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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 10563).

FISCALITÉ DE L'EAU (p. 10563)

M. Robert Galley, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

AIDES AUX AGRICULTEURS DE MONTAGNE (p. 10563)

MM. Patrick Ollier, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

RÉFORME DU CNRS (p. 10564)

MM. Pierre Lasbordes, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITES (p. 10565)

MM. Nicolas Forissier, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

RELÈVEMENT DES MINIMA SOCIAUX DANS LES DOM (p. 10566)

Mme Huguette Bello, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

POLITIQUE DE LA VILLE (p. 10566)

MM. Pierre Cohen, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

CONSÉQUENCES DE LA MISE EN PLACE DE L'EURO SUR L'IEDOM (p. 10568)

MM. Léo Andy, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L ANCEMENT D'UN GRAND DÉBAT SUR LES COLLÈGES (p. 10568)

M. Jean-Pierre Baeumler, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

AVENIR DE L'AÉROPORT D'ORLY (p. 10569)

MM. Jean-Jacques Filleul, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN (p. 10570)

MM. François Rochebloine, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

AVENIR DE LA PRODUCTION NATIONALE D'ALLUMETTES (p. 10570)

MM. Patrice Carvalho, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

ACCÈS AUX SOINS (p. 10571)

Mme Jacqueline Fraysse, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Suspension et reprise de la séance (p. 10572)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 10572).

3. Caisses d'épargne et de prévoyance. Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 10572).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Alain Rodet, rapporteur de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10574)

MM. Jean-Louis Idiart, Christian Cabal, Jean-Pierre Brard, Aloyse Warhouver, Gilbert Gantier.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 10580)

Amendements nos 4 de M. Cabal, 5 de M. Gengenwin et 1 rectifié de M. Brard : M. Christian Cabal. - Retrait de l'amendement no

4. MM. Germain Gengenwin, Christian Cuvilliez, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no

5. MM. Yves Deniaud, le ministre. - Adoption de l'amendement no 1 rectifié.

Adoption de l'article unique modifié.

Après l'article unique (p. 10581)

Amendement no 2 de M. Warhouver : MM. Aloyse Warhouver, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 3 de M. Warhouver : MM. Aloyse Warhouver, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10582)

Adoption de l'ensemble du projet de loi, qui se limite à l'article unique modifié.

4. Loi de finances pour 1999.

Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 10582).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10586)

MM. Pierre Méhaignerie, Alain Tourret, François d'Aubert, Christian Cuvilliez, Philippe Auberger, Jean-Louis Idiart,

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'Etat.

PRE

SIDENCE DE M. YVES COCHET MM. le secrétaire d'Etat, Pierre Méhaignerie.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10600).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures).

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

FISCALITÉ DE L'EAU

M. le président.

La parole est à M. Robert Galley.

M. Robert Galley.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, au mois de mars dernier s'est tenue à Paris, sous l'autorité du Président de la République, une conférence internationale qui a clairement montré l'efficacité du système français de gestion de l'eau, dont s'inspirent d'ailleurs les projets de directives européennes. Or, dans une déclaration en date du 22 juillet, vous avez proposé diverses dispositions tendant à fiscaliser le système des redevances perçues par les agences de l'eau après délibération des comités de bassin.

L'émotion, je devrais dire l'indignation à l'idée que soit abîmé ce qui fait l'originalité constructive de notre pays, a été unanime.

La taxe générale sur les activités polluantes - la TGAP - dans son application aux problèmes de l'eau a été rejetée, aussi bien par les collectivités locales que par les associations d'usagers. Vendredi dernier, à Orléans, au cours de la conférence des présidents de comité de bassin, vous avez annoncé que le système de financement des agences de l'eau serait maintenu, mais que la TGAP, faisant partie de ce que vous appelez « l'impôt écologique », serait versée à un compte spécial du Trésor mis à la disposition du ministère.

Ma question sera double. Pouvez-vous nous assurer que le système actuel du financement des agences de l'eau, après un vote quinquennal du Parlement, sera préservé ? Pouvez-vous nous confirmer que l'impôt écologique que vous projetez n'alourdira ni la facture d'eau des particuliers, ni la pression fiscale, déjà forte, pesant sur les agriculteurs, les industriels, et, plus généralement, les usagers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous l'avez rappelé, les grandes lignes de la réforme de la politique de l'eau, que j'ai présentées en conseil des ministres le 20 mai dernier, réaffirmaient notre attachement au système français des agences de l'eau : cohérence de la gestion par bassin versant, programmation pluriannuelle de programmes d'études et de travaux, qui permettent d'assurer la qualité de la ressource en eau et le financement des politiques indispensables à cet égard, mais aussi gestion au plus près des usagers, avec l'ensemble des catégories intéressées et au maintien de la ressource et à son utilisation.

La mise en place de la TGAP relève d'une volonté de mieux appliquer le principe pollueur-payeur, en empêchant le pollueur de revendiquer, comme sociétaire, un

« retours » à hauteur de sa contribution et en le dissuadant d'adopter des comportements indifférents ou délétères à l'égard de la qualité d'une ressource rare, l'eau.

La TGAP sera clairement dissociée de la redevance.

Elle constitue la première étape de la fiscalité écologique que nous entendons mettre en place. S'agissant de l'eau, elle doit contribuer au financement notamment des travaux d'intérêt collectif - connaissance de la ressource ou police de l'eau, par exemple - mais aussi, si la montée en puissance du deuxième dividende dans le temps se confirmait, permettre de baisser la fiscalité qui pèse sur le travail ou certains prélèvements dont le caractère antisocial est manifeste.

Alors, où en sommes-nous actuellement ? Nous souhaitons clarifier les choses. Il y a, d'une part, une redevance, dont le cadre sera fixé tous les cinq ans par le Parlement, en même temps que les programmes d'intervention quinquennaux des agences, ce qui permettra de rompre avec le caractère inconstitutionnel du système de fixation des redevances, que tout le monde connaît bien, et, d'autre part, des prélèvements au titre de la fiscalité écologique, qui n'amputeront pas les moyens d'intervention des agences. En effet, la nécessité d'une stabilité et d'une programmation pluriannuelle m'apparaît fondamentale et a été réaffirmée devant les présidents des comités de bassi n la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

AIDES AUX AGRICULTEURS DE MONTAGNE

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, depuis plusieurs semaines, les agriculteurs de montagne bloquent les routes. C'était le cas hier, dans les Hautes-Alpes, mon département, et il y a quelques jours en Savoie et en Isère. Ils veulent appeler l'attention du Gouvernement sur les aides qu'il faut leur apporter pour préserver leur activité.

En ce qui concerne, tout d'abord, la revalorisation de l'aide aux bâtiments d'élevage, le rattrapage nécessaire est d'environ 50 millions de francs, pour éliminer les files d'attente. Mais votre budget pour 1999 ne les prévoit pas.


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S'agissant, ensuite, de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels pour les productions laitières, une revalorisation immédiate de 5 % est indispensable pour leur permettre de faire face à leurs besoins. Comme vous arrivez de Bruxelles, j'espère que vous allez nous annoncer qu'à votre initiative le conseil des ministres de l'agriculture a décidé de relever le plafond des indemnités compensatrices d'au moins 50 % pour le faire passer de 180 à 250 écus, c'est-à-dire 1 500 francs environ.

Comme les agriculteurs de montagne, j'attends cette bonne nouvelle.

Enfin, il conviendrait de rétablir une ligne spécifique pour la modernisation des exploitations et le matériel agricole. Comme vous l'ont demandé les agriculteurs et les élus de montagne, dont le président de l'association, Michel Bouvard, s'associe à ma question, il faut aussi créer un groupe de travail spécifique pour suivre tous les problèmes liés à la révision des fonds structurels européens, à la modification de la politique agricole commune et aux aides immédiates indispensables. Les agriculteurs des zones de montagne seront ainsi rassurés.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que celui qui de sa permanence voit les cimes enneigées du Pic du Midi, aura à coeur d'aider les agriculteurs de montage. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, un élu d'un département de montagne est heureux de répondre à un élu montagnard, mais comme ministre que je m'exprimerai.

Vous avez raison de le dire, les agriculteurs de montagne sont inquiets et le manifestent de différentes manières. Leurs inquiétudes portent d'ailleurs moins sur l a politique du Gouvernement que sur l'éventuelle réforme de la PAC, c'est-à-dire les propositions de la commission. J'ai profité d'un récent voyage en Isère pour aller les rencontrer alors qu'ils manifestaient. Nous avons eu une longue réunion de travail fructueuse, à mon avis.

Je répondrai brièvement sur les points que vous avez évoqués.

Sur l'aide aux bâtiments d'élevage, oui, les fonds de cette ligne budgétaire seront abondés par redéploiement de façon à éliminer les files d'attente en 1999. C'est clair, j'en ai pris l'engagement solennel.

Même chose pour l'aide à la mécanisation spécifique qui sera individualisée, ce qui répond à une revendication des agriculteurs.

Sur l'indemnité compensatrice de handicaps naturels pour les vaches laitières qui a pris du retard par rapport aux autres ICHN - 18 % environ - j'ai obtenu le rattrapage de 5 % réclamé. Surtout, j'ai demandé au commissaire Fischler lundi soir, dans une réunion de travail spécifiquement consacrée à ce sujet, que la Commission fasse un effort pour que ce rattrapage soit le plus rapide possible. Par ailleurs, je vous rappelle que, dans le cadre de la réforme de la PAC, nous demandons que cette indemnité soit cofinancée à 50 % par l'Europe et par la France et non plus, comme c'est le cas actuellement, à 25 % et 75 %.

Quant au groupe de travail, monsieur le député, j'ai décidé sa mise en place avec les organisations professionnelles et les élus de montagne. Il va commencer des travaux dans les tout prochains jours.

L'agriculture de montagne doit être protégée et encouragée. Son avenir dépend, d'une part, des mesures que nous arriverons à prendre dans le cadre de la réforme de la PAC, notamment grâce à l'incorporation de la politique de développement rural dans la PAC et, d'autre part, des dispositions de la loi d'orientation agricole qui reconnaît l'aide à l'exploitation, ainsi que le rôle joué par les agriculteurs de montagne dans l'aménagement du territoire et la défense de nos paysages. Bref, si le rôle économique de l'agriculture de montagne doit être reconnu, il ne faut pas oublier son rôle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) RÉFORME DU CNRS

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, lar éunion extraordinaire du Comité national de la recherche scientifique a rassemblé quelque 800 chercheurs à la Maison de la chimie lundi 14 décembre en écho aux divers projets de réorganisation du CNRS qui se succèdent depuis quelque temps.

Les objectifs affichés, notamment celui d'une meilleure ouverture de la recherche sur le monde de l'entreprise, sur celui de l'enseignement et l'université ou sur l'étranger ne sont pas remis en cause par les chercheurs, pas plus que la volonté du pouvoir politique de contribuer à la définition des axes de développement de la recherche et de veiller à sa capacité de répondre à la demande sociale.

En revanche, la méthode employée qui consisterait à ôter, par décret, aux organismes de recherche la majeure partie de leur autonomie en matière de politique scientifique et à enlever au CNRS sa mission d'évaluation et de prospective pour le transformer en simple agence de moyens n'est pas acceptable. C'est ce qu'exprime actuellement la communauté scientifique.

M onsieur le ministre, vous ne pouvez l'ignorer, l'absence de consultation des chercheurs français, l'impasse faite jusqu'à présent sur la concertation sont le gage de l'échec de toute tentative de réforme. C'est pourquoi nous souhaiterions savoir si vous envisagez de donner satisfaction aux légitimes aspirations des chercheurs qui souhaitent, comme j'en avais moi-même émis le voeu lors de mon intervention le 20 octobre dans la discussion budgétaire, que les élus de la nation que nous sommes soient les acteurs d'un vrai débat parlementaire. Ce débat aboutirait démocratiquement à l'élaboration d'une loicadre appréhendant la recherche publique française dans la totalité de sa réalité, de ses enjeux et intégrerait les réflexions élaborées par la communauté scientifique.

(Applaudissements sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je vous remercie pour cette question, qui va me donner l'occasion de clarifier les choses. Il est hors de question, je le précise tout de suite, de changer quoi que ce soit à la capacité d'évaluation ou au fonctionnement du comité national du CNRS.


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Il s'agit, comme mes prédécesseurs ont cherché à le faire, d'améliorer le transfert de connaissance vers l'industrie, ainsi que la pénétration de l'innovation dans l'enseignement, et surtout de faire en sorte que les jeunes aient des responsabilités et soient autonomes.

Je constate que l'on parle d'un certain nombre de choses qui ne sont pas à l'ordre du jour. Malheureusement, l'expérience fait foi. En 1968, cet organisme a été très actif, mais il n'a pas changé une virgule ni à ses statuts ni à son comportement. Après le colloque Chevènement, on n'a rien modifié non plus. Enfin, le colloque Fillon n'a apporté aucun changement. Je ne voudrais pas que les révolutionnaires du statu quo l'emportent une nouvelle fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité..

Depuis quelques mois, le Gouvernement nous a gratifiés d'une série de rapports sur les retraites : trois rapports du conseil d'analyse économique et un rapport du Commissariat général du Plan. Ce dernier confirme, mais cette fois-ci de façon chiffrée, avec éloquence et noir sur blanc, que l'avenir à court terme de nos retraites est gravement menacé de faillite. Faillite du régime de la fonction publique, tout d'abord. La charge pour l'Etat, et donc pour l'ensemble des contribuables, passera de 172 à 325 milliards de francs de 1998 à 2020. Faillite des régimes spéciaux, et en particulier de ceux d'EDF et de Gaz de France, ensuite. Faillite du régime des cadres, enfin. En 2015, nous devrons trouver 110 milliards de francs supplémentaires juste pour maintenir à flot le système des retraites.

Le rapport du Commissariat général du Plan ne révèle rien de nouveau. Il ne fait que confirmer, bien au-delà de ce que nous savions, et avec des chiffres, une situation extrêmement menaçante.

Face à cela, la prise de conscience du Gouvernement et de la majorité peut paraître un peu tardive. Elle est en tout cas l'aveu d'une certaine irresponsabilité si l'on veut bien se souvenir que, durant des années, la gauche a nié l'existence de tout problème et a bloqué l'indispensable adaptation des régimes de retraire.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est vrai !

M. Nicolas Forissier.

L'honnêteté oblige à rappeler, en effet, que vous avez rejeté la réforme de 1993 mise en oeuvre par Edouard Balladur concernant le régime général. Vous vous êtes également opposés à l'évolution des régimes spéciaux, en jetant même de l'huile sur le feu, ce qui a ôté toute sérénité au nécessaire débat proposé par Alain Juppé. Vous avez aussi refusé pendant longtemps, trop longtemps, l'instauration de complément de retraite par capitalisation, effectuant maintenant un retournement qui se cache derrière les mots.

Après avoir joué au pompier pyromane, vous vous retrouvez aujourd'hui acculés et obligés de prendre des décisions difficiles dans l'urgence.

A cet égard, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que la méthode retenue par le Gouvernement ces derniers jours est peu respectueuse des droits du Parlement. Alors que la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale est à peine achevée, nous apprenons en effet, par voie de presse, avec la divulgation du rapport Charpin, que les menaces pesant sur nos régimes de retraite sont extrêmement graves et bien plus encore que ce que nous savions.

Le Gouvernement doit donc cesser de tergiverser. Il doit annoncer clairement quelles mesures il entend prendre pour sauver le régime des retraites et selon quel calendrier. Vous le savez, la faillite annoncée ne surviendra pas dans trente ou quarante ans.

M. Claude Lanfranca.

Posez donc votre question !

M. Nicolas Forissier.

Elle peut d'ores et déjà être programmée pour 2010-2015, c'est-à-dire demain.

Je souhaite également que le Gouvernement nous dise comment il entend éviter la paupérisation d'un nombre croissant de retraités qui subissent la hausse des prélèvements - CSG, impôt sur le revenu -, tout en ne profitant pas du retour de la croissance. Pourtant, ils ont comme les autres fourni tous les efforts nécessaires ces dernières années.

Madame la ministre, je vous demande donc de nous donner des réponses précises avec un calendrier précis sur les mesures que vous serez obligée de mettre en oeuvre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, je vais répondre en lieu et place de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité...

M. François Goulard.

Pourquoi ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... car vous avez centré votre question sur la situation prévisible des régimes de retraite des fonctionnaires.

Nous savons tous que notre système de retraite sera confronté à un choc démographique à partir de 2005 et jusqu'en 2040, et que nous devons l'adapter si nous voulons maintenir les principes d'équité entre générations.

A cette fin, le Gouvernement a confié au Commissariat général du Plan, en mai 1998, une mission d'analyse de notre système de retraite. Elle associe les syndicats représentatifs des salariés, les gestionnaires des régimes de retraite et des représentants des retraités, qui travaillent dans la plus grande transparence, ce qui explique que la presse en parle.

Des projections ont été réalisées à partir de diverses hypothèses macro-économiques portant notamment sur l'évolution du chômage, car ce facteur a une très forte incidence.

La presse a récemment fait état de certaines de ces hypothèses selon lesquelles, en 2015, l'Etat pourrait être amené à augmenter de manière notable sa contribution à l'équilibre des retraites des fonctionnaires à raison de 100 milliards cette année-là. Je voudrais insister sur le fait qu'il ne s'agit là que d'un scénario parmi d'autres qu'a retenus le commissariat général. Ce n'est qu'une simple hypothèse de travail. En outre, je n'ai pas l'intention de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

les évoquer aujourd'hui, le Commissariat général du Plan devant le faire dans les jours qui viennent, au sein de la commission de concertation.

Nous disposerons du rapport définitif à la fin du premier trimestre 1999 et nous souhaitons que ses conclusions soient aussi largement partagées que possible. Le Gouvernement ouvrira alors, sur ces bases, un dialogue avec les partenaires sociaux sur les différentes pistes de réforme.

(Exclamations sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'entends bien que vous nous pressez mais ce sont souvent ceux-là mêmes qui nous pressent aujourd'hui qui, en 1995, négligeant tout souci de pédagogie et de dialogue, ont voulu forcer le cours des réformes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous n'avez pas fait avancer beaucoup les choses sur ce problème. Alors laissez le Gouvernement avancer en s'appuyant sur la pédagogie (Exclamations sur les mêmes bancs) et, sur le principe selon lequel on ne réforme pas ou on ne fait pas évoluer les régimes de retraite contre les Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Goulard.

Zéro ! zéro !

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

RELÈVEMENT DES MINIMA SOCIAUX DANS LES DOM

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Premier ministre a annoncé hier matin une augmentation de 3 % des minima sociaux fondamentaux en faveur des allocataires du RMI et des chômeurs de longue durée en fin de droit. Cette mesure s'appliquera avec un effet rétroactif à compter du 1er janvier 1998. Chiffrée avec précision, tant sur le plan individuel qu'au niveau global, cette annonce fait toutefois l'objet d'un certain nombre d'interrogations quant à son application dans les départements d'outre-mer où le RMI est versé à un taux plus faible que sur le reste du territoire national.

Le RMI ultramarin est inférieur de 20 % au RMI métropolitain, la différence étant globalisée dans ce que l'on appelle la créance de proratisation qui sert essentiellement à financer le logement social. Etant donné ces différences, je souhaiterais avoir des précisions sur deux points.

Premier point : l'augmentation prévue sera-t-elle versée dans les départements d'outre-mer dans les délais et au taux annoncés par le Premier ministre ? Deuxième point : la hausse de 3 % sera-t-elle appliquée en valeur absolue, c'est-à-dire en totalité et non en pourcentage, c'est-à-dire avec prélèvement au titre de la créance de proratisation ? Nous souhaitons que, tournant résolument le dos aux pratiques systématiques de discrimination à l'égard des populations des départements d'outre-mer, le Gouvernement inscrive cette augmentation dans le droit fil de l'engagement pris, il y a dix ans, par le Président François Mitterrand de réaliser l'égalité sociale dans ces départements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, il n'est question ni d'ostracisme ni de distribution inégalitaire.

Vous avez rappelé que l'augmentation des minima sociaux - du RMI, de l'allocation spécifique de solidarité - serait, ainsi que le Premier ministre l'a annoncé, de 3 % à partir du 1er janvier 1999 et que, grâce aux gains de pouvoir d'achat obtenus en 1998, cette mesure serait rétroactive à compter du 1er janvier 1998.

Il en sera de même bien entendu dans les départements d'outre-mer. Les mêmes dispositions s'appliqueront et les délais seront respectés.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Dans les DOM, l'augmentation de 3 % s'appliquera bien entendu aux 80 % du RMI versé à l'allocataire. Les 20 % de la créance de proratisation seront également augmentés mais au bénéfice de l'insertion qui, comme vous le savez, est décidée localement suivant les entreprises d'insertion et les propositions d'insertion qui sont faites.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

POLITIQUE DE LA VILLE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville.

La mort du jeune Habib à Toulouse a réveillé une colère que tous les acteurs de la politique de la ville connaissent bien.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Il avait volé une voiture !

M. Pierre Cohen.

Rien ne justifie une telle violence et rien ne justifie la mort d'un jeune, fût-il un train de voler une voiture.

L es événements qui se déroulent à Toulouse m'amènent à formuler les réflexions suivantes.

Tout d'abord, il faut que justice soit faite ! Et je ne doute pas qu'il en sera fait ainsi très vite.

Ensuite, au cours des événements, se sont exprimées deux démarches. Une frange des jeunes, majoritaire, traduit sa colère car elle a le sentiment d'être la victime privilégiée du chômage, d'être exclue de la cité et d'être, au quotidien, l'objet d'injustices. L'autre, minoritaire mais agissante, a intérêt à instaurer cette guerre et cherche à faire du quartier une zone de non-droit.

C'est à ceux-là qu'il faut opposer une volonté politique ferme de rétablir partout des lieux où sécurité se conjugue avec présence accrue des services publics, renforcement des moyens des travailleurs sociaux qui, depuis des années, occupent le terrain, encouragement des liens sociaux par le biais de soutiens aux associations et aux commerces de proximité.

Le 2 décembre, monsieur le ministre, vous avez, avec le Premier ministre, annoncé au dernier comité interministériel pour les villes des mesures qui vont concrétiser les nouvelles ambitions de votre politique de la ville avec la définition de nouveaux contrats de villes.


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Monsieur le ministre, vous souhaitez redynamiser la citoyenneté et faire des habitants des acteurs de la politique de la ville. Par quelles propositions et avec quels moyens comptez-vous y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la mort d'un jeune homme est pour nous tous un drame.

Les lois de la République s'appliquent à tous et il n'est pas supportable, dans notre pays, qu'un adolescent soit tué pour un vol de voiture.

M. Robert Pandraud.

Personne ne l'obligeait à voler une voiture ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à la ville.

Nul n'a jamais souhaité appliquer la peine de mort pour un vol de voiture, monsieur Pandraud ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Paul Charié.

On n'a jamais dit le contraire !

M. le ministre délégué à la ville.

Cet événement tragique nous rappelle la situation extrêmement préoccupante de nombreux quartiers populaires de nos villes, habités par la partie la plus fragile de la population. Une partie de la jeunesse se sent totalement décrochée et désespérée. (Exclamations sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Que faites-vous pour remédier à cela !

M. Jean-Paul Charié.

Vous êtes un provocateur !

M. le ministre délégué à la ville.

Vous feriez mieux d'écouter ma réponse à la question qui a été posée ! Elle vous concerne autant que nous !

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce sont des paroles !

M. le ministre délégué à la ville.

Certains d'entre eux s'enfoncent dans une délinquance violente que nous devons résolument combattre. (« Ah ! » sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce n'est pas chose facile, et les policiers comme les enseignants sont les premiers à mesurer au quotidien les difficultés de cette mission.

De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Paroles !

M. Charles Ehrmann.

Les CRS vont rester dans leurs casernes !

M. le ministre délégué à la ville.

Le nécessaire retour à l'ordre ne doit pas consister à poser un couvercle sur la marmite. Il nous faut dans le même temps offrir des solutions à tous, donner à chacun la possibilité de jouer la partie, montrer à tous les habitants de nos quartiers, jeunes et adultes, que la République ne les abandonne pas.

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est pas sérieux !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est la raison pour laquelle, le 2 décembre dernier, le Premier ministre a décidé, au cours d'un comité interministériel pour les villes, de relancer d'une manière vigoureuse la politique de la ville.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démoratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est creux !

M. le ministre délégué à la ville.

Premièrement, pour appliquer dès 1999 le budget important que vous avez eu l'occasion de voter, mesdames et messieurs les députés.

Deuxièmement, pour insister sur la nécessité qu'il y a qu'en 1999 chacun des acteurs intervienne d'une manière cohérente - Etat, collectivités locales, associations, entreprises privées.

M. François Vannson.

N'importe quoi !

M. le ministre délégué à la ville.

Troisièmement, pour bien expliquer que, sur cette politique, nous devons agir sur le court terme comme sur le long terme.

M. Philippe Auberger.

C'est du baratin !

M. le ministre délégué à la ville.

Notre action sur le court terme consistera à démontrer que, grâce à une a pplication dynamique des emplois-jeunes, tous les jeunes, même ceux qui ont été cassés par le système scolaire, ont leur place dans le cadre de la loi que vous avez eu l'occasion de voter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Baratin ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est nul !

M. le ministre délégué à la ville.

Nous devrons être en situation, mesdames et messieurs les parlementaires, dans le cadre de l'aménagement du territoire, de faire reculer, à court terme comme à long terme, les inégalités qui existent dans un certain nombre de nos quartiers et de nos villes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est mal parti !

M. Thierry Mariani.

Zéro pointé !

M. le ministre délégué à la ville.

Mesdames, messieurs les parlementaires, quels que soient les cris poussés par un certain nombre d'élus irresponsables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), la situation qui existe dans un certain nombre de quartiers, l'opposition entre jeunes et adultes, le racisme rampant sont autant d'enjeux qu'il nous faut relever et résoudre. Sinon, ils constitueront un poison pour notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

C'est vous qui êtes irresponsable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. Charles Ehrmann.

Les CRS vont rester dans leurs casernes !

CONSÉQUENCES DE LA MISE EN PLACE DE L'EURO SUR L'IEDOM

M. le président.

La parole est à M. Léo Andy.

M. Léo Andy.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans le cadre de la mise en place de l'euro en janvier 1999 et de l'entrée en vigueur du système européen de banques centrales, l'institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, va disparaître en tant qu'instrument de réescompte. Cela aggravera incontestablement les difficultés des entreprises domiennes, déjà fortement endettées, et par là même le développement de l'outre-mer, en l'absence évidemment d'un dispositif alternatif aussi efficace de prêts bonifiés.

Dans la réponse que vous avez faite hier sur un sujet identique, vous avez souligné que l'IEDOM bénéficiera des refinancements du SEBC, le système européen des banques centrales, et donc des taux faibles que nous connaissons aujourd'hui. Or convenez avec moi, monsieur le ministre, que nous n'avons aucune certitude sur la pérennité de ces taux.

Par ailleurs, selon mes informations, il serait aussi question de transformer l'IEDOM en une société de droit privé, filiale de la Banque de France, ce qui serait une première dans notre pays.

Cette solution, si elle était retenue, précariserait inévitablement le statut de son personnel. Elle soulève donc de légitimes inquiétudes. Elle introduirait, d'ailleurs, une discrimination entre les DOM et la métropole, étant donné que dès l'an prochain les fonctions de l'IEDOM seraient identiques à celles de toutes les succursales de la Banque centrale nationale et que, de fait, cet institut ne bénéficierait plus d'aucune autonomie.

Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir rassurer les acteurs économiques de nos départements d'outre-mer, ainsi que les agents de cet institut, qui s'inquiètent du projet de « filialisation » et demandent l'intégration pure et simple de l'IEDOM à la Banque de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme vous le rappelez, la mise en place de l'euro va amener un changement dans le statut de l'IEDOM. Pourquoi ? Parce que, comme je l'évoquais hier, le système européen de Banque centrale ne connaît pas cet institut. Il faut donc bien qu'il y ait un rattachement.

La solution qui a été choisie est de faire de l'IEDOM une filiale de la Banque de France. Vous me dites que cela pose deux problèmes. Je veux les considérer très sérieusement avec vous. Le premier concerne la qualité du refinancement. Le second a trait au statut du personnel et à la forme juridique que prendra le futur IEDOM.

Pour ce qui est du refinancement, il est vrai que la Banque centrale européenne n'a pas retenu, parmi ses outils, les réescomptes à taux privilégiés. Nous devrons donc trouver des instruments de compensation différents - et vous savez qu'ils sont à l'étude - pour permettre le développement des DOM dans les conditions que nous souhaitons.

Pour le moment, comme je l'ai dit hier et comme vous l'avez rappelé dans votre question, les taux de refinancement sont faibles et il n'y a donc pas de problème. Mais vous avez raison de faire remarquer que nous ne pouvons pas être sûrs qu'ils resteront toujours très bas. Il faut donc prévoir des compensations. Nous avons le temps de nous en préoccuper mais nous examinons déjà avec les élus et les investisseurs dans les DOM les moyens qui pourront nous permettre de trouver une compensation à cet instrumen qui disparaît pour être remplacé par un autre.

Quant au statut, l'IEDOM conserve des missions différentes de celles de la Banque de France. Cela est dû à la fois au fait que lui est confiée, en particulier, l'analyse de la conjoncture et à la représentation du personnel et des élus au conseil de l'IEDOM. C'est pourquoi il nous a semblé bon de lui garder ce caractère particulier en lui donnant la forme d'une filiale. La spécificité des DOM continuera de ce fait à être représentée. J'ai souvent entendu dans cet hémicycle les élus des DOM craindre que la spécificité de l'outre-mer ne soit effacée et, dans ces conditions, que l'on ne tienne plus compte des caractéristiques propres aux territoires et départements d'outremer.

Nous avons voulu en tenir compte. Mais il ne faut pas pour autant que l'emploi ou le statut des personnels en souffre. Comme je l'ai annoncé hier, l'intersyndicale des personnels de l'IEDOM sera reçue jeudi à mon ministère.

Nous discuterons avec eux des questions d'emplois et de statut.

Aucun emploi ne sera perdu. Quant au statut, il existe déjà des filiales de la Banque de France. Les salariés de ces filiales ont un statut qui leur convient parfaitement. Il faut qu'il en soit de même pour l'IEDOM afin d'éviter toute dégradation de la situation des salariés.

Cela doit donc être transparent pour les salariés comme pour les entreprises et se limiter à une adaptation juridique. C'est ce à quoi nous travaillons.

Vous avez bien fait de montrer votre intérêt pour cette question et d'attirer à nouveau l'attention du Gouvernement. J'en ferai état demain lorsque je rencontrerai les organisations syndicales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

LANCEMENT D'UN GRAND DÉBAT SUR LES COLLÈGES

M. le président.

La parole est à Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, vous venez d'annoncer un grand débat sur le collège. Cette décision s'inscrit dans le cadre de la politique de rénovation et de transformation en profondeur du système éducatif que conduit le Gouvernement depuis un an et demi.

Cette réflexion sur les collèges était attendue. Nous connaissons en effet le rôle clef que jouent ces établissements en termes d'acquisition de connaissances et de m éthodes de travail, d'orientation et d'éducation citoyenne. Mais nous savons aussi les difficultés auxquelles est confronté le collège unique, qualifié de maillon faible du système scolaire. Même si ce dernier fonctionne correctement pour la plupart des élèves, il laisse au bord du chemin 10 à 15 % d'entre eux qui quittent prématurément et sans qualification le système éducatif.

Ces échecs traduisent notamment l'insuffisante prise en compte de la diversité des motivations et des aptitudes des élèves. Ils expliquent aussi le découragement, voire la résignation, qui gagne certaines équipes enseignantes, déstabilisées par l'aggravation des problèmes qu'elles rencontrent quotidiennement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Ce débat sur l'avenir des collèges devrait pouvoir mobiliser tous les partenaires - enseignants, parents, collégiens - sur les bases d'un texte d'orientation et prendre en compte leurs attentes. Il devra impérativement aboutir, dans les meilleurs délais, à des prises de décision concrètes sous peine de décevoir. Comptez-vous, madame la ministre, associer la représentation nationale à cette réflexion essentielle sur les collèges ? Vous avez également annoncé la mise en place de groupes de travail départementaux appelés à réfléchir sur le devenir des petits collèges ruraux. Qu'attendez-vous, madame la ministre, de cette concertation novatrice et ambitieuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'avenir du collège concerne la société tout entière et donc bien évidemment la représentation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) puisque c'est au collège que se joue l'avenir des adolescents. Tous les adultes, les enseignants comme les parents, savent bien qu'il est aujourd'hui devenu beaucoup plus difficile d'élever ceux-ci qu'il y a quelques années.

M. François d'Aubert.

Bouleversant ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

C'est au collège que nous définissons l'ambition du pays pour la fin de la scolarité obligatoire. C'est au collège que se noue l'avenir du lien social puisque il accueille encore tous les enfants, l'orientation de ceux-ci ayant lieu à la fin de la troisième. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est au collège que les enseignants sont confrontés le plus durement à une montée de l'agressivité et de la violence. C'est pourquoi tous les partenaires du système scolaire et du collège - syndicats d'enseignants, syndicats des personnels non enseignants, chefs d'établissement, fédérations de parents d'élèves - se sont réunis en début de semaine après plusieurs mois de réflexion pour engager ensemble un travail concret sur l'identification des problèmes et les solutions à y apporter. Ce travail s'appuie sur un bilan des réformes et des mesures déjà prises les années précédentes avec leurs points faibles et leurs points forts. Il devrait être conduit rapidement et déboucher sur des mesures applicables aux deux prochaines rentrées.

Ces dispositions, qui s'étaleront sur deux ans, porteront sur la formation des enseignants, le travail en équipe, l'interdisciplinarité, l'éducation à la citoyenneté, le recul des phénomènes de violence, le soutien aux élèves en difficulté, la généralisation des études dirigées et l'amélior ation de l'orientation des élèves.

Des groupes de travail départementaux seront constitués, en liaison avec l'éducation nationale, les conseils généraux et les préfets, pour définir un schéma départemental maîtrisé des collèges ruraux. La reconstruction des internats doit être encouragée pour permettre aux petits collèges ruraux d'accueillir des classes d'environnement, des classes transplantées, et des élèves issus de quartiers urbains et de milieux ruraux isolés et de leur offrir une éducation de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

AVENIR DE L'AÉROPORT D'ORLY

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, depuis un an, le débat public est largement ouvert autour de l'avenir de la plate-forme aéroportuaire d'Orly. Vous avez vousm ême largement contribué à la concertation avec l'ensemble des partenaires concernés.

La table ronde, qui a eu lieu ce lundi, a constitué une étape importante dans les négociations. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le ministre, des propositions que vous y avez présentées et du calendrier de négociations qui s'y réfère ? Vous connaissez l'intérêt que nous portons au nouvel élan à donner à l'aéroport d'Orly, afin de mieux l'intégrer aux chaînes de transport et à le mettre en phase avec le territoire où il est implanté et avec les femmes et les hommes qui y vivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, responsable pour votre groupe des questions de transports, vous savez que l'aéroport d'Orly et toute la zone qui l'entoure, aussi bien dans le Val-de-Marne que dans l'Essonne, étaient entrés en déclin depuis plusieurs années : suppression de 4 000 emplois de 1990 à 1997, départ de compagnies aériennes, baisse de la taxe professionnelle, mauvaises liaisons entre Orly et Roissy et entre Orly et Paris.

Il fallait s'attaquer à ce problème, d'autant plus que de nombreuses villes françaises et européennes souhaitent être reliées à Orly et que 50 000 demandes de créneaux ne sont pas actuellement satisfaites.

L'objectif du Gouvernement est de bâtir une nouvelle stratégie, celle du développement, à la fois pour le transport aérien et pour cette partie sud de l'Ile-de-France, en jouant la synergie entre ces deux formidables atouts que représentent Roissy et Orly pour la région parisienne.

Vous l'avez dit, la concertation se développe depuis plusieurs mois et une table ronde s'est tenue lundi dernier. Dix-neuf propositions ont été faites - que je ne peux toutes citer faute de temps - sous la forme d'un plan global de développement. Je n'évoquerai que la défense de l'emploi public, qu'il s'agisse d'Air France, d'Aéroports de Paris ou de la Direction générale de l'aviation civile, la création d'une agence de développement économique, l'amélioration des aides à l'insonorisation ou encore la réalisation d'un tramway entre Villejuif et Vélizy.

Au cours de la table ronde - on voit bien là l'intérêt et l'utilité de la concertation - le président d'Air France, M. Spinetta, a fait connaître sa volonté d'investir pour favoriser la maintenance industrielle sur Orly, fait nouveau par rapport à ce qui avait été initialement prévu. Par ailleurs, un syndicaliste a demandé qu'une étude d'impact soit réalisée pour examiner précisément toutes les conséquences des propositions qui pouvaient être faites. J'ai accepté cette demande. Cette concertation, fort utile, je le répète, va se poursuivre de manière bilatérale, de telle sorte qu'au mois de février ou de mars, nous puissions prendre les décisions qui s'imposent.

En résumé, qu'il s'agisse de l'objectif - en finir avec le déclin et jouer la carte du développement -, qu'il s'agisse du contenu - ne pas en rester à la vision, qui a prévalu


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

dans le passé, d'un aéroport de deuxième zone, d'un

« aéroport Schengen » comme on dit, mais jouer la carte de la synergie avec Roissy - ou qu'il s'agisse de la méthode - en l'occurrence, la concertation - les positions et les décisions du Gouvernement s'inscrivent dans le sens du progrès, de la défense de l'emploi et du transport aérien. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.) Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Langue de bois !

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Il y a dix ans, le 7 décembre 1988, l'Arménie était victime d'un terrible séisme qui causa la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes et la destruction d'une partie importante des villes de Leninakan, aujourd'hui Gumri, et de Spitak.

La France a été l'un des premiers pays à intervenir pour venir en aide à l'Arménie. Partout dans le monde, la diaspora arménienne se mobilisait tout particulièrement.

Aujourd'hui, les plaies sont encore loin d'être totalement refermées. Il reste encore beaucoup à faire. La France peut néanmoins être fière entre autres de la reconstruct ion de l'école française de Gumri qui accueille 1 500 élèves.

Notre pays a été également l'un des premiers à reconnaître l'indépendance de l'Arménie après les élections de septembre 1991.

Enfin, le 29 mai dernier, l'Assemblée nationale adoptait, à l'unanimité, une proposition de loi déposée par notre collègue Didier Migaud et le groupe socialiste portant reconnaissance par la France du génocide arménien.

Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous faire inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat ? Désormais, rien ne s'y oppose.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur le député, c'est exact, une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 a fait l'objet, le 29 mai dernier, d'une adoption unanime, ici, à l'Assemblée nationale.

Par la voix de M. Jean-Pierre Masseret, le Gouvernement a, à cette occasion, exprimé sa position : il est particulièrement sensible au souvenir des déportations et des massacres des Arméniens commis en 1915 et en 1916 dans l'Empire ottoman et il rend hommage aux victimes de cette tragédie, d'autant que nous avons eu, et nous avons encore, sur notre sol, des enfants des victimes de ces événements, qui en gardent encore la marque vive.

Le Gouvernement a pris acte de l'intention politique de l'Assemblée nationale.

La France veut aider à la stabilité de cette région du Caucase par la réconciliation entre les peuples et les Etats qui la composent. C'est la raison pour laquelle elle joue, comme elle y a été invitée, un rôle dans le règlement des crises qui l'affectent, notamment au sein du groupe de Minsk, chargé d'oeuvrer au règlement des conflits dans la région, dont elle assume la coprésidence avec les EtatsUnis et la Russie.

Le Gouvernement persévérera dans ses efforts pour préserver les chances d'une réconciliation nécessaire dans cette région du monde.

Comme vous le savez, monsieur le député, le texte adopté par l'Assemblée nationale a été transmis au Sénat.

La Haute Assemblée dispose de la possibilité d'inscrire às on ordre du jour complémentaire, en vertu de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution et de l'article 29, alinéa 3, de son règlement, le texte voté par l'Assemblée nationale.

M. François Rochebloine.

Et le Gouvernement ?

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je sais, monsieur le député, votre attachement à la cause que vous défendez, vous qui avez présidé, au cours de la législature précédente, le groupe d'amitié France-Arménie, aujourd'hui présidé par votre collègue Jean-Paul Bret.

Le Sénat peut donc décider de reprendre ou non - il n'a pas encore tranché - cette initiative parlementaire. Le Gouvernement aurait, dans cette hypothèse, la même position que celle qu'il a exprimée, ici, dans cette assemblée.

Telle est, monsieur le député, la réponse que je puis vous faire.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il faut poser la question au Sénat !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

AVENIR DE LA PRODUCTION NATIONALE D'ALLUMETTES

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Ma question s'adresse à M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les salariés de la SEITA ont manifesté il y a quelques jours. Depuis sa privatisation en 1995, deux sites de ce groupe ont disparu, ceux de Châteauroux et de Périgueux. Nous nous préparons, à présent, à de nouveaux abandons qui ont été évoqués par un de nos collègues, il y a quelques jours, en particulier celui de la production nationale d'allumettes.

La SEITA est-elle déficitaire ? Non, puisque le bénéfice dégagé en 1997 s'élève à 1,2 milliard de francs. Le problème, c'est que la logique de la privatisation est à l'oeuvre.

Prenons l'exemple précisément de la production des allumettes où la concurrence s'est accentuée. Elle est, pour l'essentiel, le fait d'une société suédoise qui produit dans les pays de l'Est européen.

J'ai ici deux boîtes d'allumettes, l'une fabriquée à Saintines, l'autre en République tchèque ; sur la seconde est également inscrit : made in France.

Par un jeu de soustraitance, la SEITA produit en République tchèque, recourant ainsi à une main-d'oeuvre moins chère. Les boîtes d'allumettes transitent ensuite par Saintines pour obtenir le label made in France , avant de repartir sur les marchés italien et britannique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Voilà, monsieur le ministre, à quoi sert une privatisation ! Si l'usine de Saintines est vendue, le marché national sera entièrement aux mains de la concurrence étrangère.

M. Arthur Dehaine.

C'est à craindre !

M. Patrice Carvalho.

Il faut, au contraire, que la SEITA utilise un peu de ses profits pour diversifier ses productions. Le marché des produits d'allumage s'étend ; il faut s'en saisir, sinon il nous échappera.

M. Jacques Myart.

OMC !

M. Patrice Carvalho.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que la France puisse faire face à ce type de logique dévastatrice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, la privatisation de la SEITA a été décidée en 1995...

M. Alain Juppé.

Il faut la renationaliser !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et c'est à partir de cette date qu'une autre logique a prévalu et que l'on s'est écarté de deux siècles de manufacture des tabacs et de bonne insertion des usines de la SEITA dans leur environnement local.

Il est important cependant que la France dispose d'une entreprise performante dans un secteur, celui des tabacs, où la concurrence internationale est particulièrement vive et où le marché français est particulièrement convoité.

C'est pourquoi le Gouvernement veille à ce que cette entreprise évolue de telle façon que le marché national soit bien couvert par des produits fabriqués chez nous et à ce qu'elle développe une logique exportatrice.

Vous avez fait allusion à l'usine d'allumettes de Saintives. Il se trouve que la concurrence du briquet attaque le marché des allumettes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ceux qui ont voté la privatisation de 1995 devraient se montrer moins sarcastiques sur un sujet qui provoque de véritables drames sociaux ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Monsieur le député, je veux vous montrer à quel point le Gouvernement s'implique dans ce problème, en prenant l'exemple du pays de Morlaix. D'abord, il a reçu les élus et les syndicats. Ensuite, il attache une grande importance à la contre-expertise qui sera effectuée à la demande des syndicats avec l'appui des élus. En outre, il a pris, dans le cadre du comité interministériel d'aménagement du territoire qui s'est réuni hier autour du Premier ministre, plusieurs mesures en faveur du pays de Morlaix, zone d'emploi particulièrement déprimée.

Voilà comment le Gouvernement entend faire prévaloir une logique sociale et d'aménagement du territoire sur une logique marchande.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ACCÈS AUX SOINS

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ainsi qu'à

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'ai été alertée, comme la plupart de mes collègues du groupe communiste et probablement bien d'autres députés, par les professionnels de santé et par des usagers sur les difficultés d'accès aux soins en cette fin d'année.

Sans m'attarder sur les mouvements que connaissent des hôpitaux comme ceux de Nanterre ou de Montluçon, lequel en est à soixante-dix jours de grève, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur le fait que, faute de crédits, des examens ou des interventions sont retardés dans plusieurs établissements hospitaliers afin d'être imputés sur le budget 1999.

Pour des raisons similaires, les quotas ayant été atteints ou dépassés, des patients ne seraient accueillis dans le secteur libéral qu'en cas d'urgence.

M. Alfred Recours.

C'est scandaleux, monstrueux de dire cela !

Mme Jacqueline Fraysse.

En effet, les enveloppes fixées se révélant insuffisantes, les médecins sont confrontés à une contradiction évidente : ou bien ils reportent les soins, ou bien ils dépassent l'objectif de dépenses.

Cette situation confirme concrètement, hélas ! ce que nous avons dit à plusieurs reprises : les moyens dégagés ne permettent pas de répondre aux besoins de tous, douze mois sur douze. On ne peut pas travailler avec des quotas, et tout particulièrement dans le domaine de la santé.

M. Pierre Carassus.

Elle a raison !

Mme Jacqueline Fraysse.

... Il est donc impératif de prendre des mesures qui permettent de trouver des financements nouveaux pour l'assurance maladie. Il y a assez de richesses dans ce pays pour le faire et ce serait de l'argent bien placé ! Je sais que ce sera l'objet du débat prévu pour le prochain semestre, et dont tout confirme l'urgence. Nous y participerons. Mais, dans l'immédiat, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour qu'aucun soin, aucun examen, aucune visite médicale ne soit reporté à plus tard faute de moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, aucun soin, aucune consultation, aucune prise en charge de malade n'est, en ce moment, dans notre pays, rendu impossible ou plus difficile. Je m'étonne que vous, qui avez participé à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous vous fassiez l'écho de ce qui constitue - même s'il est toujours loisible à un syndicat d'agir ainsi - un véritable chantage et une prise en otages des malades de notre pays. (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dans notre pays, ni à l'hôpital ni dans la médecine de ville, il n'existe de quotas, vous le savez bien, vous qui êtes médecin, en particulier de quotas à l'entrée à l'hôp ital public ! Il n'y a non plus aucun rationnement des soins, ni à l'hôpital ni en ville.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

(1) Le compte rendu des travaux de la commission du 9 décembre 1998 sur ce projet de loi est publié en annexe au compte rendu de la prése nte séance.

Quant à ceux qui se plaignent d'un éventuel rationnement des soins, ils sont en train de l'organiser à leurs propres fins, ce qui me paraît déontologiquement, moralement et médicalement discutable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Alfred Recours.

Absolument !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Aubry et moi-même avons déjà demandé son avis au conseil de l'ordre sur ce mouvement. Il devrait le donner très prochainement et vous pourrez en prendre connaissance, comme tout le monde.

Je vous rappelle que la clause de sauvegarde, que vous avez évoquée, n'est en rien un rationnement des soins.

Il n'y a que deux possibilités et, pour être spécialiste de la question, vous serez évidemment d'accord avec moi : ou on augmente continuellement les cotisations sociales, et ce sont les usagers et les malades qui paient (Protestations sur les bancs du groupe communiste) ; ou on dit aux médecins qu'il faut absolument maîtriser les dépenses - c'est ce que nous avons fait.

On peut aussi adopter une autre méthode : le déremboursement ; nous l'avons écartée et vous étiez d'accord avec nous.

Nous n'avons donc ni déremboursé ni augmenté les cotisations sociales.

Madame Fraysse, si, l'année prochaine, nous pouvons parvenir à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, tout sera possible. (« Avec des si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Et j'espère que notre manière de prendre en charge les malades se maintiendra, et que nous y parviendrons à partir de cet équilibre, en collaboration avec les médecins que nous convions en permanence à revenir aux conventions nécessaires avec la sécurité sociale.

Madame, dans les hôpitaux, il n'y a, contrairement à ce qui se passe dans des pays voisins, ni listes d'attente, ni quotas, ni refus de prendre en charge des malades. Le prétendre, c'est faire de la désinformation, et c'est fort dommageable.

En outre, aucune mesure ne contraint les généralistes et les spécialistes de notre pays à ne pas prendre en charge un patient, et tous les malades sont bien remboursés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Que les braillards, qui ont plus mal organisé la protection sociale, se le rappellent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Quant à nous, nous essaierons de maintenir notre système, malgré ce que je considère comme une triste mise en scène. N'a-t-on pas vu un praticien de Marseille, que je connais bien, se livrer à ce chantage radiodiffusé :

« Madame, je ne peux pas vous soigner, parce qu'on m'impose des quotas, mais je vous fais la faveur, dans ma grande générosité, de vous recevoir aujourd'hui. »

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est scandaleux !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est faux et scandaleux ! Si les médecins ont le droit de lutter contre des mesures qu'ils trouvent injustes parmi celles que vous avez votées...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Pas nous !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... ils n'ont pas celui de faire pression sur les malades ! (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Michel Lefait.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

D'autant, et vous le savez très bien, que le personnel des hôpitaux de France est à leur disposition.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Arthur Paecht.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière (no 1244).

Acte est donné de cette communication.

3 CAISSES D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (1)

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (nos 1243, 1254).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce texte faisant l'objet d'une procédure simplifiée, je vais moi-même faire un discours simplifié, de façon à ne pas faire perdre de temps à l'Assemblée, qui est très informée.

Le projet de loi que nous vous proposons est un texte technique, directement lié, évidemment, au projet relatif à l'épargne et à la sécurité financière qui sera discuté dans cette assemblée au mois de février.

Le contexte dans lequel il se situe est la modernisation du secteur financier dont vous connaissez de nombreux aspects et dont nous aurons l'occasion de discuter à nouveau au début du mois de février lors du débat sur le secteur financier qui aura lieu à la demande de M. Brard, soit en séance publique, soit en commission des finances, comme vous le souhaiterez et comme l'ordre du jour le permettra.

Je ne veux pas le déflorer dès maintenant, et je vous rappelle simplement à quel point le paysage financier de notre pays a évolué depuis dix-huit mois. Nous avons mis fin aux privatisations systématiques lorsqu'elles n'avaient pas de raison d'être, et je pense en particulier à la CNP, qui n'avait aucune raison d'être mise sur le marché et que le Gouvernement a conservée dans le secteur public, préparé le secteur financier au passage à l'euro, et mis en place des instruments de gestion favorisant l'innovation, le risque, le financement de l'investissement plutôt que la rente, ce qui était une grande caractéristique de notre système financier.

Le projet de loi qui vous sera présenté vise à donner au réseau des caisses d'épargne une assise juridique nouvelle.

C'est aujourd'hui un réseau très particulier, qui n'a ni propriétaire ni véritable statut. Bien entendu, il n'est pas question d'en faire une société anonyme ou une banque privée, mais de lui donner un statut lui permettant de discuter d'égal à égal avec des partenaires, par exemple mutualistes, et de s'associer pour croître, comme le font aujourd'hui tous les réseaux bancaires.

Le Gouvernement a opté pour un statut coopératif - la coopérative est une vieille tradition dans la gauche française -, de façon à permettre au réseau des caisses d'épargne, qui a des coopérateurs par millions, de tisser en France et à l'étranger les alliances que lui impose son développement. A cette occasion, bien entendu, seront réaffirmées ses missions d'intérêt général, dont nous par lons tous mais qui n'ont jamais été énoncées. Pour la première fois depuis le début du

XIXe siècle que les caisses d'épargne existent, ces missions seront précisées par écrit.

En outre, la réforme des caisses d'épargne permettra à ce réseau, aujourd'hui décentralisé, de devenir un véritable groupe au service de l'intérêt général.

Le texte que je vous présente aujourd'hui tend simplement à prolonger la durée d'existence des COS, organes de représentation des différentes caisses d'épargne.

Vous avez accepté en novembre 1997 de prolonger leur mandat pour permettre l'adoption du nouveau texte.

Or le processus a été lent, sans doute parce que nous avons voulu organiser de nombreuses concertations. La mission confiée à votre excellent collègue M. Douyère, qui a réalisé un excellent rapport (Sourires), a duré six mois. Ensuite, la concertation avec les partenaires sociaux et les différents acteurs financiers a pris du temps. Le c alendrier parlementaire lui-même de cet automne, comme toujours à l'automne à cause de la loi de finances, était très chargé. Bref, il n'a pas été possible d'adopter le texte vers le mois de novembre comme je l'avais souhaité.

Il a été adopté le 2 décembre par le conseil des ministres. Il ne sera discuté en première lecture à l'Assemblée nationale, selon une procédure d'urgence, pour essayer de raccourcir un peu les délais, qu'en février et il ne sera adopté, vu les délais qui sont les vôtres, que vers l'été ou, au plus tard, à la rentrée de l'automne 1999. Il fallait donc demander à l'Assemblée nationale et au Sénat de prolonger à nouveau ces mandats de quelques mois. Le texte qui vous est soumis aujourd'hui ne vise à rien d'autre que de renouveler l'opération pour cinq mois.

Il ne s'agit pas d'une manoeuvre dilatoire. Le texte a été discuté en conseil des ministres, vous l'avez à votre disposition, et il est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Simplement, il serait déraisonnable d'avoir une campagne électorale pour les COS alors que l'on discuterait dans les deux assemblées de la réforme du statut des caisses d'épargne. Il y aurait là mélange des genres, et une sorte de surenchère qui serait sans doute inefficace. Il est donc infiniment préférable de prolonger encore ces mandats et nous vous demandons une prolongation de cinq mois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Rodet, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Alain Rodet, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, du fait de sa brièveté, le texte que nous allons examinerr isque d'être interprété de différentes manières. Il convient donc d'en préciser les contours pour éviter toute confusion, tant il est vrai que ce qui a trait au réseau des caisses d'épargne excite généralement beaucoup de susceptibilités.

En 1997, l'article 8 de la loi portant diverses mesures à c aractère fiscal et financier avait prorogé jusqu'au 1er mars 1999 les mandats des membres des conseils consultatifs de clients et des conseils de surveillance des caisses d'épargne. Cette prorogation avait été envisagée dans la perspective d'une réforme du réseau des caisses d'épargne qui devait intervenir dans le second semestre de l'année 1998. Or le Gouvernement a souhaité que l'élaboration du projet de loi soit précédée de larges concertations.

Ainsi, il y a un an, notre collègue, député de la Sarthe, M. Douyère, a été chargé d'une mission temporaire auprès du ministre de l'économie et des finances, au terme de laquelle il devait remettre un rapport d'orientation à partir duquel le Gouvernement devait dégager les éléments d'un projet de réforme. Le calendrier, initialement arrêté par la loi du 10 novembre 1997, est apparu beaucoup trop « serré » pour coïncider avec la promulgation de la future loi réformant le statut du réseau de L'Ecureuil.

Notre collègue Douyère a rendu son rapport le 8 avril 1998 après une longue phase de consultation.

Le conseil des ministres a adopté le 2 décembre dernier le projet de loi portant réforme des caisses d'épargne. En même temps que le Gouvernement en déposait le texte sur le bureau des assemblées, il déposait le présent projet qui proroge à nouveau de cinq mois les mandats des conseils consultatifs et des conseils de surveillance.

Le texte définitif du projet de loi portant réforme du réseau ne pouvant intervenir avant la fin de la présente session, on comprendra mieux le maintien du gel de la situation des caisses d'épargne jusqu'à la date attendue de


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la promulgation de la loi relative à la modernisation des statuts. La date du 1er août 1999 a donc été choisie à la suite de discussion avec les responsables du groupe des c aisses d'épargne, et compte tenu également des contraintes du calendrier parlementaire.

Ce délai paraît réaliste, d'autant plus que le Gouvernement vient de déclarer l'urgence sur le texte de la réforme du réseau. Une prorogation au-delà de l'année 1999 aurait risqué de porter un grave préjudice au groupe des caisses d'épargne, qui, dans la phase actuelle - comme l'a rappelé M. Strauss-Kahn - a impérativement besoin de s'appuyer sur un nouveau statut pour résister à une concurrence de plus en plus vive avec les autres établissements financiers et engager sa modernisation dans le respect de la sécurité de l'épargne populaire et dans le but de contribuer activement et de façon permanente au financement du logement social sur des bases coopératives.

La méthode choisie s'inspire donc très largement des deux réformes précédentes qui, en 1983 et en 1991, à l'issue d'une procédure concertée, ont permis au réseau de se structurer, de nouer des solidarités nouvelles et de maintenir ainsi son unité. Si, d'aventure, ces textes n'avaient pas été adoptés, le groupe serait probablement à l'heure actuelle démantelé et n'existerait plus en tant que tel.

Je le rappelle, le présent projet de loi ne concerne ni les directoires des trente-quatre caisses d'épargne, dont les membres ont été reconduits l'an dernier pour cinq ans, ni le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance - le CENCEP - qui est constitué sous la forme d'un groupement d'intérêt économique détenu à 65 % par le réseau lui-même et à 35 % par la Caisse des dépôts et consignations. Le CENCEP est dirigé par un directoire de trois membres et par un conseil de surveillance de vingt-trois membres, dont le mandat ne relève pas de la loi mais des dispositions statutaires propres au groupement d'intérêt économique dont j'ai parlé.

Outre la prorogation des mandats, l'article unique du projet de loi comble une lacune de l'article 8 du DDOEF du 10 novembre 1997 en prévoyant que les dispositions relatives à la limite d'âge ne seront pas opposables aux administrateurs concernés du fait de la prorogation de leur mandat. Il y a lieu, en effet, de rappeler que l'article 10 des statuts types des caisses d'épargne annexés au décret du 23 octobre 1991 relatif à l'organisation des caisses, fixe cette limite d'âge à soixante-cinq ans pour les membres du directoire et à soixante-huit ans pour les membres des conseils d'orientation et de surveillance. Il n'est prévu par contre aucune limite d'âge pour les membres des conseils consultatifs de clients. Le projet de loi n'introduit toutefois, et à dessein, aucune dérogation aux dispositions de la loi du 1er juillet 1983, qui prévoit que la perte de la qualité au titre de laquelle ils ont été élus au sein des conseils consultatifs et des conseils d'orientation met fin aux mandats des administrateurs concernés. Il s'agit là d'une position de bon sens : si, durant la prorogation, un membre perd la qualité qui lui permet de siéger au COS, par exemple, il cessera d'en être membre.

La commission des finances s'est réunie à deux reprises pour examiner le projet de loi, et a décidé aujourd'hui même, lors de son ultime réunion, d'accepter un amendement de notre collègue Brard faisant passer la durée de la prorogation de cinq à huit mois, fixant ainsi la date b utoir non plus au 1er août 1999 mais au 1er novembre 1999. La première proposition de notre collègue, qui portait cette date au milieu de l'année 2001, n'a pas paru recevable à la commission.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le président, monsieur le ministre, l'Assemblée nationale examine aujourd'hui le p rojet de loi qui proroge du 1er mars 1999 au 1er août 1999 le mandat des élus aux conseils consultatifs et aux conseils d'orientation et de surveillance.

Ce n'est pas la première fois qu'une telle disposition nous est présentée. Le sujet n'est ni neutre ni mince. En octobre 1997, la prorogation de ces mandats jusqu'au 1er mars 1999 avait un sens car elle avait une perspective ; aujourd'hui elle a un sens car elle a un contenu.

Le rapport de Raymond Douyère sur l'avenir des caisses d'épargne a de nombreux mérites. Le premier d'entre eux est d'avoir permis d'engager un large débat au sein de l'établissement. Tous les avis se sont exprimés. Le Gouvernement a présenté un projet de loi pour doter les caisses d'un statut coopératif.

Cette réforme a plusieurs objectifs. Il s'agit de renforcer les missions d'intérêt général des caisses. Le Gouvernement s'est engagé à refuser toute banalisation du livret A. Il est nécessaire d'assurer la pérennité des missions à l'égard de l'épargne populaire et du développement économique local. Le statut coopératif est conforme à la vocation d'économie sociale des caisses d'épargne ancrées dans le tissu local.

Le monde change. Des données nouvelles apparaissent, qui sont la réalité du monde économique, et les acteurs doivent s'y adapter. Le monde bancaire se concentre au nom de la compétitivité dans une économie ouverte. Il est de notre devoir de tenir compte de ces réalités, et surtout de donner de la vigueur aux caisses d'épargne. Il est de notre devoir aussi de faire en sorte que les valeurs que défendent les caisses d'épargne ne soient pas reléguées au second plan parce que nous n'aurions pas pris toutes nos responsabilités face aux mutations.

Le réseau des caisses est un réseau de qualité qui remplit des missions d'intérêt général. L'article 1er du projet relatif à l'épargne et à la sécurité financière le réa ffirme.

Ces missions sont fondamentales. Il s'agit de la proximité de la collecte de l'épargne et de l'investissement qui en découle. Il s'agit de la pérennité du financement du logement social et de l'économie locale.

Le débat, qui aura lieu prochainement dans notre assemblée, doit se dérouler avec toute la sérénité nécessaire. La proposition du Gouvernement correspond à la voix de la sagesse. Une discussion a eu lieu en commission sur la pertinence de la date limite du mandat des élus aux conseils d'orientation et de surveillance. Le Gouvernement a retenu la date du 1er août 1999. Est-ce suffisant ? Nous ne pouvons pas reporter indéfiniment la réforme. Mais nous devons aussi tenir compte des inquiétudes et des propositions venant de ces bancs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cabal.

M. Christian Cabal.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai bien compris, il y aurait un excellent rapporteur, un excellent rapport, un excellent projet de loi, mais y a-t-il un excellent ministre ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. Jean-Pierre Brard.

Ça coule de source ! (Sourires.)

M. Christian Cabal.

Nous le verrons ! Mais je ne veux pas influencer votre jugement.

(Sourires.)

M. Yves Deniaud.

Et une excellente opposition !

M. Christian Cabal.

Bien sûr ! Si je n'avais pas peur de pasticher, je dirais : « Prorogez ! Prorogez, il en restera toujours quelque chose. » Ce «

quelque chose », monsieur le ministre, c'est le sentiment partagé, par beaucoup, de l'incapacité du Gouvernement à mettre en oeuvre les réformes qu'il affiche, et ce pour plusieurs raisons. C'est d'abord, vraisemblablement, l'insuffisance de vue prospective sur les problèmes posés par certaines réformes ; ce sont ensuite des prévisions irréalistes ou peu confirmées par les faits. Ainsi, la discussion de la loi de finances nous a largement informés des difficultés à venir si la croissance n'atteint pas les 2,7 % qui ont servi de base de référence. C'est enfin l'impossibilité de respecter le calendrier du travail parlementaire, ce qui est très dommageable.

Votre incapacité à mettre en oeuvre de façon raisonnée et raisonnable les réformes se double, paradoxalement, d'une action parfois précipitée. Je n'en prendrai qu'un seul exemple : le fameux prélèvement de 5 milliards de francs sur les fonds propres des caisses d'épargne, introduit dans la loi de finances initiale, dont la justification n'est toujours pas apparue à l'évidence, si ce n'est peutêtre pour résoudre des problèmes d'équilibre budgétaire, et qui aurait mérité de figurer dans la discussion de fond sur les caisses d'épargne. Il est vai que dans ce cas-là il aurait fallu discuter de 18 milliards plus 5 milliards, ce qui fait beaucoup. Et cette perspective vous a sans doute gêné ? Toujours est-il que, d'un côté, il y a une incapacité à mettre en oeuvre des réformes et, de l'autre, un excès de précipitation.

Cette dualité traduit, de façon plus générale, la difficulté à laquelle vous êtes confronté. A la limite, d'ailleurs, je vous plains, monsieur le ministre. En effet, d'une part, il y a un fond idéologique qui s'est exprimé dans des promesses électorales vis-à-vis de tel et tel groupe de nos concitoyens...

M. Alain Rodet, rapporteur.

Ah ?

M. Christian Cabal.

Si, cher Alain Rodet : des promesses électorales, nous sommes bien placés pour savoir ce qu'il en est parfois. D'autre part, il y a le constat, une fois venues les responsabilités gouvernementales, que les perspectives idéologiques ne s'inscrivent pas toujours, et même assez rarement, dans les réalités économiques. Par conséquent, vous êtes obligé de faire le grand écart entre les références que vous avez développées auprès des organisations syndicales des caisses d'épargne, du personnel, et les réalités économiques, tant nationales qu'européennes.

Toutes ces considérations ont entraîné beaucoup de retard, je le comprends aisément, et c'est là que se trouve l'explication et non pas dans l'organisation du travail parlementaire.

D'ailleurs, le 10 novembre 1997, quand nous avons voté, un peu dans le style « amendement cavalier », la prorogation des mandats des conseils consultatifs et des COS, j'étais parmi ceux qui attiraient l'attention du Gouvernement sur la brièveté de l'échéance du 1er mars 1999.

Il nous semblait assez présomptueux que l'affaire soit réglée aussi vite compte tenu du contexte. De même, il était présomptueux de déclarer que la loi serait votée avant l'été 1998.

Le 8 avril dernier, nous avons pris connaissance du rapport de M. Douyère, excellent rapport c'est vrai, mais qui a jeté la consternation, voire la confusion, parmi vos fidèles ou parmi ceux qui avaient cru dans vos promesses électorales. Et c'est seulement le 2 décembre que le projet de loi a été avalisé par le conseil des ministres. Il s'agit d'un texte assez contradictoire - dû sans doute au retard pris - qui ne rejoint qu'en partie le rapport Douyère et qui constitue, non pas la réforme d'envergure que tout le monde attendait, y compris les personnels, mais une espèce de « réformette » bancale, qui institue un statut dérogatoire au statut coopératif, et qui fait, ô miracle ! l'union sacrée contre elle. Je le dis comme je le pense, c'est un échec de la procédure d'élaboration d'une réforme et, très vraisemblablement, de sa discussion à l'Assemblée.

Les choses étant ce qu'elles sont, et vous étant rendu compte que le calendrier ne pourrait être tenu, nous voici devant un nouveau texte, qui fixe une autre échéance, dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est encore une fois trop courte. Qu'est-ce qui se sera passé dans la mécanique parlementaire d'ici au 1er août 1999, compte tenu de tous les textes en attente et de la nécessité de permettre au Parlement de travailler dans de bonnes conditions, dans le cadre de la session unique instituée par la réforme Séguin ? Il est donc peu vraisemblable que nous respections les délais et que la loi soit promulguée en temps voulu.

C'est la raison pour laquelle une série d'amendements émanant de tous les bancs de cette assemblée ont été déposés tendant à fixer un délai supplémentaire - déla i que la commission des finances a accepté -, non pour repousser la réforme, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre. Il faut désormais, non pas se précipiter mais aller relativement vite, c'est-à-dire faire preuve de raison.

Monsieur le ministre, ayez la gentillesse d'écouter quelques instants encore, même si cela est désagréable pour vous.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est pas désagréable, c'est long !

M. Christian Cabal.

Vous avez alors trouvé une échappatoire qui consiste à organiser un débat à l'Assemblée.

Or je viens de découvrir avec surprise que ce débat pourrait se résumer à une discussion en commission des finances. Ce n'est pas tolérable ! Je terminerai donc sur la méthode sans plus de discours. La méthode du Gouvernement à l'égard du corps législatif n'est pas supportable. En déclarant l'urgence, vous voulez nous refaire ni plus ni moins le coup du PACS. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Brard.

Comparaison n'est pas raison !

M. Christian Cabal.

Si ! De longues discussions ont eu lieu au sein des courants du parti socialiste et au sein des composantes de la gauche plurielle,...

M. Jean-Louis Idiart.

Epargnez-nous ça !

M. Christian Cabal.

... sans y associer la représentation nationale, qui va, encore une fois, être mise devant le fait accompli et ne bénéficiera que de quelques heures de discussion en commission des finances, l'empêchant ainsi de procéder à des auditions.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît.

M. Christian Cabal.

Monsieur le président, mon appel est solennel. Il faut en finir avec toutes ses missions, comme celle sur l'audiovisuel, qui se déroulent entre les


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ministres et les représentants du parti socialiste. La France, la représentation nationale ne se limitent pas aux courants du parti socialiste. Elle est composée par tous ceux qui sont sur ces bancs.

M. Henri Nallet.

Ça ne veut rien dire tout ça !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est un dérapage non contrôlé !

M. Christian Cabal.

Il faut une discussion approfondie en commission. Il faut que les représentants du personnel et les représentants des déposants puissent se faire entendre !

M. le président.

Monsieur Cabal, il faut conclure maintenant. Cette discussion est soumise à la procédure d'examen simplifiée.

M. Alain Rodet, rapporteur.

Cette véhémence rappelle Léon Daudet !

M. Christian Cabal.

Je conclus en disant qu'un débat de cette importance, pour être accepté, doit faire l'objet d'une discussion approfondie. On ne s'y achemine pas !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est présenté porte sur la prorogation nécessaire des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance. Dans la perspective de la réforme qui a été évoquée par M. le ministre, et s'appuyant sur le rapport de notre collègue Douyère, il trouve sa place en vue d'une concertation rassemblant l'ensemble des acteurs impliqués dans le secteur bancaire et financier. Afin de garantir le bon déroulement d'une réflexion commune, il s'avère indispensable que l'ensemble des partenaires, entre autres les salariés des caisses d'épargne, soient très largement associés.

M. Cabal parlait des courants du PS. Je ne sais pas de quoi il s'agit parce que, pour ce qui me concerne, les courants passent à côté.

(Rires sur plusieurs bancs.)

Vous êtes très exigeant envers ceux qui dirigent aujourd'hui, alors que vous le fûtes moins hier. Or, sur les bancs du groupe des députés communistes et apparentés, il y a une constance : c'est l'exigence permanente. La différence entre le monsieur qui se tenait « droit dans ses bottes » et l'actuel Premier ministre, c'est que celui-ci n'a pas besoin de brancher son sonotone pour entendre les députés sur quelque banc qu'ils siègent. Faut-il vous rappeler, mon cher collègue, la discussion de quelques projets de loi où les députés de l'opposition ont été écoutés et leurs amen dements retenus. Tout cela relevait, hélas ! du miracle sous le gouvernement précédent. Je parle, pour les miracles, sous le contrôle de M. Douste-Blazy ! (Rires.)

En ce qui concerne le débat qui a été évoqué par M. le ministre, ce n'est pas un débat qui a été demandé par M. Brard (Sourires) , même si, en cette affaire, j'ai porté, avec Daniel Feurtet notamment, la demande du groupe des députés communistes et apparentés. Je ne souhaite pas, monsieur le ministre, même si nous sommes à la veille de Noël, que vous me fassiez plaisir à moi spécifiquement. (Sourires.)

Cela dit, vous avez entendu la demande de notre groupe, et, pour ma part, j'ai retenu que, dans votre dernière réponse lors des questions au Gouvernement, vous vous étiez engagé à ce qu'un débat ait lieu dans cet hémicycle. Un tel débat n'exclut pas pour autant une discussion préparatoire en commission des finances, mais nous savons que le gros avantage du débat public, c'est de permettre à nos paroles, qui ne sont pas toujours immortelles, d'être définitivement gravées dans le marbre du Journal officiel

En ce qui concerne le présent texte, on ne peut évidemment pas l'examiner sans penser à celui qui va venir après. Entre les deux, il est très important que nous ayons une réflexion collective sans avoir un point de vue définitivement arrêté : il y a place pour la confrontation utile.

Il est nécessaire que nous ayons ce débat sur l'avenir du secteur bancaire et financier avant de discuter la loi sur les caisses d'épargne. C'est d'ailleurs l'ordonnancement qui est pour l'instant prévu.

Pour ce qui nous concerne, nous attachons beaucoup d'importance aux caisses d'épargne. Elles participent à l'aménagement du territoire. C'est aussi, même si ce n'est pas que cela, le banquier des plus modestes. Dès lors, exiger d'elles qu'elles respectent le sacro-saint taux de rentabilité fixé par l'AFB est une hérésie, car cela reviendrait à liquider non seulement une partie des réseaux mais aussi les dépositaires les plus modestes.

Vous avez parlé de statut coopératif, monsieur le ministre : nous aurons l'occasion d'y revenir.

Vous avez également dit que c'est une vieille tradition de la gauche. Certes, mais il faut toujours faire attention, car des perversions viennent parfois polluer un peu la tradition. Ainsi, le Crédit agricole, sur combien d'agriculteurs ruinés a-t-il construit sa puissance ? Et à l'extérieur, n'a-t-il pas, tel Gargantua, « dévoré » les caisses d'épargne italiennes ? Il faut aussi avoir cela présent à l'esprit. Si on nous propose un tel modèle, vous voyez bien que le champ de la discussion sera très ouvert - bien sûr, c'est une litote ! Dans l'immédiat, notre souci est de ne pas fixer l'échéance avant l'été ou pendant l'été, car ce débat exige du temps. A cet égard, j'ai bien entendu que notre rapporteur, M. Rodet, réserverait un accueil favorable, peutêtre même enthousiaste, à notre amendement qui propose de fixer l'échéance - et c'est tout son intérêt - au mois de novembre, c'est-à-dire à un moment où nous siégerons. Ainsi, si le débat n'était pas conclu à cette époque, nous pourrions de nouveau délibérer pour prolonger - même si la prolongation ne saurait être un objectif - le mandat sur la durée duquel nous sommes invités à nous prononcer aujourd'hui.

M. Jean-Louis Dumont.

Tout cela ouvre des perspectives !

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi doit nous permettre de gagner du temps pour mieux préparer la réforme de l'épargne, de la sécurité financiè re et, plus spécialement, des caisses d'épargne. Je formulerai donc quelques observations préalables à la discussion qui viendra en son temps.

La prorogation des mandats des conseillers consultatifs et celle des mandats des conseillers d'orientation et de surveillance nécessite des précisions allant au-delà des dispositions législatives.

En effet, monsieur le ministre, vous m'aviez, lors des débats du 22 octobre 1997, répondu que la première prorogation se faisait « en dehors » des conditions d'âge.

Des directoires ont estimé que vos précisions ne faisaient pas obstacle à l'application des règles statutaires des caisses d'épargne, notamment celle de la limite d'âge.

D'autres directoires ont introduit de nouvelles limites portant à soixante-huit ans la démission d'office des conseils.

D'où l'amendement que je défendrai tout à l'heure tendant à imposer aux caisses d'épargne la modification de leurs statuts en fonction des dispositions législatives


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

que nous allons prendre. D'autant que nous nous donnons du temps. Il ne faut plus qu'elles puissent opposer leurs propres dispositions statutaires.

En ce qui concerne la limite d'âge, je profite de l'opportunité qui m'est offerte pour rappeler une revendication majeure des associations de retraités, qu'elles ont exprimée lors d'une récente manifestation organisée à Paris et qu'elles nous rappellent dans toutes leurs assemblées générales.

Les retraités estiment que l'interdiction qui leur est faite de siéger dans des organismes sociaux, des conseils d'administration ou des conseils de surveillance relève d'une forme d'exclusion et de discrimination difficile à admettre et contraire au futur article 1er de la réforme, qui préconise la mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions. Nous ne pouvons imposer à nos concitoyens des dispositions d'âge que les parlementaires ne s'appliquent pas à eux-mêmes. Admettre que les personnes âgées ont les facultés mentales nécessaires pour voter mais pas pour « être élues » est, à mon avis, injurieux à leur égard.

La présence de retraités dans les caisses d'épargne comme ailleurs, notamment dans les organismes gérant la sécurité sociale ou dans les caisses de retraite, est pour nous un signe de démocratie bien comprise, puisque les personnes âgées sont souvent les premières à être concernées.

Il importe donc que les futurs projets de loi soit réservent des sièges aux associations de retraités, soit suppriment la notion de limite d'âge. Mais si, dans l'esprit du Gouvernement, il est indispensable d'imposer une limite d'âge, comme en ont imposé une tous les gouvernements précédents, il convient également de l'appliquer à toutes les assemblées issues du suffrage universel.

Je formulerai d'ores et déjà une autre observation sur le projet de loi en gestation relatif à l'épargne. Au reste, le laps de temps supplémentaire dont nous disposons pour l'examiner devrait nous permettre de l'améliorer.

L'architecture retenue, celle du statut coopératif, me paraît bien convenir même si la future structure reste fortement pyramidale.

Mais ce qui n'apparaît pas pour l'instant, c'est l'esprit coopératif, l'esprit mutualiste. Il faudra bien l'instiller si nous voulons redonner une morale à cette institution qui a rendu tant de services à notre pays durant des décennies.

Je citerai quelques pistes en m'appuyant sur l'éclairage de ce qui existe déjà.

L'épargne populaire ne peut pas être placée sous le contrôle direct ou indirect de hauts fonctionnaires : préfets, recteurs, etc. M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, évoquait à cet égard des « principes moraux ». Il faudra dresser une liste des incompatibilités.

Les écarts de salaires entre la moyenne de ceux des salariés et la moyenne de ceux des directeurs ne peuvent atteindre des rapports aussi faramineux que ceux qui existent actuellement, qui vont de un à dix voire de un à quinze ! Nous sommes dans une période de partage du travail et des richesses, et de création d'emplois. Mieux vaut avoir quinze emplois supplémentaires qu'un seul membre d'un directoire, percevant le salaire de quinze salariés.

L'ancrage des caisses d'épargne dans le tissu local, qui relève des orientations générales du futur projet de loi, est battu en brèche, puisque certains directoires se hâtent de fermer les caisses en milieu rural pour multiplier les guichets en milieu citadin dont les sociétaires ne représentent guère ce que M. Brard appelle les épargnants populaires modestes.

Ma dernière observation concerne la disparition prévue du CENCEP et le transfert de ses compétences, notamment celle de contrôle exercée par les censeurs. Il me semble que cette modification fait courir un risque supplémentaire, car comment espérer que la caisse nationale puisse exercer un contrôle « moral » sur les caisses régionales dont elle est l'émanation ? Monsieur le ministre, nous disons « oui » à la compétition que vous souhaitez, mais elle doit avoir lieu dans un cadre et avec un esprit qui ne soient pas uniquement ceux du « tout financier ».

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet que nous examinons propose de proroger de six mois le mandat de l'équipe « managériale » des caisses d'épargne, afin que ses fonctions ne prennent fin qu'au 1er août prochain.

Mais ce projet ne peut se comprendre indépendamment de son autre volet, la loi sur l'épargne et la sécurité financière, à laquelle je ferai allusion en citant quelques chiffres.

Le présent projet s'analyse en fait comme un report de la réforme des caisses d'épargne, après le climat troublé qui a entouré la loi de finances pour 1999, que nous allons examiner en nouvelle lecture tout à l'heure, notamment la ponction de 5 milliards de francs qui a été opérée sur les caisses d'épargne. La contestation a même quelque peu gagné les rangs de votre propre majorité, monsieur le ministre, s'agissant de cette disposition dont nous avions souligné le caractère discutable.

Toutefois, cette prorogation des mandats, que vous justifiez par la volonté d'assurer une meilleure transition des caisses d'épargne vers leur statut futur, est tout de même responsable de la lenteur de la réforme, réforme dont les caisses d'épargne ont un urgent besoin. Vous avez vousmême insisté sur ce point, monsieur le ministre, dans une interview récente. En effet, les caisses d'épargne devront s'adapter à un environnement financier et bancaire beaucoup plus concurrentiel qu'aujourd'hui.

Si une telle réforme est imminente, urgente, pourquoi la différer davantage ? Ce retard est aisément mesurable, puisque le texte qui, d'après ce qui nous a été dit, viendra en discussion en mars prochain a déjà fait l'objet d'un rapport l'année dernière et d'un avant-projet durant l'été. Le texte est donc prêt dans ses grandes lignes, et il l'est même depuis de nombreux mois. Cette attente inexplicable est révélatrice de mesures d'approche qui annoncent un texte quelque peu suspect.

Or, puisqu'il est question de l'avenir des caisses d'épargne, dont les produits sont très populaires parmi nos concitoyens, ce texte aurait été tout à fait d'actualité.

En effet, l'engouement des Français pour les produits d'épargne du type livret A a permis, au cours de ces derniers mois, de gonfler les fonds propres des caisses d'épargne. Cette abondance, il faut l'avouer, est assez tentante pour le Gouvernement qui, dans le projet qui sera examiné ultérieurement, propose de ponctionner bien davantage que 5 milliards de francs. Au total, il devrait récupérer 23 milliards et, comme toujours, les épargnants n'y retrouveront pas leur compte.

Quant au fond de la réforme, nous ne critiquons pas son aspect éminemment nécessaire, mais seulement la méthode utilisée.


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L'objectif de la réforme préconisée est l'abandon du statut particulier des caisses d'épargne, lesquelles devraient désormais être assujetties à la loi de 1947 sur les sociétés coopératives, à la loi de 1966 sur les sociétés commerciales et à la loi bancaire de 1984.

Or les caisses d'épargne occupent une place originale dans le paysage bancaire avec près de 30 millions de clients. Le projet que propose le Gouvernement, projet d'ailleurs fort complexe, rend donc leur avenir incertain.

En effet, il s'agit de banaliser le statut des caisses d'épargne. Et cette banalisation ouvre à nouveau le débat sur les avantages dont bénéficient ces organismes très particuliers. Qu'adviendra-t-il du monopole de distribution des livrets A, que les caisses d'éparges partagent avec La Poste ? Quelle incidence aura l'introduction d'actionnaires dans le système des caisses d'épargne, qui justement n'avaient jusqu'à présent aucun actionnaire à rémunérer ? Le capital des caisses d'épargne, qui devrait être fixé à 18 milliards de francs, sera constitué en quatre ans, par cession de parts sociales et par l'émission de certificats c oopératifs : il s'agit donc bien d'une modification complète des structures des caisses, dont l'efficacité n'apparaît pas immédiatement évidente.

N'est-il pas à craindre, mes chers collègues, que le Gouvernement, sous couvert d'une modification des statuts, n'en profite pour prélever un nouveau tribut ? En effet, quel sera l'avenir des fonds propres des caisses d'épargne ? Je voudrais rappeler que celles-ci disposaient jusqu'à présent de 65 milliards de francs de fonds propres. Or quinze milliards de francs devraient être utilisés pour renflouer la caisse de retraite des caisses d'épargne. A cela s'ajouteront cinq milliards qui seront ponctionnés l'année prochaine et dix-huit milliards qui le seront dans les quatre prochaines années. Il restera alors aux caisses d'épargne 27 milliards de francs.

C'est pourquoi, mes chers collègues, j'estime que ce texte, qui vient en discussion dans les tout derniers jours du mois de décembre, ne permettra pas aux parlementaires de disposer de la latitude suffisante pour examiner un dispositif qui, en fait, aura des implications fort complexes qui bouleverseront, sans en avoir l'air, le paysage bancaire et le paysage financier français.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale n'avalisera pas cette prorogation et votera contre ce texte.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Quelques mots seulement car j'ai été un peu surpris par les propos de Christian Cabal, qui semblent mettre en cause les travaux de la commission des finances.

Je tiens simplement à lui rappeler que la commission a examiné le texte qui nous est soumis. Si notre collègue avait été présent en commission à ce moment-là, il aurait pu se rendre compte que je donnais la parole à tous ceux qui la demandaient, que le rapporteur répondait à toutes les questions qui lui étaient posées et que, pour ma part, relayant les demandes de certains groupes, j'ai demandé tout de suite au ministre de l'économie et des finances la tenue d'un débat. Tous nos collègues peuvent en témoigner. Et cela a encore été le cas lundi dernier.

Bref, nul ne peut prétendre, monsieur Cabal, que les travaux de la commission des finances sont internes à la majorité et que l'opposition ne peut pas s'y exprimer.

Mais, c'est vrai, pour pouvoir s'exprimer, il faut remplir une condition indispensable et qui vaut sur quelque banc que l'on siège : être présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, juste quelques mots de commentaire sur ces interventions.

Je tiens à vous remercier, monsieur Idiart, pour la présentation que vous avez faite de ce texte : elle correspond exactement à ce à quoi nous voulions aboutir. Pour ce faire, vous avez repris de façon plus politique et moins technique les propos du rapporteur, M. Rodet, lequel a parfaitement décrit l'objet du projet de loi.

Nous avons l'ambition de faire avancer cette affaire des caisses d'épargne, mais nous voulons le faire avec les précautions qui s'imposent et en tenant les débats nécessaires. Donc, les motivations que vous avez avancées pour justifier le dépôt de ce texte sont bel et bien celles du Gouvernement.

J'ai retrouvé le même souci chez vous, monsieur Brard, qui avez demandé du temps. Le Gouvernement est donc prêt à siéger, si l'Assemblée le souhaite, le samedi et le dimanche.

M. Pierre Forgues.

Non !

Mme Françoise Imbert.

Non, nous ne le voulons pas ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je n'ai pas connaissance de séances auxquelles le Gouvernement n'aurait pas été présent.

Bref, si vous désirez que nous allions plus vite, nous pouvons travailler selon des horaires moins normaux. Je suis prêt à me plier à votre désir.

M me Françoise Imbert et M. Pierre Forgues.

Mais non !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas vraiment ce que je vous ai demandé, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je n'ai pas dit que c'était ce que vous souhaitiez, j'ai seulement indiqué que j'étais prêt à me plier aux désirs des parlementaires ! S'agissant du statut des caisses d'épargne, il me semble que le statut coopératif qui est prévu pour le futur projet de loi constitue une bonne solution.

M. Jean-Louis Dumont.

A condition de respecter les valeurs fondamentales ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce sera évidemment un des éléments du débat que nous aurons sur ce texte.

Bien entendu, je vous donne acte, monsieur Brard, que le débat sur l'ensemble du secteur financier que vous avez réclamé au nom du groupe communiste et apparentés ne constitue en rien un cadeau. Il est tout à fait légitime que ce débat puisse avoir lieu. Il sera d'ailleurs utile pour le Gouvernement et pour les parlementaires.

Vous avez, monsieur Warhouver, exprimé un souci particulier à propos des limites d'âge. Le présent texte permet de corriger la situation actuelle. Il est vrai que, à la fin de l'année 1997, le problème que vous avez évoqué s'est produit, qu'il y a eu une sorte de carambolage entre les limites d'âge définies de façon interne et la loi. Désormais, ce ne sera plus le cas, puisque la loi prévoit que


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tous ceux qui seront atteints par la limite d'âge pourront se maintenir. Cette difficulté que vous avez très justement soulevée est maintenant derrière nous.

J'en viens aux intervenants de l'opposition.

Monsieur Cabal, vous vous êtes exprimé avec une agressivité qu'on ne vous connaissait pas, mais ce fut plutôt agréable car cela a contribué à rendre la discussion plus vivante. Le sujet traité ne justifiait peut-être pas, comme le président l'a rappelé, que vous soyez aussi long, mais, à partir du moment où vous nous avez fait plaisir, il n'y avait pas de raison que vous vous limitiez.

(Sourires.)

Vous avez d'abord souligné que tout cela traduisait l'incapacité du Gouvernement à mettre en oeuvre ses réformes. Cela dit, je comprends que vous vous énerviez lorsque, après avoir cru que vous empêcheriez le vote de la proposition de loi relative au PACS, vous vous apercevez que la caravane passe ! (Sourires.) C'est dire que quoi que vous fassiez pour retarder leur adoption, les réformes qui sont engagées par le Gouvernement et soutenues par sa majorité arrivent à leur terme.

M. Yves Deniaud.

Il reste encore le Conseil constitutionnel ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Certes, et c'est le droit de l'opposition, vous pouvez retarder, mais vous ne pouvez pas empêcher.

Nous pouvons vous écouter et même tenir compte de vos objections ; d'ailleurs, comme l'a rappelé M. Brard, nous le faisons souvent - peut-être pas suffisamment de votre point de vue, monsieur Cabal, mais, en tout cas, beaucoup plus souvent que cela a été le cas sous la législature précédente. Mais, en tout état de cause, au bout du compte, les projets du Gouvernement arrivent à leur terme. C'est tellement évident dans le secteur industriel et financier que je ne peux pas ne pas comprendre que cela suscite chez vous une certaine irritation.

Ainsi, le gouvernement précédent, qui s'était engagé sur l'opération de Thomson, a été obligé de l'arrêter, de la faire capoter, après avoir dit que Thomson Multimedia ne valait qu'un franc. L'actuel Gouvernement a pu au contraire mener le processus à son terme, aussi bien pour Thomson-CSF en ce qui concerne la défense que Thomson Multimedia. Et pas pour un franc, mais pour plusieurs milliards.

M. Yves Deniaud.

Mais après avoir déboursé 20 milliards ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

De même, pour la privatisation du CIC, qui nous avait été imposée par la Commission de Bruxelles et relevait de votre spécialité, messieurs de l'opposition, le gouvernement précédent est lamentablement allé dans le mur, alors que l'affaire a été parfaitement conduite par celui-ci, en accord avec les syndicats ; je rappelle en effet à tous les parlementaires qu'à la suite de la cession du CIC, l'intersyndicale a publié un communiqué pour remercier le Gouvernement de la façon dont les choses se sont passées.

Alors que nous ne souhaitions pas cette privatisation que Bruxelles nous a imposée, le Gouvernement a eu pour règle de mener la concertation jusqu'au bout, aussi longtemps qu'il le fallait, et c'est pour cela que l'opération a pu se faire. Je pourrais faire la même remarque à propos de l'Aérospatiale.

Tous les projets aboutissent, monsieur le député, mais nous prenons le temps nécessaire pour qu'ils soient compris et acceptés par ceux qu'ils concernent, et je crois que c'est là une bonne méthode de gouvernement.

Il ne faut pas confondre concertation et retard. Peutêtre est-ce là une différence entre cette partie et l'autre de l'Assemblée. Nous ne croyons pas, pour notre part, qu'on peut imposer des réformes au pas de charge, que la majorité les vote et qu'ensuite le pays doit suivre. Non ! Il faut expliquer les réformes, les discuter, et les observations de ceux qui sont concernés vous font parfois modifier votre copie. C'est seulement après qu'elles ont été suffisamment débattues qu'on peut engager les réformes. Cela prend du temps, et parfois plus que prévu. C'est le cas cette fois-ci et ce n'est pas un défaut mais un avantage, car une réforme discutée de façon plus approfondie est préférable à une réforme menée trop rapidement.

Le projet de loi sur les caisses d'épargne n'a pu être prêt pour le mois de novembre et il ne sera discuté qu'au mois de février. Trois mois de décalage, ce n'est pas rien, mais ce délai supplémentaire aura été utile pour la négociation et aura permis d'améliorer le projet.

D'ailleurs, je relève une contradiction dans votre propos, monsieur Gantier. Vous nous avez dit : « Ce texte sur les caisses d'épargne est urgent, il ne faut pas perdre de temps, le Gouvernement ne mène pas sa réforme assez vite », mais vous proposez un amendement qui aboutirait à la retarder encore ! Je relève une seconde contradiction dans le fait que vous affirmez que cette réforme est urgente, alors que vous ne l'avez même pas entamée quand vous étiez encore au pouvoir, il y a dix-huit mois.

Il y a près de deux siècles que les caisses d'épargne existent dans notre pays et cela fait bien dix ans que l'on dit qu'il faut les réformer, pour les adapter à un monde qui a changé. Mais, si c'était aussi urgent, comment se fait-il que, lorsque je suis arrivé au ministère des finances, je n'aie pas vu l'ombre d'un dossier, pas l'ombre d'un commencement de réforme sur ce sujet ? Vous me reprochez de ne pas aller assez vite. Mais, si l'examen du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière commence en février prochain et se termine, comme je l'espère, avant l'été, ou à la rentrée, les caisses d'épa rgne seront dotées, à l'aube du prochain siècle, d'un statut plus moderne et plus efficace qui leur permettra de mieux servir les usagers, d'assumer leur mission d'intérêt général comme nous l'entendons et, dans le même temps, de tisser des alliances avec les autres réseaux. Nous aurons donc fait du bon travail et rendu service au pays, et les trois mois que nous aurons perdus au départ seront oubliés.

Enfin, monsieur Gantier, vous vous inquiétez des 5 milliards qui sont inscrits dans la loi de finances, mais vous savez parfaitement lire les lois de finances et je pense que vous avez bien compris de quoi il s'agissait. A tout hasard, je répète que le Gouvernement a accordé en 1984, une dotation de 3 milliards aux caisses d'épargne, qui en avaient alors besoin. Aujourd'hui, nous procédons à une remise à plat et les caisses d'épargne rendent ces 3 milliards à l'Etat, en tenant compte de l'inflation, ce qui fait 5 milliards. Il n'y a donc aucun mystère et certains pensaient même qu'il fallait en outre appliquer un taux d'intérêt à la somme initiale, ce qui aboutissait à un montant total de 8 ou 9 milliards, qui figure d'ailleurs dans le rapport de M. Douyère. Le Gouvernement a estimé qu'il pouvait prêter sans intérêt aux caisses d'épargne et qu'il fallait simplement tenir compte de l'inflation.

Vous avez parlé de 23 milliards, monsieur Gantier, parce que vous avez ajouté 18 milliards à ces 5 milliards.

Mais ces 18 milliards n'ont rien à voir, ils ne sont pas versés par les caisses d'épargne. Ils sont collectés auprès


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des coopérateurs qui voudront devenir partenaires du système. Ceux-ci participeront de ce fait au haut conseil des caisses d'épargne et, comme dans tout système coopératif, ils auront une influence sur l'évolution des caisses d'épargne. Ils achèteront donc des parts de coopérative pour un montant de 18 milliards. Vous savez que le Gouvernement a décidé d'affecter ce montant au fonds de réserve des retraites, qui en a lui aussi bien besoin et aurait dû être alimenté depuis fort longtemps. Cet apport ne suffira pas à résoudre l'ensemble du problème des retraites mais il contribuera à le résoudre en partie.

D'autre abondements interviendront ultérieurement afin que l'on puisse, en temps utile, trouver plusieurs dizaines de milliards de francs en vue de soutenir notre système de retraites, comme nous le voulons tous.

Si j'ai bien compris, monsieur Gantier, vous voulez, contrairement au Gouvernement, banaliser le livret A et mettre fin à la spécificité des caisses d'épargne. Nous aurons donc un débat sur ce point.

Il est intéressant de voir que le groupe Démocratie libérale est favorable à la banalisation du livret A, et je pense que la majorité et l'opposition auront l'occasion, lorsque nous débattrons des caisses d'épargne, d'échanger leurs arguments à ce sujet. Je réaffirme la position du Gouvernement, que vous semblez contester. Pour nous, le livret A doit rester un produit exclusif du réseau des caisses d'épargne, en contrepartie de leur mission d'intérêt général concernant le financement du logement social, et nous n'avons pas l'intention de changer d'opinion sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de votre proposition que l'Assemblée siège le samedi et le dimanche, mais je vous indique que la conférence des présidents a fait un choix différent, à l'unanimité. Vous pouvez donc rassurer les autres membres du Gouvernement.

(Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je le ferai.

M. le président.

La discussion générale est close.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique . - Les mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance en fonctions à la date de promulgation de la pré-s ente loi sont prorogés jusqu'au 1er août 1999, nonobstant toute disposition relative à la limite d'âge. »

Je suis saisi de trois amendements, nos 4, 5 et 1 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 4, présenté par M. Cabal, est ainsi rédigé :

« Dans l'article unique, substituer aux mots : "1er août 1999" les mots : "1er août 2001". »

L'amendement no 5, présenté par M. Gengenwin et M. Jean-Louis Dumont, est ainsi rédigé :

« Dans l'article unique, substituer au mot : "août", le mot : "décembre". »

L'amendement no 1 rectifié, présenté par MM. Brard, Feurtet, Cuvilliez et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi rédigé :

« Dans l'article unique, substituer au mot : "août" le mot : "novembre". »

La parole est à M. Christian Cabal, pour soutenir l'amendement no

4.

M. Christian Cabal.

Cet amendement manifeste notre souci d'aider le Gouvernement. Pour éviter un nouveau décalage et compter sur des dates certaines, mieux vaut reporter la prorogation des mandats.

Cela dit, j'avais proposé la date du 1er août 2001 antérieurement à la réunion que la commission des finances a tenue aujourd'hui. J'avoue que la proposition commune qui en est résultée et qu'a présentée M. le rapporteur me satisfait, ce qui m'amène à retirer mon amendement.

Monsieur le président de la commission, l'extrême concision de mes propos, même si ceux-ci ont paru trop longs, a fait que je n'ai pas été bien compris. Je n'ai pas critiqué le fonctionnement de la commission des finances, bien au contraire, et j'admire la façon dont vous présidez.

J'ai simplement demandé que la discussion au fond fasse l'objet d'un large débat. Car celle que nous avons eue l'autre jour sur la prorogation des mandats n'avait qu'un intérêt relatif. Il m'apparaît indispensable que la commission des finances, où tous les groupes sont représentés, débatte largement de ces problèmes, afin que nous aboutissions à un bon résultat.

Mais si je n'ai pas été bien compris, c'est sans doute que je me suis mal exprimé, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser.

M. le président.

Je pense que le président de la commission acceptera d'autant plus volontiers vos excuses que vous retirez votre amendement.

(Sourires.)

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Germain Gengenwin.

L'amendement no 5, que je présente avec Jean-Louis Dumont, est le résultat d'une réflexion menée au sein du groupe d'étude sur l'économie sociale. Nous proposons que la date limite soit reportée au 1er décembre. Le projet de réforme des caisses d'épargne touche au système coopératif dans son ensemble et, compte tenu des navettes entre les deux assemblées et du temps nécessaire à l'examen de ce texte, nous pensons que la date du 1er août est trop proche.

Celle du 1er décembre nous semble plus raisonnable.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour soutenir l'amendement no 1 rectifié.

M. Christian Cuvilliez.

Dans un esprit de synthèse, je considère que notre amendement a été défendu par M. le rapporteur.

M. le président.

Monsieur Gengenwin, maintenez-vous l'amendement no 5 ?

M. Germain Gengenwin.

J'attends que M. le rapporteur se soit exprimé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 5 et 1 rectifié ?

M. Alain Rodet, rapporteur.

La commission, qui s'est réunie en début d'après-midi, a rejeté l'amendement no 5 de M. Gengenwin et M. Dumont au motif que l'amendement no 1 rectifié, présenté par les membres du groupe communiste et apparentés, portait la date butoir du 1er août au 1er novembre 1999 et pouvait faire l'objet d'un consensus.

Nos collègues qui s'intéressent à l'économie sociale ont pour l'essentiel satisfaction. La date du 1er novembre est en effet plus commode pour organiser la mise en place des nouvelles structures, c'est-à-dire des conseils consultatifs et des conseils de surveillance. La commission est donc favorable à l'amendement no 1 rectifié.


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M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les arguments de la commission sont de poids. Le Gouvernement, qui demandait une prorogation de cinq mois, est donc d'accord pour que celle-ci soit portée à huit mois, ce qui nous amène à la date du 1er novembre.

Nous n'allons pas discuter pour un mois. Mais je vous donnerai un argument supplémentaire, monsieur Gengenwin. Quand vous avez déposé votre amendement, vous ne saviez pas que le Gouvernement avait décidé de demander l'urgence sur le projet, ce qui évitera des navettes et va dans le sens que vous souhaitez. Nous gagnons donc ainsi le mois supplémentaire que vous proposiez d'ajouter au délai. Il me semble donc que vous pourriez retirer votre amendement et vous rallier à la position de la commission des finances. Sinon, je serai au regret de demander à l'Assemblée de le rejeter.

M. le président.

Monsieur Gengenwin, retirez-vous votre amendement ?

M. Germain Gengenwin.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 5 est retiré.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

J'aimerais obtenir une précision supplémentaire. Il serait bon que le Gouvernement nous confirme son souhait que les mandats des membres du directoire et du conseil de surveillance du CENCEP soient également prorogés.

Vous me répondrez peut-être que ça va sans dire, mais, comme répondrait notre collègue Brard, dont l'inspiration biblique est bien connue, ça va encore mieux si c'est

« gravé dans le marbre du Journal officiel ».

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je comprends bien votre souci, monsieur le député. Je ne vous répondrai pas que cela va sans dire, mais que cela dépend du statut des caisses d'épargne, et pas de la loi. Autant le fonctionnement des COS, parce que ceux-ci ont été créés par la loi, dépend de celle-ci, autant la durée des mandats du CENCEP ne dépend pas de la loi.

On pourrait, certes, rédiger un article spécifique, mais m ieux vaux laisser l'assemblée générale des caisses d'épargne régler ce problème. Je vous propose donc de ne pas aborder ce point dans la loi, car il est bon de continuer à séparer clairement ce qui relève de la loi et ce qui relève du fonctionnement normal du réseau.

Le Gouvernement ne s'opposera pas à la décision que les caisses d'épargne prendront.

Je souhaite quant à moi que nous puissions aller assez vite. Car s'il faut ne renouveler les COS qu'une fois la loi votée, on peut en revanche estimer nécessaire de mettre en place plus tôt les instances qui vont porter la réforme et diriger l'ensemble du système. Il apparaît que c'est aux caisses d'épargne de régler ce problème au sein de leurs structures ; attendons de connaître leur position.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi, modifié par l'amendement no 1 rectifié.

(L'article unique du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

M. Warhouver a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Les caisses d'épargne mettront leurs statuts, et notamment l'article 10, en conformité avec le présent projet de loi. »

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Il s'agit là encore de graver dans le marbre les dispositions du présent projet de loi.

En effet, en novembre dernier, certaines caisses d'épargne n'ont pas pris en compte les précisions apportées par le Gouvernement.

Si vous nous rassurez, monsieur le ministre, en disant que, cette fois-ci, elles devront appliquer les dispositions législatives et ne plus nous opposer leurs statuts, je retirerai mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Rodet, rapporteur.

La commission n'a pas accepté cet amendement, au motif que le présent projet de loi réglait le problème soulevé par M. Warhouver.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je confirme à M. Warhouver que le décret d'application sera modifié de façon qu'il n'y ait pas de difficulté.

M. le président.

Monsieur Warhouver, retirez-vous l'amendement ?

M. Aloyse Warhouver.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 2 est retiré.

M. Warhouver a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Toutes les restructurations entreprises par les caisses d'épargne durant la période comprise entre la promulgation de la présente loi et le 1er août 1999, et qui seraient contraires à l'esprit du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, pourront être déclarées caduques. »

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Cet amendement tend à contrer les nombreuses restructurations actuellement en cours, car des pans entiers de caisses d'épargne disparaissent dans le monde rural. Je veux également attirer l'attention du directoire du CENCEP sur les restructurations auxquelles on procède actuellement à la sauvette. Voyant venir la réforme, des régions entières continuent à fusionner. Le monde rural en souffre car il y a un quota de guichets.

On ferme par conséquent des guichets dans les zones rurales pour pouvoir les multiplier en ville.

Je sais bien que des dispositions législatives n'empêcheront rien, mais je voulais, je le répète, attirer l'attention du Gouvernement et des caisses d'épargne sur cet effet dévastateur. Il faudrait que les caisses attendent sagement l'arrivée des nouvelles dispositions avant de continuer leurs restructurations.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Rodet, rapporteur.

La commission n'a pas accepté cet amendement car le projet de loi portant réforme du statut des caisses d'épargne réaffirme les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

missions d'intérêt général du réseau. Par ailleurs, la diffu sion du sociétariat auprès des collectivités locales, prévue par le projet de loi, permettra aux communautés de communes, notamment à celles qui se sont constituées dans les zones rurales, de s'investir complètement dans le réseau et de garantir l'existence de guichets dans les zones les plus fragiles du territoire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je partage l'avis du rapporteur, mais je crois que M. Warhouver avait déposé cet amendement pour tirer la sonnette d'alarme et alerter le Gouvernement. Il a réussi. Peut-être peut-il retirer son amendement afin que nous en restions à la rédaction initiale.

M. Aloyse Warhouver.

Je le retire.

M. le président.

L'amendement no 3 est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi qui, après le retrait des amendements portant articles additionnels, se limite à l'article unique modifié.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

4 LOI DE FINANCES POUR 1999 Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 10 décembre 1998.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 1999.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 8 décembre 1998.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion,e n nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 1999 (nos 1252, 1269).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous entamons aujourd'hui la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1999. La commission mixte paritaire, réunie sur ce texte la semaine dernière, n'a en effet pu trouver un accord, et pour cause. Les projets de loi de finances adoptés en première lecture, d'un côté par l'Assemblée nationale, de l'autre par le Sénat, s'opposent sur de nombreux points. Alors que l'Assemblée nationale avait fait progresser le projet initial du Gouvernement dans le bon sens,...

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... en particulier en matière de justice sociale, le Sénat l'a profondément modifié pour mettre en avant, si je puis dire, une autre conception de l'action publique.

Votre assemblée, comme je viens de le dire, avait nettement amélioré le texte du Gouvernement. Elle avait réaffecté 5 milliards de francs de crédits, en particulier au profit des ménages, à travers des allégements d'impôts supplémentaires par rapport au texte initial, tels que la suppression de la TVA sur les achats de terrains à bâtir, le doublement du crédit d'impôt au titre des travaux dans l'habitation principale ou encore la baisse des droits de succession pour le conjoint survivant.

Elle avait en outre, à l'initiative de Jean-Pierre Brard, adopté une série de mesures de lutte contre la fraude fiscale, en autorisant notamment l'utilisation par les administrations financières du numéro d'inscription au répertoire national, appelé par son sigle : NIR.

De plus, elle avait amélioré le contenu du pacte de croissance et de solidarité, à la fois en accroissant les moyens accordés aux collectivités territoriales et en renforçant la péréquation à destination des plus pauvres d'entre elles, la croissance de l'enveloppe normée y étant bien plus dynamique que dans le pacte de stabilité mis en place de façon unilatérale par le précédent gouvernement.

En outre, à l'enveloppe normée s'ajoutent 900 millions de francs de dotations en faveur des collectivités qui connaissent des charges particulières au regard de leurs ressources.

Par rapport à ce qu'aurait donné, en 1999, la poursuite du pacte Juppé, les concours de l'Etat sont majorés, au total, de 1 900 millions de francs et, en 2000, après les engagements pris par le Gouvernement, ce sont 3 milliards de francs de plus qui seront attribués aux collectivités locales et près de 4,5 milliards de francs en 2001. Dans le même temps, le Gouvernement a renforcé, chaque fois que c'était possible, le contenu péréquateur de ces versements afin de ne pas répartir uniformément ce surplus.

Votre assemblée avait également réalisé des ajustements de crédits importants au profit des budgets prioritaires, notamment le budget de l'enseignement scolaire afin d'affecter plus de 14 000 adultes supplémentaires dans les lycées et de renforcer les moyens dans les zones d'enseignement prioritaires.

Au terme de la première lecture, le projet de loi de finances avait donc connu, au sein de cette assemblée, des améliorations très significatives. Je n'en dirai pas autant de l'examen du texte par le Sénat, car il a débouché sur un « budget alternatif » traduisant une vision opposée de l'action publique.

Comme vous le savez, le Sénat a réduit de 26 milliards de francs les crédits inscrits, en faisant porter les ajustements principalement sur les dépenses sociales et les priorités du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.

Ainsi, le budget de l'emploi a été réduit à lui seul de près de 11 milliards de francs, celui de l'éducation nationale de plus de 5 milliards de francs et celui de la santé et de la solidarité de 2,4 milliards de francs.


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De même, en matière fiscale, le Sénat est revenu, sans frapper au hasard, sur des dispositions que vous aviez adoptées. En ce qui concerne les revenus élevés et les gros patrimoines, il a supprimé l'abaissement du plafond du quotient familial, relancé la baisse de l'impôt sur le revenu initiée par le gouvernement Juppé, renoncé aux mesures de lutte contre la fraude fiscale à l'impôt de solidarité sur la fortune. Concernant les grandes entreprises, il a rétabli à 50 % le taux de l'avoir fiscal pour les placements financiers, que vous aviez abaissé, et supprimé la limitation de l'exonération des dividendes versés par les filiales aux sociétés mères, que vous aviez adoptée.

Comme vous le voyez, les options retenues par le Sénat sont très différentes de celles retenues par le Gouvernement et par votre asssemblée en première lecture. Le débat au Sénat n'a cependant pas été inutile, car il a permis de nourrir le débat républicain et de mettre en lumière deux conceptions opposées de l'action publique : une conception de droite et une conception de gauche.

D'un côté, une conception rétrograde inspirée par la société marchande du chacun pour soi et qui taille dans les investissements humains que sont l'éducation et la recherche (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Alain Tourret.

Très juste !

M. Pierre Méhaignerie.

Ça ne va pas ! On n'est pas à la maternelle !

M. Philippe Auberger.

C'est ridicule !

M. Bernard Roman.

C'est la réalité qui vous fait mal !

M. Christian Cuvilliez.

Le Sénat est dans sa mission historique !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et, de l'autre côté, du nôtre, une conception d'avenir qui refuse la fatalité marchande dans les rapports sociaux et qui milite pour une France plus forte et plus juste à l'orée du

XXIe siècle.

A l'occasion de cette nouvelle lecture, je voudrais rapidement souligner quelques points sur lesquels le Gouvernement est prêt à améliorer encore le texte initial de l'Assemblée nationale.

D'abord, l'aménagement de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France avait suscité de nombreux débats lors de son examen en première lecture.

Pour tenir compte des remarques énoncées, le Gouvernement vous proposera, par amendement, un dispositif quelque peu modifié permettant d'atténuer l'impact de l'extension de cette taxe aux locaux commerciaux et de stockage, en particulier pour les plus petits d'entre eux.

Deuxième terrain d'amélioration : le dispositif Besson.

J'ai bien compris le souhait de nombreux parlementaires d'assurer le succès du dispositif en y apportant quelques aménagements...

M. Philippe Auberger.

C'est tellement confus ! M. le secrétaire d'Etat au budget. ... et le Gouvernement a cherché à aller dans ce sens. Je persiste à penser qu'il est exclu d'admettre le bénéfice de ce dispositif à vocation sociale pour les membres de la famille du bailleur, mais je reconnais bien volontiers que les modalités de sortie du dispositif après neuf ans en cas d'investissement dans le neuf pourraient être précisées. Nous aurons l'occasion d'en reparler au cours du débat.

S'agissant de la Corse, l'amendement présenté par M. Charasse au Sénat et adopté par la Haute Assemblée apporte un complément très utile au travail effectué par l'Assemblée nationale en première lecture. Votre commission des finances propose d'apporter de nouvelles améliorations à ce dispositif, et je peux vous indiquer que le Gouvernement soutiendra cette initiative.

M. Jean-Jacques Jégou.

La sagesse du Gouvernement progresse au fil des lectures !

M. Bernard Roman.

Le Gouvernement ne cesse de s'améliorer !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement en la matière appuie les efforts parlementaires auxquels, monsieur Jégou, vous avez contribué en première lecture, je tiens à le souligner.

M. Jean-Louis Idiart. Heureusement que nous étions là !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Enfin, s'agissant de l'abattement de 10 % sur les pensions, je veux rendre hommage à l'opiniâtreté de la majorité,...

M. Philippe Auberger.

Et l'opposition !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... qui propose de reprendre en deuxième lecture du projet de loi de finances ce débat que nous avons eu en première lecture, non seulement du projet de loi de finances, mais également du collectif budgétaire. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déjà dit que la divergence entre le Gouvernement et sa majorité sur cette question portait non pas sur le fond, mais seulement sur le calendrier.

M. Philippe Auberger.

C'est le plus important !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement estime en effet que cette disposition n'ayant pas d'impact sur l'équilibre budgétaire en 1999 et ne concernant que l'impôt dû en l'an 2000 par les retraités aurait davantage sa place dans la première partie du projet de loi de finances pour l'an 2000, une fois que les conclusions de la mission sur les retraites du commissaire au plan Charpin seront connues. Mais le Gouvernement est prêt à entendre les arguments de la majorité sur ce point.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Cuvilliez.

Voilà la sagesse !

M. Bernard Roman.

Il est excellent ce gouvernement !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

S'agissant de l'élargissement des critères d'éligibilité au fonds de compensation de la TVA, sujet auquel les élus sont particulièrement sensibles, le Gouvernement avait déjà accepté en première lecture l'extension aux investissements réalisés par les collectivités locales sur des biens appartenant à l'Etat ou à des propriétaires privés, dans le cadre de la lutte contre les risques naturels, répondant en cela à une revendication ancienne des élus locaux. Le Gouvernement a accepté devant le Sénat l'instauration de deux autres cas d'éligibilité au fonds de compensation de la TVA, l'un concernant les travaux réalisés par certains syndicats mixtes, l'autre concernant les travaux de réhabilitation réalisés sur des biens de section.

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avec les progrès réalisés sur le contrat de croissance et de solidarité, les préoccupations quotidiennes très importantes des collectivités locales auront été très largement prises en compte tout au long de ces débats.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Par ailleurs, le Sénat a supprimé la réforme du financement de l'aviation civile que vous aviez votée. Le Gouvernement vous proposera de rétablir ce dispositif en l'améliorant dans le sens d'une plus grande péréquation en faveur des petits aérodromes.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les remarques préliminaires que je souhaitais faire avant l'ouverture des débats. Nous aurons l'occasion de revenir de façon plus détaillée sur ces sujets au cours de la discussion des amendements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme c'est l'usage, les nouvelles lectures permettent de constater qu'un projet de loi de finances est destiné à acquérir un surcroît d'embonpoint en cours de discussion. Ainsi, le projet de loi de finances pour 1999 comportait, dans sa version initiale, 83 articles. A l'issue de la première lecture par l'Assemblée nationale, compte tenu des articles additionnels adoptés, on pouvait en compter 127. Le Sénat a adopté conformes 71 de ces articles ; il a adopté 30 articles nouveaux ; il reste donc 86 articles en discussion.

Réunie à l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l'échec de ses travaux. Une telle conclusion était inévitable dans la mesure où l'Assemblée nationale et le Sénat - cela vient d'être rappelé par M. le secrétaire d'Etat - s'inscrivent dans des logiques politiques différentes.

Comme lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, le Sénat a souhaité construire un

« budget alternatif », sur des bases différentes de celles défendues par le Gouvernement et soutenues par l'Assemblée nationale. Se fixant pour norme la stabilisation, dès 1999, du poids de la dette publique dans le PIB, le Sénat a été conduit à réduire le déficit de près de 16 milliards de francs. Compte tenu de l'ensemble des votes de la Haute Assemblée, le montant des recettes nettes serait réduit de 12,1 milliards de francs pour le budget général et de 500 millions de francs environ pour les comptes d'affectation spéciale. Pour atteindre son objectif de réduction du déficit, le Sénat a donc été conduit à procé der à des réductions de crédits pour un montant total de 28 milliards de francs environ.

M. Christian Cuvilliez.

C'est aberrant !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Sans vouloir entrer dans un débat macro-économique de fond, il est permis de s'interroger sur la pertinence des choix effectués par le Sénat.

M. Raymond Douyère.

Scandaleux !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Celui-ci, d'ailleurs, n'a pas manqué de reprendre à son compte le discours sur les incertitudes qui pourraient affecter la croissance économique en 1999.

M. Philippe Auberger.

Malheureusement, ce n'est pas un discours ; c'est une réalité ! L'INSEE va le dire sous quarante-huit heures !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

On peut se demander s'il a su en tirer les conclusions qui s'imposent.

Chacun se souvient des conséquences regrettables qu'a eues sur notre économie, en 1995-1996, l'ajustement budgétaire effectué « à marche forcée » par le précédent gouvernement. Le gouvernement actuel, approuvé par l'Assemblée nationale, a fait le choix de construire, grâce à une augmentation maîtrisée de la dépense publique et à un effort réel de redéploiement, un budget favorable à la croissance, à l'emploi et à la solidarité, d'une part, en réduisant le déficit et en se plaçant en position de stabiliser le poids de la dette en l'an 2000, d'autre part, en abaissant le montant des prélèvements obligatoires.

Dans sa logique de budget alternatif, le Sénat a adopté, contre l'avis du Gouvernement, plusieurs amendements réduisant des crédits qui traduisent pour la plupart, au plan budgétaire, des orientations politiques fondamentales du Gouvernement, soutenues par l'Assemblée nationale, par exemple, l'emploi des jeunes ou les 35 heures.

M. Christian Cuvilliez.

C'est honteux !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Allant encore plus loin, le Sénat a également souhaité développer une logique propre de réduction forfaitaire de la dépense publique, dans la ligne des options défendues par le précédent gouvernement. L'Assemblée nationale ne peut évidemment souscrire à cette vision mécanique de la réduct ion de la dépense publique, qui va justement à l'encontre d'une gestion responsable et efficace des deniers publics.

Le Sénat a enfin voulu afficher, parfois à contretemps, le masque de la vertu budgétaire. Ainsi, au motif que l'allocation de parent isolé serait « largement détournée de son objectif » et que la condition d'isolement serait difficilement vérifiable, le Sénat a adopté un amendement réduisant de 212 millions de francs les crédits destinés à la contribution de l'Etat au financement de cette prestation.

M. Raymond Douyère.

C'est un scandale !

M. Christian Cuvilliez.

C'est la terreur budgétaire !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Or, la question de la réalité de l'isolement a toujours constitué une orientation prioritaire des contrôles effectués par les organismes gestionnaires de l'API. La réduction des crédits apparaît donc particulièrement inopportune et aboutirait à causer des difficultés à la totalité des bénéficiaires plutôt qu'à nuire aux inévitables fraudeurs.

Dans le même esprit, le Sénat a estimé que l'amélioration des contrôles liés au versement du RMI permettrait de réduire de 1,32 milliard de francs les crédits destinés au financement de cette prestation. Mme Nicole Péry a clairement expliqué le caractère inopportun de cette réduction. En effet, les contrôles se sont renforcés et ont gagné en efficacité après la publication de plusieurs rapports d'enquête des inspections générales des finances et des affaires sociales, dont la teneur, déjà ancienne et aujourd'hui obsolète, semble avoir été à l'origine de l'amendement du Sénat.

Enfin, estimant que le dispositif de l'épargne logement est aujourd'hui détourné de son objectif de financement du logement, le Sénat a adopté un amendement réduisant de 2,1 milliards de francs les crédits destinés au financement par l'Etat des primes versées aux épargnants. Cette réduction de crédits ne peut avoir qu'un caractère

« d'appel » vis-à-vis du Gouvernement, en l'absence de modification corollaire du régime juridique de l'épargne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

logement. De plus, cette mesure porte sur ces crédits évaluatifs et n'aura donc aucun impact sur le niveau des dépenses effectives.

On touche ici à la limite de l'exercice conventionnel auquel s'est livré le Sénat à travers la construction d'un

« budget alternatif ». L'expédient qui consiste à réduire, de façon indicative, des crédits évaluatifs, comme ceux des primes d'épargne logement, ou quasi évaluatifs, comme ceux du RMI, démontre le caractère totalement artificiel et inopérant de ce budget alternatif.

M. Christian Cuvilliez.

Et son caractère inhumain !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'argument a pu être avancé, quelquefois, que les réductions de crédits opérées aujourd'hui par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances ne sont que le pendant, par anticipation, des annulations de crédits qui pourront être opérées par le Gouvernement dans le cadre du collectif de fin d'année. La nature et le montant des annulations associées au collectif 1998 tendraient, en ce sens, à corroborer cet argument.

Or personne ne dispose d'éléments permettant d'affirmer que le projet de budget pour 1999 contient des

« marges de manoeuvre » cachées. A la démarche que prône le Sénat, l'Assemblée nationale préfère donc une approche prudente : il sera toujours temps de constater, éventuellement, dans le cadre d'une gestion maîtrisée, une évolution plus modérée des dépenses et l'apparition d'un volant de crédits non utilisés. Au contraire, une réduction ex ante et arbitraire des crédits risquerait de nécessiter des ouvertures complémentaires en collectif, voire par décret d'avance, ce qui, on en conviendra, s'écarterait fâcheusement du principe de l'autorisation parlementaire préalable.

Je ne voudrais pas intervenir à cette tribune sans revenir, très brièvement, sur quelques perspectives de la conjoncture nationale et internationale. Alors que les signes d'un ralentissement mondial se confirment, justifiant ainsi les scénarios prudents...

M. Christian Cabal.

Prudents ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... qui entourent le cadrage macro-économique associé au projet de loi de finances, les semaines récentes ont été marquées par une décision importante, qui augure bien de l'avènement prochain de la monnaie unique européenne.

L'abaissement coordonné de leurs taux directeurs par les onze banques centrales des pays de la zone euro ainsi que par la banque centrale du Danemark, le 3 décembre dernier, ne marque pas seulement un assouplissement bienvenu de la politique monétaire, motivé par une inflation très basse. Cette décision importe aussi par sa signification en termes de politique économique.

D'abord, l'impulsion est venue, clairement, des banques centrales nationales, et au premier chef de la Bundesbank et de la Banque de France. Votre rapporteur général tend à y voir la possibilité qu'une attention plus grande soit prêtée aux conditions économiques propres à chaque pays de la zone. Je crois que c'est heureux.

Ensuite, l'abaissement des taux directeurs à la date observée montre qu'à l'inverse de ce que pouvaient laisser supposer nombre de déclarations ou prises de position antérieures, le pilotage du cycle économique fait partie des préoccupations des banquiers centraux. Là encore, c'est une bonne chose ; cela montre que le système européen de banques centrales accepte de prendre sa part de la politique de croissance et de soutien à l'activité économique dans la zone euro. On doit se réjouir qu'une telle orientation soit désormais clairement affichée. Il sera vraisemblablement nécessaire qu'elle soit confirmée, voire amplifiée.

Les gouvernements ne doivent pas en tirer parti pour réduire leurs efforts de convergence budgétaire ou s'exonérer de maîtriser l'évolution des finances publiques.

Cependant, de nouvelles marges de manoeuvre s'ouvrent pour définir et mettre en oeuvre des politiques budgétaires moins bridées par le pacte de stabilité, plus imaginatives, plus soucieuses de croissance et d'emploi.

Dans ce contexte, la commission des finances s'est efforcée de reconstruire le budget de croissance, d'emploi et de solidarité qu'elle avait adopté en première lecture.

Nous aurons l'occasion de revenir, dans le cadre de la discussion des amendements, sur telle ou telle mesure fiscale ou budgétaire. Je n'évoquerai à ce stade que trois dossiers.

S'agissant d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, du gel à 20 000 francs du montant de l'abattement de 10 % dont bénéficient les retraités et pensionnés, j'ai bien entendu ce que vous venez de déclarer. Mais, une fois de plus, je pense qu'il ne sert à rien de reporter à demain ce qui peut être fait aujourd'hui. La deuxième partie de la loi de finances est souvent mise à profit pour annoncer des réformes pour l'année qui suit. Il reste que cette mesure est très attendue par les retraités et pensionnés.

S'agissant ensuite des baisses ciblées de TVA, le présent projet concrétise quelques avancées significatives dont nous ne saurions cependant complètement nous satisfaire.

L'Assemblée nationale a clairement marqué, en première lecture, son souci de voir les orientations européennes définies l'an dernier se concrétiser par des décisions permettant la réduction de la TVA sur des activités porteuses d'emplois, les travaux d'entretien et de rénovation de l'habitat d'abord, la fourniture de repas ensuite. Nous voudrions être assurés qu'au-delà des courriers adressés à la Commission européenne, le Gouvernement déploie toute son énergie pour faire aboutir ces dossiers. Le résultat des dernières réunions ne nous satisfait pas complètement.

M. Philippe Auberger. Et même pas du tout !

M. Didier Migaud, rapporteur général. Nous souhaitons vraiment que le Gouvernement français fasse de la question des travaux d'entretien et de rénovation de l'habitat sa première priorité en matière de réduction ciblée de TVA.

S'agissant enfin du financement des collectivités locales, un certain nombre d'inquiétudes se font jour ou tout au moins se précisent. Nous serons attentifs à ce que, pour toutes les collectivités, les mots aient tout leur sens et que le « contrat de croissance et de solidarité » représente un plus par rapport au pacte de stabilité. Nous avons besoin, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous convainquiez davantage que vous ne l'avez fait lors de la première lecture.

M. Philippe Auberger.

Certes !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Et nous sommes sûrs que vous ne resterez pas, sur ce point, insensible à notre appel.

Comme l'an passé, la commission des finances s'est livrée à l'exercice de reconstruction du budget dans le respect de l'esprit de notre système bicaméral. C'est ainsi qu'exception faite des amendements relatifs aux crédits, votre commission, attentive aux propositions du Sénat, pour peu qu'elles soient constructives, aura retenu, dans


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

leur lettre, ou à tout le moins dans leur inspiration, nombre des modifications apportées à ce projet de loi par la seconde chambre.

Néanmoins, le texte que vous propose la commission des finances ne résulte pas de ces compromis souvent réducteurs, toujours imparfaits, qui sont la marque de l'hésitation plutôt que de la volonté. Au contraire, ses choix s'incrivent pleinement dans la démarche de responsabilité qui vise à répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Sous réserve des quelque 125 amendements qu'elle vous propose - qui, pour l'essentiel, reprennent des textes longuement débattus en première lecture -, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, d'adopter en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ce projet de budget ne nous semble pas en cohérence, monsieur le secrétaire d'Etat, avec vos choix européens. La compétitivité des économies, chacun le reconnaît, va se jouer sur la compétitivité des systèmes publics. Or, dans un contexte budgétaire très favorable de haut de cycle, les 70 milliards de recettes suppplémentaires sont consacrés pour l'essentiel à l'augmentation des dépenses publiques, ce qui ne se fait dans aucun Etat européen, pas même en Italie avec le président du Conseil, M. D'Alema.

M. Philippe Auberger.

C'est euro-incompatible !

M. Pierre Méhaignerie.

Aucune réforme des structures n'est engagée.

L'approche du Sénat nous paraît, en effet, plus eurocompatible, parce qu'elle limite la croissance de la dépense publique et oblige l'Etat à rechercher des gains de productivité, et par là même une simplification nécessaire, attendue par tous les Français. Elle permet de s'adapter plus rapidement à un changement conjoncturel significatif grâce à la baisse du déficit. En outre, elle réduit les prélèvements fiscaux, encore que l'UDF, pour des raisons d'efficacité et de justice, soit conduite à privilégier la baisse des charges sociales et sa répercussion partielle sur les salaires plutôt que la baisse de l'impôt sur le revenu.

Je résumerai nos critiques en trois points.

P remièrement, monsieur le secrétaire d'Etat, les dépenses publiques ne sont pas maîtrisées, et il y a là une différence importante avec nos partenaires européens. Ce n'est pas, comme vous l'avez dit, un problème de droite et de gauche : il s'agit de rechercher l'efficacité de l'Etat.

L'évolution des salaires du secteur privé, notamment le fossé qui s'accroît pour les petits salaires par rapport à certains de nos partenaires européens, devrait conduire l'Etat et ses responsables à s'interroger sur leurs responsabilités quant à l'efficacité de la gestion de la dépense publique.

Deuxièmement, l'hypothèse de croissance est aléatoire et peut conduire à une annulation de crédits dès le premier trimestre.

Troisièmement, les allégements de taxe professionnelle n'ont pas été simulés et conduiront à de nombreux effets p ervers. La mesure la plus adaptée pour concilier aujourd'hui l'efficacité et la justice vis-à-vis des salariés aurait consisté, pensons-nous, à poursuivre la baisse des charges sociales. Vous avez fait un autre choix.

Si, comme la plupart des prévisions l'affirment, la croissance se situe entre 2 et 2,3 % et non pas, comme vous l'avez annoncé, à 2,7 %, quelle sera, monsieur le secrétaire d'Etat, votre marge de manoeuvre ? Laisserezvous courir encore davantage les déficits, augmenterezvous les impôts ou réduirez-vous les investissements déjà sacrifiés ? Le rendez-vous le plus important de ce budget, dans une perspective de croissance et de politique de l'emploi, aurait dû être l'affectation d'une partie de ces 75 milliards de recettes à la baisse des charges sociales. Nous devrions nous inquiéter de voir qu'avec un taux de chômage supérieur à 10 %, des secteurs entiers de l'économie française, ceux où les salaires ne sont pas à la hauteur de la dureté du travail, ont du mal à trouver des salariés. Votre discours pour plus de croissance, plus d'emplois, plus de social par la dépense publique, nous apparaît profondément archaïque.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Pierre Méhaignerie.

Nous aimerions obtenir du Gouvernement des réponses à trois questions précises.

Vous êtes en effet plus prompt à caricaturer qu'à nous fournir les simulations que nous vous avions demandées.

M. Philippe Auberger.

Il n'y a aucune démonstration !

M. Pierre Méhaignerie.

Premièrement, pour l'exonération de la TVA sur les achats de terrains à bâtir, la confusion est complète.

M. Jean-Jacques Weber.

Absolument !

M. Pierre Méhaignerie.

Toutes les ventes sont bloquées. A l'exception de ceux qui achètent - cher - un terrain nu, la quasi-totalité des accédants à la propriété vont s'estimer trompés par une annonce spectacle. C'est grave. Quelles sont vos intentions à cet égard ? Deuxièmement, s'agissant des micro-entreprises, le relèvement du seuil va entraîner des risques de distorsions de concurrence et de retour au travail au noir.

M. Raymond Douyère.

C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie.

Comment pouvons-nous lutter contre ces risques ? Troisièmement, en ce qui concerne les retraités, la majorité s'est rendue aux arguments que nous défendions depuis le début.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas du tout ! C'est l'inverse !

M. Pierre Méhaignerie.

Vous avez repris mot pour mot notre amendement, mais nous en sommes très heureux.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous êtes culotté !

M. Pierre Méhaignerie.

Je souhaite connaître la position du Gouvernement pour que vendredi, à dixhuit heures ou dix-sept heures trente, l'Assemblée ne soit pas de nouveau soumise à une seconde délibération qui annulerait ses votes.

M. Philippe Auberger.

On est dans le brouillard !

M. Pierre Méhaignerie.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je crains que, dans deux ans, nous ne constations que cette période de haut de cycle n'a pas été mise à profit pour préparer l'avenir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. Christian Cabal.

Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie.

Nous espérons, pour ce qui nous concerne, un Etat plus efficace, des dépenses publiques mieux maîtrisées, des charges sociales allégées, pour retrouver la croissance et l'emploi. Ce sera peut-être pour le prochain budget, certainement pas pour celui de 1999. Nous le regrettons et nous voterons contre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les députés radicaux de gauche ont voté votre budget en première lecture car, dans son ensemble, c'est un bon budget dont nous approuvons les orientations, à savoir la réduction de 0,2 % des prélèvements obligatoires et la baisse du déficit de 0,7 point, en équilibrant la diminution des impôts, pour 17 milliards, la diminution des déficits, p our 21 milliards, et l'accroissement des dépenses publiques, pour 16 milliards, dépenses qui permettent de financer les politiques du Gouvernement, notamment en faveur de l'emploi ; cela nous apparaît essentiel, contrairement à ce qu'a estimé le Sénat.

Surtout, ce budget va permettre de diminuer de 20 milliards les prélèvements sur les revenus du travail et d'accentuer en contrepartie de 28 milliards les prélèvements sur les revenus du capital. Nous approuvons ces mesures.

De même approuvons-nous la création d'une nouvelle tranche de l'ISF à 1,8 % pour les 800 patrimoines de plus de 100 millions de francs.

Ces orientations dépendront à l'évidence de la croissance réelle de 1999. Vous nous avez annoncé, avec M. Strauss-Kahn, 2,7 % de croissance en vous appuyant sur des arguments forts. Mais, depuis deux mois, les perspectives semblent devenir plus modestes. Il suffit d'ailleurs de reprendre vos déclarations ainsi que celles du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le 2 décembre, M. Strauss-Kahn déclarait à l'Assemblée nationale : « Est-ce que nous sommes aujourd'hui sur une pente de 2,7 % de croissance ? Non, évidemment pas.

Nous ne sommes pas encore sortis de la crise. » De

même, il annonçait le 6 décembre sur TF1 : « Ce sera peut-être 2,7 %, peut-être un peu moins. Mais de toute façon la croissance sera forte. »

Le Premier ministre lui-même, dans sa dernière déclaration, reconnaît que l'objectif de 2,7 % sera très difficile à atteindre en 1999, le programme économique et social devant être concilié avec le pacte de stabilité au sein de la zone euro.

Quant au MEDEF, il joue évidemment les Cassandre en annonçant, par la voix de son président, une croissance qui se situerait aux alentours de 2 ou 2,3 %. Les journaux économiques ont embrayé sur ce pessimisme de mauvais aloi.

Il reste que, si la croissance faiblit, la France se retrouvera en porte-à-faux par rapport aux engagements pluriannuels qu'elle doit prendre avant la fin de l'année envers les pays de la zone euro.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Alain Tourret.

Pouvez-vous donc nous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, les moyens que prendra la France pour converger vers l'équilibre budgétaire à moyen terme ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Alain Tourret.

Sera-t-il possible d'y parvenir sans réduire les dépenses de l'Etat au cours de l'année 1999 ? Rigueur budgétaire et souplesse monétaire y suffirontelles, sans pour autant remettre en cause, à terme, les grandes politiques de l'Etat ? Notre autre interrogation porte sur l'incidence d'une éventuelle inflation au taux zéro. Selon l'INSEE, les prix à la consommation n'ont augmenté que de 0,2 % en un an. Les causes semblent multiples et nous les connaissons : baisse du dollar, explosion des capacités de production, effondrement des cours des matières premières. La déréglementation et l'ouverture des secteurs publics à la concurrence, notamment pour l'énergie et les télécommunications, vont pousser les prix des services à la baisse.

M. François d'Aubert.

Bien vu !

M. Alain Tourret.

Or la désinflation d'une inflation à 0,2 % risque d'annoncer une déflation. Quels seront dès lors les réflexes des ménages ? Certains craignent qu'à cette déflation ils répondent par un réflexe d'attentisme qui rendra plus vulnérable la croissance. Cette crainte est certes atténuée par une réelle augmentation du pouvoir d'achat des Français. Tout le monde souligne que leur moral est actuellement excellent en termes d'achats, notamment celui des fonctionnaires, qui ont bénéficié, et nous nous en félicitons, d'un accord très généreux de la part du Gouvernement.

M. Pierre Méhaignerie.

Oh oui !

M. Alain Tourret.

Notre confiance, monsieur le secrétaire d'Etat, vous est acquise. C'est donc avec une parfaite franchise que nous devons vous entretenir des réactions qui sont les nôtres sur l'utilisation par les services fiscaux du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, dit NIR. L'amendement qui l'autorise, adopté par l'Assemblée le 17 novembre dernier, a été rejeté par le Sénat et réintroduit par notre commission.

Nous souhaitons combattre la fraude fiscale, qualifiée avec force par M. Brard d'« intolérable atteinte à l'impôt citoyen ». Il a raison. Cependant, il faut bien voir que l'amendement repris par la commission des finances permettra aux administrations fiscales d'utiliser le NIR non seulement pour l'accomplissement des missions fiscales habituelles : assiette et recouvrement des impôts, contrôle fiscal, mais aussi pour la transmission des informations fiscales aux organismes de sécurité sociale. Le président de la CNIL, M. Fauvet, a fait connaître, le 11 décembre dernier, sa plus vive émotion. Car la mise en oeuvre de ce projet permettra, selon lui, à l'administration de renforcer les risques d'automatisation de la prise de décision fiscale et facilitera les circuits de transfert d'informations à l'insu des contribuables concernés.

M. Jean-Jacques Weber.

Eh oui !

M. Alain Tourret.

Il aurait été préférable de rechercher d'autres solutions, telles que le regroupement dans une seule procédure, à des fins de simplification, des différentes déclarations de revenus, fiscales et sociales.

Le président de la CNIL souligne par ailleurs que le NIR serait ainsi collecté et conservé par l'ensemble des organismes tiers-déclarants, y compris par ceux qui ne sont pas habilités à traiter cette information, tels les établissements bancaires ou les compagnies d'assurances.

De plus, ce projet accentuera le caractère exorbitant des prérogatives de l'administration fiscale. Ainsi, le recours au NIR accentuera la surveillance systématique de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

l'administration sur les contribuables en banalisant l'exploitation d'informations collectées à leur insu. Le risque de fichage de nos concitoyens sera dès lors une réalité...

M. Jean-Jacques Weber.

C'est liberticide !

M. Alain Tourret.

.... ainsi que l'a souligné, lundi, l'éditorial de M. François-Régis Hutin dans Ouest France, éditorial très lu puisque le journal est tiré à un million d'exemplaires.

Le retour au NIR accentuera, sans vérification préalable, l'automatisation de la prise de décision fiscale, alors même que les services du Trésor, nous le savons, ne procèdent qu'à peu de vérifications ou à aucune vérification avant d'émettre les avis à tiers détenteur.

La lutte contre la fraude fiscale est un impératif, mais elle ne passe pas par l'interconnexion avec les fichiers sociaux, même si le texte qui nous est proposé tente de nous rassurer à ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard.

Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?

M. Alain Tourret.

Non, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Dont acte ! Cela vaut argument.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est dommage !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous tressez des lauriers, mais la couronne a des épines !

M. Alain Tourret.

L'orateur du groupe communiste inscrit dans la discussion aura tout loisir de s'exprimer.

Pourtant, des solutions existent dans le respect du droit. Selon la vice-présidente de la CNIL, il serait même possible de charger un organisme indépendant d'inventorier diverses solutions, puis de réaliser les interconnexions en terrain neutre, loin des administrations concernées. Et encore cette position nous semble-t-elle dangereuse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en tant que députés radicaux, nous n'accepterons jamais que l'efficacité l'emporte sur la défense des libertés.

M. Jean-Jacques Weber.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

La liberté des voleurs et des fraudeurs !

M. Alain Tourret.

Non, pas du tout, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais si ! Il faut mettre ses actes en accord avec les convictions que l'on affiche !

M. le président.

Monsieur Brard, M. Tourret n'a pas souhaité que vous l'interrompiez. Donc, je vous prie de vous taire !

M. Jean-Pierre Brard.

Non, car M. Tourret refuse le dialogue !

M. Alain Tourret.

Monsieur Brard, j'ai souligné la qualité de vos travaux. Laissez-moi la possibilité d'apprécier si je souhaite ou non être interrompu.

Députés radicaux, nous n'acceptons jamais que l'efficacité l'emporte sur la défense des libertés.

M. Jean-Jacques Weber.

C'est très bien !

M. Alain Tourret.

Le moyen proposé, utile pour l'administration du budget, je l'admets, ne pourra se faire qu'au prix d'empiétements que nous n'acceptons pas pour les libertés individuelles.

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Alain Tourret.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en politique les symboles ont souvent plus de poids que le raisonnement ou la réalité. Vous nous direz sans doute que le texte est sans danger, qu'il a été amendé, qu'aucune interconnexion n'est possible, que la rédaction n'est pas celle qui était proposée par M. Brard...

M. Jean-Pierre Brard.

Mais pas du tout !

M. Alain Tourret.

... que tout a été arrangé.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous critiquez un texte virtuel !

M. Alain Tourret.

Mais le soupçon s'est déjà inséré dans les esprits.

Nous sommes déjà accusés de fichage, de mise en carte des citoyens, de quadrillage de la société sous prétexte d'efficacité. Ce seul soupçon nous est insupportable.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Ce n'est pas sérieux !

M. Jean-Pierre Brard.

Soupçon d'honnêteté, monsieur Tourret !

M. Alain Tourret.

Au moment précis où l'on vient de fêter avec éclat l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous ne l'admettons pas.

Nous voterons ce budget, monsieur le secrétaire d'Etat, car c'est un bon budget. Mais nous avons décidé de déférer au Conseil constitutionnel, garant des libertés, cet article 70 septies. Cette disposition nous paraît contraire aux libertés individuelles garanties par le préambule de la Constitution.

Nous espérons cependant que la sagesse fera que cet article sera retiré, ce qui démontrera que le Gouvernement est le garant naturel des libertés.

M. Jean-Jacques Weber.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

La liberté des voleurs !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'était un tissu d'inexactitudes !

M. Philippe Auberger.

Monsieur Tourret, vous ne pouvez pas à la fois voter le texte et le déférer devant le Conseil constitutionnel !

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'agissant du budget pour 1999, le Sénat s'est livré à un important et judicieux travail...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

De démolition !

M. Jean-Louis Idiart.

De sape !

M. François d'Aubert.

... de reconstruction.

M. Philippe Auberger.

C'était nécessaire !

M. François d'Aubert.

Mais force est de constater qu'on nous propose aujourd'hui, et c'est bien dommage, d'en revenir au projet de budget dont nous avions dit au mois d'octobre qu'il était à la fois bancal et illusoire, à cause des hypothèses économiques sur lesquelles il est construit et qui apparaissent comme de plus en plus fantaisistes. Je veux parler des fameux 2,7 % de croissance pour 1999. D'ailleurs, le Gouvernement parle non plus de prévision, mais de cible ou d'objectif, comme si les bonnes fées qui s'étaient penchées sur le budget en octobre n'étaient plus au rendez-vous aujourd'hui. On a l'impression que le maintien du taux de 2,7 % relève davantage de l'incantation et de la méthode Coué. Même le Premier ministre semble ne plus y croire. Il n'y a guère qu'au ministère des finances qu'on s'accroche encore à cette prévision de 2,7 %. Et encore...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. Philippe Auberger.

On va voir ce qu'en dit l'INSEE la semaine prochaine !

M. François d'Aubert.

On attend d'ailleurs avec impatience les prévisions de l'INSEE. Vous avez de la chance, elles ne paraîtront que vendredi, donc après le bouclage à l'Assemblée du budget de 1999.

M. Philippe Auberger.

Ils ne perdent rien pour attendre !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez déjà dit cela l'an dernier et on a fait mieux, monsieur d'Aubert !

M. François d'Aubert.

Le glissement sémantique auquel on assiste ces derniers jours est caractéristique du manque de confiance dans les objectifs que vous avez vous-même fixés. Que valent en effet vos prévisions de recettes et de dépenses...

M. Philippe Auberger.

Rien !

M. François d'Aubert.

... avec une croissance plutôt de 2,3 ou 2,5 % ? Et encore, c'est là une appréciation optimiste. Du reste, et cela montre que cette observation n'est pas politique, M. Tourret vient de dire exactement la même chose. Apparemment, même au sein de la gauche plurielle, on ne croit plus à cette hypothèse de 2,7 % !

M. Philippe Auberger.

Il y a de l'eau dans le gaz dans la gauche plurielle !

M. François d'Aubert.

Que valent ces 2,7 %, que vaut cette évaluation de l'inflation à 1,3 %, alors que les derniers chiffres montrent que les prix sont quasiment stables et que nous serions plutôt dans une phase de déflation ? Certes, ce chiffre de 1,3 % est commode. Il permet de camoufler l'augmentation réelle des dépenses prévues par le budget de 1999.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. François d'Aubert.

En réalité, quatre éléments sont inquiétants pour la croissance en 1999. Et Dieu sait pourtant si nous souhaitons qu'il y ait une croissance élevée ! Tout d'abord, la conjoncture internationale n'est malheureusement pas favorable, suite à la crise financière asiatique et russe, dont on commence à ressentir, avec un certain retard, les effets sur l'activité. On le voit très bien - et c'est préoccupant - au travers de la baisse des exportations, en particulier de biens manufacturés et intermédiaires, dans le bilan de notre commerce extérieur.

Ensuite, le moral des industriels s'est quelque peu dégradé, comme le montrent les études de conjoncture.

M. Christian Cuvilliez.

On ne marche pas au « moral » !

M. François d'Aubert.

Leur programme d'investissement, qui, notamment suite aux effets retard du choc financier, avait enregistré une hausse de 9 % en 1998, ce qui était un bon chiffre, risque de connaître une croissance quasi-nulle en 1999.

Par ailleurs, et ce point est rarement soulevé, l'investissement immobilier risque de fléchir, à la suite de l'abandon du dispositif Périssol et de son remplacement par un dispositif beaucoup moins favorable, celui de la loi Besson. Tous dans nos communes, nous avons délivré de nombreux permis de construire afin de permettre à des investisseurs de bénéficier du dispositif Périssol avant le 31 décembre. Ces permis de construire seront vraisemblablement exécutés dans le premier semestre, voire dans les trois premiers trimestres de 1999. Mais la conjoncture risque ensuite d'être beaucoup moins porteuse et les chantiers plus rares, ce qui affaiblira l'ensemble de la croissance.

Enfin, selon vous, la croissance en 1999 sera poussée par la consommation intérieure qui, il est vrai, fait preuve aujourd'hui d'un véritable dynamisme.

M. Gérard Fuchs.

Grâce à qui ?

M. François d'Aubert.

Mais la confiance de nos concitoyens repose largement sur les bons chiffres pour l'emploi que vous revendiquez. Et il n'est pas sûr que les Français se laissent abuser très longtemps. En effet, on dénombre 94 000 chômeurs en moins depuis le 1er janvier 1998, mais le résultat n'est pas mirobolant quand on pense que 110 000 emplois publics ont été créés par le biais des emplois-jeunes et que, dans le même temps, l'Allemagne a diminué le nombre de ses chômeurs de quelque 400 000 unités sans avoir recours aux emploisjeunes.

Lorsque les anticipations des Français se retourneront, qu'adviendra-t-il alors de la croissance ? C'est une vraie question. La perte de confiance risque d'arriver avec la baisse du pouvoir d'achat et les conséquences d'un possible effet de richesse négatif. On ne peut balayer d'un revers de main l'idée qu'il puisse y avoir en France aussi - peut-être pas avec la même intensité qu'aux EtatsUnis - un effet de richesse négatif qui fera que les plusvalues potentielles boursières des 4 millions de familles qui investissent en bourse se traduiront par des anticipations négatives, compte tenu de l'évolution en yo-yo de la bourse.

Ainsi, la demande intérieure sur laquelle vous fondez tous vos espoirs ne restera probablement pas éternellement à l'abri des turbulences mondiales. Si, en 1999, l'élan n'est pas celui sur lequel vous comptez, qu'allezvous faire ? Il se chuchote déjà qu'un collectif budgétaire pourrait, dès le premier trimestre de l'année, venir réécrire cette sorte de budget factice dès à présent caduc, pratiquement.

M. Philippe Auberger.

C'est un budget fantôme !

M. François d'Aubert.

Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pas le réécrire maintenant, avec l'Assemblée, au lieu de laisser le ministère des finances pratiquer, avec une concertation que l'on sait minimale avec le Parlement, ces réductions de dépenses dont il a l'habitude et qui sont d'ores et déjà prévues, comme une sorte de fatalité, dans l'exécution du budget de 1999 ? Par ailleurs, vous avez la conviction que l'augmentation de la dépense publique doit être le grand outil de la croissance. M. le ministre de l'économie et des finances est un keynésien systématique. On pourrait presque dire mécanique, voire mécaniste.

M. Philippe Auberger.

Et même attardé !

M. Gérard Fuchs.

C'est mieux qu'un ultra-libéral !

M. François d'Aubert.

Je préfère être un libéral plutôt qu'un économiste qui fait mécaniquement de l'économie ! Monsieur le secrétaire d'Etat, vous seriez avisé de vous poser la question de savoir si le néokeynésianisme outrancier qui vous pousse à faire l'inverse ou presque de nos partenaires européens est bien pertinent en économie ouverte, alors même que l'arrivée de l'euro nécessite une meilleure coordination des politiques conjoncturelles. A f orce de jouer l'exception française dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la non-privatisation d'Air France ou de France Télécom, de l'alourdissement de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

fiscalité, sur l'épargne en particulier, ou de cette attirance nocive pour la dépense publique, ou, à force de faire à chaque fois bande à part, la France ne risque-t-elle pas de cumuler les inconvénients d'une croissance faible, d'un chômage élevé, de la rigidité économique, des freins à l'initiative et de la bureaucratisation du pays ? Sans doute allez-vous vous défendre d'être un supporter trop enthousiaste de l'augmentation de la dépense publique. Mais jugeons sur pièce. Dans ce projet de budget pour 1999, la dépense publique est déjà en affichage officiel, si je puis dire, en forte augmentation : 1 % en volume, c'est beaucoup, beaucoup trop, surtout qu'il s'agit de l'amorce de nouvelles dépenses structurelles - subvention des 35 heures, emplois-jeunes.

M. Christian Cuvilliez.

Nous y voilà !

M. François d'Aubert.

Nous les traînerons pendant plusieurs années comme des boulets budgétaires...

M. Christian Cuvilliez.

Non, comme des leviers !

M. François d'Aubert.

... aux résultats économiques et sociaux pour le moins incertains.

Baisser la dépense, le Gouvernement sait pourtant paradoxalement le faire ! Je dois vous rendre hommage, monsieur le secrétaire d'Etat. Saluons ainsi l'effort de redéploiement qui, dites-vous, correspond à une trentaine de milliards de francs, dont 12,2 pour révision des services votés. Vous allez donc bien trouver 30 millards de francs de dépenses à économiser. C'est la preuve que l'on peut diminuer la dépense de l'Etat. Il est simplement dommage que vous ayez gâché cet effort méritoire en inventant des dépenses supplémentaires. C'est là l'un des points qui nous sépare profondément.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il y en a beaucoup d'autres !

M. François d'Aubert.

Mais il y a notamment celui-là ! Contrairement à ce que vous prétendez, la baisse de la dépense est possible, en particulier en menant une politique libérale, et nécessaire. Evidemment, il ne faut pas compenser les baisses de dépenses obtenues par redéploiement -, par de nouvelles dépenses.

M. Jean-Louis Idiart.

Vous ne parlez que de libéralisme !

M. François d'Aubert.

L'année 1999 est donc synonyme de dépenses. Mais, en plus, vous voulez, du moins si l'on en croit les indiscrétions - qualifiées par le ministre de « spéculations » - sur la programmation des finances publiques à échéance de 2002 qui doit être transmise à Bruxelles, continuer à les augmenter.

Plusieurs scénarios se présentent. L'un, volontariste, est inquiétant car porteur de déséquilibres et de contradictions se présente : plus 1 % par an de dépenses publiques en volume sur la période devant entraîner une croissance de 3 % par an en 2000, 2001 et 2002. La baisse des déficits publics passerait ainsi au second plan, contrairement à ce qu'envisagent à peu près tous nos partenaires. Cela risque de nous coûter cher en taux d'intérêt et surtout en chômage, car, avec l'euro, vous le savez mieux que quiconque, les ajustements ne pourront plus se faire par les taux de change, et risquent de se faire par le niveau de chômage.

M. Christian Cuvilliez.

Ajustement fiscal mais surtout social !

M. François d'Aubert.

La baisse des prélèvements obligatoires est aussi une nécessité. Car si d'aventure cette croissance artificiellement dopée par la dépense publique n'était pas au rendez-vous, il ne resterait finalement qu'un moyen pour réaliser l'ajustement budgétaire : augmenter les impôts, c'est-à-dire poursuivre la politique que vous pratiquez maintenant depuis dix-huit mois.

M. Gérard Fuchs.

Et encore, ils n'ont pas augmenté comme sous le précédent gouvernement !

M. François d'Aubert.

Deuxième constat, alors que M. le ministre prétend présenter un budget où les impôts baissent, c'est l'inverse qui est en train de se passer.

Contrairement aux engagements de campagne électorale, le Gouvernement n'hésite pas à augmenter la pression fiscale qui frappe les ménages. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous vantez de faire baisser les prélèvements obligatoires. Certes, leur poids relatif au sein du PIB devrait passer, selon vos prévisions, de 46,1 % en 1997 à 45,7% en 1999.

Mais cette baisse n'est qu'un effet d'optique. De fait, le poids relatif des impôts, taxes et cotisations se réduit mécaniquement en période de forte croissance. Dans l'absolu, en revanche, il augmente.

Toutes ces mesures ne sont que le reflet d'une politique d'augmentation de la pression fiscale tous azimuts.

On voit monter un véritable ras-le-bol devant l'impôt. Je prendrai l'exemple de la CSG. De 1997 à 1998, cet impôt a plus que doublé, passant de 3,4 % à 7,5 % ; son poids dépasse ainsi celui de l'impôt sur le revenu. En fait, nous avons maintenant deux impôts sur le revenu à plus de 300 milliards de francs. Certains spéculent même sur l'idée d'en avoir un troisième avec une modification de la taxe d'habitation. Cela n'est pas raisonnable. Et c'est sans compter avec l'incompréhension qui entoure la CSG ! Qui n'a pas entendu dans sa permanence des contribuables s'étonner d'être exonéré d'impôt sur le revenu et de devoir quand même payer la CSG ? Il y a au moins un problème d'explication.

M. Christian Cuvilliez.

J'imagine les explications que vous avez pu donner !

M. François d'Aubert.

A ce ras-le-bol concernant le poids des impôts s'ajouterait, si votre projet est approuvé en l'état, et M. Tourret y a fait allusion, la menace d'une sorte d'inquisition fiscale. L'adoption de l'amendement visant à permettre l'interconnexion des fichiers fiscaux et sociaux revêt un caractère tout à fait contraire aux libertés.

M. Jean-Pierre Brard.

Où est-ce écrit ?

M. François d'Aubert.

Monsieur Brard, vous avez déjà essayé d'interrompre M. Tourret tout à l'heure ! Attendez que votre amendement soit présenté, vous aurez l'occasion de vous exprimer !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'hommage du vice à la vertu !

M. François d'Aubert.

Je le dis très clairement, il faut lutter contre la fraude fiscale...

M. Jean-Pierre Brard.

Cette préoccupation n'a jamais hanté vos nuits !

M. François d'Aubert.

... mais il y a moyen et moyen de procéder. Nous ne ferons jamais croire aux Français que la bonne méthode consiste à porter atteinte à la vie privée des gens, à croiser des fichiers, à passer de manipulations manuelles à une manipulation centralisée, informatisée, avec un maillage du territoire.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est digne d'Agatha Christie !

M. François d'Aubert.

Il y a heureusement d'autres moyens.


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M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Lesquels ? Vous défendez les fraudeurs !

M. François d'Aubert.

Je sais que ces idées traînent au ministère des finances depuis des années, mais les parlem entaires auraient pu au moins s'abstenir de les reprendre.

M. Jean-Pierre Brard.

La lutte contre la fraude n'a jamais été votre tasse de thé !

M. François d'Aubert.

Oh si ! La lutte contre la fraude et les irrégularités a toujours fait partie de mes objectifs, monsieur Brard, mais pas avec des moyens qui mettent en cause les libertés.

M. Jean-Pierre Brard.

Des actes ! Vous étiez au gouvernement, qu'avez-vous fait ?

M. François d'Aubert.

Je le dis très clairement, le groupe Démocratie libérale votera contre cet amendement devenu article.

M. Jean-Pierre Brard.

Ça, c'est normal !

M. François d'Aubert.

Et s'il est adopté, nous le soumettrons au Conseil constitutionnel.

Ma dernière observation porte sur la taxe professionnelle. A cet égard, le Sénat a fait du bon travail. Le système qui nous a été proposé par le Gouvernement va, effectivement, à l'encontre des intérêts des communes, aura des effets tout à fait incertains sur l'emploi...

M. Jean-Louis Idiart.

Vive la taxe professionnelle !

M. François d'Aubert.

... et favorisera surtout les banques et compagnies d'assurances et très peu l'industrie, ce qui est dommage. Des calculs ont été faits : la réforme réduira de 24 % la taxe professionnelle des industries agro-alimentaires et de 23 % celle des biens i ntermédiaires. C'est largement en dessous de la moyenne.

Voilà les quelques observations que, au nom de mon groupe, je voulais faire sur ce budget qui va complètement à contre-courant de ce que font nos partenaires européens. Il recèle bon nombre d'inquiétudes pour les années à venir et gâche l'occasion qui était donnée d'utiliser au mieux le rendement de la fiscalité, assez exceptionnel, de 1998 - c'est-à-dire de l'utiliser à une baisse du déficit, des impôts et naturellement de la dépense.

Malheureusement, vous êtes en quelque sorte des malades de la dépense.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela apparaît dans ce budget. J'espère que cela ne se verra pas trop dans la programmation qui doit être remise à Bruxelles en début d'année.

Bien sûr, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera contre ce projet de budget pour 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, l'examen du projet de budget pour 1999 en deuxième lecture intervient alors que des incertitudes demeurent sur la crise et que de nouveaux rebondissements sont possibles. Ce problème est évoqué par tous les orateurs de manière itérative depuis maintenant plusieurs semaines.

La Banque mondiale, qui s'inquiète dans son dernier rapport des conséquences déflationnistes des politiques budgétaires restrictives préconisées par le FMI, n'exclut pas l'éventualité d'une récession mondiale en 1999.

Tous les instituts économiques estiment que l'impact de la crise financière internationale en Europe et en France sera plus fort que prévu. Pour l'association des économistes d'entreprises, la croissance pourrait n'être que de 2,1 % en 1999.

M. Dominique Strauss-Kahn l'a lui-même admis, je crois : la croissance n'est pas actuellement sur une pente de 2,7 %. Le Gouvernement entend pourtant garder le cap de 2,7 %.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Absolument !

M. Christian Cuvilliez.

Et nous partageons avec lui cet objectif. Il est nécessaire et même décisif si l'on veut que le chômage continue à reculer en 1999.

M. Philippe Auberger.

C'est le cap de Bonne-Espérance !

M. Christian Cuvilliez.

Cap d'espérance et cap de bonne volonté sans doute. Cap de volonté, en tout cas !

M. Gérard Fuchs.

L'opposition s'est déjà trompée l'année dernière. Elle se trompera encore l'année prochaine !

M. Christian Cuvilliez.

C'est dire également l'enjeu d'agir au plan européen.

Le sommet de Potsdam nous apparaît à cet égard avoir été marqué par la prééminence de la conception allemande du pacte de stabilité en matière de politique m onétaire sur les espérances françaises d'un infléchissement de ce pacte vers plus de social.

S'il est aujourd'hui possible de parler de pacte européen pour l'emploi - ce qui était inconcevable il y a quelque mois encore -, force est de constater la prédominance confirmée de la logique du pacte monétaire qui veut que priorité soit d'abord donnée à la défense des mécanismes et, à travers eux, des intérêts financiers.

Et si la Banque centrale européenne s'est résolue à une baisse des taux - nous en parlions lors de l'examen du collectif budgétaire, il y a peu de temps -, cela ne signifie nullement, comme nous l'espérions, un changement de cap de la politique monétaire, mais est bien plutôt - ce que nous redoutions - le signe d'une inquiétude devant la dégradation des perspectives de croissance en Europe pour 1999.

Une contradiction forte marque la politique monétaire de la BCE : d'un côté, elle souhaite éviter une guerre ouverte avec le dollar qui le ferait baisser et remettrait en cause les exportations ; de l'autre, elle veut attirer le maximum de capitaux disponibles sur les places européennes, ce qui implique un euro crédible et fort, c'est-à-dire des dépenses sociales et des budgets maîtrisés.

La portée de la baisse des taux ne manquerait pas d'être encore plus limitée, s'il se confirmait, comme le laissent penser certaines déclarations de dirigeants allemands, que cette baisse impliquerait en contrepartie l'observance encore plus stricte du pacte de stabilité.

C'est une tout autre logique qui serait nécessaire, une politique budgétaire et monétaire expansive, une relance sélective du crédit, des mesures pour pénaliser la croissance financière et la spéculation et dynamiser l'économie réelle.

En matière de crédits, il conviendrait de renforcer l'épargne spécialisée en confortant la ressource par une rémunération correcte des épargnants, la baisse nécessaire des taux, en particulier pour les organismes HLM, pouvant être obtenue par le biais d'une bonification par l'Etat et les collectivités publiques des prêts qui sont consentis pour la construction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Les moyens nécessaires à une telle relance des prêts bonifiés, en contrepartie de créations d'emplois, pourraient être dégagés en mettant à contribution les actifs et les revenus financiers.

Nous sommes au coeur du débat budgétaire.

Relancer l'investissement productif et les dépenses pour les hommes suppose de s'attaquer à la priorité donnée aux placements financiers. C'est ce que nous ne cessons de dire, mais nous ne sommes pas souvent écoutés.

C'est dire l'enjeu d'approfondir la réforme fiscale et de mener par exemple à son terme la réforme de la taxe profesionnelle en élargissant l'assiette de cette taxe aux actifs financiers. Cela doit faire l'objet d'un débat. Il importe de prendre des mesures en ce sens.

Il faut améliorer le volet recettes du projet de loi de finances.

De nouveaux pas en avant dans le rééquilibrage entre fiscalité directe et indirecte, engagés en première lecture, peuvent être financés. Ce serait donner un signal politique fort tout en apportant un soutien précieux à la consommation populaire.

Nous apprécions les baisses de TVA. Mais pourquoi ne pas passer de quelques mesures ciblées à d'autres, plus structurelles et donc plus efficaces ? Nous attendons du Gouvernement des gestes concrets.

Abaisser la TVA sur un certain volume de consommation de gaz et d'électricité, sur l'utilisation des installations sportives, mesures euro-compatibles, générerait de nombreux emplois. Il en est de même de la TVA sur les lunettes et l'ensemble des prothèses auditives.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ça, c'est vrai.

M. Philippe Auberger.

On y verrait plus clair !

M. Jean-Louis Idiart.

Et la droite ne serait plus sourde !

M. Christian Cuvilliez.

Confirmer la disposition adoptée par le Sénat concernant le chocolat, mesure dont le coût se révèle beaucoup plus réaliste que celui avancé en première lecture, satisferait une demande ancienne et justifiée en faveur de la consommation populaire.

Le Gouvernement se doit d'être particulièrement actif pour faire évoluer la directive européenne afin de rendre possible une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, sur les abonnements aux réseaux de chaleur, ou encore sur les dépenses d'obsèques. Chacun sait que le marché de la mort ajoute aux peines du coeur des familles des peines matérielles imméritées.

Comment évoquer le principe d'une Europe sociale si des mesures de justice aussi élémentaires demeuraient euro-incompatibles ? Permettre aux collectivités, dont on connaît le rôle majeur en matière d'investissement public, de se mobiliser pour l'emploi nécessiterait qu'elles bénéficient d'une part de la croissance supérieure à celle d'aujourd'hui.

Elles devraient pouvoir bénéficier de la taxe professionnelle versée par France Télécom.

En même temps, nous mesurons combien le budget adopté par la majorité de gauche en première lecture peut être différent des options défendues par la droite.

Le texte qui nous revient du Sénat, lequel a été présenté d'une manière franche et directe, qui nous a paru presque caricaturale, confirme l'impasse dramatique que peut constituer la traque dogmatique, voire idéologique, à la dépense, effectuée au nom de la lutte contre le déficit et dans le but de laisser un champ toujours plus vaste à l'initiative privée et au marché.

Le Sénat a souhaité alléger le régime fiscal et social des stock-options, qui, sous couvert de favoriser les entreprises innovantes, permet à des cadres supérieurs ou à des dirigeants d'entreprise de bénéficier, à des conditions fisc ales avantageuses, de plus-values boursières à bon compte se chiffrant chaque année à plusieurs dizaines de milliards de francs.

Dans le même temps, une réduction des dépenses de 27 milliards lui paraît nécessaire. Est-ce une mesure aveugle ou délibérée ? Comment les défenseurs d'un tel contre-budget pourraient-ils rendre crédible leur proposition de tailler dans les dépenses du RMI ? Comment faire admettre aux lycéens, aux enseignants qu'il serait légitime de supprimer plusieurs milliers de postes de professeurs ou de personnel ATOS alors qu'ils sont aujourd'hui en nombre insuffisant pour préparer correctement l'avenir de la jeunesse de ce pays ? Ce contre-budget éclaire d'un jour éloquent la politique que la droite ne manquerait pas d'imposer au pays si elle revenait aux affaires. Heureusement que le Sénat n'est pas l'Assemblée, en tout cas dans l'état actuel des choses, et ce quelles que soient les critiques, les observations et les appréhensions que nous formulons à son sujet. Nous les exprimons comme autant de contributions à la réussite du changement.

Cela nous conforte dans notre choix fondamental d'être pleinement partie prenante d'une majorité de gauche pour construire et contribuer à répondre à l'attente de nos concitoyens.

M. Michel Voisin.

On verra !

M. Christian Cuvilliez.

C'est parce que nous sommes convaincus qu'il y va de la réussite de l'action entreprise depuis 1997 que nous insistons sur la nécessité d'approfondir le changement non seulement en rompant de manière plus tangible avec les dogmes libéraux, mais aussi en étant mieux à l'écoute de nos concitoyens.

Si nous apprécions l'engagement que M. le ministre de l'économie a confirmé lors de l'examen du collectif budgétaire et aujourd'hui même, il y a quelques instants, quant à la tenue d'un débat sur l'avenir du secteur financier, nous souhaitons que ce débat ne se limite pas à un exercice de style mais soit une étape dans une élaboration beaucoup plus collective de la politique gouvernementale, associant toutes les composantes de la majorité. Cela vaut évidemment pour les caisses d'épargne, dont nous souhaitons préserver le caractère original et fondateur.

Nous souhaitons que le Gouvernement soit plus à l'écoute du mouvement social. Je pense en particulier aux chômeurs et aux précaires, qui revendiquent le droit de vivre dignement.

La revalorisation des minima sociaux demandée depuis plus d'un an est pleinement légitime, la hausse de 3 % proposée par M. le Premier ministre répond en partie à cette attente. Elle correspond à deux fois le montant de l'inflation. Mais, comme le disait le responsable des comités de chômeurs des Bouches-du-Rhône, M. Charles Hoareau, à Marseille elle représente, car il faut ramener les choses à due proportion, 2,40 francs par jour.

Si nous apprécions cette décision, il est possible de mieux répondre encore à l'attente des chômeurs et des personnes en situation précaire, puisque les recettes fiscales pour l'exercice 1998 sont supérieures à celles qui étaient prévues et que nous sommes probablement à l'apogée d'un cycle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Une revalorisation plus significative non seulement des minima sociaux mais aussi du SMIC - que nous proposons à hauteur de 4 % au 1er janvier prochain - prendrait d'autant plus de sens aujourd'hui qu'il faut soutenir la demande et la consommation des ménages pour tenir le cap des 2,7 % de croissance.

Les retraités - en faveur desquels vous avez annoncé une ouverture importante, que nous apprécions - ne comprendraient pas que l'on diffère la mise en oeuvre de la disposition proposée par la commission des finances et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée en première lecture relative au plafond des 10 % sur les retraites. Nous ne pouvons qu'apprécier la détermination de la commission des finances, que vous avez saluée vous-même tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce qu'il soit fait droit dès cette année à cette revendication légitime des retraités.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Christian Cuvilliez.

Répondre à l'attente des plus démunis de nos concitoyens appelle également de faire un geste en leur direction en conservant la disposition adoptée par le Sénat exonérant du foncier bâti les titulaires du RMI. Nous avons déjà eu l'occasion de discuter de la situation de ces propriétaires devenus peu solvables du fait de leur âge ou de la diminution de leurs ressources.

Si l'amendement au collectif budgétaire permet de régler les conséquences, pour les journalistes et les professions de la communication, de la suppression des abattements pour frais professionnels, il serait bon d'aboutir à des solutions identiques et acceptables pour d'autres professions. Pas pour toutes. Pas pour les « épépineuses de groseilles » dont ont parlé les députés de la droite. Mais on ne voit pas pourquoi des gens salariés qui exercent le métier de VRP, pour qui cet avantage est inclus dans le calcul du pouvoir d'achat, devraient être pénalisés par cette mesure.

Plusieurs budgets devraient être dotés de moyens supplémentaires. A la différence des orateurs précédents, nous pensons que cela vaut pour le ministère de l'éducation nationale, qui, malgré l'augmentation de ses crédits, aura beaucoup de mal à faire face aux besoins en 1999.

C'est aussi le moyen de régler dans la concertation des dossiers sensibles, comme celui de la révision de la carte des zones d'éducation prioritaire, ou d'engager de meilleure façon la réforme de la recherche publique française, actuellement marquée par des réductions de crédits, ce qui met en émoi toute la communauté scientifique, comme l'a prouvé la réunion, presque spontanée, de la commission nationale du 2 décembre dernier.

La nécessité d'atteindre l'objectif de 2,7 % de croissance justifie d'améliorer encore le budget pour 1999.

C'est dans cet esprit constructif que nous aborderons la discussion des amendements en deuxième lecture.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi de finances pour 1999 n'est pas encore votée qu'elle est déjà caduque.

M. Jean-Louis Idiart.

Ah !

M. Christian Cuvilliez.

Allons bon !

M. Philippe Auberger.

Plus personne en effet, pas même les membres du Gouvernement, ne se risque à soutenir que les prévisions économiques sur lesquelles il repose, à savoir 2,7 % de croissance et 1,1 % d'inflation, soit une progression du PIB en valeur de 3,8 %, pourront être tenues.

M. Michel Voisin.

Le Gouvernement et la majorité croient aux miracles !

M. Philippe Auberger.

Le Premier ministre lui-même a admis hier sur une radio périphérique que les prévisions pour 1999 seraient plus difficiles à atteindre que celles de 1998. Lui non plus n'y croit plus.

La question n'est donc plus de savoir si les prévisions devront être revues à la baisse. Elles le seront nécessairement, comme nous l'avions annoncé dès l'ouverture du débat budgétaire.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est beau d'avoir raison !

M. Philippe Auberger.

Souvenons-nous de la façon dont nous a traités le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous l'avons, à de multiples reprises mis en garde : il a traité nos propos, fort aimablement, de

« sornettes » ! Nous étions en droit d'attendre plus de retenue, moins d'arrogance, voire de suffisance. Car, c'est beaucoup plus que d'un simple « trou d'air » - comme on veut nous le faire croire - qu'il s'agit. C'est à un véritable infléchissement de l'activité comme des prix que nous assistons, qui doit conduire à une révision de la croissance du PIB de l'ordre de 1 point.

Le problème est maintenant de savoir quand ces prévisions vont être revues à la baisse et dans quelle proportion.

Le ministre de l'économie a admis qu'il faudrait le faire dans les premiers mois de l'année prochaine. Cette attitude attentiste nie les évidences, est gravement préjudiciable à la crédibilité du Gouvernement et explique, en partie au moins, la perte de confiance que nous constatons dans les sondages et dans les enquêtes de l'Institut national de la statistique et des études économiques.

La deuxième question importante est de savoir quelles seront les conséquences de la révision à la baisse des prévisions économiques sur l'équilibre de notre loi de finances.

Non seulement les recettes vont devoir être revues à la baisse, mais surtout, si les dépenses restent inchangées, les prévisions concernant les déficits ne pourront pas être tenues.

M. Christian Cuvilliez.

Nous proposons des recettes nouvelles !

M. Philippe Auberger.

L'objectif de réduction du déficit affiché pour 1999 est déjà très faible si l'on tient compte de la révision du déficit de 1998 dans le cadre du collectif budgétaire : l'amélioration relative ne sera en effet que de 17 milliards. Nous nous situons déjà, dans la perspective qui nous est annoncée, parmi les plus mauvais élèves de l'Europe des Onze, c'est-à-dire de l'Europe de l'euro.

M. Gilles Carrez.

C'est malheureusement vrai !

M. Philippe Auberger.

Nous allons en conséquence prendre encore davantage de retard.

Et si, pour tenir compte de cette dégradation du solde, on décide de réduire dès le départ les dépenses, il faudra réviser les arbitrages budgétaires sur lesquels est fondé le projet de loi de finances pour 1999.

N'aurait-il pas été préférable de prévoir cette situation plus tôt...

M. Gilles Carrez.

Bien sûr !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. Philippe Auberger.

... et de mettre en place, comme nous l'avons suggéré dès l'ouverture de ce débat, un fonds d'action conjoncturelle ?

M. Gilles Carrez.

Il fallait nous écouter.

M. Gérard Fuchs.

On vous a écoutés pendant quatre ans.

M. Philippe Auberger.

Le Gouvernement en tout cas va être rapidement placé au pied du mur et il ne pourra pas continuer à tergiverser comme il le fait depuis trois mois.

Un autre élément est sûr. C'est que l'on ne pourra pas, comme il était prévu, limiter l'ensemble des déficits publics à 2,3 % du produit intérieur brut. En effet, cet objectif repose sur le fait que les comptes de la sécurité sociale seront à l'équilibre en 1999.

Cela suppose que la masse salariale soumise à cotisations, donc à prélèvement, progresse de 4,3 %.

M. Gilles Carrez.

Utopie !

M. Philippe Auberger.

Or personne, aujourd'hui, ne peut se hasarder à pronostiquer une telle augmentation.

Selon les prévisions de l'INSEE, qui vont être publiées dans quarante-huit heures, l'augmentation de la masse salariale devrait se situer plutôt entre 3 et 3,5 %. C'est dire l'ampleur de la révision qui va être nécessaire. Le déficit de la sécurité sociale sera donc de plus d'une dizaine, peut-être même d'une quinzaine de milliards, ce qui risque d'entraîner un dérapage des déficits d'au moins deux dixièmes de point supplémentaires.

Troisième observation : la dégradation de la situation économique et la moindre progression du produit intérieur brut en valeur vont rendre un peu plus caduque la prévision du Gouvernement concernant l'évolution des prélèvements obligatoires. Je rappelle qu'en raison des décisions prises à la fin de l'année 1997 les prélèvementso bligatoires avaient déjà fortement augmenté cette année-là, pour atteindre, selon Eurostat, 46,3 %.

Pour 1998 - je l'avais déjà indiqué au moment de l'examen du collectif budgétaire - compte tenu des plusvalues connues, de la forte hausse des prélèvements sociaux et de l'indication qui a été publiée ce matin de l'exécution du budget de 1998 pour les dix premiers mois de l'année, c'est-à-dire jusqu'à fin octobre, on constate que les plus-values fiscales seront nettement supérieures à ce qui avait été annoncé il y a quelques mois. En effet, les recettes vont, en gros, augmenter de plus de 4 %, ce qui n'était pas le taux de progression annoncé.

Il est évident que non seulement les prélèvements obligatoires ne diminueront pas en 1998 mais que, vraisemblablement, ils augmenteront d'au moins deux dixièmes de point. Outre l'augmentation des prélèvements sociaux et des prélèvements fiscaux, nous assisterons de toute évidence - je l'ai rappelé d'ailleurs au moment de l'examen du collectif budgétaire - alors qu'on annonçait qu'ils baisseraient, à celle des prélèvements fiscaux locaux, comme le montrent les statistiques de la DGCL.

En 1999, même si certaines recettes vont être révisées à la baisse, la révision à la baisse du PIB en valeur, de l'ordre d'un point, fera que le niveau global des prélèvements sera encore mathématiquement supérieur à ce qui était annoncé.

Ainsi, pour la troisième année consécutive, la promesse d'une baisse des prélèvements obligatoires ne pourra pas être tenue. L'Etat socialiste se montre donc, une fois de plus, un Etat hyper-fiscaliste !

M. Jean-Louis Idiart.

Le mot est lâché !

M. Philippe Auberger.

Or, on se rend bien compte, en étant en permanence à leur contact, que nos concitoyens, supportent de plus en plus mal l'accumulation sans cesse croissante de tous ces prélèvements.

M. Gérard Fuchs.

Vous n'avez pas de mémoire !

M. Philippe Auberger.

Enfin, ce projet de budget a été fait, volontairement, en dehors de toute prévision triennale de l'évolution des finances publiques, alors que celle-ci doit être présentée très prochainement à la commission européenne dans le cadre du pacte de stabilité. Je l'avais déjà déploré au mois d'octobre et je suis a u regret d'avoir à le déplorer encore, maintenant que nous approchons pourtant de la date fatidique du 31 décembre fixée pour la présentation de ces prévisions triennales.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, répondant la semaine dernière à une question d'actualité que je lui posais, s'est étonné qu'on lui demande pourquoi il ne voulait pas soumettre dès maintenant au Parlement ces prévisions - bien qu'elles soient prêtes, si l'on en croit les indiscrétions de la presse - et surtout pourquoi il ne voulait pas ouvrir un débat à ce sujet. Sa réponse, force est de le reconnaître - et la presse l'a d'ailleurs constaté, y compris des journaux, notamment un quotidien du soir, qui sont plutôt considérés comme favorables à la majorité - était fort alambiquée. En effet, invoquer la volonté de se coordonner avec l'Allemagne - fort louable, certes - et le retard pris par ce pays en raison des élections législatives, paraît pour le moins léger.

La vérité est que ces prévisions triennales gênent le gouvernement français, et tous les observateurs un peu objectifs l'ont souligné. Car elles montrent très clairement l'alternative : ou bien le Gouvernement poursuit une politique de croissance forte des dépenses publiques, comme celle qu'il entend mener en 1999, et il ne parviendra pas à réduire le déficit budgétaire comme cela est nécessaire, notamment dans le cadre du pacte de stabilité, et comme l e souhaitent les autorités monétaires européennes - M. Duisenberg l'a encore redit lundi dernier - pas plus qu'il ne pourra, contrairement à ce qu'il prétend, diminuer si peu que ce soit les prélèvements obligatoires ; ou bien, il veut maintenir le cap en ce qui concerne l'évolution du déficit budgétaire et, par voie de conséquence, le niveau d'endettement prévu, celui-ci étant d'ores et déjà à la limite de ce qu'admet le traité de Maastricht, et, ne pouvant pas tenir le rythme de progression des dépenses publiques envisagé, il devra se montrer beaucoup plus parcimonieux et judicieux dans ce domaine.

On le comprend, cet arbitrage gêne le Gouvernement.

C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, si l'on en croit encore les indiscrétions de la presse, au cours de la réunion gouvernementale de jeudi dernier, on s'est contenté d'entendre un exposé du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sans débattre de ce sujet, pourtant au coeur des orientations gouvernementales pour les prochaines années. C'est dire la légèreté des choix qui ont été faits ! Ce choix dérange le Premier ministre dans le cadre des prochaines échéances. Aussi préfère-t-il le différer et rest er dans le brouillard. D'ailleurs, le ministre de l'économie, gêné aux entournures, n'a pas pu non plus me répondre sur ce point.

Une chose est certaine, il faudra bien que le Gouvernement se décide à faire des prévisions qui tiennent debout et qui rendent compatibles les différents objectifs fixés.

Actuellement ceux-ci ne sont ni compatibles entre eux ni

« eurocompatibles ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Il est clair que le projet de budget pour 1999 est bâti sur des hypothèses irréalistes, incompatibles avec la volonté de respecter pleinement et durablement les contraintes de l'euro. Il repose en quelque sorte sur la quadrature du cercle, que même un gouvernement socialiste n'est pas en mesure de résoudre !

M. Gérard Fuchs.

Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord !

M. Philippe Auberger.

Pour ces raisons, et parce que le Gouvernement s'obstine, et encore à l'occasion de cette deuxième lecture, à ne pas lever ces ambiguïtés et ces incohérences, le groupe RPR votera à nouveau contre le projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Jean-Louis Idiart.

Je ne monterai pas à la tribune car, après les éminents professeurs d'économie que nous venons d'entendre, je préfère rester, modestement, à ma place...

M. le président.

Comme vous le souhaitez !

M. Jean-Louis Idiart.

Cela dit, les professeurs d'économie sont souvent meilleurs lorsqu'ils sont « au repos » que lorsqu'ils doivent conduire une véritable politique !

M. Gérard Fuchs et M. Aloyse Warhouver.

Très juste !

M. Jean-Louis Idiart.

Ainsi, les leçons que M. Auberger nous donnait lorsqu'il était rapporteur général du budget l'ont conduit, lui et ses amis, directement dans le mur ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Il n'a pas pu nous en faire profiter. Aujourd'hui dans l'opposition, il est beaucoup plus à l'aise pour parler sur la politique du Gouvernement.

Nous souhaitons, mon cher collègue, que vous soyez longtemps aussi brillant à cette place, où nous vous préférons ! (Sourires.)

M. Michel Voisin.

Oh !

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons voté en première lecture le projet de loi de finances initial après avoir obtenu satisfaction sur la plupart des points que nous avions soulevés, quelques-uns restant encore à préciser afin d'aller dans une meilleure direction.

Ce projet de loi se fondait sur la réduction des déficits et des prélèvements ainsi que sur le soutien à la consommation, ce pour quoi nous pensions avoir été élus en 1997.

Nous avons ainsi soutenu la baisse de la TVA et de la taxe professionnelle, la suppression de certains droits et taxes, la simplification des formalités administratives et l'augmentation de l'ISF, parce qu'il nous semblait que c'était une mesure juste. Nous avons soutenu aussi la moralisation de notre vie économique, notamment en adoptant un certain nombre d'amendements inspirés du rapport de M. Brard, car nous pensons que, dans ce domaine, il ne faut pas se contenter de paroles, il faut passer aux actes.

Là aussi, les professeurs d'économie savent nous dire ce qu'il faut faire mais, dès qu'il s'agit de passer à l'acte, ils trouvent toujours de bons prétextes pour reculer, au nom tantôt de la liberté, tantôt de la dynamique économique.

Quant à l'amendement de notre collègue de Courson, que nous avons voté, il a été un peu transformé par le Sénat, ce qui nous convient. Il s'agissait, là encore, avec courage, calme et sérénité d'aller dans la bonne direction.

Le Sénat, au cours de la première lecture, a bien sûr totalement démoli le texte que nous avions voté. En le lisant, nous revivons un véritable cauchemar : on se trouve ramené aux années Juppé.

M. Michel Voisin.

De bonnes années !

M. Jean-Louis Idiart.

La Haute Assemblée est revenue sur tout ce que nous avons essayé de faire, ces derniers mois, pour améliorer la situation de notre pays et pour redynamiser son économie. Elle a voulu diminuer de plus de 18 milliards les principaux budgets, ceux de l'emploi, de l'éducation et de la santé, et mettre à bas tout ce qui avait été fait pour financer les 35 heures et les emploisjeunes. C'est le retour à une forme - pour ne pas être trop sévère - d'obscurantisme. La droite est vraiment incorrigible !

M. Philippe Auberger.

La gauche aussi, malheureusement !

M. Jean-Louis Idiart.

Aujourd'hui, nous sommes rassemblés ici, ainsi que vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, pour reconstruire ce budget, pour lui redonner des perspectives et surtout en redonner à notre pays.

Nous allons même vous aider à élaborer un budget qui aille davantage encore dans la direction que nous souhaitons.

Nous avons entendu avec plaisir que vous reviendriez sur votre refus concernant l'abattement pour frais professionnels des retraités. Il nous avait contrariés en première lecture mais les discussions conduites depuis lors permettent que nous obtenions aujourd'hui satisfaction. Ce gouvernement de gauche n'est pas sourd, contrairement à certains de ses prédécesseurs.

N ous soutiendrons cette démarche par le dépôt d'amendements, que nous comptons voir adoptés dès ce soir.

Deuxièmement, j'irai dans le même sens à propos de la réduction de la TVA évoquée par M. le rapporteur général du budget. Dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut que vous soyez plus actif et plus pugnace notamment au niveau européen ; il faut que vous en fassiez une grande priorité parce que nous ne serons efficaces en matière de justice fiscale que si nous baissons fortement les prélèvements indirects, sans écouter ce que chantent d'autres sirènes. Mieux vaut continuer dans cette direction car nous avons des efforts très importants à faire dans ce domaine.

Troisièmement, nous sommes, certes, sortis du « pacte de régression » qui régissait les dotations aux collectivités locales, mais après avoir réexaminé les décisions que nous avons prises, il apparaît que nous devons aller plus loin parce qu'un certain nombre de collectivités risquent d'être pénalisées. Or ce n'est pas du tout le but recherché. Ce sera encore un élément fort de notre discussion.

Monsieur le secrétaire d'Etat, à travers les propos que nous avons tenus en première lecture, vous avez compris que nous souhaitions aller dans la bonne direction. Sur ce point-là aussi, et nous serons très fermes, nous souhaitons être écoutés et mieux entendus.

Bien entendu, nous voterons ce projet...

M. Michel Voisin.

C'est étonnant !

M. Jean-Louis Idiart.

... mais nous espérons que la soirée soit fructueuse et surtout que la « feuille rose », autrement dit la deuxième délibération, soit très légère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Voire inexistante ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon, dernière oratrice dans la discussion générale.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si je choisis de monter à la tribune, c'est que accéder à ce piédestal est un privilège de parlementaire et que nous n'en jouissons pas à raison de nos résultats en qualité d'économistes ! (Sourires.)

Il est vrai que nous sommes d'excellents boucs émissaires, puisque nous avons la réputation d'être plus aptes à expliquer nos analyses erronées qu'à étudier correctement des situations. Mais l'économie n'est pas une science exacte et les hommes sont si turbulents qu'ils passent leur temps à modifier les paramètres et les variables !

M. Jean-Louis Idiart.

Il y a de brillants économistes, malgré tout !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

La prochaine fois, monsieur Idiart, veillez à ne vous en prendre qu'aux économistes de droite, en toute cordialité ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

Dommage ! Ça avait pourtant bien commencé !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Et cela se poursuivra aussi bien, en toute cordialité ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'évertue, depuis deux jours, non sans mérite, à rassurer les parlementaires qui l'interrogent sur l'évolution du statut de l'IEDOM - Institut d'émission des départements d'outre-mer - et de l'IEOM - Institut d'émission de l'outre-mer.

Je n'en reviendrai pas moins à la charge. Il faut d'abord rappeler que nous sommes face à une contrainte presque absolue, puisqu'il s'agit de l'application du traité de Maastricht. Dans ce contexte, comment allons-nous amortir le choc, quelles sont les meilleures formules à adopter, prenant en considération les préoccupations légitimes des uns et des autres ? A en croire tout ce qui s'est dit jusqu'à maintenant, il n'y aurait qu'une alternative : soit la filialisation, néologisme horrible pour signifier que l'IEDOM et l'IEOM deviendraient une filiale de la Banque de France, soit l'intégration, essentiellement du personnel, avec l'instauration d'un autre statut juridique pour l'IEDOM et l'IEOM.

Le traité de Maastricht imposant clairement que chaque Etat n'ait qu'une seule banque centrale sur l'ensemble de son territoire, une telle intégration de l'IEDOM et l'IEOM à la Banque de France et leur adossement, par voie de conséquence, à un réseau plus large, celui du système européen des banques centrales, sont plutôt de nature à nous rassurer.

Néanmoins, tout renforcement de la centralisation nous inquiète a priori , car il ne peut que rendre plus difficile de faire valoir la singularité de nos sociétés d'outremer.

Le traité de Maastricht a été adopté en 1992, ce qui laissait un délai confortable pour organiser la concertation, lancer des consultations, voire pour envisager des simulations afin de préparer à cette transformation. Vous n'êtes pas, monsieur le secrétaire d'Etat, comptable du fait qu'aucune consultation n'ait été conduite entre 1992 et 1997. En revanche, il serait intéressant que nous sachions ce qui a été fait depuis 1997 et notamment comment les personnels ont été préparés à cette mutation. Ce sont, en effet, ses conséquences sur les personnels que je voudrais envisager, en premier, avec vous.

Dans leur grande majorité, ils ont refusé la filialisation.

Mais la décision était déjà prise et connue, ce qui est évidemment gênant. Ils ont fait valoir qu'ils allaient se retrouver sous un statut différent de celui du reste du personnel de la Banque de France. Je n'ai pas l'intention de dissimuler le peu que je sais à ce sujet. Si mes informations sont exactes, il semblerait qu'il dispose de seize mois et demi de salaire par an, qu'il reçoive une prime au mois de mars et qu'il bénéficie d'un régime de retraite particulièrement favorable, puisqu'il serait calculé sur le dernier salaire. Je parle au conditionnel parce que je n'ai pas eu le loisir de vérifier ces informations. Il n'est pas sûr au surplus que j'en aie la compétence.

M. Philippe Auberger. Mais si !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Dans une situation générale où, hors de la zone protégée de l'Assemblée nationale et des ministères, nous croisons beaucoup de personnes qui restent sur le bitume ou qui sont en difficulté, sans emploi, voire en situation d'exclusion, nous ne pouvons pas être indifférents et nous sommes toujours gênés de défendre de tels statuts.

Je crois pourtant que la question n'est pas là et que l'injustice serait d'établir une inégalité entre 18 000 personnes relevant d'un statut national et 501 personnes qui relèveraient d'un autre statut parce qu'on aurait institué une sorte de « citoyenneté tropicalisée ».

Je voudrais également vous soumettre rapidement une deuxième problématique, celle des missions de l'IEDOM et de l'IEOM.

Il nous faut bien admettre que ce sont des raisons fortes, claires, un contexte singulier, des motifs particuliers qui ont conduit à la création de ces instituts. Ces raisons, ce contexte ont-ils disparu ? Que vont devenir certaines missions spécifiques, telles que le réescompte, qui était indispensable et le reste dans nos sociétés ? Nous avons une architecture financière déchirée entre la nécessité de respecter les règles prudentielles, et donc de financer plutôt la consommation que la production, et la volonté d'avoir de l'audace, ce qui peut aboutir à un soutien abusif ? Autrement dit, l'institut d'émission a-t-il une place particulière dans cette architecture financière et est-il un instrument de politique publique par l'orientation des investissements ? Il y a ensuite la question des garanties, puisque l'institut d'émission est le partenaire financier majoritaire de sociétés de garantie interbancaire. Or, dans nos sociétés, où l'appareil productif et le patrimoine professionnel sont encore en cours de constitution, la garantie interbancaire est une facilité qui rétablit l'égalité en corrigeant les injus tices entre ceux qui renouvellent leur patrimoine de génération en génération et ceux qui essaient d'en constituer un. Il y a également la question des mandats administratifs.

Comment le processus d'exécution de ces mandats va-t-il se poursuivre ? Il y a, enfin, la question du schéma de compensation.

Toutes ces dispositions, qui, manifestement, n'ont pas fait l'objet de discussion, de concertation, à moins que vous ne me contredisiez, et ce serait heureux, conduisent à un effet pervers qui me paraît assez inquiétant : l'Union européenne, qui est tout de même une construction audacieuse et une ambition magistrale, a l'air d'un rouleau compresseur aveugle et brutal puisque, au nom de cette construction européenne, on met les gens en situation d'instabilité, de précarité, ou, au moins, d'inquiétude psychologique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Or l'Union européenne a déjà démontré sa capacité à accepter des principes dérogatoires. Ce fut le cas avec le POSEIDOM, avec le statut de l'octroi de mer. C'est le cas avec l'objectif numéro un concernant la gestion des fonds structurels, dans le cadre du fonds de cohésion économique et sociale, et, à l'occasion, sur des OCM, des organisations communes de marché, par branche, ou des protocoles spécifiques.

Pour rassurer chacun, pourriez-vous nous dire d'abord très précisément quelle sera la procédure juridique retenue ? S'agira-t-il d'un projet de loi ? Cela me paraît bien tardif, avant la fin de l'année. S'agira-t-il d'un décret ? Tout dépendra donc exclusivement du pouvoir réglementaire et, ajouterai-je avec mauvaise foi, discrétionnaire du Gouvernement. Pourriez-vous nous répondre également sur le calendrier, puisqu'il est prévu quinze mois de délai pour l'installation de cette nouvelle structure ? Enfin, quelle méthode sera initiée ou renforcée pour rassurer les personnels sur leur statut et les apaiser, pour qu'ils soient en mesure d'être efficaces dans les missions de l'IEDOM et de l'IEOM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gérard Grignon.

Très bien !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mesdames, messieurs les députés, je vais m'efforcer de répondre aussi précisément que possible aux questions, même très subtiles, que vous m'avez posées, notamment Mme TaubiraDelannon.

Monsieur le rapporteur général, vous avez fait un commentaire aussi excellent que sévère de ce qui reste du travail de l'Assemblée après que le Sénat s'est acharné dessus, et interrogé le Gouvernement sur les baisses de taxe sur la valeur ajoutée en expliquant que les travaux d'entretien devaient être une première priorité. Le Gouv ernement partage entièrement votre conviction. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et m oi-même avons écrit au commissaire compétent, M. Monti, le 19 octobre. Il nous a répondu de manière plutôt ouverte, ce qui ne fut pas toujours le cas.

Le conseil des ministres de l'économie et des finances du 1er décembre dernier a accepté des baisses expérimentales sur un certain nombre de services à forte densité de main-d'oeuvre, conformément aux demandes que la France avait formulées dans le programme d'action national pour l'emploi. Il faudra prendre garde à ne pas rompre l'équilibre qui existe aujourd'hui. Des associations rendent des services à de nombreuses personnes et méritent toute la considération du Gouvernement. Chacun se souvient de la circulaire fiscale qui a clarifié leur statut fiscal et effacé un certain nombre de contrôles fiscaux réalisés antérieurement.

Cela dit, aller vers des baisses expérimentales pour les services à forte densité de main-d'oeuvre va tout à fait dans le sens du renforcement de l'emploi et du pouvoir d'achat de ceux qui utilisent ces services. Nous avons la ferme résolution de poursuivre en 1999 les efforts que nous avons déployés en 1998. Nous avons obtenu des résultats et nous comptons bien en obtenir d'autres, conformément aux voeux que vous avez formulés pour 1999 au nom de la commission des finances.

(M. Yves Cochet remplace M. Arthur Paecht au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Méhaignerie, vous avez vanté comme critère presque unique de l'efficacité de l'Etat la réduction des dépenses budgétaires.

C'est un point sur lequel on peut débattre, mais, en tout cas, ce n'est pas accroître l'efficacité du budget de l'Etat que de tailler dans des budgets d'avenir comme ceux de l'éducation nationale et de la recherche et de réduire les crédits du revenu minimum d'insertion. M. Cuvilliez a dit sur tous ces points des choses fortes. Vous qui avez été un pionnier du revenu minimum d'insertion, avant même que la loi ne soit votée, vous ne pouvez pas prendre ce genre de travail à la tronçonneuse dans les dépenses sociales pour un critère d'efficacité de l'Etat.

M. Pierre Méhaignerie.

Il y a d'autres marges de productivité !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Peut-être, mais le budget qui vous revient du Sénat a taillé, et je ne pense pas que ce soit entièrement par hasard, dans des budgets sociaux et des budgets d'avenir d'une façon qui ne peut, me semble-t-il, satisfaire quelqu'un qui veut sincèrement le progrès de notre économie et davantage de justice pour notre société.

Vous avez évoqué la conjoncture économique, et

M. d'Aubert et M. Auberger sont revenus sur ce point.

En la matière, il faut raison garder et ne pas s'appuyer sur les dernières informations disponibles pour en extrapoler les enseignements sur dix-huit mois. Nous avons eu, c'est vrai, des nouvelles encourageantes et des nouvelles préoccupantes.

La consommation des ménages progresse à un rythme de 3,7 % par an en francs constants. C'est dû en partie a u dynamisme de nos entreprises, qui ont créé 3 03 000 emplois entre septembre 1997 et septembre 1998. C'est aussi dû à la politique économique menée par le Gouvernement : le seul fait de remplacer une partie des cotisations sociales des salariés par une contribution sociale généralisée sur le patrimoine, c'est 1 % de pouvoir d'achat supplémentaire pour les salariés ! Les nouvelles sont encourageantes aussi du côté du logement : les mises en chantier ont repris à un rythme rapide.

Elles sont, par contre, plus préoccupantes du côté des entreprises. Au troisième trimestre, les entreprises ont puisé dans leurs stocks pour répondre à la demande des consommateurs, mais on ne peut pas puiser dans ses stocks éternellement. C'est une réponse d'attente dans une conjoncture financière internationale, qui, chacun s'en souvient, était particulièrement préoccupante en septembre et en octobre. Par ailleurs, l'enquête sur les investissements réalisée par l'INSEE a montré une très bonne performance en matière d'investissements en 1998, mais un certain attentisme pour l'année 1999.

Voilà donc les informations sur lesquelles, me semblet-il, vos commentaires se sont fondés, mais il y en a une sur laquelle vous n'avez pas fait de commentaire, c'est l'enquête de conjoncture de la Banque de France, qui a annoncé hier que la production industrielle serait en hausse dans les prochains mois. Ainsi, selon toute probabilité, les entreprises industrielles, notamment les plus grandes, qui ont subi le choc psychologique de la crise financière internationale de septembre et d'octobre sont probablement - je n'ai pas de certitude en la matière en train de reprendre leur marche en avant.


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Par conséquent, comme l'a dit avec sagesse, et non avec suffisance, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il faut attendre d'être bien engagés en 1999 pour voir quelle est exactement la situation, notamment en matière d'investissements productifs.

Vous avez posé trois questions précises.

Le remplacement de la TVA sur les terrains à bâtir par des droits de mutation, à l'initiative de l'extrême gauche de cet hémicycle, a été applicable immédiatement le 22 octobre. C'est une mesure qui n'avait pas été longuement mûrie par le Gouvernement et par la commission des finances. Nous avons travaillé avec les professionnels et publié une instruction élaborée avec eux. Le débat au Sénat a permis d'améliorer tel ou tel point. C'est un dispositif important qui va soutenir l'activité du bâtiment, déjà sur une excellente pente, et permettre à de nombreux jeunes ménages d'accéder à la propriété.

M. Pierre Méhaignerie.

Puis-je vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vous en prie. Je suis d'une courtoisie extrême à l'égard de tous les parlementaires.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.

M. Pierre Méhaignerie.

Dans la mesure où nous avons de grandes difficultés pour répondre aux multiples questions qui nous sont posées, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais soulever un point précis.

En province, l'accession à la propriété a lieu le plus souvent dans des lotissements communaux. Quel sera le bénéfice de la mesure pour un candidat à la construction dont le terrain vaut dix francs, le prix de vente du terrain à bâtir étant de 300 francs ? J'aimerais avoir votre réponse parce que nous avons beaucoup de mal à avoir des réponses précises.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je peux vous répondre clairement sur ce point mais peut-être y en a-t-il d'autres plus complexes ? Nous avons débattu de la question au Sénat. Il y a des cas particuliers de communes rurales où le prix du foncier est très faible alors que le coût de l'aménagement est plus important. Sur la suggestion du Sénat, nous avons accepté que les communes aménageuses, - ce n'est pas le problème des communes urbaines mais d'un certain nombre d'autres - aient le choix entre l'ancien système de TVA et le nouveau système proposé par le Gouvernement.

M. Pierre Méhaignerie.

L'espoir qui a été suscité n'existe donc pas ! Ce sera la stabilité.

M. Philippe Auberger.

Absolument !

M. Pierre Méhaignerie.

Il faut le dire !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Dans ces communes particulières...

M. Pierre Méhaignerie.

Cela représente 80 % de l'accession à la propriété !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Non ! Ce sont des cas particuliers et le Gouvernement, attaché au débat parlementaire, en a tenu compte. Vous voyez, monsieur Méhaignerie, je vous écoute et je vous réponds.

M. Pierre Méhaignerie.

D'accord ! C'est la stabilité !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

S'agissant des microentreprises, vous parlez de distorsion de concurrence.

Vous qui êtes sur le terrain, vous savez que, lorsque la TVA sur un certain nombre de prestations d'artisanat ou de commerce était à 20,6 %, il y avait un travail au noir considérable. Le dispositif que nous proposons, avec un seuil de 500 000 francs de chiffre d'affaires pour les entreprises qui font de l'achat à revente ou de la location et de 170 000 francs pour celles qui offrent des prestations de service, permet de lutter contre le travail clandestin. Comme tout seuil, mais il existait antérieurement un seuil de 100 000 francs, il y a des risques de fraude à la marge, mais je vous assure que nous ferons en sorte qu'il n'y ait pas de dérapage sur ce point. Des contrôles seront effectués.

Quant aux retraités, je crois avoir clairement exprimé à cette tribune le point de vue du Gouvernement. Il n'y a pas eu de débat de fond entre le Gouvernement, sa majorité et l'opposition sur l'opportunité d'arrêter en l'an 2000 le processus enclenché par le gouvernement Juppé. Simplement, nous pensions qu'il valait mieux le faire dans le cadre de la première partie de la loi de finances de l'an 2000. L'Assemblée...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Dans sa sagesse ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... a insisté fortement pour que ce soit décidé maintenant. Le Gouvernement, et peut-être en êtes-vous surpris, puisque j'ai entendu au Sénat et parfois à l'Assemblée des membres de l'ex-majorité qui n'avaient pas le sentiment d'être écoutés par le précédent gouvernement...

M. Philippe Auberger.

Mais si, mais si !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Auberger, il vous est arrivé bien des avanies. Vous les avez racontées à la tribune !

M. Jean-Pierre Brard.

Il a subi des injustices ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement dont j'ai l'honneur de faire partie écoute, accepte que soient modifiés les dispositifs qu'il présente lorsque les améliorations sont proposées dans un esprit constructif et je voudrais rendre hommage à M. Idiart, qui a été parfaitement constructif,...

M. Jean-Louis Idiart.

Comme d'habitude ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... comme d'habitude ! Monsieur Tourret, tout ce que vous avez dit sur ce budget me satisfait presque entièrement. Je vais vous répondre néanmoins sur deux points.

Vous vous êtes inquiété d'un risque d'inflation zéro. Je voudrais éveiller vos souvenirs d'étudiant en économie.

Pendant une bonne parties des années 50, nous avions la croissance et la stabilité des prix. A la fin des années 60 et au début des années 70, nous avions la croissance et l'inflation. Ensuite, nous avons eu l'absence de croissance et l'inflation. Cela portait le nom barbare de stagflation.

Vous vous en souvenez, c'était dans les années 70 et au début des années 80. Ensuite, nous avons eu, au début des années 90, peu de croissance et peu d'inflation.

Maintenant, nous avons la croissance et la stabilité des prix. Je crois qu'il n'y a rien d'inquiétant en la matière.

Comme M. Cuvilliez l'a fort bien expliqué, le fait que la hausse des prix soit un peu plus faible que celle qu'on prévoit, c'est du pouvoir d'achat en plus pour les salariés du secteur public et du secteur privé.

L'idée d'utiliser le numéro d'INSEE, dit numéro NIR, pour l'administration fiscale ne sort pas d'un chapeau.

Elle a été longuement mûrie. Je crois que M. de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

Courson, qui s'illustre fréquemment par son imagination créatrice dans le domaine fiscal, avait déjà mentionné cette possibilité dans un rapport qu'il a réalisé en 1995.

M. Brard, à qui la commission des finances a confié une mission, a écrit un rapport qui n'a rien de clandestin et avancé cette proposition parmi d'autres, nombreuses et fréquemment judicieuses, qu'il a formulées pour lutter contre la fraude fiscale. Comme il l'a expliqué, et c'est le bon sens, lutter contre la fraude fiscale est un acte citoyen. Lorsqu'on fait payer les fraudeurs, c'est bon pour la morale et c'est autant d'impôts en moins à faire payer aux citoyens honnêtes.

Au surplus, cet amendement, adopté à l'unanimité en première lecture par l'Assemblée, a été longuement examiné par le Sénat.

Deuxième point : vous avez dit qu'il existe un risque d'automatisation des contrôles fiscaux. Non ! Le but - M. Brard l'a fort bien expliqué - est de permettre aux employeurs et aux organismes sociaux de faire des déclarations avec le numéro d'INSEE qui figure déjà sur leur fichier puisque ce numéro est employé par tout le monde. Jusqu'à présent, ils devaient l'effacer et le remplacer par un autre.

Il s'agit donc de simplifier les déclarations.

Je confirme à M. Tourret que l'utilisation de ce numéro n'est possible ni aux établissements bancaires ni aux compagnies d'assurance. Les procédures de contrôle fiscal, qui sont des procédures contradictoires, continueront donc a être entièrement respectées. Les recoupements qui seront faits, en amont du contrôle fiscal, ne porteront en rien atteinte à la vie privée. Les contribuables ont déjà des numéros. Simplement, ce sont des numéros qui diffèrent d'une administration à l'autre. Et ces numéros ne seront utilisés que dans ce seul but. Tous les pays voisins, qui sont des démocraties où les libertés ne sont pas en cause, procèdent ainsi et l'OCDE, qui n'est pas un pourfendeur de la liberté, a recommandé une telle pratique au mois d'avril 1997.

Vous avez évoqué, monsieur Tourret, la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Une fois l'article voté, un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour le mettre en oeuvre. Ce décret sera soumis, comme la loi en fait obligation, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui fixera peut-être un certain nombre de précautions en matière de secret professionnel ou de destruction du fichier en cas de catastrophe nationale. Je prends donc l'engagement que le Gouvernement en tiendra le plus grand compte. Je précise que la Commission a déjà autorisé d'autres fichiers autrement plus délicats, à mon avis, que ceux-là. J'espère avoir ainsi apaisé les craintes que j'ai cru percevoir dans votre intervention.

M. d'Aubert a beaucoup parlé de la conjoncture. Il a traité les membres du Gouvernement de « keynésiens attardés ». Je préfère l'équilibre dynamique auquel parv ient ce budget entre la progression des dépenses publiques, la baisse des impôts et la baisse du déficit, à u n dogmatisme libéral selon lequel toute dépense publique est, par essence, satanique.

En ce qui concerne la CSG sur les revenus du patrimoine, je rappelle à M. d'Aubert qu'elle a été fortement majorée entre 1993 et 1997,...

M. Philippe Auberger.

Il ne faut rien exagérer : l'augmentation n'a été que de 1,3 % ! Vous avez fait beaucoup mieux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... période qui commence, il est vrai, à s'effacer de votre mémoire. D'ailleurs, la hausse de la CSG sur le patrimoine, c'est la baisse des cotisations des salariés, laquelle se traduit par des gains de pouvoir d'achat qui sont à la fois équitables et bénéfiques pour notre économie.

M. Cuvilliez a évoqué l'Europe sociale. Je voudrais le rassurer sur les conclusions du récent sommet qui s'est tenu à Vienne et qui a estimé nécessaire de mettre en oeuvre, avant l'été, un pacte européen pour l'emploi.

C'est le résultat direct d'une initiative que la France avait prise - et ce n'est pas un hasard - après juin 1997, lors d'un sommet exceptionnel sur l'emploi à Luxembourg.

L'Europe sociale progresse donc à nouveau.

Vous vous êtes plaint d'être peu écouté, monsieur Cuvilliez. C'est vrai, le Sénat a peu écouté votre groupe (Sourires)...

M. Philippe Auberger.

Mais que font les communistes au Sénat ?

M. Christian Cuvilliez.

Le Sénat est un grand prédateur !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... puisqu'il a supprimé l'avoir fiscal que les entreprises se versent entre elles, les dispositions régissant les rapports entre les sociétés mères et leurs filiales, et je ne reprends pas les massacres qui ont été perpétrés sur la réduction du temps de travail,...

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, n'employez pas des mots excessifs !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... les 1 00 000 emplois-jeunes, les 50 000 RMIstes, les 7 000 allocations adulte handicapé, les 8 000 aides aux parents isolés, les 20 000 enseignants du premier degré, les 20 000 enseignants du second degré.

M. Christian Cuvilliez.

Bref, l'horreur absolue !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est plus une maison de retraite, c'est une volière de vautours ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont.

C'est l'enfer !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez apprécié la décision prise par le Premier ministre de relever les minima sociaux de 3 % à partir du 1er janvier 1999. Vous savez aussi que ce dispositif est rétroactif et entraînera le paiement, avant Noël, d'une somme de 875 francs pour les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique, qui avait déjà été revalorisée de 8 % en 1997, de 875 francs aux RMIstes célibataires, de 1 837 francs aux couples avec deux enfants, de 2 536 francs pour les couples avec quatre enfants. Une fois encore, le Gouvernement a montré sa volonté de justice sociale et de soutien à la consommation.

Plusieurs réunions ont été organisées avec les VRP, les v oyageurs représentants de commerce. Nous avons constaté qu'un grand nombre d'entre eux déclaraient leurs impôts avec des frais réels et que le barème kilométrique qui figure dans notre code fiscal est particulièrement avantageux pour cette profession qui fait de grands trajets.

A M. Auberger, je dirai que répétition n'est pas raison : je pense avoir déjà répondu à propos de la conjoncture. Le Gouvernement n'éprouve aucune gêne en ce qui concerne les prévisions triennales qui devraient couvrir les finances publiques de 2000 à 2002. J'ai par contre le souvenir que les dernières prévisions du gouvernement Juppé a vaient tellement effrayé certains qu'une dissolution impromptue en est résultée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

N ous travaillons sur ces prévisions triennales de concert avec l'Allemagne, qui est notre principal partenaire. Nous aurons achevé cette concertation d'ici à la fin de l'année, si bien qu'au début 1999 vous saurez tout, car je renouvelle l'engagement du Gouvernement de fournir les projections non seulement aux autorités européennes mais à la commission des finances de l'Assemblée comme à celle du Sénat. Dominique Strauss-Kahn et moi-même sommes à la disposition du Parlement pour venir nous expliquer sur ce point.

Monsieur Idiart, je vous remercie, au nom du gouvernement, pour votre soutien particulièrement constructif.

Vous avez appelé notre attention sur un certain nombre de collectivités qui seraient à votre avis pénalisées par la réforme de la taxe professionnelle. Le Gouvernement a bien entendu le message, puisqu'il a exclu, au cours de la première lecture, de la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle les communes éligibles à la DSU, les communes bourgs-centres, le département de l'Essonne qui subit un sinistre particulier en matière de taxe professionnelle.

Mme Taubira-Delannon est revenue sur l'IEDOM, sur lequel deux questions ont été posées hier et aujourd'hui lors des questions d'actualité au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez exposé, madame, avec beaucoup de clarté deux problèmes. Le premier est de continuer d'offrir aux entreprises des départements d'outre-mer des conditions de crédit un peu plus avantageuses que celles qu'elles peuvent trouver auprès des banques privées. C'est un point sur lequel le Gouvernement travaille, parce qu'il est attaché à ce que les entreprises puissent investir et créer des emplois dans les départements d'outre-mer. Le second concerne le statut des personnels de l'IEDOM. D'ici peu, une réunion est prévue entre les syndicats de l'Institut et les collaborateurs du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour examiner le statut du personnel et lui donner des garanties quant à sa mission. Je sais combien cette question est très importante dans les départements d'outremer, puisqu'elle a été évoquée, lorsque le Premier ministre a reçu, mardi dernier, à déjeuner les élus de toutes sensibilités de l'outre-mer. Ce problème est pris très au sérieux par le Gouvernement.

Monsieur le président, je crois avoir répondu à tous les orateurs qui sont intervenus durant la discussion générale qui précède l'examen des articles en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 1999, no 1252 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1269).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

A N N E X E EXAMEN PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN DU

PROJET DE LOI PORTANT PROROGATION DES

M ANDATS DES MEMBRES DES CONSEILS C ONSULTATIFS ET DES CONSEILS D'ORIENT ATION ET DE SURVEILLANCE DES CAISSES D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE Présidence de M. Augustin Bonrepaux La commission des finances, de l'économie générale et du Plan a examiné, le 9 décembre 1998, sur le rapport de M. Alain Rodet, rapporteur, le projet de loi portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance (no 1243).

M. Alain Rodet , rapporteur, après avoir rappelé que l'article 8 de la loi du 10 novembre 1997 portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal et financier avait prorogé les mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientat ion et de surveillance des caisses d'épargne, jusqu'au 1er mars 1999, a indiqué que pour des raisons de calendrier parlementaire et de délais nécessaires aux travaux des deux assemblées, l'article unique du présent projet proposait de reporter cette échéance au 1er août 1999.

Il a observé que le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, également adopté le 2 décembre en Co nseil des ministres, proposait une réforme du statut des caisses d'épargne afin de les mettre à même de s'adapter aux évolutions de l'environnement économique et des marchés financiers, sur une base coopérative et faisait suite à la mission de M. Raymond Douyère, qui s'était livré à un travail de fond en procédant à plus de 300 auditions et à des déplacements dans une dizaine des caisses régionales. Il a insisté sur le fait que ce texte, qui ferait suite à la proposition de loi de M. Dominique Taddéi, laquelle avait permis en 1983 une pérennisation du réseau des caisses d'épargne et à une nouvelle réforme mise en oeuvre par l a loi de 1991, avait donc fait l'objet d'une large concertation et était très attendu par le réseau.

Il a déclaré que la prorogation des mandats des administrateurs des caisses faciliterait la mise en place des nouvelles structures dans un climat plus serein. Il a précisé que le présent projet n'emportait aucune conséquence quant au mandat des dirigeants du centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP), prorogé jusqu'au 1er mars 1999, par une assemblée générale extraordinaire tenue en juin dernier, cette décision relevant des statuts de ce groupement d'intérêt économique. Concluant son propos, il a indiqué que le présent projet prévoyait que les dispositions relatives aux limites d'âge ne seraient pas applicables aux mandataires sociaux qui les atteindraient du fait de la prorogation, mais qu'en revanche, la perte de la qualité au titre de laquelle ils avaient été désignés pour siéger dans les conseils d'orientation et de surveillance mettrait, en tout état de cause, un terme à leur mandat.

Après que M. Yves Deniaud eut estimé que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devait confirmer la prolongation du mandat des membres du CENCEP, la Commission a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues, tendant à fixer au 1er août 2001 la limite de la prorogation des mandats.

M. Jean-Pierre Brard a jugé que le délai prévu par le projet de loi qui prolongeait le mandat des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance jusqu'au 1er août 1999 était


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 DÉCEMBRE 1998

trop bref. Il a indiqué que le ministre avait donné son accord à la tenue d'un débat parlementaire consacré à la restructuration du secteur bancaire et financier et que ceci devait marquer le début d'une large concertation associant l'ensemble des acteurs du secteur en France ainsi que les éventuels partenaires étrangers.

Il a donc estimé que la date du 1er août 1999 ne permettrait pas à cette réflexion d'être menée à bien et qu'il convenait de prévoir plutôt la date du 1er août 2001, étant entendu que la durée de cette prorogation pourrait toujours être raccourcie au cas où lar éforme du statut des caisses d'épargne intervenait plus rapidement.

M. Philippe Auberger a tout d'abord remarqué que les membres des conseils d'orientation et de surveillance avaient été élus en 1991 pour une durée de cinq ans et que cette mesure, qui constituait la deuxième prorogation de leur mandat, aurait pour effet de le porter à huit ans sans même parler de la durée de dix ans proposée par l'amendement de M. Jean-Pierre Brard.

Il a relevé que le prochain texte consacré à la réforme du stat ut des caisses d'épargne mais aussi à la sécurité des dépôts et au fonctionnement de la Commission bancaire posait des problèmes extrêmement délicats qu'il faudrait traiter avec le temps nécessaire et que ceci devrait empêcher le Gouvernement de déclarer l'urgence sur ce projet de loi. M. Philippe Auberger en a déduit que la discussion parlementaire, qui devrait comprendre deux lectures dans chaque assemblée avant la réunion d'une éventuelle commission mixte paritaire, serait difficilement terminée avant le 1er août 1999, ce qui annonçait une rupture de continuité entre la fin du mandat des membres des actuels conseils d'orientation et de surveillance et la mise en place des futures institutions.

Après avoir rappelé que le but du projet de loi était d'assurer la pérennité des principes fondateurs des caisses d'épargne, M. Alain Rodet , rapporteur, a indiqué que prolonger davantage les délais de discussion du futur statut des caisses d'épargne risquait d'empêcher la croissance externe ou la modernisation du réseau. Il a précisé que la durée du mandat des conseils d'orie ntation et de surveillance était fixée à six ans et celle des membr es du directoire à cinq ans et qu'ils avaient été renouvelés en 19

97. Il a ajouté que le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière prévoyait, au titre des dispositions transi toires, un délai de treize mois entre la promulgation de la loi et l'élection des membres des futurs organes de direction, délai pendant lequel les administrateurs en place seraient maintenus dans leurs fonctions.

M. Guy Lengagne a remarqué, à la suite de M. Jean-Pierre Brard, que le futur projet de loi pourrait raccourcir mais aussi étendre la durée du mandat des conseils d'orientation et de surveillance s'il en était besoin.

M. Philippe Auberger s'est déclaré peu convaincu par les arguments du rapporteur et il a renouvelé son souci de voir assurer la continuité du fonctionnement des conseils d'orientation et de surveillance dont il a rappelé l'importance des compétences tant pour le vote du budget annuel que pour les décisions patrimoniales.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué que le Gouvernement n'avait pas déclaré l'urgence sur le projet de loi relatif à l'é pargne et à la sécurité financière, ce qui permettrait au Parlement d'entreprendre une réflexion approfondie sur ce texte qui proposait aux caisses d'épargne un excellent statut, d'inspiration coopérative, même si certaines tentations relatives à l'utilisation de leurs fonds propres n'étaient pas à exclure. Il a ajouté que le Gouvernement n'avait que trop tardé et que ce projet était attendu. Observant toutefois que la discussion parlementaire pouvait s'étendre au-delà du 1er août 1999, il s'est demandé s'il ne risquait pas d'en résulter un léger décalage entre l'entrée en vigueur de la loi et l'échéance de la prorogation des mandats en question et s'il ne serait pas envisageable, en conséquence, de repousser celle-ci de six mois supplémentaires.

Le rapporteur a rappelé que la date du 1er août 1999 faisait l'objet d'un accord général, après concertation avec le réseau, et qu'il était donc préférable de se ranger à cette opinion, plutô t que de choisir une date plus lointaine, ce choix pouvant être perçu comme un signe de retard supplémentaire dans la mise en oeuvre du nouveau statut.

Après avoir estimé que le contenu du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière ne faisait pas l'unani mité, M. Jean-Pierre Brard a demandé un geste de conciliation sur la prorogation des mandats des membres des conseils d'orientation et de surveillance.

Le rapporteur a souligné que, sans l'intervention de la loi de 1983, le réseau des caisses d'épargne aurait été démantelé , du fait des appétits des grands réseaux qui se comportaient en l'espèce comme de « véritables piranhas », et avec lui la double mission de sécurité de l'épargne populaire et de financement du logement social qu'il assumait. Il a estimé qu'il était en conséquence désormais urgent de procéder à une nouvelle réforme pour assurer la pérennité de ce réseau dans un environnement économique et financier en pleine évolution.

M. Michel Inchauspé a protesté contre cette image dévalorisante des grands réseaux et a rappelé que les caisses d'épargne disposaient d'importants avantages concurrentiels.

La Commission a alors rejeté l'amendement de M. Jean-Pierre Brard et a ensuite adopté l'article unique du projet de loi.