de ce devoir de responsabilité en transférant quelques milliards de charges de la sécurité sociale vers le budget de l'Etat. La majorité sénatoriale a cédé à cet artifice et a repoussé les mesures d'économies inscrites dans ce texte.

Lorsque la majorité sénatoriale a cherché à démontrer sa rigueur, elle l'a fait sur des sujets qui laissent perplexes.

Ainsi on a entendu, lors du débat au Sénat, des propos accusateurs sur l'hôpital public, sur l'insuffisance de ses efforts d'adaptation et sur un prétendu laxisme de la politique hospitalière.

Contrairement à ces allégations contradictoires, l'adaptation de notre système hospitalier est en cours, plusieurs centaines d'opérations sont en cours. Il convient d'ailleurs de saluer, à ce titre, l'ensemble des personnels qui y concourent.

Ce n'est pas, comme le propose la majorité sénatoriale, en réduisant de 1 milliard l'ONDAM que nous la mettrons en oeuvre. Bien au contraire, c'est un effort réalisé au plus près du terrain, en élaborant des schémas d'organisation sanitaire adaptés aux besoins, en créant des réseaux de prise en charge de la périnatalité, de la lutte contre le cancer, demain du diabète, de la douleur chronique rebelle, des soins d'accompagnement de fin de vie, en poursuivant la définition de contrats d'objectifs avec les établissements. C'est cela la politique hospitalière que le Gouvernement entend poursuivre, si vous lui en donnez les moyens, notamment en réduisant les inégalités de dotations budgétaires entre régions et entre établissements.

En matière de médecine de ville, la majorité sénatoriale a refusé les évolutions qui sont nécessaires pour moderniser notre système de soins. J'ai apprécié qu'elle approuve la mise en place du fonds d'aide à la qualité mais je regrette qu'elle ait repoussé l'article qui visait à élargir les possibilités d'action des partenaires conventionnels, à leur permettre de mettre en place des filières et des réseaux et de développer la prévention, l'éducation sanitaire et l'évaluation indispensables.


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On ne peut prétendre défendre la politique conventionnelle, la maîtrise médicalisée et faire obstacle aux propositions qui concrétisent cette perspective.

S'agissant des mécanismes de sauvegarde économique, nous étions d'accord, je crois, pour considérer qu'ils doivent constituer des dispositifs « d'ultimes recours ».

Encore faut-il qu'ils soient vraiment des « recours ». La majorité sénatoriale nous a proposé un système censé individualiser la régulation. Mais en prévoyant de fixer des objectifs médecin par médecin, poste par poste, elle a inventé un monstre bureaucratique que chacun sait inapplicable.

On ne peut en appeler à la rigueur, proposer des diminutions de l'ONDAM et se priver de toutes les dispositions qui permettent d'aboutir au respect des objectifs votés par le Parlement.

Nous aurons, sans nul doute, un débat sur le médicament. Vous n'aviez pas souhaité en première lecture que le fait pour un laboratoire de passer une convention globale l'exonère de la clause de sauvegarde.

Nous sommes sensibles aux inquiétudes que vous avez exprimées sur la politique conventionnelle et nous vous proposerons donc un dispositif conventionnel rénové.

Ainsi, nous entendons accroître la cohérence entre la politique conventionnelle et les orientations définies en fonction de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Thierry Mariani.

Tiens...

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Chaque année à l'issue de nos débats, le comité économique recevra des orientations qui permettront de traduire dans les conventions les exigences formulées par le Parlement en matière de maîtrise de dépense ainsi que les priorités de santé publique qu'il aura définies.

Les prérogatives du comité économique seront renforcées. Si le Gouvernement fait de la voie conventionnelle une priorité, celle-ci doit s'inscrire dans notre politique structurelle du médicament.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Si l'évolution des dépenses, l'évolution scientifique ou leso rientations nouvelles fixées au comité économique l'exigent, le comité pourra modifier les conventions.

M. Claude Evin, rapporteur.

Voilà, nous avons été entendus !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Evidemment.

Le contenu même des conventions doit être enrichi, celles-ci ne se borneront pas à fixer des prix mais devront c omporter un ensemble cohérent d'engagements en matière de promotion - et je pense aussi à la formation médicale continue -, de recherche, de santé publique, de bon usage du médicament.

MM. Claude Evin, rapporteur et Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

Il vous a fallu deux lectures pour y réfléchir ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ainsi, seules les conventions d'un type nouveau signées après le 1er janvier 1999 pourront entraîner exonération de la clause de sauvegarde.

C'est donc un dispositif conventionnel profondément réformé que nous proposons de mettre en place.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance vieillesse.

Enfin.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Les exigences nouvelles formulées auprès des laboratoires qui souhaitent se conventionner, justifient que ces derniers soient soumis à un mécanisme de régulation, défini par leur propre convention, et par conséquent exclus du champ de la contribution générale.

En matière de retraite, j'ai bien entendu les appels de la majorité sénatoriale à une réforme profonde et rapide.

Elle s'est bien gardée toutefois d'en définir les modalités.

Nous avancerons sur ce dossier à notre rythme qui est celui du dialogue et de la concertation.

L'expérience de 1995 nous a clairement montré que l'activisme ne menait à rien. On ne peut faire évoluer notre système de retraite sans associer le plus largement possible les Français à la réflexion et à la décision.

Sur ce sujet, majeur pour notre pays, j'espère que nous pourrons avoir un débat et dégager des solutions en dépassant les clivages politiques.

Je me félicite à cet égard que la majorité sénatoriale, contrairement aux députés de l'opposition, ait approuvé le principe d'un fonds de réserve pour garantir les régimes par répartition.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est vrai.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Elle a malheureusement écarté des dispositions qui me paraissent essentielles notamment celles qui organisent le contrôle des partenaires sociaux sur ce fonds de réserve.

M. Pascal Terrasse.

C'était un amendement de l'Assemblée.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne peut suivre la Haute assemblée dans ses insuffisances et ses contradictions.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ah ça !

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la famille.

C'est évident !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Hélas ! Le Gouvernement souhaite en conséquence que, pour l'essentiel, soit rétabli le texte tel qu'issu de vos travaux de première lecture.

Au-delà, il vous sera proposé d'introduire dans ce texte, un droit à la cessation anticipée d'activité pour les victimes de l'amiante.

Lors de la première lecture, vous avez approuvé des dispositions visant à rouvrir les dossiers des victimes de l'amiante écartées de leurs droits en matière de maladie professionnelle par la prescription biennale.

En cohérence avec ces dispositions, le Gouvernement vous propose de franchir une nouvelle étape pour rendre justice aux salariés qui, après avoir été astreints à des tr avaux pénibles, sont maintenant fauchés par la maladie pour avoir inhalé sur leur lieu de travail de la poussière d'amiante.

Ainsi, les personnes atteintes de certaines maladies professionnelles liées à l'amiante pourront cesser leurs activités dès cinquante ans. Pour celles qui ont travaillé dans les établissements de transformation de l'amiante, un tiers des années d'activité passées dans le secteur de l'amiante sera déduit de l'âge légal de la retraite de soixante ans.


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Nous avons bien concience que nous ne traitons pas ainsi le cas de tous les salariés exposés à l'amiante. Le champ du dispositif est susceptible d'évoluer mais un éventuel élargissement doit se fonder sur des critères objectifs et nous avons besoin d'un délai supplémentaire d'expertise.

En votant ces dispositions, le Gouvernement vous invite à exprimer la solidarité de la collectivité nationale à l'égard des travailleurs de l'amiante. Je suis certain que sur l'ensemble de vos bancs, sur ce sujet, nous pouvons, en effet, prétendre à une unanimité qui restera de toute façon peu de chose comparée à leur douleur.

Cette disposition nous rappelle, s'il en était besoin, que les lois de financement de la sécurité sociale ne sont pas de simples lois comptables. Nous les concevons comme un moyen de consolider et d'approfondir les solidarités inscrites dans notre système de protection sociale.

La protection sociale ne se réduit pas à des flux financiers, à des mécanismes d'assurance, elle constitue un puissant vecteur de cohésion sociale, un outil majeur de solidarité.

C'est avec cette conviction que je souhaite largement partagée sur tous les bancs que je reprends avec confiance nos travaux sur la loi de financement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui se substitue au rapporteur de cette commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, monsieur le secrtaire d'Etat, mes chers collègues, il est difficile de se substituer à M. Alfred Recours. Mais celui-ci étant bloqué, je vais simplement essayer de le remplacer au pied levé.

M. Jean-Luc Préel.

S'agit-il d'un blocage du dos ? (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Préel, c'est moi qui ai la parole. Cela me rappelle des réunions de notre commission, etc.

M. le président.

Au point que je me demande ce que je fais ici ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

M. Préel est fondamentalement indiscipliné.

Je présenterai rapidement quelques remarques. Monsieur le secrétaire d'Etat, avec votre discours, l'essentiel a été dit. Je me bornerai donc à revenir sur votre dernière observation relative à la nécessité de consolider et d'approfondir la solidarité. Tel est bien l'objectif que nous visons dans ce débat.

L a commission mixte paritaire s'est réunie le 19 novembre. Elle n'a pu aboutir, à cause des divergences profondes constatées entre les deux assemblées, notamment sur le mécanisme de régulation des dépenses de médecine de ville, ainsi que sur la clause de sauvegarde applicable aux entreprises pharmaceutiques.

Je note, car vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est important - que le Sénat, contrairement à l'Assemblée, a donné son accord à la création d'un fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse, bien qu'il ait supprimé la ressource affectée à ce fonds.

Lors de sa réunion destinée à examiner le texte en nouvelle lecture, la commission est revenue pour l'essentiel au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Je voudrais cependant signaler un certain nombre de points sur lesquels nous avons accepté les propositions du Sénat. Ces acceptations s'ajoutent aux seize articles votés conformes par le Sénat, ce qui prouve tout de même que le travail de la Haute assemblée a rejoint sur bien des points celui de l'Assemblée nationale.

Les points sur lesquels nous avons accepté les propositions du Sénat sont les suivants.

L'extension de l'exonération totale de cotisations patronales aux associations prestataires de services d'aide à domicile relevant du régime agricole.

L'absence de déduction au profit du Trésor public pour frais d'assiette sur la CSG portant sur les revenus du patrimoine. Nous regretterions beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat que, s'agissant d'un texte voté et par l'Assemblée et par le Sénat, le Gouvernement ne tienne pas compte de la volonté des législateurs. Nous savons bien que vous subirez des pressions pour revenir sur ce point mais je connais suffisamment votre courage et votre volonté politiques pour savoir que vous nous suivrez.

M. Jean-Luc Préel.

Que l'on me permette de souligner l'arrivée de M. Recours, qui a enfin été débloqué !

(Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Recours, je ne vous ai pas remplacé, je vous ai simplement suppléé en votre absence provisoire.

Autres points d'acceptation : Le mode de calcul de la taxation sur les prémix ; la taxe de santé publique sur les tabacs affectée à la CNAM, qui, dans la version du Sénat, rapporterait 1,4 milliard de francs supplémentaires et serait affectée à la seule CNAM.

Nous en débattrons.

En revanche, nous nous sommes opposés à un certain nombre d'initiatives du Sénat telles que le maintien à dix et quinze ans des majorations des allocations familiales ou le rappel des dispositions relatives à la compensation intégrale des exonérations de charges sociales par l'Etat.

Pour le reste, nous sommes donc revenus aux dispositions adoptées par l'Assemblée en première lecture. Nous pourrons les commenter à l'occasion de l'examen de chaque article, ce qui permettra à M. Alfred Recours de compléter les quelques remarques que j'ai pu faire à cette tribune.

Je voudrais, pour terminer, souligner deux points particuliers.

V ous avez évoqué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement concernant les travailleurs de l'amiante, qui sera déposé par le Gouvernement, et nous nous en félicitons. Cela traduit un souci de consolider et d'approfondir la solidarité. Vous avez ajouté qu'il faudra réfléchir au champ d'application de la mesure et voir quels sont les salariés concernés. C'est un point sur lequel nous débatt rons avec le Gouvernement. Je vous signale, par exemple, que les dockers de Dunkerque ont, depuis vingt ans, porté sur leur dos 70 % du tonnage d'amiante utilisé en France, et ce dans des conditions de non-protection totale...

M. Claude Evin, rapporteur.

Absolument !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... l'amiante étant transporté dans des sacs de jute, éclatés, voire dans des filets. C'est une situation catastrophique, invraisemblable, dont les conséquences sont dramatiques.

L'amendement proposé par le Gouvernement constitue donc incontestablement une avancée. Mais, comme vous l'avez souligné vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat,


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nous devrons travailler ensemble pour prendre en compte des situations qui, pour le moment, ne sont pas encore prises en compte et qui sont socialement et humainement catastrophiques.

Le deuxième point que je voudrais souligner est relatif au problème de la clause de sauvegarde concernant l'industrie pharmaceutique. Nous aurons l'occasion, en faisant appel à toute l'autorité de M. Claude Evin, de revenir sur ce point très précis.

Pour ma part, je trouve que l'on parle un peu trop de l'industrie pharmaceutique. Un peu de sagesse en la m atière serait certainement souhaitable. Mais nous sommes convaincus que, compte tenu de la pression exercée par notre assemblée, nous pourrons aboutir, avec le Gouvernement, à une situation satisfaisante qui permette d'allier la rigueur indispensable dans la maîtrise des dépenses de médicaments avec le souci que nous avons de développer la politique contractuelle.

Le travail que nous avons réalisé ensemble doit trouver un aboutissement raisonnable, maîtrisé, qui permette d'allier rigueur et volonté de développer une politique contractuelle. Mais croyez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'Assemblée tout entière, M. Claude Evin et moi-même seront très vigilants sur l'ensemble de ces données.

Un excellent travail a été effectué en première lecture.

La commission des affaires sociales a eu la volonté d'affirmer ses positions. Nous préparons la deuxième lecture dans de bonnes conditions. Nous savons que le débat s'organisera à partir de quelques points que vous avez vous-même soulignés, monsieur le secrétaire d'Etat, et que j'ai repris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme mon collègue Préel l'a souligné, c'est une fois encore dans la précipitation la plus totale, sans que nous ayons eu le temps d'étudier dans l'heure et demie qui a précédé l'ouverture de cette séance les rapports de la commission, sans qu'aucune concertation avec les associations et les professionnels ait pu être organisée, que nous nous apprêtons à légiférer en nouvelle lecture - de fait la dernière - sur le financement de la sécurité sociale pour 1999.

C'est ainsi que nous allons devoir trancher et prendre des décisions sur un budget supérieur à celui de l'Etat en quelques heures, alors que le projet a été modifié sur plusieurs points essentiels entre son premier passage dans notre assemblée et son retour du Sénat.

Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, c'est inadmissible. Le rythme de nos travaux s'est emballé depuis le mois de septembre dans des proportions qui, à l'évidence, ne nous permettent plus de remplir convenablement notre mission. L'ordre du jour de notre assemblée est sans cesse modifié, nous recevons les convocations au dernier moment, nous siégeons de nuit dans des conditions qui tiennent plus de l'épreuve sportive d'endurance que du travail législatif. Bref, nous donnons une image du Parlement qui n'est pas à la hauteur des prérogatives qui nous ont été confiées.

C'est ainsi que certains de nos collègues, je pense tout particulièrement à Bernard Accoyer, ne pourront assister à ce débat faute d'avoir pu concilier leur emploi du temps avec la frénésie législative que vous nous imposez.

M. Marcel Rogemont.

Dites à Mme Boutin de parler moins, cela nous fera gagner du temps !

M. Thierry Mariani.

Messieurs les ministres, ce n'est pas en menant au pas de charge vos réformes que vous parviendrez à les rendre acceptables aux yeux de nos concitoyens. Ainsi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 restera comme celui des occasions perdues et des mauvaises surprises.

Le projet des occasions perdues, d'abord. Cela est particulièrement vrai pour la branche vieillesse comme l'an passé : ce projet ne permet de résoudre strictement aucune des difficultés et ne fait que gérer à courte vue la pénurie, sans aucune perspective d'avenir. Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est bien de l'avenir de notre système de retraite, de sa pérennité et de son amélioration qu'il faudrait parler aujourd'hui.

Il est plus que temps de prendre des mesures fortes, qui aillent au-delà du symbole, d'une part, pour assurer, aux actuels retraités des pensions décentes, d'autre part, pour garantir aux actifs d'aujourd'hui qu'ils percevront, demain, des moyens de subsistance leur permettant de vivre dignement. De tout cela, il n'est pas question dans votre projet. Vous vous contentez de symboles et de déclarations de bonnes intentions. Nous l'avons dit en première lecture, ce n'est pas sérieux.

Comment pouvez-vous fonder, comme vous le faites, votre politique de défense de notre système de retraites par répartition sur l'unique création d'un fonds de 2 milliards de francs ? Comment comptez-vous expliquer à nos concitoyens que vous ne parvenez à débloquer que 2 milliards de franc pour prétendument sauver les retraites par répartition, alors que vous trouvez dans le même temps 8 milliards au bas mot pour financer votre projet de PACS ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Oh !

M. Thierry Mariani.

C'est la réalité, madame Gillot ! Mme Dominique Gillot, rapporteur.

C'est un mensonge !

M. Thierry Mariani.

Il y a quatre fois plus d'argent pour le PACS que pour les retraites !

M. Marcel Rogemont.

Essayez de parler quatre fois moins !

M. Thierry Mariani.

Si vous ne m'interrompez pas, je vais m'y efforcer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce ne sont pas deux, huit, dix ou même cent milliards qu'il faudrait provisionner, et vous le savez très bien, car c'est au minimum 300 milliards qui manqueront, à terme, pour financer les pensions de la génération du baby-boom quand celle-ci aura cessé de travailler.

Combien de colloques, de symposiums, de rapports et d'études faut-il encore pour que vous preniez enfin conscience de ce que chacun sait aujourd'hui dans notre pays, à savoir que nous ne pourrons plus continuer comme auparavant et que nos systèmes de retraite, y compris les régimes spéciaux, doivent être profondément réformés si nous voulons qu'ils perdurent ? En temporisant comme elle le fait, les décisions qui s'imposent, en refusant de prendre ses responsabilités, la majorité plurielle entraîne la France, et les retraités en particulier, dans une spirale infernale dont il sera quasiment impossible de sortir.

Quelles sont les solutions ? Vous les connaissez. Mais il est vrai qu'il faut du courage pour les mettre en oeuvre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Il convient d'abord d'assortir nos régimes de retraite d'un volet reposant sur la capitalisation. Il est nécessaire de revoir les régimes spéciaux sans a priori, sans tabous, et en se gardant bien des idées reçues.

Je considère que la capitalisation et l'instauration de fonds de pension sont inévitables. En effet, le système français de retraites par répartition à deux étages retraite de base et retraite complémentaire - auquel nous sommes tous très attachés, ne suffira pas à donner aux futurs retraités des pensions leur permettant de vivre dignement, sauf à augmenter les cotisations des actifs d'une manière insupportable, ce que personne n'envisage sérieusement. Dès lors, il s'agit de savoir si nous sommes capables, de façon collective, de mettre en place un troisième étage basé sur la capitalisation, ou si nous préférons, en ne faisant rien, laisser à chacun de nos concitoyens le soin de se constituer individuellement un capital pour ses vieux jours.

Où se situe l'équité entre la position des tenants du système « tout répartition », système qui, nous le savons, ne permettra pas d'assurer des pensions convenables à tout le monde et laissera un nombre important de nos concitoyens sur le bord de la route, et la position de ceux qui souhaitent, comme nous, organiser un système de capitalisation venant en appui des régimes de base par répartition, afin d'assurer justement la pérennité de ces derniers ? Chacun sait que se pose à moyen terme la délicate question de l'ajustement des régimes spéciaux de retraite.

Déjà en 1991, le Livre blanc avait mis l'accent sur ce problème. Or rien n'a été fait depuis.

Je voudrais dès à présent tordre le cou à une idée reçue qui consiste à penser que parler des régimes spéciaux revient à montrer du doigt leurs bénéficiaires, en particulier les fonctionnaires. Il n'en est rien. En effet, le rapport Briet montre bien que le besoin de financement du régime des fonctionnaires de l'Etat s'élèverait, à législati on inchangée, à vingt points supplémentaires de cotisation à l'horizon 2015, et même à trente points de cotisations supplémentaires pour le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

Ne pas se préoccuper de cette situation et se masquer la face comme vous le faites, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est aller contre l'intérêt des bénéficiaires de ces régimes qui ne resteront pas à l'abri des évolutions démographiques attendues.

De plus, il convient de s'interroger sur ces régimes spéciaux en termes d'équité. Comment en effet concevoir le statu quo qui préside en la matière, alors que les assurés des régimes spéciaux bénéficient pour la plupart d'un statut nettement plus favorable que celui du régime général ? Comment concevoir que les efforts consentis par les salariés du privé ne puissent pas s'accompagner d'un même effort fourni, cette fois, par les personnels du secteur public, alors que les premiers ont vu s'accroître de façon importante tant la période de détermination du salaire de référence que le nombre des années de cotisation ? En un mot, ce qui est désolant dans votre projet, c'est son manque de courage, son manque de perspectives pour l'avenir et son manque de concordance avec la réalité.

J'en ai fini avec le chapitre des occasions perdues, et je souhaiterais maintenant m'attaquer à celui des mauvais coups que nous réserve votre projet.

Mauvais coup d'abord pour les retraités, mais cette fois-ci pour les actuels retraités, du fait de votre politique de matraquage fiscal que l'opposition a dénoncée de multiples fois. Nombreux sont nos concitoyens qui ont acquis pendant leurs années d'activité un capital leur permettant aujourd'hui de compléter des pensions souvent modestes qui ne leur suffiraient pas pour vivre convenablement. En vous attaquant à l'épargne comme vous le faites, vous vous attaquez principalement aux retraités, ce qui est d'autant plus choquant que vous avez renoncé aux promesses que vous avez faites durant la campagne électorale, en particulier à l'indexation des pensions de retraite sur les salaires et non sur les prix. Vous ne pouvez pas à la fois imposer toujours plus les retraités, notamment avec la CSG, leur demander sans cesse des efforts supplémentaires, les priver de pouvoir d'achat et décourager l'épargne ! Les quelque 100 000 retraités qui sont descendus dans la rue le 22 octobre dernier vous l'ont rappelé avec force.

Cela a-t-il servi à quelque chose ? A la lecture de votre texte, on peut penser que non, puisque, quelques jours à peine après cette manifestation, le Gouvernement a demandé le retrait d'un amendement voté à l'unanimité par notre assemblée qui visait à surseoir à la baisse du plafond de l'abattement de 10 % qui était réservé aux retraités.

Mauvais coups ensuite pour les médecins libéraux.

Vous instaurez dans l'article 21 une clause de sauvegarde qui institue un mécanisme de régulation purement comptable des dépenses, reposant sur des lettres clés flottantes en cours d'année et des reversements collectifs en fin d'année.

Que prévoit très précisément votre dispositif ? V ous procédez à une refonte complète de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, qui fixe le mécanisme de régulation opposable aux médecins en cas de dépassement de l'objectif de dépenses médicales.

Ce mécanisme de régulation comptable que vous proposez comporte deux volets principaux. Le premier décrit le dispositif des lettres clés flottantes applicable en cours d'année. Celui-ci devra être mis en oeuvre par les parties conventionnelles lorsque, au quatrième ou au huitième mois de l'année, elles constatent une évolution des dépenses incompatible avec le respect de l'objectif. Mais il y a là une incompatibilité entre l'obligation objective faite aux parties et l'appréciation, qui peut être subjective, de l'évolution des dépenses en cours d'année. En effet, si les parties conventionnelles estiment que l'évolution des dépenses est compatible avec le respect de l'objectif, mais que tel n'est pas le sentiment du Gouvernement, celui-ci fixe de nouvelles valeurs aux lettres clés par arrêté ministériel. C'est ainsi que les médecins seront placés, une fois encore, devant le fait accompli.

Mes chers collègues, c'est encore à une vision bien particulière de la négociation que nous sommes confrontés.

En effet, il est probable que l'essentiel de la régulation des dépenses médicales se fera par l'intermédiaire de ce mécanisme de lettres clés flottantes. Ce sera particulièrement vrai pour les médecins spécialistes. On peut très bien imaginer que les spécialités dont l'évolution des dépenses sera raisonnable exerceront une forte pression pour obtenir une baisse de la rémunération des spécialités dont la progression des dépenses sera élevée, afin de permettre le respect de l'objectif en fin d'année.


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C'est ainsi que, si la baisse des lettres clés ne devait pas suffire à assurer le respect de l'objectif, certains spécialistes paieraient deux fois. Une première fois avec la baisse de leur rémunération et une seconde fois avec les reversements collectifs en fin d'année.

Avec ce genre de mesures vous poussez les médecins au désespoir. Il n'y a pas d'autres termes. La grève annoncée de quinze jours des généralistes et des spécialistes pour la fin de l'année traduit à cet égard le désarroi de ces professionnels. Ils refusent en effet de payer de leur poche les soins dont les Français ont besoin.

Cette année, de nouvelles pathologies comme la sclérose en plaques, la maladie d'Alzheimer et le SIDA ont fait l'objet de nouveaux traitements. Ces traitements sont un progrès considérable pour les malades concernés, mais votre système amènera désormais les médecins à traiter ces maladies d'une façon économique. Est-ce cela que vous recherchez vraiment ? Vous ne pouvez pas tout mélanger. Chaque spécialité doit bénéficier d'un taux d'évolution qui lui soit propre.

Vous ne pouvez pas limiter de la même manière les dépenses liées à la cardiologie et les dépenses liées à l'exercice de la rhumatologie. Votre projet me semble aberrant sur ce point.

A partir de ce constat de bon sens nous réclamons à nouveau l'instauration d'un ONDAM propre à chaque spécialité. C'est possible, une trentaine de déclinaisons suffiront. Il s'agit tout simplement, là aussi, d'une question de volonté et d'équité. L'équité, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est tenir compte de la situation de chacune des spécialités concernées ; ce n'est pas niveler de la même manière pour tous l'évolution des dépenses de santé. Votre projet, relève du collectivisme à l'état pur. Il est vrai que vous ne faites là qu'appliquer les bonnes vieilles recettes socialistes que nous connaissons bien et dont nous avons vu le résultat.

Mauvais coups toujours pour les médecins, avec les modifications des critères d'attribution de l'allocation de remplacement en cas de cessation d'activité des médecins - MICA. Selon l'article 19 de votre projet cette allocation ne pourra être accordée que pour certaines zones géographiques d'exercice et pour certaines spécialités, et elle pourra être modulée selon ces critères. Nous ne pouvons souscrire à une telle restriction sur une mesure qui a montrée toute son efficacité et qui est fort appréciée des praticiens. Il convient donc de retarder l'entrée en vigueur de cet article, comme nous le proposons. On ne change pas les règles du jeu en cours de route ! Mauvais coup ensuite, pour l'emploi à domicile, avec l'article 3 bis qui limite à 180 heures l'exonération de charges patronales pour l'embauche de gré à gré d'un salarié à domicile par une personne de plus de soixantedix ans.

Mauvais coup enfin, pour l'industrie pharmaceutique qui devra payer toujours plus. En effet, cette dernière fait tout particulièrement les frais de la maîtrise uniquement comptable des dépenses de santé que vous avez décidé de mettre en oeuvre après le plan Juppé.

S'il est légitime que les laboratoires contribuent, au même titre que les assurés sociaux, à l'effort de limitation des dépenses de santé, il ne faut pas pour autant oublier que l'industrie pharmaceutique est avant tout une industrie. Cette constatation, qui peut sembler triviale au premier abord, mais dont vous ne semblez pas vouloir tenir compte, n'est pas sans importance. En effet, elle implique que l'industrie pharmaceutique puisse bénéficier, comme les autres industries de notre pays, d'une lisibilité à long terme et d'une sécurité juridique en ce qui concerne les règles de contribution qui lui seront appliquées d'une année sur l'autre. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui, loin s'en faut.

En effet, chaque année, avec la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les laboratoires attendent de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Cette année, c'est avec une pression que chacun connaît que vous avez négocié le paiement de la contribution de 1,8 milliard de francs que vous leur réclamez. Le choix était simple : payer ou bien encore payer. Payer en acquittant la note que vous leur avez présentée quelques semaines avant le début de nos débats. Payer en application de l'article 26 que vous avez retiré et qui institue une contribution au titre de l'année 1998. Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quels étaient les termes de votre politique conventionnelle prétendument basée sur la négociation.

Pour 1999, vous imposez à l'industrie du médicament un taux d'évolution de 2,6 %, conformément au taux d'évolution de l'ONDAM, alors que le taux normal d'évolution, si l'on tient compte du vieillissement de la population, des progrès techniques et de l'inflation, devrait être de 5,5 % au minimum. C'est ainsi que les laboratoires devront vous ristourner au bout de quelques mois ce qui dépassera du taux que vous avez fixé arbitrairement.

Sous la pression, vous vous apprêtez, semble-t-il, à supprimer la clause de sauvegarde de l'article 25. Tant mieux ! Cependant, chacun est bien conscient que si dépassement il y avait, reversement il y aurait. Cette politique n'a aucun sens, car elle n'est en aucun cas conforme à la réalité.

Si vous promouviez réellement les génériques en faisant sauter le carcan réglementaire et législatif qui bride leur développement, notamment la taxe sur les ventes directes, si vous établissiez une rémunération correcte pour le pharmacien, vous pourriez économiser quelques milliards sans pour autant léser la santé de nos concitoyens. Si vous réformiez la distribution, qui représente environ 50 % du prix public du médicament, vous gagneriez des marges de manoeuvre. Si vous évaluiez vraiment les médicaments utiles et ceux qui ne le sont pas, pour établir un meilleur remboursement à des prix européens, ici encore vous parviendriez à dégager des marges qui pourraient vous éviter d'avoir à prendre des mesures irréalistes. Mais tout cela, pour le moment, vous ne le faites pas.

Alors, quel est le résultat concret de votre politique ? Il n'y a plus un seul laboratoire français dans le peloton de tête des grands. Les laboratoires étrangers n'ont plus intérêt à venir faire de la recherche en France, ne serait-ce que parce que le prix à l'export est basé sur le prix français. Des investissements considérables vont être transférés sous des cieux plus accueillants, faisant de notre pays un simple territoire de comptoir de vente pour les firmes multinationales. Non, décidément cette politique ne mène à rien. Notre pays doit demeurer une terre d'innovation et de progrès et vous le condamnez à la stagnation, ou pis, à la régression. De plus en plus de produits essentiels, ayant reçu des ASMR 1, 2 et 3, ne sont pas remboursés. C'est grave ! Et je ne parle pas bien sûr du viagra, du xénical ou d'autres produits pour lesquels on peut effectivement discuter de la nécessité d'une prise en charge.

Pour en sortir, outre les réformes de fond que je préconisais à l'instant, il n'y a pas d'autre solution que de f ixer conventionnellement les taux d'évolution des dépenses de l'assurance maladie par spécialité ou groupe


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de spécialités pharmaceutiques. Le problème est le même que pour les médecins. De la même manière que l'on ne peut traiter les évolutions de dépenses des différentes spécialités médicales de façon similaire, on ne peut pas appliquer aux différentes spécialités pharmaceutiques le même taux d'évolution.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

Il me paraît donc indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat, de créer un ONDAM spécifique à l'industrie pharmaceutique, qui serait ensuite décliné par spécialité ou groupe de spécialités pharmaceu tiques. Bien entendu, cela demande du temps, cela impose un réel travail d'évaluation. Mes chers collègues, une telle solution serait à la fois une source d'économie pour les comptes sociaux et un réel progrès en termes de santé publique.

Enfin, et j'en terminerai par là, il me semble indispensable dès cette année d'exclure des contraintes liées aux taux d'évolution des dépenses de santé les médicaments remboursés à 100 % par les caisses d'assurance maladie.

En effet, ces derniers ne sont pas pris en charge pour rien. C'est en fonction de leur utilité thérapeutique nous pensons tous aux trithérapies - qu'ils sont intégralement pris en charge. Pour des raisons de santé publique, un geste dans ce sens paraît s'imposer.

Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire au nom du groupe du RPR à l'occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Permettezmoi un fois encore de m'élever contre nos conditions de travail, qui ne sont pas les meilleures pour étudier sérieusement un budget supérieur à celui de l'Etat.

M. Jean-Luc Préel.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, à l'issue de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale j'avais exposé les raisons pour lesquelles ce texte demeurait insatisfaisant aux yeux du groupe communiste. Cela tenait fondamentalement au manque de moyens dégagés pour répondre aux besoins de toute la population. Regrettant le retard pris par les états généraux, nous avions souligné la nécessité de réaliser d'urgence un travail collectif avec les citoyens.

Cette appréciation n'a pas changé. Je dirai même que l'actualité vient trop souvent la conforter.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

Je ne reviens pas sur nos propositions d'un financement plus juste et plus efficace de la protection sociale, qui devrait faire l'objet d'un des débats importants du prochain semestre. Ainsi, alors que le premier des forums régionaux annoncés par le secrétaire d'Etat dans le cadre des états généraux ne s'est pas encore tenu, des décisions de suppression sont prises sans concertation préalable avec tous les intéressés. Je parle, bien entendu, d'une concertation réelle, contribuant concrètement à l'élaboration des décisions de suppressions et de créations, donc des moyens financiers engagés. C'est une question qui nous préoccupe puisqu'elle ne figure pas parmi les thèmes prévus pour ces forums. Force est de constater que, pour le moment, la manière dont s'élaborent et se prennent les décisions, qu'il s'agisse des états généraux ou de l'organisation sanitaire et sociale, n'est pas satisfaisante.

Je me permets cette appréciation à partir de plusieurs expériences précises, et particulièrement celle que je vis actuellement en direct avec l'hôpital de Nanterre. Elle illustre l'écart entre les objectifs annoncés, les méthodes utilisées et les moyens dégagés pour les atteindre. La loi contre les exclusions réaffirme et renforce le rôle social de l'hôpital. Cette démarche est juste, car elle contribue à offrir à chaque patient les soins dont il a besoin en fonction de son état de santé et non de son origine sociale.

L'activité de soins et d'accueil de l'hôpital de Nanterre est à cet égard exemplaire depuis bien des années, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat. L'action courageuse des médecins et des personnels de cet établissement mérite d'être saluée et soutenue. C'est pourquoi la suppression du scanographe qui vient d'être annoncée sans concertation n'est pas acceptable. Au nom de la coopérat ion légitime avec son voisin Louis-Mourier de Colombes, on ne peut ainsi sacrifier l'hôpital de Nanterre, qui depuis tant d'années reçoit les plus démunis.

Cette activité sociale ne peut se faire au détriment de la qualité et des soins aigus qu'il dispense. Si tel était le cas cet hôpital risquerait de redevenir l'hospice qu'il était au siècle dernier et que nous avons tous essayé de modifier.

Les 87 000 habitants de la ville préfecture, le campus universitaire qui accueille 36 000 étudiants, les salariés de La Défense, l'aménagement prévu de l'Arche à la Seine sont autant d'éléments qui justifient amplement que l'hôpital de Nanterre dispose d'un scanographe. Le cas que j'évoque n'est malheureusement pas unique, même s'il prend une signification particulière compte tenu du passé de cet établissement et des efforts réalisés.

Plus généralement, l'inquiétude est profonde et légitime dans l'ensemble de la communauté hospitalière. Les établissements auront-ils les moyens d'assurer leurs missions, y compris les missions nouvelles qui leur sont confiées ? La réponse réside pour une part dans la répartition régionale de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Nous ne la connaissons pas à cet instant.

Peut être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous l'indiquer aujourd'hui ? Ce serait utile. Je crains cependant que la déclinaison régionale, si elle doit aider à combler les inégalités existantes, n'en fasse apparaître d'autres. En effet, les moyens dégagés sont insuffisants et le resteront tant que ne seront pas envisagés de nouveaux modes de financement, notamment à l'occasion de lar éforme des cotisations patronales qui nous paraît urgente. C'est pourquoi nous tenons à ce que le texte mentionne son examen au premier semestre de l'année prochaine, ainsi que celui de plusieurs autres points sur lesquels notre débat avait permis d'améliorer le texte initial.

Ces améliorations ont pour l'essentiel été supprimées par la majorité de droite au Sénat. Celle-ci a également réduit l'objectif national des dépenses de santé, ce qui ne nous étonne pas puisque nous avons ici entendu ses représentants se réclamer du plan Juppé sans regrets et sans états d'âme ! Notre groupe souhaite vivement que ces améliorations soient rétablies.

Il s'agit notamment de l'engagement d'abroger la loi Thomas que nous avions inséré à l'article 1er et que la droite a supprimé. C'était bien sûr compréhensible puisque c'était son projet, les fonds de pension venant concurrencer la retraite par répartition. Elle n'y a pas renoncé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Il s'agit encore de la possibilité pour les centres de santé de participer aux campagnes de prévention et de soins bucco-dentaires en direction des jeunes sans les enfermer en contrepartie dans le carcan d'une maîtrise comptable des dépenses de santé.

A l'article 2, il nous paraît indispensable de rétablir la participation des partenaires sociaux à un comité de surveillance du fonds de réserve.

De même, le dispositif favorisant la professionnalisation des aides à domicile que nous avions adopté en première lecture doit être rétabli. Nous avons entendu les précisions de Mme la ministre concernant les CCAS et les CIAS. Nous souhaitons toutefois que le texte précise explicitement que ces dispositions s'appliquent également à ces organismes.

S'agissant des clauses de sauvegarde, nous maintenons notre refus de voir peser sur les médecins de ville un système de reversement justifié par la seule nécessité de contenir leurs dépenses dans une enveloppe définie à l'avance, en fonction de critères comptables et non en fonction d'une évaluation rigoureuse et collective des besoins selon les lieux et conditions d'exercice.

En revanche, il nous semble indispensable que l'industrie pharmaceutique, qui bénéficie largement de la protection sociale, contribue à son financement. Elle en a les moyens. Le médicament n'est pas et ne doit pas être un produit traité selon les seules règles habituelles du marché. Nous avons trop vu certaines de ces entreprises, et non des moindres, mettre fin à des recherches aboutissant à des résultats utiles au plan sanitaire, mais considérées comme insuffisamment rentables ou s'adressant à des pays réputés « non solvables ». Nous les voyons aussi renoncer à demander le remboursement d'un médicament pour pouvoir en fixer le prix à leur guise, au mépris de ceux qui n'auront pas les moyens de le payer. Dans ce domaine, plus encore qu'ailleurs, ce qui doit nous guider, c'est d'abord l'intérêt des citoyens.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons évidemment pas accepter le texte tel qu'il a été adopté par la majorité de droite au Sénat. Un retour au texte adopté par notre assemblée en première lecture sur lequel, je le rappelle, notre groupe s'était abstenu en raison des insuffisances que j'ai soulignées au début de mon propos, constituerait la base minimale permettant de répondre aux préoccupations que j'ai évoquées. C'est en poursuivant cet objectif et en tentant d'améliorer un texte largement perfectible, que nous participerons à ce débat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'Etat, ce texte revient donc en deuxième lecture devant notre assemblée.

Il a été heureusement modifié, amélioré par la sagesse sénatoriale. Les sénateurs ont en effet exprimé des remarques opportunes et fait des propositions adéquates.

Au lieu de vous en réjouir et d'en tirer profit, vous semblez vouloir revenir pour l'essentiel au texte voté en première lecture par notre assemblée, que nous avions critiqué sévèrement. Ces critiques portaient pour l'essentiel sur les prévisions de recettes et de dépenses - ce sont des critiques majeures s'agissant d'une loi de financement - et sur le fait que vous ne préparez pas l'avenir.

Vos prévisions de recettes sont optimistes. Elles ont en effet été calculées sur une prévision de croissance de 2,7 %, chiffre retenu au printemps avant la crise du SudEst asiatique et la crise russe. Vous n'avez pas intégré ces modifications pourtant fondamentales. Hier, l'INSEE a publié des prévisions d'investissements qui sont hélas ! très pessimistes. Nous espérons que la croissance restera forte mais, lorsque l'on fait des prévisions, il faut être réaliste. Or vos prévisions de recettes sont calculées sur une augmentation de la masse salariale de 4,3 %, alors même que sont engagées des négociations pour l'application de la loi sur les trente-cinq heures qui vous tient tellement à coeur et que, dans cette perspective, les chefs d'entreprise, vous le savez bien, ne sont guère enclins à augmenter les salaires, au contraire. Des augmentations extrêmement modestes sont prévues pour les prochaines années. Nous sommes donc très inquiets car vos prévisions de recettes nous paraissent très optimistes.

En revanche, il est un domaine où l'Etat pourrait se montrer volontariste : partout où il est employeur, financeur et débiteur. Pour aider au financement de la sécurité sociale, vous devriez vous engager clairement à compenser intégralement les exonérations de charges décidées par l'Etat. Vous savez qu'il reste 17 milliards de francs non compensés, datant d'avant la loi de 1994. Compensez-les et la protection sociale disposera de moyens fort utiles et retrouvera de véritables marges de manoeuvre.

Le Sénat a voté des amendements, contre lesquels vous vous êtes battus, tendant à compenser les exonérations lorsque vous modifiez sensiblement un dispositif antérieur à la loi de 1994 - c'est le cas notamment pour les associations de maintien à domicile. Ces amendements visaient à la compensation intégrale des exonérations liées aux trente-cinq heures. Il semble que vous souhaitiez en demander la suppression. Que M. Dominique StraussKahn le demande, je le comprendrais. Mais que vous, qui devez garantir le financement de la protection sociale, le fassiez m'étonne tout particulièrement.

L'Etat, en outre, devrait payer son dû sans atermoiements. Il paie pourtant incomplètement et avec retard le RMI, l'ARS notamment, mettant ainsi à la charge de la protection sociale des agios et des intérêts tout à fait anormaux.

Au niveau des recettes, je rappellerai enfin que le basculement des cotisations maladie vers la CSG a permis de prélever, en 1998, 23 milliards sur le capital.

Les revenus de placement sont donc taxés, aujourd'hui, à 10 %. Certes, il y a, comme vous le pensez, de gros capitalistes. Mais beaucoup de retraités, notamment agricoles ou commerçants, compte tenu de la modestie, pour ne pas dire plus, de leur retraite, vivent de leur épargne.

Ils ont reçu, incrédules, leur feuille d'appel de la CSG pour 10 %, soit 23 milliards.

M. Jean-Luc Préel.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

Les invalides et quelques autres n'ont pas encore compris, d'autant qu'ils vous ont entendue à plusieurs reprises expliquer que l'équilibre était en vue sans nouveau prélèvement. Vous répétez sans cesse que, contrairement au gouvernement précédent, il n'y a pas de nouveau prélèvement. Or, il y a un nouveau prélèvement de 23 milliards.

Vos prévisions de recettes sont donc optimistes. Vos prévisions de dépenses également. En effet, alors que les prévisions de la branche maladie et de la branche retraite seront sans doute tenues, nous avons les plus grands doutes pour la santé et le médico-social, avec des progressions de 2,6 % pour l'ONDAM et de 3,20 % pour le médico-social.

En effet, si l'ONDAM paraît généreux, les 2,6 % s'appliquent, en réalité, aux prévisions de 1998 et non aux dépenses réalisées. L'augmentation, pour certains, sera donc négative, donc intenable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Mais notre critique essentielle porte sur le fait que vous ne préparez pas l'avenir.

Pour la famille, qui est le socle de notre société, vous ne nous proposez pas de politique globale, qui serait indispensable à l'avenir du pays. Certes, après avoir défendu avec vigueur et moult arguments la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, il y a un an -, cela avait occupé l'essentiel de nos débats, rappelez-vous en -, reconnaissant votre erreur, vous rétablissez l'universalité. Mais comme vous ne voudriez pas avoir l'air trop généreux, vous abaissez le quotient familial.

Résultat : vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre, pénalisant 400 000 familles - pas tout à fait les mêmes, il est vrai, mais tout de même ! Vous prolongez d'un an le droit aux allocations familiales, ce dont nous nous réjouissons ; mais, selon le même principe, vous repoussez d'un an la majoration pour âge de dix à onze ans, de quinze à seize ans, récupérant ainsi 1,8 milliard.

Vous annoncez, en juin 1998, l'élargissement de l'allocation de rentrée scolaire aux familles n'ayant qu'un enfant. Bravo, mais après avoir soulevé l'espoir, vous repoussez la mesure d'un an.

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Oh, ce n'est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel.

Si, c'est vrai ! Annoncée en juin, prévue en 1999 : c'est la réalité.

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Il a toujours été dit qu'elle serait applicable en 1999 !

M. Jean-Luc Préel.

Vous ne prévoyez rien, cette année, pour commencer à simplifier les quelque vingt-trois prestations ou allocations familiales, simplification pourtant demandée depuis longtemps par les représentants du mouvement familial.

Je n'évoquerai pas le PACS.

Mme Dominique Gillot, rapporteur, et Mme Martine David.

Ce n'est pas la peine ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Mais j'insisterai sur le fait que vous ne souhaitez pas être aussi généreuse pour les familles que p our les retraités, établissant ainsi une différence incompréhensible dans les revalorisations de 0,5 %. Ce qui est valable pour nos anciens devrait l'être tout autant pour les familles.

Préparez-vous l'avenir des retraites ? Alors que chacun sait, grâce à de très nombreux rapports que notre régime de retraite par répartition connaîtra, à partir de 2005, en raison du « papy boom » un réel problème, vous ne proposez aucune mesure sérieuse, tout au contraire.

Vous nous proposez d'attendre encore un an un nouveau rapport, un énième rapport ! Vous proposez la création d'un fonds de réserve de 2 milliards que vous avez vous-même qualifié de symbolique et qui n'est qu'un gadget improvisé. Vous ne précisez pas comment il sera géré, comment il sera financé, ni quelles seront ses missions. Les sénateurs ont voté un article prévoyant qu'une loi précisera les missions du fonds de réserve et son financement. Or il semble que vous proposiez de supprimer cet article pourtant indispensable.

Vous demandez que la CNRACL puisse emprunter 2,5 milliards de francs, alors qu'elle est structurellemente xcédentaire. Diminuez la surcompensation et la CNRACL n'aura pas besoin d'emprunter et donc de payer des agios.

Vous rappelez à nouveau que vous allez supprimer la loi Thomas. Vous refusez d'accepter les amendements de l'UDF précisant qu'un troisième étage de retraite, l'épargne-retraite, est aujourd'hui indispensable pour conforter le régime de retraite par répartition.

Vous nous avez refusé, mais nous allons les redéposer, deux amendements essentiels : l'un vise à donner à la CNAV, c'est-à-dire aux partenaires sociaux, une réelle autonomie pour pouvoir, en les responsabilisant, leur permettre de définir les prestations en fonction des cotisations ou vice versa ; l'autre, auquel nous sommes très attachés, tend à créer, dans un esprit de clarté et de transparence, une caisse de retraite de fonctionnaires, gérée de manière paritaire.

J'en arrive à la branche maladie. Pour cette branche, l'UDF défend deux points forts. Nous sommes opposés à l'étatisation et à la privatisation et nous voulons développer la prévention et l'éducation à la santé.

Nous sommes, en effet, opposés à la fois à la privatisation et à l'étatisation. Or nous sommes inquiets, car vous vous êtes mise, madame la ministre, par votre faute, dans une situation très difficile.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Certes !

M. Jean-Luc Préel.

Vous ne semblez pas en comprendre les raisons, qui sont pourtant lumineuses.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David.

Dites tout de suite qu'elle est bête !

M. Jean-Luc Préel.

Arrivant au pouvoir, vous avez, vertement, et de manière répétitive,...

Mme Martine David.

On croit rêver !

M. Jean-Luc Préel.

... critiqué le plan Juppé avec la pugnacité que l'on vous connaît,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et la bêtise...

M. Jean-Luc Préel.

Non, je ne me permettrais pas...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais si : vous dites que je ne comprends rien !

M. Jean-Luc Préel.

N'est-ce pas un compliment que d'approuver votre caractère, votre pugnacité...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et ma bêtise ?

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez critiqué le plan Juppé, expliqué que vous ne feriez rien contre les médecins, que les reversements prévus étaient stupides.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais vous, vous l'avez voté !

M. Jean-Luc Préel.

Ces déclarations, jointes à un immobilisme coupable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), - mais vous étiez fort occupée par ailleurs avec les 35 heures et les emplois-jeunes, ont désespéré l'hôpital et fait croire à l'ambulatoire que vous laisseriez filer les dépenses.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est pitoyable !

M. Jean-Luc Préel.

Madame la ministre, pourriez-vous être sympathique ? Vous ne pouvez pas dire cela...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai le droit de dire ce que je veux. Et comme je ne comprends rien...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Luc Préel.

« Pitoyable » est un terme tout à fait désolant. Si l'on continue ainsi...

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Incapacité, immobilisme, incompétence...

M. le président.

Mes chers collègues, un peu d'ordre dans cette discussion ! Veuillez ne pas interrompre l'orateur...

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

A condition qu'il reste correct !

M. le président.

Evitez, les uns et les autres, les termes qui peuvent blesser ou choquer et qui suscitent évidemment des réactions.

Je vous en prie, monsieur Préel, veuillez poursuivre.

M. Jean-Luc Préel.

Or, après avoir critiqué le plan Juppé, vous en gardez - et c'est heureux - toutes les réformes structurelles, mettant en place ce qui était prévu : conférence régionale, conférence nationale, vote par le Parlement, ARH, URCAM, ANAES, par exemple.

Ce n'est pas rien. Cette réforme était essentielle et je vous félicite, madame la ministre, de l'appliquer. A mon sens, elle devrait être améliorée par la création d'une union nationale des caisses et par le vote d'une enveloppe pour la prévention ou l'éducation, attribuée à une agence spécifique ; mais j'y reviendrai.

Donc, bravo, madame la ministre. Vous appliquez les bonnes mesures du plan Juppé. Mais dites-le, les choses seront plus claires.

Seulement les dépenses ont dérapé, non parce que c'est inéluctable - une étude de l'OCDE portant sur vingtneuf pays démontre que ça ne l'est pas - mais parce que chacun a cru que la bride était lâchée, en raison de votre discours et de l'immobilisme dont vous avez fait preuve pendant plusieurs mois.

Depuis, vous vous êtes rattrapée, madame la ministre.

Au mois de juin dernier, au mépris de l'autonomie des caisses, sans tenir compte des engagements pris, vous avez décidé des mesures autoritaires pour les dentistes, les radiologues, les biologistes, l'industrie pharmaceutique.

Le projet de loi que vous nous proposez prévoit un double système, aussi bien pour les médecins que pour l'industrie pharmaceutique, à savoir un système de lettres clés flottantes et un impôt social sur le revenu.

Certes, les puristes, dont M. Evin, expliquent qu'il ne s'agit pas de lettres clés flottantes puisqu'il existera, dans les faits, des rendez-vous trimestriels. Les lettres clés ne flotteront pas, elles évolueront par paliers. Nuance !

Mme Dominique Gillot, rapporteur.

Eh oui !

M. Jean-Luc Préel.

Vous proposez par ailleurs un impôt social sur le revenu, une sanction collective, la même pour tout le monde. Ce système est parfaitement injuste. En effet, le bon médecin consciencieux que certains appellent vertueux, qui verra en consultation un malade toutes les trente minutes parce qu'il prendra le temps de l'écouter, qui appliquera les références médicales, les bonnes pratiques, sera pénalisé si son voisin voit dix malades par heure. Est-ce juste, est-ce équitable ? J'ai cru comprendre, en vous écoutant hier, madame la ministre, que vous trouviez anormal que les pédiatres soient pénalisés parce que d'autres spécialistes auraient dérapé. Est-ce une évolution vers une enveloppe par spécialité ? Enfin, les laboratoires, les cabinets de radiologie, l'industrie ont besoin de lisibilité et ne peuvent revoir à la baisse leur budget tous les quatre mois. C'est pourquoi l'UDF demande que l'ONDAM soit régionalisé par spécialité. J'ai déposé des amendements en ce sens, l'un d'eux vise à une expérimentation, proposée par les radiologues des Pays de la Loire qui veulent s'engager vers une maîtrise dans la qualité.

Nous sommes pour la responsabilisation individuelle des professionnels et pour une autodiscipline de la profession, notamment au niveau des unions régionales. Nous sommes soucieux lorsque nous voyons, monsieur le secrétaire d'Etat, des molécules innovantes apparaître sans que les laboratoires ne demandent ni un prix ni un remboursement. Nous nous acheminons donc vers une médecine à deux vitesses fort préoccupante.

Je ne ferai qu'évoquer l'hôpital. On en parle très peu cette année. Pourtant le malaise y est profond, les interrogations très importantes.

La première concerne les moyens financiers et humains pour faire face à la demande. Comment se répartit l'enveloppe entre les régions et dans les régions entre établissements ? A quelle vitesse allez-vous corriger les inégalités ? Sur quels critères ? Vous savez très bien que les établissements dits surdotés tentent de « bétonner » aujourd'hui leur situation, leur position et critiquent les points ISA.

Comment sera appliquée la loi des 35 heures ? Quelles dotations complémentaires prévoyez-vous pour les établissements hospitaliers et les établissements médicosociaux ? Mais l'une des questions essentielles aujourd'hui est celle du statut des praticiens hospitaliers et des spécialités sinistrées. Les deux questions sont étroitement liées. Rien ne serait pire que d'aboutir demain à des restructurations hospitalières non pas sur des critères de santé publique mais par manque d'anesthésistes. Il est indispensable de revoir le statut des praticiens afin de prendre en compte, dans le statut lui-même et dans les rémunérations - et non pas dans les primes -, la responsabilité et la pénibilité du travail.

Je ne terminerai pas sans évoquer la prévention et l'éducation. Vous savez que j'y suis attaché, car si en France nous sommes bons globalement pour le curatif, nous sommes médiocres pour la prévention et l'éducation.

Cette situation est essentiellement due au fait que nous avons de très nombreux intervenants - plusieurs ministères, plusieurs délégations, plusieurs caisses, la mutualité, les associations -, chacun ayant sa politique propre, ses priorités. Il n'y a pas de politique pluriannuelle coordonnée, prenant comme objectif prioritaire la lutte contre la mortalité prématurée évitable.

L'autre raison est que nous n'y consacrons pas les moyens nécessaires : 12 500 francs par an et par habitant pour le curatif, 17 francs pour la prévention, 250 francs pour la médecine préventive ! La solution me paraît simple : c'est d'une part la création d'une Agence nationale de prévention et d'éducation de la santé, regroupant tous les acteurs pour la coordination de la politique, et d'autre part, le vote par le Parlement, à côté de l'ONDAM, d'une enveloppe dédiée à la prévention et attribuée à l'Agence. Cette solution sera retenue demain, ne perdons pas de temps. Ayez le courage politique de reconnaître que l'idée est bonne et qu'il faut l'exploiter au lieu de repousser un amendement dans ce sens sans en dire un mot.

J'en termine, en vous demandant, madame la ministre, d'excuser mes propos parfois un peu vifs.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah, c'est gentil.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Luc Préel.

C'est que je suis passionné,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout comme moi !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le sujet est passionnant !

M. Jean-Luc Préel.

... et qu'il s'agit d'un débat majeur pour notre protection sociale et pour notre avenir. Je crois que l'on peut sauver la protection sociale à la française. En effet, l'UDF est opposée à la fois à la privatisation et à l'étatisation de notre sécurité sociale.

Nous sommes très attachés au contrat, à l'autonomie, à la régionalisation, à l'individualisation. Nous croyons à la liberté de l'individu et donc à sa responsabilité, et si nous souhaitons une société réellement solidaire, nous ne croyons pas aux mesures collectives aveugles.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

Merci, monsieur Préel. Vous n'avez pas été discourtois. J'espère seulement que vous n'avez pas mis de mauvaise humeur Mme la ministre. (Sourires.)

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n'ayant pu aboutir à un accord, nous nous retrouvons pour débattre en deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Lors de cette commission, M. Alfred Recours, rapporteur pour l'Assemblée nationale, après avoir souligné que la recherche d'un accord sur un texte de cette nature était toujours difficile, a indiqué que quinze articles avaient été adoptés conformes par nos collègues du Sénat.

Le groupe socialiste a toutefois noté des points de désaccord importants qui portent, notamment, sur les mécanismes de régulation de la médecine de ville et sur la clause de sauvegarde des entreprises pharmaceutiques domaine dans lequel le Sénat a fait des propositions intéressantes sur la maîtrise des prix et des volumes.

Il faut toutefois se rendre à l'évidence, les propositions du Sénat divergent de celles de l'Assemblée nationale, car elles s'inscrivent dans une logique de maîtrise comptable, et non de maîtrise médicale tenant compte de la santé publique et des besoins des populations.

Nous sommes tous attachés à notre système de protection sociale. Cependant, sans mécanisme de régulation, c'est l'ensemble du système qui, à terme, serait appelé à disparaître.

Certains, d'ailleurs, sont prêts à laisser faire, à laisser glisser les dépenses de protection sociale dans le seul but de substituer à un système de solidarité un système purement assurantiel ou financier, lequel aurait pour conséquence de casser les solidarités nécessaires à une meilleure prise en charge des populations les plus exposées. Dans cette période, nous pensons aux plus démunis dont l'accès aux soins mérite des réponses à la hauteur des besoins, comme vous l'avez rappelé hier après-midi, madame la ministre, au cours des questions d'actualité.

Comment laisser croire que c'est en dépensant toujours plus que l'on améliorera notre système de protection sociale ? Il faut, et c'est cela qui nous est proposé aujourd'hui, maîtriser les dépenses, tenir compte des nouveaux b esoins et, sutout, responsabiliser l'ensemble de la communauté médicale.

Bien évidemment, cette responsabilité ne doit pas reposer sur les seuls prescripteurs. Les assurés sociaux doivent prendre part à ce chantier. Je suis persuadé qu'ils en sont convaincus.

Dans ce cadre, vous nous proposez, madame la ministre, un retour à l'équilibre financier des comptes de la sécurité sociale pour 1999. L'exercice est difficile, car vous nous proposez de maîtriser les dépenses de protection sociale tout en garantissant aux Français un accès aux soins et aux prestations sociales auxquelles ils sont très attachés.

Avec la réforme du financement de la sécurité sociale et le transfert des cotisations maladie vers la contribution sociale généralisée, une première étape a été franchie , l'année dernière. Il s'agit d'une réponse durable au problème du financement de la sécurité sociale qui ne doit pas pour autant s'arrêter à une réforme ne touchant que les seuls salariés ou les seuls revenus du capital.

L ors du débat en première lecture, madame la ministre, vous vous êtes engagée à nous faire un certain nombre de propositions visant à réformer les cotisations patronales. Ces réformes seront, et nous le souhaitons, contenues dans le prochain débat budgétaire de la sécurité sociale. Il s'agit d'un chantier qui, je l'espère, tiendra compte à la fois de l'assiette des cotisations patronales et des charges qui pèsent trop lourdement sur les bas salaires.

Année du retour à l'équilibre, 1999 sera aussi l'année de la mise en place de la couverture maladie universelle, accompagnée de toute une série de dispositions qui garantiront une meilleure protection sociale pour les familles, les salariés et, bien entendu, les retraités.

Les familles, d'abord : l'Etat s'engage à prendre en charge l'allocation de parent isolé. L'allocation de rentrée scolaire sera fortement revalorisée et surtout étendue aux familles n'ayant qu'un seul enfant. Les allocations familiales et les aides aux logements seront étendues aux enfants jusqu'à leur vingtième année.

Un budget très important - près de 1 milliard de francs - sera mobilisé afin de participer au développement des crèches. Cette mesure est très attendue par les associations familiales.

Année de retour à l'équilibre des comptes, 1999 sera aussi l'année d'un vaste chantier. Je veux, bien entendu, parler de nos systèmes de retraites.

Premier poste du budget de la sécurité sociale, les retraites constituent un grand sujet de préoccupation. Les salariés se demandent si leurs retraites seront assurées, les retraités s'inquiètent pour leur pouvoir d'achat.

Le vieillissement de la population française constitue - nous en sommes ici tous conscients - l'une des principales mutations auxquelles la société sera confrontée au cours des prochaines décennies. Les échanges ne sont plus très lointaines. 2005 marquera le début du départ à la retraite des générations nombreuses nées dans l'immédiat après-guerre. Le « baby boom » deviendra ainsi le « papy boom ».

Dans cette perspective, le Premier ministre vient de charger Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, d'une mission d'analyse et de concertation sur l'avenir des régimes de retraite de base et complémentaires. A la différence du gouvernement Balladur, dont les mesures ont frappé lourdement les retraités du régime général, le Premier ministre a voulu lancer avant toute décision une large concertation et un débat public avec les partenaires sociaux et avec, je le souhaite, les élus de la nation. En attendant les conclusions du rapport qui en découlera et la mise en application de mesures structurelles et durables sur nos régimes de retraite, plusieurs dispositions ont été adoptées à l'égard des personnes âgées dans la présente l oi de financement de la sécurité sociale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Ce texte réaffirme d'abord le principe de la retraite par répartition qui demeure nécessaire pour conforter les liens de solidarité entre les générations. Le Gouvernement s'est par ailleurs engagé à abroger la loi « Thomas » sur les fonds de pension, en précisant qu'il est nécessaire de réfléchir à des systèmes d'épargne collective, gérés p ar les partenaires sociaux. La création d'un fonds de réserve, doté de 2 milliards de francs, est déjà un signe fort en d irection des retraités et doit s'inscrire dans une démarche durable.

Je tiens à souligner l'importance des mesures adoptées en première lecture.

L'exonération totale des charges patronales pour les associations qui oeuvrent dans le secteur du maintien à domicile des personnes âgées était très attendue par les associations. Cette mesure leur permettra d'intervenir encore plus largement auprès des personnes âgées.

Vous avez également accepté, madame la ministre, de revaloriser de manière significative les pensions des bénéficiaires du minimum vieillesse.

L'augmentation générale de 1,2 % des pensions de retraite permettra aux retraités de gagner 0,5 % de pouvoir d'achat, alors que, ces dernières années, leur pouvoir d'achat avait été largement amputé par des charges diverses.

Les veuves et les veufs bénéficient d'une amélioration sensible de l'assurance veuvage et de la revalorisation du minimum vieillesse.

Les retraites agricoles sont également revalorisées grâce au transfert de 1,2 milliard de francs du budget général vers le BAPSA.

1999 sera l'année internationale des personnes âgées et nous donnera l'occasion, au-delà des diagnostics engagés, de poser les fondations de notre politique du vieillissement pour le prochain millénaire.

La démarche des députés de la majorité plurielle est simple : nous voulons, comme vous, madame la ministre, consolider la sécurité sociale par des réformes structurelles et durables, s'inscrivant dans le temps et menées en concertation avec l'ensemble des acteurs du monde de la famille, des retraites et de la communauté médicale. Cette concertation a d'ailleurs permis de dégager des objectifs clairs et désormais partagés par l'ensemble des Français.

S'agissant de la politique familiale, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des avancées sociales dont doivent bénéficier les familles en 1999.

Concertation, encore, sur l'évolution de la branche vieillesse. Le rapport Charpin, conjugué au rapport Hespel-Thierry et aux réflexions du groupe d'études mis en place à votre initiative sur la révolution de la longévité devraient nous éclairer sur l'évolution des mécanismes de prise en charge de la vieillesse et de la grande vieillesse.

L'augmentation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie sera de 2,6 % en 1998 contre 2,27 % en 1998. Cette évolution positive s'inscrit en parallèle de réformes utiles et courageuses.

S'agissant du médicament, vous vous êtes engagée dans une politique de lutte contre la surconsommation.

L'émergence d'un règlement conventionnel devrait déboucher sur une meilleure coordination des soins et de la prévention par le biais d'actions en réseau, ainsi que sur les références médicales opposables.

E nfin, il est aujourd'hui indispensable de mieux prendre en compte la réalité des maladies professionnelles, lesquelles doivent faire l'objet d'une réparation améliorée. Je pense naturellement aux maladies dues aux rayonnements ionisants et à l'amiante. Vous avez fait un certain nombre d'annonces à ce sujet et nous souhaitons connaître vos intentions sur ce problème qui concerne plusieurs centaines de salariés dont l'espérance de vie est de moins de soixante-cinq ans.

Des objectifs clairs et courageux, un budget équilibré tenant compte à la fois des besoins et des ressources, un travail de concertation avec le monde de la famille, avec le monde du travail et de la santé, avec les retraités et les personnes âgées et, bien entendu, avec les élus de la nation : voilà, à n'en pas douter, une bonne loi de financ ement et de bonnes perspectives. C'est pourquoi, madame la ministre, vous pouvez compter sur le vote favorable du groupe socialiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je crains un changement de ton !

M. François Goulard.

Un miracle est toujours possible, monsieur le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je l'espère et je vais vous écouter avec attention.

M. François Goulard.

Oh ! je n'en demande pas tant.

Madame la ministre et monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe Démocratie libérale maintient évidemment, à l'occasion de cette nouvelle lecture, les critiques qu'il avait exprimées en première lecture sur la manière dont vous concevez, pour l'avenir, l'organisation de notre sécurité sociale. Ces critiques de fond s'accompagnent d'ailleurs de nombreuses observations sur les incohérences, les imperfections, voire les insuffisances des dispositifs que vous instaurez.

Pour l'essentiel, nous considérons que vos solutions, parce qu'elles sont passéistes et qu'elles privilégient le court terme sur la préparation de l'avenir, sont incapables de garantir aux Français un niveau de protection sociale satisfaisant.

En ce qui concerne les retraites, d'abord, personne ne peut nier cette certitude : il sera impossible, avec le système actuel, de financer des retraites décentes pour les générations qui cesseront leur activité dans quinze ans et au-delà. En effet, nous savons d'ores et déjà de manière certaine quel sera le rapport entre le nombre des retraités et celui des actifs. Et il n'échappe à personne que l'on ne peut financer un système de retraite quand un actif doit subvenir aux besoins d'un retraité.

Les reproches majeurs que nous faisons à votre gouvernement, c'est d'abord de masquer la réalité aux yeux des Français, de tenir un discours qui se veut rassurant, pour ne pas dire lénifiant, alors que les perspectives sont sombres et qu'une prise de conscience collective serait au contraire indispensable, voire vitale.

M. Pascal Terrasse.

C'est le but du rapport demandé par le Gouvernement !

M. François Goulard.

C'est ensuite de retarder grâce à des rapports, monsieur Terrasse, les décisions susceptibles de résoudre, au moins partiellement, le problème considérable que nous avons devant nous.

Ces solutions, quelles sont-elles ? L'honnêteté oblige à dire qu'elles ne sont que partielles et que, en tout état de cause - il faut que les Français le sachent -, nous connaîtrons une période très difficile sur le plan social dans quelques années.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Première solution : les fonds de pension. Je la cite en premier parce qu'elle a été l'objet de nombreux débats.

La vérité, c'est que l'urgence est aujourd'hui dépassée. En effet, pour que des fonds de pension puissent intervenir efficacement en 2015, il aurait fallu les créer il y a plus de dix ans.

M. Pascal Terrasse.

En 1986 ou 1987, par exemple !

M. François Goulard.

Or le seul mouvement politique à les avoir prônés il y a dix ans, c'était le nôtre.

En réalité, les fonds de pension créés aujourd'hui ne seront un appoint - un appoint seulement, mais précieux - qu'en 2025, alors que nous connaîtrons des difficultés depuis une dizaine d'années déjà. Raison de plus, évidemment, pour ne pas perdre de temps, mais c'est bien ce que vous avez fait depuis le mois de juin 1997 et c'est ce que vous continuez à faire, gênés sans doute par vos alliés communistes qui ont montré éloquemment leur opposition lors du débat en première lecture.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est une très bonne chose !

M. François Goulard.

Je ne suis pas de cet avis ; je suis persuadé qe la présence de communistes dans ce gouvernement l'empêche de prendre des mesures d'avenir pour notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous, on est très contents !

M. François Goulard.

Tant mieux pour vous, madame la ministre !

Mme Muguette Jacquaint.

Tant mieux pour les retraités !

M. François Goulard.

Le fonds de réserve, deuxième solution, n'est malheureusement, comme l'a dit Jean-Luc Préel, qu'une « rustine » proposée in extremis, sans dotation,...

M. Pascal Terrasse.

Comme la mesure Balladur !

M. François Goulard.

... sans réflexion, sans définition sérieuse de ses modalités de gestion et de contrôle. Ce fonds aurait été crédible, d'abord si la gestion en avait été confiée aux partenaires sociaux, responsables, jusqu'à preuve du contraire, du régime général des retraites et des régimes complémentaires ; ensuite s'il avait été doté d'un montant à la hauteur des besoins.

Je sais bien que le bruit circule, qu'il a été annoncé que l'on affecterait l'excédent de fonds propres des caisses d'épargne à ce fonds de réserve, mais permettez-moi d'ores et déjà de vous faire part de mes doutes sur la possibilité, pour l'Etat, de disposer de cet argent à sa guise.

Je ne suis pas sûr, sur le plan juridique, que ces sommes appartiennent à l'Etat et qu'elles ne reviennent pas plus légitimement aux épargnants, d'une part, et aux collectivités, d'autre part. Mais c'est un point que nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau dans les prochaines semaines.

Le fonds de réserve serait crédible si on lui affectait le produit d'une importante privatisation. Celle d'EDF, par exemple - je reprends une suggestion déjà avancée -, procurerait probablement des ressources à la hauteur des besoins, mais je ne suis pas persuadé que certains membres de votre majorité soient prêts à soutenir un tel projet.

Mme Martine David.

Nous sommes tous contre !

M. Pascal Terrasse.

Nous ne voulons pas de la privatisation d'EDF !

Mme Martine David.

On n'a pas besoin d'être au PC pour ne pas être d'accord avec vous !

M. François Goulard.

Voilà, mes chers collègues, des précisions intéressantes que nous ne manquerons pas de vous rappeler lors du débat sur l'énergie que nous aurons dans quelques mois.

Enfin, toujours à propos des retraites, il faudra, à l'évidence, comme cela avait été fait en 1993 pour le régime g énéral, redéfinir les règles de fonctionnement des régimes spéciaux. Ne pas l'admettre constitue, je n'hésite pas à le dire, un mensonge politique.

Deuxième grand chapitre : l'assurance maladie.

Comme pour l'avenir des retraites, le diagnostic de la crise que connaît en ce domaine notre modèle de protection sociale est malheureusement assez sombre. Les limites du régime de base sont évidentes ; elles vous conduisent d'ailleurs à envisager des correctifs qui ont été simplement esquissés dans le rapport de notre collègue Jean-Claude Boulard. Les remboursements de l'assurance maladie sont aujourd'hui insuffisants pour nos compatriotes qui n'ont pas la chance de bénéficier d'une couverture complémentaire.

Dans les hôpitaux, à côté évidemment de réalisations et de performances remarquables, nous découvrons des situations de pénurie inacceptables. Que dire également des carences, qui seront, à terme, dramatiques, dans certaines spécialités médicales comme la chirurgie, l'anesthésie ou, plus encore, l'obstétrique ? Nous manquons déjà d'effectifs dans ce secteur et nous en manquerons davantage encore dans quelques années.

L'ensemble de ces failles se conjugue à une dérive des coûts qui deviendra économiquement insupportable si elle n'est pas maîtrisée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous êtes contraints d'apporter à ce problème une réponse immédiate, au lieu de la renvoyer aux calendes grecques, comme vous le faites pour les retraites.

Une réponse est donc obligatoire, mais la vôtre est une réponse de contrainte, bureaucratique, uniformisatrice, centralisée, en un mot une réponse d'un autre âge. Elle prend les médecins en tenaille entre un encadrement global assorti de sanctions financières totalement aveugles, qui favorisent les plus laxistes au détriment des plus raisonnables, et la menace de baisses tarifaires autoritaires - autant vaut dire à tout moment. Elle ne peut donc que susciter la révolte des professions de santé.

Cette révolte, on le sent bien, est en train de naître ; elle ne fera que croître au fil des mois et vous courez le risque sérieux d'un blocage complet de votre système. Or les réformes passées nous ont enseigné que l'on ne réforme pas l'assurance maladie en prenant de front les professions concernées - c'est pourtant ce que vous faites - de même qu'on ne réforme pas l'école en insultant les enseignants.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) A l'égard de l'industrie pharmaceutique, votre procédé est d'inspiration voisine. Je passe sur les quelques flottements, assez invraisemblables d'ailleurs, qui ont entouré la clause de sauvegarde, sur les aller-retour des amendements acceptés puis retirés. Pour vous, l'industrie pharmaceutique est présumée coupable de provoquer la surconsommation, d'exploiter une rente économique au détriment de l'assurance maladie. Vous négligez ainsi plusieurs réalités.

La première, c'est que le Gouvernement et les caisses d'assurance maladie disposaient déjà, avant ce texte, des instruments leur permettant de choisir entre les médicaments utiles et ceux qui ne le sont pas, ainsi que de négocier les prix.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

La deuxième, c'est que le progrès de l'industrie pharmaceutique est souvent une source d'économies dans les dépenses de santé.

La troisième, c'est qu'aujourd'hui aucun groupe pharmaceutique d'envergure n'envisage plus d'investir en France.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général.

Inexact ! Je vous inviterai à l'inauguration d'un laboratoire dans ma circonscription.

M. François Goulard.

Tous les industriels le confirment, monsieur le rapporteur. Cette attitude des grands groupes, dont vous êtes responsables, est coûteuse pour l'économie en général et pour la recherche en particulier.

Face aux défis de l'assurance maladie, qui s'expriment en termes de performances médicales et de performances économiques, le premier terme n'étant pas séparable du second, un esprit non prévenu ne peut que s'interroger sur la viabilité de notre organisation actuelle. Le groupe Démocratie libérale pense que seules des réponses décentralisées, permettant l'instauration d'une relation directe entre les professions concernées et l'assureur maladie que sont aujourd'hui les caisses et les mutuelles, sont susceptibles d'apporter des réponses satisfaisantes pour l'avenir.

Il nous appartiendra de définir un mode d'organisation substituant la motivation à la sanction, la recherche de solutions intelligentes à l'application de la norme bureaucratique, et permettant de conjuguer au plus près des réalités l'efficacité du système de soins et la performance économique, cela avec le seul objectif de garantir à tous les Français un haut niveau de protection sociale.

Je parlerai aussi du volet absent, du chaînon manquant de votre conception de la sécurité sociale : la politique familiale. Je ne reviendrai pas sur le débat autour du PACS, mais il n'échappe à personne que les familles sont les grandes perdantes dans la redistribution actuelle des revenus. Il faudra bien, un jour, mettre aussi ce dossier sur la table et se demander s'il est juste, d'abord, et responsable, ensuite, pour notre avenir, de laisser perdurer une situation où le pouvoir d'achat des familles est très sérieusement à la traîne, quelle que soit d'ailleurs la tranche de revenus, par rapport à celui des ménages sans enfant.

Brièvement, puisque le temps qui m'est imparti est presque écoulé, je veux formuler quelques observations sur les insuffisances du texte.

La première concerne le MICA, le mécanisme de départ en préretraite des médecins.

M. Denis Jacquat.

Grave problème !

M. François Goulard.

Il est vraiment regrettable que vous n'ayez pas accepté un assouplissement des modifications que vous apportez alors que vous changez les règles en cours de partie. Les médecins concernés sont extrêmement critiques, et ils ont raison, à l'égard de la manière dont vous procédez.

Ensuite je me permets d'émettre des doutes sur la constitutionnalité de l'article 7 qui modifie a posteriori l'assiette d'un prélèvement obligatoire.

Pour ce qui est de l'exonération de charges sociales accordée aux centres communaux d'action sociale à l'instar de ce qui est prévu pour les associations, votre intervention, madame la ministre, avait jeté un certain trouble. J'espère qu'il sera dissipé au cours de cette deuxième lecture car je regrette qu'on ait pu opposer, en apparence, les deux modes d'organisation de l'action sociale qui sont sans conteste les plus efficaces.

M. le président.

Monsieur Goulard, voudriez-vous conclure, je vous prie ?

M. François Goulard.

Je conclus, monsieur le président, mais je ne voudrais pas passer sous silence deux éléments du contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi.

Le premier est la mise en oeuvre des trente-cinq heures, car la réduction du temps de travail imposera dès l'année prochaine, mais surtout les années suivantes, des charges nouvelles à plusieurs catégories d'organismes concernés par la protection sociale. Dans ce domaine les inquiétudes n'ont pas été apaisées, loin s'en faut.

Le second est l'incertitude qui règne quant à la conjoncture économique car elle conditionne les recettes figurant dans vos prévisions. Nous ne souhaitons pas, madame la ministre, que la réalité nous contraigne à constater dès l'année prochaine l'imprévoyance de votre projet, imprévoyance qui, selon nous, caractérise votre action à long terme, avec tout ce que cela implique pour notre avenir individuel et collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens d'abord à exprimer la satisfaction du groupe communiste sur les mesures que vient de prendre le Gouvernement concernant les victimes de l'amiante en leur octroyant le droit à la retraite dès cinquante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Les maladies professionnelles et les accidents du travail font l'objet d'une attention particulière du Gouvernement et le projet de loi de financement de la sécurité sociale les prend pleinement en compte. Cela répond à l'une des attentes du monde du travail car ils mettent en cause la santé, parfois même la vie du salarié. Le poids social et économique pour la société et les drames humains qu'ils représentent sont, encore aujourd'hui, trop importants.

Les accidents du travail et les maladies professionnelles doivent être examinés sous l'angle tant de la prévention et de la couverture sociale que de l'indemnisation. Ces deux aspects ne sauraient faire oublier que de nombreux salariés victimes de ce réel fléau sont dans l'impossibilité, actuellement, de faire respecter leurs droits les plus élémentaires.

En effet, les salariés victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, sont souvent confrontés à de réelles difficultés. Dans nombre d'entreprises, malgré lar églementation et la législation, les pressions de l'employeur s'exercent pour éviter, dans un premier temps, les déclarations d'accidents de travail. Or, en cas d'accident ou de maladie professionnelle, la couverture sociale est supérieure à celle de la maladie. En cas de non-déclaration, les droits de la victime ne sont donc plus respectés.

Par ailleurs, est ainsi opéré un transfert de charges financières de la branche accident du travail vers la branche maladie. On l'estime à près de 30 milliards de francs. De cette façon, cette branche apparaît excédentaire, ce qui peut entraîner une baisse des cotisations patronales qu'on ne saurait admettre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

De surcroît, la reconnaissance de la maladie professionnelle pose actuellement de réels problèmes. Le dispositif adopté en première lecture répond à cet état de fait puisque le délai de prescription court à compter de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.

Toutefois, l'élargissement des tableaux des maladies professionnelles est indispensable. Les causes réelles des atteintes à la santé doivent prendre en compte, notamment pour les cancers, les produits et procédés de travail classés cancérigènes.

En tout état de cause ce problème doit être pris à la source et il faut donner les moyens nécessaires, notamment aux caisses régionales, pour favoriser la prévention.

Les droits des CHSCT doivent aussi être renforcés.

Deux autres grandes institutions travaillent dans ce domaine : l'inspection et la médecine du travail. Les deux sont à redéfinir.

Pour la première, il faudrait affirmer son rôle. Aujourd'hui, trop de ses procès-verbaux sont classés sans suite.

De ce fait, sa fonction est dénaturée.

De même, la médecine du travail doit trouver une place privilégiée dans la prévention. L'arrivée de nouvelles pathologies professionnelles dues à l'extension de l'utilisation de plus en plus massive de nouveaux produits, notamment chimiques, rend cela encore plus indispensable. Cependant cette fonction ne pourra véritablement être remplie que si la médecine du travail devient réellement indépendante des employeurs. Tel est aussi le sens du rapport sur la sécurité sanitaire environnementale remis le 21 novembre au Premier ministre. Il estime que les missions de la médecine du travail ne seront réellement assurées que s'il y a une véritable indépendance dans l'exercice de leur métier.

Travailler dans ce sens serait un réel progrès.

En matière d'accidents du travail, la situation reste grave, comme le révèlent les chiffres publiés par la CNAM : en 1997 leur nombre a progressé de 1,6 % pour atteindre 1 328 080. D'ailleurs, un sondage de l'IPSOS réalisé en avril 1998 à la demande de la FNATH, atteste de l'importance du risque professionnel.

M. le président.

Madame Jacquaint, voulez-vous conclure, s'il vous plaît ?

Mme Muguette Jacquaint.

Je conclus, monsieur le président.

Il montre que 19 % de la population active en ont été victimes.

Ces chiffres s'expliquent aussi par l'explosion de la précarité. Ainsi, dans l'industrie, 20 % des accidentés ont un statut précaire. Dans le tertiaire, les précaires représentent 9 % des salariés mais 24 % des accidents. Dans les transports, les précaires sont 4 % des salariés, mais subissent 24 % des accidents.

La lutte contre le travail précaire, qui concerne souvent un personnel sous-formé, doit aussi être prioritaire. La réflexion engagée à cet égard permettra, je l'espère, de diminuer le nombre des accidents. Le Parlement, comme les organisations représentatives, doivent être parties prenantes de cette action.

Enfin, si la réflexion d'aujourd'hui se doit de traiter de l'indemnisation, elle ne peut oublier la prévention. Si la disposition législative prévue par le projet s'inscrit dans le sens du progrès social, il serait nécessaire, dans un proche avenir, de débattre de l'ensemble de cette question. Cela est primordial pour la santé publique et pour la société afin que nous ne connaissions plus des affaires comme celle de l'amiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Merci, madame Jacquaint, et merci aux différents intervenants d'avoir respecté leurs temps de parole.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance d'une demi-heure pour réunir la commission.

Nous pourrions ainsi aborder, au titre de l'article 88 du règlement, l'examen des amendements, au moins de ceux portant sur l'article 1er

Une deuxième réunion de la commission des affaires sociales aura lieu à quatorze heures quinze, pour terminer l'étude des amendements.

M. le président.

La suspension est de droit et nous reprendrons vers douze heures quinze.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures vingt, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er et rapport annexé

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er et du rapport annexé :

TITRE Ier

ORIENTATIONS ET OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ SOCIALE

« Art. 1er . - Est approuvé le rapport annexé à la présente loi relatif aux orientations de la politique de santé et de sécurité sociale, et aux objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Je donne lecture du rapport annexé : R APPORT SUR LES ORIENTATIONS DE LA P OLITIQUE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ S OCIALE ET LES OBJECTIFS QUI DÉTERMINENT LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER Un projet de loi de financement de la sécurité sociale se doit d'être prudent et convaincant dans les équilibres qu'il traduit, abouti dans les analyses qu'il avance, cohérent dans les propositions qu'il formule.

Compte tenu des enjeux actuels de la protection sociale, le projet de loi de financement pour 1999 doit comporter des orientations claires.

Pour l'utilisation des marges disponibles à l'adaptation de l'offre de soins.

Comme l'estime le conseil d'administration de la CNAMTS, il convient d'utiliser les marges disponibles pour adapter l'offre de soins, plutôt que de se contenter d'accompagner l'évolution des dépenses. Aussi est-il proposé de réduire d'un milliard de francs, par rapport à l'évolution retenue initialement, le montant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie et d'affecter ces crédits à l'accompagnement social des opérations de restructuration hospitalière.

Pour la mise en place de mécanismes de régulation des dépenses simples, médicalisés et efficaces.

En matière de régulation des dépenses médicales, le dispositif de reversements en vigueur, issu des ordonnances Juppé, posait problème. Alors que le Gouvernement souhaite aller jusqu'au bout de la régulation comptable et collective que ce dispositif comportait, il est proposé au contraire d'aller jusqu'au bout de l'individualisation de la responsabilité des médecins à laquelle il faisait aussi appel.

Ainsi, tirant les leçons du passé, il est proposé d'instituer un mécanisme simple, médicalisé et efficace de maîtrise des dépenses. Collectivement organisé par les partenaires conventionnels, il laisse les médecins maîtres de déterminer les conditions d'exercice de leur responsabilité individuelle.

Garantissant le respect des objectifs tout en organisant l'amélioration des pratiques médicales individuelles et collectives, il répond au double souci de favoriser la qualité des soins dont bénéficient les Français et d'en limiter le coût.

Il tourne le dos aux usines à gaz comptables proposées par le Gouvernement.

Améliorer les conditions de la maîtrise des dépenses pharmaceutiques et le bon usage des médicaments dans des conditions compatibles avec le développement industriel, de la recherche et de l'emploi, et non entériner la mort de la politique conventionnelle : tel doit également être l'objectif poursuivi par le projet de loi. Il s'agit d'améliorer cette politique conventionnelle en renforçant ses exigences pour les laboratoires dans le cadre d'un objectif opposable de dépenses pharmaceutiques défini annuellement par le Gouvernement en fonction de l'ONDAM.

Sans rejeter le principe de la taxation, ni son assiette, ni son taux, le projet de loi doit en faire un instrument encourageant les entreprises à accepter une régulation conventionnelle sérieuse.

Pour un projet cohérent et complet sur les retraites.

S'il convient de prendre acte de la mesure « symbolique » que constitue la création d'un fonds de réserve pour les retraites par répartition, il est inutile de « faire semblant », en attribuant à ce fonds un embryon de ressources, en peaufinant la composition d'un comité de surveillance ou en précisant les régimes bénéficiaires.

Alors même que restent parfaitement indéterminés à la fois la nature des « vraies » ressources qui l'alimenteront et qui devront se chiffrer en centaines de milliards de francs, l'affectation de ces fonds, leur mode et leur horizon de placement ou enfin les modalités de gestion qui devront être cohérentes tant avec l'origine des ressources qu'avec l'objectif des emplois.

En revanche, la mise en place d'un tel fonds de réserve relève, à l'évidence, d'un texte d'ensemble, cohérent et complet, incluant des mesures permettant de faire cesser les déficits d'aujourd'hui, de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.

Pour un traitement équitable de la branche famille.

La situation financière excédentaire de la branche famille ne justifie aucunement de nouvelles économies : en conséquence, doit être rejeté le décalage de la majoration d'âge pour les allocations familiales qui n'a aucun fondement au regard des objectifs de la politique familiale.

Afin de souligner le poids des charges inclues pesant sur la branche famille au titre des prestations qu'elle gère pour le compte de l'Etat, il est proposé un abattement d'un milliard de francs sur les frais de gestion de la CNAF au titre de la gestion et du contrôle du RMI.

Pour l'affirmation sans ambiguïté de la compensation intégrale des exonérations de cotisations.

Doit être réaffirmé solennellement le principe, posé par la loi du 25 juillet 1994, de la compensation intégrale pour la sécurité sociale des exonérations de charges sociales postérieures à cette loi. Ce principe est l'un des fondements de la clarification indispensable des relations et des responsabilités entre l'Etat et les régimes sociaux.

La remise en cause de ce principe est inacceptable, que ce soit pour : les exonérations de cotisations dans le cadre d'incitation à la réduction du temps de travail, au nom d'une prétendue « neutralité » de la mesure ; les dispositifs, antérieurs à 1994 et donc non c ompensés, qui sont prorogés au-delà de leur échéance et modifiés, telle l'exonération des charges liée à l'embauche d'un premier salarié ; dès lors qu'il y a novation juridique, il doit y avoir compensation intégrale de ces nouvelles exonérations en application de la loi de 1994 ; les dispositifs, également antérieurs à la loi de 1994, dont le taux d'exonération est fortement majoré, telle l'exonération portée de 30 % à 100 % pour les associations d'aide à domicile ; ces exonérations doivent être compensées à hauteur de la majoration du taux.

Pour une vraie taxe de santé publique sur les tabacs.

Conformément aux objectifs de la politique de santé publique, il est proposé de substituer à une majoration du taux de la taxe sur les tabacs en l'état sans affectation précise, une « taxe de santé publique » directement affectée à la CNAMTS.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Pour un projet de loi de financement rectificatif tirant les conséquences d'un projet initial incertain.

Le respect de la lettre comme de l'esprit de la loi organique voudrait que le Gouvernement soumette au Parlement, à la fin du printemps, un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 1999 : tirant, d'une part, les conséquences sur les équilibres de la sécurité sociale des réformes urgentes que le G ouvernement renvoie au premier semestre de l'année prochaine : mesures structurelles indispensables dans le domaine des retraites dont il est nécessaire qu'elles interviennent dès le début de 1999, projet de loi instituant une couverture maladie universelle dont le dépôt doit intervenir avant la fin de l'année, réforme de l'assiette des cotisations employeurs sur laquelle le Gouvernement annonce qu'il arrêtera sa position dans les semaines qui viennent ; faisant le point, d'autre part, sur l'évolution des dépenses et des reccettes au vu, notamment, de l'évolution de la conjoncture, il ne serait guère acceptable qu'une nouvelle fois le Parlement ne soit saisi d'une dérive des comptes qu'à l'occasion de la seule ratification en fin d'année d'un décret majorant le plafond de recours à l'emprunt par les régimes de sécurité sociale.

Pour une réflexion sur l'évolution des lois de financement.

La réforme constitutionnelle de 1996, instituant les lois de financement de la sécurité sociale, constitue un progrès considérable et l'amorce d'une évolution profonde. A l'occasion de l'examen du troisième projet de loi depuis cette réforme, il apparaît que cet instrument est perfectible et qu'une réflexion doit être menée tendant à une amélioration de la présentation des lois de financement et, au-delà d'une multiplication vaine des annexes, de la qualité et de la cohérence des informations fournies au Parlement.

M. le président.

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

L'article 1er , et par voie de conséquence le rapport annexé, peut être synthétique. C'est ce qu'a souhaité le Sénat. Mais il peut aussi être quelque peu littéraire, comme se plairait à le dire M. Claude Evin, et permettre au Gouvernement, au-delà de la sécheresse juridique des articles de la loi, de préciser ses intentions, sa volonté, ses orientations.

Le texte d'origine auquel nous allons revenir manque de souffle et ne pose pas tous les vrais problèmes.

Pour la santé, le premier problème est bien celui de la définition des besoins. Certes, ceux-ci sont sans limite mais ils doivent être définis et hiérarchisés pour que l'on puisse, ensuite, proposer la meilleure adéquation possible de l'offre à ces besoins justement en termes financiers et humains.

Comment les définir ? Vous comptez apparemment sur les états généraux, monsieur le secrétaire d'Etat, mais vous êtes à ce sujet moins euphorique que l'an dernier et vous avez raison. Ce n'est pas dans ces réunions où est censée s'exercer la démocratie directe que peuvent être définies les priorités.

Des états généraux ont déjà eu lieu. Ils sont un temps de réflexion et de sensibilisation utile. Mais demander à chacun ce qu'il souhaite permet de recenser les besoins, non de définir les priorités.

Prenons l'exemple de la dépendance. Les représentants des retraités - nous en avons tous reçus - demandent un cinquième risque « dépendance », prenant en compte l'état de chaque personne, sans obligation alimentaire, sans récupération sur succession, sans condition de ressources et même sans cotisation supplémentaire. Comment ne pas donner suite à leurs demandes sympathiques ? Mais que peut-on attendre d'autre de cette consultation ? Je pourrais prendre des exemples semblables dans le domaine de la santé. Tout le monde souhaite ne pas être malade et réclame, pour ce faire, une prévention accrue, des soins de qualité gratuits, la possibilité de consulter qui il veut, quand il veut, et de disposer à proximité de chez lui d'établissements assurant une sécurité totale. De ce type de consultation, il peut difficilement ressortir autre chose qu'une addition de souhaits.

Pour définir les besoins, il faut régionaliser et disposer de bons outils.

Au niveau de la région, il en existe deux qui ont été créés par les ordonnances Juppé : les observatoires régionaux de la santé - les ORS - et les conférences régionales de la santé.

En première lecture, j'ai déposé un amendement demandant que les ORS aient les moyens de fonctionner.

Je suis content qu'il ait été accepté. Mais les moyens seront-ils accrus pour autant ? J'en doute, hélas ! Pourtant, il est indispensable que les ORS puissent observer dans chaque région l'état de santé de la population afin d'« alimenter » les conférences régionales de la santé. Il est une condition, toutefois, au succès de l'opération, c'est que ces conférences ne se résument pas à des grandsmesses d'une journée préparées par les DRASS et les ARH, mais qu'elles réunissent tout au long de l'année l'ensemble des partenaires.

J'ai déposé un amendement pour conforter leur rôle.

J'espère que vous l'accepterez. M. Evin ne s'est pas montré particulièrement ouvert en commission à ce sujet, ce que je regrette bien entendu.

Vous devriez également insister dans le rapport annexé sur les moyens qui devraient enfin être consacrés à une vraie politique de prévention de la santé.

Vous affirmez une certaine volonté, mais pourquoi péchons-nous en France par rapport aux autres pays dans ce domaine ? Pour deux raisons essentielles.

La première est le nombre des intervenants. Plusieurs ministères, plusieurs caisses, les mutuelles, les associations sont en effet concernés. Or aucune coordination ne permet de définir une politique pluriannuelle sur des objectifs ciblés comme, par exemple, la réduction de la mortalité prématurée évitable.

La seconde raison est le manque de moyens. Il n'y a pas d'autre solution que de créer une structure nationale.

Je propose qu'une agence regroupe tous les partenaires pour la réalisation d'un objectif commun et que le Parlement vote une enveloppe dédiée parallèlement à l'ONDAM.

Cette agence doit être déclinée au niveau régional par la création de véritables agences régionales de santé, regroupant l'agence régionale d'hospitalisation - l'ARH -, l'union régionale des caisses d'assurance maladie - l'URCAM - et les associations de recherche et d'étude des politiques sociales - les AREPS.

N ous y viendrons certainement. Mais pourquoi attendre ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous aviez la majorité ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

M. Jean-Luc Préel.

Nous l'avons mis en place, madame la ministre. Le plan Juppé a été pris en 1995, a commencé à être appliqué en 1996 et a été interrompu en 1997.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas notre faute !

M. François Goulard.

N'est-ce point là un dialogue singulier, monsieur le président !

M. le président.

Monsieur Préel, il va vous falloir conclure. Ne vous laissez pas interrompre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je le confortais, monsieur le président !

M. Jean-Luc Préel.

Je vais conclure, monsieur le président ! Dans le rapport annexé, vous reprenez le principe des actions collectives, les lettres clés flottantes et un impôt social sur le revenu. Ce faisant, vous irez à l'échec et ce sera dramatique pour notre protection sociale. De plus, cela présente deux risques : l'étatisation ou la privatisation, ce que nous refusons. C'est pourquoi l'UDF réclame une régionalisation par spécialité de l'ONDAM, une individualisation du système et une autodiscipline de la profession dans le cadre des unions régionales.

Vous ne proposez rien pour la formation initiale et continue des médecins, et n'envisagez pas une redéfinition du statut du praticien hospitalier qui prenne en compte la pénibilité afin de pallier les spécialités sinistrées.

Je reviendrai, lors de la discussion des amendements, sur les dispositions du rapport concernant l'autonomie des branches, la famille, les retraites, la réduction de la dépense. Vous voyez qu'il y a du grain à moudre !

M. Francis Goulard.

Bravo !

M. le président.

Vous aurez l'occasion de le moudre cet après-midi.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour cinq minutes.

Mme Jacqueline Fraysse.

L'article 1er a été réécrit par le Sénat. Le groupe communiste s'était abstenu sur le rapport annexé rédigé par notre assemblée. Celui proposé par le Sénat comporte de nombreuses dispositions très en retrait par rapport à celles adoptées par l'Assemblée.

Tout au long du texte domine la maîtrise comptable des dépenses, comme l'illustrent clairement des expressions très significatives comme celle de : « mécanismes efficaces des maîtrises des dépenses » alors que, à aucun moment, il n'est fait référence aux besoins et à leur évaluation.

Obsédée par la crainte unique de dépenses excessives, la droite sénatoriale va même jusqu'à supprimer un milliard à l'ONDAM. Cela ne l'empêche pas, dans le même temps, de constater avec regret qu'il existe des besoins non satisfaits. Le seront-ils en diminuant les crédits de l'ONDAM ? Si l'on ajoute à cela le fait que, face à ces insuffisances, la majorité sénatoriale a refusé de faire contribuer davantage les entreprises pour consolider le financement de la sécurité sociale, il y a, pour le moins, quelque incohérence dans la démarche de celle-ci.

Comment améliorer les remboursements et les prises en charge des patients et répondre aux besoins de santé sans accroître les ressources de la sécurité sociale ? On ne pourra pas comprimer indéfiniment l'offre de soins, comme le suggère notamment le rapporteur de droite au Sénat.

Ou bien, on décide de ne pas répondre aux besoins de santé de toute la population, car il s'agit bien de réduire l'accès aux soins soumis au remboursement - ce qui est inacceptable du point de vue de l'éthique comme du point de vue économique - ou bien on trouve les financements nécessaires. C'est une question de volonté politique et de détermination.

Nous avons fait des propositions permettant d'accroître les ressources de la sécurité sociale tout en favorisant l'emploi et en relevant le niveau des salaires. Nous souhaitons qu'elles soient examinées rapidement. C'est la raison pour laquelle nous tenions à prendre date clairement pour le prochain semestre à l'occasion de cet article.

Au-delà de ce rendez-vous consacré au financement, les dispositions adoptées à notre initiative en première lecture ont été supprimées. Nous proposons donc leur rétablissement, comme je l'ai rappelé ce matin. Il s'agit notamment de l'association des centres de santé aux prog rammes de dépistages et de soins bucco-dentaires destinés aux jeunes, et de l'abrogation de la loi Thomas concernant les fonds de pension.

Le rapport annexé adopté par le Sénat est l'illustration parfaite de la philosophie de la droite : compression des dépenses et de l'offre de soins, préparation du terrain pour mettre en place la retraite par capitalisation. Notre groupe souhaite rompre avec cette logique et aspire pour le moins au rétablissement du texte adopté par l'Assemblée en première lecture. C'est la démarche engagée par la commission au travers des amendements qu'elle a adoptés. Et je m'en félicite.

Nous prenons acte avec satisfaction du rejet du rapport annexe émanant du Sénat. Toutefois, nous considérons qu'il faudra aller plus loin dans les semaines et les mois qui viennent pour répondre aux besoins de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle, tout en partageant bien des objectifs du texte proposé par la commission, nous nous abstiendrons sur cet article 1er en raison de l'insuffisance des moyens dégagés.

M. le président.

Sur l'article 1er , je vais d'abord appeler l'amendement no 1 de la commission, qui tend à donner une nouvelle rédaction du rapport annexé.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le rapport annexé à l'article 1er :

« RAPPORT SUR LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ SOCIALE ET LES OBJECTIFS QUI DÉTERMINENT LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER.

« Notre système de protection sociale assure la garantie de droits fondamentaux et constitue un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de cohésion sociale.

« Le Gouvernement entend donc le renforcer et le consolider. Ainsi nos régimes de retraite par répartition doivent être pérennisés et des mécanismes d'épargnes privés ne sauraient s'y substituer. De même, l'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base est refusée par le Gouvernement, elle serait incompatible avec la volonté du Gouvernement de promouvoir un égal accès de tous aux soins. Le retour à l'équilibre financier de 1999 s'inscrit dans cette perspective ; notre protection sociale serait menacée si elle devait vivre à crédit.

« Le Gouvernement entend approfondir les solidarités inscrites dans notre système de protection sociale : l'instauration d'une couverture maladie uni-


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verselle, les réformes de l'aide publique apportées aux familles, la loi de lutte contre l'exclusion, le progrès dans la couverture des maladies professionnelles témoignent clairement de cette volonté.

« Enfin, la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale doit s'inscrire dans la politique générale qu'il conduit en faveur de l'emploi. Après la réforme des cotisations salariales, le Gouvernement souhaite engager une réforme des cotisations patronales favorable à l'emploi.

« A. UNE POLITIQUE DE SANTÉ AU

SERVICE DES POPULATIONS

« La politique de santé du Gouvernement s'organise autour de sept objectifs majeurs.

«

1. Associer nos concitoyens à la définition de la politique de santé

« Le Gouvernement étudiera l'opportunité de donner les moyens financiers aux observatoires régionaux de la santé pour remplir correctement leurs missions.

« Les questions de santé concernent les professionnels de santé, les associations, les élus et l'ensemble de nos concitoyens. Elles sont au coeur de leurs préoccupations. Les associer à la redéfinition de notre politique de santé est essentiel pour apporter une meilleure réponse aux besoins, améliorer la qualité des prestations sanitaires, faire reconnaître les aspirations et les droits des patients. En permettant un débat public sur les enjeux de la santé, les états généraux constituent un élément essentiel de la démocratie sanitaire que le Gouvernement entend bâtir.

« 2. Faire vivre et développer les droits du malade

« Le malade est un citoyen bénéficiant de l'ensemble des droits reconnus à tout être humain.

Ses droits à l'information sur son état de santé, au consentement aux soins qui lui sont prodigués et au respect de sa dignité à tous les stades de son traitement nécessitent une plus grande sensibilisation et une formation adaptée des différents professionnels de santé à l'exercice de ces droits.

« Le développement des procédures de conciliation doit permettre aux malades s'estimant victimes du non-respect de leurs droits de trouver le plus rapidement possible une réponse appropriée à leur situation.

« L'inégalité des malades victimes d'accidents sanitaires devant l'origine ou la nature de ces accidents nécessite d'être étudiée ainsi que l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

« 3. Renforcer la politique de santé publique

« a) Accroître la sécurité sanitaire

« Les trois institutions créées par la loi du 1er juillet 1998 - l'Institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments permettront de mettre en oeuvre une politique active et cohérente de sécurité sanitaire.

« La sécurité et la qualité des actes de soins seront renforcées par une politique active de lutte contre les infections nosocomiales, par le renforcement des normes pour les activités de soins (périnatalité, réanimation), par la diffusion de recommandations de bonnes pratiques tant en ville qu'à l'hôpital.

« Le Gouvernement s'engage à présenter au Parlement un programme de lutte contre les infections nosocomiales dès le début de l'année 1999.

« b) Accroître les efforts de prévention des causes de morbidité et de mortalité évitables

« Le Gouvernement a engagé une politique de lutte contre le saturnisme ; les mesures qui nécessitent une intervention législative ont été intégrées dans la loi de lutte contre l'exclusion.

« La prévention du suicide chez les jeunes fait l'objet d'un programme triennal de prévention chez l es adolescents et les adultes jeunes, lancé début 1998. L'objectif retenu est de réduire de 10 % en l'an 2000 le nombre de décès par suicide.

« Le Gouvernement mettra en place au début de l'année 1999 un dispositif d'informations concernant la contraception et un programme de prévention des grossesses non désirées des adolescentes.

« La prévention des dépendances (alcoolisme, tabagisme, toxicomanie) sera renforcée. S'agissant de l'alcool, les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie seront renforcés par leur prise en charge par l'assurance maladie à compter du 1er janvier prochain.

« Un programme national de dépistage des cancers a été engagé. La loi de financement prévoit à cet égard la prise en charge à 100 % des actes de dépistage. Le dépistage des cancers féminins sera généralisé dans les trois ans et le dépistage du cancer du colon étendu. Ce dépistage reposera sur une organisation permettant un contrôle de sa qualité à toutes les étapes.

« La France a été le premier pays à rendre disponibles à l'été 1997 les traitements prophylactiques contre le sida. Progrès majeurs pour les patients, les thérapies anti-rétrovirales sont maintenant dispensées en officine de ville. Ces avancées sur le plan thérapeutique n'autorisent aucun relâchement de l'effort en matière de prévention et d'information.

« L'année 1999 donnera lieu à un plan d'ensemble de lutte contre l'hépatite C. Ce plan se fonde sur de nouveaux moyens consacrés à la recherche, un élargissement des campagnes de dépistage, un accès facilité aux traitements. La politique de lutte contre l'hépatite C sera organisée autour de pôles de références associant établissements hospitaliers et médecins de ville.

« La lutte contre le dopage est reconnue comme une priorité nationale de protection sociale et de la politique de santé publique.

« Dans le domaine de la protection de la santé des sportifs, le Gouvernement étudiera s'il convient de procéder au remboursement de la consultation médicale nécessaire à l'obtention de la première licence sportive. Cette préoccupation permettrait de donner une vraie dimension de prévention à cette première consultation. Celle-ci doit répondre à un cahier des charges précis.

« c) Mieux prendre en charge la douleur et les soins palliatifs

« Le Gouvernement a mis en place un plan sur trois ans pour développer les soins palliatifs et améliorer la prise en charge de la douleur. Ces deux plans comportent à chaque fois une information large du public, un renforcement de la formation initiale et continue des professionnels de santé et une amélioration de l'organisation des soins. En ce qui concerne la lutte contre la douleur, le carnet à souches sera supprimé à la fin de l'année et remplacé par des ordonnances sécurisées qui seront utilisées


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pour toutes les prescriptions. Des protocoles de traitement de la douleur, déléguant aux infirmiers la prescription d'antalgiques, seront affichés dans les services d'urgence et de chirurgie. Les outils permettant d'apprécier l'intensité de la douleur seront généralisés.

« d) Mieux prendre en charge la compensation du handicap auditif

« Le handicap auditif est aujourd'hui mieux maîtrisé tant par la précision audiométrique que par l'évolution des techniques mise en oeuvre. Mais, en revanche, le cadre réglementaire relatif à la prise en charge des matériels de compensation du handicap auditif (audio-prothèses) reste insatisfaisant. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé une étude permettant de dresser un bilan des prix et des marges réellement pratiqués dans ce secteur qui sera prochainement élargie à l'ensemble des problèmes posés par la prise en charge actuelle de ces matériels. A partir des résultats de cette étude, des propositions visant à améliorer la prise en charge des appareils destinés à compenser le handicap auditif seront élabrées.

« e) Développer la prévention et les soins dentaires

« Sont étendus aux centres de santé et plus généralement aux structures de soins salariés des mesures équivalentes aux dispositions régissant les actions de soins et de prévention prévues par la convention du 18 avril 1997, en particulier l'actuel bilan de prévention et de suivi des soins dentaires gratuits pour les jeunes de quinze ans.

« f) Engager une véritable politique gérontolotique

« Le Gouvernement s'engage en 1999 à définir une véritable politique de gériatrie et de gérontologie s'appuyant sur la formation de l'ensemble des personnels de santé et sur la coordination des acteurs intervenant dans le soin aux personnes âgées.

«

4. Permettre à tous d'accéder aux soins

« La poursuite de cet objectif suppose de stabiliser, voire d'accroître dans la mesure du possible, les niveaux de remboursement de l'ensemble de la population mais également d'apporter une attention particulière aux personnes exclues de l'accès aux soins.

« Le Gouvernement présentera un projet de loi instaurant une couverture maladie universelle. Dans le cadre de ce projet de loi, le Gouvernement n'entend pas se limiter à garantir à tous les résidents une affiliation à un régime de base. Il entend permettre réellement un égal accès aux soins en assurant, aux plus modestes, le bénéfice d'une couverture complémentaire et du tiers payant.

« Le rapport de M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, rendu public en septembre, permet d'éclairer le choix entre les diverses options pour la mise en oeuvre du projet. Une concertation est engagée sur la base de ce rapport avec l'ensemble des parties prenantes à ce projet. Le Gouvernement d éposera un projet de loi au cours de l'automne 1998.

«

5. Améliorer la sécurité au travail et mieux prendre en charge les maladies professionnelles

« Les cas de maladies professionnelles reconnues sont passés d'environ 5 000 en 1990 à 12 700 en 1996. Il n'en demeure pas moins que les maladies professionnelles sont actuellement sous-déclarées et que la complexité des procédures contrarie leur reconnaissance. Cette situation est inacceptable car elle fait obstacle à l'organisation de la prévention et, pour certaines victimes, à l'exercice de leurs droits. »

« Le Gouvernement entend donc :

« Améliorer la sécurité au travail. La protection des travailleurs contre les risques chimiques et cancérigènes sera consolidée ; les dispositions relatives à la protection contre les rayonnements ionisants seront réaménagées. L'action des médecins du travail dans la prévention des risques professionnels doit être réaffirmée et développée. Les conditions de gestion et de fonctionnement des services de médecine du travail seront clarifiées et adaptées à partir de la concertation engagée avec les partenaires sociaux.

« Garantir les droits des victimes. Le Gouvernement propose de revoir les règles de reconnaissance des maladies professionnelles. La prescription qui éteint les droits d'une victime ne doit plus courir à partir de la date de la première constatation médicale de la maladie, mais à partir de la constatation de l'origine professionnelle de la maladie. Les droits des victimes de l'amiante seront réouverts. Les délais de réponse aux demandes de réparation au titre des maladies professionnelles seront raccourcis.

« Améliorer la réparation des maladies professionnelles. Le barème d'invalidité en matière de maladies professionnelles sera rendu opposable aux caisses de sécurité sociale. Ce document qui souffre de nombreux et importants défauts sera réactualisé ; le haut comité médical de sécurité sociale en est aussi. La réparation des pneumoconioses sera instruite selon le droit commun de la réparation des maladies professionnelles. Les dispositions dérogatoires qui figurent actuellement dans le code de la sécurité sociale seront supprimées. Les tableaux des maladies professionnelles seront adaptés pour tenir compte de l'évolution des connaissances notamment en matière de cancers professionnels. Le tableau relatif aux lombalgies sera publié et entrera en application. Les rentes accidents du travail seront mensualisées dès lors que le taux d'incapacité du bénéficiaire est égal ou supérieur à 50 %.

«

6. Améliorer la qualité des soins et utiliser de manière optimale les ressources consacrées à la santé.

« a) Médecine de ville : moderniser notre système de soins avec les professionnels de santé.

« Promouvoir le juste soin, améliorer la coordination des soins entre les divers professionnels, évaluer la pertinence des pratiques tant individuelles que collectives, adapter l'offre aux besoins, telles sont les politiques structurelles qui permettront, en médecine ambulatoire, à la fois d'améliorer la qualité des soins et d'utiliser de manière optimale les ressources consacrées à la santé.

« La mise en oeuvre de ces politiques doit reposer sur une politique conventionnelle forte. Un partenariat actif entre caisses et professionnels de santé libéraux, au niveau national mais aussi, au plus près du terrain, dans chaque circonscription de caisse, est à cet égard nécessaire.

« Le Gouvernement entend poursuivre la politique qu'il a engagée autour des axes suivants :

« La connaissance de l'activité de notre système de soins ambulatoire doit être améliorée. La réalisation d'une classification commune des actes est accélérée. L'objectif est de pouvoir procéder au codage


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de l'ensemble des actes et des prestations au cours de l'an 2000. Une commission pour la transparence de l'information médicale est constituée afin de garantir la fiabilité et la pertinence des informations sur l'évolution des dépenses.

« L'informatisation de notre système de santé doit être mise au service de la qualité des soins et de la modernisation de la pratique médicale. En mettant en place une mission pour l'informatisation du système de santé, l'Etat s'est donné les moyens d'as-s urer la cohérence des initiatives diverses qui concourent à ce projet. Le réseau santé social a été mis en place. Les applications proposées sur ce réseau vont se développer, leur qualité sera garantie par une procédure d'agrément. Le Gouvernement proposera au Parlement les dispositions législatives nécessaires au développement de Vitale 2.

« L'évaluation des pratiques médicales et paramédicales doit être développée. Les modalités d'action du contrôle médical sont en cours de rénovation. L'évaluation des pratiques par les professionnels de santé sera développée en s'appuyant notamment sur les unions régionales de médecins et les instances professionnelles propres aux professions paramédicales. Le développement de l'évaluation s'appuiera sur les recommandations de bonnes pratiques établies par l'ANAES.

« Rendue obligatoire, la formation médicale continue des médecins n'a pas connu les développements souhaitables. Le Gouvernement proposera au P arlement les dispositions législatives nécessaires pour lui donner une nouvelle impulsion. Une concertation est engagée sur ce thème avec les représentants des médecins libéraux mais également avec les médecins hospitaliers et salariés.

« Notre système de santé souffre de cloisonnements excessifs qui nuisent à la qualité des soins et sont source de dépenses inutiles. Le Gouvernement entend soutenir et favoriser les initiatives visant à une meilleure coordination des soins. Par ailleurs, le développement des réseaux pouvant associer médecine de ville et hôpital, professions médicales et paramédicales, permet d'améliorer la prise en charge d es patients, de mieux concilier proximité ets écurité. La loi de financement ouvre, en ce domaine, des possibilités d'actions nouvelles aux partenaires conventionnels.

« L'exercice des professions paramédicales s'est profondément transformé au cours de ces dernières années pour répondre aux besoins de la population et à l'évolution de la science et des techniques. C'est pourquoi, le Gouvernement entend clarifier les rôles respectifs des médecins et des professions paramédicales dans la prise en charge des malades, par une adaptation des textes les rendant conformes aux pratiques et à leur évolution souhaitable. Le Gouvernement s'engage par ailleurs à doter les professions concernées de règles professionnelles et d'instances professionnelles propres permettant de favoriser les conditions d'un exercice de qualité.

« Notre système de santé est trop exclusivement centré sur l'acte curatif. La loi de financement ouvre la possibilité aux caisses de prendre en charge d'autres activités telles que la prévention, l'évaluation, l'éducation sanitaire. Il appartiendra aux caisses et aux professionnels de santé, dans le cadre conventionnel, de définir les dispositifs adaptés.

« La maîtrise de la démographie médicale est essentielle pour garantir le meilleur accès aux soins comme pour assurer la maîtrise des dépenses. Des dispositions législatives sont proposées au Parlement pour accroître la possibilité d'action des partenaires conventionnels en ce domaine et les autoriser à mener des politiques sélectives adaptées à la diversité des situations.

« Des moyens sont nécessaires pour promouvoir l'ensemble de ces évolutions de notre système de soin ambulatoire. Un fonds d'aide à la qualité des soins de ville est créé et doté de 500 millions de francs.

« b) Le médicament : rationaliser la prescription et les remboursements.

« La France se caractérise par un niveau global de consommation de médicaments très élevé, une surconsommation avérée pour certaines classes thérapeutiques telles que les antidépresseurs ou les antibiotiques, un faible développement des génériques.

Cette situation est insatisfaisante au regard des exigences d'efficience de notre système de santé et préjudiciable en termes de santé publique. Les maladies iatrogènes représentent environ un million de journées d'hospitalisation.

« Aussi le Gouvernement a-t-il engagé un ensemble de politiques structurelles visant à :

« lutter contre la surconsommation médicamenteuse. La taxe sur la promotion pharmaceutique a été augmentée dès 1998. La politique conventionnelle conduite par le Comité économique du médicament vise à obtenir une réduction du volume des classes où la surconsommation est avérée. Le développement des recommandations de bonnes pratiques permettra de réorienter les prescriptions ;

« développer les génériques. Un répertoire complet des génériques est disponible depuis juillet 1998. Le droit de substitution accordé aux pharmaciens, sauf refus explicite des médecins, permettra le développement de ce type de produit ;

« médicaliser le remboursement. La sécurité sociale doit concentrer ses efforts en matière de remboursement sur les médicaments dont l'efficacité médicale est avérée. Les critères de prise en charge des médicaments seront revus pour tenir compte tant de la gravité de la maladie que du service médical rendu. Une réévaluation de l'apport thérapeutique de l'ensemble des médicaments remboursables sera réalisée au cours des trois ans qui viennent.

« Pour conduire l'ensemble de ces évolutions, le Gouvernement entend s'appuyer sur une politique conventionnelle active.

« c) L'hôpital : promouvoir la qualité et adapter l'offre aux besoins.

« Promouvoir la qualité des soins, adapter notre offre hospitalière aux besoins, favoriser les coopérations entre établissements et avec la médecine de ville, améliorer l'efficience globale du système hospitalier, tels sont les objectifs généraux de la politique hospitalière du Gouvernement.

« En particulier, dans un souci d'accroissement de la sécurité sanitaire et de qualité des soins, la situation des professions hospitalières à forte pénibilité (anesthésistes, urgentistes, obstétriciens) doit être prise en compte. Des améliorations des conditions de travail de ces professions doivent être envisagées, en particulier au regard de la législation européenne


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(direction 93/104/CE) sur la question du temps de travail. Il importe d'augmenter l'attractivité de ces professions afin d'apporter une réponse allant dans le sens des conclusions du rapport Nicolas-Duret.

« La promotion de la qualité à l'hôpital passe notamment par le développement de l'accréditation.

Cette procédure permettra de vérifier sur la base d'une méthodologie fiable, le niveau de performances sanitaires des établissements. L'ANAES a établi un référentiel d'accréditation. Il est en cours de test sur le terrain. Les premières démarches d'accréditation débuteront en 1999.

« Notre offre hospitalière doit poursuivre son adaptation. C'est dans ce souci que la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire a été entreprise. Cet exercice de planification sanitaire est conduit avec le souci d'associer étroitement à la réflexion les établissements et leurs personnels, mais également les représentants des usagers et les élus locaux. Il permettra une meilleure prise en compte des besoins de santé.

« La garantie offerte à tous d'un accès à des soins de qualité passe par l'organisation de réseaux entre établissements ou entre services qui garantiront à chacun une orientation vers une structure adaptée à son cas. Une telle organisation a été définie pour la sécurité périnatale et la cancérologie. Le Gouvernem ent entend poursuivre dans cette voie pour d'autres pathologies.

« Le Gouvernement poursuivra son effort de réduction des inégalités entre régions. Les dotations régionales seront différenciées à partir des besoins régionaux, des indicateurs sanitaires et des indicateurs d'efficience. La régionalisation de l'objectif clinique privé, entamée en 1998, sera poursuivie. De même, la réduction des inégalités de dotation entre les hôpitaux, notamment à partir des indications fournies par le PMSI, sera poursuivie.

« Le Gouvernement présentera un rapport sur l'évolution et la place des services de médecine non spécialisés à l'hôpital.

«

7. Assurer la régulation des dépenses

« Le Gouvernement est convaincu que seules des politiques structurelles, destinées tant à accroître la qualité des soins qu'à assurer une utilisation optimale des ressources, permettront de maîtriser durablement l'évolution des dépenses de santé. Toutefois, elles ne pourront porter leurs fruits que progressivement.

« Il est donc nécessaire de maintenir des dispositifs assurant une régulation globale des dépenses de soins, qui existent à l'hôpital depuis la mise en place du budget global en 1983 et depuis 1991 pour les cliniques privées. Il serait toutefois nécessaire d'apprécier au plus juste les dépenses hospitalières qui ont été comptabilisées dans le poste des prescriptions réalisées en ville.

« Le Gouvernement propose dans le projet de loi de financement un tel mécanisme de sauvegarde à partir des principes suivants :

« la responsabilité de la régulation ne doit pas reposer sur les seuls médecins. Ainsi, l'industrie pharmaceutique sera appelée à contribuer à l'équilibre de l'assurance maladie en cas d'évolution excessive des dépenses de médicament. De même, l'évolution des dépenses du secteur médico-social sera encadrée par une enveloppe globale ;

« les mécanismes de sauvegarde économique sont des dispositifs d'ultime recours. Ainsi, la loi de financement prévoit une obligation pour les partenaires conventionnels de négocier en cours d'année pour dresser un bilan de l'évolution des dépenses et prendre les mesures correctrices qui pourraient s'avérer nécessaires ;

« le dispositif proposé pour ce qui concerne les médecins écarte toute idée de sanction individuelle et constitue un mécanisme de régulation global traduisant la solidarité économique des médecins et de notre système de protection sociale.

« B. RÉNOVER LA POLITIQUE FAMILIALE

« La politique familiale du Gouvernement s'appuie sur deux convictions : la reconnaissance du rôle des familles dans la cohésion sociale, comme lieu des olidarité et de construction de repères pour l'enfant ; l'importance d'une politique d'appui aux familles, fondée sur la volonté de répondre à leurs besoins et de conforter leurs capacités à exercer leurs obligations parentales. Après une large concertation, le Gouvernement a défini les grands axes de sa politique familiale lors de la Conférence de la famille du 12 juin.

« Cette politique s'articule autour de trois objectifs :

« conforter les parents dans leur rôle éducatif.

Le rôle des familles sera renforcé dans tout processus éducatif, à l'école, dans le travail social, les activités socioculturelles. Un réseau d'appui, d'écoute et de conseil aux parents et aux familles sera mis en place conjointement par l'Etat et la CNAF ;

« faciliter la vie quotidienne des familles et concilier vie familiale et vie professionnelle. Le logement est le besoin de base des familles. Afin de faciliter l'accès des familles modestes au parc privé, les loyers plafonds de l'ALF seront significativement augmentés dans les trois ans. Les aides des caisses d'allocations familiales aux communes pour le développement des crèches seront accrues et mieux orientées vers les communes les plus pauvres. Les schémas locaux de développement de l'accueil des jeunes enfants seront généralisés. Les contrats temps libres (mis en place par les caisses d'allocations familiales) et les contrats éducatifs locaux (mis en place à l'initiative du ministère de l'éducation nationale) seront développés de façon coordonnée. Le Gouvernement entend mener une réflexion sur la mise en cohérence des divers dispositifs d'aide à la garde des enfants ;

« instaurer une politique d'aide aux familles plus juste. Après une large concertation avec les associations familiales et les partenaires sociaux, le Gouvernement pousuit sa démarche vers plus de justice dans l'aide aux familles en proposant de rétablir les allocations familiales pour toutes les familles de deux enfants et en plafonnant l'avantage fiscal lié au quotient familial. L'impôt sur le revenu jouera ainsi pleinement son rôle dans la redistribution des revenus et l'universalité des prestations familiales sera rétablie. Les allocations familiales seront étendues pour tous les enfants à charge de leurs parents, jusqu'à l'âge de vingt ans. L'ARS sera versée à toutes


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les familles d'un enfant. Les partenaires de la politique familiale doivent engager une réflexion sur la modulation de l'ARS en fonction de l'âge de l'enfant afin de tenir compte du coût effectif de la scolarité. Les titulaires du RMI percevront les majorations pour âge. Les majorations pour âge seront exclues des ressources prises en compte pour calculer le revenu minimum d'insertion. Le Gouvernement entend mener une réflexion en profondeur sur les jeunes adultes pour définir un dispositif adapté aux besoins de cette population qui prenne en compte son nécessaire cheminement vers la pleine autonomie.

« Pour mettre en oeuvre cette politique, à la fois ambitieuse, durable et cohérente, le Gouvernement a mis en place une délégation interministérielle chargée d'animer et de coordonner l'action de l'ensemble des pouvoirs publics et d'être l'interlocuteur des associations familiales et de toutes les parties prenantes de notre politique familiale.

« C. FAIRE FACE AU DÉFI DU

VIEILLISSEMENT

«

1. Consolider nos régimes par répartition

« La situation financière de nos régimes de retraite est déséquilibrée. Ceux-ci devront faire face à partir de 2005 à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale.

« Le Gouvernement entend aborder les évolutions nécessaires de nos régimes de retraite sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont confrontés. L'élaboration de ce diagnostic a été confiée au Commissariat général du plan. Il portera sur l'ensemble des régimes de retraite. Les partenaires sociaux et les représentants des régimes sont associés à l'établissement de ce diagnostic afin que l'ensemble des hypothèses qui conditionnent l'avenir de nos systèmes de retraite soient prises en compte.

« C'est sur la base de ce diagnostic partagé que pourra s'ouvrir un dialogue sur les réformes à entreprendre.

« Le Gouvernement prendra les décisions qui s'imposent, guidé par la volonté :

« de préserver notre système de retraite par répartition, garant de solidarités essentielles entre actifs et retraités ;

« de rechercher une meilleure équité tant entre les générations qu'entre les régimes de retraite.

« Dès à présent, pour consolider nos régimes par répartition, un fonds de réserve est créé. Doté initialement de 2 milliards de francs, ce fonds pourra recevoir d'autres apports de ressource dès le courant de l'année 1999.

« La loi no 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite ne constitue pas une bonne solution pour l'avenir de notre système de retraite ; elle favorise clairement les salariés aux revenus les plus élevés, privilégie une approche individuelle et fragilise les comptes de la sécurité sociale. Elle va à l'encontre de la politique qu'entend mener le Gouvernement dans le domaine des retraites. En conséquence, le Gouvernement proposera au Parlement en 1999, dès qu'un support législatif le permettra, l'abrogation de cette loi.

«

2. Améliorer la prise en charge de la dépendance

« La dépendance physique ou psychique touche aujourd'hui en France environ 700 000 personnes âgées. Ce chiffre est appelé à croître du fait de l'augmentation du nombre de personnes âgées. Dès l'an 2000, nous atteindrons un million de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans.

« Or, les dispositifs actuels de prise en charge de la dépendance à domicile et en établissement apparaissent inadaptés. Ils relèvent de plusieurs autorités publiques, ils sont très complexes, bureaucratiques et mal coordonées.

« La loi du 24 janvier 1997 qui a créé la prestation spécifique dépendance (PSD) ne constitue pas une réponse à la hauteur des besoins. De plus, sa mise en oeuvre, au vu du rapport rendu public par le Comité national de coordination gérontologique, ne paraît pas pleinement satisfaisante, notamment du fait des inégalités de traitement en résultant selon les départements.

« D'ores et déjà, les dispositions législatives nécessaires ont été prises pour permettre d'atténuer les différences excessives entre les montants de PSD fixés par les conseils généraux pour les personnes âgées dépendantes accueillies en établissement. Ce montant minimal ne prendra toutefois tout son sens que lorsque la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes sera effective. Cette réforme, dont les décrets devraient paraître cet automne, permettra de clarifier ce qui, dans les tarifs, relève de l'hébergement, de la dépendance ou des soins.

« Par ailleurs, dans le cadre d'une politique globale de prise en charge des personnes âgées, il conviendra aussi d'améliorer les conditions de fonctionnement et de financement des dispositifs d'aide à domicile à la suite du rapport de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection des finances.

« D. - FAVORISER L'INSERTION DES HANDICAPÉS

« Le Gouvernement conduit une politique pour l'intégration des personnes handicapées qui prend en compte de manière globale, à tous les âges de la vie, les différents aspects de l'existence et de la vie quotidienne. Cette politique s'articule autour de trois axes principaux :

« une socialisation et intégration des jeunes handicapés aussi précoces que possible, en améliorant notamment leur niveau de formation générale et en modernisant les dispositifs de formation professionnelle initiale de droit commun et spécialisés ;

« le développement des différents modes de soutien dans la vie à domicile et la vie sociale, par un accès facilité aux aides techniques et par un élargissement des missions des services et des établissements spécialisés ;

« la nécessité d'apporter parallèlement une réponse adaptée et durable à l'insuffisance chronique de solutions d'accueil pour les personnes lourdement handicapées. Le Gouvernement a souhaité inscrire cet effort dans la durée en prévoyant un programme pluriannel (1999-2003) de création de 5 500 places supplémentaires de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, de 8 500 places de centres d'aide par le travail et de 2 500 places d'ateliers protégés. Ce plan est destiné notamment à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

mettre définitivement un terme à la situation des jeunes adultes maintenus, faute de places, dans des centres pour enfants. Les capacités rendues ainsi à nouveau disponibles dans le secteur médico-éducatif devront être mobilisées en priorité au profit des prises en charge présentant aujourd'hui le plus de difficultés (polyhandicap, autisme, handicaps rares) ou méritant d'être encore développées (services de soins et d'éducation à domicile). Par ailleurs, seront poursuivis les programmes portant sur des formes spécifiques de prise en charge encore insuffisamment développées (autisme, traumatisés crâniens, services de soins et d'éducation spécialisée à domicile en appui à l'intégration scolaire).

« E. - ASSURER L'ÉQUILIBRE DU RÉGIME GÉNÉRAL ET RÉFORMER SON MODE DE

FINANCEMENT

«

1. Assurer l'équilibre du régime général

« Une sécurité sociale en déficit est une sécurité sociale affaiblie.

« Le Gouvernement a entrepris le redressement du régime général. Le déficit passe de plus de 33 milliards en 1997 à 13 milliards en 1998. L'équilibre devrait être atteint en 1999 pour la première fois depuis 1985. Ce redressement, facilité par la croissance, tient pour l'essentiel aux mesures prises dans le cadre de la loi de financement pour 1998 qui ont réduit de 21 milliards le déficit tendanciel du régime général.

«

2. Réformer le mode de financement de la protection sociale pour favoriser l'emploi

« Une réforme d'ampleur a été engagée pour le transfert des cotisations maladie vers la CSG. Cette réforme a permis :

« un accroissement du salaire net de 1,1 % pour la grande majorité des salariés ainsi qu'un accroissement du revenu de la grande majorité des travailleurs indépendants ;

« un rééquilibrage très important des contributions respectives des revenus du travail et des revenus financiers.

« Cette réforme d'équité qui a contribué au soutien de la consommation et de la croissance doit se prolonger par une réforme des cotisations patronales.

« Le Gouvernement souhaite engager une telle réforme avec pour objectif d'assurer un financement de la protection sociale plus juste et plus favorable à l'emploi.

« Cette réforme doit s'effectuer sans en faire supporter le coût aux ménages et sans accroître globalement les prélèvements sur les entreprises. Cette réforme aura pour objet de stabiliser le financement de la protection sociale afin d'en assurer la pérennité, en recherchant une assiette moins sensible aux variations de la masse salariale des entreprises.

« La concertation avec les organisations d'employeurs et de salariés sera poursuivie en vue d'en fixer les orientations et les modalités précises avec l'objectif d'aboutir à un projet de loi au premier semestre 1999. »

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Claude Evin, rapporteur.

L'amendement de la commission est simple à présenter puisqu'il s'agit de revenir au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. La commission n'a pas souhaité introduire de nouvelles dispositions, à l'exception de quelques-unes qu'elle a acceptées il y a quelques minutes lors de sa réunion tenue au titre de l'article 88 de notre règlement.

Mais l'amendement qui vous est présenté est la reprise intégrale du rapport annexé qui avait été adopté à l'article 1er en première lecture à l'Assemblée nationale.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le Gouvernement ne peut qu'être favorable.

M. le président.

Sur cet amendement, je suis saisi d'une série de sous-amendements présentés par MM. Préel, Gengenwin et Bur.

Le sous-amendement no 60 est ainsi rédigé :

« Au début de l'amendement no 1, après la troisième phrase du troisième alinéa, insérer la phrase suivante :

« Cependant, une délégation de gestion du risque, limitée géographiquement, pourra être expérimentée par les assureurs selon un cahier des charges précis et strict interdisant toute sélection des patients et professionnels. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Nous avons clairement exprimé à plusieurs reprises que nous étions opposés à la privatisation et à l'étatisation de notre protection sociale. Je ne crois pas non plus, que l'on puisse faire de réelles économies par la mise en concurrence des caisses.

Cependant, compte tenu des discussions qui ont lieu sur ce sujet et de l'ambiance générale, une expérimentation à titre temporaire visant à apprécier l'opportunité de la mise en oeuvre d'une gestion privée du risque me paraîtrait utile à condition qu'elle soit temporaire, g éographiquement limitée, strictement encadrée afin d'éviter toute dérive et assortie d'un cahier des charges très précis interdisant toute sélection des patients et des professionnels.

Nous constaterons probablement qu'il n'y a pas une amélioration certaine, mais, au moins, nous serons-nous mieux armés pour assurer la sauvegarde de notre protection sociale française.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'a pas souhaité retenir ce sous-amendement. Elle avait déjà rejeté la même demande en première lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis négatif. Il y a une certaine contradiction entre l'assurance que nous a donnée M. Préel tout à l'heure qu'il était contre l'assurance privée et sa volonté de la voir expérimentée. Un rapport récent du CREDES, le centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, nous montre bien quelles sont les conséquences des assurances privées chez la plupart de nos voisins.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

60. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 61 est ainsi rédigé :

« Au début de l'amendement no 1, dans la dernière phrase du cinquième alinéa, après les mots : "Après la réforme des cotisations salariales", insérer les mots : "initiée en 1997". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. Jean-Luc-Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Un avis favorable de ce sousamendement aurait une valeur symbolique car ce serait reconnaître que de nombreuses mesures du plan Juppé ont été reprises par le Gourvernement. Tel est le cas du basculement des cotisations salariales vers la CSG. Cette réforme a bel et bien été initiée en 1997. J'en étais pour ma part partisan dès janvier 1997.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous avez voté contre l'année dernière !

M. Jean-Luc Préel.

Le Gouvernement de M. Jospin et Mme la ministre Martine Aubry, en particulier, ont repris cette idée. Il me paraîtrait conforme à la vérité historique que de le constater. L'adoption de ce sous-amendement mettrait en évidence la continuité de l'application du plan Juppé.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

L'opposition était-elle pour, l'année dernière ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission souhaite ne pas faire d'histoire, aux deux sens du terme. C'est pourquoi elle n'a pas souhaité dater le début de la réforme des cotisations salariales.

Monsieur Préel, s'il fallait réellement faire de l'Histoire, avec un grand « h », il faudrait dater le début de cette réforme non pas de 1997 mais plutôt de 1990...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui !

M. Claude Evin, rapporteur.

... car la cotisation sociale généralisée qui, certes, n'était pas assise sur l'ensemble des revenus mais qui y tendait, a été mise en place cette année-là. J'ai quelques raisons personnelles de m'en souvenir.

Vous insistez sur le caractère symbolique de l'adoption de votre sous-amendement en tant que reconnaissance du p lan Juppé. Permettez-moi 1de vous rappeler que, en 1990, M. Juppé était intervenu longuement à cette tribune pour s'opposer à la mise en place de la contribution sociale généralisée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est tout à fait exact !

M. Claude Evin, rapporteur.

Sur le plan de l'Histoire, l'année 1990 est particulièrement intéressante.

C'est afin de ne pas faire d'histoires, avec un petit « h » que la commission a supprimé toute référence datée lors de son examen en première lecture. Je ne souhaite donc pas l'adoption du sous-amendement no 61 de M. Préel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Même avis que la commission. Je rends hommage à la sagesse historique du rapporteur.

M. le président.

Seulement du rapporteur ? (Sourires.)

M. Claude Evin, rapporteur.

La sagesse du rapporteur n'est pas seulement historique.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

61. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 63 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, après la troisième phrase du deuxième alinéa du 1. du A, insérer les deux phrases suivantes :

« Les conférences régionales se réuniront en séance plénière chaque trimestre. Elles étudieront notamment l'adéquation de l'offre et des besoins, feront des propositions pour prendre en compte les problèmes de santé publique au niveau régional. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Le sous-amendement no 63 me paraît essentiel. En intervenant sur l'article 1er , j'ai essayé de montrer que l'un des problèmes majeurs qui se présentaient à nous en matière de santé était la définition des besoins et la mise en adéquation de l'offre à ces besoins.

Or ce n'est pas grâce aux états généraux que l'on pourra résoudre ce problème.

Un amendement a été adopté en première lecture reconnaissant la nécessité de donner aux observatoires régionaux de la santé des moyens financiers. Madame la ministre, pouvez-vous me donner l'assurance que ceux-ci verront un jour leurs crédits augmenter ? Savez-vous qu'actuellement ils sont obligés de s'autofinancer par des études qui n'ont rien à voir avec leur mission, ce qui les empêche d'observer réellement l'état de la santé des populations dans nos régions ? Par ailleurs, pour prendre en compte les besoins de la population, il importe que les conférences régionales de santé aient le temps et les moyens de fonctionner. Par cet amendement, je souhaite indiquer clairement que les conférences régionales de santé ne doivent pas être des grands-messes d'une journée, préparées par les DRASS et les ORS, mais qu'elles doivent réunir tout au long de l'année l'ensemble des partenaires. Elles pourront ainsi apporter une contribution utile à la conférence nationale de santé et permettre une meilleure adéquation de l'offre aux besoins.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

M. Préel traite de deux sujets qui se rejoignent un moment, mais que l'on peut aborder de manière distincte.

S'agissant des observatoires régionaux de la santé, je partage son appréciation. Je suis moi aussi partisan d'un maintien, voire d'une augmentation de leurs moyens. Les ORS remplissent une mission d'observation réellement utile, en particulier dans une région que M. Préel et moimême connaissons bien. Cela étant, les moyens des ORS relèvent de la loi de finances, non du texte qui nous occupe aujourd'hui.

Votre sous-amendement, monsieur Préel, ne concerne pas les ORS, mais les conférences régionales de santé, auxquelles vous voulez leur donner des objectifs, indépendamment des autres structures et notamment de l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaires en cours, qui ne sont pas, dans ce rapport annexé, assis sur des textes législatifs clairement identifiés. C'est la raison pour laquelle je ne puis être favorable à votre sousamendement, même si je reconnais que les conférences régionales de santé remplissent une mission qu'il est juste de valoriser.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Identique à celui de la commission.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

63. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 65 est ainsi rédigé :

« Compléter ainsi le sixième alinéa du b du 3 de l'amendement no 1 : "et s'appuyant sur les expériences en cours. Il est nécessaire que tous les acteurs soucieux d'un dépistage de qualité efficace se retrouvent partenaires au sein d'une association départementale". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Le Gouvernement a annoncé qu'il améliorerait la prévention, notamment pour les cancers féminins et pour le cancer du colon, et décidé de généraliser leur dépistage au niveau national. Or des expériences sont déjà en cours dans vingt-neuf départements. Même si leurs résultats ne sont pas toujours satisfaisants, les femmes n'étant pas toutes disposées à suivre ce dépistage, ce n'est pas en le généralisant et en demandant aux caisses de s'en occuper directement que l'on résoudra fondamentalement le problème.

En revanche, il est essentiel que des structures associant l'ensemble des partenaires, caisses, mutuelles, médecins généralistes et spécialistes, et associations de prévention, notamment du cancer, puissent oeuvrer ensemble dans chaque département. C'est à mon avis le seul moyen d'avoir une chance de contacter tous les intéressés et de leur offrir la meilleure prévention possible.

J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat. que vous serez favorable à ce sous-amendement. Une simple lettre de relance améliorerait grandement le dispositif ; mais pour qu'il fonctionne bien, encore faut-il que tous les partenaires soient à même de travailler ensemble.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'est pas favorable au sous-amendement de M. Préel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je n'y suis pas favorable du tout. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Préel, je crois que vous dites en fait le contraire de ce que vous souhaitez. Vous souhaitez un dépistage efficace des cancers en général et des cancers féminins en particulier. Il ne l'étaient pas dans le passé avec le système départemental : or c'est justement celui-là que vous proposez de rétablir. Je puis vous assurer que tous les partenaires sont bien associés. Hier encore, nous en discutions avec la Ligue. C'est justement parce que nous avions un dépistage à deux vitesses que les femmes les plus défavorisées n'en bénéficiaient pas. Il ne s'agit pas de nationaliser, mais d'instaurer un dépistage unique afin q ue toutes puissent en bénéficier. Vous souhaitez reconvoquer par une lettre celles qui n'y ont pas eu recours ? C'est exactement ce que nous voulons faire.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

65. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement, no 66, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, à la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du 4, substituer aux mots : "au cours de l'automne 1998", les mots : "dès que possible". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Permettez-moi un peu d'humour : si je propose de remplacer les mots « au cours de l'automne 1998 » par les mots « dès que possible », c'est que, et chacun peut le constater, les feuilles sont déjà tombées nous n'avons toujours rien vu venir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Nous sommes encore en automne, monsieur Préel, jusqu'au 21 décembre.

(Sourires.) Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

66. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 67 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, après le deuxième alinéa du 5, insérer l'alinéa suivant :

« Créer un service de médecine du travail au sein de l'éducation nationale. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

L'ensemble des salariés passent une visite médicale annuelle obligatoire - il est d'ailleurs permis de s'interroger sur son efficacité : mais les personnels de l'éducation nationale, eux, sont uniquement soumis à une visite médicale à l'embauche, alors qu'ils se trouvent en contact permanent avec les élèves. Dans l'intérêt des professeurs, des enseignants et des élèves, une visite annuelle paraît nécessaire.

Le rapporteur a indiqué en commission qu'une telle question ne pouvait être abordée dans le cadre d'un rapport annexé. Or nous sommes justement là pour nous occuper de l'ensemble des problèmes de santé des Françaises et des Français. Par conséquent, il me paraît éminemment utile d'indiquer dans ce rapport qu'une véritable politique de médecine du travail doit être appliquée au sein de l'éducation nationale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Pour l'amélioration du suivi médical des personnels de l'éducation nationale, mais contre la rédaction proposée par le sous-amendement de M. Préel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Avis identique.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

67. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Luc Préel.

En d'autres termes, vous évacuez le problème...

M. le président.

Le sous-amendement no 68 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, dans le deuxième alinéa du a du 6, après les mots : "l'offre aux besoins" insérer les mots : "rendre effective une formation continue". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Amendement défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Ce sous-amendement n'a pas été examiné.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Sagesse.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous croyez, monsieur Préel : quand vous n'argumentez pas pour défendre vos sous-amendements, nous ne sommes pas contre ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

68. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 50 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, compléter le neuvième alinéa du a du 6 par la phrase suivante :

« A ce titre, la création d'un ordre des infirmiers est nécessaire pour assurer la représentation de l'ensemble de la profession. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

J'hésitais à défendre cet amendement, madame le ministre, mais j'ai vu le résultat du vote sur le précédent : vous vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée, fort bien, encore faut-il que votre appel soit entendu ! Une proposition de loi sur ce sujet avait été déposée et discutée au printemps dernier : force est de reconnaître que la profession des infirmiers et infirmières est représentée par 150 associations ou syndicats réunissant seulement 8 % des professionnels. Le Gouvernement souffre de ne pas disposer d'interlocuteurs représentatifs pour discuter des problèmes d'éthique et de formation. Il apparaît donc souhaitable de créer un ordre des infirmiers pour représenter l'ensemble de la profession.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

50. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 51 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, compléter l'avantdernier alinéa du b du 6 par la phrase suivante : "Le Gouvernement étudiera avec les laboratoires un dispositif permettant à l'ensemble de la population d'avoir accès à toute molécule innovante". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit là d'un problème majeur de santé publique. Bon nombre de laboratoires pharmaceutiques se sentent pénalisés par le système de convention et de prix bas pratiqués depuis longtemps en France. Aussi préfèrent-ils, lorsqu'ils sortent une molécule innovante, ne pas en demander le remboursement afin de ne pas se voir imposer un prix. C'est le cas du Viagra - pardonnez-moi de faire un peu d'ironie ! Plus sérieusement, c'est aussi celui d'un nouvel hypolipémiant très efficace, et il en sera de même demain pour de nombreux autres médicaments.

Du fait que ces médicaments innovants ne sont pas remboursables, seuls pourront en bénéficier les Français et les Françaises qui pourront se le payer. Mon sousamendement tend justement à éviter l'apparition d'une médecine à deux vitesses, si souvent décriée, et à juste titre, sur tous les bancs de cette Assemblée, même si le rapporteur s'est permis d'ironiser quelque peu sur l'argument. Je propose simplement d'indiquer, sous forme d'un complément, que le Gouvernement étudiera avec les laboratoires un dispositif permettant à l'ensemble de la population d'avoir accès à toute molécule innovante.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

M. Préel pose un vrai problème. Un laboratoire n'est effectivement pas tenu de demander le remboursement pour un médicament qu'il vient de mettre au point. Il peut donc arriver qu'un médicament existe, qu'il soit prescrit - car les laboratoires n'en continuent pas moins de développer des actions promotionnelles auprès des médecins, sans pour autant être pris en charge par la sécurité sociale alors qu'il représente une véritable amélioration.

Le sous-amendement de M. Préel a donné lieu tout à l'heure à un débat en commission. Si le sujet mérite d'être pris en considération, la commission n'a pas retenu la rédaction proposée, à ses yeux peu satisfaisante.

La question posée renvoie à une modification du code de la sécurité sociale. Je serais enclin à souhaiter, comme la commission des affaires sociales, d'y travailler avec le Gouvernement. En effet, sur le plan juridique, le problème n'est pas simple. D'un côté, le laboratoire a naturellement toute latitude de demander ou de ne pas demander le remboursement, et cette liberté, sur le plan des principes, doit lui être reconnue. De l'autre côté, il faut évidemment pouvoir mettre à la disposition de l'ensemble du public les molécules qui rendent un réel service.

Bref, la réflexion mérite d'être poursuivie. Puisque M. Préel nous y invite, nous pourrions demander au Gouvernement de présenter le plus rapidement possible des propositions en la matière ; en attendant, il ne nous est pas apparu opportun de retenir le sous-amendement de M. Préel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

L'avis du Gouvernement n'est pas éloigné de celui qui vient d'être émis par le rapporteur. Tout comme Claude Evin, je reconnais que M. Préel pose un problème important, pour le présent comme pour le futur.

Mais la rédaction proposée ne me convient pas moi non plus. Je suis parfaitement d'accord avec M. Préel pour étudier la question avec les laboratoires, mais aussi avec d'autres intervenants, avec les spécialistes de santé publique. De même, l'expression « accès à toute molécule innovante » ne peut convenir : certaines ne sont pas utiles. Sur le fond, il faudra bien se poser la question de l'arrivée sur le marché de molécules réellement utiles dont le laboratoire n'a pas demandé le remboursement, ce qui établit, il est vrai, une inégalité.

Cela étant, Claude Evin l'a laissé entendre, un problème d'ordre pratiquement constitutionnel se pose. On ne peut raisonnablement obliger les laboratoires à demander le remboursement. Quoi qu'il en soit, il faudra étudier cette question de près. Pour le moment, nous ne pouvons accepter la rédaction proposée.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1998

Mme Muguette Jacquaint.

Nous parlons des molécules innovantes même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un médicament, je veux parler des pilules contraceptives, en particulier, des pilules dites de troisième génération.

M. Claude Evin, rapporteur. Tout à fait exact. C'est un excellent exemple.

Mme Muguette Jacquaint.

Lorsque le médecin prescrit cette pilule à sa patiente, en lui expliquant qu'elle est mieux dosée et qu'elle a des conséquences bénéfiques sur sa santé, naturellement, la patiente ira l'acheter. Mais elle ne sera pas remboursée !

M. Claude Evin, rapporteur. Vous avez parfaitement raison.

Mme Muguette Jacquaint.

Il faut donc qu'une discussion s'engage au plus vite pour trouver une solution au problème posé par M. Préel.

M. Claude Evin, rapporteur. Absolument. L'exemple cité par Mme Jacquaint est tout à fait juste.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

51. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 52 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, compléter le dernier alinéa du b du 6, par la phrase suivante : "C'est pourquoi, dorénavant, le Gouvernement s'interdit toute sanction collective lorsque la convention est respectée". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Amendement défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur. Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

52. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 53 est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 1, dans le premier alinéa du c du 6, après les mots : "système hospitalier", insérer les mots : "renforcer les pouvoirs effectifs des conseils d'administration". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

En commission, tout à l'heure, M. le rapporteur a indiqué que, favorable au principe de l'amendement, il ne l'acceptait pas quand même. Je n'ai pas compris pourquoi.

D ans les faits, les conseils d'administration ne détiennent pas de grands pouvoirs, coincés qu'ils sont entre les mesures gouvernementales, l'ARH et la DRASS.

Il me paraîtrait souhaitable de renforcer leurs pouvoirs afin qu'ils soient effectivement à même de préparer des projets d'établissement, à partir des projets de service, en fonction des besoins de la population, et de se comporter comme de vrais interlocuteurs face à l'ARH.

Par ailleurs, un conseil d'administration se trouve dans une position délicate face à un directeur d'hôpital. Pour ma part, je défends depuis longtemps le principe que le directeur d'hôpital devrait être embauché par le conseil d'administration pour appliquer le projet de l'établissement. Aujourd'hui, le directeur d'hôpital ne dépend pas directement du conseil d'administration dont les pouvoirs restent par voie de conséquence extrêmement modestes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

L'exposé des motifs de M. Préel lui-même justifie un avis défavorable. Les conseils d'administration élaborent des projets d'établissement sur lesquels ils délibèrent. Plusieurs dispositions introduites dans le code de la santé publique par la loi du 31 juillet 1991 ont rendu un certain nombre de pouvoirs aux conseils d'administration. Sont-ils suffisants ? Sans doute pas. Pour autant, indiquer dans un rapport annexé qu'on leur donnera des pouvoirs sans avoir défini ceux-ci n'a pas grand sens.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

53. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite à la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1208, de financement de la sécurité sociale pour 1999 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1215).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT