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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 11006).

VIOLENCES

URBAINES À

TOULOUSE (p. 11006)

M. Dominique Baudis, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

RÉINTÉGRATION DE L'IRAK DANS LA COMMUNAUTÉ

INTERNATIONALE (p. 11007)

MM. Georges Sarre, Lionel Jospin, Premier ministre.

SERVICES

PUBLICS EN

MILIEU

RURAL (p. 11008)

M. Serge Poignant, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

ZONES D'INSÉCURITÉ (p. 11009)

MM. Jean-Luc Warsmann, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

RÉFORME

DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE

RETRAITE (p. 11009)

MM. Alain Cousin, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

INTERVENTION ANGLO-AMÉRICAINE EN IRAK (p. 11010)

MM. Georges Hage, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

DIFFICULTÉS DE L'EMPLOI (p. 11010)

Mmes Janine Jambu, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

FRAPPES ANGLO-AMÉRICAINES EN IRAK (p. 11011)

MM. François Loncle, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

CULTURE DU MAÏS TRANSGÉNIQUE (p. 11012)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

RÉFORME

DES

LYCÉES (p. 11013)

Mme Cécile Helle, M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

RESTRUCTURATION

HOSPITALIÈRE (p. 11013)

Mme Nicole Bricq, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

RÉFORME DU

SYSTÈME DE SANTÉ (p. 11014)

M. François Goulard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SAUVEGARDE DE LA

PROTECTION

SOCIALE (p. 11016)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

2. Rappel au règlement (p. 11017).

MM. Gilbert Gantier, le président.

PRÉSIDENCE

DE

M.

ARTHUR PAECHT

3. Conseils régionaux. - Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi (p. 11017).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 11020)

MM. Pascal Clément, Bernard Outin, Renaud Donnedieu de Vabres, Christian Paul, Jacques Blanc, Gérard Charasse, Mme Michèle Alliot-Marie.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'Etat.

DERNIER

TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 11029)

Amendement no 8 de M. Blanc : MM. Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 9 de M. Blanc : MM. Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Pascal Clément. - Rejet.

Amendements identiques nos 5 de M. Donnedieu de Vabres et 10 de M. Blanc : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 11 de M. Blanc : MM. Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements identiques nos 7 de M. Giscard d'Estaing et 12 de M. Blanc : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements identiques nos 6 de M. Donnedieu de Vabres et 13 de M. Blanc : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

L'amendement no 14 de M. Blanc n'a plus d'objet.

Amendement no 15 de M. Blanc : MM. Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

A mendement no 1 de M. Donnedieu de Vabres : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements identiques nos 2 de M. Donnedieu de Vabres et 18 de M. Blanc : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements identiques nos 3 de M. Donnedieu de Vabres et 16 de M. Blanc : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, JeanPierre Soisson, Christian Paul, Pascal Clément, Maurice Adevah-Poeuf. - Rejet.

Amendements identiques nos 4 de M. Donnedieu de Vabres et 17 de M. Blanc : MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Blanc, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, JeanPierre Soisson. - Rejet.

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 11041)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.


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PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

MM. Jacques Blanc, Christian Paul.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 11042)

Adoption de l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

4. Animaux dangereux et errants. - Discussion, en lecture définitive, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 11042).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Georges Sarre, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 11043)

MM. Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Pierre Blazy, François Goulard.

Clôture de la discussion générale.

DERNIER

TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 11044)

Amendement no 1 de la commission de la production : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 11047)

MM. Pierre Cardo, André Angot.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 11048)

Adoption de l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par l'amendement adopté.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 11048).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que la séance ne sera pas suspendue à l'issue de ces questions.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

VIOLENCES URBAINES À TOULOUSE

M. le président.

La parole est à M. Dominique Baudis.

M. Dominique Baudis.

Monsieur le Premier ministre, chers collègues, un enchaînement d'événements dramatiques éprouve Toulouse depuis plusieurs jours. Les habitants des quartiers concernés, que j'ai longuement rencontrés, refusent malgré tout - et nous aussi - de baisser les bras. Chaque matin, les services municipaux réparent les dégâts commis par quelques groupes violents qui tiennent sous une pression et une menace permanentes la population et les agents des services publics. Ceux-ci, je le souligne, font preuve d'un immense mérite dans l'exercice de leur mission.

Ces habitants aiment leur quartier. Ils disposent là de tous les équipements sportifs et culturels, de tous les services publics, d'un bon réseau de transport. Et tout cela est nécessaire dans ces secteurs qui connaissent des difficultés sociales plus grandes qu'ailleurs.

Mais ce que les habitants me demandent de vous dire, c'est qu'ils veulent avant tout vivre en paix et en sécurité.

Or la violence est quotidienne. Elle est entretenue par quelques dizaines de délinquants connus de la population, de la police et de la justice. Ce sont souvent de très jeunes adolescents et parfois des mineurs. La prison n'est pas une solution, me direz-vous. Certes. Mais l'impunité n'en est pas une non plus. Entre l'incarcération et l'impunité, il existe un moyen que vous devez utiliser : les unités à encadrement éducatif renforcé. Elles permettent d'éloigner le délinquant du quartier tout en le maintenant dans un parcours éducatif fermement et strictement surveillé. Pour le jeune délinquant, c'est peut-être une chance de pouvoir sortir de la spirale. Pour les autres jeunes - l'immense majorité -, c'est une chance de ne pas être entraîné. Pour les habitants, c'est la possibilité de retrouver la paix.

Un programme d'ouverture d'unités à encadrement éducatif renforcé avait été arrêté il y a deux ans. Deux établissements devaient ouvrir en Haute-Garonne. Hélas ! ce programme est, semble-t-il, au point mort. Monsieur le Premier ministre, il faut d'urgence le reprendre et le mener à bien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député-maire de Toulouse, je voudrais d'abord vous dire que le Gouvernement considère, comme vous, que les violences qui ont eu lieu dans la ville dont vous êtes l'élu sont des phénomènes contre lesquels il faut lutter sans faiblesse.

M. Charles Cova.

Des mots, des mots...

!

Mme la garde des sceaux.

Nous ne pourrons lutter contre la délinquance des jeunes que si nous savons conjuguer les actions des services locaux et des services de l'Etat. Et c'est la présence assidue, au sein de ces quartiers, aussi bien des élus et des services municipaux que de l'ensemble des responsables, qui permettra, petit à petit, de prévenir ce genre de violences.

Face à des phénomènes de cette gravité, il est important, en tout cas, de ne pas avoir recours - et vous ne l'avez pas fait - à des solutions expéditives ou qui apparaîtraient comme le remède miracle.

S'agissant des unités à encadrement renforcé, onze existent déjà, deux ont été créées en septembre et huit sont en projet. Ce sont effectivement des structures destinées à accueillir des jeunes particulièrement difficiles ou récidivistes et qui ont précisément besoin d'être encadrés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, voire d'apprendre le ba ba des règles de la vie en société. Il ne faut donc pas négliger ce type de dispositif.

Mais les unités à encadrement renforcé ne sauraient constituer la seule réponse. Lorsque des jeunes se livrent à des crimes ou à des délits, ils sont mis en prison. Par ailleurs, nous avons besoin de montrer à ceux qui n'ont pas basculé dans la délinquance ou qui ne sont pas des récidivistes qu'ils ont leur place dans la société. Personnellement, j'estime que nous avons aussi et surtout besoin de dialogue. Ces jeunes souffrent beaucoup de se sentir relégués dans ce qu'ils perçoivent comme des ghettos. Ils ont le sentiment qu'ils n'auront jamais ni travail ni aucune forme de considération sociale.

M. Jean Ueberschlag.

Tout cela, c'est parler pour ne rien dire !

Mme la garde des sceaux.

C'est en tout cas ce que m'a dit Claude Bartolone lorsqu'il est revenu de Toulouse où il est allé justement dialoguer avec ces jeunes.

Je réaffirme donc la volonté très claire du Gouvernement de ne laisser aucun acte de délinquance sans sanction, celle-ci étant, bien entendu, proportionnelle au


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délit. Les directives données par le Premier ministre sont appliquées sur le terrain. Mais mes pensées vont aussi à la famille du jeune Habib, son frère et ses parents, car nous devons aussi penser aux victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. Pierre Lellouche.

Et pas au policier ?

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

RÉINTÉGRATION DE L'IRAK DANS LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le Premier ministre, à quelques mois du sommet de Washington, qui doit doter l'Alliance atlantique d'un nouveau concept stratégique, les E tats-Unis d'Amérique revendiquent l'autonomie de l'OTAN vis-à-vis de l'ONU et du Conseil de sécurité.

Après les frappes en Irak de la semaine dernière, c'està-dire la deuxième guerre du Golfe, on voit ce que signifierait l'adoption d'un tel concept. A cet égard, je me réjouis que le ministre des affaires étrangères ait signifié l'opposition de la France à une dérive, malheureusement illustrée ces derniers jours par les frappes anglo-américaines contre l'Irak après le contournement du Conseil de sécurité.

Les positions pour le moins différentes adoptées par les principaux pays européens dans la récente crise irakienne, allant de la participation pour les Anglais à une nonapprobation pour les Français, en passant par un soutien sans participation des Allemands, démontrent que l'identité européenne demeure très largement une illusion entretenue par les uns ou par les autres. Comment espérer, monsieur le Premier ministre, que l'Europe construise au sein de l'OTAN une identité européenne de défense, instrument d'une stratégie diplomatique indépendante de nature à remettre en cause l'hégémonie d'un seul pays ? Quel avenir pour la diplomatie française dans un tel cadre si nos partenaires européens refusent d'exister par eux-mêmes en dehors des Etats-Unis d'Amérique ? Aujourd'hui, ce qui compte c'est ce qui va être fait dans cette partie du monde au Proche Orient et au Moyen Orient pour que la situation évolue de façon positive. Alors, monsieur le Premier ministre, quelle initiative forte la France va-t-elle prendre pour obtenir la levée de l'embargo...

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Georges Sarre.

... et, progressivement, réintroduire l'Irak dans la communauté nationale ? On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé. Or dans les déclarations du Premier ministre britannique comme dans celles du Président des Etats-Unis, je note une contradiction majeure.

M. le président.

Monsieur Sarre, je vous invite à conclure.

M. Georges Sarre.

Ils nous disent que les objectifs assignés ont été atteints tout en demandant que tout continue comme auparavant. Il faut sortir de cette situation et nous attendons beaucoup de la France et de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, après une crise particulièrement grave, le ministre des affaires étrangères et moi-même sommes heureux d'avoir l'occasion de préciser notre position devant la représentation nationale.

Depuis la fin de la guerre du Golfe, sept années de contrôle n'ont pu empêcher des crises à répétition entre l'Irak et la communauté internationale. Ces derniers mois, en particulier, les autorités irakiennes ont à plu-s ieurs reprises interrompu leur coopération avec la commission spéciale de désarmement des Nations unies, l'UNSCOM, violant ainsi ouvertement leurs obligations.

Cette absence de transparence de l'Irak, ainsi que la raideur de certains inspecteurs (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Robert Pandraud.

Leur servilité plutôt !

M. le Premier ministre.

... n'ont pas permis de déboucher sur l'issue positive que la France appelait de ses voeux.

La France a pris dans cette période de tension une position simple et forte. Elle visait à obtenir le respect par l'Irak de ses engagements dans le domaine du désarmement. La méthode était diplomatique, dans le cadre légitime du Conseil de sécurité des Nations unies avec l'appui aux inspections menées sur le terrain par l'UNSCOM. Pour nous, l'objectif était à terme la levée des sanctions et la réintégration pleine et entière de l'Irak dans la communauté internationale.

A deux reprises, l'action de notre diplomatie, secondant les interventions du secrétaire général des Nations unies, a permis d'éviter un conflit armé. Lors de la dernière crise, cela n'a pas été possible.

Aujourd'hui, si l'objectif n'a pas changé, la méthode doit être adaptée. D'une part, il est incontestable qu'un désarmement très important de l'Irak, grâce à l'action de l'UNSCOM, notamment pendant la période antérieure, a été obtenu. D'autre part, nous avons constaté qu'une nouvelle crise plus radicale que les premières avait surgi.

Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur le comportement et sur le rapport de M. Butler, qui a jugé insatisfaisante la coopération irakienne, et tout en regrettant vivement que le Conseil de sécurité n'ait pu en débattre avant le déclenchement des frappes (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), il est clair que les autorités irakiennes portent la responsabilité première de la crise.

(Protestations sur divers bancs.)

Comme vous le savez, les autorités françaises, le Président de la République et le Gouvernement, ont déploré l'engrenage qui avait conduit les Américains et les Britanniques à recourir à la force contre l'Irak. Je partage aussi le sentiment du secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, selon lequel ce jour du 17 décembre a été une triste journée pour les Nations unies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Les principales forces politiques de notre pays, de l'opposition comme de la majorité, ont exprimé leur sentiment avec, disons-le, un peu moins de précautions diplomatiques.

Aujourd'hui, nous devons, en tout cas, faire face à une situation nouvelle et nous sommes confrontés à une question difficile. Après ce recours à la force, comment renouer les liens entre l'Irak et les Nations unies, entre


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l'Irak et la communauté internationale, tout en évitant que l'Irak redevienne un danger pour ses voisins ? Je voudrais, à cet égard, vous donner quelques pistes de réflexion sur lesquelles nous travaillons actuellement.

Nous considérons qu'il faut désormais privilégier le contrôle à long terme de l'Irak afin d'empêcher lar econstitution d'un arsenal d'armes prohibées. Ce contrôle aurait pour objet de détecter et de prévenir toute éventuelle reprise de programme d'armement de destruction massive. Il devrait aussi s'accompagner de la mise en place d'un système de surveillance de l'utilisation par Bagdad de ses ressources financières, afin de s'assurer que l'Irak ne détournerait pas ces dernières pour importer des équipements interdits. Enfin, il faudrait envisager rapidement une levée de l'embargo pétrolier dès que serait mis en place ce contrôle physique et financier. Il faut alléger les souffrances du peuple irakien qui ne doit pas être puni pour les erreurs de ses dirigeants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.) Une telle approche serait, à nos yeux, conforme aux objectifs poursuivis par les Nations unies. La France a toujours défendu l'application juste et impartiale des textes. Elle entend continuer à le faire en étroite collaboration avec ses partenaires du Conseil de sécurité. Il nous paraît en effet aujourd'hui indispensable, et pour l'avenir aussi, de restaurer pleinement le rôle du Conseil de sécurité, garant de la paix et de la sécurité internationale, que certains ont trop tendance à contourner ou à ignorer.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Plusieurs députés du groupe communiste.

Qui ?

M. le Premier ministre.

Enfin, bien que je ne puisse pas, pour ne pas abuser de votre temps, centrer mon propos sur une autre partie de votre question qui concernait l'Union européenne et l'Alliance atlantique, je voudrais néanmoins terminer sur le rôle de l'Europe.

Il est clair que le Royaume-Uni et la France n'ont pas eu la même attitude dans cette crise. Pour autant, cette divergence ne saurait empêcher la réflexion entre Européens sur la définition d'une identité européenne de sécurité et de défense. Bien au contraire, j'y vois un signe supplémentaire de la nécessité d'accélérer l'élaboration d'une politique étrangère et de sécurité commune, au sens de ce que prévoyait de traité d'Amsterdam.

M. Patrice Carvalho.

Et les Américains ?

M. le Premier ministre.

A la lumière des événements récents, il est clair aussi que nous sommes au tout début d'un processus. Mais cela montre à quel point il est nécessaire de travailler avec nos alliés dans l'Alliance et en Europe, pour faire partager davantage nos conceptions qui sont celles du nécessaire avènement d'un monde multipolaire, où les nations décident ensemble, dans la communauté internationale, plutôt que d'accepter les impératifs de certains. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

SERVICES PUBLICS EN MILIEU RURAL

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et fait suite à une décision prise lors du dernier CIADT, le 15 décembre de ce mois.

Lors de ce comité interministériel, vous avez décidé de supprimer le moratoire sur la fermeture des services publics en milieu rural, établi par le gouvernement d'Edouard Balladur. Vous considérez, en effet, comme prioritaires les zones urbaines fragiles. Certes, des mesures adaptées à ces dernières sont nécessaires, nous le savons, mais ce n'est pas une raison pour risquer de faire péricliter le milieu rural. Ne déshabillez par Pierre pour habiller Paul, monsieur le Premier ministre, sans avoir, je le crains, une vision à long terme de l'aménagement du territoire ! Quand, dans dix, vingt ou trente ans, les populations se seront davantage encore concentrées aux abords des villes, par manque d'écoles, manque d'hôpitaux de proximité, manque de bureaux de poste en zone rurale, il sera trop tard. Le mal, monsieur le Premier ministre, vous l'aurez fait. Il en ira de votre responsabilité.

Les maires des communes rurales sont très inquiets de votre décision, car chacun sait qu'un bureau de poste ou une école fermés, c'est, petit à petit, le non-renouvellement des générations sur place, des territoires entiers en friche, des commerces qui ferment et la mort lente de la c ommune. Permettez-moi d'ailleurs de douter de l'annonce de votre concertation avec les élus. L'exemple des suppressions de brigades de gendarmerie et des fermetures d'hôpitaux est parlant ! Ainsi, dans ma propre circonscription, la fermeture d'un hôpital a été annoncée très récemment par les médias, sans qu'aucune information n'ait été donnée aux élus locaux.

Le milieu rural doit vivre. Les maires, je le répète, sont inquiets. Ils demandent que l'Etat assume pleinement ses responsabilités. Alors pourquoi, monsieur le Premier ministre, cette décision de permettre la fermeture des services publics en milieu rural ? C'est une ambition inverse que les maires et les populations attendent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, loin d'être favorable au statu quo, loin d'être favorable au déménagement du territoire par la disparition des services publics en zone rurale, le Gouvernement a souhaité réaffirmer, lors du dernier CIADT, son attachement à l'égard des services publics dans ces zones,...

M. Pierre Lellouche.

En Franche-Comté ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... en mettant en place un dispositif permettant d'éviter que ne se reproduisent les situations dans lesquelles nous nous sommes trouvés au cours des derniers mois, la plupart du temps parce que chaque ministère, chaque administration, chaque service ou établissement public envisageait des restructurations, des redéploiements, des évolutions de ses services, en ne prenant qu'insuffisamment en compte les projets des autres ministères, des autres administrations, des autres établissements publics.

Nous avons donc souhaité mettre en place un dispositif d'examen des projets relatifs aux services publics en trois phases.

Dans la première, il conviendra, afin d'anticiper toute décision, d'assurer tant une réelle concertation au niveau local, sous l'égide des préfets, qu'une concertation interministérielle, sous celle de la DATAR.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

Il y aura ensuite une phase de réorganisation des services, avec la mise en oeuvre de nouvelles modalités d'actions de nature à leur permettre de travailler plus efficacement dans les zones rurales où les services publics sont souvent les seules activités qui restent quand toutes les autres ont disparu. Il conviendra également de renforcer les moyens dont ils disposent dans les quartiers de nos villes où, comme dans celui du Mirail, les populations les plus fragiles rencontrent les mêmes difficultés pour y accéder.

Enfin, interviendra une phase éventuelle de compensation des désagréments liés à la restructuration des services.

Elle pourra comporter, notamment, la mobilisation de moyens destinés à permettre aux communes de reconvertir les locaux ou les moyens mobilisés sur un territoire.

J'ajoute que toute restructuration ou modification d'ampleur devra être appuyée sur la réalisation d'une étude d'impact prenant en compte non seulement les conséquences sur la façon dont le service sera rendu, mais aussi les conséquences sur l'emploi, sur le territoire, sur d'autres activités, sur la vitalité des services restants et des activités industrielles et commerciales qui demeureront sur le territoire concerné. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Guillaume.

Rien compris ! ZONES D'INSÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Il existe, en France, plusieurs dizaines de quartiers de non-droit. Je citerai un exemple concret, comme il en existe beaucoup d'autres, celui de la cité d'Orly-Parc à Gonesse dans le Val-d'Oise.

En 1986, ce quartier comptait une dizaine de commerçants, dont un pharmacien qui venait de s'installer.

Durant les deux ou trois premières années, jusqu'en 1988-1989, la vie s'est déroulée à peu près normalement, puis, cela a été la dégradation en chaîne : vols, violences, incendies, casses, à tel point que, en 1992, le pharmacien a dû se résoudre à quitter le quartier.

Parallèlement, il a décidé d'attaquer l'Etat en justice et, lundi dernier, monsieur le Premier ministre, le tribunal administratif de Versailles a condamné le ministère de l'intérieur pour faute lourde car, selon le juge, il n'est contesté par personne que le commissariat de Gonesse était informé de la situation et que les moyens n'ont pas été mis en place pour y faire face.

Monsieur le Premier ministre, tiendrez-vous compte de ce jugement symbolique pour rétablir l'application de la loi et de la sécurité dans ces quartiers ? Plus généralement, quelles conséquences tirerez-vous de ce jugement sur votre action en matière de sécurité ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le député, je tiens à réaffirmer la volonté du Gouvernement de faire en sorte que la police nationale soit présente partout, donc que la sécurité soit assurée partout ! Des moyens suffisants en forces publiques de sécurité existent dans le département du Val-d'Oise, et je vous rappelle que nous souhaitons que les élus locaux passent avec l'Etat des contrats locaux de sécurité, afin d'adapter le déploiement des forces aux nécessités du terrain.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ils doivent notamment favoriser l'engagement d'actions tant de prévention que de dissuasion, c'est-à-dire en accroissant la présence policière, et prévoir des mesures en matière de sanction et de réparation.

Le Gouvernement agit sans faiblesse. Il n'y a pas de zones de non-droit dans notre pays ! Il n'existe pas de zones dans lesquelles la police ne pénètre pas ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le droit s'applique partout ! C'est le droit républicain et chacun doit pouvoir vivre partout en sécurité ! Je peux vous le confirmer, monsieur le député.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Robert Pandraud Vous nous faites de la peine, monsieur le ministre ! RE

FORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE

M. le président.

La parole est à M. Alain Cousin.

M. Alain Cousin.

Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, la semaine dernière, interrogé sur l'avenir des retraites vous avez déclaré, selon le compte rendu analytique de la première séance du mercredi 16 décembre 1998 : « l'Etat pourrait être amené à augmenter notablement sa contribution à l'équilibre des régimes de retraite des fonctionnaires à partir de 2015. »

Ma question est donc simple, mais elle entraîne des conséquences qui sont évidemment loin d'être négligeables pour tous les Français : votre conception de la réforme de nos régimes spéciaux se résume-t-elle à l'augmentation des impôts de nos concitoyens et, dans ce cas, jusqu'où pensez-vous qu'une telle augmentation soit tolérable ? Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que la représentation nationale souhaite obtenir, enfin, une réponse précise sur ce sujet.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, je vous remercie de me poser la même question que la semaine dernière et, comme je n'ai pas l'habitude de changer de discours d'une semaine à l'autre, je vais vous donner les mêmes éléments de réponse.

Nous avons donc confié au Commissariat général du Plan...

M. Pierre Lellouche.

Tiens, cela existe encore ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... une étude sur l'avenir des grands équilibres des retraites au sein de notre société, sachant que des problèmes démographiques surviendront entre les années 2006 et 2040, surtout aux environs de 2015. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Delattre.

C'est un scoop ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ne vociférez pas, cela ne sert à rien ! J'essaie de répondre sérieusement à votre collègue.

Le Commissariat général du Plan donnera ses conclusions à la fin du premier trimestre de 1999. Il travaille sur diverses hypothèses, notamment sur l'évolution possible des chiffres du chômage, car toute variation du taux de chômage peut avoir des effets très importants sur l'équilibre des régimes de retraite quels qu'ils soient.

La presse a effectivement titré sur le fait que, dans certaines hypothèses, le budget de l'Etat pourrait être amené à abonder davantage qu'aujoud'hui les retraites des fonctionnaires. C'est tout.

Lorsque le Commissaire général du Plan aura rendu ses conclusions, nous reviendrons sur l'ensemble de ces problèmes de retraites.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Pierre Cardo.

Ah bravo !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

INTERVENTION ANGLO-AME

RICAINE EN IRAK

M. le président.

La parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Monsieur le ministre des affaires é trangères, l'agression anglo-américaine contre l'Irak - cependant que siégeait l'instance suprême de vigilance qu'est le Conseil de sécurité - a constitué une violation caractérisée du droit international et des résolutions de l'ONU que les USA soumettent autoritairement à leur propre exégèse.

On ne peut que condamner ces actes de barbarie dont, quoi qu'on dise, les populations civiles sont les victimes désignées. Affirmer que rien ne peut amoindrir la responsabilité des USA, exciperait-il du comportement de Saddam Hussein ? La tragédie est d'autant plus cruelle que des considérations relatives à la politique intérieure américaine ont été ostensiblement avancées dans ce pays où sévit le maccarthisme sexuel (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et où l'on ignore, pour ne l'avoir point ratifiée, la convention internationale sur les droits de l'enfant, ce qui voue les adolescents à la chaise électrique.

La responsabilité du comparse britannique est non moins écrasante. Quid de la politique européenne de sécurité ? A quel prix Tony Blair a-t-il monnayé sa participation pour que les USA n'apparaissent pas totalement isolés ?

M. Pierre Lellouche.

Heureusement que les Américains ont été là en 1944 !

M. Georges Hage.

Qui pourrait croire que le prix du pétrole est étranger à cette affaire ? Dois-je préciser, monsieur le Premier ministre, que les députés communistes auraient souhaité de la part de nos autorités les plus éminentes plus de fermeté - je confirme ce propos après vous avoir entendu -, puisque la France se veut mère des arts, des lettres et du droit, ce qu'elle n'a point manqué de rappeler en ce cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme ? Les résolutions de l'ONU et du Conseil de sécurité ne sauraient servir d'instruments à la politique hégémonique des USA. Aujourd'hui l'ONU, demain l'OTAN ? Dans les relations internationales, le recours à la force doit être à jamais banni, et sans tarder, avant que le développement des armes de destruction massive ne rende possible l'irréparable en n'importe quel lieu de la planète par le maléfice de n'importe quelles puissances.

M onsieur le ministre, quelles initiatives compte prendre la France pour faire lever l'embargo, instaurer de nouvelles relations avec l'Irak et prévenir toute agression ? Envoi de cette ballade de Noël que je dédie au peuple irakien : que retiendra l'histoire du président Clinton ? Apparaîtra-t-il comme un nouveau fléau de Dieu, tel Attila, dont on dira que, derrière ses missiles, l'herbe ne repoussait plus ou comme un Lovelace ou autre Casanova de l'Arkansas devenu faucon de l'impérialisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, vous avez demandé quelles initiatives la France comptait prendre, mais vous avez déjà entendu le Premier ministre en parler il y a quelques minutes.

Vous savez donc que tout est organisé autour de la volonté de restaurer l'autorité du Conseil de sécurité.

Dans ce cas précis, les mots prennent tout leur sens puisque ce dernier est trop souvent bafoué ou contourné.

C'est pourquoi toutes les propositions mises en avant par la France pour préparer la sortie de la crise, en attendant la solution de la tragédie, ont pour centre les décisions du Conseil de sécurité. Celui-ci doit prendre ses responsabilités et prévoir un système de contrôle lié à u ne action à long terme, comme l'a précisé le Premier ministre. Il s'agit d'instaurer des conditions qui permettront d'envisager la question de l'embargo sur une base différente, puisque l'on aura alors réglé la question de la sécurité régionale.

C'est en agissant au sein de cet organisme que nous reprendrons l'initiative, ce qui est cohérent avec l'attitude constante de la France en la matière : elle a toujours veillé à la stricte application des résolutions, mais en voulant toujours éviter qu'elles ne servent de prétexte. Nous nous situons donc dans la continuité d'initiatives que nous avons prises avant ce moment difficile.

DIFFICULTÉS DE L'EMPLOI

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, la question de l'emploi reste la préoccupation première de nos concitoyens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

Le Gouvernement a engagé de premières mesures avec les lois sur les emplois-jeunes et sur les 35 heures. Pourtant les plans de licenciement programmés par les grands groupes, dans leur frénésie de compression des coût salariaux, s'amplifient. Ainsi 3 000 suppressions d'emplois sont programmées chez Thomson, 2 700 chez Renault dont l'Etat reste le premier actionnaire, 337 chez RousselUclaf, 550 chez Kodak, 380 chez Perrier, 850 à la b anque Natexis, 1 200 chez Rhône-Poulenc, 3 000 chaque année chez PSA. La liste serait encore longue.

Les privatisations sont également lourdes de conséquences pour l'emploi. Il n'y a pourtant aucune fatalité.

Les conséquences sociales et humaines de ces licenciements sont graves. Elles le sont également pour la relance économique et elles compromettent la réussite de la politique de gauche. Le droit au licenciement restera-t-il un privilège du grand patronat ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour que cessent ces plans de licenciements qui excluent des dizaines de milliers de salariés ? Pour notre part, nous pensons qu'il est nécessaire d'instituer un moratoire contre les licenciements. Les droits des salariés doivent être renforcés afin qu'un droit de veto suspensif soit mis en oeuvre. Les salariés, les directions d'entreprise, les élus, l'administration pourraient être associés dans le but de trouver d'autres solutions que les licenciements. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, permettez-moi de dire que même si l'on assiste, ces tout derniers jours, à la recrudescence des licenciements, principalement dans des groupes qui souffrent de la crise russe - je pense à SEB et à Moulinex -, leur nombre est inférieur de 20 % à celui des licenciements constatés au cours de la même période de l'année dernière. Cela étant, ce constat ne signifie nullement, vous avez eu raison de le souligner, qu'il faille cesser d'être extrêmement vigilant en la matière et ne plus travailler à la réforme des procédures de licenciement.

N ous demeurons donc particulièrement vigilants, autour de quatre axes.

Le premier est la prévention des licenciements. A cet égard, je rappelle que la réduction de la durée du travail est un outil supplémentaire pour l'amélioration des plans sociaux. Cent accords ont déjà permis d'empêcher de nombreux licenciements et vous avez voté, il y a quelques jours, sur la base d'une proposition de loi de votre groupe, une extension de la contribution Delalande aux congés de conversion, afin d'éviter des licenciements déguisés. Ainsi dès le 1er janvier 1999, cette contribution sera doublée pour les salariés âgés de plus de cinquante ans, ce qui permettra d'éviter ce type de licenciement.

Ensuite, nous devons continuer à travailler sur la qualité des plans sociaux, non seulement en vérifiant leur réalité et en veillant à ce que toutes les autres possibilités aient bien été proposées aux salariés, notamment la réduction de la durée du travail, mais aussi en incitant les entreprises à avoir une réflexion beaucoup plus large.

Je retiendrai votre exemple des groupes automobiles.

Depuis un an, j'ai demandé au président des groupes automobiles de cesser de nous présenter des plans sociaux comme nous avons l'habitude d'en voir depuis quinze ans : car c'est la collectivité nationale qui paie les licenciements - le changement de l'organisation du travail, la formation des salariés et la pyramide des âges n'ayant jamais été traités ni d'un point de vue structurel, ni d'un point de vue de la prévention.

Actuellement, deux grands groupes automobiles sont en train de négocier avec les organisations syndicales une réduction de la durée du travail, un droit plus important à la formation, un changement de l'organisation du travail et des mesures importantes concernant la pyramide des âges ce qui va non seulement réduire - pour ne pas dire plus - les licenciements mais encore permettre l'embauche de milliers de jeunes. Ce sont les contrats de ce genre qu'il nous faut absolument développer.

De plus, nous devons aider les salariés licenciés. Encore la semaine dernière, j'ai saisi le président de l'UNEDIC, à ce sujet. Nous ne pouvons pas continuer à accepter que les salariés précaires ne soient pas indemnisés en cas de chômage. J'ai rappelé que si les partenaires sociaux n'étaient pas prêts à le faire, nous prendrions des mesures dans le DMOS afin de taxer les entreprises qui recourent massivement au travail précaire...

M. Pierre Lellouche. Encore des menaces ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et pour éviter la non-indemnisation.

Enfin, vous le savez, nous travaillons à plusieurs améliorations : amélioration de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, du contrôle des plans sociaux sans parler de la mise en place d'une grande réforme de la formation professionnelle, non seulement pour éviter les licenciements mais aussi pour aider les salariés licenciés à retrouver une chance et à progresser sur le plan professionnel.

Croyez-le bien, madame la députée, les licenciements font partie des enjeux majeurs que nous avons en tête et nous y travaillons jour après jour. Mais il vaut mieux, je crois, pousser les entreprises à trouver les bonnes solutions. C'est en tout cas dans cette voie que nous nous engageons et j'espère, dans le domaine automobile, par exemple, que nous aboutirons très rapidement à des accords innovants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

FRAPPES ANGLO-AMÉRICAINES EN IRAK

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je me permets de revenir, après les deux Georges, Georges Sarre et Georges Hage - mais peut-être en termes moins fleuris que ceux de mon collègue communiste - sur les frappes aériennes réalisées conjointement par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Je veux dire la condamnation de cet acte par l'ensemble du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et ses préoccupations quant au règlement de cette grave crise internationale.

La décision américaine illégitime au regard du droit international, s'est, de surcroît, révélée inefficace. Aujourd'hui, ce sont les Nations unies, son secrétaire général, le conseil de sécurité de l'ONU qui sortent affaiblis de cet acte unilatéral. Et peut-être la position du dictateur irakien Saddam Hussein s'en trouve-t-elle, paradoxalement, confortée.

M. Pierre Carassus.

Exact !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. François Loncle.

Les Etats-Unis ont-ils voulu délib érément, affaiblir, avec la complicité de M. Richard Butler, la crédibilité de l'ONU ? La France, le Président de la République et le Gouvernement, ontils, avec des partenaires partageant notre point de vue, les moyens de réparer en quelque sorte les dégâts et de contribuer utilement à la nécessaire sortie de crise ? M. le Premier ministre vient de tracer la voie. En dépit de l'attitude britannique, très négative pour l'Union européenne, les Quinze peuvent-ils, avec la communauté internationale, éviter que ne se reproduise une action unilatérale, fruit de l'hégémonie américaine, préjudiciable aux relations internationales qui devraient présider à la marche du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, vous avez exprimé avec conviction les sentiments du groupe socialiste. Soyez sûr, tout d'abord, que le Premier ministre et le Gouvernement y sont très sensibles.

Vous avez d'autre part, parlé de contribuer utilement à la solution de ce problème et à la sortie de la crise. Tout est là. Comme y contribuer utilement ? Eh bien, précisément, en permettant au Conseil de sécurité, par le biais de notre action, de retrouver son rôle -, celui qui n'aurait jamais dû cesser d'être le sien -, et en en faisant le lieu où se décidera un système qui, pour l'avenir, sera satisfaisant sur tous les plans.

Le premier objectif à atteindre, c'est de faire en sorte que l'Irak - puisque tout est né de la guerre du Golfe, il faut revenir à la chronologie des événements - ne puisse pas redevenir un danger pour ses voisins (Murmures sur divers bancs) et pour la région. C'est la raison pour laquelle, étant donné que tous les pays de la région le demandent instamment à tous les membres du Conseil de sécurité - sur ce point particulier, il n'y a pas de désaccord en son sein pour ce qui est de la vision à long terme - nous proposons un système dit de contrôle continu, de « monitoring », portant sur différents aspects, et militaires et financiers, afin du pouvoir traiter le problème préalable. La bonne réponse à cette question permettra de voir la levée de l'embargo sous un jour nouveau.

Voilà ce qui s'appelle travailler utilement. C'est ce que fait en ce moment la France en liaison avec ses partenaires du Conseil de sécurité afin de rétablir une position commune, en liaison avec ses partenaires européens. Nous serons toujours inlassablement à la tâche, même si des crises viennent entraver notre démarche de fond. Nous ne nous découragerons jamais en ce qui concerne l'expression européenne. Il nous faut donc surmonter le problème actuel et garder notre objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

CULTURE DU MAÏS TRANSGÉNIQUE

M. le président.

La parole est à Mme Genevière PerrinGaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le 27 novembre 1997, lorsque le Gouvernement a annoncé sa décision d'autoriser la mise en culture d'un maïs transgénique, il a fait part de son intention conjointe d'associer à cette autorisation la mise en place d'un dispositif de biovigilance dont les évaluations et le contrôle seraient de nature à justifier un retrait d'autorisat ion. Cette décision est intervenue par arrêté du 5 février 1998, un arrêté aujourd'hui sous le coup d'un sursis à exécution prononcé et maintenu par le Conseil d'Etat par décision des 25 septembre et 11 décembre derniers.

L'arrêté ministériel précisait, dans son article 3, les missions du dispositif de biovigilance, que la loi d'orientation agricole votée en première lecture par notre assemblée se propose d'entériner. Les missions du comité de biovigilance consistent à assumer la responsabilité du suivi sur le terrain, de façon à détecter tout effet indésirable sur l'environnement : les compétences et le champ d'intervention semblent sensiblement différents et doivent être complémentaires des attributions de la commission du génie biomoléculaire.

Depuis cette époque, un comité de biovigilance provisoire a, semble-t-il, travaillé en ce sens, sous l'autorité conjointe des ministères de l'agriculture et de l'environnement. Or, selon certaines sources, plusieurs milliers d'hectares auraient été semés en plantes transgéniques cette année, dont environ 2 000 hectares en maïs. Je dis

« auraient », car, malgré la volonté de transparence totale et d'information parfaite, réaffirmée à l'occasion du débat public organisé par l'office parlementaire d'évaluation des risques scientifiques et technologiques en mai et juin derniers, les services de l'Etat, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les maires et le public ignorent le nombre et la localisation précise des parcelles concernées. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que l'une des premières missions du comité de biovigilance serait d'obtenir un inventaire précis des sites et d'élaborer une cartographie ? Quand comptez-vous rendre public un tel inventaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, vous savez que, dans le cadre du dispositif de biovigilance, les parcelles cultivées avec du maïs transgénique ont été recensées par les services de protection des végétaux. Ces données ont été agrégées au niv eau régional et les informations ont été transmises au comité de biovigilance. Je peux donc vous préciser que, en 1998, 1 430 hectares ont été cultivés en maïs transgénique : dont 872 hectares dans votre région, le Poitou-Charentes, ce qui justifie sans doute votre sensibilité à ce problème et probablement votre question.

En l'état actuel de nos lois et règlements, il est vrai que la transparence n'est pas possible au nom du principe de protection du secret commercial. Mais je considère, et le Gouvernement tout entier, qu'au nom du principe de plus grande précaution, nous devons répondre, comme vous l'avez souhaité, à l'aspiration de transparence qu'expriment nos concitoyens. C'est pourquoi j'ai demandé au directeur de l'ONIC, l'Office national interprofessionnel des céréales, de bien vouloir assurer la traçabilité des lots présentés à l'intervention. Cela, de toute façon, n'est valable que pour la récolte 1998, puisque, compte tenu de la récente décision du Conseil d'Etat, il n'est plus possible de semer du maïs transgénique pour l'instant.

En conclusion, je peux vous faire part de la volonté du Gouvernement d'assurer la transparence et la traçabilité dans des conditions que nous devons revoir ensemble lors


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

de la discussion du projet de loi d'orientation agricole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

RÉFORME DES LYCÉES

M. le président.

La parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, porte sur la réforme des lycées. Dans le monde lycéen, les attentes, nous le savons tous, sont nombreuses, tant du côté des élèves, depuis leur mobilisation d'octobre dernier, que du côté des enseignants, suite à la consultation réalisée l'année passée. Vous avez décidé hier, monsieur le ministre, de présenter aux différentes organisations syndicales du second degré vos propositions finalisées pour une véritable rénovation des savoirs au lycée. La presse de ce matin s'en fait d'ailleurs largement l'écho. Loin de l'immobilisme dénoncé par certains, cette réforme introduit tout à la fois l'aide personnalisée aux élèves, le travail interdisciplinaire et l'allégement des programmes.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler le contenu des points forts de la charte pour la réforme des lycées ? Pouvez-vous également nous préciser le calendrier de la phase de concertation ouverte autour de ce projet avec les différents acteurs du monde lycéen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Madame la députée, la réforme des lycées est fondée sur quelques principes simples.

Premièrement, l'allégement des horaires de cours à vingt-six heures, au profit d'heures de travail en petits groupes et de l'aide personnalisée aux élèves.

Deuxièmement, la création d'une véritable filière littéraire permettant aux élèves qui le désirent, s'ils sont en nombre suffisant, d'étudier soit deux langues anciennes, soit trois langues vivantes.

Troisièmement, la rénovation de l'enseignement scientifique qui permettra à tous de s'initier à l'enseignement expérimental avec un allégement des programmes.

Quatrièmement, l'enseignement des disciplines artistiques et des nouvelles technologies destiné à tous les élèves.

Cinquièmement, l'initiation pratique à la citoyenneté et à un enseignement de morale civique.

T ous ces principes ont été présentés devant les commissions des affaires culturelles des deux assemblées qui les ont approuvés. Ils sont à la base du texte soumis à la concertation des personnels et des parents d'élèves. Il semble que l'ensemble des associations de parents d'élèves et des syndicats d'enseignants adhèrent à ces principes et je m'en réjouis.

Le lycée nouveau aura des exigences de qualité accrue et une égalité des chances assurée. Les enseignants pourront mieux suivre les élèves individuellement. La gestion déconcentrée des personnels permettra, en outre, d'assurer progressivement un meilleur service et une plus grande égalité des chances entre les régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. La semaine dernière, vous avez, semble-t-il, laissé publier un volumineux rapport qui détaille, région par région, les transferts d'activités et les rapprochements d'hôpitaux qui « composeraient » une prochaine restructuration hospitalière. Je parle au conditionnel. Au passage, je vous signale un souhait de mes collègues, surtout de ceux qui sont concernés parce qu'ils ont des hôpitaux sur leur territoire : nous aurions bien aimé être les destinataires de ce volumineux rapport (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) dont vos services me disent qu'il est épuisé et qu'il ne sera pas disponible avant trois semaines.

Quoi qu'il en soit, la restructuration hospitalière concernera de nombreux hôpitaux en milieu urbain comme en milieu rural, puisque 330 regroupements seraient programmés et plusieurs milliers de lits fermés - 6 000 rien qu'en Ile-de-France. Indéniablement, il s'agit d'une réforme d'importance. Je crois que la représentation nationale souhaiterait connaître plus précisément les volontés du Gouvernement dans ce domaine, puisque vous avez montré, à plusieurs reprises, que vous étiez attachés à deux composantes essentielles de la vie de tous nos concitoyens, l'hôpital et la santé.

Si cette réforme est nécessaire, il faut l'expliquer. J'appelle votre attention particulièrement sur le cas de l'Ilede-France qui, avec plus de 12 millions d'habitants, a d'énormes besoins. De profondes inégalités internes apparaissent de façon marquée entre les départements, notamment entre le centre, pour ne pas dire Paris, et la grande couronne. Je pense en particulier à la Seine-et-Marne et au Val-d'Oise dont mon collègue Blazy a parlé il y a quelques semaines.

Du reste, le 28 octobre, Mme Martine Aubry, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale avait déclaré qu'en ce qui concerne la péréquation, le Gouvernement avait l'intention d'aller vite et qu'au sein de l'Ile-de-France « existaient des différences inacceptables ».

Je souhaiterais donc connaître les dispositions que le Gouvernement compte prendre - à moins qu'il ne les ait déjà prises -, en matière de directives écrites aux agences régionales hospitalières au sujet des rééquilibrages nécessaires à l'Ile-de-France et sans doute à d'autres régions. Je voudrais qu'il nous éclaire sur la place de ce rapport dans le cadre général de la restructuration hospitalière. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. André Santini.

Très bonne question.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, je vous remercie d'avoir souligné le succès de cet ouvrage, qui retrace sommairement l'histoire et la raison d'être de trois cent trente mouvements dans notre pays, un succès tel que pour le moment le rapport est épuisé et que nous allons procéder à un nouveau tirage. Dès qu'il a été proposé au public, au ministère, tout le monde s'est précipité. (Exclamations


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Tout de même ! La représentation nationale aurait dû être la première destinataire !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je vous assure que la représentation nationale sera évidemment la première destinataire dès la réimpression et, madame la députée, il y aura un petit mot pour vous.

(Exclamations sur divers bancs.)

Mme Nicole Bricq.

Avant Noël.

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mais sur le fond, je suis content,...

Mme Nicole Bricq.

Il nous faut le document avant Noël !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Excusez-moi, quand le ministère de la santé rend public un tel rapport, cela veut dire qu'il est accessible à tous, et si tous s'y intéressent, il est vité épuisé ! Il n'y a pas d'autre raison. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Pierre Brard.

Les parlementaires d'abord !

M. Philippe Auberger.

Oui, c'est inadmissible ; il fallait l'envoyer aux parlementaires !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je suis content de mettre un peu d'animation, car les débats m'avaient paru un peu ternes jusqu'à présent.

(Sourires.)

L'entreprise de rapprochement, de mise en harmonie ou en complémentarité des hôpitaux n'était pas un secret.

Aucune directive particulière n'a été adressée aux agences régionales d'hospitalisation. Il s'agit d'un mouvement qui se poursuit depuis plus de dix-huit mois pour tout mettre en résonance, pour que des services se complètent. Cette entreprise n'est pas destinée essentiellement à fermer des lits, madame la députée (Exclamations sur divers bancs) mais à donner aux Françaises et aux Français la possibilité d'être soignés pour une pathologie donnée de manière équitable. Et il convient de s'en féliciter. Les petites structures hospitalières, appelées improprement « de proximité », ont travaillé toute la journée de vendredi, à Châteaubriant, sur ce plan. Elles s'en sont trouvées satisfaites parce qu'il ne s'agissait ni de fermer arbitrairement des lits, ni de procéder par oukases, mais bien d'harmoniser, en fonction des besoins, l'offre hospitalière.

Vous ne m'avez pas interrogé sur les petites structures mais sur l'Ile-de-France pour laquelle un effort particulier a été consenti. N'en jugez pas négativement avant que je vous réponde. Certaines régions étaient singulièrement sous-dotées par rapport à d'autres mieux dotées. Si l'on veut harmoniser, il faut permettre que des hôpitaux se développent dans des régions où il n'y en a pas. Le Nord Pas-de-Calais, la Picardie, la région Poitou-Charentes mettront cinq ans pour rattraper le quatrième de la liste, c'est-à-dire leur suivant immédiat. Nous avons donc fait des efforts de dotation pour celles-là.

S'agissant de l'Ile-de-France, je vais vous donner des chiffres précis, madame la députée.

M. Robert Pandraud.

Notre collègue a quand même raison.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non, elle n'a pas vraiment raison, monsieur, et je vais vous dire pourquoi. En 1997, pour la dotation de l'Ilede-France, moins 0,8 %, et pour la dotation de l'Assistance publique hôpitaux de Paris, moins 34 %. En 1998, première année dont nous assumons la responsabilité en totalité, ces chiffres se sont améliorés, puisqu'ils sont passés respectivement à 0,35 et 0,30 par rapport à 1997.

Enfin, et c'est le chiffre qui vous intéresse, en 1999, la dotation francilienne est de 1,117 %, celle adoptée pour l'Assistance publique hôpitaux de Paris de 1 %.

M. François d'Aubert.

Deux fois moins que la moyenne !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est dire que nous avons amorcé le renversement de tendance qu'apparemment vous souhaitez, et il se poursuivra en 1999.

Cette évolution de tendance, si elle s'opère au détriment de l'APHP, procède d'un constat simple. Dans cette région, les disciplines dites MCO, médecine-chirurgie-obstétrique, affichent des capacités excédentaires - en d'autres termes, il y en a trop par rapport aux besoins et des coûts élevés au regard de l'activité. Le point ISA atteint 15,18 dans l'APHP contre 14,64 pour l'ensemble de la région. Nous en avons tiré les conclusions.

M. Robert Pandraud.

Et les hôpitaux de Paris en sont victimes, une fois de plus !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non, monsieur le député.

M. le président.

Voulez-vous conclure, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je ne vous donnerai qu'un chiffre : on compte à l'Assistance publique hôpitaux de Paris quarante-deux services de chirurgie digestive.

M. Robert Pandraud.

Mais l'Assistance publique, ce n'est pas le problème !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Croyez-vous qu'on ait besoin de quarante-deux services de chirurgie digestive à Paris ? Non. Nous tenons compte de la situation et nous entendons la rééquilibrer à l'échelle de l'Ile-de-France, sans pénaliser pour autant l'Assistance publique hôpitaux de Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le Premier ministre, l'annulation par le Conseil constitutionnel du coeur du dispositif de régulation des dépenses de santé élaboré par votre ministre de l'emploi et de la solidarité n'est pas une péripétie technique. Elle pose en réalité un problème beaucoup plus grave.

La décision du juge constitutionnel n'est pas sur votre route un simple obstacle que vous pourriez contourner par quelque artifice juridique. Du reste, la ministre, qui avait envisagé d'utiliser l'arme des tarifs des actes médicaux pour aboutir aux mêmes sanctions à l'égard des médecins, a dû rapidement battre en retraite, comprenant vite qu'elle encourrait ce faisant la censure du Conseil d'Etat pour détournement de pouvoir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

Cette censure consacre sur le plan constitutionnel l'échec d'une formule dont nous avons constamment dénoncé l'injustice et l'inefficacité.

Mme Odette Grzegrzulka.

Pas vous, pas ça !

M. François Goulard.

Disposer à la fois d'une offre de soins de très bon niveau et d'un remboursement de ces soins par l'assurance maladie est à l'évidence une des préoccupations majeures de tous les Français, et le devoir de tout gouvernement est de chercher à y répondre.

Or la difficulté aujourd'hui est évidente, puisque le vieillissement de la population et des progrès de la médecine sont autant de facteurs de hausse des dépenses. La seule réponse jusqu'à présent apportée s'est limitée à un contrôle bureaucratique, centralisé, assorti de sanctions collectives. Elle est, nous venons de le voir, juridiquement impossible. Mais un mécanisme de sanctions individuelles, gouverné d'en haut en vertu d'objectifs de dépenses arbitraires, est tout aussi inacceptable. Fixer a priori le niveau de dépenses d'un médecin est parfaitement absurde ; le sanctionner en cas de dépassement est totalement infondé.

Dès lors, monsieur le Premier ministre, allez-vous abandonner une approche de l'assurance maladie tout à la fois idéologique et technocratique pour vous tourner vers des réponses pragmatiques, autrement dit décentraliser et jouer l'initiative et la responsabilité des acteurs plutôt que de les enfermer dans un carcan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, si le Conseil constitutionnel a annulé la clause de sauvegarde en tant que clause collective appliquée à tous et non à chaque médecin en fonction de son comportement, il n'en a pas moins reconnu la validité d'une clause de responsabilité des médecins en matière de sécurité sociale.

Par ailleurs - et vous devez vous en souvenir, ayant assisté à l'ensemble du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale -, nous avons toujours considéré la clause de sauvegarde comme un ultime recours, un serrefile, alors même que nous mettions en place des dispositifs capables d'amener notre système de soins à soigner mieux, à soigner tout le monde en toute sécurité et à soigner moins cher. Dans notre esprit, nous ne devions utiliser cette clause que in fine, seulement pour le cas où les rendez-vous pris en milieu d'année avec les partenaires syndicaux et les caisses ne portaient pas leurs fruits ; enfin, et nous l'avions voulue, vous le savez bien, transitoire.

L'essentiel pour moi reste que le Conseil constitutionnel ait reconnu la validité des dispositions qui nous permettront de mettre en place un mécanisme de réforme du système de santé décentralisé, négocié et concerté.

Alors qu'il avait annulé les conventions qui étaient conformes aux ordonnances Juppé, il a ainsi admis la validité de la mise en réseau, de la mise en filière autour du malade, autour d'une pathologie. C'est là un élément majeur de l'évolution de notre système de soins ; les généralistes et MG-France l'ont dit et reconnu en signant la convention avec la CNAM.

Le Conseil constitutionnel a également retenu la validité de la décentralisation des unions régionales de médecins que nous avons entendu doter de réels pouvoirs d'évaluation des médecins et des pratiques. Sur ce point aussi, nous avions travaillé sur le terrain, en concertation avec les médecins et non, comme vous venez de le prétendre, de manière bureaucratique et centralisée. Le Conseil a enfin reconnu valable l'ensemble des dispositions que nous avons mis en place pour conforter la politique conventionnelle et lui donner la possibilité de mettre en place de nouveaux modes d'exercice et de rémunération de la médecine, des critères différents de démographie médicale ainsi qu'une commission de transparence afin que chacun ait accès aux statistiques en matière de sécurité sociale.

Au total, c'est bien toute notre démarche, décentralisée, négociée, visant, avec les médecins, à faire bouger le système de soins, ce que vous n'avez pas fait, qui a été acceptée par le Conseil constitutionnel. Ne confondez pas le transitoire et le marginal avec l'essentiel. Après donc avoir rappelé l'essentiel, je reviens sur la clause de sauvegarde.

Le Conseil constitutionnel nous ayant demandé d'individualiser, nous allons devoir trouver une solution. Ce n'est pas facile et je partage sur ce point ce que vous avez dit...

Il est très difficile de dire qu'un médecin est vertueux et un autre non et de sanctionner celui-ci et pas celui-là.

Bien sûr, nous connaissons ceux qui fraudent ou qui abusent ; le contrôle médical de la CNAM est là pour les punir. Mais comment pouvons-nous dire qu'un bon médecin dont la clientèle s'accroît doit être sanctionné par rapport à tel autre dont la clientèle diminue ? Si deux médecins, dans une petite ville, prennent la clientèle d'un troisième parti à la retraite et voient de ce fait augmenter leur chiffre d'affaires, doivent-ils en être pénalisés ? Encore mieux : devrions-nous sanctionner des médecins au motif que leur clientèle comprend désormais des malades atteints du cancer ou du sida et que, de ce fait, le montant de leurs prescriptions s'accroît brutalement ? Nous ne voulons pas d'un système qui mettrait un gendarme derrière chaque médecin, pis, derrière chaque malade pour vérifier les pathologies et déterminer l'enveloppe correspondante. Ce serait instituer le rationnement que justement nous refusons.

Il faut donc trouver une solution. Nous le ferons avec la même détermination que celle dont nous avons fait preuve jusqu'à présent, car nous souhaitons que notre sécurité sociale soit pérennisée avec les médecins et les professionnels de santé. Nous trouverons, par la concertation, une formule qui respectera la décision du Conseil constitutionnel sans pour autant aller vers une individualisation techniquement non souhaitable et dangereuse pour les raisons que vous avez indiquées et que je partage.

Nous continuerons donc dans le même esprit, c'est-àdire une détermination féroce, à faire évoluer notre système de soins et de santé pour que chacun puisse se faire soigner à moindre coût, mais aussi avec la volonté d'avancer de manière décentralisée, régionalisée, négociée avec l'ensemble des médecins, même si sur telle ou telle clause, certains sont parfois en désaccord avec nous. Et puisque j'ai entendu M. Madelin s'exprimer, permettezmoi d'ajouter que s'il est une chose que nous ne laisserons jamais faire, c'est mettre à bas la sécurité sociale pour laisser entrer l'assurance privée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous auriez tort de vous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

réjouir d'une telle perspective, car l'étude que nous avons menée sur l'ensemble des systèmes d'assurance privés en Europe montre clairement que non seulement cela ne coûterait pas moins cher, mais qu'il y aurait sans doute 25 ou 30 % de médecins en moins, et des malades sélectionnés sur le risque, en d'autres termes une inégalité et une inéquité totales.

Ne comptez pas sur nous pour aller sur cette voie-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

SAUVEGARDE DE LA PROTECTION SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, le Conseil constitutionnel vient effectivement, à notre demande, de vous sanctionner.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

C'était prévisible. Ne vous trouvez-vous pas aujourd'hui fort démunie, quoi que vous veniez de dire ? L'UDF souhaite sauvegarder la protection sociale à laquelle les Français sont à juste titre très attachés. Nous refusons tout à la fois l'étatisation et la privatisation de la sécurité sociale. C'est dire que, pour nous, la maîtrise médicalisée des dépenses est nécessaire ; or vous l'avez bel et bien mise en péril par votre attentisme durant quinze mois, suivi de décisions autoritaires prises sans concertation, et enfin par cette loi aujourd'hui censurée.

Poussée par votre idéologie collectiviste, vous avez fondé votre loi de financement de la sécurité sociale sur deux sanctions collectives...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Richard, ministre de la défense.

C'est le goulag ?

M. Jean-Luc Préel.

... les lettres clés flottantes et l'impôt social sur le revenu. Tout au long des débats, nous vous avions mise en garde contre l'injustice de ces sanctions collectives.

En effet, pourquoi le bon médecin, dit « vertueux », examinant deux malades par heure, serait-il sanctionné au motif que son collègue en verrait dix dans le même temps ? Le Conseil constitutionnel, que nous avons sollicité, nous a suivis, rejetant, et c'est heureux, toute idée de sanction collective. Dès lors, n'êtes-vous pas démunie ? Qu'allez-vous proposer pour les dépassements en cours, au titre de 1998, et pour ceux de 1999 ? Pour l'UDF, les objectifs de dépenses de santé doivent être établis à partir des besoins de la population ; en d'autres termes, il faut donner du temps et des moyens aux conférences régionales de santé. Les enveloppes doivent être régionalisées par spécialité, et leur respect assuré par les unions régionales, grâce à une autodiscipline professionnelle basée sur les bonnes pratiques médicales.

Bien entendu, il ne s'agit pas, comme vous le prétendez en caricaturant, de mettre un gendarme derrière chaque médecin ni derrière chaque malade. Là n'est pas la question. L'UDF défend une idée de la société fondée sur la liberté et la responsabilité de chacun. Nous sommes donc favorables à l'individualisation pour soigner mieux chaque Français. C'est pourquoi nous refusons toute sanction collective.

Madame la ministre, qu'allez-vous proposer pour sauvegarder notre protection sociale ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, vous êtes pour la liberté, bravo !

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous aussi !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je vous rappelle que cette maîtrise médicalisée à laquelle vous faites allusion, c'est René Teulade et moi-même qui l'avons mise en place, après l'action de Claude Evin, à une époque où elle n'avait pas votre faveur.

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument !

M. Jean-Luc Préel.

Elle marchait bien !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Justement, monsieur Préel : si elle a bien marché pendant quelque temps, c'est parce que c'était une sanction collective ! Souvenez-vous également de ce paradoxe extraordinaire : les premiers à avoir signé la maîtrise médicalisée ont été les médecins biologistes, qui continuent aujourd'hui à fonctionner sur le même mode. Depuis 1992 et 1993, ils sont obligés à chaque dépassement - cela ne s'est pas souvent produit car le système fonctionne plutôt à leur avantage - de reverser collectivement. Ce dispositif a été appliqué par votre amie Mme Simone Veil, qui s'en est fort bien sentie. Vous vous retrouvez à invoquer une maîtrise médicalisée que nous avons nous-même inventée et qui fonctionnait bien, M. Philippe Douste-Blazy luimême peut en témoigner ! Qu'allons-nous faire maintenant ? Ce qui jusqu'alors avait marché se trouve désormais condamné - pour des prétextes au demeurant fort légitimes, puisque avancés par le Conseil constitutionnel -...

M. François Goulard.

Ce ne sont pas des prétextes !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... après avoir été appliqué non seulement aux médecins biologistes, mais également aux cliniques privées.

Durant le débat où M. Goulard et vous-même aviez exprimé votre sentiment, nous avions indiqué notre intention d'appliquer un traitement différencié selon les spécialités. Il est entendu que, dans la réflexion que nous allons mener avec Martine Aubry, nous n'allons pas sanctionner les pédiatres, par exemple, qui se tiennent absolument dans les limites imparties par l'enveloppe nationale, contrairement à d'autres spécialistes qui dépassent les leurs. Nous allons nous efforcer de préserver l'équité sur ce point.

Un dernier exemple enfin, lui aussi quelque peu paradoxal : les accidents du travail également font l'objet d'une sanction collective lorsque leur nombre, dans un secteur donné, dérape. En est-il pas de même pour les assurés ? Lorsque, pour cause de dépenses excessives, on augmente les cotisations sociales, les plus « vertueux » en termes de consommation de santé ou de soins sont-ils moins taxés que les autres ? Non, cela s'appelle la solidarité.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous aurions aimé que les médecins soient d'accord, comme ils l'avaient été au moment de la maîtrise médicalisée. Maintenant que ce n'est plus possible, il nous faut chercher une voie originale pour poursuivre dans le sens que vous avez indiqué, c'est-à-dire celui d'une prise en charge de chaque pathologie, la plus équitable possible, sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2 RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Gilbert Gantier.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour un rappel au règlement.

M. Gilbert Gantier.

Je suis heureux que vous soyez encore là, monsieur le président, car il s'agit d'une question, reconnaissons-le, importante.

Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 40, alinéa 4, du règlement : « En cours de session, les commissions doivent être convoquées quarante-huit heures au moins avant leur réunion ; elles peuvent être exceptionnellement réunies dans un délai plus bref si l'ordre du jour de l'Assemblée l'exige. »

Hier soir 21 décembre, à vingt heures trente-huit, j'ai reçu par télécopie, à mon domicile, une convocation de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, dont je suis membre depuis une bonne vingtaine d'années, pour une réunion qui doit avoir lieu demain, mercredi 23 décembre, à quatorze heures trente.

Il faut dire que cette séance n'a guère d'importance et que nous y accueillerons... seulement deux ministres,... de surcroît mineurs : Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget... Pardonnez-moi de manier l'euphémisme ! Si je continuais dans l'ironie, j'ajouterais que l'ordre du jour n'a pas davantage d'importance : il s'agit simplement du programme pluriannuel des finances publiques. En d'autres termes, la commission des finances aura à se prononcer sur le budget et les finances de l'Etat pendant les trois années à venir, rien de moins ! La session s'achève. Si le Sénat délibère assez rapidement de la loi rectificative, nous en aurons terminé ce soir. Nous sommes à moins de quarante-huit heures de la fête de Noël, et l'on nous annonce une réunion sans respecter les quarante-huit heures réglementaires, où nous entendrons deux ministres essentiels sur un point tout aussi essentiel de l'activité politique du Gouvernement. Et tout cela, je l'ai appris ce matin dans le feuilleton ! C'est extraordinaire, extravagant ! Le même article 40 précise : « La réunion est annulée ou reportée si plus de la moitié des membres d'une commission le demande, au moins quarante-huit heures avant le jour fixé par la convocation. » Mais comment

v oulez-vous que nous demandions le report de la commission quarante-huit heures avant le jour fixé, puisque la convocation est arrivée seulement trente-six heures, avant, au mépris du règlement, et que nous en sommes maintenant à moins de vingt-quatre heures ? Monsieur le président, je demande que le bureau se saisisse immédiatement de cette question. Je demande également au président de la commission des finances de différer cette réunion qui n'a aucun sens un 23 décembre et qui ne permettra pas aux membres de la commisison des finances de s'exprimer sur un sujet essentiel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur Gantier, d'abord, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Ensuite, les conditions que vous avez rappelées ne sont pas optimales, c'est vrai, pour continuer dans l'euphémisme... Je me rapprocherai du président et du rapporteur général pour voir ce qu'il est possible de faire. Sur le plan juridique, et vous-même l'avez à juste titre souligné, la commission est évidemment maîtresse de son ordre du jour. Mais on comprend bien la difficulté que cela présente. Voilà l'esprit dans lequel nous allons essayer de régler cette affaire.

M. Gilbert Gantier.

Je vous remercie, monsieur le président ! (M. Arthur Paecht remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

3

CONSEILS RÉGIONAUX Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 16 décembre 1998.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint le texte du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'assemblée de Corse, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 19 novembre 1998 et modifié par le Sénat dans sa séance du 16 décembre 1998.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de ce projet de loi (nos 1278, 1286).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'Assemblée nationale est saisie, en dernière lecture, du projet de loi portant modification du mode de scrutin et de la procédure budgétaire régionale.

Il vous appartient donc de trancher les divergences apparues, lors de la procédure législative, entre le Sénat et l'Assemblée.

Bien que la procédure ait commencé dès le 23 juin dernier, vous n'avez été saisis que six mois après, le 17 décembre dernier, des propositions du Sénat. En effet, le vote de la question préalable lors de la première lecture du texte par la Haute Assemblée, le 21 octobre dernier, a empêché que ses amendements puissent être examinés par vous en temps utile et a par trop différé la confrontation nécessaire.

De cette situation, ni le Gouvernement, ni l'Assemblée, ni la déclaration d'urgence ne sont responsables.

M. Jacques Blanc.

Mais il n'y avait pas d'urgence ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Si le Sénat avait délibéré en première lecture, peut-être aurions-nous pu connaître ses propositions dans le cadre de la navette parlementaire. Le vote de la question préalable nous en a privés.

Le Sénat a d'ailleurs accepté, peut-être à contrecoeur, au cours de la seconde lecture, de rapprocher son point de vue de celui de l'Assemblée nationale en considérant qu'un scrutin de liste proportionnel à deux tours avec prime majoritaire était envisageable.

Cependant plusieurs divergences demeurent.

La première porte sur le cadre du scrutin. Le Gouvernement a retenu un cadre régional, tandis que le Sénat propose un scrutin où les listes régionales seraient constituées de sections départementales. La prime resterait calculée au niveau régional, mais les électeurs seraient saisis de sections de listes départementales.

Deux objections peuvent être formulées à la proposition du Sénat. La première tient à la complexité du mode de scrutin, la seconde au fait qu'une liste minoritaire en voix pourrait, dans tel département, se trouver majoritaire en sièges. Surtout, l'examen approfondi d'un tel mode de scrutin, que le Sénat aurait pu soutenir quand il en était temps, intervient trop tardivement pour donner lieu à une évaluation satisfaisante.

Une autre divergence tient à la définition des seuils.

L'Assemblée nationale, dans une appréciation dont le Gouvernement l'a laissée tout à fait libre, a souhaité que les seuils soient ramenés à 3 % des suffrages exprimés pour pouvoir fusionner entre les deux tours, à 5 % pour pouvoir se présenter au second tour et enfin à 3 % pour pouvoir participer à la répartition des sièges.

Le Sénat estime que ces novations par rapport au scrutin municipal dénaturent le mode de scrutin souvent d énommé « proportionnelle majoritaire » et menace d'émiettement l'expression du suffrage.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le Sénat a raison ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

L'Assemblée nationale a, au contraire, estimé que l'existence d'une prime majoritaire suffisait à prémunir contre ce risque. Il s'agit là de concilier l'expression de tous les courants politiques, et la définition de majorités stables.

Le Gouvernement s'en est toujours remis, s'agissant des seuils, à la sagesse de l'Assemblée. C'est ce que je vous proposerai dans quelques instants.

Une troisième divergence est apparue à propos de la parité hommes-femmes que l'Assemblée nationale a souhaité instituer pour la constitution des listes régionales.

Le Sénat estime que cette réforme ne peut intervenir qu'après le vote, par le Parlement réuni en congrès, de lar éforme constitutionnelle organisant l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est le bon sens !

M. René Dosière, rapporteur.

Combien y a-t-il de femmes au Sénat ?

Mme Michèle Alliot-Marie.

Ce n'est pas la question ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Vous vous en souvenez, en 1982, le Conseil constitutionnel avait estimé que l'apparition de quotas dans les listes de candidats n'était pas prévue par la Constitution.

Mais, seize années plus tard, alors que le débat public s'est emparé de cette question, que les esprits ont évolué, alors surtout qu'en première lecture, et à l'unanimité, l'Assemblée nationale a adopté le projet de réforme constitutionnelle, peut-on affirmer que les choses sont restées en l'état ?

Mme Michèle Alliot-Marie.

Ce n'est pas le problème ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Sans rien retirer de la nécessité d'une réforme de notre Constitution, il est permis de penser que l'institution de la parité dans les listes régionales est une application de la volonté de la représentation nationale, en parfaite cohérence avec le vote qui a déjà été émis dans cette assemblée.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Mais en contradiction avec la jurisprudence ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je suis sûr, madame Alliot-Marie, que cet éclairage de la question ne peut laisser indifférent personne et que le Sénat aurait pu anticiper, sur ce point, la révision constitutionnelle en cours.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Juridiquement, ça ne tient pas !

M. René Dosière, rapporteur.

Il ne faut pas en demander trop au Sénat, tout de même ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Enfin, le Sénat estime que la procédure budgétaire dérogatoire permettant l'adoption des actes budgétaires essentiels dans des conseils régionaux dotés d'une simple majorité relative n'est pas nécessaire.

Tel n'est pas, à l'évidence, le point de vue du Gouvernement. Des événements récents montrent que la loi du 7 mars 1998 n'est pas d'une application simple. A l'avenir, dans de nombreux conseils régionaux, de sérieuses difficultés se feront jour.

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est bien de reconnaître ses fautes ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Peut-on, sans affaiblir gravement l'institution régionale, la laisser à la merci de telles incertitudes ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

La procédure budgétaire dérogatoire permet d'y faire face, sans toutefois pérennisation du dispositif.

M. Jacques Blanc.

Il existait déjà ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Je rappelle, en effet, qu'il est appelé à disparaître dès lors qu'entrera en vigueur le nouveau mode de scrutin capable de dessiner des majorités de gestion stables.

Il y a donc bien nécessité de légiférer en la matière. Le mode de scrutin régional a trop longtemps fait l'objet de critiques réitérées pour qu'il demeure en l'état. Le Gouvernement s'était engagé à légiférer après les électio ns du printemps dernier. La réforme qui vous est proposée s'inspire du scrutin municipal dans les communes de plus de 3 500 habitants.

M. Jacques Blanc.

Ce n'est pas comparable ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

La réforme aboutit à représenter tous les courants d'opinion, et elle permet la formation d'une majorité.

En l'attente de ce nouveau mode de scrutin, une procédure budgétaire dérogatoire permet aux régions fragilisées de continuer à s'administrer librement.

Ceux qui ont souvent parlé de la réforme nécessaire de l'élection régionale sans jamais la proposer sont-ils fondés aujourd'hui à s'en faire les procureurs ?

Mme Michèle Alliot-Marie.

Bien sûr, puisque vous refusez toute discussion ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Ceux qui ont préféré l'affrontement de procédure, par voie de question préalable, à l'élaboration contradictoire de la réforme sont-ils fondés à en déplorer le contenu ? Le Gouvernement vous propose au contraire de doter nos régions d'un mode d'élection qui permette à la volonté des citoyens d'être entendue et respectée, et qui préserve l'institution régionale des périls qui la menacent gravement.

En votant ce projet de loi, mesdames, messieurs les députés, vous consoliderez les régions et la démocratie locale.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est plutôt l'inverse ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

C'est ce que, dans leur immense majorité, les citoyens attendent de nous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur certains bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur le projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux, des conseillers à l'asssemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

A ce stade de la procédure, et aux termes de l'article 114, alinéa 3, du règlement, l'Assemblée nation ale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit le texte voté par elle en nouvelle lecture, modifié le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat. En l'espèce, la commission mixte paritaire, réunie le 28 octobre dernier, n'a pu parvenir à un accord, et l'Assemblée nationale ne peut, en conséquence, opter que pour la seconde solution.

Compte tenu des débats qui ont eu lieu au Sénat, aucun des amendements qu'il a adoptés ne semble susceptible d'être retenu. C'est pour cette raison que la commission invite l'Assemblée nationale à adopter, sans modification, le texte voté par elle en nouvelle lecture.

En général, sur une lecture définitive, les choses se passent rapidement car, au fond, la messe a été dite.

Alors, pourquoi, aujourd'hui, une telle agitation à droite sur ce texte ?

M. Jacques Blanc.

Parce que c'est un texte pervers !

M. Christian Paul.

Ils ne sont pas nombreux mais ils sont agités !

M. René Dosière, rapporteur.

Au fond, ce qui vous gêne, c'est que nous faisons ce que vous avez été incapables de faire malgré la majorité écrasante dont vous disposiez.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Avec vous, il n'est jamais temps de réformer.

M me Michèle Alliot-Marie.

Vous fantasmez, dans l'espoir d'avoir un grand public !

M. René Dosière, rapporteur.

Avant les régionales, c'était trop tard. Après, c'est trop tôt. En matière de modernisation de la vie publique, il y a ceux qui causent, et ceux qui agissent.

M. Christian Paul.

Très bien !

M. René Dosière, rapporteur.

La vérité, c'est que vous êtes incapables, aujourd'hui, de nous proposer une alternative.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Attendez ! On va vous la proposer !

M. René Dosière, rapporteur.

On l'a vu au Sénat en première lecture, puisqu'une question préalable y a été votée, rendant impossible toute discussion en commission mixte paritaire. Face au texte de l'Assemblée, nous avions le vide.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Une page blanche !

M. René Dosière, rapporteur.

Voilà bien le signe de votre incapacité à choisir entre la collectivité du

XXIe siècle que sera la région et celle du

XIXe siècle qu'est le département.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous, vous assassinez la région !

M. René Dosière, rapporteur.

Aujourd'hui, le Sénat nous propose un scrutin prétendument régional avec une répartition des sièges au niveau départemental. On croit rêver !

Mme Odette Grzegrzulka.

Quelle ringardise !

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est ce que proposait M. Gouzes, il me semble !

M. René Dosière, rapporteur.

Quant aux amendements sur les seuils et aux critiques sur l'émiettement, elles ne sauraient dissimuler que le choix du type de scrutin municipal que nous proposons pour la région est le choix d'un scrutin majoritaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ce sont les propos que M. Queyranne lui-même a tenus devant le Sénat !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Il faut écouter et lire vos amis !

M. René Dosière, rapporteur.

Car voilà la nouveauté : nous voulons, nous, que les conseils régionaux disposent d'une vraie majorité, alors que vous êtes satisfaits du désordre actuel, propice - n'est-ce pas, monsieur Blanc ? à toutes les compromissions...

M. Christian Paul.

A toutes les combines !

M. René Dosière, rapporteur.

... puisque vous êtes hostiles aux dispositions transitoires du titre III, dont l'objet est de permettre aux présidents - à tous les présidents de faire fonctionner des assemblées sans majorité. Sans doute est-ce au prix de dispositions qui dérogent au fonctionnement habituel des collectivités mais, en ce domaine comme en d'autres, il est plus efficace d'être souple dans ses baskets que droit dans ses bottes.

M. Jacques Blanc et M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oh la la !

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bonne réponse !

M. René Dosière, rapporteur.

Mes chers collègues, les a mendements que vous défendez font apparaître l'ampleur de nos divergences sur ce texte.

Nous sommes contre l'exercice solitaire du pouvoir - d'où la création obligatoire d'un bureau, amorce d'un exécutif collégial ; vous êtes pour.

Nous sommes pour la transparence des débats avec l'ouverture au public des séances de la commission permanente ; vous êtes contre.

Nous voulons que, dans l'attente du nouveau mode de scrutin, les régions puissent fonctionner dans la clarté ; vous êtes pour le maintien de la confusion actuelle.

C'est pourquoi les amendements que vous avez déposés ont été refusés par la commission des lois et je demande à l'Assemblée de les repousser à son tour et d'adopter le texte qu'elle avait voté en deuxième lecture.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très bien ! Discussion générale

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Monsieur le rapporteur, il est très tentant de rebondir sur vos premiers mots. L'opposition parle, nous, nous agissons, disiez-vous...

M. René Dosière.

C'est vrai !

M. Pascal Clément.

Eh oui, je vous en donne acte.

C'est même une mauvaise action que vous êtes en train de commettre.

M. Jacques Blanc.

Bien sûr !

M. Pascal Clément.

Une mauvaise action au regard de la situation politique française, une mauvaise action au regard de l'intérêt des régions.

Depuis quelques années, les socialistes en particulier et la gauche en général adoptent une posture vertueuse pour expliquer à la partie droite de cet hémicycle qu'en aucun cas elle ne saurait se marier avec les extrémistes. Nous n'avions certes pas besoin de vos leçons pour refuser précisément de telles alliances, en partant du principe que nous ne voulions ni dire ni faire le contraire de ce que nous pensons.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous parlez pour M. Blanc ?

M. Pascal Clément.

Mais vous, qui le disiez quelques années plus tôt, car vous êtes ici - qui le nierait ? - les héritiers de M. François Mitterrand, Président de la République, vous avez obtenu le pouvoir, en 1981, grâce à l'alliance avec le parti communiste qui était alors loin d'être la formation marginale qu'il est devenu.

M. Christian Cuvilliez.

Vous rêvez !

M. Pascal Clément.

Et vous nous donneriez des leçons à nous qui avons toujours tenu bon ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

A présent, vous nous organisez un mode de scrutin qui, ou nous oblige à perdre d'une manière quasiment systématique, ou nous oblige à faire ce que nous réprouvons au fond de nous-mêmes.

C omment voulez-vous que tous les Français se reconnaissent dans ce mode de scrutin ? Car ce qui importe, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, ce n'est pas simplement d'avoir des élus à l'issue d'un scrutin, c'est que ces élus soient ressentis par tous comme étant l'expression pure de la démocratie.

Or l'expression sera faussée par un mode de scrutin pour lequel vous n'avez trouvé que l'excuse de l'avoir déjà inventé - je vous en donne acte aussi ! - lors des municipales. Mais à l'époque le Front national - car il faut bien appeler les choses par leur nom - ne pesait pas 10 % mais moins de 8 %, et la question des alliances ne se posait pas. Surtout, il était clair que les seuils inscrits dans la loi ne permettaient pas à ces minoritaires d'exercer une pression quelconque sur l'expression du suffrage universel.

Votre référence au mode de scrutin des municipales est donc le fruit soit d'une profonde amnésie sur ce qui s'est passé depuis quinze ans, soit d'un cynisme politicien dont je vous dis que vous ne l'emporterez pas en paradis !

M. Jacques Blanc.

Très bien !

M. Pascal Clément.

Voilà pourquoi je pense que c'est une mauvaise action sur le plan de la politique intérieure.

Vous ne pourrez plus, demain, avoir la main sur le coeur et la vertu à la bouche, alors que vous organisez un scrutin qui n'a pas d'autre finalité que les alliances, et les alliances de toutes sortes.

Mais c'est aussi une mauvaise action contre la région.

La région, disiez-vous, monsieur le rapporteur, sera la structure de demain, au détriment des vieux départements. M. Mitterrand doit se retourner dans sa tombe, lui si départementaliste ! Ce que je sais, c'est qu'il existe des régions d'une homogénéité évidente - tel est le cas de l'Alsace - et d'autres, où elle l'est moins, comme la nôtre, monsieur le ministre, parce qu'elle est beaucoup plus grande, constituée à la fois des Alpes et du Dauphiné, mais aussi du Forez, de la Bresse et du sud de la Drôme, ou encore des Baronnies qui touchent déjà le Midi de la France.

L'ensemble fait que nous sommes dans un petit pays, à l'échelle de l'Europe aujourd'hui, avec certaines démocraties populaires que vous avez tant admirées.

M. René Dosière, rapporteur.

Pas moi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. Pascal Clément.

Bien sûr que si, car vous êtes l'héritier de ces socialistes-là et il serait trop facile de le nier maintenant ! Les Français qui habitent cette grande région ne pourront pas, à mon avis, exercer une gestion de proximité, parallèlement à celle de l'Etat qui doit, lui, veiller à l'inté rêt de tous, de l'Hexagone, mais aussi des départements et des territoires d'outre-mer, et c'est ce qui fait la force et la grandeur de notre pays.

D ès lors, des structures proches s'imposent, la commune, c'est évident, et le département, probablement, même si je reconnais avec vous que certains sont trop gros et d'autres trop petits. Et les régions ? Oui, les régions aussi, à condition de redessiner la carte régionale si vous voulez aller jusqu'au bout de la réforme et supprimer les départements.

Pour en revenir à votre projet, vous vouliez un scrutin de niveau régional. En gros, ce mode de scrutin, ou ce

« périmètre », est accepté par les représentants de l'UDF et de Démocratie libérale. Mais vous le savez bien, ce n'est pas le cas pour beaucoup, au RPR. Voilà pourquoi nous avons effectivement « patiné » lorsque nous étions au pouvoir,...

M. René Dosière, rapporteur.

Ah !

M. Pascal Clément.

Mais oui ! Parce que c'est un problème de fond. Je viens de l'aborder de manière cursive : derrière le mode de scrutin, il s'agit de savoir quelle doit être la structure de demain, le département ou la région.

M. René Dosière, rapporteur.

Gouverner, c'est choisir !

M. Pascal Clément.

A cet égard, le Sénat me paraissait avoir dégagé un compromis. En quelques étapes, on pouvait en venir carrément au scrutin de périmètre régional, comme vous le proposez dans ce texte. C'était, en effet, une procédure. Mais on pouvait aussi s'en tenir plus l ongtemps à des sections départementales. Ainsi, l'ensemble de la représentation était susceptible de s'y retrouver. C'est pourquoi je vous dis, monsieur le ministre, que vous êtes en train de commettre une mauvaise action, dont vous avez d'ailleurs atteint le dernier stade aujourd'hui grâce à une déclaration d'urgence.

Car d'ici à 2004, vous n'auriez évidemment pas eu le temps de faire procéder à deux lectures supplémentaires, n'est-ce pas ? A moins que vous n'ayez des arrièrepensées... Ce qui n'échappe à personne au demeurant ! A croire que le conseil des ministres serait sur le point de dissoudre tel ou tel conseil régional comprenant des élus de notre majorité - pardon, de notre opposition ! (Sourires.) Ils sont élus, certes, mais élus avec des voix du Front national, et vous vous en scandalisez. Pourtant, vous les aimez ces voix puisque vous êtes en train de mettre en place un mode de scrutin afin d'être bien sûrs que nous les rencontrions. Vous êtes si scandalisés que le Premier ministre, choquant beaucoup de Français, a dit qu'il ne négocierait pas les contrats de plan avec ces messieurs. Dans quel pays vivons-nous ? Il y aurait donc les élus fréquentables et les autres, ceux avec lesquels on ne négocie pas. C'est tout à fait choquant !

M. Jacques Blanc.

C'est scandaleux !

M. Pascal Clément.

Ou bien ces élus sont des gens infréquentables, et il faut dissoudre le Front national.

C'est une thèse. Ou bien il faut accepter les élus tels qu'ils sont. Je ne vois pas d'autre solution. Et c'est là où vous ne cachez pas votre manie de faire du Front national votre jouet électoral favori,...

M. René Dosière, rapporteur.

C'est une idée fixe !

Mme Nicole Bricq.

Et c'est faux !

M. Pascal Clément.

Cela vous a encore valu, aux dernières législatives, de gagner le pouvoir grâce à des triangulaires.

M. René Dosière, rapporteur.

Mais ce sont vos amis qui gèrent quatre régions avec le Front national !

M. Christian Paul.

Monsieur Clément, vous condamnez Millon ?

M. Pascal Clément.

Ce que je dis vous gêne, je le sais !

Mme Nicole Bricq.

Pas du tout !

M. Pascal Clément.

C'est bien pourquoi, chère madame, j'y reviens et cela vous gêne profondément.

Vous n'êtes que des cyniques qui ne font que de la politique politicienne ce qui vous donne le culot d'instaurer des modes de scrutin dont la finalité va à l'encontre de ce que vous prétendez être la règle de tous les démocrates.

Et vous voudriez que nous laissions passer ce texte sans rien dire !

Mme Nicole Bricq.

Il passera !

M. Pascal Clément.

Ce texte sera votre honte !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Oh, une parmi d'autres...

M. Pascal Clément.

Avec ce texte, il y va, à mon avis, de la démocratie, car nous ne saurions avoir un mode de scrutin où personne ne se retrouve. Sauf les militants de gauche, et encore pas tous. Tous ne voulaient pas soutenir toutes vos dispositions. Je rappelle que le groupe communiste n'a pas voté en première lecture. Mais vous avez abaissé les seuils, l'un de 10 % à 5 %, et un autre de 5 % à 3 %.

M. René Dosière, rapporteur.

On sait discuter, nous !

M. Pascal Clément.

Je n'insiste pas, tout le monde connaît les différentes moutures du texte. Et tout ça pour avoir les voix du groupe communiste ! Tout cela, selon vous, monsieur le ministre, « dans l'intérêt des régions » - je pense rigoureusement le contraire et pour avoir des listes d'intérêt local. Il y aura ceux qui ne voudront pas l'autoroute, ceux qui souhaiteront telle amélioration du cadre de vie...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Eh oui, vous avez raison !

M. Pascal Clément.

... qu'ils lieront à l'existence d'une usine chimique dont ils aimeraient qu'elle disparaisse.

M. René Dosière, rapporteur.

Ça existe déjà !

M. Pascal Clément.

De tous les intérêts locaux additionnés, vous ferez une politique d'intérêt régional ? Vous voyez bien que ce n'est absolument pas crédible. Vous pratiquez, là encore, l'électoralisme pur et dur. Et ce n'est pas nouveau ! M. Queyranne lui-même n'a pas craint de s'associer avec un élu qui prétendait à l'indépendance d'un département. Le ministre de la République qu'il est n'a là rien trouvé à redire. Ah ça, vous n'avez vraiment aucune espèce de scrupule quand il s'agit de ramasser les voix, mais quand il s'agit de nous, alors c'est la main sur le coeur et la vertu en flambeau ! Franchement, quelle honte pour la démocratie ! Il eût été souhaitable que le mode de scrutin appliqué aux régions, qui sont un élément important de l'équilibre français et de la place de la France dans l'Europe de demain, nous en sommes bien convaincus, soit accepté par tous. Or celui-là ne peut l'être !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

C'est pourquoi, au nom du groupe Démocratie libérale, je demande au Président de la République qu'il veuille bien exiger du Gouvernement une nouvelle délibération. Car ce texte n'est pas conforme aux principes de notre République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais rappeler brièvement l'approche des députés communistes à l'égard du scrutin régional et d'ailleurs des autres modes de scrutin.

Chacun doit reconnaître que le problème de la « gouvernabilité » des conseils régionaux est bien réel. C'est pourquoi je comprends mal les réactions de la droite à une réforme qui favorise la stabilité des institutions régionales (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française)...

M. Pierre Albertini.

Non, trop c'est trop !

M. Bernard Outin.

L'exemple de la région Rhône-Alpes est là pour confirmer la nécessité d'une adaptation du mode de scrutin.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mais oui, plus besoin de régions, plus besoin de conseillers régionaux !

M. Bernard Outin.

Les communistes, sont attachés par principe à la proportionnelle dans toutes les élections. Ce n'est pas nouveau. La proportionnelle devrait donc s'appliquer aux élections cantonales comme aux législatives. A cet égard, je suis convaincu que le Gouvernement devrait veiller à ne pas reporter une réforme qui irait dans le sens de l'égalité du suffrage, et donc de l'amélioration de la vie démocratique.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le Premier ministre a dit le contraire !

M. Bernard Outin.

S'agissant de l'application de la proportionnelle aux conseils régionaux, au-delà de la prime majoritaire, la discussion entre le Gouvernement et sa majorité a permis, en deuxième lecture, l'adoption d'un texte qui respecte effectivement le pluralisme.

En effet, le texte final qui nous est proposé permet que la liste arrivée en tête au second tour dispose d'une majorité absolue de sièges tout en assurant aux autres formations le respect de leur identité.

M. René Dosière, rapporteur.

Tout à fait !

M. Bernard Outin.

Autant il était injuste que, pour se maintenir au second tour, une liste doive obtenir 10 % des suffrages exprimés au premier tour...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Bien sûr !

M. Bernard Outin.

... autant il est raisonnable d'admettre que celles ayant obtenu 5 % puissent se représenter au second tour et que celles ayant obtenu 3 % au moins soient autorisées à fusionner au second tour avec des listes plus importantes.

L'abaissement du seuil permettra des négociations entre les formations politiques sans abus de position dominante par l'une d'elles.

M. Pierre Albertini.

Sur le dos des électeurs.

M. René Dosière, rapporteur.

Non, devant l'électeur !

M. Bernard Outin.

Le pluralisme sera ainsi mieux assuré. Les discussions ayant lieu avant le deuxième tour, les électeurs seront informés.

Cette garantie démocratique ayant été introduite, le groupe communiste votera pour le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons à la dernière lecture d'un texte important mais dont la procédure choisie rend l'examen des dispositions très limité.

La grande différence entre nous tient au fait que, d'une certaine manière, nous, nous croyons à la région alors que vous vous n'y croyez plus. C'est comme pour la décentralisation. Il faut savoir rendre à César ce qui est à César, les lois de 1982,...

M. René Dosière, rapporteur.

Ces lois c'est nous, pas vous !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... c'est Gaston Defferre, en effet, ministre de l'intérieur à l'époque, qui les a initiées.

Il n'empêche : le texte qui nous est présenté, qu'il s'agisse de la clarification des compétences entre les différentes collectivités locales ou de la région, qui est une institution nouvelle, ne renforcera pas la région. Au contraire, il contribuera à accentuer l'incompréhension de nos concitoyens devant le fonctionnement des conseils régionaux.

M. Bernard Outin.

De certains !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Non, de tous ! Ne nous méprenons pas : dans les régions qui ne connaissent pas les problèmes auxquels vous pensez, les conseils ne sont pas réunis, dans l'attente du vote de la loi. Et celle-ci permettra de ne plus les réunir pendant quatre ou cinq ans ou de les réunir seulement une fois par an. Puis, viendra la lettre recommandée...

M. René Dosière, rapporteur.

C'est un peu excessif !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le texte qui nous est proposé est une loi électorale, certes, mais où est l'urgence ? J'ai eu l'occasion, lors de la lecture précédente, de reconnaître, au nom de l'opposition, et comme l'a fait aussi Pascal Clément, que nous n'avions pas pu ou pas su modifier le mode de scrutin pour les élections régionales lorsque nous avions la responsabilité du pouvoir. Je vous en donne acte, c'est vrai.

M. René Dosière, rapporteur.

Alors ne nous reprochez pas d'agir !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Les prochaines élections régionales auront lieu normalement dans cinq ans.

Alors, où est l'urgence ? Pourquoi, sur ce sujet comme sur d'autres, concernant l'ensemble des systèmes électoraux, ne pas rechercher un accord politique et ne pas essayer de trouver, au sein de cette assemblée, par des consultations du Gouvernement ou du Premier ministre, un système électoral qui permette un jeu normal de la démocratie pour toutes les forces républicaines et démocratiques de ce pays ? Au lieu de cela, le texte que vous nous proposez c'est le cadeau de Noël de M. Jospin aux communistes et au Front national. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. Bernard Outin.

N'importe quoi !

Mme Muguette Jacquaint.

Quel amalgame honteux !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nombreux sont ceux, à l'intérieur de la gauche plurielle, qui reconnaissent que l'abaissement des seuils est une grave erreur.

M. René Dosière, rapporteur.

On ne fonctionne pas comme Juppé !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous savez parfaitement que cela donnera lieu à des oppositions contre nature. Il est bien d'instituer une circonscription régionale, cela satisfera ceux qui s'intéressent au développement des régions.

M. René Dosière, rapporteur.

Tous vos amis ne le pensent pas !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mais la loi électorale que vous nous demandez d'adopter va donner à des départements la possibilité de présenter, au premier tour, une liste dite « régionale » contre d'autres départements.

Que ce soit dans votre région, monsieur le ministre, ou dans la mienne, je vois déjà très bien lesquels le feront.

M. Alain Claeys.

Et alors ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cette loi constituera un obstacle à la nécessaire unité territoriale et politique que nous devons promouvoir. Monsieur le ministre, je suis prêt à en prendre le pari avec vous.

M. Bernard Outin.

C'est une critique parfaitement gratuite !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Non, c'est un problème essentiel, au contraire,...

M. Bernard Outin.

Disons un problème théorique !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... parce que nous sommes dans une période où nous devrions avoir les uns et les autres le souci de l'unité, c'est-à-dire du rôle de synthèse qui incombe aux élus dans la gestion de leur ville, de leur département, de leur région ou du pays. Je pense que c'est une préoccupation essentielle.

M. Christian Cuvilliez.

Consacrée !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Or vous proposez l'éclatement.

M. René Dosière, rapporteur.

Qu'est-ce que vous proposez, vous ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Les communistes ont obtenu l'arbitrage du Premier ministre en faveur de l'abaissement des seuils, contre l'avis du ministre de l'intérieur lui-même.

M. Christophe Caresche.

Ce n'est pas vrai !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

S'ils font, demain, la même demande concernant les municipales, quelle sera la réponse du Gouvernement et celle du parti socialiste ? Ce n'est pas un chiffon rouge que j'agite, mes chers collègues.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est vite dit, ça !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Après avoir écouté avec une certaine gravité la réponse du Gouvernement à propos de ce qui s'est passé à Toulouse - et que nous constatons dans chacune de nos villes -, on ne peut pas nier que si le système électoral, aujourd'hui proposé par les régions, devait s'appliquer demain aux municipales, des listes de quartier se présenteraient contre d'autres.

M. Bernard Outin.

Eh bien, voyons !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ce serait le contraire de l'esprit civique et républicain qui doit nous réunir.

M. Christian Cuvilliez.

Fantasmes !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Outre ce cadeau que vous faites, pour des raisons bassement électorales, vous aurez, pendant quarante-huit heures, des négociations destinées à faire reconnaître les intérêts de tel dé partement, de telle catégorie professionnelle - de tel quartier, si ce mode de scrutin est étendu aux municipales, ainsi que des négociations pour les fusions de listes.

Et il y a ceux qui ne fusionneront pas ! Que vous le vouliez ou non, vous institutionnalisez les triangulaires.

Le côté un peu « schizophrénique » de ce texte a quelque chose d'extraordinaire : à l'heure même où nous débattons, se constitue la commission d'enquête sur le département protection et sécurité du Front national, avec la désignation de son président et de son rapporteur. Cette commission d'enquête traduit la volonté de s'opposer à certaines pratiques des forces politiques extrémistes de ce pays. Au même moment, et malgré l'éclatement du Front national, votre système électoral donne l'assurance au Front national d'être présent au second tour. L'institution régionale en sera pénalisée et paralysée.

Par ailleurs, est-il vraiment si nécessaire et si urgent d'accroître les dispositifs contraignants de l'article « 49-3 régional », c'est-à-dire de faire en sorte que le budget de la région soit quasiment adopté sans délibération du conseil régional ?

M. René Dosière, rapporteur.

Préférez-vous qu'il soit géré par le préfet ? Ce n'est pas plus démocratique !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Une première lecture aura lieu, puis le président du conseil général fera ce qu'il voudra avec sa propre équipe. Vous n'avez même pas accepté que la commission permanente, où l'opposition est représentée, soit consultée. Cela ne paralysait pourtant pas l'exécutif. Vous ne pouvez pas soutenir cet argument. Les choses se passeront en petit comité. Les c onseillers régionaux recevront le budget par lettre recommandée. L'institution régionale n'en sortira pas grandie. La mise en place d'un tel système « intérimaire » pour la gestion de l'institution régionale contribuera à la discréditer encore davantage...

M. René Dosière, rapporteur.

Vous croyez qu'aujourd'hui c'est mieux ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... alors que vous connaissez parfaitement les responsabilités concrètes assumées aujourd'hui par les régions. Ce sera une administration sans élus. Ce ne sera plus la démocratie mais une forme de « panne démocratique ».

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, le groupe UDF, avec d'autres groupes de l'opposition, votera contre ce texte. Il a décidé de saisir le Conseil constitutionnel. Le premier motif est le principe d'indivisibilité de la République qui est mis en cause par les seuils que vous proposez. Je ne citerai pas à nouveau les déclarations du ministre de l'intérieur, qui le reconnaissait lui-même et nous demandait de veiller à la cohérence entre la loi électorale et la loi sur le remboursement par l'Etat des dépenses de campagne électorale, afin d'éviter toute distorsion dans les seuils.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

Le deuxième motif de notre recours s'appuie sur l'article 72 de la Constitution qui stipule que les « collectivités s'administrent librement par des conseils élus », ce que contredit le « 49-3 » qui prive les conseillers régionaux de tout rôle effectif.

Nous sommes donc rigoureusement opposés à ce texte.

Il était possible de trouver un autre système, d'instituer une règle qui serait à l'honneur de notre démocratie, car respectueuse de la pluralité, en laissant, comme pour l'élection présidentielle, s'affronter au deuxième tour deux coalitions. Ce serait un vrai débat démocratique.

M. René Dosière, rapporteur.

Il fallait le faire au lieu de nous donner des leçons ! Vous aviez cinq cents députés !

M. Christophe Caresche.

Ils n'ont rien fait, et maintenant ils se plaignent. La voilà la vérité.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous nous proposez un système qui cherche à nous paralyser. Mais vos lois électorales issues de la haute couture peuvent vous réserver des surprises. Des forces politiques sont en train d'émerger, et vous ferez l'expérience de la discussion politique impossible avec, par exemple, l'extrême gauche et les représentants de Lutte ouvrière. Car avec votre système électoral, ils seront là au deuxième tour !

M. Bernard Outin.

Vous parlez en orfèvre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Un système électoral, ce n'est pas quelque chose de statique.

Nous aurions souhaité qu'une vraie règle démocratique soit fixée par notre assemblée en dernière lecture. Au lieu de cela, vous allez donner la possibilité à certaines forces politiques d'essayer de nous paralyser. Nous, nous pensons que, par notre force de conviction, nous réussirons un jour à les marginaliser.

M. René Dosière, rapporteur.

Quand vous reviendrez au pouvoir ? Ce n'est pas pour demain !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mais avec ce texte de loi, vous n'y aurez pas contribué, c'est un euphémisme de le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, le Gouvernement, par la voix de M. Queyranne, a rappelé avec beaucoup de fermeté la ligne directrice de ce projet et notre rapporteur a bien montré, avec mesure mais avec conviction, quelles étaient les véritables arrière-pensées de l'opposition dans ce débat. Brider le rythme des réformes que nous proposons, c'est en effet une règle que l'opposition s'est fixée à l'Assemblée nationale, mais, très précisément sur ce texte, elle aurait bien voulu nous condamner à l'immobilisme pour pouvoir, dans quelques mois ou dans quelques années, dénoncer le statu quo dont elle n'a pas su s'extraire quand elle en avait la possibilité.

Mes chers collègues, nous allons, dans quelques instants, adopter un texte dont la nécessité et le bien-fondé paraissent établis mais je crois pouvoir dire que chaque jour qui passe l'atteste davantage. En effet, les événements les plus récents montrent que plusieurs régions françaises sont aujourd'hui totalement ingouvernables. Ainsi, à Lyon, l'élection de Charles Millon s'est-elle faite au mépris du droit ; le Conseil d'Etat vient d'ailleurs de l'annuler. J'aurais bien aimé que M. Clément, élu de la région Rhône-Alpes, mette autant d'énergie à condamner l'attitude de M. Millon qu'il en a dépensé à dénoncer la réforme du mode de scrutin régional ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cessez vos tartufferies !

M. Christian Paul.

A Dijon, M. Soisson - qui n'a fait ici qu'une courte apparition - et la droite bourguignonne se sont abstenus lors du vote du budget qu'ils avaient eux-mêmes préparé et présenté. On atteint là le comble de l'absurde : un président de conseil régional qui s'abstient lors du vote sur le budget qu'il a lui-même préparé et présenté à l'assemblée régionale. Si l'on voulait défi nitivement déconsidérer les collectivités régionales, on ne s'y prendrait pas autrement !

M. Jean Launay.

Très juste !

M. René Dosière, rapporteur.

Et que dire du Languedoc-Roussillon !

M. Jacques Blanc.

Je vous dirai ce qu'il en est !

M. Christian Paul.

C'est par charité pour M. Blanc que je n'en parle pas, monsieur le rapporteur.

Le texte adopté par l'Assemblée en deuxième lecture comporte deux innovations majeures propres à asseoir la légitimité des régions et à dégager des majorités stables

La première innovation consiste, bien entendu, en la création d'une véritable circonscription régionale. C'est une vision moderne de la région, qui permettra de donner vie au principe une population, un territoire, un programme et un contrat porté par une majorité. C'est réellement le choix de la cohérence démocratique.

M. Pierre Albertini.

C'est plutôt l'organisation de la dispersion !

M. Christian Paul.

La seconde innovation, c'est la prime majoritaire. Il s'agit d'un élément qui permettra d'assurer la stabilité et d'écarter les tentations que nous observons actuellement dans plusieurs régions françaises.

Je crois qu'un tel dispositif fera, dès les prochains scrutins, la preuve de son efficacité réelle.

Enfin, nous avons introduit en première lecture, par voie d'amendement, une troisième innovation, qui n'est pas négligeable : la parité dans les listes pour les élections aux conseils régionaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Et là, mes chers collègues, il sera intéressant d'observer la cohérence et l'attitude de l'opposition à l'égard de ce volet de la réforme du mode de scrutin régional.

M. Jean-Yves Gateaud.

Très bien !

M. Christian Paul.

Après avoir, au sein même de cette assemblée, la semaine dernière, adopté quasiment à l'unanimité le projet de loi portant réforme de la Constitution et favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives et aux mandats publics, irez-vous, mes chers collègues de l'opposition, jusqu'à contester la constitutionnalité d'une telle disposition ? Ou bien serezvous, plus modestement, en cohérence avec votre vote de la semaine dernière, et mettrez-vous, au moins une fois, en cohérence vos discours et vos actes ?

M. Pierre Albertini.

Ben voyons !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mais la révision constitutionnelle n'est pas encore adoptée !

M. René Dosière, rapporteur.

N'en demandez pas trop à l'opposition.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. Christian Paul.

Mes chers collègues, ce texte était nécessaire.

N ous n'en sommes plus, monsieur Donnedieu de Vabres, à vous reprocher de ne pas avoir réalisé cette réforme plus tôt. Nous n'en sommes plus à vous féliciter de battre votre coulpe - vous venez à l'instant de le faire pour la troisième fois en un mois. Nous en sommes aujourd'hui à nous interroger réellement sur votre obstination à contester le bien-fondé de cette réforme. Je crois pour ma part que votre hostilité à ce texte est réellement proportionnelle à la diversité des points de vue dans vos rangs.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Bien sûr !

M. Christian Paul.

En deuxième lecture, nous n'avions pas manqué, les uns et les autres, comme vient de le faire à l'instant le rapporteur René Dosière, de moquer la créativité électorale de l'opposition puisqu'elle avait présenté au cours de la même après-midi quatre ou cinq projets différents sur le mode de scrutin régional. C'était sans compter sur ses amis du Sénat qui ont voté en faveur du maintien de la circonscription départementale ! Au train où nous allons, à quand l'élection des conseils régionaux par les conseils généraux ? Retenir une telle proposition comme thème de la modernisation de la vie publique serait une idée excellente ! (Sourires.)

Ce texte est-il sous-tendu par des arrière-pensées ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oh oui ! C'est sûr !

M. Christian Paul.

Comment pouvez-vous, mes chers collègues de l'opposition, reprocher à la majorité d'avoir recherché un consensus en son sein et d'y être parvenue, puisqu'il n'était pas possible de l'obtenir avec vous qui étiez et qui êtes encore aujourd'hui extrêmement divisés sur ce sujet ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous avez recherché ce consensus en votre sein pour mieux faire passer le traité d'Amsterdam auprès des communistes !

M. Christian Paul.

Il n'y a pas d'arrière-pensées mais, au contraire, un objectif, que je tiens à rappeler, car il se confirme jour après jour, au vu de ce qui se passe au moins dans quatre régions françaises. Cet objectif, c'est de donner à tous les républicains authentiques de ce pays - et il y en a à gauche comme à droite - les moyens de gouverner les régions, dès lors qu'ils y ont une majorité, fût-elle relative.

Cet objectif de transparence démocratique, nous l'assumerons et, malgré vous, nous l'atteindrons.

Vous vous dites condamnés à perdre les élections régionales, et M. Clément a encore évoqué cette perspective.

Quel manque de confiance ! Après la réforme de ce mode de scrutin, des régions continueront à être gouvernées par la gauche et d'autres gouvernées par la droite, dans un rapport qui, à l'évidence, variera au fil du temps.

Faire en sorte que les régions soient gouvernables, que la démocratie s'y réinstalle de façon irréversible, telle est bien l'ambition de ce texte.

Alors que la loi sur l'aménagement et le développement du territoire va contribuer à donner un souffle nouveau aux régions, la réforme du mode de scrutin arrive à point nommé et ce sera la base de ce nouvel édifice de la décentralisation.

Au fond, mes chers collègues de l'opposition, il y a une différence entre vous et nous : nous, nous croyons à la vitalité démocratique de notre pays, laquelle ne manquera pas de se manifester dans le cadre rénové qui est proposé pour l'expression des suffrages lors des élections des conseils régionaux.

C'est pour toutes ces raisons, vous vous en doutez, que les socialistes ont soutenu ce texte dès sa première lecture et que, bien sûr, dans quelques instants, ils le voteront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jean-Yves Gateaud.

Un expert !

M. Jacques Blanc.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, s'il est des textes qui devraient permettre un débat, un échange avec le Sénat, ce sont bien ceux qui prévoient de réformer les modes de scrutin.

M. René Dosière, rapporteur.

Et l'exception d'irrecevabilité ?

M. Jacques Blanc.

Permettez-moi d'abord de noter combien il est scandaleux,...

M. Christian Paul.

Et c'est vous qui osez parler de scandale !

M. Jacques Blanc.

... sous prétexte d'urgence - où estelle ? -, d'empêcher le déroulement de ce débat, d'écarter toutes les propositions du Sénat...

M. René Dosière, rapporteur.

Il y avait une page blanche en CMP !

M. Jacques Blanc.

... et d'imposer une réforme d'un mode de scrutin, imprégnée de tout ce contre quoi nous mettait en garde le Président de la République lui-même dans son remarquable discours de Rennes, c'est-à-dire imprégnée de manoeuvres ou d'arrière-pensées politiciennes !

M. René Dosière, rapporteur.

Vous causez, et nous, nous agissons !

M. Christian Paul.

C'est un expert !

M. Jacques Blanc.

On ne peut pas analyser le mode de scrutin régional sans avoir une vision globale des différents modes de scrutin dans notre pays : législatif, municipal, départemental et régional.

Le scrutin régional est le seul a avoir lieu à la proportionnelle et qui à permettre d'apporter une respiration dans la vie politique de ce pays...

M. Jean-Yves Gateaud.

Avec vous, elle a mauvaise haleine !

M. Christian Cuvilliez.

C'est avec le Front national !

M. Jacques Blanc.

... en offrant aux Françaises et aux Français la possibilité de choisir leurs élus.

M. Christian Cuvilliez.

Vous ne manquez pas d'air !

M. Jacques Blanc.

Regardez ce qui s'est passé ou ce qui se passe en Europe. Ouvrez les yeux et vous verrez que la proportionnelle implique des mécanismes différents et permet, en l'absence de majorité, d'obtenir un soutien sans participation. Cela signifie qu'il y a des élus - ils ont été élus démocratiquement et doivent être respectés comme tels, qu'ils soient de droite ou de gauche (« Mais oui ! C'est ça ! » sur les bancs du groupe communiste) - qui, sans pour autant se reconnaître dans un pouvoir exécutif, lui apportent leur soutien.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous ne voulons pas de n'importe quel soutien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. René Dosière, rapporteur.

Vous, monsieur Blanc, vous acceptez tous les soutiens !

M. Jacques Blanc.

C'est le jeu de la proportionnelle, et c'est cela que vous voulez supprimer. En vérité, ce texte est diabolique. Vous voulez instaurer un système cynique qui consiste, d'une part, à tenter de piéger les élus du centre et de droite et, d'autre part, à étendre votre hégémonie sur les partis minoritaires de la gauche plurielle.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Vous voulez contraindre à une alliance là où il peut n'y avoir qu'un soutien. Vous tentez de piéger les élus du centre ou de la droite...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Et vous, vous piégez les électeurs !

M. Jacques Blanc.

... en faisant en sorte que s'ils ne passent pas d'alliance, c'est vous, les socialistes, qui prendrez le pouvoir. C'est d'ailleurs ce que vous avez réussi à faire en certains endroits.

En vérité, vous allez faire main basse sur la liberté des élus communistes ou sur celle des élus verts, lesquels seront obligés - et c'est là où transparaît votre volonté hégémonique - de rentrer dans un système d'alliance au deuxième tour. C'est donc un piège. Mais il se retournera contre vous, vous verrez ce que l'avenir vous réserve ! Vous instaurez un système inique, imprégné, comme le redoutait le Président de la République, de manoeuvres ou d'arrière-pensées politiciennes.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est un connaisseur qui parle !

M. Jacques Blanc.

Souvenez-vous, il y a moins d'un an, je proposais que le président du conseil régional soit élu au suffrage universel direct et les conseillers régionaux à la proportionnelle intégrale afin de permettre une respiration politique.

M. René Dosière, rapporteur.

Croyez-vous que vos amis soient d'accord ?

M. Jacques Blanc.

Je regrette de ne pas avoir été suivi, mais reconnaissez au moins que j'ai le mérite d'avoir dit ce que je pensais... et d'avoir fait ce que j'avais dit.

Pour faire voter le budget en l'absence de majorité, vous aviez déjà mis en place un mécanisme qui s'apparente à celui du 49-3 - mécanisme antidémocratique au niveau d'une région et absolument pas justifiée -...

M. René Dosière, rapporteur.

C'est démocratique à l'Assemblée, mais pas dans une région !

M. Jacques Blanc.

... et vous aviez pensé le coupler avec le changement de président. Mais, alors que vous aviez renoncé à ce système, car vous vous étiez rendu compte que vous alliez rentrer dans le processus dont vous ignoriez les conséquences, voilà que vous voulez de nouveau l'instaurer ! Pourquoi ? Tout simplement parce que vous voulez assurer à ceux de vos amis qui ne détiennent pas la majorité au sein d'un conseil régional la possibilité d'imposer un budget sans vote et, par ce biais, la nomination d'un nouveau président. C'est d'une malhonnêteté intellectuelle totale ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. René Dosière, rapporteur.

Pas vous !

M. Jean-Yves Gateaud.

Vous parlez en connaisseur, monsieur Blanc !

M. Jacques Blanc.

Vous mélangez deux choses : le vote d'un budget et l'élection d'un président. Je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel vous suive sur ce point.

Tout cela risque de se retourner contre vous, et c'est ce que j'espère.

Vous allez créer des instabilités (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) là où il faudrait au contraire un exécutif stable pour que puissent se dégager des majorités là où il n'en existe pas numériquement.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Cela ne doit pas se faire dans le dos des électeurs !

M. Jacques Blanc.

Le propre de la région, plus grande de nos collectivités territoriales, c'est, comme le rappelait le Président de la République, de remplir sa mission en matière d'aménagement du territoire et de développement économique, de faire respirer la vie politique française et d'assurer des équilibres.

M. René Dosière, rapporteur.

Que n'écoutez-vous le Président de la République quand il condamne les alliances avec le Front national !

M. Jacques Blanc.

Justement, ce qui vous gêne, monsieur le rapporteur, c'est le fait qu'on puisse être élu en obtenant un soutien sans pour autant passer une alliance ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Vous avez déshonoré les régions !

M. Jacques Blanc.

C'est cela dont vous ne voulez pas ! Bref, c'est du cynisme et de la malhonnêteté intellectuelle ! Vous vous drapez dans le voile de la vertu mais, en réalité, vous exploitez la situation. Tout cela, vous le paierez un jour !

M. Roger Lestas.

Très bien !

M. Jean-Louis Idiart.

Vous avez déshonoré les régions !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Vous comprendrez, mes chers collègues, et sans qu'il soit besoin que je l'explique par le détail, le plaisir que peut avoir un radical socialiste à s'exprimer sur la question de la réforme du fonctionnement des conseils régionaux et de l'assemblée de Corse.

En effet, est soumis à notre vote un texte qui réussit finalement à concilier deux objectifs : d'une part, donner à cet échelon de décentralisation qu'est la région des moyens de gestion efficaces, en particulier budgétaires ; d'autre part, permettre l'expression des différentes sensibilités et faciliter l'égal accès des femmes et des hommes à la fonction régionale.

La région, nous le savons, a du mal à exister. Outre des budgets toujours inférieurs à celui du département le plus important de l'entité, les modalités d'élection et de prise de décision ont eu des conséquences graves.

Au pire, la volonté de conserver à tout prix un pouvoir discuté par les électeurs a conduit à faire tomber du côté où ils penchaient - je dis bien du côté où ils penchaient un certain nombre d'élus de l'opposition parlementaire.

Le plus souvent, la mise en place de majorités fragiles invite les exécutifs régionaux à rechercher un modus vivendi permettant de conférer aux politiques régionales une cohérence toute relative.

Pour reprendre l'image qui en fut indirectement donnée par Michel Thomas, un auteur clermontois, je dirai que la région est pour nous, élus de terrain, élus des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

communes et des départements, un peu comme une armoire de style : c'est un meuble de facture soignée, légué par un parent, à qui l'on doit le respect, mais souvent trop imposant pour tenir dans la chambre et que l'on aurait donc installé dans le salon. C'est une espèce de monument que l'on contourne chaque jour en faisant attention à ne pas en rayer les moulures. Bref, on en est un peu embarrassé ! J'arrête là cette cruelle comparaison pour dire que l'aménagement des procédures budgétaires contribuera à coup sûr à modifier cette image.

Pour y aboutir, vous n'avez négligé aucun paramètre, et l'utilisation - dans des procédures, que je ne détaillerai pas, puisque cela a déjà été fait avec talent par le rapporteur - des trois variables, que sont la variable fiscale, la variable institutionnelle et la variable temps, est un gage de durée pour ces nouvelles dispositions.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Oh, ça, l'avenir le dira !

M. Gérard Charasse.

Le deuxième objectif de ce projet de loi est de renforcer la représentativité et l'efficacité de l'institution. A cet égard, les procédures proposées pourront également s'inscrire dans la durée.

Le texte célèbre en premier lieu l'harmonisation de la durée des mandats électifs, conformément aux déclarations du Premier ministre. On peut d'ailleurs penser que cet effort se poursuivra puisque, selon la rumeur, on y pense beaucoup dans d'autres palais de la République.

On retiendra, en tout cas, que l'initiative de l'harmonisation revient à cette majorité et à la représentation nationale, et il y a tout lieu d'en être fier.

Par ailleurs, le choix de la circonscription régionale met fin à une situation ambiguë, celle d'élus siégeant dans le cadre d'une collectivité territoriale, alors qu'ils sont issus d'un scrutin organisé dans un cadre géographique différent. La disposition proposée renforcera la lisibilité de l'enjeu politique que doit constituer le scrutin régional et contribuera à l'abandon de stratégies départementales qui n'ont rien à faire dans la gestion de cette collectivité. Elle permettra enfin à cette dernière d'occuper toute sa place dans le dispositif de la décentralisation.

Quant au troisième volet concernant la prime majoritaire, on ne peut que se féliciter que cette prime, instituée à partir des modalités retenues pour les communes de plus de 35 000 habitants, ait été adaptée aux réalités régionales. Les seuils choisis par l'Assemblée garantissent une représentation efficace de l'opposition, qui n'aura pas, comme c'est le cas pour les municipales, à s'en remettre au règlement intérieur et à la bonne volonté de la majorité en place pour exister. Nous pourrions d'ailleurs initier une réflexion à ce sujet. Les simulations dont l e rapporteur a rendu compte à plusieurs reprises montrent, à cet égard, que ce scrutin conserve bien son caractère proportionnel, mais que le texte que nous avons retenu lui donne une acception majoritaire dans des proportions qui ne trahissent pas le vote des électeurs.

Au total, les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert voteront ce texte qui contribuera à renforcer la collectivité territoriale qu'est la région et à lui donner, dans la continuité du texte de mars 1986, un second souffle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Michèle AlliotMarie.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Nous en sommes à la lecture définitive de ce texte, c'est dire que tous les arguments ont été entendus, que toutes les positions sont aujourd'hui connues. A partir de là, nous sommes à même de juger à la fois de la méthode et du fond du texte.

Pour ce qui est de la méthode, vous avez choisi de rejeter toutes les propositions d'amendements ou d'amélioration. Cela m'inspire trois réflexions. D'abord, ce n'est pas la preuve d'une pratique adulte de la démocratie. En résumé, la majorité fait passer un texte et l'opposition vote contre. Je ne crois pas que ce soit une bonne façon de légiférer.

M. René Dosière, rapporteur.

Hier soir, on a voté unanimement !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Dans d'autres démocraties, on prend le temps nécessaire pour parvenir, sur les textes les plus importants en tout cas, sinon à l'unanimité, du moins à un large consensus.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est ce que nous avons fait, hier, sur la Nouvelle-Calédonie !

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est essentiel s'agissant de textes qui mettent en cause les principes fondamentaux de la République ou le fonctionnement de nos institutions et c'est d'autant plus important à l'heure où - soyons lucides ! - nos concitoyens regardent notre façon de travailler avec beaucoup de suspicion. C'est dommage, car, pour avoir siégé dans une commission qui n'est certes pas la mienne mais où j'ai été accueillie pour étudier ce texte, je pense que, moyennant quelques amendements, nous aurions pu, sur certaines dispositions, aboutir à un consensus qui aurait correspondu à l'intérêt général.

Ensuite, ce n'est pas non plus le moyen de bien légiférer, car à partir du moment où les textes sont strictement attachés à une majorité, surtout les textes fondamentaux, ils sont modifiés à chaque changement de majorité.

M. René Dosière, rapporteur.

Même en cas de dissolution d'ailleurs !

M me Michèle Alliot-Marie.

Or, depuis bientôt vingt ans, la majorité change à chaque législature. Procéder de la sorte n'est pas bon non plus pour la stabilité du droit et la crédibilité de l'Etat.

M. Jacques Blanc.

Très juste !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Il est probable que ce texte suivra le même sort que les précédents. De surcroît, ces passages en force qui jouent sur le temps aboutissent à des textes élaborés trop vite, qu'il faut souvent modifier peu de temps après. Celui-là en est l'exemple même puisqu'il vise à combler les lacunes et à corriger les erreurs d'un texte adopté cette année. Ce n'est donc pas une bonne façon de légiférer.

M. Jacques Blanc.

Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie.

En outre, cette méthode n'est pas la meilleure façon de procéder pour convaincre nos concitoyens que nous cherchons à régler équitablement les questions en pensant à l'intérêt général. Je ne crois pas que les Français pensent que tout est noir d'un côté et blanc de l'autre.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Certes !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Ils pensent au contraire, d'ailleurs leur goût pour la cohabitation qui transparaît dans les sondages le montre, qu'il y a probablement du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

bon d'un côté et de l'autre. C'est donc en travaillant ensemble et en adoptant certains amendements que nous montrerions le mieux que nous recherchons l'intérêt général.

M. René Dosière, rapporteur. Il y a ceux qui causent et ceux qui agissent !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Mais peu importe ! Nous sommes en lecture définitive et c'est la méthode que vous avez choisie.

Il nous reste donc simplement à juger votre texte. Au nom des grands principes, sinon des bon sentiments, vous allez, à mon sens, à l'encontre de l'idéal démocratique, de l'efficacité et de la transparence.

A l'encontre de l'idéal démocratique car, pour moi, la démocratie suppose que l'électeur connaisse et puisse suivre, donc sanctionner, l'action de l'élu qu'il a choisi.

C'est un système dans lequel l'élu est représentatif du plus grand nombre de citoyens. Or que constatons-nous avec ce texte ? Vous avez choisi un mode de scrutin proportionnel et régional, c'est-à-dire celui où l'électeur n'a que très peu de chances de connaître son élu, voire ses élus. C'est le problème de ce mode de scrutin. Interrogez donc vos électeurs et vous verrez s'ils sont nombreux à connaître plus d'un et même un seul de leurs élus régionaux.

Par ailleurs, le système de seuils, que vous avez abaissés, ne permettra pas à l'élu d'être représentatif d'un grand nombre de citoyens. Avec un seuil de 3 % ou de 5 % des votants, alors même que le taux d'abstention est supérieur à 50 %, notamment pour les élections régionales, certains élus ne représenteront que 3 %, voire 1,5 % des électeurs ! Croyez-vous qu'ils seront extrêmement représentatifs ? Ce texte va aussi à l'encontre de l'efficacité. En effet, étant donné les compétences de la région, notamment en matière d'aménagement du territoire et d'économie, il faudrait pouvoir prendre en compte les territoires les plus fragiles à l'intérieur d'une région. Il faudrait aussi permettre une action commune de tous les élus régionaux, dans l'intérêt général. Or que constatons-nous ? Les amendements présentés en commission par l'un des vôtres d'ailleurs, M. Gouzes,...

M. René Dosière, rapporteur.

La commission les a repoussés !

M me Michèle Alliot-Marie.

... auraient permis de reconnaître l'existence des départements. Il ne s'agissait même pas d'instiller une certaine départementalisation du scrutin ; il était seulement question de faire en sorte qu'il y ait une mention départementale. En refusant cela, à l'encontre de ce que pensent certains d'entre vous, vous allez empêcher les départements, notamment les plus petits et les plus fragiles d'entre eux, d'être représentés, de se faire entendre, quoi qu'il arrive, au sein du conseil régional. Il en résultera un manque d'efficacité.

L'efficacité, c'est également le travail au quotidien. Or, nous le savons bien, celui-ci se fait souvent en commission, y compris en commission permanente. Et c'est justement parce que les séances de la commission permanente ne sont pas publiques qu'il est très souvent possible - osons le dire devant tout le monde ! - de faire accepter des amendements et de trouver un consensus sur un texte pour aller dans le sens de l'intérêt général.

M. René Dosière, rapporteur.

La commission permanente est ouverte au public dans la moitié des conseils régionaux !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Vous refusez cela en rendant publiques les séances de la commission permanente et, par là même, vous nuisez à l'efficacité de l'institution.

M. René Dosière, rapporteur.

Vous voulez agir dans l'ombre !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Enfin, votre texte va à l'encontre de la transparence, de l'honnêteté politique que souhaitent nos électeurs.

M. Raymond Douyère.

En matière d'honnêteté, vous pouvez parler !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Il permettra en effet toutes les tractations et à tous niveaux. Au niveau du scrutin, d'abord, vous instaurez une proportionnelle à deux tours, c'est-à-dire que vous permettrez entre les deux tours toutes les magouilles - c'est le terme - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste),...

M. Jean-Claude Perez.

On sait où elles sont, les magouilles !

Mme Michèle Alliot-Marie.

... toutes les tractations.

Cela n'est pas convenable !

M. René Dosière, rapporteur.

Voyez Soisson ! Mme Michèle Alliot-Marie. Le seul intérêt d'un scrutin proportionnel, s'il devait exister, serait de se résumer à un seul tour. En effet, comme vous le souhaitez, et malgré toutes les remarques que j'ai faites sur l'absence de représentativité, il permettrait à tous, y compris aux moins représentatifs, d'être présents au conseil régional. Mais en prévoyant deux tours de scrutin, vous ouvrez la voie à toutes les tractations politiciennes. Et vous allez exactement dans le même sens en ce qui concerne le fonctionnement des régions. Cela a été largement développé, je n'y reviendrai donc pas, mais ce que vous cherchez en la matière, ce sont des interventions après coup non dénuées d'arrière-pensées politiciennes. Elles ont d'ailleurs été dénoncées en première lecture dans votre propre camp, je m'en souviens parfaitement.

Ce texte n'est bon ni quant à la méthode qui a été utilisée pour l'élaborer, ni quant au fond. C'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Comme vient de le dire Mme AlliotMarie, nous sommes en lecture définitive et de nombreux arguments ont déjà été échangés. Permettez-moi néanmoins de relever certaines inexactitudes dans les interventions précédentes.

M. Blanc, d'abord, nous a rappelé les propos que le Président de la République a tenus à Rennes, mais il aurait dû se souvenir de ce qu'il a dit le 23 mars dernier au soir.

M. Jacques Bascou.

Tout à fait ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Fait exceptionnel, il a alors pris la parole à la télévision, à vingt heures, pour condamner les alliances intervenues avec le Front national dans quatre régions. Mais je ne vous ai pas entendu à l'époque, mon-s ieur Blanc, saluer les propos du Président de la République...


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M. Jacques Bascou.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... et vous conformer à ses déclarations.

M. André Angot.

Vous avez été élus grâce au Front national ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

En matière d'alliances, avec vous c'est toujours « à l'insu de mon plein gré ». (Sourires.)

Tel est votre précepte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous venez d'ailleurs de le démontrer à nouveau, puisque vous faites voter votre budget et prenez vos principales décisions avec le soutien du Front national sans jamais avoir condamné ce parti d'extrême droite.

C'est votre choix politique, mais permettez-moi de le souligner.

M. André Angot.

Vous avez été élu député grâce au Front national ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Mme Alliot-Marie et M. Clément ont condamné l'idée d'un deuxième tour en prétendant que ce serait celui de toutes les magouilles, de tous les arrang ements. Mais enfin, quand se sont produites les magouilles et les compromissions ? Entre le 15 et le 20 mars, c'est-à-dire en dehors des électeurs, qui ont été abusés.

M. Jacques Bascou.

Eh oui, exactement ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

D'après les enquêtes d'opinion, le principal reproche adressé aux présidents de régions qui ont fait alliance avec le Front national, c'est d'avoir dupé leurs électeurs, d'avoir voulu le pouvoir à tout prix,...

M. Jacques Bascou.

Eh oui ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... car ils n'avaient jamais déclaré avant les élections qu'ils allaient passer ce type d'alliance.

M. Jacques Blanc.

J'ai toujours dit que je ne récuserai aucune voix ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le scrutin à deux tours avec une logique majoritaire permettra, au premier tour, l'expression des différentes idées. Quant aux alliances, celles qui vont permettre de gouverner grâce à la prime majoritaire,e lles seront passées devant les électeurs, avant de deuxième tour. C'est là qu'est la transparence, la démocratie. Il me paraît essentiel de le souligner, parce que les alliances se feront alors au grand jour.

D'après M. Donnedieu de Vabres, ne devraient rester au deuxième tour que les deux listes arrivées en tête.

Mais les élections régionales, ce n'est pas l'élection présidentielle.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Bien entendu ! M. secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Si, pour l'élection présidentielle, le constituant de 1962 a choisi, pour le deuxième tour, de dégager deux candidats afin que l'un d'entre eux ait la majorité absolue, pour les régions nous devons veiller à concilier le pluralisme de la représentation, qui me paraît assuré - les différents courants peuvent être représentés , même s'ils ne veulent pas s'entendre -,...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Et pourquoi pas les différents départements ? Soyez logique ! M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

... et la capacité de gouverner pour la majorité qui se dégagera des urnes. C'est ce que permet le mode de scrutin des élections municipales. Il ne s'agit pas d'évoluer vers la bipolarisation que vous souhaitez, monsieur Donnedieu de Vabres.

Enfin, après les élections de mars 1998, les régions sont particulièrement discréditées. Qui pourrait prétendre aujourd'hui que l'institution régionale fonctionne bien globalement ? Ce texte donnera aux régions, après la crise qu'elles viennent de vivre, un élément de stabilité indispensable pour que nous ne prenions pas trop de retard par rapport aux régions européennes qui, elles, avancent, vite alors que nous restons paralysés par les crises nées des élections de mars dernier.

Madame Alliot-Marie, vous dites que les textes ne restent pas, mais nous avons fait une réforme des élections municipales et des lois de décentralisation en 1982, dont tout le monde se réclame aujourd'hui et contre lesquelles vous aviez pourtant voté. En matière de régions, il en sera de même. Ce texte leur donnera le nouvel essor qu'elles méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est un mauvais texte !

M. le président.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Dernier texte voté par l'Assemblée nationale

M. le président.

Je donne lecture de ce texte :

«

TITRE Ier

« DISPOSITIONS RELATIVES AU MODE D'ÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX ET DES

CONSEILLERS À l'ASSEMBLÉE DE CORSE

« Art. 1er . - Au premier alinéa de l'article L.

336 du code électoral, les mots : "pour six ans" sont remplacés par les mots : "pour cinq ans".

« Art. 2. - L'article L.

337 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.

337. - L'effectif de chaque conseil régional est fixé conformément au tableau no 7 annexé au présent code. »

« Art. 3. - L'article L.

338 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.

338. - Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages expirmés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins de 3 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

« Art. 4. - L'article L.

346 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.

346. - Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats avant chaque tour de scrutin.

« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins.

« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. La c omposition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés et n e se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre de la liste et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés.

« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié à la préfecture de région par le candidat tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier tour. »

« Art. 5. - L'article L.

347 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 347. - La déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture de région d'une liste répondant aux conditions fixées aux articles L. 338, L. 346 et L. 348.

« Elle est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ou par un mandataire porteur d'un mandat écrit établi par ce candidat. Elle indique expressément :

« 1o Le titre de la liste présentée ;

« 2o Les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de chacun des candidats.

« Pour chaque tour de scrutin, la déclaration comporte la signature de chaque candidat, sauf, pour le second tour, lorsque la composition d'une liste n'a pas été modifiée. »

« Art. 6. - L'article L. 350 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 350. - Pour le premier tour, les déclarations de candidature sont déposées au plus tard le quatrième lundi qui précède le jour du scrutin, à midi. Il en est donné récépissé provisoire.

« Elles sont enregistrées si les conditions prévues aux articles L. 339, L. 340, L. 341-1 et L. 346 à L. 348 sont remplies. Le refus d'enregistrement est motivé.

« Un récépissé définitif est délivré par le représentant de l'Etat dans la région, après enregistrement, au plus tard le quatrième vendredi qui précède le jour du scrutin, à midi.

« Pour le second tour, les déclarations de candidature sont déposées au plus tard le mardi suivant le premier tour, à 18 heures. Récépissé définitif est délivré imm édiatement aux listes répondant aux conditions fixées aux articles L. 346 et L. 347. Il vaut enregistrement. Le refus d'enregistrement est motivé. »

« Art. 7. - L'article L. 351 du code électoral est ainsi modifié : 1o Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Pour les déclarations de candidature avant le premier tour, le candidat placé en tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de quarante-huit heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu de la région, qui statue dans les trois jours. »

;

« 1o bis. - Dans le deuxième alinéa, après la référence : "L. 340", est insérée la référence : ", L. 341-1" ;

« 2o Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour les déclarations de candidature avant le second tour, le candidat placé en tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu de la région, qui statue dans les vingt-quatre heures de la requête. Faute par le tribunal d'avoir statué dans ce délai, la candidature de la liste est enregistrée.

« Dans tous les cas, les décisions du tribunal administratif ne peuvent être contestées qu'à l'occasion d'un recours contre l'élection. »

« Art. 8. - L'article L. 352 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 352. - Aucun retrait volontaire ou remplacement de candidat n'est accepté après le dépôt d'une liste.

« Les listes complètes peuvent être retirées, avant le premier tour, au plus tard le quatrième samedi précédant le scrutin, à midi ; avant le second tour, avant l'expiration du délai de dépôt des candidatures. La déclaration de retrait est signée par la majorité des candidats de la liste.

Il est donné récépissé des déclarations de retrait. »

« Art. 9. - L'article L. 353 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 353. - La campagne électorale est ouverte à partir du deuxième lundi qui précède le jour du scrutin. »

« Art. 10. - L'article L. 359 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 359. - Le recensement des votes est fait, pour chaque département, au chef-lieu du département, en présence des représentants des listes, par une commission dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d'Etat.


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« Le recensement général est fait par la commission, prévue par l'alinéa précédent, compétente pour le département où se trouve le chef-lieu de la région. Les résultats sont proclamés au plus tard à 18 heures, le lundi suivant le jour du scrutin. »

« Art. 11. - La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 360 du code électoral est ainsi rédigée :

« Toutefois, si le tiers des sièges d'un conseil régional vient à être vacant par suite du décès de leurs titulaires, il est procédé au renouvellement intégral du conseil régional dans les trois mois qui suivent la dernière vacance pour cause de décès, sauf le cas où le renouvellement général des conseils régionaux doit intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance. »

« Art. 12. - L'article L. 361 du code électoral est ainsi modifié :

« 1o Dans le premier alinéa, les mots : "du département" sont remplacés par les mots : "de la région" ;

« 2o Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le même droit est ouvert au représentant de l'Etat dans la région s'il estime que les formes et conditions légalement préscrites n'ont pas été respectées. »

« Art. 13. - L'article L. 363 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 363. - En cas d'annulation de l'ensemble des opérations électorales dans une région, il est procédé à de nouvelles élections dans cette région dans un délai de trois mois. »

« Art. 14. - L'article L. 4432-3 du code général des collectivités territoriales est abrogé. »

« Art. 15. - Au premier alinéa de l'article L. 364 du code électoral, les mots "pour six ans" sont remplacés par les mots : "pour la même durée que les conseillers régionaux". »

« Art. 16. - L'article L. 366 du code électoral est ainsi modifié :

« 1o Dans l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa, le mot : "plus" est remplacé par le mot : "moins" ;

« 2o Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article L. 338 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »

« Art. 16 bis - L'article L. 370 du code électroral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »

« Art. 17. - I. - L'article L. 371 du code électoral est abrogé.

« II. - Au premier alinéa de l'article L. 372 du même code, la référence à l'article L. 349 est supprimée. »

« Art. 18. - L'article L. 380 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 380. - Les dispositions de l'article L. 360 sont applicables dans les conditions suivantes : les mots : "en Corse", "de l'Assemblée de Corse" et "conseiller à l'Assemblée de Corse" sont substitués respectivement aux mots : "dans la région", "du conseil régional" ou "des conseils régionaux" et "conseiller régional". »

«

TITRE II

«

DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPOSITION D U COLLÈGE ÉLECTORAL ÉLISANT LES SÉNATEURS

« Art. 19. L'article L. 280 du code électoral est ainsi modifié :

« 1o Le 2o est ainsi rédigé :

« 2o Des conseillers régionaux et des conseillers de l'Assemblée de Corse désignés dans les conditions prévues par le titre III bis du présent livre ; »

« 2o Le deuxième alinéa est supprimé. »

« Art. 20. Le titre III bis du livre II du code électoral est ainsi rédigé :

«

TITRE III bis

« DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS DES CONSEILS RÉGIONAUX ET DES DÉLÉGUÉS DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

« Art. L. 293-1. - Dans le mois qui suit leur élection, les conseils régionaux et l'Assemblée de Corse procèdent à la répartition de leurs membres entre les collèges chargés de l'élection des sénateurs dans les départements compris dans les limites de la région ou de la collectivité territoriale de Corse.

« Le nombre de membres de chaque conseil régional à désigner pour faire partie de chaque collège électoral sénatorial est fixé par le tableau no 7 annexé au présent code.

« Le nombre de membres de l'Assemblée de Corse à désigner pour faire partie des collèges électoraux sénatoriaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse est respectivement de 24 et de 27.

« Art. L. 293-2 - Le conseil régional ou l'Assemblée de Corse désigne d'abord ses membres appelés à représenter la région ou la collectivité territoriale au sein du collège électoral du département le moins peuplé.

« Chaque conseiller ou groupe de conseillers peut présenter avec l'accord des intéressés une liste de candidats en nombre au plus égal à celui des sièges à pourvoir.

« L'élection a lieu au scrutin de liste sans rature ni panachage. Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne.

« Il est ensuite procédé de même pour désigner les conseillers appelés à faire partie du collège électoral des autres départements, dans l'ordre croissant de la population de ces derniers ; aucun conseiller déjà désigné pour faire partie du collège électoral d'un département ne peut être désigné pour faire partie d'un autre.

« Lorsque les opérations prévues aux alinéas précédents ont été achevées pour tous les départements sauf un, il n'y a pas lieu de procéder à une dernière élection ; les conseillers non encore désignés font de droit partie du collège électoral sénatorial du département le plus peuplé.

« Celui qui devient membre du conseil régional ou de l'Assemblée de Corse entre deux renouvellements est réputé être désigné pour faire partie du collège élect oral sénatorial du même département que le conseiller qu'il remplace.

« Art. L. 293-3. - Le représentant de l'Etat dans la région ou dans la collectivité territoriale de Corse notifie au représentant de l'Etat dans chaque département de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

région ou de la collectivité territoriale les noms des conseillers désignés pour son département en vue de l'établissement du tableau des électeurs sénatoriaux mentionné à l'article L. 292. »

«

TITRE

III

«

DISPOSITIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT

DES CONSEILS RÉGIONAUX

« Art. 21. - L'article L. 4311-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

« 1o Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'adoption de l'ensemble des chapitres ou des articles vaut adoption du budget, sauf si le président du conseil régional met en oeuvre la procédure prévue à l'alinéa suivant. »

;

« 2o Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A l'issue de l'examen du budget primitif, le président du conseil régional peut soumettre à un vote d'ensemble du conseil régional le projet de budget initial, qu'il peut modifier après accord du bureau par un ou plusieurs des amendements soutenus ou adoptés au cours de la discussion. Cette procédure peut également s'appliquer à deux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice hormis le compte administratif. »

;

« 3o Au dernier alinéa, le mot : "Toutefois," est supprimé. »

« Art. 22. L'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-1-1. - Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1612-2, si le budget a été rejeté au 20 mars de l'exercice auquel il s'applique ou au 30 avril de l'année de renouvellement des conseils régionaux, le président du conseil régional communique aux membres du conseil régional, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau projet sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion. Ce projet est accompagné de projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1o du a de l'article L. 4331-2 et au 1o de l'article L. 4414-2 ainsi que, le cas échéant, des taxes visées aux 2o , 3o et 4o du a de l'article L. 4331-2.

Le nouveau projet et les projets de délibérations ne peuvent être communiqués aux membres du conseil régional que s'ils ont été approuvés par son bureau au cours du délai de dix jours susmentionné.

« Ce projet de budget et les projets de délibérations relatives aux taux sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par la majorité absolue des membres du conseil régional, ne soit adoptée à la même majorité. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.

« La motion est déposée dans un délai de cinq jours à compter de la communication du nouveau projet du président aux membres du conseil régional et comporte un projet de budget et des projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1o du a de l'article L. 4331-2 et au 1o de l'article L. 4414-2 ainsi que, le cas échéant, des taxes visées aux 2o , 3o et 4o du a de l'article L. 4331-2, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du candidat aux fonctions de président et comporte la déclaration écrite prévue par le dernier alinéa de l'article L. 4133-1.

« Le projet de budget annexé à la motion est établi conformément aux dispositions des articles L. 4311-1 à L. 4311-3. Il est transmis, un jour franc après le dépôt de la motion de renvoi, par le président du conseil régional au conseil économique et social régional qui émet un avis sur ses orientations générales dans un délai de sept jours à compter de sa saisine. Le même jour, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 4132-18, le président convoque le conseil régional pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable suivant. La convocation adressée aux conseillers régionaux est assortie de la motion de renvoi déposée et du projet de budget ainsi que des projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1o du a de l'article L. 4331-2 et au 1o de l'article L. 4414-2 et, le cas échéant, des taxes visées aux 2o , 3o et 4o du a de l'article L. 4331-2, qui lui sont annexés.

« Le vote sur la motion a lieu par scrutin secret au cours de la réunion prévue au quatrième alinéa.

« Si la motion est adoptée, le projet de budget et les projets de délibérations relatives aux taux sont considérés comme adoptés. Le candidat aux fonctions de président entre immédiatement en fonction et la commission permanente est renouvelée dans les conditions fixées par l'article L. 4133-5.

« Le budget est transmis au représentant de l'Etat au plus tard cinq jours après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté conformément au deuxième alinéa ou de la date de l'adoption ou du rejet de la motion de renvoi. A défaut, il est fait application des dispositions de l'article L. 1612-2.

« Les dispositions du présent article, à l'exception de celles de la dernière phrase des troisième, sixième et septième alinéas, sont également applicables à deux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, qui font l'objet d'un vote de rejet par le conseil régional, hormis le compte administratif. Dans ce cas, le président du conseil régional peut communiquer un nouveau projet de budget aux membres du conseil régional, dans un délai de dix jours, sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements présentés ou adoptés lors de la discussion sur les propositions nouvelles ; ce projet ne peut être soumis au conseil régional que s'il a été approuvé par son bureau au cours du délai de dix jours susmentionné.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à la collectivité territoriale de Corse".

« Art. 22 bis. - L'article L. 4133-4 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les séances de la commission permanente sont publiques.

« Néanmoins, sur la demande de cinq membres ou du président du conseil régional, la commission peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu'elle se réunit à huis clos".

« Art. 22 ter . - L'article L. 4133-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 4133-8. - Le bureau est formé du président, des vice-présidents et, le cas échéant, des membres de la commission permanente ayant reçu délégation en application de l'article L. 4231-3. »

« Art. 22 quater . - Supprimé. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

«

TITRE IV

«

DISPOSITIONS FINALES

« Art. 23. - I. - L'intitulé du tableau no 7 annexé au code électoral est ainsi rédigé : "Effectif des conseils régionaux et répartition des conseillers régionaux entre les collèges électoraux chargés de l'élection des sénateurs dans les départements".

« II. - L'intitulé de la dernière colonne du tableau no 7 annexé au code électoral est ainsi rédigé : "Nombre de conseillers régionaux à désigner pour faire partie du collège électoral sénatorial des départements".

« Art. 24. - I. - Les dispositions de l'article 1er de la présente loi entreront en vigueur pour le premier renouvellement général des conseils régionaux qui suivra sa publication.

« II. - L'article 21 de la présente loi sera abrogé à compter de la date du prochain renouvellement général des conseils régionaux. Il cesse également d'être applicable à tout conseil régional renouvelé avant cette date. Il n'est pas applicable à la collectivité territoriale de Corse.

« III. - Les dispositions de l'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables dans les régions dont le budget ne peut être considéré comme adopté, à la date de promulgation de la présente loi, soit en application des deux premiers alinéas de l'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction initiale, soit en application des quatre alinéas suivants.

« L'article L. 4311-1-1 du même code sera abrogé à compter de la date du prochain renouvellement général des conseils régionaux. Il cesse également d'être applicable à tout conseil régional renouvelé avant cette date. »

M. le président.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Ces amendements, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution et 114, alinéa 3, du règlement, reprennent des amendements adoptés par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

M. Blanc a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Comme vous venez de le rappeler, monsieur le président, nous ne pouvons malheureusement pas présenter les amendements que nous souhaiterions.

M. Pierre Albertini.

Eh non !

M. Jacques Blanc.

C'est l'effet d'une déclaration d'urgence, qui ne s'imposait en aucun cas et qui prive l'Assemblée nationale d'une partie de ses pouvoirs sur un texte pourtant fondamental. J'ai donc déposé une série d'amendements reprenant ceux du Sénat.

L'amendement no 8 vise à maintenir à six ans la durée du mandat des conseillers régionaux, pour qu'il n'y ait pas de différence avec les conseillers municipaux et les conseillers généraux.

Par ailleurs, au moment où le Gouvernement propose de porter à sept ans la durée des contrats de plan Etatrégions, il me paraît étonnant qu'il veuille réduire la durée du mandat des conseillers régionaux à cinq ans.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

En troisième lecture, la commission a déjà entendu ce type d'arguments à plusieurs reprises, et elle y a répondu. Cela m'épargnera de devoir justifier les votes défavorables qu'elle a émis sur l'ensemble des amendements présentés. Je pense que nos collègues de l'opposition ne m'en voudront pas.

A l'occasion de cette lecture définitive, M. Blanc peut parler aussi longtemps que le règlement le lui permet, mais je regrette qu'il ne soit pas venu exposer ses arguments lors de la première ou de la deuxième lecture.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Je rappelle que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, en juin 1997, s'est prononcé pour l'unification à cinq ans de la durée des mandats.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Blanc a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Dans la troisième phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral, remplacer le mot : "moins" par le mot : "plus". »

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Pourquoi remplacer le mot

« moins » par le mot « plus » ? Parce qu'en cas d'égalité des suffrages, on peut penser que le candidat le plus âgé a tout de même plus d'expérience...

M. René Dosière, rapporteur.

Pas forcément !

M. Jacques Blanc.

... et une meilleure connaissance des dossiers. L'égalité des suffrages, cela suppose une situation complexe qui exige de la subtilité. C'est pourquoi la tradition favorise les plus expérimentés.

On me dira que je ne suis pas pour la modernisation de la vie politique. Mais la vraie modernisation de la vie politique, excusez-moi, ne consiste pas à bouleverser les bons usages. C'est ce que disait le président Giscard d'Estaing lui-même. Je propose donc que l'on respecte la règle habituelle qui donne la préférence au plus âgé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement s'en remet à las agesse de l'Assemblée comme lors des précédentes lectures.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Je souhaite répondre au ministre et au rapporteur, bien qu'ils aient été assez laconiques.

Il est abusif de parler de modernité quand on désigne le candidat le plus jeune pour être le président chargé d'instaurer un équilibre qui ne sort pas des urnes. Ne pas vouloir que cet homme ou cette femme soit doté d'une certaine expérience me paraît vraiment de l'infantilisme ! Ce n'est pas de la modernité, c'est de la débilité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Outin.

Un peu de respect !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Dites tout de suite que nous sommes des débiles aigus !

M. Pascal Clément.

Méditez sur ce mot qui vous blesse !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 et 10.

L'amendement no 5 est présenté par M. Donnedieu de Vabres ; l'amendement no 10 est présenté par M. Blanc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral, remplacer les mots : "3 % des suffrages exprimés", par les mots : "5 % des suffrages exprimés dans la région". »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cet amendement a pour objet de maintenir à 5 % le seuil donnant droit à des élus au deuxième tour. Il s'agit d'harmoniser le texte avec la loi régissant le remboursement par l'Etat des dépenses de campagne électorale, comme le souhaitait d'ailleurs ici même le ministre de l'intérieur, qui avait appelé notre attention sur cette distorsion.

Si l'on veut empêcher une liste de se maintenir au second tour en refusant ainsi la discipline majoritaire et le débat démocratique de type bipolaire, il faut qu'elle ait peur d'être pénalisée et de ne pas obtenir de siège. C'est une sorte d'assurance tous risques. Je trouve donc ridicule d'abaisser le seuil à 3 % pour supprimer toute sanction.

De plus, j'y insiste, dès lors que la loi sur le remboursement des dépenses de campagne électorale fixe un seuil de 5 %, maintenons le même seuil pour le système électoral, ou alors modifions la règle appliquée pour le financement, car la distorsion serait choquante.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour soutenir l'amendement no

10.

M. Jacques Blanc.

M. Renaud Donnedieu de Vabres l'a rappelé, nous courons le risque de voir surgir de multiples listes défendant des intérêts d'un moment ou catégoriels, et donc, celui d'un émiettement évident. Des élus certes respectables, mais qui ne seraient pas motivés par une campagne régionale entreraient ainsi dans ces assemblées. La région mérite de susciter une vraie mobilisation et de vrais débats sur les politiques de développement, en vue d'assurer un aménagement équilibré et harmonieux de son territoire. Certes, M. Pascal Clément l'a dit, personne ne pourra empêcher que, à certains moments, ces débats ne soient occultés par l'émergence de sujets certes dignes d'intérêt, mais qui n'ont pas leur place dans une assemblée régionale. Néanmoins, en fixant le seuil à 5 %, on ne mettra pas en cause la représentation de groupes politiques tels que ceux qui siègent ici même, mais on évitera le risque de dérapage et d'émiettement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Sur les seuils, le Gouvernement s'en est remis et s'en remet toujours à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5 et 10.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Blanc a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 338 du code électoral, remplacer le mot : "moins", par le mot : "plus" ».

Vous aviez proposé le même amendement à l'article 1er , monsieur Blanc.

M. Jacques Blanc.

Oui, monsieur le président, c'est la même démarche et la même justification. Notre ami Pascal Clément a mis les choses au point. Ne trichons pas avec la nécessaire modernisation de la vie politique.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Pas vous !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Sagesse.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7 et 12.

L'amendement no 7 est présenté par MM. Giscard d'Estaing, Douste-Blazy, Debré et Rossi ; l'amendement no 12 est présenté par M. Blanc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, remplacer le pourcentage : "5 %", par le pourcentage : "10 %". »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour soutenir l'amendement no

7.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous sommes au coeur de la modification électorale proposée, car il s'agit de l'accès au second tour. Le système que nous avions suggéré lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale s'inspirait du principe de l'élection présidentielle, seules les deux listes arrivées en tête au premier tour étant admises à se maintenir au second. Ce n'était pas contraire au pluralisme, puisque les sensibilités politiques ou les courants de pensée représentés au premier tour auraient eu la possibilité de fusionner leurs listes. Il y aurait eu alors un débat projet contre projet, programme contre programme, donc un vrai débat démocratique. Cette logique-là, vous l'avez refusée. Nous en restons donc à un raisonnement sur les seuils.

Nous sommes aujourd'hui contraints par les règles de procédure à ne reprendre que les amendements adoptés par le Sénat. C'est la raison pour laquelle l'ensemble de l'opposition républicaine présente cet amendement de repli qui limite le seuil à 10 % des suffrages exprimés alors que, dans la version originelle, le Président Giscard d'Estaing avait souhaité placer la barre à 10 % des inscrits, ce qui avait naturellement une tout autre portée.

Au moment où vous vous apprêtez à repousser cet amendement, vous me permettrez, mes chers collègues, avec un minimum d'ironie mais beaucoup de sérieux, de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

relire les quatre lignes de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur devant le Sénat à ce sujet : « Si nous abaissons le seuil par exemple à 5 %, nous nous trouvons dans un système proportionnel. Dès lors, nous ne sommes plus dans une logique qui permet de dégager des majorités ; nous sommes dans une logique qui conduit à l'émiettement des forces politiques. »

En retenant cette solution - je vous le dis avec solennité, l'air du temps étant ce qu'il est -, vous allez encourager les affrontements catégoriels et géographiques, au lieu de promouvoir l'unité démocratique dans le respect des convictions de chacun.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour soutenir l'amendement no

12.

M. Jacques Blanc.

L'amendement présenté par le président Giscard d'Estaing a été parfaitement défendu. Je souscris aux arguments qui viennent d'être invoqués.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. René Dosière, rapporteur.

A M. Donnedieu de Vabres, qui a participé, lui, aux précédentes délibérations, je ferai remarquer que, dans notre République, ce n'est pas le ministre qui fait la loi, bien que son rôle soit important, mais le Parlement. Ce dernier n'est pas nécessairement engagé par les paroles du ministre, même si nous avons pour lui beaucoup d'amitié.

De plus, à l'époque où nous proposions 10 % des suffrages exprimés, M. Giscard d'Estaing nous avait expliqué que cette solution était l'abomination de la désolation et qu'il fallait placer la barre à 10 % des inscrits.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oui !

M. René Dosière, rapporteur.

Il l'avait fait par article de journal interposé, plutôt que de venir exposer sa thèse dans cette assemblée.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mais il est venu en deuxième lecture !

M. René Dosière, rapporteur.

Ce premier amendement de MM. Giscard d'Estaing, Douste-Blazy, Debré et Rossi - 1444jexcusez du peu ! - n'a pas été repris par le Sénat, où ses signataires comptent pourtant une majorité d'amis.

Ce que le Sénat a souhaité, et que vous reprenez dans votre amendement d'aujourd'hui, est précisément ce que vous combattiez en deuxième lecture.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Non !

M. René Dosière, rapporteur.

Il n'y a guère de cohérence dans votre pensée. La commission a donc repoussé les deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement, sur les seuils, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je le répète, nous ne pouvons débattre, en lecture définitive, que d'amendements adoptés par le Sénat. En l'occurrence, celui qu'il a retenu, et c'est pourquoi je l'ai qualifié d'amendement de repli, plaçait la barre à 10 % des suffrages exprimés. J'ai rappelé les termes originels de la proposition de M. Giscard d'Estaing (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)...

M. René Dosière, rapporteur.

Que le Sénat n'a pas acceptée !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... à savoir 10 % des inscrits.

Avec cette discussion sur les seuils, nous donnons le sentiment, à l'extérieur, que nous faisons de la cuisine ou du sur-mesure. Nous avions au contraire proposé un système très clair à nos concitoyens, qui permettait le respect du pluralisme au premier tour, et au deuxième tour, grâce à la fusion des listes, un débat bloc contre bloc, coalition contre coalition, projet contre projet. La démocratie suppose à la fois que toutes les sensibilités puissent s'exprimer et qu'ensuite une majorité se dégage, car c'est une nécessité pour la gestion d'une collectivité locale comme pour celle du pays, de même qu'une opposition.

Ce système n'était donc pas le contraire de la démocratie. En outre, il était intelligible par l'ensemble de nos concitoyens. Il mériterait même d'être constitutionnalisé.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jacques Blanc.

Je suis choqué par les propos du rapporteur.

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas grave !

M. Jacques Blanc.

Le Sénat, dans sa sagesse, n'a pas souhaité prendre une position extrême mais donner au contraire à l'Assemblée la possibilité de le rejoindre.

L'anomalie, en l'occurrence, ce n'est pas le Sénat...

M. Jean-Claude Perez et M. René Dosière, rapporteur.

L'anomalie, c'est vous !

M. Jacques Blanc.

... c'est l'Assemblée. C'est aussi la déclaration d'urgence, qui empêche le bicamérisme de s'exprimer pleinement, dans une Constitution où les deux assemblées doivent pourtant garder leur rôle. L'anomalie, monsieur le rapporteur, c'est l'Assemblée qui refuse d'écouter le Sénat et d'engager le dialogue. Le Sénat aurait peut-être souhaité les 10 % par rapport aux inscrits, mais il a préféré ouvrir une perspective pour que l'Assemblée puisse le suivre. Il est scandaleux que vous adoptiez un tel comportement à l'égard de la noble assemblée qu'est le Sénat ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pascal Clément.

La voilà, l'anomalie !

M. Jean-Louis Idiart.

Provocateur !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7 et 12.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 et 13.

L'amendement no 6 est présenté par M. Donnedieu de Vabres, l'amendement no 13 est présenté par

M. Blanc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article L.

346 du code électoral, remplacer les mots : " 3 % des suffrages exprimés", par les mots : " 5 % des suffrages exprimés dans la région". »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour soutenir l'amendement no

6.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mon amendement, s'agissant de l'accès à la fusion des listes, tend à porter le seuil de 3 à 5 % des suffrages exprimés. Il convient en effet d'essayer d'encourager le regroupement dès avant le premier tour. Il est moins sérieux de se mettre d'accord sur un programme en quarante-huit heures que de consacrer des semaines ou des mois à sa préparation !

M. Bernard Outin.

Millon Gollnisch : vingt minutes !

M. Jean-Louis Idiart.

Et demandez à Blanc combien il lui a fallu !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je me moque du comportement des uns et des autres.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Claude Perez.

C'est un aveu !

M. Pierre Albertini.

Nous n'avons pas de leçons à recevoir de la majorité !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je ne suis responsable que de mon propre comportement et j'adhère à la logique de ma famille politique.

Nous considérons qu'un seuil de 5 % permet déjà à des forces politiques très diverses de fusionner, mais que descendre à 3 % encourage les listes catégorielles ou géographiques. Vous pensez aujourd'hui que ce sont des fantasmes. Mais aux prochaines élections, si certaines dérives se poursuivent, ces listes-là se multiplieront et compromettront l'unité nécessaire à la démocratie.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour soutenir l'amendement no

13.

M. Jacques Blanc.

Je considère, comme mon collègue, que le seuil de 3 % va provoquer un émiettement en favorisant les listes de défense d'intérêts du moment ou d'intérêts catégoriels. Il ne faut pas entrer dans cette mécanique.

Quant à mon propre comportement, je suis l'un des rares ici à avoir été élu au premier tour. Moi, je ne dois mon élection à personne ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Outin.

Galéjade !

M. Jean-Claude Perez.

Vous devriez avoir honte !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. René Dosière, rapporteur.

Avis défavorable.

Monsieur Donnedieu de Vabres, il ne faut pas laisser accroire que des seuils abaissés ne permettront pas de dégager une majorité dans les régions.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je n'ai pas dit cela !

M. René Dosière, rapporteur.

Nous avons opté pour un scrutin majoritaire combiné à une représentation des minorités. L'abaissement des seuils permettra seulement à des minorités plus diverses d'être représentées dans l'opposition. Mais il y aura toujours une majorité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6 et 13.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

L'amendement no 14 n'a plus d'objet.

M. Blanc a présenté un amendement, no 15, ainsi libellé :

« Rédiger comme suit l'article 16 :

« Le dernier alinéa de l'article L.

366 du code électoral est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Les dispositions du sixième alinéa de l'article L.

338 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Coordination avec les amendements précédents.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Qui ont été repoussés ! Donc cet amendement tombe !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Contre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Donnedieu de Vabres a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 21. »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous abordons la deuxième partie du texte, qui concerne le dispositif prévu jusqu'au prochain renouvellement des conseils régionaux pour l'adoption des budgets.

Tout le problème est de savoir quel est le rôle d'un président de conseil régional et le rôle d'un conseil régional. L'articulation des responsabilités proposée dans le présent texte ne nous semble pas appropriée car tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président de la région. Dans la plupart des régions françaises, il y aura une réunion annuelle du conseil régional pour la préparation du budget. Je note au passage que, si le président prévoit tout le détail dans son budget, la commission permanente devient pratiquement inutile. Dans la plupart des régions, le budget ne sera pas adopté. Ensuite, le président, muni de l'avis non pas de la commission permanente mais de sa propre équipe, prendra la décision définitive sur le budget.

Nous dénonçons cette hypertrophie faramineuse des pouvoirs du président du conseil régional. C'est la raison pour laquelle nous considérons que cette disposition transitoire n'est pas nécessaire. Nous en proposons la suppression pour deux raisons. D'abord, les régions peuvent très bien éviter la paralysie. Ensuite, une chose est d'être élu président de la région, une autre est de savoir écouter les conseillers régionaux et prendre en compte leurs orientations politiques.

Mes chers collègues, je ne sais pas si vous mesurez bien les effets de la disposition proposée. Si elle est adoptée, il n'y aura plus lieu de réunir les conseils régionaux. Les


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exécutifs actuels ne s'y sont d'ailleurs pas trompés puisqu'il n'y a pas eu de réunion pour la préparation des orientations budgétaires ou du budget dans l'attente où l'on était du vote de ce texte. Ils savent que, dès qu'il sera voté, ils n'auront plus besoin de l'avis du conseil. Pour eux, ce sera une loi de confort.

M. Jacques Blanc.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Bien entendu, la commission a repoussé cet amendement de suppression. Mais il me semble utile de rappeler à nos collègues, pour qu'ils ne soient pas induits en erreur, que le tableau que vient de dresser M. Donnedieu de Vabres est quelque peu éloigné de la réalité.

D'abord, la disposition dite du vote bloqué s'applique au budget et non pas à l'ensemble des décisions que peut être amené à prendre un conseil régional.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le président peut tout mettre dans le budget !

M. René Dosière, rapporteur.

Un budget est un document codifié, on n'y met pas tout et n'importe quoi.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Bien sûr que si, on peut le faire !

M. René Dosière, rapporteur.

Ensuite, cette disposition s'appliquera à deux autres délibérations budgétaires, les décisions modificatives. Le président de région disposera donc d'un instrument conforme à la volonté politique qu'il veut mettre en oeuvre dans la région. Sur tous les autres aspects, y compris sur l'individualisation du budget, le conseil régional et la commission permanente resteront naturellement libres de leurs décisions.

En outre, il est précisé que cette mesure s'appliquera aussi longtemps que les conseils régionaux seront dans la situation actuelle, c'est-à-dire susceptibles de ne pas avoir de majorité. Dès lors que le nouveau mode de scrutin aura été appliqué, la mesure sera caduque.

Monsieur Donnedieu de Vabres, loin d'être l'abomination de la désolation, cette mesure est simplement un instrument qui permettra aux régions de fonctionner dans la clarté. En effet, celles-ci, aujourd'hui, et vous en savez quelque chose, pourraient parfaitement avoir un budget qui n'ait aucun sens, les divers articles et chapitres ayant été votés à chaque fois par des majorités de circonstances.

Or il faut donner au président les moyens d'appliquer sa politique.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Contre.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Dans les conseils régionaux, ceux qui y siègent le savent, on a l'habitude de la majorité relative, qui suppose un esprit de dialogue et de négociation. Ces dernières années, dans la plupart des régions françaises, il n'y avait pas de majorité absolue et donc, pour préparer un budget ou une décision modificative, on était évidemment obligé d'obtenir au moins l'abstention d'un certain nombre de forces politiques présentes au conseil régional.

Mais de qui doit-on rechercher l'abstention ou l'assentiment ? Tout le problème est là. En tout cas, le fonctionnement des conseils régionaux était très vivant. Des amendements émanant de groupes de l'opposition étaient pris en compte par le président du conseil régional, ce qui permettait d'aboutir au vote d'un budget. Et ce n'était pas de la « cuisine ». C'était tout à fait déclaré et officiel puisque la paternité d'un amendement avait un certain nombre de conséquences.

Par cette disposition, vous allez priver le conseil régional d'un vrai débat démocratique. C'est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement. Nous ne voulons pas que les présidents de région aient tous les pouvoirs et les conseils régionaux aucun.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 2 et 18.

L'amendement no 2 est présenté par M. Donnedieu de Vabres ; l'amendement no 18 est présenté par M. Blanc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 22. »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour soutenir l'amendement no

2.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

L'article 22 établit un amalgame dépourvu de toute signification entre la délibération budgétaire et la candidature à la présidence de région.

Un président qui n'a pas la majorité absolue peut être obligé, mais c'est la loi, d'exécuter des décisions qu'une majorité a prises sans son aval. Est-ce si choquant ? Non, et c'est la raison pour laquelle nous considérons que l'article 22, qui lie impérativement la délibération budgétaire et l'élection d'un nouveau président, ne nous semble pas approprié.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc pour soutenir l'amendement no

18.

M. Jacques Blanc.

En effet, l'amalgame est étonnant.

Un budget peut être approuvé ou non. Des éléments sont contestables et contestés. Comme l'a parfaitement dit M. Donnadieu de Vabres, le propre de l'exécutif régional est de savoir dialoguer avec l'ensemble des élus du conseil régional. D'ailleurs, et je puis vous l'assurer avec quelque expérience, on fait voter à l'unanimité près de la moitié des rapports grâce à une démarche permanente d'écoute qui fait respirer politiquement notre pays. On veut donc couper court à tout cela ? Mais on va susciter des appétits et des jeux personnels (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) pour trouver le nom d'un président qui, sans aucune élection au scrutin secret,...

Mme Béatrice Marre.

Ni négociation secrète !

M. Jacques Blanc.

... serait élu président si la motion budgétaire était votée. Outre le fait que je ne suis pas du tout convaincu que ce soit très constitutionnel - il faudra y regarder de plus près -, je pense que c'est extrêmement dangereux. Je le dis avec décontraction, le résultat de vos d émarches vous surprendra. Vous allez instaurer l'instabilité là où l'exécutif avait besoin de stabilité. Et vous allez créer des jeux plus ou moins subtils qui ne seront pas très dignes.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

C'est un expert qui s'exprime !

M. Jacques Blanc.

C'est extrêmement dangereux. On s'en rendra compte dans quelques années. En tout cas, je vous aurai mis en garde. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

Pour ceux qui liront les travaux préparatoires, je tiens simplement à préciser, puisque nous ne pouvons plus corriger notre texte, que lorsqu'il est précisé à l'avant-dernier alinéa que s'agissant des budgets rectificatifs le président peut reprendre les amendements « présentés » en séance, il faut lire, en harmonisation avec ce qui est écrit pour le budget primitif : des amendements ayant été « soutenus ».

Nous avons oublié de faire cette correction au cours de la lecture précédente et nous ne pouvons malheureusement plus la faire maintenant. C'est pour éviter toute contestation que je tiens à apporter cette précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est contre ces amendements.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 2 et 18.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 3 et 16.

L'amendement no 3 est présenté par M. Donnedieu de Vabres ; l'amendement no 16 est présenté par M. Blanc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 22 bis. »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour soutenir l'amendement no

2.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

En sommes-nous déjà au texte sur les animaux dangereux ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cet amendement concerne le fonctionnement des commissions permanentes dans lesquelles sont représentées toutes les forces politiques d'un conseil régional. Si l'on est vraiment préoccupé par le rôle éminent qu'elles doivent jouer dans la préparation du budget, on doit faire en sorte qu'elles soient consultées, d'autant qu'il s'agit uniquement d'un avis. Réunir la commission permanente ne signifiait pas brider le pouvoir et la capacité d'agir du président du conseil régional. Il s'agit de permettre à toutes les forces politiques d'une région - majorité et opposition - d'avoir un minimum d'informations.

A vous entendre, rendre publiques les auditions de la commission représentera un progrès pour l'information du citoyen. Mais c'est totalement contradictoire. Soit vous voulez que la commission permanente ait un vrai rôle, et, à ce moment-là, il faut l'associer à la préparatio n du budget, ce qui n'est quand même pas trop demander, soit vous ne voulez pas qu'elle ait un rôle public, et il n'est pas nécessaire d'assurer la publicité de ses débats.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour soutenir l'amendement no

16.

M. Jacques Blanc.

Tous ceux qui participent aux commissions permanentes le savent bien, il y a au sein de ces commissions, comme au sein des commissions de l'Assemblée, une grande capacité de dialogue et une forte volonté de trouver des solutions. Rendre leurs délibérations publiques va modifier totalement cet état d'esprit.

M. Jean-Claude Perez.

M. Blanc est effrayé par la transparence !

M. Jacques Blanc.

Et c'est extrêmement dangereux.

Vous allez introduire la médiatisation dans le système.

M. Jean-Claude Perez.

Non, la transparence !

M. Jacques Blanc.

Ce n'est pas la transparence !

M. Jean-Claude Perez.

Mais si, c'est le contraire de ce que vous avez fait !

M. Jacques Blanc.

La transparence était déjà assurée.

Les comptes rendus de commissions permanentes le montrent.

En l'occurrence, c'est le jeu médiatique que vous allez introduire au sein des commissions permanentes et il risque de provoquer beaucoup de dégâts dans le fonctionnement des régions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a émis un avis défavorable.

Je regrette que Mme Alliot-Marie ait dû quitter l'hémicycle ; je lui aurais expliqué que cet amendement m'a été en quelque sorte suggéré en première lecture, et même avant d'ailleurs, par M. Pandraud.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Absolument !

M. René Dosière, rapporteur.

C'est la preuve que nous sommes capables d'écouter et de dialoguer avec l'opposition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

La commission permanente, dont la g éométrie peut être variable - elle peut même comprendre la totalité des membres de l'assemblée régionale -, est une émanation de l'Assemblée. Que ses séances soient publiques me semble donc aller dans le sens de la transparence. C'est pourquoi le Gouvernement demande que ces deux amendements soient repoussés.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. La publicité des débats va entraîner de grandes difficultés lorsque la commission permanente doit examiner des dossiers d'entreprises. En effet, nous discutons des bilans des entreprises et nous demandons souvent au directeur de la Banque de France de donner son avis. Comment un dossier débouchant sur l'attribution d'un prêt ou d'une aide à une entreprise pourra-t-il être discuté en public ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est un avocat de la transparence qui s'exprime ! M. Jean-Pierre Soisson. En fait, il y aura deux réunions de la commission permanente : une réunion restreinte, au cours de laquelle les décisions seront prises, et une réunion publique pour l'enregistrement.

M. Jean-Claude Perez.

Non, les choses ne se passeront pas ainsi !

Mme Nicole Feidt.

Vous n'êtes pas un exemple, monsieur Soisson !

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Je pensais qu'au moins sur un article de cette nature nous aurions pu trouver un accord entre la majorité et l'opposition. D'autant qu'au sein de


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l'opposition, René Dosière l'a dit à l'instant, plusieurs de vos collègues souhaitaient que l'on donne un peu plus de transparence au fonctionnement de la commission permanente dans les conseils régionaux.

Mais, à la lumière de l'expérience bourguignonne (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), je comprends bien que ce soit totalement intolérable pour certains. En effet, la gauche n'est plus représentée à la commission permanente du conseil régional de Bourgogne,...

M. Jean-Pierre Soisson. Parce qu'elle ne l'a pas voulu ! Elle a fait cette erreur ! M. Christian Paul. ... à la faveur, vous le savez bien, monsieur Soisson, de la confusion qui a entouré l'installation du conseil régional dans cette région aujourd'hui n otoirement ingouvernable. Dans ces conditions, je comprends que vous souhaitiez qu'il en soit de même partout et que la loi ne permette pas d'établir un contrôle démocratique dans ces quelques régions françaises où l'idée même de démocratie dépérit peu à peu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres. Si M. Paul et la majorité acceptaient la consultation de la commission permanente pour l'élaboration des budgets en cas de blocage, alors, je consentirais à revenir sur ma position.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais vous n'êtes même pas foutus (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) de soumettre, à la commission permanente, de manière consultative, l'élaboration du budget. Pourtant, cela ne limitait pas le pouvoir du président.

M. Christian Paul. Vous vous égarez ! M. Renaud Donnedieu de Vabres. Pas du tout ! C'était le moyen d'associer l'opposition, l'ensemble des forces d'un conseil régional, à la discussion budgétaire. Dorénavant, elles prendront connaissance du budget par lettre recommandée.

M. le président.

Je vais donner la parole à M. le rapporteur et à M. Clément. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Laissez-moi donner la parole à ceux qui la demandent ! La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Monsieur Donnedieu de Vabres, je vous rappelle que nous sommes en lecture définitive et que nous ne pouvons accepter que les amendements adoptés par le Sénat.

M. Jacques Blanc. Il ne fallait donc pas déclarer l'urgence !

M. René Dosière, rapporteur.

Or la proposition que vous nous faites n'a pas été évoquée au Sénat, puisque celui-ci a supprimé l'article. Si nous nous en tenions à l'application du règlement, nous avancerions plus vite.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

(« Non ! » sur les bancs du groupe communiste.)

M. Pascal Clément. Merci, monsieur le président. N'en déplaise à nos collègues communistes, nous pouvons encore nous exprimer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

A moins, chers collègues de la majorité, que vous n'ayez une conception de la démocratie qui ne vous soit propre...

M. Jean-Claude Perez. Parlez-en avec M. Blanc ! M. Pascal Clément. Mais revenons-en à ce que le Gouvernement et sa majorité appellent la transparence.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, il faut faire appliquer le règlement !

M. Pascal Clément.

Personnellement, je ne siège pas dans la commission permanente d'une région, mais je préside la commission permanente d'un conseil général - je ne pense pas que ce soit essentiellement différent et je suis frappé de la qualité de notre travail. Il n'est en rien partisan. C'est précisément un travail d'élus qui ne pensent qu'au bien du département. Les observations, d'où qu'elles émanent, sont prises en compte. J'ai le sentiment que votre vision de la transparence est fausse.

Si vous alliez jusqu'au bout de votre logique, les commissions d'appel d'offres devraient, elles aussi, être ouvertes à la presse. En effet, pourquoi seriez-vous hostiles à la présence de la presse dans les commissions d'appel d'offres alors que vous vous déclarez prêts à accepter la presse dans les commissions permanentes ? Votre raisonnement n'est pas fondé.

Je conçois que, pour des démocrates, il soit insupportable que la séance publique ne soit pas ouverte aux journalistes et au public. En revanche, la commission permanente est un lieu où l'on ne prend aucune décision de principe, mais où l'on décline les décisions acte par acte.

Il est donc important d'ajuster les dispositions à prendre et de faire du surmesure. Dans ces conditions, M. JeanPierre Soisson l'a très bien expliqué, on est obligé de lever le voile à propos de telle ou telle entreprise, de telle ou telle commune, de tel ou tel projet. On ne pourra donc plus agir normalement.

Je sais que, depuis le début de l'examen de ce texte, vous avez perdu tout bon sens. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Vous avez été choqués, tout à l'heure, par un mot que j'ai prononcé et je veux bien le retirer. Toutefois, en voyant combien vous êtes irresponsables (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), quant au point de choisir le plus jeune pour présider une assemblée, sous prétexte qu'il faut changer et que l'on doit être moderne, on ne peut pas être surpris que, dans le même style de raisonnement, vous souhaitiez que tout soit « transparent » !

M. Jacques Brunhes.

Arrêtez-le, monsieur le président !

M. Pascal Clément.

Nous ne pourrons plus travailler que sous des regards partisans, extérieurs à la structure régionale et c'est bien dommage.

Nous n'avons pas la même vision de la démocratie.

Pour nous, elle n'est pas un exercice formel, mais la traduction d'un souci permanent de justice et d'équité.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or, pour l'exprimer au mieux, nous devons pouvoir délibérer au sein de la commission permanente, sans être sous les yeux de la presse ou du public. Je le pense profondément et je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de l'affirmer avec le plus de solennité dont je suis capable, n'en déplaise à mon collègue communiste !

M. Jacques Blanc et M. Francis Delattre.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je tiens à recadrer notre débat car, à partir d'un article qui me paraît tout à fait anodin, on brasse beaucoup de sujets et l'on en vient à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

tenir des propos parfois excessifs, faisant même référence à quelques grands leaders vénérés, mais parfois contestés.

Je ne suis pas sûr que, dans de telles conditions, nous réalisions du bon travail.

Quel est le fond du problème ? Je rappelle d'abord que la commission permanente n'est pas un exécutif, mais un organe délibératif restreint. On ne peut donc, en aucune manière, l'assimiler à une commission d'appel d'offres qui relève de l'exécutif et agit en application d'une délibération de l'assemblée. Ne mélangeons pas tout ! En effet, les délibérations des assemblées délibérantes, restreintes o u non, doivent être publiques. Je ne vois pas quels arguments pourraient permettre de s'opposer à cette logique.

M. Charles de Courson.

Que se passe-t-il pour un conseil général ?

M. Pierre Albertini.

Et pour un conseil municipal ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il est certes exact qu'il n'est pas toujours bon d'étaler au grand jour certaines informations, surtout lorsqu'il s'agit de dossiers concernant des entreprises. Toutefois, il est évident que, dans de tels cas au demeurant peu nombreux, l'exécutif est tout à fait apte à préparer un dossier en liaison avec le rapporteur de façon que les éléments confidentiels n'apparaissent pas lors des débats en commission permanente, si cela peut constituer une gêne. (Murmures sur les bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pascal Clément.

Et alors, où est donc la transparence ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Toute assemblée est capable de gérer de telles situations.

M. Pascal Clément.

Ah, vous entendez que la transparence n'est que formelle !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Tel est d'ailleurs d'ores et déjà fréquemment le cas et il n'y a pas lieu de tenir à ce sujet des propos aussi excessifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Merci de confirmer mon analyse !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3 et 16.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 4 et 17.

L'amendement no 4 est présenté par M. Donnedieu d e Vabres ; l'amendement no 17 est présenté par

M. Blanc.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 22 ter. »

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour soutenir l'amendement no

4.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

J'ai déjà beaucoup expliqué le souhait que je voulais formuler en présentant cet amendement.

Pour l'élaboration d'un budget, il me semblait, en effet, préférable de saisir la commission permanente plutôt que le bureau, car elle a le mérite de représenter l'ensemble du conseil régional, alors qu'un bureau ne sera que l'émanation de l'équipe qui accompagne le président.

On m'a objecté qu'il serait tout de même souhaitable d'avoir la certitude que l'équipe du président sera consultée pour la préparation d'un budget. Cela signifie que l'on craint qu'un président ait un tel vertige du pouvoir solitaire qu'il pourrait ne pas consulter ses vice-présidents ou ceux auxquels il a donné délégation. Nous serions alors dans une dérive de l'esprit d'équipe, dérive que ce texte renforcera d'ailleurs.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour soutenir l'amendement no

17.

M. Jacques Blanc.

La lecture du texte montre que le bureau ne sera pas une institution cadrée avec précision.

Il est d'ailleurs ajouté, sans doute pour les besoins de la cause, que le président peut donner des délégations à des vice-présidents. Il faudra donc préciser quels sont les viceprésidents qui auront délégation ! Tout cela est complètement irréaliste. En fait, nous avons le sentiment, depuis l'ouverture de ce débat, que les arrière-pensées politiques prévalent.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Sauf en Languedoc-Roussillon, sans doute !

M. Jacques Blanc.

Obsédés par les jeux politiques, certains oublient les mécanismes de nature à assurer un fonctionnement réel d'une institution régionale.

De grâce, évitons de faire référence à un organe qui n'est pas défini. Comme il n'est plus possible de le définir puisque l'on ne peut plus présenter d'amendement à ce sujet, il faut le supprimer !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a, bien entendu, émis un avis défavorable aux amendements.

Puisque nous en sommes au dernier article du texte, je tiens à préciser, parce que l'on a entendu beaucoup de choses, que le bureau dont il est question sera constitué du président et des vice-présidents.

M. Jacques Blanc.

Quels vice-présidents ?

M. René Dosière, rapporteur.

Il aura compétence pour émettre un avis sur les budgets que le président aura élaborés.

Il est vrai, monsieur Donnedieu de Vabres, que l'on a malheureusement constaté des dérives dans certaines assemblées régionales, uniquement de droite d'ailleurs.

Ainsi des présidents qui gouvernent sans donner la moindre délégation à l'un de leurs vice-présidents, en accordent à certains de leurs collaborateurs. Cela signifie que la région est gérée non plus par les élus du suffrage universel, mais par les technocrates. C'est pour tenter de mettre fin à de telles dérives que cet article a été introduit dans le texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Le Gouvernement est contre ces amendements et partage les réflexions formulées par le rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

(Protestations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Je veux seulement poser une question à la présidence : après le texte sur les conseils régionaux sera appelé celui sur les animaux dangereux. Y a-t-il un lien ? (Rires.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 4 et 17.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ainsi que je l'ai déjà dit au nom du groupe UDF, le vote de ce texte en ce 22 décembre est un cadeau de Noël offert par le Gouvernement à certaines forces politiques de notre pays.

Il est sans doute conforme à la logique d'une majorité parlementaire que vous ayez besoin de vous faire des faveurs et des grâces entre vous. S'il ne s'était agi que de cela, nous n'aurions rien eu à dire, parce que, bien que n'ayant pas une longue expérience parlementaire, ni la moindre expérience gouvernementale, je pense qu'il peut arriver que les diverses composantes d'une majorité soient obligées de se soutenir et de faire en sorte que chacune se sente à l'aise en son sein. Cela me paraît même d'autant plus justifié que des schismes graves sont apparus au sein de la majorité durant cette session. Je pense, par exemple, aux votes divergents sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam.

Malgré des schismes politiques majeurs, il faut bien trouver les moyens de continuer à s'entendre. Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité faire un geste vis-à-vis du parti communiste et du groupe des Verts, des Radicaux de gauche et du Mouvement des citoyens.

Malheureusement, il ne s'agit pas seulement de fêter Noël entre vous. Votre arrière-pensée est aussi de faire un cadeau de Noël à une force politique qui n'est pas représentée à l'Assemblée nationale (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) mais qui est présente dans l'ensemble des conseils régionaux de France, à savoir le Front national, ou les Fronts nationaux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Codognès.

Voyez Blanc et Soisson !

M. Jean-Claude Perez.

On connaît bien les deux Martinez !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le système que nous vous avions proposé ne visait pas à confisquer le pouvoir aux Français, parce qu'un mode de scrutin se doit de respecter l'expression démocratique.

M. Jean-Claude Perez.

Tout à fait !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

En revanche la loi que vous allez voter est inspirée par des arrière-pensées politiciennes tellement graves qu'elles justifieront la saisine du Conseil constitutionnel.

Mme Véronique Neiertz.

Quel scoop !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il s'agit de faire resp ecter, d'une part, le principe de l'unité de la République, parce que le système que vous proposez, avec des seuils totalement inédits, est contraire à l'unité républicaine, d'autre part, l'article 72 de la Constitution, parce que, désormais, le vote du budget suivra une procédure telle qu'on ne pourra plus parler de libre administration des collectivités locales.

C'est pourquoi le groupe UDF et, sans doute, d'autres élus de l'opposition - je leur laisse le soin de l'annoncer car je ne veux pas préjuger leur décision - saisira le Conseil constitutionnel, et non pas « une fois de plus » mais parce que, pour nous, le sujet est grave.

Mes chers collègues, après le vote qui interviendra dans quelques minutes, vous serez quelque peu contraints dans le jugement que vous portez sur certains élus qui ont conclu des accords avec le Front national, puisque le système que vous proposez institutionnalisera, pérennnisera, les triangulaires dans notre pays.

(M. Raymond Forni remplace M. Arthur Paecht au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc.

Monsieur le président, le groupe Démocratie libérale et Indépendants participera à la saisine du Conseil constitutionnel. Il proposera même au Président de la République de demander une nouvelle lecture de ce texte.

En effet, il n'est ni convenable ni très digne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) d'imposer ainsi les modalités d'un scrutin sans manifester la moindre capacité d'écouter. Ce qui s'est passé ce soir démontre quelle est votre manière de respecter l'opposition. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, conservez votre calme !

M. Jacques Blanc.

Vous n'avez respecté ni le Sénat ni l'opposition. Vous n'avez pas modifié votre texte d'un iota. Vous en assumerez donc l'entière responsabilité et nous vous donnons rendez-vous pour l'avenir.

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Je voudrais quitter le registre utilisé par les intervenants précédents pour replacer la réforme qui va être adoptée dans le cadre d'un chantier beaucoup plus vaste, celui de la modernisation de la vie publique dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Depuis le début de cette législature, quatre textes ayant trait à cette volonté ont été soumis au Parlement, l'inscription automatique des jeunes sur les listes électorales que nous avons voté : en 1997 ; la limitation du cumul excessif des mandats, que nous examinerons de nouveau dans quelques semaines (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) ; l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions électifs adopté il y a quelques jours par notre assemblée et, aujourd'hui, la réforme du mode de scrutin pour les élections régionales.

Mes chers collègues, ces réformes ont été annoncées aux électeurs au printemps de 1997 ; elles ont été évoquées le 19 juin 1997 par Lionel Jospin lors de sa déclaration de politique générale, et, progressivement, nous les adoptons. Il s'agit non pas, mon cher collègue, de cadeaux de Noël mais de véritables progrès pour la France, et nous en sommes fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Une fois de plus aujourd'hui, nous avons entendu, comme depuis l'ouverture de ce débat, des propos ahurissants. A aucun moment, dans les interventions de l'opposition, n'a été évoquée, même pour être critiquée, la prime majoritaire, clé de voûte de ce nouveau mode de scrutin régional, clé de voute du texte qui nous est pro-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

p osé par le Gouvernement. Pourtant cette formule répond à l'ensemble des objectifs que nous avions fixés à la réforme du mode de scrutin régional, notamment la recherche d'une plus grande stabilité de l'institution régionale aujourd'hui notoirement ballottée dans quelques régions dont certains représentants sont venus s'exprimer aujourd'hui.

Je suis persuadé que cette réforme aura une influence très positive sur la consolidation du fait régional. Nous faisons ainsi la démonstration que, même en période de cohabitation - ce qui ne facilite rien - et en dépit de l'opposition assidue menée contre ce texte tant dans cette assemblée qu'au Sénat, nous pouvons mener à bien des réformes. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce texte dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les explications de vote.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture...

L'ensemble du projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) 4 ANIMAUX DANGEREUX ET ERRANTS Discussion, en lecture définitive, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 22 décembre 1998.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint le texte du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 9 décembre 1998 et modifié par le Sénat dans sa séance du 22 décembre 1998.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive (nos 1285, 1287).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, puisque nous sommes en troisième lecture, je serai très bref sur ce texte car tout a été dit.

Un nouveau discours pour introduire sa discussion n'est pas nécessaire.

J'interviendrai donc essentiellement sur un amendement relatif à un sujet qui a posé quelques problèmes lors des différentes lectures. Il me paraît préférable de gagner du temps et, respectant l'esprit de la procédure parlementaire, de ne pas reprendre les discours lors d'une troisième lecture. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

On sent dans l'intervention de M. le ministre qu'il était parlementaire il y a peu ! Il sait être concis et rapide.

(Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges, que j'invite à l'être tout autant.

M. Georges Sarre, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Si j'ai été bref en deuxième lecture, je serai un peu plus prolixe aujourd'hui.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Georges Sarre, rapporteur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur les chiens d'attaque et de défense arrive devant nous pour la dernière fois. Il aura donc fallu presque un an de travail et de nombreux débats pour élaborer ce texte.

C'est dire si le temps presse pour la publication de l'arrêté interministériel qui précisera le contenu des deux catégories de chiens définies par la loi et qui seul permettra la mise en application effective du texte. Il y a urgence car ce projet répond à une attente légitime des citoyens et des amis des animaux.

Les premiers sont, à juste titre, inquiets pour leur sécurité, car plusieurs accidents se sont déroulés depuis la rentrée. Pour cette raison, il est opportun d'encadrer la détention et la vente des espèces les plus courantes de chiens d'attaque, particulièrement les pitbulls.

Les seconds considèrent que le projet améliore sensiblement la protection des animaux domestiques, leurs conditions de vente et le fonctionnement des fourrières.

C'est pourquoi ce volet du texte reçoit l'assentiment général des milieux cynophiles et des sociétés de protection animale.

Sans doute reste-t-il cependant quelque chose à faire, mais ce projet sera, le moment venu, discuté ici : je veux parler de la vogue inquiétante de l'acquisition d'animaux de compagnie d'origine exotique fort peu adaptés à la vie citadine. Vous le savez, une grande foire animalière se déroule en ce moment à Paris, qui propose des mygales, des iguanes. Est-il bien normal, monsieur le ministre, qu'on puisse vendre et acheter, à Paris, pour qu'ils se retrouvent dans des appartements, ce genre de bestioles et d'animaux qui ne sont pas a priori des animaux de compagnie ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Absolument.

M. Georges Sarre.

Malgré l'avis contraire du Sénat, le projet tel qu'il nous est soumis repose toujours sur deux dispositions simples : d'abord sont créées les deux catégories de chiens que je viens de citer, en donnant au pouvoir réglementaire la possibilité de modifier souplement et rapidement, par arrêté, la liste des espèces ou races visées ; ensuite, il est institué un régime de déclaration obligatoire en mairie pour les chiens des deux catégories, ainsi


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

qu'un certain nombre d'interdictions de circuler ou des tationner, justifiées par des impératifs de sécurité publique. En ce qui concerne la rédaction de l'arrêté interministériel, je souhaite que la première catégorie comprenne le pitbull, le boerbull et le tosa japonais, utilisé pour les combats de chiens. Je m'en remets, pour le reste, à la sagesse des experts et je ne doute pas que l'actualité, le moment venu, viendra permettre de compléter la liste.

Je suis enfin heureux que nous ayons pu trouver une solution équitable au problème soulevé par la validation des résultats du concours d'entrée 1998 aux écoles vétérinaires. Le Sénat a adopté ce matin, à l'initiative du Gouvernement un amendement que je vous propose à mon tour de voter et qui améliore encore le dispositif. En effet, les candidats finalement déclarés admis seront intégrés aux écoles non plus sur trois ans mais sur deux ; je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir procédé à une avancée. Ceux d'entre eux qui devaient intégrer en l'an 2000 pourront, en outre, repasser le concours en 1999. S'ils sont reçus, ils auront gagné un an ; s'ils ne le sont pas, ils intégreront comme prévu en l'an 2000.

Voilà en définitive des dispositions parfaitement satisfaisantes.

Je suis heureux que nous ayons pu trouver une solution à ces problèmes, et je voudrais pour conclure souhaiter que ce texte mette fin à l'utilisation des chiens d'attaque comme armes par destination dans les délais les plus brefs possible. Trop d'accidents ont déjà eu lieu, trop de victimes ont souffert de l'absence d'une législation adaptée. Ce manque est aujourd'hui réparé. Certes, tout n'est pas résolu puisqu'un animal se comporte avant tout à l'image de son maître et qu'il faudrait donc, pour aboutir, renforcer également l'éducation canine. Cela ne relève cependant pas du domaine de la loi, ce qui est sans doute une bonne chose.

J'espère que ce texte fera l'unanimité dans notre assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Et notre vie politique va s'en trouver humanisée. (Sourires.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, premier orateur inscrit.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Rassurez-vous, monsieur le président, je serai des plus brefs, dans la mesure où nous sommes arrivés à la lecture définitive de ce texte et où nous pouvons légitimement avoir le sentiment de nous répéter.

Je dirai seulement que le groupe du Rassemblement pour la République a la liberté de vote sur ce sujet, mais que, pour ma part, je suis favorable aux deux catégories de chiens créées, cela depuis le départ. Je ne change pas d'avis, ce texte est conforme à la proposition de loi que j'avais déposée, cosignée par soixante-cinq parlementaires de mon groupe. Nous sommes d'accord sur l'ensemble de ce texte et je me réjouis que le pouvoir politique serve encore à quelque chose dans ce pays et que, face à la résistance de certaines administrations, ce qui n'était pas possible lors de la dernière séance le soit devenu aujourd'hui.

Je me félicite donc que les candidats déclarés admis à l'école vétérinaire puissent intégrer en deux ans. Il ne me paraissait pas hors de portée à l'époque pour les écoles vétérinaires françaises d'accueillir en deux ans ces promotions. Je reconnais là leur effort et je remercie le ministre d'avoir pris en considération cette demande. Il était totalement absurde, après avoir accepté de les réintégrer - suite aux problèmes malheureux de ce concours -, de les laisser attendre aux portes de l'école plusieurs années durant. Comme quoi, les parlementaires peuvent encore servir à quelque chose collectivement, face aux décisions administratives. Je vous remercie, monsieur le ministre, sur ce point.

Nous voterons ce texte mais j'insiste sur les conditions de son application par les services de police dans les communes. Je demande une nouvelle fois au ministre de l'agriculture de bien vouloir saisir son collègue de l'intérieur pour que les services de police disposent de moyens pour saisir les chiens, ce qui n'est pas le cas dans mon département, l'Essonne. En effet, une belle loi n'implique pas une belle pratique, si l'on ne se donne pas les moyens de la faire appliquer.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Mon propos ne sera pas non plus trop long.

Au nom du groupe socialiste, je suis satisfait de l'aboutissement de ce texte. Nous parvenons en effet à une loi équilibrée, avec deux objectifs : protéger les animaux de compagnie et protéger l'homme des animaux et des maîtres dangereux.

Je regrette que le Sénat ait cru, jusqu'au bout, devoir camper sur une position qui n'est pas défendable...

M. François Goulard.

Le Sénat a raison !

M. André Angot.

Le délinquant ce n'est pas l'animal mais le propriétaire !

M. Jean-Pierre Blazy.

... eu égard à la nécessité impérative de traiter un problème de sécurité publique notamment s'agissant des chiens dangereux.

On ne peut pas tenir deux discours contradictoires, consistant à dire, l'un que l'Etat est responsable mais qu'il ne fait rien...

M. François Goulard.

On en a la preuve vivante !

M. Jean-Pierre Blazy.

... l'autre que ce qu'il fait est condamnable au moment où il le fait. Telle est pourtant la position de la majorité sénatoriale.

Permettez-moi, monsieur le président, de réagir à ce que j'ai entendu au cours des questions au Gouvernement, et vous allez vite comprendre où je veux en venir.

M. Warsmann, député des Ardennes, a interpellé le ministre de l'intérieur sur une affaire jugée et qui s'est déroulée dans la commune dont je suis le maire, actuellement, Gonesse dans le Val-d'Oise - mais sous la mandature de mon prédécesseur. Il a présenté cette commune, ou un quartier de celle-ci, comme étant secouée par des violences urbaines, ce qui n'est évidemment pas la vérité.

Sans doute, l'a-t-il fait pour les besoins d'une fausse démonstration ?

M. François Goulard.

Quel rapport avec le débat ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Outre qu'il est inconvenant de parler d'une situation que l'on ne connaît pas, je vois surtout poindre chez certains de nos collègues de l'opposition la tentation de faire du sensationnel et ainsi de jouer, de façon politicienne, avec le sentiment d'insécurité ressenti par nos concitoyens.


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Nous préférons traiter l'insécurité plutôt qu'exploiter le sentiment d'insécurité. Je considère que ce texte est une des réponses que nous apportons au problème de l'insécurité en général et à celui des chiens dangereux, des pitbulls, en particulier.

Au nom du groupe socialiste, je me réjouis, comme le rapporteur, de la solution retenue pour les candidats au concours des écoles vétérinaires, permettant notamment l'intégration en deux ans, à compter de la rentrée 1999, des candidats dont les noms ne figurent pas dans la liste des candidats déclarés admis, mais qui ont obtenu une note égale ou supérieure à la plus faible note des derniers admis.

Le groupe socialiste, en conclusion, votera le texte ainsi complété, enrichi et amendé.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit bien, à la vérité, de questions d'ordre public, de sécurité et de tranquillité publiques. Et l'on fait porter aux malheureux animaux des responsabilités qui ne sont pas forcément les leurs ! S'il est peut-être nécessaire de légiférer, il convient néanmoins de rappeler à chaque occasion que c'est bien le comportement des maîtres qui est en cause, non celui des animaux. Le comportement du maître détermine celui du chien, non l'inverse.

Contrairement à l'orateur précédent, je considère pour ma part que le Sénat est plus raisonnable que la majorité de notre assemblée. En effet, les deux catégories de chiens instaurées par cette loi - chiens d'attaque, chiens de garde et de défense - me paraissent très délicates à déterminer

La destination provoquera des difficultés d'application sans nom et la raison aurait dû conduire à fusionner les deux catégories.

De même, le Sénat a été plus raisonnable que la majorité de cette Assemblée en portant le délai de garde à quinze jours au lieu de huit jours. Nous avions tenté, lors de la lecture précédente de faire revenir le Gouvernement et la majorité sur leur position. Je pense que nous avons raison pour des motifs scientifiques incontestables. En revanche, s'agissant toujours de la version votée par le Sénat j'avoue qu'exiger du vétérinaire qu'il soit mandataire des services vétérinaires du département ne me paraît pas absolument indispensable.

Enfin, à propos de l'article 19 bis et du malheureux concours des écoles vétérinaires, je dois dire que le traitement de cette délicate question n'a pas été des plus brillants. Nous voyons encore, en lecture définitive, un dernier amendement venir modifier les dispositions arrêtées.

Si des candidats doivent être considérés comme reçus, et ils doivent l'être, nous n'avons pas le droit de les faire attendre trois ans pour entrer dans une école vétérinaire.

Il appartient à l'administration de ces écoles de prendre des dispositions afin de les intégrer dans des délais plus raisonnables.

Ce texte, qui est loin d'être enthousiasmant, présente, à mon avis, des défauts relativement graves de conception.

Mais il faut reconnaître aussi que l'exaspération de tous ceux qui sont confrontés aux problèmes de sécurité appelaient une réaction. Je regrette simplement que le texte ne soit pas d'une meilleure facture.

M. le président.

La discussion générale est close.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Dernier texte voté par l'Assemblée nationale

M. le président.

Je donne lecture de ce texte.

« C HAPITRE Ier

« Des animaux dangereux et errants

« Art. 1er . - L'article 211 du code rural est ainsi rédigé :

« Art. 211. - Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire, de sa propre initiative ou à la demande de toute personne concernée, peut prescrire au propriétaire ou au gardien de cet animal de prendre des mesures de nature à prévenir le danger.

« En cas d'inexécution, par le propriétaire ou le gardien de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. Les frais sont à la charge du propriétaire ou du gardien.

« Si, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le gardien ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire mandaté par la direction des services vétérinaires, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article 213-4.

« Le propriétaire ou le gardien de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du présent article. En cas d'urgence, cette formalité n'est pas exigée et les pouvoirs du maire peuvent être exercés par le préfet. »

« Art. 2. - Sont insérés, après l'article 211 du code rural, neuf articles 211-1 à 211-9 ainsi rédigés :

« Art. 211-1. - Les types de chiens susceptibles d'être dangereux faisant l'objet des mesures spécifiques prévues par les articles 211-2 à 211-5, sans préjudice des dispositions de l'article 211, sont répartis en deux catégories :

« première catégorie : les chiens d'attaque ;

« deuxième catégorie : les chiens de garde et de défense.

« Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de l'agriculture établit la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories.

« Art. 211-2. - I. - Non modifié.

« II. - Est puni de trois mois d'emprisonnement et de 25 000 francs d'amende le fait de détenir un chien appartenant à la première ou la deuxième catégorie mentionnée à l'article 211-1, en contravention avec l'interdiction édictée au I du présent article.

« III. - Supprimé.

« 211-3. - I. Non modifié.

« II. - Il est donné récépissé de cette déclaration par le maire lorsqu'y sont jointes les pièces justifiant :

« de l'identification du chien conforme à l'article 276-2 ;

« de la vaccination antirabique du chien en cours de validité ;

« pour les chiens mâles et femelles de la première catégorie, le certificat vétérinaire de stérilisation de l'animal ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

« dans des conditions fixées par décret, d'une assurance garantissant la responsabilité civile du propriétaire du chien ou de celui qui le détient, pour les dommages causés aux tiers par l'animal. Les membres de la famille du propriétaire ou de celui qui détient l'animal sont considérés comme tiers au sens des présentes dispositions.

« III. - Non modifié.

« Art. 211-4.

- I. L'acquisition, la cession à titre gratuit ou onéreux, hormis les cas prévus au troisième alin éa de l'article 211 ou au troisième alinéa de l'article 213-7, l'importation et l'introduction sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d es chiens de la première catégorie mentionnée à l'article 211-1 sont interdites.

« II. - La stérilisation des chiens de la première catégorie est obligatoire. Cette stérilisation donne lieu à un certificat vétérinaire.

« III. - Le fait d'acquérir, de céder à titre gratuit ou onéreux, hormis les cas prévus au troisième alinéa de l'article 211 ou au troisième alinéa de l'article 213-7, d'importer ou d'introduire sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon des chiens de la première catégorie mentionnée à l'article 211-1 est puni de six mois d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.

« Le fait de détenir un chien de la première catégorie sans avoir fait procéder à sa stérilisation est puni des peines prévues au premier alinéa.

« Les peines complémentaires suivantes peuvent être prononcées à l'égard des personnes physiques :

« 1o La confiscation du ou des chiens concernés, dans les conditions prévues à l'article 131-21 du code pénal ;

« 2o L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction, dans les conditions prévues à l'article 131-29 du même code.

« Art. 211-5. - L'accès des chiens de la première catégorie aux transports en commun, aux lieux publics à l'exception de la voie publique, et aux locaux ouverts au public est interdit. Leur stationnement dans les parties communes des immeubles collectifs est également interdit.

« II. - Sur la voie publique, dans les parties communes des immeubles collectifs, les chiens de la première et de la deuxième catégorie doivent être muselés et tenus en laisse par une personne majeure. Il en est de même pour les chiens de la deuxième catégorie dans les lieux publics, les locaux ouverts au public et les transports en commun.

« III. - Un bailleur ou un copropriétaire peut saisir le maire en cas de dangerosité d'un chien résidant dans un des logements dont il est propriétaire. Le maire peut alors procéder, s'il le juge nécessaire, à l'application des mesures prévues à l'article 211.

« Art. 211-6 à 211-9. - Non modifiés »

« Art. 2 bis . - I. - Le I de l'article 10 de la loi no 70598 du 9 juillet 1970 modifiant et complétant la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est licite la stipulation tendant à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article 211-1 du code rural. »

« II. - Dans le II du même article, après le mot : "article", sont insérer les mots : ", à l'exception de celles du dernier alinéa du I, ».

....................................................................

« Art. 7. - Il est inséré, après l'article 213-2 du code rural, quatre articles 213-3 à 213-6 ainsi rédigés :

« Art. 213-3. - Non modifié

« Art. 213-4. - I. - Lorsque les chiens et les chats accueillis dans la fourrière sont identifiés conformément à l'article 276-2 ou par le port d'un collier où figurent le nom et l'adresse de leur maître, le gestionnaire de la fourrière recherche, dans les plus bref délais, le propriétaire de l'animal. Dans les départements officiellement déclarés infectés par la rage, seuls les animaux vaccinés contre la rage peuvent être rendus à leur propriétaire.

« A l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, si l'animal n'a pas été réclamé par son propriétaire, il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière qui peut en disposer dans les conditions définies ci-après.

« II et III. - Non modifiés

« Art. 213-5. I. - Dans les départements indemnes de rage, lorsque les chiens et les chats accueillis dans la fourrière ne sont pas identifiés, les animaux sont gardés pendant un délai franc de huit jours ouvrés. L'animal ne peut être remis à son propriétaire qu'après avoir été ide ntifié conformément à l'article 276-2. Les frais de l'identification sont à la charge du propriétaire.

« Si, à l'issue de ce délai, l'animal n'a pas été réclamé par son propriétaire, il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière qui peut en disposer dans les mêmes conditions que celles mentionnées au II de l'article 213-4.

« II. - Non modifié

« Art. 213-6. - Non modifié

....................................................................

« Art. 8 bis . - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées dans les deux ans qui suivent la promulgation de la présente loi un rapport dressant un bilan sur la portée de cette loi concernant les deux catégories de chiens mentionnées à l'article 211-1 du code rural. »

....................................................................

« C HAPITRE II

« De la vente et de la détention des animaux de compagnie

....................................................................

« Art. 10. - L'article 276-3 du code rural est ainsi rédigé :

« Art. 276-3. - I à IV. - Non modifiés.

« V. - Les personnes qui, sans exercer les activités mentionnées au III, détiennent plus de neuf chiens sevrés doivent mettre en place et utiliser des installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale pour ces animaux.

« VI. - Non modifié. »

....................................................................


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« Art. 13. - Il est inséré, après l'article 276-4 du code rural, un article 276-5 ainsi rédigé :

« Art. 276-5. - I. - Non modifié.

« II. - Seuls les chiens et les chats âgés de plus de huit semaines peuvent faire l'objet d'une cession à titre onéreux.

« III à V. - Non modifiés. »

....................................................................

« Art. 15. - Il est inséré, après l'article 276-7 du code rural, cinq articles 276-8 à 276-12 ainsi rédigés :

« Art. 276-8. - Non modifié.

« Art. 276-9. - Est puni de 50 000 francs d'amende :

« 1o Le fait, pour toute personne gérant un refuge ou une fourrière ou exerçant l'une des activités visées à l'article 276-3, en méconnaissance d'une mise en demeure prononcée en application de l'article 276-8 :

« de ne pas avoir procédé à la déclaration prévue au IV de l'article 276-3,

« de ne pas disposer d'installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale pour les animaux ou de ne pas les utiliser,

« de ne pas être titulaire d'un certificat de capacité, ou de ne pas s'assurer qu'au moins une personne en contact avec les animaux, dans les lieux où s'exercent les activités, est titulaire d'un certificat de capacité ;

« 2o Le fait, pour tout détenteur de plus de neuf chiens sevrés visés au V de l'article 276-3, de ne pas disposer d'installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale pour ces animaux, malgré la mise en demeure prononcée en application de l'article 276-8.

« Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent article encourent également la peine complémentaire de l'affichage et la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

« Les personnes morales peuvent être déclarées respon-s ables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au présent article.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« l'affichage ou la diffusion ordonnés dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

« Art. 276-10 à 276-12. - Non modifiés. »

....................................................................

« C HAPITRE

III

« Du transport des animaux

....................................................................

« C HAPITRE IV

« De l'exercice des contrôles

....................................................................

« C HAPITRE V

« Dispositions diverses

....................................................................

« Art. 19 bis . - Sont admis dans les écoles nationales vétérinaires en 1998 les candidats dont les noms figurent dans l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 13 août 1998 portant admission par ordre de mérite dans les écoles nationales vétérinaires en 1998.

« Les candidats des concours A, A 1 et A 2 dont le nom ne figure pas sur l'arrêté du 13 août 1998 mais qui ont obtenu une note égale ou supérieure à la plus faible note des admis au titre de cet arrêté, toutes catégories des concours A, A 1 et A 2 confondues, sont également admis selon leur ordre de mérite et par tiers et sur trois ans à compter de la rentrée universitaire 1999.

« Un rapport du ministre de l'agriculture et de la pêche relatif à la clarification et à la simplification des procédures d'admission au concours d'accès aux écoles vétérinaires sera remis au Parlement dans les quatre mois suivant la publication de la présente loi. »

....................................................................

M. le président.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.

Cet amendement, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution, et 114, alinéa 3, du règlement reprend un amendement adopté par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

L'amendement no 1, présenté par M. Sarre, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Remplacer le deuxième alinéa de l'article 19 bis par les trois alinéas suivants :

« Les candidats des concours A, A 1 et A 2 dont le nom ne figure pas sur l'arrêté du 13 août 1998 mais qui ont obtenu une note égale ou supérieure à la plus faible note des admis au titre de cet arrêté, toutes catégories des concours A, A 1 et A 2 confondues, sont également admis selon leur ordre de mérite dans la limite d'une moitié à compter de la rentrée 1999 et de l'autre moitié à la rentrée 2000.

« Les candidats n'ayant vocation à être admis qu'à compter de la rentrée 2000 peuvent exceptionnellement être autorisés à se présenter aux épreuves du concours A de l'année 1999, quel que soit le nombre de leurs présentations antérieures.

« Sans préjudice des résultats qu'ils obtiendront à ce titre, ils conserveront en tout état de cause le bénéfice de leur admission pour la rentrée 2000. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Sarre, rapporteur.

En présentant mon rapport, j'ai déjà commenté cet amendement qui répond de surcroît au souhait de la totalité des députés. L'Assemblée étant éclairée, je lui demande d'approuver.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, avec votre autorisation, je m'arrêterai quelques minutes sur le sujet qui nous a donné le plus de mal.

D'abord, je signale à M. Sarre et M. Dupont-Aignan que les décrets d'application des dispositions sur les animaux dangereux seront prêts dès le mois de janvier, j'en prends l'engagement devant l'Assemblée - pour la protection animale, ce sera un peu plus long.

J'en viens au fameux concours des écoles vétérinaires.

Dans un premier temps nous avions été saisis par le Sénat d'un amendement proposant la validation du concours tel que le jury en avait proclamé les résultats au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1998

mois de juin dernier. Vous avez souhaité ici qu'un effort supplémentaire soit fait. Nous avons ensemble décidé de recevoir l'ensemble des candidats ayant obtenu une note égale ou supérieure à celle du dernier reçu et d'étaler leur incorporation sur trois ans.

Personnellement je souhaitais, et vous aviez été attentifs à mes hésitations, que la période de trois ans commence dès cette année. Depuis notre débat, j'ai fait tous les efforts dans ce sens. J'ai repris contact avec les quatre directeurs des écoles vétérinaires pour constater avec eux une réelle incapacité matérielle. En effet, incorporer des étudiants au début du mois de janvier, c'est-àdire à mi-année, et non à l'issue d'un semestre est délicat puisque les étudiants cessent leurs cours au mois de mai.

De plus, cela aurait posé de nombreux problèmes matériels, dont, entre autres, celui de la disponibilité des places en résidence universitaire. J'en passe et des meilleures.

Eu égard à cette impossibilité, j'ai pris la décision de ne quand même pas faire attendre ces étudiants trois ans, comme certains l'ont dit, mais de les incorporer sur deux ans, c'est-à-dire une partie d'entre eux à la rentrée 1999 et l'autre à la rentrée de l'an 2000. Cela me semble raisonnable, compte tenu de l'attente de ces étudiants.

Pour compléter le dispositif, nous allons, par le biais de cet amendement, offrir aux étudiants qui sont déjà reçus la possibilité de se présenter en 1999 pour gagner un an et ne pas attendre la rentrée de l'an 2000, s'il en ont la volonté. Comme le disait dans les couloirs une de vos représentantes peut-être n'auront-ils pas envie de le faire. En tout état de cause, cette possibilité leur est ouverte.

J'ajoute, pour être tout à fait précis - cela ne figure pas dans l'amendement mais je veux le dire - que pour faciliter l'incorporation des nouveaux étudiants, le numerus clausus des intégrations - puisque nous supprimons les quotas à partir de 1999 sur les différents concours - sera abaissé de vingt : de 400 on passe à 380 reçus au prochain concours. Avec les 100 que nous allons ajouter puisque nous en avons 200 à incorporer en deux ans, nous arriverons à 480 étudiants dans les écoles vétérinaires l'année prochaine et dans deux ans.

Je pense que le dispositif est maintenant cohérent et satisfaisant. Nous avons fait le maximum d'efforts. Grâce au dialogue qui s'est établi entre le Gouvernement et le Parlement, grâce à votre insistance, nous avons pris en compte les intérêts des étudiants et nous aboutissons à un système solide, cohérent et raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Nous sommes globalement assez favorables à la plupart des dispositions, mais nous nous abstiendrons. Je vais vous en expliquer les raisons. A l'article 2, il me paraît dangereux de distinguer deux catégories de chiens : des chiens d'attaque, d'une part, et des chiens de garde et de défense, d'autre part. Pour les premiers, au motif qu'ils seraient potentiellement plus dangereux que les autres, on prononce une éradication du territoire national.

M. Georges Sarre, rapporteur.

C'est inouï !

M. Pierre Cardo.

Peut-être inouï, mais chacun a encore le droit de s'exprimer librement !

M. Georges Sarre, rapporteur.

Vous auriez plusieurs fois eu l'occasion de le faire.

M. Pierre Cardo.

Qui nous dit que cette catégorie ne va pas s'étendre et englober d'autres races ? Monsieur le ministre, monsieur Sarre, il me semble que « chien d'attaque » n'est pas une race, mais une qualification. Un chien ne naît pas chien d'attaque ! Si l'on poursuit votre raisonnement, jusqu'où n'ira-t-on pas ? Voici un exemple. Qui remplit le système carcéral à plus de 90 % ? Les hommes. Que pourraient décider les femmes le jour où elles prendront le pouvoir grâce à la parité et qu'elles décideront que nous sommes des animaux un peu dangereux ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Mais voyons, j'exagère. (Sourires.)

M. Georges Sarre, rapporteur.

Oh non !

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce n'est pas sérieux !

M. Pierre Cardo.

Je pousse jusqu'au bout votre raisonnement.

Qu'est-ce qu'une extinction de race décidée simplement parce qu'on ne savait pas gérer des problèmes d'ordre public et imposer aux maîtres un comportement qui permet à chacun de vivre en société, y compris avec des animaux de compagnie ? Je suis d'accord sur le fait qu'une catégorie de chiens est potentiellement dangereuse. Je ne le suis pas trop quand il s'agit de se fonder sur la notion de « chiens d'attaque » afin d'éradiquer la race. On ne naît pas chien d'attaque.

J'ai beaucoup de chiens, j'ai participé à de nombreuses activités, j'en connais aussi les problèmes... Mais je trouve que nous adoptons une qualification potentiellement dangereuse. C'est tout.

Pour cette raison, notre groupe s'abstiendra. D'autant que, pour la mise en oeuvre de l'article 1er qui est intéressant et sur lequel nous avions effectivement des positions à prendre, je ne suis pas certain que nous aurons réellement des moyens.

Il me paraît important de se donner les moyens d'empêcher un chien, dangereux, de circuler dans les zones urbaines sans muselière et sans laisse. Pour le reste, nous allons un peu trop loin. Il aurait été préférable de procéder par étapes et de voir si un renforcement des mesures de prévention n'aurait pas suffi. Nul besoin alors d'aller jusqu'à des mesures d'éradication qui, personnellement, me paraissent excessives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Très bien.

M. le président.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que nous en sommes aux explications de vote ? Monsieur Angot, je vous donne la parole pour une explication de vote, pas pour autre chose.

(Sourires.)

M. André Angot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, il s'agira bien d'une explication de vote pour vous dire qu'il y a deux courants au sein du groupe du RPR sur cette question. Le premier a été exposé par mon collègue Dupont-Aignan, très favorable à votre texte et à la classification des chiens en deux catégories : chiens d'attaque et chiens de garde et de défense.


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Pour ma part, je pense qu'il est trop facile de transférer la présomption de faute de l'homme sur l'animal.

D'abord, vous allez créer une catégorie, celle des chiens d'attaque. Or on nous a dit, pendant les débats, que seuls seraient concernés les pitbulls et une ou deux races. Mais les pitbulls ne sont pas une race, c'est un type de chien qui n'est défini par aucun critère de race. C'est un type morphologique. On le sait très bien, les délinquants qui se servent des pitbulls comme d'une arme pourront, le jour où ils n'auront plus de pitbulls, utiliser d'autres races. On risque petit à petit de voir disparaître du territoire national les bergers allemands, les beaucerons ou les rottweilers qui sont les meilleurs amis de l'homme depuis longtemps.

M. Pierre Cardo.

On y viendra. Le berger allemand peut devenir un chien d'attaque. Il faut six mois.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Et les caniches ?

M. André Angot.

Je déplore d'ailleurs que les deux premiers articles du projet, des articles sur la répression animale, aient masqué les quinze articles suivants, articles sur la protection animale.

En revanche, je salue, monsieur le ministre, l'ajout de l'article 19 bis . C'est une justice que nous devions rendre aux étudiants qui, cette année, avaient passé le concours vétérinaire dans des conditions calamiteuses. Je vous rappelle que, de juillet 1997 à août 1998, neuf arrêtés successifs du ministre de l'agriculture d'alors, M. Le Pensec, sont venus modifier les règles du concours, les quotas par catégorie et le nombre d'admis dans les écoles sans compter trois communiqués de presse portant sur des dispositions nouvelles.

Nous avions le devoir moral de réparer les injustices de l'administration. Vous avez eu le courage, monsieur le ministre, de faire ce que votre prédécesseur a toujours refusé d'entreprendre. Nous avons obtenu une avancée entre la discussion d'il y a quinze jours et celle d'aujourd'hui. J'étais, vous le savez, favorable à ce que l'entrée dans les écoles vétérinaires s'effectue sur deux années au lieu de trois. Je salue votre sens de la clairvoyance.

M. François Goulard.

Restons dans le relatif.

(Sourires.)

M. André Angot.

Vous avez rendu justice à des élèves injustement lésés. Vous avez dû user de toute votre influence auprès de l'administration et des écoles vétérinaires pour accélérer leur entrée dans les écoles.

Je ne voterai pas contre votre texte, monsieur le ministre. Certains de ses articles me conviennent parfaitement, d'autres moins. C'est pourquoi je m'abstiendrai.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du dernier texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par l'amendement qui vient d'être adopté.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT