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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Adoption d'une résolution portant sur des propositions d'actes communautaires (p. 10767).

2. Rappel au règlement (p. 10767).

MM. Maxime Gremetz, le président.

3. Conseil national des communes « Compagnon de la L ibération ». Discussion d'un projet de loi (p. 10767).

M. le président.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10771)

MM. Jacques Baumel, Maxime Gremetz, Mme Jacqueline Lazard,

MM. François Goulard, Michel Grégoire, Maurice Ligot.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'Etat.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10775)

Article 1er . - Adoption (p. 10775)

Article 2 (p. 10775)

Amendement no 1 de la commission des affaires culturelles :

Mme le rapporteur, M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 10775)

Amendement no 2 de la commission : Mme le rapporteur,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Articles 4 à 9. - Adoption (p. 10776)

Article 10 (p. 10776)

Amendement no 3 de la commission : Mme le rapporteur,

M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Ce texte devient l'article 10.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10776)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

4. Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 10776).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10778)

MM. François Goulard, Claude Evin, Patrick Delnatte.

Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption (p. 10779)

M. le secrétaire d'Etat.

5. Charte sociale européenne. - Protocole additionnel sur les réclamations collectives. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, de deux projets de loi (p. 10780).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Paul Dhaille, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (p. 10783)

MM. François Goulard, Claude Evin, Patrick Delnatte.

Clôture de la discussion générale commune.

Charte sociale européenne Article unique. - Adoption (p. 10784)

Protocole additionnel sur les réclamations collectives Article unique. - Adoption (p. 10784)

6. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 10784).

7. Dépôt d'un rapport (p. 10785).

8. Dépôt de rapports d'information (p. 10785).

9. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10785).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1 ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION

PORTANT SUR DES PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le président.

J'informe l'Assemblée, qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël (COM [1998] 457 final/no E 1147), adoptée par la commission des affaires étrangères, est considérée comme définitive.

2 RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz.

Les députés communistes condamnent les frappes militaires américaines contre l'Irak, décidées en violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.

M. le président.

Monsieur Gremetz, votre déclaration ne relève pas d'un rappel au règlement !

M. Maxime Gremetz.

Si, monsieur le président !

M. le président.

Je vous demande d'être bref.

M. Maxime Gremetz.

Les premières victimes seront les populations civiles, déjà atteintes par un embargo qui n'a que trop duré. Que Saddam Hussein sacrifie son propre peuple pour renforcer un régime disctatorial ne saurait justifier l'attitude américaine qui n'est d'ailleurs pas exempte de considérations de politique intérieure.

Comment pourrions-nous ne pas en parler à l'Assemblée nationale ? La paix dans le monde est gravement ménacée par la volonté hégémonique des Etats-Unis qui considèrent l'ONU comme un instrument de leur politique.

Tout recours à la force doit être banni. Les autorités françaises doivent, selon nous, intervenir d'urgence...

M. le président.

Concluez, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

... pour que cessent les actions militaires, pour que l'ONU et son secrétaire général fassent appliquer strictement les résolutions du Conseil de sécurité.

M. le président.

Monsieur Gremetz, convenez que votre déclaration n'avait rien à voir avec un rappel au règlement.

3

CONSEIL NATIONAL DES COMMUNES

«

COMPAGNON DE LA LIBÉRATION » Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi créant le Conseil national des communes

« Compagnon de la Libération » (nos 11, 1223).

Mes chers collègues, je suis heureux, au nom de l'Assemblée, de saluer la présence aux côtés de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants du général Simon, chancelier de l'ordre de la Libération.

(Applaudissements.) La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter est un texte important, fort de symboles. L'ordre de la Libération compte assurément au nombre des créations qui symbolisent ce qu'a eu de plus pur et de plus fort l'engagement français dans la Seconde Guerre mondiale.

Voulu et créé par le général de Gaulle, l'ordre de la Libération est à lui seul une mémoire de la Libération. Il s'agit donc de trouver un moyen qui lui permette de survivre à la disparition - hélas ! - de son dernier membre.

Dès la création de la France libre, le général de Gaulle a souhaité récompenser d'une manière tout à fait exceptionnelle le dévouement de ceux qui, peu nombreux au départ, avaient accepté de tout risquer pour participer à une aventure dont on ignorait quel serait son aboutissement. Il disait : « Notre entreprise est hérissée de difficultés. Les Français seront lents à nous rallier... Je suis décidé à créer un insigne nouveau face à l'imprévisible conjoncture. Il récompensera ceux des nôtres qui se seront signalés dans cette haute et âpre campagne... ».

L'ordre de la Libération a été créé dès novembre 1940, à Brazzaville, avec l'aide de René Cassin, le plus éminent juriste de la France libre. Les premiers compagnons furent nommés en janvier 1941. Le ruban est de deux couleurs : le noir du deuil et le vert de l'espérance.


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Le général de Gaulle accordait une extrême importance à cet ordre original, ce dont témoigne l'extrême rapidité avec laquelle il a été créé. Le cadre de son attribution était ainsi défini : « Récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l'oeuvre de la libération de la France et de son empire ».

Seront décernées 1036 croix à des civils et des militaires, jusqu'au 23 janvier 1946, date de cessation d'attribution de cette très haute distinction, dont les conditions d'obtention étaient très rigoureuses. Parmi eux, 238 furent nommés à titre posthume et 105 sont morts pour la France alors qu'ils étaient déjà Compagnons de la Libération.

La croix a été attribuée à quatre villes, Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, à l'île de Sein, ainsi qu'à dix-huit unités combattantes appartenant aux trois armées : dix unités de l'armée de terre, trois de la marine et cinq unités de l'armée de l'Air, dont le groupe Normandie-Niémen, les groupes Lorraine, Alsace et Ile-deFrance.

L'ordre de la Libération fait ainsi partie intégrante du patrimoine historique de la nation, dont il incarne une page exaltante au service de la patrie, de son indépendance et de ses libertés.

Cet ordre, que le général de Gaulle a défini comme

« cette chevalerie exceptionnelle créée au moment le plus grave de l'histoire de France, fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte », s'éteindra avec le dernier compagnon.

Une place vide attend celui-ci dans la crypte du MontValérien, haut lieu de la Résistance, dans le caveau numéro 9. Il existe 16 autres caveaux dans lesquels reposent 16 corps, symboles de la déportation, de la Résistance, de la France libre. Le tympan de la crypte porte cette inscription : « Nous sommes ici pour témoigner devant l'histoire que de 1939 à 1945 ses fils ont lutté pour que la France vive libre. »

André Malraux a donné cette définition : « L'ordre de la Libération n'est par formé d'hommes qui se sont séparés des autres par leur courage, mais bien d'hommes à qui leur courage a donné la chance de représenter tous ceux qui, le cas échéant, n'avaient pas été moins courageux qu'eux. Il n'est pas une hiérarchie dans la libération, il est le symbole de la libération. »

Pour toutes ces raisons, il n'est pas permis, mesdames, messieurs les députés, d'imaginer que cette page de notre histoire puisse s'évanouir dans l'oubli. Car alors se trouverait démenti le voeu solennel du général de Gaulle :

« Que leur gloire soit à jamais compagne de notre espérance. »

Il fallait donc trouver une formule qui pût permettre la pérennisation morale de l'ordre, en anticipant l'époque où le dernier survivant nous quitterait.

Dans ce but, il est proposé la création d'un établissement public national à caractère administratif, dénommé Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », établissement appelé à prendre la succession de l'ordre.

Placé sous la tutelle du garde des sceaux, ce Conseil devra non seulement assurer la continuité des traditions de l'ordre de la Libération et porter témoignage de cet ordre devant les générations futures, mais aussi mettre en oeuvre toutes les initiatives qu'il juge utiles, dans les domaines pédagogiques, muséographique ou culturel, en vue de conserver la mémoire de l'ordre de la Libération et de ses membres.

Il aura également pour mission de veiller sur le musée de l'ordre de la Libération, d'organiser, en liaison avec les autorités officielles, les cérémonies commémoratives de l'appel du 18 juin et de la mort du général de Gaulle et de participer à l'aide morale et matérielle aux veuves et aux enfants des Compagnons de la Libération.

Le texte précise également les règles relatives à la composition et au fonctionnement du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » et de son conseil d'administration. Le Conseil national se composera, outre les personnes physiques titulaires de la croix de la Libération, de chacun des maires en exercice des communes « Compagnon de la Libération », qui présideront à tour de rôle cet organisme, conjointement avec un délégué nommé par le Chef de l'Etat après avis des membres du Conseil. Le Conseil fixera les orientations de l'établissement public, arrêtera les programmes, votera son budget et approuvera les comptes.

Le texte prévoit enfin les règles concernant la période transitoire entre le conseil de l'ordre de la Libération et le nouveau Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ». Il précise que le délégué national doit présider la commission de la médaille de la Résistance française. Le Conseil national assurera le service de cette décoration, créée en février 1943 par le général de Gaulle pour récompenser « les actes remarquables de foi et de courage » accomplis dans la lutte contre l'occupant.

Ainsi le Gouvernement, en présentant ce projet de loi, permet le maintien de l'esprit de résistance qui a animé le fondateur de l'ordre de la Libération et ceux qui furent ses compagnons.

Je ne doute pas du résultat de nos débats, ni du vote positif que l'Assemblée nationale émettra dans un instant sur ce projet de loi consacré à un événement important de notre histoire : la préservation de la mémoire de l'ordre national de la Libération, des Compagnons de la Libération, de l'oeuvre du général de Gaulle et de l'oeuvre de la France pour sa propre libération.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, général chancelier de l'ordre de la Libération, chers collègues, le présent projet de loi est le résultat d'une réflexion engagée depuis plusieurs années déjà par les Compagnons de la Libération légitimement inquiets pour la pérennité de leur ordre. Dès avril 1996, la chancellerie de l'ordre a communiqué un avant-projet de loi au ministre délégué a ux anciens combattants et victimes de guerre de l'époque, M. Pasquini, qui a bien voulu accepter, à la demande du Président de la République, de mener à terme la présentation du projet de loi. Un projet de loi a ainsi été établi en novembre 1996 et déposé, au nom de M. Alain Juppé, Premier ministre, par MM. Pierre Pasquini et Jacques Toubon, garde des sceaux et ministre de la justice, à l'Assemblée nationale le 16 avril 1997. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, le nouveau gouvernement de M. Lionel Jospin a souhaité redéposer ce même texte en l'état, ce qui a été fait le 19 juin 1997.

De par son parcours, le présent projet de loi présente donc une caractéristique politique notable : il a été déposé à deux reprises à l'Assemblée nationale dans les mêmes termes par le précédent et l'actuel gouvernements,


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ce qui témoigne du consensus fort qui existe pour faire aboutir un projet devant permettre d'assurer la pérennité des traditions et des valeurs de l'ordre de la Libération.

Au-delà des clivages politiques du moment, ce texte répond à un souci qui doit rassembler tous les républicains souhaitant ne pas oublier les sacrifices que certains hommes et certaines femmes ont consentis, à partir de 1940, pour libérer la France de ses occupants.

Avant d'en venir aux dispositions du projet, je souhaiterais faire un bref rappel historique sur cet ordre très particulier qu'est l'ordre de la Libération.

L'Appel du 18 juin, qui visait à obtenir le ralliement de toutes les valeurs et de toutes les énergies françaises, annonce la création de l'ordre de la Libération. Dès juin 1940, il apparut en effet au chef de la France libre qu'il convenait de récompenser d'une manière tout à fait originale le dévouement de ceux qui, bien peu nombreux au départ - environ un millier le 14 juillet 1940 avaient accepté de tout risquer pour participer à une aventure dont chacun ignorait en 1940 l'aboutissement.

Le souhait du général de Gaulle devait se réaliser rapidement, puisque, le 16 novembre 1940, à Brazzaville, capitale du Congo et de l'Afrique équatoriale française, ralliée à la France libre, il signait l'ordonnance no 7 créant l'ordre de la Libération. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance, « l'insigne unique de cet ordre est la croix de la Libération ». Selon l'article 3, « l'admission dans l'ordre de la Libération est prononcée par le chef des Français libres ».

Il est intéressant de noter que, dans les premiers projets élaborés, l'ordre devait s'appeler l'ordre de la délivrance ; ses membres auraient ainsi pris le titre de « croisés de la délivrance ». Cette appellation de « croisés » témoigne bien de l'idée qui se trouvait à l'origine de l'ordre : celle d'une nouvelle chevalerie regroupant les serviteurs d'une cause et d'un idéal.

Rapidement, le terme de « croisés » apparut cependant quelque peu emphatique et le professeur René Cassin ets es collaborateurs le remplacèrent par le terme de

« compagnon ». Dans le même temps où se décidait l'appellation définitive du titulaire de la décoration, l'insigne de l'ordre était conçu, dessiné et réalisé.

Comme l'a rappelé le secrétaire d'Etat, les couleurs du ruban ont été choisies de façon symbolique : le noir, exprimant le deuil de la France opprimée par les envahisseurs, le vert, exprimant l'espérance.

J'en viens aux caractéristiques de cet ordre, le deuxième ordre national après celui de la Légion d'honneur.

L'aspect premier de l'ordre de la Libération est élitaire.

Le 3 décembre 1945, alors qu'on lui suggérait d'allonger la liste des titulaires, le général de Gaulle déclara : « On me propose des candidats qui, bien que très dignes et vaillants combattants, ne répondent pas aux conditions tout à fait exceptionnelles qui justifient l'accession dans l'ordre. »

Le deuxième caractère de l'ordre est de n'être pas, comme la Croix de guerre, exclusivement militaire. Il accueille aussi des civils. Mais l'ordre est aussi égalitaire : il ne saurait y avoir de hiérarchie entre les titulaires. Il n'admet qu'une personnalité au-dessus des autres : celle du fondateur-initiateur.

Le recrutement est limité dans le temps et les critères d'admission nécessairement stricts. Aucun critère d'âge, de sexe, de grade, d'origine, ni même de nationalité, n'est exigé. Ne comptent que la valeur et la qualité des services rendus. Lorsque, le 23 janvier 1946, est signé le décret portant qu'à cette date il ne sera plus procédé à l'attribution de la croix de la Libération, le nombre des compagnons s'élevait à 1 036 dont 238 reçurent l'insigne à titre posthume.

Il faut distinguer trois catégories de compagnons : les personnes physiques qui représentent les compagnons auxquels l'opinion publique se réfère le plus spontanément ; certaines unités combattantes, au nombre de dixhuit ; enfin, cinq villes ou communes qui ont consenti des sacrifices tels en faveur de la Libération qu'elles devaient en être récompensées de manière spécifique. Les p remières villes compagnons furent Nantes, dès le 11 novembre 1941, puis Grenoble, en mai 1944 ; s'y sont par la suite ajoutés Vassieux-en-Vercors, Paris et l'île de Sein.

A propos de Nantes - et j'en suis fière car c'est ma ville -, le décret fait à Londres le 11 novembre 1941 évoque « une ville héroïque qui, depuis le crime de la capitulation, a opposé une résistance acharnée à toute forme de collaboration avec l'ennemi et [...] a donné aux Français, par de nombreuses actions individuelles et collectives, un magnifique exemple de courage et de fidélité ».

Selon le décret fait à Alger, le 4 mai 1944, la ville de Grenoble a « [bravé] les interdictions formulées par l'envahisseur et ses complices, et a manifesté le 11 novembre 1943 sa certitude de la victoire et sa volonté d'y prendre part [...] ».

Quant à la ville de Paris, elle est restée, selon le décret du 24 mars 1945, une « capitale fidèle à elle-même et à la France, [qui] a manifesté, sous l'occupation et l'oppression ennemies, et en dépit des voix d'abandon et de trahison, sa résolution inébranlable de combattre et de vaincre [...] ».

La petite commune de Vassieux-en-Vercors a été récompensée pour s'être totalement sacrifiée pour la cause de la Résistance française en 1944. Principal centre de parachutage pour l'aviation alliée sur le plateau du Vercors, elle a notamment aidé les militaires du maquis dans des opérations de ramassage des armes. Très violemment bombardé les 14, 21 et 22 juillet 1944, le village a compté 72 morts parmi ses habitants et la totalité de ses maisons a été brûlée.

Selon le décret du 1er janvier 1946, l'île de Sein a mérité d'être décorée car elle « a envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France libre, devenant ainsi l'exemple et le symbole de la Bretagne tout entière ».

Je souhaiterais à présent évoquer les activités et la situation actuelle de cet ordre, qui reste encore trop méconnu.

L'ordonnance du 10 août 1945 portant organisation de l'ordre de la Libération a doté l'ordre de la personnalité morale et de l'autonomie financière, ce qui se traduit notamment par l'existence d'un budget annexe au ministère de la justice, qui assure la tutelle de l'ordre. Dans la loi de finances pour 1999, la subvention attribuée à l'ordre s'est élevée à plus de 5 millions de francs.

Le premier personnage de l'ordre est son chancelier, qui est dépositaire du sceau de l'ordre et seul qualifié pour le représenter. Depuis 1978, le général d'armée Jean Simon, compagnon lui-même, et présent avec nous aujourd'hui, occupe cette fonction. Il est choisi par le conseil en son sein et proposé à la ratification du Président de la République. La nomination est alors officialisée par décret. C'est le chancelier qui assure l'administra-


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tion de l'ordre, qui comprend treize personnes, du Musée de l'ordre, ainsi que celle des services des médaillés de la Résistance.

On peut relever la diversité des activités menées par l'ordre. Il est d'abord chargé de l'organisation de cérémonies commémoratives : c'est l'ordre qui doit en effet coordonner les manifestations du 18 Juin et veiller à son bon déroulement selon le plan fixé par le général de Gaulle.

Il assure ensuite la préservation et la gestion du musée.

Rappelons que le musée de l'ordre de la Libération a été créé par M. Hettier de Boislambert, chancelier de l'ordre, et par son épouse en 1970. Il a la forme juridique d'une association loi de 1901 et possède ses propres statuts.

Plus de 170 vitrines retracent la mémoire des compagnons, des médaillés de la Résistance extérieure et de la Résistance intérieure. Le premier étage est consacré à la déportation. On ne compte pas moins de 3 400 pièces de musée, dont certaines sont uniques, comme le manuscrit de l'Appel à tous les Français ou les vêtements personnels de Jean Moulin. Notons que le musée de l'ordre de la Libération reçoit en moyenne 400 visiteurs par jour.

La médaille de la Résistance fait également partie des attributions de l'ordre. La Commission nationale de la médaille de la Résistance, créée par une ordonnance du 10 août 1945, est placée sous la présidence du chancelier de l'ordre de la Libération. Instituée à Londres le 9 février 1943 par une ordonnance du général de Gaulle, la médaille de la Résistance a été attribuée à 42 902 per-s onnes, dont 19 000 à titre posthume, à dix-huit communes et au territoire de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'à dix-sept autres entités - des régiments, des navires de guerre, deux communautés religieuses et un lycée.

Sur le mécanisme institutionnel proposé pour assurer une permanence à l'ordre, je ne ferai pas de grands développements, dans la mesure où le projet vient d'être présenté de manière très complète par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Le système proposé repose, comme cela a été dit, sur u n conseil national regroupant les cinq communes compagnons.

Le fait que la tutelle, celle du ministère de la justice, reste identique permettra de pérenniser la valeur symbolique d'une décoration. Il faut insister sur le fait que l'ordre de la Libération lui-même n'est pas dissous par le projet de loi. Seul le Conseil de l'ordre est formellement appelé à disparaître, selon l'article 1er

J'ai proposé d'amender quelque peu l'article 2 qui définit les tâches qui reviendront à la nouvelle instance. La commission a adopté sur ma proposition un amendement. Aux termes du présent projet, la loi entrera en application lorsque le chancelier de l'ordre constatera que moins de quinze titulaires de la croix de la Libération, p ersonnes physiques, subsistent. Cela signifie qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi, on comptera quatorze titulaires. Il n'est pas souhaitable de sembler exclure les compagnons survivants de la mission d'aide morale et matérielle incombant au futur Conseil national des communes Compagnon de la Libération. Le conseil doit pouvoir venir en aide directement aux compagnons survivants, et non pas uniquement à leurs familles. Il convient de combler cet oubli en prévoyant explicitement que l'assistance s'adressera également, comme dans la situation actuelle, aux titulaires de la croix de la Libération eux-mêmes. De même, les médaillés de la Résistance, qui bénéficient actuellement du secours de l'ordre de la Libération, ne doivent pas être oubliés par le présent projet.

M. le président.

Votre temps de parole est écoulé, madame le rapporteur.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Je ne savais pas qu'il était limité, monsieur le président.

M. le président.

Malheureusement si, et vous étiez inscrite pour dix minutes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Je me dépêche, monsieur le président, le sujet mérite qu'on y attache de l'importance.

Afin d'assurer à ce futur établissement à la fois un caractère technique, symbolique et une caution historique, le Conseil national se composera, aux termes de l'article 3, de trois catégories de membres : un délégué national nommé par décret du chef de l'Etat après avis des autres membres du conseil d'administration ; les maires en exercice des cinq communes Compagnon ; les personnes physiques, enfin, titulaires de la croix de la Libération. Ces dernières étant amenées à disparaître au fil des années, il est clair qu'à plus ou moins long terme le conseil d'administration ne comportera plus que six membres : les cinq élus et le délégué national.

La commission a adopté sur ma proposition un amendement de clarification. En effet, dans l'esprit des concepteurs de la loi, le délégué national pourra, comme c'est actuellement le cas du chancelier de l'ordre de la Libération, être renouvelé plusieurs fois dans ses fonctions.

Comme ce n'est pas indiqué de façon explicite, je propose donc de rajouter l'expression : « mandat de quatre ans renouvelable plusieurs fois ».

Nous avons noté avec intérêt que le projet de loi prévoit l'institution d'un délégué national qui reprendrait notamment les fonctions actuellement dévolues au chancelier de l'ordre de la Libération. Aussi celui-ci présiderat-il de manière continue le Conseil national, tâche qu'il partagera avec l'un des cinq maires de communes Compagnon de la Libération. Ceux-ci exerceront la coprésidence à tour de rôle pour une période d'un an, comme il est prévu dans l'article 4 du projet de loi.

Le rôle du délégué national est précisé dans l'article 6, a un travail de préparation et d'exécution des délibérations du conseil d'administration et une fonction de représentation de l'établissement devant la justice en cas de besoin. En outre, toutes les décisions d'ordre mineur ou relevant de la gestion quotidienne qui ne relèvent pas de la compétence du conseil d'administration, seront de son ressort.

M. le président.

Je vous remercie de bien vouloir conclure, madame le rapporteur.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

J'aurais aimé pouvoir détailler les autres articles, mais je n'allongerai pas les débats.

Nous devons nous féliciter que l'esprit de la Résistance qui a animé les fondateurs de l'ordre de la Libération soit ainsi totalement respecté par le projet. J'aurai l'occasion de reparler de l'article 10, puisque je propose un amendement.

Sous réserve de l'adoption de trois amendements de clarification et d'amélioration, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales propose à l'Assemblée de voter ce texte équilibré qui permettra d'assurer une permanence et une efficacité salutaires pour l'ordre de la Libération.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz.

Très bien !


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M. le président.

Je rappelle que les temps de parole des commissions ont été fixés par la conférence des présidents, et que la présidence se doit de les faire respecter.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Baumel.

M. Jacques Baumel.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le chancelier et cher compagnon, mes chers collègues, le présent projet de loi résulte d'une réflexion engagée déjà depuis plusieurs années par les compagnons de la Libération, légitimement inquiets pour la pérennité de leur ordre.

Dès avril 1996, la Chancellerie avait présenté un avantprojet accepté par le gouvernement précédent, confirmé par le Conseil d'Etat et déposé par M. Pasquini, votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat. Il a été redé posé en l'état par l'actuel gouvernement le 19 juin 1997, ce qui nous vaut l'honneur et l'avantage de l'aborder aujourd'hui.

L'ordre de la Libération n'a d'équivalent dans aucun autre pays au monde. Créé voilà cinquante-huit ans, en novembre 1940, par le général de Gaulle dans la véritable capitale de la France libre, qui était non pas Londres, mais Brazzaville, il représente une des autorités morales les plus reconnues de notre pays. Malheureusement, par la force de choses, le nombre des compagnons de la Libération, avec le temps, se réduit considérablement, puisque cet ordre, contrairement à d'autres, n'est pas renouvelable. Nous ne sommes plus maintenant que 172 ou 174.

Heureusement, nous avons, à côté de nous, des villes Compagnon comme Nantes, Grenoble, Paris, Vassieuxen-Vercors et l'île de Sein.

Je ne me suis d'ailleurs jamais expliqué pourquoi on n'avait pas ajouté Lyon, capitale de la Résistance. L'ordre compte également dix-huit des unités combattantes qui, sur tous les champs de bataille, ont fait flotter le drapeau à croix de Lorraine.

La dissolution juridique de l'ordre, du fait de la disparition de ses membres, n'est ni souhaitable ni souhaitée.

Mais la diminution inexorable des personnes physiques ayant l'honneur d'être décorées de la croix appelle l'établissement d'un nouveau mécanisme juridique garantissant la pérennité et l'effectivité de l'ordre.

C'est pourquoi, après mûre réflexion et en accord avec les différents pouvoirs publics, a été décidée la créatio n d'un Conseil national des communes Compagnon de la Libération, sous forme d'un établissement public national à caractère administratif, chargé de veiller à la sauvegarde de la mémoire collective et de pérenniser l'ordre et son activité sociale, nationale et humaine.

Ce Conseil national, qu'a très bien décrit Mme le rapporteur, sera composé naturellement des cinq maires des cinq villes Compagnon, du délégué national choisi par le chef de l'Etat et par plusieurs personnes physiques, tout au moins tant qu'il en restera quelques-unes.

Il aura à poursuivre les actions menées par l'ordre souss a forme actuelle : l'organisation des manifestations commémoratives en province ou à Paris, notamment la cérémonie célèbre du Mont-Valérien, la préservation de la gestion du musée de la Libération, le contrôle du mémorial du Mont-Valérien où reposeront seize compagnons de la Libération lorsque le dernier compagnon rejoindra ses prédécesseurs. Il aura en outre à veiller au problème de la médaille de la Résistance française, créée plus tard et qui comprend un bien plus grand nombre de titulaires, puisqu'elle a été attribuée à 42 900 personnes, dont 19 000 à titre posthume.

Cet établissement public aura à assurer la continuité des traditions de l'ordre. Il portera témoignage devant les générations futures. Il apportera une aide morale et matérielle aux veuves, aux enfants et aux descendants de ses membres.

Il aura surtout un devoir de mémoire. C'est la raison pour laquelle, au-delà des clivages politiques du moment, ce texte répond au souci de rassembler tous les républicains qui souhaitent ne pas oublier les sacrifices que certains hommes et certaines femmes ont consentis à partir de 1940 pour libérer la France de ses occupants.

Cette page de notre histoire collective ne saurait être négligée, surtout au moment où, malheureusement, les témoins de ces années noires et ceux qui s'y sont illustrés disparaissent progressivement.

Comme l'avait indiqué, dans un texte célèbre, André Malraux, « ces compagnons, aux pires jours de la défaite, n'ont pas perdu confiance à la France. Ils ont repris le combat pour rassurer la France, et non pas former une légion étrangère ». Ils étaient des volontaires, ils ont été des témoins et des acteurs ; et c'est la raison pour laquelle nous devons maintenir notre hommage à ces hommes qui ont témoigné pour notre pays.

Nous avons aujourd'hui ce devoir et je crois que l'Assemblée s'honorera en votant à l'unanimité, dans un large consensus national, le projet tel qu'il nous est présenté. Ainsi seront perpétués la mémoire, le souvenir, l'exemple de tous ceux qui se sont dressés, au nom de la patrie, pour la liberté et pour notre indépendance.

« Ainsi, quand le dernier cercueil du Mont-Valérien sera cloué, ce cercueil du dernier compagnon rejoindra le cercueil du premier compagnon, de celui qui est tombé dès 1940. Ainsi, la croix de Lorraine de Colombey, l'avion écrasé de Leclerc, la grand-mère corse qui cachait tranquillement le revolver de Maillot dans la poche de son tablier, le dernier cheminot fusillé comme otage, la dernière dactylo morte à Ravensbrck pour avoir donné asile à l'un des nôtres, confondront leur ombre avec celle de notre dernier compagnon, et avant que l'éternelle histoire se mêle à l'éternel oubli, l'ombre étroite qui s'allongera lentement sur la France aura encore la forme d'une épée. » Ainsi s'exprimait André Malraux dans des termes

qui n'appartenaient qu'à lui. Ainsi sera rendu l'hommage dû à ceux qui perpétuent le souvenir et qui continuent à respecter l'ordre de la Libération, à tous ceux qui continuent aussi, dans le pays, à respecter ces héros inconnus dont les deux figures symboliques resteront le maréchal Leclerc, tombé dans les sables d'Afrique, et la haute figure de Jean Moulin, dont on reparle aujourd'hui, peutêtre parce que nous célébrerons son centenaire dans quelques mois.

Ainsi, au nom de tous ceux qui se sont donnés pour la patrie, nous pourrons remercier l'Assemblée nationale et, bien entendu, le Sénat, de voter à l'unanimité le projet de loi présenté par le Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le chancelier de l'ordre de la Libération, ce projet de loi, déposé sous la précédente législature et repris par l'actuel gouvernement, a pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

objet d'assurer la pérennité des traditions et des valeurs de l'ordre de la Libération créé par le général de Gaulle.

Il vise également, et c'est extrêmement important, à préserver la mémoire.

Nous apprécions l'objectif de ce texte, qui permettra aux cinq communes Compagnon de la Libération, Paris, Grenoble, Nantes, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein, et aux personnes titulaires de la croix de la Libération, de mettre en oeuvre les initiatives qu'elles jugent utiles dans ce domaine.

Cinq villes, on l'a rappelé, ont été distinguées pour leur participation active à la libération de la France : Paris, qui s'est dressé contre l'occupant ; Grenoble qui a participé à des actions de résistance fortes ; Nantes, qui ao pposé une vive résistance à la collaboration avec l'ennemi ; Vassieux-en-Vercors, connue pour son centre de parachutage et l'île de Sein, qui envoya la totalité de ses hommes au combat.

Malgré la disparition progressive des combattants, la permanence de la mémoire doit être assurée. L'organisation de cérémonies commémoratives et la gestion du musée de l'ordre de la Libération en sont deux exemples.

L'ensemble des organisations d'anciens combattants avaient souhaité, lors de l'examen du budget des anciens combattants, que soient consacrés davantage de moyens à promouvoir des actions de mémoire. Pourriez-vous nous préciser, à ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, à quelles sources de financement il sera fait appel puisque, on le sait, chaque année le budget des anciens combattants, malheureusement, diminue ? Le Conseil national disposera-t-il de moyens suffisants pour que les communes concernées avec les anciens combattants, la jeunesse, les forces vives de la nation puissent faire oeuvre utile dans ce domaine. Il me semble que Paris, par exemple, doit pouvoir participer au développement du musée national de la Résistance situé à Champigny.

En conclusion, le groupe communiste s'associe pleinement à cet hommage rendu aux combattants de la Résistance. Le souvenir de leurs actes ne saurait disparaître avec les personnes qui ont participé à ces actions héroïques dans la diversité de leurs pensées et de leurs origines mais qui avaient pour objectif commun la défense de la France contre l'occupant nazi.

M.

le président.

Merci, monsieur Gremetz, pour votre concision.

La parole est à Mme Jacqueline Lazard.

Mme Jacqueline Lazard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le chancelier, chers collègues, en 1756, après l'un de ces raz-de-marée qui touchent régulièrement l'île de Sein, le gouverneur de Bretagne proposa aux Sénans de s'installer sur le continent moyennant une compensation de quelques écus. Tous refusèrent cette aide à l'exil, témoignant ainsi leur attachement à ce bout de terre entre ciel et mer, et ce sentiment de fierté propre aux îliens.

C'est, paradoxalement, ce même sentiment de fierté et d'attachement qui a guidé les Sénans au mois de juin 1940 à faire le choix de l'exil. Le 22 juin 1940, l'appel lancé quelques jours auparavant par le général de Gaulle est connu des Sénans au moment même où l'armée allemande entre en Finistère.

Immédiatement, après concertation entre les habitants de l'île de Sein, la décision est prise par tous les hommes valides non mobilisés de rejoindre la France libre. Ne restent sur l'île que le curé de Sein et le boulanger. Au total, ce sont 133 hommes qui partent donc. Le plus âgé a cinquante-quatre ans, le plus jeune, Jean-François Guéguen, en a quatorze. Deux jours seulement après qu'ils ont pris la mer, le 24 juin, l'île est sous occupation allemande.

Marins-pêcheurs pour la plupart, les Sénans rejoignent Londres et le général de Gaulle. Ils intègrent alors l'armée de la France libre et en sont, en nombre, les premiers effectifs. L'histoire a retenu cette phrase du général de Gaulle qui s'exclama, alors qu'il passait pour la première fois cet embryon d'armée de reconquête en revue, le 5 juillet 1940 : « Mais l'île de Sein, c'est le quart de la France ! ». D'aucuns assurent même qu'il aurait dit :

« L'île de Sein, c'est la moitié de la France ! ».

Apocryphes ou non, ces mots traduisent la réalité : celle de la seule commune de France qui compte plus de victimes militaires en 1939-1945 qu'en 1914-1918, celle d'une commune par laquelle 3 000 soldats alliés transitèrent entre 1940 et 1944, avant de rejoindre la Résistance intérieure.

C'est cette contribution, à maints égards exceptionnelle, que le général de Gaulle a tenu à reconnaître, en faisant de l'île de Sein l'une des cinq communes Compagnon de la Libération et en venant à deux reprises sur l'île, en 1946, puis en 1960. « Remisez vos stylos, ordonna-t-il aux journalistes qui suivaient cette seconde visite, ici, nous sommes entre nous ».

C'est cette contribution que le projet de loi que nous examinons se propose de reconnaître pour le futur, pour les générations futures. La création de ce Conseil national permettra en effet de pérenniser le souvenir de ces actes individuels et collectifs qui sont autant d'exemples de fidélité aux valeurs de la France et de la République, autant d'exemples de courage mais aussi de simplicité.

Les Sénans exilés ne revendiquent, en effet, nul héroïsme, simplement la reconnaissance d'un devoir naturellement accompli.

Ces exemples, qu'ils soient individuels ou collectifs, ont pour nous tous une vocation pédagogique. L'actualité récente ne doit pas, en effet, nous amener à relâcher la vigilance. La République est une construction de tout instant, un effort quotidien, incessant et interminable.

L'exemple des Sénans, dans ce cadre, revêt toute sa valeur.

Certes, histoire et mémoire peuvent ici éventuellement se heurter. La clarté de l'exemple peut même parfois venir contredire les ombres, les tâtonnements dans lesquelles se déploient souvent, en réalité, les choix et les motivations.

Mais l'histoire et la mémoire ne répondent pas aux mêmes objectifs et il est tout simplement infécond, inutile et même dangereux de rejeter l'impératif de la mémoire au nom de la complexité réelle de l'histoire. Car si l'histoire nous apprend que les alternatives manichéennes sont rarement de notre monde, la mémoire doit aussi s'appuyer et se construire sur des choix clairs et, justement, exemplaires. Le choix des Sénans a le mérite de cette clarté : non pas rester ou partir, mais résister ou subir. Et d'autres, nombreux, ont fait ce choix tout en restant sur notre territoire : je pense ici à tous les Bretons qui rejoignirent, par exemple, le maquis de Saint-Marcel.

C'est pour aider aux choix présents et futurs que les actes simples de ces hommes et de ces femmes doivent être mis en avant, reconnus, et leur souvenir entretenu.

C'est pourquoi, avec les habitants de l'île de Sein et ceux des quatre autres communes désignées Compagnon de la Libération, je me félicite du vote favorable que l'Assemblée ne manquera pas d'émettre à l'issue de cette discussion. (Applaudissements sur tous les bancs.)


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M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mon général, mes chers collègues, le projet de loi créant le Conseil national des communes Compagnon de la Libération obéit à un souci hautement louable de perpétuer l'ordre de la Libération, et, d'emblée, je vous indique que le groupe Démocratie libérale et Indépendants est, évidemment, favorable à son adoption.

L'ordre de la Libération revêt un caractère exceptionnel qui le rend incomparable aux autres ordres. Indissociablement lié à une page à la fois si glorieuse et si sombre de notre histoire, le nombre de ses membres a été définitivement arrêté et ne peut que décroître avec le temps. Après la disparition du dernier titulaire de la croix de la Libération, resteront membres de l'ordre, comme cela a été dit, 18 unités militaires et cinq communes. Je pense comme vous, madame Lazard, tout particulièrement à l'île de Sein.

Il serait évidemment inconcevable que l'ordre ne soit pas perpétué. Son maintien est essentiel si l'on veut que les générations futures gardent le souvenir de ce moment de notre histoire dont la singularité ne doit jamais être oubliée.

Extraordinaire prémonition, en effet, que fut celle du général de Gaulle qui créa l'ordre à Brazzaville, le 16 novembre 1940, pour « récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées d'une manière exceptionelle dans l'oeuvre de la libération de la France et de son empire ».

Le 18 juin 1940, le général de Gaulle ne doutait pas de la victoire finale des alliés. En novembre, malgré les invraisemblables obstacles auxquels la France se heurtait dans les premiers mois de son existence, il crée un ordre pour distinguer ceux qui se seront illustrés dans l'oeuvre de la libération de la France, pour lui inéluctable et comme inscrite dans les grandes données du monde.

Extraordinaire situation que celle des premiers compagnons de la France libre : considérés comme des traitres par le prétendu Etat français, souvent condamnés par contumace par les tribunaux de Vichy, inégalement soutenus par leurs alliés, ils forment alors une faible légion qui apportera pourtant une contribution, sans commune mesure avec leur nombre, à la victoire finale.

Avoir à cette époque la certitude de la voie à suivre, du combat à mener, et le courage de l'entreprendre, révèle, chez ceux qui eurent l'une et l'autre, un caractère hors du commun. Il fallait, en effet, qu'une distinction particulière vint reconnaître leur mérite signalé aux yeux de la patrie et aux yeux de l'histoire.

Cette extraordinaire rencontre de la lutte pour la survie de la patrie et de la lutte pour le droit qui furent engagées contre l'entreprise totalitaire allemande doit absolument rester dans les mémoires et en particulier dans nos mémoires à nous, Français.

Nous devons nous convaincre que la vie d'une nation peut, à tout moment de l'histoire, être menacée. Nous devons nous convaincre que les dirigeants de notre pays n'ont pas le droit d'abdiquer face à une puissance étrangère, que la souveraineté dont ils sont les dépositaires est un bien sacré qu'ils ont le devoir de défendre envers et contre tout.

Après que la souveraineté a été abandonnée, le règne de la force se substitue au règne du droit. Tous les malheurs de la France occupée, toutes les fautes, et tous les crimes de Vichy découlent, en définitive, de ce moment où le choix fut fait d'accepter la loi de l'ennemi, au lieu d'entretenir la flamme de la souveraineté nationale et d'en maintenir le principe.

Si les Compagnons de la Libération méritent cette place si particulière dans notre mémoire, si la France libre mérite cette place si éminente dans notre histoire, c'est en raison de cela. C'est ce message qu'ils ont délivré à la France, je l'espère pour toujours.

Car si un homme d'abord, le général de Gaulle, quelques hommes ensuite, les premiers Compagnons de la Libération ne s'étaient pas dressés dès le premier jour, l'histoire de notre nation n'aurait pas retrouvé son cours.

Sans doute, la France aurait-elle été libérée par la victoire alliée. Sans doute, les Français auraient-ils retrouvé en fin de compte leur liberté. Mais le fil de l'histoire de notre pays aurait été rompu. Les nations, mes chers collègues, supportent mal les éclipses et ce n'est pas la même France qui vivrait, aujourd'hui, en chacun de nous.

Voilà le sens que j'attribue pour ma part à ces grands événements dont l'ordre de la Libération a été créé po ur perpétuer le souvenir et c'est pourquoi je me réjouis profondément de voir son avenir assuré. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Grégoire.

M. Michel Grégoire.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le chancelier, chers collègues, le Conseil national des communes Compagnon de la Libération, qui pérennisera les traditions de l'ordre de la Libération, sera porteur du devoir de mémoire auprès des générations futures.

Je me félicite qu'une telle démarche puisse aboutir par des moyens appropriés dans des domaines pédagogiques, muséographiques, culturels et principalement dans les cinq communes françaises qui portent le titre de Compagnon de la Libération.

Député de la Drôme, j'ai le grave honneur de compter dans ma circonscription la commune de Vassieux-enVercors, haut lieu de la Résistance de tout le Vercors, et où tous les ans d'importantes cérémonies du souvenir se déroulent le 21 juillet.

Le 21 juillet 1944, en effet, les troupes allemandes attaquaient le Vercors dans son ensemble et Vassieux était envahi par les troupes aéroportées nazies qui, après de rudes combats, maîtrisaient le village et le plateau.

De nombreux civils et résistants, tous patriotes, y trouvèrent la mort. Ils reposent pour la plupart d'entre eux dans une nécropole où chaque année, au jour anniversaire de cet événement tragique, des membres de l'Association nationale des pionniers et combattants volontaires du Vercors, les élus, les populations, les familles viennent se recueillir et honorer le sacrifice de tous ces patriotes qui payèrent de leur vie leur attachement à la liberté et leur refus de la servitude.

Le mémorial, site national historique de la Résistance en Vercors inauguré le 21 juillet 1994, doit entretenir le devoir de mémoire lié aux combats sanglants qui ont marqué le Vercors durant la dernière guerre.

Ce site doit servir aux générations à venir, à la fois comme témoin de toutes les résistances, et comme explication des stigmates que porte encore un territoire un demi-siècle après.

C'est en 1987 que d'anciens Résistants, regroupés au sein d'une association nationale, ont interpellé le parc naturel régional du Vercors, afin d'envisager les possibilités techniques et financières permettant de faire revivre les lieux de mémoire, symboles des sacrifices consentis par ceux d'entre les Français qui refusaient l'oppression.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

Le mémorial du col de La Chau au-dessus de Vassieux est l'étape centrale d'un parcours qui incite les visiteurs à découvrir, dans tout le massif, les lieux où se sont déroulés les événements.

Ce parcours présente le mémorial du Vercors, lieu central de découverte du massif et des faits historiques, les sites historiques de la cour des Fusillés à La Chapelle-enVercors, de la grotte de la Luire à Saint-Agnan-enVercors, du village de Valchevrière à Villard-de-Lans.

Les investissements se sont élevés à 26 millions de francs.

Depuis l'ouverture, en 1994, le site a reçu environ 38 000 visiteurs. Ce n'est pas suffisant pour assurer son équilibre et sa survie. Il connaît, en permanence, un déficit. Aussi, au travers de la structure qui va se mettre en place, nous espérons que l'Etat qui, actuellement, n'accorde aucun moyen en fonctionnement au site du mémorial, pourra lui fournir des moyens complémentaires.

Puisque le Conseil va se mettre en place, permettezmoi aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, de saisir l'opportunité de ce débat pour faire part, puisque j'en ai été saisi, de l'idée de l'institution officielle d'une journée nationale de la Résistance à la date symbolique du 27 mai, date anniversaire de la première réunion du Conseil national de la Résistance en 1943.

Cette reconnaissance sera un signe fort pour montrer notre détermination à satisfaire l'objet même de la création du Conseil national des communes Compagnon de la Libération, objet qui nous mobilise aujourd'hui, à savoir conserver la mémoire.

Une journée officielle a pour mission de sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens. Il en existe déjà beaucoup, c'est vrai, mais il n'y en a pas pour la Résistance. Cela susciterait, à n'en pas douter, une multitude d'initiatives : expositions, information dans les écoles, cérémonies, débats. C'est bien ce que nous recherchons. Lors du congrès de l'ANACR à Chambéry, vous vous êtes montrés ouvert à cette réflexion.

Tout doit être fait pour ne pas satisfaire ceux qui voudraient occulter la Résistance au point parfois de s'offusquer de son existence. Il y a une attente forte de la part de ceux qui se reconnaissent dans les valeurs toujours actuelles, plus que jamais, de la Résistance. Ce serait un signe républicain de notre part tant la Résistance symbolise le combat pour la liberté, l'égalité, la fraternité, contre le nazisme.

Comme celle des « Poilus », la voix des résistants, au fil des ans, s'amenuise. N'attendons pas qu'elle n'ait plus d'écho.

Le 80e anniversaire de l'Armistice de 1918 nous a montré combien les Français tiennent à leur histoire et l'importance qu'ils attachent à reconnaître les faits en toute objectivité. Le projet de loi sur lequel nous débattons aujourd'hui va en ce sens. Ils nous appartient de nous tourner vers la jeunesse pour l'informer, la motiver, la préserver et assurer sa formation civique pour la France et ses valeurs.

Merci, mes chers collègues, pour le vote unanime que nous allons apporter à ce projet.

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, monsieur le Chancelier de l'ordre de la Libération, la création de l'ordre de la Libération s'inscrit dans l'histoire contemporaine de notre pays. C'est une date de cette histoire.

Créé par le général de Gaulle au lendemain de l'Appel du 18 juin 1940 par l'ordonnance du 16 novembre 1940, prise à Brazzaville, il est « destiné à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées d'une manière exceptionnelle dans l'oeuvre de la libération de la France et de son empire », notamment ceux qui, les premiers, s'étaient engagés dans le combat pendant cette période difficile et souvent cruelle que fut celle de la Résistance et de la libération de la France.

Pendant des dizaines d'années, nous avons regardé tous ceux qui portaient le ruban noir et vert avec la croix de Lorraine barrée de l'épée avec admiration. Malheureusement nos héros, quelquefois dans nos propres familles, disparaissent avec le temps qui passe.

Qu'allait donc devenir l'ordre, avec l'idéal de résistance qu'il exprime et les missions qui lui incombent ? Comment assurer sa pérennité et sa mission patriotique ? Est ainsi apparue la nécessité de pallier la disparition progressive des titulaires de la croix de la Libération, d'où ce projet de loi qui tend à créer en leur mémoire, et afin de la sauvegarder, un établissement public national à caractère administratif dénommé « Conseil national des communes Compagnon de la Libération » animé par les cinq communes décorées qui, elles, poursuivent leur destinée.

Le projet de loi fait l'objet d'un consensus remarquable de la part de la majorité et de l'opposition. Il a été déposé à deux reprises : en avril 1997 par le gouvernement d'Alain Juppé et en juin 1997 par l'actuel gouvernement.

Ce texte rassemble tous ceux qui sont désireux de ne pas oublier l'audace, l'engagement et les sacrifices de ces hommes et de ces femmes qui ont participé à la Libération de la France.

Succédant au Conseil de l'ordre de la Libération le moment venu, selon l'article 10 du texte, le Conseil national des communes Compagnon de la Libération assurera la pérennité des traditions de l'ordre et portera témoignage de cet ordre devant les générations futures, en liaison avec les unités combattantes titulaires de la croix.

Il protégera le musée de l'Ordre de la Libération et les archives de l'ordre, musée remarquable et archives importantes, qui seront maintenus en leurs lieux dans l'Hôtel national des Invalides. Il organisera, en liaison avec les autorités officielles, les cérémonies commémoratives de l'Appel du 18 Juin au Mont-Valérien et de la mort du général de Gaulle. Il participera à l'aide morale et matérielle des veuves et des enfants des compagnons de la libération. Il assurera le service de la médaille de la Résistance française.

On le voit, ces missions au service de l'esprit de résistance et du patriotisme continueront à être assurées par les communes Compagnon de la Libération et on ne peut que s'en féliciter.

Vous comprendrez donc aisément que le groupe UDF apportera tout son soutien à l'adoption de ce texte qui permettra à nos compatriotes de conserver présents à leur esprit l'honneur et le sacrifice de ceux qui ont participé aux combats historiques de la Résistance et de la libération de notre pays entre 1940 et 1945. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Je veux d'abord adresser des remerciements aux différents intervenants pour la qualité de leurs interventions et l'émotion qui s'en dégageait.

Vous m'avez posé des questions pratiques.

S'agissant du financement, monsieur Gremetz, il y a actuellement un budget annexe. Les dispositions budgétaires seront intégrées demain dans le budget de la justice qui assurera la présence de l'administration sur l'ordre. Les conditions financières du fonctionnement de cet établissement public seront donc assurées.

J'ai bien noté, monsieur Grégoire, la situation des associations qui s'occupent de la mémoire de la Résistance dans le Vercors. Je vous propose de venir me voir au secrétariat d'Etat aux anciens combattants, mais, que ce soit clair, cela ne vaut pas promesse de subvention. (Sourires.) Le texte que vous allez voter, mesdames, messieurs, constitue un élément important d'une politique consacrée au devoir de mémoire. Nous avons en effet le devoir d'informer les jeunes générations de notre histoire, notamment des épreuves que la France a dû surmonter au cours de ce vingtième siècle en particulier au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il faut le faire non pas d'une façon passive pour rappeler l'histoire, mais d'une manière active pour permettre aux jeunes générations de trouver le sens d'un tel engagement fondé sur la défense des valeurs de la République française et de le prendre pour exemple. Les jeunes eux-mêmes devront alors se demander, eux qui vont devoir assurer le destin de la France et de l'Europe de demain, comment, dans leurs responsabilités quotidiennes ou futures, utiliser l'exemple de ces hommes et de ces femmes ayant accepté à un moment donné de leur histoire que leur destin personnel s'efface devant le destin collectif de la France, pour construire leur citoyenneté et assumer la plénitude de leurs responsabilités. C'est le devoir de mémoire que nous devons développer.

C'est rassemblée en tout cas, j'en suis convaincu, que la représentation nationale votera ce texte qui se veut au service des valeurs de la République.

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - En vue de succéder au Conseil de l'Ordre de la Libération, dans les conditions fixées à l'article 10 de la présente loi, il est créé un é tab lissement public national à caractère administratif dénommé Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », placé sous la tutelle du garde des sceaux, ministre de la justice. »

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Le Conseil national des communes "Compagnon de la Libération" a pour mission :

« d'assurer la pérennité des traditions de l'ordre de la Libération et de porter témoignage de cet ordre devant les générations futures, en liaison avec les unités combattantes titulaires de la croix de la Libération ;

« de mettre en oeuvre toutes les initiatives qu'il juge utiles, dans les domaines pédagogique, muséographique ou culturel, en vue de conserver la mémoire de l'ordre de la Libération et de ses membres ;

« de veiller sur le musée de l'ordre de la Libération et de le maintenir, ainsi que les archives de l'ordre, en leurs lieux dans l'Hôtel national des Invalides ; d'organiser, en liaison avec les autorités officielles, les cérémonies commémoratives de l'Appel du 18 juin et de la mort du général de Gaulle ;

« de participer à l'aide morale et matérielle aux veuves et aux enfants des Compagnons de la Libération. »

Mme Clergeau, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Après le mot : "matérielle", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de l'article 2 : "aux Compagnons de la Libération, aux médaillés de la Résistance et à leurs veuves et enfants". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

La loi entrera en application lorsque le chancelier de l'ordre constatera que le Conseil de l'ordre ne peut plus réunir quinze titulaires de la croix de la Libération. Il convient de prévoir aussi que le Conseil doit porter assistance aux Compagnons survivants ainsi qu'aux médaillés de la Résistance, qui bénéficient actuellement du secours de l'ordre de la Libération. Il ne doivent pas être oubliés dans ce projet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

1. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Le conseil d'administration du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » est composé :

« des maires en exercice des cinq communes titulaires de la croix de la Libération : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, Ile de Sein,

« des personnes physiques titulaires de la croix de la Libération,

« d'un délégué national nommé par décret du Président de la République, après avis des autres membres du conseil d'administration, pour un mandat renouvelable de quatre ans. »

Mme Clergeau, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Après le mot : « mandat », rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de l'article 3 : « de quatre ans renouvelable plusieurs fois. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de clarification. En effet, le délégué national pourra, comme c'est le cas actuellement pour le chancelier de l'ordre de la Libération, être renouvelé plusieurs fois dans ses fonctions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement no

2. (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 4, 5, 6, 7, 8 et 9

M. le président.

«Art. 4. - La présidence du Conseil national est assurée conjointement :

« - d'une part, par l'un des maires en exercice des communes titulaires de la croix de la Libération, chacun successivement, pour une durée d'une année,

« - d'autre part, par le délégué national. »

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

« Art. 5. - Le conseil d'administration du Conseil national fixe les orientations de l'établissement public et arrête ses programmes. Il vote son budget et approuve les comptes. » -

(Adopté.)

« Art. 6. - Le délégué national prépare et exécute les délibérations du conseil d'administration, et représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il prend les décisions qui ne relèvent pas de la compétence du conseil d'administration. Il est assisté d'un secrétaire général et de collaborateurs appartenant à des corps de fonctionnaires de l'Etat ou des collectivités locales mis à disposition ou détachés. » -

(Adopté.)

« Art. 7. - Le Conseil national assure le service de la médaille de la Résistance française. Son délégué national préside la commission de la médaille de la Résistance française. » -

(Adopté.)

« Art. 8. - Les ressources du Conseil national comprennent notamment :

« les subventions attribuées par l'Etat et, le cas échéant, par d'autres personnes publiques ;

« les dons et legs. » -

(Adopté.)

« Art. 9. - Le Conseil national est soumis au contrôle administratif et financier de l'Etat. » -

(Adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - Lorsque le chancelier de l'ordre de la Libération aura constaté que le Conseil de l'ordre ne peut plus réunir quinze membres, personnes physiques, un décret du Président de la République fixera la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

« Le chancelier de l'ordre de la Libération prendra alors le titre de délégué national du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » ; il assumera ces nouvelles fonctions pendant la durée restant à courir de son mandat de chancelier.

Mme Clergeau, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 10 :

« La présente loi entre en vigueur lorsque le Conseil de l'ordre ne peut plus réunir quinze membres, personnes physiques. Le chancelier de l'ordre de la Libération en informe le Président de la République.

« Un décret du Président de la République nomme le chancelier de l'ordre de la Libération en exercice délégué national du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » pour la durée restant à courir de son mandat de chancelier. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Il s'agit, sans modifier le sens de cet article, d'en changer la forme pour mieux assurer le passage de l'ancien système au nouveau. La loi entre en vigueur formellement dès que le Conseil de l'ordre ne peut plus réunir quinze membres.

Le chancelier de l'ordre de la Libération, qui constate ce fait, doit en informer immédiatement le chef de l'Etat.

Celui-ci prend alors un décret qui a pour objet de marquer officiellement le changement de titre et de fonction du chancelier, qui deviendra délégué national du Conseil national des communes Compagnon de la Libération.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.

Tous les votes ont été acquis à l'unanimité.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole ? Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président.

A l'unanimité ! (Applaudissements.)

4 C ONVENTION EUROPÉENNE SUR LA RECONNAISSANCE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES Discussion, selon la procédure d'adoption simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (nos 320, 1222).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du règlement.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, depuis la fin de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

Seconde Guerre mondiale, une nouvelle catégorie d'acteurs participe activement aux relations internationales : les organisations internationales non gouvernementales, communément dénommées OING.

A ujourd'hui reconnu par tous, l'engagement des OING dans l'aide au développement, la défense des droits de l'homme ou le secours d'urgence souffre cependant d'une absence de statut juridique.

La charte des Nations unies fait certes référence dans son article 71 à ces organisations privées à but non lucratif, en invitant le Conseil économique et social à les consulter. Cette disposition inspire par ailleurs de nombreuses institutions internationales qui ont formalisé leurs rapports avec les OING, pour en faire dans certains cas de véritables partenaires. Mais ces « statuts consultatifs », s'ils favorisent la concertation et l'exécution de programmes en commun, ne sauraient tenir lieu de statut juridique. Aucune législation internationale ne définit ces organismes, leurs compétences et leur rôle dans les relations internationales.

Le Conseil de l'Europe a entrepris de remédier à cette insuffisance en élaborant la convention du 24 avril 1986 sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales. Ce texte, aujourd'hui soumis à votre ratification, constitue le fondement d'un droit international consacré aux OING.

Il a été signé par la France le 4 juillet 1996, soit dix ans après son entrée en vigueur. Ce délai, qui peut légitimement vous sembler anormalement long, s'explique par les interrogations politiques que la convention a suscitées parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Le Gouvernement pouvait en effet s'interroger sur la définition précise des OING, sur leur représentativité ou les risques liés à la reconnaissance d'organisations peu soucieuses de respecter les principes fondamentaux de la vie internationale, lesquels évoluent, heureusement d'ailleurs.

Ces incertitudes sont sans doute à l'origine du faible nombre de signataires. A ce jour, neuf pays, dont la France, ont signé la convention et sept d'entre eux l'ont ratifiée : la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suisse, la Grèce, le Portugal, l'Autriche et la Slovénie.

La France privilégiait depuis de nombreuses années la définition d'un statut juridique européen des OING. Si la Commission européenne a élaboré un tel projet en 1987, les quinze ne sont pas encore parvenus à s'accorder sur son adoption. Prenant acte de la nécessité de fixer des règles juridiques élémentaires applicables aux OING, le gouvernement français a décidé de participer, conjointement aux travaux de l'Union européenne, à ceux du Conseil de l'Europe, car les deux approches ne sont pas incompatibles : le Conseil de l'Europe est l'enceinte où s'élaborent les principaux traités fondant l'organisation démocratique des Etats européens, tandis que l'Union européenne définit les règles positives dans lesquelles s'inscrivent les acteurs d'une communauté économique, sociale, culturelle et, désormais, politique. Or nous sommes convaincus que le développement de la vie associative est à la fois un facteur positif de la vie économique et sociale, et une condition fondamentale de l'enracinement de la démocratie.

Si la liberté associative est reconnue dans toutes les constitutions des Etats européens, elle n'est pas toujours garantie dans des conditions satisfaisantes. Les associations et fondations françaises qui établissent des relations de partenariat avec les institutions publiques ou privées de nos voisins européens se heurtent parfois à des restrictions ou oeuvrent dans des situations précaires.

En ratifiant la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des OING, la France étendra la capacité juridique dont bénéficient les organisations privées à but non lucratif implantées dans notre pays et leur apportera une plus grande sécurité. Ce texte prévoit en effet que les OING créées dans un Etat contractant, et dotées d'une certaine stature, pourront, sans formalité supplémentaire, exercer au sein d'un autre pays contractant l'ensemble des droits attachés à la personnalité juridique dont elles jouissent dans leur Etat d'origine.

De telles dispositions ne constituent en aucun cas une innovation pour le droit français. Celui-ci admet déjà que les associations étrangères puissent acquérir des biens, ester en justice ou effectuer des transactions sans formalité préalable, et, depuis 1981, leur reconnaissance n'est plus soumise à un régime d'autorisation.

Des préoccupations ont néanmoins été exprimées lors de l'examen de ce texte, qui touchent en particulier au risque de détournement de la convention par des organismes illicites.

Les sept Etats parties n'ont connu, après plusieurs années d'application de ces dispositions, aucun déferlement de sectes religieuses, de mafias ou de mouvements politiques subversifs, directement expliqué par leur adhésion à cette convention. Nous savons que ce type d'activités n'a malheureusement pas besoin d'un statut juridique associatif pour se concrétiser. Parallèlement, les Européens n'ont cessé de développer une importante collaboration policière et judiciaire pour lutter contre ces subversions.

J'insiste en outre sur les fortes sauvegardes contenues dans la convention en matière d'ordre public et sur la pleine application du principe fondamental de la territorialité de l'impôt qui interdit un détournement de notre fiscalité. La déclaration interprétative qui sera déposée à Strasbourg par le Gouvernement avec les instruments de ratification, comme la convention l'y autorise, est à cet égard dénuée de toute ambiguïté.

C'est donc avec sérénité que je puis vous assurer que cet accord ne favorise en rien les entreprises illicites qui chercheraient à se camoufler sous l'appelation d'OING.

Les réticences de la France à ratifier sont, semble-t-il, en partie responsables du faible nombre de signatures enregistrées jusqu'à présent. L'engagement français devrait donc relancer le processus d'adhésion.

A l'initiative de la France, le Conseil de l'Europe a organisé, les 9 et 10 février 1998, un séminaire consacré à l'application de cette convention. Cet échange a permis de constater que les pays signataires n'avaient jusqu'à présent rencontré aucune difficulté dans sa mise en oeuvre. La France a alors annoncé que la procédure de ratification parlementaire était en cours. Je veux croire que cette information a commencé à porter ses fruits : le 28 mars dernier, Chypre est devenu le neuvième Etat signataire de la convention et le Luxembourg serait sur le point d'y adhérer également.

Mesdames, messieurs les députés, M. Alain Juppé, alors Premier ministre, s'était engagé le 16 janvier 1996, devant le Conseil national de la vie associative, à ce que la convention européenne du 24 avril 1986 puisse être ratifiée rapidement par la France. Le Gouvernement de M. Lionel Jospin a décidé de respecter cet engagement et vous demande d'approuver aujourd'hui le projet de loi qui vous est soumis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales, convention qui fait l'objet du projet de loi soumis à votre approbation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, ce texte traduit l'évolution de la vie associative tant il est vrai que l'une des caractéristiques de la vie associative contemporaine tient à son internationalisation : de nombreuses organisations internationales non gouvernementales opèrent dans les domaines de la coopération et de l'aide humanitaire et agissent fréquemment hors des pays où se situe leur siège.

C'est en 1981 que le comité des ministres du Conseil de l'Europe s'est préoccupé du vide juridique qui affectait les relations de ces organisations avec les Etats et les institutions intergouvernementales. Un comité d'expert a été alors mis en place pour « élaborer un instrument juridique approprié portant sur l'obtention, la perte de la reconnaissance juridique et le transfert de siège des organisations et fondations privées ayant un but international non lucratif ».

La France fut partie prenante à la négociation qui donnera lieu, le 24 avril 1986, à l'adoption de la convention sur la reconnaissance de la personnalité juridique des OING, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 1991.

Notre pays ne l'a cependant signée que le 4 juillet 1996.

Il reste à la ratifier.

Un délai supérieur à dix ans entre le moment de la signature et celui de la ratification de cette convention pourrait sembler a priori très long, mais il tient en réalité à plusieurs difficultés.

Tout d'abord, les délais sont habituellement longs tant pour la signature que pour la ratification de conventions internationales. En l'occurrence, chaque Etat a élaboré une déclaration interprétative, et c'est ce qui a ralenti les procédures. La convention va d'ailleurs devoir être amendée par un protocole additionnel reprenant la plupart de ces déclarations.

Par ailleurs, la longueur des délais illustre également le souci des autorités françaises de s'assurer du respect de l'ordre public par les OING étrangères et de leur volonté d'assurer la régularité, au regard du droit fiscal, des opérations de levée de fonds.

J'en viens aux dispositions essentielles de la convention.

Seront concernées par la convention les associations, fondations et institutions de nature privée ayant été créées par un acte relevant du droit interne et exerçant une activité effective dans au moins deux Etats, sans que l'un de ces Etats soit obligatoirement membre du Conseil de l'Europe. Il faut, en revanche, que le siège de l'organisation soit situé dans un Etat signataire.

Dès lors qu'une OING entrera dans le champ d'application de la convention, elle se verra reconnaître par l'ensemble des pays signataires une personnalité et une capacité juridiques identiques à celles qui sont les siennes dans l'Etat partie où se situe son siège.

En ce qui concerne les limites applicables en droit français à l'exercice des activités d'une association ayant son siège à l'étranger, la déclaration interprétative rappel lera que, conformément à la tradition française, les lois relatives à la police, à la sécurité et à la procédure revêtent le caractère « d'intérêt public essentiel ».

De même, les autorités françaises pourront, à l'occasion d'une demande de libéralités ou de subventions, refuser d'appliquer la convention à une OING en fonction de l'appréciation qu'elles porteront sur le caractère d'utilité internationale. Ainsi, la France pourra se prémunir contre l'installation d'associations douteuses ou, il faut bien le dire, de sectes.

En revanche, le régime fiscal qui sera applicable aux organisations sera le régime français, conformément au principe de territorialité. Cela dit, l'application d'un tel régime, jugé restrictif, risque de décourager l'installation d'OING sur notre sol.

Quelle est la portée de la convention sur le développement des OING ? Le nombre des OING originaires des sept pays signataires est difficile à chiffrer. Il est évalué à environ 65 000 en Europe, et on peut noter que les principaux domaines d'intervention des OING sont pour l'aide au développement et l'assistance humanitaire.

S'agissant des OING françaises, l'entrée en vigueur de la convention aura sur elles des effets bénéfiques, D'ailleurs le Conseil national de la vie associative a maintes fois recommandé la ratification de ce texte.

Les OING françaises bénéficieront en effet d'une meilleure protection juridique dans les pays signataires, notamment dans le cadre d'une concurrence croissante avec leurs homologues européennes, voire avec leurs propres filiales, puisque des filiales créées dans un pays européen peuvent venir concurrencer la maison mère.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Hélas !

M. Patrick Delnatte.

rapporteur.

La convention récuse en effet les systèmes d'autorisation gouvernementale.

Enfin, il est possible que la ratification de la convention permette d'accroître le rôle des OING françaises sur la scène internationale, lesquelles sont trop effacées par rapport aux OING anglo-saxonnes, en particulier dans le domaine des droits de l'homme.

Dés lors, plusieurs arguments militent en faveur de la ratification par la France de la convention du Conseil de l'Europe sur la reconnaissance de la personnalité juridique des OING : elle comble un vide juridique en définissant des relations des Etats signataires avec les OING ; elle laisse un large pouvoir d'appréciation aux Etats signataires pour éviter que la convention ne soit détournée de ses buts ; elle offre aux OING françaises de nouvelles possibilités de développement dans les pays membres du Conseil de l'Europe ; enfin, la France, patrie des premières OING d'aide humanitaire d'urgence et du droit d'ingérence humanitaire, doit pouvoir bénéficier de cette convention, à la négociation de laquelle elle a participé.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je ne peux pas vous applaudir, mais je le regrette !

M. Patrick Delnatte, rapporteur.

La commission recommande donc à l'Assemblée d'approuver ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Nous examinons un projet de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

loi, précédemment adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des associations internationales non gouvernementales.

Permettez-moi d'abord de saluer le travail, à la fois complet et synthétique, accompli par notre rapporteur, M. Patrick Delnatte, travail qui éclaire parfaitement la teneur, la portée et les limites de cet accord international.

Il s'agit en réalité d'une étape dans l'élaboration progressive du droit international, étape modeste sans doute, mais qui ne doit pas être tenue pour totalement négligeable.

Les organisations internationales non gouvernementales existent en droit international. Elles font l'objet d'une mention explicite dans la charte des Nations unies - à l'article 71, je crois.

Au reste, elles ont une existence bien réelle et de plus en plus affirmée dans la vie internationale, et le rôle de nombre d'entre elles dans la défense des droits de l'homme ou dans l'assistance aux populations les plus démunies leur confère une véritable autorité morale.

Il est donc heureux qu'au sein des pays du Conseil de l'Europe - ce qui est évidemment une limite géographique - un progrès soit accompli dans la reconnaissance des OING.

Le texte instaure une sorte d'extension de reconnaissance dans tous les Etats parties à la convention dès lors que la personnalité et la capacité juridiques d'une OING lui ont été reconnues dans un des Etats signataires de la convention.

Toutefois, selon le deuxième alinéa de l'article 2 de la convention, un pays peut appliquer à des OING dont le siège se situe dans un autre pays, les restrictions prévues pour l'exercice des droits découlant de la capacité juridique, lorsqu'elles obéissent à un intérêt public essentiel.

Une telle stipulation est conforme aux usages du droit international. Notre législation nationale, fort libérale d'ailleurs - et heureusement -, trouvera ainsi à s'appliquer.

Comme le rapporteur, j'appelle l'attention du Gouvernement sur les éventuelles difficultés qui pourraient résulter de l'application de notre législation fiscale. Certes, elle a été récemment clarifiée en ce qui concerne les associations, mais elle est toujours assez délicate à mettre en oeuvre s'agissant d'organisations internationales.

Quoi qu'il en soit, le groupe Démocratie libérale et Indépendants, particulièrement soucieux de voir se développer et s'imposer le droit international - comme il l'a d'ailleurs manifesté à propos du traité signé à Rome et relatif à la création d'une cour pénale internationale votera ce projet de loi.

M. le président.

La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin.

Je ne commenterai pas davantage ce projet excellemment présenté tant par M. le secrétaire d'Etat que par M. le rapporteur. L'unanimité se réalisera sans doute pour souhaiter que cette convention internationale puisse être adoptée tant elle est attendue, et même si elle est insuffisante, par les organisations non gouvernementales concernées.

Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'engagement français devrait permettre de relancer le processus d'adhésion. A cet égard, je voudrais souligner, en tant que représentant de l'Assemblée à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe - et j'aurai d'ailleurs l'occasion de le répéter lors de la discussion du texte relatif à la charte sociale européenne -, combien les autres pays membres du Conseil de l'Europe sont attentifs aux décisions de la France, quant à la signature et à la ratification des textes qui touchent à des valeurs et à des principes fondamentaux.

Pour le présent texte, nous avons peut-être tardé, mais il y avait des raisons. L'essentiel est que, maintenant, cette convention puisse être adoptée le plus rapidement possible tant elle répond à des préoccupations exprimées par les organisations.

La ratification de la convention confirmera l'appellation « organisation internationale non gouvernementale ».

On peut peut-être regretter que l'expression « organisation de solidarité internationale », déjà communément utilisée dans le cadre des Nations unies, n'ait pas été retenue, car elle traduit mieux le sens de l'action et de l'engagement de ces associations sur le terrain. Il suffit d'ailleurs de se reporter à la liste citée en annexe du rapport de M. Delnatte pour mesurer combien ces associations interviennent dans le domaine de la solidarité internationale.

Je profite de l'occasion pour dire que le statut du volontariat, qui correspond aussi à une des attentes des associations, devrait venir le plus rapidement possible en discussion devant notre assemblée. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est l'une de vos préoccupations. Je crois aussi savoir que le Gouvernement a « bouclé » à ce sujet un projet, qui devra faire l'objet d'un certain nombre de consultations dans les semaines à venir avant de pouvoir être adopté en conseil des ministres. Toutes celles et tous ceux qui, dans cette assemblée, sont attachés à l'action de ces organisations de solidarité internationale souhaitent que ce texte vienne en discussion le plus rapidement possible, même si l'ordre du jour de nos travaux est particulièrement chargé.

Mes chers collègues, l'action des organisations qui interviennent chaque jour sur le terrain pour manifester la solidarité justifie que nous adoptions - à l'unanimité, je l'espère - le projet de loi autorisant la ratification de cette convention.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte, rapporteur.

Au nom du groupe du Rassemblement pour la République cette fois, je dois dire que j'approuve ce projet de loi.

M. le président.

Merci pour votre concision, monsieur Delnatte. (Sourires.)

La discussion générale est close.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales, faite à Strasbourg le 24 avril 1986 et signée par la France le 4 juillet 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

D'abord, je tiens à remercier M. le rapporteur, ainsi que M. Goulard et M. Evin qui ont eu raison de souligner


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

combien, dans certains cas, les organisations non gouvernementales d'origine française sont attendues, tant leurs personnels sont efficaces et courageux. D'ailleurs, dans certains pays, leur action devient de plus en plus difficile.

Vous avez souhaité, monsieur Evin, l'élaboration d'un statut de volontariat. Et un tel statut est évidemment plus facile à mettre en oeuvre - et ce, malgré la surchage du travail parlementaire - qu'un statut de protection internationale. Pour autant, il faut les deux.

Le Gouvernement tient à ce statut de volontariat, et le Parlement sera appelé un jour ou l'autre à légiférer sur ce point. En revanche, il devient urgent, mais c'est plus difficile à faire, de mettre en place un dispositif de protection des volontaires des organisations internationales non gouvernementales et des agences des Nations unies : des enlèvements comme celui de notre compatriote Vincent Cochetel, enlèvement qui s'est heureusement bien terminé, après toutefois de trop longs mois de souffrances, ne doivent plus pouvoir se reproduire. Or il devient de plus en plus dangereux de travailler dans certains pays, dont certains sont aux portes du Conseil de l'Europe, voire membres de cette institution.

Enfin, je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir mentionné une idée française qui a fait le tour du monde, mais qui, malheureusement, semble maintenant stagner, en particulier dans notre pays, et qui n'a même pas été évoquée lors de la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme : je veux parler du devoir et du droit d'ingérence. En dépit d'interprétations péjoratives, il ne s'agit de rien d'autre que de la volonté de tenter de protéger les populations avant qu'il ne soit trop tard. Cette démarche doit être poursuivie, car, malgré les progrès du droit international, progrès auxquels nous avons participé au travers de l'élaboration du traité relatif à la création d'un tribunal pénal international, il est toujours trop tard, même pour condamner des dictateurs. Si nous pouvions faire en sorte que les OING soient présentes avant qu'il ne soit trop tard, la France s'honorerait d'avoir contribué à la mise en place d'un tel dispositif.

5 CHARTE SOCIALE EUROPÉENNE

PROTOCOLE ADDITIONNEL

SUR LES RÉCLAMATIONS COLLECTIVES Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée de deux projets de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion : du projet de loi autorisant l'approbation de la chartes ociale européenne (révisée) (ensemble une annexe) (nos 678, 1223) ; du projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (nos 676, 1223).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune et feraient l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, dans les conditions prévues à l'article 106 du règlement.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la France a joué un rôle majeur dans l'adoption des deux textes que j'ai l'honneur de vous présenter maintenant : la Charte sociale européenne révisée et le protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives.

Leur adoption par l'ensemble des Etats européens, y compris les pays d'Europe orientale et ceux issus de l'URSS, permettra de promouvoir les droits sociaux fondamentaux qui fondent le modèle social européen, et d'en assurer le respect effectif. La Charte sociale est le socle de ce modèle social auquel nous sommes attachés et c'est pourquoi le traité d'Amsterdam reconnaît les principes qu'elle édicte comme la base de la politique sociale de l'Union européenne.

Les partenaires sociaux, français et européens, sont, pour ces raisons, très attachés à cette charte, que je considère comme un instrument de progrès des droits sociaux en Europe, particulièrement pour les pays qui ont accédé récemment à la démocratie.

La Charte sociale européenne révisée est issue de l'initiative engagée par Mme Catherine Lalumière, alors secrétaire générale du Conseil de l'Europe, en novembre 1989, à l'occasion de la conférence ministérielle sur les droits de l'homme, tenue à Rome pour le quarantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cet exercice a permis d'abord d'améliorer le mécanisme de contrôle de la Charte de 1961, grâce à deux nouveaux instruments : un protocole portant amendement à la Charte sociale européenne de 1961, qui clarifie le rôle respectif des différents organes de contrôle et facilite celui-ci ; un protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives, ouvert à la signature en novembre 1995.

Ce protocole permet aux organisations nationales et internationales d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'à certaines organisations internationales non gouvernementales de présenter des réclamations au secrétaire général du Conseil de l'Europe si elles estiment que l'application de la charte sociale par un Etat signataire de ce protocole n'est pas satisfaisante.

A titre optionnel, les parties contractantes peuvent également ouvrir ce droit à des organisations nationales non gouvernementales.

Une seconde phase a été consacrée à la révision du contenu de la charte de 1961 et a permis l'adoption de la

« Charte sociale européenne révisée », afin de tenir compte des évolutions intervenues depuis la signature de la charte en 1961.

Cette Charte sociale révisée regroupe dans un instrument unique l'ensemble des droits garantis dans la charte de 1961, dont certains ont été amendés ou complétés, c'est-à-dire les articles 1 à 9, ceux inscrits dans le protocole additionnel de 1988, les articles 20 à 23, ainsi que de nouveaux droits adoptés lors de la négociation de la charte révisée, les articles 25 à 31.

L'instrument a été rédigé de façon à exister de manière autonome, mais avec le même mécanisme de contrôle que la charte de 1961, à laquelle il a cependant vocation, à terme, à se substituer.

La Charte sociale révisée ne prévoit pas la dénonciation de l'ancienne charte. Toutefois, l'acceptation par un Etat contractant des dispositions de la charte révisée a pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

conséquence que les dispositions correspondantes de la charte initiale et de son protocole cessent de s'appliquer à cet Etat.

Le protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives est né de l'idée d'instaurer pour la Charte sociale européenne, à l'instar de ce qui existe à l'Organisation internationale du travail, un système de réclamations collectives. Elle a été reprise dans le contexte des travaux entrepris depuis 1991 pour donner à la charte une nouvelle impulsion.

L'objectif visé par l'institution d'un tel système est d'accroître l'efficacité d'un mécanisme de contrôle qui, jusqu'à présent, repose exclusivement sur la soumission de rapports gouvernementaux. Il est conçu comme un complément à l'examen des rapports gouvernementaux, qui continuera à constituer le mécanisme de base. Cette procédure, plus rapide que celle suivie pour l'examen des rapports, devrait renforcer la participation des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales. Telles sont les principales observations qu'appellent la Charte sociale européenne révisée et le protocole additionnel qui font l'objet des projets proposés à votre approbation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Paul Dhaille, rapporteur de la commission des affaires étrangères, pour les deux projets.

M. Paul Dhaille, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui est soumis à notre approbation un texte qui me semble majeur pour la construction de l'Europe, que ce soit pour l'Union européenne ou pour les pays de l'Europe centrale et orientale membres du Conseil de l'Europe.

L'année 1999 comptera pour la construction européenne : réforme de la politique agricole commune, réforme des fonds structurels, élections au Parlement européen, ratification du traité d'Amsterdam.

Pourtant, l'Europe se construit souvent sans que sa dimension sociale n'apparaisse clairement aux yeux de ses citoyens. On peut même parler du déficit social de la construction européenne. Autant les questions financières, économiques et de concurrence font l'objet de circulaires et de règlements qui sont contraignants pour tous les

Etats, autant les règles sociales sont en retard, et elles sont toujours mises en cause au nom de la pensée économique dominante.

Pour ce qui concerne les pays d'Europe centrale et orientale, le mirage du libéralisme les a fait passer d'un système social ultraréglementé à la disparition quasicomplète des règles minimales de protection sociale de leurs citoyens, qui sont confrontés aux effets de crises intérieures et internationales les réduisant à une grande pauvreté.

Signée en 1961 à Turin, la Charte sociale européenne est entrée en vigueur en 1965. Révisée, elle me paraît constituer le socle social indispensable à la construction d'un modèle européen différent des modèles américain et asiatique, où les règles sociales et environnementales ne sont que des variables d'ajustement, souvent ignorées au profit des seules contraintes économiques et financières.

M. François Goulard.

C'est ce qu'on appelle de la caricature !

M. Paul Dhaille, rapporteur.

Le Conseil de l'Europe, après l'institution de la Cour européenne des droits de l'homme, propose donc à la signature de notre pays un texte couvrant le champ complet des droits sociaux, que s'honoreraient de ratifier l'ensemble des pays de l'Union européenne ainsi que les pays d'Europe centrale et orientale, pour qui les efforts à accomplir seront bien plus considérables que pour nous. Il est bon de noter que le niveau de protection sociale défini par la Charte est supérieur aux règles de l'Organisation internationale du travail et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée sous forme de simple déclaration par le Conseil européen de Strasbourg en décembre 1989.

La Charte constitue une référence fondamentale pour l'orientation et la garantie des normes en matière de politique sociale européenne. De plus, le traité d'Amsterdam fait explicitement référence à la charte sociale, qui renforce substantiellement les droits existants dans la charte de 1961 en y intégrant les dispositions du protocole additionnel de 1988.

Dans la mesure où la France respecte la quasi-totalité des règles édictées dans la Charte, et où le respect de ces règles ferait accomplir à nos partenaires de l'Union européenne et aux pays d'Europe centrale et orientale des progrès considérables pour la protection des travailleurs, le respect du droit syndical, la protection de la santé, et en particulier le droit à une assurance médicale et sociale, mais aussi pour la protection des enfants, des handicapés, des personnes âgées, et pour la lutte contre l'exclusion et la grande pauvreté, j'invite le Gouvernement à faire de ce texte un instrument de progrès en Europe, au service de tous les citoyens. D'autant plus que les règles édictées ne sont pas le résultat de travaux d'experts, mais qu'elles sont issues de la négociation qui a réuni les représentants de l'Organisation internationale du travail, de la Confédération européenne des syndicats, de l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe, ainsi que des représentants des Etats membres et des élus du Conseil de l'Europe.

Ce texte prend donc en compte les intérêts de chacun, mais il montre aussi ce qui est acceptable pour trouver l'équilibre du modèle social européen, entre les nécessités de la vie économique, l'intervention politique et réglementaire des Etats et les droits économiques et sociaux fondamentaux des travailleurs et de tous les citoyens.

Il serait trop long de détailler ici l'ensemble des mesures préconisées par la Charte, même si l'on peut dire qu'elles peuvent être regroupées en plusieurs catégories : le renforcement des droits des travailleurs, en particulier en ce qui concerne leur protection juridique, la protection de leur santé et les garanties quant à l'égalité des hommes et des femmes.

La Charte aborde aussi le renforcement des droits économiques et sociaux de l'ensemble des citoyens, en particulier en bannissant totalement les discriminations fondées sur le sexe, la race, l'appartenance culturelle, syndicale, religieuse ou politique.

Enfin, elle affirme la nécessité de lutter contre toutes les formes d'exclusion ou de pauvreté, qu'elles soient aiguës et remontant à plusieurs générations ou liées à des problèmes temporaires de chômage, d'alcoolisme ou de toxicomanie.

Comme je l'ai dit, la législation française répond largement aux exigences de la Charte, mais il lui reste à régler des problèmes ponctuels. Pour l'anecdote, le code de la marine marchande permet de mettre aux fers, à fond de cale, les marins mutinés, ce qui est une survivance de la marine à voile.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

Plus sérieusement, il faut résoudre les problèmes de l'égalité des droits des enfants adultérins par rapport aux enfants naturels, problème déjà soulevé par le rapport Théry, ou les retenues de salaires pour les fonctionnaires, qui doivent être proportionnelles à la durée de la grève et pour lesquelles la règle du trentième est jugée illégale.

Des problèmes plus épineux ont déjà été résolus. Ainsi , les conditions d'attribution du Fonds national de solidarité et de l'allocation pour adultes handicapés à tous les ressortissants des parties contractantes ont été réglées par le vote de la loi Chevènement.

De même, la loi de lutte contre l'exclusion et la grande pauvreté répond pleinement aux recommandations de la Charte, dont l'article 30 exige que les Etats développent une politique coordonnée et globale pour promouvoir l'accès effectif notamment à l'emploi, au logement, à la formation, à l'enseignement, à la culture et à l'assistance sociale et médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d'exclusion sociale ou de pauvreté et de leur famille.

Bien sûr, la Charte sociale européenne révisée prend en compte l'évolution des normes économiques et sociales internationales, mais aussi l'évolution des modes de vie individuels et familiaux, ainsi que la nouvelle donne politique de l'Europe, du fait de l'élargissement de l'Union européenne et de l'entrée des pays de l'Europe centrale et orientale dans le Conseil de l'Europe.

Ainsi, la Charte porte de douze à quatorze semaines la durée du congé de maternité et interdit le licenciement d'une femme enceinte ; par ailleurs la protection des enfants est renforcée puisque la Charte porte à dix-huit ans, et non plus à seize ans, l'admission à l'emploi pour des occupations dangereuses et insalubres. La durée minimale des congés est portée à quatre semaines pour les moins de dix-huit ans, comme pour tous les travailleurs.

La Charte garantit aussi le droit des travailleurs à connaître les termes de leur contrat de travail, à ne pas être licenciés sans motif sérieux et à recevoir, en cas de licenciement, une indemnisation appropriée.

J'attire aussi votre attention sur la nécessité pour les

Etats de développer en faveur des handicapés une politique cohérente favorisant leur pleine intégration et leur participation à la vie sociale par des mesures relatives à leur mobilité, à l'accès au logement, aux loisirs et à une formation professionnelle s'inscrivant dans des filières générales plutôt que dans des institutions spécialisées.

Enfin le noyau dur de la charte, c'est-à-dire les articles 1er , 5, 6, 12, 13, 16 et 19 de la partie II, qui traite du droit du travail, du droit syndical, du droit de la négociation collective, du droit à la sécurité sociale, du droit de la famille à une protection sociale et juridique et du droit des travailleurs migrants à la protection et à l'assistance, dans la mesure où chaque Etat contractant devra respecter au moins cinq de ces articles, aura une influence considérable sur l'évolution des normes économiques et sociales fondamentales qui assurent la protection des citoyens européens.

Comme je l'ai déjà dit, la législation française répond largement aux prescriptions de la charte ; mais chacun se rend compte des efforts que devront consentir un grand nombre de futurs Etats signataires.

Le protocole additionnel sur les réclamations collectives simplifie le système qui permet de contester et d'analyser la législation et les pratiques des Etats non conformes à la Charte.

Le système précédent était particulièrement compliqué puisqu'il faisait intervenir plusieurs instances : un comité des experts indépendants, un comité composé des représentants des gouvernements, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le comité des ministres. Cela entraînait un certain flou ainsi que des appréciations juridiques divergentes sur les questions soumises à l'examen critique. De plus, la majorité nécessaire était calculée en tenant compte de la totalité des parties contractantes ou non, ce qui donnait une grande importance aux abstentionnistes ou aux absents.

Désormais, la majorité des deux tiers nécessaire pour adopter les recommandations ministérielles est calculée en tenant compte du nombre des parties contractantes, les abstentions n'étant pas prises en compte.

De plus, ce sont les conclusions du comité des experts indépendants qui seront prises comme support des débats de politique sociale du Conseil de l'Europe et comme seule interprétation de la Charte sociale européenne. Le Conseil des ministres émettra des recommandations qui seront transmises aux Etats ne respectant pas les termes de la Charte.

Il faut noter que l'appréciation de la Charte n'a pas été

« judiciarisée », comme certains le souhaitaient, cette fonction n'étant pas confiée à la Cour européenne des droits de l'homme ; mais ce sera peut-être quand même le cas un jour. Une fois épuisées toutes les voies de recours internes, quatre catégories d'organisations peuvent formuler des réclamations : les organisations internationales d'employeurs et de travailleurs qui participent aux réunions du comité gouvernemental, l'Organisation internationale du travail, l'UNICE et le CES ; les organisations internationales non gouvernementales dotées du statut consultatif et inscrites sur la liste établie à cet effet par le comité gouvernemental ; les organisations nationales représentatives d'employeurs et de travailleurs, et il faudra, bien sûr, interpréter la notion de « représentativité », qui, en droit français, n'est pas obligatoirement la même qu'en droit européen, puisque la Charte n'admet pas de réclamations individuelles ; enfin, les ONG nationalesr eprésentatives relevant de la compétence de l'Etat concerné et qui sont particulièrement qualifiées dans les matières régies par la Charte.

Il faut noter, et je suis sûr que vous le relèverez, monsieur le secrétaire d'Etat, que la France n'a pas retenu l'option qui permettait aux ONG nationales de présenter des réclamations en se fondant sur la Charte sociale européenne. Elles ne peuvent agir que par le biais de l'ONG internationale à laquelle elles sont rattachées.

Je pense pour ma part que notre pays aurait dû retenir cette option. Je ne crois pas que ce refus aura beaucoup de conséquences, mais le Gouvernement devrait réfléchir à ce problème.

M. le président.

Il faudrait penser à conclure, monsieur le rapporteur.

M. Paul Dhaille, rapporteur.

Je termine, monsieur le président. Quinze Etats sont donc signataires de la Charte sociale européenne révisée et je pense que notre pays s'honorerait d'être le deuxième, après la Suède, à approuver ce texte important auquel on ne pense pas en permanence. L'Europe ne se construit pas toujours sur des notions sociales, mais plutôt sur des notions économiques, et c'était le moment de parler de ces questions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

Discussion générale

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, premier orateur inscrit.

M. François Goulard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il s'agit, par ce projet de loi, d'autoriser l'approbation de la Charte sociale européenne. Je ne rappellerai pas la longue genèse de ce texte, son adoption à Strasbourg dans le cadre du Conseil de l'Europe, le 3 mai 1996, et sa signature par la France. Je ne détaillerai pas non plus son contenu, non plus que celui du protocole additionnel, dans la mesure où M. le secrétaire d'Etat en a présenté les grandes lignes et où M. le rapporteur a procédé à un examen extrêmement détaillé du texte.

La lecture de cette Charte revient en fait à énumérer les différentes têtes de chapitre de notre droit social et de notre droit du travail. Je crois que tous les pays de l'Union européenne, ou peu s'en faut, remplissent les exigences qui sont posées par la charte sociale. Celle-ci peut en revanche, et cela a été dit, avoir plus de portée pratique pour les autres pays du Conseil de l'Europe.

Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un engagement pris en commun, adopté dans une forme solennelle par tous les pays signataires, et visant à donner un contenu social à leur développement. Cet engagement n'est pas vain, même si sa traduction dans le droit interne de chacun des

Etats conditionne l'application effective des droits mentionnés dans la charte.

Les quelques points de non-conformité de la législation française qui ont été évoqués par le rapporteur me paraissent pouvoir assez facilement évoluer.

Je crois surtout que la progression de l'économie, d'une part, de la démocratie, d'autre part, dans tous les pays concernés est le plus sûr garant du progrès social, de même qu'elles l'ont été dans un pays comme le nôtre.

Pour le reste, je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que le volet social de l'Union européenne obéit au principe de subsidiarité, qui doit laisser pour l'essentiel aux

Etats la définition du droit social et du droit du travail. En conclusion, le groupe Démocratie libérale votera ce projet de loi visant à autoriser l'approbation de la Charte sociale européenne.

M. le président.

La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin.

Il est important de dire dans cette enceinte tout l'intérêt que représente la charte sociale européenne.

Ainsi que M. le rapporteur l'a fait observer, cette charte offre l'occasion d'aller au-delà d'autres textes par lesquels la France est aussi engagée, tels que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, dont la France s'était beaucoup félicitée de l'adoption en 1989.

Mais il convient de rappeler que cette charte communautaire ne concerne que l'homme et la femme au travail, alors que la charte sociale européenne, dont nous nous apprêtons à autoriser l'approbation, va bien au-delà puisqu'elle prend en compte l'ensemble des droits sociaux, qu'il s'agisse de la protection du travail, de la protection sociale pour l'ensemble de la population, ou d'un certain nombre de protections particulières en dehors du milieu du travail.

La Charte sociale européenne adoptée par le Conseil de l'Europe en 1961 et la Charte sociale révisée sont des références essentielles dans le domaine de la protection des droits économiques et sociaux.

Il est utile, huit jours après la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que nous autorisions aujourd'hui l'approbation de la charte révisée et du protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives. Mais si je ne peux q ue me féliciter de cette concomitance, je dois reconnaître que nous aurions pu nous réjouir davantage si la France avait été parmi les pays qui ont contribué à permettre l'application du protocole additionnel. En disant cela, je pense notamment aux députés qui siègent au Conseil de l'Europe.

Si la France sera, après la Suède, le deuxième pays à approuver la charte révisée, elle sera le septième ou le huitième pays à approuver le protocole additionnel. Pour que celui-ci entre en application, cinq pays devaient l'approuver. Ce fut le cas de Chypre, de l'Italie, de la Norvège, du Portugal et de la Suède. Le protocole a donc pu entrer en application le 1er juillet dernier. Depuis lors, la Grèce et la Finlande l'ont elles aussi approuvé.

J'exprime donc le regret - mais il n'est jamais trop tard pour bien faire - que nous n'ayons pas été de ceux qui ont permis l'application du protocole additionnel.

M. le rapporteur a énoncé les points sur lesquels la France devra légiférer sans tarder pour se mettre complètement en règle avec la charte de 1961. J'ai noté avec une certaine satisfaction les propos qu'a tenus M. Goulard quant à la règle du trentième indivisible concernant les fonctionnaires. Cela montre que les esprits évoluent et que le souffle du Conseil de l'Europe a atteint les rangs du groupe Démocratie libérale. Si j'ai bien compris, celui-ci, que représente aujourd'hui M. Goulard, ne serait pas opposé à revenir sur ce que M. Lamassoure avait remis en cause il y a quelques années.

M. François Goulard.

Je n'ai pas pris d'engagement formel !

M. Claude Evin.

Il n'a assurément pas échappé à notre collègue que cette modification du droit de grève des fonctionnaires avait été relevée à plusieurs reprises par le comité des experts indépendants, qui est l'instance de contrôle de l'application de la charte sociale. Nous aurions tout intérêt à nous mettre sur ce point en conformité avec la charte.

A cet égard, puis-je me permettre de formuler une suggestion ? A quelques exceptions près, mineures ou anecdotiques, et mis à part d'autres points comme les droits de succession des enfants adultérins, que le Gouvernement pourra régler assez rapidement, la législation française est en conformité avec la charte. Il n'en reste pas moins que nous aurions tout intérêt à ce que s'exerce un suivi particulier, mobilisant tant les partenaires sociaux que les pouvoirs publics, afin d'apprécier la manière dont la charte se traduit concrètement dans un certain nombre de politiques sociales à l'intérieur de notre pays.

L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a d'ailleurs formulé le voeu que, dans chacun des Etats membres, une telle procédure soit instaurée. Peut-être - j'ai moi-même formulé cette proposition aux intéressés le Conseil économique et social pourrait-il être l'instance chargée du suivi ? Nous allons donc autoriser l'approbation de la charte sociale révisée. A cette occasion, je voudrais rendre un hommage particulier à celle qui a été à l'origine de la révision de la charte sociale : je veux parler de Catherine Lalumière, aujourd'hui parlementaire européen et qui, alors secrétaire général du Conseil de l'Europe, avait initié une procédure de révision.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

Quant au protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives, nous allons aussi autoriser son approbation. Je me félicite que des procédures nouvelles permettant l'application des engagements sociaux puissent être mises en place dans notre pays.

L'article 2 du protocole additionnel permettra à un certain nombre d'organisations non gouvernementales d'engager elles-mêmes les procédures de réclamations. Je forme le voeu que la France en établisse la liste et montre ainsi l'exemple à d'autres pays, dans le cadre du Conseil de l'Europe.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que le Conseil de l'Europe fêtera l'année prochaine son cinquantenaire, il importe que l'Assemblée nationale adopte à l'unanimité les textes d'approbation de la Charte sociale révisée et du protocole additionnel.

M. Paul Dhaille, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les deux projets soumis à notre assemblée sont importants car ils reconnaissent toute la place des préoccupations sociales dans la vie des citoyens européens.

La Charte sociale européenne révisée est amenée à remplacer progressivement la charte sociale du Conseil de l'Europe. Elle constitue le pendant social de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'elle complète.

Le protocole additionnel vise quant à lui au renforcement de l'efficacité du mécanisme de contrôle de la charte sociale.

La Charte sociale européenne révisée va donc devenir un instrument autonome. Depuis le mois de mars 1996, elle a été signée par quinze Etats, mais seule la Suède l'a jusqu'à présent ratifiée. Il n'est pas exagéré de souligner, une fois de plus, le caractère majeur de cette charte puisqu'elle énonce exactement trente et un droits sociaux fondamentaux, qui constituent autant de principes essentiels protégés et garantis.

La Charte tient particulièrement compte de l'évolution qui s'est produite dans le droit du travail ainsi que dans l a conception des politiques sociales : sont évoqués notamment le droit à la sécurité et à l'hygiène dans le travail, le droit des personnes handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, le droit des enfants et des adolescents à une protection sociale, juridique et économique.

Certains droits ont été renforcés et de nouveaux droits ont été introduits. Le renforcement concerne principalement la protection du travail et la santé, mais aussi l'extension de la protection de certaines catégories de personnes en dehors du milieu du travail.

Parallèlement, le protocole additionnel renforce le mécanisme du contrôle du respect des dispositions de la Charte en ouvrant aux partenaires sociaux, comme la Confédération européenne des syndicats, et aux organisations internationales non gouvernementales, la possibilité de déposer des réclamations collectives contre les parties contractantes qui ne respecteraient pas les dispositions de la charte. Il convient de souligner que, bien que résultant d'un compromis, le protocole marque une avancée réelle.

En effet, il existe peu de mécanismes de réclamations qui s'appliquent au niveau international dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels.

La France a accepté toutes les dispositions de la charte sociale révisée, ce qui entraîne certaines modifications de notre législation.

Quelques questions restent cependant en suspens. En effet, afin de nous mettre en conformité avec la charte, nous serons contraints à réformer le code disciplinaire et pénal de la marine marchande, à mettre fin au monopole syndical d'embauche dans le secteur du livre, à revoir le calcul des retenues sur salaires des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leur droit de grève, et à supprimer les différences qui subsistent entre les droits successoraux des enfants légitimes et ceux des enfants adultérins.

Il n'en demeure pas moins que le respect de l'ensemble de ces textes par les pays de l'Union européenne, ainsi que par les pays de l'Europe centrale et orientale, créera les conditions d'une concurrence économique équilibrée.

Le groupe du Rassemblement pour la République est pleinement favorable à l'approbation des deux textes

(M. François Goulard applaudit.)

M. le président.

La discussion générale commune est close.

CHARTE SOCIALE EUROPÉENNE

M. le président.

J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de la Charte sociale européenne.

Article unique

M. le président.

« Article unique . - Est autorisée l'approbation de la Charte sociale européenne (révisée) (ensemble une annexe) faite à Strasbourg le 3 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

M. le président.

Ce vote est acquis à l'unanimité.

PROTOCOLE ADDITIONNEL

SUR LES RÉCLAMATIONS COLLECTIVES

M. le président.

J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives.

Article unique

M. le président.

« Article unique . - Est autorisée l'approbation du protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives, fait à Strasbourg le 9 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

M. le président.

C'est une nouvelle fois l'unanimité.

6 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 décembre 1998, de M. Alain Barrau, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, une proposition de résolution sur la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - SÉANCE DU 17 DÉCEMBRE 1998

r éforme des fonds structurels (COM [98] 131 final/no E 1061) présentée en application de l'article 151-1 du règlement.

Cette proposition de résolution, no 1281, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

7 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 17 décembre 1998, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 1282, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 modifié par le Sénat (no 1272).

8 DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 décembre 1998, de M. Henri Nallet, un rapport d'information, no 1279, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur des propositions d'actes communautaires soumises par le Gouvernement à l'Assemblée n ationale du 12 novembre au 11 décembre 1998 (nos E 1172, E 1175 à E 1178, E 1180, E 1181, E 1183 et E 1185), et sur la proposition d'acte communautaire no E 1067.

J'ai reçu, le 17 décembre 1998, de M. Alain Barrau, un rapport d'information, no 1280, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,s ur la réforme des fonds structurels (COM [98] 131 final/no E 1061).

9

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Vendredi 18 décembre 1998, à quinze heures, séance publique : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 1999.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, la proposition d'acte communautaire suivante : Communication du 16 décembre 1998 No E 1193. - Proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne le taux normal, la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (COM [98] 693 final).